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Full text of "Répertoire universel et raisonné de jurisprudence civile, criminelle, canonique et bénéficiale : ouvrage de plusieurs jurisconsultes v.13"

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RÉPERTOIRE 

UNIFERSE    LET  RAISONNÉ 

DE  JURISPRUDENCE 

CIVILE,  CRIMINELLE, 

CANONIQUE    ET    BÊNÉFICIALE; 

OUVRAGE   DE    PLUSIEURS    JURISCONSULTES: 

Mis    en  ordre  &  publié  par  M.  GuYOT,  écuyer,  ancien 

magiftrat. 

Nouvelle  édition  corrigée ,  &  augmentée  tant  des  lois  nouvelles  que  des  arrêts 
rendus  en  matière  importante  par  les  parlemens  &  les  autres  cours  du 
royaume  ,  depuis  l'édition  précédente* 


TOME     TREIZIÈME. 


A    PARIS, 

Chez  VISSE,  Libraire  ,  rue  de  la  Harpe,  près  de  la  rue  Serpente, 
Et  chez  les  principaux  Libraires  des  provinces  de  France. 


M.   DCC.    LXXXIV. 

Avec  approbation  &  privilège  du  Roi, 


BlBUOJUiCA 


LISTE    ALPHABÉTIQUE 

Des  Jurîfconfuhes  qui  ont  coopéré  avec  t Editeur  à  la  compofition 

de  cet  ouvrage. 

Messieurs, 


.ssELiN  ,  avocat  en  parlement. 
Bekthelot  ,  dofteur  en  droit  ,  agrégé  de 
la  faculté  ^^^  droits  de  Paris ,  &  cenfeur 
royal. 
Bertholio  .(  l'abbé),  avocat  au  parlement 

de  Paris. 
Boucher  d'Argis  ,  avocat  au  parlement  de 
Paris ,  &  confeiller  au  conîeil  fouverain 
de  Bouillon. 
Boucher  d'Argis  ,  confeiller  au  chatek-t  de 
Paris,  de  l'académie  royale  des  £ciences , 
belles-lettres  &  arts  de  Rouen,  5cc. 
BoTSsou  ,  avocat  au  parlement  de  Paris. 
BuGNiATRE  ,  avocat  en  parlement. 
Dareau,  avocat  en  parlement,  de  la  fociéré 

littéraire  de  Clermont-Ferrand. 
De  Corail  de  Sainte  Foi,  avocat  au  par- 
lement de  Touloufe. 
De  la  Croix,  avocat  au  parlement  de  Paris. 
De  Mirbeck,  avocat  aux  confeils  ,  ôc  fecré- 
taire   du  roi  y  maifon   &    couronne   de 
France. 
De  Polverel,  avocat  au  parlement  de  Paris. 
De  Rogéville,  confeiller  au  parlement  de 

Nancy. 
Desessarts  ,  avocat  &:  membre  de  plufieurs 

académies. 
De  Vozelle  ,  avocat  au  parlement.de  Paris. 
Du  Caurroi  de  la  Croix  ,  lieutenant- 
général  du  bailliage  d'Eu. 
Elie   de   Beaumont,  avocat  au  parlement 
de  Paris ,  &  intendant  des  finances  de 
monfeigncur  Comte  d'Artois,  frère  du 
roi. 
François    de    Neufchateau  ,  dodeur  en 
droit,  procureur-général  du  roi  au  confeiï 
fûuverain  du  Cap-François,  des  académies 
de  Dijon,  Lyon,  Marfeille,  Nancy ,  &:c. 
Garât  ,  avocat  au  parlement  de  Paris» 


Garran  de  Coulon,  avocat  au  parlemenî 

de  Paris. 
Gilbert  de  Marette-,  avocat  au  parlement 

de  Bretagne. 
Guenard  de  Lisle  ,  confeiller  au  bailliage 
&  fiège  préiidial  de  Chaumonr  en  Balligny. 
HtNRioN  DE  Pensey,  avocat  au  parlement 

de  Paris. 
Henrion   de  Saint  -  Amand  ,  avocat  aux 

confeils  du  roi. 
Henriquez  ,  avocat  &  procureur -fifcal  de 
S.  A.  S.  monfeigneur  le  prince  de  Condé, 
à  Dun. 
Henry,  avocat  au  parlement  de  Paris. 
Lacretelle  ,  avocat  au  parlement  de  Paris. 
I  Laforet,  avocat  au  parlement  de  Paris. 
Lambert,  avocat  &  {ecrécaire  des  commarf- 
demens  de  S.  A.  S.  monfeigneur  le  prince 
de  Condé, 
Lanjuinais  ,  avocat  8c   dodeur  régent  en 

droit  des  facultés  de  Rennes. 
Laubri  (l'abbé),  avocat  au  parlement  de 

P-aris . 
Lhuillier  ,  avocat  en  parlement. 
AIerein^  avocat  an  parlement  de  Flandres  , 
&  fecrétaire  du  roi  ,  maifon  &:  couronne 
de  France. 
Minier,  avocat  au  parlement  de  Paris. 
M^ONTiGNY,  avocat  au  parlement  de  Paris. 
'MouRot  _,  avocat  &   profefleur   du   droit 

françcis  dans  l'univerfité  de  Pau. 
Piales  ,  avocat  au  parlement  de  Paris. 
REMY'(rabbé),  avocat  au  parlement  de  Paris. 
RouBAUD,  avocat  en  parlement. 
Sanson  Duperron  ,  Hvocat  aux  confeils  d* 
'-'  .roh 

Seur  ,  avocat  au  parlement  de  Bordenux. 
Treilhard  ,  avocat  au  parlement  de  Parîs^ 
Tauchon,  avocat  au  parlement  de  Paris» 


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RÉPERTOIRE 

UNIFERSE  L   ET  RAISONNÉ 

DE  JURISPRUDENCE 

CIVILE,  CRIMINEL  LE, 

C  A  N  O  N  I  Q  U  E    E  T   B  É  N  É  F  I  CI  A  L  E. 


PATURAGE. 

r  ATURAGE.  C'eft  ce  qui  fert  à  nourrir  les 
beftiaux. 

Les  règles  à  obferver  pour  l'exercice  du  droit  de 
Pâturage  dans  les  forêts  du  roi ,  font  déterminées 
pr  le  titre  19  de  l'ordonnance  des  eaux  &  forêts 
du  mois  d'août  1669. 

Suivant  l'article  premier,  il  n'y  a  que  les  com- 
munautés ou  habitans  dénommés  dans  l'état  arrêté 
au  confeil ,  qui  puiffent  envoyer  leurs  beftiaux 
pâturer  dans  les  forêts  du  roi ,  &  ceux  à  qui  ce  droit 
eft  accordé  ne  peuvent  en  ufer  que  dans  les  endroits 
que  les  officiers  des  eaux  &  forêts  ont  déclarés  dé- 
fenfahles.  Ces  endroits  font  ceux  où  le  bois  eft 
affez  fort  pour  que  le  bétail  ne  puifle  pas  l'endom- 
mager. 

L'ordonnance  n'a  point  fixé  le  temps  auquel  les 
taillis  doivent  être  déclarés  défenfables.  Cela  dé- 
pend tout  à  la  fois  de  la  nature  du  fol  &  de  l'efpèce 
des  bois  qui  y  croiffent.  Un  règlement  de  la  raaî- 
trife  des  eaux  &  forêts  d'Orléans  du  20  janvier 
1720,  a  fixé  ce  temps  à  cinq  ans  pour  les  bêtes  au- 


PATURAGE. 

mailles ,  &  à  trois  ans  pour  les  chevaux. 

Le  même  règlement  a  défendu  aux  habîtans  qui 
ont  droit  de  Pâturage  dans  la  forêt  d'Orléans ,  d'en- 
voyer paître  leurs  beftiaux  dans  les  endroits  incen- 
diés depuis  dix  ans. 

Les  habitans  ,  qui  ont  droit  de  Pâturage,  doivent 
déclarer  le  nombre  des  beftiaux  qu'ils  pofledent,  & 
cette  déclaration  doit  être  enregiftrée  au  grtffe  de 
la  maîtrife.  C'eft  ce  qui  refaite  de  l'article  2  du  titre 
cité. 

L'article  3  veut  que  les  ofRcicrs  affignent  à  cha- 
que communauté  ufagère  une  contrée  particulière," 
la  plus  commode  qu'il  foit  pofiible,  où  les  beftiaux 
de  cette  communauté  puiffent  être  menés  &.  gardés 
fé parement,  fans  mélange  d'autres  troupeaux.  Cette 
loi  doit  être  exécutée  fous  peine  de  confifcation  des 
beftiaux ,  &  d'amende  arbitraire  contre  les  pâtres 
contrevenans,  8c  de  privation  de  leurs  charges  con- 
tre les  officiers  ou  gardes  qui  viendroient  à  per- 
mettre le  contraire.  Il  eft  d'ailleurs  défendu  aux 
officiers ,  fous  peine  de  concuflion ,  de  percevoir 

Aij 


4  PATURAGE. 

aucun  droit  pour  les  permiffions  relatives  à  l'exer- 
cice du  droit  de  Pâturage. 

La  déclaration  des  contrées  dont  on  vient  de 
parler ,  &  de  la  liberté  d'y  envoyer  paître  le  bétail , 
doit,  fuivant  l'article  4 ,  être  publiée  aux  prônes 
des  me/Tes  des  paroifTes  ufagères,  l'un  des  diman- 
ches du  mois  de  février  de  chaque  anné  ,  à  la  dili- 
gence du  procureur  du  roi  (i)  ;  &  il  doit  en  même- 
temps  être  fa:itdéfenfe  aux  ufagers  d'envoyer  leurs 
beftiaux  paître  en  d'autres  lieux,  à  peine  confifca- 
tion  &  de  privation  de  leurs  ufages. 

Le  droit  de  Pâturage  ne  peut  être  exercé  que  par 
les  pofl'efTeurs  des  fiels  &  maifons  défignés  dans  les 
états  drefles  par  les  commiffaires  réformateurs  ou 
les  grands  maîtres  des  eaux  &  forêts ,  &  confor- 
mément à  ce  que  ces  ofHciers  ont  réglé  pour  le 
nombre  des  beftiaux  ,  eu  égard  à  la  pofîibilité  des 
forêts.  C'eft  ce  qui  résulte  de  l'article  5. 

»  Tous  les  beftiaux ,  porte  V article  6 ,  appartenans 
M  aux  ufagers  d'une  même  paroifte  ou  hameau 
»  ayant  droit  d'ufage,  feront  marqués  d'une  même 
3>  marque,  dont  l'empreinte  fera  mife  au  greffe, 
»  avant  que  de  les  pouvoir  envoyer  au  Pâturage, 
5>  &  chacun  jour  aflemblés  en  un  lieu  qui  fera 
j»  deftiné  pour  chacun  bourg ,  village  ou  hameau  , 
j)  en  un  feul  troupeau,  &  conduit  par  un  feul 
5>  cKemih,  qui  fera  déïïgrié  par  les  officiers  de  la 
n  maîtrife,  le  plus  commode  &  le  mieux  défendu, 
9*  fans  qu'il  foit  permis  de  changer  &  prendre  une 
t>  autre  route  en  allant  &  retournant,  à  peine  de 
D>  confifcation  des  beftiaux ,  amende  arbitraire  con- 
j)  tre.les  propriétaires  des  beftiaux,  &  de  punition 
»  exemplaire  contre  les  pâtres  &  gardes  ». 

L'article  7  veut  que  les  particuliers  mettent  au 
cou  de  leurs  beftiaux  des  clochettes  dont  le  fon 
puiffe  avertir  des  lieux  où  ils  font,  afin  qu'en  cas 
de  dégât  les  pâtres  y  courent,  &  que  les  gardes  fe 
faifiirent  des  bêtes  trouvées  en  dommage  hors  des 
cantons  défignés  &  déclarés  défenfables» 

Aucun  habitant  ne  peut  mener  fes  beftiaux  à 
garde  féparée ,  ni  les  envoyer  dans  la  forêt  par  fa 
femme  ,  fcs  enfans  ou  fes  domeftiques,  à  peine  de 
dix  livres  d'amende  pour  la  première  contraven- 
tion ,  de  confifcation  pour  la  féconde ,  &  de  pri- 
vation du  droit  de  Pâturage  pour  la  troifiéme  :  cette 
règle  doit  être  obfervée  par  toutes  fortes  de  per- 
fonnes  indiftinftement,  même  par  les  feigneurs 
eccléfiaftiques  &  les  gentilshommes  qui  jouift^ent  du 
droit  dont  il  s'agit,  comme habitans,  nonobftant  les 
droits  de  troupeau  à  part ,  &•  toute  coutume  ou 


f  (i)  Cette  formalité  n'eft  plus  néceffaire  depuis  l'cdit  du 
mois  d'avtil  ti$^  ,  &  la  déclaration  du  16  déceiTibre  1598. 
Ces  lois  ont  établi  que  les  tarés  ou  leurs  vicaires ,  &  les  au- 
tres ecclclîaftiaues,  ne  feroient  plus  obligés  de  pablier  au 
prône,  ni  pendant  le  fervice  divin,  les  ades  de  julHcc  Ar 
autres  qui  concernent  les  affaires  du  roi  ou  l'intérêt  particu- 
lier de  ies  fujetî:  ainlî  les  publications  faites  par  les  hui/îîers 
ou  fergens,  font  aujourd'hui  fuftîfantes,  &  tiennent  lieu  de 

celles  ^ui  dçYQicat  pûcéden^ueat  fe  fai(G  i>\X7i  prônct^ 


PATURAGE. 

pofl*e/non  contraire.  Telles  font  les  difpofitions  de 
l'article  8. 

Les  pâtres  &  gardes  doivent  être  choifis  &  nom- 
més annuellement  à  la  diligence  des  procureurs 
d'office  ou  fyndics  de  chaque  paroifte,  par  les  ha- 
bitans aflemblés  en  préfence  du  juge  des  lieux  ,  qui 
doit  en  délivrer  afte  fans  frais,  ou  en  préfence 
d'un  notaire.  Cela  eft  ainfi  réglé  par  l'anlcle  9  ,  qui 
déclare ,  en  outre  ,  la  communauté  refponfabie  des 
pâtres  qu'elle  a  choifis. 

Un  particulier  ufager  ne  peut  prêter  ni  fon  nom 
ni  fa  maifon  aux  habitans  des  paroififes  voifines , 
pour  y  retirer  leurs  beftiaux  ;  &,  dans  le  cas  de 
contravention  à  cette  défenfe,  les  beftiaux  doivent 
être  confifqués ,  &  l'ufager  condamné  à  une  amende 
de  cinquanrc  livres  pour  la  première  fois,  &  privé 
de  fon  droit  de  Pâturage  en  cas  de  récidive.  C'eft  ce 
qui  réûdte  de  l'article  10. 

L'article  1 1  défend  à  toutes  fortes  de  perfonnes- 
d'envoyer  leurs  beftiaux  en  Pâturage,  fous  prétexte 
de  baux  ou  congés  des  officiers  receveurs  ou  fu- 
miers du  domaijie,  même  des  engagiftes  ou  um- 
fruitiers,  à  peine  de  confifcation  des  beftiaux  trou- 
vés en  Pâturage  ,  &  de  cent  livres  d'amende. 

11  eft  pareillement  défendu  par  l'article  13,3  tout 
ufager  de  mener  ou  envoyer  paître  dans  les  forets, 
ni  même  dans  le  voifinage,  aucune  chèvre  ou  bête 
à  laine ,  à  peine  de  confilcation  de  ces  bêtes  ,  &  de 
tiois  livres  d'amende  pour  chacune.  Les  bergers  ou 
gardes  de  ces  fortes  de  bêtes ,  doivent ,  d'ailleurs  , 
être  condamnés  à  dix  livres  d'amende  pour  la  pre- 
mière fois,  &  à  être  fouettés  &  bannis  du  refiort 
de  la  maîtrife ,  en  cas  de  récidive.  Les  propriétaires 
des  beftiaux  font  déclarés  refponfables  civilement 
des  condamnations  prononcées  contre  les  bergers. 

Ces  difpofitions  rigoureufes  font  fondées  fur  ce 
que  les  animaux  ,  dont  il  s'agit ,  caufent  aux  bois  un 
dommage  certain. 

Suivant  l'article  1 4 ,  les  habitans  des  maifons  ufa- 
gères ne  doiv^ent  jouir  du  droit  de  Pâturage  que 
pour  les  beftiaux  qu'ils  ont  nourris,  &  non  pour 
ceux  dont  ils  font  trafic  &  commerce  ,  à  peine 
d'amende  Se  de  confifcation  (1). 

(l  )  Le*  ahus  qui  sàoitnt  in:riitiits  rtLniviment  d  rexerckt 
des  droits  de  Pâturege  ,  fanait,  ù'c.  en  di'Jirtn'es  mcîirif.s  du 
défârtemtnx  de  Paris  ,  ey*at  excité  le  ^èle  dts  procureurs  du 
roi  de  ces  mahrifes  ,  le  grand  mahre  dfs  eaux  &  forêts  de  et 
département  rendit  fur  leur  réquifition  ,  /e  }o  mars  i7iS  ,  une 
ordonnance  générale  guil  importe  de  faire  connoître  ,  attendu 
quelle  peutferiiir  de  modèle  pour  en  rendre  de  pareilles  dans 
les  autres  déparremens ,  autunt  que  les  cirronjtaaces-  locales 
peuvent  le  permettre.  Elle  contient  les  vingt-huit  articles  Juivâns,. 

Article  i.  Nous,  ayant  égard  à  la  remontrance  &:  ré- 
quifition  deldifs  procureurs  da  roi,  ordonnons  que  les  or- 
donnances &:  réglemens  concernant  les  droits  de  Pâturages, 
panages  &  glandées  ,  feront  exécutées  fclon  leur  forme  & 
teneui  .■&  en  conféquence  ,  avons  fait  ic  faifons  inhibitions 
Se  défcnfes  à  tous  feigneurs  particuirers  &:  comnunautts  ,  tanr 
eccléfiaftiques  que  laïcs  ,  dont  les  droits  de  Pâturages,  pana- 
ges &:  glandées  ont  été  liquidés  en  argent,  &  à-  tous  autres  ^ 
de  quelque  qualité  &  condition  qu'ils  foienc,  qui  n'ont  au- 
cun droit  4'ufagc  ,  d'envoyer  paîtie  aucuns  bclliaux  daaj 


PATURAGE. 

Obfervez  que  la  prohibition  portée  par  cet  arti- 
cle ,  ne  s  étend  pas  aux  bertiaux  qu  un  ufager  tient 

I  ■■       '      ■iiiili""'    il  T        mil- 

les  toièts,  bois  &  buiflbns  du  toi,  même  dans  ceux  tenus 
•at  indivis,  ufufruit,  apanage  &  engagement,  à  peine  de 
pcite  de  ieuis  droits  ,  couhlcacion  deidits  belliaux  ,  &  d'a- 
mende arùiitaiie  pour  la  première  fois ,  &  de  plus  grande 
jtn  cas  de  récidive. 

a.  Ordonnons  que  les  héritiers  d'une  maifon  ufagère  ne 
poutTOtvc  jouir  que  d'un  feul  dtoit  d'ufage  ,  à  l'effet  de  quoi 
Jedit  ulage  lera  loti  entr'eux,  comme  bon  leur  femblera,  dont 
fera  mis  aite  au  greife  de  la  maîtrife ,  à  peine  de  perte  dudit 
droit  &  d'amende  arbitraire. 

3.  tairons  dofcnfes  à  tous  ceux  qui  ont  droit  de  Pâtu- 
rages dans  Icfdites  forces  ,  bois  Se  buillons  ,  d'y  envoyer  paî- 
«re  aucuns  beftiaux  ,  qu'après  avoir  obtenu  notre  ordonnance 
fur  l'avis  des  ofticiers  des  maitriles ,  portant  dclignation  de 
cantons  dcfenlables  ,  qui  ne  pourront  être  au  -  deflous  de 
l'âge  de  fept  ans  dans  les  taillis,  &:  de  vingt  cinq  dans  les 
revenus  de  t'utaye. 

4.  Ordonnons  qu'en  exécution  des  ordonnances  qui  fe- 
ront par  nous  annuellement  rendues  fur  l'avis  des  officiers  , 
leldits  orHciers  feront  tenus  d'alligner  à  chajue  paroille,  ha- 
meau ,  village  ou  coaimunautc  ufagère  ,  une  contrée  parti- 
culière, la  plus  commode  qu'il  fe  pourra,  en  laquell^ç  ,  es 
Jieux  dcfenlables  feulement,  lel'dits  ufagers  pourront  en- 
voyer paùre  levrs  belliaux ,  qui  feront  gardes  fcparèment  , 
fans  mélanges  de  ceux  des  autres  ula:gets ,  à  peine  de  confif- 
cation  &  d  amende  arbitraire  comre  les  pâtres  ,  &:  d'interdic- 
tion contre  les  oHîciers  &  gardes  qui  perinettroicnt  ou  fùL;f- 
friroient  le  contraire ,  &:  feront  totjtes  les  délivrances  faites 
fans  frais  ni  droits ,  à  peine  de  concuHion. 

5.  Ordonnons  pareillement  que  la  d.livrance  des  contrîes 
&  de  la  liberté  d'y  envoyer  en  Pâturage  ,  fera  publiée  au 
prône  des  melles  des  paroifTes  des  lieux  ufagers,  l'un  des 
dimanches  du  moi*  de  f.:vrier  de  chaque  année,  ou  à  l'illiie 
defdites  melTes,  par  le  fergent  à  garde,  à  la  diligence  du 
procureur  du  roi;  &  fera  le  certificat  du  curé,  ou  proccs- 
verbal  du  fergent  à  garde  ,  mis  &  regiftré  au  gietie  de  la 
maîttife  ,  à  la  même  diligence,  fans  frais  ni  dioits. 

6.  Faifons  défeiifes  a  tous  ufagers  d'envoyer  p»itre  leurs 
belliaux  en  d'autres  cantons  ou  triages  defdites  forêts  &:  buil- 
fons ,  à  peine  de  contîfcation  &:  d'amende  arbitraire,  même 
de  privation  de  leurs  ufages  en  cas  de  recrdive. 

7.  Enjoignons  à  tct>s  lefdits  ufagers  de  comparoir  aux  af- 
fifes  de  la  maîtrife  de  leur  reflort  ,  par  leurs  l'yndics  ou  mar- 
guiLiers  ,  pour  y  entendre  la  leèlute  des  téglemens  qui  les 
concernent,  &:  donner  aux  officiers  nouvelles  déclarations 
des  habitans  par  Icfquels  les  niaifons  ufageres  feront  polie- 
dées,  les  changemens  lurvenus  en  icelles,  bien  &:  dûment 
certifiés  &  lignés  pat  les  curés ,  Officiers  ôc  principaux  habi- 
tans defdirs  lieux  ,  comme  aulfi  la  déclaration  des  belliaux  de 
chacun  ufager  ,  à  peine  ,  faure  de  ladite  comparution  ,  de 
dix  livres  d'amende  contre  chacun  deldirs  lyndics  ou  niar 
guilliers,  ou  folidaircmenc  avec  lefdits  ufagers,  &  feront 
Jefdits  marguillicts  réajournés  &  pouifmvis  juli^u'à  ce  qu'ils 
aient  fatisfait, 

8.  Faifons  défenfes  aux  officiers  defdites  maîrrifes  d'em- 
ployer ni  fouffrir  qu'il  foit  employé  dans  les  rôles  des  ufa- 
gers,  les  noms  d'aucuns  des  d-failians  auxdites  affi  es  ,  ni 
aufli  aucuns  de  ceux  qui  fc  trouveront  avoir  été  condamnés 
auxdites  amendes ,  ou  autres,  pour  délits  commis  dans  lel- 
Jits  bcis,  &c  y  mettre  aucuns  belliaux  au  Pâturage,  qu'au 
préalableil  ne  leus  foit  apparu  du  payement  defdites  amen- 
des, à  peine  par  lefdits  officiers  &  fergens  à  garde  d'en  ré- 
pondre en  leurs  noms. 

5»  Ordonnons  que  fi  aucuns  ufagers  &  fermiers  des  fer- 
mes ufagèrcs ,  condamnés  en  des  amendes  non  payées,  fe 
trouvent  avoir  été  employés  fur  lefdits  rôles,  &:  leurs  bef- 
tiaux mis  en  Pâturage  pour  la  préf'tnte  année,  leurs  noms, 
^autc  de  fayeiucm  ^  f«oi«  rayéi  defdi;s  jôles   vais  jouis  j. 


PATURAGE.  ç 

à  cheptel.  Le  parlement  l'a  ainfj  jugé  par  deux  arrêts 
des  24  juillet  1028  &  T}  juin.  1722. 

—'~"-~ . — —  ...  .  > 

aprcs  un  limple  commandement  de  payer  leurs  condamna- 
tions d'amende  ,  &:  qu'à  ia  requête  du  procureur  du  roi  il 
fera  inceflamment  ,  par  le  fergent  colleèleur,  procédé  à  la 
faifie&  vente  de  leurs  vaches  &  de  leurs  luivans,  jufqu'à  con- 
currence des  fommes  contre  eux  prononcées  ,  à:  des  frais  qui 
ie  trouveront  avoir  étc  faits  pour  y  parvenir,  Icfquelles  va- 
ches le  pâtre  fera  tenu  ,  &  par  corps  ,  de  repréfentér,  fan» 
qu'il  foit  bcfoin  d'autre  jugement ,  à  peine  contre  lefdit» 
oflicies  &  fcrgeni-colieaeur  ,  d'en  répondre  en  leurs  noms  , 
&  contre  ledit  pâtre,  de  trente  livres  d'amende,  &:  dépa- 
reille lommc  de  trente  livres  par  l'évalution  de  chacune; 
deldites  vaches  non  repréfentées  ,  defqueiles  fommes  les  ha- 
bitans demeureront  loiidaireraent  refponfables. 

10.  Permettons  aux  pauvras  habitans  ufagers,  de  prendre 
à  moitié  ou  à  louage  des  autres  ufagers ,  &  non  d'autres  , 
jufques  au  nombre  de  deux  vaches  &:  deux  fuivans  de  deux 
ans ,  pour  être  mifes  avec  les  autres  au  Pâturage. 

11.  Faifons  dtfenfes  à  tous  proptiétaires  de  bediaux  d'en 
louer,  donnera  moitié,  ou  vendre  à  crédit  à  aucuns  defdits 
pauvres  ufagers ,  qu'au  préalatle  ils  aient  pris  des  certilîcafs 
qui  leur  feront  délivrés  fans  frais  pat  les  lergenscollecleurs  , 
qu'il  ne  leur  fera  dû  aucune  amende  par  l€f<iits  ufagers ,  à 
peine  contre  lefdits  proptréiaires  rfe  belliaux,  de  payer  e» 
leurs  noms  les  amendes  auxquelles  leldir»  pauvies  ufagers 
fe  trouveront  avoir  été  condamnés  ay  jour  deidits  marchés 
ou  amodiation, 

II.  Pour  sûreté  defdites  amendes,  les  belliaux  qm  z\t- 
roni  été  ainii  amodiés  ou  vendus,  feiont  failis  à  la  requête 
du  procureur  du  i©i,  &  ,  faute  de  p.iyement  dans  les  trois 
jours  aptes  la  lignificarion  faite  de  ladite  failje  aux  proprié- 
taires ,  ils  feront  vendus  en  la  forme  ordinaire  par  le  fergcnt- 
collec-tcur  au  plus  prochain  jour  de  marché  ,  &  le  prix  en 
provenant ,  employé  au  payement  d'ice'.les  amendes  Ôc  des 
trais  ,  fi  tant  f«  montent  ,  finon  l'excédent  relliaié  audit 
propriétaire  ;  laquelle  veifte  fera  faite  nonobftaiit  toutet 
apportions  ,  revendications  &  faifies  quelconques  ,  m-mc 
de  la  part  de  ceux  qui  auroient  prêté  leurs  deniers  pour 
le»  acqifL-rir. 

I}.  Les  propriétaires  feulement  des  maifons  ufa^ères  pour- 
lont  jouir  defdits  ufages  &  Pâturages,  à  raifon  d'un  fe.il 
iiiager  &  d'un  feul  feu  pour  chaque  mailbn  ,  fans  que  les 
cù  propriétaires  ou  locataires  d'icclles  puiflent  u fer  d'aucun» 
Je  ces  droits,  ni,  fous  ce  prétexte,  envoyer  leurs  befliaujc 
dans  lefdites  forêts  :  faifons  dcfenfcs  auxdits  ofliciers  de  le 
loutirir  ,  ni  même  que  leurs  noms  foient  employés  dans  les 
rokh  des  ufagers  pour  lefdits  Pâturages ,  à  peine  contre  lef- 
dits locataires  &c  co-propriétaires ,  de  conlifcaiion  &  de  trente 
livres  d'amende,  &  contre  les  officiers  de  la  maîtrife,  d'a- 
mende arbitraire. 

I+.  Fail'oas  pareillement  défenfes  à  tous  lefdits  u^a'-er» 
loit  qu'ils  loienc  prcpriétaires  de  fiefs,  fermes  ,  ou  de°plu^ 
iieurs  maifons  ,  d'envoyer  paître  plus  de  deux  vaches  &  lerirr 
lurvans  de  deux  ans  pour  chacun  u(iger,  avec  un  tauieajj 
pour  toute  la  paroiflc  ou-  hameau,  fans  aucuns  chevaux 
l'Oulins,  moutons,  brebis  ni  chèvres-,  à  peine  dé  confifca-^ 
uon  &  d'amende  arbitraire  pour  la  première  fois  ;  &:  en  cas 
de  récidive  ,  de  perte  de  leur  droit  d'ufage  ,  cent  livres  d'a- 
mende, &  d'être  refponfables  des  abrouciflemens, 

15.  Ordonnons  que  les  gardes  ou  pâtres  feront  choifîs  ic 
nommés  annuellement  à  la  diligence  du  procu^ret»?  d'offi« 
fyadic  ou  marguillier  de  chacune  paroi (îè,  ou  principal  h»^ 
bitant  d'un  hameau,  &  par  les  habitans  aflemblés  en  pré- 
fcnce  du-  juge  des  lieux  ,  qui  en  délivrera  atte  fans  frais 
ou  du  notaire,  ou  tabellion.  Se  que  la  communauté  ferï 
dans  ledit  afte  fa  foumiflion  de  Jcineurer  folidairenieut  ref- 
ponfable  de  eelui  qu'ell-e  aura  clioilî ,  dom  fera  mis  une  expé- 
Jirion  au  gietîé  de  la  maîtrife,  &  ferment  ptêœ  par  îeldir» 
gâucs  avant  (^ij*  lefdits  bcftiaus  entrent  dans  i'ç^itcs  forèw 


6  PATURAGE. 

Ce  que  nous  avons  dit  jufqirà  prtfent  ne  s'ap- 
plique qu'à  l'exercice  du  droit  de  Pâturage  dans  les 

&  buiffons ,  à  peine  de  cinquante  livre;  iraa!en4e  foliiaire- 
mcnt  contre  leidits  ha'oitans, 

i6.  Tous  les  bellia'jx  de  chaque  paroilTe  ou  vilJjge  fe- 
ront gatdils  par  un  l'eul  pitre  ,  qui  ne  poiiira  Jes  con.iuire 
dans  leliiites  forets  &  buidons  ,  qu'apics  qu'iJs  auront  ct^ 
marqués  d'une  marque  Jifferenie  pour  chacun  dcrditi  villa - 
:gss  ;  que  lenipreinte  en  aura  étc  mile  au  grefte  de  la  inai 
«life  ,  £<.  qu'ils  en  auront  pris  le  cettihcat  du  gtei+ier  ,  &: 
îcelui  reprijleiitij  au  garJc  du  canton  ,  à  peine  de  confif 
cation  &  d  amende  arbicrairc  contre  Icldits  patres  pour  li 
premiè.e  fois,  &  de  punition  coiporellc  pour  la  l'econde. 

I7.  Lcl'diiJ  befiiaux  feront  aficmblcs,  en  chacun  village 
ou  hameau  ,  en  un  même  lieu  ,  &  conduits  chaqae  jour  en 
ïroupeaux  ,  par  un  feul  chemin  qui  fera  dcligné  par  les 
o.-iîciers  de  la  maîirife,  fans  qu'il  puillc  ctie  changé  ni  en 
ctie  pris  un  autre  ,  foi:  pour  aller  ou  revenir.  Comme  auiL 
failbns  défcnfes  démarquer  d'autres  &:  plus  grand  nombre 
<ie  bcfriaux  que  ceux  qui  auront  été  employas  dans  les 
rôles  ;  ôc  à  cet  effet ,  enjoignons  aux  gardes  d'en  pieuJce 
le  compte  de  huitaine  en  huitaine  par  r^coiementj  &  d'en 
faire  mention  fur  leurs  regiflres,  le  tout  à  peine  de  con- 
±;fc3tion  des  beitiaux  ,  amende  arbitraire  contre  les  pro- 
priétaires ,  ic  de  punition  exemplaire  contre  les  pàues  Se 
gardes. 

iS.  Enjoignons  à  tous  lefdits  ufager»  de  mettre  au  cou  de 
Jeurs  beiiiaux  des  fonncttcs  ,  dont  le  foîi  puiilc  avertir  du 
lieu  où  ils  pourront  échapper  U  faite  dég.it,  afin  que  les 
ya  leurs  y  courent ,  &  que  les  gardes  fe  faifident  des  bètti 
■écartées  fic  trouvées  en  dommage  hors  les  cantons  délignéi 
iSc  publics  défenfables ,  à  peine ,  contre  leiJits  ufigtrs  ,  de 
•ïrcis  livres  d'amende  pour  chacune  b.ce,  &:  ce  plus  grande 
■en   cac  de  récidive. 

19.  Taifons  défcnfes  à  tous  lefdits  ufagers  de  mener  leurs 
l>ell;iaux  ,  i  garde  ùparce  ,  dans  les  forets  ,  bois  Se  buif 
Ions,  par  leurs  femmes,  entans  ou  dometriques,  à  peine 
de  dix  livres  d'amende  pour  la  ptemière  fois ,  confîfcation 
pour  li  féconde  ,  &  pour  la  t.ioiiicme  ,  de  privation  du  droit 
d'ufage. 

ao.  Faifons  dcfepfes  à  tous  particuliers  de  prêter  leurs 
noms  &  maifons  aux  marchands  des  villes  ,  bourgs  &  pa- 
roiflis  voiùncs ,  pour  y  re:irer  leurs  beiiiaux,  à  peine  de 
confilcaticm  defdits  beiiiaux  ,  Se  de  cinquante  livres  d'a- 
mende pour  la  première  fois  contre  Tufager,  &  de  demeurer  , 
*n  cas  de  récidive  ,  privé  de  tout  ufage. 

il.  Faifons  pareillement  défenfes  à  tous  lefdits  particu 
liers  d'envoyer  leurs  beiiiaux  en  Pàtjrage,  fous  prétexÉfe  de 
baux  ou  congés  d'aucun*  o*^icicrs  ,  seceveurs  ou  fermiers  des 
domaines,  même  des  engagillcj,  propriétaires  pat  indivis, 
OH  ufuftuiiiers,  â  peine  de  con'ifcarioa  des  beitiaux  trouvés 
en  Pâturages  ,  &:  de  ceijt  livres  d'amende. 

11.  Ordonnons  qu'où  il  y  a  de  jeunes  ventes  de  fi.taye  ou 
de  taillis  le  long  des  toutes  ou  chemins,  où  les  belUrux 
palfenc  pour  aller  es  lieux  dsftinés  au  Pâturage,  lefdits  offi- 
ciers tiendront  la  main  à  ce  qu'il  fuit  fait  des  fofléj  fuffifam- 
jncnt  larges  &  profonds ,  ou  les  anciens  feront  enttetenns 
aux  dépens  defdits  ufjgers  par  contribution. 

aj.  Faifons  défenfes  aux  habirans  des  paroiffes  ufagèrcs  , 
îc|à  toutes  petfonnes  ayant  droit  de'panage  dans  les  ftsrcts  , 
bois  &  builions  du  roi  ,  &  en  ceux  des  ecclélialiqucs  ,  com- 
munautés &  particuliers ,  d'y  mener  ou  envoyer  bétes  à  laine 
ou  chèvres ,  ni  même  dans  les  lan Jes ,  bruyères ,  places  vaines 
&■  vjgues  ,  aux  rixes  defdites  forets,  bois  àr  buifTons  ,  à 
peine  de  contîfcaticn  des  befiiaux ,  &  de  tr«is  livres  d'amende 
tonne  les  propriétaires  pour  chacune  bète  ;  de  dix  livres 
contre  les  bergers  peur  la  première  fois  ,  qui  feront  fu il igés 
*<:  bannis  du  reifort  de  la  maîttife  en  cas  de  récidive  ;  &:  les 
maîtres  demeureront  civilement  reiponfablcs  de  leurs  ber- 
gers Si  dorueliiijues. 


PATURAGE. 

forets.  A  l'égard  du  droit  d'envoyer  paître  les  bef- 
tianx  dans  les  autres  lieux,  il  fe  régie  ordinaire- 
ment par  des  ufages  locaux.  11  y  a  ,  par  exemple  , 
des  communautés  où  les  habitans  ne  peuvent  jar 
mais  faire  paitre  Jeurs  bêtes  à  laine  dans  les  com- 
nmnaux ,  parce  qu'ils  font  uniquement  deHinés  au 
Pâturage  des  chevaux,  des  bœufs  &  des  vaches  : 
dans  d'autres  paroiffes,  les  bétes  à  laine  ne  peuvent 
paître  dans  les  communaux ,  que  depuis  la  faint 
Jean  jufqu'au  premier  mars. 

La  coutume  d'Amiens  interdit  le  Pâturage  dans 
les  prés  aux  bêtes  à  laine,  &  celle  de  Tours  le 
leur  permet. 

11  cft  défendu,  par- tout ,  de  mener  les  cochons 
paître  dans  les  vignes  Si  dans  les  prés  ;  on  ne  peut 
les  envoyer  que  dans  les  jachères  ik  dans  les  terres 
en  friche. 

Le  procureur  général  du  roi ,  au  parlement  de 
Paris ,  ayant  été  informé  qu'il  fe  commettoit  dans 
beaucoup  de  paroiffes  fituées  fous  le  reffort  de 
la  fénéchauffée  deSaumur,  des  délits  occafionnés 
par  la    multiplicité   des    moutons    &  brebis  que 


14.  Comme  auJii  i  tous  lefJitj  ufagers  de  mener  on  en- 
voyer en  P.itutage  d'autres  befiiaux  que  ceux  de  leur  nourri- 
ture ,  &  non  ceux  dont  ils  font  trafic  &  commerce,  à  peine 
d'amende  arbitraire  &  de  confîfcation. 

2ç.  Faifons  en  outre  défenfes  à  tous  lefdits  ufagers  de 
vendre  leurs  droits  d'ufage  féparément  de  leurs  maifons  ufa-, 
gères,  &  à  toutes  perfonnes  de  les  acheter,  ni  d'envoyer, 
fous  prétexte  de  plulieurs  acquifitions,  paître  plus  de  deux 
vaches  Se  leurs  fuivans  de  deux  ans  ,  à  peine  d'amende  arbi» 
tiaire.  Déclarons  nuls  tous  contrats  à  ce  contraires  ,  ii  aucuns 
ont  été  faits, 

2o.  Lefdiis  ufagers  fe  conformeront  au  furphis  à  tout  ce 
qui  efl  porté  pat  les  réglemens  généraux  de  rtformation  Se 
ordonnance  des  eaux  &  forêt  de  1639,  Se  feront  en  con- 
féquence  tenus  de  fe  pourvoir,  de  règne  en  régne  ,  pour  ob- 
tenir des  lettres  de  continuation  de  leurs  ufages  ;  leur  en,oir 
gnons  de  rapporter  lefdits  ufages,  fie  d'être,  en  cas  t'e  con- 
travention ,  pourfuivis  comme  délinquaas,  fuivant  la  rigueiu 
des  ordonnances. 

i/.  Enjoignons  pareillement  auxdits  officiers  &  gardes  de 
tenir  bon  ôc  hdcle  rcgillre  des  déclarations ,  pour  nous  les  re- 
piéfentèr  lors  de  nos  viiites  :  leur  faifons  défenfes  de  permet» 
tre  ni  fouffiir  autres  Pâturages  &:  panages  dans  lefdites  fo- 
rêts ,  bois  &:  builTons  ,  même  ceux  fixés  par  le:  volumes  de 
réformations  ,  fans  nouvelles  lettres  de  co»:îrmatiûn  ,  i  peine 
de  privation  de  leurs  charges  ,  Se  de  répondre  en  leurs  noms 
de  tous  les  abroutiflemens  &  délits  qui  fe  trouveront  avoir  été 
commis  par  lefdits  ufagers. 

x8.  Ordonnons  qu'.i  la  pourfuite  Se  diligence  de  chaque 
procureur  du  roi  ,  il  fera  inceflamment  informé  contre  les 
propriétaites  des  maifons  &  fermes  riveraines  derd'ccs  foiêrs, 
bois  &:  buiffons,  Se  leurs  fern.iiers  qui  ont  mis  Se  fait  mettre 
en  Pâturage  grand  nombre  de  btftiai.x  Se  tiré  terre  pour  tui- 
leries, marnes  ou  autres  contraventions,  pour  être  jugés  au 
fiége  de  chaque  maîtrifc,  fuivant  la  rigueur  des  ordonnan- 
ces ,  à  peine  ,  par  lefdits  procureurs  du  roi ,  d'en  répondre 
en  leiJts  noms.  Et  fera  notre  préfente  ordonnance  regi/frée 
es  greffes  defdites  maîtrifes,  lue,  publiée  Se  affichée  par- 
tout ou  befoin  fera,-  Se  icelle  exécutée  nonobftant  oppolî- 
tions  ou  appellations  quelconques  ,  &  fans  préjudice  d'i- 
celles.  IJonné  à  Paris  ,  en  notre  hôtel,  ce  30  mars  17 iS. 
Signé  Le  Fevre  de  LA  FAX.UÉRE.  Et  par  moudit  fcigneur, 
i.'lNS.rKUJSEUK, 


PATURAGE. 

beaucoup  d'habitans  envoyoient  pâturer  dans  h 
campagne  au-dfla  du  nombre   fixé    par  les  re^^^le- 
ïnens,fuivHnt  Iclquels  on  ne  peut  avoir,  par  ar- 
pent qu'une  bète  à  laine  &  fon  fuivant  ;  qu'on  me- 
noit  les  bétes  à  laine  dans  les  vignes  ou  dans  les 
bois;  que  d'autres  habitans  avoient  chez  eux  beau- 
coup' de  vaches  &  des  chevaux  qu'ils  envoyoient 
dans  la  campagne  à  la  pâture  fur  différens  héritages, 
quoiqu'ils  ne  diiii'ent  les  conduire  que  dans  les  en- 
droits oîi  il  y  a  des  communaux  ,  &  dans  les  vaines 
pâtures  ,  depuis  le  temp,  6ù  la  moiAon  eft  hite  , 
lulqu'au  temps  où  les  terres  font  enfemencées  ;  que 
d'autres  habitans  avoient  des  porcs  &  des  oies  qu'ils 
lailToient  vaguer,  foit  dans  les  prés  &  fainfoins,  ou 
dans  les  terres  enfemencées,  &c. 

Ce  magiftrat,  pour  faire  celfer  ces  abus,  a  pré- 
fenté  à  la  tour  une  requête  fur  laquelle  a  été  rendu , 
le  9  mai  1777  ,  un  arrêt  ainfi  conçu: 

»  La  cour  ordonne  que  les  habitans  des  paroiffes 
3)  fnuées  dans  l'étendue  du  relTort  delalcncchaudéc 
w  de  Saumur,  ne  pourront  avoir  qu'une  bête  à  laine 
»)  &  fon  fuivant  par  arpent  de  terre  labourable  , 
9>  leur  fait  défenfes  d'en  avoir  une  plus  grande 
»)  quantité ,  ce  à  tous  autres  habitans  qui  ne  font 
»  valoir  aucunes  terres,  d'en  envoyer  paître  dans 
«  la  campagne ,  fous  quelque  prétexte  que  ce  puiilc 
y>  être  ,  à  peine  contre  les  contrevenans  de  dix 
»>  livres  d'amende  ,  &  de  faifie  &  confifcation  des 
ï»  bêtes  à  laine  qui  fcroient  trouvées  dans  la  cam- 
»)  pagne  ;  fait  défenfes ,  fous  les  mêmes  peines ,  de 
»  mener  paître  lefdites  bêtes  à  laine  &  les  vaches  , 
r  chevaux  &  beftiaux,foit  dans  les  vignes,  foit 
»i  dans  les  bois  :  ordonne  que  ceux  qui  n'ont  au- 
j)  cune  pâture,  ne  pourront  conduire  leurs  che- 
»t  vaux  ,  vaches  &  beftiaux ,  paître  que  dans  les 
î»  communes  qui  peuvent  être  dans  les  paroifles  ou 
«  dans  les  vaines  pâtures  ,  dans  h  campagne ,  de- 
»  puis  que  la  moiffon  eft  faite  jnfqu'au  temps  cù 
»  les  terres  font  enfemencées  ;  fait  afifTi  défenfes 
»»  de  mener  paître  ,  foit  dans  les  prés  &  fainfoins  , 
»  ou  dans  les  vignes  &  terres  enfemencées  ,  à 
V  l'exception  des  fermiers  Se  propriétaires,  lorfque 
»»  la  récolte  &  les  vendanges  font  faites ,  les  porcs  , 
r>  oies  &    autres  bêtes  volatiles  ;  fait  défenfes  à 
5>  toutes  perfonnes ,  excepté  aux  propriétaires  & 
»>  fermiers,  d'aller  dans  les  blés  pour  y  arracher 
5>  des  herbes  lorfqu'ils  commencent  à  épier  ,  d'al- 
»>  1er  dans  les  vignes  ,  d'y  pratiquer  des  fentiers 
»  à  pied  &  à  cheval ,  d'y  laiHer  vaguer  Jein's  chiens  , 
»  ni  d'y   commettre  aucun  autre   délit  en  façon 
»  quelconque  ,  à  compter  du  premier  mai  de  cha- 
î)  que  année  ,  jufqu'après  la  vendange  faite  :  en- 
I)  joint  à  ceux  qui  font  commis  à  la  garde  des  bcf- 
•I  tiaux  ,  de  veiller  attentivement  à  ce  qu'il  ne  foit 
•♦  commis  aucuns  dommages,  foit  aux   arbres  Si. 
•»  haies  ,    foit  dans  les  terres  qui  font  enfemen- 
»»  cées  ,  le  tout  fous  peine  de  dix  livres  d'amende 
t>  contre  chacun  des  contrevenans ,  &  même  de 
f>  plus  grande  peine  fi  le  cas  y  échet  ;  de  laquelle 
»  amende  les  piîres  &  mères  à  l'égard  de  kur$  en- 


PATURAGE.  7 

»  fans  ,  Si  les  maîtres  &  maîtrcHes  à  l'égard  de 
1)  leurs  domeftiqucs  ,  feront  civilement  g.rans  & 
»  refponfables  ,  &  fauf  au  furplus  les   droits  Hc 
n  avions  de.  ceux  auxquels  il  auroit  pu  avoir  été 
n  fait  quelques  dommages  ;  fait  défenfes  à  toutes 
»  peribnnes  de  glaner  dans  les  champs  avant  que 
»  les  blés  aient  été  enlevés ,  ni  avant  le  lever  ni 
"  après  le  coucher  du  folcil ,  de  grapper  dans  les 
»  vignes  avant  que  la  vendange  ne  foit  faite,  fous 
»  peine  de  trois  livres  d'anencle  contre  chacun  des 
n  contrevenans  ,  &  de  plus  grande  peine  fuivant 
>»  l'exigence  des  cas  :  enjoint  aux  fyndics  des  pa- 
n   roiffes  &  aux  gardes-mciTicrs  ,  de  veiller,  cUa- 
M  cun  à  leur  égard  ,  à  ce  qu'il  ne  foit  contrevenu  à 
»  l'exécution  du  préfent  arrêt  ;  &  ,  en  cas  de  con- 
»  travention  ,  d'en  donner  avis  furie-champ  aux 
»  officiers  de  juftice  des  lieux  &  au  fubftitut  du 
»  procureur  général  du  roi  en  la  fénéchanûée    de 
«  Saumur  ,  pour  y  être  pourvu  ainfi  qu'il  appar- 
»  tiendra  :  enjoint  aux  officiers  de  la  fénéchaufféc 
»  de  Saumur ,  de  veiller  à  l'exécution  du  préfent 
n  arrêt ,  &  au  fubftitut  du  procureur  général  du 
n  roi  audit  fiége  ,  de  certifier  le  procureur  général 
w  du  roi  de  fon  exécution  :  &c.  ". 

Il  a  été  rendu  par  le  mêtne  parlement,  le  12 
novembre  1778  ,  un  autre  arrêt  de  règlement  dont 
voici  le   difpofr.if  r 

«  La  cour  fait  défenfes  à  tous  propriétaires  ,'fer- 
»  micrs  ,  cultivateurs,  journaliers  6c   habitans  ù* 
M  la  campagne  ,  de  mener  paître  en  aucun  temp* 
n  les   boucs  8c  chèvres  dans  les  vignes,  bois  & 
i>  buifibns  ,  &  dans  les  jardins  ,  prairies  &  vergers 
î}  appartenans  aux    propriétaires  defdits  boucs  ik. 
ï»  chèvres,  que  lefdits  jardins,  prairies  &  vergers  n<i 
n  foient  enclos  de  murs    ou   de    haies,   à  peine 
»  de  l'amende  de  trois  livres  par  chacune  bête  ,  6c 
)>  des  dommages  intérêts  envers  ceux  qui  en  au- 
)»  ront  fouflert  des  dommages  ;  ordonne  que  ceux 
>»  qui  mèneront  paître  lefdits  boucs  &  chèvres  dans 
)>  les  campagnes  &  terres  non  enfemencées  ,  fe- 
n  ront  tenus  de  les  tenir  attachées  avec  une  corde 
)»  fans  'pouvoir  les  lailî'er  approcher  des  vignes 
3j  haies  ou  arbres,  ni  des  terres  enfemencées,  fous 
)7  peine  d'amende  &  de  telle  autre  peine  qu'il  ap- 
>»  parriendra  ;  ordonne  que  les  pères  ck  mères  , 
j>  à  l'égard  de  leurs  enfans,  &  les  maîtres  oc  maî- 
>j  trèfles  à    l'égard  de  lein-s  domeftiqucs,  feront 
»  &  demeureront  ga^ans  &  refponfables  desamen- 
>»  des  &  dommages  &  intérêts  qui  feront  pronoa- 
»  ces  pour  raifon   des  contraventions  au  préfeat 
5>  arrêt ,  &  des  dégâts  qui  auront  été  cccafionnes 
>i  par  les  boucs  &  chèvres  ;  enjoint  mm  fabftitirts 
»  du  procureur  général  du  roi,  dans  k$  bailtiaoes 
»  &  fénéchauffées ,  (Se  aux  ofikicrs  des  julltces  ûzs 
»  lieux,   de  tenir  la  main  à  l'exécutioir  du  pré- 
»  fent  arrêt  ,  8c  de  pourfuivre  les  contreveuans 
)i  par  les  voies  de  droit  ,  ainfi  qu'il  appartiendra; 
>j  enjoint  pareillemgnt  aux  fyndics  Si  gardes-mcf- 
)»  fiers  des  paroifîes ,  de  dénoncer  les  contrevç- 
»  nans,  &  aux  officiers  Si  cavaliers  de  mar^baui 


n  PATURAGE. 

»»  fées  de  prêter  main-forte  pour  l'exécution  dudit 
3»  arrêt ,  &c.  }>. 

Le  procureur  général  du  roi  ayant  été  informé 
que  dans  plufieurs  pa.  :;iiïes  les  difpofuions  de  cet 
arrêt  ne  s'exécutoient  point,  à  caufe  que  d'un  côté 
les  fyndics  des  paroriTes  ne  dénonçoient  pas  les 
contrevenans  ;  &  que  d'un  autre  côté  ,  lorfque  les 
huiffiers  fe  préfentoient  pour  conftater  les  contra- 
ventions ,  ils  étoient  expofés  à  être  maltraités  par 
les  habitans  des  campagnes  ;  &  qu'enfin  la  plupart 
des  officiers  des  juAices  fubaltcrnes  ne  faifoient 
aucune  pourfuite  contre  les  contrevenans  ,  dans 
la  crainte  que  les  frais  ne  fuffent  trop  onéreux 
au  domaine  des  jufticcs  ;  ce  magiftrat  a  préfenté 
un  réquifitoire  pour  qu'il  plut  au  parlement  de 
faire  céder  ces  abus  ;  en  conféquence  ,  cette  cour 
a  rendu,  le  30  avril  1781  ,  un  nouvel  arrêt  , 
par  lequel,  en  ordonnant  l'exécution  de  celui  du 
12  novembre  1778  ,  elle  a  enjoint  aux  officiers 
des  juflices  des  lieux  de  pourfuivre  les  contreve- 
nans par  les  voies  de  droit ,  ainfi  qu'il  appartien- 
droit  ;  elle  a  pareillement  enjoint  aux  fyndics  èi. 
gardes-mefliers  des  paroifles,  de  dénoncer  les  con- 
trevenans aux  fubftituts  du  procureur-général ,  dans 
les  fièges  royaux  ,  &  aux  procureurs-fifcaux  des 
juflices  fubalternes  ;  elle  a  aufll  ordonné  que  faute 
par  les  fyndics  &  gardes-mefllers  de  faire  ces  dé- 
nonciations ,  ils  demeureroient  garans  &  refpon- 
fables  en  leur  propre  £c  privé  nom  ,  de  la  peine 
de  l'amende  ;  &  qae  faute  par  les  officiers  des 
jufticcs  fubalternes  de  faire  les  pourfuitcs  conve- 
nables contre  les  contrevenans  ,  il  y  feroit  pourvu 
à  la  requête  des  fubrtituts  du  procureur- général 
des  fièges  royaux  ,  où  ces  juÂices  relèvent ,  & 
aux  frais  du  domaine  des  mêmes  juAices  ;  elle  a 
d'ailleurs  autorifé  les  fubftituts  du  procureur-gé- 
néral du  roi,  8c  les  procureurs-fifcaux,  à  envoyer 
des  huiffiers  dans  les  campagnes,  pour  y  conftater 
les  contraventions  ;  &  elle  a  fait  défenfe  aux  ha- 
bitans des  campagnes  &  à  tous  autres  ,  d'infulter 
ou  maltraiter  les  huiflîers  ,  fous  peine  d'être  pour- 
suivis cxiraordinairemcnt  ;  enfin  elle  a  ordonné 
que  fon  arrêt  feroit  imprimé  ,  publié  &  affiché 
par  tout  où  befoin  feroit  ,  &  que  leflure  en 
leroit  faite  ,  au  moins  une  fois  chaque  année  ,  à 
la  porte  des  églifes  des  paroifles  ,  un  jour  de  di- 
jnanche  ou  de  fête,  à  l'iffiie  de  la  meffe  paroiffiale , 
à  la  requête  des  fubfiituts  du  procureur-général 
dans  les  fièges  royaux  ,  &  des  procureurs-fifcaux 
dans  les  fieges  fubalternes. 

Les  lieux  où  chaque  habitant  d'une  communauté 
peut  faire  pâturer  fon  bétail,  font  les  héritages  qui 
font  dépouillés  de  fruits  &  qui  ne  font  point  en- 
tourés de  murs  ni  de  haies. 

f^a'me  pâture ,  porte  l'article  ç  du  chapitre  3  de 
la  coutume  de  Nevers,  Joit  ctre  entendue  en  chemin 
prés  6"  prairies  dépouillés,  terres,  hois  &  autres  hé- 
ritages non  clos  ni  fermés  ,  excepté  toutefois  où  & 
^uand  Itfdits  héritages  font  de  défenfe  par  la  coutume. 

On  ne  peut  point  acquérir  fans  titre  &  par  la 


PATURAGE. 

fjmple  pofTeflîon  ,  le  droit  de  pafler  dans  le  fondf* 
d'autrui  pour  conduire  du  bétail  au  Pâturage.  Tel  eft 
le  droit  commun ,  &  c'eft  ce  que  décident  formelle- 
ment plufieurs  coutumes  (i). 

Les  ordonnances  défendent  très  -  expreffément 
de  faire  paître  le  bétail  la  nuit  ,  parce  qu'il  peut 
s'écarter  &  caufcr  du  dommage  dans  les  héritages 
cultivés. 

yoye^  l'ordonnance  des  eaux   &  forêts  du  mois 
d'août  166^,    6*   les  commentateurs  ;  la  pratique  des. 
teriiers  ;  le  traité  du  gouvernement  des  biens  des  com- 
munautés d' habitans ,  &c.  Voyez  auffi  les  articles 
Parcours,  Mésus,  Berger  ,  Bestiaux,  &c. 

PAVL.  Il  fe  dit ,  tant  des  matériaux  dont  on  fc 
fert  pour  paver ,  que  du  lieu  qui  eft  pavé. 

La  police  à  obferver  dans  les  atteliers  des  pa- 
veurs ,  &  la  confervation  de  leurs  ouv'rages  ,  ont 
èié  l'objet  d'une  ordonnance  que  le  bureau  des  fi- 
nances de  la  généralité  de  Paris  a  rendue  le  a 
août  1774  ,  &  qui  contient  les  difpofitions  fui- 
vantes  : 

"  Article  i.  Faifons  défenfes  à  tous  ouvriers 
»  &  compagnons  paveurs  qui  feront  employés  à 
»  la  réparation  du  Pavé  de  Paris  &  des  routes  en- 
»  tretenues  par  ordre  du  roi ,  &  pareillement  à 
'»  tous  carriers  employés  à  fabriquer  du  Pavé  pour 
»  les  entrepreneurs  du  Pavé  de  Paris  &  des  ponts 
»  &  chauffées  ,  de  défemparer  les  atteliers  ,  &  de 
»  paffcr  au  fervice,  foit  des  particuliers,  foit  de 
»  quelqu'autre  entrepreneur  ,  fans  un  congé  par 
»  écrit  de  celui  des  entrepreneurs  pour  lequel  ils 
»  auront  été  employés  ,  à  peine  de  cinquante  livres 
»  d'amende  contre  chacun  ,  conformément  aux  or- 
»  donnances  des  25  février  ôc  4  juillet  1669. 

»  2.  Défendons  aux  ouvriers  ,  manœuvres  & 
■>■)  compagnons  paveurs ,  &  pareillement  aux  ou- 
1»  vriers  employés  dans  les  carrières  de  Pavé  ,  d'a- 
»  bandonner  leurs  atteliers  ,  &  de  quitter  hors  des 
j>  temps  des  repos,  les  ouvrages  commencés ,  (ous 
»  prétexte  de  mécontentement ,  à  peine  de  quinze 
j>  livres  d'amende  chacun  ,  au  paiement  de  laquelle 
»  ils  feront  contraints  même  par  corps  ;  leur  dé- 
»  fendons  d'exciter  aucun  trouble  dans  lefdits  at- 
■>•>  teliers,  d'ameuter  les  ouvriers  pour  abandonner 
»  les  ouvrages,  d'injurier  de  paroles,  msna.cts  , 
»  voies  de  fait  ou  autrement ,  les  entrepreneurs, 
»  leurs  commis  ou  autres  prépofés  fur  les  atte- 
j)  liers  à  la  conduite  de  leurs  ouvrages,  à  peine 
))  de  cinquante  livres  d'amende  chacun  ,  &  autres 
»  peines  même  affliflives ,   fuivant  l'exigence  des 

(1)  L'article  tj  du  titre  I4  de  la  coutume  de  Lorraine," 
porte  ,  «  qu'aucun  pour  aller ,  venir  ,  pafler ,  repafler  ,  ou 
«  Biener  fon  bétail  vain  pâturer  en  l'htritage  d'autrui,  \ot(- 
^1  qu'il  n'eit  en  garde  ou  défenfe  ,  n'acquiert  droit  ni  pof- 
n  fcllion  de  fervitude  ,  de  piflage  ou  vain  Pâturage,  Se 
M  n'empêche  que  le  feigneur,  cenonobftant,  n'en  puifTe  faire 
»  profit,  fi  ce  n'eft  qu'il  confie  de  tî:re  ,  ou  que  depuis  la, 
>>  contradiaion  du  feigneur ,  il  y  eût  prefcription  de  trente 
»  ans  », 

M  casjf 


PAVÉ. 

y>  Cas;  faiif  néanmoins  aiixdits  ouvriers  à  fe  pour- 
»  voir  devant  naiis  contre  iefclits  entrepreneurs  , 
»♦  leurs  commis  ik  prépofés  ,  dans  les  cas  où  ils 
»>  auroient  quelque  demande  ou  plainte  à  former, 
»  relativement  à  leurlcliis  ouvrages. 

»  3.  Renouvelons  les  défenfes  faites  aux  ma- 
î>  nœuvres  &  compagnons  paveurs  ,  aux  voituriers 
»  &  à  toutes  perfonnes  ,  d'enlever  aucuns  Pavés 
w  des  mes ,  chemins  &  atteliers,  fables  ou  autres 
»»  matériaux  deftinés  aux  ouvrages  publics  ,  ou  mis 
»  en  œuvre,  à  peine,  contre  les  contrcvenans , 
»  d'être ,  pour  la  première  fois ,  attachés  au  carcan  , 
>»  &  en  cas  de  récidive  ,  condamnés  aux  galères  ; 
j>  faifons  défenfes  à  toutes  perfonnes  de  recevoir 
>»  ou  receler  en  leurs  maifons  ,  même  d'acheter 
n  aucuns  dcfdits  Pavés  ou  autres  matériaux  volés, 
3)  à  peine  de  mille  livres  d'amende,  letoutainfi 
n  qu'il  eii  porté  par  le  règlement  du  4  août  173  i  , 
»  &  par  les  ordonnances  des  29  mars  17^4»  & 
«  30  avril   1772. 

»  4.  Reitérons  pareillement  les  défenfes  faites 
y*  à  toutes  perfonnes,  de  quelque  rang  &  qualité 
'>  qu'elles  puilient  être  ,  de  troubler  Tes  paveurs 
»»  dans  leurs  artelicrs  ,  foit  dans  Paris  ,  foit  fur  les 
»>  routes  ;  d'arracher  les  pieux  &  barrières  établis 
»  pour  la  (ùrcté  de  leurs  ouvrages  ,  d'endommager 
»'  leurs  hârardeaux  ,  d  entreprendre  d'y  paifer  avec 
»»  voitures ,  d'injurier  &  maltraiter  lefdits  paveurs 
»>  &  ouvriers,  à  peine  de  trois  cents  livres  d'a- 
tf  mende ,  &  de  plus  grande  fi  le  cas  y  échet  , 
«  même  affliflive  ,  conformément  aux  ordonnances 
»  des  14  février  1670,  29  mars  1754  ,  &  30  avril 
»  1772. 

»  5.  Faifons  défenfes  à  tous  carriers  travaillans 
«  pour  les  entrepreneurs  du  Pavé  de  Paris  &  des 
n  ponts  &  chauffées  ,  de  vendre  le  Pavé  qu'ils  au- 
"  ront façonné,  à  d'autres  qu'auxdits entrepreneurs, 
5»  à  peine  de  cinquante  livres  d  amende  ,  au  paie- 
»'  ment  de  laquelle  ,  &  pour  fureté  des  deniers  qui 
>»  auroient  été  avancés  auxdits  carriers  par  lefdits 
»»  entrepreneurs  ,  ils  feront  contraints  par  corps 
'»  par  le  premier  huiffier  ou  fergent  fur  ce  requis. 
"  Ordonnons  que  le  Pavé  qui  aura  été  livré  à  d'au- 
ï'  très  qu'auxdits  entrepreneurs,  enfemble  les  clie- 
>»  vaux  &  harnois,  feront  faifis  à  la  diligence  del- 
«  dits  entrepreneurs  ,  pour  enfuite  être  pourvu 
«  ainfi  qu'il  appartiendra  ,  fur  la  confifcatîon  des 
«  chofes  faifies  ,  conformément  à  l'ordonnance  du 
»  4  juillet  1669. 

»  6.  Défendons  à  tous  carriers  travaillans  pour 
»>  le  Pavé  de  Paris  ou  des  ponts  &  chauffées  ,  de 
î>  fabriquer  pour  les  entrepreneurs  aucuns  Pavés  de 
>»  grès  tendre  ou  d'autres  roches  que  celles  qui  leur 
î)  auront  été  indiquées  par  les  infpeéleurs  du  Pavé 
>»  de  Paris  &  des  ponts  &  chauffées;  leur  défen- 
«  dons  de  fabriquer  du  Pavé  de  moindre  échan- 
î>  tillon  que  de  fcpt  à  huit  pouces  en  tous  feus , 
ï)  à  peine  de  confifcatîon  du  Pavé  d'échantillon 
»»  prohibé,  de  cent  livres  d'amende  contre  chacun 
w  des  carriers  en  contravention  ,  pour  la  première  j 
Tomt  X  ilU 


"5)  fois  ,  &  en  cas  de  récidive ,  d'empriforinement 
M  de  leur  perfonne  ;  &  de  fix  mille  livres  d'amende 
»  contre  les  entrepreneurs  qui  auront  fait  fabriquer 
}>  ledit  Pavé  ,  conformément  à  l'arrêt  du  conleil 
•)i  du  premier  juillet   1687. 

■)i  7.  Détendons  à  toutes  perfonnes,  de  qulque 
11  rang  &  qualité  qu'elles  puiffent  être  ,    de   faire 
i->  faire  faire  aucune  tranchée  ou  ouverture  quel- 
»  conque  ,  foit  dans  le  Pavé  de  Paris  &   de  fes 
)>  faubourgs ,    foit  dans  le  Pavé  ou  dans  les  ac- 
»  cotemens ,  revers  &  glacis  des  routes  royales  , 
»   traverfes  des  villes  &  villages  ,  &  fur  tous  che- 
>»  mins  entretenus  par  ordre  de  fa  majefté  ,  pour 
»  quelque  caufe  que  ce  puiffe  être  ,  telles  que  vi- 
>»  fîtes  6c  réparations  des  tuyaux  de  fontaines  ,  re« 
M  gards,  conduites  d'eaux,  appofition  d'étaies  ,  rac- 
»  cordemens  de  feuils  &  bornes  ,  ou  autres  quel- 
»  conques  ,  fans  en  avoir  pris  la  permifîion  des 
»  fieurs  tréforiers    de  France  &  commiffaires  du 
>»  Pavé  de  Paris  &  des  ponts  6c  chauffées ,  à  peine 
»  de  cent  livres  d'amende,  tant  contre  les  parti- 
»  culiers  qui  auront  fait  faire  lefdites  fouilles  ,  que 
»  contre  les  plombiers  ,    fontenlers  ,  maçons  & 
»  charpentiers  qui   y   auront  travaillé  fans  avoir 
)>  pris  lefdites  permiffions  ;  au  paiement  dcfquelles 
11  amendes  ils  (êront  contraints  même  par  corps, 
»  conformément  aux  ordonnances  des  3  i  mai  1666, 
»  25  février  1669  ,  &  29  mars  1754  \  ôc  ne  pour- 
■)■>  ront  lefdites  fouilles  ,  tranchées  ^  raccordemens 
»   de  Pavés,  être  comblés  ^  rétablis  que  par  les 
)»  entrepreneurs  du  Pavé  de  Paris  6c  des  ponts  & 
»  chauffées  ,  6c  ce  aux  dépens  des  particuliers  pour 
»  qui  lefdites  fouilles  6c  raccordemens  de  Pavés 
»  auront  été  faits. 

M  8.  Pour  affurer  l'exécution  de  notre  préfente 
»  ordonnance,  ainfi  que  les  édits  ,  arrêts,  régle- 
»  mens  6c  autres  ordonnances  rendus  en  matière 
»  de  voierie  ,  autorifons  tous  licutenans,  brigadiers 
»  ^  cavaliers  de  niaréchauffées  ,  &  fergens  du  guet 
»  dans  Paris,  à  vérifier,  en  faifant  leurs  rondes 
>»  6c  tournées  ,  les  contraventions  auxdits  rtgle- 
»  mens;  à  s'informer  des  noms  6c  demeures  des 
»  contrevenans ,  les  dénoncer ,  foit  aux  fieurs  com- 
i>  miffaires  du  Pavé  de  Paris  6c  des  ponts  6c  chauf- 
»  fées,  foit  aux  infpefteurs  généraux-,  foit  au  pro- 
i>  cureur  du  roi,  pour,  fur  lefdites  dénonciations 
»  les  délinquans  être  aUignés  pardevant  nous  ,  à 
»  la  requête  du  procureur  du  roi  ;  mime  arrêter 
»  les  deiinquans  qui  feront  pris  fur  le  fait  ,  & 
11  ainf)  qu  il  eft  prefcrit  parles  ordonnances  pour 
î>  les  cas  de  flagrant  délit  ;  à  la  charge  par  lefdits 
)>  oïliciers  6c  cavaliers  de  maréchauffée  ,  de  dreffer 
»  leur  procès-verbal  fominaire  ,  6c  de  le  remettre 
)>  dans  ie  jour,  au  procureur  du  roi,  pour  Icf- 
»  dits  délinqucus  être  aflîgnés  fur  le  champ  par- 
»  devant  nous,  à  la  requête  du  procureur  du  Roi. 
)»  Le  tie'sdes  amendes  qui  feront  prononcées  contre 
)>  les  contrevenans  ,  appartiendra  auxdits  officiers 
ji  &  cavaliers  de  maréchauffées  ,  le  tout  confor- 
•n  inémeni  &.  en  exécution  «le  rarrêi  du  confeil  du 

B 


id  PAVÉ. 

j)  17  juin  1721  ,  du  règlement  du  4  août  T731  » 
M  ordonnances  des  23  août  1743  ,19  mars  1754' 
w  ÊC  30  avril  1772. 

V  9.  Et  pour  que  perfonne  n'en  puifTe  prétendre 
H  caufe  d'ignorance ,  ordonnons  que  la  préfente 
jj  ordonnance  fera  imprimée  &  affichée  par-tout  où 
»  beibin  fera  ,  notamment  dans  la  ville ,  tauxbourgs 
»  &  banlieue  de  Paris,  &  dans  les  villes  ,  bourgs 
»  &  villages  ,  grands  chemins  &  autres  endroits 
3»  de  cette  généralité,  même  publiée  dans  les  villes 
3>  à  la  diligence  des  maires  &  échevins  ;  &  dans  les 
j»  bourgs  &  villages  par  les  fyndics  des  paroifles  , 
}■>  le  dimanche  le  plus  prochain ,  au  fonir  de  la 
»  méfie  paroiflîale  ,  dont  ils  feront  tenus  de  certi- 
»  fier  dans  le  mois  l'un  defdits  fieurs  commiffaires, 
3)  chacun  dans  leur  département,  ou  le  procureur 
«  du  roi ,  à  ce  que  perfonne  n'en  ignore  :  Se  fera  la 
j>  prèfente  ordonnance  exécutée  ,  nonobftantoppo- 
ï>  fuions  ou  empêchemens  quelconques  ,  pour  lef- 
3)  quels  ne  fera  différé ,  fauf  l'appel  au  confeil. 
3j  Fait ,  &c.  ». 

PAVILLON.  C'eft  une  efpèce  de  bannière  ou 
d'étendard  qui  varie  félon  les  pays ,  &  qu'on  arbore 
au  haut  des  mâts  ou  fur  le  bâton  de  l'arrière  ,  pour 
faire  connoitre  la  qualité  des  commandans  des  vaif- 
feaux  ,  &  la  nation  à  laquelle  ils  appartiennent. 

Le  roi  ayant  confidété  que  la  couleur  blanche 
avoit  été  de  tout  temps  la  marque  diflinftive  de 
la  nation  françoife  ,  &  que  les  Pavillons  bleus  »  ou 
blancs  &  bleus,  qui,  fclon  l'ordonnance  du  25 
mars  1765  ,  dévoient  être  les  marques  de  comman- 
dement des  chefs  de  fes  armées ,  efcadres  &  divi- 
fions  ,  relativement  au  nombre  des  vaifieaux  dont 
elles  é. oient  compofcts,  les  mettoient  dans  le  cas 
<le  ne  pas  être  reconnues  comme  françoifes  par  les 
flottes  &  ciradelles  maritimes  des  autres  puiffances  ; 
fa  m.iiefté  a  jugé  néceflaire  de  pourvoir  aux  moj'ens 
de  prévenir  des  méprifes  qui  auroieni  pu  conipro- 
mcitre  l'honneur  de  fou  Pavillon,  &  donner  lieu  à 
plufieurs  aiures  inconvéniens  :  en  confèquence , 
elle  a  rendu  ,  le  19  novembre  1776  ,  une  ordon- 
nance qui  contient  les  difpofitions  fuivantes  : 

n  Article  i.  Dans  quelque  occafion  quecefoit, 
»  &  de  quelque  nombre  de  bâtimens  que  foient 
3*  compofées  les  armées,  efcadres  &  divificrs ,  la 
»  marque  de  commandement  du  chef  qui  fera  à  leur 
y  tête  ,  ne  pourra  jamais  être  que  toute  blanche. 

5}  2.  Le  feul  vaiiTeau  que  montera  l'aniiMl  en  per- 
j>  fonne  ,  portera  au  grand  mât  un  Pavillon  carré 
»  blanc,  avec  l'écuflon  de  Frjnce  au  milieu,  & 
V  d^ux  ancres  en  fautoir  derrière  Técufion. 

»  3.  Un  vice-amiral,  commandant  en  chef  une 
»  armée,  portera  un  Pavillon  carré  blanc  au  grand 
»  mât. 

»  4.  Un  lieutenant  général ,  foit  qu'il  commande 

»  en  chef  une  ef;adre  .  ou  qu'il  foit  employé  en 

•  »  fa  qualité  fous  l'amiral  ou  fous  un  vice  amiral  , 

«  portera  un  Pavilloil  carré  blanc  au  mât  de  la'i- 

n  (aine. 

j?5,Un  chef  d'efcadie,  foit  qu'il  cojîunaude  en 


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PAVILLON. 

chef  une  efcadre  ,  ou  qu'il  foit  employé  dan* 
une  armée  ou  efcadre  en  fa  qualité,  lous  un 
officier  général  d'un  grade  fupéneur  ,  portera  un 
Pavillon  carré  blanc  au  mât  d'artimon. 
»  6.  Un  capitaine  de  vaifieau,  commandant  en 
chef  une  divifion  ,  de  quelque  nombre  de  bâti- 
mens qu'elle  foit  compofée  ,  portera  un  guidoa 
blanc  au  grand  mât ,  placé  comme  un  pavillon. 
»  7.  Un  officier  de  la  marine  duroi,  dont  le  grade 
fera  au-deflbus  de  celui  de  capitaine  de  vaifléau  , 
&  qui  aura  fous  fes  ordres  plus  d'un  bâtiment 
de  fa  majefté  ,  portera  au  grand  mât  un  guidoa 
blanc  envergué  ,  flottant  comme  flamme.^ 
^-  8.  Tout  vaiffeau,  frégate  «u  autre  bâtiment 
appartenant  à  fa  majefté,  étant  feul,  quelque 
grade  qu'ait  l'officier  qui  le  commande  ,  ne  por-  • 
tera  qu'une  flamme  blanche  au  grand  mât. 
J5  9.  Tous  les  vaifleaux ,  frégates  &  autres  bâti- 
mens appartenans  à  fa  majeilé,  réunis  par  fon 
ordre  ,  ou  fortuitement  fous  le  commandement 
d'un  officier  général ,  capitaine  de  vaiffeau  ou 
autre  officier  de  fa  marine  ,  à  la  mer  ou  dans  les 
rades,  porteront  tous,  fous  le  Pavillon  ou  gui- 
don de  celui  qui  commandera,  une  flamme  blan- 
che au  grand  mât  ;  cette  flamme  ne  devant  être 
confidérée  que  comme  la  marque  fpéciale  diflinc- 
tive  de  tout  bâtiment  appartenant  à  fa  majeflé. 
5)  10.  Dans  les  grandes  armées  ,  oii  il  efî  effentiel 
que  les  trois  corps  principaux  ou  efcadres  qui 
les  compofent ,  aient  des  marques  de  comman- 
dement qui  les  diftinguent  entr'eux  ,  le  général 
de  l'armée ,  qui,  dans  l'ordre  de  bataille ,  fe  trou- 
ve au  cer.îre  du  premier  corps  ou  efcadre  ap- 
pelé efcadre  blanche ^  portera  un  Pavillon  carré 
blanc  au  grand  n  àt. 

»  II.  L'officier  gér  oral  ,  quel  que  foit  fon  grade , 
commandant,  fous  !e<;  ordres  du  général,  le  fé- 
cond corps  ou  efcadre  appelée  efcadre  blanche  & 
bleue  ,  portera  un  Pavillon  carré,  mi  -  parti  blanc 
&  bleu,  au  grand  mâr. 

■)i  12.  L'officier  général ,  quel  que  foit  fon  grade , 
commandant  fous  les  ordres  du  général ,  le  troi- 
fiéme  corps  ou  efcadre  appelée  efcadre  bleue  , 
portera  un  Pavillon  carré  bku  au  graad  mât. 
j>  15.  Chacun  des  trois  corps  de  l'armée  étant 
partagé  en  trois  divifion;,  les  officiers  généraux 
qui  feront  à  la  tête  des  fécondes  divifions  de 
chacun  de  ces  trois  corps,  poiteront  au  mât  de 
mifains  le  Pavillon  carre  àt  la  couleur  de  leur 
efcadre. 

JJ  14.  Les  officiers  g  V.érax  qui  feront  à  la  tête 
des  troifièmes  dlvifio;;s  de  ;liaque  corps  ,  porte- 
ront au  mât  d'artim-on  le  Pavillon  carré  de  la 
couleur  de  leur  efcadre. 

j>  15.  S'il  y  a  «'autres  officiers  généraux  dans 
l'armée  qui  ne  commandent  vÀ  corps  ni  divifion  , 
ils  porteront  au  grand  rrât  un  guidon  de  la  cou- 
leur de  l'efcadre  à  hiq^icllc  ils  ieront  ..itachés. 
JJ  x6.  Les  capitaines  des  vaiiTeaux  &  autres  offi- 
ciers conamandani  ks  bâtimens  de  l'armée ,  pot- 


PAVILLON. 

»>  tcront  les  flammes  de  la  coiileur  de  leur  efcndre 
>»  au  màt  qui  itidique  la  d'ivifion  dont  ils  feront. 

V  17,  Si  dans  une  armée  il  n'y  a  pas  autant 
>»  d  ofiiciers  généraux  qu'il  en  faudroit  pour  en  met- 
>»  trc  à  la  tête  des  trois  efcadrcs  &  de  leurs  divi- 
>»  fions,  les  capitaines  des  vailfeaux  de  l'armée  à 
»7  qui  on  donnera  ces  conimandeniens  ,  porteront , 
»»  au  lieu  de  Pavillons  carrés  ,  au  màt  qui  indiquera 
j)  h  divifion  qui  fera  à  leurs  ordres,  des  guidons 
n  de  la  couleur  de  lefcadre  dans  laquelle  ils  feront 
»>  employés  en  cette  qualité. 

»  i8.  Les  Pavillons  mi-parti  blancs  &  bleus,  & 
»>  tout  bleus,  ne  feront  employés  que  dans  les 
>'  grandes  armées,  dont  la  force  exigera  ces  mar- 
>»  ques  de  dirlinélions  defcadres  Se  de  divi/ions 
»  particulières  ;  &  dans  les  efcadres  moins  nom-. 
V  breufes  ,  il  ne  fera  ,  autant  qu'il  fera  polTible, 
»  employé  que  la  couleur  blanche,  pour  en  niar- 
»  quer  les  divifions. 

»  19.  Si  le  général  de  l'armée  en  faifoit  un  déta- 
»>  chement  auquel  il  donnât  une  million  particu- 
»  lière  qui  l'en  féparât ,  le  commandant  de  ce  corps 
j>  féparé,  s'il  portoit  dans  l'armée  un  Pavillon  de 
»  divlfiOn  mi  -  parri-bbuc  &  bleu  ,  ou  tout  bleu  , 
»>  le  quittera  pendant  le  temps  de  fa  féparation  , 
j>  peur  porter  le  Pavillon  blanc  de  fon  grade ,  & 
»>  tous  les  vailTeaux  ii  (es  ordres  en  uferont  de 
r>  même,  &  ils  ne  remettront  les  marques  de  dif- 
»»  tinâion  qu'ils  portolent  dans  l'armée  ,  que  lorf- 
»>  qu'ils  l'auront  rejointe. 

n  20.  Nonobftant  la  difpofition  générale  des  Pa- 
r>  viilons  affc£lés  aux  grades  des  officiers  généraux , 
»>  portes  par  les  articles  3  ,  4  &  5  ,  fa  majefté  fe  ré- 
"  ferve  de  donner  des  ordres  particuliers  fur  les 
»  Pavillons  qu'elle  voudra  que  les  commandans  de 
»>  fes  armées  on  efcadrcs,  portent,  félon  la  force 
«  defdites  aimées  ou  efcadres  ,  ou  les  circonftan- 
w  ces  de  leur  deftination. 

«  II.  Si  le  général  eft  obligé  de  changer  de  vaif- 
>»  feau  par  la  fuite  du  combat ,  ou  dans  quelque 
»  autre  circonftance  ,  il  portera  fo;i  Pavillon  fur 
»>  celui  des  vaiffeaux  de  l'armée  qu'il  jugera  à  pro- 
»»  pos  de  choifir. 

»  22.  En  cas  de  mort  du  général ,  ou  d'abfence 
»  par  maladie,  ou  autrement,  le  Pavillon  qui  lui 
»  étoit  affeRé  demeurera  arboré  au  même  mât  pen- 
j>  dant  le  refle  de  la  campagne  ,  fous  le  comman- 
»  dément  de  l'ofRcier  général  ou  autre  qui  com- 
»>  mandera  l'armée  ,  foit  qu'il  pafTe  fur  le  vaifleau 
»  que  le  général  a  laiffé  vacant,  foit  qu'il  préfère 
J»  de  conferver  fon  propre  vaiffeau ,  fur  lequel , 
3)  en  ce  cas,  le  Pavillon  fera  porté,  &  la  même 
»  chofe  fera  obfervée  pour  les  autres  Pavillons 
m  dans  les  mêmes  circonftances. 

>>  23.  Deux  efcadres  ou  divifions  fe  rencontrant 
M  à  la  mer  ou  dans  les  rades  ,  fi  leurs  commandans 
»  portent   des   marques  de  commandement  à  la 
>»  même  place,  le  commandant  moins  ancien  chan-  | 
»  géra  la  marque  du  fien  en  prenant  celle  de  dif-  | 


PAVILLON".  I V 

»  tlnflion  immédiatement  inférieure  à  l'autre,  tant 
»  qu'ils  relieront  enfciri!..le. 

«  11  en  fera  ufé  de  jHeme,  fi  un  officier  généi-al 
»  fe  trouve  employé  dans  une  cfcadre ,  fons  le 
'»  commandement  d'un  autre  officier  général  du 
»  même  giade. 

"  24.  Four  conferver  à  la  flamme  blanche  au 
»  grand  mât,  qui  carafléilfe  fpécinleme:-t  roiit  b.i- 
»  timcnt  appartenant  à  fa  niajefté  ,  le  V'^fneQ  Si  !;i 
)>  prééminence  qui  lui  eft  due  ,  les  feuls  bâtimers 
)>  appartenans  à  fa  majeflé  &  armés  pour  fon  fer- 
»  vice  ,  auront  le  droit  de  la  porter  à  la  mer,  dans 
yy  les  ports  Se  rades  du  royaume,  &  dans  les  rades 
}}  étrangères, 

j»  24.  Un  officier  de  la  marine  royale,  comman- 
5>  dant  un  bâtiment  de  guerre  ou  de  commerce  , 
»  même  quand  il  appartiendroit  à  famaîeAé,sil 
»  n'eft  pas  armé  dl règlement  pour  fon  fervice  à  fs 
»  folde,  ne  pourra  jouir,  pendant  tout  le  temps 
»  qu'il  aura  ce  commandement  particulier ,  d'au- 
»  cune  des  marques  de  diffinélion  Se.  prérogatives 
j>  attachées  à  la  marine  royale,  &  qui  la  caraéléri- 
»  fent  ;  &  ,  quel  que  foit  (on  grade,  il  n'en  portera 
5)  jamais  la  marque. 

>»  26.  Dans  les  grandes  rades  de  commerce  ,  aux 
»  colonies  françoifes,  ou  chez  l'étranger  ,  où  il  fe 
»  trouve  tCHJourî  beaucoup  de  bâtimens  marchands 
»  françoisrafiemblés  ,  l'ancien  capitaine  marchand, 
M  chargé  de  la  police  des  bâtimeuG  de  fa  nation  ,  en 
5;  l'abfence  des  bàiimens  du  roi,  ne  pottera  qu'au 
»  mât  de  .mifaine  la  flamme  blanche  deiliuéc  à  le 
»  faire  rcconnoîrre  ,  &  il  i'amene:adès  qu'un  bi  i- 
»  ment  de  fa  majcfté  voudra  mouiller  dans  ceiti 
»  rade. 

»  27.  Il  fera  permis ,  pendant  la  guerre  ,  aux  bi- 
n  timens  armés  en  courfe  pour  le  particulier ,  de 
»  mettre  la  fiiinme  blanche  au  grand  màr,  irais  i'tu- 
»  lement  quand  ils  (eiont  à  la  mer  ,  Se  dans  les  cir- 
»  conftances  011  ils  croiront  cette  marque  de  dif- 
»  tinâion  néceflaire  au  fuccès  de  leur  manoeuvre. 
n  Dans  tous  les  cas,  ils  l'amèneront  devant  tout 
»  bâtiment  de  fa  majeflé. 

3>  28.  Le  feul  général ,  commandant  en  chef  l'ar- 
i>  mée  ou  cfcadre,  portera  un  Pavillon  blanc  à 
»  l'avant  de  fon  canot ,  pour  le  diftinguer  des  au- 
»  très  officiers  généraux  &  des  Capitaines  de  van- 
»  feau,  qui  ne  le  porteront  qu'à  la  poupe. 

>'  29.  Le  général  commandant  l'armée  ou  eft..,- 
«  dre  ,  portera  fon  Pavillon  de  diflinfiion  au  mit 
»  de  fon  canot  ;  Se  fi  l'armée  eft  partagée  en  trois 
H  corps,  dont  chacun  ait  fa  couleur,  les  comman- 
»  dans  des  fécond  &  ttoifième  corps ,  porteront 
»  également,  au  mât  de  leur  canot ,  leur  Pavillon 
»  de  diftinâlon,  pour  être  reconnus  des  vaifleaux 
»  de  l'armée. 

»  30.  Les  officiers  généraux,  qtii  ne  commande- 
î)  ront  aucun  corps  dans  l'armée,  les  capitaines 
»  chefs  de  divifions,  &  les  autres  capitaines  coin- 
n  mandans  ,  porteront  au  màt  de  leur  cannot  un 


12  PAVILLON.  - 

»»  guidon  ou  flamme,  félon  qu'il  eft  attribné  à  leur 
3>  grade  ou  à  leur  divifion. 

M  31.  Les  canots  de  1  amiral,  ou,  en  fon  abfence, 
m  du  vice-amiral ,  porteront ,  lorfqu  ils  y  feroHt 
j>  embarqués  en  per(onne  ,  leur  Pavillon  en  avant, 
»)  foit  dans  le  Port ,  foit  en  rade  ou  à  la  mer  ;  mais 
i>  les  autres  officiers  généraux  amèneront  leur  Pa- 
j)  villon  d'avant  en  rentrant  dans  le  port ,  s'ils  ne 
M  commandent  qu'en  rade,  ou  en  entrant  en  rade, 
»>  s'ils  ne  commandent  que  dans  le  port,  &  qu'il 
»  y  ait  un  officier  général  en  rade. 

»  32.  Les  Pavillons  de  poupe  &  de  beaupré  fe- 
»  ront  toujours  blancs  ,  foit  pendant  la  navigation, 
î>  foit  pendant  le  combat ,  quelle  que  foit  ia  cou- 
M  leur  des  Pavillons  ,  guidons  ou  flammes  de  dif- 
»  tindion  que  les  vaifleaux  porteront. 

>»  33  Les  Pavillons  de  commandement  mis  au 
j)  haut  des  mâts  ,  auront  deguindant  un  tiers  de 
9>la  longueur  du  maître-bau  du  vaifleau  fur  lequel 
3>  ils  feront  arborés ,  &  un  tiers  plus  de  battant 
»  que  de  guindant. 

}}  34.Les  guidons  auront  deguindant  ou  enver- 
»  gure  deux  neuvièmes  du  maître-bau  ,  Se  de  lon- 
»  gueur  les  deux  tiers  du  maître-bau  du  vaifTeau 
j>  fur  lequel  ils  feront  arborés;  ils  feront  fendus 
î)dans  les  deux  tiers  de  leur  longueur,  &  tcrmi- 
»)  nés  en  pointe.  Les  flammes  auront  un  neuvième 
»  du  maitre-bau  d'envergure ,  &  de  longueur  une 
«  fois  le   maître-bau  ,   &  un  tiers  en  fus. 

«35.  Le  général  de  l'armée  ou  efcadre,  &  tous 
»»  les  ofirciers  généraux,  porteront  trois  fanaux  à  la 
»  poupe  de  leur  vaiffeau.  Le  général  portera  de 
5)  plus  un  fanal  dans  la  grande  hune  i  6i  fi  l'armée 
5)  eft  partagée  en  trois  corps,  les  conimandans 
«des  fécond  &  troifième  corps  porteront  aufli  un 
»  fanal  dans  la  grande  hune. 

3>  Tous  les  autres  vaifleaux  de  l'armée  &  autres 
»  bâtimens  à  la  fuite,  ne  porteront  qu'un  fanal  à 
ji  la  poupe. 

M  36.  Le  vaifleau  amiral  ,  dans  les  ports  de  Breft, 
î>  Toulon  &  Rochefort ,  &  dans  les  autres  ports 
j>  de  fa  ma  eflé  ,  portera  un  Pavillon  carré  blanc 
»  au  grand  mât. 

»37.  Les  pavois  feront,  pour  les  fenis  vaif- 
«  féaux  ,  frégates  8c  autres  bntimens  de  fa  majeilé, 
>3  de  couleur  blsue  ,  bordés  de  blanc  &  femés  de 
wfleurs-de  lys  jaunes. 

»  38.  Veut  fa  majefté  que  tout  ce  qui  e{ï  pref- 
»  crit  par  la  préfente  ordonn;,nce  foit  exécuté  fe- 
3»  Ion  fa  forme  Si  teneur  ,  dérogeant  en  ce  à  toutes 
})  ordonnances  contraires  à  icelie  ». 

PAULETTE.  C'efl  le  nom  qu'on  donnoit  au- 
trefois au  droit  qu'on  appelle  aujourd'hui  *î/2/2«f/ ou 
centième    denier.  Voyez  Annuel. 

PAUVRE.  C'eft  celui  qui  eft  dans  le  befoin. 

Quelque  égale  qu'on  fuppofe  avoir  été  dans  l'ori- 
gine la  fortune  des  citoyens  d'un  état  quelcon- 
que, il  étoit  impoffble  que  cette  égalité  lubfiftàt 
long-temps.  Un  peuple  qui  commence  à  fe  for- 
mer, fait  des  conquêtes;  il  fe  partage  les  terres 


PAUVRE. 

qu'il  a  ufurpèes  fur  des  voiflns  ;  il  les  cultive  aprèfr 
la  guerre,  6i  fe  trouve  pourl'inftantà  labii  delà 
miière.  Mais  bientôt  la  négligence,  la  pareflé  ,  le 
défaut  d'économie  ,  la  diflipation  ,  viennent  ravir 
à  une  partie  de  ces  conquérais  les  biens  dont  ils 
ont  dépouillé  leurs  ennemis.  Forcés  de  vendre  ces 
mêmes  terres  qu'ils  avoient  acquifes  les  armes  à  la 
main  ,  ils  fe  trouvent  réduits  en  peu  de  temps  à  la 
condition  même  des  vaincus ,  n'ayant  plus  de  ref- 
fources  pour  vivre  ,  que  leur  travail  Ôc  leur  induf- 
irie.  Voilà  la  fource  primitive  de  l'inégalité  des 
fortunes,  des  conditions,  &  par  confcquent  de 
l'indigence. 

D  après  ce  principe  ,  il  ne  refloit  aux  chefs  des 
empires  6i  des  républiques,  d'autre  parti  à  pren- 
dre ,  que  de  chercher  les  moyens  de  pourvoir  à 
lafubhftance  des  citoyens  furvenus  après  le  par- 
tage des  terres  conquifcs ,  ou  déchus  de  ce  partage 
par  leur  inconduite.  Aufll  en  ont-ils  tous  fait  un- 
point  capital  de  leur  adminiftration ,  en  s'efTor- 
çant  de  faire  naître  le  commerce  &  les  arts  ,  aux- 
quels fe  dévouoient  par  befoin  ceux  qui  n'avoienr 
point  dans  l'état  de  propriétés  en  biens  fonds  ;  ou 
en  employant  à  la  guerre ,  à  la  culture  des  champs  , 
aux  travaux  publics  ,  ceux  dont  les  bras  pouvoient 
être  utiles  à  la  patrie,  &  en  procurant  d'autres 
moyens  de  fubfifler  à  ceux  que  leur  âge  ou  leur 
inHrmité  rendoient  incapables  de  travailler.  Le 
commerce  ,  les  arts ,  rag.riculture  ,  paroiflb^ent  des 
reifources  tellement  affeélées  au  peuple  ,  c'efl-à- 
dire  à  la  clafle  la  plus  pauvre  ,  que  les  cito-y  ;ns 
ai(és  &  poiTefléurs  de  terres  ou  de  dignités  ,  déd.ii- 
gnèrent  long  temps  de  s'en  occuper,  regardant  ces 
objets  comme  indignes  d'eux.  11  n'y  a  pas  deux 
fiècles  que  ce  préjugé  fubfifloit  encore  en  France 
dans  toute  fa  force  ,  foit  que  notre  noblefle  eût  v.a 
mépris  réel  pour  ces  profeffions ,  qu'elle  plaçoit 
inhniment  au-deflous  du  métier  de  la  guerre  ,  foit 
qu'elle  le  fît  un  point  d'honneur  de  les  abandon- 
ner à  ceux  qui  n'avoient  pas  d'autres  moyens  pour 
vivre. 

Dans  tous  les  états  bien  rêgl-fs ,  les  Pauvres 
font  l'objet  de  l'attention  fpécialc  du  gouverne- 
ment. La  France ,  à  cet  égard  ,  ne  le  <:àû^.  à  aucun. 
Dans  tous  les  temps  ,  on  y  a  vu  émaner  du  trône 
&  des  cours  ,  interprétées  de  fcs  volontés ,  les  or- 
donnances &  les  réglemens  les  plus  fages  en  fa- 
veur des  Pauvres  ;  mais  ,  par  malheur  ,  on  n'a  pas 
toujours  veillé  afléz  foigneufement  à  leur  exécu- 
tion. Selon  l'efprit  de  toutes  ces  ordonnances  & 
de  ces  réglemens  ,  les  Pauvres  d'un  endroit  quel- 
conque doivent  être  nourris  par  les  habitans  du 
lieu  ,  tant  laïques  qu'eccléfiaftiques ,  lefquels  font 
invités  à  fe  cotifer  volontairement  pour  cet  effet, 
finon  ils  font  impofés  par  la  loi  du  fouverain  ,  à 
une  taxe  proportionnée  à  leurs  facultés. 

Un  arrêt  du  parlement  de  Paris  de  i'î3  3  '  ^^' 
donne  que  les  chapitres  &  couvens  de  religieux 
qui  font  dans  cette  ville,  contribueront  pour  la 
ta^se  des  Pauvres,  finon  qu'ils  y  feront  contraints 


PAUVRE. 

parlafalfie  de  leur  temporel.  Cet  arrêt  Te  trouve 
dans  les  preuves  des  libenés  ,  tom.  2  ,  chap.  35, 
lîomb.  52.' 

Le  parlement  de  Dijon  déclara  par  un  arrêt  du 
7  juillet  M99»  que  ks  ecclefiafliques  étoient  im- 
pofables  pour  la  nourriture  des  Pauvres.  Le  clergé 
a  toujours  reconnu  cette  jurifprudence  par  l'em- 
preflemcnt  qu'il  a  témoigné  dam  toutes  les  occa- 
fions  pour  fubvenir  aux  befoins  des  pauvres  tle 
l'état.  On  peut  voir  les  réglcmens  qu'il  s'eft  tracés 
lui-même  fur  ce  point  dans  les  mémoires  du  clergé, 
première  édition,  tom.  3  ,  part.  3  ,  tit.  4»  c-  i- 

Le  parlement  de  Touloufe  ,  par  un  arrêt  du  mois 
de  juillet  1592,  6xa  pour  fon  dillritlla  part  que 
chaque  bénéHcier  eccléfiaftique  &  régulier  devoir 
fournir  fur  le  revenu  de  fon  bénéfice  pour  l'en- 
tretien &  le  foulagement  des  Pauvres  ;  il  ordonna 
par  cet  arrêt ,  que  la  fixième  partie  du  revenu  des 
évêchés ,  prieurés  ,  cures  &  autres  bénéfices  ,  même 
ceux  des  religieux ,  les  décimes  daduires  ,  feroit 
employée  &  difiribuée  aux  vrais  Pauvres  ,  fans 
dol  &.  ians  fraude  ,  par  le  titulaire  du  bénéfice  ou 
fon  reprélentant ,  en  préfence  du  feigncur  juridic 
tionnel  &  conful  du  lieu,  &  du  curé  ou  de  fon 
vicaire.  Le  même  arrêt  ordonna  que  ceux  qui  re 
fufcroiem  ou  qui  diffcreroient  de  s'y  conformer, 
firoient  contraints,  parla  faifie  de  leurs  fruits,  à 
payer  les  fommes  auxquelles  ils  auroient  étécotifcs. 

Ce  ne  font  pas  les  feuls  eccléfiaftic[ues  &  reli- 
gieux bénéfi^iers  que  la  loi  afiiijettit  à  la  taxe  pour 
les  pauvres  ;  les  laïcs  ,  de  quelque  rang  &  condi- 
tion qu'ils  foient,  n'en  font  pas  plus  difpenfés.  Un 
arrêt  du  parlement  de  Bretagne  du  16  avril  1570, 
ordonne  que  les  préfidens  6c  confeillers  qui  ont 
maifon  en  ville,  payeront  comme  les  autres  habi- 
tans  ,  de  ce  que  libéralement  ils  fe  voudront  co- 
tifcr  pour  les  Pauvres. 

Nous  ne  finirions  pas  fi  nous  voulions  rappor- 
ter to-us  les  arrêts  rendus  par  les  tribunaux  fupé- 
rieurs  du  royaume  en  faveur  des  Pauvres  ,  ainfi 
que  les  ordonnances  de  nos  rois  fur  le  même  fujet. 
Une  des  plus  fages  &  des  plus  effcntielles  de  ces 
dernières,  eft  la  déclaration  du  22  mai  1586,  re- 
giftrée  au  parlement  le  23  du  même  mois ,  ik.  par 
laquelle  les  habitans  de  chaque  ville  du  royaume 
font  tenus  de  nourrir  &.  entretenir  tes  Pauvres  qui 
font  dans  leur  ville ,  fans  que  ces  Pauvres  puif- 
fent  fc  tranfporter  d'un  lieu  dans  un  autre  pour  y 
exercer  le  métier  honteux  de  mendians. 

Toutes  ces  difpofitions  prouvent  les  droits  in- 
conteftables  que  les  pauvres  ont  à  la  bienfaifance 
de  leurs  concitoyens ,  &  comnîe  hommes ,  & 
comme  membres  du  même  état.  Les  fecours  que 
le  gouvernement  s'efforce  de  leur  proctiier ,  font 
une  dette  facrée  qu'il  acquitte.  Il  faut  convenir 
néanmoins  que  cette  dette  ne  l'oblige  pas  égale- 
ment envers  tous  les  individus  qu'il  voit  réduits 
à  l'état  de  pauvreté.  Il  en  eft  qu'il  ne  peut  regar- 
der que  comme  des  membres  iomiles  &  à  charge 
même  à  la  patrie  ;  tels  fout  ceux  que.  la  pareffe  ou. 


PAUVRE. 


lî 


le  libertinage  dévouent  à  une  vie  errants  S.:  va- 
gaboiidc,  qui  les  transforme  bientôt  en  fcclérats. 
Nous  avons  rapporté  ailleurs  les  lois  'agcs  que  ht 
juftice  a  portées  contre  eux.  Voyez  MeNiJIANT. 
Mais  autant  les  Pauvres  de  cette  dernière  cl:ifie  pa- 
roilfent  mériter  l'animadverfion  du  gouvernement, 
autant  les  autres ,  qu  on  nomme  les  vrais  Pauvres  ,  &c 
qui  ne  fe  trouvent  dans  cet  état  d'indigence  que  par 
des  revers  de  fortune  ,  des  maladies  ,  des  ii:firmi- 
tés  naturelles  ,  ou  par  le  manque  abfolu  de  tra- 
vail ,  font  dignes  de  fes  foins  ik  de  fon  attention. 

Pour  fe  faire  une  idée  des  reffources  prodigieu- 
fes  que  les  Pauvres  trouvent  en  France  ,  Si  dans 
la  capitale  en  particulier,  il  n'y  a  qu'à  jeter  les 
yeux  fur  les  ctabliffemens  fans  nombre  que  la  piété 
ik  la  juftice  y  ont  érigés  en  leur  faveur. 

Un  des  plus  vafîes  &c  des  plus  utiles  de  ces  éta- 
blifiemens,  eft  fans  contredit  V hôtel-dieu.  On  y  re- 
çoit  indifiinélement  tous  les  Pauvres  malades  hors 
d'état  de  fe  faire  foigner  chez  eux  ,  de  quelque 
pays  &  de  quelque  religion  qu'ils  foient.  On  s'y 
charge  de  même  de  toutes  les  femmes  grollii  , 
à  qui  leur  pauvreté  ne  permet  pas  de  fc  faire  déli- 
vrer chez  elles  &  de  fe  procurer  les  fecours  fi  né- 
ceftaires  à  leur  fituation.  On  y  admet  encore  ton» 
les  cnfans ,  fruits  malheureux  de  la  loiblenc  ou. 
du  libertinage,  que  leurs  parens  abandonnent  eu 
naiiiant,  foit  par  indigence,  foit  pour  fauver  les 
reftes  d'un  trifte  honneur  qu'ils  n'ont  pas  crairu 
d'immoler. 

A  côté  de  l'hôtel-dieu  ,  on  peut  ^\^cerrhùphui 
gèlerai  6l  hicctre ,  deux  maifons  de  charité  &  de 
force  tout  enfcmble,  dans  iefqueiles  une  infiniti 
de  Pauvres  des  deux  fexes  trouvent  des  retraites- 
particulières  ,  moyennant  une  penfron  modique , 
qui  par-tout  ailleurs  ne  leur  fulfiroit  pas  jjour  vi- 
vre; l'hôpital  immenfe  des  petites  rtuifons ,  celui 
de  la.  trinité  ,  celui  des  quinj^e  vingts  .  des  irxurahles  , 
Ians  parler  d'une  foule  de  maifons  d'hommes  &  de 
nlles  fpécialement  confacrées  au  fervice  des  Pau- 
vres malades,  ou  adonner  des  aûles  aux  orphe- 
lins, &  l'hofpitalité  aux  pafiagers  indigensi-  fans, 
parler  des  hôpitaux  particuliers  qu'on  projcttcr 
d'attacher  à  chacune  des  paroilfes  de  Paris  ,  pro- 
jet qui  C'jmiPince  déjà  à  s'exécuter,  &  qui  yrui- 
fcmblablement  amènera  ujie  adminlftiation  nou- 
velle &  plus  fage  des  biens  deflinés  aux  Pauvres  y 
car,  il  faut  le  dire  à  la  gloire  de  notre  fiècb  ,  u- 
maison  ne  s'eft  tant  occupé  des  moyens  de  oan- 
nir  l'indigence  du  royaume  ;  jamais  le  ntiniftère  n'a 
reçu  tant  de  plans  &  de  mémoires  fur  ce  fujet. 
Toutes  nos  académies  invitent  à  l'envi  les  plu- 
mes des  gens  de  lettres  &:  des  favans  à  s'exercef 
fur  cette  matière,  fi  propre  à  {aire  briller  lenr  élo- 
quessce  &  leur  fenfibiliié.  Nous  avons  déi.à  ks 
idées  des  droits  &  des  devoirs  des  vrais  Pauvres  •  le 
tableau  delà  bïenfaijance  &  ds T humanité;  Vam]  ds 
ceux  epi'c  rien  ant point  ;  ouvrages  dignes  d'être  asé- 


dites. 


On  peut  mettre  encore  au  nonjBre  des  erabfîf- 


14  PAUVRE. 

ferr.ens  iitUss  aux  Pannes,  le  magnifique  hôtel  des 
iivaiu'cs  ,  clcftiné  à  oflrir  une  retraite  honorable 
iws.  citoyens  que  les  blefTutes  re;uw^  pour  la  dé- 
hn(c  de  I  état  reiîdcnt  incapables  de  gagner  hur 
via  ;  la  fiipcrbe  maifon  de  jaint  Cyr ,  ouverte  à 
rir.ftri!£^!on  &  à  l'entretien  des  jei;nes  demoifelles 
de  condition  dont  les  parens  foin  hors  d'état,  par 
le  défaut  de  fortune,  de  leur  procurer  une  éduca- 
tion convenable  à  leur  naiffance  ;  le  bel  éiabliffe- 
reent  de  X'ccoU  royale  mH'uaire. 

Ajoutons  à  toutes  ces  reflources  les  fecours  abon- 
dans  verfés  fur  les  Pauvres  par  les  mains  du  grand 
aumônier  de  France  ,  par  celles  des  princes ,  des 
évêques  ,  des  citoyens  riches,  des  cutés  ,  des  reli- 
gieux, des  villes,  des  communauté^;  les  amendes 
que  IcurconGicrent  les  tribunaux  ,  les  bourfes  éta- 
blies pour  eux  dans  les  collèges  ,  les  inftruflions 
qu'on  leur  offre  gratuitement ,  &:  une  infinité  d'au- 
tres établiiTennens  que  nous  paflbns  fous  filence. 

Il  y  a  de  plus  à  Paris  un  bureau  ,  connu  fous  le 
tirre  àzg.rand  bureau  des  Pauvres  de  la  ville  &  faux- 
bourgs  de  Paris  ^  établi  poisr  la  perception  d'une 
taxe  impofée  en  fiaveur  des  Pauvres  fur  tous  les  ha- 
hitans  domiciliés  dans  cette  capitale.  Ce  bureau  eft 
eoinpofé  de  M.  le  procureur  général ,  api  y  prcfide 
les  affemblées  par  lui-même  ou  par  l'un  de  fes  fubf- 
tifuts ,  des  commiiTaires  des  Pauvres  répartis  dans 
chacune  des  pnroilTes  de  Paris, du  greffier,  des  huif- 
iiers  ,  des  diftributeurs  &  des  vergers. 

Les  coir.nijflaires  des  Pauvres  des  paroiffes  de 
Paris  doivent  être  nommés  chaque  année  par  les 
curés  ,  les  mnrguilîiers  ,  les  anciens  commiflaires 
des  Pauvres  St  les  notables  paroiflîcns ,  dans  une 
îifi'embléc  que  chaque  curé  cft  tenu  d'annoncer  au 
prône  le  dimanche  ou  autre  fête  qui  précède  celle 
de  noël  :  ceux  qui  font  aiiîfi  nommés  doivent  fe 
prcfentcr  à  la  première  affemblée  du  bureau  des 
Pauvres  ,  pour  y  prêter  ferment  &  recevoir  les 
rôles,  à  peine  nVy  être  contraints  par  établiffement 
de  garnifon  ,  Jufqu'au  payement  de  cinq  cens  livres 
au  piofit  des  Pauvres,  fans  répétition.  C'eft  ce  qui 
réfulte  de  divers  arrêts  ,  &.  fingulièrement  d'un  du 

15  mars  1709. 

Les  contei^;at!ons  qui  s'élèvent  au  fujet  de  la  no- 
jnination  des  cemmiffaires  des  Pauvres  de  Paris  , 
doivent  erre  portées  au  grand  bureau  des  Pauvres  , 
qui  a,  relativement  à  cet  objet,  ainfi  qu'à  la  re- 
cette que  font  ces  commifiaires,  une  juridiâion 
dans  laquelle  il  a  été  maintenu  par  arrêt  du  confeil 
du  29  juillet  175Î. 

Dans  la  plupart  des  paroiffes  de  province  où  il 
V  a  des  revenus  deftinés  à  foulager  les  Pauvres  , 
î'adminiflration  en  eff  confiée  à  des  compagnies 
ou  bureaux  de  charité,  qui  font  ordinairement  com- 
pofés  du  curé ,  d'un  certain  nombre  de  femmes , 
appelées  dames  ou  demoifelles  des  Pauvres  ,  dont 
ime  fait  les  fonflions  de  tréforiére  ,  &  d'un  rece- 
veur des  Pauvres  ,  qu'on  nomme  quelquefois 
procureur  de  charité. 

Suiyant  un  arrêt  de  règlement  reodu  le  25  fé- 


PAUVRE. 

vrlcr  17^3  ,  pour  Nogcnt-fur-Marne  ,  les  dames 
des  Pauvres  doivent  être  choifies  par  les  dames  qui 
coirpofent  rafleniblée  de  charité. 

Le  procureur  de  charité  doit  être  élu,  dans  une 
aflemblee  générale  des  habitans  ,  pour  deux  ou 
trois  ans  ,  ix  on  peut  le  continuer.  Il  doit  être 
dune  probité  &  folvabilité  reconnues,  favoir  lire 
ûi  écrire  ,  &  réfider  fur  les  lieux.  Il  a  le  droit  d'af- 
fifter  à  toutes  les  aflêmblees  générales  &  parti- 
culières ,  mais  fans  y  avoir  voix  délibérative  :  il 
ne  doit  délivrer  aucune  femme  qu'en  vertu  des 
délibérations  des  affemblces  générales  &  particu- 
lières ,  ik  il  peut  être  deftituê  par  l'aflembléc  gé- 
nérale. C'eft  ce  qui  réfulte  des  articles  43  &  44 
du  règlement  qu'on  vient  de  citer  ,  &  des  arti- 
cles 3,  4  6c  13  de  l'arrêt  de  règlement  rendu 
pour  la  paroiffe  de  faint  Chamont,  le  8  mars  1764. 

•Divers  arrêts  du  parlement  de  Paris  ,  &c.  ent?e 
autres  un  du  14  février    176 1  ,  pour  la  paroiffc 
de  faint  Gcrmain-l'Auxcrrois  ,  un  autre  du  4  mars 
1763  ,    pour  la  paroiffe  faint  Barthélemt ,   &  un 
autre  du  7  feptembre   1764,  pour  la  paroiffe  de 
faint  Nicoias-des-champs  ,  ont  ordonné  que  quand 
il  auroit  été  remis  entre  les  mains  du  curé  quel- 
ques fommes  de  deniers  pour  être  diflribuées  par 
lui  feul,ou  qu'il  auroit  été  donné  d'autres  fom- 
mes par  ade  aux  Pauvres  de  la  paroiffe,  fous  la 
condition  impofée  par  les  donateurs  ,  que  la  dif- 
tribution  en  feroit  faite  par  le  curé  ,  il  pourroit 
feul  faire  cette  diftribution    félon   fa  difcrétion  , 
prudence  &  fidélité,  fans  être  tenu  d'en   rendre 
aucun  compte  :  à  l'égard  des  revenus  fixes  qui  ont 
été  donnés  ou  légués  aux  Pauvres  de  ces  paroiffes , 
avec  condition  Ipécialc  de  la  part  des  donateurs 
ou  teftateurs  ,  que  la  diftribution  s'en  fera  par  le 
curé  &  fes  fucceffeurs  en  la  cure ,  ou  autres  termes 
équipollens,  les  mêmes  arrêts  veulent  que  le  tré-' 
forier  chargé  de  la  recette  de  ces  revenus  ,  les  re- 
mette  à  CCS  curés  fur  leurs  fimples    quittances  , 
pour  la  diftribution  en  être  pareillement  faite  par 
eux,  félon  leur  difcrétion  ,  prudence  &  fidélité, 
8c  fans  être  tenus  d'en  rendre  aucun  compte  :  mais 
il  ces  revenus  avoient  été  légués  ou  donnés  aux 
Pauvres  de  la  paroiffe ,  fous  la  fimple  condition 
que  la  diftribution  s'en  feroit  par  les  mains   du 
curé,  fans  aucune  mention  ou  vocation  de  fes  fuc- 
ceffeurs ,  cette  condition  n'auroit  d'effet  que  pour 
le  temps  pendant  lequel  le  curé  en  place  ,  lors  de 
l'aâe  portant  legs  ou  donation  ,  conferveroit  fa 
cure  ;  &  fes  fucceftêurs  ne  pourroient  pas ,  fui- 
vant  les  mêmes  arrêts ,  exiger  que  la  diftribution 
de  ces  revenus  leur  fiJt  confiée  :  ils  rentreroient 
alors  dans  la  maffe  commune  de  ceux  dont  la  dif- 
tribution doit  être  réglée  par  l'afferablée  des  da- 
mes de  charité. 

L'article  5  a  de  l'arrêt  de  règlement  rendu  le 
25  février  1763  ,  pour  Nogent-fur-Marnc  ,  veut 
que  les  quêtes  qui  ont  lieu  en  faveur  des  Pauvres 
pendant  les  offices  divins,  fe  faffent  fuivant  l'u- 
fage  de  la  paroiffe ,  &  que  le  produit  en  foit  rc' 


PAUVRE. 

mis  fur  le  champ  ,  en  préfence  du  curé  ,  au  pro- 
cureur de  chante  ,  qui  doit  l'cnregiArer  fur  un 
journal  deftiné  a  fervir  de  pièces  juftiiicatives  de 
cette  recette  ;  à  l'égard  de  ce  qui  peut  être  donné 
en  chanvre  ,  fil ,  ou  autre  choie  en  nature  ,  il  doit 
être  remis,  fuivant  le  même  règlement,  à  la  tré- 
forière ,  pour  en  être  rendu  compte  dans  une  af- 
femblée  particulière. 

L'article  53  veut  que  ,  lors  de  chaque  affemblée 
de  charité  ,  il  foit  remis  par  le  procureur  de  cha- 
rité, entre  les  mains  de  la  tréforiérc  ,  une  fomme 
de  deniers  telle  que  raffemblée  l'aura  réglée  ,  pour 
être  employée  aux  befoins  iirgens  qui  peuvent  fur- 
venir,  de  laquelle  fonimc  h  tréforière  doit  ren- 
dre  compte  en  détail  à  l'aiTerablée  fuivante. 

Dans  les  lieux  où  il  ny  a  point  de  tréforier 
des  Pauvres  ni  de  procureur  dt;  charité ,  les  de- 
niers néceffaires  pour  les  betoins  urgens  des  Pau- 
vres ,  doivent  être  remis  à  la  tréforiére  par  le 
maiguillier  en  exercice,  ou  autre  perfonne  char- 
gée de  la  recette  des  aumônes  ëc  biens  des  Pauvres. 

Dans  toutes  les  aflemblées  de  charité ,  le  curé 
doit  avoir  la  première  place,  &  recueillir  les  fuf- 
fiages ,  à  la  pluralité  defquels  doivent  fe  faire 
les  délibérations;  &  en  cas  de  partage  d'opinions, 
il  a  la  voix  prépondérante  :  fi  le  curé  eft  abfent , 
c'eA  l'ancien  marguillier  qui  doit  préfider ,  &  les 
autres  perfonnes  n'ont  aucun  rang  entr'elles.  C'eft 
ce  qu'ont  réglé  deux  arrêts  rendus  le  2  avril 
1737  &  Je  7  feptembre  1764  ,  pour  les  paroi/Tes 
de  faint  Jean-en-Grêve  &  de  faint  Nicolas-des- 
champs. 

1!  faut ,  fuivant  les  mêmes  arrêts ,  que  les  dé- 
libérations des  aflemblées  de'  charité  foicnt  inf- 
crites  de  fuice  fur  un  regiflre  &  fans  aucun  blanc  , 
ainfi  que  les  noms  des  perfonnes  qui  y  ont  aflîfté, 
lefqueiles  doivent  figner  ces  délibérations  ;  &  (1 
quelques-uns  de  ceux  qui  ont  affifté  au  commen- 
cement des  délibératiors  fe  font  retirés  avant  la 
fin  de  l'affemblée,  les  délibérations  de  ceux  qui 
font  reliés  jufqu'à  la  fin  ,  doivent  être  exécutées 
comm.e  fi  tous  les  avoient  fignées. 

Les  diflributions  des  charités  doivent  être  faites 
fur  des  mandemens  figues  du  curé  &:  de  deux  ou 
trois  perfonnes  du  nombre  de  celles  qui  ont  afllfté 
à  l'affemblée  ;  à  l'effet  de  quoi  il  doit  être  nommé, 
tous  les  trois  mois ,  une  des  perfonnes  qui  ont 
droit  de  fe  trouver  aux  afiemblces  ,  pour,  con- 
jointenîent  avec  le  curé ,  figner  les  billets  ou  man- 
demens qu'il  peut  être  convenable  de  délivrer 
dans  l'intervalle  des  aflemblées.  Ces  billets  ou 
m.indemens  doivent  contenir  le  nom  du  Pauvre 
qui  doit  être  aflîfté,  &  la  fomme  ou  la  quantité 
tic  viande  ,  psin  ,  ou  autre  ciiofe  qu'en  doit  lui 
donner.  Les  mandemens  en  argent  doivent  être 
tirés  directement  fur  le  tréforier  ou  procureur  de 
la  charité;  mais  les  mandemens  en  denrées  peu- 
vent être  tirés  fur  le  boucher  ou  fur  tout  aurrc 
Biarcliand  choiu  par  l'aiTemblée  pour  les  fournir 
aux  Pauvres.  C'cft  ce  qui  réfuke  de  l'aiticle   56 


PAUVRE.  M 

de  l'arrêt  de  règlement,  rendu  pour  Nogent-fur- 
Marnc,  le  15  février  1763.  Voyeiaiifi  l'anct  Je 
ttgUment  rendu  pour  la  paroijfe  de  Moniarg'is  le  2^ 
février  \7'^6. 

Suivant  l'article  t8  de  l'arrêt  de  règlement ,  ren- 
du le  8  mars  1764,  pour  la  paroitTe  de  la  ville 
de  faint  Chamond,  il  ne  doit  être  entrepris  ni  fou- 
tenu  aucun  procès  ,  ni  fait  aucun  emploi  ou  rem- 
ploi des  deniers  appartenans  aux  Pauvres,  ni  fait 
aucun  emprunt,  ni  aucune  acquifition ,  dans  le 
cas  où  elie  feroit  permife  ,  fans  wne  délibération 
au  préalable,  prife  dans  une  aiTemblée  générale  : 
mais  les  délibérations  prifes  daiîs  les  aiîemblécS 
particulières ,  font  fufrlfantes  pour  faire  les  pour- 
fuites  relatives  au  recouvrement  des  revenus  or- 
dinaires des  Pauvres  ,  ainfi  q\ic  pour  tous  les  aéicî 
relatifs  à  l'acceptation  &  délivrance  des  legs  ou 
Ubéralités  faits  à  la  charité  ,  &  pour  faire  paffer  des 
titres  nouvels  aux  débiteurs  des  rentes. 

Les  titres  ,  contrats  &  papiers  concernnnt  les 
biens  &  revenus  des  Pauvres,  ainfi  que  les  re- 
girtres  des  délibérations  ,  autres  que  ceux  des  dé- 
libérations courantes,  doivent  être  mis  dans  une 
armoire  ,  &  il  doit  en  être  fait  un  inventaire  fig-â 
du  curé,  des  marguiiliers  6i  du  tréforier  des  F.;-_'- 
vres  ;  enfemble  un  récolcment  chaque  année,  ('ù 
doivent  être  ajoutés  les  nouveaux  comptes  &  au- 
tres titres  de  l'année  courante,  lequel  doit  être  fi- 
gné  par  les  mêmes  perfonnes  :  il  faut  d'ailleurs 
qu'il  y  ait  deux  exemplaires  de  chaque  inventaire 
&  récolement ,  dont  l'un  doit  être  renfermé  dans 
l'armoire,  Se  l'autre  remis  au  tréforier.  Cela  efl 
ainfî  prefcrit  par  divers  arrêts  de  règlement  rendus 
pour  différentes  paroifles. 

J'oyci^  les  lois  citées  dans  cet  article  ,  &  les  mots 
MisÉRicoRDS,  Mendiant  ,  Vagabond,  Hôpi- 
tal ,  &c.  (  Cet  article  efl  de  MM.  R...  &  G.. .  ) 

PAYEMENT.  C'eft  ce  qui  fe  donne  pour  ac- 
quitter une  dette,  une  obligation. 

Pour  qu'un  Payement  foit  valable,  il  faut  que 
la  perfonne  qui  le  fait  ait  le  droit  de  difpofer  de 
la  chofe  donnée  en  Payement  :  d'où  il  fuit  ,  qu'urï 
Payement  n'cfl  pas  valable  quand  il  eft  fait  par  quel- 
qu'un qui  n'eft  pas  propriétaire  de  la  chofe  donnée 
en  Payement ,  ou  qui  n'efl  pas  capable  de  l'alié- 
ner. Cependant  û  le  Payement  fait  par  la  perfonna 
incapable,  étoit  une  fomme  d'argent  ou  quelque 
chofe  qui  ie  confumât  par  l'ufage  ,  comme  du  blé, 
du  vin,  &c. ,  la  confommation  que  le  créancier 
en  auroit  faite  de  bonne  foi,  v:;ltderoit  le  Paye- 
ment. 

Au  refle.  Il  n'eft  pas  néceO^iire  ,  pour  que  le 
débiteur  foit  délibéré  de  fon  obligation  ,  que  ce  foit 
lui  ou  fon  commiiTionnaiie  qui  paye  le  créancier  : 
toute  perfonne  peut  faire  ce  Payement,  même  mal- 
gré le  débiteur,  &  l'obligation  n'en  eÀ  pas  moins 
éteinte.  C'eil  ce  que  décide  la  loi  39  ,  jf,  de  nepr. 


s4'  (0- 


(  J')  Qbfïivei  ccpîn^awr  i\ni  ce::s  déciiu-ii  ne  s'appiinu»  eiv 


i6 


PAYEMENT. 


Mais  on  demande  û  le  créancier  eft  obligé  de 
recevoir  le  Payement,  iorfqu'il  lui  efl  oflerl  par 
im  étranger  qui  rj'a  aucun  pouvoir  pour  gérer  les 
affaires  du  débiteur,  ni  aucun  intérêt  à  acquitter 
la  dette. 

La  loi  72  ,  par.  2  ,  D.  de  folut.  dccide  que  les 
offres  de  payer  qu'une  perlonne  quelconque  fait 
au  créancier  au  nom  &  a  l'infu  du  débiteur,  conf- 
tuuent  ce  créancier  en  demeure.  Et  l'article  3  du 
titre  5  de  l'ordonnance  du  commerce  du  mois  de 
mars  1673  ,  porte,  quV«  cas  de  protâ  d'une  lettre 
de  c/umgc  ,  elle  poiirni  être  acquittée  par  tout  autre 
^ue  celui  fur  tjui  elle  aura  été  tirée ,  &  quau  moyen 
du  Payement  ^  il  demeurera  fubrogé  en  tous  les  droits 
du  porteur  de  la.  lettre ,  quoiqu'')l  n'en  ait  point  de 
traujpart  yfubrogaiion  ni  ordre. 

Il  rélulte  de  ces  décifions,  que  les  offres  de  payer 
faites  au  créancier,  par  l'étranger  dont  on  a  parlé, 
l'ont  valables  &  conflituent  le  créancier  en  de- 
meure ,  quand  le  débiteur  a  intérêt  à  ce  Payement; 
comme  dans  le  cas  où  les  offres  font  faites  pour 
arrêter  les  pourfuites  commencées  ,  ou  pour  faire 
ccfler  le  cours  des  intérêts,  ou  pour  éteindre  les 
hypothèques.  iMais  files  offres  de  payer  ne  pro- 
curoient  aucun  avantage  au  débiteur ,  &  ne  pro- 
tluiloient  d'autre  effet  que  de  lui  faire  changer  de 
créancier ,  elles  pourroient  être  refufées  ,  fans 
que,  par  ce  refus,  le  créancier  fût  conflitué  en 
demeure. 

Il  fautaufli,  pour  la  validité  d'un  Payement, 
«ju'll  foit  fait  au  créancier  ou  à  quelqu'un  qui  ait 
pouvoir  de  lui  ou  qualité  pour  recevoir. 

Il  fuit  de  cette  décifion  ,  que  quand  un  créan- 
cier a  laiffé  pluficurs  héritiers  ,  on  ne  peut  valable- 
ment payer  à  chacun  que  la  portion  qui  lui  appar- 
tient dans  la  créance,  à  moins  que  fes  cohéritiers 
^e  l'aient  autorifé  à   recevoir  pour  eux. 

Lorfqu'un  créancier  a  cédé  fa  créance  par  vente , 
donation  ou  autrement ,  le  ceffionnaire  devient  le 
créancier  ,  par  la  fignification  qu'il  fait  de  fon  titre 
deceffion  au  débiteur, ou  par  l'acceptation  volon- 
taire que  celui-ci  fait  i\u  tranfport.  Ainfi  après  cette 
Signification  ou  acceptation  ,  le  débiteur  ne  peut 
plus  payer  valablement  l'ancien  créancier. 

Quelquefois  on  répute  pour  créancier  véritable, 
celui  qui  ne  l'eff  qu'en  apparence  ,  &.  le  Payement 
qu'on  lui  fait  ne  laiffe  pas  d'être  valable.  Suppo  ez, 
par  exemple,  que  Pierre  poffèile  une  terre  de  la- 
«^uelle  dépendent  des  mouvances  féodales  &  ceo- 
luelles;  vous  payez  valablement  entre  fes  mains 
les  cens  &  autres  droits  feigncuriaux  ,  quoique  je 
fois  le  véritable  propriétaire  de  la  terre  :  ainfi , 


général  qu'aux  obligations  de  donner  que]q'.:e  cho(e  ,  parce 
*ju'il  n'inii^crtenulltmenc  au  créancier  cjue  ce  Toit  Pierre  ou 
Paul  qui  lui  donne  la  criofe  due  ,  pourvu  qu'on  la  lui  donne 
efteiîlivement  :  mais  il  n'en  ell  pas  de  même  à  IV-gard  d'une 
obligation  qui  confifte  à  faire  quelque  choie.  S'il  s'agit .  par 
«xeaiplc  ,  d'un  ouvrasse  qu'un  aitilte  dont  je  confidère  le  ta- 
lent ,  t'en  obligé  de  taire  ,  (on  obligation  ne  pourra  paj  s'ac- 
•juivccc  pat  ud  aude,  à  moi&t  «jue  je  n'y  coafeace» 


PAYEMENT. 

lorfque  je  me  la  ferai  fait  rendre ,  je  ne  pourrai  pas 
vous  demander  ces  droits.  La  raifon  en  eft ,  que 
tout  poffeffcur  étant  de  droit  réputé  propriétaire 
de  hi  chofe  qu'il  pofîède  ,  tant  que  le  véritable  pro- 
priétaire ne  fe  préfente  pas,  la  bonne  foi  du  débi- 
teur doit  rendre  valable  le  Payement  qu'il  a  fait 
au  poîTeffeur,  qu'il  a  dît  confidérer  comme  le  créan- 
cier légitime. 

Il  faut  encore,  pour  la  validité  du  Payement, 
que  le  créancier,  ou  ceux  qui  le  repréfentent , 
foient  des  gens  capables  d'adminiftrer  leur  bien. 
Ainfi ,  dans  le  cas  où  le  créancier  feroit  un  mineur, 
un  interdit  ou  une  femme  fous  puiffance  de  mari , 
le  Payement  qui  lui  feroit  fait  n'éteindroit  pas  la 
dette. 

^  Le  Payement  fait  à  celui  que  le  créancier  a 
chargé  de  recevoir  pour  lui,  étant  réputé  fait  au 
créancier  lui-même,  il  faut  en  conclure  qu'il  im- 
porte peu  au  débiteur,  que  celui  qui  a  le  pouvoir 
d'un  créancier  capable  d'adminifèrer  fon  bien,  foit 
un  mineur,  un  religieux,  ou  une  femme  fous 
puiffance  de  mari  ;  le" Payement  n'en  eft  pas  moins 
valable,  parce  que  c'eA  la  perfonne  de  celui  qui 
a  donné  le  pouvoir,  qui  doit  être  confidérée,  6c 
non  celle  qui  a  reçu  le  pouvoir. 

Lorfqu'un  créancier  a  donné  pouvoir  aune  per- 
fonne de  recevoir  pour  lui,  tandis  qu'il  feroit  ab- 
fent ,  ou  durant  un  certain  temps,  le  Payement 
fait  à  cette  perfonne  après  l'expiration  du  temps, 
ou  depuis  le  retour  du  créancier ,  ne  feroit  pas  va- 

I  lablc  ,  parce  que  le  pouvoir  de  recevoir  ne  fubfifte- 

[  roit  plus. 

Il  en  feroit  de  même  fi  le  créancier  avoit  révo- 
qué le  pouvoir  par  lui  donné  :  mais  il  faudroit  pour 
que  le  Payement  fait  depuis  la  révocation  ne  fût 
pas  valable,  que  le  débiteur  eût  eu  connoiffance  de 
de  cette  révocation,  ou  qu'elle  lui  eût  été  flgnifiée. 

Le  titre  de  créance  dont  un  huiffier  eft  por- 
teur pour  le  mettre  à  exécution  ,  équivaut  à  ua 
pouvoir  de  recevoir  la  créance  :  ainfi  la  quittance 
que  cet  huiffier  donne  au  débiteur,  a  le  même  effet 
que  fi  le  créancier  la  lui  avoit  donnée. 

Mais  il  en  eft  différemment  du  procureur  ad 
lites  ,  que  le  créancier  a  chargé  d'intenter  une  ac- 
tion contre  fon  débiteur  :  cette  commiflion  ne  ren- 
ferme pas  le  pouvoir  de  recevoir  le  Payement  de 
la  créance. 

Lorfqu'on  paye  à  une  perfonne  à  laquelle  la  loi 
donne  qualité  pour  recevoir  ce  qui  eft  dû  nu  créan- 
cier ,  le  payement  eft  valable.  Ainfi  le  tuteur  reçoit 
vaiablement'ce  qui  eft  dû  à  fes  mineurs ,  le  curateur 
ce  qui  eft  dû  à  l'interdit ,  le  mari  ce  qui  eft  dû  à  fa 
femme,  à  moins  qu'elle  ne  foit  féparée  de  biens  ; 
un  receveur  d'hôpital ,  ce  qui  eft  dû  à  l'hôpital ,  &c. , 
&  le  débiteur  qui  paye  entre  les  mains  de  ces 
perfonnes,eft  parfaitement  libéré,  quand  même 
elles  deviendroient  infolvables.  On  ne  fuit  pas  par- 
mi nous  la  loi  25  ,  cod  de  aJm.  tut. ,  qui  exigeoit  le 
déctet  du  juge  ,  pour  que  le  débiteur  qui  payoit  au 

tuteur 


?  AYEMENT. 

^lJteur  fût  à  couvert,  en  cas  d'inlolvabilité  de  ce 
dernier. 

La  raifon  de  parenté  ou  d'alliance  n  eft  pas  une 
raifon  fuffifante  pour  recevoir  ce  qui  eft  dû  au 
créancier.  Ainfi  le  débiteur  ne  peut  pas  valable- 
ment payer  au  fils  ce  qu'il  doit  au  pèro  ,  ni  au  man 
ce  qu'il  doit  à  la  femme  féparée  de  biens  d'avec  lui. 

Quelquefois  on  ftipule  dans  un  a6te  que  le  Paye- 
jnent  auquel  on  s'oblige  ,  pourra  fe  faire  à  une  per- 
fonne  tierce  qu'on  indique ,  comme  au  créancier 
même.  En  ce  cas  le  Payement  fait  à  cette  perfonne 
libère  incontefiablement  le  débiteur. 

Les  tierces  perfonnes,  entre  les  mains  defquelles 
•n  autorifc  le  débiteur  à  payer ,  font  ordinairement 
des  créanciers  du  créancier  qui  les  défigne.  Par 
exemple  ,  je  vous  vends  une  maifon  pyur  trente 
mille  livres,  fous  la  condition  que  vous  en  payerez 
à  mon  acquit  dix  mille  livres  à  Pierre  ,  ÔC  vingt 
mille  livres  à  Paul ,  qui  font  mes  créanciers  de 
pareilles  fommes. 

Quelquefois  néanmoins  la  perfonne  tierce  ,  qui 
eft  autorifée  à  recevoir  le  Payement ,  eft  un  man- 
dataire ou  un  donataire. 

L'indication  de  la  perfonne  tierce,  autorifée  à 
recevoir  le  Payement,  peut  fe  faire  pour  un  lieu, 
ou  pour  nn  temps  différens  du  lieu  ou  du  temps 
auxquels  la  chofc  doit  être  payée  au  créancier  mê- 
me. Nous  pouvons,  par  exemple  ,  ftipuler  que  je 
vous  payerai  chez  vous  à  Bordeaux,  ou  chez  votre 
banquier  à  Lyon.  Nous  pouvons  aulîî  convenir  que 
fi  je  ne  vous  paye  pas  à  la  foire  de  Beaucaire  , 
je  payerai  après  cette  foire  entre  les  mains  d'une 
rdle  perfonne. 

Quoique  régulièrement  le  payement  ne  foit 
valable  qu'autant  qu'il  eft  fait  à  la  perfonne  in- 
diquée par  la  convention  ,  cependant  fi  le  ven- 
deur ftipule  en  vendant  un  héritage,  que  le  prix 
en  fera  payé  à  un  tel,  fon  créancier,  l'acquéreur 
pourra  valablement  payer,  non  feulement  à  la  per- 
fonne même  du  créancier,  mais  encore  à  fes  lieri- 
tiers  ou  autres  qui  ont  foccédé  à  fa  créance.  La 
raifon  en  efl ,  que  ,  dans  ce  cas  ,  c'eft  bien  moins  la 
perfonne  indiquée,  que  fa  qualité  de  créancier  qui 
a  été  confidérée,  par  l'intérêt  que  le  vendeur  avoit 
que  la  dette  s'acquittât  ,^&  par  celui  qu'avoit  l'ac- 
quéreur d'être  fubrogé  à  l'hypothèque  du  créancier. 

Si  la  perfonne  indiquée  venoit  à  changer  d'état 
depuis  l'indication  ,  &  qu'elle  vîat ,  par  exemple  , 
à  être  privée  de  la  vie  civde,  ou  à  être  interdite  , 
ou  à  paiTer  fous  la  puiflance  d'un  mari ,  le  débiteur 
De  pourroit  plus  payer  valablement  entre  fes  mains. 
Cette  décifion  eu  fendée  fur  ce  qu'oû  ne  préfume 
pas  que  le  créancier  auroit  indiqué  cette  perfonne, 
s'il  eût  prévu  les  cas  dont  on  vient  de  parler. 

Suivant  le  droit  des  novelles  ,  le  débiteur  qui  de- 
voir une  fbmme,  8c  qui  n'avoit  ni  argent  ni  meu- 
bles à  vendre,  pouvoit  obliger  fon  créancier  à  re- 
cevoir des  immeubles  en  Payement ,  conformément 
à  l'ertimation  qui  en  feroit  faite ,  fi  mieux  n'aimoit 
le  créancier  trouver  des  gens  qui  vouluffentacqué-  ' 
Tmc  XIIL  * 


PAYEMENT.  17 

rlr  ces  Irwmcubles;  mais  cette  difpofition  du  droit 
romain  n'e/t  pas  fuivie  en  France  ;  nous  y  tenon» 
pour  maxime  ,  qu'un  débiteur  ne  peut  obliger  fes 
créanciers  à  recevoir  en  payement  autre  chofe  que 
ce  qu'il  leur  doit.  Voyez  cependant  ce  que  nouj 
avons  dit  à  l'article  CoLLOCATiON  ,  relativement 
à  la  Provence. 

Le  débiteur  ne  peut  pas  non  plus  obliger  (en 
créancier  à  recevoir  par  parties  le  Payement  de  fa 
créance,  d'où  il  fuit,  que  la  confignation  d'une 
partie  de  la  fomme  due  n'arrêteroit  pas  le  cours  de» 
intérêts,  même  pour  la  partie  confignée. 

Il  ne  fuffit  même  pas  au  débiteur  d'offrir  la  fom- 
me principale,  lorsqu'elle  produit  des  intérêts  ,  il 
faut  encore  qu'il  offre  ces  intérêts  ,  fmon  le  créan- 
cier peut  refufer  le  Payement. 

Obfervez  néanmoins  ,  que  quelquefois  le  juge 
ordonne,  en  confidération  de  la  pauvreté  du  dé- 
biteur ,  que  la  fomme  due  fera  divifée  en  un  certain 
nombre  de  Payemens  :  c'eft  aufli  ce  que  les  par- 
ties flipulent  fouvent  par  la  convention.  Dans  ce 
cas,  la  fomme  qui  doit  compofer  chaque  Paye- 
ment eft  déterminée ,  ou  elle  ne  l'eft  pas  :  fi  elle 
n'eft  pas  déterminée ,  on  décide  que  les  parties  ont 
entendu  que  les  Payemens  feroient  égaux  enrr'eux. 
C'eft  pourquoi  fi  la  convention  porte  que  vous  me 
payerez  douze  mille  francs  en  fix  payemens,  cha- 
que payement  fera  néceffairement  de  deux  mille 
francs;  mais  vous  pourrez  faire  deux  ou  trois  Paye- 
mens à  la  fois ,  fi  vous  le  jugez  à  propos. 

La  règle  fuivant  laquelle  le  débiteur  ne  peut  pas 
obliger  le  créancier  de  recevoir  fon  Payement  par 
partie,  foufTre  une  exception  dans  le  cas  oîj  il  y  a 
conteftation  fur  la  quantité  de  ce  qui  eft  dû.  Par 
exemple  ,  par  le  compte  que  je  rends  de  la  geftiort 
que  j'ai  faite  à'unc  affaire  commune,  je  me  recci-:- 
uois  débiteur  de  dix  mille  francs  feulement  envers 
mes  aflbciés  :  ceux-ci  prétendent  au  contraire  que 
je  leur  dois  quinze  mille  francs.  La  loi  31  ,  ^<^c 
reb.  cred. ,  veut  qu'en  ce  cas  je  puiffe  obliger  mes 
créanciers  de  recevoir  le  Payement  de  la  fomme 
que  j'ai  déclaré  leur  devoir,  fauf  à  payer  le  furplus, 
fi  cela  eft  ainfi  ordonné  par  le  jugement  qui  déci- 
dera la  conteftation. 

La  règle  dont  il  s'agit  fouiTre  une  féconde  ex« 
ception  dans  le  cas  de  la  compenfaiion ,  attendu  que 
le  créancier  eft  obligé  de  compenfer  la  fomme  qu'il 
doit,  avec  celle  qui  lui  eft  due,  quoique  cette  der- 
nière foit  plus  c»nfidérable  que  l'autre. 

Si  vous  êtes  débiteur  de  plufieurs  dettes  envers 
le  même  créancier  ,  vous  pouvez  l'obliger  de  rece- 
voir le  Payement  d'une  dette ,  quoique  vous  n'of- 
friez pas  de  payer  les  autres. 

Ceft  en  conféquence  de  cette  règle ,  que  Du- 
moulin décide  qu'un  emphithoote  ,  qui,  félon  fcn 
bail ,  peut  être  privé  de  ion  droit  s'il  cefTe  per- 
dant trois  années  le  Payement  de  la  redevance  an- 
nuelle ,  évitera  cette  peine  ,  en  olîVrint  le  Payement 
d'une  année  avant  l'expiration  de  la  troiûème. 

Lorfqu'une  deits  eft  d'un  corps  certain  &  dét&r> 

C 


i8  PAYEMENT. 

miné,  elle  peut  être  valablement  payée  en  quel- 
que état  que  la  chofe  foit,  pourvu  que  ,  û  elle  a 
été  détériorée  depuis  la  convention  ,  ce  n'ait  été  ni 
par  le  fait  du  débiteur  ,  ni  par  la  faute,  ni  par  celle 
des  gens  dont  il  doit  répondre. 

Mais  il  en  feroit  différemment  û  la  dette  étoit 
d'un  corps  indéterminé.  Si,  par  exemple,  je  me 
fuis  obligé  de  vous  donner  un  mouton  de  mon 
troupeau  ,  8c  que  depuis  la  convention  un  de  mes 
moutons  foit  devenu  galeux,  (je  ne  pourrai  pas 
acquitter  la  dette  avec  celui-ci  ;  il  faudra  que  je 
vous  en  délivre  un  qui  foit  fain. 

Lerfqu'une  obligation  a  été  contradlée  fans  ter- 
ine  ,  le  créancier  peut  auflîtôt  eu  exiger  le  Paye- 
ment ;  mais  lorfqu'elle  renferme  un  terme ,  le  Paye* 
ment  n'en  peut  être  exigé  avant  l'expiration  du 
terme. 

Le  terme  diffère  de  la  condititar»,  en  ce  que  la 
condition  fupend  l'engagement  que  doit  former  la 
convention  :  le  terme  au  contraire  ,  ne  fufpend 
pas  l'engagement  ,  il  en  diffère  feulement  l'exé- 
cution. Celui  qui  a  promis  fous  condition  ,  n'efl 
pas  débiteur  avant  l'échéance  de  la  condition  :  il  y 
a  feulement  efpérance  qu'il  pourra  l'être.  C'eft  pour- 
quoi s'il  venoit  à  payer  pat  erreur  avant  la  condi- 
tion ,  il  feroit  fondé  à  répéter  ce  qu'il  auroit  payé  , 
comme  chofe  non  due. 

Mais  il  en  eA  autrement  de  celui  qui  doit  à  uh 
certain  terme;  il  ne  peut  rien  répéter  ,  parce  qu'il 
n'a  payé  que  ce  qu'il  devoir  effeiflivement. 

Obfervez  cependant  que  quoiqu'en  général  le 
Payement  fait  avant  le  terme  foit  valable,  il  y  a 
néanmoins  des  exceptions  à  cette  règle  ,  quand  il 
paroit  par  les  ciïconflances,  que  le  temps  du  Paye- 
ment a  été  limité  eu  faveur  du  créancier  auffi  bien 
qu'en  faveur  du  débiteur.  Par  exemple,  un  tcflateur 
lègue  une  fomiue  de  dix  mille  francs  à  un  mineur , 
&  pour  empéclier  que  le  tuteur  de  ce  mineur  ne 
la  diilipe  ,  il  ordonne  qu'elle  ne  fera  payée  qu'à  la 
majorité  du  légataire  :  il  eft  certain  que  fi  le  débi- 
teur du  legs  vient  à  payer  la  fomme  auparavant,  il 
fe  reud-a  refpnnfabl'e  de  l'infolvabillté  du  mineur. 

Comme  le  terme  que  le  créancier  accorde  au 
débiteur  ,  efl  cenfé  avoir  pour  fondezucnt  la  folva- 
bilité  de  ce  dernier,  il  faut  en  conclure,  i"..  qne 
s'il  vient  n  f:;:re  faillite  ,  &  que  le  prix  de  fes  meu- 
bles fe  di/îribue  ,  le  créancier  peut  demander  {on 
Pavement,  quoique  le  terme  de  la  dette  ne  foit 
pas  échu. 

Remarquez  à  ce  fujet ,  que  û  de  deux  débiteurs 
folidaires,  il  y  en  a  un  qui  faffe  faillite,  le  créan- 
cier peut  bien  exiger  de  celui-ci  le  Payement  de  fa 
dette  avant  le  teme  ;  mais  il  ne  feroit  pas  fondé  à 
taire  p.'.yer  celui  qui  eft  demeuré  folvable.  Ce  der- 
nitv  ne  peu:  Hiême  pas  être  obligé  de  donner  cau- 
tion à  la  place  de  fon  codébiteur  en  faillite.  Anne 
Roberr  rapporte  un  arrêt  du  29  février  1592  ,  qui 
l's  aiufi  j-:gé..  Cette  décifion  e(l  fondée  fur  ce  que 
la  faillite  n'étant  pas  le  fait  du  débiteur  qui  efî  de- 
nieurè  folvabie  ,  elle  ne  peut  pas  lui  préjudicier  , 


PAYEMENT. 

en  l'obligeant  à  plus  que  ne  porte  la  ccnvcnriort» 
C'eû  le  cas  d'expliquer  la  msxime  ,.  nemo  ex  altc 
rius  faflo  prœgraviri  débit. 

2°.  Le  créancier  hypothécaire  ,  qui  a  formé  ôp- 
pofjtion  au  décret  des  immeubles  de  fon  débiteur, 
8c  qui  fe  trouve  en  ordre  d'être  utilement  collo» 
qué  ,  peut  aufli  exiger  le  Payement  de  fa  créance, 
quoique  le  ternae  de  crédit  ne  foit  point  écoulé.  La 
raifon  en  eft  ,  que  fon  hypothèque  venant  à  s'étein- 
dre ,  l'effet  du  terme  de  crédit  doit  ceffer. 

Quand  la  convention  défigne  un  lieu  pour  y 
payer  la  dette ,  ce  lieu  eft  cenfé  déterminé  pour 
l'utilité  du  créancier  comme  pour  celle  du  débi- 
teur; ainfi  le  Payement  ne  peut  pas  fe  faire  ailleurs 
contre  le  gré  de  l'une  ou  de  l'autre  des  parties, 
C'cft  ce  qui  réfulte  de  la  loi  9  ,ff.  de  eo  quod  certa 
loco. 

Si  par  la  convention  il  n'y  aaucun  lieu  défigné 
pour  payer  ,  &  que  la  dette  foit  d'un  corps  cer- 
tain ,  le  Payement  doit  fe  fiaire  au  lieu  où  eft  la 
chofe.  Suppofez,  par  exemple ,  que  vous  ra'ayer 
vendu  le  bled  qui  eft  dans  ks  greniers  de  votre 
métairie  ,  c'eft-là  où  je  dois  vous  en  faire  le  Paye- 
ment, &  que  vous  devez  me  le  livrer. 

Si  poftérieurement  à  notre  convention  ,  vous 
aviez  tranfporté  le  blé  dont  il  s'agit  dans  un  lieu 
d'où  l'enlèvement  me  feroit  devenu  plus  difpen- 
diâux  ,  je  ferois  fondé  à  exiger  de  vous  ,  par  forme 
de  dommages  8c  intérêts  ,  ce  que  j'aurois  payé  pour 
cet  enlèvement  ,  au-dlà  de  ce  qu'il  m'en  auroit 
coûté  ,  fi  le  blé  ffu  refté  au  lieu  ou  il  ét®ii  dans  le 
temps  de  la  convention. 

Mais  où  fera  le  lieu  du  Payement  fi  la  dette  eft 
d'une  chofe  indéterminée  ,  comme  fi  vous  étiez 
obligé  de  me  livrer  deux  chevaux  ,  un  tonneau  de 
vin,  une  paire  de  flambeaux  ,  8cc.  .''  L'indétermi- 
nation de  la  chofe  empêchant  qu'on  ne  puiffe  alîî- 
t»ner  un  lieu  où  elle  foit ,  il  eft  clair  que  le  lieu  du. 
Payement  ne  peut  pas  être  celui  où  elle  eft;  il  fau- 
dra donc  la  payer  au  lieu  où  elle  fera  demandée  , 
c'eft-à-dire,  au  domicile  du  débiteur. 

Cette  décifion  eft  fondée  fur  ce  qu'une  conven- 
tion dans  laquelle  les  parties  ne  fe  font  pas  expli- 
quées,  doit's'interpréter  en  faveur  du  débiteur, 
plutôt  qu'en  faveur  du  créancier  ;  d'où  il  fuit ,  que 
le  lieu  du  Payement  n'ayant  pas  été  défigné ,  il 
doit  être  celui  qui  eft  le  moins  onéreux  au  débiteur. 

Obfervez  néanmoins  que  la  juriiprudsnce  qu'on 
vient  d'établir  ,  fouffre  une  exception  lorfque  le 
créancier  &  le  débiteur  réfîdent  à  peu  dediflance 
l'un  de  l'autre,  par  exemple  ,  dans  la  même  ville, 
&  que  la  chofe  due  confifte  dans  une  fomme  d'ar- 
gent ou  dans  quelque  effet  qui  peut  être  porté 
fans  frais  chez  le  créancier  :  en  ce  cas  ,  le  Paye- 
ment doit  fe  faire  chez  le  créancier  ;  c'eft  llavis. 
de  Dumoulin. 

Si  par  la  convention  on  ftipule  que  la  chofe  due 
fera  payée  au  domicile  du  créan^cier  qui  étoit  alors, 
dans  la  même  ville  que  celui  du  débiteur  ,  &:  que 
poftérieurement  le  créancier  viçnne  à  fixer  fa  ré;ûr 


PAYEMENT. 

tlence  dans  une  autre  ville  ,  le  débiteur  fera  fondé 
à  demander  que  ,  pour  recevoir  fon  Payement , 
It;  créancier  élife  an  domicile  dans  la  ville  oii  il  de- 
m:uroit  ,  lorfque  la  convention  eft  intervenue  ;  Qc 
faute  par  lui  d'élire  ce  domicile,  le  débiteur  doit 
être  autorifé  à  configner  la  chofe  due.  Cette  dé- 
cifion  ert  fondée  fur  ce  que  la  tranilation  du  do- 
micile du  créancier  ne  doit  point  être  onéreufe 
au  débiteur, 

Lorfque  le  débiteur  qui  fe  libère  ,  veut  une 
quittance  pardevant  notaires  ,  il  doit  en  payer  les 
frais. 

Il  arrive  fouvent  que  par  Keffet  d'un  feul  Paye- 
ment, plufieurs  obligations  de  différentes  perfon- 
nes  fe  trouvent  acquittées  ;  comme  quand  un  dé- 
biteur paye  par  l'ordre  de  fon  créancier  à  un  au- 
tre,  envers  qui  ce  créancier  étoit  obligé  ;  mais 
■quoiqu'il  ne  paroi/Te  en  pareil  cas  qu'un  leul  Paye- 
ment, il  s'en  fait,  dans  la  vérité  ,  aurant  qu'il  fe 
trouve  de  dettes  payées  :  en  effet,  il  en  eft  de 
même  que  fi  chacun  de  ceux  qui  fe  trouvent  payés 
&  qui  payent  à  d'autres  par  ce  feul  Payement  , 
recevoit  des  mains  de  fon  débiteur  ce  qui  lui  eft 
dû,  &  le  mettoit  entre  celles  de  fon  créancier. 

11  peut  auffi  arriver  qu'un  même  Payement  ac- 
quitte en  un  inftant  deux  obligations  d'une  même 
perfonne  envers  un  même  créancier;  par  exemple  , 
fi  un  teftateur,  créancier  d'un  mineur  qui  peut  fe 
faire  relever,  lui  fait  un  legs  fous  la  condition  qu'il 
payera  la  dette  à  l'héritier  ,  le  Payement  que  fera 
le  légataire  acquittera  fa  dette  ,  &  remplira  la  con- 
dition impofée  pour  le  legs. 

Un  débiteur  qui  paye  volontairement  une  dette 
qu'il  auroit  pu  faire  déclarer  nulle  en  juftice ,  mais 
que  l'équité  naturelle  rendoit  légitime,  ne  peut 
revenir  contre  cette  approbation.  Ainfi  un  mineur 
devenu  majeur ,  qui  paye  une  dette  contraâée  du- 
rant fa  minorité ,  n'eft  pas  fondé  à  répéter  ce  qu'il 
a  payé.  Il  en  eft  de  même  d'une  femme  qui  ayant 
contraâé  une  dette  fans  l'autorifation  de  fon  mari , 
la  paye  lorfqu'clle  eft  veuve. 

On  exécute  dans  le  commerce  une  fentence  des 
^uges-confuls  de  Paris  du  9  janvier  1730,  fuivant 
laquelle  les  Payemens  de  fommes  un  peu  confi- 
dérables  doivent  fe  faire  en  facs  de  douze  cents 
livres  ,  de  mille  livres  ou  de  fix  cents  livres. 

On  juge  d'.iilleurs  dans  tous  les  tribunaux  ,  que 
celui  qui  paye  douze  cents  livres  dans  un  fac ,  peut 
exiger  fix  fous  pour  le  fac,  cinq  fous  fi  le  Paye- 
ment eft  de  mille  livres  ,  6c  trois  fous  s'il  eft  de  fix 
cents  livres. 

Par  arrêt  du  premier  août  1738  ,  le  confeil  avoit 
réglé  que  ceux  qui  fcroient  des  Payemens  au  def- 
fus  de  quatre  cents  livres  ,  ne  pourroient  obliger 
le  créancier  de  recevoir  plus  d'un  quarantième  en 
fous  ;  mais  ,  par  un  autre  arrêt  du  21  janvier  178 1 , 
le  confeil  a  ordonné  que  les  fous  ne  fe  délivre- 
roient  plus  dans  les  Payemens  que  pour  les  ap- 
points qui  ne  pourroient  être  payés  en  écus. 

Des  lettres-patentes  du  1 1  décembre  1774 ,  en- 


PAYEMENT. 


ï? 


reglftrées  à  la  cour  des  monnoies  le  6  février  1775 , 
ont  pareillement  ordonné  que  les  pièces  de  fix  fous, 
douze  fous  &  vingt-quatre  fous  ,  ne  pourroient  en- 
trer dans  les  Payemens  que  pour  appoints  &  en  cC- 
pèces  découvertes. 

Par  arrêt  du  28  avtil  1781  ,  la  cour  des  mon- 
noies a  fait  défenfe  à  tout  particulier  de  refufer 
en  payement ,  &  de  donner  &  recevoir ,  fous  quel- 
que prétexte  que  ce  pût  être  ,  les  pièces  de  deux 
fous  pour  une  valeur  moindre  que  celle  portée 
par  l'édit  d'oftobre  1738  ,  lorfqu'il  paroîtroit  fur 
ces  pièces ,  de  l'an  ou  de  l'autre  côté ,  des  vefti- 
tiges  de  l'empreinte  qu'elles  avoient  reçue  ,  à  peine 
contre  les  contrevenans  d'être  pourfuivis  extraor- 
dinairement,&  punis  comme  billonneiu-s  , fuivant 
la  rigueur  des  ordonnances. 

Payement,  fe  dit  aufli,  en  matière  de  com- 
merce ,  de  certains  termes  fixes  &  arrêtés ,  dans 
lefquels  les  marchands  ,  négocians  &  banquiers  » 
doivent  acquitter  leurs^dettes  ou  renouveler  leurs 
billets. 

Jl  y  a  à  Lyon  quatre  Payemens  ,  de  même  que 
quatre  foires  franches  ;  favoir  , 

Le  Payement  des  rois ,  qui  commence  le  pre- 
mier de  mars  ,  &  dure  tout  le  mois. 

Le  Payement  de  pâques  ,  qui  commence  le  pre- 
mier juin,  &  dure  tout  le  mois. 

Le  Payement  d'août ,  qui  commence  le  premier 
feptembre  ,  &  dure  tout  le  mois. 

Et  le  Payement  de  touflaint ,  qui  commence  au 
premier  décembre ,  &  dure  pareillement  tout  le 
mois. 

Suivant  le  règlement  de  la  place  des  changes 
de  la  ville  de  Lyon,  du  2  juin  1667,  l'ouver- 
ture de  chaque  Payement  doit  fe  faire  le  premier 
jour  non  férié  ,  de  chacun  des  quatre  Payemens  » 
fur  les  deux  heures  de  relevée  >  par  une  aftera- 
blée  des  principaux  négocians  de  la  place  ,  tant 
françois  qu'étrangers,  en  préfence  du  prévôt  des 
marchands  ,  ou  en  fou  abfence  ,  du  plus  anciea 
échevin» 

C'eft  de  cette  aflemblée  que  commencent  les  ac* 
ceptations  des  lettres  de  change  payables  dans  le 
Payement;  ce  qui  continue  jufqu'au  fixlème  du 
mois  incluûveraent ,  après  quoi  les  porteurs  de» 
lettres  peuvent  les  faire  protefter  ,  fawte  d'accepta- 
tion ,  pendant  le  refte  du  mois. 

Le  troifième  jour  non  ferlé  du  même  mois  , 
on  établit  le  prix  des  changes  de  la  place  avec  les 
étrangers,  dans  une  affetiiblée  qui  le  fait  en  pré- 
fence  du  prévôt  des  marchands;  &  le  fixième  jour 
jion  férié,  on  fait  l'entrée  &  l'ouverture  du  bilan 
&  virement  des  parties  ;  ce  qui  continue  jufqu'au 
dernier  du  mois  inclufivement ,  après  lequel  il  ne 
fe  fait  plus  d'écritures  ni  de  virement  des  par- 
ties ;  &  s'il  s'en  faifoit  quelques-uns ,  ils  feroient 
de  nul  effet. 

Les  lettres  de  change  acceptées,  payables  en 
Payement,  &  qui  n'ont  point  été  payées  avant  le 
dernier  du  mois  inclufivement,  doiveni;  être  payées 

Cij 


1©      PAYEURS  DES  GAGES. 

fn  argent  comptant ,  ou  proteftées  dans  les  trois 
jours  luivans  ,  entre  lefqucis  les  fêtes  nefontpoint 
comprifes. 

\  oyez  les  lois  civiles  de  Domat  ;  le  journal  des 
audiences  ,  6*  celui  du  palais  ;  les  auvrcs  dt  Henry  s  , 
&  celles  de  Pothier  ;  les  centuries  de  le  Freftre;  les 
arrêts  de  Papon  ;  la  jurifprudenci  de  Guypape  ;  les 
arrêts  de  Maynard  ;  Carondas  en  fes  réponfes ,  ô-e. 
Voyez  aufli  les  articles  Imputation  ,  Garan- 
tie, NovATiON,  Compensation,  Change, 
Protêt,  Prescription,  Arrérages,  Offres 
R££LLES  ,  Subrogation  ,  Caution  ,  8cc. 

PAYEURS  DES  GAGES.  On  donne  ce  titre  à 
lolficier  chargé  de  payera  tous  les  membres  d'une 
cour  fouvcraine  ,  les  gages  attribués  à  chacun  de 
kurs  offices.  Ils  font  eux-mêmes  partie  du  corps 
auquel  cette  foniftion  les  attache  ,  &  ils  jouiflcnt  de 
tous  les  droits  ,  honneurs  ,  prééminences  &  préro- 
gatives qui  appartiennent  aux  principaux  officiers, 
rotamment  delà  noblefle  au  premier  degré,  du 
droit  de  commitimus.  Sec.  Les  Payeurs  des  gages  du 
parlement  font  précéder  ce  titre  de  celui  de  tréfo- 
ritrs. 

Le  roi  ayant  reconnu  que  le  fervice  des  offi- 
ciers attachés  à  la  chambre  des  comptes  pour  payer 
les  gages  de  fes  membres  ,  quoique  partagés  entre 
plulicurs ,  pouvoit  fe  faire  par  un  feiil ,  6c  que  le 
prix  des  finances  de  leur  charge  avoit  été  porté 
à  une  fomme  û  confidérahle,  qu'il  n'y  avoit  plus 
de  proportion  entr'elle  &  les  émolumens  qui  y 
avaient  été  fixés,  fa  majefté  les  a  tous  fupprimés, 
pour  ne  recréer  qu'un  feul  &  unique  office  de 
receveur  &  Payeur  des  gages  ,  dont  la  finance  plus 
modérée  niît  le  titulaire  en  état  de  remplir  moins 
onéreufement  les  fondions  de  fa  charge. 

Un  édit  du  mois  de  juillet  1775  ,  enregiftré  à 
la  chambre  des  comptes  de  Paris ,  a  accordé  au 
fieur  Bertrand  Dufrefne  ,  «c  l'agrément  de  la  charge 
■»  de  Payeur  des  gages  de  cette  cour ,  en  l'au- 
»  torifant  à  en  faire  l'exercice ,  à  compter  de  la 
»  même  année  ,  &  en  lui  accordant  les  hon- 
»  neurs  &  privilèges  dont  jouifToient  les  titubi-  J 
j>  res  des  offices  fupprimés.  » 

Par  l'anicle  4  dii  même  édit ,  la  finance  de 
cette  office  efî  fixée  à  la  fom.'ne  de  cent  cinquante 
mille  livres. 

Par  l'article  ^ ,  le  roi  attribue  au  titulaire  ,  pre- 
inièremenr,  «  fept  mille  cinq  cents  livres  de  gages , 
■n  fur  le  pied  de  cinq  pour  cent  ;  fecondemenr , 
»  cinq  mille  livres  de  droit  d'exercice,  lefquels 
w  gages  &  droits  d'exerctce  font  fujets  au  dixième 
»  d'amoniflement  établi  par  l'édit  du  mois  de  dé- 
»  cembre  1764  ,  &  doivent  être  employés  dans 
jj  les  états  des  gages  des  officiers  de  la  chambre 
j>  des  comptes  ;  troifièmement  enfin  ,  le  roi  ac- 
w  corde  annuellement  au  même  titulaire  quinze 
V  cents  livres  d'augmentation  de  droit  d'exercice  ,  ' 
»  pour  tenir  Heu  de  frais  de  bareau  &  autres  frais 
7>  de  compiahilité,  lefaiHcls  ne  peuvent,  en  zu- 
9  cua  temps  être  fu;ets  ï  là  letçniie  da  dixième ,   ^ 


PAYEURS  DES  GAGES. 

»  ni  à  aucune  autre  retenue  quelconque  ». 

Les  fonds  deftinés  au  payement  des  gages  font 
affignés  fur  les  fermes  générales.  Se  payés  par  l'ad- 
judicataire. 

Les  titulaires  de  la  charge  de  Payeur  des  gages  , 
doivent  rendre  le  compte  de  leurs  exercices  à  1» 
chambre  des  comptes. 

Une  déclaration  du  rei  du  15  août  1777,  pouf 
prévenir  toute  difficulté  relativement  aux  privilè- 
ges &  au  rang  du  Payeur  des  gages  de  la  chambre 
des  comptes  ,  porte  exprtffément ,  que  le  titulaire 
de  cette  charge  jouira  de  la  noblefTc  au  premier 
degré  .  &  la  tranfmettra  à  fes  defcendans  s'il  meurt 
dans  l'exercice  de  fa  charge,  ou  s'il  a  obtenu  des 
lettres  d'honoraire  après  vingt  ans  d'exercice  ,  de 
même  que  les  Payeurs  des  gages  des  cours  de  par- 
lement &  des  cours  des  aides.  A  l'égard  du  rang 
qu'il  doit  occuper,  la  même  déclaration  veut  qu'il 
foit  réputé  être  du  corps ,  &  faire  partie  des  offi- 
ciers de  la  chambre,  t(u'il  y  ait  entrée  aux  jours  de 
ccrémonies  feulement ,  «  qu'il  y  affifle  en  robe  de  taf- 
K  fêtas  ou  moire  noire,  &  qu'il  prenne  place  entre 
»  les  greffiers  enchef  &  les  Iwifliers  ».  (^Article de 
M,  DE   Ljt  Croix  ^  avocat  au  parlement^,. 

PAYEURS  DES  RENTES.  Les  Payeurs  des 
rentes  font  des  officiers  établis  pour  payer  toutes 
les  rentes  ,  foit  perpétuelles ,  foit  viagères ,  due» 
par  le  roi  :  leur  cvrigine  remonte  à  l'année  1 576. 

Les  édits  de  création  de  leurs  offices  ,  leur  don- 
nent la  a  qualué  des  confeillcrs  du  roi  ,  tréforiers 
»  receveurs  généraux  &  Payeurs  des  rentes  da 
»  l'hôiel- de-ville  de  Paris,  receveurs  des  confi- 
»  gnations  ,  dépofitaires  de  débets  de  quittances  * 
»  commiifaires  aux  rentes  faifies  réellement ,  & 
»  greffiers  des  feuilles  &  immatricules  ».  Ces  édits 
leur  accord."nt  différens  privilèges  &  exemptions  , 
&  notamment  ceux  des  receveurs  généraux  des 
finances  ,  qui  font  les  mêmes  que  ceux  qu'on  a 
attribués  aux  officiers  des  bureaux  des  finances  : 
ces  privilèges  font  énoncés  dans  la  déclaration  du 
roi  du  28  janvier  1576  ,  &  les  édits  d'avril  1594  ,. 
mai  1608,  &  5  avril  1707,  auxquels  les  différens 
édits  de  création  fe  réfèrenr. 

Le  grand  intérêt  qu'ont  prefque  tons  les  ordres 
de  citoyens  dans  les  rentes  dues  par  le  roi  ,  exige 
que  nous  donnions  un  détailun  peu  circonftancié 
des  fonâions  de  ces  officiers. 

Les  Payeurs  des  rentes  font  tenus  de  faire  leurs 
payemcns  à  bureau  ouvert  à  l'hôtcl-de-ville  ,  fous 
les  yeux  de  MM.  les  prévôt  des  marchands  8c 
échevins  ,  juges  en  première  inftance  de  toutes  les 
difficultés  qui  peuvent  furvenir  non-feulement  aa 
moment  du  payement,  mais  antèrieurejrent  ou 
poftérieuremcntà  iceltii,  defqnels  jngemens  l'appel 
fe  relève  an  parlement.  Le  payement,  conformé>- 
ment  à  l'ordonnance  de.  1672  ^  doit  hixc  précédé 
de  l'appel  des  rentiers  quionr  dû  fournir  leur  quit- 
tance an  Payeur  au  moins  huitaine  auparavant ,  6c 
ter  appel  doit  être  fait  par  ordre  alphabétiq^Rc  t 


PAYEURS  DES  RENTES. 

cette  obligation  de  la  pan  des  rentiers  de  foHrnîr 
leurs  quittances  &c  leurs  pièces  au  Payeur  huit 
jours  avant  le  payement ,  paroit  au  premier  coup- 
d'œil  injufte  &  l'ujette  à  des  inconvéniens  ;  mais 
elle  eft  abfolument  nécelfaire  pour  les  intérêts  du 
roi ,  &:  par  fuire  pour  ceux  du  Payeur  ,  qui  ne  doit 
acquitter  que  ce  que  le  roi  doit ,  &  qui  n'en  doit 
faire  le  payement  qu'à  ceux  qui  ont  réellement 
droit  de  l'exiger.  Cette  remife  de  quittances  anté- 
rieurement au  payement  ,  ne  peut  d'ailleurs  en- 
traîner aucun  abus ,  parce  que  le  Payeur  ne  peut 
pas  être  libéré  parla  feule  quittance' des  rentiers, 
mais  feulement  par  la  réunion  de  la  quittance  & 
du  contrôle  ,  qui  conflate  que  le  payement  a  été 
cffeélué.  La  preuve  du  contrôle  eft  de  nature  à  être 
admife  feule  en  cas  de  défaut  de  quittance  ,  fi  par 
cas  fortuit  le  Payeur  fe  trouvoit  hors  d'état  de  re- 
préfenter  les  acquits  des  rentiers  à  l'appui  de  fon 
compte. 

La  forme  du  contrôle  des  paycmens  de  l'hôtel- 
^c-ville ,  eft  peut-être  la  feule  qui  fub/îfte  en  fi- 
nance ,  fans   abus;  la  feule  où  le  contrôleur  ait 
vraiment  des  fondions  utiles  au  roi ,  au  public  & 
au  Payeur.  D'après  fon  inftitution  ,  le  contrôleur 
a/n/le  toujours  en  perfonne  aux  payemens  ;  il  tient 
regiftrc   de  tous  les  rentiers  qui  répondent,  exa- 
mine f\  ceux  qui  fe  préfentent  aux  payemens  font 
les  propriétaires  des  rentes,  porteurs  des  contrats 
ou  des  procurations  &  pouvoir  des  rentiers  ;  alors 
il  décharge  les  parties  aux  noms  de  ceux  qu'il  trouve 
dans  le  cas  de  toucher ,  &  le  Payeur  en  fait  le  paye- 
ment effedif.  C'eft  lui  qui  eft  véritablement  le  juge 
du  payement ,   dont  il    donne  fon  certificat   au 
Payeur ,  au  pied  d'un  double  regiftre  d'appel  tenu 
par  le  Payeur  ;  &  cet  officier,  à  la  fin  de  chaque 
payement ,  fournit  au  bureau  de  la  ville  &  à  l'ad- 
miniftration  ,  un  extrait  de  ce  même  regiftre  ,  con- 
tenant le  total  du  payement  qui  a  été  fait  :  par  ce 
moyen  l'adminiftration  a  jour  par  jour  le  bordereau 
de  la  caiffe  des  Payeurs  des  rentes. 

Ce  regiftre  de  contrôle  a  un  autre  grand  avantage 
pour  le  public,  c'eft  qu'en  vertu  d'un  extrait  du 
contrôle  ,  il  peut  obtenir  la  contrainte  par  corps 
contre  un  receveur  infidèle  &  rétentionnaire. 

Les  Payeurs  des  rentes  n'ét«ient  point  dans  l'ori- 
gine receveurs  des  confignations  ,  mais  bien  dépo- 
fitaires  des  débets  de  quittances  ,  ce  qui  devoit 
opérer  le  même  effet:  mais  dans  un  befoin  de  l'état, 
le  gouvernement  imagina  de  créer  un  receveur  des 
confii^nations  ;  cet  office  fut  à  peine  créé  par  édit 
de  feptembre  1625  »  H*^'''  ^"t  fupprimé  8c  uni  pour 
toujours  aux  offices  de  Payeurs  des  rcfltes,  d'abord 
par  arrêt  du  confeil  du  3  juin  1626,  &  enfin  par 
édit  de  juillet  de  la  même  année. 


parce  qu  au  moyei 
de  ce  que  ces  titres  ne  font  point  exercés  par  d'au- 
tres officiers,  la  plénitude  des  fonds  faits  parle  rof, 
jf«-t  eu  eutier  à  l'acquit  des  rentiers ,  &  tous  les 


PAYEURS  DES  RENTES.      21 

débets  des  quittances  ,  qui ,  fuivant  différenscdits, 
dévoient  plus  ou  moins  long-temps  refter  entre  les 
mains  des  Payeurs,  avant  d'être  par  eux  reverfésaii 
tréfor  royal ,  doivent  fervir  journellement  au  paye- 
ment des  arrérages  courans  &  des  remplacemens 
réclamés  par  les  rentiers ,  qui  n'ont  plus  à  attendre 
qu'il  foit  ordonné  un  fonds  nouveau  pour  ces  rem- 
placemens. 

Ce  nouvel  ordre  de  finance,  qui  ôte  tout  foup- 
çon  fur  l'emploi  que  les  Payeurs  pouvoient  faire 
de  leurs  débets  ,  a  été  fixé  par  l'article  8  de  ledit 
de  mai  1772  »  qui  ordonne  ,  en  dérogeant  aux  dif- 
pofitions  de  l'ordonnance  de  1669  ,  pour  la  préfen- 
tation  [des  comptes ,  que  les  trente  Payeurs  réfervés 
par  ledit  édit ,  ne  feront  plus  tenus  de  préfenter  leurs 
comptes  ,  qu  après  que  les  états  </e  d'iflrihutian  des  ren- 
tes auront  été  arrêtés  au  cvnfeil ,  lesquels  états  ne  con- 
tiendront,,  à  compter  de  Cannée  ijyi  ,  que  les  fommes 
qui  auront  été  effeSlivement payées  par  lefdits  Payeurs, 
fur  chacun  de  leurs  exercices. 

Un  arrêt  ûu  parlement  de  Paris,  rendu  contra- 
diâoirement  le  16  juin  1777, portant  règlement, 
maintient  les  Payeurs  des  rentes  de  rhôtel-de-ville 
de  Paris  dans  leur  qualitéde  feuls  receveurs  des  con- 
fignations ,  commiJiaires  aux  rentes  faiftes  réellement  , 
depojtt  aires  des  débits  de  quittances  ,  &  de  feuls  jequcf- 
tres  des  arrérages  de  rentes  fur  l'hôtel-de-ville  ;  ordonne 
en  outre  que  ,  conformément  à  l'article  10  ■ie  Pédit  du 
mois  de  février  iji6,  concernant  la  police  aefdites 
rentes  ,tûutei  fignificjtions  d'arrêts  ,jugemens  &  fen* 
tences  à  faire  ,  6*  toutes  offignations  à  donner  aux 
Payeurs  défaites  rentes  ,  pour  raifon  également  defdites 
rentes ,  feront  vfés  &  paraphés  par  les  Payeurs  d'icellts  ; 
qu'à  cet  effet ,  tous  huijfiers  ,  porteurs  defdites  affi<rna- 
tions&  fignifications  ,  feront  tenus  de  laiffer  les  origi- 
naux &  copies  défaits  exploits  de  fignifications  &  affi- 
gnations ,  auxdits  Payeurs  defdites  rentes^  pour  les 
reprendre  dans  vingt-quatre  heures  ,  viféi  &  paraphés, 
le  tout  à  peint  de  nullité. 

La  qualité  de  commiifaires  aux  faifies  réelles  des 
rentes  ,  n'a  point  été  conférée  expre/Tément  aux 
Payeurs  des  rentes  ,  lors  de  leurs  premières  créa- 
tions ;  on  voit  cependant  qu'elle  avoit  toujours  été 
cenfée  comprife  dans  celle  de  dépofitaires  des  dé- 
bets de  quittances  :  car  le  roi  ayant ,  par  édit  de  fé- 
vrier 1626  ,  créé  en  titre  d'office  des  officiers  com- 
milTaires  receveurs  des  deniers  des  faifics  réelles  , 
donna,  le  24  mars  1627,  une  déclaration  qui  fixe 
les  objets  auxquels  lefdits  officiers  pourront  être 
établis  commiffaires,  &  détermine  ceux  qui  feront 
exceptés  de  leurs  commiflîons ,  du  nombre  des- 
quels font  les  rentes  fur  la  ville. 

^  L'édit  de  création  des  commiflaires  aux  faifie* 
réelles  des  jurifdidions  de  la  ville  de  Paris ,  de  dé- 
cembre 1639,  leur  donnoit  le  droit  d'être  établis 
commiflaires  aux  rentes  faifies  réellement  ;  mais  , 
fur  la  réclamation  du  bureau  de  la  ville  ,  le  roi ,  par 
édit  de  février  1641  ,  révoqua  ce  titre  à  l'égard 
des  commiftaires  aux  faifies  réelles,  &  le  conféra 
aux  Payeurs  àss  rentes ,  pour  être  par  eux  exercé 


ai       PAYEURS  DES  RENTES. 

comme  lefdits  commifiaires  avoient  droit  de  le  faire , 
aux  termes  de  Tédit  de  leur  création  :  le  roi  fe  déter- 
mina d'autant  plus  volontiers  à  conférer  ce  titre  aux 
Pleurs  des  rentes  ,  qu'il  fupprimoit ,  d'après  leurs 
offres  ,  lui  droit  de  douze  deniers  pour  livre  ,  qui 
étoit  attribué  aux  commiffaires  aux  faifies  réelles  fur 
les  rentes  faifies  réellement. 

Depuis  cet  édit  de  février  1642,  la  fonâion  de 
commiffaires  aux  faifies-réelles  a  été  confirmée  aux 
Payeurs  des  rentes  par  tous  les  édits  de  création  de 
leurs  offices  ;  &  toutes  les  fois  qu'elle  a  été  atta- 
quée ,  ce  qui  a  été  rare  ,  elle  a  été  confirmée  ,  tant 
par  les  tribunaux  ordinaires  ,  que  par  le  confeil. 
On  fe  contentera  de  citer  l'arrêt  rendu  contradic- 
toirement  au  confeil  ,  avec  le  fieur  Forcadel  , 
commiflaire  aux  faifies  réelles  ,  le  premier  avril 
1704,  qui  fait  défenfe  audit  Forcadel  de  s'immif- 
cer-en  la  recette  des  arrérages  de  rentes  ,  &  d'ap- 
porter aucun  trouble  aux  Payeurs  ;  les  édits  d'août 
1707  ,  feptembre  1714  ,  juin  1714  ,  &  février 
1716  ,  confirment  exprefTément  cette  qualité.  L'en- 
regifirement  de  la  faifie  réelle  chez  le  Payeur ,  im 
mobilife  les  arrérages  ,  de  manière  qu'ils  font  dans 
le  cas  d'être  difiribués  par  ordre  d  hypothèque  , 
après  l'ordre  fait  ou  ordonné  en  jufiice. 

Enfin  les  Payeurs  des  rentes  font  greffiers  des 
feuilles  &  immatricules.  L'édit  de  juillet  1637  leur 
attribue  ,  en  cette  qualité ,  trois  livres  pour  l'imma- 
tricule des  rentes  de  cent  livres  &  au-deffus ,  trente 
Tous  pour  celles  qui  font  au-defiibus ,  vingt  fous  pour 
l'enregiftrement  de  chaque  faifie  ,  &  dix  fous  pour 
chaque  main-levée.  Tous  les  édits  de  création  pof- 
térieurs  rappellent  ou  confirment  ces  qualités  aux 
Payeurs  des  rentes,  &  les  attributions  deîdits  droits. 

L'édit  de  février  1642  ,  eft  le  premier  qui  ait 
érigé  en  titre  d'office ,  des  commis  principaux  des 
Payeurs  ,  avec  pouvoir  de  faire  les  payemens  , 
figner  les  vifa  des  faifies  &  autres  afles  ,  à  la  charge, 
par  les  Payeurs  qui  jugeroient  à  propos  de  leur 
iaiffer  lefdites  fonflions  ,  d'être  garants  de  leurs 
ecfiions.  Comme  cet  édit  donnoit  la  permiffion  aux 
Payeurs  d'unir  &  incorporer  ces  offices  aux  leurs  , 
il  y  a  grande  apparence  que  cette  réunion  a  été 
faite.  Auffi  tous  les  édits  poftérieurs  créent  les 
Payeurs  avec  cette  nouvelle  qualité  ,  d'où  réfulte 
le  droit  qu'ils  ont  de  fe  faire  fuppléer,  dans  les 
cas  forcés ,  par  leurs  commis  ,  dont  ils  font  tou- 
jours garans. 

Les  anciens  règlemens  avoient  flatué ,  pour  la 
commodité  du  public,  que  les  Payeurs  des  rentes 
donneroient  chaque  femaine  une  matinée  pour 
donner  au  public  les  éclairciffemens  qu'il  pourroit 
defirer  relativement  à  fes  rentes  :  cet  établiirement 
fubfifte  dans  toute  fa  vigueur. 

Le  deCr  de  fatisfaire  de  plus  en  plus  le  public  , 
a  donné  lieu  de  former  en  176a  un  autre  érabliffe- 
ir.ent ,  c'eft  celui  du  comité  des  Payeurs  des  rentes. 
Ce  comité  ,  compofé  d'anciens  officiers  de  la  com- 
pagnie ,  fe  tient  tous  les  jeudis  de  chaque  femaine. 


PAYEURS  DES  RENTES. 

Toutes  les  plaintes  que  le  public  peut  avoir  à 
former ,  toutes  les  queflions  qu'il  peut  avoir  à  faire 
réfoudre  ,  font  traitées  ,  entendues  &  difcutées;& 
ce  tribunal  intérieur,  qui  n'a  aucune  autorité  coac- 
tive  p«ut  faire  exécuter  fes  décifions  ,  efl  néan- 
moins ,  par  la  confidération  qu'il  s'eft  acquife  de 
la  part  de  tous  les  Payeurs  &  du  public  ,  l'oracle 
qui  décide  fans  frais  de  tout  ce  qui  eft  journelle- 
ment foumis  à  fou  jugement. 

Avant  rie  finir  cet  article  ,  il  faut  dire  que  les 
Payeurs  des  rentes  jouiflent  encore  d'un  privilège 
qui  leur  eft  particulier  ;  c'eft  celui  de  ne  pouvoir 
être  contraints  en  leurs  perfonnes  ,  ou  biens  pour 
le  fait  des  rentes  dont  ils  font  Payeurs  ;  mais  qu'ils 
peuvent  l'être  feulement  en  leurs  bureaux  à  l'hôtel- 
de  ville.  L'édit  d'avril  1671  ,  qui  enjoint  à  tous 
huiffiers  porteurs  d'arrêts,  jugemens  ou  fcntenccs 
qui  condamnent  les  Payeurs  des  rentes  à  vider 
leurs  mains  des  arrérages  d'icelles,  de  fe  rendre  à 
l'iiôtel  de  ville  aux  jours  ordinaires  des  payemens, 
pour  exécuttr  les  condamnation?  &  recevoir  les  ar- 
rérages des  Payeurs  ,  ordonne  que  lefdits  huiffiers 
porteurs  de  contraintes  feront  tenus  de  les  commu- 
niquer huitaine  auparavant  aux  Payeurs ,  &  de  leur 
en  laifl'er  copie  ,  &  qu'en  cas  de  refus  du  Payeur  ,  il 
lui  fera  donné  affignarton  pardevant  les  prévôt  des 
marchands  &  échevins ,  pour  être  la  caufe  jugée 
fur  le-champ. 

L'ordonnance  de  1672  ,  chap.  3  i  ,  article  5  ,  re- 
nouvelle les  difpofitions  de  cet  édit.  Une  multitude 
d  arrêts ,  foit  antérieurs  ,  foit  poftérieurs  à  ces  édit» 
&  ordonnances  ,  l'ont  ainfi  jugé.  Un  arrêt  de  rè- 
glement du  10  mars  1746  ,  lignifié  à  toutes  les 
communautés  d'kuiffiers  de  cette  ville  ,  ordonne 
l'exécution  defdits  édits  &  ordonnances ,  enjoint 
au  bureau  de  la  ville  de  tenir  la  main  à  l'exécution 
de  l'arrêt  Si  des  règlemens  concernant  le  payement 
des  rentes;  &  en  cas  de  contravention  ,  rébellion 
&  violence  ,  permet  de  faire  emprifonner  les  con- 
trevenans  ,  à  la  première  réquifition  du  Payeur  re- 
fufaat. 

Ce  n'eft  pas  fans  quelque  fondement  que  les 
Payeurs  des  rentes  font  perfuadés  qu'ils  étoient  au- 
trefois membres  du  corps  de  ville,  &  qu'en  confé- 
quence  ils  avoient  droit  d'y  fiéger  ,  lorfqu'il  s'agif- 
foit  des  affaires  relatives  aux  rentes  ou  à  leurs 
charges  ;  c'eft  ,  fuivant  toute  apparence  ,  à  ce  titre 
que  le  doyen  d'entr'eux  recevoit  autrefois  annuel- 
lement ,  de  la  part  de  la  ville,  une  certaine  quan- 
tité de  livres  de  bougies  &.  de  jetons.  Ils  ont  laifle 
enfevclir  fous  le  temps  ces  prérogatives  ,  &  il  fe* 
roit  peut-être  difficile  de  les  faire  revivre. 

Le  nombre  des  rentiers  augmentant  infenfiblc- 
ment ,  il  fallut  augmenter  graduellement  celui  des 
officiers  prépofés  à  leur  payement.  En  1719,  ils 
étoient  portés  au  nombre  de  79. 

Ces  officiers  ayant  été  enveloppés  dans  la  prof- 
cription  générale  qui  frappa  alors  tous  les  offi.ces 
delà  finance,  furent  fupprimés.  Le  papier  mon- 
noie  ,  qui  étoit  fubftitué  aux  contrats  ,  rendoit  efr 


PAYEURS  DES  RENTES. 

feâivement  leur  fervice  inutile  ;  mais  les  cliofes 
ayant  été  rétablies  en  lyao  ,  on  en  créa  alors 
douze  ,  &  à  mefure  que  les  liquidations  des  créan- 
ces fur  la  ville  s'avançoient ,  on  en  augmenta  le 
nombre  jufqu'à  cinquante  ,  nombre  auquel  ils  ont 
été  fixés  pendant  trente-huit  ans. 

Les  quatre  pour  cent  de  1758  ,  occafionnèrent 
une  création  de  dix  Payeurs  des  rentes;  en  1760, 
on  leur  en  ajouta  quatre.  Enfin  l'édit  du  mois  de 
juin  1768  ,  qui  ordonnoitla  convcrfion  en  contrats 
de  tous  les  effets  au  porteur ,  créa  dix  nouveaux 
©fficiers  pour  en  faire  le  payement  ;  ce  qui  en  re- 
mit le  nombre  à  foixante-quatorze. 

Mais  en  1772  ,  première  époque  de  tous  les  ©ra- 
ges qui  ont  fondu  fuccefTivcment  fur  toutes  les 
parties  de  la  compiabiliié ,  les  Payeurs  des  rentes  , 
par  une  fuppreflîon  de  quarante-quatre  d'entr'cux , 
fe  font  trouvé  réduits  à  trente  ;&.  tel  eu.  le  nom- 
bre où  ils  font  aujourd'hui. 

Pour  donner  un  apperçu  rapide  des  fecours  que 
ces  officiers  ont  donnés  à  l  état ,  on  fe  contentera 
de  dire  qu'en  172a,  leur  finance  étoit  de  cent  cin- 
quante mille  livres  ,  à  quoi  turent  ajoutées  fuccef- 
vement,  en  1725  ,  fept  mille  livres,  en  1728  qua- 
rante mille  livres  »  en  1734  cinq  mille  deux  cents 
livres  »  en  1735  quarante  mille  livres,  en  1743  ^"^" 
rante  quatre  mille  huit  cents  livres,  en  1759  vingt- 
cinq  mille  livres,  en  1760  vingt-cinq  mille  livres  , 
en  1770  vingt-cinq  raille  livres  ,  &  enfin  en  1770 
cent  foixante-quinze  mille  livres. 

Les  gages  des  offices  de  Payeurs  ont  été  de 
tout  temps  de  cinq  pour  cent  fans  retenue,  avec 
attribution  de  1  &  demi ,  connu  fous  le  nom  de  ta- 
xations. Les  édits  que  nous  n'avons  fait  qu'indi- 
quer, s'accordent  tous  dans  cette  fixation  de  rêve 
nus.  Si  ,  à  l'époque  de  1764,  ce  privilège  a  paru 
recevoir  quelque  atteinte  relativement  à  la  non  re- 
tenue d'impofitions  royales  fur  leurs  gagi^s,  l'in- 
demnité proportioiînelle  qui  leur  en  fut  payc'-e  pen- 
dant plulieurs  années  fucceflîves,  prouve  que  l'édit 
de  décembre  1764,  n  étoit  qu'un  arrangement  de 
finance  ,  pour  éviter  le  trop  grand  nombre  de  ré- 
clamations. 

Les  charges  des  Payeurs  des  rentes  ayant  tou- 
jours été  polîédées  par  des  citoyens  honnêtes  & 
qui  jouilTent  de  la  confidération  que  donne  une 
fortune  légitimement  acquife,  elles  ont  toujours 
été  recherchées,  &  c'efl-là  une  des  raifons  du  prix 
énorme  aquel  elles  fe  font  toujours  vendues. 

Un  édit  de  janvier  1634  porte,,  u  qu'en  cas  de 
»  rachat  &  amortififement  des  rentes ,  extinctions 
V  &  fuccefiions  defdits  offices  ou  autrement,  ne 
»  pourront  lefdits  receveurs  être  rembourfés  fur 
î»  le  prix  de  la  finance  defdits  offices ,  ains  fur  le 
M  prix  courant,  fuivant  les  dernières  ventes  &  ac- 
»  quifuions  qui  en  auront  été  faites  par  eux  ou 
M  leurs  confrères  ,  par  contrat  eu  compromis  paf~ 
»  fés  devant  notaires  fans  fraude ,  ou  fur  le  pied 
»  du  courant  de  la  vente  d'iceux  ,  &  de  ce  qu'ils 
»  auront  payé  pour  jouir  de  ce  q^ue  deiTus ,  éc  de 


PAYEURS  DES  RENTES,     aj 

M  leurs  frais  &  loyaux  coijts  ,  dépens  ,  dommages 
»  Si.  intérêts  w. 

Cet  édit,  qui,  loin  d'être  révoqué  par  aucune 
loi  fubféquente  ,  fe  trouve  au  contraire  confirmé 
par  ceux  de  mars  i6éo,  &  de  juin  1714,  a  fait 
la  bafe  de  l'enregirtrement  de  là  fupprelTion  des 
Payeurs  des  rentes  en  1772.  On  peut  ajouter  qu'il 
a  été  invoqué  avec  fuccès  par  ces  officiers  fuppri- 
més  ;  c'efl  a  la  juftice  &  à  l'évidence  de  leurs  re- 
préfentations ,  qu'cfi  due  l'indemnité  qu'ils  ont  d'a- 
bord obtenue  du  minière  même  auteur  de  leur 
deflruâion  ,  par  un  intérêt  dans  les  domaines  ;  in- 
demnité qui  a  été  enfuite  remplacée  par  un  contrat 
fur  les  aides  &  gabelles. 

La  comptabilité  des  Payeurs  des  rentes  eu  en- 
core un  objet  qui  a  fubi  bien  des  variations  >  qu'il 
n'efl  pas  inutile  au  moins  d'indiquer. 

Long-temps  ils  furent  dépofitaires  pendant  vingj 
ans  des  fommes  qui  n'étoient  pas  réclamées ,  Bc 
ce  n'étoit  que  la  deuxième  année  qu'ils  portoient 
au  tréfor  royal  le  montant  de  ces  fommes ,  qu'on 
appeloit  débets.  Les  befoins  de  la  finance  ayant 
éveillé  l'attention  du  miniflre  fur  cet  objet,  ces 
vingt  années  furent  réduites  à  fept  ;  en  1770, 
on  reftreignit  ces  fept  années  à  quatre.  Enfin  ,  l'é- 
dit de  1772  abolie  entièrement  les  débets.  Cet  édit ,. 
qu'on  peut  regarder  comme  un  chef-d'œuvre, 
quant  à  la  partie  de  la  comptabilité ,  a  fervi  de  mo- 
dèle à  la  plupart  de  ceux  qui  l'ont  fuivi.  Les  Payeurs- 
des  rentes  ont  donc  été  les  premiers  de  tous  les  of- 
ficiers des  finances  qui  ont  été  réduits  à  des  taxa- 
tions fixes  pour  tout  émoUimenr. 

Une  autre  difpofiiion  de  cette  nouvelle  comp- 
tabilité confifîe  en  ce  qi!-3  4es  fonds  ne  font  jamais- 
complétés  fur  un  exercice,  qu'après  fa  clôture  en- 
tière, quant  à  la  dépenfe.  D'après  un  tel  plan  , 
point  d'excédent  ni  de  déficit  de  fonds  du  fait  des 
Payeurs  des  rentes,  leurs  comptes  font  toujours 
jugés  partant  ^ai/re.f.  Quoique  ce  nouvel  ordre  de 
chofes  paroifTe  tarir  la  fource  des  bénéfices  qu'on 
atttibuoit  autrefois  à  ces  charges  ,  il  n'en  cft  pas 
moins  précieux  pour  les  titulaires.  1°,  Il  les  lave 
de  tout  foupçen  envers  le  public,  de  recourir  à 
des  fubtilités  pour  retarder  des  paycmens.  2". 
Comptables  de  norri  feulement ,  ils  font  de  fait 
moins  comptables  qu'aucun  tréforier.  La  chambre 
dos  comptes  a  mis  le  dernier  fceau  à  cette  vé- 
rité p-ar  fon  arrêt  du  20  février  1779  5  îeauci' 
porte  t  «  qu'en  cas  d'excédent  de  fonds  fur  au- 
))  cuns  des  comptes  des  Payeurs  des  rentes  ,  ces 
j)  officiers  ,  au  lieu  d'en  porter  le  montant  au 
n  tréfor  royal,  comme  ils  le  faifoienr  ci-devant. 
)?  en  feront  reprife  dans  un.  des  exercices  ûiivans  »., 

Payenanf  des  rentes^ 

En  vain  on  voudroit  remonter  plus  haut  que 
1672,  pour  découvrir  d'une  manière  certaine  la 
forme  fous  la<}uelle  fe  faifoient  les  payemens  de 
la  ville  y  à  déf.i-ut  d'autre  guide,  l'ordonnance  qui 
porte  cette  date  y  nous  iaflrult  Taffifamment  de  U 


î4       PAYEURS  DES  RENTES. 

marche   qui  étoit  alors  obfcrvée. 

En  effet,  elle  nous  apprend,  chapitre  31,  1". 
que  les  rentes  ne  fe  payoïent  pas  par  ordre  al- 
phabétique :  2'.  qu'elles  s'acquittoient  tous  les 
trois  mois  :  3°.  par  une  conféquence  néceflaire  , 
que  les  parties  de  rente  étoient  alors  très-peu 
nonibreuics. 

L'ordonnance  de  1671 ,  en  introduifant  de  nou- 
velles formes ,  commandées  par  l'accroiffement 
des  rentiers ,  en  lailToit  fubfirter  d'anciennes  qui 
n'ont  pu  fe  foutenir  long-temps  ;  elle  permet ,  par 
exemple  ,  article  6  ,  à  tous  ceux  qui  étoient  char- 
gés de  mandats  fous  feing-privé  des  rentiers ,  de 
recevoir  leurs  rentes  ;  cette  difpofition  de  faveur 
ne  pouvoit  avoir  lieu,  qu'autant  que  le  petit  nom- 
bre des  rentiers  permettoit  au  Payeur  de  connoî- 
tre  les  fignatures  de  chaque  individu  ,  mais  aujour- 
d'hui il  n'eft  plus  permis  à  aucun  particulier  de 
s'immifcer  dans  des  recettes  de  rentes ,  qu'il  ne 
foit  muni  J'un  contrat  ou  pièce  équivalente ,  ou 
d'un  pouvoir  devant  notaire,  &  avec  minute. 

Les  Payeurs  renfermes  à  la  ville  dans  l'exer- 
cice unique  de  leur  charge ,  qui  efl  d'y  d<;livrer 
des  deniers  ,  n'y  font  plus  juges  des  pièces,  comme 
ils  le  font  dans  leurs  bureaux  particuliers  de  celles 

Ïiii  leur  font  préfentces  à  l'appui  de  quittances, 
,es  conrrôleurs  (om  feuls  chargés  de  cet  examen  , 
tk.  ils  foat  cautions  parla  de  la  validité  des  Paye- 
wens. 

Quelques  perfonnes,  preflees  de  toucher  leurs 
revenus  ,  ont  fouvent  murmuré  contre  la  marche 
des  payemens  de  la  ville  ,  &  f«  (ont  plaints  qu'elle 
fût  û  pefante  ;  mais  elles  en  excuferoient  fans 
doute  la  lenteur ,  fi  elles  faifoient  réflexion  que 
fi  cet  ordre  de  chofe  eft  incommode  pour  quel- 
qu'un ,  il  l'eft  prefque  autant  pour  le  Payeur 
ue  pour  le  rentier  ;  que  cette  multiplicité  de 
ormes  aflure  l'intérêt  du  roi  &  celui  des  par- 
ticuliers. 

Et  en  effet,  un  Payeur  qui  a  reçu  la  veille  une 
fomme  quelconque ,  ne  peut  fe  difpenfer  d'en  faire 
emploi  le  lendemain  fous  les  yeux  du  public  &  du 
miniflre  lui-même,  qui  en  a  le  bordereau  aufïï-tôt 
après  le  payement.  C'efl  par-là  que  le  miniftre  , 
fuivant  de  l'œil  jour  par  jour  la  conduite  de  cha- 
que Payeur,  ell  certain  en  même-temps  de  l'em- 
ploi des  deniers  &  fur  la  forme  &  fur  le  fond. 

Le  publie  eft  aufli  tranquille  fur  la  manière  dont 
fa  rente  eA  acquittée  ;  il  eft  siîr  qu'une  rente  ne  peut 
être  payée  qu'au  rentier  lui-même  ou  à  celui  qu'il  a 
chargé  de  la  recevoir. 

D'après  ces  réflexions,  ne  doit-il  pas  paroître  très- 
étonnant  que  ,  fous  un  miniftère  auffi  éclairé  que  le 
nôtre,  on  voie  encore  quelques  tréforiers  payer 
dans  des  bureaux  particuliers  8c  fans  le  concours 
d'un  contrôleur:  on  frémit  ,  quand  on  penfe  aux 
défordres  qu'une  difpofition  fi  légère  pwurrolt  au- 
torifer.  En  effet ,  une  quittance  fournie  d'avance 
ne  pouvant  jamais  faire  préfumer  un  payement  , 
qui  peut  empêcher  un  tréforier ,  jujje  &  partie  dans 


l 


PAYEURS  DES  RENTES. 

fa  propre  caufe  ,  d'établir  des  feuilles  de  payemens  l 
&  de  le  créer  des  décharges  à  fon  gré  .•*  £n  vain  on 
inculperoit  fes  regiftres  ;  ce  contrôleur  ,  que  per- 
fonne  ne  voit ,  que  perfonne  ne  connoît  ,  eft  à 
toute  heure  fous  la  main  &  aux  ordres  de  fon  tré- 
forier. Celui-ci  peut  donc  en  tirer  en  tout  temps 
tous  les  fecours  qu'il  feroit  dans  le  cas  de  lui  de- 
mander. 

Une  déclaration  du  roi  a  fait  difparoître  des  paye- 
mens un  fujet  de  mëcontement  qui  renaifToit  cha- 
que fois  que  les  rentiers  recevoient  leur  argent.  Le 
roi ,  en  banniffant  de  toutes  les  caifTcs  l'abus  de 
payer  un  quarantième  en  facs  de  fous,  fur  lefquels 
les  particuliers  perdoient  un  fixiéme  par  la  fraude 
qui  avoit  altéré  ces  facs  ,  a  donné  le  premier  l'exem- 
ple de  cette  réforme  ,  en  interdifant  à  fes  Payeurs 
des  rentes  la  faculté  de  paffer  des  facs  de  fous 
dans  leur  payement ,  &  en  ne  les  autorifant  à  don- 
ner cette  monnoie  que  pour  compléter  la  fomme 
&  faire  les  appoints. 

L'ordre  de  la  diftribution  des  fonds  efl ,  comme 
on  le  voit,  porté  au  plus  haut  degré  de  perfeéfion. 
La  police  relative  aux  difficultés  qui  peuvent  s'éle- 
ver entre  les  Payeurs  &  les  rentiers  ,  n'eft  pas 
moins  digne  d'éloges.  Il  exifte,  comme  nous  la- 
vons déjà  dit  ,    un   tribunal    intérieur  parmi  ces 
ofKciers  ,  où  toutes  les  caufes  de  refus  qu'on  y  dé- 
nonce,   font  examinées,    réfléchies   &  balancées 
avec  la  plus  férieufe  attention  ;  la  décifion  de  cette 
efpèce  de  juridiâion ,  facrée  peur  la  compagnie  des 
Payeurs  des  rentes  ,  eft  fuivie  par  tous   fes  diffe- 
rens  membres  avec  la  plus  grande  déférence  pour 
l'impartialité  de  leurs  confrères.  Mais  fila  décifion 
de  ce  tribunal ,  qui  ne  peut  s'écarter  des  formes 
reçues  ,  ne  paroît  pas  jufte  aux  parties  intéreffées  ; 
elles  ont  leur  recours  au  bureau  de  la  ville.   Le 
rentier  y  préfeote  une  requête  ;  fur  le  rapport ,  le 
procureur  du  roi  conclut^jr  un  /bit  cêmmuniqué  au 
Payeur  ,  pour  que  celui-ci  déduife  fes  raifons.  Le 
payeur  ,  qui  ne  demande  qu'une  décharge  ,  expofe, 
dans  fa  réponfc  figncc ,  les  motifs  de  fon  refus  ,  en 
concluant  ordinairement  qu'il   s'en  rapporte  à  la 
prudence  du  bureSu.  Si  la  Ville  prononce  que  la 
partie  peut  être  payée,    le  Payeur  y  adhère  avec 
d'autant  plus  d'emprcfî'ement ,  que  la  fentence  lui 
produit  une  décharge  fuffifante ,  &  qu'il  n'a  point 
d'autre  objet  à  defirer. 

Foyei  le  recueil  imprimé  fous  le  titre  de  contrôle  des 
renies  ,  &  les   mots  Re^VTE  PERPÉTUELLES  &  VIA- 

GÎiRES ,  Saisies,  &ç.  {Cet  article  ejî  M.  de  la 
Choix  f  avocat  au  parlerriint^. 

PAYS  REDIMES.  On  appelle  ainfi,  en  matière 
de  gabelle,  les  provinces  qui  ont  été  adœifes  au 
rachat  des  droits  de  gabelles. 

Les  habitans  du  Pcitou  ,  de  la  Saintonge  »  des 
villes  bi  gouvernement  de  la  Rochelle  ,  de  l'Angou- 
mois ,  du  baut  îk.  bas  Liraofm  ,  de  la  haute  &.  bafTc 
Marche,  du  Périgord  ,  &  des  enclaves  &  anciens 
rellorts  de  ces   pays  ,  offrirent  à  Henri  II  une 

fomm» 


PAYS   REDIMES. 

fomme  de  quatre  cent  cinquante  mille  livres  pour 
obtenir  la  fuppreirion  de  la  gabelle  établie  par 
François  premier  ,  ainfi  que  des  greniers  &  maga- 
fins  a  fel,  &.  des  officiers  qui  avoient  été  créés  6l 
inftitués  à  ce  iiijet  :  ils  fe  foumettoientà  rembourCer 
les  finances  que  le  roi  avoit  reçues  pour  ces  offi- 
ces ,  ik  Tupplicient  le  roi  de  rétablir  les  chofcs 
dans  leur  ancien  état ,  qui  étoit  le  payement  du 
quart  Sf  demi-quart  fur  le  Tel ,  qu'ils  s'engageoient 
de  porter  chaque  année  jufqu'à  la  concurrence  de 
quatre-vingt  raille  livres. 

Ces  ofires  furent  acceptées  par  un  édit  donné 
à  Amiens  au  mois  de  feptembre  1549.  Les  droits 
furie  Tel  furent  réduits  au  quart  &  demi-quart  , 
fuivant  l'ancienne  forme  :  les  greniers  à  fel ,  ainfi 
que  les  officiers  qui  y  avoient  été  prépofés,  furent 
Supprimés;  ces  provinces  furent  chargées  du  rem- 
bourfement  de  ces  officiers  en  deux  termes  fixés 
par  ledit ,  &  les  quatre  cent  cinquante  mille  livres 
déclarées  payables,  favoir,  les  deux  tiers  par  les 
gens  du  tiers  état  ,  &  l'autre  tiers  par  les  gens  d'é- 
glife  8c  les  nobles  ,  par  égale  portion.  Les  états  fu- 
rent chargés  en  outre  ,  fuivant  leurs  offies  ,  de 
faire  valoir  le  quart  &  demi-quart ,  jufqu'à  concur- 
rence delà  fomme  de  quatre-vingt  mille  livres  de 
deniers  clairs  6t  nets ,  &  toucs  charges  déduites, 
&.  autoiilcs  à  faire  un  bail  général  ou  des  baux 
particuliers  pour  une  ,  deux  ou  trois  années  ,  à 
commencer  du  premier  janvier  fuivant. 

Les  droits  de  quart  &  demi-quart  ,  quint  & 
demi-quint,  que  laifToit  fubfifter  cet  édit  ,  furent 
depuis  rachetés  &  entièrement  éteints  par  un  édit 
du  mois  de  décembre  15^3. 

Les  pays  compris  dans  cet  édit ,  font  le  Poitou 
&  ancien  reflbrt ,  la  Saintonge  ,  les  villes  &  gou- 
vernement de  la  Rochelle,  Marennes  ,  Oleron  , 
AUevert  ,  Hieres ,  Rhé  &  autres  îles  adjacentes  , 
l'Angoumois ,  le  haut  &  bas  Limofin  ,  la  haute  & 
baffe  Marche  ,1e  pays  de  Combrailles  ,  Francaleu  , 
le  Périgord  ,  la  fénéchauffée  de  Guienne  &  le  pays 
Bordelois,  y  compris  Soulac ,  l'At.enois  ,  Baza- 
dois  ,  Quercy  ,  Condomois ,  le's  Landes ,  Arma- 
gnac ,  Felenzac  ,  Comminges  ,  Saint-Giron  ,  les 
vigueries  de  Rivière  &  Verdun  ,  &  autres  pays  & 
lieux  qui  fe  fourniiToient  de  fel  dans  les  marais  fa- 
lans  de  Poitou  ,  Saintonge  ,  Guienne  ,  &  dès  îles 
adjacentes. 

Tous  ces  différens  Pays  font  rappelés  dans  l'édit , 
ou  comme  fujets  au  droit  de  quart  &  demi  ,  ou 
comme  devant  retirer  du  profit  &  des  avantages  de 
fon  abolition. 

Il  paroît  par  le  préambule  de  l'édit,  que  Henri  II , 
preiré  par  la  néceffité  des  conjondures  ,  avoit  fait 
propofer  aux -états  de  difïérens  Pays  ,  de  racheter 
cet  impôt  fur  le  pied  du  denier  douze  du  produit 
de  la  ferme  qui  en  fubfiftoit  alors.  Les  fyndics 
&  députés  de  ces  états  ,  munis  de  procurations  fuf- 
fifantcs  ,s'étoient  rendus  à  Poitiers  au  jour  qui  avoit 
été  indiqué,  où,  d'ajîrés  leurs  infircélioris  &  en 
préfence  des  commifiaires  du  roi,  ils  avoient  de- 
T»me  XIII. 


PAYS  REDIMES.  iç 

mandé  d'être  admis  à  ce  rachat ,  comme  auflî  utile 
que  profitable  à  leurs  Pays. 

Le  roi ,  acceptant  leurs  offres ,  leur  vend  & 
tranfporte,  par  contrat  perpétuel  &  irrévocable, 
fes  droits  de  quart  &  demi-quart  de  fel  ,  s'engage 
pour  lui  &  fes  fucceffenrs  à  ne  les  point  rétablir  ; 
veut  que  la  perception  en  cefle  ,  à  commencer  du 
premier  janvier  fuivant,  &  qu'à  l'avenir  les  habi- 
tans  de  ces  pays  puiffent  franchement  &  librement 
vendre,  débiter,  troquer  &  échanger ,  diflribucr 
&  tranfporter  par  mer ,  par  rivière  &  par  terre  ,  & 
dans  tous  les  endroits  defdits  Pays  ,  îles  &  marais 
falans  ,  le  fel,  ainfi  que  bon  leur  femblera ,  fans 
qu'ils  puiffi;nt  être  inquiétés  ni  troublés  par  quel- 
ques perfonnesque  ce  foit,  pour  ra:fon  dudit  quart 
&  demi. 

Le  prix  de  cette  vente  &  ceffion  eft  fixé  par 
l'édit  à  un  million  cent  quatre-vingt-quatorze  mille 
livres ,  fur  le  pied  du  denier  douze  du  produit 
de  la  ferme  ,  d'après  la  liquidation  qui  en  a  été 
faite. 

Il  eft  dit  que  dans  cette  fomme  ne  fera  point 
comprife  celle  de  neuf  mille  fix  cens  livres  pour 
la  compofition  de  la  province  d'Auvergne. 

L'édit  contient  des  défenfes,  fous  peine  de  con- 
fifcation  de  corps  &  de  biens,  de  tranfporter  le 
fel  des  P.'.ys  déchargés  du  quart  &  demi ,  dans  ceux 
où  la  gabelle  a  cours  ;  &  interdit ,  pour  prévenir  les 
verfcmens,  les  magafins  &:  dépôts  de  fel  dans  la 
lieue  limitrophe  des  Pays  de  gabelle  ,  en  exceptant 
néanmoins  les  villes  cîofes  defdiyjj  Pays  redîmes  , 
qui  pourroicnt  (e  trouver    dans  cette  diftance. 

On  vient  de  voir  que  l'édit  de  i  5  if  3  énonce  que 
dans  la  fomme  fixée  pour  le  rachat  de  la  gabelle, 
n'étoit  point  comprife  celle  de  neuf  mille  fix  cens 
livres  pour  la  compofition  de  la  province  d'Au- 
vergne :  il  jaroît  que  cette  province  ,  à  l'exception 
d'une  partie  de  la  haute  Auvergne ,  qui  étoit  des 
gabelles  du  Languedoc  ,  avoit  été  admife  à  payer, 
pour  tenir  lieu  de  la  gabelle  ,  un  équivalent  ou 
fomme  annuelle  ,  qui  avoit  d'abord  été  fixée  à  neuf 
mille  fix  cens  livres  :  diflérens  édits  &  lettres-pa- 
tentes de;  Charles  VU  &  de  Charles  VIII ,  &  entre 
autres  l'édit  du  14  oâobre  1493  ,  avoient  fixé  les 
rivières  d'Alagnon  ^  de  Jourdanne,  comme  de- 
vant fervir  de  limites  dans  les  montagnes  d'Au- 
vergne pour  régler  les  paroiifes  qui  Aeyo\ent  être 
affijjetties  à  fe  fervir  du  fel  de  Languedoc  ,  &  celles 
qui  avoient  la  liberté  de  fe  fervir  cïu  fel  de  Guienne 
&  de  Poitou. 

François  premier  ayant  ordonné  le  rétablifTc- 
ment  des  greniers  à  fel  en  Auvergne  ,  Henri  II, 
par  difîércns  édits ,  &  entr'autres  par  des  lettres- 
patentes  du  mois  d'oélobre  1557  ,  permit  aux  ha- 
bitans  de  la  partie  de  l'Auvergne  ,  étant  hors  de  la 
gabelle  de  Languedoc,  de  prendre,  où  bon  leur 
fembleroit,  le  fel  dont  ils  auroisnt  befoin ,  fans 
payer  aucu-i  droit  de  gabelle,  moyennant  une 
fomme  de  quatorze  mille  quatre  cens  livres  ,  que 
les  gens  du  tiers  état  du  pays  s'obligèrent  de  payer 

D 


2(S 


PAYS  REDIMES. 


aniuicUmcnt  au  roi  par  forme  d'équivalent. 

Cet  équivalent  a  été  impofé  avec  la  taille ,  & 
diftingiié  longtemps  par  un  article  Céparé  ;  il  eft 
atijoiird  Iiui  confondu  avec  le  principal  de  la  taille. 

11  s'agit  maintenant  de  faire  connoître  la  police 
à  laquelle  les  provinces  dont  il  s'agit  ont  été  aflu- 
jetties  dans  les  parties  qui  avoifinent  les  pays  de 
gabelles. 

Il  a  éo^établi  des  dépôts  auxquels  ont  été  affec- 
tées un  nombre  de  parcifles  des  Pays  redîmes  , 
dont  les  liabitans  font  obligés  de  fe  fournir  chez 
les  marffhands  de  fel  autorifés  &  fournis  à  des  rè- 
gles ,  qui  ont  pour  objet  de  reflrcindre  la  confom- 
mation  des  relTortiffans  à  des  quantités  proportion- 
nées à  leur  famille  &  déterminées  par  l'ordonnan- 
ce ,  afin  de  pourvoir  aux  inconvéniens  d'une  com- 
inunication  inévitable  avec  les  pays  de  gabelles. 

Le  titre  16  de  l'ordonnance  de  1680,  détermine 
les  lieux  où  ces  dépôts  feront  établis ,  en  fixe  les 
arrondiflemens  &  la  confommation  des  hnbitans 
des  paroiffes  qui  y  font  fujettes  ,  à  raifon  d'un  mi- 
not  par  an  pour  fept  perfonnes ,  tant  pour  le  pot 
&  la  falière  que  pour  les  greffes  fulaifons  ,à  peine 
de  confilcation  de  l'excédent  ,  &  de  deux  cens  li- 
vres d'amende  ;  il  défend  de  faire  aucun  amas  de 
fel  dans  l'étendue  de  ces  paroiffes ,  à  peine  decon- 
iifcation  &  de  quinze  cens  livres  d'amende  pour  ^ 
la  première  fois ,  &  en  cas  de  récidive  ,  d'être  punis  ^ 
comme  faux-faunieis. 

Quoique  les  différentes  difpofitlons  de  ce  titre 
de  l'ordonnance  de  1680  ,  euffent  réglé  la  police 
&  l'adminlflration  de  ces  dépôts,  il  s'y  étoit  ce- 
pendant gliffé  différens  abus,  foit  par  une  interpré- 
tation vicieufe  de  quelques-uns  des  articles  de  l'or- 
donnance ,  foit  par  le  relâchement  qui  s'étoit  in- 
troduit dans  fon  exécution  :  cela  détermina  le 
roi  à  expliquer,  par  une  déclaration  du  22  novem- 
bre 1722  ,  les  articles  qui  pouvoient  avoir  quelque 
obfcurité,  &  à  affurer,  d'une  inanière  convenable, 
la  réttie  de  ces  dépôts,  en  ajoutant  de  nouvelles 
iprécautions  à  celles  qui  avoient  déjà  été  prifes  par 

l'ordonnance.  ^ 

La  déclaration  annulle  &  révoque  toutes  les  per- 
miffions  qui  avoient  été  données  jufqu'à  cette  épo- 
que, aux  reffortiffans  des  Pays  redîmes,  pour  ame- 
ner du  fel  au  dépôt;  elle  ordonne  qu'il  en  fera  donné  - 

Renouvelles.  .       ,,    .      „  , 

Elle  défend  aux  juges  des  dépôts  d  en  accorder 
à  l'avenir  finon  à  des  perfonnes  folvables  ,  domici- 
liées &  connues  pour  telles,  &  du^confentement 
eu  fermier  ou  des  commis  aux  dépôts  par  lui  pré- 
pofés  ,  à  peine  d'interdiction. 

Elle  enjoint  aux  juges  de  ne  donner  les  permif- 
fions  que  j^ufqu'au  nombre  néceffaire  &  fuffifant 
pour  le  fervice  &  fourniffement  des  dépôts  ,  &  ce 
àraifon  de  la  confommation  qui  s'y  fait  année  com- 
mune ,  &  de  cinq  cens  boiffeaux  ou  cent  foixante- 
dix-fept  minots,  mefare  de  Paris,  pour  chaquo 
foiirniffeur,  dérogeant  à  cet  égard  à  l'article  7  du 
titre  16  de  l'ordonnance  de  ji^Sq,  qui  permette u 


PAYS   REDÎMES. 

d*amener  aux  dépôts  telle  quantité  que  bon  leur 
fembleroit,  à  ceux  qui  s'étoient  fait  iiifcrire  au 
greffe  du  dépôt ,  &  en  prenant  fmiplement  du  co;r.- 
mis,  des  paffavans  contenant  le  lieu  de  leur  de- 
meure, lé  nom  des  marais  ou  falorges  où  ils  leve- 
roient  le  fel ,  &  le  temps  dans  lequel  ils  le  feroieni; 
arriver  au  dépôt. 

Les  nouvelles  permiffions  doivent  être  accordées 
aux  particuliers  déjà  infcrits  aux  greffes  des  dépôts , 
eu  égard  à  leur  conduite  &  à  leurs  facultés. 

Ceux  dont  les  permiffions  n'auront  pas  été  re- 
nouvelées en  conféqucnce  de  la  déclaration,  ne 
pourront  à  l'avenir  s'immifcer  à  amener  au  fel  aux 
dépôts ,  à  peine  de  deux  cens  livres  d'amende  pour 
la  première  fois,  &,  en  cas  de  récidive,  d'être 
pourfuivis  comme  faux  fauniers, 

La  déclaration  révoque  auffi  les  pcrmiiTions  qui 
avoient  été  accordées  jufqu'alors  aux  marchands 
pour  revendre  au  peuple  les  fels  des  dépôts  ;  elle 
enjoint  aux  juges  d'en  réduire  la  quantité  au  nom- 
bre néceffaire ,  dans  la  même  proportion  que  celle 
qui  efl  prefcrite  ci-delfus  pour  les  fourniffeurs  ,  & 
du  confentement  du  fermier  ou  de  fes  commis. 

Elle  défend ,  fous  les  mêmes  peines  que  celles- 
qu'on  a  prononcées  contre  les  fourniffeurs ,  aux 
marchands  qui  n'auront  pas  été  infcrits  de  nouveau 
au  greffe,  de  s'immifcer  ,  à  l'avenir ,  à  revendre 
du  jGïl  au  peuple. 

Elle  enjoint  aux  collefleurs  des  tailles  des  paroif- 
fes flijettesaux  dépôts,  auxconfuls,  maires  ,  fyi> 
dics  des  villes  franches,  abonnées  6c  tariflfées  ,  qi'i 
y  reffortiffent ,  de  délivrer  aux  commis  aux  dépôtî , 
des  rôles  de  dénombrement  de  tous  les  reffortif- 
fans, dans  le  mois  de  février  de  chaque  année, 
à  peine  de  quarante  livres  d'amende,  conformé- 
ment à  l'article  17  du  titre  16  de  l'ordonnance  ds 
1680. 

Ces  rôles  doivent  contcnfr  le  dénombrement  des 
chefs  de  famille  ,  de  leurs  enfans  &  domefiiques  r 
&,  par  un  article  féparé,  le  dénombrement  des 
chapitres ,  communautés  régulières  ,  ecdéfiafiiques  , 
nobles,  officiers  d'épée  &  de  judicature,  ainfi  qu;? 
les  coUeâeurs  ,  maires  &fyrdics  ;  ils  ne  doivent 
point  y  comprendre  les  raendians  &  autres  non  do- 
miciliés dans  le  reffort  des  dépôts  ,  ni  augmenter  la 
nombre  des  perfonnes  dont  chaque  familleeft  coni- 
pofée,  à  peine  de  dix  livres  d'amende  pour  chaque 
perfonne  augmentée. 

La  déclaration  enjoint  à  tous  les  reffortiffans  des 
dépôts,  de  prendre  du  fel  aux  dépôts  dans  le  ref- 
fort defquels  ils  font  domiciliés  ;&elle  leur  défend  , 
fous  quelque  prétexte  que  ce  foit ,  d'aller  aux  fa- 
lorges, ni  même  aux  dépôcs  plus  proches  des  lieux 
de  leur  demeure,  prendre  le  fel  néceffaire  à  leur 
confommation ,  à  peine  de  cent  cinquante  livres 
d'amende,  8c  en  cas  de  récidive,  d'être  punis  com- 
me faux-fauniers. 

Les  habitans  des  paroiffes  du  reffort  des  dépôts  , 
lorfqu'ils  ont  à  y  lever  le  fel  de  leur  provifion,  font 
tenus  de  fe  faire  connoître  aux  commis,  ôc  de  leur 


PAYS  RÉDïMÊS. 

repréfonter  les  certificats  des  curés  ,  pour  juftlfier 
de  leur  domicile  dans  les  reffons  des  paroiffes  fu- 
jettes  aux  dépôts  ,  relativement  aux  rôles  dans  les- 
quels ils  l'ont  compris  ;  il  eft  fait  défenfe  aux  cu- 
rés ,  à  peine  de  vingt  livres  d'amende  &i  de  faifie 
de  leur  temporel ,  de  donner  des  certificats  à  d'au- 
tres perfonnes  &  fous  des  noms  fuppofés. 

La  déclaration  défend  aux  commis  aux  dépôts  de 
délivrer  à  l'avenir  aux  reflbrtifîans  de  ces  dépôts, 
fous  quelque  prétexte  que  ce  puifle  être ,  aucun 
pafiavant ,  foit  pour  aller  aux  falorgcs ,  foit  en  d'au- 
tres dépôts  que  ceux  dont  ils  rcHortiffent ,  pren- 
dre du  fel  pour  leur  confommation,  dérogeant  à 
Q^t  égard  à  l'article  i8  du  titre  i6  deTodonnance 
de  1680. 

Elle  veirt  que  les  formalités  &  conditions  pref- 
crites  par  l'article  7  du  même  titre  de  l'ordon- 
nance, pour  ceux  auxquels  il  fera  permis  d'ame- 
ner du  fel  aux  dépôts ,  foient  exécutées  félon  leur 
forme  &  teneur. 

Pour  obvier  aux  inconvéniens  qui  réfultoient 
de  la  différente  contenance  des  mefures  qui  étoient 
en  ufage  aux  dépôts  ,&  établir  à  cet  égard  l'unifor- 
mité &  la  relation  entre  ces  mefures  &  toutes 
celles  des  Pays  de  gabelle  ,  la  déclaration  ordonne 
qu'à  commencer  au  premier  janvier  fuivant,  le 
boiffeau  des  dépôts  demeurera  fixé  au  quart  de 
minot ,  mefure  de  Paris  :  elle  défend  à  tous  four- 
nilTeurs,  minotiers,  revendeurs  &  autres,  de  fe 
fervir  d'une  autre  mefure ,  à  peine  de  deux  cens 
livres  d'amende  :  enjoint  au  fermier  de  compter 
à  l'avenir  de  la  recette  &  dépenfe  en  fel,  faites 
aux  dépôts ,  félon  la  manière  ufitée  dans  les  greniers 
des  gabelles  de  France  ,  par  muids  ,  fetiers ,  mi- 
nots  &  quarts  de  minot. 

Enfin  ,  elle  défend  l'ufage  qui  s'étolt  abufive- 
«lent  introduit  dans  plufieurs  des  bureaux  de  la 
recette  des  droits  de  la  traite  de  Charente  ,  d'y 
inefurcr  les  fels  à  pelle  forcée  ;  elle  ordonne  qu'ils 
feront  mefures  à  pelle  renverfée  ,  ainfi  &  de  même 
qu'ils  le  font  &  le  doivent  être  aux  dépôts,  à  peine 
de  deux  cens  livres  d'amende,  &  de  plus  grande 
s'il  y  échet. 

PÉAGE.  C'eft  un  droit  qu'on  perçoit  pour  le  paf- 
fage  des  voitures,  beftiaux,marchandifes  &  den- 
rées ,  même  pour  celui  des  hommes  qui  partent  des 
rivières  ou  qui  traverfent  certains  chemins  ,  ou  des 
places ,  ponts  ,  chauffées,  &c. 

En  général,  les  droits  de  Péage  appartiennent 
au  roi  &  ne  peuvent  être  levés  qu'au  profit  de 
fa  majefté  ou  des  engagiftes  des  domaines  ,  ou  de 
ceux  auxquels  ils  ont  été  accordés  à  titre  d'inféo- 
dation  ou  d'oftroi.  Les  feigncurshauts-jufliciers  ne 
peuvent  les  exiger  fans  conceflion  exprefle  ,  ou  du 
moins  s'ils  n'ont  en  leur  faveur  une  pofleffion  im- 
mémoriale. 

Ces  droits  font  quelquefois  préjudiciables  au 
commerce  :  néanmoins  différens  feigneurs  fe  font 
immifcés  fans  titre  à  les  faire  percevoir  à  leur 
profit;  mais  le  fouverain  a  pris  des  précautions 


P  É  AG  E,  iT 

pour  f'^nrimer  ces  ufurpations  :  la  déclaration  de 
Loi  is  X(V  dn  31  janvier  1663,  contenant  régle- 
glem.cnt  pour  la  levée  des  droits  de  Péage ,  'ant 
par  eau  que  par  terre ,  dans  tout  le  royaume ,  & 
l'ordonnance  du  mois  d'août  166^, concernant  les 
eaux  &  forêts  ,  déterminen::  ceux  de  ces  droits  qui 
doivent  être  perçus  ,  &  la  manière  de  les  régir. 

Cette  dernière  loi  n'a  admis  que  les  Péages  8c 
droits  établis  avant  cent  années  par  titres  légitimes, 
dont  la  pofl"effion  n'avoit  point  été  interrompue; 
&  pour  connoître  les  Péages  qui  ne  doivent  pas 
fubfifter ,  il  a  été  ordonné  que  les  feigneurs  & 
propriétaires  eccléfiaftiques  ou  laïques,  de  quelque 
qualité  qu'ils  fu/Tent ,  juftifieroient  de  leur  droit  & 
porte  flîon. 

11  a  même  été  établi ,  par  arrêt  du  confeil  du  29 
août  1724,  un  bureau  compofé  de  confeillers  d'é- 
tat &  de  maîtres  des  requêtes  ,  pour  examiner  les 
titres  de  ceux  qui  fe  prétendoient  propriétaires  de 
droits  de  Péage. 

L'exécution  de  cet  arrêt  a  portérieurement  été 
ordonnée  par  d'autres  arrêts  du  confeil  des  24  avril 
1725  &  4  mars  1727. 

C'eft  en  conformité  de  ces  réglemens  ,  que  deux 
arrêts  du  confeil  des  15  août  &  20  feptembre  1759, 
ont  fait  défenfe  aux  repréfcntans  de  M.  de  BuUion 
d'Efclimont,  prévôt  de  Paris,  de  percevoir  aucun 
droit  de  Péage  fur  les  voitures  ,  bêtes  de  fomnie  , 
beftiaux,  denrées  &  marcbandifes  partant  dans  Té- 
tendue  des  feigneuries  de  Marell  &  Montain- 
ville  ,  à  peine  contr'eux  de  reftitotion  des  fomm^s 
qui  auroient  été  exigées  ,  &  d'une  amende  arbi- 
traire au  profit  du  roi,  &  contre  les  ferrriers  ou 
receveurs ,  d'être  pourfuivis  extraordinairement 
comme  concuflionnaires  ,  &  d'être  punis  comme 
tels,  fuivant  la  rigueur  des  ordonnances. 

Deux  autres  arrêts  du  12  avril  1764  ,  ont  aufTi 
fupp*imé  les  droits  de  Péage  que  l'abbaye  royale 
de  Maubuifl'on  &  M.  le  Pelletier  de  Montme  I- 
lant  prétendoient  leur  appartenir  au  lieu  de  la  Cha- 
pelle en  Serval  &  à  Plailly. 

Ces  fupprertions  ,  &  plufieurs  autres  qui  ont  ('té 
prononcées  jufqu'à  ce  jour,  font  des  preuves  des 
ufurpations  qui  avolent  eu  lieu  au  préjudice  du 
commerce. 

Un  nouvel  arrh  rendu  par  le  roi  en  fon  con- 
feil le  15  août  1779,  annonce  que  l'intention  de 
fa  majefté  eft  dé  fupprimer ,  lorfque  les  circonf- 
tances  le  lui  permettront ,  les  Péages  établis  fur 
les  grandes  routes  &  fur  les  rivières  navigables  , 
à  la  réferve  feulement  de  ceux  qui  font  établis 
fur  les  canaux  ou  fur  les  rivières  qui  ne  font  na- 
vigables que  par  le  moyen  d'êclufes  ou  d'autres 
ouvrages  d'art,  &  qui  exigent  un  entretien  jour- 
nalier (i). 

(I)  Comme  cet  arrêt  n'ejl  pas  moim  intértjfant  dans  fis  mo- 
tifs que  dans  f  s  difpofirions ,  nous  allons  le  rapporter  tn  enthr. 

Le  roi  s'accupant  avec  intérêt  des  moyens  de  lienfaifance 
envers  Ces  peuples  ,  que  le  retour  de  la  paix  peur  a  lui  procu- 
rer, croit  dcvoitoiuonncrà  l'avance  les  lecbeich.-s  &les  tra- 

Dij 


28 


PÉAGE. 


Au  refte,  les  feigneurs  &.  autres  particuliers  qui 
font  valablement  autorifés  à  jouir  des  droits  de  Péa- 


vaiix  propres  â  féconder  l'exécution  de  Ces  dsiïeins.  Entre  les 
principaux  objets  de  ce  genre  qui  ont  fixé  fon  attantion  ,  fa 
inajelté  .»  fortement  à  cxar  de  djiivret  la  nation  de  ces  nom- 
lireux  Péages  établis  à-la  fois  &  fur  Jes  grandes  routes  ,  &:  fur 
les  riviè.es  navigables.  Elle  eu  inllruite  que  cette  perception 
arrête  Se  fatigue  le  commerce  ;  que  ,  n'étant  point  réglée  par 
des  tarifs  uniformes  ,  leur  complication  &:  leur  divetlité  exi- 
geoient  une  véritable  étude  de  la  part  des  maichands  &:  des 
voitutiers  ;  que  cependant  des  difticuhés  s'élevaient  fans 
celle  ,  ic  qu'il  ctoit  aicme  une  inhnité  de  petites  vexations 
«jue  l'adn'iinifttation  générale  la  plus  acteuii/e  ne  pouvoir 
ni  fur\^eil'er  ni  punir;  que  tous  ces  droits  enfin,  nés,  pour 
la  plupart  ,  des  malheurs  &:  de  la  confuiion  des  anciens 
temps  ,  formoient  autant  d'obllacles  à  la  facilité  des  é-chan- 
ges ,  ce  puillant  encouragement  de  l'agriculture  &c  de  j'in- 
dullrie. 

Sa  majefté  fur-touC  a  été  frappée  de  la  partie  confidérable 
de  ces  droits  dont  la  navigation  des  rivières  eîl:  furchargée  , 
&  qui  fouvent  ont  contraint  le  commerce  à  prcfcier  les 
routis  de  terre.  Cet  abus  d'adminiftration  a  paru  à  faniajeilé 
d'autant  plus  important  ,  que  fon  excès  ne  tendroit  à  rien 
moins  qu'à  rend;c  inuiiles  cette  diveriité  &C  cet:e  heureufe 
dilliibution  des  rivières  ,  fi  propres  à  cotitribucr  effentielle- 
ment  à  la  profpérité  du  royaume  ,  bienfait  précieux  de  la  na- 
ture ,  dont  le  gouvernement  doit  d'autant  plus  faciliter  la 
•  ouiffance  ,  qu'il  prcfente  l'avantage  inelUniable  de  ménajcr 
Jes  grandes  rouies  ,  de  diminuer  la  néceflité  des  corvées  ou 
des  coutriburions  qui  les  remplacent  ,  &  d'arrêter  les  progrès 
de  ce  nombre  excedifd'animaux  de  tranfpou  ,  qui  partagent 
avec  l'homme  les  fruits  de  la  tcne. 

Sa  majefté  ,  pour  ne  pas  étendre  trop  loin  les  rembeurfe- 
siens  qu'elle  auroit  à  faire  ,  ne  comprend  point  dans  les 
Péages  qu'elle  a  delTein  de  fupprimer  ,  ceux  établis  fur  les 
canaux  ou  fur  les  parties  de  rivières  qui  ne  font  navigables 
que  par  des  éclufes  oa  d'autres  ouvrages  d'art ,  puifque  ce 
lontdes  navigation^  ,  pour  ainfi  dire  ,  acquifes  &  conletvées 
au  prix  d'une  induftrie,  dont  la  rétribution  ,  bien  loin  d'être 
un  facririce  onéreux  pour  le  commerce  ,  cil  la  juile  récom- 
penfe  d'une  entreprife  utile  à  l'état. 

Sa  majefté  a  vu  avec  fatiifaûion  ,  que  tous  les  autres  Péa- 
ges ,  quoiqj'inlinimen:  multiplias ,  ne  formoient  pas  un  pro- 
d>iit  aifez  confidérable  j  pour  qu'il  ne  fût  aife  de  le  rempla- 
cer par  quelque  autre  revenu  beaucoup  moins  à  charge  à  fes 
peuples  ;  c'ctoit  mcme  un  des  foulageniens  «jue  fa  majefté  fe 
propofoit  de  leur  accorder  en  entier,  iî  la  guerre  n'étoit  pas 
venue  confumer  le  fruit  de  Ce&  foins  &  de  fon  économie. 

Quoi  <]u'i)  en  foi: ,  comme  c'eli  encore  un  véritable  bien- 
fait d'adminiliration ,  que  de  changer  k\-  de  modiîet  les  im- 
po:s  qui  nuifcnt  à  l'état  &:  contrarient  la  richells  publique  , 
la  mijet'té-  veut  connoître  exactement  quelle  e!l  la  partie  de 
Fénges  dont  la  fupprelTîon  donneroir  ouverture  à  des  rem- 
bourfemcns  ou  à  des  indeiumtcs  ;  «S:  comme  cette  liquidation 
exige  du  temps  pour  être  faite  avec  foi«  ,  fa  majellc  a  juiré  à 
propos  de  prefcrire  ,  dès-à-préfent ,  Je  travail  néceiTiire  à  cet 
égatd ,  afin  qu'au  moment  où  la  paix  permettra  l'exécution 
des  projets  gcnéraifx  d'amélioration  que  la  gierre  tient  luf- 
pendus ,  le  roi  puifie  ,  en  aboli irant  tous  les  Péages ,  faire 
nnrcher  d'un  pas  égal  fa  juiHce  envers  les  particuliers,  & 
£a  bienfaifance  envers  l'état.  A  quoi  voulant  pourvoir  :  ouï 
le  rapport  -,  le  toi  étant  en  fon  ccnfeil  ,  a  ordonné  &  ordonne 
ce  qui'  fuie  : 

'Art.  I.  Tous  le';  propriétaires  des  droits  de  Vti^cs  qui 
fout  perqas  fur  les  rivières  aa'igables  dï  k'ur  nature  ,  de  fur 
Jes  routes  &  chemins  du  royaume,  à  titre  d'engagement  ou 
patrimonialement  ,  feront  tenus  d'envoyer  inceilammeBt  au 
toiifeil ,  favci: ,  les  cngagii'tis  defciits  droits ,  une  expéditio,i 
en  forme  Je  leur  conttAî  d'engigemtnt  j  fie  les  prcf  riéuires 


PÉAGE. 

ge,  font  pour  l'ordinaire  obligés  d'entretenir  en  bon 
état  les  ponts  ,  chemins  Si  paffages  :  c'efl  ce  qui 
rélulte  de  différentes  lois,  &  particulièrement  de 
l'article  107  de  l'ordonnance  d'Orléans,  Se  de  l'ar- 
ticle 5  du  titre  29  de  l'ordonnance  des  eaux  &  fo- 
rêts du  mois  d'aoïlt  1669. 

Dans  les  lieux  oîi  fe  fait  la  perception  des  droits 
de  Péage,  foit  au  proht  du  roi  ou  des  engagifies> 
foit  pour  des  feigneurs  ou  autres  particuliers,  il 
doit  y  avoir  en  évidence  des  tarifs  ou  pancartes  en 
bonne  forme  ,  afin  que  les  redeyables  puifient  fe 
convaincre  qu'on  n'exige  d'eux  que  ce  qui  eft 
légitimement  diJ. 

C'eft  ce  qui  réfulte,  tant  de  la  déclaration  du  31 
janvier  1663  ,  que  de  l'article  7  du  titre  29  de  l'or- 
donnance qu'on  vient  de  citer.  C'eft  encore  ce  qui 
a  été  ordonné  par  un  arrct  du  confeil  du  6  juillet 
1776,  rendu  contre  le  nommé  Monneron  &  fa 
femme  ,  régifTeurs  des  droits  de  Péage  qui  fe  lè- 
vent au  bourg  de  Tain  en  Dauphiné  (i). 

à  titre  patrimonial  ,  l'arrêt  du  confeil  rendu  lur  l'avis  des 
fleurs  commiffaires  du  bureau  des  Péages,  qui  les  a  mainte- 
nus dans  le  droit  de  percevoir  Jefdits  Péages  ,  ainli  que  les 
derniers  baux  .i  ferme  defdits  droirs  ,  s  ils  font  aiîcrniés ,  oa 
les  regiih'es  des  recettes  des  dix  dernières  années,  fi  lefdits 
droits  ont  été  régis. 

X,  Les  engagiites  &  propriétaires  devront  joindre  aux  fuf- 
dites  pièces  ,  un  état  des  charges  dont  Us  font  tenus  ,  à  rai'on. 
defdiis  Péages  Se  des  travaux  faits  à  leurs  dépens  aux  ponrs  , 
chaufTées  5:  chemins ,  à  l'entretien  defquels  ils  font  obligés  ; 
auquel  état  fera  joint  un  certificat  du  (leur  inrendant  de  la 
généralité  ,  qui  conftate  qu'ils  ont  fatisfait  e-xaûement  à  la 
loi  qui  leur  étuit  prefcrite  à  cet  égird. 

j.  Il  fera  procédé  à  la  fi.xaiion  de  ladite  indemnité  par  le 
roi  en  fon  confeil ,  fut  l'avis  des  fleurs  commillaires  que  fa 
majedé  commettra  à  cet  effet. 

4.  Sa  majefté  feréferve  de  faire  connoître  fes  intentions 
fur  la  manière  de  pourvoit  au  payement  des  fommes  ainlî 
liquidées  par  l'airêr  qui  ordonnera  la  fupp  e/Tion  de  tous  Jes 
Péages;  fie  jufqiies-U  fa  majeilé  veut  que  tous  ces  droits  con- 
tinuent à  être  payés  exailieœent ,  &  comme  par  le  paflè  ,  à 
qui  il  appartient. 

^.  N'entend  point  fa  majefté  comprendre  dans  les  difpofi- 
tions  des  articles  i  ,  2  &  3  ,  les  Péage?  établis  fur  les  canaux 
ou  fur  les  rivières  qui  ne  font  navigables  que  par  le  moyen 
déclufes  ou  d'autres  ouvrages  d'art ,  ôcqui  exigent  un  entre», 
tien  &:  un  fetvice  journalier. 

É.  Enjoint  fa  majefté  aux  fieurs  inrendans  &:  commifTaires 
dcpa!t:s  dans  les  ditrérentes  généralités  du  royaume  ,  de  tenir 
la  main  à  l'exécution  du  prcfcnt  arrêt  ,  qui  fera  lu,  piib'ic 
&:  ajîché  pat-tout  où  befoin  fera.  Fait  au  confeil  d'état  da 
roi,  fa  majefté  y  étant ,  tenu  à  Vetfailles  le  15  août  1779. 
Signé,  Amelot. 
(I)  yoici  cet  arrêt: 

Le  roi  ayant  été  informe  que  le  nommé  Gafpard  Monne- 
ron &:  fa  femme  ,  régilTeurs  du  Péage  qui  fc  lève  au  lieu  de 
Tain  en  Dauphiné  ,  èc  de  celui  qui  fe  perçoit  fous  la  déno- 
mina-.ion  de  la  grande  gabelle  de  Romans  ,  ont  perçu  mal- 
à-piopos  diiFérentes  fommes  de  divers  voitnriers  ,  fous  pré- 
texte qu'ils  n'avoient  point  payé  tout  ou  partie  des  droits 
dont  la  perception  leur  efl:  confiée;  fa  majefté  auroit  jugé 
devoir  réprimer  les  vexations  de  ceux  qui  font  prépcfés  .i  la 
levée  de  ces  fortes  de  droits;  en  conféquence,  ei'e  a  donné 
lesorJres  r.écefTaires  po'.it  que  les  faits  imputés  auxdits  Mon- 
neron &  fa  femme  fufi'ent  conftaiés.  Il  réfulte  d'une  in- 
foimasioii  foniajairç  ,  fsite  fur  kslieu.^  ht  î^  Ce  3 1  niai.dsïw 


PÉAGE. 

Une  doit  être  perçu  aucun  droit  de  Péage,  dé- 
pendant de  la  ferme  des  domaines  ,  pour  les  mar- 

ricr,  que  le  25  novembre  pr^cdent ,  ledic  Monn^ion  &  fa 
femme  ont,  p.u  menaces  de  fai'îes,  forci  le  nommi  Route 
Péricard,  voituiier,  conduifant  une  charrette  chargée  d'a- 
mandes ,  de  payer  une  fomme  de  deux  cent  feize  livres  , 
qiioiqu'en  pafljnt  au  bureau  il  eût  payé  trois  fous  pour  le 
P^age  ,  que  h  régiiTcufe  avoi:  re^us  fans  lécUmaiion  ;  que 
Je  10  mars  fui»ant  ,  Je  même  Monaeton  &:  fa  femme  ont 
exigé  quatre-vingt  feize  livres  du  nommf  Efpiit  Vidas ,  domel- 
tique  d'Antoine  Minât  ,  habitant  à  Cabane  ,  quoique  ledit 
Vidjs  eût  paye  dans  le  bureau  ce  qui  lui  avoir  étw  demandé  : 
enfin,  que  le  premier  avril  dernier  ,  le  même  régiffeur  &  la 
femme  ,  après  avoi-  reçu  quatre  fous  lîx  deniers  des  nommés 
Lazard  &  Coutuiiir,  conduifant  deux  charrettes  chargées  de 
douze  pièces  de  vin  pour  M.  le  comte  d'Artois  ,  les  ont  fait 
fuivre  jufqu'à  ,S"aint  Valh'erpar  dics  huiffiers  efcorcés  de  cava- 
liers de  maréchiufTce  ,  &  ont  exigé  d'eux,  par  [accommo 
dément,  une  femme  de  cenc  loixaa^c  huit  livres,  &:  vingi 
livres  pour  les  frais  ,  quoiqu'ils  n  culTent  pas  été  refufans  de 
payer,  &  qu'il  ne  fût  véritablenrjeHt  dû  que  neuf  fous  par  voi- 
ture: il  réluJte  pareillement  de  ladite  information  ,  que  ledit 
Woianerûn  6:  fa  femme  affcdent  de  laifler  paffer  les  voitu 
ricts  ,  en  fe  contentant  de  recevoir  ce  qu'ils  donnent  pour 
l'acquit  du  Péage,  ahn  d  avoir  occaiîon  de  les  mettre  à  con 
tribution  lorfqu'ils  ont  palll  ,  qu'ils  cxpofcnt  les  pancartes 
dans  un  lieu  ii  élevé  ,  qu  il  elt  prefque  importible  de  les 
lire,  ce  qui  eft  coatfaire  à  la  difpoiîtion  des  réglemens  in- 
tervenus fur  la  police  des  Péages.  A  quoi  voulant  pourvoir  ; 
vu  l'informition  faite  les  -9  &  5 1  mai  dernier,  &  l'avis  du 
Ceur  intendant  &:  commillaire  départi  en  la  généralité  de 
Dauphiné  ,  ouï  le  lapporr  du  fieur  de  Clugny  ,  confeillcr  er 
dinaire  au  confeiJ  royal ,  contrôleur  général  des  finances;  le 
roi  étant  en  conleil  ,  a  condaniné  Se  condamne  ledit  Mon- 
ncron  &c  Ci.  femme,  régilTeurs  defdits  Péages  de  Tain  ,  fo!i- 
dairemenc  &  par  corps  ,  à  rendre  &  rellituer  aux  nommés 
Pierre  Lazard  ,  vcitutierde  Chau.^  en  f.anguedoc  ,  &  à  jeaii 
Couturier,  au<fi  voiiurier  à  Nimes ,  la  fomwic  «Je  cent  foi 
xantc-h'(;t  livres  d'une  parc,  &  vingt  livres  de  l'autre  ,  par 
eux  exig.e  par  prétendu  accommodement,  fous  la  déduction 
toutefois  delà  fommc  de  treize  fous  lîx  deniers  reliante  .i 
paytrr  pour  les  droits  de  Péage  dus  au  bureau  établi  à  Tain  : 
condamne  pareillement  fa  majerté  lefdits  Monneron  &  fa 
femme,  folidairement  8c  par  corps,  à  rendre  &  relHtuer  au 
nommé  î'èricard,  voiturier  d' A ix,  la  femme  de  cent  quarante- 
quatre  livres  d'une  parc  ,  &  celle  de  foixâucc-do.izc  livres 
d'autre,  indûment  exigées  par  ledit  Monneron  5c  fa  femme  , 
dudit  Pcricard;  les  condamne  éga'ement  &  par  corps  à  rendr; 
fie  reflituer  au  noramé  Efprit  \jdas,  donieflique  tin  nommé 
Minât,  habitant  de  Cabane  ,  la  fomme  de  5>5  livres  d'une 
pait,&  4  livres  iS  fous  d'autre,  pareillement  exigées  mal- 
à-piO)*os  dudit  Vidas.  Condamne  en  outre  lefdits  Monneron 
&  fa  femme  ,  foliilaircment  Ik.  par  corps  ,  à  une  amende  de 
cent  livres,  laquel'e  fera  ,  furies  ordres  du  fieur  incendanc- 
commiiTaire  dêp.irti  en  la  génctjlité  de  Oauphiné  ,  employée 
aux  réparations  du  chemin  de  Tain  à  Saint-Vallier  :  Se  cepen- 
dant ordonna  famajeiié  que  la  i)'écIara;ion  du  31  ianvier{j6é3  , 
dùwentcnregiftrée,  fera  exécutée  félon  fa  forme  &:  teneur; 
en  conféquencc  ,  que  les  propriétaires  ou  fermiers  dsi  Péages 
de  Taia  feront  tenu?,  fur-le-champ  &  fans  délai,  défaire 
infcrirele  tarif  defdits  Péages  en  grofies  lettres  &  bien  lifi- 
bles ,  dan;  Mn  tableau  d'airain  011  ter  blanc ,  qu'ils  affîelieront 
au  lieu  où  la  levée  s'en  doit  faire  ,  à  telle  hauteur  &c  eniroit 
qu'ils  puiGl  nt  ètie  lus  par  les  ruarchands ,  voitut'ers  Se  paf 
fans,  lei'queîs  feront  déchargés  Jefdirs  droits  aux  jours  que 
Jefàits  table  lux  ne  feront  pas  cxpofés,  conforméitient  à  l'arti- 
cle 3  de  ladit.:  déclaration.  Enjoint  fa  majeilé  audit  lieuv  in- 
tendant &  commiffaiue  dépat.i  en  la  }irovlnce  de  DaupUinc  , 
de  tenir  !a  main  à l'exécutioa  du  préfent  arrêt,  qui  fera  im- 
friiréj,  publié  Se  a/Hché  au.x  ùih  dsi^d'.U   Moançrcii  &  fa. 


PÉAGE.  2^ 

chaiidiTes  qui  pa/îent,  tant  par  ean  que  par  terre, 
pour  le  compte  du  roi ,  ou  potn-  le  fervice  de  fa 
rnajefté.  Cela  eft  ainfi  réglé  par  les  baux  qui  ont  été 
pafTés  à  Fauconnet ,  à  Charrière  ,  à  Carlier  ,  à  For- 
ceville  ,  &c.  adjudicataires  des  fermes. 

Des  arrêts  du  confeil  des  19  février  &  25 
août  1695  ,  ^"^  ^'''"^  défenfe  aux  fermiers  des  do- 
maines, receveurs  des  droits  de  Péage  ,  travers  p 
octrois,  entrées  des  villes,  &  tous  autres,  de 
faire  payer  aucun  droit ,  fous  quelque  prétexte 
que  ce  (m  ,  aux  adjudicataires  des  bois  du  roi  » 
lorfqu'ils  feroient  conduire  &  débiter  eux-mêmes 
les  bois. 

Cctce  exemption  pour  les  boîs  du  roi  n'étant  ac- 
cordée qu'aux  adjudicataires  qui  les  font  conduire 
&  débiter  pour  leur  compte  ,  un  arrêt  du  confeil 
du  10  odîobre  1716,  a  prefcrit  différentes  forma- 
lités pour  empêcher  les  fraudes  (i). 

Par  un  autre  arrêt  du  confeil  du  23  feptembre 
1719  ,  les  munitions  de  guerre  &  de  bouche  ,  defti- 
nées  à  être  tranfportécs  aux  armées  de  France  ,  ou 
dans  les  arfenaux  &  places  fortes  ,  les  bois ,  les 
attirails  &  agrêts  pour  les  vailTeaux  ,  ports  &  arfe- 


femme,  dans  les  bourgs  de  Tain  &:  de  Saini-Vallier ,  dans 
les  villes,  fui  la  route  de  Lyon  en  Provence,  &  ailleurs  où 
befoin  fera.  Fait  au  confeil  d'état  du  roi,  fa  majerré  y  étant  , 
tenu  à  Mir'y  le  fîx  juillet  mil  fept  cent  foixante-fei^e.  Signé, 

Saint-Gepmain. 

(i)  Cet  arréc  a  été  rendu  fur  une  contellacion  élevée  à 
Saint-Quentin  ;  mais  il  ne  lajfl'e  pas  de  fervir  de  rè^le  pour 
les  autres  provinces,  &  l'exécution  en  a  été  ordonnée  dans 
la  généralité  de  Rouen,  pat  une  ordonnance  de  l'intendant 
du  II  juin  174Î.  Il  porte  ,  «  que  les  adjudicataires  des  bois  du 
M  roi  ne  payeront  aucuns  droits  d'entrée,  o£lrois  ,  Péages, 
»  travers  &  autres  ,  peur  tous  les  bois  prosensns  de  leurs 
«  ventes,  lorfqu'ils  les  feront  conduire  &  débiter,  lour 
«  leur  compte,  en  la  ville  de  Saint-Quentin  &  autres  lieu;:  • 
w  que  lefdits  adjudicataires  ou  leurs  commis  fie  gardes-ven- 
M  tes  ,  feront  tenus  de  m.irquer  de  leur  marteau  deux  bûches 
«  fur  chacun  des  chaiiots  Se  autres  voitures  de  bois  qu'ils  fc- 
M  ront  conduire  &:  débiter  pour  leur  compte;  de  donnera 
M  chacun  des  voitutiers  &:  conduéleurs  de  leurs  bois,  un  cer- 
»  tificat  ligné  d'eux,  qui  contiendra  les  noms  ,  furnom^  & 
M  demeures  defdits  voicuriers ,  les  quantité  &  quaiitc  des  cois 
«  qu'ils  auront  chargés  ,  &  le  jour  de  leur  départ  des  foiécs 
0  &  ventes  qui  y  feion;  aufli  dénommées  ;  que  lefdirs  vcitu- 
»  tiers  &  conduûeuts  remettront  Itfdiis  certificats  aux  bu- 
«  reaux-  des  entrées  &:  otatois  de  ladite  ville,  &  que  les  ir.ar- 
«  chands  adjudicataires  ou  leurs  fadteurs  &  garde  ventes 
a  feront  tenus  d'cnregiftrcr  lefdits  ceriiricats  fur  des  reoirtres 
j>  qu'ils  auront  à  cet  efrVt  cotés  &  paraphés  par  le  maure  par- 
X.  ticulier  ou  le  lieutenant  de  la  maîtrife  oii  l'adjudication 
»  iu--a  été  faite.  Je  tout  à  peine  de  trck  cens  livres  d'ame  ide 
.:.  contre  les  contrevenans.  Fait  fa  .-«ajefté  dcFenfei  à  tous 
»  marchands  &  blanchilfeurs  de  toiles,  &  i  tous  au.-res  ds 
«  fe  fervir  du  nom  des  adjudicataires  de  fes  bois,  pour  faire 
»  entrer  dans  la-iice  ville  ceux  donc  ils  auront  befoin  le 
«  aux  adjudicataires  de  prêter  leurs  noiBS  à  cet  efler ,  à  nèine 
o  de  tous  dépens  ,  dommages  &  iiitércrs  ,  &  de'p.ireii.'e 
»  amende  de  trois  cens  livres,  fauf  rotitïfois  lorfque  lefciits 
»  marchaud3&  blanchhTeurs  de  toiles  feront  adiudi;ata'rt;s 
J9  des  bois  de  fa  niajefté;  auquel  cas  iJs  jouiront,  pour  laiicn 
»  de  leurs  adjudications  ,  des  mêmes  privilèges  &  exemptions 
n  <ius  ceux  qui  foui  accoriiés-  ma  autres  adjudiû^caiccs  ..-, 


3©  PÉAGE. 

«aux  de  ia  marine ,  ont  auffi  été  affranchis  de  tout  » 
droit  de  Péage. 

Les  blés ,  grains  ,  farines  &  légumes  ,  verts 
ou  fecs ,  font  pareillement  exempts  de  droits  de 
Piage ,  paiTage  ,  pontonnage  ,  travers  ,  coutu- 
mes ,  &de  tout  autre  droit  généralement  quelcon- 
que ,  tant  par  eau  que  par  terre  ,  foit  pour  les 
droits  appartenant  à  des  villes  &  communautés, 
ou  à  des  feigneurs  eccléfiartiques  ou  laïques ,  ou 
autres  perfonnes  fans  exception.  C'eft  ce  qui  ré- 
fulte    d'un    arrêt   du    confeil    du    lO    novembre 

1739  (i)- 

Une  ordonnance  rendue  le  18  mars  1713  »  P^*" 
le  bureau  des  finances  de  la  généralité  de  Paris , 
a  défendu  aux  voituriers  par  eau  ou  par  terre , 
de  pafler  &  repaffer  les  travers  &  Péages,  fans 
payer  fur  le  champ  &  fans  délai ,  les  droits  qui  font 
dus  ;  &  en  cas  de  refus ,  il  eft  permis  au  fermier 
des  domaines  ,  fes  procureurs  &  commis  ,  de  faire 
contraindre  les  débiteurs  au  payement,  tant  par 
faifie  &  arrêt  des  chevaux  ,  chariots ,  coches  ,  ca- 
ToiTes ,  harnois,  &  autres  chofes  fujettes  auxdits 
droits  ,  que  par  autres  voies  dues  &  raifonnablcs  , 
comme  pour  deniers  royaux. 

Par  fentence  du  prévôt  des  marchands  &  des 
échevins  de  Paris,  du  3    oâobre   1720,  les  fieurs  j 
Freret ,  voituriers  par  eau,  &  leur  contre-maître  , 

(1  )  Cet  arrct  ejl  ainfi  conçu  : 

Le  roi  étant  informé  <]ue  ,  contre  (es  intentions,  les  pro- 
priétaires des  «lroi;sJe  Péage,  paflage  ,  pontonnage,  travers 
&:  autres,  dans  le  royaume,  font  percevoir  ces  droits  furies 
bits  ,  grains  ,  farines  &  légurre*  verts  ou  fecs  :  &  fa  majafté 
voulant  y  pourvoira:  faite  coanoître  fes  intentions;  ouï  !c 
rapport,  &c. ,  le  roi  étant  en  fon  confeil,  a  ordonné  Se  ot- 
^•nne  qa'à  l'avenir  les  blés ,  grains ,  farines  &  légu»es  verts 
ou  fecs,  feront  exemps ,  daas  toute  l'étendue  du  royaume, 
des  droits  de  Péage  ,   paffage  ,  pontonnage  ,  travers  ,  coutu- 
80CS ,  ôc  de  tous  autres    dtoits  gcnGralement  quelconques  , 
tant  par  eau  que  par  terre  ,  foit  que  lefdits  droits  appartien- 
nent à  des  villes  &  communautés,  ou  â  des  feigneurs  ecclé- 
£aftiques  ou  laïcs  ,  ou  autres  perfonnes  fans  exception;  en 
conféquence,  fait  fa  majefté  ttcs-exprelTes  inhibitions  &  dé- 
fenfes  aux  receveurs  ,  commis  &  autres  prépofés  i   la  percep- 
lioa  defdits  droits  ,d'en  exiger  aucun  fut  lefJits  blés ,  grains , 
farines  &:  légumes  ,  verts  ou  fecs  ,  nonobftant  tous  arrêts  ,  ré- 
Siemens,  tarifs  ou  pancaites  à  ce  contraires ,  auxquels  fa  ma- 
jefté a  déroge  ficd^-togepar   le  préfent  arrêt  î  le  tout  à  peine 
contre  lefdics  receveurs,  comniij  &  autres  prépofés  à  la  per- 
ception defdits  droitt,  de  rellitution  du  quadruple,  même 
d'être  pourfiiivis  exttaordinai.emeiit  comme  concuflîonnaires , 
&r  punis  comme  tels  fuivantla  rigueur  des  ordonnances.  Fait 
en  outre  fa  majefté  main-levée  pure  &c  (impie   de  toutes  les 
faifiesqui  pourroienr  avoir  été  faites  à  cette  occafion  ,  faute 
de  payement  des  droits  fur  lefdits  blés  ,  grains,   farines  & 
Jégumes  verts  ou  fecs.  Enjoint  aux  fieurs  iatendans  &  ccm- 
miflaires  départis  dans  les  provinces  âc  généralités  du  royau- 
me,  de  tenir  la  main  à  l'exécuiion  du  préfent  arrêt ,  lequel 
fera  lu,  publié  &  afEché  par-tout  où  befoin  fera,  &  exécuté 
nonobftantto«tes  eppofitions  ou  autres  empêchemens  géné- 
ralement quelconques  ,  pour  lefquels  ne  fera  différé  ,  &  dont , 
Cl  aucuns  interviennent ,  fa  majefté  fe  réfcrve  &  à  fon  con- 
feil la  connoiffance ,  icclle  interdifant  à  toutes  fes  cours  & 
autres  juges.  Fait  au  confeil  d'état  du  roi ,  fa  majefté  y  étant, 
tenu  à  Fonujflcbleau  Je  JO  novembre  175^.  S'gnéj  Pheiï- 
pEAUXj 


PÉAGE. 

ont  été  condamnés  folidairement  au  payement  de 
l'excédent  des  droits  dus  pour  des  marchandifes 
qu'ils  avoient  fait  pafferdans  un  bateau  au  Péage 
d'Ande'y,  &à  300  liv.  d'amende  pour  la  fauffô 
déclaration  ,  conformément  à  un  arrêt  du  confeil 
du  29  août   1682. 

La  déclaration  de  1663  veut  que  les  commis  & 
prépofés  à  la  perception  des  Péages  donnent  des 
quittances  des  fommes  qui  leur  ont  été  payées, 
quand  le  droit  excède  cinq  fous. 

Si  un  fermier  des  droits  de  Péage  laifToit  paf- 
fer  les  voituriers  fans  leur  demander  ces  droits, 
&  fans  faire  conftater  du  refus  de  les  acquitter , 
il  ne  feroit  pas  fondé  à  fuivre  ces  voituriers  & 
à  exiger  d'eux  quelque  fomme  que  ce  fût  par 
accommodement.  C'eft  ce  qui  réfulte  d'un  arrêt 
rendu  au  confeil  ,  le  17  oftobre  1779  »  contre 
le  nommé  Robuftel ,  fermier  du  Péage  de  Mor 
ret  (i). 

(j)  Viici  cet  arrtt  : 

Le  toi  ayant  été  infornaé  que  les  fermiers  des  Péages  de 
Ponthietry  &:  de  Morct  ,   font  dans  l'ufage  abufîfde  laifTer 
pafTer  les  voituriers  fans  leur  demander  les  droits  de  Péages  , 
&:  qu'enfuite  ,  fous  prétexte  qu'ils  n'ont   point  acquitté  lef- 
dits droits,  quoique  rien  ne  conftate  leur  refus ,  ils  les  fui- 
vent  accompagnés  d'nuilTleis  &:  de  cavaliers  de  aiaréchaufiée , 
&  en  exigent  ,  fous  le  nom  d'accommodement  ,  des  fommes 
confidérables  ;  que  le  (leur  Robuftel  ,  fermier  de   Moret,  » 
exigé  de  cette  manière  ,  le  11  janvier  dernier  ,  des  domefti- 
ques  du  lieut  dcMarfangy,   capitaine  réformé  à  la  fuite  du 
régimei)t"_Dauphin,  cavalerie  ,  une  fomme  de  40  livres  ;  qu'il 
n'a  point  été  dteiré  procèî-vcrbal  du   prétendu  refus  fait  pat 
lefdits  voituriers;  que  cette  formalité  eft  d'autant  plus  efTea- 
tielle,  qu'elle  feule  peut  être  le  bafe  des  pourfuitei  du  fer- 
mier; que  tolérer  un  tel  abus,  feroit  autorifer  les  fermierj 
des  Péages  à  laifTer  pafTer  les  voituriers ,  pour  fe  procurer  le 
prétexte  de  courir  après  eux ,  &  en  exiger  à  main  armée  det 
fommes  confidérables.  A  quoi  voulant  poutvoir  ,  vu   Ja  quit- 
tance du  nommé  Robuftel ,  dudit  jour  1 1  janvier  dernier ,  & 
l'avis  du  fieur  intendant  &  commifTaire  départi  en  la  généra-, 
lité  de  Paris  :  ouï  le  rapoort  du  fieur  Moreau  de  Beaumont  , 
confeiller   d'état  ordinaire  au   confeil  royal  des  finances;  le 
roi  étant  en  fon  confeil ,  a  condamné  Se  condamne  par  corps 
le  nommé  Robuftel,    fermier  du  Péage  de  Motet ,  à  rendre 
&:  reftituer  à  Etienne  Gazer,  domeftique  du  fieur  de  Mai- 
fangy,  la  fomme  de  40  livres  par  lui  reçue   dudit  Gazet    par 
accommodement.  Fait  fa  majeité   défenfes ,  tant  audit  Ro- 
buftel qu'au  fermier  de  Ponthierry  ,   de  fuivre  lefdiis  voitu- 
riers ou  rien  exiger  d'eux  par  accomraodemenr,   fans  avoir 
fait  conftater  du    refus  fait  par  les   voituiers  de  payer  le» 
dtoits  dus  :  leur  enjoint  défaire  ,  dans  huitaine  ,  établir  un 
poteau  à  I3  porte  du  bureau  de  perception  ,  auquel  poteau 
fera  attachée  la  pancarte  ou  tatif  defdits  droits  infcrits   dans 
un  tableau  d'airain   ou  de  fer-blanc  ,  en    caraftères  très-lifî- 
bles,  &à  telle  hauteur  qu'ils  puifTent  être  lus  par  les  mar- 
chands &  voituriers  £<.  paffans,  lefquels  feront  difpcnft»  d'ac- 
quitter lefdits  droits  aux  jours  où  lefdits   tableaux   ne  feronc 
pas  expofés,  conformément  â  l'article  5  de  la  déclaration  du 
3I  janvier  1661.  Enjoint  fa  majefté  aux  jCeuis  intendant  &: 
conamiffaire  déparri  en  la   généralité  de  Paris  ,  de  tenir  la 
main  à  l'exécution  du  préfent  arrêt,  qui  fera  imprimé,  pu- 
blié &  affiché  à   Moret  Se  à  Ponthierry  ,  &    dans  tous  le» 
lieux  de  ladite  généralité  où  les  Péages  font  établis.  Fait  au 
confeil  d'état  du  roi,  fa  majefté  y  étant  ,  tenu  à  Mady  le  17 
odobtc  f.77?.  Signé,  AîilZl 01, 


PÉAGE. 

Péage  de  Pèronne. 

On  perçoit  dans  les  bureaux  des  cinq  greffes 
fermes,  depuis  le  pont  d'Arches  près  de  Me^ières  , 
jufques  &  compris  les  poits  &  bureaux  de  Calais 
&  S.  Valéry,  un  droit  connu  (bus  la  dénomina- 
tion de  Pi-igt  de  Pèronne  ;  ce  droit  eft  établi  fur 
un  ancien  tarif  qui  eft  dépofé  au  bureau  des  fi- 
nances d'Amiens  ,  &  qui  forme  le  titre  le  plus  an- 
cien que  l'on  connoiffe  à  cet  égard. 

La  perception  de  ce  droit  étoit  tombée  dans  une 
telle  confufion  ,  qu  elle  fe  faifoit  dans  quelques 
bureaux  d'une  manière  toute  différente  ,  &  qu'elle 
étoit  entièrement  abandonnée  dans  d'autres. 

Par  une  déclaration  du  roi  du  5  janvier  1723  , 
il  fut  ordonné  qp'à  compter  du  jour  de  la  pu- 
blication de  cette  déclaration,  le  droit  de  l'an- 
cien Péage  de  Péronne  ,  enfemble  le  parifis ,  lou 
&  fix  deniers  pour  livre ,  feroient  &  demeureroient 
fixés  à  un  feul  droit  uniforme  de  deux  pour  cent 
pefant ,  poids  de  marc ,  &  que  ce  droit  feroit  perçu 
fur  toutes  fortes  de  marchandifes  &  denrées  indif- 
tin<ftement ,  qui  entreroient  dans  l'étendue  des  cinq 
groffes  fermes,  ou  qui  en  fortiroient ,  depuis  le 
pont  d'Arches  près  de  Mézières,  jufques  &  com- 
pris les  ports  &.  bureaux  de  Calais  &  S.  Valéry , 
à  l'exception  néanmoins  des  beftiaux  ,  bois  ,  char- 
bons &  grains  de  toutes  cfpèces,  qui  en  feroient 
exempts. 

Depuis,  &  fur  les  repréfentations  qui  furent 
faites ,  fuit  fur  l'excès  du  droit  ,  relativement  à 
certaines  marchandifes  ,  foit  fur  les  difficultés 
qu'entraînoit  la  perception  ,  telle  qu'elle  avoit  lieu  , 
il  fut  donné  ,  le  5  décembre  1724,  une  nouvelle 
déclaration  par  laquelle  le  droit  de  Péage  de  Pé- 
ronne a  été  fixé  à  raifon  de  fix  deniers  pour  livre 
des  droits  du  tarif  de  1664,  &  aux  fous  pour  livre 
de  ces  fix  deniers  ,  tant  que  ces  fous  auroicnt  lieu  ; 
les  fels  voitures  de  Calais,  Boulogne  &  Etaples  , 
dans  l'Artois  ,  la  Flandre  &  autres  provinces  du 
pays  conquis  ,  pour  l'ufage  des  rafineries  ,  ont  été 
déchargés  de  ce  droit. 

Sa  majefté  en  a  pareillement  affranchi  les  mar- 
chandifes &  denrées  qui  entrent  par  mer  dans  les 
ports  de  Calais  ,  S.  Valéry  &  autres  ,  ou  qui  fortent 
de  ces  ports,  &  n'y  a  affujetti  que  celles  qui  font  voi- 
turées  par  terre, ou  par  les  rivières  ou  canaux  qui 
entrent  dans  les  cinq  greffes  fermes  ,  ou  qui  en  for- 
tent par  les  bureaux  de  la  même  étendue.  C'eft  d'a- 
près cette  déclaration  que  fe  fait  la  perception  du 
droit  de  Péage  de  Péronne. 

Péage  royal  (TAix, 

On  perçoit  fur  toutes  les  marchandifes  qal  paf- 
fcnt  dans  la  ville  &  territoire  d'Aix,  un  droit  conrru 
fous  la  dénomination  de  Péage  royal  d'Aix,  &  qui 
avoit  été  établi  par  les  comtes  de  Provence  plu- 
iieurs  fiécles  avant  que  cette  province  eût  été 
réunie  à  la  couronne  ;  il  en  eu  déjà  fait  mention 


PÉAGE.  3  » 

dans  les  lettres  de  Bérenger,  comte  de  Provence , 
de  1237. 

Charles ,  comte  de  Provence,  ayant  fondé  ,  dans- 
la  ville  d'Aix  ,  le  monaflère  de  Notre  -  Dame  de 
Nazareth ,  qui  fe  nomme  afluellement  Saint-Bar- 
thélemi ,  ordonna  >  par  fon  teftament ,  qu'il  feroit 
remis  par  le  tréforier  général  du  pays  ,  chaque  an- 
née, 325  livres  des  deniers  du  Péage  tl'Aix  ,  entre 
les  mains  du  prieur  de  ce  monartere  ,  qui  en  retien- 
droit  une  partie  pour  le  couvent  ,  &  diAribueroit 
le  furplus  aux  religieux  mcndiansdela  ville  d'Aix  , 
pour  la  rétribution  des  obits ,  meffes  &  prières  por- 
tées par  le  même  teilament. 

Les  officiers  de  la  cour  fouvcraine  &  les  habi^ 
tans  delà  ville  d'Aix,  furent  les  premiers  exemptés 
de  ce  Péage  par  des  lettres  -  patentes  de  1294  » 
1318,  &  1387. 

Les  habitans  de  Toulon,  Colmar,  Beauvezet , 
Martigues  &  autres  endroits  ,  le  furent  enfuite  pa- 
reillement, ainfi  que  plufieurs  marchands  &  arti- 
fans  ,  comme  merciers  ,  verriers  &  autres  ,  tant 
étrangers  que  provençaux. 

Toutes  ces  exemptions  réduifirent  le  Péage  en 
queftion  à  iin  fi  foiiile  objet,  qu'il  n'étoit  plus  fuffi- 
fant  pour  acquitter  les  325  livres  dont  il  étoit  an- 
nuellement chargé.  Le  prieur  du  monaftére ,  qui 
n'en  pouvoit  plus  être  payé,  obtint,  en  1402  ,  de 
nouvelles  lettres-patentes,  pour  faire  de  nouveau 
publier  le  Péage  ,  dont  la  perception  avoit  été  plu- 
fieurs fois  abandonnés ,  &  pour  l'affermer  &  en 
recevoir  le  prix. 

En  1559  ,  le  prieur  &.  les  religieux  de  Nazareth 
le  tranfportèreni  aux  confuls  de  la  ville  d'Aix,  qui 
font  procureurs  du  pays,  moyennant  urve  penfion 
annuelle  de  trois  cents  livres  :  l'objet  des  confuls 
étoit,  félon  les  apparences  ,  de  libérer  la  province 
de  ce  Péage ,  paifqu'on  ne  voit  point  que  la  per- 
ception en  ait  été  continuée  jufqu'en  1685  ,  que 
les  fcrmiersdu  domaine  en  demandèrent  la  réunion  , 
comme  n'ayant  pu  être  aliéné  aux  confuls  d'Aix 
parles  religieux  de  Nazareth,  auxquels  la  propriété 
n'en  appartenoit  pas ,  &  qui  n'en  avoiem  qu'une 
fjmple  rente  à  prendre  fur  le  produit. 

Cette  réunion  fut  prononcée  par  un  jugement 
descommiffaires  du  domaine  en  Provence,  du  9 
juillet  1686 ,  en  exécution  duquel  la  levée  de  ce 
droit  de  Péage  a  été  rétablie  :  le  jugement  de 
réunion  en  déclare  exemps  les  habitans  de  la  ville 
d'Aix. 

Il  ordonne  que  levée  en  fera  faite  fur  une  an- 
cienne pancarte  dépofée  dans  les  archives  de  Pro- 
vence ,  &  que  les  taxes  feront  évaluées  au  quadru- 
ple ,  à  caufe  de  la  différence  des  monnoics  ancien- 
nes aux  monnoies  courantes. 

Ce  tarif  ou  pancarte  ne  rappelle  qu'un  petit  nom- 
bre de  marchandifes  ,  &  porte ,  par  une  claufe 
finale ,  qu'à  l'égard  de  celles  qui  n'y  font  poirrt 
comprifes  ,  on  en  recevra  les  droits  àproportiort 
des  autres  ;  &  comme  rien  n'indique  fur  quel  pied 
les  marchandifes  contenues  dans  cette   pancarte; 


•31  PÉAGE. 

ont  été  taxées ,  il  réfulte  f©uvent  de  cette  dernière 
claufe  des  difficultés  dans  la  perception. 

Péage  de  Pont- fui -Yonne, 

On  nppelle  ainfi  un  droit  d'aide  ,  dont  on  ne  peut 
fixer  l'origine  avec  précifion.  Il  faifoit  ancienne- 
ment partie  d'un  oflroi  accordé  à  la  ville  de  Sens 
pour  le  payement  de  la  taille  &  des  dettes  de  cette 
ville:  il  tut  compris  dans  le  bail  du  25  feptembre 
1630  ,  pour  être  levé  avec  d'autres  droits  de  Péage 
au  profit  ûv.  roi  ;  &  en  conféquence  de  ce  bail  ,  la 
perception  qui  s'en  faifoit  à  Sens ,  fe  fit  à  Pont-fur- 
Yonne  :  la  moitié  en  fut  accordée  depuis  à  la  prin- 
celfe  de  Melckelbourg ,  &  enfuite  réunie  au  do- 
maine. 

Ce  Péage  ne  fe  perçoit  qu'à  raifon  de  quatre 
fous  par  muid  de  vin  ,  au  lieu  de  huit  fous  dix  de- 
niers qui  fe  payoient  anciennement  :  on  ignore  le 
temps  &  le  motif  de  cette  réduélion. 

Il  fe  lève  fur  tous  les  vins  qui  paflent  deffus  & 
deiTous  le  Pont-fur- Yonne  ,  à  l'exception  de  ceux 
cjui  foiit  dettinés  pour  les  habitans  de  la  ville  de 
Sens. 

PÊCHE.  11  fe  dit  tant  de  l'aâion  que  du  droit  de 
pêcher. 

Dans  Torigine ,  la  pêche  étoit  perniife  à  tout  le 
monde  par  le  droit  des  gens ,  tant  dans  la  mer  que 
dans  les  fleuves,  les  rivières,  les  étangs  Si  autres 
amas  d'eau  ;  mais  le  droit  civil  ayant  diftingué  ce 
que  chacun  poflcdoit  en  propriété  ,  il  fallut  établir 
des  règles  pour  la  Pêche.  Les  unes  concernent  la 
Pêche  des  rivières  ,  &  les  autres  Pêche  maritime  : 
nous  parlerons  de  ces  deux  fortes  de  Pèches  fuc- 
ceflivement. 

De  la  Pêche  des  rivières . 

Comme  les  fleuves  &  les  rivières  navigables 
appartiennent  au  roi,  fa  raajefl;é  y  a  feule  le  droit 
de  Pêche,  à  moins  que  quelque  particulier  n'ait 
titre  ou  pofleffion  valable  pour  jouir  de  ce  droit. 
C'cft  ce  qui  réfulte  de  l'article  41  du  titre  27  de 
l'ordonnance  des  eaux  &  forêts  (  i  ). 

A  l'égard  des  rivières  non  navigables  ,  les  fei- 
gneurs  du  territoire  où  elles  coulent,  y  peuvent 
exercer  le  droit  de  Pêche.  Dans  la  plupart  des  pays 
de  droit  écrit  &  dans  différentes  coutumes  ,  telles 
que  Bourbonnois  ,  Anjou ,  Tours ,  la  Pêche  efl  at- 
tribuée au  feigneur  haut-jufticier ,  à  l'exclufion  du 
feigneur  de  fief:  mais  dans  les  coutumes  qui  n'ont 
point  de  pareilles  difpofitions  ,  on  regarde  le  droit 
de  Pêche  comme  un  droit  de  fief  dont  doit  jouir  le 
feigneur  féodal  du  cours  d'eau  ,  quoique  la  juflice 

(i)  Déclarons ,  porfe  en  crticle ,  la  propiiété  *c  tous  les 
flf  uves  &  rivières  portant  bateaux  de  leur  fond  ,  fans  artifice 
&:  ouvrages  de  mains  ,  dans  notre  royaureie  &  tertes  de  notre 
obéiffance  ,  faire  pittie  du  domaine  de  notie  couronne  , 
nonobllant  tous  titres  &  poflc/iîcns  ccntraires  ,  fauf  les  droits 
de  Pêches  ,  moulins  ,  bacs,  &  autres  ufajes  que  les  particu- 
liers peuvent  y  avoir  par  titr«j  &:  poÛieîïions  valables ,  aux- 
quels ils  fecoric  maintenus* 


P  E  C  H  E. 

appartienne  à  un  autre  feigneur. 

Aux  refte  ,  les  loix  qui  concernertt  le  droit  de 
Pêche  s'appliquent  également  à  la  Pêche  qui  fe  fait 
dans  les  rivières  navigables  ,  &  dans  celles  qui  ne 
le  font  pas. 

Suivant  ces  lois,  il  n'eft  permis  à  perfonne  de 
pêcher  dans  une  rivière  ou  un  ruilTeau  quelconque , 
fans  la  permiffion  expreiTe  de  celui  à  qui  appartient 
le  cours  d'eau  ,  fmon  il  doit  être  prononcé  ,  pour 
la  première  lois  ,  contre  chaque  contrevenant ,  cin- 
quante livres  d'amende  ,  outre  la  confifcation  du 
poilfon  &  des  inftrumens  de  Pêche  ;  &  en  cas  de 
récidive  ,  l'amende  doit  être  de  cent  livres  outre  la 
confifcation.  Il  peutrïiéme  être  prononcé  une  puni- 
tion plus  fèvére  félon  les  circonftances.  C'eft  ce 
qui  réfulte  de  l'article  premier  du  titre  3  i  de  l'or- 
donnance des  eaux  6c  forêts  du  mois  d'août  1669. 

La  police  générale  fur  les  rivières  &  les  ruilTeaux, 
appartenant  aux  roi.  par  rapport  à  la  confervation 
du  poifl'on  ,  à  laquelle  le  public  a  intérêt  ,  il  faut  en 
conclure  que  les  officiers  des  maîtrifes  des  eaux  Sc 
forêts  ont  infpe^lion  &  juridiélion  fur  les  rivières 
feigneuriales  ,  pour  raifon  de  la  Pêche ,  de  même 
que  fur  les  fleuves  &  rivières  navigables.  C'eft  ce 
qui  ei\  établi  par  différentes  lois  ,&  fingulièrement 
par  deux  arrêts  du  confcil  des  27  novembre  1701 
&  8  mars  1740. 

Le  premier  a  fait  défenfe  à  toute  perfonne  de 
pêcher  avec  des  engins  prohibés  par  les  ordon- 
nances ,  tant  dans  les  rivières  navigables  &  flotta- 
bles ,  que  dans  les  autres  dont  la  propriété  même 
appartient  à  des  feigneurs  particuliers  ,  &  à  enjoint 
zux.  grands  maures  des  eaux  &  forêts  d'y  veiller  chacun 
en  droit  foi. 

Le  fécond  a  cafl"é  une  fentence  rendue  par  le  juge 
de  Montignac  contre  un  garde  de  la  maitrife  d'An- 
goulême  ,  parce  qu'il  avoit  averti  des  gens  qui  pê- 
choîent  dans  la  rivière  de  Charente  ,  de  fe  confor- 
mer à  l'ordonnance  ,  ce  que  le  procureur  fifcal  avoit 
pris  pour  trouble  dans  les  droits  du  feigneur,  &c. 
Et  il  a  été  fait  défenfe  au  même  juge  de  rendre  à 
l'avenir  de  pareilles  fentences  ,  fous  peine  de  nul- 
lité ,  de  caflation  de  procédures  ,  6c  de  tous  dépeas, 
dommages  &  intérêts. 

Lorfque ,  par  une  concefîîon  particulière  ,  un 
feigneur  jouit  du  droit  de  Pèche  fur  une  rivière 
navigable  ,  fes  officiers  ne  peuvent  pas  prendre 
connoiffance  des  épaves  qui  fe  trouvent  fur  cette 
rivière  ,  ni  des  délits  que  les  pêcheurs  peuvent  y 
commettre  :  les  officiers  des  maîtrifes  font  feuls 
compétens  pour  connoître  de  ces  objets.  Cela  eft 
ainfi  réglé  par  l'article  3  du  titre  premier ,  &  par 
l'article  22  du  titre  31  de  l'ordonnance  des  eaux 
&  forêts. 

Lorfqu'une  rivière  ou  un  ruiffeau  coule  entre 
deux  feigneuries  ,  chaque  feigneur  peut  exercer  le 
droit  de  pèche  depuis  le  rivage  qui  lui  appartient , 
jufqu'au  milieu  du  lit  de  la  rivière.  Divers  arrêts, 
cités  par  Guyot  dans  fon  traité  des  fiefs  ,  &  en- 
tre autres  un  du  7  avril  1745  ,  rendu  entre  les 

feigneurs 


PECHE. 

feigneurs  de  Coudre  &  celui  de  Montreull ,  l'ont 
ainfi  jiigé. 

Suivant  les  articles  i  &  i  du  titre  31  de  l'ordon- 
nance des  eaux  &  forêts,  il  n'y  a  que  les  maîtres  pé- 
cheurs reçus  pir  les  officiers  des  maîtrifes  ,  qui 
puliTent  pêcher  fur  les  fleuves  &  rivières  naviga- 
bles ;  &  aucun  ne  peut-être  reçu  qu'il  n'ait  au 
moins  l'âge  de  vingt  ans. 

On  auroit  pu  croire  ces  difpofnions  abrogées  à 
Paris  par  l'édit  du  mois  d'août  1776,  qui  amis 
l'état  de  pêcheur  au  rang  des  proférions  que  cha- 
cun peut  exercer  librement ,  fans  autre  formalité 
que  celle  d'en  faire  déclaration  devant  le  lieute- 
nant général  de  police  :  mais  le  procurent  du  roi 
au  fiége  général  de  la  table  de  marbre  du  palais  à 
Paris  ,  a  remontré  qu'il  éioit  de  fon  devoir  de  re- 
quérir qu'il  fût  tenu  au  grefle  de  la  maitrife  des  eaux 
éi  forêts  de  Paris ,  un  regiflre  pour  y  infcrire  fans 
frais  tous  ceux  qui  voudroient  faire  le  métier  de 
pêcheur,  8c  de  demander  l'éxecution  des  ordon- 
nances &  réglemens  concernant  cet  état ,  afin  que 
ceux  qui  voudroient  profiter  de  la  liberté  que  le 
Toi  avoit  accordée  ,  ne  puffent  point,  par  un  abus 
exceflîf  &  fans  bornes  ,  porter  trouble  au  bien  pu- 
blic ,  &fc  nuire  à  eux  mêmes,  en  dépeuplant  les 
rivières  ,  qui  nourrirent  les  hommes  un  tiers  de 
l'année  ,  &  forment  un  revenuconfidérable  pour  le 
fouverain  8c  pour  fes  fujets. 

»  L'article  premier  du  titre  31  de  l'ordonnance 
«  de  J  660,  ej}-il  dit  dans  le  réquifitoire  dont  il  s'assit , 
j)  défendant  à  toutes  perfonnes  ,  autres  que  les 
»  maîtres  pêcheurs  reçus  es  fiéges  des  maîtrifes  , 
»  de  pêcher  fur  les  fleuves  &  rivières  navigables  , 
»  fous  les  peines  y  portées  ,  ne  femble  point 
»)  aboli  par  l'édit  qui  rend  libre  la  profcflîon  des 
«  pécheurs  à  verge  &  à  engin  :  toute  la  différence 
»  confifle  à  fe  faire  infcrire  ,  au  lieu  de  fe  faire 
»  recevoir  ,  ce  qui  entraînoit  la  preflation  d'un 
»  ferment.  Cet  article  &  l'article  20  du  même  titre 
w  31  doivent  donc  avoir  leur  exécution  ,  fous  la 
»)  feule  obligation  de  fe  faire  infcrire  à  la  maîtrife 
»»  de  Paris  ,  fans  y  payer  aucun  droit ,  &  à  la  charge 
^>  par  le  greffier  de  ladite  maîtrife  ,  d'envoyer  tous 
"  les  trois  mois  au  fleur  lieutenant  général  de  po- 
»  lice  les  rôles  de  ceux  qui  auront  fait  leur  décla- 
j>  ration.  L'article  2  du  même  titre,  qui  défend 
»  d'être  reçu  maître  pêcheur  fans  avoir  au  moins 
>•  1  âge  de  vingt  ans  ,  ne  paroit  pas  contredit  par 
»  le  nouvel  édit ,  qui  permet  d'admettre  aux  maî- 
5'  trifes  à  vingt  ans  ;  mais  ce  même  édit  permettant , 
»  par  l'article  10,  aux  filles  &  femmes  de  fe  faire 
j>  admettre  dans  les  différentes  profefTions  ,  &  per- 
jf  mettant  auflfi,  par  l'article  12,  de  les  admettre 
7>  aux  maîtrifes  dès  l'âge  de  dix-huit  ans  ,  on  pour- 
>»  roit  en  induire  que  les  fdles  Se  femnaes  pour- 
î)  roient  ,  à  l'âge  de  diz-hijit  ans,  fe  faire  infcrire 
ï>  fur  les  regiflrcs  des  pêcheurs  ,  &,  en  cette  qua- 
»  lité  ,  parcourir  les  rivières;  que  le  precureur-gé- 
»  néral  du  rOi ,  également  effrayé  du  défordre  qui 
Tomt  Xlll 


PECHE.  35 

5»  pourrolt  s'enfuivre  pour  les  bcnt^es  mœurs,  & 
)>  du  danger  qu'il  y  auroit  que  le  fexe ,  de  com- 
»  plexion  trop  foible ,  s'expofant  à  conduire  les^ 
»  bateaux  néceflaires  à  la  Pèche  ,  ne  fût  bientôt  la 
M  viéiime  de  fon  indifcrétion  ;  pour  éviter  que  les 
»  frlles  &  femmes  ne  foient  noyées  par  le  défaut 
»>  de  forces  &  d'expérience  dans  l'art  des  travaux 
yy  fur  les  rivières,  croit  qifil  efl  de  fon  minifîèie 
»  de  conclure  à  l'exécution  de  l'article  9  de  l'édit 
»  du  mois  de  février  1776,  qui  avoit  commencé 
»  d'introduire  la  liberté  de  tous  les  arts ,  article  au- 
>»  quel  il  n'a  pas  été  dérogé,  &  qui  porte,  que  1 

>  ceux  dts  ans  6*  métiers  dont  les  travaux  peuvenc 
■>  occafionner  des  dangers  notables  ,  foit  au  public, 

>  /oit  aux  particuliers  ,  continueron  t  d'être  ûjfujeltis 

>  aux  règlemens  de  police  faits  ou  à  faire  pour  préve- 

>  nir  ces  dangers  ,  &  de  requérir  ,  fous  le  bon  plai- 
V  fir  du  roi ,  l'obfervation  des  anciennes  ordon» 

nances  concernant  la  profefîîon  de  pêcheurs,  qui 
ne  refiera  praticable  qu'aux  hommes  de  vingt  ans 

>  au  moins  ,  fans  que  les  filles  &  femmes  puiffent 

>  fe  faire  infcrire  pour  l'exercer  ,  jufqu'à  ce  que  fa 

>  majeflé  ait  manifcfté  fur  ce  fujet  fes  intentions 
)  plus  particulières.  Que  le  maintien  des  autres 
»  articles  de  l'ordonnance  de  1669  ,  concernant  la 

police  de  la  Pèche ,  efl  d'une  néceffité  fi  effen- 

>  tielle  pour  obvier  au  dépeuplement,  foit  en  ce 

>  qi^ls  prefcrivent  la  marque  des  filets  à  l'écufTon 
des  armes  du  roi ,  dont  le  coin  efl  gardé  par  fes 
ordres  dans  les  maîtrifes ,  foit  en  ce  qu'ils  défen- 
dent une  infinité  de  filets  deflru£leurs  ,  comme 
tramails  ,  éperviers ,  cliquettes  &;aiitres  inven- 
tés pour  le  dépeuplement  ;  que  la  cour  a  ,  dans 
tous  les  temps  ,  rappelé  l'exécution  de  ces  lois  , 
notamment  par  fon  arrêt  du  21  o£lobrei762, 
qui  contient  en  abrégé  les  difpofitions  de  l'or- 
dormance  ;  que  toutes  perfonnes  doivent  donc 
être  affujetties  à  s'y  conformer  ,  à  peine  ,  contre 
les  contrevenans,  d'encourir  les  peines  &  amen- 
des telles  que  de  droit  ;  mais  que  l'expérience 
faifant  connoître  que  les  lois  les  plus  fages  font 
bientôt  &  toujours  violées  ,  s'il  n'y  a  des  gardes 
chargés  de  les  faire  obferver  &  de  contafier  les 
contraventions  ,  il  efl  nécclTaire  d'y  pourvoir. 
Que  jufqu'à  ce  moment  les  gardes  ont  été  de 
deux  efpèces.  Il  y  avoit  les  jurés  &  maîtres  des 
deux  communautés,  que  les  pêcheurs  étoient 
tenus  d'élire  tous  les  ans ,  en  comparoifTant  aux 
afl"ifes  tenues  tous  les  ans  par  les  maîtres  des  eaux 
Se  forêts  ,  aux  termes  des  articles  1 2  du  titre  12, 
3  &  20  du  titre  3  i  de  l'ordonnance  de  1669.  II  y 
avoit  aufTi  des  infpe^leurs  Se  fergens  prépofés  fur 
les  rivières,  dont  M.  le  grand-maître  du  dépar- 
tement de  Paris  avoit  fait  nouvelle  nomination 
par  fon  ordonnance  du  28  avril  1761  ,  en  con- 
féquence  de  l'article  23  du  titre  de  la  Pêche  de 
l'ordonnance  de  1669.  Que  cependant  l'état  de 
pêcheur  étant  déclaré  libre  par  le  dernier  édit, 
n'y  ayant  plus  ni  maîtres  de  communauté ,  ni 
jurés ,  dans  l'inftant  raêms  où  le  nombre  des  pê- 


34  PECHE. 

y>  cheurs  va  fe  multiplier  à  l'infini ,  il  penfoit  dc- 
3»  voir  requérir  que  ,  conformément  à  l'article  2.3 
s»  du  titre  de  la  Pèche  de  rordonnance  de  1669  , 
M  les  inipefteurs  &  gardes  nomméspar  M.le  grand- 
»  maître  ,  continueront  à  faire  exa6tement  les  fonc- 
s>  tions  de  leurs  offices,  &  qu'en  outre,  dans  le  nom- 
M  bre  des  pêcheurs  préfentés  &  admis ,  feront  choi- 
»>  fis  annuellement ,  lors  de  la  tenue  des  affiles,  des 
»  lyndics  &  adjoints  reconnus  dignes  de  confiance 
•>■>  par  leurs    probité  &  bonnes  moeurs ,  à  l'effet  de 
»  vcUler  à  l'exécuiion  de  tous  les  réglemens.  Que 
»  Itiu  mmiftère  ne  fe  bornera  pas  à  reclamer  l'exé- 
«  cution  des  feuls  articles  de  police  fur  les  rivières , 
»  fon  devoir  le  foUicite   encore  à  conferver  les 
»  droits^facrés  &  iraaliénables^du  domaine.  Les  pê- 
M  cheurs  à  verge  6f  à  engin ,  font  aftreints  de  temps 
»  immémorial  à  payer  un  droit  de  dommne,  mwn- 
»  tant  à  6  fous  3  deniers,  lors  de  chacune  des  afli- 
î>  fcs  que  les  maîtres  des  eaux  &  forêts  doivent 
ï)  tenir  dans  toute  l'étendue  de  leur  martrife  ;  ce 
M  droit  doit  êttc  perçu  par  le  receveur  des  amen- 
j)  des  de  la  maîtrife  ,  qui  eft  tenu  d'en  compter  au 
»  profit  du  roi ,  ainfi  que  des  autres  deniers  de  fa 
»)  recette.  La  perception  de  ce  même  droit  cil  con- 
ï)  firmée  par  arrêt  du  confeil  du  2  décembre  173S. 
■»»  Le  dernier  édit  accordant  la  liberté  de  la  Pèche  , 
j)  la  multitude  d'hommes  qui  va  s'y  livrer,  prcten- 
j»  dra  fans  doute  que  le  roi  ne  faifant  pas  de  relerve 
T)  de  fon  droit  de  domaine  ,  ils  n'y  feront  pas  z(Tu- 
»  jettis  ;  que  cependant,  le  roi  n'en  ayant  pas  fait 
>»  la  remife ,  {es  droits  ne  doivent  foufFrir  aucune 
M  atteinte  ,  &  le  procureur-général  ne  peut  fe  dif 
j>  penfer  de  conchire  à  ce  que  tous  ceux  qui  vou 
j»  dront  jouir  de  la  hberté  de  la  Pêche  accordée  par 
3>  les  édits ,  foient  tenus  ,  lors  de  leur  déclaration 
»)  en  la  maîtrife  particulière  des  eaux  Si.  forêts  de 
»>  Paris,  &  de  leur  infcription  fur  les  regiftres  à 
J»   ce  deftinés,  d'y  faire  en  même-temps  la  foumif- 
n  fion  d'acquitter  ,  lors  de  la  tenue  des  affifes  ,  le 
»  droit  de  domaine  ,  montant  à  6  fous  3  deniers,  fi 
»  le  roi  le  requiert  m. 

Sur  ce  réquifitoire  eft  intervenu,  le  3  feptembre 
1776  ,  un  arrêt  ainfi  conçu  : 

»  Les  juges  ordonnés  par  le  roi  pour  juger  en 

»  dernier  rcflbrt  &  fans  appel,  les  procès  de  ré- 

«  formation  des  eaux  &  forêts  de  France  ,  au  fiége 

V  général  de  la  table  de  marbrç  du  palais  à  Paris, 

3)  erdonnent  que  les  ordonnances,  arrêts  &  régle- 

»  mens  fur  le  fait  de  la  Pèche  &  police  des  rivières , 

«  &  notamment  les  titres  12  Si  31  de  l'ordonnance 

3>  de  1669  ,  concernant  les  alTifes  &  la  Pèche  ;  les 

ac  articles  17  &  18  du  titre  25  ,  concernant  les  pê- 

î>  chéries  des  gens  de  main-raorre;  Tarticle  ç  du 

m  titre  26 ,  concernant  la  Pêche  des  particuliers  ; 

3»  les  ordonnances  du  grand-maître  des  eaux   &. 

o>  forêts,  des  28  avril  &  11  juin  1761  ;  l'arrêt  de 

3>  la  cour  du  21    octobre  1762  ,  &  l'article  9  de 

»5  l'édit  du  mois  de  février  dernier,  fur  les  arts  8c 

M  métiers  ;^enfemble  les  ordonnances  &  réglemens 

I»  concera<uit  h  perception  &  l'ioaliénabilké  de& 


PECHE. 

»  droits  du  domaine ,  feront  exécutés  ;  en  conK- 
»  quence  ; 

»  Article  i  .  Tous  ceux  qui  voudront  être  ad- 
»  mis  à  pêcher  dans  la  rivière  de  Seine  &  autres 
i>  y  afRuentes  ,  feront  tenus ,  pour  profiter  de  la 
M  liberté  accordée  par  les  édits,  de  faire  leur  dé- 
»  claration  devant  le  maître  particulier  de  la  maî- 
»  trife  des  eaux  &  forêts  de  Paris  ,  ou  fon  lieu- 
j>  tenant  ,  laquelle  déclaration  fera  reçue  fans  au- 
»  cuns  droits  ni  frais  ,  fera  infcrite  fur  un  regiftïc 
»  qui  fera  tenu  à  cet  effet  an  greffe  de  ladite  maî- 
1)  trife  ,  &  contiendra  les  noms ,  fur-noms  ,  âges 
»  &  demeures  de  ceux  qui  fe  préfenteront ,  & 
»  leur  foumiilîon  de  payer,  fi  le  roi  le  requiert, 
)»  lors  de  la  tenue  des  affifes ,  entre  les  mains  du 
»  receveur  des  amendes  de  ladite  maîtrife  ,  le  droit 
»  de  domaine  de  fix  fous  trois  deniers  chaque  fois , 
»  à  peine ,  à  défaut  de  fe  faire  infcrire  ,  d'être  pu- 
»  nis  comme  dèlinquans  ,  6c  à  dcfaut  de  compa- 
»  roître  aux  afiïfes  ,  de  trois  livres  d'amende  ,  & 
»  de  fix  livres  en  cas  de  récidive;  defquelles  dé- 
»  clarations  &  iijfcriptions  le  greffier  de  la  maî- 
»  trife  fera  tenu  d'envoyer  tous  les  trois  mois,  au 
»  lieutenant  de  police  ,  le  rôle  généra!. 

»  2.  Les  hommes  de  vingt  ans  au  moins  pour- 
5>  ront  feuls  fe  faire  infcrire  pour  la  profeffion  de 
»  pêcheur, 

»  3.  Dans  le  nombre  des  pêcheurs  préfentés 
»  &  admis ,  feront  choifis  annuellement  ,  lors  de 
"  la  tenue  des  affifcs ,  des  fyp.dics  &  adjoints» 
>»  qui  feront  tenus  de  veiller  à  l'exécution  de  tous 
"  les  réglemens. 

"  4.  Les  gardes  Se  infped^eurs  nommés  par  Fe 
»»  grand  maître  en  avril    1761  ,  ou  ceux  qui  leur 
»  ont  fuccédé ,  ou  qu'il   nommera  par  la  fuite  en 
»  nombre  fuPnfant ,  conformément  à  l'article   23 
»   du  titre    31   de  l'ordonnance  de    166^  ,  veille- 
»  ront    avec  les   fyndics   &  adjoints  ,  conjointe- 
"  ment  ou  féparément  ,  fur  les  pêcheurs,  à  ce 
»  qu'ils  ne  contreviennent  à  aucun  règlement  ;  & 
»  s'ils  étoient  trouvés  péchant  en  temps  de  frai , 
»  faifons  prohibées  ,  ou  jetant  dans  les   rivières 
>»  aucune  chaux  ,  noix  voraique  ,  coque  de  levant, 
n  momie  ou   autres  drogues    ow  appâts  ,   comme 
»  aufH  dans  le  cas  oii  ils  employeroicnt  des  filets 
"  non  marqués  aux  armes  du  roi ,  ou  des  filets  pro- 
"  hrbés  ,  comme  gille,  tramail ,  furet ,  épervier  , 
»  châlon  ,  fabre  ,  cllcjuetts  ou  autres  inventés  au 
»  dépeuplement  des  rivières,  lefdits  gardes,  inf- 
n  pei51eurs  ,  fyndics  &  adjoints  ,  laifiront   lefdits 
»  filets  ,  &  les  dépoferont  au  greffe  de  la  maîtrife, 
'»  avec  leurs   procès  -  verbaux  ,    qu'ils  affirmeront 
)>  véritables  ,  &  affigneront  les  c'élinquans  en  la- 
«  dite  maîtrife,  au  premier  jour,  pour  y  répondre  j 
5»  leur  font  défenfes  de  recevoir  aucune  fommc 
»  de  qui  que  ce  foit,  ni  de  compofer  avec  les  dé- 
T>  linquans  ,   fous   tell»  peine  qu'il  appartiendra,» 
î>  fauf  à  leur  être  adjugé  leurs  frais  &  faîaires  lé- 
»  gititnes,  lors  du  jugement  qui  interviendra  fut 
n  les  procès-verbaux.. 


PECHE. 

»  5.  Toutes  les  épaves  qui  feront  péchées  fe- 
»  ront  garées  fur  la  terre  ,  &  les  pêcheurs  en  don- 
ï>  nerom  avis  aux  gardes  ,  fyndics  &  adjoints  , 
>>  qui  les  donneront  en  garde  à  perfonnes  folva- 
>♦  blés  ,  lefquelles  s'en  chargeront  fur  le  procès- 
»»  verbal  qui  en  fera  drefie,  &  le  fubOitut  du  pro- 
»  cureur  général  du  roi  en  la  maîtrife  de  Paris, 
>)  fera  tenu  de  faire  faire  les  publications  &  d'en 
»  requérir  la  vente  ,  conformément  aux  articles  16 
»  &  17  du  titre  31  de  l'ordonnance  de  1669,  dans 
j>  le  temps,  les  délais  Se  en  la  manière  qui  y  eft 
j»  ordonnée. 

i>  6.  Toutes  perfonnes  infcrites  fur  les  regiftres 
V  des  pécheurs,  &  tous  autres  qui  entreprendront 
»  de  pêcher  fur  fleuves  ou  rivières  navigables  , 
ï7  feront  tenus  de  répondre  aux  affignations  qui 
»i  ne  pf^urront  leur  être  données  que  pardevant 
»  les  otficiers  de  la  maîtrife,  exclufivement  à  tous 
a  autres  juges  ,  même  des  feigneurs  ,  conformé- 
»  ment  à  l'article  22  du  titre  31  de  l'ordonnance 
.»  de  1669  ;  &  fi  lefdits  pêcheurs  font  trouvés  cou- 
»  pables,ils  feront  condamnés  fuivant  la  rigueur 
»  des  ordonnances  ,  fauf  l'appel  en  la  cour. 

»  7.  Enjoignent  à  tous  huifllers ,  archers  ou 
M  gardes  de  ports  qui  feront  requis  ,  conformé- 
»  ment  à  l'article  28  du  titre  de  l'ordonnance  de 
«  1669  ,de  prêter  main  forte  auxdits  gardes  ,  inf- 
»  pecleurs,  fyndics  &  adjoints,  moyennant  fa- 
»   laires  raifoniiables  «. 

Comme  celui  qui  eft  propriétaire  d'un  moulin 
l'eft  auffi  de  l'eau  du  canal  ,  à  moins  qu'il  n'y  ait 
titre  au  contraire  ,  la  jurifprudence  a  établi  que 
le  droit  de  Pêche  dans  ce  canal  appartenoit  à  un 
tel  propriétaire  Hcnris  rapporte  deux  arrêts  des 
15  décembre  1668,  &  15  juillet  1656,  qui  l'ont 
ainfi  jugé. 

L'article  4  du  titre  31  de  l'ordonnance  des  eaux 
&  forêts ,  défend  aux  pêcheurs  de  pêcher  aux  jours 
de  dimanche  Se  de  fête ,  fous  peine  de  quarante 
livres  d'amende. 

Et  l'article  5  leur  défend  pareillement  de  pê- 
cher ,  en  quelque  temps  que  ce  foit ,  avant  le 
lever  &  après  le  coucher  du  foleil  :  mais  cette 
défenfc  n'a  pas  lieu  pour  la  Pêche  qui  fe  fait 
aux  arches  des  ponts  ^  aux  moulins  &.  aux  gardes; 
on  peut  pêcher  dans  ces  endroits  la  nuit  comme 
le  jour ,  excepté  les  fêtes  Se  dimanches  &  le  temps 
du  frai. 

Un  arrêt  du  confeil  du  21  mars  1676,  a  auffi 
permis  de  pêcher  au  grand  filet  la  nuit  dans  la 
rivière  de  Loire. 

Lartlcle  6  du  titre  cité  défend  aux  pêcheurs  de 
pêcher  dans  le  temps  du  frai ,  afin  d'empêcher  le 
dépeuplement  des  rivières.  Ce  temps  eft  depuis 
le  pr.;mier  février  jufqu'au  !<)  mars,  dans  les  ri- 
vières où  la  truite  abonde  fur  les  autres  poiffons  (1); 

(I)  Ces  difpofi'Aons  une  (té ckangi'es  re'arivemcnt  à  quelçyes 
rivières  ,  par  une  dcclaration  du  14  celt  1775,5121  efl  a'mji 
tonçuc  : 

J-ouis ,  &c.  Salut.  L'otdonHancc  donnée  au  mois  d'août 


PECHE.  35 

Bc  depuis  le  premier  avril  jufqu'au  premier  juin 
dans  les  autres  rivières.  Chaque  contrevenant  doit 
être  condamné  à  vingt  livres  d'amende  &  à  un 
mois  de  prifon  pour  la  première  fois  ;  à  quarante 
livres  d'amende  &  à  deux  mois  de  prifon  en  cas 
de  récidive ,  &  au  carcan  ,  au  fouet  &  au  bannif- 
fement  du  relîbrt  de  la  maitrife  pendant  cinq  an- 
nées pour  la  troifiême  fois. 

L'article   7  excepte  de  la   prohibition  dont  on 
vient  de  parler  ,  la  Pèche  aux  faumons  ,  aux  alofes 


I  lii^  ,  fur  le  fait  des  eaux  ^'  forêts  :  contenant  un  rcglemenc 
gincral  de  police  pour  la  i'cche  ,  il  n'a  pas  ai  poflib^e  d'y  ia- 
i'érer  des  dil'politions  particulières  &  propres  à  chaque  pays  Se 
à  chaque  rivière  ;  maisil  e(l   de  nGtre   juftice  d'en  étendre, 
ch.ingcr  ou  inodihet ,  fuivant  l'exigence  des  cas  ,  les  difpol:- 
tions  dont  l'exécution  littcrale  feroit  contraire  aux  vues  mc- 
mes  du  bien  public  qui  les  ont  diulées.  L'article  6  du  titre  de 
la  Pêche  de  cette  ordonnance  ,    porte,   que  les  pêcheurs  ne 
pourront  pêcher  pendant  le  temps  de  frai  ;   favoir,  aux  riviè- 
res où  li  truite  abonde  luv  tous  les  autres  poiflTons ,  depuis  le 
premier  février  jufqu'à  la  mi  mars  ;  cette  fixation ,  pour  le 
temps  de  frai ,  ne  nous  a  point  paru  devoir  être   uniforme 
pour  toutes  les  rivières  ,  atren  lu  que  nous  fommcs  informé» 
que  la  trui-.e  ,  qui  abonde  dans  les   rivières  qui    fe   rendeac 
dans  h  Manche,  &:  notamment  dms  celles   d'Eaune,  de  Bé- 
thiine  ou  NeufChâtel,  d'Arqués  ,    de   Scie   SiT  de  Saune  , 
commence  à  remonter  dans  cet  rivières  &:  à  y  dépofer  le  frai 
des   le  J5   décembre;    cependant  les  propriétaires  de  pêche- 
ries les  plu's  voifines  de  la  mer  ^  autorifés  par  les  dil'polltione 
de  ladite  ordonnance  ,  'c^|jennent  exailement  fermées  juf- 
qu'au premier  Rvrier,  &fWhipéchent  pat  ce  moyen  la  truite 
de  reraoster  Se  de  frayer  dans  ces  rivières ,  ce  qui  prive  de  ce 
poilTon  les  auftes  propriétaires  de  ces  riv/ères  ;   défirant  faire 
celier  cet  inconvénient,  nous  avons  réfolu  de  faire  coanoîtrc 
nos  intentions  à  ce  fujet.  A  ces  caules  ,  &  autres  à  ce  nous 
mouvant  ,  de    l'avis  de   notre  confeil  &  de    notre  certaine 
fcieace  ,  pleine  puiflance  &  aurorité  royale,  nous  avons,  par 
CCS  pféfcntes  lignées  de  noire  main  ,  dit,  déclaré  Se  oidonné, 
difons  ,  déclarons  &  ordonnons  ,  voulons  &   hous  plaît   co 
qui  fuit  : 

Art,  I.  Toutes  les  pêcheries  établies  fur  les  petites  rf- 
vièies  d'E.-une,  de  Réthune  ou  Meuf-Châtel  ,  d'Arquss,  de 
Scie  &  de  Saune,  demeureront  ouvertes  depuis  le  1 5  décem- 
bre de  chaque  année  ,  jufqu'au  premier  février  fuivant ,  vou- 
lons en  conféquence  que  les  vannes  qui  donnent  dans  ces 
pêcheries ,  foient  exactement  fermées  pendant  ce  temps. 

1.  L'une  defdites  vannes  qui  font  au-dclfus  de  ces  pêchc- 
ijss,&:  donnent  dans  l'arrière  fofle  des  moulins  à  volets  ou 
à  aubes ,  lîtués  fiir  lefdites  ri\  icres  ,  fera  &  demeurera  tou- 
jours ouverte  pendant  ledit  temps  ,  pour  que  la  truite  ait  un 
libre  partage  ;  ne  pourra  néanmoins  cette  di'polîtion  avoir 
lieu  à  l'égard  des  moulins  à  auges,  dont  les  meuniers  au- 
ront ,  comme  par  le  paiPe  ,  la  liberté  de  te.Tir  leurs  vannes 
fermées. 

3,  l-aifons  trcs-exprertes  inhibitions  &  défenfes  à  toutee 
perlcnnes,  d'interpofer  dans  aucun  endroit  defdites  rivières  , 
dcsgilles,  râteliers,  lilets  &  autres  engins,  de  quelque  cf- 
pècc  que  ce  foit  ,  qui  puiflVnt  empêcher  la  truite  de  remonter 
librement  dans  toute  l'étendue  defdites  rivières,  &:  d'y  frayer. 

4.  Défendons  pareillement,  fous  les  peines  portées  par 
l'ariicle  jo  du  titre  de  la  Pèche  de  l'ordonnance  des  eaux  &c 
forérs  du  mois  d'aoùr  166 j ,  à  tous  pêcheurs  de  pêcher  dans 
lefdites  rivictes  depuis  ledit  jour  l\  décembre  de  chaque  aa- 
néc,  jufqu'au  premier  février  fuivant  inclulivement,  na-n- 
obitant  ce  qui  cft  porté  par  ledit  aiticle  ,  auquel  nous  avons 
dérogé  &  dérogeons  pour  ce  regard  feulement..  Si  donnons 
en  nundcmcnt ,  &c. 


56  PECHE. 

&  aux  lamproies ,  laquelle  peut  avoir  lie»  en  tout 
temps. 

Il  eu  défendu  ,  par  l'article  i8  ,  à  toutes  fortes 
de  perfonnes  d'aller  fur  les  mares  ,  étangs  & 
foiTés  ,  lorfqu'ils  font  glacés  ;  d'en  rompre  la  gla- 
ce ,  6c  d'y  porter  des  flambeaux  ou  d'autres  feux  , 
pour  y  prendre  du  poiflbn,  à  peine  d'être  punies 
comme  pour  vol. 

Il  y  a  diftérentes  communautés  à  qui  le  droit  de 
Pêc'ne  appartient  dans  les  rivières  dont  leur  ter- 
ritoire eii  arrofé  ;  mais  il  eft  clair  que  ce  droit  ne 
pourroit  être  exercé  fans  abus  par  chaque  habi- 
tant :  c'eft  pourquoi  l'article  17  du  titre  25  de  l'or- 
tlonnance  des  eaux  6c  forêts,  a  r-.glé  que  la  part 
des  habitans  dans  la  Pêche  feroit ,  après  les  publi- 
cations convenables,  donnée  par  adjudication  de- 
vant le  juge  des  lieux ,  en  prèfcnce  de  la  partie 
publique  6c  du  fyndic  de  la  paroiffe  ,  au  plus  of- 
frant 6c  dernier  enchérîfleur ,  6c  que  le  prix  de 
l'adjudication  feroit  employé  aux  réparations  de 
l'églifc  ,  ou  à  d'autres  befoins  de  la  communauté. 

L'article  fuivant  défend  à  tout  habitant  ,  autre 
que  les  adjudicataires ,  qui  ne  peuvent  être  que 
deux  dans  chaque  paroi/îe ,  de  pécher  en  aucune 
manière ,  même  à  la  ligne  ,  à  la  main  ou  au  panier  , 
dans  les  rivières  ,  éiangs  ,  fofles  ,  marais  6c  pêche- 
ries communes  ,  nonobftant  toute  coutume  6c  pof- 
feffion  contraires ,  à  peine  de  trente  livres  d'a- 
mende 6c  un  mois  de  prifon-pour  la  première  fois , 
&  de  cent  livres  d'amende  avec  banniffement  de  la 
paroifTe  en  cas  de  récidive. 

L'article  10  du  titre  31  défend  ex preffément  aux 
pêcheurs  de  faire  barrer  les  rivières  pour  pêcher,  Se 
«le  fe  fervir  des  engins  condamnés  par  les  ancien- 
nes ordonnances  (i),  ainfi  que  de  ceux  qui  font 
appelés  gilles  ,  tramail ,  furet  ,  épervier ,  châlon  , 
Cabre,  dont  elles  n'oBt  pas  fait  mention  ,  6c  de  tout 
autre  qui  pourro'it  être  inventé  pour  le  dépeuple- 
ment des  rivières ,  fous  p>eine  de  cent  livres  d'a- 
mende pour  la  première  fois ,  Se  de  punition  cor- 
porelle en  cas  de  récidive. 

H  Leur  défendons  en  outre ,  porte  l'article  1 1  , 
»  de  bouiller  avec  bouilles  (2.)  ou  rabots  ,  tant 
j»  fous  les  chèvrins  ,  racines,  faules,  oziers ,  ter- 
j>  riers  Si  arches ,  qu'en  autres  lieux ,  ou  de  met- 
•»  tre  lignes  avec  efchets  6l  amorces  vives  ;  en- 
îj  femble  de  porter  chaifnes  6c  clairons  en  leurs  ba- 
î>  telets ,  6c  d'aller  à  la  fare,  ou  de  pefcher  dans 
3»  les  noues  avec  filets  ,  6c  d'y  bouiller  pour  pren- 
w  dre  le  poilTon  6c  le  fray  qui  a  pu  eftre  porté  par 

(  I  )  Ces  engins  font  le  bas ,  rebouer  ou  robotin  ,  &  tous  les 
aunes  bas  quels  qu'ils  foicnt  ;  le  panier  ,  ricUiTe  ,  le  chiffre 
garni  de  valois  ,  l'ameHde  ,  le  pliiterois  ,  la  ttuble  à  bois  ,  la 
liourache  ,  la  chatte,  le  marche-pied  ,  le  cliquet,  la  rouaille 
l'cchiquier  ,  l'epcivier ,  la  ram^e  ,  le  fagot,  la  nafle  pelée  ,  l,i 
jor.chée  ,  la  ligne  de  long  à  menus  hatneçons  ,  la  braye  ,  la 
chaulTe  &  le  boucet  efptz. 

(:.)  Bouiller  ave;  houiilts  ,  (îgnifie  retruci  la  vafe  avec  de 
longues  perches,  pour  en  fiire  foitir le  pollFon  qui  s''y  çft 
«ùré. 


PECHE. 

»  le  débordement  des  rivières  ,  fou?  quelque  pré«-' 
»  texte ,  en  quelque  temps  6c  manière  que  ce  fo;t ,. 
»  à  peine  de  cinquante  livres  d'amende  contre  les 
»  contrevenans  ,  6c  d'eflre  bannis  des  rivières  pour 
5>  trois  ans  ,  6c  de  trois  cents  livres  contre  les  maif- 
V  très  particuliers  ou  leurs  lieutenans  ,  qui  en  au- 
>»  ront  donné  la  permfîîon  ». 

Les  pêcheurs  doivent,  fuivant  l'article  12,  re- 
jeter dans  la  rivière  les  truites  ,  carpes  ,  barbeaux  , 
brèmes ,  meuniers  ,  qu'ils  ont  pris  ,  6c  qui  ont 
moins  de  fix  pouces  entre  l'œil  6c  la  queue;  6c  les 
tanches ,  perches  6c  gardons  qui  en  ont  moins  de 
cinq  ,  à  peine  de  cent  livres  d'amende ,  6c  de  con- 
fifcation  contre  les  pêcheurs  ou  marchands  qui  en 
auront  vendu  ou  acheté. 

L'article  13  défend  aux  pêcheurs  de  fe  fervir 
d'aucun  engin  ou  harnois  ,  même  de  ceux  dont  l'u- 
fage  ert  permis  par  les  ordonnances  ,  avant  qu'ils 
aient  été  i'cellcs  des  armes  du  roi  ,  gravts  fur  un 
fceau  de  plomb  ,  avec  le  nom  de  la  maîirife  à  l'en- 
tour ,  fous  peine  de  confifcation  6c  de  vingt  livres 
d'amende.  La  loi  veut  qu'il  foit  tenu  regiîlre  des  har- 
nois qui  ont  été  i'ccllés ,  du  jour  auquel  ils  l'ont  été  ^ 
ik  du   nom  du  pêcheur  à  qui  ils   appartiennent. 

L'article  dont  il  s'agit  avoit  ordonné  que  les  of- 
ficiers ne  pourroient  percevoir  à  cet  égard  aucun 
falaire  ;  mais  un  édit  du  mois  de  mars  1708  a  déro- 
gé à  cette  difpofition  »  6c  a  permis  à  ces  officiers  de 
percevoir  cinq  fous  pour  la  marque  des  grands  fi- 
lets ,  quatre  fous  pour  celle  des  moyens,  6c  trois 
fous  pour  celle  des  petits. 

Pour  l'exécution  des  articles  de  l'ordonnance 
dont  nous  venons  de  parler,  un  arrêt  du  confeil 
du  22  novembre  1735,  a  enjoint  à  toutes  fortes 
de  perfonnes  indiflinâemcnt ,  de  montrer  aux  of- 
ficiers des  maitrifes ,  lorfqu'ils  l'exigeront ,  les  poiA 
fons  qu'elles  auront  péchés  6c  les  filets  dont  elles 
fe  feront  fervies. 

En  cas  de  contravention  ,  il  doit  être  dreflé  pro- 
cès-verbal de  la  quantité  6c  de  la  qualité  du  poifibn 
qui  n'elî  pas  de  la  longueur  prefcrite,  6c  des  engins 
défendus;  enfuite  les  délinquans  doivent  être  afli- 
gnés  à  comparoir  au  premier  jour  d'audience ,  pour 
répondre. 

Si  les  officiers  des  maîtrifes  jugent  que  les  engin» 
ou  harnois  faifis  font  prohibés  ,  ils  doivent  les  faire 
brûler  à  Tifliie  de  leur  audience,  au-devant  de  la 
porte  de  leur  auditoire,  6c  condamner  les  contre- 
venans aux  peines  6c  amendes  prononcées  par  l'or- 
donnance, fans  pouvoir  les  modérer,  à  peine  de 
fufpenfion  de  leurs  charges  pendant  un  an.  Arti- 
cle 2  5  du  titre  3  i . 

11  eft  défendu,  par  l'article  14  >  à  toutes  fortes 
de  perfonnes  de  jeter  dans  les  rivières  aucune 
chaux,  noix  vomique ,  coque  de  levant,  6c  au- 
tres drogues  ou  appâts ,  à  peine  de  punition  cpr- 
porcUe. 

Divers  arrêts  du  confeil  ont  pareillement  dé- 
fendu de  faire  rouir  du  chanvre  &  du  lin  d^s  les 


PECHE. 

TÎvlères  »  parce  que  ces  fubflances  attirent  le  pôil- 
fon  &  le  font  mourir. 

L'article  1 5  défend  à  tous  mariniers  ,  contre- 
maîtres, gouverneurs  &  autres  compagnons  de  ri- 
vière ,  conduifant  leurs  bateaux,  flettes  ou  nacel- 
les ,  d'avoir  engins  à  pécher  ,  même  ceux  qui  font 
permis ,  à  peine  de  confifcation  &  de  cent  livres 
d'amende. 

La  déclaration  du  roi  du  11  juin  1709,  &  l'or- 
donnance militaire  du  25  juin  1759  ,  ont  attribué 
aux  ofiiciers  des  états-majors  des  places,  la  Pèche 
des  fofl'és  qui  en  dépendent. 

De  la  Pèche  dans  la  province  de  Lorraine. 

L'ordonnance  de  1669  n'eft  pas  connue  en  Lor- 
raine. On  y  fuit,  relativement  à  la  Pêche,  les  dif- 
pofitions  du  titre  5  du  règlement  général  des  eaux 
&  forêts  ,  donné  par  le  duc  Léopold  au  mois  de 
novembre  1707;  voici  ce  qu'il  porte  : 

j>  Article  i.  La  Pèche  de  nos  rivières  &  ruif- 
y>  féaux  fera  adjugée  ,  ainfi  que  du  paffé  ,  par-de- 
»  vant  les  oiKciers  i3e  nos  gruries  (  i  ) ,  lefquels 
»  veilleront  à  l'exécution  de  nos  règlemens  fur  ce 
»  fait. 

»  2.  Défendons  à  tous  pêcheurs  de  pêcher  les 
»  jours  de  fêtes  &  dimanches,  &  généralement 
»  pendant  toute  l'année  ,  depuis  le  foleil  couché 
»  jufqu'au  foleil  levé. 

»>  Défendons  pareillement  de  pêcher  pendant 
»  les  mois  du  frai ,  à  peine  de  cinquante  livres 
»>  d'amende. 

»  4.  Le  temps  de  réfervc  dans  les  rivières  & 
3>  ruifleaux  où  la  truite  abonde ,  fera  depuis  le  pre- 
»  mier  du  mois  de  novembre  jufqu'au  15  janvier 
»  (  2  )  ;  &  pour  les  autre»  rivières  &  ruiffeaux,  les 
j>  mois  d'avril  &  de  mai. 

»  5.  L'amende  ordinaire  ,  fur  le  fait  de  la  Pêche  , 
Y>  fera  de  vingt  cinq  livres  pour  les  délits  &  méfus 
»>  qui  feront  commis  de  jour,  &  du  double  pour  ceux 
»  qui  feront  conimis  de  nuit  ;  &  fi  quelques-uns 
«  étoient  trouvés  jetant  A^ns  nos  eaux,  de  la  chaux, 
î'  noix-vomique  ,  coqire  de  levant ,  ou  autres  dro- 
»  gucs  ou  appâts ,  ils  feront  condamnés  à  cent  li- 
»  vres  d'amende  pour  la  première  fois ,  &  punis 
»  corporellement  en  cas  de  récidive. 

y>  6.  Voulons  que  dans  chacune  de  nos  gruries 
»  il  y  ait  un  coin  portant  l'empreinte  de  nos  armes, 
»  avec  le  nom  de  ladite  grurie,  duquel  coin  feront 
»»  fcellés  en  plomb  tous  les  engin^s  &  harnois  des 

(1)  I  es  officiers  des  gruries  des  diics  de  Lorraine  ,  font 
aujourd'hui  repréfentés  par  les  officiers  des  m.iîcrifes  gui  ont 
été  établies  dans  cette  province  depuis  qu'elle  a  été  cédée  à  la 
Fiance. 

(j)  L'article  4«l'une  déclaration  du  ^t  janvier  17Î4  ,  fer- 
rant de  fupplcment  au  règlement  général  des  eaux  &  forêts 
de  Lorraine  ,  a  ordonivc  que  le  temps  delà  réferve  ou  la  dé 
fenfe  de  pêcher  dans  les  rivières.  Se  ruifieaux  où  la  truite 
abonde  ,  feroit  prorogé  jufqu'au  premier  février,  Et  l'article  4 
du  titre  j  de  l'édit  du  mois  de  janvier  1-2?  ,  a  voulu  que  cette 
frorogacion  s'ccendîtju 'qu'au  premier  mars  d«  chaque  année. 


PECHE.  37 

»  pêcheurs,  dont  les  mailles  des  filets,  pour  les 
»  grandes  rivières  ,  auront  fix  pouces  de  circonfé- 
»  rence,  &  pour  les  petites,  où  les  truites  abon- 
•)■>  dent,  auront  au  moins  quatre  pouces,  &  feront 
M  ajuflés  fur  ce  pied  avec  les  moules  des  gruries. 
»  Défendons  de  fe  fervir  d'aucuns  qui  ne  foienf 
»  fcellés,  à  peine  de  confifcation  &  de  vingt-cinq 
»  livres  d'amende  (  i  )  "• 

L'article  7  avoir  pour  objet  le  rempoiflbnnement 
des  étangs  du  fouverain  ,  &  enjoignoit  aux  ofKciers 
des  gruries  d'y  tenir  la  main.  Aujourd'hui  ces 
étangs  font  partie  de  la  ferme  ou  régie  des  do- 
maines de  Lorraine. 

u  8.  Si  les  communautés  de  nos  domaines  fe 
,  n  trouvent  propriétaires  de  quelques  étangs ,  ri- 
5>  vières  ,  ruilTeaux  ou  droits  de  Pêche  ,  elles  fe- 
»  ront  lailfées  à  ferme  ,  après  publications  faites 
w  pardcvant  les  officiers  de  nos  griMÙes  ,  dans  les 
n  lieux  de  leur  réfidence  ,  fmon  pardevant  le* 
5»  maires  &  gens  de  juftice  des  lieux  ,  aux  plus  of- 
»  frans  &  derniers  enchérifleurs  ,  au  profit  de  la 
)>  communauté,  fans  que  les  particuliers,  autres 
'-  que  les  adjudicataires ,  puùTcnt  pêcher  ou  ex- 
»  ploiter  leurs  droits  ,  &  fans  que  les  adjudica- 
»  taires  puifTent  s'aflbcier  ea  plus  grand  nombre 
»  que  de  trois. 

»  9.  Les  communautés  ou  particuliers  qui  auront 
n  droit  d'abreuver  leurs  beAiaux,  ou  de  les  mener 
>»  vain-pâturer  dans  les  étangs,  feront  tenus  en 
»  prohibition  de  les  y  mener  pendant  les  mois  de 
)»  mai  &  de  feptembre ,  à  peine  de  cinquante  livres 
»  d'amende  ,  &  dommages  &  intérêts  envers  les 
»  propriétaires  ou  fermiers. 

»  10.  Et  d'autant  que  l'expérience  fait  connoître 
»  que  les  chanvres  ,  que  la  plupart  des  particu- 
»  liers ,  par  un  ufage  abufif ,  mettent  dans  les  ri- 
»  vières  &  ruifieaux  poin©nneux ,  font  très-pré- 
»  judiciables  aux  poi/Tons ,  défendons  à  toutes  for- 
j»  tes  de  perfonnes  d'y  en  mettre  à  l'avenir  ,  fous 
»  quelque  prétexte  que  ce  puifle  être,  à  peine  de 
n  dix  livres  d'amende  pour  la  première  fois ,  du 
>»  double  pour  la  féconde  ,  &  de  plus  grande  peine 
»  en  cas  de  récidive;  leur  permettons  néanmoins 
>j  de  faire  rouir  ou  mouiller  leurs  chanvres  dans 
M  les  layes  reculées  &  bords  des  rivières  naviga- 
5)  blcs ,  pourvu  qu'ils  ne  nuifent  pas  à  la  navi- 
»  gation. 

»  II.  Tous  ceux  qui  ont  droit  de  pécher  dans 
j>  les  rivières  &  ruiffeaux  ,  feront  tenus  d'obferver 
>)  &  faire  obfcrvev  notre  préfcnt  règlement  par 
»  leurs  domeHiques  ou  pêcheurs  auxquels  ils  les 
»  auront  affermés  ,  à  peine  de  privation  de  leurs 
■>■>  droits. 

»  12.  Les  mêmes  peines,  amendes  5i  conûfca- 


i't)  L'article  4I  de  l'éJit  du  duc  Léopold  ,  d»  1 4  août  lyzr 
&:  l'anic'e  5  de  la  déciatation  de  ce  prince  du    ji  janvier 
1714  ,  ont  ordonné  que  ces  dirpofitioaa  fcroier.t  exécutées 
dans  les  hautcs-juftices  des  vaflaus  ,  de   laênae  que  dansks 
JoiuaJaes  du  fouverain. 


38 


PECHE. 


î>  t'ions  cî-de(Tiis  ordonnées  pour  nos  enux  &  io- 
î>  rets ,  auront  lieu  pour  les  eaux  oc  torêrs  des  com- 
35  mv.nautcs  ,  fctgneuvs  &  parv.culiers  ,  Icfqucls  fe- 
»>  ront  obfervcr  le  préfent  règlement  par  leurs  offi- 
ï>  cieis,  foiêtiers  ou  bûcherons,  dans  les  coupes, 
«  vidange  &  balivages  de  leurs  bois. 

n  13.  Voulons  au  furplus  que  les  ordonnances, 
«  données  par  nous  ou  par  les  ducs  nos  prédécef- 
jj  feurs  ,  fur  le  fait  des  eaux  &  forêts  ,  chaffes  ou 
j>  Pèches ,  foient  fuivies  &  exécutées  en  ce  qu  elles 
«  ne  le  trouveront  contraires  aux  préfentes,  le  tout 
»>  réan;r.oins  fans  déroger  aux  p'iviléges  Se  concef- 
»>  cefiions  qui  peuvent  avoir  été  obtenus  par  quel- 
»  ques  communautés  ou  particuliers,  qui  auront 
j»  été  par  nous  confirmés  ». 

L'article  43, de  l'édit  du  14  août  1721 ,  a  défendu 
aux  fermiers  des  rivières  ,  tant  du  prince  que  des 
hauts-jufîiciers,  de  faire  barrer  ces  rivières  pour  la 
Pèche  ,  à  peine  de  cinq  cens  livres  d'amende  ,  &  de 
pareille  fomme  de  dommages  intérêts,  fans  que  les 
hri;:s  juO.iciers  ,  cenfuaircs  ou  donataires  ,  puflent 
accorder  aucune  perraifTion  contraire. 

Et  l'article  2.  de  la  déclaration  du  31  janvier 
1724  ,  a  défendu  à  toutes  pcrfonnes  de  détourner 
le  cours  des  rivières  &  des  ruifleaux,  tombant  im- 
inédinteraent  dans  les  rivières  de  Lorraine  ,  ni  d  .' 
les  couper  par  des  digues  &  retenues  ,  pour  y  pê- 
cher ;  à  peine  de  cinquante  livres  d'amende  pour 
la  première  fois  ,  &  du  double  en  cas  de  récidive  , 
outre  les  dommages  &  intérêts ,  félon  l'exigence 

du  cas. 

L'article  3  de  cette  déclaration  défend,  fous  les 
jnênics  peines,  de  pêclier,  vendre  ni  débiter  aucune 
truite  ni  ombre,  qui  n'ait  au  moins  fix  pouces  en 
vof;2;es ,  &  neuf  pouces  en  barrois  entre  la  tête  & 
la  queue  ,  ni  des  écrevlifes ,  qui  n'aient  au  moins 
deux  pouces  entre  la  tête  (k  la  queue. . 

Par  l'article  6  ,  les  officiers  des  grurics  font  auto- 
rlfés  à  vif  ter  ,  quand  bon  leur  femble,  les  rivières, 
ruifieaux  &  pêcheries  de  leur  reflbrt  ;  Se  même  ,  en 
cas  de  négligence  de  la  part  des  officiers  dvîs  vaf- 
faux ,  ils  peuvent  étendre  leurs  vifites  dans  les  hau- 
tes jufiices  contigues  à  leurs  gruries  ,  &  doivent 
veiller  à  ce  que  les  règlemcns  concernant  le  moule 
6c  la  marque  des  filets  ,  engins  ou  harnois  fervant 
à  la  Pèche ,  foient  exaftement  obfervés  par  tout  : 
la  même  loi  veut  que  ces  officiers  faififient  les  filets, 
engins  on  harnois  qui  ne  font  pas  conformes  aux 
rèf'lemens ,  qu'ils  en  dreffent  leurs  procès- verbaux , 
Se  qu'après  les  pourfuites  &  jugemens  néceffaires , 
ces  filets  ,  engins  ou  harnois,  foient  briilés  au  de- 
vant de  la  porte  de  l'auditoire. 

L'article  7  autorife  pareillement  les  officiers  du 
prince  &  ceux  des  hauts-jufticiers ,  à  vifiter  les  ré- 
fervoirs  de  poifibn  ,  huches,  paniers  &  boutiques 
des  marchands  ,  foit  dans  les  places  des  marchés  , 
foit  ailleurs  ,  pour  reconnoître  fi  leurs  poiiTons  font 
de  la  qualité  prefcrite  par  les  ordonnances,  &  en 
cas  de  contravention  ,  les  frùfir  &  confifquer  ,  avec 
condamnation  d'aia;iende  félon  Iss  circouftançes. 


PECHE. 

L'artlcles  8,  vclit  que  les  gardcs-Pèchesjouiiïent 
des  mêmes  gages,  droits  ,  franchifes&  exemptions 
que  ceux  dont  jouiflcnt  les  gardes  des  forêts. 

Toutes  les  difpofitions  que  noss  venons  de  rap- 
porter, ont  été  renouvelées  &  confirmées  par  ledit 
du  duc  Léopold  du  mois  de  janvier  1729. 

De  la   Pêche  maritime. 

Par  l'article  premier  du  titre  premier  du  livre  ^ 
de  l'ordonnance  du  mois  d'août  1681  ,  le  roi  a  dé- 
claré la  Péclie  de  la  mer  libre  à  tous  fes  fujets,  & 
leur  a  permis  de  la  faire,  tant  en  pleine  mer  que  fur 
les  grèves ,  avec  les  filets  &  engins  autorifés  par 
cette  ordonnance. 

L'article  2  ,  veut  que  les  particuliers  qui  iront 
faire  la  Pêche  des  morues ,  hartngs  &  maquereaux , 
fur  les  côtes  d'Angleterre  ,  en  Amérique,  &  en  gé- 
néral dans  toutes  les  mers  où  elle  peut  fe  faire  , 
prennent  un  congé  de  l'amiral  pour  chaque  voyage, 
Mais  ceux  qui  font  la  Pêche  du  poifibn  frais  avec 
bateaux  portant  mâts,  voiles  &  gouvernail,  ne 
font  obligés  ,  fuivant  l'article  3  ,  qu'à  préfenter  un 
feul  congé  chaque  année  ,  &  ils  font  difpenfés  de 
faire  aucun  rapport  à  leur  retour  à  moins  qu'ils 
n'aient  trouvé  quelques  débris  ,  vu  quelque  flotte, 
ou  fait  quelque  rencontre  confidérable  à  la  mer.  En 
pareil  cas ,  ils  font  tenus  de  faire  leur  déclaration 
aux  officiers  de  l'amirauté,  qui  doivent  la  recevoir 
fans  frais-  La  même  règle  a  lieu  à  l'égard  des  pê- 
cheurs dont  parle  l'article  2. 

L'exception  que  le  légiflatcur  a  faite  en  faveur 
des  pêcheurs  de  poiflbn  frais  ,  c{\  fondée  fur  ce  que 
les  voyages  qu'ils  font  en  mer  font  fort  courts  ,  & 
que  c'eiJt  été  furcharger  ces  fortes  de  pécheurs  ,  fî 
on  les  eût  aflreints  à  prendre  un  congé  de  l'amiral 
pour  chaque  voyage. 

Le  meilleur  moyen  d'améliorer  la  Pêche  &  d'en 
corriger  les  abu*,  étant  d'empêcher  qu'on  ne  pêche 
le  frai  Se  les  poifions  du  premier  âge  ,  It  fouverain 
a  jugé  qu'on  ne  pouvoit  mieux  remplir  ces  objets  , 
qu'en  réglant  la  maille  &  l'ufage  des  filets  ou  en- 
gins qui  peuvent  être  employés  à  la  Pêche.  • 

C'eft  d  après  ces  vues  ,  que  le  légiflateur  ayant  ^ 
par  l'article  premier  du  titre  2  du  livre  5  de  l'or- 
donnance citée ,  autorifé  les  pêcheurs  à  fe  fervir 
des  rets  ou  filets  appelés  folles  ,  a  ordonné  par  l'ar- 
ticle 2 ,  que  ces  folles  auroient  leurs  mailles  de 
cinq  pouces  en  carré  ,  &  qu'elles  ne  pourroient 
êtrelaiiïées  à  la  mer  plus  de  deux  jours ,  à  peine 
de  confifcation  &.  de  vingt-cinq  livres  d'amende. 

Il  faut  d'ailleurs  ,  fuivant  l'article  3  ,  que  ceux 
qui  pèchent  avec  des  folles  foient  toujours  fur  leurs 
filets  tant  qu'il-s  font  à  la  mer,  pour  les  vifiter  de 
temps  en  temps  &  de  marée  à  autre  ,  à  moins  qu'ils 
n'en  foient  empêchés  par  la  tempête  ou  par  les 
ennemis. 

Ces  difpofitions  font  fondées  fur  ce  que  ces  filets 
étant  defîinés  à  pêcher  les  plus  gros  poifTons,  tels 
que  les  efturgeons  ,  les  marfouins ,  &c.  ils  font 
extrêmement  forts ,  &  pourroient  par  cotiféquent 


PECHE. 

eaufer  du  dommage  aux  petits  bàtimens  de  mer 
qui  viendroient  à  les  aborder,  fi  les  pécheurs  n  e- 
tûient  pas  préfens,  pour  avertir  les  navigateurs 
d'éviter  cet  abordage. 

L'ufage  du  filet  appelé  dreigc  étoit  autonlc  par 
Tarticle  4  ,  qui  en  avoit  réglé  les  dimeniions  ;  mais 
dans  la  fuite  on  s'en  fervit  d'une  manière  fi  abu- 
five ,  que  le  frai  du  poiflbn  s'y  trouvoit  pris  (ans 
pouvoir  échapper.  Cela  fit  un  tel  préjudice  à  la 
Pèche  maritime,  qu'il  s'éleva  un  cri  univerlel  à 
ce  fujet  fur  toutes  les  côies  du  ponant. 

Pour  remédier  à  ce  mal,  &  rétablir  la  Pêche  du 
poilTon  de  mer  ,  le  roi  donna  la  déclaration  du  2.3 
avril  1726  ,  qui  fut  enregiftrée  au  parlement  le  18 
mai' fuivant.  Cette  loi  ht  défenfe  d'employer  à 
l'avenir  pour  la  Pêche  maritime,  les  filets  appelés 
tirciges,  &  tout  autre  filet  traînant,  excepté  pour 
la  Pèche  de  l'huitre ,  &  elle  fupprima  l'ufage  des 
bateaux  fans  quilles  ,  mâts ,  voiles ,  ni  gouvernail , 
pour  faire  la  Pèche  en  mer  ,  le  long  des  côtes  & 
aux  embouchures  des  rivières  (  1  ). 

(  I }  Vuki  cet  e  déclaration. 

Louis,  S:c.  Salac.  L'attention  qjc  nous  avons  à  procurer 
l'abondance  dans  notre  royaume  ,  nous  a  Jcterminé  à  faire 
rechercher  d'où  provient  la   Jiiecte  du   poilTon  de  mer:  il  a 
été  reconnu  qu'elle  ne  peut  être  attribuée  ([u'à  la  pratique  de 
la  Pè.he  avec  le  tilet  nommé   dreigi  ca  dr.'guc  ,  letiucl  traî- 
nant fur  les  fonds  avec  rapidité  ,  gratte   &  laboure  tous  ceux 
fur  lefquels  il  pafTe  ,  de  manière  qu'il  diir.icine    &:  enlève  les 
herbes  qui  fervent  d  abri  &  de  réduit  aux  poifTons,  rompt  les 
lits  de  leur  frai ,  fait  petit  ceux  du  premier  âge  ,  fait  fuir  tous 
ceux  qu'il  n'arrête  point,  ou  les  cioigne  li  confidérablemenc, 
que  les  pêcheurs  font  obliges  de  les  ali;r  chercher  au  large  ; 
où  là  l'ccl.e  fe  fait   avec'  de  plus  fos  rifques  Se  à  plus  grands 
frais.  Il  n'clt  pa;  poflible  d'elpérer  de  trouver   les   cotes  ic  la 
mer  qui  les  avoilîne  ,  poitronnetifes ,  rant  que  la  Pêche  fera 
faite  avec  un  pareil  Hier  &:  avec  les  filets  traînans  dont  les  pê- 
cheurs fe  fervent.  Le  mauvais  ufage  de  la  Pêche  avec  la  dreige 
a  été   reconnu  depuis   très-long  temps  ,   aufli-bien  que  celui 
des  rets   traînans  ;   ils  furent  défendus  par  édit  du  mois  de 
mars  IÎS4,  à  peine  de  punition  corporelle  ;   &  il   n'y  avoir 
alors  que  deux  feuls  bateaux  tolérés  pour  faire  la  Pêche  avec 
ladieige,  pour  nos   bouche  &  maifon.  Les   repréfentations 
des  intèreffcs  aux  Pêches  ,  plus  touchés  de  leur  in:crct  parti- 
culier que  de  l'avantage  du  bien  public,  htent  changer  de  fi 
fages  difpolîtions;  il  ellà  préfumer  que  ces  intéiefl>;s  expo- 
fèrent  diffiremment  la  manière  don:  fe  fait  1*  Pèche  avec  la 
dreige  ,  de  ce  qu'elle   étoit  efFeitivement ,   puifque  ,  quoi- 
qu'elle fe  fafle  avec  un  rets  traînant,  elle  fat  permife  par  l'or- 
donnance du  mois  d'août  i6^\ ,  pendant  que  cette  nicme  or- 
donnance défend  la  Pêche  avec  toutes  forres  de  rets  traînans  , 
à  peine  de  punition  corporelle.   Il  y  eut  d'abord   un   grand 
Bonibre  di  bateaux  qui  fjrent  employés  d  faire  la  Pêche  avec 
k  dreige  ;  la  quantité  de  poilTon  diminua  conlidératlement  ; 
&  les  pêcheurs  dreigeuis   furent  obligés   d'eux-mêmes  de  (e 
léduirc  à  un  moindre  nombre  de  bateaux,  connoiflant ,  mais 
trop  tard  ,  que  s'ils  continuoient ,  ils  détruiroient  abfolument 
le  fond  de  la  Pèche.  L'ufage  des   petits   bateaux  plats  ,   fans 
quilles,  mifî,  voilcî  ni   gouvernail,  n'ell  pas  moins  perni- 
cieux à  la  multiplication  des  poilTonsSc  à  l'empoiironnement 
«les  côtes  ,  que  la  pratique  de  la  dreige  ,  parce  que  les  pê- 
cheurs riverains  fe  fervent  de  ces  fortes  de  petits  bateaux, 
qu'ils  appellent  pfcorr  ou  p/corcyrj,  pour  aller  traîner  aux  bords 
des  fab'es ,  le  long  des   grèves  ,  &  aux   embouchures  des  ri- 
vières ,  des  feines,  traînes,  collerets,  drancts  &:  auties  fem- 
bUbles  cffècss  de  itts  défendus  £&r  ]'«tdQuaance   dit  mç'n 


PECHE. 

té  informé  qui 
foa  nommé  blanche  ou  blanquct 


39 

Le  roi  ayant  été  informé  que  la  Pêche  du  poif- 

.   i  ui__-i ui ,,-     caufoit  la  def- 


d'août  16  )I,  ce  qui  détruit  abfolument  le  fiai  du  poillon. 
Ces  pêcheurs  courent  aulîi  de  grands  rifques  dans  ces  petits 
bateaux  ,  &  ils  périllent  au  moindre  vent  qui  les  y  furpiend  , 
qu.ind  ils  fe  trouvent  un  peu  éloignés  de  la  cote.  Toutes  ces 
railons  nous  ont  détexminés  à  défendre  la  Pêche  avec  la 
dreige,  en  nous  réfervaut  néanmoins  la  tacultj  de  laiflTet 
fublil'ter  quelques  bateaux  pour  faire  cette  Pèche  pour  le  fer- 
vice  de  nos  tailles  ,  dans  des  tenps  &  dans  des  lieux  où  elle 
ne  peut  faire  aucun  tort  au  frai  du  poillba  ni  ai:x  poiflorw 
du  premicc  âge  ,  le  nombre  defquels  bateaux  fera  diminue 
ainli  qu'il  fera  réglé  pat  ces-préfentes  ,  en  forte  qu'ils  feionc 
cous  fup^riines  après  le  carême  de  l'année  17^4  expiré.  Nous 
avons  téfolu  aufli  d'interdire  l'ufage  de  ces  petits  bateaux  , 
connus  fous  le  ncm  de  pifiîrj  ou  depicoteurs  ,  &:  de  renouve- 
ler ,  fous  des  peines  plus  févères ,  les  défenfes  faites  par  les 
ordonnances,  de  fe  fetvir  de  rets  traînans,  de  quelque  efpêcc 
Se  fous  quelque  nom  que  ce  puifTe  être  ;  nous  efàmons  ces 
difpoùtions  nccellaires  pour  empêcher  les  Pêches  abuiîves.  A 
ces  caufes ,  5c  autres  à  ce  nous  mouvant  ,  de  notre  cettaine 
Icience  ,  pkiiiepuillancc  &  autorité  royale  ,  nous  avons  dit  , 
dcclaré  Je  oraonné  ,  &:  par  ces  préfentes  (ignées  de  notre 
main  ,  difons  ,  déclarons ,  voulons  &:  nous  plajr  ce  qui  fuit  : 

Art.  I .  Défendons  à  toutes  perfonnes  ,  de  quelque  qualité 
&:  condition  qu'elles  puiflcnt  être  ,  de  faire  faire  la  Pèche  du 
poiffon  avec  rets,  filets  ou  trameaux  nommés  dreiges  ou  dre- 
gues  ,  3.  peine  de  confifcation  des  bateaux  ,  rets  ,  filets  Scpoif* 
fons  ,  &  de  ceat  livres  d'amende  contre  le  maître  ,  &  iceluj 
déclaré  d_-chu  de  fa  qualité  de  maître,  fans  pouvoir  en  faire 
aucune  fonftion  à  l'avenir,  ni  même  d'être  reçu  pilore  , pilote 
lamaneur  ou  locman  ;  &:  en  cas  de  récidive  ,  de  trois  ans  de 
galère. 

V article  2  bf  lesfuivms  ctnccrntnt  ce  qui  dévoie  être  chftrvé 
relativement  aux  per/nij]:ons  que  le  roi  s'était  réfervé  d'accarder 
au  pourvoyeur  de  fa  maifon  jufqu'en  i  7  j  4  ,fijurpec/t£r  eicc  Iti 
dreige. 

17.  Ordonnons  à  tous  casitaines,  maîtres  &  patrons,  qui 
auront  vu  pratiquer  la  Pèche  avec  la  dreige  ,  d'en  faire  men- 
tion dans  leurs  rapports  aux  officiers  de  l'amirauté  ,  en  mat>>. 
quant  le  parage  6c  le  hgnaleinent  du  bateau  pêcheur. 

18.  Ordonnons  auHi  à  tous  pêcheurs  faifant  la  Pcihe  du 
poiffon  frais  ,  de  taire  leurs  déclarations  aux  officiers  de  l'ami- 
rauté, des  bateaux  dreigeurs  porteurs  de  ro;  permilTions  , 
qu'ils  pourront  trouver  faire  la  Pêche  avec  la  dreige  dans  les 
quatre  lieues  du  bord  des  cotes ,  &  des  autres  bateaux  qu'ils 
pourroienr  avoir  vu  pratiquer  la  même  Pèche  ,  fans  être  por- 
teurs denos  permillions ,  laquelle  déclaration  fera  reçue  fans 
frais;  &:  taat  fur  icelle  que  fur  celles  des  capitaines,  maîtres 
&:  patrons,  feront  les  délinquaDS  pouifuivis  à  la  requête  Se 
diligence  de  nos  procure  tirs  dans  les  fièges  de  l'amirauté, 

19.  Faifons  défenfes  À  toutes  perfonnes  de  traînera  la  mer  ■ 
le  long  des  côtes  &  aux  embouchures  des  rivières,  des  feincî 
collerets»  traînes,  dranets  ,  draignaux  ,  draveneis  £c  autres 
femblables  filets  ôc  inlîrumens  traînans,  fous  les  pein;s  por- 
tées par  i'anicle  preruicr  des  préfentes. 

ro.  Défeiïdons ,  fous  les  mêmes  peines,  aux  pêchetirs  quî 
fe  fervent  des  rets  ,  nommés  picots  ,  de  traîner  leurs  filets  ,i 
la  mer  pour  faire  la  pêche  ,  ni  de  fe  fervir,  pour  battre  l'eau  , 
piquer  &:  brouiller  les  fonds  ,  de  perches  ferrées  &  pointues  ^ 
de  cablières ,  pierres,  boulets ,  chaînes  de  fer  &  tous  autres 
inftrumens. 

zr.  Faifoni  au/Tî  défenfes  à  totrs  pècfieirrs  &  atjtres  ,  feus 
Ic8  mênies  peines ,  de  fe  fervir  de  muletières  &  de  tramauat 
dérivans  à  la  marée  ,  tant  avec  bateau  que  fans  bateau,  ea 
qitclqae  temps  &  fous  quelque  prétexte  que  ce  piiiffe  être  i 
comme  auflî  de  fair?  la  Pèche  de  la  petite  traîne»  dreigs  ou 
dragrre  ,  nommée  cauche  on  cbjufle  ,  âc  celle  delà  dieice 
ou  drague  ,  armée  &  montée  de  fer. 

Zi,  Les  pècbçuES  ,  &  toas  ïu^çî,  d«  ^uel<jp«  «iualîw  & 


40  PECHE. 

truiflion  du  frai  du  poinçon,  &  du  polffon  du  pre- 
mier âge,  en  ce  que  ce  blanquet  n'ayant  pas  plus 

condiïion  qu'ils  foient  ,  qui  aa.onc  des  tramaux  ^^our  la 
d'eige,  ies  rauleticreî  ,  des  rramaux  dtrivanî,  des  chaufles  ou 
cauches,  des  facs  fetvantà  la  dreige  ou  drague  armîcde  fer, 
des  feines,  coilerets  ,  corecs  ^  traînes ,  dranets  ,  draignaux  , 
«iravenets,  &  toutes  autres  efpèces  de  rets,  HIcts,  engins  &: 
Snfttuinens  traînans,  connus  fous  quelque  dcnomination  que 
cepuiff;  éne  ,  feront  tenus  de  les  démonter  &:  Je  les  employer 
à  d'autres  ufages,dans  le  tenT.ed'un  mois  ,  du  jour  de  l'en- 
regilhement  des  prcfenres  au  fiège  de  l'amirauté  de  leur  ref- 
fort ,  à  peine  ,  aprèsledit  temps  paflc  ,  de  cent  livres  d'amende 
&  de  conl.fcation  defdits  rets ,  filets  &  inftrumcns,  que  nous 
ordonnons  être  briilés  publiquement  ,  &  les  armures  de  fer 
con!ïfqucas  &:  btifées, 

2  ;.  Défendons  en  confcquence  aux  marchands  fabricateurs 
de  rets,  intéreflls  aux  Pèches,  maîtres  ôc  compagnons  pè- 
clieurs  ,&  à  toutes  fortes  de  perfonnes  ,  de  quelque  qualité 
&  condition  qu'elles  puillent  être  ,  de  faite  ou  fabriquer  , 
vendre  ou  garder  chez,  eux  aucuns  tramaux  de  dreige  ,  tra- 
miaux  &  muletières  Jéiivans  ,  chauffes  ou  cauches ,  facs  fer- 
vans  à  la  driige  ou  drague  armée  de  fer  ,  &:  toutes  autres 
cfpèces  de  reis  ,  engins  &  inllrumcns  défendus  par  J'anicle 
précédent,  à  peine  de  confifcation  d'iceux  ,  &c  de  trois  cents 
Jivrcs  d'.unende  ,  !e  tiers  applicable  au  dénonciateur. 

14.  Enjoignons  aux  officiers  de  l'amirauté,  chacun  dans 
leur  reffoit ,  de  faire  ,  un  mois  après  l'enregiilrement  des 
préi'entes  ,  une  exa^^e  perquiliiicn  des  tramaux  de  drtigc  , 
des  ir.uletièrcs  dérivans  ,dci  facs  ,  cauches  ou  chauflls,  pour 
]a  dreige  armée  de  fer  ,  des  feines  ,  coilerets  ,  traînes  ,  dra 
nets  ,  draignaux  &  draveneis  ,  de  toutes  autres  efpèces  de  rets , 
rngins  &  inllrumens  défendus  par  nos  ordonnnaces  &  par 
ces  prcfcntcs  ,  qui  pourroieat  fe  trouver,  tant  dans  Jes  mai- 
fons  des  pécheurs  que  des  autres  riverains  de  la  mer  ,  privi- 
légiés &  non  privilégiés  ,  qui  pourront  être  foupçonnés  d'à 
voii  des  filets  défendus ,  &  de  continuer  la  même  recherche 
de  tKv.s  mois  en  ti;«is  mois,  à  peine  d'interdiâion  de  leurs 
charges,  &:  d'en  drefl'er  des  procès-verbaux,  qu'ils  nous  en- 
verront quini.iine  après  la  confeûicn  d'iceux. 

L'article  10  du  titre  ïo  de  la  déclaration  du  tS  mars  '7:7, 
çai  eft  rapportée  ci-aprls  ,  a  modifié  ces  difpofitions  rtlatire- 
mint  aux  vifites  ,  qu'il  a  réduites  à  deux  chfique  annér. 

15.  Otto -.nons  aux  officiers  des  clafTes,  lorfqu'ils  feront 
leurs  rcvuîs  dans  les  paroifles  de  leurs  quartiers,  de  faire  en 
nième-terrps  ia  vilîr»  des  rets,  filets  ,  engins  &;  inftruaicns 
des  pêcheurs  ;  &:  s'ils  en  trouvent  d'abufifî  3c  défendus  par 
les  ordonnances  &  par  ces  préfentes  ,  d'en  donner  avis  à  no- 
tre procureur  au  fiége  de  l'amirauré  du  reflbrt ,  pauc  pour- 
faivre  les  délinquans. 

16  Faifons  défenfes  à  tout  pécheurs  qui  fontia  Pèche  à  la 
mer ,  le  Icng  des  cotes ,  &:  aux  embouchures  des  rivières  ,  de 
fe  fcrvir  de  bateaux  fans  quilles,  mâts,  voiles  ni  gouver' 
nails ,  à  peine  de  confifcation  defdits  bateaux,  des  fiKt;  & 
poifTors  qui  s'y  trouveiont ,  de  cent  livres  d'amende  contre 
Je  :na't:e  ,  &  d'être  déchu  de  fa  qi'alité  de  maître  ,  fans  pou- 
-yoit  jamais  en  faire  aucanes  fondtioni  à  l'avenir  ,  ni  être  reçu 
pilote,  pilote  lamaneur  ou  Jocman  ;  en  conféquence ,  défen- 
dons la  conlhuclion  des  bateaux  plars ,  connus  fous  le  nom 
de  p:cots  ou  picoteurs  ,  &  autres  femblables  ,  i  peine  de 
■contiication  defdits  bateaux,  de  cent  livres  d'amende  contre 
le  charpentier  conftracieur  ,  &  d'être  déchu  peur  toujours  de 
fa  maîttife  :  accordons  néanmoins  aux  pêcheurs  le  terme  de 
irois  mois  ,  du  jour  delà  publication  des  préfentes  ,  pour  fe 
pourvoir  de  bateaux  ayant  quilles  &  portanr  mâts,  voiles  Se 
gouvernails,  ic  voulons  qu'après  leJit  temps  ,  tous  les  ba- 
teaux fiats  ,  nommés  picots  ou  picoteurs  ,  &  autres  fembla- 
bles,  foient  confifqués  Se  dépecés ,  &  les  propriétaires  d'iceux 
condamnes  à  cent  livres  d'amende. 

17.  Enjoignons  à  nos  procureurs  dans  les  amirautés  ,  de 
dçnner  avis  aux  çfficiets  dct  claflçs  j  des  maîtrçj  qui  j  pour 


PECHE. 

de  froîs  pouces  Se  demi  de  long ,  un  demi  pouce  9c 
quelques  lignes  de  largeur  ,  &  environ  trois  lignes 
d'épaiiTeur,  les  péciieurs  ,  pour  faire  cette  Pêche, 
étoient  obligés  de  fe  fervir  d'un  filet  vulgairement 
appelé  favoncau ,  qu'ils  pouifoient  devant  eux  en 


contravention  aux  préfentes,  feront  déclarés  déchus  de  leur 
qualitél  de  maîtres,  &  fur  ledit  avis,  voulons  que  Jefdits  offi- 
ciers des  clalTes  les  rayent  du  regillre  des  maîtres,  les  portent 
fut  celui  des  matelots,  &  les  commandent  en  cette  qualité 
pour  fervir  fur  nos  vaiffeaux. 

28.  f  allons  dtfenfes  aux  pêcheurs  &  à  tous  autres  ,  fous 
les  peines  ponces  par  le  premier  article  des  prefentes  ,  de  pé- 
cher ni  faire  pécher  avec  quelque  forte  de  hlets,  iniliumens 
5c  engins  que  ce  loic  ,  ni  de  quelque  manière  que  ce  puiflTe 
être  ,  aucun  frai  de  poilTon  connu  fous  les  noms  de  blanche- 
melie,  noenufTe  ,  faunionelle  ,  guildre  ,  manne  ,  femence  ,  & 
fous  quelque  autre  nom  &  dénomination  que  ce  puifle  être  , 
d'en  laler  ni  d'en  vendre  ,  fous  quelque  prétexte  &  pom 
quelque  ufage  que  ce  foit, 

29.  Défendons  à  tous  marchands  chafTe-roarées,  marayeurs  , 
poifibnniers,  vendeurs  &  tegrattiers  de  poiffons  ,  d'acheter 
ni  d'expofer  en  vcn:e  aucun  frai  de  poiiTon  ,  à  peine  de 
cinquante  livres  d'amende. 

}o.  laifons  d.fenfes  audi  à  toutes  fortes  de  perfonnes,  de 
quelque  qualité  &  condition  qu'elles  puifTent  être  ,  d'enlever 
ou  taire  enlever  du  fiai  de  poillcn  ,  foit  pour  noiurir  les 
porcs ,  volailles  &  autres  animaux  ,  futaet  &  engrailFer  les 
tenes  &  le  pied  des  arbres  ,  &  pour  tout  autre  ufage  que  ce 
puille  être,  à  peine  de  confifcation  des  chevaux  &  harnois  , 
de  cinq  cents  livres  d'amende  pourr  la  première  fois  ,  &  de 
punition  corporelle  en  cas  de  récidive. 

}1.  Déclarons  comprendre  fous  le  nom  de  frai  depoiflbn  ; 
tous  les  petits  poiffons  nouvellemeat  éclos ,  &:  qui  n'auront 
pas  trois  pouces  de  longueur  au  moins  entre  l'œil  &:  la  queue. 
3  X.  Permettons  néanmoins  aux  Pêdieurs  ,  fit  à  tous  autres  , 
de  défouir  des  fables  qui  reftent  à  fec  de  baflc  mer  ,  les  poif- 
fons qui  s'cnfablent  ,  pour  fervir  d'appât  à  leurs  Pêches ,  tell&s 
que  font  les  éguilles  ,>équillej,  lançons  &:  autres  poiffons  de 
femblaUIe  efpcce,  tels  qu'ils  puiffent  être. 

î 5.  Défendons  à  routes  perfonnes ,  de  quelque  qualité  & 
condition  que  ce  foit ,  de  jeter  dans  les  eau<  de  la  mer  ,  le 
lo»g  des  cotes  ,  ?c  aux  embouchures  des  rivières  ,  dans  lot 
maries  &:  Jes  étangs  falùs ,  aucunes  chaux  ,  noix  vomiques  , 
noix  de  cyprès,  coques  de  levant  ,  momie,  mufc  &  aurrcs 
drogues,  pour  feivir  d'appât  &  ompoifonner  le  poiffon  ,  à 
peine  de  trois  cents  livres  d'amende  pour  la  première  fois,  & 
de  mille  livres  en  cas  de  récidive. 

54.  Les  contraventions  aux  articles  ci-devant  des  préfen- 
tes, feront  pourfuivies  à  la  requête  de  nos  procureurs  dans 
les  amiraurés,  &:  les  fenrences  qui  en  interviendront  contre 
les  délinquans  ,  feront  exiciitées  pour  les  condamnations 
d'amende  ,  nouobrtant  l'appel  &  fans  préjudice  d'icelui  ,  juf- 
qu'à  concurrence  de  trois  cen:s  livres  ,  lans  qu'il  puiffe  être 
accordé  de  défenfes  ,  mêaje  lorfque  l'amende  fera  plus  forte  , 
que  julqu'i  concurrence  de   ce   qui  excédera   la  fomme  de 

trois  cemts  livres. 

}(.  Ceux  qui  ag^elleront  defdites  fentences ,  feront  tenus 

de  faire  flatucr  fut:  leur  appel  ou  de  le  mettre  en   état  d'être 

jugé  définitivement  dans    un  an  ,  du  jour  &:  date   d  icelui  ; 

lÎBOn  Se  à  faute  de  ce  faire  ,   ledit  temps  paffé  ,   ladite  fen- 

tence  fortira  fon  plein  &  entier  effet ,  &   l'amende  fêta  diflri- 

buée  conformémenr  à  ladite  fentence  ,   &  le  dépofitaire  d'i- 

celle  bien  &  valahlemewt  déchargé, 

}6.  La  Pêche  de  l'huitre   continueta  d'être  faite  avec  la 

dreig;  armée  de  fer ,  de  la  même  maaièrc  &  ainfi  qu'il    s'eft 

pratiqué  jufqu'â  préfent. 

La  déclaration  dont  il  s'agit  crlonru  avfurplus  que  l'orion- 

nanct  it  isiiferd  exécutée  tu  ce  qu'elle  n'j  «pas  déroge. 

raclant 


PECHE. 

raclant  les  fonds  ;  ce  qui  leur  fâifolt  pfendrc  quan- 
tité de  frai  de  poinbii ,  à  caufe  du  peu  d  étendue 
des  mailles  de  ce  filet;  fa  majeflé  ,  pour  faire  cel- 
fer  cet  ahus ,  donna  une  déclaration  le  2  feptenibre 
1726,  qui  défendit  la  Pêche  dont  il  s'agit,  lous 
peine,  contre  les  contrevenans ,  de  contilcation 
des  rets,  filets  &  poiflbns  ,  &  de  cent  livres  d'a- 
mende pour  la  première  fois  ;  &  ,  en  cas  de  récidi- 
ve ,  de  trois  ans  de  galères. 

La  confervation  du  frai  du  poifllm  a  encore 
donné  lien  à  la  déclarajion  du  24  décembre  1726 
(  I  ),  qui  a  ajouté  de  nouvelles  difpofitions  à  celles 

(i)  Voici  c  tte  loi  : 

Loais,  &c.  S»Iut.  Un  des  moyens  les  plus  certains  pour 
parvenir  à  ràahlir  l'abondance  de  la  Pèche  du  poill^^n  de  mer  , 
étant  d'enijiccher  ]a  Jeltracûon  du  irai  &:  des  poilTons  du 
piemier  âge  ,  nous  autions ,  par  notre  dcclaration  du  ij  avril 
dernier,  défendu  l'ulage  de  tous  las  filets  traînans  à  la  mer  , 
lur  les  bords  des  cot^s  iJ:  aux  embouchures  àes  rivières  ,  parce 
que  l'opération  de  ces  Hlets  qui  giat;ent  &  labourenr  les 
fonds  fur  lefquels  ils  tiaînent ,  détruit  nécefTiirement  le  frai  ; 
lious  aurions  auii ,  par  les  articles  :  8  ,  19  &:  3  o  de  cecte  même 
déclaration  ,  fait  dttenfes  de  pécher  iti  faire  pécher,  cX;>ofer 
en  vente  ni  acheter ,  enlever  ou  faire  eiilever  aucun  frai  de 
poid'on  connu  fous  quelque  nom  Se  dénomination  que  ce 
piiiflc  être  ,  pour  quelque  ufage  que  ce  foit  ;  nous  aurions 
cncùre ,  par  notre  déclaration  du  1  fcptembre  dernier  ^  dé- 
fendu la  Pcche  dupoil^or^,  nommé  blanche  ou  b!anquet,qui 
Me  pouvoic  fe  faire  fans  prendre  &:  faire  périr  en  m»me  temps 
beaucoup  de  frai ,  qui  fe  trouve  toujours  confondj  avec  cette 
blanche;  &  étant  informé  que,  nonobllanr  ces  di("po(îtion's  , 
les  pécheurs  continuent  de  taire  Ja  Pèche  du  frai  du  poilTcn  , 
&c  qu'il  s'en  vend  publiquement  dans  plufieurs  villes  de  notre 
royaume  ,  nous  avons  réfolu  de  renouveler  les  drfenfes  que 
nous  avons  faircs  à  cet  égtrJ  ,  &:  d'impofer  des  peines  plus 
fcvères  contre  ceux  CjUi  y  contreviendront.  A  ces  caufes  Se 
autres  à  ce  nous  mouvjnr  ,de  no:re  certaine  fcience  ,  pleine 
puiflancc&  autoiitc  royale ,  nous  avons  dit  ,  déclaré  &:  or- 
donné, &  par  ces  ptéfentes  figaées  de  notre  main,  diions  , 
iidicoTM  ic  ordonnons ,  voulons  &  nous  plaît  ce  qui  fuit  : 

Art.  I,  Failons  défenfes  aux  pécheurs ,  faifant  leurs  Pèches 
â  la  mer,  &  à  tous  autres,  de  pêcher  ou  faire  pêcher  avec 
quelques  foires  de  tîlers  ,  inllruraens  &:  engins  que  ce  foit , 
5ii  de  quelque  manière  que  ce  puiffe  être  ,  le  poiflôn  nommé 
fclanchc  ou  blanquet  ,  ni  aucun  frai  de  poiflbn  connu  fous 
les  noms  de  blanche,  méllc  ,  menulTe  ,  faumonellc,guilcire  , 
maanc,  femence,  &:  foys  quelque  aurre  nom  Se  dénomina- 
tion que  ce  pHiiïe  être  ,  d'en  faler  ni  d'en  vendre  ,  feus 
quelque  prcrexte  &c  pour  quelque  ufai^e  que  ce  foit  ,  à  peine 
Àe  confifcation  des  bateaux  ,  rets,  filets  ,  engins  ,  inftruiaens 
&  poiffons  ,  &  de  cent  Jivres  d'amende  contre  Is  mucre,  & 
îcelui  djciaré  déchu  de  fa  qualité  de  maître  ,  fans  pouvoir 
"jamais  en  faire  aucunes  fonctions ,  ni  être  reçu  pilote  ,  pilote 
lamansurou  Jocman ,  &  en  cas  de  récidive,  de  trois  ans  de 
galère. 

2.  Faifons  pareillement  défenfes,  fous  les  mêmes  peines  , 
aux  pécheurs  riverains,  tendeurs  de  bafl'e  eau,  6c  à  tous  au- 
tres faifant  leurs  Pêches  le  long  des  cotes  &  aux  embouchu- 
res des  rivières  ,  dépêcher  ou  faire  pécher,  faler  ou  vendre 
ledit  poiflen  nomaïc  blanche  ou  blanquet,  ni  aucun  frai  de 
poiflbn. 

5.  Détendons  audî ,  fous  les  mêmes  peines,  .î  tous  pêcheurs  , 
ferniiers  des  parcs  &  d'autres  pêcheries  exchifives,  de  pêcher 
ou  faire  pêcher  dans  l'enceinte  defdits  parcs  ou  pêcheries 
cxclulîves  ,  de  faler  ni  vendre  ledit  poifTon  nommé  blanche 
en  blanquet,  ni  aucun  frai  de  poiffon  ,  de  quelque  nature 
^u'iJ  .'"oir. 

4.  Ordonnons  que  les  parcs  &  autres  pccbeties  cxdufives 
Tomt  XIII, 


PECHE. 


41 


que  contenoient  fur  cette  ma.il'reîes  déclarations 
des  23  avril  &   2  fepternbre  pré:édcns., 

où  il  aura  été  pêchj  deux  loii  dudit  pollîon  ,  i-.oiuii.v:  bi.mche 
ou  blanquet,  ou  du  fai  de  poiHon  ,  feront  détruits,  Uiis 
pouvoir  être  rétablis  par  la  fuiie  ,  pour  quelqee  cau.'c  &  fous 
quelque  prctc-xte  que'ce  foit  ,  &:  que  les  propriétaires  d'iceux 
foicnr:  privés  du  droit  de  parc  &:  de  pêcherie  exdufivc. 

5.  l-aifons  défenfes  à  toutes  uerfonnes ,  de  quciq'je  qualité 
&  condition  qu'elles  puiflent  être,  d'enlever  ou  faire  enlever 
le  poiflbn  nommé  blanche  eu  blanquet  ,  ni  aucun  frai  de 
poiflbn  ,  fcit  pour  nourrir  les  porcs  ,  volailles  &  autres  ani- 
maux ,  fumer  '6i  engiaifl^er  les  terres  &:  le  pied  des  arbres  ,  Se 
poui  tout  auae  ufage  que  ce  puilfe  être  ,  à  peine  de  confifca- 
tion des  chevaux  &:  harnois  ,  &:  de  cinq  cent»  livres  d'amende 
pour  la  première  fois,  &:  de  punition  corporelle  en  cas  de 
récidive. 

6.  Défendons  i  tous  marchands  ,  chafTe  -  marées  ,  nia- 
rayeurs  ,  poidcnniers  ,  vendeurs ,  regratciers  de  pcifTon  ,  &:  i 
tous  autres  ,  enfemblc  à  tous  receveurs  ,  commis  &  autres 
chargés  de  la  vente  du  poiflbn  forain  &  étranger,  d'acheter  ni 
expcler  en  vente  le  poilTon  nommé  blanche  ou  blanquet  > 
ni  aucun  frai  de  poiflbn  ,  i  peine  de  faiûe  &  confilcaticn. 
Se  de  cinquante  livres  d'amende  pour  la  première  fois ,  &:  de 
punition  corporelle  en  cas  de  récidive. 

7.  Déclarons  les  pères,  mères  &  chefs  de  familles,  ref- 
ponfables  des  amendes  encourues  par  leurs  enfans  &:  autre» 
qui  demeureront  encore  avec  eux  ,  Se  les  maîtres  de  celles 
auxquelles  leurs  valets  &  domeiliques  auront  été  condamnes 
pour  contravention  aux  préfentes. 

8.  Dans  le  cas  où  la  peine  des  galères  efl:  ordonnée  contre 
les  hommes  ,  la  peine  du  fouet  &  du  banniflemcnt  à  temps 
oui  perpétuité  fera  ordonnée  contre  les  femmes,  les  filles  6c 
les  veuves  ,  fuivant  la  qualité  du  délit. 

5.  Déclarons  ccniprendre  fous  Je  nom  ie  frai  de poijfon  , 
tous  les  petits  poiflbns  nouvellement  édos ,  Se  qui  n'auront 
'  pas  trois  pouces  de  longueur  au  moins  entre  l'œil  Se  Ja 
queue.  Permettons  néanmoins  aux  pêcheurs  Si  à  tous  autres  , 
de  défouir  des  fables  qui  relient  à  fec  de  balTc  mer,  les  poif- 
fons  qui  s'çn'ab.'cBt ,  pour  fervir  d'appât  a  leurs  Pèches  ,  tels 
que  font  les  éguillcs,  lançons  &  autres  poiflans  de  fetofela- 
bie  efpècc. 

10.  Ordonnons  aux  officiers  des  amirautés,  chacun  dans 
leur  relTort ,  de  veiller  exaûement  à  ce  qu'il  ne  foit  point 
péché  du  poiflbn  nommé  blanche  ou  blanquet,  ni  aucun  frai 
de  poiiron  ;  qu'il  n'en  foit  point  aulTi  débatqué  fur  les  grè- 
ves, quais,  ports;  &  feront  les  délinquans  pourfuivit  a  la 
requête  Se  diligence  de  no;re  procureur  à  leur  fiège. 

1 1.  Enjoignons  à  nos  procureurs  dans  les  amirautés  ,  de 
donner  avis  aux  oSciers  des  clafTes,  des  maîtres  qui ,  pour 
contravention  aux  préfentes  ,  feront  déclarés  déchus  de  leur 
qualité  de  maître  ;  Se  fur  ledit  avis  ,  voulons  que  lefdits  offi- 
ciers des  clafles  les  rayent  du  regiftre  des  maîtres  ,  les  por- 
tent furcelui  des  matelots,  Se  les  commandent  en  cette  qua- 
lité pour  fetvit  fur  nos  vaifleaux. 

I  z.  Ordenions  à  tous  les  officiers  chargés  de  la  police  dans 
les  villes  de  notre  royaume  ,  d'empêcher  la  vente  Se  le  tranf- 
port  du  poillon  comme  blanche  ou  blanquer ,  Se  du  frai  de 
poifTon  ,  dans  les  lieux  Se  endroits  qui  font  de  leur  compé- 
tence ,  &:  feront  les  délinquans  poutfuivis  à  la  requête  &:  dili- 
gence de  notre  procureur  à  leur  fiège. 

15.  Leur  enjoignons  d'informer  notre  procureur  du  Gègc 
de  l'amiriuté  dans  laquelle  ledit  poifTon  nommé  blanche  ou 
blanquet,  ou  le  frai  de  poifTon  aura  été  péché  ,  du  nom  des 
pêcheurs  qui  l'auront  vendu  auxdits  marchands,  chafTc  ma- 
rées,  maraj-eurs  ,  poiflonniers  ,  vendeurs  &  regrattiers  de 
poiflbn. 

14.  Lis  fcntences  qui  interviendront  contre  les  délinquans, 
feront  exécutées  pour  les  condamnations  d'amendes  ,  non- 
obllant  l'appel  U  lans  préjudice  d'icelui ,  jufqu'à  concurrence 
de  troii  cents  livres ,  fans  qu'il  puiffc  être  accordé  de  dcfen- 


41  PECHE. 

L'article  ç  ,  du  titre  cité,  avoir  pertn's  de  faire 
la  piche  des  vives  avec  des  mailles  de  treize  lignes 
f;n  carre,  depuis  le  15  février  jufqu'au  15  avril 
<ei;îetnent  :  mais  comme  l'intention  du  roi  avoir 
éré  de  n'acccrder  cette  permiffion  que  pendanr  le 
carime  ,  fa  majefté  a  rendu  en  fon  confeil ,  le  24 
mars  1^187,  un  arrêt  par  lequel  ,  en  interprétant 
Varticlc  dont  il  s'agit ,  elle  a  ordonné  qu'à  l'avenir 
Citte  Pèche  commcnceroit  deux  jours  avanr  le  ca- 
rême, &  durcroit  jufqu'à  la  vcilie  de  pàqucs  ;  & 
elle  a  fait  défenfe  à  tout  pêcheur  de  commencer 
cette  Pèche  plutôt  ,  &  de  la  continuer  plus  tard, 
à  peine  de  confifcation  des  baieaux  ,  clialoupes  & 
équipages,  &  de  cent  livres  d'amende. 

Les  pêcheurs  qui  veulent  pêclier  pendant  la  nuit , 
doivent ,  fuivant  l'article  6 ,  montrer  trois  diffé- 
rentes fois  un  feu  dans  le  temps  qu'ils  mettent 
leurs  filets  à  la  mer,  à  peine  de  cinquante  livres 
d'amende  ,  6c  d'être  condamés  à  réparer  les  dom- 
mages réfultans  du  défaut  d'obfervation  de  cette 
règle. 

Remarquez  qu9  fi  les  filets  étoicnt  placés  dans 
des  lieux  périlleux  ,  il  ne  faudroit  point  allumer  de 
feux,  parce  qu'alors  ceferoiont  des  feux  trompeurs, 
qui  donneroient  lien  aux  peines  prononcées  par 
l'article  45  du  titre  des  naufrages. 

L'article  9  défend  aux  pécheurs  qui  arrivent  à 
la  mer  ,  de  jeter  leurs  filets  dans  un  endroit  où  ils 
puilfent  nuire  à  ceux  qui  fe  trouvent  les  premiers 
fur  le  lieu  de  la  Pèche  ,  ou  qui  l'ont  déjà  commen- 
cée ,  a  peine  de  tous  dépens ,  dommages  &  intérêts , 
&  de  cinquante  livres  d'amende. 

Les  mêmes  peines  doivent  être  prononcées,  fui- 
vant l'article  10,  contre  tous  les  pécheurs  qui ,  fe 
trouvant  dans  une  flotte  de  pécheurs  ,  quittenr  leur 
rang  pour  fe  placer  ailleurs ,  après  que  les  pêcheurs 
de  la  flotte  ont  mis  leurs  filets  à  la  mer. 

Il  efl  permis ,  par  l'article  1 1 ,  de  faire  la  Pêche 
de  la  fardine  avec  des  filets  ayant  des  mailles  de 
ouatre  lignes  en  quarré.  La  raifon  qui  a  fait  auto- 
rifer  des  filets  dont  la  maille  efl  fi  peu  étendue,  efl 
que  les  fardines  ne  f e  mêlent  guère  avec  les  autres 
poifibns,  &  qu'elles  fe  raflemblent  de  manière 
«u'on  en  trouve  des  amas  confidérables. 

L'article  12  défend  aux  pécheurs  d'employer  de 
la  réfure  pour  attirer  la  fardine  ,  &  à  tout  marchand 
d'en  vendre  avant  qu'elle  n'ait  été  vifitée  &  trouvée 
bonne  ,  à  peine  de  trois  cens  livres  d'amende. 

Il  efl  défendu  ,  par  l'article  1 3  ,  de  faire  la  Pêche 
du  gangui  &  du  bregin  ,  &  celle  du  marquefeque 


fcs  ,  mêine  lorf^ue  l'amende  feri  plus  fûiie  ,  que  jufqu'à 
foncurrenccde  ca  qui  cxccdera  ladite  10  «me  de  trois  cents 
Jivies. 

15.  Ceux  qui  appelleront  rfefcliKs  fentences  feront  tenas 
fîe  faire  (lin;er  fur  leur  app:I  ,  ou  de  le  mettre  en  état  d'être 
jogc  diHDirivenient  dans  un  an  du  jour  5c  date  d'icelui  ;  finon 
l(  à  faute  de  ce  faire  ,  ledit  temps  paflTé  ,  ladite  fentence  for- 
tiia  Ton  pkin  &  entier  efFet,  &  i'ameaJe  fera  Hifiriboée  corr- 
lornûnaînt  à  ladire  fcnsenct;  ,  Si  le  dcpofltaire  d'icelle  bien  & 
viîablcinînt  décharge.  Si  donnons  en  nundîment  j  &c. 


P  E  G  H  E. 

ou  du  nonnat,  pendant  les  mois  de  mars ,  avril  & 
mai,  à  peine  de  confifcation  des  filets  &  bateaux, 
&  de  cinquante  livres  d'amende. 

L'article  14  prononce  les  mêmes  peines  contre 
ceux  qui  péchenr  durant  les  mêmes  mois,  avec  bou- 
liers, à  deux  cens  brafl'es  près  des  embouchures  des 
étangs  &  des  rivières. 

L'article  15  défend  d'ailleurs  aux  pêcheurs  qui 
fe  fervent  d'engins  appelés  fichures ,  de  prendre  les 
poiiions  enfermés  dans  les  baflides  ou  autres  filets 
tendus  dans  les  étangs  falés  ,  à  peine  de  puaition 
corporelle. 

La  même  loi  doit  être  appliquée  aux  pccheur» 
qui  prennent  du  poiflbn  dans  des  filets  tendus  ail- 
leurs que  dans  les  éilangs  falés  ,  &  avec  des  engins 
autres  que  ceux  qui  font  appelés  fichures.  En  effet, 
ils  commettent  un  vol  dans  l'un  comme  dans  l'au- 
tre cas. 

Il  doit  y  avoir  au  greffe  de  chaque  fiège  d'ami- 
rauté un  modèle  c'es  mailles  de  chaque  efpéce  de 
filet ,  dont  les  pécheurs ,  qui  demeurent  dans  l'éten- 
due de  chaque  juridiéiion  ,  peuvent  fe  fervir  pour 
faire  leur  Pèche,  tant  en  mer  que  fur  les  grèves. 
L'article  16  enjoint  aux  procureurs  du  roi  de  faire 
ibigneufement  exécuter  cette  règle  ,  à  peine  de  ré- 
pondre des  contraventions  en  leur  nom. 

Les  articles  i  ,  2  &  j  du  titre  3  du  même  livra 
5  de  l'ordonnance  de  la  marine,  permettent  de 
tendre  fur  les  grèves  de  la  mer  &  aux  embouchures 
des  rivières  navigables  ,  les  filets  appelés  hauts  & 
bas  parcs ,  ravoirs  ,  courtines ,  &  venets ,  &  règlent 
la  forme  des  mailles  de  ces  filets  ,  ainfi  que  la  ma- 
nière dont  ils  doivent  être  tendus. 

Ces  articles  ont  depuis  été  interprétés  par  la  dé- 
claration du  18  mars  1727,  qui  a  prefcrit  la  manière 
d'en  ufer ,  &  les  peines  qui  doivent  être  pronon- 
cées dans  le  cas  de  contravention  (  i  ). 

Il)  Ctrte  déclaration  ejl  d'auTant  plus  imyortinte  à  coii- 
nclirt ,  qu'elle  a  inrer^rcré »u  renoiveU  la  plupurt  da  difpojî^ 
lions  de  Tordonnance  concernant  ta  Pûhe ,  &•  qu'elle  forme  d 
cet  fgerd  le  dernier  c'tat  de  la  jurifprudence  ;  ûinjl  nous  allons 
la  rjpporter  en  entier, 

Louis  ,  &'c.  Salut:  nous  avons,  par  netre  dtclaration  du 
ij  avril  dernier,  interdit  l'ufage  dts  fileis  &  inltiumeiis  traî- 
nans  ,  &:  pat  celle  du  24  (fé:en:bre  auffi  dernitr ,  nous  avon« 
dtsfendula  Pèche,  le  ttanfport  &  la  vente  du  frai  de  poiflbn 
de  mer;  nous  n'avons  tendu  ces  déclarations  que  pour  con- 
ferver  le  fiai  du  poiflbn  Se  le  poilTon  du  preraiet  âge  ,  à  l'clFct 
de  procurer  l'afeondance  du  poiflbn  de  met,  &  de  rendre  let 
côtes  de  notre  royaume  auflî  poiflbnneufes  qu'elles  l'étoient 
par  te  paflé  ;  mais  comme  il  pourrait  être  cotnrais  des  abus 
par  rapport  aux  Pèches  permifes  à  la  cote  ,  qui  détrutroient  le 
frai  du  poilTon  du  premier  âge  ,  nous  avons  téfolu  de  tégler 
la  forme  dans  laquelle  elles  pourront  ctre  faites  ,  Ix  grandeur 
des  mailles  des  filets  qui  y  feroient  employas  ,  &:  la  manière 
dont  ils  feront  établis.  A  ces  caufes  Se  autres  à  ce  nous  mou- 
vant ,  de  l'avis  de  notre  conl'cil ,  &  de  notre  ccitaine  fci^ace  , 
pleine  puiflance  &  autorité  royale,  n'sus .  interprétant  e» 
tant  que  de  befoin  l'ordonnance  du  mois  d'août  iC!- 1  ,  avons 
dit,  décliré  &  cnlonné  ,  difons  ,  déclarons  &  ordonnons  ,. 
voulons  &:  nous  pl.iît,  que  h  Pcche  (ar  les  boids  Je  \»  mer 
foit  &:  demeure  libre  &  conimane  .1  tous  nos  fujctî  ,  qui  pour- 
rcBtiafaite  &  praticiueravecleîreiî,  (îlets,  engiosS:  inlli»- 


PECHïï. 

Par  l'article 
kfquels  il  emro'it  des  pierres  ou  du  bois  ,  feroie 


4,b  roi  ordonna  que  le?  parcs,  danî  j  démolis, 


PECHE.  43 

^  h  réfcrvc  de  ceux  qui  avoient  été  hâta 
avant  l'année  154^  Les  poffefieurs  de  ceux-ci  ont 


mens  permis  pai:  ces  prélcntes;  &  en  conféquence,  leur  per- 
mettons de  tai.e  à  h  cùte  ,  dans  Jes  bayes  &:  aux  embouchures 
des  rivil-ces  ,  les  pêcheries  dont  Ja  police  fera  ci-aprés  réglée  , 
même  d'y  piaii(]uer  Us  nouvelleî  pichcrict  qu'ils  pourraient 
învenier,  pourvu  qu'ils  fe  conforment,  pour  celles  dont  les 
filets  feront  montés  lut  des  pieux,  pii^uets  ou  piochons,  à  la 
police  qui  fera  régL'c  pour  les  bas  parcs  ;  Se  pour  celles  qui 
feront  pratiquées  avec  des  filets  flottés  ,  à  la  police  qui  fera 
réglée  par  les  tentes  de  balle  eau  ,  le  tout  à  peine,  contre 
les  concrevenans ,  de  confîfcation  des  rets,  filets,  engins, 
ïnrttumens,  pieux  ,  piquets  ou  piochons,  &  de  vingt-cinq 
livres  d'amende  pour  la  première  fo?s,  de  pareille  confifca- 
non,  &  de  cinquante  livres  d'amende  en  cas  de  récidive. 

Titre    premier. 


Des  hauts  pures. 

Article  I.  Les  mailles  des  filets  fcrvant  »ux  pêcheries 
noninvles  hauts  parcs  ou  étangs  ,  étales,  hautes  pentières  , 
hauts  étaliers,  pâlit,  raarfaïquts  &  haranguiéres,  feront  d'un 
pouce  ou  de  neuf  lignes  en  carré,  &  le  filet  fera  tendu  en 
telle  forte  ,  que  le  bas  ne  touche  point  aux  fables  ,  Se  qu'il 
en  foit  éloigné  de  trois  pouces  au  inoins. 

t.  Les  perches  fur  lefquelles  les  filets  defdites  pêcheries 
feront  tendus  ,  auront  au  plus  quinze  pieds  de  hauteur  hors 
des  fables,  feront  éloignées  les  unes  des  autres  de  huit  pieds 
au  moins  ,  ^'  plantées  en  droite  ligne  d'un  boHt  à  terre.  Se 
de  l'autre  à  la  mer  ;  permettons  néanmoins  aux  pêcheurs  de 
faire  ,  aux  extrémités  de  la  ligne  du  côté  de  la  aier  ,  une  ef- 
péce  de  demi-enceinre  ou  crochet,  qui  fera  formée  avec  de 
parei'les  perches,  &  garnie  d'un  femblable  filer. 

5.  Ordonnons  à  tous  ceux  qui  pratiqueront  lefdites  pêche- 
lies ,  de  les  éloigner  les  unes  des  autres  de  fix  bralles  au 
inoins. 

4.  Les  rets  entre  roches ,  traverfis  &  muletières ,  feront 
cenfi.' du  genre  des  hauts  pa:cs,&;  comme  tels,  nous  per- 
metton;  à  ceux  qui  les  voudront  pratiquer,  de  les  former 
avec  des  perches  de  quinze  pieds  de  haut ,  &:  des  fileiï  ayant 
Jes  mailles  d'un  pouce  ou  neuf  lignes  de  haut  au  moins  en 
carié  ,  à  condition  Je  fe  cor^former  ,  pour  le  furplus  ,  à  la 
police  établie  pour  les  hauts  parcs. 

5.  Faifons  dcfenfes  aux  pécheurs  &  à  tou«.  autres,  de  fe 
fcrvir  des  hlets  des  hauts  parcs  pour  garnir  aucune  autre  pê- 
cherie que  ce  foit. 

6.  Les  difpofitions  contenues  aux  articles  du  préfent  titre 
feront  exécutées  ,  à  peine  ,  contre  les  contrevenans ,  de  con- 
ffcation  des  filets  &:  des  perches  fut  lefquelles  ils  feront  ten- 
dus ,  &:  de  vingt-cinq  livres  d'amende  pour  la  première  fois  , 
de  p.ircil'e  conrifcation  &  de  cinquante  livres  d'amende  en 
cas  de  récidive. 

6.  Déclarons  ne  permettre  les  p:cheries  contenues  au  pré- 
fent titre,  avec  les  (ilets  y  mentionnés  ,  dont  les  mailles 
font  au-defTous  de  deux  pouces  en  carré  ,  que  parce  qu'il  ne 
j'y  peut  prendre  que  des  poiflbns  paflagers  à  la  côte  ,  tels 
que  font  les  harengs,  cclans,  fardines,  maquereaux  ,  fan- 
fonnets ,  rabiots ,  bars  ,  mulets,  lieux  ,  ccolins  &  furmulets , 
^ui  fc  niaillejit  dan<  lefdits  filets. 

Titre    II. 
Dm  bas  parcs. 

Article  i.  Let  filets  fervans  aux  pêcheries,  nommés  bas 
parcs ,  ou  tournées  ,  foutées ,  fourefles ,  courtines,  bas  éca- 
iiers  &  venets,  auront  les  mailles  de  deux  pouces  au  moins 
€n  carré  ,  &  ils  feront  attachés  à  des  pieux  ,  piquets  ou  pio- 
chons plantés  à  cet  elFet  dans  les  fables  fur  lefquels  le  filet 
fera  rendu  ,  fans  qu'il  y  puille  être  enfoui. 

1.  Lei  pieux ,  piquets  ou  piochons  (^ui  fonueront  lefdites 


pêcheries ,  auront  au  plus  quatre  pieaJ  «^e  h.au^eur  hors  des 
(ables  ;  ils  pourront  être  plantés  en  cquerre  ,  fer  à  cheval , 
demi-cercle  ou  crochet ,  &  feront  éloigné»  les  uns  des  autrei 
d'une  bralTe  au  moins, 

j.  L'ouverture  ou  embouchure  i:s  pêchetîe»  qui  feront 
formées  en  équerre  ,  fer  à  cheval  &  en  demi  cercle ,  ne  pourra 
être  que  de  cinquanre  brafles  au  plus. 

4.  Lefdites  pêcheries  formées  en  équerre  ne  pourront  avoir 
les  aîles  ,  pannes  ,  brafTes  ou  côrés  ,  que  de  einquante  brades 
de  long,  &  celles  formées  en  fer  à  cheval  Se  en  demi-cercle 
ou  crochet,  ne  pourront  avoir  que  cent  brafTes  de  contour  j 
en  forte  que  pour  la  garniture  de  chacune  defdites  pêcheries  , 
il  ne  paifl'e  être  employé  que  cent  brafles  de  filets, 

5.  Ordonnons  aux  pêcheurs  ,  &  à  tous  autres  qui  plante- 
ront les  pieux  ,  piquets  ou  piochons  de  leurs  pêcheries  en 
forme  d  équerre  ,  de  les  placer  en  ligne  droite  ,  {  our  ne  for- 
mec  qu'un  feul  angle  dans  le  fond  de  la  pêcherie. 

6.  Lefdites  pêcheries  ne  pourront  être  établies  qu'à  la  dif- 
tance  de  vingt  brafles  les  unes  des  autres  ;  il  pourra  néan- 
moins en  être  placé  d'autres  au- deflus  &:  au-deflous  des  pê- 
cheries déjà  établies  ,  pourvu  qu'elles  foient  fur  la  même 
ligne  ,  allant  de  la  côte  à  la  mer ,  &:  à  la  difiance  de  dix  braf- 
fcs  au  moins  de  l'angle  ou  du  fond  de  la  pêcherie  qui  en  fera 
la  plus  propre. 

7.  Toutes  lefdites  pêcheries  ,  foit  qu'elles  foient  placées 
les  unes  au-deflus  des  autres  ,  ou  qu'elles  le  foient  à  côté  , 
feront  cenfées  du  genre  des  bas  parcs ,  Se  ,  comme  telles  ,  ne 
pourront  être  montées  que  d'un  filet  ayant  les  mailles  do 
deux  pouces  en  carte  ,  qui  ne  pourra  erre  enfoui  dans  le  fable. 

8,  Il  pourra  être  mis  au  fond  defdires  pêcheries, des  guideaux , 
benâtres  ,  verveux  &  autres  inftrumens  dénommés  au  titre  V 
des  préfentes ,  pourvu  qu'ils  foient  faits  dans  la  forme  qui  j 
fera  prefcrire. 

9.  Les  difpolîtions  contenues  aux  articles  du  préfent  titre 
feront  exécutées,  à  peine,  contre  les  contrevenans ,  de  con- 
fîfcation des  filets  &:  des  pieux ,  piquets  ou  piochons  fur  lef- 
quels ils  feront  tendus  ,  &:  de  vingt-sinq  livres  d'amende  pour 
la  première  fois  ,  de  pareille  confifcation  ,  &  de  cinquante 
livtes  d'amende  en  cas  de  râcidive. 

Titre    III. 
Des  parcs  dtfiUts  couverts  (f  non  couverts. 

Article,  i.  Les  rets  fervant  à  la  pêcherie  des  parcs  Je 
filets,  foit  couverts  ou  non  couverts ,  qui  font  auili  connus 
fous  le  nom  de  perd  temps  ,  auront  les  mailles  de  la  challe  , 
de  l'enceinte  Se  de  la  couverture  ,  de  deux  pouces  au  moins 
en  carré. 

1.  Ils  feront  attachés  fur  des  pieux,  piquets  ou  piochons 
qui  ne  pourront  être  tlevés  que  de  quatre  pieds  au-ieflùs  des 
fables ,  &:  feront  tendus  de  manière  que  le  bas  n'y  foit  point 
enfoui. 

';.  Les  pieux  ,  piquets  ou  piochons,  tant  de  l'enceinte  que 
de  la  chalfe  du  parc ,  feront  éloignés  au  moins  d'une  braflc 
les  uns  des  autres. 

4.  La  longueur  de  la  chafle  qui  aboutit  i  l'embouchure 
du  parc  ,  ne  pourra  être  que  de  trente  brafTes  au  plus. 

5.  Lesdifpofitions  contenues  aux  articles  du  préfent  titre 
feront  exécutées ,  à  peine  ,  contre  les  contrevenans  ,  de  con- 
fîfcation des  filets  &  des  pieux  ,  piquets  ou  piochons  fur  lef- 
quels ils  feront  tendus  ,  &  de  vingt-cinq  livres  d'amende  pour 
la  première  fois ,  de  pareille  confifcation  ,  &:  de  cinquante 
livres  d'amende  ca  cas  de  récidive. 

T  l  T   R  E     I  V. 

Des  ravoirs. 


i        ARTICIE  I.  Les  filets  fctvans  »ux  pêcbeiîes,  nomKHé* 

Fij 


44  PECHE. 

été  maintenus  dans  leur  joui/Tance  ,  à  la  cha^^e  ue 
le  conformer  ,  pour  la  conftru>îliûij  ,  nux  règles  que 


rayoirs  amples ,  ouieuentre  J'cau, auront  lestnailles  de  Jeux- 
pouces  au  niuifis  Cil  carte  ,  &  ceux  fervans  aux  ravoirs  ou 
rets  îiitre  l'eau  ti-arasiilcs,  auront  les  mai'Ies  de  la  toile, 
nape,  Hue  ou  rçt  du  milieu,  de  deux  pouces  auili  en  carré 
au  moins ,  U  celles  des  ttiineaux  ou  hameaux  qui  font  des 
deux  çôrti,  feront  d<;  neuf  pouces  au  moins  en  carré. 

t.  I.efdits  f.iets  feront  attachés  à  des  pieux  ,  piquets  ou 
clochons  «  Se  ils  y  feront  tendus  de  manière  que  le  bas  ,  qui 
fera  fftroufié  ,  foit  éloigné  du  fable  de  lix  pouces  au  moins. 

î.  Les  pieux  ,  piquers  ou  piochons  qui  formeront  lefdites 
pêcheries,  auiont  au  plus  quatre  pieds  de  hauteur  hors  des 
fables;  ik  feiont  éloignés  d'une  btafle  au  moins  les  uns  des 
autres,  &:  plantés  en  droite  ligne. 

4.  Chacune  defdites  pêcheries  fêta  éloignée  l'une  Je  l'autre 
de  dix  brafTes  au  moins. 

^,  Les  difpoliiions  contenues  aux  articles  du  préfent  tife 
feront  exécutéts  ,  à  peine  contre  les  contrevenans ,  de  con- 
fifcation  des  filets  &  des  pieux,  piquets  ou  piochons  fur  lef- 
tjuels  ils  feront  tendus  ,  &  de  viugt-cinq  livres  d'amenJe 
pour  la  première  fois,  &  de  pareille  contilcation  &:  de  cin- 
ijuante  livre»  d'amende  en  cas  de  récidire. 

Titre    V» 

Dt  la  jêcktne  nommit  guidtaux  à  b«i  e'tilîtr  ,  b  dt  celUs 
ntmmées  henâtrt  b"  vtrvtuK,  ù^  autres  pêcherie:  nenfinctées  , 
mantées  fur  piquées- 

Article  i.  Les  filets  qui  fervîront  aux  pccheties  nom- 
mées guideaux  à  bas  étaliers ,  &  guideaux  volans  ,  aux  be- 
llâtres volans  ,  bâches  ,  chauffes  ,  facs ,  gonnes  ,  tonnes  &: 
nalTes  ;  aux  vcrveux  ,  clirets  ,  entonnoirs  &  tonnelles  vo- 
fans  ,  &  aux  autres  pêcheries  non  flottées  ,  montées  fur  pi- 
quets ,  auront  les  mailles  de  deux  pouces  et»  carré  au  moins. 

1,  Les  filets  qui  fetviront  à  la  pêcherie  des  guideaux  à  bas 
étaliers  ,  ou  guideaux  volans  >.  feront  faits  en  forme  de  chauf- 
fes ,  fie  feront  pofés  entre  deux  pieux  ,  piquets  ou  piochons  , 
qui  ne  pourront  être  élevés  plus  de  quatre  pieds  audefTus 
des  fables,  &:  il  fera  obfervé  une  didance  d'une  braffe  au 
plus  de  l'un  à  l'autre  pieu  ,  piquet  cm  piochon. 

f.  Les  filets  qui  formeront  la  pêcherie  des  benâtrcs  vo- 
lans, bâches,  chauffes,  facs,  gonnes ,  tonnes  &  naffes,  fe- 
ront faits  da*s  la  même  forme  que  ceux  des  guideaux  à 
bas  étaliers  ,&  attachés  à  unchaflisen  carrure  de  bois,  qui 
fera  pareillement  pofé  encre  deux  pieux  ,  piquets  ou  pio- 
chons éloignés  d'une  brafle  au  plus  l'un  de  l'autre  >  &  qui 
ne  pourront  aulU  être  élevés  plus  de  quatre  pieds  au-deflus 
des  fables. 

4,  Les  filets  qui  fervironi  à  la  pâcheric  des  verveux ,  cli- 
rets ,  entonnoirs  &  tonnelles  volans,  feront  faits  en  forme 
d'entonnoir  ,  dont  l'entrée  fera  amarrée  fur  un  demi  cercle 
de  bois  ,  oui  fera  arrêté  par  une  t;avcrfe  de  corde  ,  &  le 
rcfte  du  filet  fera  tenu  ouvert  par  plulîeurs  cercles  de  bois 
q*i  feront  éloignes  de  deux  pieds  au  moins  les  uns  <fts  au- 
tres ;  lefdits  filets  ainll  formés ,  feront  pofés  entre  deux 
pieux  .piquets  ou  piochons,  qui  ne-  pourront  auilî  cire  éle- 
vés plus  de  quatre  pieds  au-deflus  des  fables.  Se  qui  feront 
éJoignés  l'un   de  l'autre  de  deux  brafTes  au  plus, 

5,  Les  pêcheries  ci-JefTas  nommées  ,  ne  pourront  être 
que  de  dix  brafTes  de  long  au  plus;  il  en  pourra  être  établi 
d'autres  au-defTus  8f  au-delTous ,  pourvu  qu'elles  foient  éloi- 
cnées  les  unes  des  autres  de  quinze  brafTes  au  moin.'. 

6.  Les  filets  &  inftrumens  fervans  aux  pêcheries  mention- 
nées au  préfent  titte  ,  pourront  être  placés  à  l'ouverture  ou 
«goûts  des  bouchons  ou  parcs  de  clayonnagcs  ,  depuis  le  pre- 
mier oilobte  jufqu'au  diernier  avril. 

7.  Lefdits  filets  &  inflrumcnspourront  auffi  être  placés  au 
ifend  des  bas  parcs  pendant  toute  l'année. 

S»  Les  difpo^tions  conteau«t  aux  atcicles  du  ptéfcot  titre 


Ï^ECHÉ. 

prêfcrîvent  les  articles  fuivans. 
Les  parcs  de  pierre  doivent ,  fiiivant  rarticlej^ 

feront  exécutées,  à  peine  j  contre  lescontrevenans ^  de  confif* 
cation  des  filets  &c  inllrumens  ,  &;  des  pieux  ,  pijucts  ou  pio- 
chons fur  lefquels  ils  feront  tendus  ,  &  de  vingt  cinq  livres 
d'amende  poui  la  première  fois  ,  de  pareille  conhication  ,  Se 
de  cinquante  livres  d'amende  en  cas  de  récidive. 

5.  Les  pêcheurs  ,  &  tous  autres  qui  voudront  pratiquer 
les  autres  pêcheries  non  flottée»,  montées  fur  pieux  ,  pi- 
quets eu  piochons,  connus  fous  tel  nom  5c  dénominatioa 
que  ce  puiflc  être  ,  feront  tenus  d'obferver  la  police  rcgiée 
par  le  préfent  titre  ,  pour  la  maille  des  tilecs ,  la  hauteur 
des  pieux,  piquets  ou  piochons,  leur  éloignement  de  i'ua 
à  l'autre  ,  &  la  dillance  de  chaque  pêcherie  ,  fous  les  peincï. 
7  portées. 

Titre    VI. 

[Des  Hnvenets. 

Article  i.  Les  mailles  des  rets  qui  formeront  les  fac» 
des  havenets,  connus  auifi  fous  les  noms  de  havets ,  havaux  , 
bichettes  ,  grandes  favenelies  &  fanonceaux  ,  feront  de  quiaie 
lignes  au  moins  en  cairé  ,  à  peine  de  confifcaiion  des  rets 
&:  filets.  Se  de  vingt  cinq  livres  d'amende  fOur  la  première 
fois,  de  pareille  conE  cation,  de  de  cinquante  livres  d'a^ 
mende  en  cas  de  récidive. 

2.  Lefdits  filets  feront  montés  fut  deux  perches  croifées  ,' 
qui  auront  chacune  douze  ou  quinze  pieds  de  long  ,  &  qui 
feront  tenues  ouvertes  par  une  travcrfe  de  bois  qui  fera  pla- 
cée proche  l'endroit  où.  lefdites  perches  feront  croifées  ;  l'ou- 
verture du  filet  ne  pourra  avoir  que  quinze  pieds  de  Jarçe 
au  plus  ,  &  la  corde  qui.  fera  mife  au  bout  defdites  deux 
perches,  pour  fûurenir  ledit  filet,  ne  pourra  être  chargte 
que  d'un  quarteron  de  plcmb  par  bralTe  ,  le  tout  à  peine  de 
pareilles  amendes  &  confifcations. 

3.  Faifons  défenfes ,  fous  les  mêmes  peines ,  à  ceux  qui 
fe  ferviront  dudit  inllrument  ,  de  le  poufTer  ni  tiaînei  dcvan; 
eux  fut  les  fonds  où  ils  feront  la  Pêche, 

T  I  t  R  E     V  I  !► 

Dwlcuxtux  eu  lent  de  qukurt-,  &*  autret  injlramens  qui  fervent 
pour  U  Piche  des  chevrettes  tf/olicots. 

Article  t.  Le  ret  qui  formera  le  fac  du  bouteux  oa 
bout  de  quieure  ,  connu  aulli  fous  le  nom  de  buhauticrs  ^ 
faunets,  fautes,  lanets ,  paniers  ,  ruches,  ruchers  ,  chapeau 
à  famerelles  &  grenadiers  ,  aura  la  maille  de  lîx.  lignes  au 
moins  en  carré.. 

X.  Il  fera  attaché  fur  une  fourche  ou  flir  un  cercle ,  fan< 
qu'il  puifTe  y  être  mis,  au  lieu  du  filet,  delà  toile  ou  fac 
à  tamis,  fous  prétexte  de  prendre  des  puces  Se  des  fautc- 
tellcs  de  mer. 

3.  La  travetfe  de  cet  inftrument  fera  formée  d'un  bâtoa 
rond  eu  d'une  corde  qni  ne  pourra  être  chargée  que  J'uQ 
quarreron  de  plomb  au  plus. 

4.  Les  pêcheurs  &■  tous  autres  ne  pourront  fe  fervirdudk 
inflrumenc  pour  faire  la  Pêche  pendant  les  mois  de  mais  ,' 
avril  ,  mai  ,  juin  ,  juillet  Se  août. 

j.  Les  articles  ci-defTus  feront  exécutés,  à  peine  ,  coiure 
les  contrevenans  ,  de  confifcaiion  des  filets  &  inJfrumens  fiC 
de  vingt  cinq  livres  d'amende  pour  la  première  fois  ,  de 
pareille  confifcaiion  &  de  punition  coiporelle  en  cas  de 
récidive. 

f.  Sera  néanmoins  permis  aux  pêcheurs  &.'  à  tous  autres  de 
faire  la  pêche  des  chevrettes  &  folicots  pendant  toute  J'an- 
née  ,  avec  chaudières  &  autres  inllrumens  féieniaire»  fur  les 
foiads  &  entre  les  rochers,  pour\u.  que  les  mailles  des  filet» 
qui  feiont  arrachés  auxJits  inlriumeiis  aient  au  moins  iix  li,- 
gnes  en  carré  ,  à  peine  ,  contre  les  contrevenans ,  de  confif- 
cation  des  filets  &  inflrumens,  &:  de  vingt-cinq  livres  d'a- 
msTide  £cur  la  £refnièrc  fois,  de  pareille  confilcaùçn  &  de 


PECHE. 

être  conftrults  de  pierres ,  rangées  en  forme  de  de- 
mi-cercle ,  &.  élevées  à  la  hauteur  de  quatre   pieds 

cinriuinte  livres  d'jmende  en  cas  de  récidive. 

7.  Leur  pcimettons  aufli  de  fe  fervir  d^  clajres  ,  paniers  , 
boutaqucs,  nafTcs,  caziers  &  autres  feniblables  engins  tbt- 
més  d'ofiers  à  jour,  pour  faire  la  Pêche  des  crables  ,  ho- 
mardSj  rocailles  5c  poifTons  à  croûte,  à  condition  que  les 
verges  feront  éloignées  les  unes  des  autres  de  douze  lignes 
au  moins,  à  peinf  ,  contre  les  comrevenanj,  de  pareille 
amende  &  contifcation. 

Titre    YIII. 

Du  carreau. 

Article  i.  Le  filet  du  carreau,  connu  aurtî  fous  let  noms 
it  hunier  &:  cchi-juiet ,  aura  les  mailles  de  fii  lignes  en 
carré  au  moins,  à  peine  de  confîlcation  Se  de  vingt  cinq 
livres  d'amende  pour  la  première  fois,  fie  pareille  confifca- 
lion  ,  &:  de  punition  corporelle  en  cas  de  récidive. 

1.  Faifons  défenlcs,  fous  les  mêmes  peines  ,  aux  pcclieurs 
&  à  tous  autres,  de  faire  la  Pêche  avec  ledit  Hlet,  pendant 
Jes  mois  de  février,  naars ,  avril,  mai  ,  juin,  juillet,  aoiît 
6c  feptenibre. 

Titre     IX. 

Dti  rtti  (:'  Jiltts  Jlvttc's ,  &•  tente  à  la  hajfe  eau. 

Article  i.  Pourront  êtra  tendus  à  la  côte  8c  à  la  balTe 
eau  les  hlets  nommés  folles  ,  demi  folles  ,  grandes  &  petites 
canières ,  grandes  &  petites  pantières  ,  grands  ôc  petits  rieux  , 
cibaudières  ,  C\x  doigts ,  mailles  royales  ,  Icl'qucs ,  berce liètes  , 
bauilières,  Hues  Hottée»,  muletières,  têts  à  croc,  rets  en- 
tre roches  ,  travcrâs,  maquereautiéres  ,  trameaux  ,  &  tous 
autres  rets  de  pied  flotté,  pouivu  que  la  maille  foit  de  la 
grandeur  ci  apièi  prefcrite, 

1.  Les  mailles  des  folles  auront  cinq  pouces  ea  carré  au 
moins  ,  &  celles  des  demi- folles  ,  grandes  canières  ,  grandes 
pcntieres  &  grands  rieux  ,  auront  a«  moins  trois  pouces 
en  carré. 

}.  Les  mailles  des  petites  canières,  petites  pentièrei , 
petits  rieux,  cibaudières,  fix  doigts,  maillet  royales»  Icf- 
^es  ,  bertelières  ,  haudîères  ,  flues  Hoctées  ,  muletières,  rets 
à  croc,  rets  erttre  roches,  traverfis,  maquereautières,  tra- 
îneaux ,  &  cous  aunes  rets  de  pied  flotté  ,  qui  fe  tendent 
fur  les  fables  Se  grèves,  connus  fous  tels  noms  &  déno- 
minations que  ce  puifîe  être  ,  auront  au  moins  deux  pouces 
en  carré. 

4.  Les  ttameaux  fédentaires  ,  6C  toutes  autres  efi-èces  de 
rets  traniaillés,  auront  les  mailles  d«  la  toile,  nape,  fiue, 
feuillure  ,  ©uret  du  iniJieu,  de  deux  pouces  au  moins  en 
carré;  les  niailks  des  trameaux  ou  humeaux  ,  des  deux 
côtés ,  feront  de  neuf  pouces  auili  en  carré ,  &  Je  bas 
dudit  filet  ne  pourra  être  garai  que  de  pierres  «u  de  torques 
ie  paille. 

f.  Les  articles  contenus  au  préfenc  titre  feront  exécutés, 
à  peine,  centre  les  cont,  evenans ,  de  coBfifcation  &  de 
vingt  cinq  livret  d'amende  pour  la  ptemière  fois,  de  pa- 
leille  confifcation,  &  de  cinquaiue  livres  d'amende  en  cas 
de  récidive. 

T  I  T  K  E     X. 

De  la  {olice  commum  d  toutes  les  Fiches  à  pjei  (y  tentes 
à  la  baffe  eau^ 

Article  j.  Faifons  défenfes  à  tous  ceux  qui  feront  la 
Pèche  à  la  côte  avec  des  rets  ,  filets  ,  engins  &  inllrumcns 
montés  fur  peri.fu:s ,.  piquets,  pieux  ou.  piochons  ,  de  Ué  ten- 
dre dans  le  piflage  ordinaire  des  vaïlTeau.\,  ni  à  deux  cents 
braffes  près,  à  peine  de  Caifie  &:  confifcatien  des  rtcs,  fi- 
lets ,  engins  ,in{lrunttnï  ,  perches,  piqacts  ,  pieux  ou  pio- 
chons, de  cinqiante  livres  d'amende  ,.  &  de  réparation  des 
pertes  &  dommages  ^ue  ces  gèchciieiauroiçat  caufés, 


PECHE.  4/ 

au  plus ,  fans  chaux  ,  ciment  ni  maçonnerie,  &  ils 
doivent  avoir  dans  de  fond  ,  du  côté  de  la  mer  , 

1.  Faifons  pareillement  défenfes  i  toutes  perf»nncs  de 
traîner  à  la  cote,  dans  les  bayes,  flc  aux  embouchures  des 
rivières ,  aucun  des  filets  &  inftrumens  dénommés  dans 
ces  préfentes ,  ni  aucun  autret  fous  quelque  dénomination 
que  ce  foit,  ÔC  pour  quelque  caufe  &  fous  quelque  pré- 
texte que  ce  puifle  ctrc  ,  à  peine  de  confifcation  des  filets 
8c  inftrumens ,  ôc  de  cen:  Hyrcs  d'amende  pour  la  première 
fois ,  de  pareille  confifcation  &  de  trois  ans  de  galère  en 
cas  de  récidive. 

j.  Défendons  auflî  à  toutes  perfonnes,  fous  les  mènict 
peines,  de  fe  ferrir  pour  battre  l'eau  ,  piquer  ôc  brouillée 
les  fonds ,  de  perches  ferrées  Je  pointues ,  de  cablières  ,  pierres, 
boulets,  chaînes  de  fer,  ôc  tous  autres  inihttmens. 

4.  Défendons  pareillement  à  toutes  perfonnes  de  faire  x 
la  baffe  eau,  foit  i  pied  ou  à  cheval,  la  Pèche  avec  des 
herfes,  râteaux,  ôc  autres  femblabies  engins  6c  inllrumeos 
qui  grattent  ôc  brouillent  les  fonds  ,  i  peine  de  confifcaiioa 
des  chevaux,  harnois  &  iirrtriimens  ,  ôc  de  cent  livres  d'a- 
mende pour  la  ptemiète  fois ,  de  pareille  confifcation,  ÔC  de 
crois  ans  de  galères  en  cas  de  récidive. 

j.  Il  y  aura  toujours  au  greffe  de  chique  fiége  d'ami- 
rauté ,  un  modèle  des  mailles  de  chaque  efpèce  de  filets 
dont  les  pêcheurs  de  pied,  riverains  &:  tendeurs  de  baffe 
eau,  demeuraas  dans  l'étendue  de  la  juridiclioa,  f«  fervi- 
ront  pour  faite  la  Pêche  à  la  côte,  dans  les  baies  ôc  em- 
bouchures des  rivières.  Enjoignons  i  nos  procureurs  des 
amirautés  de  tenir  foigneufement  la  main  à  l'exécution  du 
préfcnt  article  }  à  peine  de  répondre  des  contraveations  en 
leur  nom. 

*.'  Lçs  pêcheurs  ÔC  cous  autres  qui  auront  des  filets  pour 
les  pêcheries  dénommées  dans  les  préfentes,  dont  les  mailles 
ne  feront  pas  de  la  proportion  qui  y  eft  marquée,  fcronc 
tenus  de  les  démonter  ,  ôc  de  les  employer  à  d'autres  ufagcs  , 
dans  le  terme  d'un  mois  de  la  date  de  l'enregifirement  def- 
dftes  ptéfentes  ,  au  fiége  de  l'amirauté  de  leur  refTorc ,  i 
peine,  après  le«lit  teinps  palTé,  de  cent  livres  d'amende  &Z 
de  confifcation  defdits  filets,  que  nous  ordonnûm  être  btû- 
lés  publiquement. 

7.  Défendons  aax  marchands  fabricareurs  des  rets  Se  fi» 
lets,  ôc  i  tous  autres,  de  faire  ou  fabriquer,  vendre  on 
garder  chez  eux  aucuns  fïlett  propres  pour  lefdices  pêche- 
ries, dont  les  mailles  feronr  d'un  calibre  moindre  qu'il 
n'ell  porté  par  les  préfentes,  àpeiae  de  confifcation  d'iceux: 
ôc  de  trois  cents  livres  d'amende  ,  le  tiers  applicable  an 
dcnoncîateur. 

8.  Enjoignons  aux  officiers  de  Tamirauté ,  chacun  Jans 
leur  refTort,  de  faire,  un  mois  après  l'enregiftrement  des 
prcfentes ,  une  exaile  perquifition  de  tous  les  filets  propres 
pour  les  pêcheries  de  pied  ôc  tentes  de  baffe  eau  ,  dont  les 
mailles  ne  feront  pas  de  la  proportion  réglée  par  ces  pré- 
fentes ,  tant  dans  les  maifons  des  pêcheurs  _,  que  da;ns  celles 
des  autres  riverains  de  ^a  mer  ,  privilégiés  ,  qui  pourront  être 
foup<^onnés  d'avoir  des  filets  défendus,  ôc  d'en  dielTes  de» 
procès-verbaux  qu'ils  nous  enverront  c^uinzaine  après  la. 
confefti«n  d'iceux. 

3.  Voulons  que  lefdits  officiers  de  Pamirauté  ,  chacm» 
dans  leur  reffbrr,  fafTent  dans  les  mois  de  mars  ôc  de  fep- 
tenibre de  chaque  année ,  à  peine  d'interdidion  de  leurs 
charge»,  une  vifite  exacte  des  rets,  filcR ,  engins  Se  inf- 
trumens des  pêcheries  e.^cJufives  ,  &:  de  celles  qui  font  libres; 
ôc  perraifes  par  ces  préfenres,  i  l'effet  Je  faite  exécuter  le» 
difpofitions  portées  par  lefdites  préfentes,  pat  notre  décli- 
raiioa  du  ij  avrif  dernier ,  &c  par  les  ordonnances  des.  rot* 
nos  préJécefTeurs. 

19.  Voulons  aulïï  qu'il*  fafTcncen  mêrae  temps  vifîreôt 
perquifition  chez  tous  les  riverains  de  la  met,  prîvilégréj  oia 
non  privilégiés  j  qui  pourront  être  foupç,onné3  d'avoir  des 
fiUts  dé'fendus ,  &  qne  de  chaq^ue  vifite  «qu'ils  ferenî  ils  dr»£- 


a6 


PECHE. 


une  otrvcrture  de  deux  pieds  de  largeur,  qui  ne 
peut  être  fermée  que  dune  grille  de  bois ,  ayant 

fencdes  proccîveibaux  iju'ils  nous  enverront  quinzaine  aprèj 
la  confeaion  d'iceux;  à  l'eiFet  de  quoi  nous  les  avons  dif- 
penfés  &  dilpenfons  des  quatre  vifîtes  auxquelles  ils  étoient 
tenus  par  chaque  année,  par  l'article  14  de  notre  déclara- 
tion du  ^l   aviil  dernier. 

II.  Ordonnons  aux  officiers  des  clafTcs  ,  lorfqu'ils  feront 
la  revue  des  gens  de  mec  dans  les  patolfles  de  leu  s  quar- 
tiers ,  de  faire  en  même  temps  la  viflte  d^s  pèche.ies  ex- 
clufives  ,  &  de  celles  qui  font  libres  &:  permifes  par  ces 
préfentes,  enfemble  des  rets  ,  filets  ,  engins  &  inftrumens 
des  riverains  ,  pêcheurs  de  pied  ic  tendeurs  de  baffe  eau  : 
&  s'il  s'en  trouve  d'abufifs  &:  dcfendus  par  nos  otdonnan 
CCS  &  par  ces  préfentes,  d'en  donner  avis  à  notre  procureur 
»u  fiége  de  l'amirauté  du  reflott ,  pour  pourfuivie  les  dé- 
linquans. 

IX.  Faifons  dcfenfes  aux  feigtîeurs  des  fiefs  voifins  de  la 
mer,  &à  tous  aurres,  de  Lver  aucun  droit  en  deniv-:s  ou 
en  efpèces  fur  les  pêcheries  Je  pied  &  tentes  de  bafTc  eau , 
&  de  s'attribuer  aucune  étendue  de  côtes  &:  de  grèves,  pour 
y  pêcher  à  l'exclulîon  d'autres,  finon  en  vertu  d'aveux  &  dé 
nombreiTXpns  tendus  en  nos  chambres  des  comptes,  avant  l'an- 
née 1544,  ou  de  conceiîion  en  benne  forme,  à  peine  de 
tcflitution  du  quadruple  de  ce  qu'ils  auront  exigé,  &  de  quinze 
cents  livres  d'amende. 

13.  Défendons  en  confcquence  aux  propricraîres  &  fer- 
miers des  pêcheries  exclufivcs  ,  confervées ,  de  troubler  ni 
inquiéter  les  pêcheurs  de  pied,  riverains,  tendcu's  de  baffe 
ea.i  ,  &  tous  autres  ,  qui  tendront  leurs  rets  ,  filet»,  engins 
le  inllruniens  ,  tant  flottés  que  non  flottés  ,  à  dix  brafTes 
du  fond  defdites  pêcheries  exclulives,  à  peine  d'amende  ar- 
bitraire ,  ni  d'exiger  deldits  pêcheurs  aucune  chofe  ,  à  peine 
de  concufCun. 

14.  Faifons  dîfeflfes  à  tous  gouverneurs,  officiers  &  fol- 
jats  des  îles  &  du  forts  ,  villes  &:  châteaux  conrtruits  fur  le 
fivage  de  la  mer,  d'apporter  aucun  obftacle  à  la  Pêche  dans 
le  voiflnage  de  leurs  places,  &  d'exiger  des  pêcheurs  argent 
eu  poilTon  pour  la  leur  permettre,  à  peine  ,  contre  les  offi- 
ciers ,  de  perte  de  leurs  emplois,  &  contre  Izi  foldats ,  de 
punition  corporelle. 

\S.  Déclarons  lei  pères ,  mères  &  chefs  de  famille,  rcf- 
ponfables  àts  amendes  encourues  par  leurs  cnfans  &  autres 
qui  demeureront  encore  avec  eux,  &  les  maîtres,  de  celles 
auxquelles  leurs  valets  &  domeftiques  auront  été  condam- 
nés pour  contravention  aux  préfentes. 

16.  Dans  le  cas  où  la  peine  des  galères  eft  ordonnée  contre 
les  hommes,  la  peine  du  fouet  &  du  banniflement ,  à  temps 
ou  à  perpituité,  fera  ordonn-c  contre  les  femaaes,  les  filles 
Ce  \çi  veuves ,  fuivant  la  qualité  du  délit. 

Titre    XI. 

Dts  amendes. 

Article  i.  Les  contraventions  aux  articles  des  prrfentes 
feront  pourfuivies  â  la  requête  de  nos  procureurs  dans  les 
amirautés  ,  Se  les  fcntcnces  qui  interviendront  contre  les  dé- 
linquan» ,  feront  exécutées ,  pour  les  condanmations  d'amen- 
des, nonobflant  l'appel  &  fans  préjudice  d'icelui  ,  jutqu'à 
concurrence  de  trois  cents  livres,  fans  qu'il  puilTe  être  ac- 
cordé de  défenfe,  même  lotfque  l'amende  fera  plus  forte,  que 
jufqu'i  concurrence  de  ce  qui  excédera  ladite  fomme  de  rrois 
cents  livres. 

t.  Ceux  qui  appelleront  defdites  fentenres  feront  tenus  de 
faîte  ftatuer  fur  leur  appel ,  ou  de  le  mettre  en  état  d'être 
jugé  définitivement  dans  un  an  du  jour  &  date  d'icelui  ;  finon 
&  à  faute  de  ce  faire,  ledit  temps  palTé,  ladite  fentence  for- 
tiia  fon  plein  Se  entier  eft'et  ;  &  l'amende  feia  dilhibuce  con- 
formément à  ladite  fentenee,  Se  le  dépolitaire  d'icellc  bien 
ic  valablement  déchargé.  ^ 


PECHE. 

des  trous,  en  forme  de  mailles,  d'un  pouce  au 
moins  en  carré  ,  depuis  la  faint  Renii  julqu'a  pi- 
ques ,  &  de  deux  pouces  en  carré  depuis  paques 
jufqu'à  la  faint  Rémi. 

L'article  6  concerne  la  conftruâion  des  parcs  ap- 
pelés bouchots.  Voyez  le  mot  Bouchot. 

»  Et  pour  les  parcs  de  bois  &  de  filets,  porte 
»  Tartieie  7,  ils  feront  faits  de  fimples  clayes  d'un 
»  pied  &  demi  de  hauteur  ,  auxquelles  feront  atta- 
»  chés  des  filets  ayant  les  mailles  d'un  pouce  en 
»  carré  ,  &  les  clayes  auront  dans  le  fond ,  du  côté 
n  de  la  mer  ,  une  ouverture  auffi  de  deux  pieds  , 
>»  qui  ne  pourra  être  fermée  que  d'un  filet ,  dont 
»  les  mailles  feront  de  deux  pouces  en  carré  ,  de- 
»  puis  pàqiies  Jufqu'à  la  faint  Rémi ,  &  d'un  pouce 
»  au  moins  depuis  la  faint  Rémi  jufqu'à  pâquesj». 

L'article  8  fait  défenfe  à  tout  particulier,  de 
quelque  qualité  qu'il  foit ,  de  bâtir  à  l'avenir  fur  les 
grèves  de  la  mer  aucun  parc  dans  la  conôruâion 
duquel  il  entre  du  bois  ou  de  la  pierre  ,  à  peine  de 
trois  cens  livres  d'amende,  &  de  démolition  du 
parc  aux  frais  du  contrevenant. 

Il  eft  aufli  fait  défenfe  ,  par  l'article  9  ,  aux  fei- 
gneurs  des  fiefs  voifuîs  de  la  mer  &  à  tous  autres  , 
de  lever  aucun  droit  en  deniers  ou  en  efpèces  fur 
les  parcs  ou  pêcheries  ,  &  fur  les  Pèches  qui  fe  font 
en  mer  ou  fur  les  grèves,  &  de  s'attribuer  aucune 
étendue  de  mer  pour  y  pêcher  ,  à  l'exclufion  d'au- 
tres ,  à  moins  que  ce  ne  foit  en  vertu  d'aveux  & 
dénombrcmens  reçus  à  la  chafi:!bre  des  comptes  du 
reffort ,  avant  l'année  1544,  ou  de  conceffion  en 
bonne  forme  ,  à  peine  de  reftitution  du  quadruple 
de  ce  qu'ils  auront  exigé  ,  &  de  quinze  cens  livres 
d'amende. 

L'article]  10  (f^.t  pareillement  défenfe  aux  gou- 
verneurs, officiers  &  foldats  des  îles  &  des  forts , 
villes  &  châteaux  conftruits  fur  le  rivage  de  la  mer, 
d'apporter  aucun  obftacle  à  la  Pêche  dans  le  voi- 
finage  de  leurs  places,  &  d'exiger  des  pécheurs, 
argent  ou  poiffon  pour  le  leur  permettre  ,  à  peine 
contre  les  officiers  de  perte  de  leurs  emplois ,  6c 
contre  les  foldats  de  punition  corporelle. 

Ces  difpofitions  ont  été  renouvelées  par  l'article 
14  du  titre  10  de  la  déclaration  dn  iS  mars  1717. 
L'article  12  du  titre  cité  de  l'ordonnance,  avoit 
prefcrit  ce  que  dévoient  obferver  ceux  qui  font  la 
Pèche  avec  les  guideaux  ;  mais  le  titre  ^  de  la  dé- 
claration dont  on  vient  de  parler,  a  établi  de  nou- 
velles règles  à  cet  égard. 

Les  pères  &  les  mères  font  refponfables  des 
amendes  encourues  par  leurs  enfans  ,  lorfqu'ils  de- 
meurent avec  eux  ,  &  les  maîtres  font  pareillement 
refponfables  de  celles  qu'encourent  leurs  valets  8c 

. — .  Il      _    .  m  —  ■       I  --  1» -~ ' 

Le  contenu  en  nqfdites  préfentes  fera  exécuté  dans  no« 
provinces  de  Flandres,  pays  conquisse  reconquis,  Boulon- 
nois,  Picardie  «Je  Normandie. 

Seroutau  furplus  l'otdonnancedu  mois  d'août  isSj  ,  coti- 
cetnant  la  Pêche  ,  &  la  déclaration  du  I)  avril  dernier ,  exécu- 
tées félon  leur  forme  &  teneur ,  en  ce  qu'il  n'y  eft  dérpgé  pac 
ces  prcfentcs.  Si  donnons  en  mandement,  &c« 


PECHE. 

domeftiques  ,  pour  railbn  des  cunrraventions  qu'ils 
commettent  relativement  a  la  recae.  (^  elt  ce  qui 
réliilte  de  différeates  lois. 

Les  officiers  de  l'amirauté  ("ont  autorifés  par  l'ar- 
ticle 20  du  titre  cité  de  l'ordonnance  de  la  marine, 
à  appliquer  le  tiers  des  amendes  au  payement  des 
frais  faits  pour  parvenir  aux  condamnations. 

Les  règles  qui  doivent  être  fuivies  au  iujet  de  la 
Pèche  des  moules  ,  font  établies  par  la  déclaration 
du  18  décembre  1728,  enregiftrée  au  parlement 
le   5  février  1729  (  i  ). 

(i;Cetre  loi  cft  divijcc  tn  q^uatre  titres,  dont  noui  allons 
rapporter  Us  difpojîtions. 

Titre     premier. 

D:  la  Pcche  dis  moules  fur  les  mouliùres  qui  découvrent  de 
baffe  mer, 

ArtjCI-E  I.  Les  pêcheurs.  Se  tous  autres.  Ce  feiviront , 
pour  cueillir  les  moules  qui  feront  en  état  d'être  pêchces 
lur  les  moulicres  cjui  découvrent  de  bafTe  mer,  de  cou- 
teaux de  fer  de  deux  pouces  de  large  au  plus ,  &  qui 
Be  pourront  avoir  que  fept  pouces  de  long,  y  compris  le 
manche. 

2.  Leur  dilfendons  de  fe  fervir  d'aucun  autre  infttumenr, 
foit  de  bois  ou  de  fer,  pour  faire  ladite  cueillette,  fie  pour 
arrachei  les  moules  des  rochers  ou  elles  peuvent  être  at<- 
tachces. 

3.  Ils  ne  pourront  faire  ladite  cueillette  fans  avoir  été 
leurs  chauffâtes  ,  excepté  pendant  les  mois  de  novembre  , 
décembre,  janvier,  février  &c  mars. 

4.  Leur  faifcn.  dtfénfes  de  cueillit  des  moule»  qui  aient 
moins  de  quinze  li^:,nes  de  long,  à  la  rtferve  de  celles  qui 
Cfoiir-'i)t  (ul  lis  motlières  de  Luc,  Lyon  &:  d'Hermanvillc  , 
ami  auté  d  '  iyfterliain ,  qui  pouitoni  être  cueillies  à  douze 
lignes  de  longueur. 

5.  Leur  faiLons  pareillement  défenles  d'arracher  les  moules 
en  gioflcs  poi;;nces,  ni  le  frai  des  moules,  &  de  racler  le 
fond  des  pjGuiiercs  avec  couteaux  ou  autres  inllrumens  de 
bois  ou  dï  ict , 

6.  Les  difpoluions  contenues  aux  articles  du  préfent  tirre 
feront  cxécuttes ,  à  peine  ,  contre  les  contrevenans  ,  de  con- 
fifcation  des  moules  &  in.irumens  ,  &  de  vingt  cinq  livres 
d'amende  pour  la  rremicre  fois  ,  de  pareille  conlifcaiicn  ;>^ 
de  cinquante  livri-s  d'amende  en  cas  de  récidive, 

Titre    II 

De  la  Pèche  des  moules  fur  les  mou'.iêret  qui  m  découvrent 

point. 

Article  i.  les  pci h. urs ,  8f  tous  autres,  fe  ferviront  de 
râteaux  de  bois  ,  ga.nis  de  dents  de  fer,  pour  faire  la  Pèche 
des  moule  fur  es  mo-li-res  qui  ne  découvrent  point  ;  leur 
faifons  dLfen(\s  de  fe  fervir,  pour  ladite  Pêche  , d'aucun  autre 
inlltumcnt. 

1.  Tl  fca  obfeivé  une  dil^ancc  de  quinze  lignes  entre  cha- 
cune des  d.nts  defdits  ; sreaux. 

i.  Les  uirpofuions  contenues  aux  articles  dti  préfent  titre 
feront  exécutif  s  ,  à  peine,  contre  les  contrevenans  »  de  con- 
f;fcation  des  moules  &  in!>rumens ,  &•  de  vingt  cinq  livres 
d'amende  pour  la  première  fois  ,  de  pareille  confifcation,  & 
de  ciaquance  livies  d'amende  en  cas  de  récidive. 
Titre     III. 

De  la  po'ic:  commune  à  la  Puhe  des  moules  fur  les  moit- 
lUres  qui  découvrent  de  baffe  mer,  (J  fur  celles  qui  ne  dt- 
co:ivrent  poiiv. 

AKTi::tE  I.  Les  pêcheurs,  &:  tous  autres,  ne  pourront 
diïigerdans  les  moulures ,  à  pcies  de  cerjf.ltaticn  q£s  ba- 


PECHE. 


47 


L'article  premier  du  titre  4  du  lîvrc  >  de  l'ordon- 
nance de  168 1 ,  défend  à  toutes  fortes  de  perfonnes 
de  pofer  en  mer  des  madragues  ou  filets  à  pêcher 
des  thons ,  &  d'y  conftruire  des  bordigues  fans  ijne 
permilTion  exprelTe  du  roi,  à  peine  de  confifcation 
&  de  3000  liv.  d'amende. 

Ceux  qui  ont  obtenu  des  permiffions  de  cette 
nature,  font  obligés,  fuivant  l'article  2 ,  de  les  faire 
enregiÔrer  au  greffe  de  l'amirauté  du  dlflridoù  iU 
doivent  faire  leur  Pèche. 

L'article  3  enjoint  aux  propriétaires  des  madra- 
gues ,  de  mettre  fur  les  extrémités  les  plus  avan- 


teaux  &  inllrumens ,  enferahle  des  moules  qui  auront  été  pc* 
chces;  &  de  cinquante  livres  d'amende  contre  le  maître  pour 
la  première  fois ,  de  pareille  confifcation  ôc  de  deux  cent* 
livres  d'amende  en  cas  de  récidive. 

1.  Il  ne  pourra  être  fait  aucun  dépôt  de  moules  dans  Aa 
réfervoirs  ou  paves ,  à  peine  de  confifcation  des  moules ,  &  de 
trois  cents  livres  d'amende  contre  ceux  à  qui  Icfdites  moules 
appartienilront ,  &  moitié  de  l'amende  ,  ainfi  que  de  la  con» 
filcation,  appartiendra  au  dénonciateur, 

3.  Faifons  défenfes  à  routes  perfonnes  de  jetter  fur  les 
moulières  aucunes  immondices  de  quelque  nature  qu'ellci 
puiffcnt  être  ,  ni  le  lelt  des  vaifleaux  ,  à  peine  de  troii 
cents  livres  d'amende,  dont  la  moitié  appartiendra  au  dé> 
nonciateur. 

4.  Donnons  pouvoir  aux  officiers  des  amirautés  ,  dans  le 
reflbrt  defquels  il  fe  ti  ouvera  des  moulières  en  partie  dcttuitei, 
d'interdire  la  Pêche  fur  lefdices  moulières  pendant  le  temps 
&  dans  les  faifons  qu'ils  edimeront  convenables  pour  parve- 
nir à  les  établir. 

j.  Leur  donnons  auflî  pouvoir  d'interdire  la  Pèche  des 
moules  fur  les  moulières  nouvellement  découvertes  ou  quî 
pourront  l'être  dans  la  fuite  ,  pendant  le  temps  &  dans  les 
laitons  qu'ils  eftimeront  néceffaires  pour  que  les  moules  puif- 
fent  fe  former  bc  acquérir  leur  groffeur  natmeile. 

6.  Voulons  que  les  moules  qui  auront  été  péchées  dans  le» 
temps  défendus  par  les  oiïiciers  de<  amirautés  ,  foicnt  con'f- 
quées  ,  &  que  ceux  qui  les  auront  pclues  foicnt  condan:;iés 
à  vingt-cinq  livres  d'amende  pour  la  |>reinière  foii  >  ôc  en 
cas  de  récidive  ,  à  cinquante  livres  d'amende. 

T    1    T    R    E      I   V. 

Dt)  amendes. 

Article  1.  Les  contraventions  aux  articles  c!es  préfenres 
feront  poutfuivies  à  la  requête  de  nos  procureurs  dans  les 
amirau  es,  &:  les  fentences  qui  interviendront  contre  les  dc- 
linqua's,  feront  exécu-ées  pour  les  condamnations  d'amende, 
nonobftant  l'appel  &  fans  pré/udice  d'icelui ,  fans  qu'il  puilFc 
être   accesdé  de  défenfes. 

1.  Ceux  qui  appelleront  defdites  fentences,  feront  tenus 
de  faire  ftatuer  fur  leur  appel  ou  de  le  mettre  en  état  d'ê- 
tre jtigc  définitivement  dans  un  an  du  jour  &  date  d'î- 
celui  ,  finon  &  à  faute  de  ce  faire  ,  ledit  temps  paffi, 
lefdites  fentences  fortiront  leur  plein  &  entier  effet  âc 
les  amende»  feront  diftribuées  conformément  auxditfs  fen- 
tences ,  &  les  dépofitaires  d'icelles  bien  ic  valablemenc 
déchargés. 

3.  Déslaions  les  pères  &  nières  &  les  chefs  de  famille 
refponfables  des  amendes  encourues  par  leurs  enfans,  8c 
autres,  qui  demeureront  encore  avec  eux,  &  les  maîtres, 
de  celles  auxquelles  leurs  valets  &  domefliques  auront  été 
condamnés  pour  conrravention  aux  préfentes. 

Le   contenu  en    nofdites  préfentes  fera  exécuté  dans  nos 
provinces   de    Flandre»,   pays  conquis  &   reconquis,   Boa- 
Jonnois ,  Picardie  &  Normandie.  Si    donnons   en   manJo»- 
1  ment,  &:c. 


4S 


PECHE. 


cées  en  mer,  des  hoirins,  bouées  ou  gavîtcaux, 
pour  avertir  les  navig.-iteurs,  à  peine  de  répondre 
clc^  dommages  &  intérêts  auxquels  ils  auront  donné 
lieu  en  y  manquant,  &  de  privation  de  leur  droit 
de  pêcherie. 

Il  eft  défendu  fous  les  mêmes  peines  ,  par  Tarti- 
cle  4 ,  de  placer  aucune  madrague  ou  bordigue  , 
clans  les  ports  ou  autres  lieux  ,  ou  ces  filets  puiffent 
Jiuire  à  la  navigation  ,  &  d'y  laifler  en  levant  les 
madragues  ,  les  pierres  ou  baudes  qui  y  étoient  at- 
tachées. 

Ces  autres  lieux  dont  parle  l'ordonnance  ,  s'en- 
tendent non  -  feulement  des  avenues  des  ports, 
mais  encore  de  tout  endroit  qui  n'eft  pas  éloigné 
de  deux  cens  brafTes  du  pafTage  ordinaire  des  vaif- 
fcaux.  C'cfl  ce  qui  réfulte  de  l'article  premier  du 
titre  lo  de  la  déclaration  du  i8  mars  1727,  rap- 
portée ci-devant. 

Ainfi  ,  quand  la  permifllon  du  roi  auroit  défigné 
l'emplacement  des  madragues  &  bordigues  ,  la  dé- 
molition de  ces  pêcheries  ne  feroit  pas  moins  iné- 
vitable ,  fi  elles  nuifoient  à  la  navigation,  parce 
qu'alors  on  fuppoferoii  que  la  permifllon  n'a  été 
obtenue  que  par  furprife  ;  &,  d'un  autre  côté,  les 
propriétaires  des  madragues  &  bordigues  ne  fe- 
roient  pas  moins  refponfables  du  doinmagc  ar- 
rivé aux  vaiffeaux ,  quand  même  ils  fe  feroient 
conformés  à  l'article  3  ,  attendu  que  cette  loi  ne 
concerne  que  les  établiflemens  faits  dans  les  en- 
droits convenables  &  non  prohibés. 

Les  capitaines  des  madragues  ne  peuvent,  fui- 
vant  l'article  5  ,  ôter  la  liberté  aux  autres  pêcheurs 
de  tendre  des  thonnaires  ou  combrières  ,  &  de  pê- 
cher dans  le  voifmage  de  la  madrague ,  pourvu  qu'ils 
ne  l'approchent  pas  plus  près  que  de  deux  milles 
du  côté  du  levant ,  &  d'abord  des  thons. 

Les  propriétaires  &  fermiers  des  bordigues  font 
tenus,  par  l'article  6  ,  d'en  curer  annuellement  les 
foïïes  &  canaux ,  en  forte  qu'il  y  ait  en  toiit  temps 
quatre  pieds  d'eau  au  moins,  à  peine  de  3db^riv. 
d'amende,  &  d'y  être  mis  des  ouvriers  à  leurs 
frais. 

On  conçoit  que  ces  difpofitions  ont  pour  objet 
la  sûreté  &  la  facilité  de  la  navigation.  Nous  nefai- 
fons  cette  remarque  qu'à  caufe  que  l'auteur  du  com- 
mentaire de  l'ordonnance  de  la  marine  ,  imprimé 
en  17575  a  dit,  ridiculement,  que  la  loi  que  nous 
venons  de  rapporter  avoit  été  faite  crainte  que  les 
iordigues  contrariant  l'odeur  du  poijjon  qui  de  foi  ejî 
très-puant ,  particulièrement  quand  il  ejl  vieux  péché  , 
n'empuanti[fent  fair  du  voijînage. 

L'article  7  fait  défenfeau/Ti ,  à  peine  de  300  livres 
d'amende  ,  aux  mêmes  propriétaires  Oc  fermiers  de 
fermer  leurs  bordigues ,  depuis  le  premier  mars 
^ufqu'au  dernier  juin  ,  &  il  enjoint  aux  officiers  de 
l'amirauté  de  les  faire  ouvrir  pendant  ce  temps,  à 
peine  de  fufpenfion  de  leurs  charges. 

L'objet  de  cette  défenfe  a  été  la  confervation  du 
frai  que  les  poiflbns  dépofent  ordinairement  dans 
ics  m^is  àçt^iïi,  aYi:il,ni}ai  &)uin,  Qn  ?  voulu 


PÉCHÉ. 

que  le  petit  poîiïbn  pût  s'échapper. 

Les  propriétaires  ou  fermiers  des  bordigues  ne 
peuvent,  fuivant  l'article  8  ,  prétendre  aucun  dé- 
dommagement contre  le  marinier  dont  le  bateau  a 
abordé  leurs  bordigues,  à  moins  qu'ils  ne  juftifient 
que  l'abordage  a  été  fait  par  fa  faute  ou  malice. 

Le  titre  5  du  livre  ç  de  l'ordonnance  de  la  ma- 
rine de  1681  ,  a  pour  objet  la  pêche  du  hareng. 

L'article  premier  veut  que  les  mailles  des  rets 
ou  aplets  deftinés  à  la  pêche  du  hareng,  aient  un 
pouce  en  carré,  fans  que  les  pécheurs  puiffent  y 
en  employer  d'autres  ,  ni  fe  fervir  des  mêmes  filets 
pour  d'autres  Pêches,  à  peine  de  50  livres  d'amende 
&  de  confifcation  des  filets. 

Lorfqu'un  équipage  met  fes  filets  à  la  mer  pour 
faire  la  Pêche  du  hareng,  il  doit,  fuivant  l'article 
a  ,  les  jeter  dans  une  diftance  de  cent  braffes  au 
moins  des  autres  bateaux  ,  &  avoir  deux  feux  hauts  , 
l'un  fur  l'avant  &  l'autre  fur  l'arrière  de  fon  bâti- 
ment, fous  pareille  peine  de  50  livres  d'amende  ,' 
&  de  réparation  des  pertes,  dommages  &  intérêts 
réfultans  des  abordages  qui  pourroient  arriver  à  dé- 
faut de  feu. 

Chaque  équipage  ,  après  fes  filets  jetés  à  la  mer  ^ 
cft  obligé,  fous  les  mêmes  peines,  de  garder  un 
feu  fur  l'arrière  de  f<»n  bateau ,  &  d'aller  à  la  dérive , 
le  même  bord  auvent  que  les  autres  pêcheurs.  C'eft 
ce  que  prcfcrit  l'article  3. 

L'article  4  enjoint,  fous  pareilles  peines,  aux 
maîtres  de  barqwes ,  qui  pendant  la  nuit  veulent 
s'arrêter  &  jeter  l'ancre  ,  de  fe  rendre  fi  loin  du  lieu 
où  fe  fait  la  Pêche,  qu'il  n'en  puiffe  arriver  aucun 
dommage  aux  barques  &  bateaux  qui  font  à  la 
dérive. 

Lorfqu'un  équipage  eft  forcé  ,  par  quelque  acci- 
dent,  de  ceffer  fa  Pêche  ou  de  mouiller  l'ancre, 
il  efl  tenu  ,  fuivant  l'article  5  ,de  montrer  un  feu 
par  trois  différentes  fois  ;  la  première  quand  il  com- 
mence à  lever  fes  filets,  la  féconde  quand  ils  font 
a  moitié  levés,  &  la  troifième  après  les  avoir  en- 
tièrement tirés  i  &  alors  il  doit  jeter  fon  feu  à  la 
mer. 

Si  les  filets  font  arrêtés  à  la  mer,  l'équipage  ne 
doit  point  jeter  fon  troifième  feu  ;  il  eft  au  contraire 
obligé  d'en  montrer  un  quatrième,  &  d'en  garder 
deux  jufqu'à  ce  que  les  filets  foient  dégagés.  Telles 
font  les  difpofitions  de  l'article  6. 

L'article  7  défend,  à  peine  de  punition  corpo- 
relle, à  tout  pêcheur,  de  montrer  des  feux  fans 
néceJité  ,  ni  autrement  que  comme  le  prefcrivent 
les  articles  préccdens. 

Si  la  plus  grande  partie  des  pêcheurs  d'une  flotte 
cefi'e  de  pêcher  &  mouiller  l'ancre,  l'article  8  veut 
que  les  autres  pêcheurs  faffent  de  même,  à  peine 
de  réparation  de  tout  le  dommage ,  8c  d'amende 
arbitraire. 

La  Pêche  des  harengs  fe  fait  avantageufement  en 
automne  ,  vers  l'équinoxe  :  elle  doit  finir  k  noël  , 
parce  que  le  hareng  ayant  alors  frayé  ,  efl  de  mau- 
vaife  qualité,  &  que  le  quantité  qu'on  ch  prend 

fait 


PECHE. 

fait  tOft  à  la  Pèche  qu'on  en  a  faite  dans  la  bonne 
faifon,  C';.ft  povu  cela,  ainii  que  pour  fane  ce/Ter 
l'abus  où  étoient  les  pêcheurs  d'acheter  du  hareng 
abord  dts  vailTeaux  étrangers,  qu'a  été  rendu  l'arrêt 
du  confeildu  24  mars  i^>87,  portant  défdnfe  à  tout 
pêcheur  de  faire  la  Pèche  du  hareng  après  le  mois 
de  décembre  paiTé,  Se  d'en  acheter  d'aucun  vaifleau 
étranger ,  à  peine  de  500  livres  d'amende  ,  de  con- 
fifcation  du  hareng  ,  des  équipages  &  vaiffeaux  ,  & 
d'autres  peines ,  !ê  cas  échéant  (  i  ). 

Comme  la  Pêche  du  hareng  çû  difficile  en  temps 
de  guerre  ,  le  roi  accorde  quelquefois  la  permiflion 
de  prolonger  cette  Pêche  jusqu'au  15  mars:  mais 
cette  dérogation  à  la  loi  n'eft  jamais  que  momen- 
tanée. 

Le  titre  6  du  livre  dté  concerne  la  partie  des 
morues. 

L'article  premier  porte  ,  que  :  <t  quand  les  fujets 
»»  du  roi  iront  faire  la  Pèche  des  morues  aux  côtes 
»»  de  1  ile  de  Terre-Neuve  ,  le  premier  qui  arrivera 
»  ou  enverra  fa  chaloupe  au  havre  appelé  du 
»»  peut  maure,  aura  le  choix,  &  prendra  l'étendue 
»  du  galet  qui  lui  fera  néceffaiie  ,  &  mettra  au 
>»  lieu  dit  Yéchûjau.l  du  cr.'C  ^  une  affiche  fignée  de 
«  lui  ,  contenant  le  jour  de  fon  arrivée  &  le  nom 
»>  du  havre  qu'il  aura  choifi  ". 

Les  avantages  que  le  légiflateur  a  accordés  au 
maître  du  navire  qui  arrive  le  prem.ier,  doivent  na- 
turellement exciter  chaque  maître  à  devancer  les 


(i)  Ce:  arrit  ejl  ami  conçu  : 

iitr  ce  qui  a  été  repié  enté  an  roi  ,  fa  maisfié  cianr  en 
fon  confcil  ,  que  la  Pêche  des  harengs  (e  faifant  tous  ies 
ans  par  les  pêcheurs  François,  tant  de  Dieppe  que  des  au- 
lnes pcrts  de  Normandie  &  Picardie,  Jaque  le  commence  à 
Ix  faint  Denis  &  doit  finir  à  iioil ,  jufques  aujutl  temps 
les  harengç  qui  fe  pèchent  font  de  bonne  qualicé  pour  ap  ■ 
prci'ter  ?■;  être  vendus  &  débicts  par  tout  le  royaume;  cet 
ufage  avoir  été  pratiqué  tie  tous  temps  ,  fars  qu'on  eût  en- 
trepri<;  de  faire  ladite  Pêche  au  delà  dudit  temps  ,Ti  ce  n'elb 
depuis  environ  fix  ans  que  lefdits  pêcheurs  ont  entrepris  de 
contiiuer  îaiite  Pêche  après  noel  ,  dans  lequel  temps  ie  ha- 
reng ayant  frayé,  devient  de  miuvaife  qualité  ;  ce  qui  ruine 
entièrement  leidites  côtes ,  par  la  quantité  qu'on  en  prend 
&  ies  Pêches  qu'on  fait  en  bonne  faifon  prur  le  vil  prix 
auquel  on  !c  vend  ;  comme  audi  que  de;  parti. ulieis  ,  contre 
lis  prohibitions  exprefîes  portées  par  rtitdonnsnce  du  mois 
de  juillet  iC^t  ,  titre  des  droits  d'abord  de  confommation  , 
achètent  du  hareng  à  bord  des  vailT^aux  étrangers,  ce  qui 
caufe  un  grand  préjudice  au  commerce  ,  par  le  mélange  qu'ils 
en  font  ,  Se  au  débit  de  celui  de  la  première  Pèche  ,  qui 
fe  fait  dan^  la  bonne  faifon.  Auxquels  abus  étant  nécelliiie 
de  reméîiier,  fa  majerté  étant  en  fon  confei! ,  a  fjit  &  fait 
Kcs-exprellcî  inhibitions  &  défenies  à  tous  pêcheurs  &c  au- 
tres perfoBoes  ,  de  quelque  qualité  à:  condition  qu'elles 
foient ,  d'aller  ni  d'envoyer  à  la  Pêche  t'u  hareng  après  le 
n.Ois  de  décembre  paffé  ,  ni  d'en  acbettt  i  bord  d'aucun 
vailTeau  érranger  ,  en  quelque  faifon  que  ce  foit ,  à  peine 
de  cinq  cents  livres  tl  ainende  ,  confifcation  du  haieng, 
des  équipages  &  vaiffeaux,  &  autres  peines  ,  s'il  y  cchet. 
Enjoint  aux  diciers  de  l'amiiauté  de  tenir  la  main  à  l'exé 
ciition  du  préfent  arrêt  ,  à  peine  d'en  répondre  en  leurs 
propres  &  prives  noms.  Fait  au  ccnfeil  d'ét'at  du  roi  ,  fa 
majelié  y  étant,  tenu  à  VerfaiTes,  le  vingrquatricoie  jour 
rie  mars  mi!   C.r.  cents  quau-e-vincc-fcpt.  Sien.é  COIBERT. 

Tom€  Xni, 


PECHE. 


49 


autres.  C*étoit  autrefois  le  capitaine  qui  envoyoit 
le  premier  fa  chaloupe  au  jiavre  du  petit  m;.itre» 
qu'on  réputoit  devoir  jouir  de  ces  avantages.  Il 
arrivoit  de-là  ,  que  quoique  les  capitaines  euffent 
encore  plufieurs  lieues  à  taire  poitr  atteindre  le  but, 
ils  mettoient  à  l'envi  leurs  chaloupes  à  la  mer  avec 
leurs  meilleurs  matelots ,  &  que  ceux  ci  forçant 
de  voiles  &  de  rames  pour  an iver  les  premiers,  il 
en  réfultoit  fouvcnt  la  perte  de  plufieurs  chalou- 
pes &  de  leurs  équipages  :  pour  remédier  à  cet 
abus,  le  roi  rendit,  le  8  mars  1702  ,  une  ordon- 
nance qui  fit  défenfe  à  tout  capitaine,  allant  à  la 
Pèche  de  la  morue,  d'envoyer  fa  chalotipe  à  terre 
avant  d'avoir  mouillé  l'ancre,  à  peine  de  mille  li- 
vres d'amende  pour  la  première  fois  ,  &  de  puni- 
tion corporelle  en  cas  de  récidive  (  i  ). 

La  même  loi  a  réglé  que  ce  feroit  à  l'avenir  le 
capitaine  du  premier  navire  qui  mouilleroit  l'an- 
cre fur  les  côtes  où  fe  feroit  la  Pèche,  qui  feroit 
le  maître  du  choix  du  galet ,  &  jouiroit  des  préro- 
gatives &  privilèges  que  l'ordonnance  de  1681  a 
attribués  au  premier  arrivé. 

Il  cft  dit  par  l'article  2  ,  que  :  «  tous  les  maî- 
»  très  qui  arriveront  enfuite,  feront  tenus  d'aller 
■n  ou  envoyer  fucceffivement  à  l'échafaud  du  croc, 
»  &  d'écrire  far  la  même  afHche  le  jour  de  leur 
»  arrivée  ,  le  nombre  de  leurs  matelots  ,  &  les 
«  havres  ou  galets  qu'ils  auront  choifis  à  propor- 
♦»  tion  de  la  grandeur  de  leur  vaifTeau  &  de  leur 
»  équipage  ». 

Il  n'y  avoit  fans  doute  point  de  meilleur  expé- 
dient que  de  régler  que  le  choix  du  galet  appar- 
tiendroit  à  celui  qui  arriveroit  le  premier,  &  Aic- 
cefhvement  aux  autres  ,  à  mefure  qu'ils  arrive- 
roient,  à  la  charge  néanniuins  d'envoyer  à  l'écha- 

(i)  Cette  ordonnance  ejl  conçue  ainjl  : 

Sa  majellé  a  réglé  par  fou  ordonnance  du  mois  d'août 
1^0  1  ,  livre  f  ,  litre  6  ,  que  quand  ùs  fujets  iroient  fai.e  la 
Pêche  de  la  morue  aux  côtes  de  l'île  de  Terre  Ntuve,  le 
premier  qui  a  rivera  ou  enverra  fa  chaloupe  ,  aira  le  choix 
de  Drendre  l'étendue  du  galet  qui  lui  fera  néccfiaire  ;  maïs 
ayitic  été  informée  qu'il  eft  arrivé  depuis  que  les  capitaines 
Je  vaifieaux  ,  parle  défir  d'avoir  ce  choix,  dctachoienc  de 
fort  loin  leurs  chaloupes  ,  ce  qui  en  a  fait  perdre  plufieurs 
avec  leurs  équipages,  &■  elHmant  nécelTaiie  de  remédier  à 
un  abus  d'une  ii  dangereufe  conféquence,  fa  majeilé  a  fait 
trcs-exprelîes  inhibitions  Se  dcfenfes  aux  capitaines  qui  com- 
manderont les  vailTeau.x  de  fes  fujerj  qui  feront  envoyés 
à  la  côte  de  Terre  N?uve  pour  y  faire  la  Pêche  de  la  ii,o- 
rue  ,  d'envoyer  leurs  chaloipe?  à  terre  avant  d'avoir  mouillé, 
à  peine  de  mille  livres  d'amende  pour  la  première  fois  ,  ^:  de 
punition  corporelle  en  cas  de  récidive,  èc  a.  ordonné  &:  or- 
donne que  ce  fera  à  l'a/enir  le  maître  du  pemier  naviie 
q-ui  mouillera  l'ancre  fur  les  côtes  de  ladite  île  ,  qui  aura 
le  choix  &  prendra  l'étendue  du  galet  qui  lui  fera  néceffaire  , 
fa  majefté  lui  attribuant  pour  le  furplus  toutes  les  préroga- 
tives &  Privilèges  accordés  par  ladite  ordonnance  de  1S81  , 
à  celui  dont  la  chaloupe  aborderoic  la  première  à  ladite  côte. 
Enjoint  fa  majcllé  au  gouverneur  6c  autres  ofF.c  ers  com- 
mandans  pour  ion  fervice  dans  ladi:e  île,  de  tenir  la  main 
à  l'exécution  de  ladite  ordonnance,  &:  aux  officiers  de  l'a- 
mirauté de\  la  faire  publier  &:  afficher,  afin  que  les  capi- 
taines defdics  bâiimens  n'en  prétendent  caufe  d'ignorance. 


50  PECHE. 

faud  du  crofr,  écrire  fur  l'affiche  ou  taVleau  le  jour 
de  leur  a' rivée ,  avec  déclaration  des  havres  ou 
galets  qu'ils  auroient  choifis. 

Mai»  comme  le  temps  de  faire  cette  déclaration 
n'é  oit  pas  fixé  ,  il  s'élevoit  fréquemment  entre  les 
p,;cheurs  des  contcftations  qui  étoient  affez  f©u- 
YiitK  fuivies  de  la  démolition  &  du  pillage  des 
échafauds. 

Pour  empêcher  à  l'avenir  de  pareils  dcfordres  , 
•il  a  été  rendu  au  confeil  d'état ,  le  3  mars  1684  , 
Un  arrêt  qui  a  ordonné  que  les  capitaines ,  maî- 
t,  es  Si  officiers  des  vaifleaux  françois ,  qui  iroient 
picher  aux  cotes  de  Terre-Neuve,  leroient  tenus 
de  faire  la  déclaration  dont  il  s'agit ,  une  heure 
après  leur  arrivée  (  i  ). 

(1)  Voici  C€[  arrê:  : 

Le  roi  s'étant  l'ait  reprérenter  ,  en  fon  confeil  ,  l'arrêt 
rendu  en  la  cour  de  parlement  de  Bretagne,  le  iç  mars 
loéi  ,  par  letiuel  ladite  cour  autoit  ordonné  que  les  ar- 
riclcs  contenus  en  la  dclibération  de  la  commwnai-té  de 
Saint  Maîo,  du  31  décembre  1*61 .  pottant  que  tous  les  vaif- 
feaux  qui  arriveronr  à  la  côte  du  Chapeau  Rouge  ,  en  1  î'e 
«le  Terre-Neuve,  pour  y  pêcher ,  feront  obliges  ,  dans  vingt- 
quatre  heures  aprcs  leur  arrivée  ,  de  choilir  le  havre  où  ils 
voudront  faire  leur  Pêche  &  fc'cherie,  oc  que  difenfes  fe- 
roiert  faites  à  toutes  perfonnes  d'abattre  ni  déiuolir  les  écha- 
fauds  ,  ni  le  faiiir  d'aucune  chofe  fervant  à  la.iite  Pèche,  ap- 
partenant à  d'autres  ,  enfemWe  les  articles  contenus  en  l'état 
du  7  avril  i  66i ,  contenant  le  nombre  d'hommes  que  chaque 
galet  ou  havre  peut  contenir  commodément,  feroient  exécu- 
tés ,  avec  d.fïnles  à  tous  propriétaires  de  vailTeau  ,  capitaines  , 
pilotes  &  autres  ,  d'y  contrevenir ,  à  peine  de  cinq  cents  livres 
d'amcrnle,  applicible  à  l'hôpital  de  la  ville  de  Saint-Malo  ; 
autre  arrêt  de  ladite  cour  du  24  avii]  ifiSi  ,  par  laquelle  elle 
autoit  ordonné  qu'en  exécutant  les  precédens  arrêts  ,  les  capi- 
taines ,  maîtres  &:  officiers  des  vaifleaux  déclareroient  par 
écrit ,  auili-tô:  leur  arrivée  ,  ou  au  plus  tard  une  hiure  après  , 
les  havres  ôf  gilets  où  ils  voudroieni  faire  leur  l'cchc  &:  fé- 
chcrie  ,  fclen  le  rang  &  ordre  de  leur  ari.éi  ,  &  que  l'a- 
mende de  cinq  cents  livres,  portée  par  J  airct  du  S  février 
lî'ii  .  Icroit  payée  par  les  capitaines,  maîtres  &  autres  OrTî- 
ciers  qui  auroient  ce  ntrevenu  feulement;  Se  fa  majefté  étant 
îrfjrmce,  que  quoique  lefdits  arrêts  du  pirlement  de  Breta- 
gne fcient  conformes  à  l'ordonnance  de  la  marine  du  mois 
d'août  163 1  ,  néanmoins  ils  for.t  prefque  demeuics  fans  exé- 
cution ,  &:  pluùeurs  négocians  de  la  ville  Je  Saint-Malo  &:  au- 
tres du  royaume  ,  refufent  d'y  obéir;  de  forte  qire  l'année  det- 
jiièreilya  eu  pluficurs  conteftations  entre  les  capitaines  & 
maîtres  de  navires  pour  le  choix  àçs  havres  &  galet?  ,  &  p-ef- 
que  tous  leséchafauds  du  Chapeau  Rouge  ont  été  rompus.  A 
quoi  voulant  pourvoir,  fa  majefté  étant  en  fon  confeil  ,  a  or- 
«'cnné  6c  ordonne,  que  conformément  à  l'ordonnance  de  Ja 
marine  du  mo^s  d'avril  kîSi  ,  &c  aux  arrêts  du  parlement  de 
Bretagne  ,  des  iç  mars  1  66z  hc  14.  avril  16?  i  ,  qui  feront  exé- 
tutés  félon  Itur  forme  &  teneur,  les  capitaines  ,  maîtres  &: 
ohîciers  des  vaifleaux  françois  qui  iror.t  pêcher  aux  côtes  de 
Terre  neuve,  feront  tenus  de  déclarer  p2r  écrit,  une  heure 
après  leur  arrivée ,  les  havres  ou  galets  qu'ils  auroient  choifis 
pour  faire  leur  Pêche  Jv-  fécherie,  fJon  leur  rang  &  ordre  de 
leur  arrivée,  avec  défcafcs  d'y  contrevenir  ni  démolit  au- 
cuns échatauds ,  loges  ou  autres  ouvrages  fervant  à  .'alite  Pê- 
che ,  à  peine  rie  cinq  censs  livres  d'cmende  ,  applicah'e  aux 
hôpitaux  des  lieux  d'où  les  \ai(Teaux  feront  partis ,  laquelle 
fera  payée  par  les  capitaines  ,  maîr.es  &  autres  officiers  qui 
«uront  contrevenu.  Fait  au  confeil  d'ctat  u  roi  ,  fa  majefte  y 
étant  ,  tenu  à  Veffaiiles  le  troilicme  jour  de  mirs  mij  fi,x  cent 
quauc-vingt  quatre.  Sipié ^  Colbert, 


PECHE. 

L'article  5  veut  que  le  capitaine  arrivé  le  pre* 
mier  fafle  garder  l'affiche  par  un  des  hommes  de 
fon  équipage,  qu'il  doit  faire  refter  fur  le  lieu  juf- 
quà  ce  que  tous  les  maîtres  y  aient  écrit  leur  décla- 
ration :  quand  cela  eft  fait ,  l'affiche  doit  être  re- 
mife  au  capitaine  arrivé  le  premier.  Elle  fert  a 
prouver  les  contraventions  de  ceux  qui  entrepren- 
nent fur  les  poAes  des  autres. 

Il  cû  défendu  ,  par  l'article  4  ,  à  tous  les  maîtres 
ou  mariniers,  de  s'établir  dans  un  havre  ou  de  s  ac- 
commoder d'un  galet  avant  d'avoir  fait  la  décla- 
ration dont  on  vient  de  parler,  &  de  troubler  au- 
cun maître  dans  le  choix  qu'il  aura  fait ,  à  peine  de 
500  livres  d'amende. 

L'article  ç  règle  ce  que  doivent'  obfcrver  les 
fiijets  du  roi  qui  vont  faire  la  Pèche  des  morues 
dans  la  baye  du  Canada.  Il  doit  y  être  obfervé  la 
même  police  que  celle  que  l'article  premier  apref- 
crite  relativement  à  ceux  qui  vont  faire  cette  Pêche 
aux  côtes  de  l'ile  de  Terre-Neuve.  Ceft  le  premier 
arrivé  dans  cette  baye  avec  fon  vaifTeau  ,  qui  eu  le 
maître  du  galet  pour  y  prendre  la  place  qui  lui  efl 
néceffaire ,  même  pour  y  marquer  fucceffivement 
aux  pêcheurs  qui  viennent  après  lui ,  celles  dont  ils 
ont  befoin ,  eu  égard  à  la  grandeur  de  leurs  vaif- 
feaux  &  au  nombre  des  gens  dont  ils  font  équipés. 

Il  eft  défendu  par  l'article  6,  au  gouverneur  ou 
capitaine  de  la  côte  ,  depuis  le  cap  des  Rofiers  juf- 
qu'au  cap  d'Elpoir  ,  Si  à  tout  autre  ,  fous  peine  de 
défobéiffance,  de  troubler ,  dans  le  choix  &c  la  dif- 
tribution  des  places  fur  le  galet ,  le  maître  qui  efl 
arrivé  le  premier  dans  la  baye. 

Il  efî  auffi  défendu  ,  fous  peine  de  500  livres 
d'amende ,  aux  maîtres  &  équipages  des  vaifTeaux 
qui  ariivent,  tant  aux  côtes  de  Terre-Neuve  qu'à 
la  baye  du  Canada ,  de  jeter  le  left  dans  les  havres, 
de  s'emparer  des  fels  &  huiles  qui  s'y  trouvent ,  & 
de  rompre  ,  tranfporter  ou  brûler  les  échafauds. 

Ces  chofes  doivent  appartenir  aux  maîtres  qui 
ont  choifi  les  havres  ou  galets  fur  Icfquels  elles  ont 
été  laifTées.  C'efl  ce  qui  réfulte  de  l'article  7. 

Il  eft  pareillement  défendu  par  l'article  8 ,  aur 
maîtres  &  équipages  des  vaifTeaux  ,  de  s'emparer 
des  chaloupes  échouées  furie  galet,  ou  laiiîées  dans 
la  petite  rivière  de  la  baye  des  morues,  fans  un 
pouvoir  fpécial  des  propriétaires  de  ces  chaloupes  , 
à  peine  d'en  payer  le  prix,&  de  5  olives  d'amende. 

Cependant  ,  fi  les  propriétaires  des  chaloupes 
n'en  faifoient  aucun  ufage  &  n'en  avoiert  pas  dif- 
pofé  ,  le  capitaine  le  premier  arrivé  pourroir,  fui- 
vant  l'article  9  ,  permettre  aux  pêcheurs  qui  en  au- 
roient befoin  ,  de  s'en  fervir  pour  faire  leur  Pêche  , 
à  condition  d'en  payer,  à  leur  retour  ,  les  loyers 
aux  propriétaires. 

Le  pécheur  quia  été  antoriféà  fe  fervir  de  quel- 
ques chaloupes  ,  doit  mettre  entre  Its  mains  du 
maître  qui  le  lui  a  permis  ,  ou  en  fon  abfence  ,  en- 
tre celles  du  capitaine  établi  fur  le  galet  voiHn  ,  un 
état  contenant  le  nombre  de  ces  chaloupés,  avec 
fa  fouoiiflion  d'en  payer  le  loyer  ,  même  de  les 


PECHE. 

remettre  au  proptlétaire ,  s'il  arrive  à  la  cSte ,  ou  à 
ceux  en  faveur  de  qui  il  aura  jugé  à  propos  d'en 
difpofer.  C'eft  ce  qui  réfulre  de  l'article  lo. 

Ce  pêcheur  eft  d'ailleurs  obligé  ,  fuivant  l'article 
n  ,  de  remettre  en  lieu  de  sûreté  ,  après  fa  Pêche  , 
les  chaloupes  dont  il  s'eft  fervi  ;  ce  qu'il  doit  jufti- 
fier  par  le  certificat  du  capitaine  qui  lui  a  permis  de 
faire  ufage  de  ces  chaloupes  ,  ou  par  celui  d'un 
autre  capitaine  qui  foit  encore  à  la  côte. 

On  demande  fi  le  propriétaire  deschaloupesétant 
inconnu  ,  le  loyer  du  par  celui  qui  s'en  cil  fervi  , 
doit  être  confidéré  &  partagé  comme  une  épave  ? 
Il  faut  répondre  que  non.  Ce  loyer  doit  être  mis 
dans  la  clafle  des  fels  &  des  huiles  ,  dont  parle 
article  7 ,  ce  qui  appartiennent  aux  maures  qui  ont 
choifi  les  galets  où  ces  fubftances  fe  font  trouvées. 

L'article  la  enjoint  au  capitaine  du  premier  na- 
vire arrivé  aux  côtes  de  Terre  Neuve  ou  dans  la 
fcaye  du  Canada  ,  de  dre/Ter  procès-verbal  de  tou- 
tes les  contraventions  à  l'ordonnance,  de  le  figner 
&  faire  figner  par  les  officiers  de  fon  équipage  ,  & 
àç  le  mettre  à  fon  retour  entre  les  mains  des  juges 
de  l'amirauté  ,  pour  y  être  pourvu. 

Il  eft  défendu  par  l'article  12,  aux  maîtres  des 
navires  qui  font  la  Pêche  des  morues  fur  le  banc  de 
Terre-Neuve  ou  dans  la  baye  du  Canada,  défaire 
voile  pendant  la  nuit,  à  peine  de  payer  le  dom- 
mage qu'ils  pourroient  caufer  s'ils  venoient  à  abor- 
der quelques  vai/Teaux ,  de  1 500  livres  d'amende  & 
de  punition  corporelle  ,  s'il  arrivoit  perte  d'homme 
dans  l'abotdage. 

Pour  prévenir  le  danger  du  feu,  le  roi  rendit,  le 
^3  juillet  1737,  une  ordonnance  par  laquelle  il  dé- 
fendit aux  gens  de  mer  de  l'équipage  des  navires 
dertinés  pour  la  Pèche  de  la  morue  ,  d'embarquer 
des  paillafles  &  d'autres  meubles  où  il  y  eût  de  la 
paille,  du  foin  ou  d'autres  herbes  fèches,  à  peine 
de  cinquante  livres  d'amende  ,  dont  moitié  appli- 
cable au  dénonciateur.  Ce  fut  un  navire  brûlé  dans 
la  rade  de  Saint-Malo  ,  par  le  moyen  d'une  pail- 
laffe  où  le  feu  avoit  pris ,  qui  donna  lieu  à  cette  or- 
donnance. 

Par  l'article  premier  du  titre  7  du  livre  cité,  le 
roi  a  déclaré  poiflbns  royaux  ,  les  dauphins  ,  les 
cHurgeons  ,  les  faumons  &  les  truites  ,  &  qu'en 
cette  qualité  ils  appartenoient  à  fa  majefté  lorf- 
qu'ils  étoient  trouvés  échoués  fur  le  bord  de  la  mer. 

Et ,  fuivant  l'article  2  ,  les  baleines  ,  marfouins  , 
veaux  de  mer ,  thons  ,  fouffleurs  &  autres  poi/Tons  à 
lard  ,  échoués  &  trouvés  fur  les  grèves  de  la  mer  , 
doivent  être  partagés  comme  épaves. 

Mais  lorfque  les  poiflbns  royaux  ou  à  lard  ont 
été  piis  en  pleine  mer,  l'article  3  les  attribue  aux 
gens  qui  les  ont  péchés  ,  fans  que  les  receveurs  du 
roi,  ni  les  feigneurs  particuliers  &  leurs  fermiers, 
puiÏÏent  y  prétendre  aucun  droit  ,  fous  quelque 
prétexte  que  ce  foit. 

En  conformité  de  l'article  premier  du  titre  8  du 
même  livre  5  .  il  doit  y  avoir  au  greffe  de  chaque 
amirauté  une  lifte  des  pécheurs  âgés  de  18  ans  &  | 


PECHE.  Çï 

au-deflus ,  qui  vont  à  la  mer,  dans  laquelle  (doivent 
être  fpècifiés  le  nom  ,  l'âge  &  la  demeure  de  cha- 
que pêcheur,  &  la  qualité  de  la  Pêche  dont  il  fe 
mêle. 

L'article  2  veut  que  le  premier  jour  de  carême 
de  chaque  année ,  les  deux  plus  anciens  maîtres  pé- 
cheurs de  chaque  paroiffe  envoyent  au  greffe  du 
fiége  de  l'amirauté,  dans  le  reffort  duquel  ils  réfi- 
dent ,  un  rôle  de  tous  ceux  de  leur  paroiffe  ,  de 
l'âge  de  la  ans  &  au-deffus,  qui  fe  mêlent  d'aller 
à  la  mer  pour  pêcher,  à  peine  de  dix  livres  d'a- 
mende folidaire  contre  les  anciens  maîtres. 

Cette  loi  ne  s'exécute  plus  dans  la  plupart  des 
amirautés  ,  à  caufe  faus  doute  que  l'objet  s'en 
trouve  rempli  par  l'obligation  oii  font  tous  les  maî- 
tres des  bâtimens  pécheurs  ,  de  prendre  chaque 
année  un  congé  de  l'amiral  de  France.  En  effet , 
comme  il  eft  défendu  par  les  réglemens ,  aux  dif- 
tributeurs  des  congés  de  l'amiral,  d'en  délivrer  à 
aucun  maître  de  bâtiment  de  mer,  qu'il  n'ait  dé- 
pofé  au  greffe  de  l'amirauté  un  double  de  fon  rôle 
d'équipage  ,  il  arrive  delà  que  l'on  connoît  à  l'ami- 
rauté ,  non-feulement  tous  les  pêcheurs  &  leurs 
matelots  de  l'âge  de  18  ans  &  au-dcffus,  mais  en- 
core les  jeunes  gens  qui  fervent  avec  eux  en  qualité 
de  moufles. 

Les  pêcheurs  de  chaque  port  ou  paroiffe  où  il  y 
a  huit  maîtres  &au-deffus,  doivent,  fuivant  l'arti- 
cle 4 ,  élire  annuellement  l'un  d'entre  eux  pour 
garde  juré  de  leur  communauté  :  ce  garde  doit 
prêter  ferment  pardevant  les  officiers  de  l'amirauté  , 
vifiter  journellement  les  filets  &  faire  rapport  aux 
officiers  des  abus  &  contraventions  à  l'ordonnance  , 
à  peine  d'amende  arbitraire. 

Lorfqu'il  y  a  moins  de  huit  maîtres  dans  une  pa- 
roiffe ,  ils  font  tenus  d'en  convoquer  des  paroiffes 
voifmes  ,  ou  de  fe  joindre  avec  eux  pour  procéder 
à  réieéîion  du  juré,  qui  doit  être  faite  fans  frais, 
préfens  ni  feftins  ,  à  peine  de  vingt  livres  d'amende 
contre  chaque  contrevenant.  Telles  font  les  difpo- 
fuions  de  l'article  y. 

L'article  6  veut  que  dans  les  lieux  où  il  y  a  des 
prud'hommes,  les  pécheurs s'affemblent  annuelle- 
ment pour  les  élire  pardevant  les  officiers  de  l'ami- 
rauté, qui  doivent  recevoir  le  ferment  des  élus, 
&  entendre  fans  frais  les  comptes  des  deniers  de 
leur  communauté. 

Il  y  a  à  Marfeille  des  particularités  remarquables  , 
relativement  aux  quatre  prud'hommes  que  les  pê- 
cheurs élifent  annuellement  entre  eux.  Auffitôt  que 
ces  prud'hommes  ont  prêté  ferment ,  ils  font  leurs 
juges  fouverains  pour  tout  ce  qui  concerne  la  po- 
lice de  la  Pêche. 

Ces  juges  exercent  leur  juriditîîion  d'une  manière 
auffi  fingutière  que  fommaire.  C'efl  le  dimanche  ,  à 
deux  heures  de  relevée  ,  qu'ils  donnent  audience. 
Le  pêcheur  qui  a  quelque  plainte  ou  demande  à 
former  contre  fon  confrère,  au  fujet  de  la  Pêche 
lui  fait  donner  aflîgnation  par  k  garde  de  la  com- 

Gij 


5^ 


PECHE. 


?c 


ruinante,  &  met  pour  cela  deux  fous  dans  nnc 
fccîte. 

Le  dimanche  fuivant,  le  défendeur,  avant  de 
plaider,  met  aiiffi  deux  fous  dans  cette  boîte,  & 
ce  font-là  toutes  les  épices  des  juges.  Enfuite  les 
deux  parties  ,  fans  être  affilées  ni  d'avocat  ni  de 
procureur  ,  difent  leurs  raifons  ,  &  les  prud'hom- 
mes prononcent  en  conféquence  un  jugement  qui 
doit  s'exécuter  fur-le-champ  ,  fmon  le  garde  va 
faifir  la  barque  Se  les  filets  de  la  partie  condamnée  , 
ui  ne  peut  obtenir  main-levée  ,  qu'en  payant  la 
bmme  ou  l'amende  énoncée  dans  la  condamnation. 

Si  l'exécution  d'un  jugement  rendu  par  les  pru- 
d'hommes, étoit  empêchée  par  voie  de  fait  ,  le 
fous-viguier  feroit  tenu  de  faire  lever  l'obûacle 
par  Tes  fergens  fur  la  réquifition  des  prud'hommes  , 
à  peine  de  çoo  livres  d'amende. 

Cette  fingulièrejuridi^lion  a  été  établie  en  1452 
par  le  roi  René  ,  comte  de  Provence.  Elle  a  depuis 
été  confirmée  par  différentes  kttres-patentes  des 
rois  Louis  XII',  Ftançois  I ,  Henri  II ,  Charles  IX  , 
Louis  XIII ,  Louis  XIV  S:  Louis  XV  ,  &.  enfin  par 
im  arrêt  du  confeil  du  16  mai  1738(1). 

Cet  arrêt  a  été  rendu  au  fujet  du  refus  que  les 
pêcheurs  catalans  ,  fréquentans  les  mers  de  Mar- 
feille  ,  avoient  fait  de  reconnoître  la  juridiflion 
«les  prud'hommes  ,  en  s'adreflant  à  l'amirauté  de 
Marfeille  ,  Si.  fur  l'appel  au  parlement  d'Aix,  pour 

(  I  )  Fb/cf  ce  (juil  porte  : 

Le  rci  ttant  en  Ion  confeil,  faifant  ciroit  fur  !s  tout,  fans 
aToir  c'gird  à  la  (entencede  rainirautc  Je  .Maifeille  du  9  dé- 
ceir.Ir.e  Ijî  ,  q  le  fa  majelh'- a  cafll-c  ,  rtvcquée  &  annulhe  , 
te  a  couc  ce  qui  s'en  eft  cnfuivi,  a  maintenu  &:  confirme  Its 
jicu.i'homnies  élus  en  la  manière  accoututnce  par  la  comma- 
«aucj  des  pattcrs  pécheurs  de  la  ville  de  Marfeillc,  &  ce, 
fuivaitôc  confoimcnient  à  k'Uis  titres,  dans  1;  droit  de  con 
noître  ("culs,  dans  l'ctendue  des  tnets  de  Marfeilie  ,  de  la  po- 
lice de  la  Pèche  ,&:  de  juger  foiivcrainement ,  fans  forme  ni 
fgiue  d."  procii  &•  fans  écritures  ,  ni  appeler  avocats  ou  pro- 
eureiKs ,  les  contiaventions  à  i.i  Jite  police  ,  par  quelques  pê 
cheurs  ,  foit  frjnçois  ou  étrangers  ,  fréi^u:ntans  Icidites  mers  , 
<]u'elles  foitnt  conunifes  ,  &:  tous  les  difltrens  qui  pcuvem 
naître  à  l'occihon  de  ladic  profefiion  etuie  icfdits  pccheuts. 
Fait  fa  majedc  défenfes  aux  offkiers  de  l'amirauté  de  Mar- 
feille,  Ôc  à  toutes  fes  cours  £>:  juges  ,  de  prendiC  connoilTance 
de  ladite  police  &  defdits  dilK-renJs  •  &:  à  cols  pêcheurs  de  fc 
pourvoir,  pour  rai:or;  d'iccux  ,  ailleurs  que  pardevant  lefdits 
prjd  hommes  ,  à  p.-ine  de  n.illrcé  ,  caf'a.ion  de  procédures, 
quirzi  cents  livres  d'amende  ,  &:  de  tovis  dépens,  dommage, 
i..'  intérêts.  Ordonne  fa  majefté  que  l'-irrè:  de  fon  confeil  dr, 
*  mars  T 728,1  poriant  homologation  de  la  délibtration  piii- 
par  les  prud-hommes  defdirs  patrons  pécheurs  d;  la  ville  de 
>larl.:ille,  du  1  décembre  1715  ,  pour  l'inipolîtion  de  la  demi 
pire,  &:  celui  du  13  décembre  1715,  ccnccrn^nt  !a  Itvéc  dir 
ïadlte  impolition  ,  feront  exécutés  félon  leur  forme  &:  teneur  : 
&:  en  conféquence,  que  les  pécheurs  catalans  fréquenrans 
lefdites  nicrii,  feront  &:  demeureront  afTujettis  ,  de  «ncine  qut; 
les  autres  pêcheurs  étrangers,  tant  qu'ils  vienitonc  à  Niarfeiile 
J5c  en  Provence,  le  produit  de  leurs  Péc!ies  au  payement  dj 
ht  demi  pa-rt  ,  de  la  mar.ijrc  &  ainfi  qii'il  ell  porté  par  lefdirs 
anc**,  &:  fur  le  u.plus  des  doirai  des  oc  contciiations  des  par- 
Hes  ,  fa  raajeiléks  a  miles  hors  de  cour  &:  de  procès,  hait  su 
coivf'erl  d'état  dis  roi ,  fi  majellé  y  étant  ,  tenu  à  Verfailles  le 


PECHE. 

être  dîfpenfés  de  contribuer  aux  charges  de  la 
communauté  des  pécheu ;  s  :  l'arrêt  cité  a  cafié  Sc 
annuliéla  fentence  rendue  par  l'ami-rautéle  9  dé- 
cembre 1715,  &  tout  ce  qui  s'en  étoit  fuivi ,  Se  a 
maintenu  les  prud'hommes  dans  leur  droit  de  ju- 
ridiflion  fouveraine,  avec  défenfe  à  tous  juges  de 
connoître  des  caufc=  foumifes  à  leur  décifion  ,  a 
peine  de  nullité,  de  1500  livres  d'amende ,  &  de 
tous  dépens  ,  dommages  &  intérêts^ 

Obfervez  néanmoins  i".  que  le  droit  accordé  aux 
prud'iiommej  pécheui  s  de  connoître  des  contraven- 
tions commifes  par  les  pêcheurs  contre  la  police 
de  la  Pèche,  n'empêche  pas  que  le  procureur  du 
roi  de  ramirauté  ne  puiffe  pourfuivre  les  contreve- 
nans ,  non  feulement  au  criminel ,  lorfqu'il  y  a  lieu 
d'inflruire  une  procédure  extraordinaiie  ,  mais  en- 
core par  aflion  civile  ,  lorfque  la  contravention  n'a 
pas  été  déférée  aux  prud'hommes  ,  ou  qu'ils  ne 
l'ont  pas  punie. 

2".  Q^ue  le  droit  qu'ont  les  prud'hommes  de  con- 
noître des  conteflations  qui  s'élèvent  entre  les  pê^ 
cheurs  au  fujet  de  leur  profelïion  ,  ne  les  affran- 
chit ni  de  la  juridiâion  de  l'aniiiauré  ,  ni  de  celleS' 
des  juges  ordinaires  ,  dans  les  affaires  indépendan- 
tes de  leur  profcffion. 

3°.  Que  ce  droit  des  prud'hommes  n'empêche 
pas  qu'ils  ne  foient ,  ainfi  que  tous  les  pécheurs  , 
uijcts  à  la  police  de  l'amirauté  ,  (oit  pour  la  vifite 
de  leurs  filets  &  la  confifcation  de  ceux  qui  fe  trou- 
vent prohibés ,  foit  pour  les  contraventions  qu'ils 
peuvent  commettre  contre  les  ordonnances  &  ré- 
glemens  concernant  la  Pèche. 

Foye:^ ,  avec  Us  lois  citées  dans  cet  article  ,  les  di/^ 
fé-ens  commentaires  publiés  fur  V  ordonnance  des  euux 
&  forêts  du  mois  X.iaîit  1669  »  6»///^  Celle  d^:  la  nzarim 
du  mois  d'août  1681.  Voyez  uufîl  les  articles  de 
Bouchot  ,  Garde-Peche  ,  Rapport  ,  Poisson  ,, 
Bouée  ,  &c. 

PÉCULAT.  C'efl  un  crime  qui  eft  devenu  très- 
commun  en  France  ,  quoiqu'on  fe  foit  efforcé  de  le- 
profcrire  par  les  ordonnances  les  plus  févères  (  i  )» 
Tout  dépofraire,  tout  rece\eur  de  deniers  û:.  roi 
qui  fe  permet  d'en  difpofer,  foit  pou.r  Tes  affaires- 
perfonnelles,  foit  pour  fubvenir  au  befoin  dun au- 
tre, fe  rend  coupable  de  ce  crime  ,  Sc  s'expofe  à 
une  peine  très-ngouretife.  L'argent  qu'il  a  reçu  ,  & 
dont  il  ef^le  gardien  ,  doit  être  pour  lui  fi  facré,  qu'il 
n'y  a  aucun  cas  où  il  foit  excufable  de  s'en  ctre 
fcrvi.  Le  befoin  le  plus  preffant  ne  peut  jamais  l'y 
avitorifer  :  mais  il  eft  bien  plus  coupable ,  lorf  ]ue  , 
tourmenté  par  le  défir  de  s'enrichir ,  il  a  la  témérité 
d'employer  ces  fonds  qui  appartiennent  à  l'état, 
pour  des  entreprifes  qui  lui  fort  perfonnelles  ,  ou 
pour  en  retirer  un  intérêt  quelconque. 

En  vain  chercheroit-il  à  pallier  fon  infidélité  ,  cri' 
difant  qu'il  a  une  fortune  confidt'rable  qui  répond 
des  emprunts  fiits  à  fa  calffe  ;  i!  rr'tn  a  pas  moin» 
prévariqué  8i.  trahi  la  confiance  du  fouvcrain  ,  dont 

^v)  Il  vient  «lu  mot  Fcçulatas ,  iiuaji' gicmiic  tblaônr 


PÉCULAT. 

îl  reçoit  des  gages  pour  réunir ,  pour  conferver 
fcrupuleuferaent  les  deniers  dont  il  eft  dépolitaire  , 
jufqu'au  moment  où  il  recevra  des  ordonnances 
tirées  fur  lui  par  le  chef  auquel  il  doit  rendre  les 
comptes.  Et  en  effet ,  qui  lui  a  alTuré  que  demain  , 
qu'auiourd'iiui ,  une  opération  imprévue  n'exigera 
pas  qu'on  retire  de  fcs  mains  tout  l'argent  qui  lui  a 
été  coiiiîé  ?  Comment  pourra-t-il  raflembler,  dans 
un  moment,  toutes  les  efpèces  qu'il  s'eft  permis  de 
difperfer  ?  Il  par'.e  de  fa  fortume  ,  qui  ell ,  dit-il, 
vue  sûreté  pour  l'état  contre  les  banqueroutes  & 
les  pertes  qu'il  pourroit  effuyer  ;  mais  û  fa  fuperbe 
habitation  alloit  devenir  la  proie  des  flammes,  fi 
des  procès  alloient  jeter  de  l'incertitude  fur  fespof- 
feffions  ,  faudroit-il  que  l'état  fût  vifrime  de  fes 
malheurs  ©u  des  jugemens  dont  il  aiiroit  n  fe 
plaindre  ? 

Enfin,  s'il  efl  contre  la  probité  d'expofer  des 
fonds  qui  ne  nous  appartiennent  pas,  fans  l'aveu 
de  celui  qui  nous  les  a  connés  .  il  eft  bien  plus  mal 
encore  de  le  faire  contre  fa  volonté  cxpreiTe ,  6i. 
lorfque  nous  fommes  payés  pour  n'en  pas  lailTer 
échapper  une  parcelle  fans  fon  ordre. 

Le  tréforier  public  doit  confidérer  fa  caiffe  com- 
me une  fortc'reiTe  dont  chaque  écu  eft  un  prifon- 
nier  mis  fous  fa  garde. 

La  loi  Julia,  chez  les  Romains,  comprenoit , 
fous  le  nom  de  Peculat ,  deux  crimes  qui,  à  nos 
yeux  ,  font  bien  différens  ;  le  vol  des  Utniers  publics , 
&  celui  des  ch^fes  fuintis.  Peut-être  penfoit  on  que 
l'argent  de  la  république  étoit  aufîi  facré  que  ce  qui 
étoit  deftiné  au  culte  divin  &  aux  cérémonies  reli- 
gieufes ,  8c  que  celui  qui  touchoir  à  l'un  ou  à  l'autre, 
commettoit  également  un  facrilége. 

La  peine  du  Péculat  a  beaucoup  varié  chez  ce 
peuple  légiflateur.  Par  la  conftitiirion  des  cmperekrs 
Guticn  &  Vdlentinien  ,  les  officiers  qui,  dans  la 
foniHion  de  leurs  charges,  déroboient  les  deniers 
publics  ,  dévoient  être  dégradés  de  leurs  offices  ,  &c 
réduits  à  la  condition  des  derniers  du  peuple  ,  fans 
pouvoir  jamais  afpirer  à  aucune  dignité. 

Par  les  lois  i  &  2  du  code  Théodofien ,  les  ma- 
giftrats  ou  gouverneurs  de  province  &  receveurs 
qui  avoienr  fouflrait  les  deniers  publics,  ou  favo- 
rite la  fouftraftion  faite  par  d'autres  pendant  leur 
adminiftration .  étoient  condamnés  au  banniffement, 
aux  mines  ,  &  même  à  la  mort.  L  uU.  ThsoJof.  de 
criminc  Ptculatûs  ,  ubi  nomine  capitalis  p<ena  ulti- 
mum  fupplicium  inteltigititr,  quia  ubi  dicitnr  eas  fcve- 
rijjimâ  animiidverjîone  cocrciti. 

Après  la  mort  de  Théodofe  le  Grand  ,  fon  petit- 
fiîs  ajouta  :  u  que  ceux  qui  auroient  aidé  de  leur  mi- 
J7  nifîère  les  officiers  ,  pour  dérober  les  deniers  pu- 
»  blics,  encourroient  la  même  peine  qu'eux;  & 
»  qu'à  l'égard  des  fîmples  citoyens  romains  qui 
r  n'aiiroient  pas  été  en  fituation  de  commettre  au- 
r>  cun  abus  de  pouvoir  ,  ils  fcroient  feulement  con- 
r  "'amnésàla  déportation  (^ccû-k-dire .  déchus  du 
ïj  droi:  de  citoyen  romain  )  &  à  ta  coafifcation  de 


PÉCULAT.  53 

»»  leurs  biens ,  s'ils  étoient  convaincus  d'avoir  volé 
»  les  deniers  publics  ». 

Par  une  loi  de  Léon,  furnommé  le  Philofop/ie , 
la  peine  capitale  pour  le  Pcculat  fut  abfolument 
abrogée.  Tous  les  coupables  furent  indiftinikment 
déchus  du  droit  de  citoyen  romain  ,  &  condamnés 
à  la  rtfiitutlon  du  double. 

Dans  ce  temps,  oli  le  plus  beau  titre  que  l'hom-, 
me  piit  porter  étoit  celui  de  citoyen  romain  ,  com- 
bien la  privation  de  ce  titre  devoit  être  une  peine 
affreufe  l 

On  avoit  d'abord  fait  une  diftinflion  entre  celui 
qui  déroboit  les  deniers  d'uae  ville  ,  &  le  coupable 
qui  voloit  ceux  de  l'état  :  la  raifon  qu'on  en  don- 
noit  étoit ,  quia  pecunia  civitatis  propriè  publica  non 
ejî.  Par  la  fuite  on  a  fenti  que  les  intérêts  particuliers 
de  toutes  les  villes  qui  forment  un  empire  ,  ne  peu- 
vent pas  être  divifés  de  l'intérêt  public  ,  &  il  a  été 
décidé,  par  les  conftitutions  des  empereurs ,  que 
ces  deux  fortes  de  Péculats  feroient  punis  de  même. 

Toutes  ces  variations,  toutes  ces  modifications 
prouvent  l'embarras  où  font  les  légiflateurs  les  plus 
ùges  de  trouver  le  juftc  point  de  punition  contre 
le  crime  qu'ils  veulent  arrêter;  ils  commencent  par 
lui  oppofer  la  crainte  de  l'indigence  ,  de  la  capti- 
vité ,  l  image  des  fuppiices  ,  &  l'efTroi  de  la  mort» 
La  multitude  des  coupables,  groffie  par  l'intérêt , 
leur  fait  fentir  enfuite  l'impuiflance  de  ces  tliâti- 
mens.  La  nécelTité  de  détruire  ou  de  faire  gémir 
tant  de  criminels ,  ajoute  encore  au  malheur  que 
produit  le  crime.  On  eflaye  alors  des  moyens  plus 
modérés  &  plus  relatifs  au  délit.  Un  receveur  des 
deniers  publics  fe  permet  d'y  toucher ,  ou  pour 
éblouir  fes  concitoyens  par  fon  luxe,  ou  pour 
groffir  fa  fortune.  En  le  faifant  defcendre  dans  la 
claiTe  inférieure  ,  à  celle  des  fimples  citoyens  ,  en  le 
condamnant  à  reftituer  le  double  de  ce  qu'il  a  dé- 
robé ,  11  eft  puni  ,  &  dans  fon  orgeuil ,  &  dans  fat 
cupidité  ;  voilà  donc  le  véritable  degré  de  juftice 
faifi.  La  loi  n'a  point  répandu  le  fang  du  coupable, 
parce  qu'il  n'en  a  point  verlé.  La  république  a 
perdu  un  citoyen  ;  mais  elle  ne  peut  pas  le  re- 
gretter ,  puifqu'il  trahiflbit  fa  confwince  &  immo- 
loit  l'intérêt  général  à  fon  intérêt  particulier.  Le 
citoyen  n^eft  plus ,  mais  l'homme  rcfte  au  milieu  de 
ceux  qui  le  font  encore  ,  pour  leur  fervir  d'exem- 
ple, &  leur  prouver  que  l'amour  de  l'argent ,  an 
lieu  de  conduire  à  la  fupériorité  &  à  l'opulence, 
fait  fouvent  defcendre  celui  qui  s'y  livre  à  l'abailTe- 
ment  &  à  la  pauvreté. 

On  rencontre  dans  nos  ordonnances  fur  h  pu- 
nition du  Péculat ,  la  même  inftabilité  que  dans  les 
décifions  des  empereurs.  La  plus  ancienne  qui  ait 
paru  en  France  fur  ce  crime,  eft  du  mois  de  juiii 
1532;  elle  porte  :  <c  que  tous  financiers,  de  quef-» 
n  que  état  ou  qualité  qu'ils  foienr,  qui  fe  trouve- 
V  ront  avoir  falfiné  acquits,  quittances  , comptes 
»  &  rôles  ,  foienc  pendus  n. 

Par  l'article  6  qui  fuit ,  le  roi,  «  entend  que  rar- 
»  ^ent  de  fes  finances  ne  foit  employé  à  autre 


Î4 


PÉCULAT. 


ï)  chofe ,  fi  ce  n'eft  à  fes  affaires  ;  &  par  ainfi  ,  eft-11 
«  ajouté,  s'il  fe  trouve  quelqu'un  maniant  fes  fi- 
»♦  nances  ,  qui  prête  fes  deniers  ,  les  billonne  ,  les 
j»  baille  à  ufure ,  les  mette  en  marchandife  ,  les 
»  applique  à  fon  profit  particulier,  ou  les  conver- 
«  tifle  en  autre  chofe  que  les  commiffions  ,  les  or- 
M  donnances  &  leurs  offices  portent,  ils  foient  pu- 
n  nis  de  la  même  peine  que  ci-deljus  ». 

Cette  ordonnance,  qui  ne  fut  point  exécutée, 
parce  qu'elle  avoit  feulement  été  adreflee  à  la  cham 
bre  des  comptes ,  &  n'avoit  point  été  enregiftrée 
au  parlement,  manquoit  de  cette  équité  fagement 
graduée  ,  qui  caraûérife  les  bonnes  lois.  Punir  éga- 
lement de  la  peine  de  mort  le  tréforier  qmi  a  prêté 
l'argent  du  roi  à  ufure  ,  &  celui  qui  l'a  prêté  fans 
intérêt  ;  celui  qui  a  falfifîé  des  quittances  ou  des 
comptes  ,  &  celui  qui  a  fait  de  l'argent  du  roi  un 
ufage  différent  de  l'ordre  porté  en  fes  commiffions, 
c'étoit  confondre  un  intérêt  fordide  ,  avec  unebicn- 
faifance  téméraire  ,  le  crime  de  faux  avec  la  fimple 
défobeiffance  ;  &  il  y  a  pourtant  des  différences 
bien  fenfibles  entre  ces  diverfes  prévarications . 

En  1545,  François  premier  publia  une  féconde 
ordonnance  enregifirée  au  parlement  &  à  la  cham- 
bre des  comptes  :  celle-ci  porte  :  «  que  le  crime  de 
«  Péculat  fera  puni  par  la  coniîfcation  de  corps  8c 
ï>  de  biens;  que  fi  le  délincfuant  ejl  noble,  il  fera 
«  privé  de  noblefle  lui  &  fes  defcendans  ». 

Cette  loi  ,  moins  févére  que  la  première,  feroit 
peut-être  encore  plus  équitable,  fi  la  confifcation 
de  corps  ne  devoir  avoir  lieu  que  dans  le  cas  où 
celle  de  biens  ne  fuffiroit  pas  pour  payer  ce  que 
le  coupable  auroit  détourné,  &  l'amende  pronon- 
cée contre  lui  ;  alors  fa  perfonne  feroit  faifie  com- 
me la  caution  ,  comme  le  gage  de  l'état. 

Quant  à  la  dégradation  de  nobleffe  ,  toucher  à 
l'argent  d'un  autre  eft  une  aftian  fi  baffe,  fi  vile  , 
que  celui  qui  l'a  commife  doit  avoir  abfolument 
terni  pour  lui  l'éclat  de  la  nobleffe  que  fes  ancêtres 
lui  avoienttranfmife  ;il  ne  pourroit  plus  que  désho- 
norer l'ordre  auquel  il  fe  vantoit  d'appartenir.  Mais 
dans  un  état  où  la  nobleffe  eft  acquife  à  l'enfant  au 
moment  où  il  a  reçu  le  jour.d'un  noble  ,  peut-être 
n'eft-il  pas  juffe  que  cet  enfant  foit  tout-à-coup  dé- 
pouillé d'un  bien  dont  il  étoit  déjà  en  poffeffion , 
parce  que  fon  père  a  prévariqué.  Il  nous  femble  que 
tout  enfant  né  noble  ne  doit  ceffer  de  l'être  que  pour 
fon  propre  fait.  Ce  ne  devroit  donc  être  que  du 
jour  où  un  coupable  auroit  été  dégradé  lui  Si  fes 
defcendans  ,  qu'il  ne  lui  feroit  plus  poffiblc  de  don- 
ner le  jour  à  des  gentilshommes  ,  parce  que  ,  de  ce 
moment,  la  fource  de  nobleffe  auroit  été  tarie 
en  lui. 

Il  feroit  trop  long  d'analyfer  ici  les  ordonnances 
de  Charles  IX  &  de  Louis.  XllI  fur  le  Péculat.  La 
première  paroît  avoir  plus  gradué  les  peines  fur  la 
qualité  du  coupable  &  fur  les  circonftancesqui  ca- 
r^âérifoient  fon  infidélité  ;  la  féconde  né  fait  que 
renouveler  ce  que  les  autres  ont  prononcé. 

Ea  1791 ,  parut ,  contre  le  Péculat,  une  décla- 


PÉCULAT. 

ration  d'une  févérité  effrayante ,  8c  pour  les  cou- 
pables ,  &  même  pour  les  juges  :  elle  déclare  vou- 
loir que  «  les  acculés  reconnus  coupables  de  Pecu- 
j>  lat  foient  punis  de  mort ,  fans  que  les  juges  puif- 
j»  fent  modérer  cette  peine,  à  peine  d'interdiftion  ' 
»>  &  de  répondre  en  leurs  noms  des  dommages  & 
j>  intérêts  ». 

La  preuve  que  l'effet  des  lois  n'eft  pas  ,  à  beau- 
coup près  ,  en  raifon  de  leur  rigueur  ,  c'eft  qu'en 
1716  le»  infidélités,  les  déprédations  que  commet- 
toient  les  tréforiers,  les  caiffiers  ,  les  gens  de  finan- 
ces, s'étoient  multipliées  à  un  tel  point,  malgré 
cette  ordonnance  de  1701,  qu'on  crut  néceffaire 
de  créer  une  chambre  ,  appelée  la  chambre  de  juf' 
tice  ,  comme  fi  toutes  les  autres  n'euffent  été  que  des 
chambres  d'indulgence.  Ce  fut  une  efpèce  de  flam- 
beau, à  la  lueur  duquel  on  nevoyoit  plus  que  des 
coupables  tremblans,  des  familles  alarmées.  L'effroi 
fut  fi  univerfel,  qu'il  fallut,  pour  raffurer  les  ef- 
prits  ,  convertir,  par  une  déclaration  du  18  feptem- 
bre  1716,  en  peines  pécuniaires,  les  peines  capitales 
ou  affiiélives  que  l'édit  du  mois  de  mars  précédent 
avoit  permis  aux  juges  d'infliger. 

En  1717  ,  cette  chambre  fut  fupprimée,  &  une 
amniflie  générale  ramena  la  fécurité  dans  l'ame  de 
tous  les  comptables. 

Depuis  l'anéantiffement  delà  chambre  de  juftice , 
les  cours  fouveraines  ont  rendu  piufieurs  jugemens 
fur  des  accufations  de  Péculat  ;  les  coupables  ont 
été  condamnés  ,  les  uns  à  l'amende  honorable  , 
d'autres  au  baniffement. 

Centre  quelques-uns  ,  la  peine  des  galères  limi- 
tées ,  ou  même  des  galères  à  perpétuité,  a  été  pro- 
noncée ;  ce  qui  annonce  combien  l'inffabilité  de  la 
loi,  fur  un  même  point,  fait  régner  d'incertitude 
&  d'arbitraire  dans  les  décifions  les  plus  importan- 
tes ,  &  qui  doivent  être  les  plus  invariables. 

Les  criminalifles  ,  qui  rangent  dans  la  claffc  des 
coupables  de  Péculat ,  ceux  qui  donnent  ou  qui 
reçoivent  de  l'argent  pour  ne  pas  preffer  les  comp- 
tables ,  font  trop  févères  :  mais  il  feroit  bien  plus 
injufte  de  juger  comme  tels  ,  indiftinâement ,  tous 
ceux  qui  font  des  omijfions  ,faux  ou  doubles  emplois  , 
faujfes  rtprifis ,  comme  le  prétend  le  dernier  éditeur 
de  la  colleâion  de  jurifprudence,  à  moins  d'avoir 
la  preuve  que  ces  omiflîons  ou  doubles  emplois  ne 
proviennent  pas  de  l'oubli,  mais  de  la  fraude^  ce 
qui  eft  prefqu'impoffible  à  conftater. 

Une  ordonnance  du  14  juin  1531  ,  condamnoit 
ceux  qui  avoiciu  gagné  beaucoup  d'argent  au  jeu 
avec  les  receveurs  des  deniers  du  roi ,  à  renc^re  cet 
argent ,  &  à  la  peine  du  double.  Quelque  fage  que  fût 
cette  loi  ,  il  étoit  diflicile  de  l'exécuter ,  à  moins 
que  le  gain  n'eût  été  fait  par  les  mêmes  perfonnes 
dans  un  délai  très-court ,  &  dans  un  lieu  oà  l'état 
de  ceux  qui  fe  raffemblent  pour  jouer  fût  connu 
de  tous. 

Une  autre  déclaration  qui  feroit  encore  d'une 
exécution  difficile,  c'eft  celle  qui  condamne  les 
perfonnes  qui  ont  reçu  de  la  main  des  comptables  dt» 


PÉCULAT. 

dtn'urs  t^i^ïlt  n'ignorent  pas  appartenir  au  rot ,  à  les 
rendre  avec  le  quadruple.  Comment  convaincre  un 
homme  qu'il  favoit  que  l'argent  dont  un  comptable 
lui  a  fait  préfent  ne  lui  appartenoir  pas,  &  appar- 
tenoit  au  roi?  Aujourd'hui  les  héritiers  ou  donatai- 
res des  tréforiers  ,  financiers  ,  redevables  envers  le 
roi ,  font  feulement  condamnés  à  reflhuer  jufqu'à 
concurrence  de  ce  qui  eft  dû  par  celui  qui  les  a  en- 
richis de  deniers  qui  ne  lui  appartenoient  pas.  Cette 
jurifprudence  eft  plus  équitable,  en  ce  qu'elle  n'o- 
blige les  donataires  à  rapporter  que  ce  qu'ils  n'au- 
roient  jamais  touché ,  fi  le  donateur  eût  été  irrépro* 
chable  dans  fes  fondions. 

Par  une  déclaration  du  7  février  170S  ,  rendue 
contre  les  coUeâeurs  des  tailles  ,  il  eft  dit  :  «  «{ue 
M  ceux  qui,  ayant  touché  aux  deniers  de  leur  col 
»  lefle  ,  ne  les  rapporteront  pas  dans  la  qmnzune 
■n  du  jour  que  la  vérification  aura  été  faite  ,  feront 
y>  condamnés  au  carcan  &  au  fouet ,  &  même  aux 
M  galères,  lorfque  le  divertilTement  fera  de  plus 
Vf  de  cent  cinquante  livres,  dans  les  paroiftés  im- 
»  pofécs  à  cinq  ceus  livres ,  ou  de  pl-us  de  trois 
i>  cens  livres  ,  dans  les  paroiffes  impofées  à  plus 
M  de  cinq  cens  livres  ^^ 

En  ne  confiant  cette  recette  qu'à  des  habitans 
qui  aient  en  fonds  de  terre  au  moins  la  valeur  de 
la  fomme  à  laquelle  cette  recette  peut  monter , 
il  feroit  poffible  de  les  contenir  par  la  crainte  de 
payer  une  forte  amende,  &  de  voir  leurs  héritages 
confifqués  au  profit  du  roi. 

En  employant  des  malheureux  qui  n'ont  que 
leur  liberté  &  leur  perfonne,  on  fe  met  dans  la 
néceffité  ,  pour  ne  pas  laifter  le  crime  impuni,  de 
prononcer  des  pemes  corporelles.  L'impuilTance 
de  punir  utilement  pour  l'état ,  rend  cruel  envers 
le  coupable  indigent.  Sa  faute  &  fon  malheur  pro- 
viennent fouvent  de  ce  qu'on  a  trop  expofé  fa  mi- 
sère à  la  tentation  de  fe  foulager  aux  dépens  de  la 
juftice;  &  alors  il  eft  puni ,  moins  pour  avoir  été 
criminel ,  que  pour  n'avoir  pas  eu  le  courage  de 
la  vertu. 

L'article  8  de  l'ordonnance  de  1670  ,  fait  en 
faveur  des  accufés  du  crime  de  Péculat,  une  ex- 
ception pai'titulière  ;  il  permet  aux  juges  de  leur 
accorder  un  confeil  après  leur  interrL'gatoin.  Il  n'eft 
pas  aifé  de  deviner  pourquoi  ce  fecours  ,  qui  fera 
fans  doure  un  jour  accordé  indiftindement  à  tous 
les  accufés  ,  parce  que  la  raifon  &  l'humaniré  le 
follicitent  pour  eux  ,  a  paru  au  légillateur  ne  de- 
voir être  toléré  que  pour  ceux  qui  femblent  en 
avoir  le  moins  befoin.  En  effet,  pert'onne  ne  (Àt 
mieux  qu'un  caiflier,  qu'un  receveur,  s'il  a  efTefli- 
vemcnt  touché  l'argent  dont  il  eft  chargé  en  re- 
cetre  ,  8c  quel  emploi  il  en  a  fait. 

Le  crime  de  Péculat ,  fuivant  le  fentiment  de 
plufieurs  auteurs  ,  ne  fe  prefcrit  que  par  vingt  ans. 
D'autres ,  tels  que  Corbin  en  (es  loix  de  France  , 
veulent  que  ce  crime  fe  prefcrive  par  cinq  ans  : 
il  faudroit  au  moins  diftnguer  celui  qui  laifte  des 
ttaces  par  écrit ,  de  celui  qui ,  s'étànt  manifefté  feu- 


PÉCULAt.  î^ 

lement  par  des  a£lions  paiTagères ,  ne  peut  plus  (c 
prouver  que  par  témoins. 

Il  eft  d'une  belle  légiflation  d'abréger  les  follici- 
tudes  des  citoyens ,  &  de  ne  pas  fufpendre  fur  leur 
tête  ,  pendant  le  cours  de  leur  vie  ,  la  crainte  d'une 
accufation  criminelle  &  le  danger  d'une  peine  ca- 
pitale ou  infamante. 

Suivant  l'édit  du  mois  de  mars  1716  ,  ra<^ion 
civile  pour  le  Péculat  s'étei.d  jufqu'à  trente  ans. 

Lacombe  ,  dans  fon  traité  des  matières  crimi- 
nelles,  &  Theveneau  dans  fon  commentaire  fur 
les  ordonnances ,  font  d'avis  que  trois  témoins , 
dépofant  de  trois  faits  finguliers  ,  valent ,  dans  une 
information  fur  le  crime  de  Péculat ,  autant  qu'uit 
témoignage  entier  :  mais  ces  diftinâions  fubtiles 
font  toujours  dangereufes  à  adopter.  Lorfqu'il  s'a- 
git d'infliger  à  un  accufé  une  peine  qui  lui  fafte 
perdre  l'honneur  ou  la  vie  ,  la  Juftice  ne  doit 
pas  varier  fur  la  force  des  preuves ,  de  quelque 
crime  qu'il  foit  queftion.  Si  elle  exige  dix  témoins 
de  faits  particuliers  fur  l'accufation  de  l'ul'ure  ,  qui 
fe  commet  toujours  lecrètement,  pourquoi  fe  con- 
tenteroit-elle  de  trois  fur  l'accufation  du  Péculat , 
qui  eft  lui  crime  moins  obfcur  ? 

Il  ne  faut  pas  croire  que  le  crime  de  Péculat 
foit  exclufivement  attaché  à  la  clafTe  des  tréforiers 
ou  des  financiers  ;  il  s'étend  fur  tous  ceux  qui ,  par 
leurs  places ,  ont ,  ou  à  recevoir  ou  à  diftribuer 
les  deniers  du  prince.  L'hiftoire  nous  apprend  qu'il 
s'cft  trouvé ,  parmi  les  hommes  du  plus  haut  rang  , 
des  coupables  de  Péculat ,  &  que  l'élévation  de 
leurs  dignités  ,  l'éminence  de  leurs  places  ,  ne  les 
ont  pas  mis  à  l'abri  du  châtiment.  E.n  1539,  l'a- 
miral Chabot ,  accufé  &  convaincu  d'avoir  diverti, 
les  deniers  royaux ,(\\l,  par  arrêt  rendu  contre  lui, 
dejiiiué  de  tous  honneurs  ,  condamné  à  l'amende  , 
&   relégué. 

Quatre  ans  après  ,  le  chancelier  Poyet ,  fur 
l'accufation  du  même  crime  ,  fut  condamné  «  à 
»  une  amende  de  cent  mille  francs,  à  être  dé- 
n  gradé  de  fa  charge ,  &  au  banniffement  pour 
>»  cinq  ans  ». 

Par  arrêt  du  parlement  de  Teulaufe ,  le  maré- 
chal de  Bie^,  convaincu  d'avoir  détourné  ,  à  foa 
profit ,  une  partie  des  deniers  deftinés  à  la  folde 
de  fa  compagnie  des  gendarmes,  &  à  la  paye  de 
la  garnifon  de  Fronfac  ,  fut  déclaré  "  indigne  de  fes 
»  charges,  condamné  à  de  fc-^-tes  reftitutions,  de(- 
»  titué  de  fon  grade  de  maréchal  de  France  pour 
>i  cinq  ans  ,  &  banni  de  la  cour  ». 

On  peut  mettre  au  nombre  des  illuftres  rîccufés- 
qui  furent  punis  pour  crime  de  Péculat ,  le  maré- 
chal de  MdriUac,  auquel  le  cardinal  de  Richelieu- 
fit  faire  fon  procès,  &  qui,  par  un  jugement  que 
rendirent  des  commiftaires  trop  dévoués  au  car- 
dinal ,  fut  décapité  en  1632. 

Tout  le  monde  iiiit  quelle  fut  la  pi.:nition  du 
célèbre  Fouquet ,  convaincu  d'avoir ,  dans  fa  pl.icc 
de  furintendant  des  finances,,  employé  les  déniais 
de  l'état  à  fe  taire  des  créatures ,  à  éclipier,  par  ii. 


56        -  PÉCULAT. 

magnificence  ,  par  la  pompe  de  fcs  fêtes  ,  tous  les 
coiirtilans  de  fon  fiècle. 

Ainfi  donc  un  mini.flre  qui  feroit  convaincu  d'a- 
voir groffi  fa  fortune,  ou  donné  à  fa  repréfenta- 
tion  plus  d  éclat  avec  une  partie  de  l'argent  confa- 
cré  à  fon  département;  un  gouverneur  de  pro- 
vince qui  fe  feroit  dégradé  jiifqu'à  garder  pour  lui 
les  fonds  que  la  juftice  du  roi  auroit  deftinés  à 
récompenfer  la  valeur  Ou  à  fouhiger  la  noblefle 
indigente  ;  un  intendant  qui  auroit  eu  la  témérité 
de  difpofer  à  (on  gré,  &i  pour  fon  intérêt  per- 
fonncljdes  deniers  confacrés  à  des  travaux  pu- 
blics, à  la  sûreté  des  voyageurs,  ou  à  des  em- 
plois de  charité  ,  courroient  le  rifque  d'être  pour- 
îuivis  comme  coupables  du  crime  de  Péculat , 
&  de  fuccomber  fous  des  condamnations  flétrif- 
fantes. 

Mais  comme  les  prévarications  ,  les  abus  de 
confiance  dont  nous  venons  de  parler  ,  pourroient 
avoir  des  conféquences  plus  on  moins  funefles  , 
partir  de  motifs  plus  excufables  les  uns  que  les 
autres,  il  ne  feroit  pas  jufte  qu'ils  fuflent  punis 
de  même  ;  Se  c'cft  cependant-là  malheureufement 
un  des  inconvéniens  auxquels  cxpofent  la  pau- 
vreté de  notre  langue  ,  ou  le  laconifme  des  regif- 
lateurs  ,  qui,  en  défignant  fous  un  même  nom  des 
délits  très-différens,  ont  mis  les  juges,  efclaves 
de  la  loi ,  dans  la  nécefTité  de  prononcer  contre 
etix  indiftinflement  la  même  peine.  Notre  légifla- 
tion  criminelle  p^l'che  foKvent  tout  à  la  fois  ,  &  par 
une  dirlufion  obfcure  &  contradidoire,  &  par  une 
précifion   barbare. 

Quoi  q',;'il  en  foit,  la  difficulté  de  confiater  le 
crime  de  Péculat,  ladrelTe  de  ceux  qui  le  com- 
rnettent  ,  le  crédit  de  ceux  qui  font  accufés  ,  ren- 
dront toujours  ce  crime  auiïi  fréquent  qu'irnpuni. 

La  réforme  récente  de  tant  de  caiffiers  ou  tré- 
foricrs  fuperflus  ,  a  coupé  bien  des  branches  au 
Péculat,  &  détruit  une  partie  de  fes  racines.  Une 
adminifiration  des  finances  bien  éclairée  ,  qui  fuit 
le  cours  de  la  recette ,  fubdivifée  en  une  multi- 
tude de  canaux  prefque  invifibles ,  fi  attentive- 
inent  que  l'intérêt  n'en  puifle  affoiblir  ni  détourner 
aucun  ,  &  qui  après  l'avoir  attiré  dans  un  même  ré- 
fervoir ,  préfide  à  fa  diftribution ,  de  manière  qu'elle 
retourne  à  fa  fource ,  en  vivifiant  tous  les  lieux 
qu'elle  baigne  fur  fon  pafiage  ;  une  telle  adminif- 
tration  prévient  plus  d'infidélités  ,  plus  d'abus  de 
confiance  ,  que  la  meilleure  loi  fur  le  Péculat  n'en 
pourroit  punir  ou  arrêter.  (^Article  de  AI.  de  la 
Croxx^  avocat  au  parlement.  ) 

FÉCULE  (en  matière  ecclésiastique  ).  On 
appeloit  autrefois  Pécule  des  clercs  y  toutes  lesxpar- 
enes  que  fiifoient  les  eccléfiaftiques  fur  les  reve- 
nus de  leurs  bénéfices,  &.  ce  Pécule  appartenoit 
à  réglife  ,  dans  le  temps  de  la  compilation  des 
décrétales  :  c'eft  la  remarque  du  rédafleur  des  lois 
eccléfiaftiques  :  ils  ne  pouvoient  en  diijjofer,  foit 
«ntre-vifs ,  foit  par  teftament.  Un  concile  ,  dont 
la  décifion  çft  rapportée  fous  ce  titre,  décide  que 


PÉCULE. 

les  clercs  qui  font  des  acquifitions  fous  des  noms 
empruntes ,  pour  empêcher  de  connoître  leurs 
épargnes,  commettent  un  crime  pareil  à  celui  de 
Judas,  qui,  chargé  des  aumônes  qu'on  failoit  à 
Jéfus-Chrift  &  à  les  apôtres,  en  vola  une  partie. 
Les  biens  de  Téglife  n'ont  pas  cefié  d'être  ce 
qu'ils  étoient  autrefois  ,  le  patrimoine  des  pauvres 
&  de  l'égllfe  ;  &  les  bénéficiers  font  louiours 
obliges  de  les  employer  aux  ufages  auxquels  ils 
font  deftinés  ;  mais  ils  ne  fe  règlent  à  cet  égard 
que  par  le  for  intérieur  ;  on  ne  leur  prefcrit  d'an- 
ire  loi  que  leur  conftiencc  ,  &  on  n'examine 
point,  dans  les  bénéficiers  qui  ont  la  capacité  de 
difpofer  ,  d'où  leur  viennent  les  biens  dont  ils 
diipofenr,  foit  entre-vits ,  foit  par  te/lament.  Dans 
le  temps  que  le  Pécule  des  clercs  ,  fans  diflirrc- 
tion  ,  appartenoit  de  droit  à  l'églife  qu'ils  avoient 
defiervie  ,  on  préfumoit  que  toutes  les  acqtifî- 
tions  faites  par  les  eccléfiafliques  qui  n'avoienc 
pas  de  biens  de  patrimoine  dans  le  temps  qu'ils 
étoient  entrés  en  poffcirion ,  étoient  im  effet  de 
leur  Pécule. 

En  généial,  on  peut  dire  que  le  Fécule  a  tou- 
jours été  en  horreur  dans  l'églife  ;  &  aux  yeux 
de  la  morale  ,  le  bénéficier  qui  amafie  trouve  peu 
dexcufe.  Sijr  de  ne  pas  manquer  des  chofes  né- 
celTaires  à  la  vie,  chaque  jour  lui  offre  afiez  d'oc- 
cafions  pour  employer  fon  fuperflu  à  faire  le  bien. 
Le  chapitre  1 1  ,  monachi  de  Jlatu  monachorum  ,  re- 
nouvelé par  le  concile  de  Trente  (SefT.  25  ,  ch.  11), 
prive  de  la  fépulture  parmi  leurs  frères  ,  ceux  desr 
religieux,  qui,  au  mépris  des  canoss  ,  amaflent 
un  Pécule.  On  pourroit  citer  une  foule  d'autori- 
tés,  d'où  il  réfulte  que  c'crt  une  témérité  aux  reli- 
gieux de  foutenir  que  le  Pécule  ne  détruit  point 
le  vœu  de  pauvreté,  &  qu'il  n'en  eft  qu'une  modi- 
fication que  l'églife  tolère  &autorife.  Oa  peut  con- 
fulter  à  cet  égard  van  Efpen  ,  de  vitio pecularitatis. 
Tout  religieux ,  dit  la  Combe  ,  dans  fon  recueil 
de  jurifprudence  canonique,  tel  obfliné  qu'il  foit, 
s'il  n'eft  perfuadé  ,  au  moins  fera  convaincu  en 
lifant  cet  ouvrage  ,  combien  ce  mal  efi  grand  ,  Sc 
combien  il  eft  contraire  à  toutes  les  loix  de  l'é- 
glife &  à  fes  propres  vœux,  de  la  ce>ntravention 
defquels  rien  ne  peut  mettre  en  fiîreté  de  confcience 
un  religieux  qui  amafie  un  Pécule. 

Cependant  l'églife  s'étant  relâchée  de  fon  an- 
cienne rigueur,  tout  ceci  pourroit  être  regardé 
comme  une  déclamation  ;  fes  anathémes  ne  frap- 
pent bien  réellement  que  les  bénéficiers ,  qui  , 
comme  nous  l'avons  obfsrvé  d'abord,  acquièrent, 
fous  des  noir.s  empruntés ,  des  biens  des  deniers 
de  l'églife,  &  en  changent  la  deftination  en  fraude 
des  lois. 

Cette  matière  embrafie  fept  diftinâions  :  la  pre- 
mière concerne  le  Pécule  du  religieux  abbé;  la  fé- 
conde, le  Pécule  du  chanoine  régulier  qui  dcfifert 
dans  les  églifes  cathédrales  ou  les  collégiales  ,  les 
prébendes  affeélées  à  l'abbaye  ;  la  troifième  ,  le 
Pécule  des  religieiix- curés;  cette  forte  de  Pécule 

cft 


PÉCULS. 

dipliis  particulièrement  défignée  fous  le  nom  de 
Cote  morte',  on  en  a  traité  fous  ce  mot;  la  qua- 
trième ,  le  Pécule  du  religieux  vivant  &  mourant  en 
communauté  ;la  cinquième  ,  le  Pécule  du  religieux 
de  l'ancienne  obfervance  de  Cluny  ;  la  fixlème  ,  le 
Pécule  du  religieux  transféré  ;  la  feptiéme,  le  Pé- 
cule du  religeux  fugitif. 

On  examine  enluitc  le  pouvoir  du  religieux 
dans  la  difpofirion  de  Ton  Pécule  ,  &  ce  à  quoi  font 
tenus  ceux  tjui  fuccèd&nt  au  Pécule. 

Les  bénédiflins  de  la  congrégation  de  Sainr- 
Maur,  de  Saint-Vannes  &  de  Cluny  réformés  , 
nen  pofledent  pas,  parce  que  les  offices  clauftraux 
ont  tous  été  fupprimés  chez  eux  ,  &  réunis  aux 
raenfes  conventuelles  en  faveur  de  la  réforme» 
Le  Pécule  fubfifle  encore  dans  le  grand  ordre  de 
Saint  Benoit  &  d^ns  la  congrégation  de  Cluny  , 
parmi  tes  non-réformés,  &  même  dans  l'ordre  de 
Saint-Auguftin  ,  à  moins  Cfue  cela  n'ait  été  réglé 
autrement  par  des  concordats. 

§.    L 

Le  Pécule  d'un  religieux  abbé  appartient  à  la 
communauté  dont  il  c\\  abbé  ,  par  droit  d'accroiffe- 
ment.  Ceci  ei^  fondé  fur  la  propriété  folidaire  en- 
tre rabbé&  les  religieux. 

Duperrai  ,  dans  fon  traité  du  partage  des  fruits  , 
a  recueilli  l'arrêt  du  ii  février  1706,  rendu  au 
parlement  de  Paris,  qui  femble  avoir  fixé  la  jurif- 
prudence  à  cet  égard.  Cet  arrêt  .idjuge  3  l'abbaye 
«le  faint  Léger  de  Soiffons,  le  Pécule  de  M.  Bour- 
lon ,  qui  en  étoit  abbé  ,  au  préjudice  de  fes  héritiers. 

On  cite  plufieurs  arrê.s  plus  anciens.  Un  du  4 
août  1654  ,  rapporté  au  journal  des  audiences,  a 
admis  des  diftinétions.  Cet  arrêt  déboute  l'abbé 
commendataire  delà  fucceffion  du  Pécule  délaiffé 
par  le  prieur  de  Saint-Pierre-Ie  Moutier,  &  adjuge 
aux  religieux  Se  au  couvent  les  meubles  fervans  à 
l'églife  &  d:;ftinés  au  fervice  divin  ,  cnfembîe  la  bi- 
bliothèqiie;&au  prieur  fuccefleur,  les  meubles  meu- 
blans.  Cet  arrêt  ordonne  que  defcription  fera  faite 
du  fuiplus  du  Pécule  ,  à  la  diligence  du  fubllitut  du 
procureur  généi  al  à  S.'.intPicnele  Moutier  ,  pour 
être  vendu  au  plus  offrant  &  dernier  enchérifTeur 
&  les  deniers  de  la  vente  adjugés  ,  moitié  aux  pau- 
vres du  lieu  ,  l'autre  moitié  à  1  hôtel-dieu  de  Paris. 

6.     î  L 

Le  Pécule  du  chanoine  régulier  qui  de/Tert  dans 
les  églifes  cathédrales  ou  les  collégiales  ,  les  pré- 
bendes affe>âées  à  leurs  abbayes  ,  appartient  au  mo- 
naflère  dont  il  a  été  tiré  &  dans  lequel  il  fait  fa 
demeure;  c'eft  ce  qu'ordonne  Tarrêt  du    30  août 
Ï714,  rendu  en  faveur  du    monaHère    de    faint 
Quentin  de  Beauvais  ,  contre  le  chapitre  de  Nefle  , 
concernant  le  Pécule  de  fiére  François  de  Lallouete. 
Cette  jur:r,Trudence  eft  fondée  fur  ce  que  ces  pré- 
bendes font  partie  de  la  dot  des   religieux  &  de 
leur  fiibriflance  :  on  a  trouvé  jufîc  en  ce  cas  que  le 
chanoine  deflervant  n'en  ayant  pas  coiifommé  tous 
Tome  XUU 


PÉCULE.  5f 

'les  fruits  ,  la  partie  qu"il  avoit  lai/Tée  retournât 
après  fa  mort  au  monaftèrc, comme  le  réfidii  d'une 
part  d'un  bien  qu'ils  po/Tédoient  en  commun. 

§.    IIL 

On  a  obfeivé  au  mot  CÔTE  morte  ,  que  le  Pé- 
cule du  religieux  curé  appartient  aux  pniivres  &  à 
la  fabrique  de  faparoiflé,  pour  être  dirtribué  fur 
l'avis  de  l'évêque.  On  y  a  rapporté  l'arrêt  qui  a  con- 
facré  cette  jurifpr udcnce  ,  &.  ceux  qui  y  font  con-  . 
traites. 

On  a  eu  foin  de  remarquer  à  ce  mot,  que  la  ju- 
rifprudence  du  parlement  eft  diflcrente  de  celie  du 
grand  confeil ,  qui  adjuge  le  Pécule  du  religieux 
curé  au  monaflère  où  il  eft  profés. 

§.     IV. 

A  l'égard  du  religieux  qui  eft  toujours  reflé  fou- 
mis  à  îa  règle  ,  on  a  formé  des  diftinâions ,  foit  par 
rapport  aux  différens  monaftéres  qui  pouvoienJt 
avoir  droit  à  fa  iucccffion  ,  foit  par  rapport  aHJC 
biens  dont  (on  Pécule  pouvoil  provenir. 

\}n  religieux  qui ,  après  avoir  vécu  fous  l'obéif^ 
fancc  de  fes  fupérieurs  ,  meurt  dans  le  monaftèrè 
où  il  a  fait  profefîion  ,  laifle  fon  rfionaOère  héritier 
de  fon  Pécule  :  ce  point  nÊ  peut  être  conteHé  ;  oh 
ne  diftingue  pas  même  d'où  ce  Pécule  eft  provenu  : 
que  ce  foit  des  revenus  du  monaftére  ou  des  fonc- 
tions du  religieux,  ou  delà  libéralité  des  fidèles  , 
il  importe  peu  ;  C*eft  toujours  pour  le  mona^ère 
qu'il  a  acquis  ;  c'eft  au  monaftére  à  en  hériter.  C'eft 
dans  ce  casque  s'applique  dans  toute  fon  étendue 
la  maxime  ,  quidquid  acquirit  monachus ,  acquirit 
monafterio. 

Et  lorfqu'il  y  a  un  abbé  commendataîre  ,  il  con- 
court avec  les  religieux  ,  &  le  partage  fe  fait  à  rai- 
fon  de  ce  que  chacun  perçoit  des  fruits.  Cette  ju- 
rifprudence  eft  univerfelle  dans  tout  le  royaume. 

Lorfque  l'abbé  eft  cardinal ,  il  ne  fouffre  pas  de 
concurrence  ;  il  exclut  les  religieux.  Ainfi  jugé  par 
un  arrêt  du  2  décembre  1 546  ,  en  faveur  du  cardi- 
nal deFcrrare,  abbé  de  Chaft*iS. 

Augeard  ,  dans  fes  arrêts  notables  ,  propofe  la» 
queftion  de  favoir  à  qui  le  Pécule  du  religieux  qui 
a  poffédé  quelque  bénéfice  dépendant  d'un  monaf- 
tére autre  que  celui  dans  lequel  il  eft  décédé  ,  doit 
appartenir.  Il  décide  en  ce  cas  que  le  Pécule  doit 
appartenir  au  monaftére  du  bénéfice. 

Cette  queftion  s'eft  préfentée  au  grand  confeil  , 
&  l'opinion  àè  ce  jurifconfulte  n'a  point  été  ftû- 
vie  ;  le  Pécule  a  été  adjugé  au  moiisftère  auquel  \à 
religieux  étoit  lié  par  fa  profeftion.  L'arrêt  a  été 
rendu  le  19  janvier  1748,  fur  les  concluions  de 
M.  l'avocat  général  de  Tourny  ,  en  faveur  des  re- 
ligieux de  faint  Nicolas  de  la  Chefnce  ,  contre  les 
religieux  du  PlelTis  Grimout. 

§.    V. 

Nous  venons  de  pofer  en  principe  que  les  abbés 
commendatsircs  partagent  le  Pécule  du  religieux 

H 


'^8  PÉCULE. 

avec  la  communauté  ,  à  proportion  des  fruits  qu'il* 
perçoivent.  Les  religieux  de  l'ancienne  obfervance 
de  Cliiny  ont  une  jurifprudence  qui  leur  eft  parti- 
culière. Le  Pécule  appartient  en*  entier  à  la  com- 
munauté ,  à  l'excluilon  des  abbés  Si  prieurs  com- 
mendataires.  Ainfi  jugé  par  arrêt  du  grand  confeil 
du  2.2  août  1735  '  contre  le  prieur  commendataire 
de  Lihons.  Sur  quoi  il  faut  obferver  que  cette  ju- 
rifprudence cû  conforme  à  l'ancienne  :  on  cite  deux 
arrêts  du  parlement  de  Paris  ,  l'un  du  23  mars  1 516  , 
l'autre  du  27  avril  1553  »  qui  refufent  la  concur- 
rence à  l'abbé  commendataire. 

§.    V  L 

Augeard  agite  encore  la  queflion  de  favoir  à  qui 
appartient  le  Pécule  du  religieux  qui  a  été  transfert  : 
il  diRingue  fi  la  translation  s'eft  faite  du  confeute- 
nient  de  fes  fupérieurs;  il  décide,  en  ce  cas, 
qu'étant  affranchi  de  la  puiifance  de  fon  premier 
monaftère  ,  &  étant  entré  fous  celle  du  fécond  , 
c'eft  à  celui-ci  que  fon  Pécule  doit  appartenir  ;  il 
excepte  le  cas  où  l'ancien  monaftère  pourroit  jui- 
tifier  que  ce  Pécule  auroit  été  amaffé  dans  le  temps 
qu'il  vivoit  dans  ce  momlîère  ,  comme  fi  l'on  troi;- 
vOit  une  obligation  datée  du  temps  que  le  reli- 
gieux étoit  dans  fon  premier  monaftére.  On  ne  fe 
règle  pns  par  la  diftin^tion  qu'il  introduit  ;  elle  eil 
peu  judicieufe.  l,e  religieux  étant  ferf  ,  ce  qu'il 
poffède  eft  un  acf  eToire  de  ce  qu'il  eft;  fon  Pécule 
fuit  la  condition  de  fa  peribnne  ,  &  doit  apparte- 
nir au  monaftére  fous  la  domination  duquel  il  a 
paffé. 

Voici  ce  que  la  jurifprudence  a  admis  à  ce  fujet. 

La  tranflation  d'un  monaflèreà  un  autre  fait  per- 
dre au  premier  le  droit  qu'il  avoit  au  Pécule  ,  lorf- 
que  le  bref  de  tranflation  a  été  fuivi  de  noviciat  & 
de  nouvelle  profeffion  ;  mais  iorfqu'il  n'y  a  point 
eu  de  nouvelle  profeffion  ,  par  exemple  ,  quand  on 
eft  transféré  dans  un  ordre  moins  auîfère  du  même 
ordre  ,  le  grand  confeil  adjuge  le  Pécule  aux  an- 
ciens fupérieurs  du  religieux  transféré.  Ainfi  jus^é 
par  arrêt  du  fam.ttdi  11  m'ai  1748,  fur  les  coucfu- 
fions  de  M.  l'avocat  général  de  Tourni. 

Dans  Tefpèce  de  cet  arrêt,  dom  Eftevenon  .  pro- 
bes dans  la  congrégation  de  faint  Maur,  après  avoir 
apoftafié  ,  obtient  un  bref  de  tranflation  dans  l'an- 
cien ordre  de  faint  fienoît  ;  l'abbé  de  N:inteuil  lui 
accorde  un  bénévol  ;  &  quoique  le  bref  fulminé 
porte  à  la  charge  ai  futre  noviciat^  p^'ofejjîon  ,  il 
p'en  f.'.it  point,  il  vit  publiquement  dans  la  vie  de 
bénédiélin  non  réformé  ,  pendant  fcpt  ans,  ù.ns, 
nucune  réclamation  de  fes  anciens  fupérieurs  de  la 
congrégation  de  faint  Maur  j  à  la  fin  de  1747  ,  il 
meurt  :  l'arrêt  adjuge  fon  Pécule  à  la  congrégaiion 
de  faint  Maur. 

§.    V  I  L 


le 


îpp 


PÉCULE. 

autreirent  fi  ce  religieux  décédoit  dans  rintervalle 
des  pourfiiites  de  fon  fupérieur  ,  pour  l'obliger  à 
rentrer  dans  fon  monaftére.  Tel  eft  l'efprit  de»  ar- 
rêts qu'on  pourroit  citer  ccnrre  le  pri:  cipe.  Aime 
de  la  Croix,  capucin  ,  avoit  quitté  (on  couvent  & 
s'en  étoit  allé  à  Rome,  où  il  avoit  fait  profeffion 
dans  l'hôpital  du  faint  Efprit  :  fon  inconftance 
l'ayant  rappelé  en  France  ,  il  y  avoit  vécu  comme 
féculier,  &  y  avoit  amafté  des  biens.  A  fa  mort, 
par  arrêt  du  parlement  du  n  février  1702  ,  le  do- 
nataire du  roi  fut  déclaré  non-recevable  dans  foa 
appel  comme  d'abus,  &  les  religieux  du  faint  Ef- 
prit non  recevables  dans  leur  demande;  &  au  fur- 
plus  ,  il  fut  dit  que  le  roi  feroit  informé  de  la  qua- 
lité d'Aimé  de  la  Croix ,  qui  avoit  dû  être  confi- 
déré  comme  capucin  jufqu'.i  fa  mort,  pour  (avoir 
à  qui  les  biens  dévoient  appartenir  ;  le  8  mai  1702, 
eft  intervenu  arrêt  du  confeil  ,  par  lequel  le  roi 
déclare  que  fa  volonté  eft  que  les  biens  du  défunt 
(oient  partagés  entre  le  donataire  du  roi,  6c  l'hôpi- 
tal général  de  Paris  par  moitié. 

Du  pouvoir  du  religieux  fur  fon  Pécule. 

Le  religieux  n'a  aucun  pouvoir  pour  difpofer  de 
fon  Pécule  ;  il  n'en  jouit  que  pour  lui-même  :  il 
n'en  peut  difpofer  ni  entre-vifs  ni  par  teftament. 
La  rigueur  de  cette  loi  foudre  peu  d'exceptions. 
D'abord  elle  n'en  fouffre  aucune  pour  la  partie  du 
Pécule  qui  confifte  en  immeubles  ;  &  ,  quant  à  la 
partie  des  meubles,  on  diftingue  le  religieux  qui 
pofTêde  un  bénéfice  hors  de  fon  monaftére  ;  celui- 
ci  peut  en  difpofer  de  fon  vivant ,  mais  il  faut  que 
la  tradition  en  foit  faite  avant  fa  mort ,  &  par  le  fait 
du  donateur.  C'eft  dans  cet  efprit  qu'a  été  rendu 
l'arrêt  d'audience  du  14  mai  1587.  Dans  l'efpèce 
de  cet  arrêt ,  frère  Jean  Ponccl ,  religieux  profés 
de  faint  Pierre  de  MeUin  ,  &  depuis  curé  de  fairt 
Pierre- des- Arcis  à  Paris  ,  dofteur  en  théologie  ,  & 
connu  par  une  vafte  érudition  ,  avoit  formé  une 
bibliothèque  qu'il  légua  ,  &  dont  il  fit  la  délivrance 
de  (on  vivant  à  M.  Hervé.  Cette  difpofiîion  fut  at- 
taquée après  fa  mort  par  le  prieur  de  l'abbaye  où 
il  avoit  fait  fes  vœux  ;  elle  fut  mginteni :e  par  l'arrêt. 

Le  religieux  en  généra?  ne  peut  difpofer  qi?e  des 
cfiofes  modiques  ;  toute  difpofition  ,  même  entre- 
vifs, &  même  d'effets  mobiliers,  feroit  déclarée  nulle 
fi  elle  étoit  à  titre  univerfel  ;  elle  feroit  cenfée  faite 
en  fraude  des  lois  ;  c'eft  ce  qui  faifoit  la  difficulté 
de  la  matière  dans  l'arrêt  cité.  La  bibliothèque  du 
curé  de  faint  Pierre-des-Arcis  eût  pU  'être  regardée 
comme  une  difpofition  à  titre  univerfel. 

Il  faut  tenir  pour  maxime  certaine  qu'il  n'eût 
pu  en  aucune  forte  en  difpofer  par  teftament. 

Les  profès  de  l'ordre  de  Malte  jouiffent  de  quel- 
que adouciffemeni.  Suivant  leurs  ftatuts  ,  approu- 
vés du  pape  &  autorifés  par  le  roi,  ils  peuvent, 
avec  la  permiffion  du  grand-maître,  tefter  de  la 
fixiême  partie  de  leur  argent  8c  de  leurs  biens  meu- 
bles', les  dettes  préalablement  acquittées  ,  deduciis 
ex  ejufmodi  b-onis  omnibm  debitis  &  &'*  alieno  ,  tutn 


PÉCU  LE. 

communis  ararà  ordiiùs  ,   cjuàm  aliarunt  ac  credkïs 
qu£  intègre  releryaîiiur  ipfi  (nano. 

Cette  dirpofuioii  a  reçu  la  fanâion  par  un  arrêt 
du  28  janvier  1604,  au  '"J'^f  '^'-'  teftament  de  Juve- 
nal  de  Lanaoy  ,  chevalier  de  Malte  ,  fait  avec  la 
permiffioii  du  grand-inaître ,  en  faveur  de  fes  pa- 
rens  ,  à'nns  iommc  de  douze  mille  livres  ;  on 
nomma  des  commiflaires  pour  procéder  à  la  liqui- 
dation du  Pécule  ,  &  cependant  on  adjugea  fix 
mille  livres  de  provifion  aux  légataires. 

Dti  obligations  de  ceux  à  qui  appartient  le   Pécule. 

Ceux  à  qui  appartient  la  dépouille  d'un  religieux 
ne  font  pas  héritiers  ,  mais  fucceflcurs  ;  dès-lors  ils 
ne  peuvent  être  condamnés  qu'en  cette  qualité  au 
payement  des  dettes  &  jufqu'à  concurrence  des 
h\tns  qute  ad  eos  ferpencrunt  ;  &  comme  ils  ne  font 
pas  faifis  de  droit  par  la  coutume  ,  labbé  ou  le 
couvent  doivent  fe  borner  à  demander  à  jouir  de 
tels  biens  &  héritages ,  comme  étant  de  la  fuccef- 
(lon  d'un  tel  religieux  décédé  ,  avec  défenfe  de  les 
troubler  dans  la  polTeiTion  &  la  jouinance  de  ces 
biens ,  avec  rellitution  des  fruits  depuis  l'indue  dé- 
tention. S'il  s'agit  de  meubles  ,  il  faut  en  demander 
la  reflitution. 

Voyc:^  Kicjrd,  traité  des  donations  ,  partie  pre- 
m:èr:  ;  U  quatrième  tome  des  mémoires  du  clergé  ; 
Efpen  de  vitio  pectilarltatis  ;  U  receuil  des  arrêts  à.e 
Billion;  le  chapitre  quod  dei  t\moxQm ,  aux  décre- 
tales  de  flatu  monach.  ;  Bardet  ,  liv.  7  ,  chap.  22  ; 
Chopin  de  polit,  fac,  llv.  2  ,  tit.  8  ;  Brodeau  ^ur 
Louet ,  lettre  R  ;  Ptnfon  de  peculio  clericorum  ;  Du- 
perrdi ,  traité  du  partage  des  fruits  ;  Bingï  de  pecu- 
lio MonachoruHJ  ;  Fevret ,  Buyer  ,  Augeard  ;  le  re- 
cueil de  jurifprudence  canonique  de  Lacoinbs  ,  6*  M.  di 
Hericourt  s  ^c.  Voyez  aufiî  CÔTE-MORTE  ,  MORT 
CIVILE,  Religieux  et  vœux. 

PÉCULE  (droit  civil).  Les  auteurs  varient 
fur  l'origine  de  ce  moi  ;  M.  Cujas  croit  qu'il  efl 
gaulois  :  quel  que  foit  le  mérite  de  ce  jurifcon- 
fulte ,  l'opinion  contraire  a  prévalu.  On  le  dérive 
à  pecuniâ  6»  pecoribus ,  parce  que  tout  le  bien  con- 
fiftoit  autrefois  en  argent  &.  en  beftiaux. 

Lorfqu'on  ne  confulte  que  les  hiftoriens  ,  l'ori- 
gine derome  paroîtfabuleufe  :  c'eft  de  la  légiflation 
que  cette  origine  ,  fi  différente  de  ce  degré  d  élé- 
vation où  elle  parvint ,  même  fous  fes  confuls  , 
reçoit  la  croyance  que  ion  hiftoire  ne  peut  infpirer. 
Si  elle  eiit  été  fondée  par  un  peuple  ,  c'efl-à-dire, 
par  un  aiTemblage  d'hommes  des  deux  fexes  &  de 
de  tout  âge  ,  fa  légiflation  n'eiJt  pas  été  auflî  injufte 
envers  les  fils  de  famille  ;  il  fe  fût  trouvé  parmi 
ceux-ci  des  hommes  faits  ,  qui  auroient  revendiqué 
les  droits  de  la  nature;  les  mères  elles-mêmes  au- 
roient prévenu  cette  rigueur,  qui  ne  leur  laiflbit 
voir  que  des  efclaves  dans  leurs  enfans  :  les  fils  de 
famille  ,  parvenus  à  la  virilité  ,  auroient  voulu  avoir 
quelque  chofe  à  eux ,  &  c'eft  ce  qu'ils  n'avoient  pas. 
t)?{n$  le  berceau  de  la  république  ,  tout  fils  de  fa- 
mille ,  fans  diAinâion ,  ne  pouvoit  rien  pofTéder 


PÉCULE.  -59 

en  propre  :  ce  qu'il  acquéroit  par  fon  indufirie  ou 
pjr  Ton  travail ,  appartenoit  à  ion  péie.  Le  premier 
adouciffement  que  reçut  cette  loi ,  fut  en  faveur  des 
gens  de  guerre  :  il  eft  à  croire  que  des  liommes 
qui  s'étoient  expofés  à  tous  les  périls  ,  &  qui  fou- 
vent  avoient  vcrfé  leur  fang  ,  n'abandonnoient  pas 
voloiniers  le  butin  qui  en  étoit  le  prix.  Le  fils  de 
famille  eut  donc  la  liberté  de  difpofer  à  fa  volonté 
de  ce  butin  ;  c'eft  ce  que  l'on  connoît  dans  la  légifla- 
tion romaine  fous  le  nom  de  l'.cuîc  caflrcnfe  ;  on  ne 
connut  que  cette  forte  de  Fécu'e  fous  les  confuls. 
Sous  les  empereurs,  on  admit  le  Pécule  ^i/^y?  caf- 
trenfe  :  telles  font  les  deux  fortes  de  Pécule  du  fils 
de  famille. 

On  voit  aflez  ce  qu'on  doit  entendre  par  Pécule 
cùflrenje  :  le  Pécule  quafi  caftnnfe  ne  fut  pas  le  mê- 
me fous  tous  les  empereurs.  Sous  les  empereurs 
idolâtres  ,  il  s'entendit  de  ce  qu'un  fils  de  famille 
acquéroit  au  barreau  &.  dans  les  charges  civiles, 
ou  dans  le  palais  au  fervice  du  prince  ;&  fous  les 
empereurs  chrétiens,  il  s'entendit  auflî  des  épargnes 
d'un  fils  de  famille  qui  pofledoir  un  bénéfice. 

(  Hac  ratiune  Pecuiium  triplex  vulgb  diflinguitur  , 
togaturn  fcilicct ,  paljtinum  ,  &  eccle/îajllcuni  ).  < 

Le  Pécule  eft  encore  adventice  ik.  profe6^ice. 

Le  Pécule  adv  ntice ,  eft  ce  qu'un  fils  de  famille 
s'eft  procuré  par  fon  induftrie  ik.  fon  travail ,  ou 
ce  qu'il  a  reçu  de  la  libéralité  de  fes  amis  ;  il  eft 
encore  des  biens  qui  lui  font  échus  du  côré  mater- 
nel, &  en  général  tout  ce  qu'il  fe  procure  fans  le  . 
fecours  de  (on  père. 

Le  Pccule  profidice ,  eft  celui  qui  procède  des 
biens  dont  un  père  confie  l'adminiftration  à  fon 
fils  pour  les  faire  profiter. 

Le  fils  de  famille  obtint  le  droit  de  difpofer 
en  pleiiie  propriété  du  Pécule  caflrenfe  &  quafi 
cajlrenfe. 

Les  pères  eurent  beacoup  de  peine  à  fe  relâcher 
fur  le  Pécule  adventice  ;  cette  diftinélion  fut  intro- 
duite fous  Conftantin  :  ce  fut  cet  empereur  qui  en 
adjugea  partie  aux  enfans  ;  il  leur  donna  la  pro- 
priété des  biens  qui  leeir  étoient  échus  du  côté  ma- 
ternel, laiflant  l'ufufruit  aux  pères  Ses  fucceftéurs 
étendirent  par  degré  le  droit  des  fils  de  fr^rùille  fur 
les  biens  adventices  ,  jufqu'à  Juftinien  .  qui  abolit 
toute  diftindion.  Cet  emperereur  voulut  que  le  fiîs 
de  famille  poffédàt  fans  partage  tout  ce  qu'il  fe  pro- 
curoit  fans  le  fecours  de  fon  père ,  dont  le  droit 
fur  ces  biens  fut  borné  à  l'ufufruit. 

A  l'égard  du  Pécule  profeâlce,  Juftinien  n'ap- 
porta aucun  changement  à  l'ancien  droit  :  la  pro- 
priété &  l'ufufruit  ne  ceflèrent  jamais  d'en  appar- 
tenir au  père  ;  le  fils  de  famille  n'en  eut  que  la  fim- 
pie  adminiftration. 

Voilà  quel  fut  le  Pécule  à  Rome  fous  les  confuls 
&  fous  les  empereurs. 

Dans  nos  provinces  de  droit  écrit ,  on  fuit  les 
diftin6tioHS  qui  furent  infoduites  fous  les  derniers, 
empereurs  :  le  père  y  acquiert  par  fon  fils  le  Pé- 
cule profcdice  en  pleine  propriété  &c  jouiffancs  , 

Hij 


éo 


PÉDÉRASTIE. 


il  y  acquiert  aufîî  ordinairement  rufufrult  des  biens 
adventices. 

A  l'égard  du  Pécule  caftrenfe  &  quafi  caftrenfe, 
les  enfans  en  difpofent  avec  une  entière  liberté; 
le  père  n'y  a  aucune  efpèce  de  droit. 

Le  droit  de  la  puiflance  paternelle  n'eft  point  re- 
connu dans  les  provinces  où  les  coutumes  ont  pré- 
valu :  le  père  n'y  acquiert  rien  par  fes  enfàns  ;  le 
Pécule  §t  les  lois  qui  le  régiflent  y  font  ignorés. 

Quant  au  Pécule  des  eldaves ,  le  droit  romain 
n'en  reconnoifToit  que  d'une  forte  ;  il  fe  bornoit  aux 
chofes  dont  leurs  maîtres  leur  permettoient  de  jouir 
4k  de  difpofer. 

Foyei  le  corps  du  droit  civile  l.  l>§-5)^de 
coll.  bon.  T.  T.  C.  de  caftr.  omnium  palatin,  pecul. 
l.\,C.  Theod.  de  mat.  bon.  il.  6  ,  C.  eod.  /.  1 1  , 
th.  9  ,  de  lib.  in  poteft.  La  traduflion  des  injïiiuies 
de  M.  de  Ferriere  ,  &c.  Voyez  aufli  PUISSANCE 
PATERNELLE. 

(  Cef  article  ejî  de  M.  MONTIGSY ,  avocat  au 
parlement  ). 

PÉDÉRASTIE.  La  nature  bienfaifante  a  vouhi 
que  les  deux  fexcs  ,  entraînés  par  une  impnllîon 
commune  ,  fentiilent  le  befoin  irréfiftible  de  fe  réu- 
nir ,  qu2  ce  befoin  fût  un  plnifir ,  &  même  la  fource 
de  la  réproduftion  humaiiae.  Conçoit-on  le  délire 
d'un  fenciment  contraire  }  il  exifte  cej)endant  ,  & 
il  exifte  avec  des  différences  ;  il  s'eft  perpétué  juf- 
qu'à  nous  d'âge  en  àge;&  ce  vice  opéreroit  in- 
failliblement l'anéantifTement  de  la  fociété  en- 
tière ,  s'il  étoit  po0îble  que  la  contngion  devînt 
générale.  L'hiftoirc  facrée  nous  attefte  que  le  ciel 

Îiuait  ,  par  un  embrâfement  univerfel  6c  miracu- 
eux  ,  deux  villes  entières  livrées  à  ces  excès  hon- 
teux. Lacïdémone  elle  -  même  ,  qui  le  croirait  l 
Lacédémone,  l'une  des  villes  les  plus  célèbres  de 
l'ancienne  Grèce,  l'émule  d'Athènes  ,  la  patrie  de 
tant  de  grands  hommes  ,  étoit  tellement  fouillée 
dé  ce  crime,  qua  Lycurgue,  fon  légiflateur,  fe 
crut  obligé  d'otdonner  que  les  femmes  y  marche- 
Toient  nues  ,  pour  rappeler  les  hommes  au  fenti- 
ïncnt  de  la  nature. 

Les  crimes  contr'elle  font  de  plufieurs  efpèces  : 
en  difiingue  la  Pédéraftie  ou  la  fodomic  ,  la  raaftur- 
bation,  &  la  beftialité. 

La  Pédérafîie  ou  la  fodomie  ,  efî  le  crime  de  tout 
komir.e  avec  un  homme  ,  de  toute  femme  avec  imt 
femme  ;  même  d'un  homme  avec  une  femme,  lorf- 
^ue  ,  par  une  débauche  inconcevable,  ils  ne  fe  fer- 
vent point  des  voies  ordinaires  de  la  génération. 

•  La  beftialité,  le  plus  révoltant  &  le  plusdégoû- 
tant  de  tous  les  crimes  contre  les  mœurs  ,  eft  celui 
qui  fe  commet  par  la  copulation  d'un  homme  avec 
uce  béte  ,  oii  d'une  bête  avec  une  femme. 

La  mailurbation ,  eft  le  libertinage  foLiralre  de- 
«out  homme,  ou  de  toute  femme.  Voyez  Ahjîur- 
h^iticn. 

Nous  ne  traiterons  dans  cet  article  que  de  la  Pé- 
4«jrafti«,  La  loi  cuin  vir  yi ,  au  coc!.  d*  adule, ,  gro- 


PÉDÉRASTIE. 

nonce  que  ceux  qui  fe  rendront  coupables  deP^ 
déraftie,  feront  punis  des  peines  les  plus  graves. 
Qum  vir  nubic  in  faaiinum  viris  porreHur^jm  ,  e]uiJ 
cupiatur  !  Ubi  (exus  ptrdidit  locurn  !  ubijcelus  efl  id 
qmd  non  proficit  fcire  !  ubi  Venus  mulMur  in  alteram 
fonrum  \  ubi  arwr  qvœritur ,  n:c  videtur  l.  Jubemus 
infurgcre  leges  ,  armart  jura  gl  idio  ultore  ,  ui  exquifitis 
pœnis  fubdamur  infâmes  qiù  funt  vel  futuri  funt  rei. 

Le  commentateur  de  cette  loi  obîerve ,  avec  rai- 
fon  :  Lex  HU  tra^ÎJt  de  quodam  turpijjimo  jlupro ,  & 
efl  materîa  hujus  legis  H/rpiJfima^iamen  per  eleganti,* 
verba  tradita  efl  :  quod  laudabiliter  fecit  imperacor. 

L'incertitude  des  peines  applicables  à  ce  crime  a. 
été  fixée  par  notre  juùfprudence,  qui  remonte  à 
cet  égard  jufqu'aux,  établifi'emcns  de  Saint  Louis: 
on  en  trouve  la  preuve  dans  le  ciiapitre  83,  de  pu- 
nis mtfcreant  &  hérite.  Se  aucuns  efl  f)upçoneus  de  bou^ 
grcrie  (i),  la  juutijfe  le  doit  prendre  &  envoyer  à  l'evef^ 
que  ,  6"  Je  il  en  efloit  prove^  ,  l'en  le  devrait  ardoir^  6» 
tait  fi  meuble  [uni  au  baron  &  en  telle  manière  doit: 
s'en  ouvrer  d'homme  hérite  ,  parcoi  il  en  fou  prove^  ,  & 
tuit  fi  meuble  funt  au  baron  ou  au  prince. 

On  trouve  dans  Papon  un  arrêt  qu'il  ne  date 
point ,  mais  qui  fut  exécuté  un  premier  février  (2) ,. 
par  lequel  Nicolas  Dadon  de  Nujfi Saint-Front,  qui 
avoir  été  redeur  de  l'univerfité  d^  Paris  peu  de 
temps  auparavant ,  fut  condamné,  pour  fodomie,, 
a  être  pendu  &  brûlé  avec  fon  procès. 

«  Deux  femmes,  fuivant  le  même  auteur,  fe- 
)>  corrompant  l'une  l'autre  enfemble  fans  mafles,. 
»  font  puniffablcs  à  la  mort ,  ôc  eft  ce  délit  hou- 

5»  grerie  contre  nature Et  de  ce  fiirent  ac- 

3»  cufées  Françoife  de  l'Eftage  &  Catherine  de  la- 
»  Manière  ,  contre  elles  y  eut  témoins ,  mais  pour 
»  autant  qu'ils  croient  valablement  reprochés  on 
j»  ne  put  les  condamner  à  la  mort  ,  &  feulement 
»  pour  la  gravité  du  délit  furent  prinfes  les  defpo« 
n  filions  pour  indices,  &  fur  ce  le^dites  femmos 
»  condamnées  à  la:  queftion  par  le  fénécltal  dei 
»  Landes  ».. 

Par  arrêt  du  7  juin  1750  ,  Bruneau  Lenoir  &  Jearî 
Diot  ont  été  condamnés  a  être  brûlés  pour  crime 
du  même  genre. 

Par  arrêt  rendu  à  la  chambre  des  vacations  du 
parlement  de  Paris  le  10  oélobre  17S3  :  «  Jacques^ 
j)  François  Pafchal  a  été  déclaré  duement  atteint  Sc 
n  convaincu  de  s'être  livré  aux  excès  de  la  débau- 
n  che  la  plus,  criminelle,  envers  un  commiffion» 
»  naire  âgé  de  quatorze  ans  ,  qu'il  avoit  attiré  dans- 
)>  fa  chambre  ;  8c  irrité  par  fa  rcfiflsnce,  de  l'avoir 
»  afTafiîné  en  lui  portant  un  grand  nomhra  de  coups 
n  de  couteau  ,  tant  fur  la  tête  que  fur  les  reins  & 


(,i)  On  fait  que  ce  raoc  grotTier  ,  dérivé  d'un   aucre  encore 
plos  familier  à  li  populace  ,  vienr Je  Bulgare;  les    Bulgares- 
étoicnr,  dit-Ort,  livres  plus  fju'aucun  autre  peuple   à  la  loJo- 
mie  ,  delà  on  appeloit  Piilgate  toat  henime  gui  s'en  rendoic- 
coupable  ,  £f  ce  mot  <îe  Bulgare  défiguré  e(l  aujourd'hui  B..„. 

(i),Yid.  Pà£on  ,liY.  1,  u'r.  7,  g.  nj'^ 


PÉDÉRASTIE. 

V>  dans  le  dos ,  lefquels  coups  ont  mis  &  mettent 
»  encore  la  vie  dudit  commilTionaire  en  danger. 
j>  Pour  réparation  deqiioi  ledit  Jacques  François 
«  Pafchal  a  été  condamné  à  faire  amende  hono- 
»  raiîle  an  devant  de  la  principale  porte  de  réglife 
»  de  Paris  ,  où  il  feroit  conduit  par  l'exécuteur  de 
}>  la  haute  juftice  ,  dans  un  tombereau ,  nuds  pieds , 
ï>  nue  tête  &  en  cliemife  ,  tenant  en  Tes  mains  une 
j>  torche  ardente  du  poids  de  deux  livres ,  ayant 
»  la  corde  au  col ,  &  écriteau  devant  6c  derrière 
»  portant  ces  mots  :  Débauché  contre  n.iture  &  <jfftf- 
^1  fin-y  &  là ,  étant  à  genoux  ,  dire  &  déclarer  ,  à 
»  haute  Se  intalligibie  ,  &c.  &c.  ;  de  là  mené  ,  dans 
»  le  même  tombereau  ,  en  la  place  de  grèv<2 ,  pour 
»  y  avoir  les  bras  ,  cuifTes  ,  &c.  rompus  vifs  ,  &c. 
»>  de  fuite  )-té  dans  un  bûcher  ardent ,  &  fes  cen- 
w  dres  jetées  au  vent,  fes  biens  contîfqucs,  &c.  ». 
(  Anicle  ae  M.  Boucher  d'Agis  ,confe'dUr  au 
châietet  ,  membre  de  l'académie  de  Rouen  ,  &c,  , 

PÉDON.  CoHreur  à  pied. 

Le  tifre  lO  de  l'ordonnance  du  roi  du  23  avril 
1780  ,  portant  règlement  fur  le  fervice  aux  batte- 
ries, corps-de  garde  d'obfervdtioii  Scfignaux  éta- 
blis fur  les  côtes  ,  contient  fur  les  Pédons  &  le 
pédonage  ,  les  difpofuions  fuivantes  : 

«  Article  i.  Sa  majeftî  ayant  réglé  par  l'article 
î»  69  de  l'ordonnance  du  23  décembre  1778,  que 
j>  les  compagnies  des  canonniers  poftiches  ,  ou 
5)  compagnies  du  guet,  feroier.taffujettics  en  temps 
j>  de  guerre  au  fervice  du  pvédonnage  ,  ou  à  fournir 
»  les  hommes  nécefTaires  pour  porter  d'un  lieu  ou 
»  d'un  poAe  à  un  autre  ,  les  lettres  &  paquets  des 
»  officiers  commandant  fur  les  cores,  lefdites  com- 
npagnies  du  guet  feront  inceffamment  formées 
«dans toutes  les  paroifles  garde-côtes  des  provin- 
«  ces  maritimes  ,  de  la  même  manière  &  ainfi  qu'il 
»  eft  prefcrit  par  les  articles  66 ,  67  &  68  de  bdite 
y>  ordonnance. 

!■>  2.  Les  capitaines  des  compagnies  du  guet  fe- 
»?  ront  chargés  de  diriger  le  fervice  du  pédonage  ; 
»»  &  dans  le  cas  où  lefdits  capitaines  n'auroient  pas 
»le;;r  domicile  dans  le  bourg  ou  le  village  où  de- 
»  vront  pafier  les  lettres  &  paquets  ,  le  lieutenant  , 
w  ou  un  des  lieutenans ,  s'il  y  en  a  plufieurs  dans 
>i  le  bourg  ou  village  ,  rscevra  &  fera  partir  lefdi 
»  tes  lettres  &  paquets. 

j>  3.  Comme  il  fe  trouve  dans  l'étendue  des  pa- 
»  roides  ,  des  lieux  principaux  qui  en  dépendent  , 
»  tels  que  les  annexes ,  dont  les  habitans  doivent 
M  être  compris  dans  les  compagnies  du  guet  defdi- 
»  tes  paroi/Tes,  il  fera  établi  dans  chacune  des  an- 
»  nexes  ,  quelle  qu'en  foit  la  dénomination ,  un 
n  lieutenant,  pour  être  chargé  de  diriger  &  furveil- 
75 1er  le  fervice  du  pédonage. 

»  4.  Les  gens  mariés  ou  garçons,  deputs  l'âge 
»  de  dix-huit  ans  jufqu'à.  foixante  ,  qui  auront  leur 
î»  domicile  dsns  les.  bourgs  ,  villages  &  annexes  où. 
n  feront  établis  les. capitaines  ou  lieutenans  ,  feront 
j».  afTeftés  au  fervice  du  pédomigc  de  préférence  aux 
»  tuîies.  hafcitaas  i  &  dans  h  ca^  où  leiiiits  lieux  ne 


PÉDON.  6ï 

«  feroient  pas  aflez  peuplés  pour  fournir  le  nombre 
»  de  Pédons  fufKfant  pour  remplir  le  fervice,  on 
»  y  affujettira  ceux  qui  demeureront  le  plus  à  por- 
yj  tée.  Il  fera  tenu  par  chaque  capitaine  on  lieutenant 
»  tlu  guet ,  un  rôle  exa£l  du  nombre  des  habirans 
n  de  chaque  paroilfe  ,  conformément  à  ce  qui  eft 
»  expliqué  dans  le  prêtent  article. 

»  5.  Chaque  capitaine  ou  lieutenant  choifira 
»  parmi  les  habitans  les  plus  proches  de  fon  domi- 
»  cile  ,  deux  hommes  intelligens ,  qu'il  établira  fec- 
»  gens  du  guet. 

>»  6.  Le  rôle  des  habitans  fujets  au  pédonage 
'>  étant  arrêté,  le  capitaine  ou  lieutenant  du  guet 
»  en  commandera  tous  les  dimanches  à  l'iflue  de 
»  la  grand'mefTe  ,  deux  au  moins  &  fix  au  plus,  fui- 
"  vaut  les  circonftances ,  pour  faire  le  fervice  pen- 
»  dant  la  fcmaine,  à  commencer  le  lundi  matin;  il 
»  fuivra  exadement  le  tour  de  rôle  pour  comman- 
»  dsr  ce  fervice ,  &  fera  relever  de  femaine  en 
"  femaine  les  Pédons  qui  auront  été  commandés 
"  qiuiid  même  ils  n'auroient  pas  marché. 

»»  7.  Dès  que  les  lettres  &  paquets  feront  remis 
'>  ou  apportés  au  capitaine  ou  lieutenant  du  guec,  il 
»  notera  fur  lefdites  lettres  ou  paquets,  l'heure  de 
'>  l'arrivée ,  &  chargera  un  des  fergens  de  les  porter 
"  à  celui  des  Pédons  de  femaine  qui  fera  à  marcher. 
'>  Le  fergent  dira  au  Pédon  le  nom,  du  lieu  &  du 
»  correfpondant  auquel  le  paquet  devra  être  porté  , 
'»  8l  il  viendra  rendre  compte  du  départ  au  capi- 
"taine  ou  lieutenant  de  la  compagnie. 

»  8.  Les  capitaines  du  guet ,  qui  tiendront  des 
»  rôles  exa.£is  &  détai'dés  du  nombre  des  habitans 
»  de  leur  paroiife  ,  depuis  dix-huit  ans  Jufqu'à  foi- 
»  xante,  &  qui  dirigeront  eux-mêmes  le  fervice 
»  du  pédonage  avec  l'aaention  Si  l'exaélittide  qu'il 
»  exige,  fuivant  ce  qui  vient  d'être  dit,  jouiront 
»  des  exemptions  ci-après  : 

"  1°.  Ils  feront  exempts  du  tirage  pour  le  reni'e 
»  placement  des.  compagnies  de  canonniers-g.irde- 
»  côtes  : 

»  1".  Ils  Jouiront  de  la  même  exemption  pour 
»  un  de  leurs  enfans,  à  leur  choix  ,  on  pour  ujî 
»  valet ,  en  cas  qu'ils  n'aient  ^oint  d'enfans  r 

»  3".  Ils  ne  pourront  être  commandés  pour  les 
»  applaniHemens  ,  folTbyemens  &  autres  ouvrages 
')  préparatoires  de  grands  chemins-,  qui  fe  font 
»  ordinairement  en  commun  par  les  paroifles;^: 
»  feront  difpenfés  de  travailler  à  leur  tâcïie  pen- 
»  dant  la  campagne  : 

w  4".  Ils  feront  également  difpenfés  des  travaux 
»  auxquels  les  compagnies  du  guet  font  tenues  pour 
»  les  réparations  des  retranchemens  dé  la  côre, 
)?•  ainfl  que  des  chemins  qui  y  cond'uifent  &  com- 
n  miiniquent  aux  batteries;,  mais  ils  continueront 
»  d'être  employés  à  Tarmement  &  défarmemcnr 
»  defditcs  batteries,  qui  doivent  être  exécutés  par 
n  les  paroiflcs  garde-côtes. 

»  Ceux  defdits  cripitaiFres  qui  tiendront  des  rô- 
»  fes  esadls  &  détaillés- de  la  population  d-e  leurs; 
»  uaraiiTes,  mais  qui  ue  dirigeront  pas  eux-iaè- 


6x  P  É  D  O  N. 

>7  mes  le  fervi«e  du  pédonage  ,  jouiront  des 
n  exemptions  énoncées  ci-deffns ,  à  lexception  cie 
»  la  troifiéme. 

?*  9.  Les  lieutenans  du  guet  qui  dirigeront  le 
j>  fervice  du  pédonnage  ,  jouiront  de  toutes  les 
n  exemptions  de  l'article  précéd<;nt ,  à  l'exception 
j>  delà  féconde  ,  &  ils  feront  de  plus  exempts  du 
»  fervice  aux  corps  de-garde  d'obfcrvation  &  fi- 
"  gnaux  de  la  côte. 

»  Les  fergens  jouiront  de  la  quatrième  exemp- 
»  tion;  ils  feront  pareillement  exempts  du  fervice 
3>  aux  corps-de-garde  d'obfcrvation  &  fignaux  ,  & 
»  ne  feront  tenus  qu'à  recevoir  les  lettres  &  pa- 
»  quets  des  capitaines  ou  lieutenans ,  pour  les  re- 
j)  mettre  aux  Pédons  qui  devront  les  porter. 

rt  Les  habitans  qui  feront  infcrits  fur  le  rôle  des 
j»  Pédons  ,  jouiront  des  mêmes  exemptions  que  les 
ï>  fergens  ,  &  feront  tenus  à  porter  les  lettres  & 
n  paquets  ,  comme  il  a  été  expliqué. 

M  10.  Toutes  les  lettres  6c  paquets  (pu  feront 
»  portés  par  les  Pédons,  feront  contrc-fignés  du 
j»  nom  decelui  qui  les  enverra  ,  &  qui  marquera 
»  l'heure  à  laquelle  il  les  fera  partir,  &  le  lieu  où 
»  il  les  enverra. 

»  II.  Le  capitaine  ou  lieutenant  du  guet  de 
>>  chaque  paroilTe,  tiendra  un  érat  des  lettres  & 
»>  paquets  ,  dans  lequel  feront  marqués  le  nom  de 
»  ceux  qui  les  auront  contre  figncs  ,  &  les  lieux  où 
»  ils  auront  pafle ,  &  il  l'enverra  tous  les  mois  au 
>>  capitaine  en  chef  de  la  divifion. 

»  12.  Aucun  officier,  de  quelque  grade  qu'il 
»  puiffe  être  ,  ne  pourra  faire  marcher  les  Pé- 
»  d4>ns  pour  des  objets  étrangers  au  fervice  ,  cette 
I)  correfpondance  n'étant  établie  que  pour  faire 
»>  paffer  promptemènt  les  nouvelles  de  la  mer 
«  aux  ofliciers  fapét'ieurs,  &  leurs  ordres  dans 
«  les  cas  imprévus  ,  &  qui  exigent  de  la  célérité  : 
j>  Veut  fa  majefté  que  dans  les  cas  très-prefies, 
j)  &  lorfque  le  mauvais  temps,  la  difficulté  des 
>>  chemins  ou  l'éloignement  des  lieux  paroîtront 
>)  l'exiger ,  il  foit  fourni  des  chevaux  aux  Pédons 
ï>  par  les  paroiffes  garde-côtes  ,  fur  la  demande 
j>  qui  en  fera  faite  aux  maires  ou  fyndics  def- 
»  dites  paroiiTes,  par  les  capitaines  ou  lieutenants 
>»  du  ftviet.  " 

PEINE.  C'eft  la  punition  d'un  crime. 

Les  peines  qu'on  inflige  aux  coupables  font 
appelées  capitales ,  quand  elles  font  perdre  la  vie 
ou  qu'elles  privent  pour  toujours  de  la  liberté 
ou.  du  droit  de  citoyen.  Telles  font  la  mort  na- 
turelle ,  les  galères  perpétuelles  ,  le  banniffement 
à  perpétuité  hors  du  royaume  ,  &  la  prifon  per- 
pétuelle. 

On  appelle  Peines  affliSlives  ,  celles  qui  ne 
foQt  point  capitales  ,  mais  qui  affligent  le  corps 
ou  le  privent  de  fa  liberté.  Telles  font  les  ga- 
lères à  temps ,  le  fouet ,  la  flétriffure ,  le  carcan 
&  le  pilori. 

Et  l'on  appelle  Peines  infamantes  ,  celles  qui 
déshonorent  le    coupable   &  le  rendent  infâme. 


PEINE. 

Telles  font  l'amende  honorable,  le  bannifTcment 
à  temps ,  le  biâme  ,  &  l'amende  en  matière  cri- 
minelle. 

Il  y  a  encore  d'autres  punitions  qui  ne  font 
ni  afflitVives  ni  infamantes  :  telles  font  l'admo- 
nition ,  l'aumône  ,  les  injonflions  d'être  plus  cir- 
confpeél,  6ic. 

Les  Peines  dont  on  vient  de  parler  font  celles 
que  les  tribunaux  ordinaires  ont  coutume  de  pro» 
noncer  félon  les  clrconftances. 

Il  y  a  en  outre  les  Peines  que  prononcent  les 
confeils  de  guerre  ,  &  que  pour  cette  raifon  on 
appelle  Peines  militaires  :  telles  font  la  condam- 
nation à  avoir  la  tête  caflee  ,  à  paffier  par  les  ba- 
guettes ,  8cc. 

Il  y  a  auffi  des  Peines  particulières  ,  établies  con- 
tre les  efclaves  des  colonies  ;  telles  que  celles  d'a- 
voir les  oreilles  &  le  jarret  coupés. 

Enfin  ,  il  y  a  des  Peines  que  les  juges  d'églife 
peuvent  prononcer,  &  qu'on  appelle  Peine:  ca- 
noniques. 

Ces  peines  font  de  deux  fortes  ;  les  unes  font 
purement  fpirituelles,  comme  l'excommunication  , 
la  dégradation  ,  la  dépofition ,  la  {'ufpenfe  &  lin- 
terdit  ;  c'eft  ce  qu'on  appelle  cenfures  eccléfiafti- 
ques,  dont  la  première,  qui  eft  l'excommunica- 
tion, peut  être  prononcée  également  contre  les 
laïcs  &  contre  les  eccléfiaftiques  ,  ainfi  que  l'inter- 
dit; au  lieu  que  la  dépofition,  la  dégradation,  & 
la  fufpenfe,  ne  peuvent  tomber  que  fur  les  ecclé- 
fiaftiques.  Les  autres  Peines  canoniques  partici- 
pent du  temporel,  comme  le  jeûne  ,  les  prières, 
&  la  retraite  dans  un  féminaire. 

Outre  ces  Peines  ,  il  y  en  a  encore  d'autres  que 
les  juges  d'églife  peuvent  prononcer  contre  les  ec- 
cléfiaftiques,  mais  non  à  l'exclufion  de  tous  les  autres 
juges  :  telles  font  la  privation  du  bénéfice  ,  la  répa- 
ration honorable,  la  prifon  dans  un  monaftère  , 
la  privation  pour  un  temps  de  rang  dans  Téglife  , 
la  privation  de  voix  délibérative  en  chapitre,  la 
privation  des  diflributions  ou  d'une  partie  dure- 
venu  du  bénéfice,  l'aumône,  &c. 

C'eft  une  belle  chofe  que  les  leçons  que  donne 
Montefquieu  aux  légifîateurs  dans  le  chapitre  4  du 
livre  la  de  l'efprit  des  lois.  Cejl ,  dit  ce  fublime 
philofophe,  le  triomphe  de  la  libirté  ,  loi fque  les  lois 
criminelles  tirent  chaque  Peint  de  la  nature  particu- 
lière du  crime.  **' 

Et  pour  faire  connoitre  la  Peine  qui  devroit 
être  infligée  pour  chaque  crime  ,  il  divife  les  cri- 
mes en  quatre  clafles  :  il  met  dans  la  première , 
ceux  qui  choquent  la  religion;  dans  la  féconde, 
ceux  qui  blefient  les  mœurs  ;  dans  la  troifiéme , 
ceux  qui  troublent  la  tranquillité  ;  &  dans  la  qua- 
trième, ceux  qui  attaquent  la  fureté  des  citoyens. 

Montefquieu  ne  met  dans  la  claffe  des  crimes 
qui  intéreffent  la  religion  ,  que  ceux  qui  l'attaquent 
direâement ,  comme  font  tous  les  facriléges  fim- 
ples  :  «  Car,  ajoute-t-il ,  les  crimes  qui  en  troa- 
M  bleot  l'exercice  ,  font  de  la  nature  de  ceux  qui- 


PEINE. 

•  choquent  la  tranquillité  des  citoyens  ou  leur  (ù- 
n  reté,  &  doivent  être  renvoyés  à  ces  clafles. 

»  Pour  que  la  Peine  des  facrilèges  (impies  foit 
»  tirée  de  la  nature  de  la  cliofe,  elle  doit  conlifter 
»  dans  la  privation  de  tous  les  avantages  que  donne 
»  la  religion;  l'expulfion  hors  des  temples  ;  la  pri- 
»  vation  de  la  fociété  des  fidèles  ,  pour  un  temps 
1»  ou  pour  toujours  ;  la  fuite  de  leur  préfence  ,  les 
1»  exécrations,  les  conjurations. 

»  Dans  les  chofes  qui  troublent  la  tranquillité 
»  ou  la  fureté  de  l'état ,  les  atftions  cachées  font 
»  du  reffort  de  la  juftice  humaine.  Mais  dans 
M  celles  qui  bleffent  la  divinité  ,  là  où  il  n'y  a 
i>  point  dation  publique,  il  n'y  a  point  de  ma- 
»  tiére  de  crime  :  tout  s'y  pafie  entre  l'homme 
M  &  Dieu  ,  qui  fait  la  mefure  &  le  temps  de  fes 
»>  vengeances. 

»  La  féconde  claffe,  continue  l'auteur  cité,  eft 

V  des  crimes  qui  font  contre  les  mœurs.  Telles 
I)  font  la  violation  de  la  continence  publique  ou 
«  particulière,  c'eft-à-dire  ,  de  la  police  fur  la  ma- 
»)  nière  dont  on  doit  jouir  des  plaifirs  attachés  à 
n  l'ufage  des  fens  &  à  l'union  des  corps  ;  les 
»»  Peines  de  ces  crimes  doivent  encore  être  tirées 
»  de  la  nature  de  la  chofe  ;  la  privation  des  avan- 
5)  tages  que  la  fociété  a  attachés  à  la  pureté  des 
i>  mœurs  ,  les  amendes ,  la  honte  ,  la  contrainte 
»  de  fe  cacher ,  l'infamie  publique ,  l'expulfion 
»  hors  de  la  ville  &  de  la  fociété,  enHn  toutes  les 
»  Peines  qui  font  de  la  juridi61ion  correélionnelle, 
»  fuffifent  pour  réprimer  la  témérité  des  deux 
n  fexes.  En  effet ,  ces  chofes  font  moins  fondées 
n  fur  la  méchanceté  que  fur  l'oubli  ou  le  mépris 
»  de  foi-méme. 

»  Il  n'c/}  ici  queflion  que  des  crimes  qui  in- 
«  téreffent  uniquement  les  mœurs,  non  de  ceux 
>»  qui  choquent  auffi  la  fureté  publique  ,  tels  que 
j>  l'enlèvement  Ôi  le  viol ,  qui  font  de  la  quatrième 
M  cfpèce. 

V  Les  crimes  de  la  troifeme  claffe  font  ceux 
r>  qui  choquent  la  tranquillité  des  citoyens  ;  &  les 
»  Peines  en  doivent  être  tirées  de  la  nature  de  la 
»  chofe  ,  &  fe  rapporter  à  cette  tranquillité  ;  com- 

V  me  la  privation  ,  l'exil ,  les  corredions  &  autres 
»  Peines  qui  ramènent  les  efprits  inquiets  &  les 
M  font  rentrer  dans  l'ordre  établi  ». 

Monrefquieu  reftreint  les  crimes  contre  la  tran- 
quillité ,  aux  chofes  qtii  cohfienuent  une  fimple  lé-  , 
•iion  de  police  ;  car  celles  qui ,  troublant  la  tian-  ; 
tjuillité  ,  attaquent  en-méme  temps  la  fureté  ,  doi- 
vent être  mifes  dans  la  quatrième  claffe. 

w  Les  Peines  de  ces  derniers   crimes  ,  ajoute 
î)  ce  philofophe ,  font  ce  qu'on  app&Ue  des  fup- 
-i>  pliees.  C'ell  une  efpèce  de  taillon  ,  qui  fait  quç  '■■ 
yi  la    fociété  refufc  la    fureté   à  un   citoyen    qui  ' 
T>  en  a  privé  ou  qui  £n  a  voulu  priv-ei;  un  awrev 
?>  Cette  Peine  eft  tu"ée  de  la  nature  de  la  chofe,  ; 
5>  puifée  dans  la  raifon,,&  dans  les  fources  du 
»  bien    &  du    mal.  Un  citoyen  mérite  la  mort , 
»  lorfqu'il  a  violé   la  fureté  au  point  qu'il  a  ôté 


PEINE.  63 

»  la  vie,  ou  qu'il  a  entrepris  de  l'ôter.  Cette 
j>  Peine  de  mort  eft  comme  le  remède  de  la  io- 
}>  ciété  malade  ». 

Rien  de  plus  judcieux  fans  doute  que  cette  ap- 
plication de  la  Peine  de  mort.  Cependant  un  au- 
teur dont  l'oiivrage  a  été  loué  â  outr.ince  ^  même 
par  des  gens  de  mérite ,  a  effaji'é  d'établir  que 
quelque  crime  qu'eût  commis  un  citoyen,  il  n'é- 
toit  ni  utile  ni  néceffaire  de  le  condamner  à  morr. 
Il  a  de  plus  prétendu  que  la  Peine  de  morr  n'c- 
toit  appuyée  fur  aucun  droit.  On  voit  bien  que 
l'ouvrage  dont  je  parle  ici  eft  le  fameux  traité  des 
délits  &  des  Peines  attribué  ait  marquis  de  Beccari;'. 
Examinons  fi  la  doélrine  de  cet  auteur  doit  être  pré- 
férée à  celle  de  Monteiquieil ,  ix  à  celle  des  plus 
grands  légiflateurs  de  toutes  les  nations  &  de  tous 
les  fiècles  ,  qui  ont  cru  devoir  foumettre  à  )a 
Peine  dont  il  s'agit,  une  certaine  claffe  de  cri- 
minels. 

Le  droit  cjuc  les  hommes  s"* attribuent  d'égorger  leurs 
fanblabUs  ,  dit  M.  le  marquis  de  Beccaria  ,  nefl:  en- 
tairiement  pas  celui  dune  réfuUerc  la  fouveraineté  & 
les  lûïx  ;  elles  ne  font  que  la  Jvmme  des  portions  dt 
liberté  de  chaque  p4rticulier  ,  les  plus  petites  que  cha- 
cun ait  pu  céder.  Elles  reprifentent  la  volonté  génc" 
raUf  qui  ejl  fajfemblage  de  toutes  les  voLntés  par- 
ticulières. Or,  qui  jamais  a  voulu  donner  aux  autns 
hommes  It  droit  de  lui  ôter  la  vie  ^  Comment ,  dart 
les  plus  petits  fjcnfices  delà  liberté  de  chacun  ,pnit 
fe  trouver  compris  celui  de  la  vie  ,  le  plus  grand  de 
tous  les  b:ens  ?  Et  fi  cela  était ,  comment  ce  principe 
s'accordcroit-il  avec  la  maxime  qui  défend  le  fuicide  ? 
Ou  l'homme  peut  difpofer  de  fa  propre  vie ,  eu  il  n'a 
pu  donner  à  d'autres  un  droit  quil  na^'o'u  pas 
lui-même. 

Voilà  ce  que  l'auteur  cité  appelle  une  démonf. 
tration,  que  la  Peine  de  mort  n' ejl  appuyée  fur  aur 
cun  droit.  '      •     „         - 

Mais  cette  prétendue  démonftration  ne  feroit- 
elle  pas  plutôt  une  fuite  de  raifonnemens  vicieux 
dans  les  principes  ,  &  abfurdes  dans  les  confe- 
quences  ?  C'eft  ce  qu'il  convient  d'examiner. 

Il  a  fallu  pour  la  confervation  de  l'efpèce  hu- 
maine ,  que  quand  une  fociété  s'eft  trouvée  com- 
pofee  d'un  certain  nombre  d  hommes  ,  chaque  in- 
dividu fe  dépouillàt_  de  fa  force  &  de  fa  liberté, 
pour  former  une  fomme  de  forces  qui ,  n'a^^iffant 
que  par  le  moyen  d'un  feul  mobile,  protéoeàr  le 
plus  puiffamment  qu'il  feroit  polTiblé,  la  perfonne 
&  les  biens  de  chaque  affocié. 

Le  mobile  qui  fait  agir  ainfi  les  forces  réunies  eft 
le  fouverain  :  d'où  il  fuit ,  que  la  fouveraineté  re- 
préfente  la  volonté  générale ,  qui  eft ,  comme  l'ob- 
fetve  M.  ;le.  marquis,  de  Beccaria  ,J'aJfimbla^e-  (tt 
touiei.  les  volontés  particulières. 
:  Mais  dire  que  chaque  individu  s'eft  réfervé  un*» 
portion  de  fa  liberté  ou  de  fa  volonté,  c'eft  i\a 
paradoxe  infoutenaôk.  Il  eft  évident  que  dans  ce 
cas  ,  il  n'y  auroit  plus  de  contrat  focial ,  ou  du 
moins  l'union  des  membres  de  la  fociété  feroit  Im- 


^4 


PEINE. 


parfaite.  En  effet,  s'il  reftoit  quelques  droits  aux 
particuliers,  comme  il  n'y'auroit  aucun  juge  com- 
«niH  qui  pût  prononcer  entr'eux  &  le  public  ,  1  e- 
tat  de  nature  fubûfleroit ,  &  l'aflbciation  devien- 
droit  nécefTairemcnt  illufoire. 

Il  faut  donc,  pour  la  perfe6lion  du  contrat  fo- 
cial ,  que  chaque  allocié  fe  donne  fans  réferve  avec 
tous  fes  droits  à  la  communauté. 

De  ce  principe  inconteftable  dérive  la  confé- 
quence ,  que  le  fouvcrain  a  pu  légitimement  éta- 
blir la  Peine  de  mort  ,  lorfqu'il  a  cru  que  1  intérêt 
de  la  foci  -té  l'exigeoit. 

Prétendre  d'ailleurs  ,  comme  le  fait  M.  le  mar- 
quis de  Beccaria  ,  que  la  Peine  de  mort  ncd  m 
utile  ni  néceiTaire,  c'eft  affe(fler  de  méconnoitre 
cette  puiflante  loi  à  laquelle  la  nature  a  fournis 
l'homme ,  en  l'obligeant  de  s'occuper  fans  cefie 
des  moyens  de  conlerver  fa  vie.  En  effet ,  la  vie 
cft  ,  comme  le  remarqua  M  le  marquis  de  Bec- 
caria lui-même  ,  le  plus  grand  de  tous  les  biens. 
La  crainte  de  la  perdre  doit  donc  être  la  plus 
grande  de  toutes  les  craintes  ,  &  par  confjquent 
le  plus  grand  obftacle  qui  puifTe  empccher  un 
fcélérat  de  commettre  un  crime  qui  entraîne  la 
Peine  de  mort.  Cette  Peine  eft  donc  utile  ;  elle 
eft  donc  nécefTaire  pour  le   maintien  de  1  ordre. 

Qu'un  homme  foit  livré  à  une  h,.ine  atroce  , 
&  qu'il  foit  fur  de  conferver  fa  vie  en  poignar- 
dant fon  ennemi  ,  fa  paffion  lui  fera  commctire 
ce  crime,  parce  que  les  paffions  ,  tout  avcugles 
qu'elles  font,  ne  laifTent  pas  de  calculer  :  or  ,  le 
réfultat  du  calcul  en  cas  pareil  ,  eft  qu'on  fait  plus 
de  dommr.ge  à  fon  ennemi  qu  on  ne  peut  en  re 
cevoir  foi  même  ,  ce  qui  fufllt  pimr  déterminer 
la  h.iine. 

M.  le  marquis  de  Beccaria  cite  ,  pour  appuyer 
fa  doftrine  ,  l'exemple  de  l'impératrice  de  R,uflie  , 
Elizabeth ,  fous  le  régne  de  laquelle  on  n'a  puni 
de  mort  aucun  criminel  :  mais  fi  une  pitié  ex 
ceffive  a  déterminé  cette  princefl'e  à  faire  fubir 
de  moindres  Peines  aux  gr.nnds  criminels ,  elle 
r'a  du  moins  abrogé  la  Peine  de  mort  par  au- 
cune loi  :  aufli  fous  l'impératrice  qui  occi:pe  au- 
jourd'hui le  trône,  &  que  1  Europe  a  déjà  placée 
au  rang  des  grands  hommes  ,  on  punit  de  mort, 
fans  dirticuité ,  tous  les  criminels  dignes  de  cette 

Plijr)  f- 
eine.  *•    , 

M.  le  marquis  de  Beccaria  fe  fonde  encore  fur 
ce  que ,  félon  lui  ,  Wxpcricnce  de  tous  les  fihdes 
prouve  que  la  Peine  de  mort  na  jamais  empêché  les 
fcélérats  déterminés  de  nuire  à  la  foc'tété. 

Mais  ne  peut  on  pas  demander  où  ont  les  mo- 
numens  qui  étabhfi'ent  cette  expérience.''  Ne  fe- 
roit-il  pas  au  contraire  démontré  ,  fi  Ion  avoir  une 
confemon  exa(Se  de  tous  les  fcélérars  ,  c^ue  la 
crainte  du  dernier  fupplice  a  feittle  empêché  qu'ils 
ne  commiffent  une  infinité  de  crimes  } 

C'eft  d'après  les  allégations  qu'on  vient  de  rap- 
porter de  M.  le  marquis  de  Beccaria,  qu'il  fe  flatte 
d'avoir  plaidé  ôc  gagné  la  caufe  de  l'humanité.  Mais 


PEINE. 

on  peut  lui  dire  avec  plus  de  vérité  ,  qu'il  a  plaidé 
la  caufe  de  la  fcélératefie ,  Si  qu'heureufement  il 
l'a  perdue. 

Il  ne  faut  toutefois  pas  imaginer  que  je  veuille 
faire  ici  l'apologie  des  lois  de  iang  :  je  crois  au  con- 
traire qu'on  n'a  pas  toujours  fait  une  jufîc  applica- 
tion de  la  Peine  de  mort.  Il  me  feinble,  par  exem- 
ple, que  le  vol ,  de  quelque  efpèce  qu'il  foit,  ne 
devroit  jamais  être  puni  de  mort.  Peut-être  qu'il  fe 
commettroit  quelques  vols  déplus;  mais,  à  coup 
fur,  il  fe  commettroit  beaucoup  moins  d'aflaflinats. 
En  effet,  fi  l'on  ne  condamnoit  àniort  les  voleurs 
de  grand  chemin  que  quand  ils  ont  afTafliné ,  ils 
n'aiiairmeroient  jamais  ;  ils  fe  contenteroient  de 
voler  :  mais  comme  un  voleur  de  cette  efpèce,  qui 
ne  fait  que  voler ,  eft  puni  aufl*!  févérement  que 
celui  qui  vole  &  affaflîne  en  même-temps,  il  doit 
naturellement  raifonner  de  la  manière  fuivante  : 

»  Si  je  vole  ce  pafiant  fans  le  tuer,  &  que  je  fois 
r>  convaincu  du  vol ,  je  ferai  rompu  vif.  Si  je  tue 
y>  ce  partant  en  même-temps  que  je  le  volerai  ,  je 
1)  n  aurai  pas  à  craindre  un  fupplice  plus  cruel  j 
■n  il  m'eft  donc  plus  avantageux  de  tuer  ceux  que 
n  je  vole ,  que  de  les  voler  fans  les  tuer ,  puif- 
)j  qu'en  les  tuant  je  rends  mon  crime  plus  diffi-» 
»  cile  à  découvrir  ». 

Il  en  feroit  ben  différemment  fi  on  ne  puniffoit 
du  dernier  lupplice  que  les  voleurs  aHaffins  ,  & 
que  le^  galères  perpérueiles  fuifent  la  peine  des  au- 
tres vols  qualifies.  Alors  la  crainte  de  rifqucr  fa 
propre  vie  éloigneroit  du  voleur  toute  idée  d'af- 
taffiner.  On  ne  commet  point  le  crime  pour  le 
(.ommettre  ,   mais  pour  en  profiter. 

La  peine  que  l'ordonnance  de  1670  avoir  éta- 
blie, comme  plus  rigoureufe  après  le  dernier  fup- 
plice ,  étoit  iiï  ijiitflion  ,  avec  la  ré/erve  des  preuves 
en  leur  entïsr  :  mais  elle  eft  aujourdhui  abrogée , 
comme  on  le  vera  à  l'article  Question. 

Viennent  enUiite  les  galères  perpétuelles  ,  le 
banniffement  perpétuel ,  les  galères  à  temps  ,  le 
fouet ,  l'amende  honorable  ,  &  le  bannifTement  à 
temps.   Article   x-^  du  titre  25. 

Il  n  y  a  que  le  miniftère  public  qui  puiiTe  con- 
clure à  des  Peines  afflidiives  ou  infamantes  contre 
les  accufes  :  un  particulier  ne  peut  demander  que 
la  réparation  civile  ou  les  dommages  &  intérêts 
qui  lui   font  diJS. 

Cette  règle  reçoit  néanmoins  une  exception  en 
matière  d  altulière  ;  le  mari  peut  conclure,  con- 
tre fa  femme,  à  la  Peine  àQÏ authentique  Voyez 
Adultfre. 

Lorfqu'une  procédure  a  été  civilifée  ,  le  juge  ne 
peut  plus  prononcer  de  Peine  afïïiâive  ,  à  moins 
que  la  partie  publique  ne  vienne  contre  le  juge- 
ment de  civilifation  par  tierce  oppoiition  ou  par 
la  voie  d'appel,  ou  que  la  partie  civile  n'interjette 
appel  de  ce  même  jugement. 

Voye^  au  furplus  ce  que  nous  difons  en  parlant  de 
chaque  crime  &   de  chaque  Peine  en  particulier. 

PEINE  CONTRACTUELLE  On  entend  par 

paru 


PEINE  CONTRACTUELLE. 

peUe  en  matière  de  contrats ,  une  claufe  par  la- 
quelle oiî  s'engage  à  quelque  chofe  en  cas  d'inexé- 
cution de  la  promefTe  qu'on  a  faite. 

En  ouels  cas  eft-il  permis  on  défendu  deflipulcr 
des  p/ines  ?  Quels  font  les  eiFers  qui  en  rélulteni  ? 
Quelles  font  les  circonAanccs  qui  y  donnent  ou- 
verture ?  Ces  fortes  d'obligations  (ont  -  elles  di- 
vifibles  ou  indivifibles?  Telles  font  les  queflions 
que  cette  matière  nous  offre  à  difcuter. 

6.    ï.  De    la  validité  ou  nuUitc  des  Jlipulalions 

pénales. 

Une  obligation  pénale  eft  toujours  acceffoire  à 
une  obligation  primitive  ;  ainfi ,  d'après  le  principe  , 
qu'un  accefloirc  ne  peut  CnhCiûer  fans  la  chofe 
principale  (  i  )  ,  la  première  condition  requife  pour 
la  validité  d'une  claufe  de  cette  efpèce,  efi  que 
l'cblis^ation  primitive  foit  elle-même  valable. 

La  loi  69  ,  D.  di  verbunun  où!i^tUionil>us  ,  nous 
en  fournit  un  exemple.  Un  particulier  avoir  promis 
à  un  autre  de  lui  repréfenter  un  efclave  qu'il  igno- 
roit  être  mort,  finon,  de  lui  payer  une  certaine 
fomme  par  forme  de  Peine.  L'obligation  principale 
étoit  évidenmient  nulle ,  puifqu'eile  portoit  fur 
Vne  chofe  impoflîble  :  &  c'efl  pourquoi  Ulpien 
a  décidé  que  la  flipulation  pénale  ne  pouvoir  pas 
Yaloir  (  2  ). 

La  loi  61  du  même  titre  contient  une  décifion 
femblable  :  »  On  ne  peut ,  dit-elle  ,  faire  une  fli- 
»  pulation  en  cette  forme  :  y?  vous  m  minfiitiu\^  pas 
n  votre  héritier ,  vous  me  donnerez  telle  foinme  ,  parce 
3»  que  cela  eft  contre  les  bonnes  mœurs  ". 

Si  cependant  la  nullité  de  l'obligation  principale 
ne  provient  que  du  défaut  d'intérêt  de  celui  en  fa- 
veur duquel  elle  efl:  flipulée  ,  la  claufe  pénale,  qui  y 
eft  ajoutée  ,Moit  avoir  l'on  effet  ;  c'eft  ce  que  déclare 
le  §.  18,  aux  inf^vmiQS  de  inuùlibus  (lipulationibus. 
»>  On  ne  peut  ftipuler  pour  autrui  (  ce  font  les  ter- 
*f  mes  de  ce  texte  )  ;  &  lorfqu'on  veut  le  faire  ,  il 
M  eft  eftentiel  de  mettre  la  claufe  qu'en  cas  d  inexé- 
»  cution  de  la  flipulation  ,  il  y  aura  une  peine  au 
»  profit  de  celui  ^ui  ftipule  ,  quoiqu'il  n'ait  point 
»>  d'intérêt  à  la  chofe  ».  Cette  exception  eft  fondée 
far  une  raifon  rrès-fjmplc  :  «L'obligation  principale, 
»)  dit  Pothier,  n'eft  nulle  en  ce  cas  que  parce  que 
M  le  débiteur  y  peut  impunément  connevenir  ;  ce- 
»>  lui  envers  qui  elle  a  été  contrariée  n'ayant  alors 
N  nuls  dommages- intérêts  à  piétendre  en  casd'in- 
»»  exécution  :  l'obligation  pénale,  qui  y  eft  ajou- 
»>  tée ,  purg«  ce  vice ,  en  empêchant  le  débiteur 
i>  d  y  pouvoir  contrevenir  impunément  ". 

Par  la  même  raifon  ,  quoiqu'on  ne  puiffe  pas  pro- 
mettre dir3'£lement  la  fait  d'autrui ,  on  peut  ajoiuer 
Mne  peine  à  une  obligation  de  cette  efpèce  ,  parce 

i       '    -     -  * 

(l)  Cum  piincipalis  caufa  non  conûliir,  nec  ea  quiJem  qiix 
fcquuntuv  locum  obtinent.  L.  I15  ,  ^arcg.  i  ,  D.  i<  rculis 
JMrh. 

(1)  Si  homo  mortuiis  fi(li  non  potcft ,  nec  pcena  ici  impclïï- 
tilis  comniicietut  ,  queniacimcsiura  fi  quis  Siic.hum  lUQnuum 
dsic  iHpiilatLS ,  Ç\  dacus  non  effet ,  pœnam  ftirulccur. 

Toim  XIII. 


PEINE  CONTRACTUELLE.       65 

,  que  la  claufe  pénale  fait  voir  qu'on  n'a  pas  eu  fim- 
plement  l'intention  de  promettre  !e  fait  d'un  tiers, 
mais  qu'on  a  voulu  fe  conftituer  fa  caution  &  s  eri 
porter  fort ,  ce  qui  renferme  une  promefTe  pour  ioi 
6c  non  pour  autrui.  C'eft  ce  que  décident  exprefîé- 
ment  le  §.  21  du  titre  cité,  &  la  loi  38  ,  §.  2  ,  D. 
de  verborum  obligationibu^.  C'eft  aufti  ce  qu'a  jwgi 
un  arrêt  du  parlement  de  Bretagne  du  12  janvier 
1621 ,  rapporté  par  Frain.  Le  parent  d  un  chanoine 
de  Saint-Malo  qui  avoit  offenfé  fon  évêque  ,  avoit 
promis  à  celui  ci  que  le  chanoine  ne  paroîtroit  pas 
dans  la  ville  pendant  quatre  rHois ,  &  s'étoit  obligé 
de  payer  ,  en  cas  de  contravention  ,  une  fommede 
trois  cens  livres.  Le  chanoine  ayant  rompu  la  pro- 
mefte  que  fon  parent  avoit  faite  pour  lui ,  la  con- 
vention fut  jugée  valable  Ôcla  peine  encourue. 

La  féconde  condition  ,  ncceffaire  pour  la  validité 
d'une  claufe  pénale  ,  eft  qu'il  n'y  ait  rien  d'impof- 
ftble  ni  de  contraire  aux  lois  on  aux  bonnes  mœurs , 
dans  la  preftation  de  la  chofe  qui  en  eft  l'objet  ; 
mais  le  défaut  de  cette  condition  n'annulle  que 
l'obligation  pénale  ,  parce  que  le  principal  ne  dé- 
pend pas  de  l'acceflbire  &  peut  fubfifter  fans  lui. 
La  loi  92  ,  D.  de  verborum  vbli^atiornbiis ,  en  con- 
tient une  décifton  exprefte  f '^  Si  on  s'eft  obligé, 
n  dit-elle,  de  vous  repréfenter  quelqu'un  ,  ou  de 
»  donner  un  hyppocentaure,  en  cas  qu'on  ne  puiffe 
)»  ou  qu'on  ne  veuille  pas  le  faire  ,  ce  fera  la  rhéme 
»  chofe  que  fi  on  n'avoiccontradlé  que  l'obligation 
»  de  repréfenter  ».  La  loi  126,  §.3  du  même  ti- 
tre, porte  également,  que  dans  cette  hypqthèfe  , 
detri:dâ  jecundû  jlipulatione ,  prior  manet  uiilis. 

La  troifiénie  condition  ,  eft  que  l'obligation  prin- 
cipale ne  foit  pas  de  nature  à  faire  rejeter  les  claufes 
qui  emportent  quelque  peine.  Ainfi  lorfqu'il  eft  quef^ 
tion  d'argent  ou  d'autres  chofes  qui  fe  confomment 
par  l'ufage,  &  que  le  contrat  n'eft  point  un  de  ceux 
qui  produifent  des  intérêts  ou  en  légitiment  la  fti- 
pulation  ,  on  ne  peut  ftipuler  une  peine  en  cas  de 
défaut  ou  de  retard  du  payement  ;  cela  dégénére- 
roit  en  ufure. 

Mais ,  par  la  raifon  contraire  ,  il  eft  permis  d'in- 
férer des  claufes  pénales  dans  toutes  les  promeffes 
de  deniers  ou  de  chofes  fungibles  qui  admettent  les 
ftipulations  d'intérêts  :  par  exemple,  on  peut  ftipu- 
ler les  intérêts  des  fommes  que  des  débiteurs  s'obli- 
gent de  payer  par  des  tranfacTions ,  parce  que  ces 
intérêts  font  partie  du  prix  des  déf)ftemens  qui  font 
accordés  ,  «Se  que,  fuivant  la  loi  20,  C.  de  tranfac- 
tionicus,  les  tranfaitions  ont  la  nicme  force  que  les 
jugtmens  :  delà  vient,  «qu'en  la  caufe  d'entre  les 
»  fe'igneurs  de  Chateauroux ,  du  Bouchage  &  de 
»  Loué,plaidèe  folemnellement ,  le  lundi  dernier 
»  décembre  1 573  ,  Marion  &  Chopin  plaidans  ,  la 
5)  fupulation  faite  par  tranfaâlon  de  payer  par  ledit 
ij  fieur  de  Chateauroux  dix  mille  livres  dans  un  an  , 
îj  &,  à  faute  de  payer ,  s'obliger  au  doublement  8c 
n  tiercement  de  ladite  fommc  ,  a  été  confirmée  par 
M  arrêt ,  &  ledit  fieur  de  Chateauroux  condamné  à 
»  payer  ladite  fomme  dans  deux  mois  ,  aliàs ,  dès  i 


66         PEINE  COxNIR  ACTUELLE. 

"  prêtent  condamné  au  double  de  ladite  fomme. 
»  Ce  qui  étoit  âc  particulier  ,  c'efl  que  ledit  ficur 
)»  de  Loiié  ,  j:o.ir  n'avoir  reçu  ladite  fomme  de  dix 
V  inlile  livres  au  jour  convenu  ,  tomboit  en  de 
«  grands  intérêts,  &  ne  fut  reçue  l'offre  dudit  fei- 
»  gneur  de  Chateauroux ,  de  payer  audit  fieur  de 
»  Loué  les  intérêts  de  ladite  fomnie  de  dix  mille 
»  livres  au  denier  douze  ".  Ainfi  s'exprime  M. 
Louet ,  lettre  P  ,  §.  4  ;  6c  Brodeau  ajoute  ,  que  «  le 
«  même  a  été  jugé  par  arrêt  de  mercredi  19  avril 
î7  «575  ,  à  la  grand'chambre  ». 

On  peut  Aipuler  les  intérêts  d'une  dot  ou  d'une 
penfion  de  religieufe:  on  peut  donc  auflî  convenir 
d'une  peine  pour  le  cas  où  le  payement ,  foit  de  la 
dot ,  foit  de  la  penfîon ,  viendroit  à  manquer  ».  Il 
»  a  été  jugé  ,  dit  M.  Louet ,  que  la  peine  de  cinq 
f>  (ous  par  jour,  à  faute  de  payement  de  dix  écus 
»  par  an  ,  dus  pour  la  penfion  d'une  religieufe  de 
3j  Fontevraud ,  étoit  bonne  &  valable ,  &  le  fieur  de 
«  Melligny ,  frère  de  la  religieufe  ,  condamné  à 
«  payer  ladite  peine  pour  l'avenir,  &  néanmoins  , 
»  d'autant  que  les  arrérages  du  paffé  fe  montoient 
Ȉ  une  grande  fomme  de  deniers  ,  la  cour,  pour 
3>  aucunes  caufes  ,  les  a  modérés  à  cent  écus, à  mon 
yy  rapport,  en  la  cinquième  des  enquêtes  ,  en  avril 
»  1588  y. 

Brodeau  fait  menrion  d'un  arrêt  femblable ,  rendu 
le  3  août  1574  ,  »  pour  la  peine  de  cinq  fous  pour 
j>  chacune  ieniaine,  appofée  à  un  bail  emphytéoti- 
j>  que ,  au  cas  que  le  preneur  fût  en  demeure  de 
j)  payer  la  penfion  au  jour  préfix  », 

C'eft  ce  qui  a  encore  été  jugé ,  fuivant  le  même 
auteur,  par  arrêts  des  6  feptembre  1  570  ,  premier 
feptembre  1571 ,  3  décembre  1 588  ,  au  fujet  de  la 
peine  de  trois  fous  par  jour,  appofee  à  des  renies 
de  fondation  &  de  libéralité. 

Il  faut  cependant  obferver  qu'on  ne  Jugeroit  plus 
aujourd'hui  avec  tant  de  rigueur  ;  en  confirmant  les 
peines  ajoutées  ,  foit  à  des  tranfaélions  ,  foit  à  des 
conftitutions  dotales  ,  foit  à  tous  autres  ades  dans 
lefqiiels  il  eft  permis  de  flinuler  des  intérêts  ,  on 
ne  manquero't  pas  de  les  réduire  au  taux  des  in- 
térêts légitimes.  Voyez  l'article  Intérêts  ,  partie 
6  ,  &  la  loi  I  3  ,  §.  26  ,  D.  de  aâionibus  empt. 

Les  promeffesde  mariage  n'admettent  pas  de  fll- 
puLitions  pénales.  Ainfi  le  décide  la  loi  134,0.  de 
verôorum  obligattombus  ,  conçue  en  ces  termes  : 
5)  Titia  ,  qui  avoit  un  fîls  d'un  premier  mari  ,  a 
3>  époufé  en  fécondes  noces  Gaïus  Seins,  qui  nvoit 
»  une  fille  d'une  autre  femme  ,  &  il  a  été  flipulé  par 
V  le  contrat  de  mariage  ,  que  la  fille  de  Gains  Seïus 
3)  feroit  mariée  au  fîls  de  Titia  ,  à  peine  de  payer  par 
j>  celle  des  parties  qui  y  mettroit  obflacle  ,  une 
r>  fomme  d'argent  convenue.  Gaïus  Seïus  étant 
n  venu  à  mourir  pendant  le  mariage ,  fa  fille  n'a 
»  pas  voulu  époufer  le  fils  de  celle-ci.  On  a  de- 
»  mandé  fi  les  héritiers  cFe  Gaïus  Seïus  étoient  re- 
»  nus  de  payer  la  peine,  &  il  a  été  décidé  que  non , 
»  parce  qu'elle  avoit  été  fiipulée  contre  les  bonnes 
«  mœurs  y  car  iJ  feroit  indécent  que  ^  noîud  des 


PEINE  CONTRACTUELLE. 

»  mariages  tût  ferré  par  la  crainte  des  peines  ». 

Le  chapitre  26  ,  de  fponfalibus  ,  aux  décrétales  , 
décide  la  même  chofe  ;  voici  comme  il  efl  conçu  ; 
c'eflle  pape  Grégoire  IX  qui  parle:  "  La  femme 
»  Gemma  nous  a  expofé  que  fa  tille  s'étant  mariée 
»  à  C.  B.  de  Alferio  ,  l'a  mife  en  juftice  pour  la 
»  faire  condamner  à  la  peine  quia  été  fîipulée  en- 
»  tre  fon  fils  &  la  fille  de  Gemma,  lors  des  fiançail- 
»  les  contraélées  entre  ceux-ci ,  dans  un  temps  où 
»  ils  n'avoient  pas  encore  atteint  leur  feptième  an- 
»  née  ;  comme  les  mariages  doivent  être  libres  ,  & 
»  que  par  cette  raifon  toute  convention  pénale  qui 
»  y  a  rapport  doit  être  rejetée ,  nous  vous  man- 
»  dons  que  fi  la  chofe  efl  ainfi  que  nous  l'a  expofcc 
»  Gemma,  vous  forciez  B.  par  les  cenfures  ecclé- 
»  fiafliques ,  à  fe  défiilcr  de  fes  pourfuiies  contre 
»  cette  femme  ». 

La  décifion  de  ces  textes  a  été  adoptée  par  plu- 
fieiirs  arrêts.  Ecoutons  d'abord  M.  Louet  ;  »  Deux, 
»  ayant ,  l'un  un  fils ,  l'autre  «ne  fille  ,  defirant  con- 
»  ferver  leurs  maifons  proche  l'une  de  l'autre  j 
»  contraâent  enfemble  &  promettent  que  leurs  en- 
»  fans  venus  en  âge  nubile  fe  marieront  enfemble  : 
»  &  pour  fureté  de  ce ,  la  mère  de  la  fille  fe  départ 
»  de  l'enchère  par  elle  faite  d'une  certaine  fortie  de 
y>  leur  maifon  ,  &  le  père  du  fils  en  demeure  adju- 
»  dicataire  ,  du^  confentement  de  la  mère  de  la  fille  , 
»  en  faveur  dudit  mariage  ;  il  y  a  ftipulation  de 
»  dommages  &  intérêts  contre  celui  qui  contre- 
»  viendra  auxdites  promeffes  de  mariage  ,  &  d'ac- 
»  complir  de  fa  part  le  mariage  :  par  arrêt  du  9  mars 
»  1606  ,  les  parties  ont  été  mifes  hors  de  cour  ,  iSc 
»  néanmoins  celui  qui  avoit  la  terre  ,  condamné  à 
»  rétrocéder,  autrement  es  dommages  Si' intérêts 
»  procédans  à  caufe  de  ce  », 

Brodeau  dit  en  fes  notes  fur  cet  arrêt,  qifil  y 
en  a  plufieurs  «  autres  femblables  remarqués  par 
»  Chenu  en  fes  que/lions,  centurie  2  ,  que/lions 
»  43  ,  44 ,  45  &  48  ;  Bacquet ,  au  traité  des  droits 
»  de  jutHce  ,  chapitre  21  ,  n.  329  ;  M.  le  Prêtre  , 
»  centutie  i  ,  chapitre  68  ;  M.  Fremin,  en  fes  àc' 
»  cifions  du  parlement  de  Metz,  livre  2,  décï- 
»  fion  3  >'. 

Dtfghewiet  ,  en  fes  întlitutîons  au  droit  beigi- 
que  ,  après  avoir  dit  que  «  la  promefTe  de  certaine 
»  fom.me  à  défaut  d'époufer,  quoique  par  écrit,  efl 
»  nulle  )j ,  ajoute  que  "  le  parlement  de  Flandres  en 
»  a  ainfi  décidé  par  arrêt  de  1700  en  faveur  du  fieur 
»  Cardon,  &  que  les  maïeurs  &  échevins  de  Tour- 
»  nai  en  jugèrent  de  même  par  fentence  du  23  fé- 
»  vrier  1704  ». 

Cette  jurifprudence  n'efl  cependant  pas  fans  con- 
tradiéfeurs.  L'empereur  Léon  a  tenté  d'abolir  par  fa 
novelle  18,  les  lois  de  Juftinlen,  qui  défendent  les 
ftipulations  pénales  dans  les  promeffes  de  mariage  , 
&  cette  novelle  a  été  reçue  dans  plufieurs  endroits  ; 
Vo'ét , célèbre  jurifconfnlte  hollandois , affure  qu'elle 
eft  adoptée  dans  fon  pays  ;  necjue  hoc  îpfurn  à  nofîris 
moTibus  alienum  cjl  ,  &  Zypaeus ,  canonifle  d'An- 
vers,  foutient  qu'elle  devroit  l'être  par- tout.  £a 


PEINE  CONTRACTUELLE. 

effet ,  on  ne  peut  diflîmuler  qu'elle  ne  foit  plus  con- 
forme aux   principes  de   notre  droit  ,  que  n'y  font 
les  lois  qu'elle  abroge.  Les  Romains  lailToient  aux 
fiancés  une  liberté  entière  de  réfilier  leurs  promefies 
de  mariage  ,  alii  defponfatci  renunciare   condhioni  & 
rtubere  alii  nonprohibentur;  ce  font  les  termes  de  la 
Iji  I,  C.  de  fponfaUbas,  Parmi  nous  ,  au  contraire, 
les  fiançailles  produifent  une  aélion  véritable  &  ef- 
feflive  ;  les  juges  d'églife  font  autorifés  fuivant  les 
canons  à  les  faire  exécuter  par  la  voie  des  cenfures  ; 
&  fi  les  tribunaux   féciiliers  fe  bornent  à  condam- 
ner les  parties  qui  en  refufent  l'accomplifiément , 
aux  dommages-intérêts  occafionnés  parleur  rétrac- 
tation ,  c'eft  parce  que  l'expérience  a  prouvé  que 
les  mariages  forcés  ont  toujours  de  fàcheufes  fuites , 
&  il  n'y  a  pas  un  juge  qui ,  en  prononçant  de  h 
forte ,  ne  reconnoifle  l'obligation   de  droit  &  de 
confcience  qui  réfulte  des  fiançailles.  D'après  cela  , 
il  femble  qu'on  auroit  dû  abandonner  fur  ce  point 
les  lois  romaines,  &  regarder  comme  valables  rou- 
tes les  flLpulations  pénales  qui  tendent  à  empêcher 
des  réfiliemens  en  cette  matière.  Mais  la  décrétile 
du  pape  Grégoire  IX ,  rapportée  ci  deflus ,  a  fermé 
les  yeux  aux  jurifconfultes  ;  8c  quoiqu'elle  fût  don-  « 
née  fur  un  cas  tout   à  fait   particulier,  car  la  pro- 
mefTe  de  mariage  dont  elle  parle  avoir  été  faite  en- 
tre des  enfans  mineurs  de  fept  ans,  ils  n'ont  pas 
laiffé  de  la  regarder  comme  générale  ,  &  cette  doc- 
trine ,  une  fois  affermie  par  un  concert  unanime 
d'autorités  ,  a  fait  fans  peine  dans  les  tribunaux  les 
progrès  qu'atteftent  les  décifions  que  nous  venons 
de  retracer. 

Mais  cette  erreur  a  enfin  été  dévoilée  &  prof- 
crite.  Dès  le  28  mars  1658 ,  le  parlement  de  Paris  , 
en  confirmant  une  fentence  du  châtelet,  condam- 
na, fuivant  le  témoignage  de  Brodeau ,  «  Fran- 
5»  çois  le  Secq  au  payement  de  la  fomme  entière  de 
»  douze  mille  livres  de  peine  flipulée  par  le  contrat 
»  de  mariage  qu'il  n'avoit  pas  voulu  exécuter  (i).  j 
3>  Par  un  autre  arrêt  du  9  mars  1643  »  '^^  enfans  ik 
»  héritiers  de  celui  qui  avoit  promis  époufer  nnc 
»  fille  dans  quatre  ans  ,  &  en  cas  qu'il  vint  à  décé- 
»  der  avant  ce  temps,  lui  faire  payer  par  fes  héri- 
"  tiers  la  fomme  de  quatre  mille  livres,  furent  con- 
»  damnés  à  lui  payer  cette  femme,  avec  les  inté- 
»  rets  du  jour  de  la  demande  ,  la  cour  ayant  jugé 
>»  que  cette  fomme  étoitdue  par  forme  de  domma- 
)>  ges  &  intérêts  pour  l'inexécution  du  mariage  ». 

^  On  peut  ajouter  à  ces  arrêts  tous  ceux  qui  ont 
réduit  les  peines  ftipulées  par  les  promefies  de  ma- 
riage, à  la  jufte  mefure  des  dommages-intérêts  ré- 
fultans  de  l'inexécution  ;  car  cette  réduéîion  efi 
une  preuve  de  leur  légitimité  ,  Si  on  verra  ci-après 
que  toutes  les  efpèces  de  fiipulations  pénales  y  font 
fujettes. 

^  L'auteur  des  conférences  de  Paris  fait  mention 
d'un  arrêt  du  11  juillet  171 1  ,  qui  réduit  à  deux 


(»)  Bardetdaùe  cet  axrèc  du  îS  mats  15351, 


PEINE  CONIRACTUIILLE,      67 

mille  livres  un  dédit  de  mille  écus,  fiipulé  par  une 
promefile  de  mariage. 

Le  journal  des  audiences  nous  en  fournit  un  au- 
tre du  29  août  1713  ,  qui  réduit  à  cinq  cents  livres 
une  fiipulation  pénale  de  la  m^îme  fomme  que  la 
précédente. 

Bafnage  ,  fur  l'article  369  delà  coutume  de  Nor- 
mandie ,  en  rapporte  un  du  parlement  de  Rouen  , 
qui  confirme  cette  jurifprudence.  «  Une  fille  nom- 
"  mée  Loudier  pourfuivoit  un  fils  de  famille  ,  pour 
»  l 'époufer  ou  lui  payer  trois  mille  livres  fuivant 
'»  fa  promefie  ;  le  fils ,  &  le  père  qui  étoit  interve- 
»  narit ,  foutenoient  que  cette  promefie  étoit  nulle  , 
»  &  môme  qu'elle  avoit  été  faite  par  un  mineur,  & 
»  que  d'ailleurs  la  fille s'étant  abandonnée  à  ce  jeune 
»»  garçon  ,  cette  promelfe  n'étoit  ,  à  vrai  dire  , 
»  qu'une  taxe  &  une  compofition  qu'elle  avoit  faite 
"de  fon  honneur,  ce  qui  la  rendoit  honteufe  & 
"  nulle.  Néanmoins  ,  par  arrêt  du  10  mai  1662  ,  on 
"lui  adjugea  deux  mille  livres  pour  tous  intérêts  , 
»  dommages  &  dépens  ». 

§.  n.  Des  effets  que  produifent  les  conventions  pénales  - 
lorfqu  elles  font  valables. 

L'objet  d'une  Peine  contradîuelle ,  eft  d'afliirer 
l'exécution  de  l'obligation  principale. 

Ainfi  la  fiipulation  de  la  peine  n'éteint  ni  ne  ré- 
fout l'obligation  principale,  &  on  ne  doit  pas  pré- 
fumer que  les  parties  aient  eu  l'intention  de  fondre 
celle-ci  dans  celle-là.  C'efi  ce  que  porte  exprefié- 
ment  la  loi  122  ,  §.  2,  D.  t/*?  verhorum  obli^ationibus. 

Delà  il  réfulte,  que  quand  il  y  a  ouverture  à  la 
peine  par  le  défaut  d'accomplifiement  de  roblii^a- 
tion  principale,  le  créancier  peut ,  au  lieu  de  de- 
mander la  première  ,  pourfuivre  l'exécution  de  la 
féconde.  C'efi  la  difpofition  du  texte  que  nous  ve- 
nons de  citer ,  &  de  la  loi  28  ,  D.  de  aEllon'ibus  enipt. 

Si ,  en  fiipulant  une  certaine  fomme  en  cas  d'i- 
nexécution d'une  obligation,  les  parties  avoient 
témoigné  clairement  vouloir  qu'il  ne  fût  plus  dû 
autre  chofe  que  la  fomme  ,  dès  que  le  débiteur 
auroit  été  mis  en  demeure  de  remplir  fa  première 
promefie,  une  telle  convention  ne  feroit  pas  une 
fiipulation  pénale,  mais  une  obligation  aiifil  prinpale 
que  la  première  ,  &  faite  par  forme  de  novation  de 
celle-ci.  C'efi  Tefpèce  de  la  décifioa  de  la  loi  ^4  , 
§.  dernier,  D.  de  obligaiionibus  &  actionibus. 

Quoique  l'obligation  pénale  ne  porte  ^ar  elle- 
même  aucune  atteinte  à  l'obligation  principale  , 
cependant ,  comme  l'une  n'eft  que  compenfatoire 
des  dommage-intérêts  produits  par  l'inexécution  de 
l'autre,  le  créancier  ne  peut  pas  exiger  les  deux  à 
la  fois  ;  il  faut  qu'il  fe  contente  de  la  peine  ou  de 
la  chofe.  Mais  fi  la  peine  ne  l'indemnife  pas  fufii- 
famment ,  il  peut ,  après  l'avoir  reçue  ,  demander 
le  furplus  des  dommages-intérêts  qu'il  a  foufi'erts 
par  l'inexécution  de  l'obligation  principale.  Les  lois 
28 ,  D,  de  adionïbus  empt.  ,41  &.  42  ,  pro  focio  ,  le 
décident  cxprefiement  ainfi. 

Pothier  tait  fur  ces  textes  une  obfervarion  im- 


62       PEINE  CONTRACTUELLE. 

|)ortante.  «  Le  juge  ne  doit  pas  être  facile  à  écouter 
5'  le  créancier,  qui  prétend  que  la  peine  qu'il  a 
j>  perçue  ne  le  dédommage  pas  {'ufiirainment  de 
j>  l'inexécution  de  la  convention  ;  car  les  parties 
»  ayant,  par  la  fixation  de  la  peine,  réglé  &  fixé 
ï5  elles-mêmes  les  dommages  &  intérêts  qui  rcfulte- 
«  roient  de  l'inexécution  de  la  convention ,  le  créan- 
»  cier,  en  demandant  de  plus  gros  dommages  & 
»  intérêts  ,  fcmble  revenir  contre  une  eilimation 
ï>  qu'il  a  faite  lui-même,  en  quoi  il  ne  paroît  pas 
«  recevable,  à  moins  qu'd  n'ait  la  preuve  à  la  n;ain 
X»  que  le  dommage  par  lui  foufiert  excède  la  fomme 
i)  convenue  ,  comme  dans  cette  efpèce  :  fi  un  mar- 
»  chand  m'a  prêté  fa  voiture,  à  condition  que  je 
»>  la  lui  rendrois  un  certain  jour  auquel  il  en  auroit 
«  befoin  pour  mener  fes  marchandifes  à  vme  cer- 
»)  taine  foire,  àpeine  de  tt^^nte  li\'res  faute  de  la 
»  lui  rendre  au  jour  indiqué;  ce  marchand  ,  à  qui 
s>  j'ai  promis  de  la  rendre ,  peut  ne  fe  pas  con- 
j)  tenter  de  cette  fomme  de  trente  livres  ,  s'il  a  la 
»  preure  à  la  main  qu'il  a  été  obligé  d'en  louer  une 
j>  pour  cinquante  livres,  &  que  le  prix  commun 
«  des  voitures  pour  aller  à  cette  foire,  étoit  de  la 
»  fomme  de  cinquante  livres  dans  le  temps  auquel 
«  je  lui  dévois  rendre  la  fienne  ". 

La  règle  qui  e^i^pêche  le  créancier  d'exiger  tout- 
à-la- fois  Is  principal  &  la  peine,  admet  deux  ex- 
ceptions. Laprcniiêre  ,  efl  lornqu'il  ert  dit  exprefré- 
irient ,  que,  faute  par  le  débiteur  d'accomplir  fon 
obligation  dans  un  certain  temps-,  la  peine  fera  en- 
courue &  exigible,  fans  préjudice  de  l'obligation 
principale  ,  rato  mancntt  puêlo  , comme  s'exDï'ime  la 
loi  i6  ,  D.  de  tranfaâicr.ibus.  La  féconde  eft  lorfqu'il 
pareît  que  la  peine  efl  ftipulée  pour  réparation  des 
ilommages-intéréîs  que  doit  foaffrir  le  créancier , 
non  de  l'inexéciuion  abfolue  de  l'obligation  ,  mais 
du  fimple  retard  de  fon  accomplifTcment. 

La  cianfe  pénale  n'ôte  pas  à  celui  qui  l'a  ftipulée  , 
les  exceptions  &  les  fins  de  non-recevoir  qui  peu- 
vent réfuher  pour  lui  du  fond  de  l'engiigement  prin- 
cipal. Là  loi  lO  ,  §.  I  ,  D.  c/c  paFl'ii,  déclare  for- 
rtie'ikment  qu'il  ^ycnt  encore  les  faire  valoir,  mais 
que  dj.ns  ce  cas  il  eu  tenu  de  renoncera  la  chntfe 
péMaie  ;  ce  qui  doit  s'entendre  avec  les  deux  excep- 
tions o;ne  nons  venons  de  remarquer. 

Potuier  noiis  donne  un  exemple  de  cette  déci- 
fion,  »  Si  je  fuis  convenu  avec  un  mineur  devenu 
11  majeur,  qu'il  ne  reviendroic  poijit  contre  la  vente 
»  d'un  héritage  qu'il  m'a  faite  en  majorité  ,&  que 
)»  j'aie  flipulé  de  lui ,  par  forme  de  peine ,  uns 
3>  certaine  fomme  en  cas  qu'il  contrevint  à  la  con- 
»  vention  ;s'il  vient  par  la  fuite  à  m'affigner  en  en- 
ï)  lériiiement  de  lettres  de  refcifîon  contre  cette 
5)  aliénation,  la  claufe  pénale  inférée  dans  notre 
n  ir?itc,  n'empêchera  pas  que  je  ne  puiiïe  oppofer 
»  contre  d  demande  la  fin  de  non-recevoir  qui 
3j  rêfulte  de  i  engagement  principal  qu'il  a  coiJrraOé 
M  dïris  notr-c  traité  ,  de  ne  point  revenir  contre 
v  cette  aliénation.  Ma'is  comme  celui  q^ii  a  flipulé 
w  la  peine  ne  peut  pas  percevoir  £i  la  peine  &  ce 


PEINE  CONTRACTUELLE. 

M  qui  eft  renfermé  dans  l'engagement  principal ,  (t 
»  j'ufc  de  la 'fin  de  non-recevoir,  &  que  je  le  faffe 
■>»  déclarer  non-recevable  ,  je  ne  pourrai  plus  exiger 
»  de  lui  la  peine  que  j'ai  fîipuléei  &,  vice  versa  ^ 
"  fi  j'ai  exigé  de  lui  la  peine  ,  je  ne  pourrai  pas 
»  ufer  de  la  fin  de  non-recevoir». 

Nous  avons  dit  qu'on  ne  peut  à  la  fois  ,  dans- 
l'efpècc  dont  il  s'agit,  oppofer  la  fin  de  non-rece- 
voir &  fe  faire  payer  la  peine;  mais  cela  n'efl-il 
point  contraire  à  la  la  loi  122,  §.6,  D.  de  ver- 
corurn  obl/guti^'ibiis  ?  Poîhier  répond  que  non  ,  6c 
fait  clairement  difparûître  cette  antinomie,  a  Lorf- 
j>  que  j'ai  eu  convention  fous  une  certaine  peine,. 
»  avec  vous  devenu  majeur,  que  vous  ne  revien- 
V  driez  pas  contre  la  vente  d'un  héritage  qu«  vous 
»  m'aviez  faite  eu  minorité ,  l'objet  de  cette  con- 
»>  vention  a  été  de  me  procurer  la  libération  d'une 
"  aclion  refcifoire  que  vous  aviez  eiTe'flivement 
'>  contre  moi;  c'cft  pourquoi ,  lorfqu'en  vous  op- 
j>  pofant  la  fin  de  non-recevoir  qui  reluire  de  cette 
»  convention,  &L  en  vous  faifant  en  conféquence 
»  déclarer  non  recevable  dans  votre  aélion  ,  je  me 
»  fuis  pi"ocuré  la  libération  de  cette  aclion ,  je  n» 
"  peux  plus  vous  demander  la  peine  ;  autrement, 
»  j'aurois  tout-à-la-fois  &  la  chofc  Si.  la  peine;  ce. 
)>  qui  ne  peut  pas  être  :  telle  eft  l'efpéce  de  la  loi 
»  10  ,  §.  I  ,  D.  de  paS'is.  Celle  de  la  loi  122  eft 
»  trèî-différente  :,  après  un  partage  qui  efi  par  lui- 
»  même  valable  &  non  fujet  à  aucune  aflion  ref- 
»  cifoire,  dans  la  crainte  d'effuyer  un  procès,- 
»  quoique  mal  fondé,  nous  fommes  convenus  foi:s 
»  une  certaine  peine  de  ne  pas  revenir  contre  ; 
»  l'objet  de  cette  convention  n'efl  pas ,  comme 
3)  dans  l'efpéce  précédente,  de  me  procurer  la  ii- 
')  bération  de  qi:clque  aélion  refcifoire  que  vous 
i>  eufllez  contre  ce  part.ge ,  puifque  vous  n'ca 
j)  aviez  aucuns;  le  feul  objet  de  cette  convention 
»  eft  de  ne  pas  effuyer  un  procès  ;  c'eft  pourquoi , 
D  fi  vous  m'en  aviez  fait  un  ,  quoique  j'aie  obtenu 
1)  le  congé  de  votre  demande  >  il  y  ':nra  lieu  à  la 
)>  peine;  car  la  feule  chofe  qui  faifoit  l'objet  de 
»  notre  convention  ,^  étant  de  ne  pas  c/Tiiyer  un 
j?  procès,  quoique  mal  fondé,  m'en  ayant  f;it 
y  elïïiyer  un  ,  il  eft  vrai  de  dire  que  vous  m'avez 
»  privé  de  ce  qui  faifoit  l'objet  de  cette  conven- 
»  tion ,  d^3Ù  il  fuit  qu'il  y  a  lieu  à  la  peine  t>. 

On  demande  fi  le  juge  peut  modérer  &  réduire 
à  de  juftes  bornes  la  peine  à  laquelle  un  débiteur 
s'eft  fournis  en  cas  de  contravention  à  fon  engage- 
ment. La  négative  ne  fouffre  dans  le  droit  romain 
aucun  doute  raifonnable.  Il  eft  vrai  que  la  loi  uni- 
que ^  C.  de  fi'iieniïis  qna  pio  eo  quod  intcrcfl  pra-^ 
feruntur ,  défend  de  porter  les  dommages  intérêts 
au-delà  du  double  de  la  fomme  principale  ;  mais 
cette  défenfe  ne  concerne  que  l'indemnité  judi- 
ciaire,  &  n'a  aucun  rapport  à  l'indemnité  conven- 
tionnelle. Il  y  a  d'ailleurs  une  très-grande  différence 
de  l'une  à  l'autre.  Tout  homme  qui  contrafte  une 
obligation  principale  ne  s'impofe  que  fecondaire- 
ment  celle  des  dommages-intérêts  ç^ui  peuvent  t*; 


PEINE  CONTRACTUELLE. 

fulter  de  l'inexccuiion  de  (on  engagement;  &  11 
n'eft  pas  probable  qu'il  ait  entendu  s'obliger  indé- 
finiment a  ces  dommages-intérêts,  mais  feulement 
jufqii'à  concurrence  de  la  fomme  à  laquelle  ils  pa- 
roiflbient  devoir  monter.  On  ne  peut  pas  dire  la 
même  chore  de  l'indemnité  conventionnelle.  Les 
lois  défendent  de  fe  livrer  aux  préfomptions  ,  lorf- 
qnon  a  des  preuves  claires  de  la  volonté  qu'il 
s'agit  d'exécuter:  ainfî,  quelque  exccifive  que  foit 
la  fomme  flipulée  par  forme  de  peine  ,  le  débiteur 
ne  peut  pas  clifconvenir  de  s'y  être  obligé ,  &  c'efi 
à  lui  à  s'imputer  fon  imprudence  ou  (a  légèreté. 
Le  §.  20  ,  aux  inftitutes  de  inutilibus  flipulatïonibus , 
&  la  loi  38,  §.  ij  ,Y),  de  verbiirum  obligdnonibus , 
fortifient  cette  opinion,  en  décidant  que  dans  une 
claufe  pénale  il  ne  faut  pas  confidérer  Tintérêr  de 
celui  qui  l'a  fîipulée ,  mais  feulement  la  quantité  de 
la  fomme  qui  en  eft  l'objet  :  panam  ciim  quisjlipu- 
latUT,  non  infpicitur  quid  interjît  ejus  ,  fed  qux  ft 
quantitas  in  candinone  flipulaiionis.  La  loi  56  ?  D.  de 
eviétionibus ,  n'eft  pas  moins  pofitive  ;  elle  étal)lit 
nettement  qu'on  peut  dans  un  contrat  de  vente  (K- 
puler  la  reftitution  du  triple  ou  du  quadruple  du 
prix  en  cas  d'cviéiion. 

Quelque  folides  que  foient  ces  raifons  ,  tous  l^s 
auteurs  modernes  enfeignent  ,  &  une  foule  d'ar- 
rêts ont  décidé  que  la  peme  conventionnelle  peut  , 
lorfqu'elle  eft  exceffive  ,  être  réduite  Si  mo4éfée 
mr  le  juge.  Voici  les  motifs  d'équité  fur  lefquels 
ruthicr  fonde  cette  jurifprudence  :  «  Lorfqu'un  dé- 
y>  biteur  fe  foumet  à  une  peine  excelfive ,  en  cas 
ï>  d'inexécution  de  l'obligation  primitive  qu'il  con- 
î)  traâe  ,  il  y  a  lieu  de  préfumer  que  c'cft  la  faiiffe 
»  confiance  qu'il  a  qu'il  ne  manquera  pas  à  cette 
«obligation  primitive,  qui  le  porte  à  fe  foumet- 
»  tre  à  une  peine  aufii  exceffrve  ;  qn'il  croit  ne 
K  s'engager  à  rien  en  -s'y  foumettant ,  &  qu'il  eft 
n  dans  la  difpoStion  de  ne  s'y  pns  founïetfre,  s'il 
»  croyo:t  que  le  cas  de  cette  peine  pût  arriver  ; 
»  qu'ainfi  le  confentement  qu'il  donne  à  l'obliga- 
«  tien  d'une  peine  aufiï  excejTive  ,  étant  un  can- 
«  ftnrement  fondé  fur  une  erreur  &  fur  une  iilu' 
•n  fion  qu'il  fe  fait,  n'eft  pas  un  confentemeiK  vala- 
»  b!e  ;  c'eft  pourquoi  ces  peines  exceflives  doivent 
3?  erre  réduites  à  la  valeur  yraifemblable  à  laquelle 
»  peuvent  raontsr  au  plus  haut  les  dommages  & 
»  intérêts  du  créancier,  réfultans  de  l'inexécution 
3>  de  l'obligation  primitive  ".  Pothier  ne  fait  ici  que 
répéter  ce  qu'avoient  dit  avant  lui  Dumoulin  ,  de  eo 
quod  interefl  ,  n.  159;  le  préfident  Favre  en  fon 
code ,  livre  7  ,  titre  23  ,  dccifton  a  jGroeneweghen 
fjr  la  loi  unique, 'C.  dt  fentcnùis  i/uœ  pro  eo  <iucd 
ir-.tcre'jï;  'Vanheuwen  ,  cenfura  fotenfis  ,  pa^rtis  i  ,  i 
livre  4  ,  diapitre  15  ;  Voëtflir  le  digeHe ,  de  ver- 
•buriim  ohli^^aùoinbiis  :,Q^xo\\à-i'i .,  livre  6,  rcponfe 
59  j-'Socisnis,  tom.  I  ,  confeil  133;  Maranta  , 
dijput.  7  ,  «.  a6. 

Cette  doftrine  a  été,  comme  nous  Tavons  dit , 
approuvée  par  les  arrêts.  Papon.en  rapporte  ^^n  un  , 
jo  mars  1525  ,  parlet^tidila  été  jugé,,  ^ue  «  û-ua  , 


PEINE  CONTRACTUr  .LE.       ^9 

»  pleige  ou  débiteur  promet  de  payer,  faire  rati" 
j»  her  ,  ou  autre  chofe ,  à  peine  de  cinq  cents  livres  ■ 
5>  dans  certain  temps  ,  &;  ce  néanmoins  ne  peut  1* 
»  faute  de  ce  tant  importer  au  créancier  ,  il  ne  doit 
"demander  plus  contre  le  défendeur  que  l'intérêt 
'>  que  ce  lui  eft  ». 

Le  même  arrêtifle  nous  retrace  une  autre  efpèce 
dans  laquelle  on  a  encore  fuivi  l'opinion  des  au- 
reurs  cités,  a  Deux  gentilshommes  tranfi'^ent  (n*  la 
»  préférence  des  bancs  Se  honi:«nrs  dans  leur  pa-- 
»  roi^e,  &  promettent  faire  ratifier  leurs  femmes  , 
"  à  peine  de  c^ent  livres.  L'un  fait  ratifie*  fa  femme  ^ 
»  l'autre  ne  peut:  conve<aupour  la  peiaa  ,Ufe  dé- 
"  fend,  i*.  fur  ce  qu'iil  n'a  pu  ,  ^°.  fur  l'excès  de 
M  la  peine.  11  y  eft  condamné.  Il  app^ii*.  l^ar  arrâ; 
» 4e.  Paris  ,  il  eft  coïKlamné ,  à  faute  de  faiie  rati- 
M  tier ,  es  dommages  Si  intérêts  ». 

Nous  trouvons  da.ns  Oufail  *m  arrêt  du  parle- 
ment de  iBretagne  qui  juge  de  vc^fHQ.  Ua  »articuUer 
avoit  promis  de  faire  ratifier  une  tranfînaio-fl  fou» 
peine  de  cent  écus  ;  n'ayant  pu  remplir  fa  pro- 
niefle  ,  il  fut  attaqué  pour  le  payement  de  la  peine. 
Après  avoir  été  condamné  fuccefîivement  au  fjège 
deDinan  &  au  préiïdial  de  Rennes  ,  il. obtint,  le 
7  août  1565  ,  un  arrêt  qui  infirma  les  xleuxfenten-' 
ces  ,  &  le  condamna  à  tels  domm-ages  6c  intérêts 
que  de  raifon ,  modérés  &  arbitrés  à  yln^jt-cinq 
livres. 

Cette  jurifprudence  eft  aufti  reçue  au  grantl  con- 
feil de  Malines,  témoin  l'arrêt  186  du  xecueil  de 
M,  Dulaury  ;  voici  Jes  tQimçs  de  ce  rnagiftrat:  u  Au 
V  proxès  eurre  les  fjeiu-s  de  Loyens  &  de  Tilly  ,  ce 
»  dûrnier  conclut  à  une  peine  de  fix  cents  florins  ,. 
>♦  iflipulée  p-ar  certain  contrat  à  fon  profit ,  au  cas  que 
»  le.fieur  de  Loyens ,  fa  partie  ,  n'etîtretînt  pas  î'ac- 
vcorA  dont  ils  étoieirt  convenus  outre  8c  par-def- 
>r.1us  la  pro ra elle  iiifcréc  au  Jîiêfne  .contrat  de  ré- 
3)  foudre  rous  intérêts  en  pareil  cas  de  contraveti- 
»  rion.  Il  fut  tenu  au  grand  .confsil  &  jugé  par  ai- 
»  rêt  du  i7  juin  1618  ,  que  ladite  peine  n'étoit  pas 
"due  ,  quoique  I2  fieur  de  Loyens  eût  difomé  fbit 


»  nelle  n'eft  pas  due  ,  outre  la.  portée  de  Tintérét 
»  légitime  >?. 

'Nous  avons  fous  Its  yeux  deux  arrêts  du  confeil 
fc>uverain  de  Mons  ,  dont  l'un  préjuge  &  l'autre 
décide  définitivement  la  même  chofe^qije  les  pré- 
cédens:  ils  ont  été  rendus  les  6  mars  I7i4'&  i^ 
novembre  1715  ,  au  rapport  de  M.  Tahon  ,  entra 
la  veuve  Jean  le-Dru  6c  le  fieur  Vanderkefkove 
avocat  à  Gand.  ' 

Les  juges  ne  doivent  pas  exercer  indifcrétement 
la  faculté  que  ces  arrêts  leur  donnent  de  réduire 
la  Peiiîe  contraéluelle  à  k  jufte  indemniié  •  ils. 
ne  doivent  le  faire  que  quand  l'excès  de  l'un^ 
fur  l'aiure  eft  évident  fc  palpable  ;  en  ..tout« 
autre  circonftance  ,  on  icro'ix  ua  plus  grand  mal 
en  jetant  les   parties   daas  kv  euoiïarras  '&  k^ 


70        PEINE  CONTRACTUELLE. 

frais  d'une  liquidation  de  dommages-intérêts  » 
qu'en  condamnant  celle  qui  a  enfreint  fa  pro- 
mefle  ,  au  payement  d'une  peine  excenive.  On 
trouve  dans  Papon  ,  livre  12  ,  titre  9  ,  n.  4  , 
un  arrêt  fans  date  ,  qui  a  refufé  ,  fur  ce  fon- 
dement ,  la  réduâion  d'une  peine  qu'on  préten- 
doit  trop    conlidérable. 

Un  autre  cas  où,  fuivant  quelques-uns  des  au- 
teurs cités  ci-deilus  ,  le  juge  ne  doit  pas  modérer  la 
peine,  eft  lorfqu 'elle  n'eit  pas  flipulée  au  profit  de 
l'un  des  contraâans,  mais  d'un  tiers.  M.  Dulaury 
dit  que  cette  efpèce  a  été  propofée  au  grand  confeil 
de  Malines,  lors  de  l'arrêt  du  27  juin  1618  ,  &  que 
«  la  cour  igclina  à  ce  que  telle  peine  appofée  au 
M  profit  d'un  tiers  ,  eft  due  ;  8c  fur  ce  fujet,  ajoute- 
»  t-il  ,  fut  rappelé  que  les  pères  cordeliers  avoient 
j>  autrefois  obtenu  payement  d'une  peine  à  eux 
»  appliquée  en  ezs  de  contravention  à  un  certain 
)»  contrat  ». 

§.  m.  En  quel  cas  y  a-t-il  ouverture  aux  Peines 
contratluelles  ? 

Four  traiter  cette  queftion  avec  ordre  ,  il  faut  la 
confidérer  &  par  rapport  à  l'obligation  de  ne  pas 
faire  ,  &  relativement  à  la  piomefle  de  faire  ou  de 
donner  quelque  cliofe. 

Il  n'y  a  guère  de  difficulté  fur  la  première  hy- 
pothèfe.  Il  eft  évident  que  la  peine  eft  due  aufli- 
tôt  que  celui  qui  s'étoit  engagé  à  ne  pas  faire  quel- 
que chofe  ,  a  fait  ce  dont  il  devoit  s'abflenir. 

La  feule  queflion  qu"«n  puifTe  élever  là-defliis , 
eft  s'il  faut  que  l'aile  qui  donne  ouverture  à  l'o- 
bligation pénale  ait  eu  (on  effet ,  ou  fi  la  feule  ten- 
tative fiiffit  pour  rendre  la  peine  exigible.  On  ne 
peut  réfoudre  cette  queflion  que  par  l'intention  des 
parties  ,  &  il  faut  juger  de  cette  intention  par  l'ob- 
jet du  contrat. 

J'ai  flipulé  avec  vous  ,  fous  une  certaine  peine  , 
que  vous  ne  loueriez  votre  raaifon,  voifine  de  la 
mienne ,  à  aucun  ouvrier  travillant  du  marteau  ; 
nonobflant  cette  convention ,  vous  faites  un  bail 
à  un  ferrurier  ,  mais  ce  bail  demeure  fans  exé- 
cution :  puis-je  vous  demander  la  peine  à  laquelle 
vous  vous  êtes  fournis?  Non,  parce  que  le  feul 
objet  que  je  me  fuis  propofé  en  traitant  avec 
vous ,  a  été  d'empêcher  que  votre  maifon  ne  fût 
habitée  par  des  ouvriers  qui  m'auroient  incom- 
modé par  leurs  travaux  bruyans,  &  que  le  bail 
n'ayant  pas  eu  d'exécution  ,  n'a  pu  me  caufer  au- 
cune incommodité. 

C'efl  fur  la  même  raifan  qu'efl  fondée  la  loi 
6,  D.  de  fervis  exportandis ,  dans  laquelle  Papinien 
décide  que  lorfqu'en  vendant  un  efclave  ,  il  a  été 
convenu  ,  fous  une  certaine  peine  ,  que  l'acheteur 
ne  l'afTranchiroit  point ,  un  affranchiffement  nul 
qui  en  efl  fait  par  celui-ci ,  ne  donne  pas  ouver- 
ture à  la  claufe  pénale. 

La  loi  122  ,  §•  6  ,  D  ,  de  verborum  ohligatîoni- 
l'us ,  nous  offre  une  efpèce  &  une  décifion  toute 
différente  ;  nous  l'avons  analyfée  dans  le  paragra- 


PEINE  CONTRACTUELLE. 

phe  précédent  ;  6i  il  en  réfulte  ,  que  la  feule  ten- 
tative ,  quand  même  elle  feroit  infrudueufe  ,  fuf- 
fit  pour  donner  lieu  à  la  peine  ,  lorfqu'il  paroît  par 
la  nature  du  contrat  ou  autrement  ,  que  l'intention 
des  parties  a  été  ,  en  flipulant  celle-ci ,  de  fe  mettre 
à  l'abri  de  celle-là. 

Lorfque  la  promefTe  à  laquelle  on  a  ajouté  une 
claufe  pénale  ,  eil  de  donner  ou  de  faire  quel- 
que chofe  ,  la  peine  eft  encourue  dès  que  le  dé- 
biteur a  été  mis  en  demeure  de  remplir  fon  obli- 
gation ;  la  loi  122,  g.  1 ,  Y^.  de  verborum  obliga- 
tionibus  ,  lui  permet  même  de  purger  fon  retard 
jufqu'à  la  conteftation  en  caufe  ;  qucrro  an  fi  Ftavii 
Hermttis  hares  à  Claudii  harede  pœnam  fuprafcrip- 
tJtn  peten  vuluerit ,  Claudii  hxres  lîbertatcm  Stic/19 
prejlare  pojfit  ut  pœnâ  Uberetur  :  refpondit  pojfe. 

Cette  réfolution  n'avoit  cependant  lieu ,  dans 
le  droit  romain  ,  que  quand  l'obligation  étoit 
pure  &  fimple  ;  fi  les  parties  ctoient  conve- 
nues d'un  terme  ,  la  Peine  avoit  lieu  de  plein 
droit  aufTi-tôt  que  ce  terme  étoit  écoulé  ;  il  ne  fal- 
loit  pas  d'interpellation  pour  la  rendre  exigible, 
&  le  débiteur  ne  s'en  exemptoit  pas  ,  en  offrant , 
après  l'expiration  du  temps  convenu  ,  de  fatisfaire 
à  l'obligation  principale.  C'eft  ce  que  portent  la 
loi  23  ,  L).  de  obligatiombus  &  aBionibus  ;  la  loi  23  , 
D.  de  receptis  qui  arbiirium  receperunt  ;  la  loi  38  , 
§.  17  ,  D.  de  verborum  obligationibus  ;  la  loi  24  , 
§.  4  ,  D.  lecatt. 

Les  jurifconfultcs  romains  étoient  fi  attachés  à 
ce  principe ,  qu'ils  regardoient  la  Peine  comme 
encourue  de  plein  droit  ,  lors  même  que  le  dé- 
biteur étoit  mort  avant  l'expiration  du  terme  ,  & 
que  ,  par  le  défaut  de  fes  héritiers  de  prendre  qua- 
lité ,  il  ne  fe  trouvoit  perfonne  qui  pût  être  confli- 
tué  en  demeure.  La  loi  77,  D.  de  verborum  obliga' 
tionibus  ,  le  décide  ainfi. 

Ces  jurifconfultcs  alloicnt  plus  loin  encore  ;  la 
loi  113  du  titre  que  nous  venons  de  citer,  porte, 
que  quand  l'obligation  à  laquelle  on  a  ajouté  une 
claufe  pénale  ,  confifte  à  faire  ,  dans  un  terme  dé- 
figné ,  un  ouvrage  dont  la  confîrudion  exige  un 
certain  temps,  la  peine  eft  due  même  avant  l'expi- 
ration du  terme  ,  auffitôt  qu'il  efl  certain  que  l'ou- 
vrage ne  peut  être  fait  dans  l'intervalle  réglé  entre 
les  parties  ,  en  forte  que  la  prorogation  du  terme 
qui  feroit  depuis  accordée  au  débiteur,  ne  le  dé- 
chargeroit  pas  de  la  peine  encourue  auparavant. 

Dans  nos  mœurs  ,  le  feul  laps  de  temps  ne  fufïït 
pas  régulièrement  pour  conflituer  une  perfonne  en 
demeure  ,  ni  conféquemment  pour  donner  ouver- 
ture à  la  Peine  contraftuelle  ;  il  faut  de  plus  que  le 
débiteur  foit  interpellé  judiciairement  de  remplir 
fon  obligation.  Voyez  les  articles  Comminatoire  , 
Demeure,  Clause  pénale,  &  l'arrêt  du  31  dé-, 
ccmbre  1573  ,  rapporté  ci-devant,  paragraphe  i. 

La  loi  122  ,  §.  3  ,  D.  <^<r  verborum  obligationi:  us  , 
décide  qu'il  n'y  a  point  lieu  à  la  peine  ,  lorfque  le 
créancier  a  lui-même  été  caufe  que  le  débiteur  n'a 
pu  s'acquitter  de  fon  obligation. 


PEINE  CONTRACTUELLE. 

%.IV.  Lis  obligations  pénales  font-elles  divifibUs  ou 
indivifibhs  ? 

Cette  queftion  en  renferme  trois  :  le  débiteur 
peut  il,  en  s'acquittant  d'une  partie  de  fon  obliga- 
tian  ,  éviter  une  partie  de  la  peine  à  laquelle  H  s  eft 
fournis  en  cas  d'inexécution  ?  C'eft  la  première. 
Lorfque  le  débiteur  eft  décédé ,  la  contravention 
d'un  de  fes  héritiers  donne-t-elle  lieu  à  la  peine 
pour  le  total  &  à  !a  charge  de  tous  les  autres  ?  Ceft 
la  féconde.  Lorfqu'au  contraire  c'eft  le  créancier 
qui  eft  mort  ,  la  contravention  envers  un  de  fes  hé- 
ritiers fait-elle  -tc  >ii'ir  toute  la  peine  ,  &  les  au- 
tres héritiers  peuvent-ils  l'exiger  PC'eft  latroifième^ 

PREMliÈRE  QUESTION.  L'acquittement  J'itne  partie  de 
l'obligation  fouflrait-elle  le  débiteur  à  une  partie  de 
la  peine  ? 

Un  débiteur  ne  peut  forcer  fon  créancier  à  rece- 
voir une  partie  de  ce  qu'il  lui  doit  ;  ainfi  l'offre 
d'un  payement  partiel  n'a  pas  d'elle-même  la  vertu 
d'éviter  à  celui  qui  la  fait ,  une  partie  quelconque 
de  la  peine  ftipulée  pour  le  cas  d'inexécution. 

Mais  fi  le  créancier  a  reçu  volontairement  une 
partie  de  fa  dette,  pourra-t-il,  en  cas  de  défaut  de 
payement  de  ce  qui  refte ,  exiger  la  totalité  de  la 
peine  ?  La  loi  9  ,  §.  i  ,fiquis  cautionibus  in  judicio  , 
répond  ,  qu'encore  qu'à  raifonner  félon  la  fubtilité 
du  droit,  il  pui/1'e  paroître  que  la  peine  doit  avoir 
lieu  pour  le  total  ,  néanmoins  l'équité  demande 
que  cette  peine  loit  réduite  proportionnément  à  ce 
qui  refte  à  acquitter  de  l'obligation  principale.  On 
fent  la  raifon  de  cette  décifion  :  la  peine,  comme 
nous  l'avons  déjà  dit ,  n'eft  cenfée  promife  que 
pour  dédommager  le  créancier  de  l'inexécution  de 
l'obligation  principale,  &  le  créancier  ne  peut  re- 
cevoir l'une  8c  l'autre.  Ainft ,  lorfaue  l'obligation 
principale  eu  acquittée  jufqu'à  concurrence  d'une 
certaine  partie  ,  on  ne  peut  plus  exiger  la  peine 
pour  cette  partie  ;  autrement  ce  feroit  cumuler 
deux  chofes  que  les  lois  &  les  principes  empêchent 
d'admettre  enfemble  fans  une  convention  exprefle. 

Cette  décii'ion  eft  indiiliridement  vraie  à  l'égard 
des  obligations  dont  les  objets  font  divifibles;  mais 
elle  eft  régulièrement  fauffe  par  rapport  à  celles  qui 
ont  des  objets  indivifiblcs. 

On  dit  régulièrement ,  car.  Pothier  remarque  deux 
cas  ou  les  obligations  de  cette  dernière  efpèce  font 
fujettes  fur  ce  pointa  la  même  règle  que  celles  de 
1,1  première.  "Voici  comme  s'explique  cet  auteur. 

«  1°.  Quoique  l'exercice  d'une  fervitude  pré- 
H  diale  foit  quelque  chofe  d'indivifible  ,  &  qu'en 
}j  conféquence  l'obligation  que  contraéîe  le  poftef- 
n  feur  de  l'héritage  fervant ,  de  fouftrir  l'exercice 
»  de  la  fervitude,  foit  une  obligation  indivifible  , 
V  néanmoins  fi  cette  fervitude  eft  limitée  à  une  cer- 
»  taine  fin  pour  laquelle  elle  a  été  conftituée  ,  la- 
«  quelle  fin  fe  termine  à  quelque  chofe  de  divift- 
»  ble,  la  peine  fe  divifera  fi  cette  fin  a  été  remplie 
»  pour   partie ,  oc  n'aura  lieu  que   pour  la  partie 


PEINE  CONTRACTUELLE.       71 

>»  pour  laquelle  elle  n'aura  pas  été  remplie.  Ceci  va 

«  s'éclaircir  par  un  exemple.  J'ai  un  héritage  qui  a 

»  un  droit  de  fervitude  fur  le  vôtre  ,  lequel  droit 

»  confifte  en  ce  que  les  poftTefteurs  de  l'héritage  fer- 

»  vant  font  obligés,  au  temps  des  vendanges,  de 

n  fouffrir  que  mes  gens  tranfportent  ma  vendange 

'>  par  cet  héritage  ,  à  peine  de  cent  écus  en  cas  de 

r»  trouble  fait  à  mon  droit  de  fervitude.  Dans  cette 

')  efpèce,  fi,  après  avoir  laift^é  pafler  la  moitié  de 

»  ma  vendange ,  vous  avez  empêché  le  tranfport  du 

n  furpiuspar  votre  héritage,  vous  n'avez  encouru 

»  la  peine  de  cent  écus  que  pour  moitié  ;  car  quoi- 

»  que  la  fervitude  de  paftage  foit  indivifible,  &  que 

»  l'obligation  de  fouffrir  l'exercice  de  cette  fervi- 

»  tude  foit  l'obligation  de  quelque  chofe  d'indivifi- 

»  ble,  néanmoins  comme  cette  fervitude  eft  limitée 

»  à  une  fin  ,  qui  eft  le  tranfport  de  ma  vendange  , 

»  &  que  ma  vendange  eft  quelque  chofe  de  divifi- 

n  ble  ,  on  ne  peut  difconvenir  que  j'ai  joui  en  partie 

»  de  la  fin  pour  laquelle  la  fervitude  a  été  impofée  , 

"  8c  que  vous  m'en  avez  laift^é  jouir  en  me  laiftant 

"  tranfporter  par  votre  héritage  la  moitié  de  ma 

"  vendange  ;  je  ne  pourrai  donc  demander  quq  la 

>'  moitié  de  la  peine,  car  je  ne  peux  pas  percevoir 

»  la  peine  pour  le  total  ,  &  jouir  en  partie  de  l'uti- 

"  lité  de  mon  droit  de  fervitude  ;  je  ne  peux  pas 

M  avoir  tout  à-la- fois  l'un  &  l'autre.  Ceft  ce  qu'^en- 

»  feigne  Dumoulin  dans  l'efpèce  que  nous  venons 

>'  de  rapporter,  quia  ,  dit-il  ,  hcec  fervitus  de  fe  indi- 

»  vidua  dividuatur  ex  accidenti  &  ex  fine  dividuo.,,. 

)>  &  débet  judicari  fecundàm  regulam  dividuorum. 

>»  2°.  Nos  principes  reçoivent  encore  quelque 
j)  application,  même  à  l'égard  des  obligations  indi- 
»  vifibles  ,  dans  l'efpèce  fuivante  &  autres  fembla- 
»  blés  :  Vous  vous  êtes  engagé  ,  par  un  traité  ,  fous 
}»  une  certaine  peine  ,  à  me  faire  conftituer  un  droit 
11  de  fervitude  de  paftage  fur  un  héritage  dont  vous 
"avez  l'ufufruit,  &  qui  eft  voifin  du  mien  ,  en 
»  vous  faifant  fort  des  propriétaires.  Trois  des  pro- 
»  priétaires  ratifient  ;  un  feul  refufe  d'impofer  la 
»  fervitude  ;  la  peine  ,  à  la  vérité  ,  m'eft  due  en  ert- 
11  lier  ,  car  le  refus  d'un  feul  propriétaire  d'impo- 
')  fer  la  fervitude  ,  empêche  qu'elle  ne  foit  aucune- 
33  ment  impofée,  nonobftant  la  ratification  des  trois 
n  autres ,  un  droit  de  fervitude  ne  pouvant  être  inv« 
)»  pofé  pour  partie  ,  &  ne  pouvant  par  confé- 
»  quent  être  impofé  que  par  tous  les  propriétaires. 
«Mais  comme  cette  ratification  ,  quoiqu'elle  foit 
»  entièrement  inutile  pour  impofer  un  droit  réel  de 
j>  fervitude  fur  l'héritage,  a  néanmoins  un  effet  qui 
■>■)  confifte  à  obliger  perfonnelîement  ceux  qui  ont 
5)  ratifié  à  me  laiffer  paftTer  ,  je  ne  peux  exiger  toute 
»  la  peine  ,  qu'en  me  défiftant  de  mon  droit ,  qui 
»  réfulte  de  cette  obligation  ;  autrement  je  ne  pour- 
))  rai  exiger  qu'une  partie  de  la  peine,  ne  pouvant 
■>•>  pas  percevoir  toute  la  peine  ,  &  en  même-temps 
»  percevoir  quelque  chofe  de  l'obligation  princi- 
>»  pale  (i)  ». 


(0  Drii;  ouiin  ,iif  dh\i\xb'  i/;É(t;'iiLi.  ,p.irî  },  n.  ,^71  c;^  .^  -  j. 


7i        PHNE  CONTRACTUELLE. 

La  maxime  que  la  peine  n'eA  due  qu'à  propor- 
tion de  la  part  pour  laquelle  Tobligation  principale 
n'a  pas  été  exécutée  ,  s'applique  même  au  cas  où  la 
peine  confifteroit  dans  quelque  chofe  d'indivlfible. 
Je  vous  ai  prêté  cent  louis  ,  à  condition  que  vous 
ïTie  les  rendriez  dans  un  an  ,  &  il  a  été  convenu  , 
entre  nous  ,  qu'à  défaut  de  payenoent ,  vous  m'ac- 
corderiez pour  mes  cent  louis  un  droit  de  vue  fur 
votre  maifon  ,  voifine  de  la  mienne.  J'ai  reçu  de 
vous  cinquante  louis ,  mais  le  furphis  n'a  pas  été 
payé  au  terme  ftipulé  :  dans  cette  circonftance ,  il 
eft  clair,  d'un  côté  ,  que  je  ne  peux  pas  exiger  la 
peine  en  totalité  ,  puifque  l'obligation  principale 
eft  exécutée  en  partie  ,  &  de  l'autre  côté ,  que  la 
peine  ne  peut  être  demandée  pour  une  partie  feu- * 
îement,  parce  qu'elle  confifte  dans  un  droit  de  fer- 
vitude ,  qu'on  ne  peut  divifer  fans  le  détruire.  Il 
faut  donc  concilier  ces  deux  principes  l'un  avec 
l'autre  ,  &  c'efl  ce  que  fera  le  juge  en  m'ordon- 
rant,  lorfque  je  demanderai  à  jouir  de  la  fervitude  , 
de  vous  payer  la  moitié  de  l'eflimation  qui  en  fera 
faite  par  experts  (i). 

Seconde  question.  La  contravention  d'un  feîil 
héritier  de  robli^é  donne-t-cUe  ouverture  à  la  peine 
pour  le  total  &  contre  tous  les  autres  héritiers  ^ 

Il  faut,  pour  réfoudre  cette  que/tion  dans  toute 
fon  étendue  ,  diftinguer  fi  l'obligation  contraflce 
fous  une  claufe  pénale  ,  eft  indivilible  ou  non, 

Lorfque  cette  obligation  eft  indivifible,  la  con- 
travention qu'y  fait  un  feul  des  héritiers  du  débi- 
teur ,  donne  lieu  à  toute  la  peine  ,  non-feulement 
contre  celui  qui  l'a  ftipulée ,  mais  même  contre 
toui  fes  cohéritiers.  Par  exemple,  quelqu'un  s'cfi 
obligé  de  me  laifîer  paiTer  fur  fon  héritage  contigu 
à  ma  maifon,  à  peine  de  dix  livres  de  dommages- 
intérêts  en  cas  d'empêchement  :  un  de  fes  héritiers 
•me  ferme  le  paflagc  fans  la  participation  &  contre 
le  gré  des  autres  ;  la  peine  entière  eft  encourue 
contre  chaque  héritier ,  parce  que  l'objet  de  l'obli- 
gation étant  indivifible  ,  la  contravention  qui  y  a 
été  faite  par  l'un  des  héritiers  ,  porte  fur  toute  l'o- 
bligation ,  &  que  par  conféquent  elle  doit  faire 
encourir  la  peins  par  tous  les  rcpvéfentans  de  ce- 
lui qui  l'a  ftipulée.  C'eft  la  difpofirion  cxpreffe  de 
la  loi  4  ,  §.  I  ,  D.  de  vetborum  obligaiionibus ,  &  de 
la  loi  85  ,  §.3  du  même  titre. 

Mais  le  créancier  peut  il  demander  la  peine  en- 
tière à  chacun  des  héritiers  ?  Le  premier  des  textes 
que  nous  venons  de  citer  ,  déclare  qu'ils  n'en  font 
tenus  que  proportionnément  à  leur  portion  hérédi- 
taire: ab  omnibus  hczrcdibus  pccnam  committi  pro  por- 
tiene  hareditariâ.  Si  cependant  l'aé^ion  étoit  dirigée 
contre  celui  des  héritiers  qui  a  fait  la  contraven- 
tion ,  elle  ferolt  folidaire  à  fa  charge  ,  par  deirx 
raifons  qu'en  donne  Pothier.  La  première  eft  , 
«  qu'étant  tenu  d'acquitter  fes  cohéritiers  des  parts 
»>  dont  ils  font  tenus  de  la  peine  ,  le  créancier  doit 

(ij  Dumoulin ,  à  l'endroit  cité  ,  n.  jif . 


PEINE  CONTRACTUELLE. 

^  être  admis  ,  pour  éviter  le  circuit  d'aflions  ,  à  lui 
»  demander  la  peine  ,  non-feulement  pour  (a  part, 
"  mais   pour  celle  de  fes  cohéticiers  ,   dont  il  eft 
>»  tenu  de  les  acquitter  ,  &:  par  conféquent  pour  le 
»  total  3?.  La  féconde  eft  tirée  de  la  loi  9  ,  D.  depa- 
(hi.  •>■)  Il  eft  décidé  par  ce  texte ,  que  l'héritier  en 
»  partie  du  dépofitaire  qui ,  par  fon  fait  ,  a  caufé  la 
»  perte  de  la  chofe  donnée  en  dépôt  au  défunt,  eft 
»  tenu  pour  le  total  des  dommages  &  intérêts  en- 
"  vers  celui  qui   l'a  donnée  en  dépôt,  parce  que, 
»  quoique   l'obligation    principale    de  reftituer   la 
»  chofe  dépofée  ,  foit  une  obligation  divifible  ,  l'o- 
•>•>  bligation  acceflbire  de  la  preftation  de  la  bonne 
»  foi  pour  la  confervation  de  la  chofe  dépofée  ,eft 
»  une  obligation  indivifible,  dont  chacun  des  héri- 
»  tiers  du  déporuaire  eft  tenu  pour  le  total ,  8f  qui 
"  le  rend  débiteur  pour  le  total  des  dommages  & 
»  intérêts  du  créancier ,  lorfqu'il  y  contrevient.  Si 
»  un  héritier  pour  partie,  qui   contrevient  par  fon 
»  fait  à  une  obligation  indivifible   du  défunt  ,   eft 
»  débiteur  pour  le  total  des  dommages  &  intérêts  , 
"  il  doit  l'être  auftl  pour  le  total  de  la  peine,  puif- 
'>  que  la  peine  tient  lieu  des  dommages  Se  intérêts  , 
»>  &  n'en  eft  que  la  liquidation  convenue  par  les 
»  parties  elles-mêmes  ». 

Lorfque  l'obrligation  à  laquelle  eft  ajoutée  unç 
claufe  pénale  ,  porte  fur  un  t'ait  divifible  ,  il  fem- 
ble,  d'après  la  loi  4,  §.  i  ,  D.  de  verkorum  oblis;atio- 
nibus  ,  que  celui  des  héritiers  du  débiteur  qui  y  con- 
trevient,  encourt  feul  la  peine,  jufqu'à  concur- 
rence de  fa  portion  héréditaire.  Si  de  eo  cautum  fit 
quod  divifionttn  recipiat ,  veluti  ampliùs  non  agi ,  eum 
htcredem  qui  adverfùs  eafacit ,  pro  portione  Juà  folhm 
pcenam  committere. 

Mais  le  §.  4  de  la  loi  ç  du  même  titre  paroît 
contraire  à  cette  décifion.  Il  porte,  que  quand  un 
des  héritiers  du  débiteur  a  (atisfait  à  l'obligation 
pour  la  part  dont  il  étoit  tenu  ,  il  ne  laifle  pas  d'en- 
courir la  peine,  fi  fon  cohéritier  n'y  fatisfait  pas 
également  pour  la  fienne,  fauf  à  lui  d'exercer  fon 
recours  contre  ce  dernier  ://'  fortem  promijeris  ,  &  fi 
ea  foluta  non  ejje!  ,  pœnatn  ,  etiarrfi  unus  ex  hcsrcdi- 
bus  tuis  portionem  fuam  ex  forte  foUerit ,  nihilcmi' 
niis  pœnam    commictet  ,  douce  portio  coh(tredis  jolva- 

tur fed  à  coharede  ei  f^isfitri  débet ,  nec  enim 

aliud  in  lus  ftipulaiionibus  fine    hijuriâ  fiipulatori 
confîitui  potefl. 

De  toutes  les  manières  de  concilier  ces  deux 
textes,  il  n'en  eft  point  de  plus  fatisfaifante  que 
celle  qui  eft  propofce  p;ir  Pothier  ,  d'après  Cujas  & 
Dumoulin,  ii-  Lorfque  l'obligation,  dit- il ,  eft  indivi* 
*  fible  tam  folutione  quàrn  obligation:  ,  lorfque  l'in- 
V  tention  des  parties  ,  en  ajoutant  la  claufe  pénale, 
j»  a  été  fimplement  d'afiurcT  l'exécution  de  l'obli- 
>»  gation  ,  &  non  d'empêcher  que  le  payemem  ne 
M  pût  s'en  faire  par  parties  par  les  difiérens  héritiers 
n  du  débiteur ,  lur-tout  lorfque  le  fait  qui  fait  lob- 
«  jet  de  l'obligation  primitive,  eft  tel  que  les  dif- 
>»  térens  héritiers  du  débiteur  ne  peuvent  l'accom- 
»  plir  auireœeni  que  chacun  pour  la  part  dont  il 

eft 


PEINE  CONTRACTUELLE. 

■*>  eft  héritier  ,  en  ce  cas  ,  la  loi  4  ,  §.1  ,  tlolt  avoir 
»  lieu  ;  celui  des  héritiers  du  débiteur  qui  contre- 
■i>  vient  à  l'obligation  ,  doit  feul  encourir  la  peine  , 
»)  &  pour  la  part  feulement  dont  il  efl  héritier. 
î>  Le  tait  rapporté  dans  ce  texte  ,  arnpliùs  non  agi 
»  (  de  fe  défifler  d'une  aélion  )  ,  eft  de  ces  faits  di- 
»  vifibles  tam  folutione  quàm  obligations  ,  &  qui  , 
^>  par  la  nature  des  chofes ,  ne  peuvent  s'accom- 
j>  plir  par  les  différens  héritiers  de  celui  qui  a  con- 
■î>  tra^lJ  l'engagement,  que  pour  la  part  dont  cha- 
■Î5  cun  eft  héritier  ;  car  aucun  de  ces  héritiers  ne 
^>  fuccédant  que  pour  fa  part  au  droit  6c  à  la  pré- 
«  tention  que  le  défunt  s'eft  engagé  de  ne  pas  excr- 
»»  cer ,  chacun  des  héritiers  ne  peut  que  pour  fa 
ï»  part  contrevenir  à  Cet  engagement  ,  ou  l'exé- 
«  cuter ,  en  renouvelant  ou  ne  renouvelant  pas 
«  cette  prétention  pour  la  part  qu'il  y  a. 

»  Au  contraire ,  lorfquc  l'obligation  eft  divifi- 
«  ble  ,  à  la  vérité  quoad  obligauonem ,  mais  indi- 
w  yiC\h\s  quoad  fol utionem,  &  que  l'intention  des 
M  parties  a  été,  en  ajoutant  la  claufe  pénal;,  que 
»»  le  payement  ne  pût  fe  faire  que  pour  le  total , 
"  &  non  par  parties  ;  en  ce  cas  ,  chacun  des  héri- 
»»  tiers  ,  en  fatisfaifant  pour  fa  part  à  l'obligation 
«  primitive,  n'évitera  pas  d'encourir  la  peine  ;  & 
»»  c'eft  àce  cas  qu'on  doit  reflreindrelaloi  5  ,  §•  4  ». 

Voici  un  exemple  de  cette  décifion  '»  :  Un  né- 
»>  gociant  a  Aipulé  avec  fon  débiteur  une  certaine 
»  fomme  par  forme  de  Peine  ,  au  cas  que  la  fom- 
»  me  principale  à  lui  due  ne  lui  fût  pas  remife 
»  dans  un  certain  lieu,  au  temps  d'une  certaine 
"  foire  ;  les  offres  que  l'un  des  héritiers  feroit  de 
♦>  lui  remettre  fa  part  de  la  fomme ,  ne  doivent 
»>  pas  empêcher  que  la  peine  ne  foit  due  pour  le 
>'  total  ,  faute  d'offrir  le  total ,  parce  que  le  né- 
«  gociant  ne  pouvant  faire  les  affaires  qu'il  a  à  la 
»>  foire,  qu'avec  le  total  de  la  fomme  qui  lui  eft 
»  due,  l'intentien  des  parties  a  été  ,  en  ftipulant 
»  la  peine  ,  qu'elle  fût  encourue  pour  le  total ,  faute 
"  du  payement  du  total  de  la  fomme  due  ,  &  no- 
»>  nobllant  le  payement  partiel  qui  en  feroit  fait  ; 
«  car  ce  payement  partiel  ne  peut  réparer  ,  même 
"  pour  partie  ,  le  tort  que  le  créancier  fouffre  du 
«  retard  du  payement  du  furplus,  &  c'eft  pour 
»  la  réparation  de  ce  tort  que  la  peine  a  été  flipu- 
»  léc.  Obfervez  aufli  que,  dans  l'efpèce  delà  loi 
"  *!  '  §•  4  5  hi  peine  eft  ftipuiée  pour  le  retard  de 
n  l'exécution,  &  non  pour  l'exécution  ;  c'eft  pour- 
5J  quoi  le  créancier  doit  recevoir  le  principal  & 
«  la  peine  v. 

Troisième  question.  Zj  contravention  faite  en- 
vers Vun  des  héritiers  du  créancier ,  donne-t  elle  ou- 
verture à  la  peine  pour  le  total  &  contre  chacun  de 
fcs  cohéritiers  l 

La  négative  ne  fouffre  aucun  doute,  non-feule- 
ment lorfque  l'obligation  eft  divifible,  mais  encore 
lorfqu'elle  eft  indivifible  :  c'eft  ce  qui  réfulte  de 
la  loi  2  ,  §.  dernier  ,  D.  de  verborum  ohligationibus  , 
dont  voici  l'efpèce.  Vous  vous  êtes  oblige  par  une 

rw*r  xîu. 


PEINE  CONTRACTUELLE.      75 

tranfaâion  de  me  laifTer  pafTer,  moi  &  mes  héri- 
tiers par  votre  parc ,  fous  peine  de  douze  livres 
en  cas  de  contravention  à  votre  promefTe  :  j'ai 
laifTé  quatre  héritiers  ,  dont  trois  ont  toujours  tou- 
vé  l'entrée  du  parc  libre  ,  &  l'autre  a  éprouvé  de 
rotre  part  des  empêchemens  qui  la  lui  ont  inter- 
dite :  on  demande  fi  la  peine  eft  encourue  pour 
le  total  au  profit  de  tous  les  héritiers.  Paul  ré- 
pond qu'il  en  devroit  être  akrfi ,  fclon  la  fubtilité 
du  droit  ,  puifqu'il  s'agit  de  contravention  à  une 
obligation  indivifible  ;  &  c'eft  en  effet  de  cette 
forte  qu'Ulpien  réfout  la  queftion  dans  la  loi  3  , 
§.  I  ,  du  titre  cité.  Cependant  Paul  décide  que  l'é- 
quité doit  prévaloir  en  ce  cas  à  la  rigueur  des  prin- 
cipes, &  que  la  Peine  ne  doit  être  adjugée  qu'à 
celui  des  héritiers  qui  a  effuyé  l'empêchement , 
&  feulement  jufqu'à  concurrence  de  fa  portion 
héréditaire.  Sijliputator  decefferit ,  qui  Jlipulatus  erit 
fibi  hœredique  fuo  agere  licere ,  &  unus  ex  hceredibiu 
ejus  prohibeatur  ,  fî  pœna  fit  aJjeâîa  ,  in  folidum 
commiitetuT  ;  fed  qui  non  func  prohibiti ,  doli  excep. 
tione  /ummovebuniur.  «  La  raifon  en  eft  ,  dit  Po- 
»  thier ,  qiîe  l'équité  ne  permet  pas  que  les  trois 
»  héritiers  à  qui  le  débiteur  a  accordé  l'entrée  de 
»  fon  parc  ,  puiffent  eii  même  temps  percevoir 
i>  tout  le  fruit  de  l'exécution  de  l'obligation,  & 
»  percevoir  la  peine  ftipulée  pour  l'inexécution  de 
»  cette  obligation.  Si  qu'ils  puiffent  fe  plaindre 
"  de  la  contravention  que  le  débiteur  a  faite  à 
j)  fon  obligation  envers  leur  cohéritier,  à  laquelle 
)>  contravention  ils  n'ont  aucun  intérêt.  Non  de- 
))  bet  aliquis  habere  fimul  implernentum  obligationis 
>»  &  pœnain  contraventionis  ,  &  pœna  qua  Jubroga' 
»  tur  loco  ejus ,  quod  interejl  non  débet  committi  his 
))  qui  non  funt  prohibiti ,  &  quorum  nulla  interejl  co- 
»  hceredem  ipforum   effe  prohibitum   v. 

Voye[  le  traité  des  obligations  de  Potkier  ;  f-^oet 
fur  le  digejle  ,  titre  de  verborum  obligationibus  ; 
les  contreve'-fes  de  Fachini ,  6'c.  &  les  articles  CON- 
TRAT ,  Obligation  ,  Clause  pénale  ,  Com- 
minatoire, &c.  (^Article  de  M.  Merlin  ,  avo- 
cat  au  parlement  de   Flandres.  ) 

PEINE  SERVIE.  La  coutume  de  Cambrefls  ap- 
pelle obligation  par  Peine  fervie  ,  tout  a6le  pafle 
devant  des  perfonnes  publiques ,  &  par  lequel  le 
débiteur  foumet  fa  perfonne  &  fes  biens  aux  exé- 
cutions de  la  juftice,  fous  peine  de  foixante  fous 
cambréfiens  ,  qui  font  trente  patards  de  Flandres. 

Pour  mettre  à  exécution  un  a<Re  de  cette  ef- 
pèce  ,  on  s'adreffe  à  l'ofîicier  du  lieu  qui  remplit 
les  fondions  de  haut-juflicier ,  parce  que,  fulvant 
l'article  7  du  titre  21  de  la  coutume  ,  matière  de 
Commandement  concerne  la  haute  jujlice  ;  on  lui  fert 
la  Peine  ,  ou  ,  en  d'autres  termes  ,  on  lui  paye 
trente  patards,  &  il  donne  commiffion  à  l'un  de 
les  fergens  d'exécuter  le  débiteur. 

L'ariicle  45  du  titre  25  porte  ,  que  cette  exé- 
cution «  fe  fait  ordinairement  en  la  cité  contre 
M  manans,  par  appréhenfion  de  la  perfonne  obli- 
»  gée  par  Peine  fervie  ;  mais  contre  forains  ou 


74 


PEINE  SERVIE. 


M  hors  de  la  cité ,  Ce  peut  faire  ,  tant  par  r.ppréiien- 
M  (ion  du  ia  perfonne  que  par  des  biens  meubles  », 
Ot  voit  par  ces  termes  ,  que  la  coutume  ne  per- 
met pas  de  Taifir  les  meubles  des  bourgeois  ;  en 
ciiet  ,  dit  M.  Desjaunaux  dans  fon  commentaire  , 
"  ils  ne  font  jamais  fujets  aux  exécutiops  des  fai- 
j>  fies  &c  arrêts,  fi  ce  n'eft  par  clain  de  déga^?- 
3>  ment  pour  falaircs  Se  journées  de  domefliques 
»  ou  artifans  (article  4  de  ce  titre),  ou  lorfque 
»>  le  débiteur  les  a  fpécialemeiit  hypothéqués  par 
"  obligation  paOee  devant  échevins  (article  24  )  , 
'!  ou  enfin  dans  les  caufes  privilégiées  de  louages  ; 
"  rentes,  «Sic  1» 

La  coutume  ,  dit  encore  le  même  commen- 
taire fur  l'article  1  du  titre  cité  ,  en  a  ainfi  dif- 
pofé  par  rapport  aux  bourgeois  ,  parce  qu'elle  "  a 
»  eftimé  que  la  honte  &  la  crainte  de  la  prifon  les 
"  engageroient ,  plus  puiiTamment  que  tout  autre 
»  motif,  à  fatisfaire  prompteraent  leurs  créan- 
V  ciers  57. 

L'article  46  du  même  titre  déclare  ,  conformé- 
mentaux  principes  du  droit  commun,  que  «  contre 
5»  l'héritier  ou  héritiers  de  la  perfonne  obligée  , 
3>  le  créancier  ne  peut  faire  procéder  par  voie  d'exé- 
'>  cution,  par  Peine  fervie  ,  mais  doit  procéder  par 
»  clain  ou  fimple  ai5tion  ». 

L'article  47  porte  ,  qu'une  «  obligation  pafleo 
»  pardevant  le  bailli ,  prévôt ,  châtelain  &  jufHce  , 
»  n'eft  exécutoire  par  Peine  fervie  ,  finon  en  la 
»  feigneurie  où  elle  eft  palléc  )>. 

L'article  150  décide,  d'après  le  même  principe  , 
qu'une  «  obligation  paffée  hors  du  pays  de  cam- 
»  brefis,  ne  vaut  en  icelui  que  pour  cédille,  & 
>»  n'eft  exécutoire  par  Peine  fervie  ». 

Deux  arrêts  du  parlement  de  Flandres  des  30 
juillet  1705  ,  Si  27  mars  1711  ,  rendus  l'un  au  rap- 
port de  M.  Hanecart ,  l'autre  au  rapport  de  M. 
Pancouques  ,  ont  jugé  ,  fuivant  M.  Desjaunaux  , 
«  qu'un  fimple  archer  de  maréchauffée  ne  peu: 
»  décliner  la  jurididllon  du  juge  ordinaire  ,  &  bieiî 
j)  moins  prendre  à  partie  à  Cambrai  le  prévôr  de 
5)  la  ville,  pour  avoir  accordé  commiiîîon  exécu- 
»  toire  contre  lui ,  fur  un  titre  où  il  s'étoit  fournis 
»  à  fon  office  fous  obUgnion  de  Peine  fervie  ». 

Voyez  les  articles  Exécution  ,  Clatn  ,  Obli- 
gation ,  Grand  ,  &c.  (  Article  de  M,  Merlin  , 

avocat  au  parlement  de  Flaridres.  ) 

PEINE  TESTAMENTAIRE.  Il  arrive  fouvent 
qu'un  teflateur  prononce  des  peines  contre  les  hé- 
ritiers ou  légataires  ,  pour  le  cas  où  ils  n'exécute- 
roient  pis  fes  dernières  volontés. 

Les  difpofuions  pénales  peuvent  avoir  trois 
objets  :  elles  forment,  ou  une  libéralité,  ou  une 
révocation  de  libéralité ,  ou  une  tranflation  de  li- 
béralité. 

Si  le  tefîateur  dit  :  «  Je  défends  à  mon  héritier 
»  de  donner  fa  fille  en  mariage  à  Titius  ;  &  s'il  la 
»>  lui  doni>e,  je  veux  qu'il  paye  mille  écus  à  Sem- 
»  pronius  »  ,  c'eft  un  legs  pénal. 

Mais  s'il  dit  :  u  Je  rcvoque  le  legs  que  j'ai  fait 


PEINE  TESTAMENTAIRE. 

»  à  Titius,  EU  cas   qu'il  donne  fa  fille  en  mariage 
j)  à  Sempronius  »,  c'eft  \xr\e  révocation  pénale. 

Si  enfin  il  difpofe  de  cette  manière  :  «  Je  lègue 
»  à  Caïus  cent  écus  ,  &  s'il  donne  fa  fille  en  nia- 
»  riage  à  Sempronius,  je  donne  les  mêmes  cent 
»  écus  à  Titius  »,  c'efl  une  révocation  pénale. 

On  doit  appliquer  les  mêmes  exemples  aux  inf- 
titutions  d'héritiers,  aux  fidéicommis ,  &  à  toute 
autre  libéralité  tefiamentaire. 

Les  difpofuions  pénales  ont  beaucoup  d'affinité 
avec  les  difpofuions  conditionnelles  ;  on  remar- 
que la  même  forme  dans  les  unes  Se  dans  les  au-' 
trcs  ,  &  même  ,  à  parler  exadement ,  celles-ci  ne 
difièrent  de  celles-là  que  dans  les  principes  du  droit 
ancien,  La  loi   2  ,  D.  (/e  his  qua  fanx   cciufâ  reltn- 
cjuuntur ,  nous  donne  une  règle   pour  les  difcer- 
ner.  La  queflion  de  favoir ,  dit- elle  y  fi  une  difpo- 
fuion  eft  pénale  ou  conditionnelle  ,  eft  un  point 
de  fait  qui  dépend  de  la  volonté  du  teflateur,  ;»œ- 
nani   à  conditione    voluntas  teflatoris  Jeparat.  Mais 
cette  règle  eft  fi  vague  ,  qu'à  peine  en  tireroit  on 
quelques  traits  de  lumière  ,  fi  elle  étoit  ifolée.  Go- 
defroy  la  développe  en  ces  termes  :  Lorfque  la  dif- 
pofuion  ell  faite  en  haine  de  l'héritier  ,  elle  eft  pé- 
nale; lorfqu'elle  tend  à  gratifier  le  légataire,  elle 
cft  conditionnelle.  Si  odio  haredis  id  appofitum  efl , 
pœ/ia    ejl  :  fi  in  fivorem  legutuni  ,   conditio.  Cujas 
s'explique  à  peu-près  de  même.  Un  legs  eft  pénal , 
dit-il ,   lorfqu'il   n'efl  point  fait    par  affeélion  pour 
le  légataire ,  mais  dans  la  vue  de  punir  riiéntier. 
Legatiim  relinquiiur  pœna  caufd ,  qubd  non  relincjui- 
lur  Le^atarïi  gratiâ  .  fd  in  odïum  &  pœi.im  hctredis^ 
Cette  théorie  c'  calquée  fur  la  déhnition  du  legs 
pénal  ,  telle  qu'on  la  trouve  dans   les   fragniens 
d  Ulpien  ,  titre  24  ,  §.  16  :  pœna  autem  caufd  leoaiur 
quod  coercendi  hxr^dis  Caufâ  relinquirur ,  ut  faciat  qui' 
dem  aut  non  faciat,  non  ut  legatum  pertineat  ;  &  cette 
définition  a  été  adoptée  par  l'empereur  Jufiinien  en 
fes  inflittites,  §.  36  ,  de  legatis  ;  voici  les  termes  de 
ce  légiflateur  :  «  On  lègue  par  forme  de  Peine , 
»   quand  on  lègue  pour  punir  fon  héritier ,  en  cas 
»  qu'il  fafîe   ou  biejî  qu'il  ne  fafi^e   pas  quelque 
»  chofe  ;.  comme  fi  l'on  dit  :  Je  veux  que  mon  héri- 
))   ticr ,  i'il  donne  fa  fi'.li  en  mariage  à  Titius  ,  ou  au 
»   contraire  ,  /i/  ne  donne  pas  fa  fille  en  mariage  à 
»   Titius ,  paye  dix  écus  d'or  à  Seias.  Ou  s'il  dit  :  Je 
»  veux  que  mon  héritier,  s'il  aliène  Stychus ,  OU  au 
»  contraire  ,^  s'il  ne  l'aliène  pas ,  donne  dix  écus  d'or 
»  à  Titius  ». 

L'empereur  Antonin  le  Pieux  fut  le  premier  qui 
défendit  les  difpofitions  pénales;  primus  conjlituit 
ne  pœnx  caufd  legatum  maneret ,  dit  Capitolin  dans 
la  vie  de  ce  prince.  Cette  loi  fut  confirmée  par  fes 
fucceflturs  ,  comme  on  le  voit  dans  la  loi  2 ,  D. 
de  his  qu<z  pana  caufi  relinquuntnr  ,  &  dans  les  frag- 
mens  d''Ulpien,  titre  24,  §.  16  ,  Si  titre  25  ,  §,  13  ; 
«  &  elle  étoit  fi  étroiiettient  obfervée  ,  dit  l'empe- 
»  reur  Jufiinien^  à  l'endroit  cité  ,  qu'il  étoit  ftatué 
»  par  plufieurs  ordonnances ,  que  le  prince  même 
»  né  pouvoir  pas  recevoir  un  legs  de  cette  nature. 


PEINE  TESTAMENTAiaE. 

H  qui  lui  auroit  été  tait  :  quoique  dans  les  tefla- 
»  mens  militaires  la  volonté  du  teftateur  tût  en 
»  toutes  choies  exécutée  poaâuellement ,  les  legs 
»  de  cette  efpèce  qu'on  y  laliloit,  n'en  étoient  pas 
«  plus  valables.  On  avoit  même  réglé  que  la  li- 
»  berté  ne  pouvoit  être  léguée  par  forme  de  Peine  ; 
»  &  Sabinus  étoit  d'avis  qu'on  ne  pouvoit  pas  ie 
M  fervir  de  cette  voie  pour  ajouter  un  co-héritier 

V  à  un  héritier  déjà  inftitué ,  comme  û  quelqu'un 
M  difoit  ;  que  Titius  fait  mon  héritier  ^  6*  i'//  donne  fa 

V  fille  en  mariage  à  Scïus  ,  que  Seius  fait  aujp.  mon 
}f  héritier  ;  car  il  n'importoit  pas  de  quelle  ma- 
j>  nière  on  punît  un  héritier,  ou  en  le  condam- 
»  nant  à  fournir  un  legs,  ou  en  lui  donnant  un 
M  co  héritier  ». 

Cette  jurifprudence  n'avoit  aucun  motif  raifon- 
nable  ;  elle  étoit  même  diredement  oppofée  à  la  li- 
berté indéfinie  que  la  loi  des  douze  tables  avoit  ac- 
cordée à  tout  père  de  famille  de  difpofer  à  Ton  gré 
de  tous  fes  biens;  car  rimpofuion  des  Peines  dc- 
voit  faire  partie  de  cette  liberté.  Auflî  a-t-elle  été 
abrogée  par  Juftinien.  «  Ce  fcrupule  ,  dit-il  dans 

V  le  texte  déjà  cité,  nous  a  déplu  ,  &:  nous  avons 
>»  généralement  ordonné  que  tous  les  legs  qui  fe- 
»  roient  faits  ou  révoqués  ,  ou  transférés  par  forme 
»  de  Peine,  ne  feroient  pas  différens  des  aune,, 
»  &  que  la  confe61ion ,  révocation  ou  tranflation 
w  qui  en  feroit  faite  ,  auroit  tout  fon  effet ,  à 
»  moins  que  les  conditions  fuffent  impoflîbles  ,  ou 
i>  défendues  par  les  lois ,  ou  contraires  à  la  pu- 
n  deur  &  à  la  décence  ;  car  la  religion  dans  la- 
j>  quelle  nous  vivons,  ne  permet  pas  que  es 
»  fortes  de  legs  foient  valables  ".  L'abrogation 
dont  parle  ici  Juflinien  cft  confignée  dans  la  loi  i  , 
C  de  his  qutz  pœna  nomine ,  portée  en  528. 

Les  rédadeurs  du  journal  du  palais  font  au  fujet 
d'un  arrêt  du  premier  août  1676,  une  differtation 
pour  prouver  que  cette  loi  ne  doit  pas  être  fuivie 
dans  les  pays  coutumiers  du  royaume.  Ils  foutien- 
nent  d'abord  que  la  conflitution  d'Antonin  étoit 
fondée  fur  un  principe  très-jufle.  «  Les  legs  ,  di- 
»  fent-ils  ,  font  des  bienfaits  introduits  dans  la  fo- 
»  ciété  civile  pour  gratifier  &  honorer  nos  amis  ; 
n  ce  feroit  donc  abufer  du  motif  de  leur  inftitu- 
«  tion  ,  que  de  les  faire  fervir  de  Peine  ;  8c  de 
>»  même  qu'une  convention  eft  nulle  quand  elie 
»  cft  contre  la  nature  du  contrat  que  lés  parties 
«  veulent  paffer,  auili  un  legs  cft  nul ,  lorfque , 
»>  contre  la  nature  des  bienfaits,  le  teftateur  ne 
»  lègue  pas  dans  l'imentian  de  gratifier  &  d'ho- 
»  norer  le  légataire  ,  mais  dans  le  deftein  d'impo- 
»  fer  une  Peine  à  un  autre  qu'il  veut  punir .... 
»>  11  eft  contre  la  nature  du  legs  d'y  mêler  l'amer- 
n  tume  de  la  Peine  à  la  douceur  du  bienfait,  & 
I»  il  eft  impoffible  de  faire  qu'un  legs  foithono- 
»  rable  au  légataire  ,  quand  il  eft  injurieux  à  ce- 
»  lui  qui,  par  manière  de  punition,  e(l  obligé  d'en 
n  faire  délivrance.  La  bienlcance  ne  fouffie  pas  ce 
»  mélange;  car  dans  ces  fortes  de  legs  la  Peine 
I»  prévalant ,  &  étant  le  premier  motif  qui  a  en- 


PEINE  TESTAMENTAIRE.        75 

»  gagé  le  teftateur  à  donner,  cette  Peine  efface 
»  tout  le  mérite  6c  tout  l'honneur  du  bienfait  ". 
Ces  auteurs  ajoutent  que  la  loi  d'Antonin  doit 
l'emporter  parmi  nous  fur  celle  de  Juftinien  ,  parce 
que  les  Gaules  faifoient  partie  de  l'empire  lorfque 
1.1  première  fut  portée  ,  &  en  étoient  détachées  aa 
temps  de  la  promulgation  de  la  féconde.  Enfin  , 
Us  prétendent  que  leur  fyftême  a  été  adopté  par 
l'arrêt  même  àont  ils  rendent  compte  ;  en  voici 
l'efpèce  :  M.  l'abbé  de  Flecelles  ,confeiller  au  par- 
lement de  Paris ,  avoit  choifi  pour  fes  légataires 
univerfels ,  Nicolas  de  Flecelles  fon  frère,  &  fes 
enfans;  &  il  avoit  légué  à  la  dame  diî  Coudray 
fa  mère,  une  fomme  de  douze  mille  livres,  fous 
la  condition  qu'elle  ne  pourroit  demander  ni  fa 
part  dans  les  propres  ,  ni  les  dix  mille  cinq  cens 
livres  qu'il  étoit  obligé  de  lui  reftituer;  &  la  claufe 
expreftTe ,  qu'en  cas  qu'elle  en  fit  la  demande  ,  il 
la  privoit ,  en  faveur  de  l'hôtel  dieu  de  Paris,  de 
fon  legs  de  douze  mille  livres.  La  dame  du  Cou- 
dray trouva  plus  d'avantage  à  fe  porter  héritière  , 
qu'à  prendre  la  qualité  de  légataire  ;  en  confé- 
quence,elle  fe  fit  payer  les  dix  mille  cinq  cens 
livres  que  le  teftateur  lui  avoit  interdit  d'exiger; 
alors  les  adminiftrateurs  de  l'hôtel-dieu  firent  la 
demande  du  legs  de  douze  mille  livre  j  ,  qu'ils  fou- 
tinrent  leur  être  transféré  ;  mais  par  l'arrêt  cité  du 
premier  août  1676  ,  les  parties  ont  été  mifcs  hors 
de  cour  &  de  procès. 

Tout  cela  eft  fpécieux  ,  mais  peu  décifif.  1°.  Les 
raifons  par  lefquelles  on  cherche.à  juftifier  la  confti- 
tution  d'Antonin,  font  plus  dignes  de  la  fubtiliié 
des  Papinien  &  des  Scœvola ,  qu'aftbrties  à  cette 
fimplicité  fi  jufte  &  fi  naturelle,  dont  l'empereur 
Juftinien  nous  a  donné  tant  d'exemples,  &  que  notre 
jurifprudence  a  perfedionnée.  Un  grand  principe  , 
qu'il  ne  faut  jamais  perdre  de  vue  ,  eft  que  l'inten- 
tion du  teftateur  fait  la  loi  aux  héritiers  &  aux  léga- 
taires qu'ils  s'eft  choifis  :  il  a  le  droit  de  leur  im- 
pofer  telles  conditions  qu'il  lui  plaît  ;  fuus  quoqiie 
hxres  fub  omni  conditione  hczres  potefl  infiiiui  ,  dit  la 
loi  4  ,  de  hœ-redibus  inflituendis  ;  fa  volonté  ,  qui  fait 
leur  titre,  s'étend  avec  la  même  force  fur  le  don  & 
fur  la  condition.  Produits  1  un  &  l'autre  par  la  mê- 
me caufe  ,  ils  font  indivifibles  ;  ils  ne  peuvent  fub- 
fifter  l'un  fans  l'autre,  &  au  défaut  d'exécution 
de  la  condition  ,  le  don  s'éclipfe  &  s'évanouit.  En 
vain  prétendroit-on  analyfer  fes  motifs  ,  il  n'en  doit 
compte  qu'à  lui-même  ;  dès  qu'ils  font  fubordon- 
nés  à  la  décence  8f  à  la  religion,  peu  importe  qu'ils 
confiftent  dans  une  jufte  bienveillance  pour  un  lé- 
gataire ,  ou  dans  une  précaution  quelquefois  nécef- 
faire  contre  fa  négligence  à  remplir  les  difpofitions 
dont  il  eft  chargé. 

2°.  «  Quoique  du  temps  de  l'empereur  .Tuftinien 
«  (  c'eft  Furgole  qui  parle  )  ,  les  François  euftient 
j>  leurs  rois  qui  étoient  indépendans  de  l'empire 
5)  Grec  ,  il  eft  également  vrai  que  le  droit  de  Jufti- 
5»  nien  a  été  adopté  comme  raifon  écrite, dans  la 
»  France  coutumièrc.  Voilà  pourquoi  on  ne  fe  rè- 

Kij 


76        PEINE  TESTAMENTAIRE. 

»  glc  plus  en  France  par  les  loix  renfennées  dans 
3»  le  C0de  Théodofien  ,  mais  par  celles  de  Juftinien, 
3»  pour  les  cas  qui  ne  font  pas  décidés  par  les  cou- 
3>   tuines  &.  par  les  principes  du  droit  françois  », 

3"-  L'arrêt  du  premier  août  1676  ne  juge  pas 
flue  la  loi  d'Antonin  doit  l'emporter  en  France  fur 
celle  de  Jufiinien.Les  rédaâeurs  du  journal  du  pa- 
lais conviennent  eux-mêmes  que  deux  raifons  par- 
ticulières ont  pu  motiver  la  nullité  qu'il  prononce 
tlu  legs  transféré  par  forme  de.  peine  à  l'hôtel-dieu 
de  Paris.  D'abord  il  eft  certain  ,  difent-ils,  que  la 
conftitution  par  laquelle  Juflinien  a  autorifé  les 
Peines  teftamentaires,  ne  fe  doit  entendre  que  des 
iJH,s  où  les  Peines  tombent  fur  ceux  qui  ont  contre- 
venu à  la  volonté  du  teflateur  (  i  ).  Or  la  Peine 
dont  il  s"agiffoit  dans  le  teftament  de  M.  l'abbé  de 
Flecelles  ,  ne  tomboit  pas  fur  la  dame  du  Coudray, 
mais  fur  Içs  légataires  univerfels  ,  qui  n'étoient 
coupables  d'aucune  contravention.  En  fécond  lieu  , 
il  eftde  principe,  ajoutent  les  mêmes  auteurs,  que 
l'intention  du  teflateur  doit  toujours  prévaloir  aux 
cxpreiTions  dont  il  l'a  revêtue  :  or,  quelle  a  été 
l'intention  de  M.  l'abbé  de  Flecelles  ?  Il  n'efl  pas 
difficile  de  la  connoître  ;  elle  réfulte  de  la  claufe 
même  dont  les  adminiftrateurs  de  l'hôtel-dieu  de- 
mandent l'exécution.  En  eflet ,  s'il  veut  obliger 
la  dame  du  Coudray  à  fe  contenter  de  12000  liv. , 
c'eft  en  faveur  de  fes  légataires  univerfels  ,  & 
pour  faire  leur  condition  plus  avantageufe  ;  voilà 
fon  vrai  &  unique  motif.  Mais  fi  la  claufe  pénale 
«oit  exécutée,  il  arriveroit  tout  le  contraire  ;  fcs 

' r 1 1 1    III         I 

(  I  )  Balde  ,  {ur  la  loi  1 ,  C.  de  his  qux  pan<t  nomine ,  traite 
h  queftion  de  faveic  fi  celui  qui  n'a  point  contcevenu  peut 
êtrepiini  parje  teftateur  6c  poiter  la  peine  d'une  contia/en- 
lion  qui  procède  du  fait  d'un  tiers.  .11  proppfc  à  ce  fujct  deux 
cas  qu'il  it-lbut  pour  la  négative. 

Voici  le  premier.  Un  tellateur  ordonne  que  fes  exécuteurs 
teftamentaires  lui  feront  lùiic  une  chapelle  dans  un  certain 
«cmps ,  &:,  à  faute  dq  ce  faire  ,  il  veut  que  fon  lé. iiier  paye 
par  forme  de  peine  mille  écus.à  une  églife  ou  .-i  ua  hôpital. 
j\prcs  le  dccès  du  teP.accur ,  les  extcutçurs  laflTent  patlef  le 
temps  picfcrit ,  fans  faire  bâtir  la  cKapelle.  On  demande  la 
peine  à  I  héritier  :  queftiyii  de  favoirs'il  en  eft  tenu.  J3alde 
répond  que  non  ,  parce  que  pœiia  nue:  culi'tt  autores  ,  (^  non 
elios-  C'eft  la  rzïfon  qu'il  en  rend. 

Dans  k  feco.-id  cas,  un  teîtaieur  inlHtue  Je  fils  de  Titiuj 
pour  fon  hériiier,  niais  avec  cette  clau'Cj  que  fi  ce  fils  é-toit 
troublé  dans  la  jouillance  de  l'hérédité  ,  il  rcvoquoit  fou  inlH- 
tuiion  &:  nomnicit  un  autre  à  fa  place.- Le  tcitateur  décède; 
Titius ,  qui  avcit  des  ptéteniions  de  fon  chef  fur  bfucccfiion  , 
fe  pourvoit  contre  fon  hJs  ,  &  par  ce  moyen  le  trouble  dans 
la  pofTslfion  ies  biens  du  défunt.  On  demande  ,  par  forme 
de  peine  ,  que  le  fils  foii  privé  de  l'hérédité:  Balde  décide 
qu'on  n'y  ell  pas  fondé.  Si  te^ator  fjciut  me  h^redem  ,  (y  ju- 
lient  quàd  partr  meus  non  me  molefie: ,  tf  in  cafu  moUflix  me 
f  rivet  hareditati,  ejuj/nodl  privatio  non  valet.  En  général ,  dit 
ie  wcme  doAeur ,  aut  ficrna  indiciiur  inobtdl.nti ,  b^vaiec; 
aiit  chedicnti  adfa£liim  inobedientis  ,  tf^mn  vain. 

Telles  font  les  autorités  fur  Icf  juelki  Irj  réir,i5egr»  du 
journal  du  pa'ais  fondent  leur  prétendu  principe  ,  que  les 
dirpcfifions  pénales  font  fans  tffet  ioifque  les  pîines  ne  tom- 
bent pas  diteûcmeTiî  fur  eaux  qui  oit  eofreinc  J*s  intenticnç 
«lu  tcliatevir.  ^ïais  on  verra  dans  un  instant  <jue  ceuc  affcr- 
liçp  ert  .cça;raùe  aux  filBes  niaxi»^««.  . 


PEINE  TESTA  MENTAPRE. 

légataires  univerfels  feroient  tenus  de  payer  à  l'ho» 
tel-dieu  une  fomme  de  12000  livres  ,  Se  ils  ne  fe- 
roient pas  pour  cela  déchargés  des  prétentions  de 
la  dame  du  Coudray,  qui  montent  à  des  fommes^ 
confidérables.  Ainfi  le  teflateur  n'efl  pas  préfumé 
avoir  voulu  furcharger  ,  ou  plutôt  punir  ceux  qui: 
n'ont  point  contrevenu  à  fa  volonté. 

Quoique  ces  raifons  fuffifent  pour  écarter  l'appli- 
cation qu'on  voudroit  faire  de  l'arrêt  dont  il  s'agit,, 
au  fyflêmedes  rcda<fleurs  du  journal  du  palais, ce- 
pendant il  faut,  pour  maintenir  les  principes  dans 
la  pureté  du  droit  ,  faire  voir  qu'elles- font  l'une  & 
l'autre  dénuées  de:  toute  efpèee  de  fondement. 

1"^.  Pourquoi  un  teflateur  ne  pourroit-il  pas  faire 
de  la  contravention  d'un  tiers  a  fa  volonté,  l'objet' 
d'une  claufe  privative  .''  Qu'importe  qu'au  lieu  de 
difpofer  en  cette  forme  ,  j'injlitue  Scmpronius  (l 
Caïus  monte  au  capitule ,  il  emploie  une  autre  tour- 
nure ,.  &  dife  :Je  veux  que  Caïus  monte  au  capitale^, 
£•  s'il  ne  le  fait  pas  ,  au  lieu  de  Sempronius  que  f ai 
injlitué  ,finjlitue  Titius  ?  Ces  deux  formules  revien- 
nent certainement  au  même;  or,  la  condition  eft 
valable  dans  la  première  ,  comme  on  l'a  vu  au  mot 
Institution  ;  pourquoi  la  claufe  privative  feroit- 
elle  nulle  dans  la  féconde  ? 

2".  On  ne  doit  jamais  élever  de  doHte  fur  l'in- 
tention d'un  teflateur,  lorfquefes  paroles  font  clai-i 
res.  M.  l'abbé  do  Flecelles,  en  appelant  l'hôtel  die'i 
au  legs  de  12000  livres  par  lui  lallfé  à  la  dame  du 
Coudray  ,  ayoit  témoigné,  bien  msnifeftement  que 
(on  intention  n'étoit  pas  de  faire  accroître  ce  legs  à 
fes  légataires  univerfels  ;  d'appès-cela,  il  étoir  fort 
indifférent  que  la  Peine  prononcée  par  le  tcflater.r 
contre  la  dame  du  Coudray.,  tournât  au  profit  o\\ 
au  défavantage  de  ceux  qu'il  avoit  e^i  intention  de 
favorifer  à  fon  préjudice  ;  les  exprcflions  ne  pré- 
fentoient  aucune  équivo*[ue ,  &  c'étoii  le  cas  ds 
dire ,  jlat  pro  ratione  vo!untas. 

Il  n'efl  donc  pas  poifible  que  l'arrêt  du  premier 
a^i'ût  1676  ait  été  rendu  fur, les  motifs  que  lui  prê- 
tent les  auteurs  '\\.n  le  rapportent.  Nous  indiquerons 
dans  la .  fuite  do  cet  article  la  raifon  qui  en  a  été  la 
véritable  fondement  ;  il  nous  fuffit  ici  d'avoir  prour 
vé  qu'il  n'a  point  profcrit  la  loi  par  ia^^uelleJufli-! 
nien  a  autorifé  les  teflateurs  à. difpofer  par  forme 
de  peine. 

Encore  une  fois,  les  difpofitlons  pénales  n'ont, 
rien  que  de  valable,  de  légitime  &  de  conforme 
auxprincipes.de  notre jurifprudence  ;  mais  cette 
règle  admet  les  mêmes  exceptions ,  eue  celle  qui 
autorife  un  teflateur  à  difpofer  fous  telles  condi-^^ 
tions  qu'il  trouve  à  propos.  Comme  on  rejette  dans 
les  difpofiîions  canditionnelles  tout  ce  qui  eft  ou 
impoflîble  ,  ou  contraire  aux  bonnes  mœurs  ,  oa 
di.fendu  par  les  loix,  il  faut  pareillement  rejeter 
&  regarder  comme  non  écrites  les  claufes  pénales  , 
qui  ont  psur  obj.'t  des  faits  au-defliis  de  la  capacité 
de  rhomme  ,  déshonuêtes  ou  prohibés. 

Il  y  a  cependant  une  différence  fur  cette  ma-, 
tièrc. enue  la,difpofiti.on  conditionnelle  &  la  claufe- 


PEINE  TESTAMENTAIRE. 

pénale.  Lorfqu  une  cendition  eft  imporùble  ou  con- 
traire, Coit  aux  bonnes  mœurs,  foit  aux  lois,  le 
legs  ou  Vlnftitution  que  le  teftateur  en  avoit  affeâé 
ne  lailTe  pas  d'être  valable  :  mais  quand  le  fait ,  qui 
fert  de  fondcm-ent  à  la  Peine  ,  eft  marqué  au  coin 
de  l'impoP/ibilité  de  droit  ou  de  fait,  kclaufe  pé- 
nale ne  produit  aucun  eflfet  en  faveur  de  celui  pour 
qui  elle  étoit  faire  ,  &  la  chofe  demeure  à  l'héritier 
eu  légataire  contre  qui  le  tefiateur|avoir  voulu  fé- 
vlr.  La  raifon  de  cette  différence  efl  très-fenfible  : 
dans  le  cas  d'un  legs  ou  d'une  inftitution  funple- 
ment  conditionnelle,  c'eft  le  légataire  ou  l'héritier 
iaftitué ,  qui  eft  l'objet  principal  &  même  unique 
de  la  libéralité  du  teflateur  ;  conféqucmment  c'eft  à 
lui  que  doit  profiter  le  legs  ou  1  inftitution  déchar- 
gée par  la  loi  d'une  condition  impoiTiblc  ou  déshon- 
nète.  Dans  le  cas  d'une  difpofuion  pénale ,  celui 
qui  eft  défignè  pour  en  recueillir  l'efiet ,  n'eft  pas 
le  véritable  objet  de  la  libéralité;  il  ne  doit  en 
profiter  qu'en  cas  de  contravention  de  la  part  de 
celui  que  le  teftateur  a  voulu  gratifier  principale- 
ment ;  &  comme  il  n'y  a  point  de  contravention 
lorfque  la  loi  difpenfe  deTaccomplifi^ement  du  fait 
ordonné  par  l'homme,  il  faut  néceflairement  que 
la  Peine  demeure  fans  effet.  C'eft  auffi  ce  que  l'em- 
pereur Juftinien  a  décidé  de  la  manière  la  moins 
équivoque  (  i  ). 

C'eft  donc  à  ce  point  que  fe  réduifent  toutes  les 
difficultés  relatives  aux  difuofitions  pénales.  Le  fait 
fur  lequel  rouie  la  Peine  eft-il  licite  &  pofrifaje,  ou 
ne  l'eft-il  pas?  Dans  la  première  hypothéfe  ,  la  dif- 
pofition  eft  valable  ;  dans  la  féconde ,  elle  eft  nulle 
&  confidéréc  comme  non  écrite. 

Ceci  s'éclaircira  par  des  exemples  :  commençons 
par  les  difpofnions  licites.  Un  teftateur  défend  à 
ion  héritier  de  marier  fa  fille  à  Caïus ,  &  lui  or- 
donne ,  en  cas  de  contravention  à  cette  défenfe, 
de  payer  cent  écus  à  Sempronius.  Si  l'héririer  ne 
refpeae  pas  la  volonté  du  défunt,  &  donne  fa  fille 
en  mariage  à  la  perfonne  prohibée,  Sempronius 
pourra  le  forcera  lui  compter  les  cent  écus.  On  fe 
rappelle  que  c'eft  un  des  exemples  allégués  dans  le 
§.   36,  L  ^/e /é'^-j/w,- rapporté  ci- deffus. 

Un  teftateur  a,des  biens  dans  une  coutume  qui 
en;  interdit  la  dlfpofition,  foit  en  tout ,  foit  jufqu'à 
concurrence  d'une  certaine  quotité;  il  lègue  ces 
biens  à  im  étranger,  &  en  casque  fon  héritier  ne 
veuille  pas  confentir  à  l'exécution  de  ce  legs  ,  il 
déclare  le  priver,  en  faveur  du  légataire  ,  de  tout 
ce  qu'il  laiffe  de  diffjonible.  Il  femble  d'abord  que 
cctre  claufe  ne  peut  avoir  aucun  effet ,  puifque  la 
Peine  qu'elle  renferme  tombe  fur  un  fait  proliibé  ; 
&  il  y  a  dans  Chopin  ,  de  priviUgih  ruflicomm  ,  liv. 
3,  cliap,  7,  un  arrêt  du  23  décembre  i  ^70,  qui  l'a 
aiufj  décidé.  Cependant  on-  juge  aujourd'hui  dans 
tous  les  tribunaux,  (Qu'elle  àovt  être  exécutée,  & 

(  }  '^Liod  11  aiK]uid  raccre  vci  legibus  iiuer.iidum  ,  vel  aliis 
probfofum  j  vçl  eciani  impoiîîiifle  jufTus  aiiquis  eouinfuetic; 
tune  fine  ul'o  damno  ,  etiam  negledo  tslUtG[is''pt2cepto  , 
fctyabiuit.  L,  i  ,  C>  dt  bis  gua ^xatt-jiomim.,. 


PLEINE  TESTAMENTAIRE.      77 

que  fi  l'héritier  ne  s'y  conforme  pas ,  il  perd  tous 
les  biens  libres  du  teliateur.  Parmi  les  arrêts  qu'on 
trouve  à  ce  fujet  dans  les  différens  recueils  ,  nous 
en  remarquons  un  que  Ricard  rapporte  en  ces  ter- 
mes :  «  M"  Charles  Defmarets  ,  avocat  à  la  cour, 
»  faifant  fon  teftament,  avoit  difpofé  de fes  propres 
■>■)■  au  profit  de  Magdeleine  Defmarets  fa  fœur , 
»  quoique  la  coutume  ne  lui  permît  d'en  léguer 
))  que  le  quint;  mais  il  avoit  d^nné  par  le  même 
j»  teftament  à  fes  autres  préfomptifs  héritiers ,  fes 
i>  meubles  &  acquêts  ,  dont  il  avoit  la  liberté  de 
n  difpofer  au  profit  de  telles  perfonnes  que  bon  lui' 
»  fembloit;  &c  prévoyant  que  ces  derniers  légatai-" 
)»  res ,  qui  étoient  habiles  à  lui  fuccéder ,  pour- 
w  roient  éluder  fa  difpofition  en  renonçant  aux  legs- 
»  «}ui  leur  avoient  été  faits  ,  &  en  fe  portant  héri- 
»  tiers,  en  laquelle  qualité  ils  prendrôient  toujours 
r>  les  mêmes  biens  qai  feroient  rentres  dans  la  fuc- 
»  ceft^îon  ,  8c  pourroient  encore  demander  la  ré-' 
M  duélion  des  propres  ,  il  ordonna  qu'en  cas  que  le- 
))  legs  qu'il  avoit  fait  de  fes  propres  à  Magdeleine , 
n  fût  contefté  par  les  autres  ,  il  révoquoit  les  legS' 
Il  qu'il  avoit  faits  à  leur  profit;  &  vouloit  que  tout 
»  ce  dont  il  pouvoit  difpofer  appartint  en  ce  cas  à< 
j>  Magdeleine;  ce  qui  fut  contefté  par  les  autres  ,- 
»  qui  prétendoient  que  cette  difpofition  étant  pé- 
»  nale  ,  elle  ne  devoit  pas  avoir  d'effet  ;  néanmoins- 
■>•>  elle  fut  confirmée  par  arrêt  du  23  août  1662,. 
»  conformément  aux  conclufions  de  M.  l'avocat* 
j;  général  Talon  ». 

On  a  vu  à  l'article  Clause-FRIVàtive,  que. 
les  Chartres  générales  adoptent  expreflement  cett» 
décifion.  Mais  fiU-  quoi  eft  -  elle  fondée?  Eft-cc,- 
comme  le  prétendent  Ricard    &  M.  l'avocat-gé- 
néral  Joly  de  Fleury   dans  fon    plaidoyer  du  28 
août  1708  ,  rapporté   au  journal    des  audiences  ,, 
eft^ce  parce  que  la  peine  eft  prononcée  par  forme 
d'alternative  ,    &   que  l'alternative  ejft  légitime  ^■ 
Non  fans  doute  :  une  difpofuion  qui  feroit  illicite 
par  elle-même,  n'en  feroit  pas  f plus   valable  pour 
êti-e  conçue  en  forme   d'alternative.  Il  faut  donc 
dire    avec  Furgole  ,    que   la  claufe  dont  il  s'agitu 
doit  avoir  fon  exécution,  «  parce  qu'on  n'eft- pas 
n  dans  le.  cas  d'une  difpofition  véritablement  pé-- 
»  nale  dans  le  fens  de  la  loi  ;  car ,  comme  nous. 
«l'avons  obfervé.  plus  haut, ,1a  di-fpofition  pénale 
»  eft  celle  qui  n'a  pas  pour  objet  de  gratifier  ie. 
»  légataire,  mais  qui  a  pour  but  de  punii-  rhéiitier: 
»  OT,  dans  le  cas  propofé,  le  but  du  teftateur  eft' 
»  de  gratifier  le  légataire,  &  non  de  punir  rhdri- 
»  tler  ;  par  confécjuent  les  difpofitions  font  condi- 
»  ■  tionnelles  fimplemcnr,  &  non  pénales  ;  elles  doi- 
»  vent  donc  être  efficaces  ,  comme  le  feroit  un: 
)>  legs  conçu  en  ces  termes  :  Je  lègue  à  ma  firmne: 
M  dix  muids  de  blé  par  an  ,  &  fi  mon  hérhier  ne  paye. 
»  pus  cette  quantité ,  yV  veux  /ji^il  lui  donne  cent  écus^ 
n  L.  1  ,  D.  de  pc^r.â  Ugatâ.  On  doit  dire  ia  mcme. 
}>  chofe  dans  tous  les  autres  cas  où  ia  condition. 
K  porte  fur  des  biens  non  difponibles  ,  comme  far 
n  lei>ien  d'autrui ,  lorfqu'il paroît  par  la  dippi^tion,- 


yS         PEINE  TESTAMENTAIRE. 

»>  que  l'objet  du  teftateur  a  été  de  gratifier  le  léga- 
I»  taire  ,  ut  legsium  pertineac ,  felofi  les  expreffioiis 
»  d'Ulpien  dans  fes  fragmens  ,  titre  24  ,  §.  i6  ,  & 
»  non  pour  punir  l'héritier  ,  car  c'efl  la  véritable 
■»  règle  pour  diftinguer  les  dirpofitions  pénales  , 
j>  de  celles  qui  font  fimplement  conditionnelles  , 
»  comme  le  prouve  le  paflage  d'Ulpien  que  nous 
»  venons  de  citer  ». 

Mais  s'il  paroiflbit  par  les  expreflîons  du  tefta- 
teur ,  que  fon  principal  motif,  en  difpofant  par 
claufc  privative  des  biens  auxquels  la  loi  lui  dé- 
fend de  toucher,  eiJt  été  de  punir  fon  héritier  d'une 
réfiftance  légitime  à  {a  volonté  ,  la  difpofition  fe- 
roit  nulle  &  la  Peine  fans  effet.  C'eft  par  cette  rai- 
fon  que  l'arrêt  déjà  cité  du  premier  août  1676  a 
débouté  les  adminiftrateurs  de  l'hôtel-dieu  de  leur 
demande  en  payement  d'un  legs  de  12000  livres 
que  M.  l'abbé  de  Flecelles  avoir  fait  à  la  dame  du 
Coudray ,  fous  la  condition  de  ne  rien  demander 
de  fa  portion  des  propres  ,  &  qu'il  avoir  transféré 
à  l'hôtel-dieu  au  cas  de  contravention  à  fa  volonté 
de  la  part  de  fa  légataire.  «  La  loi  prohibitive  des 
»  difpofitions  pénales  ,  dit  Furgole  ,  n'a  pas  été 
»  totalement  abrogée  ;  fon  effet  a  été  confervé , 
5>  toutes  les  fois  que  la  condition,  fervant  de  fon- 
>)  dément  à  la  difpofition  pénale,  porte  fur  un  fait 
»  prohibé  par  la  loi.  On  cfl  donc  dans  le  cas  de  la 
«  nullité  ,  lorfque  le  teftateur  veut ,  par  une  efpéce 
n  d'arrogance  ou  d'orgueil ,  s'élever  au-deffus  de 
»  la  puiuance  de  la  loi ,  &  affujcttir  à  fa  difpofition 
»  des  biens  que  la  loi  en  a  foullraits  ». 

Du  principe  que  toute  claufe  pénale  ,  dont  le 
fondement  eft  une  condition  inipoffible  ou  illi- 
cite ,  eft  encore  foumife  à  toute  la  rigueur  de  la 
loi  d'Antonin ,  réfulteHt  plufieurs  décifions  très- 
intéreffantes. 

Un  particulier  fait  un  teflament  dans  lequel  il 
omet  quelques  formalités  ,  6c  voulant  empêcher  fes 
héritiers  de  fare  valoir  ce  défaut ,  il  dit  :  "  Je  veux 
«  que  mon  teftament  foit  exécuté  tel  qu'il  eff  ;  & 
»  fi  quelqu'un  de  mes  fucceffeurs  légitimes  en  de- 
j>  mande  la  nullité,  j'inflitue  pour  héritier  un  tel 
j>  hôpital.  Cette  difpofition  ne  fera  d'aucun  effet , 
«  parce  que  c'eft  une  contravention  à  la  loi ,  que 
»  de  vouloir  tefter  contre  les  formalités  qu'elle  a 
Il  prefcrites  ,  &  que  ,  fuivant  la  loi  55,  D.  de  le- 
gatis  1",  ncmo  potefl  in  teflamento  fuo  cavere  ne 
leges  in  fuo  teflarnento  locuin  habeant.  C'eft  auflî  ce 
que  décide  expreffément  M.  Joly  de  Fleury  dans 
fon  plaidoyer  du  28  août  1708  :  «  Comme  les  hom- 
»>  mes  ,  dit  il ,  ne  peuvent  empêcher  par  des  voies 
5>  indire6îes  que  les  lois  n'aient  leur  effet,  on  n'a 
»»  jamais  eu  égard  auxpeines  appofées  dans  les  tef- 
jf  tamens  ,  quand  elles  ont  eu  pour  objet  d'éluder 
»  la  difpofition  de  la  loi.  Ainfi,  quand  un  teftateur 
»  veut,  par  une  peine, 'fuppléer  aux  formalités 
»  d'un  teftament ,  on  ne  peut  y  avoir  égard  ,  at- 
i>  tendu  que  ces  formalités  font  de  droit  public  ». 

Un  teftateur  ordonne  à  fon  héritier  d'accepter 
fa  fucceffion ,  purement  &  fimplement ,  Se  veut 


PEINE  TESTAMENTAIRE. 

qu'en  cas  de  recours  de  fa  part  au  bénéfice  d'in- 
ventaire, il  foit  privé  de  l'hérédité.  Cette  clauie 
pénale  ,  dit  Furgole  ,  >^  fera  inefficace  ,  parce  que 
>»  l'inventaire  eft  un  bénéfice  de  la  loi  que  le  tefta- 
»  teur  ne  peut  pas  prohiber  ».  C'eft  en  effet  ce 
qui  a  été  jugé  in  terminis  par  arrêt  rendu  au  parle- 
ment de  Touloufe  le  15  janvier  i6j2,  &  rapporté 
au  journal  du  palais.  Mais  il  en  feroit  autrement 
dans  les  Pays-Bas  ,  au  moins  pour  les  fucceffions 
collatérales;  car,  aux  termes  de  l'édit  perpétuel  de 
161 1  ,  article  35  ,  "  advenant  qu'aucun  ,  parordon- 
»  nance  de  dernière  volonté  ,  &  es  lieux  où  les 
T)  biens  font  difponibles  ,  défende  à  fon  héritier 
»  d'accepter  fon  hoirie  fous  le  fufdit  bénéfice  ,  telle 
»  défenfe  eft  valide,  pourvu  que  tel  héritier  ne 
)»  foit  de  fes  defcendans  ». 

Par  la  même  raifon  ,  a  fi  un  mari ,  dit  Furgole, 
»  dans  la  vue  d'affurer  à  fa  féconde  femme  une  li- 
»  béralité  fujette  au  retranchement  de  la  loi  hac 
»  edlHdli  (  ou  de  l'édit  des  fécondes  noces)  ,  révo- 
»  quoit  les  libéralités  faites  à  fes  enfans  ou  à  quel* 
»  qu'un  d'eux  ,  ou  les  tranfportoit  à  d'autres  ,  en 
»  cas  que  la  libéralité  faite  à  la  femme  fût  attaquée, 
M  une  telle  difpofition  pénale  devroit  être  rejetéc, 
»  comme  contraire  à  la  difpofition  delà  loi  ». 

Un  mari  veut  avantager  fa  femme  dans  une  cou- 
tume qui  défend  toute  donation  entre  conjoints;  il 
lui  fait  un  legs  ,  &  ,  pour  en  affurer  l'exécution, 
il  déclare  qu'au  cas  que  ces  hériners  viennent  à  le 
coniefter ,  il  appartiendra  'aux  pauvres,  à  un  hôpi- 
tal ,  ou  à  un  particulier  qu'il  défigne.  «  Une  telle 
M  difpofition,  dit  encore  Furgole,  fera  nulle  & 
»  confidérée  comme  non  écrite  ,  parce  que  le  fait , 
»  duquel  elle  dépend,  eft  prohibé  par  loi  ou  la 
»  coutume  ».  C'eft  ce  qtii  a  été  jugé  par  deux  ar- 
rêts ,  l'un  du  parlement  de  Dijon ,  du  1 1  mai  1587, 
rapporté  par  Bouvot  ;  &  l'autre  du  parlement  de  Pa- 
ris ,  du  17  août  1708,  inféré  dans  le  journal  des 
audiences.  Le  dernier  a  été  rendu  ,  au  rapport  de 
M.  le  Meunier  ,  dans  une  inftance  concernant  le 
teftam  ent  de  M.  deThierfault ,  confcillerau  grand 
confeil. 

Une  novice  fait  un  legs  au  monaftère  dans  lequel 
elle  fe  difpofe  à  faire  profeffion,  &  ordonne  que 
les  pauvres  recueilleront  ce  legs,  fi  fes  héritiers  le 
conteftent.  Par  arrêt  du  parlement  de  Dijon  ,  du  17 
mars  1664  ,  la  difpofition  a  été  déclarée  nulle  ,  & 
la  chofe  léguée  adjugée  aux  héritiers. 

Un  père  chargé  de  trois  enfans  légitimes  &  de 
quatre  bâtards ,  avoir  fait  des  donations  entre-vifs 
à  ceux-ci  &  à  fa  concubine  ;  par  fon  teftament,  il 
leur  fait  de  nouvelles  libéralités  ;  &  ,  après  avoir 
inftitué  un  de  fes  fils  légitimes  héritier  univerfel  * 
avec  charge  de'fubftitution  ,  il  s'exprime  ainfi  :  Pro- 
«  hibant  &  défendant  à  mondit  héritier  de  mettre 
r  ou  donner  aucun  empêchement  à  mefdits  enfans 
w  naurels  &  à  leur  mère,  en  ce  que  dépend  def- 
»  dites  donations  &  légats ,  foit  en  pétitoire  ou  en 
)»  poffeffoire  ,  en  quelque  manière  que  ce  foit,  di* 
»>  reniement  ou  indireâement  ;  &  au  cas  qu'aucune 


PEINE  TESTAMENTAIRE. 

M  contieverfe  ,  querelle  ou  empêchement  leur  foit 
M  mis  par  mondit  héritier ,  je  veux  qu'il  demeure 
»  inftitué  en  fa  légitime  feulement,  &  que  le  fur- 
i>  plus  de  mes  biens  retourne  aux  fubiîituès  fijf- 
n  nommés ,  félon  l'ordre  de  ladite  fubllitution  )?. 
Après  la  mort  du  teftateur  ,  l'héritier  forme  un  pro- 
cès pour  faire  annuller  les  donations  &  les  legs 
faits  aux  bâtards  &  à  leur  mère  ;  &  par  une  tran- 
fa&ion  ,  ces  libéralités  font  confidérableraent  ré- 
duites. L'afle  figné,  celui  qui  étoit  appelé  le  pre- 
mier à  la  fubflitution  en  demanda  l'ouverture,  fur 
le  fondement  de  la  contravention  commife  par 
l'héritier  à  la  défenfe  du  teftateur  :  mais  comme 
cette  défenfe  portoit  fur  un  fait  prohibé  par  les  lois 
générales  du  royaume  ,  il  intervint  au  parlement 
de  Dole,  arrêt  du  lo  décembre  1602  ,  qui  le  dé- 
bouta de  fes  conclufions  ,  &  le  condamna  aux  dé- 
pens. Cette  efpèce  fe  trouve  dans  M.  Grivel ,  dé- 
cifjon  87. 

On  pourroit  oppofer  à  toutes  ces  décifions  la  loi 
55  ,  D.  de  conditionibus  6*  demon(ïra!ionihus  ;  mais 
ce  feroit  fans  fondement  ;  en  voici  refpèce  :  Un 
testateur  lègue  un  fonds  à  Maevius  ,  fous  la  condi- 
tion de  donner  cent  écus  à  Callimaque.  Celui-ci  fe 
trouve  incapable  de  recevoir  aucune  libéralité  teOa- 
mentaire  ;  néanmoins  le  légataire  du  fonds  doit  ac- 
complir la  condition  &  compter  la  fomme  à  Calli- 
maque ,  pour  pouvoir  profiter  du  legs  ,  >;  parce  qu'il 
«  ne  s'agit  pas  d'une  condition  pénale  ,  mais  de  ce 
>♦  qu'on  appelle  mort'is  causa  capio  »,  C'efl  la  raifon 
qu'en  donne  Furgole. 

Le  même  auteur  explique  très-bien  quel  doit 
être  l'effet  de  la  charge  ou  condition  de  ne  point 
troubler  un  légataire  ou  cohéritier  ,  à  peine  d'être 
privé  de  ce  qu'on  a  reçu  du  teftateur.  «  Cet  effet , 
M  dit-il,  doit  être  réglé  par  les  principes  que  nous 
»  avons  établis.  La  condition  at-elle  un  mauvais 
w  motif,  a-t-elle  pour  fonâemsnt  iin  fait  prohibé 
»  par  la  loi ,  ou  contraire  aux  bonnes  mœurs  ?  il 
»  faut  la  rejeter  fans  balancer.  Mais  au  contraire 
»*a-telle  un  motif  jufle  ,  raifonnable  ,  ou  an  fait 
«  qui  n'a  rien  de  contraire  aux  lois  ni  aux  bonnes 
n  mœurs,  il  faut  l'exécuter,  &  lui  faire  opérer 
»  tout  l'effet  que  le  teflateur  y  a  attaché  ,  &  de  la 
«  manière  qu'il  l'a  ordonné  ,  parce  qu'une  telle 
»  condition  n'affeéte  pas  moins  la  libéralité  à  la- 
>»  quelle  elle  eft  attachée ,  que  les  autres  efpèces 
»  de  conditions  auxquelles  la  loi  fait  opérer  leur 
)'  effet  de  plein  droit  ;  que  la  charge  ou  condition 
j'  de  ne  point  troubler  fait  partie  des  difpofitions 
M  pénales,  dont  l'effcnce  confide  dans  la  défenfe 
»  ou  l'injoi  dUon  de  faire  ,  coercendi  hceredis  causa 
3>  qub  m,ï^is  aliquid  faciac  aut  non  faciit  ^  §.  ^3  ,  \, 
j)  de  legatis  ,  &  que,  felon  le  même  texte,  ces 
M  fortes  de  difpofitions ,  foit  qu'elles  tendent  à 
M  laiffer,  ou  à  révoquer,  ou  à  transférer,  ne  dif- 
»  fèrent  en  rien  des  autres  difpofitions  non  péna- 
w  les  ,  nih'd  diflare  ,ï  cœter'is  Uga'is  conjlituimus , 
»  vel  In  dando  ,  vel  in  adimendo  ,  vel  in  trans- 
it fercndo  ». 


PEINE  TESTAMENTAIRE.         79 

Il  faut  cependant  convenir  que  dans  la  pratique 
on   ne  donne  guère  d'effet  à  ces  fortes  de  claufes. 
Paul  de  Caftres ,  Balde,  Surdus  ,  Stockmans  ,  Voct, 
Ricard  &  une  foule  d'autres  auteurs  les  regardent 
comme  purement  comminatoires  ;    en   forte  que 
n<Bn- feulement  les  peines  qu'elles   établiffent  ne 
font  pas  encourues  de  plein    droit  par  la  contra- 
vention ,  mais  ne  fe  prononcent  que  dans  les  cas 
innniment  rares   où  les  procès  fufcités  par  ceux  à 
qui   le    tedateur  avoit  défendu  d'en  élever  ,  font 
trouvés  n'avoir  d'autre  bafe  qu'un  efprit  de  calom- 
nie 6c  de  vexation.  C'eft  ce  qui  a  été  jugé  par  un 
arrêt  du  28  août   1708,    rapporté  au   journal  des 
audiences.  M.  Etienne  Braquet ,  ancien  avocat  au 
parlement  de  Paris,  avoit  légué  à  chacun  de  MiVl.  le 
Ftvre,  fes  deux  neveux  ,  25000  livres  ,  à  la  charge 
de  ne  rien  prendre  fur  fes  propres  ,  &  de  renon- 
cer à  fa   fucceffion  :  au    cas    que  l'un  ou  l'autre 
voulût  y  prendre  part  ou  former  quelqu'aatre  pré- 
tention  fur  fes  biens,  il  ordonnoit  qu'ils  fuffent 
réduits  tous  deux  aux  quatre  quints ,  &  il  révo- 
quoit  le  legs  à  eux  fait  de  25000  livres ,  s'ils  in- 
quiétoient  fes  exécuteurs  teftamentaires,  ou  inten- 
toient  aucune  demande  ,  foit  contr'eux  ,  foit  contre 
fa  fucceffion.  Les  deux  légataires  ayant  conteflé  les 
difpofitions  du  défunt ,  les  adminiilrateurs  de  plu- 
fieurs  hôpitaux  ,  qui  étoient  inîVuués  légataires  uni- 
verfels  ,  demandèrent  qu'ils  fuffent  privés  de  leurs 
legs  ;  mais  la  caufe  portée  à  raudien(;e  de  la  grand'- 
chambre,  M.  Joly  de  Fleury ,  avocat  général ,  a 
dit  :  «  On  a  agité  la  queftion  de  favoir  fi  les  peines 
»  dévoient  être  feulement  comminatoires,  &  otr 
"  voit  que  c'eft  le  fentiment  de  Ricard.  En  effet , 
"  il  femble  que  les  teflamens  n'étant  autre  chcfe 
"  que  l'exécution  de  la  volonté  des  tertateurs  ,  il 
"  ne  faut  pas  leur  donner  plus  d'étendue  que  cerre 
"  volonté,  quoique  les  termes  foient  contraires. 
n  Or,   quelle  eft  la  volonté  de  M"  Etienne  Bra- 
»  quet?  Que  fes  deux  neveux  aient  50000  livres  , 
*»  &  que  tes  légataires  univerfels  aient  le  refie  ;  s'il  a 
)j  révoqué  en  cas  dt  conteftation  ,  c'étoir  une  me- 
»  nace  pour  empêcher  qu'ils  ne  conteftaffent;  ce 
n  n'éioit  pas  qu'il  eût  intention  de  donner  davan- 
»  tage  aux  légataires  univerfels  ;  ainfi  cette  peine 
j>  ne  doit  pas  avoir  lieu  au  profit  des  hôpitaux,  qui 
).  ne  doivent  pas  être  fi  favorables  dans  ces  {ori&% 
»  de  peines  :  s'il  y  avoit  vexation  ,  cela  feroit  bon  ; 
))  mais  ici  il   n'y  en  a  point ,  par  confêquent  ils 
•>•>  ne  peiivent  rien  prétendre  de  plus  que  leur  legs  n. 
L'arrêt  ché  a  adopté  ces  conclufions. 

M.  Pollet  nous  retrace  deux  arrêts  femblables 
du  parlement  de  Flandres;  voici  comme  il  s'ex- 
prime :  «  Pour  affurer  l'exécution  de  (es  dernières 
»  volontés,  on  prend  ordinairement  la  précautioiï 
»  d'impofer  la  peine  de  privation  à  ceux  des  héri. 
"  tiers  qui  entreprendront  de  les  débattre.  Cette- 
»  précaution  eft  aujourd'hui  fans  effet  :  l'héritier 
»  qui  fe  pourvoit  en  juftice  contre  la  difpofitij^n 
»  du  detunt,  n'encourt  pas  la  peine  de  la  pr- 
)>  vation ,  à  moins  que  la  pourfwte  ne  puiffe  éu-c 


8o 


PEINE  TESTAMENTAIRE. 


j>  accufée  d'une  calomnie  toute  évidente.  11  a  été 
ï>  ainfi  jugé  au  rapport  de  M.  Muyfîart ,  par  re- 
î)  ieniuin  du  17  avril  1681  ,  &  par  arrêt  rendu  au 
j»  rapport  de  M.  Cordouan ,  le  31  janvier  17015?. 
Nous  avons  dit  qu'on  exceptoit  de  cette  jurif- 

f>rudence,  le  cas  oii  les  pourfuites  de  celui  à  qui 
e  teftateur  avoir  défendu  d'en  faire  aucune  ,  dégé- 
nèrent en  calomnie  &  en  vexation  évidente  :  alors , 
dit  Ricard ,  «  la  cour  adjuge  de  femblables  Peines , 
3'  particulièrement  lorfqu'elles  font  modiques  , 
«  comme  faifant  fon6^ion  dédommages-intérêts.... 
î>  M^  Raoul  Ricard  ,  mon  père  ,  étoit  neveu  dune 
j>  femme  qui  avoit  «les  magiflrats  fouverains  pour 
«  habiles  à  lui  fuccéder  ;  faifant  fon  teAaraent , 
j>  elle  reconnoît  les  obligations  qu'elle  avoit  à  mon 
»  père  &.  fait  quelques  difpofitions  en  fa  faveur , 
»  avec  cette  précaution  ,  qu'en  prévoyant  le  crédit 
•»  &  l'autorité  de  fes  héritiers ,  &  qinls  ne  maa- 
»>  queroient  pas  de  contefler  ce  legs  ,  elle  déclara 
»  qu'au  cas  que  mon  père  fût  traverfé  dans  la  dé- 
57  livrante  &  jouiiTance  de  fon  legs  par  fes  héri- 
»  tiers  ,  il  eût ,  outre  fon  legs  principal  ,  une  rente 
»  de  cent  livres  par  chacun  an.  En  conféquence  de 
•*  quoi  ce  teflament  ayant  été  traverfé  avec  toutes 
»>  les  vexations  imaginables,  mon  père  préfenta 
j>  incidemment  fa  requête,  à  ce  qu'en  confirmnnt 
a>  le  teftament ,  la  peine  y  contenue  fût  pareille- 
«  ment  adjugée  ;  ce  qui  fut  fait,  en  l'un  &  l'autre 
»  chef,  par  l'arrêt  qui  intervint  le  25  mars  1622  ». 

Ce  que  cet  arrêt  a  jugé  par  forme  d'exception  , 
devroit  avoir  lieu  dans  tous  les  cas  ,  fi  on  s'attachoit 
plus  aux  vrais  principes  qu'à  l'autorité  des  jurifcon- 
fuites  mordernes,  trop  favorables  aux  procès.  En 
effet ,  dit  Furgole  :  «  le  droit  romain  attribue  aux 
35  difpofuions  pénales ,  lorfqu'elles  ont  pour  fon- 
3)  fondement  un  fait  honnête,  licite  &  poffible, 
3J  le  même  effet  qu'aux  autres  difpofitions  non  pé- 
y>  nales  ,  qui  tendent  à  biffer ,  ou  à  ôter ,  ou  à  trans- 
j»  férer....  Où  peur  donc  être  la  raifon  qui  puiffe 
s»  faire  confidérer  comme  comminatoire  la  condi- 
3>  tion  attachée  à  la  difpofuicn  pénale  ,  tandis  que 
3)  les  conditions  attachées  aux  autres  libéralités  non 
y>  pénales  opèrent  leur  effet  de  plein  droit ,  &  que 
»  la  loi  ne  met  aucune  différence  entre  les  difpo- 
m  fitions  pénales  &  celles  qui  font  fimplementcon- 
3)  ditionnelles. ''....  La  contravention  doit  donc  opé- 
3)  rer  fon  effet  de  plein  droit,  parce  que  la  loi  l'y 
3)  a  attaché  ,  &  que  c'efl  par  elle  qu'on  doit  fe  ré- 
37  gler ,  &  non  par  des  confidération  arbitraires, 
}>  qui  font  des  injullices  réelles  &  des  contraven- 
»  tions ,  non-feulment  à  la  loi,  mais  encore  à  la 
j)  volonté  du  teftateur,  qui  n'a  fait  ni  voulu  faire 
3>  la  libéralité,  que  fous  la  condition  qu'il  a  impo- 
3>  fée  ;  que  cette  condition  affeéle  la  libéralité  &  en 
3>  fait  partie ,  &  que  c'eft  contre  toute  forte  de 
M  droit  de  féparer  la  charge,  de  la  libéralité  à  la- 
31  quelle  elle  eft  attachée  (  i  )  »»• 


(0  Negue  euini  ffcendus  e/t  qui  lucruui  quidcm  ampJec- 


PEINE  TESTAMENTAIRE. 

On  demande  à  qui  doit  appartenir  ce  qui  eft 
ôté  par  forme  de  Peine,  lorfque  le  teflateur  n'ea 
a  pas  fait  lui-même  la  deftination  ?  S'il  s'agit  d'une 
partie  de  l'hérédité,  elle  doit  appartenir  au  co- 
héritier de  celui  à  qui  elle  eft  ôtée  ;  cela  rèfultc 
de  la  loi  69,  D.  de  Ugatis.  2".  S'il  eft  queftion  de 
l'hérédité  entière ,  elle  fera  dévolue  aux  fuccef- 
feurs  al>  inteftdt.  Quant  au  legs  ou  fideicommis  dont 
le  légataire  ou  fideicommiffaire  eft  privé  pour  avoir 
contrevenu  à  la  volonté  du  teftateur,  il  doit  de- 
meurer ou  revenir  à  l'héritier  qui  en  a  fait  ou  qui 
en  devoit  faire  la  délivrance. 

Lorfque  la  peine  a  été  impofée  en  confidération 
d'une  certaine  perfonne,  comme  lorfque  le  tefta- 
tetir  a  dit  :  «  Je  prive  mon  héritier  de  ma  fuccef- 
"  don,  s'il  ne  traite  pas  bien  ma  femme  i>,  la 
chofe  ôtée  doit-elle  appartenir  aux  héritiers  légi- 
times ,  ou  à  la  perfonne  en  faveur  de  qui  la  condi- 
tion a  été  impofée.''  Dumoulin,  fur  la  loi  commo- 
dijjimè ,  D.  de  liberis  &  poflhumis  ,  n.  48,  embraffe 
ce  dernier  parti.  Il  fonde  fon  opinion  fur  la  loi  2j  , 
C.  de  legatis  ;  la  loi  5  ,  §.  i  ,  D.  de  his  quct  ut  indi~ 
gnis  auferuntur-,  la  loi  i ,  C.  de  ratiociniis  operum  pu- 
blicorum  ;  la  loi  dernière  ,  D.  de  Utigiofis  ;  la  loi  y  , 

C.  de  fuis  &  legitimls  hczredïbus  ,  &  la  loi  2  ,  §.  pen, 

D.  de  collat'tone  honorum  ,  textes  dont  il  tire  cette 
règle,  que  quand  l'indignité  ou  la  privation  eft  in- 
fligée en  confidération  de  quelque  perfonne,  c'eft 
à  celle-ci  que  doit  appartenir  l'émolument.  Mais 
Bartole  &  Julius  Clarus  ont  penfé  que  rhérédité 
ne  pouvoit  être  réclamée  dans  l'efpèce  propoiée  , 
que  par  les  héritiers  du  fang;  &  cette  opinion, 
dit  Furgole  ,  «  paroît  la  feule  vraie,  parce  que  la 
'>  privation  infligée  par  le  teflateur  ne  peut  jamais 
'7  produire  une  difpofition  ni  une  tranflation  ;  c'eft 
77  une  pure  négation,  incapable  detranfporterl'hé- 
77  redite  à  la  perfonne,  en  contemplation  de  h- 
»  quelle  la  Peine  eft  infligée  :  on  ne  doit  point 
»  donner  de  l'e.xtenfion  aux  difpofitions,  ni  au- 
77  cun  autre  effet  que  celui  que  le  teftateur  y, a 
^■^  attaché.  Si  l'objet  du  teftateur  étoit  de  faire  paf- 
n  fer  l'hérédité  à  la  perfonne  qui  a  occafionné  la 
7»  défenfe  ,  il  devoit  faire  en  fa  faveur  un  tranf- 
»  port  de  l'hérédité;  &  s'il  ne  le  fait  pas  ,  lorfqu'il 
"  prive  l'héritier  de  l'hérédité  qu'il  lui  avoit  def- 
77  tinée  ,  il  laiffe  fes  biens  fous  la  difpofition  de 
»  la  loi  qui  les  défère  aux  fucceffeurs  «t  intcflat  ^ 
»  dès  qu'il  n'y  a  point  de  teftament  capable  de 
«  les  déférer  efficacement  à  l'héritier  ;  du  refte  , 
»  les  textes  dont  Dumoulin  a  voulu  tirer  fa  rè- 
«  gle  ,  font  hypothétiques  ,  ils  ne  règlent  que  des 
77  cas  particuliers  ,  qu'on  ne  peut  pas  tirer  à  confé- 
7?  quence  )». 


titur,  cnus  auiem  ei  annexum  contemnic.  L.  i  ,  far.  4  ,  C. 
di  caiiic'u  tdhndJs. 

Nequc  enim  débet  cîrcumYeniti  teftantium  volunus.  L, 
■)i  ,   D.  de  conJitionihus  6"  demonfîrctionibus. 

Difponat  unufq'aifq'je  fuper  fuis  ut  dignum  efl: ,  &  fit  lex 
ejus  voluntas.  NtvelU  21,  chapitre  1, 

Voyei 


PEINTURE. 

Voyei  Ricard ,  traité  des  donations  ,  parlje  3  J 
chapitre  iz  ;  Voet ,  ad  pandeflas  ,  livre  34  ,  titre  6  ; 
J^urgole,  traité  des  teftarnens  ^  chapitre  11  ;  les  jour- 
naux du  palais  &  des  audiences  ;  les  arrêts  de  MM. 
Follet  ,  Grivel  &  Stochmans ,  &c.  Voyez  auffi  les 
articles  Legs,  Légataire,  Institution  d'hé- 
ritier, Clause  pénale,  Clause  privative, 
Renvoi, Testament ,  &c.  (  Article  de  M.  Mer- 
ZIS  ,  avocat  au  parlement  de  hhndres.  ) 

PEINTURE.  C'eft  l'art  de  repréfenter  la  nature 
€n  relief  fur  une  furface  plate  ,  en  y  traçant  l'i- 
mage de  tous  les  objets  avec  les  couleurs  qui  leur 
font-  convenables. 

11  y  a  à  Paris  deux  corps  de  Peinture  :  l'un  ,  cé- 
lèbre &  diftingué  ,  eft  racadémie  royale  de  Pein- 
ture &  de  fculpture  ,  Si  l'autre  la  communauté  des 
peintres  fculpteurs. 

La  Peinture  Se  la  fculpture  ,  qui  font  partie  des 
arts  libéraux ,  concourent  non  feulement  à  la  gloire 
nationale  par  des  nionumens  qui  confervent  la  mé- 
moire des  aiSlioHS  vertueufes  &  des  grands  hom- 
mes  ;  mais  ces  arts  contribuent  encore  a  l'avan- 
tage ,  ainfi  qu'à  la  perfei^ion  de  la  plupart  des 
arts  d'induftrie  ,  &  à  rendre  plufieurs  branches 
de  commerce  plus  étendues  &  plus  floriffantes. 
Ceft  par  ces  motifs,  que  ,  tranfportés  d'Italie  en 
France  par  François  premier,  ils  ont  depuis  été 
finguliérement  protèges  par  les  fucceffeurs  de  ce 
prince.  L'intérêt  que  le  roi  prend  à  ce  que  ces 
arts  fe  perfcéiionnent  de  plus  en  plus,  a  déter- 
miné fa  majefté  à  accorder  à  ceux  qui  les  culti- 
vent ,  des  difiindions  6c  des  encouragemens  par- 
ticuliers. Elle  a  pour  cet  effet  donné  la  déclara- 
tion du  15  mars  1777,  que  le  parlement  a  enre- 
giftrée  le  2  feprembre  de  la  même  année ,  &  qui 
contient  les  difpofitions  fuivantes. 

«  Article  i.Les  arts  de  Peinture  8f  de  fculp- 
«  ture  feront  &  contiueront  d'être  libres  ,  tant 
»'  dans  notre  bonne  ville  de  Paris  que  dans  toute 
M  l'étendue  de  notre  royaume  ,  lorfqu'ils  feront 
"exercés  d'une  manière  entièrement  libérale, 
»)  ainfi  qu'il  fera  expliqué  par  les  deux  articles  ci- 
»>  après.  Voulons  qu'à  cet  égard  ils  foient  parfai- 
>'  tement  affimilés  avec  les  lettres  ,  les  fcienc^s 
5>  &  les  autres  arts  libéraux,  fpécialement  l'archi- 
Jt  teflure  ;  en  forte  que  ceux  qui  voudront  exer- 
5»  cer  de  cette  manière  les  fufdits  arts,  ne  puiflent, 
ï>  fous  quelque  prétexte  que  ce  foit  ,  être  trou- 
ï»  blés  ni  inquiétés  par  aucun  corps  de  commu- 
3>  nauté  ou  maîtrife. 

"  2.  Ne  feront  réputés  exercer  libéralement  les 
«  arts  de  Peinture  &  de  fculpture  ,  que  ceux  qui 
»>  s'adonneront ,  fans  aucun  mélange  de  com- 
«  merce,  à  quelqu'un  des  genres  qui  exigent  , 
î>  pour  y  réulTir ,  une  connoilïnnce  approfondie 
3)  du  dcflin  &  une  étude  réfléchie  de  la  nature  , 
3>  tels  que  la  Peinture  &  la  fculpture  des  fujets 
j)  hiftonques  ,  celle  du  portrait ,  le  payfage  ,  les 
j)  fleurs,  la  miniature,  &  les  autres  genres  def- 
»  dits  arts  qui  font  fufceptibles  d'un  degré  de  ta- 
Tome  XllL 


PEINTURE.  St: 

5)  lent  capable  de  mériter  à  celui  qui  le  poflede; 
»  l'admiffion  à  l'académie  royale  de  Peinture  & 
»  de  fculpture, 

»  3.  A  l'égard  de  ceux  qui ,  indépendamment 
))  de  l'exercice  de  ces  arts  ,  ou  fans  les  exercer 
'j  perfonnellement ,  voudront  tenir  boutiqiieou- 
3»  verte  ,  faire  commerce  de  tableaux ,  deffins , 
»  fculptures ,  qui  ne  feroient  pas  leur  ouvrage  } 
»  débiter  des  couleurs ,  dorures  &  autres  accef- 
)»  foires  des  arts  de  Peinture  &  de  fculpture  ;  qui 
»  s'immifceroient  enfin  ,  foit  dire£teraent ,  foit 
»  indire(Sement  dans  l'entrenr^e  de  Peinture  ou 
î>  fculpture  de  bâtimens  ou  cmures  ouvrages  de 
»  ce  genre,  fufceptibles  d'être  appréciés  &  payés 
5)  au  toifé ,  ils  feront  tenus  de  fe  faire  recevoir 
»  dans  la  communauté  des  peintres-fculpteurs,  éta- 
»  blie  par  notre  édit  du  mois  d'août  177'J  j  &  de 
»  fe  conformer  aux  difpofitions  de  cet  édit. 

5)  4.  Dans  la  vue  de  donner  à  notre  académie  de 
»  Peinture  &.  de  fculpture  établie  à  Paris,  une  mar- 
»  que  fpéciale  de  notre  proteéKon  ,  nous  ordon- 
»  nons  qu'à  l'avenir,  &  dans  toute  l'étendue  de 
3>  notre  royaume  ,  elle  foit  diftinguée  de  toute  au- 
3)  tre  académie  des  mêmes  arts  ,  qui  pourra  être 
1»  dorénavant  établie  ,  tant  par  l'honneur  d'êtrç 
»  fous  notre  proteflion  immédiate,  que  par  le  titre 
11  d'académie  royale  de  Peinture  &  de  fculpture 
Il  première  &  principale.  Voulons  qu'elle  foit  re- 
»  gardée  comme  la  mère  &  l'appui  de  toutes  celles 
»  qui  feront  dans  la  fuite  établies  pour  l'exercice 
)>  des  Peinture ,  fculpture  &  arts  en  dépendans  ,  & 
j)  qu'elle  foit  leur  guide  en  tout  ce  qui  concernera 
»  la  culture  &  l'enfeignement  defdits  arts. 

■)■>  5.  Les  peintres  &  fculpteurs  admis  dans  no- 
j>  tre  académie  royale  de  Peinture  &  de  fculp- 
j>  ture  établie  à  Paris ,  pourront  feuls  prendre 
»  le  titre  de  peintres  &  fculpteurs  du  roi  ;  dé- 
3>  fendons  à  tout  autre  artifte  de  fe  donner  la  fuf- 
»  dite  qualité. 

»  6.  Renouvelons,  en  tant  que  befoin  ,  les  dif- 
yt  pofitions  des  lettres-patentes  du  mois  de  no- 
»  vembre  1676  ,  concernant  l'établiOement  des 
j>  académies  de  Peinture  &  de  fculpture  dans  les 
»  principales  villes  de  notre  royaume  ;  voulons 
»  en  conféquence ,  que  le  direéleur  &  ordonna- 
»  teur  général  de  nos  bâtimens ,  jardins  ,  arts ,  aca- 
1»  démies  &  manufaftures  royales,  comme  chargé 
»  fpécialement  par  nous  du  foin  de  veiller  au  pro- 
«  grès  defdits  arts  ,  foit  le  chef  &  le  protecteur 
»  unique  des  académies  qui  feront  à  l'avenir  éta- 
3)  blies  dans  notre  royaume  pour  pratiquer  Si.  en- 
•)■)  feigner  les  arts  de  Peinture  &  de  fciilpture,  & 
33  autres  en  dépendans  ;  qu'il  leur  donne  ,  aiito- 
3»  rife  ou  confirme  leurs  flatuts  &  réglemens,  fans 
3»  (\\\\\  foit  befoin  à  cet  effet  d'autre  aéle  de  notre 
3»   volonté. 

33  7.  Comme  le  moyen  le  plus  fur  de  faire  prof- 
33  pérer  lefdits  arts ,  eft  l'unité  &  la  communica- 
33  tion  des  principes,  lefquels  doivent  être  plus  fûrs, 
»  plus  connus  &.  plus  rixes  dans  notre  acadéiriie 


Si  PEINTURE. 

>»  royale  première  &  principale  de  Peinture  &  de 
n  fciilpture,  que  par-tout  ailleurs ,  foit  à  caufe  de 
"  la  tradition  des  lumières  des  artiftes  célèbres 
«  qu'elle  a  produits,  foit  à  caufe  de  l'avantage 
»  qu'ont  la  plupart  de  ceux  qui  la  compofent ,  d'a- 
M  voir  été  ,  fous  nos  aufpices  ,  former  leur  goût 
»  par  l'étu  le  des  beaux  monumens  de  lltalie,  & 
»  d  cire  plus  fréquemment  employés  à  de  grands 
»  ouvrages  ,  nous  avons  fait  &  faifons  exprefTes 
»  inhibitions  ik  défenfes  à  toutes  perfonnes  de 
M  quelque  qualité  &  condition  qu'elles  foicnt  , 
j>  d  établir  des   exe»cices  publics  defdits  arts  de 

V  Peinture  &  de  fculpture  ,  de  pofer  le  modèle  , 
K  faire  montre  ou  donner  des  leçons  en  public  , 
»  touchant  le  fait  defdits  arts,  qu'en  ladite  aca- 
M  demie  royale  ou  dans  les  lieux  par  elle  choifis  S: 
»  accordés ,  &  fous  fa  conduite  ou  avec  fa  per- 
»   miflîon. 

w  8.  La  réputation  Si.  la  gloire  méritées  par  d'cx- 
«  cellens  ouvrages  ,  étant  le  but  principal  qve 
»  doivent  fe  propofer  les  artiftes  de  notre  aca- 
«  demie  royale  ,  afin  de  prévenir  le  tort  qu'ils  re- 
«  eevroient ,  fi  l'on  faifoit  paroître  fous  leur  nom 
î>  des  ouvraj^es  qui  nen  feroient  pas  ,  ou  fi  l'on 
«  dèHguroit    à   leur  infu  ceux   qui  en  feroient , 

V  nous  avons  jugé  à  propos  de  renouveler  les  d*- 
M  feiifes  faites  à  cet  égard  à  tous  graveurs  Si  au- 
»>  très ,  de  faire  paroître  aucune  cliampe  fous  le 
»>  nom  d'aucun  des  membres  de  ladite  académie, 
y>  fans  fa  permifiîon  ,  ou,  à  fon  défaut,  celle  de 
î)  l'académie  ;  comme  aufTi  défendons  à  tous  gra- 
«  veurs  ,  de  graver  ou  contrefaire  les  ouvrages 
j>  des  graveurs  de  ladite  académie ,  &  d'en  ven- 
M  dre  dts  exemplaires  contrefaits,  en  telle  ma- 
»  nière  &  fous  tel  prétexte  que  ce  puiffe  être,  à 
■»  peine  ,  contre  chacun  des  contrevenans ,  d'a- 
M  mende  telle  qu'il  fera  vu  appartenir  ,  &  de  con- 
»  fifcation  ,  tant  des  exemplaires  contrefaits  ,  que 
■»  des  planchas  gravées,  ôc  autres  uftenfiles  qui 
»  auront  fervi  à  les  contrefaire  &  imprimer,  ainfi 
«  que  de  tous  dépens  ,  dommages  &  intérêts  ;  fai- 
»  fons  pareillement,  &  fous  les  mêmes  peines, 
n  très-exprefies  inhibitions  &  défenfes  à  tous  fculp- 
j;  leurs,  &  autres  de  quelque  qualité  &  condi- 
î>  tion  ,  &  fous  quelque  prétexte  que  ce  puifle  être  , 

V  de  mouler,  expoferen  vente  ,  ni  donner  au  pu- 
»  hllc  aucim  des  ouvrages  des  fculpteurs  de  notre 
)>  acdém'.e  royale  de  Peinture   &  de  fculpture 
rt  ni   copie  d'iceux  ,  fans  la  permiflîon  de  leur  au- 
»  teur,  ou,  à  fon  défaut,  celle  de  l'académie. 

«  9.  Notre  intention  étant  de  irsettre  notredite 
)>  académie  royale  ,  première  Se  principale ,  de 
5>  Peinture  ik  de  fculpture  de  Paris ,  en  état  de 
«  f.ibven'r  aux  frais  qu'entraîne  néceffairement 
»  l'entretien  de  fon  école,  nous  lui  avons  fait  & 
5>  faifons  don  de  la  fomme  de  dix  mille  livres  par 
»  ch.;cun  an  ,  pour  être  lefdits  deniers  employés 
î>  au  payement  des  honoraires  des  profefTeurs  qui 
;»  vaque- ont  à  enfeigner  lefdits  arts  de  Peinture  & 
n  de  fculpture  ,  «3i  des  officiers  qui  la  defferveat ,  | 


PEINTURE. 

»♦  à  celui  des  modèles  &  autres  frais  qu'il  convicn- 
)»  dra  faire  pour  l'augmentation  &  entretien  de  la- 
»  dite  académie;  de  laquelle  fomme  de  dix  mille 
»  livres  emploi  fera  fait  annuellement  dans  1  état 
»  de  nos  b.ltimens. 

»  10.  Pour  que  ceux  qui  compofent  ladite  aca- 
»  demie  royale  aient  moyen  de  vaquer  à  leurs 
»  fonâions  d'enfeignement  avec  toute  1  attention 
)>  &  l'affiduité  poflibles,  nous  les  déchargeons  à 
»  préfent  &  pour  l'avenir  ,  Jufqu'au  nombre  de 
»  trente  ,  de  toute  tutelle  ,  curatelle ,  guet  &  garde  , 
»  favoir,  le  directeur,  le  chancelier,  les  quatre 
n  re<f]eurs  ,  les  douze  profefleurs  ,  les  huit  confeil- 
»  lets,  le  tréCorier,  le  fecrétaire  &  les  deux  qui 
»  rempliront  les  principales  places  de  ladite  aca- 
)»  demie ,  félon  leur  rang  d'ancienneté  ;  comme 
»  auffi  nous  avons  accordé  &  accordons  auxaUs 
)»  trente  le  droit  de  commit ti mus  ^  pardevant  les 
»  maîtres  des  requêtes  ordinaires  de  notre  hôtel , 
11  ou  aux  requêtes  du  palais  à  Paris  ,  .à  leur  choix, 
)»  tout  ainfi  qu'en  jouilfent  ceux  de  notre  acadé- 
)j  mie  françoife  &  les  officiers  comraenfaux  de 
»  notre  maiibn. 

»  II.  Arin  que  ceux  qui  fe  vouent  à  étudier 
i>  les  arts  de  Peinture  &  de  Iculpture,  fous  la  di- 
»  redion  de  ladite  académie  royale  ,  jouirent  de 
5)  la  tranquillité  nécetfaire  pour  cultiver  leurs  dif- 
»  pofitions ,  nous  les  avons  exemptés  &  exemp- 
»  tons  à  l'avenir  de  toute  milice  &  enrôlement 
)>  pendant  le  temps  qu'ils  feront  étudians  à  ladite 
»  académie  ,  &  comme  tels  infcrits  fur  la  lifle 
n   qu'elle  tient  de  fes  élèves. 

»  1 2.  Pour  donner  enfin  à  notre  académie  royale 
M  de  Peinture  &  de  fculpture  une  forme  plus  fia- 
))  ble  6c  plus  con'orme  aux  vues  de  Çon  établiflTe- 
»  ment ,  nous  nous  fommes  fait  repréfcnter  fes 
»  divers  réglemens  &  fl;atuts  ,  defquels  nous  avons 
-Il  fait  former  un  règlement  général  en  quarante  ar- 
<c  ticles  (i)  ,  lequel  nous  avons  arrêté  &  fait  atta- 


(l)  Voici  ce  régUmtat  : 

ARTICLE  I.  L'acaJémie  roylecle  Peinture  &:  de  fculpture 
étant  delànce  à  raflembUr  dans  fon  {«.in  les  arcilles  qui  ,  par 
les  calens  les  plus  diibngu  s  ,  méri  cont  d'y  être  admis  ,  feia 
la  feule  à  l.iijuel  e  fa  majelU  accordera  à  l'avenir  fa  protec- 
tion immédiate.  PJIe  aura  feule  le  daitde  fe  qualifier  Acadê- 
mit  rpyaU  ,  prinàpjli:  fe*  f 'entière,  &  elle  recevra  les  ordrei 
du  roi  par  le  d'redcut  &  oid>.rinateur  général  de  fes  bâti- 
mcns,  jardins  ,  ans  ,  académies  iS:  manufaïaures   layales. 

1,  Le  nombre  deï  u  ets  qui  conipof^ioiit  l'académie  fera  il- 
limité, &  leur  adoption  dépendra  toujours  du  vceu  de  l'aca- 
dénie,  déterminé  par  le  jugement  qu'elle  fera  dans  le  cas  de 
po, ter  far  les  lalens  d- s 'ujets  qui  fe  préfenteront  ;  mais  fon 
adminiftiation  fêta  repr.f'încée  par  un  direfteur  ,  un  chance- 
lier, quatre  refteu  s  deux  adjoints  à  retteiirs ,  feize  hono- 
laircs  ,  dont  huit  amaiears  Se  huit  aflociés  libres  ,  douze  pro- 
felleurs  de  Peinture  &:  de  fculpture,  lix  adjoints  à  profeffeurs, 
un  profeflTeur  de  Gtomcttie  pour  donner  des  leçons  d'archi- 
;e;luie&:de  pcrfpc£iive,  un  profefTeurd'anatomie,  huit  con- 
leillers  ,  un  tréforier  &  un  lecrétaire  hirtoriograpbe.  Tous 
ces  dilférens  titres  &:  grades ,  à  l'exception  des  feize  honorai- 
ri's  &  des  profcfTeurs  de  géouiétiie  &  d'anatomie  ,  ne  pcrur. 
lOtuêue  cynfétés  cju'à  de«  fujw  déjà  membrçs  de  l'acadé- 


PEINTURE. 

w  cher  fous  le  contre  fcel  de  la  préfente  cléclara- 
w  tion,  6c  fuivant  lequel  nous  entendons  que  la- 
mie,  Se  par  Voie  a'elc-tion. 

j .  Les  titres  d'honoraires  cant  amateurs  qu'afTociés  libres  , 
font  JeitiriLS  &  feront  confères  ,  par  voie  d'Hettion,  à  des 
psrfonnes  qui ,  fans  exercer  les  arts  comme  les  académiciens 
pioprem;nt  dits  ,  feront  diltin^juces  pwr  leurs  connoilljnces 
d.ins  la  théorie  des  ar'j  &'  de  leurs  parties  accefToires  ,  par  leur 
goàc  po'jt  ces  mimes  avrs ,  i  Jeur  amour  pour  l^r  progrès  , 
«nin ,  par  une  intelligence  en  matière  d'affaires  ,  qui  puifle 
rerdre  leur  fiirveillance  utile  pour  le  maintien  &  la  confer- 
v.ition  des  drci:s  &  des  intérêts  de  l'académie.  La  voix  délibé- 
rative  ,  conjoiatement  avec  les  officiers  de  l'académie  (  hors 
les  cas  où  elle  fera  coiiimcne  à  tous  les  académie  ions  ,  comme 
an  jugement  des  grands  prix  ,  ou  dans  des  obj'.-ts  de  délibéia- 
tion  pour  lefque^s  l'acadcmie  a  coutume  ou  jugproit  à  propos 
d'admettre  leurs  voix  )  ,  n'appaïti:?ndra  néanmoins  ou'aux 
huit  honoraires  amareurs  ;  mais  nul  ne  pourra  pirvenir  à  ce 
litre  qu'après  avoir  paiïl- par  la  clalTe  des  honoraires  afTijcicj 
lilires ,  &c  ce  fera  toujours  le  p'us  ancien  de  cette  clalfe  qui 
pafTera  de  plein  droit,  &  fans  qu'il  foit  befoin  d'éleilion  ,  à 
celle  d'honoiaire  amateur ,  quand  il  y  aura  une  place  vacante. 
A  l'égard  des  profefieurs  de  géomtt-ie  &d'ana;omie  ,  ils  fe- 
ront à  la  nomination  du  dire<2:eur  &:  ordonnateur  gênerai  de 
nos  bârimens. 

4.  Il  ne  pourra  être  pourvu  à  tous  les  titres,  grades  &:  cm 
pleis  compofant  l'adminiltratioa  de  l'académie  ,  que  dius  une 
afTemblée  géa'rale  de  ladite  adninirttation ,  à  la  pluraiiré  dis 
fulFrages  recueillis  par  fcrutins.  Pour  procéder  à  ces  élections  , 
il  fera  fait  une  convocation  générale  de  ladite  adminiflration  , 
d'aptes  laquelle  l'aflemblée  fera  formée  de  ceux  de  fes  mem- 
bres qui  auront  pu  s'y  tendre  ,  &:  pour  le  moins  au  nombre 
de  quatorze. 

f.  Les  éleOions,  même  de  fimples  académiciens,  érant  fai- 
tes,  racad.;mie  les  fera  connoître  au  direiteur  &  ordonna 
teur  général  de  nos  bâtimens  ,  afin  qu'il  nous  en  fafTe  Ton 
rapport ,  que  nous  les  confirmions ,  èc  que  ,  par  ce  moyen  , 
nojs  connoilîions  tous  les  artiiles  qui  compoTent  noue  aca- 
dcmie  ;  &:  ces  éleiiions  ne  pourront  avoir  hur  etFet  qu'après 
ni  tre  confirmation. 

6.  Le  directeur  fera  changé  tous  les  tro's  ans,  à  moins  que 
l'académie  ne  juge  convenable  de  le  conciiiuer  pour  trois  au- 
tres années  ieulement;  &  ,  à  chatjue  mutation,  il  notis  en 
fera  fait  r.ipport  par  le  direileut  &c  ordonnateur  général  de 
nos  bâtimens  ,  pour  avoir  notre  confirmation.  Dans  le  cas 
cependant  où  le  diretteur  de  l'académie  fe  trouveroit  être 
notre  premier  Peintre ,  l'académie  pourra  ie  continuer  tant 
&  auffi  long-temps  qu'elle  le  jugera  à  propos. 

7.  Nul  ne  pourra  être  chancelier  qu'il  n'ait  été  re^eiir  , 
afin  qu'il  foit  connu  être  capable  de  la  iite  charge  ;  il  aura  la 
garde  des  fceaux  de  l'académie,  pour  en  fceller  les  aftes  , 
Hiectre  le  vi/a  fur  les  expédirions  ,  &c  la  place  fera  à  vie. 

8.  Le  fceau  de  l'académie  aura  d'un  côté  l'image  du  roi, 
&  de  l'iutre  les  nouvelles  armes  que  nous  accordons  à.  notre 
acadmie  ;  favoir,  Miiurvi ,  &:  pour  exergue  :  Libenas  artibus 
reflitur.a. 

9.  Il  Y  aura  qu.itre  refteurs  perpétuels  choî.'îs  J'entre  les 
profefleurs ,  l'un  defquels  préfidera  par  quartier  en  l'abfence 
du  diredeur  ,  Se  fera  obferver  l'ordre  dans  l'académie,  tn  cas 
de  décès  de  l'un  defdits  reiSeurs ,  la  place  fera  remplie  par  ua 
des  deux  aJjoints  à  reiteurs  ,  fuivant  fon  r^ng.  Le  reoteur  de 
qua  tier  f^ra  obligé  de  fe  trouver  tous  les  famedis  en  ladite 
académie  ,  pour ,  conjointement  avec  le  profelTe^r  en  mois  , 
pourvoir  à  toutes  les  affaires  d'icelle,  vaquer  â  la  correction 
des  éh'ves  ,  &:  remire  compte  à  la  dernière  afTemblée  du  mois  , 
des  affaires  furvenues  &  de  la  conduite  des  élèves.  En  cas 
d'abfence  du  rcâeur,  fon  adjoint,  qui  aura  fait  leifonaions , 
re:evra  les  honoraires  dudit  recteur  pour  le  remps  ou  il  aura 
fait  les  fonctions  de  rcéieur. 

10.  Le  direaeur  &  les  leéteurs  jugeront  toas  les  difFérendj 


PEINTURE.  85 

»  dite  académie  fe  régifle  à  l'avenir;  dérogeant 
j)  à  toute  autre  difpofition  contraire  ,  &  con.'ir- 

qui  furyiendront  touchant  la  conroifTance  de^  arti  de  Pein- 
ture &c  de  fculpture  ,  &  feront  arbitres  des  ouvrages  deiditî 
arcs ,  dans  toutes  les  fontettations  qui  furviendi-oient  entre 
les  membres  de  l'académie. 

II.  Les  profelTeiirs  ferviront  chacun  unmois  do  l'année  , 
&:  fc  trouveront  tous  les  jours  à  l'heure  prefcticc  pour  faire 
l'ouverture  de  l'tccle  ,  pofet  le  modèle,  le  defliner  où  mo- 
deler, afin  que  leur  ouvrage  ferve  d'exemple  aux  c'udians; 
ils  auront  foin  de  ks  inlliuire  ,  les  corriger  ,  les  maintenir 
dans  l'ordre  &  l'attention  qu'exige  1  étude  pendant  les  bearcs 
de  ces  exercices ,  &:  de  remplir  toutes  les  tondions  <Jc  leu  s 
charges.  En  cas  d'abfence  eu  maladie  du  profeffeur  ,  l'aJ'^ 
joint,  qui  aura  fait  fa  fonction  ,  recevra  les  gages  8c  la  ré- 
tribution dtijit  profelTeur  ,  relativement  au  temps  qu'il  en 
aura  rempli  les  fondions  ;&  ,  lotfqu'il  arrivera  changement 
ou  dc-cès  d'aucun  deldits  profelTeurs  ,  la  phce  fera  rempliepac 
celui  d'entre  les  adjoints  qu'il  plaira  à  l'académie   de  choilir. 

11.  Nul  ne.  fera  reçu  en  ladite  charge  de  profeffeur  qu'il 
n'ait  été  nommé  adjoint ,  &  nul  ne  fera  nommé  adjoint  qu  il 
n'ait  fait  connoître  fa  capacité  à  delTîner  la  figure  &  à  compo- 
fer  l'hifïoire  ,  ou  en  Peinture  ,  ou  en  fculpture  ,  &•'  qu'il 
n'a't  remis  à  l'-icaJimie  le  tableau  d  hiltcire  ou  l'ouvrage  qui 
lui  auraé  é  ordonne. 

15.  Les  proftlTeurs  qui  auront  fervi  affidimient  en  cette 
quali:é  pendant  dix  années  révolues  ,  fie  qui  dennnderont  la 
vétérancc,  l'obtiendront  fî  l'académie  le  juge  convenable.  Ili 
prendront  alors  le  rang  de  profefTeurs  anciens.  L'académie 
pourra  conférer  ce  titre  d'ancien  profefTeur  ,  ou  même  dcs 
graJcs  plus  élevés,  à  ceux  de  fes  officiers  qui  fe  leront  dif- 
tinguésàla  tête  de  l'école  lOyale  académique  de  Rome  oH 
dans  la  caur  de  quelque  fouverain  ,  avec  l'agrément  de  (a 
majeité. 

14.  Le  fecrétaire  hifloriographe  fera  à  vie  ,  à  moins  qu'il 
ne  fe  démette  par  taifon  de  fanré  ,  d'âge  ou  autre  caufe  auiïî 
.'avorable;  dans  lequel  cas  il  aura  qualité,  fonction  &  féance 
de  confeilier  de  l'acadénaic  ,  quanJ  nié;)ie  les  h  lir  places  de 
confeiliers  feroient  remplies  au  moment  de  fa  démiliion.  Set 
fondions ,  pendant  fon  exercic:  ,  feront  de  propofer  les  ob- 
jets de  délibération  ,  fuivant  ce  qui  eft  ci-après  rég'é  par  l'ar- 
ticle ai  ,  de  tenir  regifire  iournal  de  toutes  les  délibérations 
qui  feront  prifes  dans  les  aflemblées  l'e  l'académie,  des  expc- 
diti  ns  qui  en  réfulteront  ;  toutes  les  feuiihs  "eront  lignées 
des  diteïtciirs  ,  claneclier,  reéteurs  ,  profefTeurs  &  aurres 
membres  de  l'adminilbation  qui  fe  trouveront  préfens.  Le  fe- 
crétaire auraaufli  la  garde  de  tous  les  titres  &  papiers  de  l'a- 
cadémie; &,  en  cas  de  mort  du  chancelier,  ou  d'abfeoce  pro- 
longée &:  peimife  par  le  roi ,  la  garde  des  fceaux  fera  confiée 
au  fecrétiire,  à  la  charge  néanmoins  de  ne  pouvoir  en  ufer , 
f  our  quelque  caufe  que  ce  foi: ,  qu'en  préfence  de  racadémie 
afTemblée. 

I{.  Les  expéditions,  tant  des  délibérations  que  des  provi- 
fions  pour  admettre  dans  le  corps  de  ladite  aca  lémie  ceux  qui 
en  feront  jugés  dignes ,  feront  purement  émanées  &  intitulées 
de  l'académie  ,  lignées  du  di  cc\eur ,  du  chancelier  ,  du  rec- 
teur en  quartier  &z  du  profeffeur  en  mois ,  fcellces  du  fcel  de 
l'académie,  &:  contre/ignées  par  le  fecrétaire;  dans  lefdites 
provifions  feront  énoncés  Se  fpécifiés  les  ouvrages  préfentés 
par  les  afpirans  lors  de  leur  réception  ,  afin  qu'on  fâche  a  quel 
titre  ils  ont  été  .idmis  à  l'académie.  Celui  qui  fe  trouvera  pré- 
fîder  l;ur  fer*,  prêter  ferment  de  garder  &  obferver  religicu- 
leinent  les  flatuts  êc  réglemens  er.  préfence  de  l'afT-rablée  ;  Se 
nul  ne  fera  cenfé  du  corps  de  ladite  académie  ,  qu'il  n'ait  f» 
lettre  de  provilîon  ,  laquelle  ne  lui  fca  délivrée  qu'après  qu'il 
aura  donné  fon  tableau  ou  ouvrage  de  fculpture  pour  demeu- 
rer à  l'académie. 

ï6.  Pour  faire  la  recette  &  la  dépenfc  des  deniers  com- 
muns de  ladite  académie  ,  elle  nomnieia  celui  des  officiers- 
artiiUs  qui  fera  ttouvé  le  plus  propte  pour  cet  empioi ,  ea 


S4 


PEINTURE. 


»  niant  au  furplus  toutes  autres  lettres-patentes ," 

(qualité  de  tréfoiier ,  &  il  aura  la  direaion  &  principale  garde 
d;s  ta'iieaux,  Iculptures  ,  meubles  ,  ullenfilesde  l'acadhnic  , 
donc  il  rend.a  compte  tous  Jes  ans  en  prcfence  de  ceux  qui 
auront  été  nommés  pour  cet  efFet;  &  ledit  tr^forier  pourra 
erre  changé  ou  cântlnué  tous  les  trois  ans ,  ainii  tjue  l'acaJé- 
sne  l'elHmera  à  propos.  Ledit  trifQrier  pourra  ,  de  (on  coté  , 
remercier  &:  quitter  fa  place  ,  Ci  des  raifons  psnbnnellcs  l'y 
déterminent. 

17.  Dans  le  cas  oii  l'académie  croira  devoir  foulager  ou 
fuppléer  le  profefleur  de  géométrie  ou  ceiui  d'anatomi»  ,  il 
lui  feiapermjs  dechoilira  chacun  des  deux  un  adjoint.  Elle 
pourra  auffi  nommer  un  adjoint  fecrétaite  ,  pour  le  foulager 
ou  le  fuppléer  en  cas  de  maladie  ou  d'abfence;  &  cesad/oints 
n'auront  pas  de  voix. 

18.  Il  n'y  a  ira  qu'un  feul  Heu  deftiné  aux  aflfemblées  de 
l'acadéniiî  royale  première  &  principale.  Dans  ce  lieu  fc  dé- 
cideront tous  les  dift\rends  qui  pourroicnt  fucvcnir  relative- 
inent  à  la  peinture  Se  à  la  fculptuie  ,  &  au.\-  autres  arts  qui  y 
ont  raflât  t.  Un  y  proccdira  aux  éleclions  des  otficiers  ,  aux 
réceptions  des  académiciens,  &  à  la  dilhribuiion  des  grands 
piix  qui  feront  propofés  aux  ccudians.  Il  fera  libre  cepcndint 
à  Ldite  académie  de  deftiner,  lorfqu'ellc  le  jugera  convena- 
ble, des  lieux  particuliers  pour  y  faire  les  études  du  modèle, 
fous  les  ordres  &  la  conduite  des  oiiicicrs  qu'elle  nommera  , 
&:  qui  rendront  compte  à  cet  égard  aux  alTemblées  de  l'acadé- 
mie ;  aucune  autre  afiemblée  de  Peinture  S<:  de  fculpturc  ne 
pourra  s'ctablir  en  cecte  ville  &  pofer  le  modèle  ,  pour  inf- 
jruction  publique,  fans  leconfenteraent  de  l'acidéniie  royale, 
première  &:  principale.  Les  cpntrcifenans  feront  avertis  &: 
çontrainis  de  fc  conformer,  à  cet  égard  ,  aux  difpohiioiis  du 
préfent  article. 

19.  Le  lieu  où  l'académie  tiendra  fe?  alTciublées ,  étant  con- 
facré  à  la  vertu  &:  à  l'étude,  doit  être  en  vénération  à  tous 
ceux  qui  s'y  raflemb/ent  ;  en  confé.^uencc  ^  on  ne  parlera  dans 
lefJites  artemblées  académiques  que. des  arts  de  Peinture  ,  de 
fculpture  ,  &:  de  ce  qui  y  a  rapport,  fans  qu'il  fait  permis  d'y 
traiter  d'aucune  autre  matière  ;  &,  s'il  anivoit  que  qudqu'un 
de  ceux  qui  compofent  ladite  afleroblée  bleflat  la  religion  , 
les  mœurs  ou  l'état,  il  fera  exclus  de  ladite  académie  ,  Ik  dc- 
chu  de  la  grâce  qu'il  avoir  plu  à  fa  majellé  de  lui  accorder  en 
l'y  admetwnt. 

10.  Tous  les  jours  de  la  femaine  ,  excepté  les  dimanches  !k 
fêtes ,  l'aadémie  feia  ouverte  aux  élèves ,  peur  y  delîîaer  &: 
modeler  l'efpace  de  dt'ux  heures  après  le  modèle,  &:  profiter 
des  leçons  du  profeffeur  qui  le  mettra  en  attitude  ,  pour  rece- 
voir du  profeffeur  de  perfpeûive  les  leçons  de  géornéirje,  de 
perfpeétive  &  d'architecture  ,  &  de  celui  d'anatomie  ,  celles 
de  cette  fciencc  qui  conviennent  au^;  arts  de  Peinture  &  de 
fculpture,  Le  profeffeur  de  perfpeiftivc  donnera  fes  leçons  au 
moins  une  fois  par  femaine,  &:  le  profefleur  d'anatorriie  en 
donnera  un  cours  tous  les  ans.  . 

21,  L'académie  s'afTcmblcra  tous  les  premiers  &  derniers 
faraedis  du  iHois  ,  pour  s'entretenir  &  s'exercer  par  des  confé- 
rerices  fur  les  Peintures ,  fculptures  &:  autres  arts  de  leur  dé- 
pendance, &:  pour  délibérer  fur  les  atFaites  qui  la  concernent. 

lî.  Les  propofitiens  feront  ouve.tespar  le  fecrétaire  ;  Se 
J'on  délibérera  fur  ce  qu'elles  conrienironc,  avec  ordre  ,  avec 
décence,  fans  partialité,  fans  palTîon  ,  fans  brigue  ,  fans  fortir 
de  fa  place  &:  fans  s'interrompre  rHutuellemenc. 

23*.  Dans  les  aficinblées  qui  auront  pour  objet,  foit  des 
êleé\ions  d'officiers  ,  foit  les  afFaires  de  l'adminiftration  inté- 
rieure, économique  &c  de  po'icede  l'académie  ,  foie  lé  juge- 
ment des  ouvrages  prél'entés  poiu- être  ngréés  ou  pour  être 
admis  comme  académicien  ,  la  voix  délibérative  n'appartien- 
dra qu'au  corps  de  l'adminiiiration,  tel  qu'il  eil  dé.igné  par 
l'ivticle  z  ,  en  exceptant  néanmoins  les  aflbciés  libres.  Il 
fudîra.,  pour  que  les  délibérations  fur  les  objets  du  préfer.t 
article  -foient  valables ,  qu'elles  aient  été  arrêtées  entre  quatorze 
.délibçuûs,  dQC.c  Je-direftcur,  Je  fectétaire  &  dçuzs  j^uçies  / 


peinture:. 

»  arrêts  81  réglemens   donnés  en  fa  faveur  ,  eti 


membres  du  corps  de  l'adminirtraiion  .ayant  voix  délibérative 
&  les  dclib^taticns  ain'.i  formées   feront  confignées  dans  les 
regidres  de  l'académie  ,  pour  être  exécutées,  (auf  néanmoin 
l'approbation  du  roi  ,  quant  à  celles  qui  auront  eu  pour  ob;e 
des  élections  à  qu.;lque  place  ou  titre  ,  fuivant  la   dilpolition 
de  l'article  5.  Au  furplus,  les  huit  honoraires  alTocics  hb.es 
&:  les  fimples académiciens  au.ont  la  liberté  d'aliiller  auxdites 
alTemblées  ^ais  ils  n'y  jouiront  que  de  la  voix  confultatice  , 
&i  même  ne  pourront  l'énoncer   que  par   la    communication 
qu'ils   en  donneront  à  un   des  o-ficiers  de  l'adminiftration 
joui  fiant  de  ia  voix  dclibéraiive. 

14,  Lotfque  quelqu'un  des  oSciers  de  l'académie,  ayant 
donné  fi  démiffion  par  quelqu'un  djs  motifs  énoncés  dans  les- 
articles  ij  &i4,aura  obrenu  Je  titre  tle  vétéran  ^  il  jouira 
de  la  voix  délibérative  ,  quand  rnême  le  nombre  des  titu'aires- 
hxc  par  l'article  2  feroit  complet  ;  il  fera  ,  comme  tel ,  com- 
pris dins  les  convocations  faites  pour  les  objets  de  l'acticle- 
précédent ,  &:  jouira  des  mêmes  dtoics  &  prérogatives  que  les' 
titulaires  aéluels. 

2;.  Nul  ne  pourra  être  admis  au  titre  d'académicien  ,  fans 
avoir  j  au  préalable  ,  obtenu  celui  d'agréé  ;  &  il  ne  fêta  déli- 
béré fur  l'admiifion  à  l'un  ou  à  l'aut-ctittc,  que  dins  une- 
affemblée  générale  du  corps  de  l'adminifiration  de  Tacadè- 
mic  ,  convoquée  pour  cet  elRt,  &  tenue  fuivant  la  forme- 
prefcritepar  Jes  deux  articles  précédens  ;  nul  afpirant  à  l'un 
ou  à  l'autre  de  ces  titres  ne  l'obtiendra  qu'en  rcunidant  le»- 
deux  tiers  au  moins  des  voix  qui  feront  prifes  par  icrutin  , 
fans  que,  pour  aucun  prétexte  que  ce  foit  ,  on  puifle  éluder 
la  rigueur  de  cette  loi. 

26.  Dans  le  cas  oii  un  afpirant  au  titre  d'agréé  aura  crc 
refufé,  il  lui  rcftera  la  faculté  it  fe  repréfenter  i!e  nouveau 
p3ur  obtenir  ce  titre  fur  d'auties  ouvrages  ;  maiî  lorfqu'iitv 
artille  déjà  admis  au  titre  d'agréé  ,  &:  afpir.int  à  celfii  d'acadi- 
iiiicien  ,  aura  été  refufé,  il  demeurera  privé  même  du  titre 
&:  des  avantages  d'agréé  ,  jufqu'à  ce  que  ,  par  de  nouveaux- 
efforts  préfcmcs  à  l'académie,  il  ait  obtenu  d'être  réintégré 
dans  c;itî  claflc. 

17.  Et  comme  ce  titre,  un:  fois  obtenu,  pourroit  conduire- 
que'ques  fujets  à  un  rei.ichement  aulîi  préjudiciable  à  eux- 
mêmes  qu'a jx  arts  ,  tout  agréé  peintre  f.-ratenu,  dans  les 
trois  ans  de  fon  adni'lfion,  de  fe  préfinter  pour  êt'e  reçu» 
acaiéinicien,  fous  peine  de  perdre  nasme  le  titre  Scies  avan- 
tages d'agréé  ,  &c  de  ne  pouvoir  le  recouvrer  que  furde  nou- 
veaux ouvrages  &  nouvel  examen  dî  l'acadéraie  alTemblée  , 
comme  s'il  fe  préfentoit  pout  la  première  fois.  A  l'égard  de5 
agréés  fculpteurs  ou  graveuis  ,  comme  les  o'J-vtages  deman- 
dés pour  leur  réceptioir  font  ordinairement  difjjenJieux  tic  do 
loneue  exécution  ,  l°acadé;nie  pourra  ,  fur  la  coniiiieration 
de  la  nature  &  de  l'étendue  de  tes  morceaux  ,  proroger  de 
quelques  années  le  terme  ci  defTus  fixé. 

iS.  Nui  ne  pourra  remplir  une  place  d'académicien,  s'il 
n'ell  de  bonnes  mœurs  &  de  pcobicé  reconnue  ;  &:  pour  que 
l'académie  n'admette  pas  dans  fon  fcin  des  artiftes  fur  Ica 
mœurs  defquels  il  y  auroit  de  l'incertitude,  chaque  afpirant 
fe  procurera  un  préfentateur,  q^ji  fera  toujours  un  des  ohfi^ 
ciers  de  l'académie,  leqtael  préviendra  la  compagnie  ,  dans 
une  aiTembiée  précédente,  fur  les  mœurs  de  l'affirant  Se  fur 
le' genre  de  fon  talent ,  après  quoi  il  fera  procédé  par  la  voix 
du  fcrutin  à  fon  .agrément  ;  &  ,  s^il  eft  agréé  ,  Je  nom  t^u  pré- 
fentateur  fera  infcrit  fur  les  regiftre-..Le  jour  du  fcrutin  ,  Ici 
ouvrages  de  l'afpirant  feront  placés  dans  les  falles  ,  pour  êtrs 
jugés  par  tous  les  officiers  ayant  veix  ;  &:  dans  le  cas  d'ab» 
fence  ou  de  mort  du  préfentateur  pendant  l'intervalle  de  l'a» 
grément  à  la  réception,  l'acadé  nie  en  noinmera  un  d'odice, 
efl  fe  conformanr  fut  le  refte  à  ce  qui  eft  dit  ci  dclîus  dan» 
l'article  précédent; 

19.  Les  ouvrages  que  les  académiciens  auront  donnés  à 
l'acadéiuie  roeir  leur  réception  ,  y  demeureiont  ,  fans  qu'on 
puiffç  e»  difpQlçj  gu  ca  fubitituec  d'auttes  foiu  ^ueJtjuejfiçg- 


PEINTURE. 

S>  ce   qui  ne    fe    trouvera   point   contraire    a    la 

texte  que  ce  l'oit  ,  ce  n'ell  pat  dcLbétation  gcnêiale  faite 
dans  une  allsaiblee  inoi-;u,<;  lur  les  billets  d'invitation  pouf 
cet  etfet. 

3  û.  Les  ajréés  jouiront ,  ainfi  qu'ils  ont  joui  ,^  de  tous  les 
privilèges  accordes  à  la  'lua.'ité  d  académicien  ,  à  l'exception 
delaJniiiIîon  aux  iflan:  Les  Vautres  -avantages  intérieurs 
qui  feront  à  la  difpolition  de  l'académie  ,  Se  lut  lefquels  elle 
luivrales  uTages  établis.  j    •  i      r     > 

il.  Pour  prévenir  tout  fujet  de  diFFcrenJ  Se  de  jalouUe  a 
J'occafion  des  langs  &  des  fcances,  le  dircrteur  aura  la  place 
d'honneur  en  l'abfence  du  direiteur  Ôc  or.ionnateur  général 
des  bâtimens  du  toi  ;  à  fa  droite  feroru  le  chancelier  ,  le  rec- 
teur en  quartier  ,  les  ancis;ns  diredcurs  ,  les  ledeurs  ,  les 
aijoints  à  reûeur,  les  p-.ofelTiurs,  tré'.oner  ^'  adjoints;  Se  à 
la  gauche  dudir  préfident  feront  le  profelTcur  en  exercice  ,  les 
honoraires  anaatcuts  &c  affociés  libres.,  les  anciens  piofifleurs , 
leî  profeireuis  d'anatomie  &c  de  petfpedive-,  kiconfeillers 
Je  l'académie,  &  les  adjoints  aux  profeffeurs  d'anatomie  & 
de  perfpcdi/e  ,  s'il  y  en  a;  le  fecrétaite  fera  placé  comme  à 
l'ordinaire,  &  de  la  maniéie  qui  fera  jugée  la  plus  convena- 
tle  pour  l'exercice  de  ia  fonctions. 

)  ^  Il  fêta  fait  tous  les  ans  une  affemblce  générale  le  pre- 
mier faniçdi  de  juillet ,  auquel  fera  faite  l'cledion  des  oHi- 
ciers  ,  pour  remplir  les  places  vacantes  ;  &  lorfque  ces  places 
regardercacle  fcrvice  de  l'école,  les  académiciens  qui  afpire- 
rontau  titre  d'adjoint,  apporteront  de  leurs  ouvrages  a  l'af- 
femblée,  &  les  adjoints  qui  afpireront  au  profelTorat  ,  feront 
tenus  d'y  apporter  aufli  des  ouvrages. 

j  j.  L'acadjiTiie  choilîra  deux  huiUîers  qui  auront  la  charge 
Ju  nettoyement  &  entretenement  dis  logjmens  d^  Peinture 
&  de  fculpture,  meubles  &  ullenGles  ,  d'ouvrir  &:  fermer  la 
porte ,  &  de  fervir  aux  autres  befoins  &c  affaires  de  ladite 
académie.. 

^4.  Tout  arcille  ,  membre  Je  l'académie,  qui  fera  com- 
merce de  tableaux  ,  deffins  ,  matières  &  meubles  dellinés  à 
la  mécanique  des  arts  ^  ou  fe  mettra  en  fociété  avec  des  mar- 
chands brocanteurs,  fera  e.vc.'us  de  l'académie 

5i.  Si  aucun  de  ceux  qui  compofent  ladite  académie  ,  ou 
^ui  feront  Mçus  ci-après  ,  fe  petmettoient  des  dilcours  de^^o- 
bligeans  &  infultans  pour  leurs  confrères ,  ils  feront  avertis, 
pour  la  première  fois  ,  d'être  plus  circonfpeds  ;  5:  en  cas  de 
■récidive,  ils  feront  privés  de  l'entiée  aux  affemblées ,  aulTi 
Jiing-teiwps  qu'il  fera,  déterminé  par  l'acadcmie  ,  d  après  les 
circonftances. 

i6.  Dans  le  cas  où  quelque  officier  des  académies  provin- 
ciales ,  affilices  à  racad.mie  royale  ,  fe  trouveroit  à  Paris  ,  il 
jouira  du  privilège  d'aflifter  aux  affeniblécs  de  l'académie 
loyale  ,  première  &  principale  ;  mais  placé  hors  de  rang  ,  &: 
fans  avoir  de  voix  aux  fcrutins  ;  il  pomta  feulement  rendre 
compre  des  progrès  de  fon  école  &:  des  objers  de  diicudion 
qui  pourroient  s'élever  dans  ces  académi>;s  provinciales,  au 
fujet  des  arts  qui  y  font  pratiqués  &c  enfeignés. 

J7.  Le  concours  pour  les  grands  prix  fera  ouvert  au  com- 
mencement du  mois  d'avril  de  chaque  année.  L'académie  , 
généralement  convoquée,  jugera  du  degré  de  capacité  nécef- 
feire  ,  fut  les  c  quilles  peintes  ou  delfinées  pour  la  claffe  de 
la  Peinture  ,  ainli  que  fur  celles  dcflinées  ou  modelées  pour 
celle  de  la  fculpture,  qui  auiont  éré  fjites  dans  l'académie 
&:  en  préfcnce  du  profelTiUr  du  mois.  Les  élèves  qui  auiont 
été  ad.iiis,  feront  leur  tableau  ou  bas-relief  fur  le  fujet  tiré 
de  l'hilloire  qui  leur  a^ra  éré  donné  par  le  profeffeur  en 
exercice  ,  dans  les  loges  préparées  à  cet  effet  danî  l'académie  , 
&:  feront  exclus  du  concoiits ,  s'ils  ersploytnt  aucun  fecours 
étranger  &  frauduleux.  Leurs  ouv;ages  feront  examinés  pat 
rac.idcrtiie  avint  que  d-ètre  expofés  en  public,  S:  feront  jugés 
daiis  une  afîemli'ée  g^néralede  l'académiE  fp^cialènient  con- 
voijuée  pour  ce  jugemenr  ,  le  dernier  famedi  du  mois  de  juin. 
)'è\  La  diiiributiondes  prix  de^l'cinture  &  de  feulpture  fera 
feiçe  par  le  dircdeur  Se  ordonnateur  gcnéraJ  de  nos  b.uimeas  , 


PÈLERINAGE.  8j 

«  préfente  déclaration.  Si  donnons  en  mander 
M  ment ,  &c.  ». 

PÈLERINAGE.  Ceft  le  voyage  que  quelqu'un 
entreprend  par  dévotion  pour  aller  prier  la  vierge, 
un  faint ,  &c. 

Le  Pèlerinage  le  plus  célèbre  parmi  les  chré- 
tiens, étoit  autrefois  celui  de  la  Terre-Sainte.  Il 
donna  naiffance  aux  croifades.  Le  voyage  de  Rome 
eut  enfuite  la  vogue.  Il  fut  un  temps  où  l'on  ne 
croyoit  pas  pouvoir  être  fauve  ,  fi  l'on  n'alloit 
dans  cstte  capitale  du  monde  chrétien  vifiter  les 
tombeaux  des  apôtres.  Les  pères  racontoient  à 
leurs  enfans  les  aventures  de  leurs  voyages  ,  6c 
leur  infpiroient  le  défir  de  les  imiter.  Les  femmes 
quittoient  leurs  maris,  les  moines  leurs  couvens, 
pour  faire  cette  pieufe  caravane.  Il  ed  probable 
qu'ils  n'en  revenoient  pas  meilleurs;  &  les  abu& 
vifibles  de  ces  courfes  donnèrent  lieu  au  pro- 
verbe :  On  ne  s^amende  pas  pour  allier  à  Rome. 

Aujourd'hui  les  plus  fameux  Pèlerinages  font 
celui  de  faint  Jacques  en  Galice  &  celui  de  Notre- 
Dame  de  Lorette. 

Poftr  obvier  aux  abus  dont  les  Pèlerinages  hors 
du  royaume  font  fufceptibles ,  nos  rois  ont  pu- 
blié différentes  lois  ,  dont  la  dernière  eft  la  décla- 
ration du  premier  aoiit  1738  ,  enregiftrée  au  par- 
lement le   5   décembre  de  la  même  année  (i). 

dans  une  alTcmblée  de  l'acaoémie  indiquée  par  lui ,    &  que  , 
fuiv.int  les  circonftances  ,  il  pourra  rendre  publique. 

jj.  Les  pri-l'enî.  Ilatuts  S:  réglemens  feront  lut  chaque  an- 
née une  fois  ,  dans  une  des  aflèmblées  générales  de  l'acadé- 
mie ,  atîn  que  pcrfonne  n'en  ignore  ;  &  ,  dans  le  cis  ou  il  y 
feroit  contrevenu  eu  quelque  partie  ,  le  directeur  en  infor- 
mera le  directeur  &  ordonnateur  général  de  nos  b.îtimens  ,. 
afin  qu'il  prenne  nos  ordres  fur  ce  qu'il  conviendra  ftatuer  , 
fuivant  l'exigence  du  cas ,  ainli  que  s'il  fe  préfencoit  quelque 
cas  non  pr' vu  par  le  ptéfent  règlement:. 

40.  Quoique  lesftatuts  &  réglemens  ci-delTus  doivent  avoir- 
leur  exécution  ,  à  compter  de  Finftant  de  leur  pufclicaiiou 
dans  l'acadéiaie  ,  cependant  ii  ne  fera  rien  innové  ,  jufqu'aui 
moment  des  prochaines  élevions,  dans  l'érat  oii  ladite  aca> 
demie  fe  trouve  aûuellennent.  Tous  les  membres  qui  la  corn-- 
pofent ,  en  quelqu"  grade  &  quelque  qualité  que  ce  foit,  con-- 
ferveront  rerpeûivement  leurs  état,  droits  &  foiiulions;  mais 
de  cet  inllant ,  ceux  qui  ne  tiennent  à  l'académie  que  par  le; 
titre  d'agréé  ,  demeureronî  fou.nis  ,  pour  obtenir  celui  d'aca- 
démicien ,  aux  difpofidcns  de  l'article  17  ci-deiTus, 

(i)  Certe  déclarAthn  -.fi  ainfi  conçu  . 

Louis,  Sec.  Salut.  Le  feu  roi  notre  ttès-honoré  fcii^neiir  & 
bifaïeul  voulant  réprimer  les  abus  qui  fe  commeitoient  fous 
le  prétexte  fpérieux  de  dévotion  &  de  Pèlerinage  ,  légîa,  par 
fa  déclaration  du  mois  d'août  IS71,  les  formalités  qui  dé- 
voient être  obfervées  par  ceux  qui  voudroient  aller  en  Péléti-- 
nageà  Saint  Jacques  en  Galice,  à  Noc;e-Dauie  de  Lorette  '. 
&:  aux  autres  lieux  faint:  hors  du  roysume  ,  Se  ordonna  que" 
les  coH'revenans  feroient  arrêtés  Si  punis',  pour  ]j:  premièie' 
fois ,  du  carcan  ;  pour  la  féconde  ,  du  fouet  par  manière  de; 
cartigaiion  ;  &  que,  pour  h  troifième  ,  ils  feroient. condam- 
nés aux  galères^  comme  vagabonds  8e  gens  fan?  aveu.  Mais- 
ceux  que  l'oiliveté  &:  kr débauche  détetrainoienr  à  entrebren.;.- 
dre  ces  'O-tes  de  voyage",  ay.-^nt  trouvé  le  moyen  de  feVeofi- 
traire  à  l'ojfervaticn  des  forraaliiés  qui  leur  étoient  pfefcrii- 
tes  ,  5e  aux  peines  dues  à  iei;t$  coniraventiorjs,  Jèfcirrcî^ 
jugea  àpropoi  d'y  pourvoir  de  nouveau?  &,  par  fa  (leclara-- 
tio^du  7  jamiet  ISSÏ  ,.  il  fit  défeafts  à  coiu  fe*  fujeis  d'aller- 


85 


PÈLERINAGE. 


Suivant  cette  lai ,  aucun  François  ne  peut  aller 
en  Pèlerinage  hors  du  royaume,  fans  une  permif- 
fion  exprelîe  du  roi,  l'ignée  d'un  fecrétaire  d'état  , 
en  conféquence  de  l'approbation  de  Tévêque  dio- 
célain  ,  à  peine  des  galères  à  perpétuité  contre  les 
hommes,  &  de  telle  peine  affliflive  que  les  juges 
auront  trouvée  convenable  ,  contre  les  femmes. 

PELLAGE.  Ceft  un  droit  fingulier  appartenant 
aux  feigneurs  qui  ont  des  terres  ik  ports  le  long  de 
la  Seine  ,  dans  les  bailliages  de  Mante  &  de  Mcu- 
lan  ;  il  confifte  à  percevoir  quelques  deniers  fur 
chaque  niuid  de  vin  chargé  ou  déchargé  dans  leurs 
ports. 

PÉNITENCERIE.  Ceftun  tribunal  ou  confeil 
de  la  cour  de  Rome  ,  dans  lequel  s'examinent  &  fe 
ëclivrcnt  les  bulles  ,  brefs  ou  grâces  ,  &  difpenfes 
fecrètes  qui  regardent  les  fautes  cachées  ,  &.  par 
rapport  au  for  intérieur  de  la  confcience,  foir  pour 
l'abfolution  des  cas  réfervés  au  pape  ,  foit  pour 
les  cenfiires  ,  foit  pour  lever  les  empcchcmens  des 
mariages  contraftés  fans  difpenfe. 

Les  expéditions  de  la  Pénitencerie  fe  fo^nt  au 
notn  du  pape;  elles  font  fcellées  en  cire  rouge  ,  & 
s'cnvoyent  cachetées  à  un  do6lcur  en  théologie  , 
approuvé  par  l'évcque  pour  entendre  les  confef- 
fions,  mais  fans  en  défigner  aucun  fpécialement , 
foit  par  fon  nom  ,  foit  par  fon  emploi. 

Le  grand  Pénitencier  de  Rome  ,  au  nom  duquel 
1c  bref  eft  expédié  ,  enjoint  au  confeffeur  d'abiou- 
cre  du  cas  exprimé  ,  après  avoir  entendu  la  con- 

en  Pèlerinage  liors   du  royaume  fans  fa  perniiffion  cxpreffe  , 
figiice  par  1  un  Je  ics  fecrctiiies  d'état  &  de  l'es  command.- 
mens ,  lut  l'appiobation  des  cvêques  diocclains  ,  à  peine  des 
galères  à  perpttiiitc  contre  les  hommes  ,  &  de  telle  peine  af- 
fliftive  contre  les  femmes,  qui  feroic  eùmce   convenable  par 
Jes  juges.  Quoiqu'une  loi  C\  fage  dût  faire  ceflei:  enù-rement 
cet  abus,  nous  fonimes  cependant  inform:s  qu'ils  ont  repris 
leurs  cours,  &  que  plufieuis  femmes  ,  enfans  de  famille  ,arti- 
<ans,  appreniii  &:  autres   perfonncs ,  abandonneiit  leurs  fa- 
iTiillcsôc  Icu'-s    piofclTions  ,  pour  mener  une  vie  errante  & 
licencieufe  ,  &:  pour  fortir  de  notre  royaume  fous  pKtexre  de 
Pèlerinage.  Et   voulant   nraiiitcnit  une  loi  ii  coiforme  .i  la 
pureté  de  la  religion  &  à  l'intérêt  public,  nous  avons  jugé  à 
propos   û'tn   ordonner  de    nouveau  l'exécution.  A  cts  cau- 
les,  &c,  voulons  &:  bous  plaît:  Qu'aucuns  Je  nos  fujets  ne 
puifTent  aller  en   Pèlerinage   à  Saint-Jacques  en   Ga'ice  ,    à 
Kotte-Dame    de   Locetcc  ,   &   autres   lieux   hors    de  notre 
royaume,  fans  une  permillion  exprefle  de  nous  ,  lignée  ^par 
1  un  des  fecrétaires  d'état  &  de  nos  commandemens  ,  fur  l'ap- 
probation de  l'évèque  diocéfain ,  s  peine  des  galères  à  per- 
pétuité comte  ks  hommes,  &  de  telle  peine  affliaive  contre 
les  femmes,  qui  fera  eftimèe  convenable  parnos  juges.   En- 
joignons pour  cet  effet  à  tous  juges,   magiftrats  ,  prévôts  des 
maréchaux,   vicefénéchaux  ,  leurs  lieucenans,   exempts  &: 
autres  officiers ,  maires  ,  confuls ,  échevins,  jurats  ,  capitouls 
&fyndicsdes  villes  ic  bourgs  de  nos  frontières  dans  Iclquel 
les  pafferoientlefdits  Pèlerins,  un  mois  après  la  publication 
-4ccesprcfentes,de  les  artèter   &  condui-e  dans  les  prifons 
deflites  villes  &  bourgs,  ou  ,  s'ils  font  arrêtés  à  la  campagne, 
dans  celles  de   la  ville  la  plus  prochaine,  pour  leur  être  le 
procès  fait  &c  parfait  comme  à  gens  vagabonda  Se  fans  aveu  , 
pat  les  juges  des  lieux  où  ils   auront  été  pris  en  première  inf- 
tance  ,  &  par  appel  en  nO*  cours  de  parlement.  Si  donnons 
en  Biandcnicnt ,  &c. 


PÉNITENCERIE. 

feffion  facramenrelle  de  celui  qui  a  obtenu  le  bref, 
en  cas  que  le  crime  ou  l'empêchement  du  mariage 
foit  fecret.  Il  eft  enfuite  ordonné  au  confeiîeur  de 
déchirer  le  bref  auffitôt  après  la  confeffion  ,  fous 
peine  d'excommunication,  fans  qu'il  lui  foit  permis 
de  le  rendre  à  la  partie. 

Les  abfoUition»  obtenues  &  les  difpenfes  accor- 
dées en  vertu  des  lettres  de  la  Pénitencerie,  ne 
peuvent  jamais  fervir  dans  le  for  extérieur  :  ceci 
doit  fur-tout  s'obferver  en  France  ,  où  les  tribu- 
naux ,  tant  eccléfiaftiques  que  féculiers  ,  ne  recon- 
noiflent  point  ce  qui  e(l  émané  de  la  Pénitencerie. 

Le  grand  Pénitencier  de  Rome  efl  ordinairement 
un  cardinal  :  il  a  fous  lui  un  régent  de  la  Péniten- 
cerie, &  vingt-quatre  procureurs  ou  défenfeurs  de 
la  facrée  pénitence  ;  il  eft  auflî  le  chef  de  plufieurs 
autres  prêtres  pénitenciers  ,  établis  dans  ks  églifes 
patriarchales  de  Rome,  qui  vont  le  confulter  i\it 
les  cas  difficiles. 

Les  expéditions  de  la  Pénitencerie  fe  font  toutes 
gratis ^  &  Ton  peut  fe  les  procurer  par  toutes  fortes 
de  voies  ,  fans  aucune  obligation  de  recourir  pour 
cet  effet  au  miniflère  des  banquiers  expéditionnai- 
res en  cour  de  Rome. 

PÉNITENCERIE  fe  dit  aufli ,  en  France ,  du  titre 
ou  bénéfice  de  celui  qui  a  le  pouvoir  d'abfoudre 
des  cas  réfervés  dans  un  diocèfe.  Voyez  Péniten- 
cier. 

Par  une  déclaration  du  13  mars  1780  ,  enre- 
giftrée  au  parlement  le  14  avril  fuivant  ,  le  roi  a 
ordonné  qu'à  l'avenir  la  Pénitencerie  du  diocéfe  de 
Beauvaisdemeureroit  affranchie  de  toute  expe61a- 
tive  royale  ou  non  royale ,  &  qu'elle  ne  pourroit 
être  impétrée  en  cour  de  Rome  par  prévention  , 
ni  tranfmife  parréfignation  ou  permutation  ,  à  peine 
de  nullité  des  provifions,  mais  que  la  difpofuion  en 
refieroit  à  l'évèque  diocéfain  fur  tous  les  genres  de 
vacance  ,  à  la  charge  qu'il  ne  pourroit  la  conférer 
qu'à  un  prêtre  âgé  au  moins  de  quarante  ans. 

Le  roi  a  donné  une  autre  femblable  déclaration 
le  premier  feptembre  1781  ,  relativement  à  la  Pé- 
nitencerie de  l'églife  métropolitaine  de  Reims. 

PÉNITENCIER.  C'eflun  prêtre  établi  dans  un 
diocèfe  pour  abfoudre  des  cas  réfervés. 

Dans  l'origine,  on  donnoit  le  titre  de  Pénitcrt- 
cier  à  tous  les  prêtres  qui  étoient  chargés  d'enten- 
dre les  confefTions  :  mais  les  évèques  ayant  dans  la 
fuite  établi  dansleurs  églifes  cathédrales  un  Péni- 
tencier en  titre  pour  abfoudre  des  cas  réfervés  ,  on 
lui  donna  le  titre  de  grand-Pénitencier  ^  pour  le  dif- 
tinguer  des  autres  confelTeurs  qui  éioient  appelés 
Pénitenciers. 

Quelques-uns  font  remonter  l'inflitutlon  des 
grands  Pénitenciers  au  pontificat  du  pape  Corneille, 
qui  fiégeoit  en  251.  Mais  Gomez  prétend  que  cet 
office  ne  fut  établi  que  fous  le  pontificat  de  Benoit 
II  ,  qui  fut  élu  pape  en  684. 

Quoi  qu'il  en  foit ,  le  grand  Pénitencier  eft  le 
vicaire  de  l'évèque  pour  les  cas  réfervés.  Il  efl  or- 
dinairement établi  en  dignité  dans  la  cathédrale  ; 


PÉNITENCIER. 

mais  il  n'a  point  de  juridiflion  dans  le  chœur,  ni 
en  dehors,  ni  dans  le  diocèfe.  Il  a  fous  lu»  un  ou 
plufieurs  fous-Pénitenciers;  mais  ceux-ci  ne  font 
pas  en  titre  de  dignité  ni  de  bénéfice  i  ils  n'ont 
qu'une  fimple  comminion  verbale  du  grand  Péni- 
tencier ,  laquelle  eu  révocable  ad  nuium.  ^ 

La  fonéîion  de  Pénitencier  a  toujours  été  regar- 
dée comme  fi  importante,  que  le  concile  de  Trente 
&  plufieurs  conci.es  provinciaux  du  royaume  ont 
ordonné  que  la  première  prébende  vacante  feroit 
affeftèe  au  Pénitencier,  &  que  cette  place  feroit 
remplie  par  un  pcrlonnage  doué  de  toutes  les  qua- 
lités néceffaires ,  dofteur  ou  licencié  en  théologie 
ou  en  droit  canon  ,  &  âgé  de  quarante  ans  ,  ou  le 
plus  idoine  qu'on  pourra  trouver. 

Ce  décret  du  concile  de  Trente  a  été  renouvelé 
par  l'aflemblée  de.Melun  en  1 579  ,  par  les  conci- 
les de  Bordeaux  &  de  Tours  en  1583  ,  par  ceux 
de  Bourges  en  1584  ,  d'Aix  en  i<;85  de  Bordeaux 
en  1624 ,  &  par  le  premier  concile  de  Milan  ,  fous 
iaint  Charles. 

L'ufage  du  royaume  eft  que  dans  l'cglife  où  la 
Pénitencerie  eft  un  titre  de  bénéfice  ,  il  faut  êtrj 
gradu:  en  théologie  ou  en  droit  canon  ,  pour  la 
pofféder ,  quand  même  ce  bénéfice  n'auroit  pas 
litre  de  dignité. 

Le  Pénitencier  eft  obligé  àréfidence;  c'eft  pour- 
quoi il  ne  peut  pofféder  en  même  temps  un  béné- 
fice cure;  aulTi  le  concile  de  Trente  veut-il  qu'il 
foit  tenu  préfent  au  chœur  quand  il  vaquera  à  fon 
miniflère  ;  &  fi  l'on  en  décidoit  autrement,  il  y 
auroit  abus. 

La  fonction  d'official  &  celle  de  promoteur  font 
incompatibles  avec  celle  de  Pénitencier. 

Le  concordat  comprend  la  pénitencerie  dans  les 
bénéfices  qu'il  affujettit  à  l'expeâative  des  gradués. 

Mais ,  fuivant  l'ordonnance  de  1606 ,  les  dignités 
des  églifes  cathédrales  en  font  exceptées  ,  &  con- 
féquemment  la  pénitencerie  ,  dans  les  églifes  où 
elle  eft  érigée  en  dgnité. 

Un  ecclefiaOique  peut  être  pourvu  de  la  Péniten- 
cerie par  réfignation  en  faveur  ,  ou  par  d'autres 
yo'iss  qui  en  rendent  la  collation  néceftaire. 

l  oye[  leiret,  traité  de  l'abus;  Us  mémoires  du 
clerf;é  ;  le  traité  de  rexpeâativi  des  gradués  ;  les  lois 
eccléfiafliques  de  France  ,  &e.  Voyez  auftl  les  arti- 
cles Confesseur  ,  Confession  ,  Dispense  , 
Collation  ,  Gradué  ,  Pénitencerie  ,  &c. 

PENSION.  Ceft  une  fomme  d'argent  qu'on 
donne  pour  être  logé  &  nourri. 

A  Pcris  ,  il  eft  d'ufage  qu'un  penfionnaire  paye 
fa  Penfion  par  quartier,  quand  on  n'a  flipulé  aucun 
terme  pour  faire  ce  payement. 

Et  par  arrêt  du  30  juillet  1766  ,  le  parlement  de 
Paris  a  maintenu  les  maîtres-ès-arts  &  de  Penfion 
de  l'univerfité  de  Paris  ,  dans  le  droit  &  poiTeffion 
d'être  payés  de  la  totalité  du  quartier  commencé, 
pendant  le  cours  duquel  un  écolier  ou  penfion- 
naire s'eft  retiré  de  chez  eux  volontairement. 

La  même  cour  a  rendu  un  arrêt  i«mblable  le  17 


PENSION.  tj 

cflobre  1799  ,  «n  faveur  du  fieur  de  Bras  ,  maître 
de  Penfion  ,  contre  le  fieur  Hardy  de  Levare. 

Par  un  autre  arrêt  du  6  août  1779  »  '^  même  cour 
a  ordonné  que  dans  les  villes  de  (on  reflbrt  ou  il 
y  a  des  collèges  ,  les  maîtres  de  Penfion  ,  même 
ceux  qui  font  maîtres-ès-arts  ,  fe'borneroient  à  faire 
lire  &  écrire  leurs  penfionnaires  ,  &  à  leur  enfei- 
gner  les  preruiers  élèmcns  de  la  langue  latine ,  pour 
les  mettre  en  état  d'entrer  en  cinquième  :  mais  l'ar- 
rêt leur  a  permis  de  faire  répéter  à  leurs  penfion- 
naires &  à  tout  autre  écolier  fréquentant  le  collège  , 
les  leçons  de  leurs  profeffeurs  :  il  a  en  même-temps 
été  ordonné  que  les  maîtres  de  Penfian  feroicnt 
tenus  de  mener  ou  envoyer  par  des  perfonnes  fû- 
tes ,  aux  collèges  établis  dans  les  villes  de  leur  reli- 
dencs,  tous  leurs  penfionnaires  étudiant  en  langue 
latine,  qui  feroient  en  état  de  fréquenter  la  cin- 
quième. 

Pension,  fe  dit  auffi  de  ce  qui  eft  ordonné  ou 
légué  à  quelqu'un  pour  fa  fubfiftance.j 

Nous  parlerons  ici  des  Penfions  accordées  parle 
roi ,  &  de  celles  qui  font  établies  fur  les  bénéfice» 
eccléfiaftlques. 

Des  Pcnjlons  accordées  par  h  roi. 

Par  ime  ordonnance  du  22  décembre  1776^,  le 
roi  a  réglé  que  les  demandes  des  Penfions  6c  au- 
tres grâces  pécuniaires  ne  pourroientà  l'avenir  être 
préfentées  à  fa  majellé  que  dans  le  mois  de  dé- 
cembre de  chaque  année. 

Cette  difpofition  a  été  confirmée  par  les  lettres- 
patentes  du  b  novembre  1778,  portant  établilfc- 
ment  d'un  nouvel  ordre  pour  le  payement  dts 
Penfions. 

Cette  dernière  loi  a  d'ailleurs  ordonné  qu'aucure 
Penfion  ,  gratification  annuelle  ou  autre  grâce  via- 
gère ,  fous  quelque  dénomination  que  ce  (m,  ne 
feroit  plus  payée  à  l'avenir  que  par  le  garde  du 
tréfor  royal  ,  que  fa  majefté  auroit  choifi  à  cet 
eff^t  (  I  ).  En  conféquence  ,  il  a  été  défendu  à  la 
chambre  des  comptes  de  pafiér  en  dépenfc ,  fous 
quelque  prétexte  que  ce  fût,  dans  les  comptes  de 
tout  autre  autre  comptable  ,  que  ceux  de  ce  garce 
du  tréfor  royal ,  aucun  payement  de  Penfions  ou 
autres  grâces  viagères  (2). 


(l'  C'eft  M-  Savalète  qui  eft  aujouid'hui  chargé  de   ces 
fori  trions. 


(i)Obfervex  que  ces  règles  reçoivent  différenta  exceptions 
énoncées  dans  l'article  1  des  lettres-parerttes  dent  il  s'ayit  & 
l'article  17  de  la  déclaration  du  7  janvier  177J.  Ctt  articlt  ejl 
ainfi  conçu  : 

Conformémenc  lux  exceptions  portées  par  nos  lettres-pa- 
tentes du  3  iio^enibve  1778  ,  nous  n'entendons  pas  comnren- 
dre  dans  les  difpolitions  de  notre  ptéfente  déclaration  ,  les  fol- 
ces  &.'  demi  fcldes,  &  récompenfes  militaires  accorJtes  pour 
tetraites  aux  loldats  &  bas-ofliciers  invalides  ,  ainli  que  les 
Penliocs  ou  gratirtcitions  annuelles,  attachées  invaiiablc- 
ment  à  différentes  charges;  les  TuppléiDens  d'appointemens ' 
fixes  loïs  de  la  nouvelle  compoluion  des  troupes  en  17-»^ 
aux  me'.tres-de-camp  de  cavalerie  ,  de  huffudî  ,  de  di-agcVf  ' 
&  à  çjuçlijues  colonels  cwoiraandans ,  colonels  eu  iccond  Jtj 


n 


PENSION. 


L'article  6  des  mêmes  lettres-patentes  a  réglé 
qu'à  l'avenir  les  penfionnaires  pourroient  recevoir 
leurs  Penfions  fur  leurs  fimples  quittances  ,  fans 
être  obligés  de  foUiciter  chaque  année  une  ordon- 
nance ,  en  joignant  toutefois  à  leur  quittance  vn 
certificat  de  vie  dans  la  forme  ufitéepour  les  ren- 
tes de  l'hôtel-de-ville. 

Les  Penfions  qui  n'ont  point  été  réclamées  pen- 
dant trois  années  confécutives  ,  font  cenfées  étein- 
tes ,  fauf  néanmoins  à  les  rétablir  lorfque  les  pen- 
fionnaires jiiflifient  de  leur  exiflence  &  rapportent 
un  certificat  du  fécrétairc  d'état  dans  le  départc- 
rncnt  duquel  leur  brevet  a  été  expédié  ,  pour  conf- 
tater  qu'ils  n'en  ont  point  encouru  h  perte,  con- 
formément aux  ordonnances.  Ccft  ce  qui  réfulte 
•le  l'article  ii  de  la  déclaration  du  7  janvier  1779. 
L'article  12  veut  que  les  appointemcns,  traite- 
inens ,  gratifications  annuelles  &  autres  grâces 
dent  jouiiTent  quelques-uns  des  officiers  ou  fujets 
du  roi,  en  attendant  qu'ils  aient  obtenu  d'autres 
griices  ,  places  ou  emplois  ,  foient  éteints  lorfqu'ils 
ont  obtenu  les  grâces  ou  emplois  ;  à  l'effet  de  quoi 
les  fécrctaires  d'état  doivent  donner ,  chacun  dans 
leur  département,  à  l'adminiflratcur  général  des 
finances  ,  avis  de  ces  extinctions ,  à  mefure  qu'elles 
s'opèrent  par  l'efi'et  de  la  grâce  promife  :  la  même 
loi  défend  expreffément  à  ceux  qui  ont  joui  de  ces 
grâces  conditionnelles ,  d'en  demander  le  payement 
à  compter  du  jour  où  elles  ont  du  cefler. 

Suivant  l'article  13  ,  les  Penfions  &  grâces  via- 
gères ne  peuvent  être  (âifies  ni  cédées  pour  quel- 
que caufe  &  raifon  que  ce  foit ,  fauf  aux  créan- 
ciers d'un  penfionnaire  à  exercer  ,  après  fon  décès  , 
fur  le  décompte  de  fa  Pcnfion  ,  toutes  les  pourfuites 
éi  diligences  néceifaires  pour  la  confervation  de 
leurs  droits  &  avions  ,  &  fans  préjudice  des  or- 
dres particuliers  qui  peuvent  être  donnés  par  les 
fécrétaires  d'état ,  pour  arrêter  le  payement  de 
quelques-unes  de  ces  grâces  ,  félon  ce  qui  s'eft  pra- 
tiqué précédemment. 

Les  décomptes  des  Penfions  &  autres  grâces  des 
départemens  de  la  guerre  ou  de  la  marine,  qui  fe 
trouvent  dûs  à  la  mort  des  penfionnaires  ,  ne  peu- 
vent être  payés  aux  veuves,  enfans  ,  héritiers  ou 
créanciers  de  ces  penfionnaires,  qu'en  rapportant 
par  eux  un  certificat  du  fecrétaire  d'état  du  dépar- 

régimens  d'infanterie  ,  &  autres  officiers  en  activité  ,  pour 
les  indeninifer  de  partie  d'appointemcns  qu'ils  ont  perdus  en 
paflant  d'un  grade  à  un  ajtre  ;  (erquels  iuppicmens  d'appoia- 
lemens  s'éteindionc  loilque  Icfdits  officiers  pafleronc  à  des 
grades  fupd-rieuis  ou  qui:teront  leur  corps  ;  les  retraites  dont 
jouiflenr  les  officiers  étrangers ^  ci-devant  à  notre  Tervice  ,  re- 
tires dans  leur  patrie,  ôc  cui  font  payées  par  la  voie  de  nos 
anibafiadeurs  ;  &  enfin  ,  les  Penfions  ou  retraites  accordées  , 
Se  qui  le  feront  pat  la  fuite  ,  aux  officiers  reçus  à  1  hôtel  des 
invalidas,  pourvu  toutefois  qu'elles  n'excèdent  pas  quatre 
cents  livres  par  an.  Le  payement  de  toutes  lefquelles  grâces 
continuera  «'être  fait  par  le  tréforier  de  la  guerre  ,  comme  par 
le  paffé.  Et  nous  voulons  aiifli  que  les  Penlions  aiiignées  fur 
notre  domaiue  de  Verfailles  ,  &  dont  les  fonds  ont  une  delVi- 
Biition  f  aaiculiète  ,  CQr*tinucnt  d'être  payées  fur  ledit  fonds. 


PENSION. 

ment ,  qui  conftate  que  les  défunts  font  quittes  en- 
vers le  corps  dans  lequel  ils  ont  fervi ,  &  qu'il 
n'exifle  aucune  répétition  à  faire  fur  eux  par  les 
départemens  de  la  guerre  ou  de  la  marine  •  Se  la 
chambre  des  comptes  ne  peut  allouer  les  dépenfes 
de  ces  décomptes  que  fur  ce  certificat.  Telles  font 
les  difpofiiions  de  l'article  14. 

Suivant  la  déclaration  du  8  aoijt  1779  >  enre-" 
giflrée  à  la  chambre  des  comptes  le  4  feptembre 
fuivant ,  les  femmes  mariées  ,  les  mineurs  ,  les  re- 
ligieux &  les  autres  perfonnes  de  même  état  qui 
ont  obtenu  des  Penfions  ou  d'autres  grâces  du  roi, 
font  affranchis  de  l'obligation  de  fe  faire  autorifer 
par  leurs  maris ,  tuteurs  ou  fupérieurs  ,  pour  la  va- 
lidité des  quittances  qu'ils  donnent  eux-mêmes  re- 
lativement à  ces  objets  ,  &  pour  celle  des  procura- 
tions qu'ils  paffent ,  à. l'effet  de  jecevoir  pour  eux. 

Des    Penfiom    établies   fur   les    bénéfices 
eccléjiajliques. 

L'ufage  de  réferver  des  Penfions  fur  les  bénéfices 
aux*  titulaires  qui  s'en  démettent,  eft  fort  ancien. 
On  cH  a  trois  exemples  dans  le  concile  de  Calcé- 
doine ,  célébré  en  4^  I.  L'un  eft  en  faveur  de  Dom- 
mes  ,  évêque  d'Antioche  ,  qui  avoit  été  dépofé  ,  & 
à  la  place  duquel  on  avoit  mis  Maxime.  Le  fécond 
eft  en  faveur  de  deux  prétendus  évêques  d'Ephèfe, 
à  qui  le  concile  réferva  le  titre  d  evéque  &  une 
penfion  fur  l'évéché  ,  qui  fut  fixée  à  deux  cens  fous 
d'or  par  les  magiflrats  impériaux.  Le  troifième 
exe<î)ple  eft  celui  de  la  Penfion  que  ce  concile  ad- 
jugea â  l'un  des  deux  contendans  à  l'évéché  de 
Perrha,  en  maintenant  l'autre  contendant  en  pof- 
feffion  de  l'évéché. 

Jean  Diacre  dit  que  le  pape  falnt  Grégoire ," 
mort  en  604,  qui  étoit  fort  zélé  pour  l'obfervation 
de  la  difcipline  eccléfiaftique ,  vouloit  qu'on  don- 
nât des  Penfions  aux  évêques  ,  lorfque  leurs  infir- 
mités les  mettoient  hors  détat  de  remplir  leurs 
fondions  ,  &  les  obligeoient  de  demander  des  fuc- 
ceffeurs.  Ce  pontife  vouloit  auffi  qu'on  envoyât 
dans  des  monaftères  ,  pour  y  faire  pénitence ,  les 
clercs  qui  avoient  mérité  cette  peine  ;  mais  à  condi- 
tion que  l'églife ,  dont  on  avoit  été  obligé  de  les 
faire  fortir,  payeroit  leur  Penfion. 

M.  Fleury  &  le  père  Thomaffin  ,  rapportent  que 
faint  Perpétue  ,  évêque  de  Tours,  défendit  par  fon 
tellament  de  rétablir  deux  curés  qu'il  avoit  dépofés  ; 
mais  il  ajouta ,  qu'il  falloir  que  l'églife  les  alîifiât 
dans  leur  indigence. 

A  l'exception  de  ces  cas  extraordinaires  ,  on  re- 
gardoit  les  Penfions  comme  des  contraventions  ma- 
nifeftes  aux  règles  de  l'églife,  fuivant  lefquelles 
celui  qui  deffert  un  bénéfice  doit  en  percevoir  tous 
les  fruits.  Mais  dans  la  fuite  on  multiplia  le  nombre 
des  cas  où  les  réferves  de  Penfion  furent  cenfées 
légitimes.  Le  pape  Alexandre  III  approuva  ces  ré- 
ferves pour  le  bien  de  la  paix  &  pour  terminer  les 
conteflations  élevées  entre  des  eccléfiaftiques  qui 
pretendoient  avoir  droit  fur  un  même  bénéfice.  On 

autorifïj 


PENSION. 

imorlfa  auffi  les  rèfervcs  de  Penfion  dans  le  cas  de 
permutation,  lorfqu  il  y  avoit  beaucoup  d'inégalité 
entre  les  revenus  des  bénéfices  permutés  :elhs  fu- 
rent encore  permifes  pour  les  réfignations  en  fa- 
veur (  I  ). 

Les  ambaiïadeurs  de  France  demandèrent  au 
concile  de  Trente  ,  que  l'on  condamnât  toutes  les 
Penfioiis  fur  les  bénéfices  :  mais  leurs  remontrances 
fur  ce  fujet  ne  furent  point  écoutées. 

Indépendamment  des  Penfions  avec  caufe,  dont 
on  vient  de  parler  ,  il  y  a  encore  les  Penfions  fans 
caufe  ,  c'eft-à-dire  ,  celles  qu'on  accorde  fur|Un  bé- 
néfice à  ceux  qui  n'en  ont  jamais  été  titulaires  ,  & 
qui  n'y  ont  eu  aucun  droit.  Elles  doivent  leur  ori- 
gine à  ce  que  les  papes  ,  s'étant  regardés  comme 
les  maîtres  de  tous  les  revenus  eccléfjaftiques ,  ju- 
gèrent à  propos  d'en  réferver  quelques-uns  ,  pour 
gratifier  leurs  domeftiques  &  ceux  des  cardinaux  , 
ou  les  cardinaux  eux-mêmes.  Cet  ufagc  de  la  cour 
de  Rome  donna  lieu  à  nos  rois  ,  quand  ils  eurent 
obtenu  la  nomination  des  bénéfices  confiftoriaux, 
de  réferver  des  Penfions  par  les  brevets.  Mais  l'or- 
donnance de  1629  porte:  quelUs  ne  feront  accor- 
dées que  pour  grandes  coiJîJérations  ,  6*  en  faveur  des 
perfonnes  eccléfid(liques  jeulcmcnt. 

Comme  les  Penfions  fur  les  bénéfices  contien- 
nent une  contravention  à  la  jurifprudence  eccléfiaf- 
tique  ,  fuivant  laquelle  le  titulaire  d'un  bénéfice 
doit  jouir  de  tout  le  revenu  qui  y  eft  attaché  ,  on 
ne  les  rsconnoit  légitimes  parmi  nous  ,  que  quand 
elles  font  autorifées  par  le  pape  ,  qui  diipenfe  en 
ce  cas  de  la  févérité  des  canons. 

Cette  règle  reçoit  néanmoins  quelques  excep- 
tions. 1°.  Le  collateur  ordinaire  peut  valablement 
conftinuer  une  penfion  ^en  faveur  du  réfignant  , 
quand  la  réfignation  n'a  eu  lieu  que  pour  parvenir 
à  l'union  d'un  bénéfice  à  quelqu'autre. 

1°.   Divers  auteurs  prétendent  que  le  roi  ,  en 


P^ENSI^CÎN. 


S9 


Cl)  F.  r mule  de  procuration  pour  réjîgner  en  faveur  avec  ré- 
ferve  de  Penfion. 

Pardevanc  les  notaires  ,   Src. 

Fut  préfent  A...  pticur  coinaisndacaire  du  p  ieurc  de  Notre- 
Dame  de...  ordte  de  Saint-Benoît ,  diocèfe  de...  demeurant  à 
Paris,  rue...  p»-oifle  S...  lequel  a  fait  &:  coniiitué  fon  procu 
reur  général  A:  fpccial  maître  B...  auquel  il  a  donné  pouvoir 
de ,  pour  lui  &:  en  fon  nom  ,  réfigner ,  céder  &:  remettre  entr^ 
les  mains  de  notre  faint  père  le  pape  ,  inonf^igaeur  fon 
vice-Chancelier,  ou  autre  ayant  à  ce  pouvoir,  ledit  prieure 
de  Notre-Dame  de...,  avec  la  commetiHe  d'icclui ,  enfemble 
fes  droits,  appartenances  ôrdépcndaiices ,  pour  &  en  favei.'r 
toutefois  de  M...  &:  non  d'autre,  6c  fous  iaréferve  néanmoins 
que  fait  ledit  conllicuantde  trois  cents  livres  de  rente  &:  pen 
fion  viagère  fa  vie  durant  ,  à  lui  payable  par  cl.acun  an  ,  fur 
les  fruits  &  revenus  dudit  prieuré  ,  &  ce  de  trois  en  trois 
mois  ,  à  compter  du  jour  que  ledit  M...  fera  pourvu  &  en  pof 
fellion  dudit  prieuré  ,  laquelle  penfion  fera  exempte  de  toute 
charge  ordinaire  Se  extraordinaire ,  iuipofée  ou  à  impofcr, 
fous  quelque  prétexte  &  par  quelque  autorité  que  ce  foie  ; 
confcntii-  à  l'expédiiion  de  toutes  lettres  lur  ce  néceflaires  , 
même  jurer  Se  affirmer  qu'en  ce  que  defius  il  n'ctt  intervenu 
&  interviendra  aucun  dol  ,  fraude  &  limonie  ,  ni  autre  pac- 
tion  illicite,  &c  généralement  promettant,  &€. ,  obligeant 
*c.  Fait  &  pafTe  ,   &c. 

Tome  XIII, 


conférant  en  régale  fur  une  réfigation  en  faveur, 
peut  admettre  les  Penfions  ;  mais  il  ert  d'ufage  que 
fa  majeflé  ,  après  avoir  conféré  le  bénéfice  au  réfi- 
gnataire  ,  renvoie  en  cour  de  Rome  pour  l'homo- 
logation de  la  Penfion. 

3°.  Boniface  rapporte  un  arrêt  du  19  décembre 
1658  ,  par  lequel  il  a  été  jugé  au  parlement  de  Pro- 
vence ,  que  le  vice-légat  d'Avignon  pouvoit  ad- 
mettre une  démiflion  pure  &  fimple  entre  fes  mains, 
avec  la  claufe  de  la  réferve  d'une  Penfion,  quand 
les  facultés  du  légat ,  dûment  enregifirées  ,  lui  don- 
noient  ce  pouvoir. 

4°.  Par  arrêt  du  22  mars  1728  ,  le  parlement  de 
Flandres  a  maintenu  l'évêque  de  Tournai  dans  le 
droit ,  autorité  &  poffeflïon  de  créer  des  Penfions 
réelles  fur  les  cures  &.  fur  les  autres  bénéfices  de 
fon  diocéfe  ,  pour  caufe  légitime  &  canonique.  Cet 
arrêt  efi  fondé  fur  ce  qu'autrefois,  comme  l'r,  dé- 
montré le  père  Thomaffin  ,  on  confiituoit  des  Pen- 
fions fur  les  bénéfices ,  fans  avoir  recours  au  pape , 
&  que  depuis  il  n'y  a  eu  aucune  loi  qui  ait  léfervé 
au  fouverain  pontife  le  droit  de  créer  des  Penfions  ; 
d'où  on  a  conclu ,  que  la  plupart  des  évoques  n'avant 
perdu  ce  droit  que  pour  n'en  avoir  point  ufé,  il 
falloit  le  conferver  à  ceux  qui  s'étoient  maintenus 
dans  la  poiTefilon  de  l'exercer. 

Au  refie,  les  caufes  ordinaires  pour  lefqueîles 
une  Penfion  peut  être  établie  valablement  fur  un 
bénéfice  parmi  nous,  font  réduites  à  trois  :  la  pre- 
mière ,  qu'on  qualifie  pro  bono  pacis  ,  ou  gracia  con- 
Icordiœ  ,  ou  propter  concordiam,  a  lieu  quand  ,  potir 
le  bien  de  la  paix  ,  l'un  des  contcndans  à  un  béné- 
fice renonce  à  tout  le  droit  qu'il  prétendoit  fur  ce 
bénéfice,  à  la  charge  que  celui  qui  rofie  paifible 
poffefieur  lui  tera  une  certaine  Penfion. 

Cette  caufe  paroît  avoir  été  réprouvée  par  le 
Pape  Alexandre  III,  qui,  confulté  fur  la  quefiion 
de  favoir  s'il  étoit  permis  de  tranfiger  fur  le  liirc 
d'un  bénéfice  qui  étoit  en  litige,  répondit  qu'une 
tranfaélion  fuper  re  factâ  &  liiigiosâ  ,  qui  fe  feroit 
aiicjuo  data  vel  retento  feu  proiniffo  ,  ne  feroit  pas 
exempte  de  fimonie  :  mais  cette  même  caufe  fe 
trouve  autorifée  par  Innocent  III ,  qui  a  approuvé 
la  voie  qu'avoient  prife  des  arbitres,  en  donnant 
à  l'un  le  titre  du  bénéfice  ,  &  à  l'autre  une  Penfion. 

Pour  qu'une  Penfion  pro  bono  pacis  foit  admife 
parmi  nous ,  il  faut  le  concours  de  deux  condi- 
tions :  l'une,  que  celui  qui  fe  réferve  la  Penfion 
paroifie  avoir  droit  au  bénéfice  fur  lequel  elle  eft 
impofée  ;  ce  qui  fignifie  qu'il  doit  avoir  été  pourvu 
du  bénéfice,  ik  que  le  titre  qu'il  en  a  obtenu  doit 
être  au  moins  coloré  :  la  féconde,  que  le  litige 
qui  s'eft  élevé  ou  qui  eft  fur  le  point  de  s'élever 
entre  les  deux  pourvus,  foit  férieux ,  c'eft  à-dire  . 
exempt  de  fraude  &  de  collufion. 

On  a  agité  la  queftion  de  favoir  fi,  depuis  l'édit 
de  juin  167 1  ,  on  peut  fe  réferver  des  Penfions 
pro  bono  pacis  ,  fur  les  cures  &  fur  les  prébendes, 
fans  avoir  defTervi  les  bénéfices  pendant  le  temps 
fixé  par  cet  édit  ?  Brillon  rapporte ,  tome  i ,  page 

M 


ço  PENSION. 

8or ,  un  afrêt  du  9  Juillet  1711 ,  qui  a  jugé  l'affir- 
mative ,  contre  l'avis  de  M.  ravocat-géiu.ral  La- 
moignon  :  mais,  malgré  ce  préjugé,  M.  Pialcs 
confeille  de  fe  pourvoir,  en  cas  pareil,  au  roi, 
pour  obtenir  de  fa  majefté  de*  lettres  dérogatoires 
à  l'édit  ,  quand  ce  ne  feroit  que  pour  rendre  la 
Penfîon  réelle  contre  le  fucceffeur  per  oiiinm. 

La  féconde  caufe ,  pour  laquelle  la  téferve  de 
Penflon  peut  avoir  lieu ,  eft  appelée ,  caufj  refi- 
gnacionis  ,  ou  propter  exprejfam  intentionem  rejîgnan- 
tis.  On  a  confidéré  qu'il  étoit  juftc  qu'un  béné- 
ficier, auquel  fon  grand  âge  ou  fes  infirmités  ne 
permettoient  plus  de  deflervir  fon  bénéfice,  pût 
en  le  réfignant,  fe  réferver  une  Penfion  pour  fub- 
lifler  félon  fon   état. 

La  troifième  caufe,  appelée  caufz  permutatïoms , 
a  lieu  dans  le  cas  d'une  permutation ,  quand  l'un 
des  bénéfices  permutés  a  plus  de  revenus  que  l'au- 
tre. On  permet  en  ce  cas  ,  que  celui  qui  fe  trouve 
pourvu  du  bénéfice  le  plus  confidérable  ,  faffe  une 
Penfion  à  fon  co-permutant ,  pour  établir  l'égalité 
qui  doit  fe  trouver  dans  un  échange. 

On  admet  encore  deux  fortes  de  Penfions  fans 
caufe  fur  les  bénéfices  :  l'une  ,  quand  un  titulaire 
pacifique  ,  confent  à  la  création  d'une  Penfion  fur 
ion  bénéfice  ,  fans  qu'il  y  ait  eu  ni  permutation  ni 
réfignation  en  faveur  :  l'autre,  quand  le  roi  charge, 
par  fon  brevet,  d'une  ou  de  phifieurs  Penfions, 
celui  qu'il  nomme  à  un  bénéfice  confiftorial. 

Pour  la  validité  de  la  première  de  ces  deux  ef- 
pèces  de  Penfions  ,  il  ne  fuffit  pas  qu'elle  foit  au- 
torifée  par  le  pape  ;  il  faut  encore  des  lettres-pa- 
tentes homologuées  au  parlement ,  qui  dérogent 
fur  cet  objet  aux  libertés  de  l'églife  gallicane. 

Les  Penfions  créées  fur  les  bénéfices  confifto- 
fiaux  ,  ne  doivent  fe  payer  que  du  jour  de  l'homo- 
logation en  cour  de  Rome  ,  à  moins  qu'il  n'en  foit 
autrement  ordonné  par  le  brevet  du  roi.  C'cft  ce 
qui  réfulte  d'un  arrêt  du  règlement,  rendu  au  con- 
feil  d'état  le  17  juillet  1679.  Cependant  le  même 
coafeil  d'état  a  rendu  un  arrêt  contraire  le  9  fep- 
tembre  1718  ,  dans  l'efpèce  fuivante. 

Le  roi  nomma  à  l'archevêché  de  Cambrai  M. 
Vabbé  d'Eftrées ,  à  condition  qu'il  payeroit  vingt 
mille  livres  de  Penfion  viagère  à  différens  particu- 
liers. M.  l'abbé  d'Eftrées  étant  mort  fans  avoir  eu 
de  bulles  ,  M,  le  cardinal  de  la  Tremoille  fut  pour- 
vu du  même  archevêché ,  à  la  charge  des  Penfions 
que  M.  l'abbé  d'Eftrées  devoit  payer.  Les  penfion- 
naires  demandèrent  au  nouvel  archevêque  les  ar- 
rérages de  leur  Penfion  ,  à  compter  du  jour  de  leur 
brevet  :  ils  fe  fondèrent  non-feulement  fur  les  ter- 
mes de  ce  brevet,  mais  encore  fur  un  certificat  du 
fecrétaire  d'état  du  roi  d'Efpagne,  donné  le  19 
novembre  1638  ,  qui  porte  que  les  abbés  de  Saint- 
Vaaft  ,  Saint- Amand  ,  Vigogne  ,  &c.  ont  payé  les 
Penfions  aftlgnées  fur  le  temporel  de  leurs  maifons  , 
quoique  le  pape  ne  les  ait  pas  confirmées  ;  &  fur 
la  lettre  de  l'archiduche/îe  Ifabelle  du  3  i  oétobre 
jôi} ,  qui  marque  à  i'abbé  d'Anchin  de  pa^er  les 


PENSION. 

Penfions  alignées  fur  fon  abbaye  ,  quoique  le* 
penfionnaires  n'aient  point  obtenu  des  lettres  de 
confirmation.  M.  de  la  Tremoille,  qui  prétendoit 
ne  devoir  payer  les  Penfions  que  du  jour  qu'elles 
avoient  été  admifes  à  Rome ,  alleguoit  l'arrêt  de 
1679  ,  qui  établit  une  efpèce  de  droit  commun  fur 
cette  matière.  Mais  l'arrêt  qui  intervint  au  confeil 
du  roi ,  ordonna  que  les  penfionnaires  feroient 
payés  par  M.  de  la  Tremoille  &  par  fes  fucceffeurs , 
depuis  le  21  janvier  1716,  date  de  leur  brevet 
pour  la  Penfion  fur  l'archevêché  de  Cambrai.  On 
avoit  réglé  la  même  chofe  au  confeil  le  10  feptem- 
bre  1714  &  le  29  juillet  1717,  pour  les  Penfions 
aflîgnées  fur  les  abbayes  de  Saint-Paul  de  Verdun 
&  de  Vigogne.  Ces  arrêts  font  fondés  fur  l'ufaee 
particulier  des  provinces  dans  lefquelles  font  11- 
tués  les  bénéfices  pour  lefquels  ils  ont  été  rendus, 
&  fur  les  claufes  du  brevet  confirmées  par  le  pape, 
qui  a  dérogé,  conjointement  avec  le  roi,  aux  rè- 
gles générales. 

Le  grand  confeil  rendit  au  contraire,  le  17  août 
173Ô,  contre  le  titulaire  de  l'archevêché  de  Nar- 
bonne ,  &  un  curé  pcnfionnaire  fur  cet  archevêché , 
un  arrêt  par  lequel  il  régla  que  la  Penfion  ne  de- 
voit fe  payer  que  du  jour  de  l'homologation  du 
brevet  en  cour  de  Rome  :  qu'elle  étoit  payable  à 
Narbonne ,  lieu  du  bénéfice ,  &  que  le  penfion- 
naire  n'étoit  pas  obligé  d'attendre  les  délais  que  le 
bénéficier  donnoit  à  fes  fermiers. 

Par  un  autre  arrêt  du  18  janvier  1731,  rendu 
entre  le  fieur  Capet ,  pcnfionnaire  de  douze  cens 
livres  fur  l'abbaye  de  Saint-Jean  en  vallée  de 
Chartres  ,  &  le  fieur  Duprat ,  titulaire  de  cette  ab- 
baye ,  le  même  tribunal  a  jugé  que  la  Penfion  dont 
il  s'agit  devoit  fe  payer  du  jour  du  brevet,  quoique 
le  brevet  ne  le  portât  pas  :  mais,  le  24  novembre 
1730  ,  le  fieur  Capet  avoit  obtenu  du  confeil  d'état, 
un  mois  après  l'aflignation  ,  un  arrêt  qui  portoit 
que  la  Penfion  feroit  payée  du  jour  du  brevet. 

Pour  établir  une  Penfion,  fondée  fur  les  caufes 
ordinaires  ,  on  doit  obtenir  en  cour  de  Rome  une 
fignature  différente  de  celle  qui  admet  la  réfigna- 
tion ou  permutation  ;  fi  celui  qui  eft  pourvu  du  bé- 
néfice chargé  de  la  Penfion,  ou  fon  procureur, 
confent  à  cette  Penfion  ,  on  étend  le  confentement 
au  dos  de  la  fignature  :  mais  lorfque  le  pourvu  n'a 
pas  confenti  à  la  Penfion  ,  il  faut  obtenir  du  pape 
une  difpenfe  de  ce  confentement  (  1  ).   On  ob- 

(I>II  y  a  une  règle  de  chancellerie  ,  appelée  de  prttjfand» 
tonfcnfu  in  penJJoRibus ,  qui  veut  qu'on  n'expédie  aucune  lettre 
de  création  &:  réfervation  de  Penfion  ,  fi  ce  n'efl  avec  le  con- 
fentement du  débiteur  de  la  Penfion  ;  c'cft  pourquoi  il  en  faut 
demander  la  dérogation ,  quand  le  réfignatahe  n'a  pas  été 
préfent  à  la  procuration  &  n'a  pas  confentt  à  la  Penfion.  En 
ce  cas,  la  fignature  de  Penfion  eft  CJtpédiée  avec  cette  reftric» 
tion  :  Et  cum  derogadone  regulx  de  prcejland'o  confenfu  in  pen- 
Jisnihus  y  attenta  quod  refiçnatiofit  in  favorem  abfentis  .û' 
orator  qui  verf  ,  realicer  6"  paàficè  poffldet  ,  aliter  rejîgiiare 
non  intirdicit.  Cette  dérogation  ne  fouffre  jamais  de  diffi- 
culté quand  Je  rtfignaat  eft  paifible  poOefTeur  ;  il  n'en  eft 
pas  de  mênae  quand  t'çlï  une  ceiVion  de  icoin  5  U  raifon  ea 


PENSION, 
fcfve  les  mêmes  formalités  pour  les  Penfions  fans 
caufe. 

Lorfqu  un  bénéfice  eft  chargé  d'une  Penfion  , 
on  ne  peut  plus  le  charger  d'une  nouvelle ,  fans 
faire  mention  exprefle  de  la  première  dans  la  fiip- 
plique  qu'on  préfente  au  pape  pour  obtenir  la 
iignature. 

Il  arrive  quelquefois  que  celui  qui  réfigne  en 
faveur  d'un  tiers  un  bénéfice  chargé  d'une  Pen- 
fion ,  fe  réferve  une  Penfion  égale  à  la  première , 
mais  pour  n'en  jouir  qu'après  le  décès  du  premier 
penfionnaire.  Dans  le  ftyle  de  la  cour  de  Rome  , 
on  appelle  cette  forte  de  Penfion  eventuia.  On 
qualifie  de  même  ,  mais  par  une  raifon  contraire, 
la  Penfion  qu'un  des  co-permutans  retient  fur  le 
bénéfice  qu'il  a  permuté  ,  jufqu'à  ce  que  fon  co- 
permutant  lui  ait  fait  conférer  un  bénéfice  dont  le 
revenu  foit  égal  à  la  Penfion  ftipulée  par  la  per- 
mutation. 

Comme  aucune  réfignation  en  faveur  ,  ou  per- 
mutation, ne  peut  être  admife  fans  le  confente- 
ment  du  patron  laïque  ,  de  même  il  ne  peut 
point  être  créé  de  Penfion  fans  fon  confentemenr. 

Si  la  préfentation  appartient  alternativement  à 
un  patron  laïque  &  à  un  patron  eccléfiaftique ,  & 
que  le  bénéfice  ayant  vaqué  dans  le  tour  de  ce- 
lui-ci ,  ait  été  chargé  d'une  Penfion  par  le  pape , 
cette  Penfion  s'éteint  quand  le  bénéfice  vient  à  ra- 
quer dans  le  tour  du  Patron  laïque. 

Suivant  l'ancienne  jurifprudence  du  royaume , 
on  ne  pouvoir  point  conftituer  de  Penfion  fur  les 
bénéfices  à  charge  d'ames;  mais  cette  règle  n'é- 
toit  pas  fi  générale,  qu'on  ne  s'en  écartât  quel- 
quefois ,  comme  le  prouvent  les  arrêts  rapportés 
par  Tourner.  Pour  établir  de  l'uniformité  fur  cette 
matière,  Louis  XIV  donna  l'édit  du  mois  de  juin 
1671  (i).  Cette  loi  a  autorifé  les  titulaires  pour- 

eft  fcnfible  :  car ,  fuppofé  que  le  bénéfice  foit  litigieux ,  & 
que  le  ticuliire  veuille  cédei-  fon  droit  à  un  autre  moyennant 
une  Peufion  ,  il  faut  c^ue  le  ccflîonnairef  confente  ,  attendu 
qu'on  ne  peut  le  charger  d'un  ptoccs  &:  d'une  Penûon  fans 
fon  confcntement. 

(i)  Voici  cctéiit  : 

Louis ,  &:c.  Salut.  Bien  que  la  création  des  Penfions  fur 
les  bénéfices ,  cures  &:  prébendes  qui  requièrent  une  réfidence 
&:  un  fervice  annuel  Se  continuel  ,  foit  contraire  à  l'ancienne 
difcipline  de  l'églife  &:  à  la  pureté  Ans  canons,  &:  qu'elles 
n'aient  été  tolérées  dam  la  fuite  des  temps  que  pour  de  ttcs- 
juftes  csnfidéraii  Bs  ,  particulièrement  à  caufe  du  grand  âge 
&  de  l'infitmité  de  ceux  qui  avoient  defleivi  long  temps  leurs 
bénéfices  ,  Se  ne  fe  trouyoienrplus  en  état  d'en  faire  les  fonc- 
tions. Néanmoins  cet  ufage  ,  favorable  en  fon  origine  ,  a  de- 
puis dégcncré  en  de  grands  abus  par  l'ouverture  qu'il  a  donné  à 
une  efpcce  de  commerce  des  cures  &  prébendes ,  en  les  fai- 
fant  pafler  en  différentes  mains  ,  avec  rétention  de  Penfions 
cxceflives  ,  &  beaucoup  au  delà  d'une  légitime  proportion  ;  ce 
qui  a  mis  les  titulaires  hors  d'état  de  les  (erviravec  l'afliduité 
&  la  décence  qu'ils  doivent,  &:  donné  lieu  à  piulieurs  con- 
tedatirns  fuivies  de  différens  arrêts ,  tant  de  notre  confeil 
que  des  autres  compagnies  de  notte  royaume  ;  ce  qui  étant 
diredemen:  contraire  à  l'efprit  des  canons,  des  conciles  àc 
des  décréiales  ,  comme  auffi  aux  libertés  de  l'églife  gallicane  , 
SOUS  avoa:  clh'tné  ncccfliirc  de  retranchei"  les  abus  qui  t'y 


PENSION.  91 

vus  de  cures  ou  de  prébendes  ordinaires  ou  théo- 
logales ,  tant  dans  les  églifes  cathédrales  que  col- 
légiales ,  à  les  rèfigner  avec  réferve  de  Penfion , 
pourvu  qu'ils  les  eufi^ent  deffervies  durant  l'efpace 
de  quinze  années ,  ou  que  des  maladies  ou  infir- 
mités connues  de  l'ordinaire ,  les  euffent  mis  hors 
d'état  de  continuer  leurs  fondions. 

Le  parlement  de  Paris  a  néanmoins  jugé  pofté- 
rieurement ,  qu'une  Penfion  pouvoit  être  réfer- 
vée  fur  une  cure  après  fept  années  &  demie  de 
deficrte  :  l'affaire  fur  laquelle  cet  arrêt  a  été  ren- 
du, eft  ainfi  rapportée  dans  la  coUeâion  de  ju- 
rifprudence. 

«  Le  fieur  Serpe  ,  en  permutant  la  cure  de  Cau- 
j>  vigny ,  dont  il  étoit  titulaire ,  contre  un  cano- 
»  nicat  de  faint  Michel  de  Beauvais ,  fe  réferva 
»  une  Penfion  de  deux  cens  trente  livres ,  exempte 
»  de  toutes  charges  fur  la  cure. 

■»  La  création  de  Penfion  fut  admife  à  Rome , 
»  où  le  fieur  Serpe  obtint  une  fignature  conte- 
>»  nant  la  claufe  ordinaire ,  liberèque  tranfeat  ad 
»  fucccjfores  ,  fur  laquelle  le  roi  accorda  des  lettres- 
j>  patentes  le  23  janvier  1716,  contenant  déroga- 
11  tion  à  l'exécution  de  l'édit  de  1671  ,  qui  furent 
»  enregiftrées  le  17  août  fuivant. 

i>  La  Penfion  fut  exaâement  payée  par  le  co- 
»  permutant  du  fieur  Serpe  :  mais  ce  copermutant 
>»  étant  mort ,  &  la  cure  de  Cauvigny  ayant  ère 
»  conférée  au  fieur  de  Dampicrre,  comme  gra- 
»  due,  celui-ci  refufa  de  payer  cette  Penfion,  & 
»  prétendit  qu'elle  avoit  dû  cefl^er  par  la  mort  de 


font  gli(l!;s ,  en  renouvelant  les  difpofîtions  faites  par  les  ca- 
nons. Acescaufes,  &  autres  confidérations  à  ce  nous  mou- 
vant ,  de  l'avis  de  notre  confeil ,  &  de  notre  certaine  fcience , 
pleine  puiflànec  &:  autorité  royale,  nous  avons  dit  ,  flarué  bc 
ordonné  ,  &  par  ces  préfcntcs,  lignées  de  notre  main,  difons  , 
(latJOHS  Se  ordonnons  ,  voulons  &  nous  plaît  ,  que  ci-après 
les  titulaires  pourvus  de  eûtes  ,  de  prcbendcs  ordinaires  ou 
théologales  dans  les  églifes  cathédrales  ou  collégiales  ,  ne 
pourront  les  rèfigner  avec  réferve  de  Penfions  ,  qu'après  \tt 
avoir  aduellement  deffervies  pendant  le  temps  &c  efpace  de 
quinze  années  entières  ,  fi  ce  n'eft  poitr  caufe  de  maladie  ou 
d'inliniiité  connue  &  approuvée  de  l'ordinaire  ,  qui  les  mette 
hors  d'état,  le  relie  de  leurs  jours  ,  de  pouvoir  continuer  de 
faire  leurs  fondions  &  defl'ervir  leurs  bénéfces  ,  &  fans  n^an- 
moins  qu'audit  cas  les  Penfions  que  les  réfignans  retiendront 
puilTent  excéder  le  tiers  du  revenu  defdites  cures  &  prében- 
des,  le  tout  fans  diminution  ni  retranchement  de  la  fomme 
de  trois  cents  livres  ,  qui  demeurera  aux  titulaires  defdites 
cures  &:  prébendes  pour  leur  fubfillance  par  chacun  an  ,  fran- 
che &:  quitte  de  toutes  charges  ,  fans  comprendre  en  ladite 
fomme  le  cafucl  &  le  creux  de  l'églife  ,  qui  apparricndra  pa- 
reillement aux  curés  ,  cnfemble  les  diftributions  manuelle» 
qui  appartiendront  aux  chanoines.  Et  quant  aux  Penlions  qui 
fe  trouveront  avoit  été  ci-devant  créées  fut  les  cures  &  fur 
les  chanoiaies  à:  prébendes  des  églifes  cathédtales  ou  collé- 
giales en  faveur  des  réfignans  ,  noui  voulons  fie  otdonnons 
qu'elles  foient  réduites  au  tiers,  fans  diminution  defdites  trois 
cents  livres  ,  ainfi  qu'il  eft  exprimé  ci-defluj  ,  nonobftant 
tous  traités  &  concotdats  pour  caufe  de  procès,  rèfignations, 
permutations  ,  demandes  en  regrès  ,  faute  de  payement  deldi- 
res  Penfions ,  &  tous  cautionnemens  ,  dcfquels  nous  avons 
dcchatgé  te  déchargeons  les  ©bligés.  Si  donnons  en  mande- 
ment, &.'c. 

Mij 


91  PENSION. 

ï>  ion  prédécefleur  ,  qui  l'avoit  confentie.' 

»  Le  fieur  de  Dampierre  difoit ,  d'après  une 
«  confultation  de  M*^.  de  Blaru ,  avocat ,  qu'une 
j>  Penfion  lur  une  cure  étoit  incompatible  avec 
j>  un  canonicat  qui  exige  réfidence  :  il  ajoutoit , 
>)  d'après  une  confultation  de  M%  Fuet,  que  le 
j>  fieur  Serpe  ne  pouvoir  conferver  fa  Penfion  ,  au 
»  moyen  de  ce  que  ,  depuis  qu'elle  étoit  créée  ,  il 
j»  ayoït  été  pourvu  de  bénéfices  qui  lui  procuroient 
S)  largement  les  aifances  de  la  vie  ;  les  caufes  de  la 
»  î'enfion  étoient  ceflées,  félon  le  nouveau  cuvé, 
j)  6i  il  en  concluoit  qu'il  étoit  bien  fondé  à  réfuter 
J5  de  la  continuer. 

»  Le  fieur  Serpe  réj>ondoit  qu'il  étoit  en  règle  , 
3>  que  fa  Penfion  éioit  admife  à  Rome ,  qu'elle  étoit 
1)  autorifée  par  lettres-patentes  enregiftrées  contra- 
»  di<51oirement  j  qu'il  n'y  avoit ,  ni  canon ,  ni  loi , 
5)  ni  ordonnance ,  ni  même  aucun  arrêt  qui  dé- 
>'  clfirât  éteinte  une  Penfion  fur  une  cure  ,  par  la 
5>  raifon  .que  le  penfionnaire  avoir  été  depuis  re- 
})  vêtu  de  bénéfices  fimples. 

«  Cette  afiaire  avoit  d'abord  été  portée  devant 
«  les  juges  de  Beauvais  :  mais  comme  il  s'agiffoit 
«i  de  l'oppafition  à  un  arrêt  d'enregiflrement  de 
j>  lettres-patentes,  ils  renvoyèrent  les  parties  à 
.»>  la  cour  ;  &  par  arrêt  du  ii  mars  1733,  le  fieur 
îi  de  Dampierre  a  été  débo-uté  de  fon  oppofition 
5j  &  demande,  &  condamné  à  continuer  la  Pen- 
»  fion  ,  avec  dépens  ». 

Les  tlifpofitions  de  l'édit  de  1671  doivent  avoir 
lieu,  non-feulement  pour  les  cures  6c  les  prében- 
des ordinaires  8c  théologales  ,  mais  encore  pour 
toutes  les  autres  dignités,  perfonats  ,  femi-pré- 
bendes ,  vicairies ,  chapelles  6c  autres  bénéfices  des 
églifes  cathédrales  6c  collégiales  qui  requièrent  ré- 
fidence, de  quelque  qualiré  81  dénomination  qu'ils 
puiflent  erre.  C'eft  ce  qui  refulre  de  la  déclaration 
du  9  décembre  1673. 

Obfervez  que  la  Penfion  réfervée  fur  les  béné- 
fices énoncés  dans  les  lois  dont  on  vient  de  parler , 
ne  doit  point  excéder  le  tiers  des  revenus  du  béné- 
fice, llfaut  d'ailleurs  qu'il  refte  au  titulaire  ,  après' 
la  Penfion  payée ,  trois  cens  livres  franches  & 
quittes  de  toutes  charges  ,  pour  fa  fiibfiflance  :  on 
ne  comprend  pas  dans  cette  fomnie  le  cafuel  fie 
le  creux  de  léglife  pour  les  curés  ,  ni  les  diftribu- 
tions  manuelles  pour  les  chanoines;  mais  les  dif- 
tr'ibutions  qui  fe  gagnent  par  mois  ou  par  année ,  en 
aîTiflant  aux  offices,  fe  comptent  pour  remplir  les 
trois  cens  livres,  parce  qu'il  ne  tient  au  titulaire 
que  d'en  profiter,  en  fe  rendant  exaft  au  fervice 
de  fon  égiife.  Le  parlement  de  Paris  a  rendu  un 
arrêt  conforme  à  ces  règles  ,  le  22  mai  1647  »  ^"* 
tre  le  {leur  Charles  des  Couleurs  &  le  fieur 
Jacques  Proft  ,  au  fujet  d'un  canonicat  que  le  pre- 
mier avoit  réfigné  au  fécond  (i). 


(1)  Ca  arrh  ejl  rapporté  au  journal  du  la'ais  ,  t^mi  i  ,  pagt 
^6j.  Enroici  h  difpcfitif; 
Nodîdttc  cfci»  ,  par  fon  Jugemens  fie  arrêt  ^  «  mis  8i  met 


PENSION. 

On  compte  aufli  dans  l'évaluation  du  revenu 
d'un  bénéfice  pour  fixer  la  Penfion  ,  le  produit  des 
obits,  des  fondations  Sc  des  dîmes  novaies  dont 
jouiffent  les  curés  ,  quoiqu'on  n'y  ait  point  d'égard 
lorfqu'il  faut  fixer  la  portion  congrue. 

Pour  rendre  une  Penfion  réelle  ,  de  man.êre 
que  le  fuccefleur  de  celui  qui  l'a  confiituée  en  foit 
chargé  ,  on  exige  au  parlement  de  Paris  ,  que  la  fi- 
gnature  y  ait  été  homologuée  fur  les  conclufions 
du  procureur-général.  Cette  jurifprudence  a  lieu 
pour  toutes  les  Penfions  établies  fur  les  cures  ,  fur 
les  canonicats  6c  fur  les  autres  bénéfices  ,  dont  les 
titulaires  font  obligés  à  la  réfidence.  C'eft  en  con- 
formité de  cette  règle  ,  que ,  par  arrêt  du  7  fep- 
tembre  1697  ,il  fut  jugé  que  le  fuccefiTeur  du  réfi- 
gnataire  d'im  bénéfice  cure  ,  n'étoit  point  chargé 
de  la  Penfion  ,  quoique  la  fignature  qui  l'avoit  éta- 
blie contînt  la  claufe  ad  fuccejfores  ,  parce  que  cette 
fignature  n'avoir  point  été  homologuée  au  parle- 
ment. L'auteur  des  lois  eccléfiafiiques  de  France 
remarque  que  cet  ufage  peut  être  fondé  fur  ce 
qu'autrefois  le  parlement  ne  perraettoit  pas  qu'on 
chargeât  les  cures  de  Penfion  ,  8c  qu'il  faut  une 
efpèce  de  difpenfe  de  cet  ufage  ,  pour  confiitucr 
v;:!ablement  une  Penfion   fur  un  bénéfice    cure. 

Nous  avons  dit  que  la  Penfion  réfervée  fur  les 
bénéfices  dent  parlent  l'édit  de  1671  8c  la  décla- 
ration de   1673  ,  ne  devoir  point  excéder  le  tiers 


rappellition  &  fenttnce  de  laquelle  il  a  été  appelé  au  néant, 
émend.int ,  fans  s'arrêter  aux  oifres  dudit  l"ro1  ,'Ie  condamr.c 
(.le  payée  audit  de  Cojleurs  le  relie  des  arrérages  de  la  Pen- 
fion de  trois  cents  livres  qu'il  i'eil  réferv.'e  fut  la  prébende  8c 
chanoinie  don"  eft  qutllion  ,  échus  jufqu'au    jour  de  la  dé- 
mande du    ^  .loîit  liTi  ,  &  encore  du    confentcment  dudit 
Proll,    les   fonuTies  de  foixante-leize  livres   d'une  part,  & 
foixantc  livres  d'autre,   en  affirmant  par  ledit  de  Couleurs,, 
pardevanc  le  confciiler-rapporieur  ,    que  lefdiics  rommes  de 
loixante-ltize  livres  d'une  parc ,  5:  foixame  livres  d'autre  ,  lu» 
font  dues  depuis  ledit  temps  &  jour  ;  &;  pour  l'avenir  ordonne 
r  que  ledit  Ptod  aura   &:    recevra   par  chacun  an  la  fomme  de 
trois  cents  livres    fiM'  les   fruics  &  revenus  de  ladite  prébende 
ciianoinie  ,  en  ce  nom  compris  les  diitributicns  txiraotdinai- 
ics,  caCuelles  &:  manue'ics  ,  qui  fe  font  par  chaque  jour  &: 
heurts  canoniales  ,  lefquelles  appartiendront  enriérenient  au- 
dit Proft  ,  &  le  furplus  des  gros  fruits  ,  enferable  les  diftiibu- 
tions  certaines  &  orJin.ir:es  qui  fe  payent  par  talile  ,  par  fe- 
maine  ,  pat  mois  &  autre  temps,  baillés  &  déliviés  audit  de 
Coiileuis  jufqu'à  concurrence  S:  fur  &  rant  moins  de   la  Pen- 
lîon  de  trois  cents  livres  réfervée  fur  icelJe;  le  tcftint  t^efqiicl- 
les    diftiibutions  ceitaines    Se  oïdinaires  appirtierd  a  audit 
Proft  ,  fi  aucun  y  a,  &  à  faute  par  lui  de  réfidence  ,  f.iie  te* 
fondions  &  affifter  au  ferrice  actuellement  ,  sM  n'a  empêche- 
ment légitime  ;  ce  qui  fera   rayé  des  diliributions  certaines  &C 
ordinaires  lui  fera  imputé  far  ladite   femme  de    ciois    ccm* 
livres  pai  an,   à  lui  ordonnée  par  le  préfent  artêt,  fi  mieux 
n'aime  ledit    Prort   abandonner  audit  de   Couleurs   tous   Ici 
g'os  f  uits  ,  diltributions  certaines  &'  ordinaires  de  ladite  pré- 
bende, à  la  charge  de  la  réfidence  ci  deffus  ordonnée  ;  quoi 
fai.ai.t,  de  Couleurs  fêta  tenu  de  payer  audit  Piolt  lafomme 
de  trois  cents  livres  ,  fuivant  fes  otFrcs  portées  par  Cet  griefi  , 
ce  qu'il  fera  tenu  d'opter  quinzaine  après  la    CgnifùatioB  du 
prcfenr  arrêt ,  à  pecfonne  ou  domicile  ,  autiçmcnc  dccliu  ca 
Tcuu  d'icdui ,  tcus  dépens  coœpenfésv 


PENSION. 

des  revenus  de  ces  bénéfices;  mais  cette  règle  ne 
s'applique  pas  aux  bénéfices  confiftoriaux  qui  font 
à  la  nomination  du  roi  :  quelque  fortes  que  foient 
IcsPenfions  conftituées  par  le  brevet  dénomina- 
tion, on  ne  les  réduit  jamais;  le  titulaire  ne  peut 
même  pas  être  admis  à  abandonner  tous  les  fruits 
du  bénéfice  aux  penfionnaires;  il  faut  qu'il  acquitte 
les  Penfions  en  entier,  ou  qu'il  remette  le  titre  en- 
tre les  mains  de  fa  majeflé.  Telle  eft  la  jurifpru- 
dence  qui  s'obferve  au  grand  confeil.  Elle  efl  éta- 
blie par  pUifieurs  arrêts  ,  6c  fondée  inr  ce  que  ces 
fortes  de  Penfions  font  l'effet    d'une  volonté  fu- 
préme ,  à  laquelle  les  cours  ne  peuvent  apporter 
ni  changement  ni  modification. 

On  ne  feroit  pas  admis  à  fe  réferver,  au  lieu 
d'une  Penfion  ,  une  partie  des  revenus  du  béné- 
fice,  ni  les  collations  qui  en  dépendent,  parce 
que,  comme  lobferve  Rebuffe  ,  cela  approcheroit 
trop  de  la  divifion  du  titre  ,  qui ,  de  fa  nature  ,  eft 
indivifible.  On  m  pourroit  pas  non  plus  céder  le 
droit  de  collation  d'un  bénéfice,  moyennant  une 
Penfion. 

Obfervez  que,  par  une  bulle  d'Urbain  VIII ,  en- 
regiftrée  au  parlement  &  au  grand  confeil  ,  il  a  été 
permis  aux  bénédi6lins  de  la  congrégation  de  faint 
Maur,  de  donner  des  Penfions  égales  au  revenu 
des  bénéfices ,  aux  religieux  non  réformés  3i.  aux 
féculiers  commendataires  qui  voudroient  réfigner 
les  bénéfices  dépendans  de  leur  maifon  ,  en  fa- 
veur d'u/i  des  religieux  de  la  congrégation.  L'ob- 
jet de  cette  grâce  lingulière  a  été  de  faire  rentrer 
ces  bénlfices  entre  les  mains  de  ceux  à  qui  ils 
font  naturellement  deflinés  ,  &  de  mettre  les  mai- 
fons  en  état  de  jouir  des  fruits  qui  en  provien- 
nent, fuivant  la  règle  établie  par  les  bulles  de  leur 
fondation. 

Les  cures  à  portion  congrue  ne  peuvent  pas  être 
rcfignées  avec  réferve  de  Penfion.  C'eft  ce  que  le 
parlement  de  Paris  a  jugé  par  arrêt  du  9  juin  1736  , 
dans  l'eTpèce  fuivante. 

Le  fieur  Colas,  curé  de  Breteuil  depuis  quinze 
ans,  réfigna  fa  cure  en  1724,  en  faveur  du  fieur 
Bafin ,  à  la  charge  d'une  Penfion  de  deux  cens 
quatorze  livres.  Le  pape  n'ayant  pas  voulu  fe  prê- 
ter à  cette  condition  ,  &  le  réfignataire  ayant  ap- 
pelé comme  dabus  de  ce  refus  ,  la  cour  le  ren- 
voya pardevant  l'évêque  de  Beauvais ,  qui  lui  ac- 
corda des  provifions  avec  cette  charge.  Il  les  fit  ho- 
mologuer, &  prit  pofleirion  de  la  cure.  Après  avoir 
payé  la  Penfion  fept  à  huit  ans  ,  il  obtint ,  en  1732  , 
des  lettres  de  refcifion  ,  &  aflîgna  le  réfignant  au 
parlement,  pour  les  voir  entériner  avec  reflitu- 
tion  des  arrérages  ,  fur  le  fondement  que  la  cure 
étoit  à  portion  congrue ,  ce  qu'il  juflifia  par  une 
tranfaflion  de  1692. 

11  étoit  prouvé  que  cette  cure  produifoit,  an- 
née commune  ,  au  moins  fept  cens  livres  ,  par 
la  nature  des  fruits  indiqués  au  curé  pour  fon 
gros. 

M.  l'avocat-général,  Joly  de  Fleury ,  obferva 


PENSION.  9J 

que  quoique  la  portion  congrue  fe  payât  en  fruits, 
qui  augmentent  ou  diminuent  félon  les  temps  ,  & 
que  l'ade  de  notoriété  ,  donné  par  les  paroilSens 
de  Breteuil ,  portât  que  le  produit  de  cette  cure 
alloit ,  année  commune  ,  à  fept  cens  livres  ,  elle 
n'étoit  pas  moins  à  portion  congrue,  &  que  c'é- 
toit  à  ce  titre  feul  qu'il  falloir  s'arrêter.  En  confé- 
quence  ,  il  conclut  à  ce  qu'il  fijt  ordonné  que  la 
Penfion  demeureroit  éteinte  &  fupprimée  ,  &  que 
les  arrérages  reçus  depuis  la  demande  feroient  ref- 
titués  au  fieur  Bafin. 

L'arrêt  cité  fut  rendu  conformément  à  ces  con- 
dufions  ,  &  le  fieur  Colas  condamné  aux  dépens. 
Cette  décifion  doit  s'appliquer  à  toute  autre  ré- 
ferve de  Penfion  fur  des  cures  à  portion  congrue. 

Il  n'eft  pas  libre  au  pape  d'admettre  la  réfigna- 
tion  en  faveur  ,  &  d'accorder  des  provifions  au  ré- 
fignataire fans  admettre  la  Penfion ,  parce  que  la 
Penfion  eft  une  condition  fans  laquelle  la  réfigna- 
tion  n'auroit  point  eu  lieu. 

Le  pape  ne  peut  pas  non  plus  admettre  la  per- 
mutation de  deux  cures  ,  &  rejeter  la  Penfion  ré- 
lervée  à  l'un  des  copermutans.  Le  parlement  de 
Paris  l'a  ainfi  jugé  par  arrêt  du  premier  mars 
1696  ,  qui  déclaia  les  provifions  accordées  au 
contraire  de  cette  règle  ,  nulles  &  abufives.  Cette 
junfpriidence  eft  fondée  fur  ce  que  le  pape  eft 
regardé  parmi  nous  comme  un  collateur  forcé  , 
qui  ne  peut  pas  divifer  la  réfignation  ni  la  permu- 
tation ,  de  la  condition  fous  laquelle  elles  ont  été 
propofées. 

Au  refte,  quand  la  réfignation  &  la  Panfion  font 
admiies  en  cour  de  Rome  ,  Se  que  le  réfignataire 
fait  réduire  la  Penfion  comme  exceffive,  le  réfi- 
gnant  ne  peut  demander  à  rentrer  dans  le  béné- 
fice ,  fur  le  fondement  qu'on  n'exécute  point  dans 
toute  (on  étendue  la  condition  fous  laquelle  il 
avoir  fait  fa  réfignation. 

Suivant  l'article  50  des  libertés  de  l'églife  gal- 
licane, le  pape  ne  peut,  fans  abus,  transférera 
d'autres  la  Penfion  qui  a  été  créée  fur  un  bénéfice 
en  faveur  de  quelqu'un,  même  du  confentement 
du  titulaire. 

On  ne  peut  pas  non  plus  permuter  une  Pen- 
fion pour  un  bénéfice  ,  parce  qu'une  Penfion  n'eft 
qu'un  revenu  purement  temporel ,  auquel  il  n'y  a 
rien  de  fpirituel  d'attaché. 

Comme  le  droit  de  percevoir  une  Penfion  fur 
un  bénéfice  ,  forme  une  aélion  perfonnelle  contre 
le  titulaire  ,  celui  à  qui  elle  eft  due  peut  en  deman- 
der 29  années  à  celui  qui  a  joui  ou  dû  jouir  des 
fruits  :  mais  fi  le  titulaire  vient  à  mourir  ,  on  n« 
doit  demander  à  fon  fuccefteur  que  la  dernièie 
année  de  la  Penfion  ,  attendu  qu'il  feroit  injufte 
que  le  penfionnaire  &  le  bénéficier  puflent  laiffer 
accumuler  les  arrérages  au  préjudice  de  ce  fuc- 
cefifeur. 

Au  parlement  de  Paris,  &  dans  la  plupart  Je  s 
autres  cours  fouveraines  du  royaume,  les  réfiera- 
taires  lent  autorifés  à  accepter  les  cautions  que  les 


<)4  PENSION. 

réfignans  leur  fourniiTcnt  pour  sûreté  du  payement 
des  Penfions  réfervécs  ;  mais  le  grand  confeil  & 
le  parlement  de  Flandres  ne  rcconnoiffent  point 
ces  fortes  de  cautions ,  fur  le  fondement  que  les 
conventions  de  cette  nature  paroiflent  trop  appro- 
cher des  biens  profanes  ,  les  Penfions  dont  les  bé- 
néfices font  chargés- 

Obfervez  toutefois  que,  conformément  à  l'édit 
de  1671  ,  les  cautionnemens  ne  pourroient  pro- 
duire aucun  effet  dans  aucun  tribunal ,  fi  les  Pen- 
fions excédoient  le  tiers  des  fruits  des  bénéfices 
à  charge  dames  ou  fujets  à  réfidence  ,  ou  qu'il 
ne  reflât  pas  trois  cents  livres  de  revenu  au  ré- 
ilgnataire. 

Lorfqu'une  Penfion  eft  éteinte  ,  même  par  le  dé- 
faut d'homologation  ,  la  caution  çefle  d'être  obli- 
gée comme  le  principal  débiteur. 

La  Penfion  qui  a  été  accordée  fur  un  bénéfice  , 
avec  les  formalités  ordinaires  ,  à  l'ancien  titulaire, 
empêche  qu'il  ne  puiffc  faire  ufage  de  fes  grades 
pour  requérir  un  autre  bénéfice.  Mais  cette  règle 
ne  s'applique  pas  aux  Penfions  que  le  roi  accorde 
aux  gradués  fur  les  bénéfices  confiftoriaux  :  celles- 
ci  ne  mettent  aucun  obflacle  à  l'exercice  du  droit 
des  gradués  ;  le  parlement  de  Paris  l'a  ainfi  jugé 
par  arrêt  du  17  août  175  i. 

Les  caufes  qui  font  vaquer  les  bénéfices  de  plein 
droit ,  comme  le  mariage  ,  l'aflaflînat ,  la  mort  ci- 
vile ,  éteignent  la  Penfion  ,  parce  que  celui  que 
l'églife  juge  indigne  ou  incapable  de  remplir  un  bé- 
néfice ,  ne  doit  recevoir  aucune  partie  des  fruits 
qui  en  dépendent. 

Il  y  a  néanmoins  une  exception  à  cette  règle  en 
faveur  des  chevaliers  de  faint  Lazare.  Des  bulles 
de  Pie  V  &  de  Paul  V,  des  années  1567  &  1607, 
enregiftrées  au  grand  confeil ,  en  vertu  de  lettres- 
patentes  qui  les  ont  confirmées ,  ont  autorifé  ces 
chevaliers  à  pofleder ,  fans  être  clercs ,  une  ou  plu- 
fieurs  Penfions  fur  des  bénéfices  confiftoriaux  ou 
autres ,  jufqu'à  la  valeur  de  cinq  cens  ducats  de 
la  chambre  appoftolique  :  de  plus  ,  ils  peuvent 
conferver  ces  Penfions  lorfqu'ils  fe  marient ,  même 
en  fécondes  noces  ;  mais  ils  en  feroient  privés  dans 
le  cas  d'un  troifième  mariage. 

On  accorde  aufTi  quelquefois  de  femblables  dif- 
penfes  à  des  particuliers  qui  ne  font  pas  de  l'ordre 
de  faint  Lazare  :  c'eft  ainfi  que  par  des  lettres-pa- 
tentes du  mois  de  feptembre  1668,  confirmatives 
d'un  bref  du  pape  du  11  août  précédent,  il  a  été 
acccrdé  difpenfe  &  permiflîon  à  Henri  de  Bour- 
bon ,  duc  de  Verneuil ,  pour  pofféder  cent  mille 
livres  de  Penfion  fur  toutes  fortes  de  bénéfices  du 
royaume,  Se  en  jouir  ,  même  en  fe  mariant  une  ou 
plufieurs  fois. 

Par  d'autres  lettres-patentes,  confirmatives  d'un 
bref  d'Innocent  XI ,  il  fut  réfervé  fur  l'évêché  de 
Cahors ,  une  Penfion  de  dix  mille  livres  de  rente 
au  comte  de  Marfan  ,  pour  en  jouir  fa  vie  durant , 
même  au  cas  qu'il  époufàt  une  veuve  &  qu'il  con- 
traâât  fuccefllvement  plufieurs  mariages.  L'évê- 


PENSION. 

que ,  fuccefîeur  de  celui  qui  avoit  confentî  la  Pen- 
fion ,  interjeta  appel  comme  d'abus  du  bref,  &  for- 
ma oppofition  à  l'arrêt  d'enregiftrement  des  lettres- 
patentes  ;  mais,  par  arrêt  du  15  feptembre  1683, 
le  grand  confeil  maintint  le  comte  de  Marfan  dans 
)a  jouiflance  de  fa  Penfion.  Cet  arrêt  fe  trouve  au 
journal  des  audiences. 

Quoique  la  promotion  à  l'épifcopat  fafl*e  va- 
quer de  plein  droit  les  bénéfices  dont  le  nouvel 
évêque  eft  pourvu  ,  nos  tribunaux  jugent ,  contre 
la  difpofition  des  bulles  de  Léon  X  &  de  Clément 
VU,  que  cette  promotion  n'éteint  pas  les  Penfions 
fur  les  autres  bénéfices;  la  raifon  en  efi,  qu'une 
Penfion  n'eft  point  regardée  en  France  comme  un 
bénéfice  ,  attendu  qu'on  ne  permet  pas  de  la  réfi- 
gner ,  comme  cela  lé  pratique  en  Italie. 

C'eft  conformément  à  cette  jurifprudence ,  que , 
par  arrêt  du  14  janvier  1661  ,  le  parlement  de  Pa- 
ris a  jugé  que  M.  Tubeuf ,  évêque  de  faint  Pons  , 
étoit  tonde  à  fe  faire  payer  de  la  Penfion  qu'il  s'é- 
toit  réfervée  fur  la  cure  de  faint  Sulpice  de  Paris. 

Obfervez  néanmoins  que  la  déclaration  du  7  jan- 
vier 1681  ,  concernant  l'incompatibilité  des  béné- 
fices ,  a  été  fuivie  de  plufieurs  arrêts  des  parlemens 
de  Paris  &  de  Rouen  ,  qui  ont  privé  de  leurs  Pen- 
fions les  pourvus  de  bénéfices  incompatibles  avec 
ceux  fur  lefquels  ils  avoient  des  Penfions ,  lorfque  le 
bénéfice  dont  ils  jouifi!bient  étoit  reconnu  fuffifant 
pour  leur  fubfiftance. 

On  a  agité  au  grand  confeil  la  queftion  de  favoîr 
fi  labbé,  général  de  Grandmont, avoit  pu  retenir 
la  Penfion  qu'il  avoit  fur  un  prieuré  de  fon  ordre, 
par  lui  réfigné  fous  cette  charge  avant  d'être  élu 
général.  De  la  part  du  réfignataire  qui  conteftoit  la 
Penfion  ,  on  diibit ,  qu'aux  termes  du  chapitre  cùm 
finguU ,  dpprebendis  6»  dignitatibus ,  in  fexto  ,  un  re- 
ligieux ne  peut  avoir  de  droit  fur  plufieurs  bénéfi- 
ces ;  que  l'abbé  de  Grandmont  étant  en  certains 
cas  eollateur  des  prieurés  de  fon  ordre,  il  ne  pou- 
voit  avoir  de  Penfion  fur  ces  bénéfi«es,  fans  pofte- 
der  en  même  temps  la  mère  &  la  fille.  On  ré- 
pondoit,  de  la  part  de  l'abbé  de  Grandmont,  que 
le  chapitre  cùm  finpiU  défend  aux  religieux  de  te- 
nir en  même  temps  plufieurs  bénéfices  fans  dif- 
penfe ;  mais  qu'il  ne  parle  point  de  la  Penfion  des 
bénéfices  j  qu'on  ne  doit  point  étendre  la  difpofi- 
tion de  ce  chapitre  d'un  cas  à  un  autre.  On  raifon- 
noit  de  la  même  manière  fur  le  fécond  moyen  ,  & 
on  difoit ,  que  quand  même  on  regarderoit  l'abbé 
de  Grandmont  comme  eollateur  des  prieurés  de 
fon  ordre  ,  parce  qu'il  difpofe  des  quatre  premiers 
qui  vaquent  après  fa  promotion  au  généralat ,  on 
ne  pourroit  lui  difputer  la  Penfion  qu'il  s'eft  ré- 
fervée fur  un  de  ces  prieurés ,  parce  que  les  lois 
qui  défendent  de  tenir  deux  bénéfices  ,  dont  l'un 
rend  eollateur  de  l'autre,  ne  s'étendent  point  aux 
Penfions  qui  ne  doivent  point  être  regardées  com- 
me des  bénéfices.  L'arrêt  qui  intervint  au  grand 
confeil  fur  cette  conieftation  ,  au  mois  de  juin 
1682,  conferva  la  Penfion  au  général  de  Grand- 


PENSION. 

biont.  On  avoit  déjà  rendu  au  grand  confeil  un 
arrêt  femblable  en  1654  ,  en  faveur  d'un  autre  gé- 
néral du  même  ordre. 

Les  Penfions  peuvent  s'éteindre  par  un  rachat , 
de  la  manière  fuivante  :  le  penfionnaire  pafie  avec 
le  bénéficier  un  concordat  par  lequel  celui-ci  s'en- 
gage à  payer  à  l'autre  cinq ,  fix  ou  fept  années  de 
la  Penfion  :  ce  concordat  s'envoie  enfuite  à  P^ome  ; 
&  quand  le  pape  l'a  autorifé ,  la  Penfion  s'éteint 
par  le  payement  convenu  (1). 

Mais  celui  qui  a  obtenu  une  Penfion  fur  un  bé- 
néfice, peut-il  valablement  la  vendre  à  un  tiers? 

Voyez  la  décifion  de  ce  piiint  de  jurifprudence  à 
rarikU  Simonie. 

L'édit  du  mois  de  décembre  1691  ,  veut  que 
les  fignatures  de  la  cour  de  Rome  pour  la  créa- 
tion ou  pour  l'extinâion  d'une  Penfion  ,  &  les 
procurations  pour  y  confentir,  foient  infinuées 
au  greffe  des  infinuations  eccléfiafiiques  du  dio- 
céfe  où  les  bénéfices  font  fitués ,  dans  trois  mois , 
à  compter  du  jour  que  les  banquiers  ont  reçu  les 
fignatures. 

Foye:^  Glgas  ,  de  Penfion.  Rtbtiffe  ,fur  le  concor- 
dat ;  Pinfon  ,  de  Penfion.  Fcvret ,  traité  de  l'abus  ; 
les  lois  ecclcfijjliques  de  France  ;  Chopin ,  de  facr. 
polit.  Fuet  ,  traité  des  matières  bénéficiales  ;  le  re- 
cueil de  jurifprudence  canonique'^  Gohard ^  traité  des 
bénéfices  ;  le  journal  des  audiences  &  celui  du  palais  ; 
Brodeau  fur  Louet  ;  les  libertés  de  l'églife  gallicane  ; 
les  arrêts  de  Brillon  ;  les  mémoires  du  clergé  ;  Du- 
noyer^  fur  les  définitions  canoniques  ;  le  traité  des 
ufages  &  pratiques  de  la  cour  de  Rome  ;  Van  Efpen , 
jus  ecclef.  univ.  ;  les  œuvres  de  Duperray  &  celles 
de  Piales  ;  bibliothèque  canonique  ,  &c.  Voyez  auffi 
les  articles  Bénéfice,  Collation,  Évêque, 
Pape,  Incompatibilité  de  bénéfice, Résigna- 
tion ,  Permutation  ,  Regrès  ,  &c. 

PNESION  VIAGÈRE  CONSTITUÉE  sans  titre. 

Une  Penfion  viagère  eft  ,  comme  l'on  fait,  une 
rente  fans   capital ,  conftituée  au  profit  de  celui 

11)  Formule  de  procuration  pour  rextinSlion  d'une  Penfion 
en  conféquence  du  rachat. 

Fardevanc  les  notaires  ,  &'c. 

Fut  préfcnt  A...  prêtre  du  diocèfe  de—  demenrant  à.,,  an- 
cien prieur  commcndataire  du  prieuré  de...  Jeque]  a  fait,  conf- 
titué  fon  procureur  général  &  fpécial  M...  auquel  il  a  donné 
pouvoir  de  ,  pour  lui  &:  en  fon  nom  ,  confentir  en  cour  de 
Rome  l'extinftion  &c  amortiflement  de  la  Pentîon  de  cinq 
cents  livres  par  chacun  an,  crééeàfon  proht  en  cour  de  Rome, 
Jors  de  la  rélignation  par  lui  faice  dudit  prieuré  en  faveur  de 
T...  à  condition  néanmoins  par  le  it  fieuc  T...  débiteur  de 
Jadite  Penfion  ,  à  ce  préfent  &  acceptant  ,  demeurant...  de 
payer  audit  fieur  conflituant ,  comme  il  s'y  oblige  par  ces 
prélentes  en  fa  demeure  à....  ou  au  porteur  des  préfentes  , 
auliitét  après  l'homologation  en  cour  de  Rome  de  la  préfente 
extindion  de  Penfion  ,  la  fomme  de  trois  mille  cinq  cents 
livres  pour  fept  années  de  ladite  Penfion  ,  en  conféquence  de 
cjuoi  ledit  T...  &:  fes  fuccefieurs  audit  prieué  en  demeureront 
bien  Se  valablement  quittes  S:  déchargés  ;  donnant  les  patries 
refpedlivcnicnt  pouvoir  audit  fieur  procureur  de  jurer  &:  af- 
firmer qu'en  la  préfente  cftimation  de  Penfion  ,  il  n'eft  in- 
tervenu &z  n'interviendra  aucun  do!  ,  &  rien  de  fimonia- 
que ,  &C. 


PENSION.  ^$ 

qu'on  veut  gratifier ,  ou  dont  on  veut  reconnoître 
les  fervices. 

Un  tel  afle  de  libéralité,  qui  n'a  d'autre  prin- 
cipe qu'une  volonté  libre  ,  qui  n'eft  commandé  que 
par  un  fentiment  de  bienfaifance  ,  n'auroit  pas  be- 
foin,  en  apparence,  d'être  affujetti  à  toutes  les  for- 
malités des  autres  engagemens  :  qwi  pourroit  pré- 
fumer que  celui  qui  promet  dans  un  temps  de  payer 
annuellement  une  Penfion  à  un  vieux  ferviteur ,  à 
fon  ancien  inftituteur,  oubliera  dans  un  autre  cette 
parole  facrée  ,  &  refufera  d'y  fatisfaire  ?  L'héritier 
du  confiituant  pourroit-il  le  faire  ?  Pourroit-il  allé- 
guer qu'une  Penfion  payée  fans  titre  conftitutif  & 
obligatoire,  n'a  été  qu'une  libéralité  annuelle  ,  qu'il 
a  dépendu  de  fon  auteur  ,  &  qu'il  eft  lui-même  le 
maître  de  fupprimer  à  volonté  ? 

Cette  quefiion  ,  affez  rare  dans  les  tribunaux, 
s'eft  préfentée  au  châtelct  de  Paris  en  1784.  En 
voici  l'efpèce.  Ce  détail ,  de  notre  part,  fera  d'au- 
tant plus  fidèle ,  que  nous  avons  été  fur  le  point 
de  prendre  part  à|la  décifion  ,  &  que  nous  avons, 
en  ce  moment,  fous  les  yeux  les  mémoires  que 
les  parties  ont  fait  refpeâivement  imprimer  pour 
leur  défcnfe. 

Le  fieur  Cavelier  avoit  été  choifi ,  par  le  fieur 
Randon  père  ,  pour  préfider  à  l'éducation  du  fieur 
Randon  de  Launay ,  l'un  de  fes  fils. 

Le  fieur  Randon  ,  craignant  que  le  féjour  de  la 
maifon  paternelle  ne  fût  un  objet  de  diflratîtion  trop 
habituel ,  voulut ,  contre  l'ufage  ordinaire  des  gens 
opulens ,  que  Ion  fils  demeurât  chez  fon  inftitu- 
teur. Le  fieur  Cavelier  avoit  donc  reçu  chez  lui  le 
fieur  Randon  de  Launay  à  titre  de  penfionnaire, 
moyennant  3500  livres  par  an  pour  la  dépenfe  de 
la  maifon ,  &  1 200  livres  pour  fes  honoraires. 

Le  fieur  Randon  de  Launay  avoit  demeuré  en 
conféquence  chez  le  fieur  Cavelier,  depuis  le  mois 
de  mars  1759  jufqu'au  premier  ou  au  2  feptembre 
1764  ;  ce  qui  fait  cinq  années. 

A  cette  époque,  le  fieur  Randon  père,  ayant 
repris  chez  lui  le  fieur  Randon  de  Launay  fon  fils  , 
dit  au  fieur  Cavelier  -.  «  en  reconnoiftannce  de» 
3»  peines  &  foins  que  vous  vous  êtes  donnés  pour 
»   mon  fils  ,  il  vous  fait  une  Penfion  de  300  liv.  ». 

Au  moins  ,  cette  promefle  8c  ce  difcours  étoient 
allégués  dans  la  caufe  par  le  fieur  Cavelier. 

Quoi)  qu'il  en  foit ,  le  fieur  Randon  père  étant 
mort,  le  fieur  Randon  de  Launay  fon  fils,  conti- 
nua de  payer  cette  Penfion  ,  &  elle  fut  accquittée  , 
avec  exaâitude,  jufqu'au  premier  mars  I774,  qu'elle 
éprouva  une  première  fufpenfion.  Le  fieur  Cavelier, 
s'étant  plaint ,  reçut  du  fieur  de  Launay  ,  le  27  juil- 
let 175 1 ,  une  lettre  conçue  en  ces  termes  :  «  Votre 
»  lettre  du  21  juillet,  moucher  Cavelier,  eft  venue 
H  me  trouver  à  Chili ,  auprès  d'Orléans  ,  où  je  fuis 
n  depuis  quelques  jours;  j'arrive  de  mes  terres  de 
M  Bourbonnois ,  &  je  compte  refter  ici  jufqu'en- 
V  viron  la  Notre  -  Dame  d'août ,  après  quoi  je 
»  compte  pafTer  par  Paris ,  pour  aller  m'établir  à 


c)6  PENSION. 

>»  Verneuil  iufqu'à  la  fin  de  novembre;  je  continue 
5>  à  me  bien  porter  ;  je  ferai  fort  aife  de  vous  voir 
1»  à  mon  pafTage  à  Paris  ;  à  l'égard  de  votre  Pen- 
«  fion ,  j'ai  été  forcé  de  la  mettre  une  année  en 
»  arrière;  j'en  fuis  fâché,  mais  j'y  ai  été  forcé. 
•n  D'ailleurs  ,  s'il  y  a  jour  à  vous  payer  plutôt ,  je 
n  franchirai ,  avec  grand  plaifir,  en  votre  faveur, 
»  la  règle  que  je  me  fuis  prefcrite.  Dites  bien  des 
V  chofes  pour  moi  à  votre  femme  ;  adieu,  mon 
«  cher  Cavelier ,  je  vous  embraffe.  Signé,  de 
j>  Launay  ». 

En  1778  &  1779,  le  fieur  Cavelier  reçut  les  deux 
années  échues  en  1776  &  1777  '  '^^^  avoient  effuyé 
quelque  retard  ;  &  ce  n'eft  que  fur  les  années  fui- 
vantes  qu'eft  tombée  la  ceflation  entière  des  paye- 
niens. 

Il  faut  obferver  que  le  fieur  Cavejicr  donnoit 
une  quittance  ,  chaque  fois  qu'on  lui  remettoit  cette 
femme  de  300  livres. 

Le  fieur  de  Launay  ayant  été  afligné ,  on  a  pré- 
tendu pour  lui ,  lors  de  la  plaidoierie  de  la  caufe 
&  dans  le  mémoire  qui  a  été  imprimé  pour  fa  dé- 
fenfc ,  que  la  femme  de  300  livres  n'avoit  été 
payée  annuellement  au  fieur  Cavelier  qu'à  titre  de 
gratification  &  non  pas  de  Penfien  :  que  la  lettre 
miflive ,  dont  argumentoit  le  ficur  Cavelier,  ne 
prouvoit  aucun  engagement,  &  que  le  mot  de 
Perijîon  qui  y  étoit  employé  étoit  vague ,  &  ne 
pouvoit  en  conftituer  une  ;  que  les  quittances  don- 
nées à  l'homme  d'aÉFaire  du  fieur  de  Launay  , 
n'avoient  été  exigées  que  pour  la  décharge  de  ce 
comptable  envers  fon  commettant  ;  qu'enfin  ,  le 
fieur  Cavelier  étoit  fans  droit  dans  fa  demande, 
puifqu'il  n'avoit  aucun  titre ,  &  qu'il  ne  tenoit  rien 
que  de  la  libre  reconnoifTance  du  fieur  Randon 
de  Launay. 

De  la  part  du  fieur  Cavelier  ,  il  fut  répliqué  que 
le  fieur  de  Launay  étoit  tenu  de  l'engagement  con- 
traélé  par  lui ,  fous  l'autorité  &  par  l'organe  de  (^n 
père  ;  que  cet  engagement  pour  n'avoir  point  été 
écrit,  n'en  étoit  pas  moins  obligatoire;  &  que 
riViUeurs  le  fieur  cle  Launay  lui-même  avoir  ratifié 
cet  engagement ,  par  le  payement  qu'il  avoir  fait 
de  cette  Penfion  pendant  quatorze  années  ,  &  par 
la  lettre  qu'il'avoit  écrite  au  fieur  Cavelier ,  pour  le 
prier  d'excufer  les  retards  qu'il  lui  faifoit  éprouver. 

■  A  l'appui  de  ces  circonf^ances,  les  défenfeurs 
du  fieur  Cavelier  ,  M^  Dandafne  &  M"  Hardouin 
de  la  Reynerie  ,  invoquèrent  l'opinion  d'un  jurif- 
confulte ,  Papinien,  fur  une  efpèce  abfolument 
femblable  :  Aquilius  Regulus  ,  jeune  Romain  ,  écrit 
a  fon  précepteur  Nicoflrate  ,  &  après  lui  avoir  rap- 
pelé que  ,  par  fes  inflruélions  &  fes  foins  .  il  l'a 
rendu  meilleur,  il  lui  dit,  qu'en  reconnoifTance, 
il  lui  accorde  un  logement  chez  lui.  Quoni^m  6* 
cum  pâtre  meo  femper  fuifli  6»  me  cloquentiâ  6*  dili- 
gentia  tua  meliorem  reddidijîi ,  dono  &  permhto  tibi 
hdbitare  in  illo  cœnaculo  eoque  uti.  Nicofljate  regarda 
ggtte  lettrç  comme  l'affurancc  d'unlogemçntpcn- 


PENSION. 

dant  fa  vie  dans  la  maifon  de  fon  difciple.  Aqui- 
lius Regulus  n'auroit  pas  trompé  fes  efpérances , 
mais  il  mourut  ;  8c  l'héritier  entreprit  de  contefter 
le  logement ,  fous  prétexte  que  c'étoit  une  dona- 
tion qui  n'étoit  point  revêtue  des  formalités  requi- 
fes.  Papinien ,  confultè  ,  répond  que  Nicoflrate 
doit  conferver  ce  logement,  parce  que  ce  n'efl 
point  une  donation  pure  &  fimple  que  Regulus  a 
entendu  faire  à  Nicoflrate  ;  mais  les  bons  ofHces 
d'un  maître  qu'il  a  prétendu  récompenfer  :  Dixipojfe 
dcffendi  non  meram  donationem  veriim  oficiurn  ma- 
gijhl  quadam  mercedc  r.-muneratum  Regulum ,  idco  que 
non  videri  donationem  fequentis  tcmpoiis  irritam  ejfc. 
Ce  (ont  les  propres  termes  du/urifconfuke,  infcrits 
dans  le  digefle  ,  au  titre  de  donationibus ,  lib.  39  ,  tit. 

5  >  leg-  27. 

La  Glefe  dit ,  fur  cette  loi ,  que  ces  fortes  de 
récompenfes  font  le  payement  &  l'acquit  d'uae 
dette.  Ideo  dicitur  dcbiii  Jolutio. 

Par  fentence  rendue  au  préfidial  dachâteletde 
Paris,  le  30  janvier  1784,  plaidants  M"  Thorel 
pour  le  fieur  de  Launay  ,  &  M''  Hardoin  de  la 
Reynerie  pour  le  fieur  Cavelier  ,  le  fieur  de  Launay 
a  été  condamné  a  continuer,  au  ficur  Cavelier,  le 
payement  de  la  Penfion  viagère  de  300  livres  ,  & 
aux  dépens.  (  Article  de  M.  Boucher  d'Argis, 
confeiller  au  châtelet  ,  &  membre  de  l'académie  de 
Rouen,  &c. 

PÉPINIÈRE.  Plant  de  petits  arbres; 

Suivant  l'article  516  delà  coutume  de  Norman* 
die,  «les  Pépinières,  chefnotières  ,  haiflrières , 
»  oulmières ,  &  autres  jeunes  arbres  provenus  de 
j>  plant  ou  de  femence  ,  &  tenus  en  réfervoir  pour 
»  être  tranfportés,  fuivent  le  fonds.  Néanmoins 
»  les  vcufves  ufufrultières,  &  autres  héritiers,  pren- 
»  nent  part  aux  Pépinières  comme  aux  meubles, 
»  advenant  la  diflblution  du  mariage  en  l'année 
»  qu'elles  doivent  être  levées  ». 

Et,  fuivant  l'article  517,  les  fermiers  qui  ont 
planté  ces  Pépinières  ou  jeunes  arbres ,  peuvent 
les  enlever  après  leur  bail  expiré,  en  en  laifTant 
la  moitié  au  propriétaire  :  mais  il  faut  pour  cela 
qu'elles  aient  été  faites  du  confentement  du  pro- 
priétaire ou  fix  ans  avant  la  fin  du  bail  ;  autre- 
ment le  fermier  ne  pourroit  répéter  que  fes  frais 
de  culture. 

Pour  afTurer  le  fuccès  &  augmenter  rutlllté  des 
Pépinières  établies  dans  quelques  généralités  du 
royaume,  le  feu  roi  rendit,  le  ^  février  1767, 
en  fon  confeil  d'état ,  un  arrêt  qui  contient  les  dif- 
pofitions  fuivantes  : 

»  Article  i.  Il  fera  établi  à  la  Rochette,  près 
5>  Melun  ,  une  Pépinière  de  plants  foreflisrs  ,  d'ar- 
V  bres  fruitiers,  d'arbres  étrangers,  d'arbres  d'ali- 
»  gnemens ,  lefquels  feront  difiribués  gratuite- 
j>  ment  ;  favoir ,  les  arbres  fruitiers  princioale- 
w  ment  aux  gens  de  la  campagne  ,  &  toutes  les 
5)  autres  efpéces  d'arbres  ,  à  ce.ix  qui  fe  propo- 
n  feront  de  faire  des  plantations.  Cette  Pépinière 

iera 


PÉPINIÈRE. 

»  fera  cultivée  par  cinquante  enfans  trouvés  , 
«  choifjs  dans  le  nombre  de  ceux  de  l'hôpital  gé- 
»>  néral  de  Paris  ,  &  dont  Tinlpedeur  de  ladite 
«  Pépinière ,  ci-après  nommé  ,  fournira  fa  recon- 
»  noiiTance  pour  la  décharge  des  fieurs  adminflra- 
»  teurs  dudit  hôpital. 

"  2.  Lefdits  enfans  trouvés  feront  inftruits  dans 
»  la  culture  de  toutes  les  efpèces  de  plans  ,  ik  fe- 
»  ront  tirés  de  ladite  Pépinière  pour  cultiver  en- 
»  fuite  les  autres  Pépinières  que  fa  majefté  fe 
»  propofe  d'établir  dans  différentes  provinces  du 
M  royaume. 

»  3.  Pour  parvenir  à  former  lefdites  Pépinières, 
»  l'infpedeur  dreffera  des  mémoires  qui  feront  re- 
»  mis  aux  commi/Taires  départis  pour  l'exécution 
»  des  ordres  de  fa  majefté  dans  lefdites  générali- 
»  tés  ,  pour  donner  leur  avis  ,  &  éire  en  fuite  lef- 
>»  dits  mémoires  envoyés  au  fieur  contrôleur  gé- 
»»  nérai  des  finances  ,  poNr  être  par  fa  majeflé  fta- 
w  tué  ce  qu'il  appartiendra. 

>»  4.  Il  fera  établi  dans  les  Pépinières  qui  vont 
w  être  formées  en  exécution  du  préfent  arrêt,  un 
"  maure  pépinier  qui  fera  prcfenté  par  l'ii.fpec- 
»  teur  ,  &  agréé  ,  s'il  y  a  lieu  ,  par  le  commiflaire 
»  départi  pour  l'exécution  des  ordres  de  fa  majefté 
»  dans  chaque  généralité  ,  &  il  fera  fourni  audit 
}y  pépinier,  par  ledit  infpeéleur,  quatre  enfans- 
«  trouvés  ,  de  l'âge  de  douze  à  quinze  ans  ,  pour 
J>  être  lefdirs  enfans  nourris  &  entretenus  par  le- 
«  dit  pépinier ,  conformément  aux  règlemcns  du- 
»  dit  hôpital  général  ,  &  être  par  lui  employés 
"  aux  travaux  de  fa  Pépinière,  jufqua  ce  qu'ils 
»  aient  atteint  l'âge  de  vingt-cinq  ans. 

'»  5.  Ceux  qui  feront  nommés  par  la  fuite  maî- 
»  très  pépiniers  ,  feront  choifis  de  préférence  par- 
»  mi  les  élèves  de  la  Pépinière  établie  à  la  Ro- 
»  chette  ;  à  l'eftet  de  quoi  l'infpe£leur  formera  cha- 
»  que  année  un  état  des  fujets  qu'il  jugera  pro- 
"  près  audit  emploi ,  lequel  état  fera  remis  au  fleur 
»  contrôleur  général  des  finances,  pour  être  par 
»  lui  pourvu  aux  demandes  que  pourront  en  faire 
j»  les  commiflaires  départis  pour  l'exécution  des 
»  ordres  de' fa  majefté. 

M  6.  S'il  y  a  lieu  de  changer  ou  de  remplacer 
M  lefdits  pépiniers  ,  il  y  fera  pourvu  par  le  ficur 
»  contrôleur  général  des  finances  ,  fur  l'avis  des 
n  commiftaires  départis  ;  &  lefdits  maîtres  pcpi- 
»  niers  ne  pourront  renvoyer  les  enfans  qui  tra- 
»  vailleront  dans  leurs  Pépinières  ,  qu'après  en 
«  avoir  préalablement  averti  lefdits  commiftaires 
j>  départis  ,  &  fur  leurs  ordonnances  ,  que  lefdits 
»  pépiniers  feront  tenus  de  faire  pafter  à  l'inf- 
M  peélion  ,  qui  les  remplacera  auflî-tôt  par  de  nou- 
j»  veaux  fujets. 

»  7.  Lefdirs  enfans  employés  aux  Pépinières , 
n  ne  feront  libres  d'en  fortir  qu'à  l'âge  de  vingt- 
»  cinq  ans  ,  auquel  temps  &  fur  le  compte  qui 
V  fera  rendu  nu  fieur  contrôleur  général  des  fi- 
»  nances  par  lefdits  commiftaires  départis ,  de 
»  leur  capacité  &  bonne  conduite,  ou  ils  feront 
Tome  XUI, 


PÉPINIÈRE. 


97 


»  placés  en  qualité  de  pépiniers,  ou  s'il  y  a  lieu, 
H  il  leur  fera  accordé  une  gratification  de  trois 
»  cens  livres  fur  le  fonds  que  fa  majefté  deftinera 
»  à  cet  eftet. 

»  8.  Le  fonds  de  chaque  Pépinière  fera  diftribué 
»  par  l'infpeileur ,  de  façon  qu'elle  puifte  fournir 
)i  annuellement  dix  à  douze  mille  pieds  d'arbres  , 
»  &  cent  cinquante  milliers  de  plans  foreftiers  , 
)>  pour  la  culture  &  entretien  de  laquelle  il  fera 
»  donné  des  gages  au  pépinier,  qui  fera  tenu  de 
»  nourrir  &:  entretenir  à  fes  frais  les  quatre  en- 
»  fans-trouvés  attachés  à  la  Pépinière. 

»  9.  Les  gages  du  pépinier  feront  fixés  à  douze 
>'  cens  livres ,  &  réduits  à  huit  cens  livres  lorf- 
»  qu'il  commencera  à  livrer  des  plans  de  la  Pé- 
»  pinière  ;  &  alors  il  lui  fera  payé,  par  les  per- 
»  l'onnes  à  qui  il  fera  accordé  des  arbres  ou  plans, 
»  un  fou  pour  arracher  chaque  pied  d'arbre ,  & 
"  vingt-quatre  fous  pour  arracher  chaque  millier 
»  de  plans  foreftiers. 

»  10.  Aucun  pépinier  ne  pourra  délivrer  d'ar- 
»  bres  ni  de  plans  que  fur  les  ordonnances  des 
»  commilTaires  départis,  lefquels  fa  majefté  charge 
»  fpécialement  de  veiller  ,  à  ce  que  par  chaque 
»  pépinier  il  foit  fait  un  fonds  de  mille  arbres  frui- 
»  tiers  par  an,  pour  être  lefdits  arbres  fruitiers  dé- 
»  livrés  gratuitement,  &.  par  préférence,  aux  gens 
»  de  la  campagne. 

»  1 1.  Chaque  pépinier  enverra  tous  les  ans  ,  au 
»  mois  d'aoijt ,  à  Tinfpe^leur  ,  un  état  de  toutes 
j»  les  fournitures  qu'il  pourra  faire  ,  de  leurs  qua- 
»  lité  &  quantité  ;  &  fera  tenu  de  remettre  un  pa- 
»>  reil  état  au  commiftaire  départi ,  qui  l'enverra 
»  avec  fon  avis  au  fieur  contrôleur  général  des  fi- 
n  nances  ,  pour  être  chaque  fourniture  fixée  S«:  ar- 
'»  rêtée,  6i  ledit  état  renvoyé  cnfuite  au  commif- 
»  faite  départi,  pour  qu'il  délivre  des  ordonnances 
»  en  conféquence. 

»  12.  Chaque  pépinier  pourra  cultiver  pour  fon 
»»  compte  jufqu'à  la  concurrence  de  trente  perches 
«  de  Pépinière  d'arbres  fruitiers  ou  étrangers  ,  qu'il 
»  pourra  vendre  à  fon  profit,  toutefois  après  la 
»  fourniture  arrêtée  du  fonds  de  mille  pieds  d'ar- 
)i  bres  porté  par  l'article  10  ci-deftîis  ;  il  lui  fera 
»  libre  auflî  de  cultiver  deux  arpens  de  terre ,  à  la 
»  mefure  de  20  pieds  pour  perche ,  &  cent  perches 
»  pour  arpent,  pour  enfemenccr  en  blé  ou  légu- 
j>  mes  pour  fa  nourriture  ,  à  la  charge  d'en  payer 
»)  le  loyer  à  fes  frais  ;  mais  aucun  pépinier  ne 
»  pourra  faire  valoir  d'autres  fonds  ,  îoit  en  pro- 
I)  priété  ,  foit  à  ferme  ,  loyer  ou  autrement. 

»  13.  N'entend  fa  majefté  comprendre  dans  les 
I»  difpofitions  du  préfent  arrêt ,  les  Pépinières  de 
»  miiriers  blancs ,  fur  lefquelles  il  fera  particu- 
»  lièrcment  ftatué  parla  fuite,  ni  les  Pépinières 
»  royales  de  la  généralité  de  Paris  &  autres  ,  qui 
»  continueront  d'être  adminiftrées  ainfi  que  par  le 
»  pafte  n. 

PÈRE.  C'eft  celui  qui  a  un  ou  plufieurs  enfans. 

Les  Pères  6i  les  mères  doivent  des  alimens  à 

"     N 


c)8  PÉREMPTION, 

leurs  enfans,  foit  naturels,  foit  légitimes,  du  moins  1 
jufqu'à  ce  qu'ils  foient  en  état  de  gagner  leut  vie. 

Les  enfans  doivent  aufli  des  alimens  à  leur  Père 
&  à  leur  mère  ,  au  cas  que  ceux-ci  tombent  dans 
l'indigence. 

Chez  les  Romains ,  le  pouvoir  des  Pères  fur  leurs 
enfans  étoit  extrêmement  étendu  ;  ils  dévoient  tuer 
ceux  qui  leur  naiflbient  avec  des  difformités  confi- 
dérables  ;  ils  avoient  aufli  droit  de  vie  &  de  mort 
fur  ceux  mêmes  qui  étoient  bien  conftitués  ,  &  ils 
pouvoient  les  vendre  ;  ils  pouvoient  aufll  les  expo- 
fer  &.  leur  faire  fouffrir  toutes  fortes  de  fupplices. 

Les  Gaulois  &  plufieurs  autres  nations  prati- 
qnoient  la  même  chofc  ;  mais  ce  pouvoir  trop  ri- 
goureux fut  reftreint  par  la  fuite  ,  &  préfente- 
ment  les  Pères  n'ont  plus  fur  leurs  enfans  qu'un 
droit  de  correction  modérée. 

Les  enfans  doivent  porter  honneur  &  refpe<fl  à 
leur  Père  &  à  leur  mère. 

Les  Pères  font  obligés  de  doter  leurs  enfans  ,  & 
fmgulièrement  leurs  filles  ;  mais  cette  obligation 
naturelle  ne  produit  point  d'adlion  civile. 

Le  Père  &  le  fils  font  cenfés  une  même  perfonne  , 
foit  par  rapport  à  leur  fuffrage  ou  témoignage  , 
foit  en  matière  de  donations. 

La  fucceflîon  des  meubles  &  acquêts  des  enfans 
décèdes  fans  poftérité  ,  appartient  au  Père  &  à  la 
mère,  comme  plus  proclies  parens, 

L'article  251  de  la  coutume  d'Anjou  eft  ainfi 
conçu  :  «  Si  femme  noble  fe  fait  dépuceler  hors 
»  mariage  ,  avant  l'âge  de  vingt-quatre  ans  ,  & 
»>  en  foit  atteinte ,  elle  pourra  être  privée  par  le 
»  Père  &  mère,  aïeul  ou  aïeule,  de  leurs  fuc- 
>»  ceffions  ». 

L'article  269  de  la  coutume  du  Maine  ne  diffère 
du  précédent ,  qu'en  ce  que  l'âge  de  vingt-quatre 
ans  fpécifié  par  celui-là,  eft  fixé  à  vingt  ans  par 
celui-ci.  Foyei  Enfans  ,  Puissance  paternelle  , 
Mariage  ,  Dot  ,  &c.' 

PÉREMPTION.  C'eft  une  efpèce  de  prefcrip- 
tion  qui  annulle  les  procédures  des  affaires  civiles , 
quand  il  y  a  eu  difcontinuation  de  pourfuite  pen- 
dant trois  ans. 

La  Péremption  tire  fon  origine  de  la  loi  prope- 
r^ndum,  au  code  de  judiciis,  fuivant  laquelle  tous 
les  procès  criminels  dévoient  être  terminés  dans 
deux  ans ,  &  les  procès  civils  dans  trois  ans  ,  à 
compter  de  la  conteftation  en  caufe. 

Cette  loi  a  toujours  été  fuivic  en  France  ,  com- 
me le  prouve  l'ancien  flyle  du  parlement  de  Paris, 
mais  avec  cette  différence,  qu'anciennement  la 
Péremption  avoit  lieu  par  une  difcontinuation  de 
procédure  pendant  un  an  ,  à  moins  qu'on]  n'eût 
obtenu  des  lettres  de  relief  contre  le  laps  d'une 
année. 

Dans  la  fuite  ,1a  Péremption  ne  fut  acquife  qu'au 
bout  de  trois  ans. 

Suivant  l'article  lao  de  l'ordonnance  de  1^39, 
il  ne  devoir  point  être  expédié  de  lettres  de  relève- 
ment de  la  Péremption  d'injlance» 


PÉREMPTION. 

Et  l'article  15  de  l'ordonnance  de  Charles  IX  ,' 
de  l'an  1563  ,  porte  ,  que  rinjlance  intentée  ,  encore 
quelle  foit  contejlée  ,  fi  par  le  laps  de  trois  ans  elle  ejî 
difconiinuée ,  n'aura  aucun  ejfet  de  perpétuer  ou  proro- 
ger radian  ;  mais  aura  la  prefcription  fon  cours,  com- 
me fi  ladite  injlance  n  avoit  été  formée  ni  introduite  , 
if  fans  quon  puiffe  prétendre  ladite  prefcription  avoir 
été  interrompue. 

L'article  91  de  l'ordonnance  de  1629,  a  ordon- 
né que  la  loi  que  nous  venons  de  rapporter  feroit 
exécutée  dans  tout  le  royaume.  Mais  comme  l  or- 
donnance de  Charles  IX  n'a  point  été  enrcgiftrée 
au  parlement  de  Grenoble ,  la  Péremption  d'inf- 
tance  par  le  laps  de  trois  ans  n'y  a  pas  lieu.  C'cft 
ce  qu'atteflent  Baffet  &  Expilly. 

La  Péremption  d'inftance  n'a  pareillement  pas 
lieu  en  Franche -Comté,  fi  ce  n'eft  après  trente 
ans ,  félon  le  témoignage  de  Dunod  dans  fon  traits 
des  prefcriptions, 

La  Péremption  de  trois  ans  n'a  pas  lieu  non  plus 
en  Artois,  comme  le  prouve  un  afie  de  notoriété 
du  confeil  provincial  d'Artois  du  24  novembre 
1691.  Cet  ufage  de  l'Artois  a  été  confirmé  par  un 
arrêt  de  la  grand'chambre  du  parlement  de  Paris, 
du  5  janvier  1734  :  mais  il  y  a  dans  cette  pro- 
vince l'interruption  annale,  qui  équivaut  à  la  Pé- 
remption. Ainfi  lorfqu'on  a  laiffé  écouler  un  an  fans 
faire  de  procédures  dans  une  affaire  commencée 
par  commiffion ,  ou  par  exploit ,  &  qui  n'eft  pas 
appointée  ,  on  regarde  la  procédure  comme  non 
avenue. 

Aux  parlemens  de  Bretagne  &  de  Normandie  , 
on  n'admet  la  Péremption  que  qnand  «lie  emporte 
la  prefcription  entière  de  l'aftion.  C'eft  ce  qu'attef- 
tent  Menelet  dans  fon  trahé  des  Péremptions ,  §•  6, 
&  Hevin  fur  Frain  ,  dans  l'annotation  fur  le  cha- 
pitre 83  ,  nomb.  20. 

Dans  une  differtation  faite  pa>  M.  Nudpied  fur 
les  Péremptions ,  &  inférée  au  tome  5  du  journal 
des  audiences,  on  lit  qu'en  Bretagne  la  Péremp- 
tion d'un  appel  ne  s'admet  que  quand  l'aftion  eft 
prefcrite  ;  cela  eff  néanmoins  contraire  à  l'ordon' 
nance  de  1667  ,  qui  fait  paffer  en  force  de  chofe 
jugée  la  fentence  dont  l'appel  eft  périiné. 

Au  parlement  de  Bordeaux,  un  fimple  exploit 
non  fuivi  de  procédure,  tombe  en  Péremption  par 
le  laps  d'un  an.  C'eft  ce  qu'a  remarqué  Boucheul 
!  fur  l'article  372  de  la  coutume  de  Poitou. 

Au  parlement  de  Touloufe,  les  arrêts  interlo- 
cutoires étant  regardés  coinme  des  afles  d'inftruc- 
tion  ,  en  exécution  defquels  il  dépend  des  parties 
•  d'agir,  ils  font  fuiets  à  la  Péremption  :  mais  fi 
l'arrêt  contient  quelque  chef  qui  foit  jugé  défini- 
tivement,  ce  chef  proroge  pendant  trente  ans  le 
'  temps  de  l'interlocution.  Cet  ufage  eft  fondé  ,  fe- 
'  Ion  Graverol  ,  fur  ce  que  l'arrêt  interlocutoire  qui 
juge  définitivement  quelque  chef,  eft  un  aâe  in» 
divifible  à  l'égard  de  la  prefcription. 

Albert  rapporte  un  arrêt  du  9  février  1645  , 
i  par  lequel  cette  cour  a  jugé  qu'un  arrêt  qui  or- 


PÉREMPTION. 

donnoît  le  fequcftre,  étoit  un  ade  d'inftru£lîoff,' 
&  que  par  conféquent,  il  étoit  fujet  à  la  Pé- 
remption. 

Suivant  la  jurifprudence  du  même  parlement  , 
une  inftance  n'eft  pas  fujette  à  la  Péremption  de 
trois  ans  ,  mais  feulement  à  la  prefciiption  de 
trente  ans ,  lorfque  la  caufe  a  été  mife  au  rôle , 
ou  que  le  procès  eft  remis  entre  les  mains  du 
rapporteur. 

Obfervcz  toutefois  qu'il  en  feroit  différemment 
fi  rinftance  étoit  pendante  aux  requêtes  du  palais  ; 
la  Péremption  y  a  lieu  quand  même  le  procès  eft 
entre  les  mains  du  rapporteur. 

Il  eft  auiïi  d'ufage  dans  la  même  cour ,  que  le 
décès  d'une  des  parties  ou  d'un  des  procureurs  , 
avant  que  la  Péremption  foit  acquife,  fuffit  pour 
interrompre  cette  forte  de  prefcription. 

Par  arrêt  du  6  mai  1730  ,  il  a  été  jugé  au  même 
parlement ,  que  la  Péremption  pouvoit  être  oppo- 
sée par  la  partie  même  dont  le  procureur  avoir  le 
procès  en  communication  ,  attendu  qu'on  ne  l'a- 
voir pas  mis  en  demeure  de  le  rendre. 

Il  eft  encore  d'ufage  dans  ce  parlement,  que 
les  clameurs,  les  lettres  de  rigueur,  les  commit- 
timus  &  les  commandemens  de  payer  ,  tombent 
en  Péremption  par  le  bps  d'un  an  ,  quoique  les 
faifies  &  les  ailignations  fubfiftent  pendant  trois  ans. 

Dans  le  même  parlement,  les  faifies  d'hérita- 
ges ,  quoique  fuivics  d'établifTement  de  féqueftres , 
font  affujetties  à  la  Péremption  de  trois  ans  ;  mais  , 
au  parlement  de  Paris,  le  feul  établiffement  de 
commiflaire  empêche  la  Péremption. 

Tous  ces  ufages  du  parlement  de  Touloufe  font 
atteftés  par  Vedel,  Catclan  &  Graverol. 

On  trouve  dans  le  recueil  des  édits  &  déclara- 
tions concernant  l'ordre  judiciaire  de  ce  parlement, 
im  arrêt  de  règlement  fur  les  Péremptions ,  pour 
faire  ce/Ter  les  différens  ufages  qui  s'obfervoient 
dans  certaines  chambres  de  cette  cour.  Ce  règle- 
ment porte,  quune  infiance  arréiéf ,  conclue  &  dif- 
tribuée  ,  6*  dont  la  fommation  à  produire  aura  été 
faite ,  ne  tombera  pas  en  Péremption  par  la  cejja- 
tion  des  pourfuites  pendant  trois  ans  ,  6*  que  les  cau- 
fes  mifes  au  rôle  ne  feront  pas  fujettes  à  Péremption 
pendant  le  temps  quelles  y  feront  ;  mais  que,  quand 
elles  en  feront  tirées  ou  qu'elles  feront  appointées, 
elles  fuivront  le  fort  des  autres  procès  conclus. 

Par  arrêt  du  28  mars  1692,  le  parlement  de 
Paris  fît  fur  les  Péremptions  d'inftance  un  régle- 
roent,  portant ,  1°.  a  que  les  inftances  intentées  , 
j>  bien  qu'elles  ne  foient  conteftées,  ni  les  affi- 
"  gnations  fuivies  de  conftitution  &  de  prjfenta- 
•>■>  tion  de  procureur  par  aucune  des  parties,  fe- 
»  ronr  déclarées  péries  ,  en  cas  qu'on  ait  ceffè 
»  &  difcontinué  les  procédures  pendant  trois  ans  , 
■»>  &  n'auront  aucun  effet  de  perpétuer  ni  de  pro- 
»   roger  1  aélion  ,  ni  d'interrompre  la  prefcription. 

»  2°.  Que  les  appellations  tomberont  en  Pé- 
»  remption  ,  &  emporteront  de  plein  droit  la  con- 
»  firaiation  des  fentences ,  fi  ce  n'eft  qu'en  la  cour 


PÉREMPTION.  99 

«  les  appellations  foient  conclues  ou  appointées 
»  au  confeil. 

"  3°-  Q"^  ^^*  faifies  réelles  &  les  inftances  de 
»  criées  ,  héritages  &  autres  immeubles  ,  ne  tom- 
»  beront  en  Péremption  ,  lorfqu'il  y  aura  établif- 
»  fement  de  commiflaire  &  baux  faits  en  confé- 
3J  quence. 

5)  4°.  Que  la  Péremption  n'aura  lieu  dans  les 
»  affaires  qui  y  font  fujettes  ,  fi  la  partie  qui  a 
j)  acquis  la  Péremption  reprend  l'infiance,  fi  elle 
j>  forme  quelque  demande  ,  fournit  des  défenfes  , 
j>  ou  fi  elle  fait  quelqu'autre  procédure  ,  ou  s'il 
»  intervient  quelque  appointement  ou  arrêt  in- 
»  terlocutoire  ou  définitif,  pourvu  que  Icfdites 
M  procédures  foient  connues  de  la  partie  &  faites 
)>  par  fon  ordre  >». 

La  difpofition  de  ce  règlement,  fuivant  laquelle 
les  appellations  tombent  en  Péremption  &  empor- 
tent de  plein  droit  la  confirmation  de  la  fentence, 
n'efl  point  obfervée  au  parlement  de  Bordeaux  ,  où 
l'on  eft  reçu  à  appeler  de  nouveau  pendant  trente 
ans  ,  en  refondant  les  dépens. 

On  juge  pareillement  à  Touloufe  que  la  Péremp- 
tion d  appel  n'emporte  point  la  confirmation  de  la 
fentence.  On  y  eft  admis  à  appeler  de  nouveau  , 
pourvu  qu'on  foit  encore  dans  les  dix  ans. 

Les  parlemens  de  Paris  &  de  Bretagne  tiennent 
pour  maxime  ,  comme  celui  de  Touloufe  ,  q\ie  le 
décès  d'une  des  parties,  ou  de  fon  procureur,  em- 
pêclie  le  cours  de  la  péremption. 

L'article  4  du  règlement  du  parlement  de  Paris, 
fuivant  lequel  la  Péremption  eft  couverte  lorfqu'il 
intervient  quelque  appointement  ou  arrêt  interlo- 
cutoire ,  eft  oppofé  à  la  jurifprudence  qu'obferve  le 
parlement  de  Rouen  ;  cette  cour  juge  que  tout  in- 
terlocutoire, même  par  arrêt ,  efl  fujet  à  Péremp- 
tion. C'eft  ce  qu'attefte  Bafnage  fur  l'article  547 
de  la  coutume  de  Normandie. 

On  a  vu  précédemment  que  le  parlement  de 
Touloufe  jugeoit  à  cet  égard  comme  celui  de  Rouen. 

Par  arrêt  du  19  mars  1742  ,  le  parlement  de  Pa- 
ris a  jugé  que  quand  l'appelant  n'a  pas  relevé  l'ap- 
pel, &  que  l'intimé  l'a  anticipé  ,  cet  appel  ne  laifte 
pas  de  périr  par  une  difcontinuation  de  procédure 
pendant  trois  ans,  quoiqu'il  n'y  ait  eu  aucune  pré- 
fentation  fur  l'aflîgnation,  de  la  part  d'aucune  des 
parties.  Cette  jurifprudence  eft  fondée  fur  ce  que 
l'intimé  qui  relève  l'appel ,  ne  le  fait  que  par  une 
efpèce  de  fubrogation  ,  6c  que  c'eft  par  conféquent 
à  l'appelant  à  veiller  à  ce  que  fon  appd  ne  tombe 
pas  en  Péremption. 

La  même  cour  avoir  jugé  précédemment ,  par 
arrêt  du  2  avril  1727,  que  la  Péremption  d'une 
procédure  s'étendoit  non  feulement  à  l'oppofition 
formée  dans  la  huitaine,  à  une  fentence  obtenue 
par  défaut ,  mais  encore  à  cette  fentence  ,  qui  de- 
voit  être  regardée  comme  non  avenue. 

La  Péremption  a  lieu  contre  les  mineurs ,  fauf 
leur  recours  contre  leurs  tuteurs  ou  curateurs  , 
mais  elle  ne  s'acquiert  point  dans  les  caufes  &  pro- 

Nij 


/    --i^iHECA     V 


nsiS 


100  PÉREMPTION. 

ces  qui  concernent  le  domaine  du  roi.  La  raifon  | 
qu'en  donne  Chopin  ,  efi  que  ra61;on  domaniale 
ell  perpétuelle  à  caufe  de  l'imprefcriptibité  du  do- 
maine. Ainfi  on  peut  toujours  reprendre  ces  fortes 
d'inflances  ,  en  quelques  tribunaux  qu'elles  foient 
pendantes  ,  foit  fous  le  nom  des  receveurs  ou  ad- 
miniftrateurs  du  domaine  qui  les  ont  intentées  ,  foit 
fous  le  nom  de  leurs  fucceffeurs  ,  par  un  fimple 
&Rc  de  reprife. 

C  eft  en  conformité  de  cette  règle  ,  que  ,  par 
arrêt  du  29  août  1754»  le  confeil  a  réformé  une 
ordonnance  de  l'intendant  de  Languedoc,  par  la- 
quelle il  avoir  jugé  la  Péremption  acquife  pour 
les  droits  d'un  teftaraent ,  faute  par  le  fermier 
d'avoir  fiiivi  l'exécution  d'une  contrainte  fignifîée 
en  1730,  &  a  jugé,  en  conféquence,que  ces  droits 
tioient  di)S. 

La  Péremption  ne  s'acquiert  pas  non  plus  dans 
les  caufes  de  régale  ,  les  appellations  comme  d'a- 
bus ,  &  toutes  celles  qui  concernent  le  roi,  le  pu- 
blic, la  police  ou  l'état  des  perfonnes. 

La  Péremption  n'a  pareillement  pas  lieu  en  ma- 
tière criminelle,  même  lorfqu'il  ne  s'agit  que  d'in- 
jiues,  &  de  tout  ce  qu'on  nomme  petit  criminel. 
Le  parlement  de  Paris  l'a  ainfi  jugé  par  arrêt  du  4 
iii.ii  1750,  dans  une  affaire  où  il  ne  s'agiflbit  que 
d'injures  verbales.  Mais  il  en  feroit  différemment , 
i\  l'affaire  avoit  été  civil ifée  ;  elle  feroit  alors  fu- 
jttte  à  la  Péremption.  Tel  eft  l'avis  de  Louet  &  de 
Rouffeau  de  Lacombe. 

Le  parlement  de  Bordeaux  &  celui  de  Provence, 
jugent  que  la  Péremption  n'a  pas  lieu  contre  l'é- 
glife.  C'efl  ce  qu'atteOent  la  Peirère  &  Boniface. 
Duperrier  penfe  que  la  Péremption  ne  court  con- 
tre les  hôpitaux  ,  que  dans  le  cas  oiii  ils  peuvent 
avoir  leur  recours  contre  les  admini/lrateurs. 

Au  parlement  de  Paris ,  on  penfe  que  la  Péremp- 
tion peut  s'acquérir  contre  l'églife,  quand  il  n'efl 
queftion  que  des  fruits  qui  concernent  l'intérêt 
d'un  bénéf.cier;  'mais  qu'elle  ne  peut  avoir  lieu  lorf- 
qu'il s'agit  de  la  perte  d'un  fonds.  Brodeau  fur 
Louet  raj>porte  deux  arrêts  de  cette  cour  des  13 
avril  1518,  Si.  23  décembre  1630,  qui  l'ont  ainfi 
jugé  au  profit  de  l'hôtel  dieu  de  Paris,  &  des  mar- 
guilliers  d'une  églile  paroiflîale  de  la  même  ville. 

La  Péremption  ne  s'acquiert  pas  de  plein  droit  ; 
il  faut  la  demander  (i)  ;  &  avant  cette  demande  , 

(1)  fttmuh  de  demande  en  Pc'remptien. 

l  'an  ,  kÇ/îli  requête  du  fieur  Gafpard  Crctal ,  bourgeois 
J;  Pacis  ,  je...  huiHicr...  fouiTîgué,  cenifie  avoir  donné  afli- 
gnacion  au  ficur  Antoine  Lellrar ,  &c.  à  comparoir  à...  (  ûu 
tribunal  cù  Fwfîanet  pf'rie  (toit  ptnddute  ,  )  pourvoir  dire 
ou'atttniu  la  ccfTairoa  des  procédures  depuis  plus  de  troJs 
années  ,  fur  laderrande  i  fii>  de  payement  de  la  fomme  de 
ïoo livres  formée  par  leJit  (iear  Lellrat ,  contre  Jedit  fleur 
Xretal,  par  exploit  du...  ladite  demande  eiifemble  l'inflance 
introduira  pa.-icelle  ,  feiontdéclarces  à:  demeureront  pcries  ; 
en  cciiféquence  ,  q'ie  ledrt  fieur  Lcltrat  fera  condamné  aux 
dépen.s_ae  hdite  iïillance;  &' pour  en  outre  répondre  &:  pro- 
céJer,  ccro.ne  de  laifon  ,  àfia  àç  dépens  lui  la  préfencc  de- 
mande ,  &C. 


PÉREMPTION. 

la  moindre  procédure  couvre  la  Péremption  St 
fait  fubfiffer  l'inftance.  C'ert  ce  qui  réfulte  de  di- 
vers arrêts  du  parlement  de  Paris  ,  &  particulière- 
ment de  celui  que  cette  cour  a  rendu  le  la  aoijt 
1737,  entre  les  fieurs  de  Barbançon  &  Chardon 
de  Chaume  Blanche. 

Au  parlement  de  Lorraine,  on  fuit,  en  matière 
de  Péremption  d'inHance,  les  règles  établies  par 
le  titre  1 1  de  l'ordonnance  du  duc  Léopold  de 
Lorraine,  du  mois  de  novembre  1707;  voici  ce 
qu'il  porte  : 

Article  i.  La  Péremption  d'inflance  aura  lieu 
"  dorénavant  dans  tous  les  tribunaux  de  nos  états , 
»  &  en  conféquence  l'inftance  qui  fera  difconti- 
"  nuée  par  défaut  de  pourfuite  ,  pendant  l'efpace 
»  de  trois  ans  continus  ,  demeurera  périmée  & 
»  éteinte,  fans  que  les  procédures  puiffent  fervir 
»»  pour  interrompre  la  prefcription  ,  les  afles  pro- 
»  batoires  néanmoins  demeurant  dans  leur  force 
»  £c  vertu ,  pour  la  preuve  qui  en  pourroit  réful- 
»  ter ,  telle  que  de  droit. 

»  2.  La  Péremption  d'inftance  fera  interrompue 
»  par  la  mort  de  l'une  des  parties  ,  foit  principa- 
»  les  ,  foit  intervenantes ,  ou  par  celle  de  l'un  de 
»  leurs  procureurs. 

»  3.  Si  Tune  des  parties  révoque  fon  procureur, 
»  la  révocation  ne  fera  valable  ,  &  pourra  la  pro- 
»  cédurc  être  continuée  contre  le  procureur  revo- 
»  que ,  s'il  n'y  a  conftitution  de  nouveau  procureur 
»  par  le  même  afte. 

î>  4.  Les  inflances  ou  procès  qui  feront  en  état  de 
»  juger  dans  nos  compagnies  fouveraines ,  ne  fe- 
»  ront  fujettes  à  la  Péremption  ,  non  plus  que  les 
»  caufes  qui  feront  mifes  au  rôle. 

»  5.  La  Péremption  d'inflance  n'aura  lieu  contre 
»  les  mineurs  ni  contre  les  abfens  ,  pour  caufe 
»  publique  ;  &  elle  ceffera  de  courir  contre  une 
»  fille  majeure  qui  fe  fera  mariée,  ou  une  veuve 
»  remariée ,  s'il  y  a  reprife  d'iuftance  avec  leurs 
»  maris. 

»  6.  L'inftance  étant  périmée,  il  en  pourra  être 
»  commencé  une  nouvelle  ,  fi  l'aflion  n'eft  point 
i>  prefcrite;  mais  l'appel  étant  périmé  ,  un  fécond 
w  appel  ne  pourra  être  reçu. 

M  7.  Les  procédures  criminelles  feront  fujettes 
j»  à  Péremption  ,  fmon  à  l'égard  de  nos  proca- 


Ju^m'W  qui  admit  la  péremption. 

Nous  déclaions  la  demande  formée  par  la  partie  d'"A...  afin 
de  payeaienc  de  la  fomme  de...  ôc  TinAance  introduite  par 
icelJe  ,  péries;  en  conféquence  la  condamnoos  aux  dépens 
lant  de  ladite  inlUnce,  que  de  ceux  faits  fur  la  demande  eo 
Péremption 

Jugement  qui  rejeue  la  Péremjition.  ^ 

Ncu5  ,  fans  nous  arrêter  ni  avoir  égard  à  la  demande  en  Pe- 
reraptickn  de  la  partie  de  B...  dont  Pavons  déboutée ,  difons... 
(  on  décide  enfuit e  fur  l'objtT  deiinfl.mce  ''o-^t  on  dentundeittu 
Féremprion  i  flmn  ,  on  met  )  .■  que  les  parties  procédcroni  fur 
ladite  inftancc  ,  fur  la  demiers  erremens  ;  conJamncas  b 
partie  de  B...  aux  dépens  delà  demande  e»  Pétenvpiionj  au 
principal ,  dépens  léfsrvés. 


PÉREMPTION. 

»  reurs  ,  ou  ceux  des  feigueurs  ,  pour  l'intdrét 
»  public. 

»  8.  Les  exploits  de  faifie  &.  commandement 
j»  de  payer ,  ainfi  que  la  faifie  réelie  ,  feront  a<51es 
T>  valablement  interruptifs  de  prefcription  ,  à  1  é- 
«  gard  du  débiteur ,  pourvu  qu'ils  lui  aient  tté 
M  iignifiés  ,  quand  même  l'inftance  ou  les  criées 
»  qui  s'en  fcroient  enfuivies  feroient  demeurées 
j)  périmées. 

»  9.  Es  adions  annales ,  l'inflance  intentée  ne 
»  pourra  durer  au  delà  de  TatSion  ,  û  elle  n'ert 
*>  conteftée  :  mais  fi  elle  eft  conteftée,  elle  durera 
I)  refpace  de  trois  ans ,  ainfi  que  les  antres  inf- 
»  tances. 

j>  10.  L'inftance  fera  cenfée  conteiîée  par  le  prc- 
»  mier  règlement  ou  appointement  qui  iera  rendu 
»>  entre  les  parties. 

M  II.  La  Péremption  d'inftance  pourra  être  op- 
«  pofée  par  voie  d'aélion  ou  par  exception  >i. 

Suivant  une  déclaration  du  ao  janvier  1699  ,  les 
infîances  formées  contre  les  fermiers  du  roi ,  (ont 
fujettes  à  la  Péremption  comme  les  autres. 

Par  arrêt  du  ^  nip.rs  1725  >  le  parlement  de  Pa- 
ris a  jugé  que  la  Péremption  n'avoit  pu  s'acquérir 
dans  une  affaire  fur  laquelle  les  parties  convenoien* 
avoir  compromis  verbalement. 

La  même  cour  a  jugé  ,  par  un  autre  arrêt  du 
15  mars  1737,  que  de  fimples  lettes  miffives 
avoient  fvffi  pour  interrompre  le  cours  de  la  Pé- 
remption. 

Divers  auteurs  ont  établi ,  que  quand  une  caufe 
eft  évoquée  anx  requêtes  du  palais  ou  dans  une 
autre  jiiridi6îion ,  le  cours  de  la  Péremption  ne  com- 
mence que  quand  il  eu  intervenu  un  jugement  de 
ïétention  ,  attendu  qu'auparavant  la  juridiélion  n'e/1 
pas  réglée.  En  effet  ,  on  peut  contefler  l'évocation  , 
&  alors  le  iuge  eff  incertain  ;  d'oii  il  fuit  que  ,  n'y 
ayant  ni  juge  ni  inftance ,  il  ne  peut  pas  y  avoir  lieu 
à  la  Péremption 

Cet  avis  a  prévalu  au  grand  confeil  dans  l'efpèce 
fnivante  que  rapporte  ainfi  l'auteur  de  la  colleélion 
de  j  irifprudence. 

»  Dom  Dupuis ,  prieur  de  Suffet ,  ayant ,  par 
>»  exploit  du  4  novembre  174T  ,  évoqué  au  grand 
»  confe  1  une  conteflation  pendante  dans  un  autre 
»  tr;bunal ,  entre  lui  &  le  fieur  Boirot ,  ne  fit  point 
M  de  pourliites  pendant  plus  de  fix  ans  ;  en  confé- 
»  qucnce  ,  le  ficur  Boirot  dem.anda  ,  le  21  juin 
»  17^-4  ,  que  .  conformément  à  l'article  15  de  l'or- 
»  donnance  de  Rouflillon ,  la  demande  de  dom 
»  Dupuis  fût  déclarée  périe. 

»  Dom  Dupuis  foiitinr  que  la  Péremption  ne 
«  pouvoit  pas  avoir  lieu  ,  au  moyen  de  ce  que  la 
»  caufe  n'avoit  pas  été  retenue.  Il  cita  Brillon  ,  Du- 
»  plefiTis  ,  &c.  Enfin,  pnr  arrêt  du  24  mai  175',, 
»  fans  s'arrêter  à  la  requête  en  Péremption,  le 
V  grand  confeil  a  retenu  la  caufe,  &c.  ». 

La  Péremprion  n'a  pas  lieu  dans  les  inftances 
pendantes  au  confeil  du  roi,  ni  mcme  pour  les 
procès  portés  cfevam  Us  intendans  d;  province. 


PÉREMPTION.  loi 

Ceft  ce  qu'obferve  Menelet  dans  foa  traité  des 
Péremptions. 

Voye^  rôrdonnance  de  1^39  ;  celle  Je  RonJfillon 
&  celle  de  1629  ;  les  traités  des  prejcnptions  par  Du- 
nod ,  &  celui  des  Péremptions  par  Menelei  ;  Hevin  fur 
Frain  ;  les  notes  fur  Dupleffis,  traité  des  prefcriptions  ; 
les  arrêts  de  Papon  ;  les  quejlions  alp/iabéiiques  de  Bre- 
tonnier  ;  le  journal  des  audiences  &  celui  du  palais  ; 
les  arrêts  de  Bajfet ,  d'Expilly  ,  de  Catelan  6"  de  Bo- 
ni face  ;  Brodeau  fur  Louei  ;  Chopin  fur  la  coutume  de 
Paris  ,  &  Bouchiul  fur  celle  de  Poitou  ;  la  jurifpru- 
dence  civile  de  Lacombe  ;  le  praticien  français ,  &€. 
Voyez  auiTi  les  articles  Action  ,  Prescription  , 
Retrait,  &c. 

Addition  à  Vanicle  Péremption. 

La  Péremption  n'a  pas  lieu  au  grand  confeil  de 
Malines  ;  dès  qu'une  inftance  efi  commencée  en 
cette  cour,  elle  s'y  perpétue,  &  ne  périt  par  aucun 
laps  de  temps  :  M.  Dulaury  en  rapporte  un  arrêt 
du  3  décembre  1622  ,  qui  adjuge  à  un  plaideur  les 
intérêts  de  fa  demande  depuis  la  requête  introduc- 
tive  ,  quoique  le  procès  eût  demeuré  fans  pour- 
fuite  pendant  plus  de  cinquante  ans.  Ce  magirtrac 
ajoute  :  «  La  pratique  eff  notoire  au  grand  confeil , 
»  que  la  Péremption  d'inflance  n'a  pas  lieu  ;  & 
11  ainfi  j'ai  vu  réfumer  des  caufes  qui  avoient  été 
•n  impourfuivies  plus  de  quatre-vingts  ans;  j'ai  vu 
T>  auiîi  une  enquête  turbière,  en  laquelle  tous  nos 
1»  avocats  &  praticiens  avoient  dépofé  que  la  Pé- 
))  remption  dinfiance  eft  inconnue  au  même  grand 
■>■>  confeil ,  &  qu'elle  n'y  a  jam;iis  été  admife  ,  quel- 
»  que  efpace  de  temps  que  la  pourfuite  de  la  caufe 
Il  ait  été  interrompue  ».  Deghewiet ,  en  fes  inrtitu-' 
tions  au  droit  bclgique  ,  parle  auffi  de  cette  enquête 
par  turbes  ,  &.  la  daté  du  23  Janvier  1699. 

Le  parlement  de  Flandres  ayant  été  fiibrogé  au 
grand  confeil  de  Malines  pour  les  Pays-Bas  fian- 
çois  ,  ne  pouvoit  manquer  d'adopter,  fur  la  matière 
des  Péremptions  ,  les  mêmes  principes  que  ce  tri- 
bunal :  il  ne  les  a  pourtant  pas  portés  auffi  loin 
car  il  admet,  non  pas  une  Péremption  proprement 
dite  ,  mais  une  prefcriprion  d  inihnce  ,  qui  s'en- 
court par  le  laps  du  temps  qu'exige  la  coutume 
pour  prefcrire  l'objet  litigieux  :  <t  de  forte  ,  dit  De- 
11  ghewiet,  que  fi  une  caufe  entre  particuliers  y 
»  avoit  ceffé  d'être  pourfuivie  pendant  trente  ans 
rt  l'aéïion  feroit  éteinte,  à  titre,  non  de  Péremp- 
»  tion  ,  mais  de  prefcriptïon  ;  il  en  a  été  ainfi 
«  décidé  au  rapport  de  M.  de  la  Verdure  ,  par  arrêt 
))  du  24  juillet  1702  ,  entre  le  fieur  d'Ogimont  & 
)>  le  fieur  de  Jumelles  ».  Par  la  même  raifon  ,  fi  im 
procès  concernant  une  communauté  eccléfiaftique 
eff  demeuré  quarante  ans  fans  pourfuites,  il  efi  re- 
gardé comme  prefcrit,  parce  ^uc  le  droit  commun 
fixe  à  ce  terme  la  prefcription  contre  l'églife.  «  II 
»  en  a  été  ainfi  décidé ,  dit  De^hewiet  ,  le  7  dé- 
T)  cembre  1691  ,  au  rapport  de  M.  Cordduan  ,  en- 
»  tre  le  chapitre  de  Saint- Omer  S^  Us  fcafciians 


I02  PÉREMPTION. 

»  de   Bambeqiie,  châcellenie  de  Berghes  -  Saint- 
»  Winock  ;». 

Le  principe  qui  fait  réfultcr  la  prefcription  d'inf- 
tance  du  laps  du  temps  requis  par  la  coutume  pour 
prefcrire  la  chofe  litigieufe  ,  eft  fi  conftant  au  par- 
lement de  Flandres,  qu'il  a  même  étéfuivi,dit  De- 
ghewiet ,  «  contre  une  majeure  de  coutume  ,  quoi- 
»  que  mineure  de  droit ,  parce  qu'ayant ,  comme 
3>  majeure  de  coutume  ,  été  habile  à  faire  des  pour- 
5j  fuites  en  juftice  ,  la  prefcription  d'inftance  avoit 
M  été  par  elle  encourue.  L'arrêt  eft  du  24  janvier 
»  172,4,  au  rapport  de  M.  Vifart  de  Ponanges , 
»  entre  François  Hoflbn  &  le  fieur  d'Aouit  de 
»  Francières  ». 

La  pratique  des  tribunaux  de  la  province  du  Hai- 
naut,  diffère  entièrement,  fur  la  matière  des  Pé- 
remptions ,  de  l'ufage  obfervé  au  parlement  de 
Douai.  Voici  ce  que  porte  l'article  2  du  chapitre 
107  des  Chartres  générales  de  cette  province  : 
5»  Dorénavant,  en  notredit  pays.  Péremption  aura 
M  lieu,  fi  comme  pour  matière  criminelle,  parle 
»  terme  de  deux  ans;  &  pour  la  civile  ,  de  quatre 
"  ans  ,  tant  pour  les  matières  entamées  qu'à  enta- 
"  mer  après  la  publication  des  ordonnances  pré- 
V  fentes». 

On  a  demandé  fi  cette  difpofition  pouvoit  avoir 
lieu  pour  les  caufes  portées  au  parlement  de  Flan- 
dres par  appel  des  juges  de  Hainaut.  «  Et  comme 
w  il  s'agiflbit,  dit  M.  Pollet ,  d'établir  une  règle  , 
»  il  a  été  délibéré  ,  les  chambres  affemblées,  &  il 
37  a  parte  à  l'avis  de  fuivre  le  ftyle  de  la  cour,  par 
M  la  raifon  qu'en  ce  qui  concerne  l'inftrudtion  ,  en 
M  doit  fuivre  le  ftyle  du  lieu  où  Ton  plaide.  L'ar- 
î)  rêt  a  été  rendu ,  au  rapport  de  M.  Bruneau  ,  le 
»  27  mai  1693  "• 

Quelques  praticiens  ont  été  plus  loin  ,  &  ont 
foutenu  que  la  Péremption  d'inftance  ne  devoit 
avoir  lieu  dans  aucun  des  tribunaux  de  la  partie 
françoife  du  Hainaut.  Ils  fe  fondoient  fur  une  dé- 
claration du  17  novembre  1714,  qui  ordonne, 
article  3  ,  que  l'inftruéiion  des  procès  civils  ,  dans 
tous  les  bailliages  ,  prévôtés  Se  fièges  de  cette  pro- 
vince, fe  réglera  à  l'avenir  fur  le  ftyle  du  parlement 
de  Flandres. 

Mais  ce  fiyle  ne  contient  rien  de  relatif  à  la 
Péremption  ;  ce  n'efc  point  d'après  ce  règlement 
Qu'elle  a  été  rejetée  au  parlement  de  Flandres,  mais 
fur  le  fondement  de  certains  principes  que  cette 
cour  a  trouvé  à  propos  d'adopter,  fans  jamais  les 
ériger  en  loi.  Le  ftyle  dont  il  s'agit  n'abroge  donc 
pas  l'article  21  du  chapitre  107  des  chartres  géné- 
nérales,  &,  par  une  confèquence  néceflaire  ,  cet 
article  doit  encore  fubfifter  dans  toute  fa  force  : 
cela  réfulte  de  la  maxime  qui  défend  d'étendre  les 
abrogations  au-delà  de  leurs  termes  précis  ,  8c  plus 
pncore  de  les  fuppléer  dans  les  cas  où  il  n'en  eft 
pa.5  queftion.  IJ)'5illcuis  ,  l'article  3  de  la  déclara- 
tion de  1714  eft  tombé  dans  une  efpèce  de  défué- 
tude  ,  ou  du  moins  il  eft  plus  ordinaire  de  voir  allé- 
guer dans  les  fiégss  de  Hainaut ,  les  textes  des  char^ 


PÉREMPTION. 

très  générales  qui  concernent  l'ordre  de  la  procé- 
dure ,  que  le  ftyle  du  parlement  de  Flandres. 

Auftî  a-t-il  été  jugé  par  plufie»rs  arrêts  de  cette 
cour  que  la  Péremption  d'inftance  a  encore  lieu 
dans  les  juridictions  du  Hainaut.  M.  Delatre  de 
Portionville  ,  chevalier  du  Saint-Empire  ,  &  colo- 
nel au  fervice  d'Efpagne ,  avoit ,  par  aéle  du  6 
juillet  174 1,  vendu  au  fieur  Prcfcau  ,  procureur 
du  roi  à  la  prévôté  de  JVlaubeuge  ,  la  terre  de 
Manège  fituée  dans  le  territoire  de  cefiége,avec 
la  claufe  de  réméré  pour  l'efpace  de  deux  ans. 
Le  4  juillet  1742,  c'eft-à-dire  ,  avant  que  le  terme 
convenu  ne  fût  expiré  ,  le  vendeur  donna  requête 
ri  la  prévôté  de  Maubeuge  ,  pour  faire  condamner 
le  fieur  Prefeau  à  lui  recéder  le  bien.  Le  (leur 
Prefeau  défendit  à  cette  demande,  &  la  caufe  de- 
meura fans  pourfuites  jufqu'au  19  Juillet  1752.  En 
ce  moment ,  le  feigneur  de  Walhain  ,  frère  &  hé- 
ritier du  vendeur,  reprit  Tinflance  par  un  placer  de 
fournijfement.  Le  fieur  Prefeau  oppofa  la  Péremp- 
tion ,  &  obtint  fur  ce  fondement  une  fentence ,  qui 
déclara  le  feigneur  de  Walhain  non  recevable  en 
fa  reprife.  Celui-ci  en  interjeta  appel  au  parlement  ; 
mais  par  un  arrêt  rendu  en  1759,  ^"  rapport  de 
M.  Gouillart  de  laFeuillie,  la  cour  mit  l'appella- 
tion au  néant. 

La  queftion  s'eft  repréfentée  poftérieurement  dans 
les  circonftances  les  plus  favorables  en  apParence  à 
la  Péremprion.  Les  nommés  Defcamps  de  ^olefme  « 
étoient  demandeurs  en  reprife  d'inftance  contre  la 
veuve  Riche.  Celle-ci  leur  oppofoit  la  Péremption  ; 
ils  répondoient  :  1".  que  la  Péremption  ne  s'en- 
court pas  de  plein  droit,  &  que  tant  qu'elle  n'a  pas 
été  décrétée  par  le  juge  ,  elle  peut  être  couverte 
par  les  pourfuites  de  la  partie  qui  a  intérêt  de  l'écar- 
ter ;  2".  qu'il  étoit  intervenu  dans  la  caufe  dont  il 
s'agiflbit ,  une  fentence  interlocutoire ,  qui  devoit , 
fuivant  l'opinion  des  auteurs  françois ,  empêcher 
la  Péremption  ;  3°.  que  l'une  des  parties  étoit  décé- 
dée avant  que  le  temps  requis  pour  donner  lieu  à 
la  Péremptioo  ,  ne  fîit  écoulé  ;  circonftancc,  qui, 
d'après  la  maxime  des  tribunaux  de  l'intérieur  du 
royaume  ,  devoit  encore  écarter  toute  idée  de  Pé- 
remption. Mais  CCS  raifons  n'ont  produit  aucun 
effet  :  par  arrêt  du  23  décembre  1774,  rendu  au 
rapport  de  M.  V/arenghien  de  Flory ,  la  cour  a  dé- 
claré l'inftance  périmée,  &  par-là  elle  a  confirmé 
le  fentiment  des  meilleurs  praticiens  du  Hainaut , 
qui  tiennent  que  la  Péremption  s'acquiert  de  plein 
droit  dans  cette  province  ,  nonobftant  un  interlocu- 
toire S>c  la  mort  d'une  des  parties  ou  de  fon  pro- 
cureur. 

Voyez  les  articles  Interruption  d'instance  , 
Comparution  ,  Douai  ,  Hainaut  ,  &c.  (  Arti- 
cle de  M.  Merlin  ,  avocat  au  parlement  de  flan- 
drei  &  fecrétaire  du  roi  ). 

PERINDE  VALERE.  On  appelle  ainfi  un  yc(- 
crit  du  pape  ,  dont  l'effet  eft  de  valider  une  provi- 
fion  qui  auroit  pu  être  attaquée  pour  quelque  dé- 
faut qu'elle  renfermoit, 


PERMUTATION. 

Cette  forte  de  refait  ne  s'obtient  que  quand  les 
provifions  ont  été  expédiées  par  bulles  ;  car  quand 
elles  ont  été  expédiées  par  fimple  fignature ,  on 
les  ratifie  par  une  autre  fignature  ,  appelée  cui  prias, 
à  laquelle  on  met  la  même  date  qu'à  b  première.  Il 
en  eft  autrement  des  provifions  qui  coiatiennent  la 
claufe  Perindè  vaUn ;  elles  n'ont  d'effet  que  du  jour 
de  la  date  :  c'eft  pourquoi,  fi  entre  les  premières 
provifions  &  les  nouvelles  ,  quelqu'un  en  avoit  ob- 
tenu de  régulières,  elles  prévaudroient. 

Obfervez  avec  Rebuffe  ,  fur  le  refcrit  Perindè  va- 
1ère ,  t°.  que  le  pape  ne  peut  jamais  fuppléer  les 
défauts  naturels,  faire,  par  exemple,  qu'un  fou 
foit  réputé  fage. 

a°.  Que  dans  la  nouvelle  fupplique  on  doit  ex- 
primer généralement  tous  les  défauts  qui  ont  rendu 
la  première  grâce  invalide. 

PERMUTATION.  Échange.  Il  fe  dit  particuliè- 
rement en  parlant  de  l'échange  d'un  bénéfice  con- 
tre un  autre. 

Avant  le  douzième  fiècle  ,  les  Permutations  n'é- 
toient  proprement  que  des  tranflations  des  bénéfi- 
ces d'une  églife  à  une  autre  ,  félon  que  l'utilité  de 
ces  églifes  ,  exaâenient  reconnue  par  l'évèque , 
pouvoir  l'exiger.  On  étoit  alors  bien  éloigné  de 
penfer  que  deux  bénéficiers  puiTent  s'entendre  en- 
tr'eux  ,  de  manière  que  l'évèque  fût  obligé  de  con- 
fcntir  à  ce  que  l'un  psfiat  dans  l'cgUfe  de  l'autre  , 
fans  prendre  aucune  connnoifiance  de  ce  change- 
ment, comme  la  chofe  efl:  arrivée  dans  la  fuite. 

On  prétend  que  le  concile  da  Tours,  tenu  l'an 
1163,  où  préfidoit  le  pape  Alexandre  III ,  eft  le 
premier  qui  ait  autorifé  les  Permutations  ordinai- 
res,  en  défendant  la  divifion  des  prébendes  &  la 
Permutation  des  dignités.  Aujourd'hi  les  collateurs 
font  obligés  de  conférer  les  bénéfices  permutés  , 
aux  co-permutans. 

La  démifiîon  contient  toujours  qu'elle  eft  faite 
pour  caufe  de  Permutation  ,  avec  la  claufe  non  aliàs , 
non  aliter ,  alio  modo. 

Ceux  qui  peuvent  admettre  les  Permutations, 
font  le  pape  ,  le  légat ,  le  vice-lcgat ,  dsns  l'étendue 
de  fa  légation,  &  le  collateur  ordinaire. 

Quand  le  bénéfice  ne  dépend  point  de  l'évèque, 
on  s'adrefiie  ordinairement  au  pape  (  i  ). 


(  i)  Formule  de  Permutation  en  cour  de  Rome  crée  rijvve  de 
ptnfion. 

Pardevant  lis  notaires  ,   &:c. 

Furent  prcfens  A...  Clerc  du  diocèfe  de  Paris  ,  7  demeurant 
rue...  paroilTe  S...  au  nom  &  comme  procureur  de  B...  proto- 
notaire du  faint  ficge  apoftolique  ,  licentié  es  droits,  &  prieur 
commendataite  da  prieuré  de...  ordre  de...  diocèfe  de...  fondé 
de  fa  precuration,  portant  pouvoir  de  fubftitucr  aux  fins  ci- 
après  ,  paffée  devant...  notaires  apoftoliques  ,  du  diocèfe  de... 
réfidans  à'.,  préfens  témoins  ,  le...  dont  l'original  duement 
contrôlé  &  Icgalifé  ,  &  de  la  réfignation  dudicA...  eii  de- 
meuré ci-joint ,  après  avoir  été  de  lui  certifié  véritable  & 
paraphé  en  préfence  des  notaires  foullîgnés  ,  d'une  part  ;  &: 
D...  prêtre,  curé  de  l'églifeparoilliale  de...  diocèfe  de...  derncu- 
rant  ordinairement  en  fa  maifon  curia.'c  dudit-..  étant  de  pré- 
fent  à  Paris ,  logé. .  d'auue  part;  lefqueJs  ont  fait ,  conaitué 


PERMUTATION.  loj 

Quoique  le  collateur  auquel  on  s'adrefie  ne 
puifife  pas  conférer  le  bénéfice  à  un  autre  ,  il  peut 
cependant  examiner  s'il  n'y  a  point  de  fraude  ni 
de  paélion  fimoniaque ,  ou  autre  vice  qui  doive; 
empêcher  l'effet  de  la  Permutation. 

Si  le  collateur  ordinaire  refufoit  des  provifions  fur 
la  Permutation  ,  on  pourroit  s'adrciTer  au  fupérieur 
eccléfiaftique,  pour  en  obtenir  de  lui.  Le  parlement 
de  Paris  l'a  ainfi  jugé  par  arrêt  du  27  juin  1631  , 
contre  le  chapitre  de  Saint- Pierre  de  Soiftons,  fur 
les  conclufions  de  M.  l'avocat-général  Talon. 

Lorfque  les  bénéfices  qu'on  veut  permuter  dé-; 
pendent  de  différens  collateurs  ,  chacun  d'eux  conr 
(ère  ,  fur  la  démifiîon  pour  caufe  de  Permutation  , 
le  bénéfice  dont  il  a  droit  de  difpofer  ;  ou  l'un 
des  collateurs  donne  à  l'autre  le  pouvoir  de  donnée 
les  provifions  des  deu;c  bénéfices. 

L'auteur  des  obfervations  inférées  dans  le  dixiè- 
me volume  des  nouveaux  mérnoires  du  clergé ,  a 
prétendu  que  les  évèques  ayant  eu  feuls  autrefois 
le  droit  d'admettre  les.  Permutations  dans  lewrs 
diocèfes  ,  ce  droit  avoit  éié  étendu  aux  autres  col- 
lateurs ,  fans  en  dépouiller  les  évèques;  d'où  il 
fiiit  qu'on  pourroit,  fuivant  cet  a,uteur,  s'adrefter 
pour  les  Permutations  à  l'évêquic  ou  au  coilateuc 
ordinaire  :  mais  cette  opinion  n'eft  pas  reçue  :  on 
penfe  au  contraire  que  ce  n'eft  point  à  l'évèque  à 
donner^  les  provifions  d'un  bénéfice  qui  n'eft  pas 
h  fa  difpofition  ,  lorfqu'il  s'agit  d'un  genre  de  va- 
cance fur  lequel  le  collateur  ordinaire  eft  autorifé 
à  difpenfer  de  la  rigueur  des  canons. 

Quand  la  régale  eft  ouverte  ,  il  n'y  a  que  le  roi 
qui  puiffe  admettre  la  Permutation   des  bénéfices; 

_■———"———-  -.      .._ — r- 7 — — , 

&:  fubllitué  pour  leurs  procureurs  };cncrju>;  &/pcciaux  M.  S; 
N...  auxquels  &  à  chacun  d'eux  ils  ont  donne  pouvoir  de  , 
pour&  aux  nomsdetdics  lîeursB.  .  &  D...  rélîgner,  céder  & 
remettre  entre  les  mains  de  notre  faint  père  le  pape,  mon- 
feigneur  fon  vice  chancelier  ,  ou  antics  ayatît  à  ce  pou- 
voir ;  favoir  de  la  part  dudi:  fieur  B...  fondit  prieuré  de...  Se 
la  commende  d'icelui,  avec  fes  droits  ,  appartenances  Se  dé- 
pend.inces,  en  faveur  dudit  fieur  D..,  ;  &  de  la  part  d'iceluî 
fieur  D... ,  fadite  cure  ou  églife  paroiiTiale  de...  auffi  avec  fes 
droits,  appartenances  &  dépendances,  en  faveur  dudit  fieuc 
B.r.  &  ccpour  caufe  de  vraie  &:  canonique  Permutation  entra 
eux  de  bénéfice  pai/îble  à  bénéfice  auffi  pailible,  ni  chargé» 
l'un  &  l'autre  d'aucune  penfion  ,  fi  ce  n'eli  celle  de  trois  cents 
livres  ,  dont  ledit  A...  audit  nom  fait  rcfetve  audit  fieur  B  .. 
peur  lui  être  payée  fa  vie  durant  par  ledit  fieur  D...  &  ['s. 
fucceiïèurs  audit  prieuré,  par  chacun  an  ,  en  deux  termes  5c 
payement  égaux  d;  fix  en  fix  mois  ,  dont  le  premier  éche-ra  & 
fe  payera  iix  mois  après  que  ledit  fieur  D...  fera  pourvu  dudic 
prieuré,  &  enfuite  continuer  jufqu'au  décès  duiit  fieur  B.  . 
du  jour  duquel  ladite  rente  fera  &  demeurera  éteinte  &  amor- 
tie ,  &  ledit  fieur  D...  ou  fes  fuccefTeurs  audit  ptieué  dé- 
chargés du  payement  de  ladite  penfion  ,  laquelle  néanmoins 
!era  payable  tant  qu'elle  aura  cours  ,  audit  fieur  B...  en  fa 
demeure  ,  ou  au  porteur ,  franchement  &  quittement  de  tou- 
tes  charges  ordinaires  &:  extraordinaires ,  imposes  ou  à  impo- 
(er,  par  quelque  autorité  &  fous  quel.-ue  prétexte  que  ce  'ou  - 
confeiitir  refpeclivement  à  l'exp.-ditiôn  de  toutes  lettres  fur 
ce  n-jceflaires  ,  même  jurer  &  aSrmer  qu'en  ce  que  delTus  il' 
n'eit  intervenus:  intervienira  aucun  dol ,  fraude,  fimonic 
niautrepaaiondlicite,  &  généralement  pro.netum ,  obli- 
géant,  f au &pafle,  &c. 


t©4  PERMUTATION. 

non  cures  ;  &  il  peut  en  tout  temps  admettre  la 
Permutation  des  bénéfices  qui  font  de  collation 
royale.  Cette  règle  s'applique  auflî  aux  autres  col- 
lateurs  laïques. 

Quoiqu'on  ne  foit  pas  obligé  pour  les  Permu- 
tations d'obtenir  ni  même  de  demander  le  confen- 
tement  du  patron  ecffléfiaftique  ,  il  en  eft  différem- 
ment du  patron  laïque  ;•  le  ccnfentement  de  celui- 
ci  eft  néceflaire  avant  la  prife  de  polTelTion  ,  fous 
peine  de  nullité  de  tout  ce  qui  pourroit  être  fait 
au  préjudice  de  ce  patron.  C'eft  ce  qui  réfulte 
d'une  déclaration  de  Louis  XIV  du  mois  de  fé- 
vrier 1678  (  i). 

II  y  a  des  Permutations  qui  font  illicites ,  notam- 
ment celle  qu'on  appelle  triangulaire.  Elle  a  lieu 
quand  un  titulaire  réfigne  fon  bénéfice  à  un  autre 
eccléfiafiique  ,  à  condition  que  celui-ci  réfignera  à 
lin  tiers  le  bénéfice  dont  il  efi  pourvu  ;  aucune 
tlifpcnfe  ne  peut  autorifer  une  telle  convention. 

Boniface  rapporte  un  arrct  du  dernier  juin  1666, 
par  lequel  le  parlement  de  Provence  a  condamné 
une  permutation  de  cette  efpèce. 

Il  n'cft  pas  permis  de  ftipuler  que  l'un  des  co- 
permutans  fera  chargé  de  faire  faire  les  réparations 
des  bâtimens  dépendans  du  bénéfice  ,  quoique  ces 
réparations  foient  du  temps  du  co-permutant  ;  il  y 
auroit  fimonie  dans  cette  claufe. 

Il  en  feroit  de  même  de  celle  qui  obligeroit  le 
co-permurant  à  entretenir  les  baux  faits  par  fon 
prédécefieur. 

Mais,  fuivant  l'ufage  commun,  le  co-permutant 
peut  faire  dreffer  un  procès-verbal  de  l'état  des 
lieux  dépendans  du  bénéfice  qu'on  lui  a  rèfigné,  & 
obliger  fon  réfignant  de  faire  les  réparations  qui 
feront  efiimées  nécefiaires. 

Obfervcz  néanmoins  que  notre  jurifprudence 
permet  de  flipuler  que  l'un  Se  l'autre  co-permutans 
feront  chargés,  chacun  de  fon  côté,  de  faire  faire 
les  réparations  des  bâtimens  dépendans  du  béné- 
fice dont  ils  refteront  titulaires  ;  mais  il  faut  pour 
cela  que  les  frais  qu'exigent  ces  réparations  foient 
à  peu-près  égaux  de  part  &  d'autre.  Une  telle  fti- 
pulation  ne  pourroit  pas  avoir  lieu  dans  le  cas  de 
réfignation  en  faveur. 

Rien  n'empêche  de  permuter  un  bénéfice  contre 
plufieurs  autres  ;  mais  on  regarde  comme  firao- 
niaque  la  Permutation  d'un  titre  fpirituel  contre  un 
droit  temporel.  Ainfi  on  ne  permet  pas  de  permu- 
ter un  bénéfice  avec  une  penfion  fur  un  autre  bé- 
néfice ,  ni  un  office  de  la  chapelle  du  roi ,  qui  eft 
une  charge  vénale,  avec  un  bénéfice.  On  ne  per- 
met  pareillement  pas  de   permuter  un    bénéfice 

(i)  Voulons  Se  nous  phît ,  po.-rc  cette  loi ,  que  dorénavant 
tous  les  concordais  Je  Permutation  de  bénéfices  étant  en  pa- 
iionage  laïque,  &  les  réfignations  &  aûes  partes  en  ccnfé- 
quence  ,  demeurent  nuls  &:  abulîfs ,  lî  les  patrons  laïque» 
n'ont  accordé  leur  préfentation  ,  ou  doi\né  leur  confentc- 
nient  pat  écrit  avant  la  prife  de  poffeiHon  ,  quoique  Jefdits  pa- 
tronj  en  aient  été  requis  8c  fommés  ;  lelquelles  réquilicions  &: 
fommaçions  nous  déclatons  de  nul  effsï  k  valeur. 


PERMUTATION. 

contre  un  droit  de  patronage  ,  parce  que  ce  droit 
eft  regardé  comme  U)i  bien  profane,  quoique  l'exer- 
cice en  foit  fp, rituel. 

La  Permutation  des  bénéfices  peut  avoir  lieu 
fans  diliiculré  ,  au  pr'-judice  du  droit  des  indul- 
taires  ,  des  gradués,  &  des  autres  expeflans.  C'eû 
ce  qu'a  décidé  Boniface  VIII  ,  cap.  unie,  de  rer, 
permut.  in  fexco. 

Toute  procuration  à  l'effet  de  permuter ,  doit 
être  pafféc  conformément  aux  règles  prefcrites  par 
la  déclaration  du  14  février  1737,  enregiftrée  au 
parlement  le  l'j  mars  fuivant  (1). 

Quand  une  Permutation  fe  fait  en  cour  de  Rome, 
les  procurations  pour  permuter  doivent  être  infi- 
nuées  au  greffe  du  diocéfe  dans  lequel  les  notaires 
les  ont  reçues ,  avant  d'être  envoyées  en  cette 
cour,  C'eft  ce  qui  réfulte  de  l'article  1 1  de  l'édit  du 
mois  de  décembre  1691. 

Tandis  que  le  coUateur  n'a  point  donné  de  pro- 
vifion  fur  la  Permutation  ,  chaque  co-permutant  a 
le  droit  de  révoquer  fa  procuration  pour  permu- 
ter ,  en  faifant  fignifier  ia  révocation  à  celui  qui 
doit  conférer. 

Si  la  révocation  fe  fait  en  cour  de  Rome,  &  qu'un 
permutant  veuille  révoquer  fa  procuration ,  il  doit 
faire  fignifier  fa  procuration  au  co-permutant, avant 
que  la  date  foit  retenue. 

Cette  fignification  doit  être  faite  par  un  notaire 
apofiolique  ,  à  l'exclufion  de  tout  autre  officier. 
C'eft  ce  qui  réfulte  de  l'article  premier  de  l'édit 
de  création  des  notaires  royaux  6c  apoftoliques  ,du 
mois  de  décembre  169 1. 


(i)  Formule  de  procuration  pour  permuter  un  bénéfice  contre 
un  euire. 

Pardtrvant  les  notaires  fut  préfent  A...  fous-diacre  du  dio- 
céfe de  Paris  j  y  demeurant  rue...  au  nom  &  comme  procureur 
de  B...  cure  de  l'églife  paroi/îiale  de...  diocèfe  Je...  fondé  de 
fa  procurarlon  fpéciale ,  à  Tcffet  àes  préfentes  pafTces  devant... 
&:  fon  conf.  ère  ,  notaires  à  F'aris  ,  le...  dont  le  brevet  original 
repréfenté  par  ledit  A...  cft  demeuré  ci-joint  pour  y  avoir  re- 
cours ;  (  //'  /aproc«rati»nfe  trjuvf  pajjce  devant  d'autres  notai- 
res que  de  Paris  ,  on  ajoutera  après  ces  mots  demeuré  ci-joint  ), 
après  avoir  été  dudit  fieur  A...  certifié  véritable  ,  &  paraphé 
en  préfcnce  des  notaires  fouiïipnés  , d'une  part ,  &  C...  prêtre, 
chapelain  de  la  chapelle  ou  chapellenic  de  S...  fondée  Se 
defTeivie  dans  l'églife  collégiale  de...  dioccfe  de...  demeurant 
ordinairement  audit.,  étant  de  préfent  à  Paris,  logé  rue... 
d'autre  part;  lefquels  ont  fait  ,  coni^itué  6c  fubflitué  pour 
leurs  procureurs  généraux  &  fpéciaux  D.,.  &  E  ..  auxquels  & 
à  chacun  d'eux  lefdits  A...  audit  nom  Se  C...  ont  donné  pou- 
voir de  ,  pour  &  au  nom  deîdits  B...  8c  C...  réfigner  ,  céder 
&c  remettre  entre  les  mains  de  notre  fainr  père  le  pape  ,  mon- 
feigncur  fon  vice  Chancelier,  ou  autres  ayant  à  ce  pouvoir^ 
favoir,  de  !a  part  dudit  B...  fa  cure  eu  fglife  paroiffiale  deJl, 
en  faveur  dudir  C...  &  de  II  part  d'icelui  fieur  C...  faditc  cha- 
pelle ou  chapellerie  de...  le  coût  avec  leurs  droits  ,  apparte- 
nances &  dépendances,  &  ce  pour  caufe  de  vraie  Se  canoni- 
que Permut.ition  entre  lefdiis  R...  &  C...  Se  de  bénéfice  pat- 
(iblc  à  bénéfice  aufi;  paifible,  ni  chargés  l'un  &  l'autre  d'au- 
cune penfion  ,  cenfentir  refpeaivement  à  l'expédition  de 
toutes  lettres  fur  ce  néceflaires  ,  même  jurer  &  affirmer  qu'en 
ce  que  deffus,  circonftances  &  dépeiidanccs ,  il  n'eft  inter- 
venu &:  n'injiei'riendts ,  ^'c. 

La 


PÊÎlMUTATîON. 

La  furifprudence  <iu  parlement  4e  Paris  diffrre 
de  celle  du  grand  confcil.iur  la  «fae/Uon  de  ia- 
voir  quand  les  Permutations  doivent  être  cenfées 
efit'fluées. 

Autrefois  le  grand  confeil  jugeoit  qu'une  Per- 
mutation étoit  e'fieLluée  ,  quand  chacun  des  co- 
permutans  avoir  paflfé  procuration  pour  réfigner  , 
quoique  le  coUateur  n'eût  point  admis  les  réfi- 
gnations.  L'article  21  de  l'édit  du  mois  de  novem- 
bre 1637  ,  ayant  paru  porter  atteinte  à  cet  ufage  , 
en  ce  qu'il  déclarait  nulles  Us  prov'tjïons  par  Permu- 
tation y  fi  celui  qui  voulait  s  en  fervïr  n^avoit  fait 
tout  ce  qui  était  en  fan  pouvoir  pour  que  fan  copermu- 
tant  fût  pourvu  du  bénéfice  à  lui  réfigné  ;  &  le  grand 
confeil  ayant  craint  que  ces  termes  ,  n^avoic  fait 
tout  ce  qui  étoit  en  fon  pouvoir  ^  ne  s'interprétaflent 
dans  un  fens  contraire  à  la  jurifprudence  de  fes 
arrêts  ,  il  mit  fur  cet  objet ,  dans  l'enregiftrement 
de  l'édit  ,  la  modification  fuivante  :  à  la  charge  que 
les  Permutations  feront  cet} fées  effefluées  après  que  cha- 
cun des  copcrmutans  aura  paffé  procuration  pour  réfi- 
gner refpeêlivemenr. 

Cette  modification  n'étant  pas  entièrement  con- 
forme à  l'intention  du  légiflateur,  le  roi  donna  des 
lettres-patentes  ,  le  25  août  1638,  par  lefquelles  il 
ordonna  que  les  Permutations  feroient  cenfées  eff.c- 
tuées  6»  exécutées  aux  fins  contenues  en  C article  21 
de  redit  de  i6jy ,  lorfque  l'un  des'  copermutans  au- 
rait été  pourvu  du  bénéfice  à  lui  réfigné,  &  que  de 
fa  part  il  aurait  pajfé  la  Procuration  néceffaire  pour 
la  Permutation. 

Ces  lettres  furent  enregiftrées  au  grand  confeil 
le  4  feptembre  fuivant  ;  &,  depuis  cette  époque, 
on  y  a  confliamment  jugé  que  les  Permutations 
étoient  accomplies  ,  lorfque  l'un  des  copermutans 
avoit  obtenu  les  provifions  du  bénéfice  qui  lui 
avoit  été  donné  en  échange ,  &  qu'il  avoit  pafTé 
procuration  pour  réfigner  le  fien. 

Mais  au  parlement  de  Paris  &  dans  la  plpart  des 
autres  cours  ,  ce  n'eft  pas  aflez  pour  rendre  accom- 
plie une  Permutation  ,  que  l'un  des  permutans  ait 
obtenu  des  provifions  Se  qu'il  ait  paffé  procura- 
tion pour  réfigner  le  bénéfice  qu'il  donne  en  échan- 
ge ;  il  faut  que  de  part  &  d'autre  les  collateurs 
aient  accordé  la  grâce,  &  que  chacun  des  coper- 
mutans ait  un  droit  acquis  au  bénéfice  qui  lui  a  été 
donné  en  échange.  Cette  jurifprudence  eft  fondée , 
tant  fur  l'article  14  de  la  déclaration  du  mois  d'oc- 
tobre 1646  ,  que  fur  la  déclaration  du  11  mai 
1684  (i). 


(i)  V»\c\  ces  lois  : 

Pour  retrancher  an  notable  abus  qui  s'eft  gliflè  dans  quel- 
ques provinces  de  notre  royaume,  en  ce  qu'on  tient  les  Per- 
mutations bonnes  &  valables,  bien  qu'elles  n'aient  été  effec- 
tuées ni  accomplies  pat  l'une  des  parties ,  ce  qui  efl;  contre 
h  nature  &  forme  eflcntielle  des  Pcrmutiiions  ;  nous ,  fans 
rien  dérogera  (a  règle  depublieandis ,  &:  en  cas  que  i'un  des 
permutans  meure  aptes  le  temps  de  ladite  règle ,  lans  avoir 
pris  poireflion  du  bénéfice  permuté  ,  voulons  &  ordonnons 
^ue  le  furvivant  delditspernautaas  dcreeuie  enticrcinent  privé 
T»mt  XIII.  ^ 


PERMUTATION.         105 

Autrefois,  quand  l'un  des  permutans  venoit  ^ 
décéder  latjs  avoir  pris  polîefiion  du  bénéfice  qt.« 
lui  avoit  été  conféré,  en  vertu  de  la  Permutation  , 
le  furvivant  confervoit  les  deux  bénéfices  ,  &  cet 
événement  s'appeloit  une  bonne  fortune  :  rt:a  s 
l'article  21  de  l'édit  de  novembre  1637,  a  aboli 
cet  abus. 

La  dix-huitième  règle  de  chancellerie  porte  ,  que 
quand  un  bénéficier  malade  réfignc  ou  permute  {on 
bénéfice  ,  &  qu'il  décède  de  la  «lènic  maladie  dans 
les  viugt  jours ,  à  compter  du  jour  du  confente- 
ment  qu'il  a  donné  aux  provifions  accordées  à  fon 
réfignataire  ou  copermutant ,  les  provifions  font 
nulles  &  le  bénéfice  eft  cenfé  vaquer  par  la  mort 
du  réfignant.  Cette  règle  a  été  établie  en  faveur 
des  ordinaires  ,  afin  qu'ils  ne  foîent  pas  fi  fou\  e:it 
fruftrés  du  droit  de  conférer.  Nos  ordonnances  , 
&  particulièrement  l'article  3  de  la  déclaration  du 
mois  d'oélobre  1646  ,  l'ont  mife  au  rang  des  lois 
eccléfiafliques  du  royaume;  mais  le  pape  peut  y 
déroger,  ôt  même  cette  dérogation  eft  tellement 
de  ftyle,  que  fi  elle  ne  fe  trouvoit  pas  dans  une 
fignature,  on  la  fupplécroit  de  plein  droit.  11  y  a 
néanmoins  des  collateurs  ,  tels  que  le  roi,  les  car- 
dinaux &  les  collateurs  de  Bretagne,  au  préjudice 
defquels  le  pape  ne  peut  pas  déroger  à  la  règle  des 
vingt  jours. 

Les  provifions  obtenues  fur  les  Permutations 
font  nulles ,  quand  elles  n'ont  pas  été  iiifinuées 
deux  jours  francs  avant  la  mort  de  l'un  des  per- 
mutans ,  non  compris  le  jour  de  l'infinuation  & 
celui  de  la  mort.  Cependant  fi  le  premier  décédé 
de  deux  copermutans  n'avoit  pas  fait  infinuer  fes 
provifions  deux  jours  francs  avans  fa  mort ,  &  que 
le  furvivant  eût  rempli  toutes  les  formalités  prcf- 
crites  pour  la  validité  des  Permutations ,  fes  pro- 
vifions ne  feroient  pas  nulles.  C'eft  ainfi  qu'on  juge 

du  bénéfice  par  lui  baillé,  &  du  droit  qu'il  avoit  en  icelui  , 
&c  qu'il  n'y  puiffe  rentrer  fans  nouvelles  provilions ,  foit  que 
ladite  Permutation  ait  été  faite  en  maladie  ou  autrement  ; 
que  les  Permutations  foient  effeéluées  de  part  &:  d'autre  ,  & 
les  provifions  ,  au  refus  des  ordinaires ,  expédiées  auparavant 
le  décès  de  l'un  des  permutans,  s'il  arrive.  Comme  auiTi  tou» 
réfignataires  feront  tenus  de  prendre  poflcdîon,  au  plus  tard 
dans  trois  ans  après  la  date  des  provifions  expédiées  en  cour 
de  Rome  du  vivant  du  réfignant  ;  &  après  ledit  temps  ,  elles 
demeurerbnt  de  nul  effet  &  valeur,  Aitkle  i^  de  la  déclar  •• 
tion  de  1  ^4.6. 

Voulons  qu'en  cas  que  cî-après  ,  dans  les  Permutations  des 
bénéfices  ,  l'un  des  permutans  vienne  à  décéder  après  le  temps 
pcr;é  par  la  règle  de  publicaaiis ,  fans  avoir  pris  pofleflion  du 
bénéfice 'permuté  ,  le  furvivant  defdits  permutans  demeure  en- 
tièrement privé  du  bénéfice  par  lui  baillé  ,  &c  du  droit  qu'il 
avoit  en  icelui,  &  qu'il  n'y  puilTe  rentrer  fans  nouvelles  pro- 
vifions, foit  que  ladite  Permutation  ait  été  faite  en  maladie 
ou  autrement.  Voulons  pareillement  que  les  Permutations 
foient  effeûuées  de  part  &  d'autre;  &  que  peur  cet  effet  les 
pro'vifions  furicelles  foient  expédiées,  ou  par  les  ordinaires  , 
ou  par  les  fupétieuts  fur  leur  refus ,  s'il  y  échet,  auparavant 
le  décès  de  l'un  des  permutans  ;  à  faute  de  quoi,  û  leJit  décès 
arrive  ,  lefdites  Perniatations  demeureront  nulles  d  fans  ef- 
fet. Déclaraùdn  du  u  mdi  i6i^f  edrejét  &u parlement  i^ 
B9rdtaux. 


loé  PERMUTATION. 

au  parlement  de  Paris  ,  comme  le  juftifîe  l'arrêt 
rendu  par  cette  cour  le  9  février  171 3. 

Mais  au  grand  confeil  on  fuit  à  la  rigueur  la 
difpofition  de  l'édit  du  mois  de  novembre  1637  , 
qui  veut  que  fi  les  deux  permutans  ayant  laiffé 
pafler  le  temps  de  la  règle  de  publicandis ,  fans  y 
avoir  fatisfait ,  l'un  des  deux  vient  à  décéder  avant 
d'avoir  pris  poflefîîon  ,  ou  d'avoir  fait  infinuer 
l'aéle  de  prife  de  pofleflion  deux  jours  francs  avant 
fa  mort  ;  les  deux  bénéfices  ,  tant  celui  du  permu- 
tant qui  a  fatisfait  à  toutes  les  formalités  de  la  rè- 
gle ,  que  celui  du  copermutant  qui  a  négligé  d'y 
fatisfaire ,  demeurent  vacans. 

Quand  on  n'a  pas  pu  obtenir  le  confentemcnt 
du  patron  laïque  d'un  des  bénéfices  permutés  ,  ou 
que  l'un  des  collateurs  a  refufé  de  donner  des  pro- 
vifions ,  la  Permutation  demeure  fans  effet ,  &  cha- 
cun des  titulaires  conferve  tout  le  droit  qu'il  avoit 
fur  Çon  bénéfice. 

Lorfqu'un  des  permutans  ne  peut  pofféder  le 
bénéfice  que  la  Permutation  lui  a  attribué  ,  foit 
à  caufe  du  défaut  de  confentement  du  patron 
laïque,  foit  parce  qu'un  tiers  l'évincé  de  ce  bé- 
néfice ,  ou  parce  que  le  même  bénéfice  eft  chargé 
d'une  penfion  dont  il  n'a  pas  été  fait  mention 
dans  l'ade  de  Permutation  ,  il  rentre  dans  le  bé- 
néfice qu'il  avoit  donné  en  échange,  en  vertu  d'un 
fimple  jugement,  &  fans  qu'il  foit  obligé  d'obte 
nir  de  nouvelles  provifions.  Cela  eft  fondé  fur  ce 
qu'une  Permutation  eft  toujours  conditionnelle  , 
comme  le  parlement  de  Paris  l'a  jugé  par  arrêt 
du  31  janvier  17 '4,  entre  le  curé  de  faint  Sym- 
phorien  du  Vieil-Baugé  ,  £c  le  Curé  de  Drocourt. 

M.  Fuet  dit  dans  fon  traité  des  matières  bé- 
néficiales ,  qu'il  a  vu  juger  ,  en  1720  ,  qu'une  Per- 
mutation étoit  nulle,  fur  le  fondement  que  l'un 
des  permutans  avoit  fauflement  déclaré  que  fon 
bénéfice  n'étoit  chargé  que  d'une  penfion  de 
cent  cinquante  livres ,  tandis  qu'elle  étoit  de  deux 
cens  livres. 

La  Permutation  des  bénéfices  confiftoriaux  ne 
peut  fe  faire  qu'entre  les  mains  du  roi ,  qui  donne 
des  brevets  aux  Permutans  pour  obtenir  des  bulles 
du  pape  ,  conformément  au  concordat. 

Il  faut  obferver  à  ce  fujet ,  que  quoique  celui 
"qui  a  été  pourvu  d'un  bénéfice  confifiorial ,  n'en 
foit  proprement  dépouillé  que  quand  fa  démiflion 
pour  caufe  de  Permutation  a  été  admife,  &  que 
les  bulles  en  font  expédiées  ,  on  juge  au  grand 
confeil  ,  qu'auflî-tôt  que  le  roi  a  agréé  la  Permuta- 
tion &  fait  expédier  les  brevets  de  nomination  , 
l'un  des  permutans  ne  peut  plus  révoquer  fa  pro- 
curation ,  tant  parce  qu'une  telle  révocation  feroit 
injurieufe  au  roi ,  qu'à  caufe  que  fa  majeflé ,  te- 
nant la  place  des  éledeurs,  ne  peut  pas  varier  dans 
fa  nomination. 

Remarquez  cependant  que  la  règle  fuivant  la- 
quelle le  roi  ne  peut  pas  varier  dans  fa  nomina- 
tion ,  reçoit  exception  pour  le  cas  où  un  fécond 


PERMUTATION. 

brevet  de  nomination  contient  une  révocation  ex- 
preflc  du  premier. 

Le  droit  de  contrôle  des  aâes  de  Permutation  eft 
fixé  à  cinq  livres  en  principal  par  l'article  premier 
du  tarif  du  29  feptembre  1722. 

On  n'eft  pas  fondé  à  exiger  deux  droits  de  con- 
trôle d'un  ade  de  Permutation,  fous  prétexte  qu'il 
renferme  les  démiflîons  de  deux  titulaires ,  parce 
qite  ces  deux  démiflîons  réciproques  font  nécef- 
faires  pour  former  la  Permutation  ,  &  que  le  légif- 
lateur  n'a  affujetti  cette  Permutation  qu'à  un  feul 
droit,  fixè  à  cinq  livres  ,  de  même  qu'il  n'a  affujetti 
l'échange  de  biens  temporels  qu'à  un  feul  droit  de 
contrôle,  quoiqu'il  s'y  trouve  deux  aliénations.  Il 
paroît  néanmoins  que  la  prétention  d'un  double 
droit  a  été  formée  ;  mais  elle  a  été  condamnée  par 
une  décifion  du  confeil  du  28  mars  1733  ,  qui, 
en  jugeant  qu'il  n'eft  dû  qu'un  droit  de  contrôle  / 
pour  les  Permutations,  a  ordonné  la  reftitution  de 
ce  qui  pouvoit  avoir  été  perçu  de  plus. 

Voyez  les  mémoires  du  clergé  ;  Fuet  ,  traité  des  ma- 
tières bénéficiales ;  les  lois  eccle/îaflitjues  de  France; 
Fevret ,  traité  de  l'abus  ;  Dumoulin  fur  les  règles  de 
publicand.  refignat.  é*  de  infirmis  refignant.  ;  le  re- 
cuil  de  jurifprudence  canonique  ;  Rebuffe  fur  le  concor- 
dat ;  les  arrêts  de  Boniface  ;  le  recueil  de  Bardet; 
le  journal  du  palais  &  celui  des  audiences  ;  les  œu- 
vres de  M.  Piales  ;  les  moyens  canoniques  de  Du- 
perray  ;  Brodeau  fur  Louel  ;  Gohard ,  traité  des  bé- 
ncfiees  ,  ^e.  Voyez  aufli  les  articles    Procura- 

T10^f   ,    RÉSIGNATION  ,   POSSESSION   ,    NOMINA- 
TION ROYALE  ,  Patron,  Pension  ,  Regrès  ,  &c. 

PERPRENDRE  ,  PERPRISE ,  PERPRISION. 
Ces  mots  nous  viennent  de  la  baffe  latinité ,  Per- 
prendere  ,  perprehcnjio  ,  perprenfio  ,  perprijîo  ,  perpri- 
funt ,  proprifa. 

Ces  mots  répondoient  à  ceux-ci,  acquérir,  s'em- 
parer ,  ufurper  ,  s'approprier  de  fon  autorié. 

Ils  fignifioient  plus  fpécialement ,  clorre  un  ter- 
rein  de  murs  ,  de  haies  ou  de  foffés. 

Et  c'eft  de-là  que  nous  eft  venu  le  mot  pour- 
pris  ,  que  plufieurs  coutumes  emploient  pour  dé- 
figner  un  enclos,  un  terrcin  entouré  de  murs,  de 
haies  ou  de  foffés. 

Perprendre  ,  \x(tï  àQ  perprife  ou  de perprîjîon ,  c'e/I, 
dans  la  coutume  de  Dax ,  prendre ,  de  fa  propre 
autorité  ,  des  terres  communes  ,  fans  congé  du  fei- 
gneur ,  fans  lui  payer  des  lods  Ôc  ventes ,  mais  feu- 
lement à  la  charge  de  payer  fa  quotité  de  la  quêie 
ou  rente.  Coût,  de  Dax ,  tit.  9  ,  art.  18. 

Ce  droit  àeperprife  ou  de  perprifîon  n'eft  pas  ufité 
dans  toute  la  fénéchauffée  de  Dax  ;  il  n'a  lieu  que 
dans  les  terres  que  la  coutume  appelle  terres  de 
quére.  Telles  font  la  vicomte  de  Marempnes  ,  les 
baronnies  de  Marenfin,  d'Herbe  Saveyre,  de  Lâfa- 
rie  ,  de  Majefc  ,  de  Sabres  &  de  Cap  Breton  ,  &  les 
fiefs  du  feigncur  de  Poylhoaut, 

Il  y  a  même  quelques  terres  de  <juête  dans  cette 
fénéchauffée ,  qui  ne  pratiquent  plus  1«  droit  de 


PERPRENDRE. 

perprîfe  :  ce  font  les  baronnics  de  Go£e ,  de  Sert' 
han^  &  de  Saubujfe.  Les  habitans  de  ces  trois  terres 
renoncèrent  au  droit  de  ferprife ,  lors  de  la  rédac- 
tion de  la  coiiturHe  de  Dax. 

Il  ne  faut  pas  confondre  les  terres  de  quête  de 
la  coutume  de  Dax  ,  avec  les  terres  de  quête  dont 
p.irlent  quelques  coutumes  de  main-morte. 

La  coutume  de  Dax  appelle  terres  de  quête ,  celles 
dans  lefquelles  la  rente  feigneuriale  eft  uniforme 
fci  générale ,  payée  en  commun  pour  raifon  déroute 
une  paroiflfe,  ou  de  tous  les  tenemens  &  terres 
d'une  baronnie,  &  où  chaque  habitant  contribue 
au  payement  de  la  quête  ou  rente  en  proportion  de 
h  quantité  des  terres  qu'il  a  prifes  ou  qu'il  polTède. 
Coût,  de  Dax  ,  ;/:.  9  ,  art.  i  5 . 

C'ed  dans  ces  terres ,  où  la  rente  eft  générale  , 
uniforme  Ôi  impofée  en  commun,  que  le  droit  de 
perprije  a  lieu. 

Et  ces  terres  rcffemblent  fi  peu  aux  terres  de  main- 
morte, que  la  coutume  appelle  celles  fur  lefquelles 
le  droit  de  perprife  s'exerce ,  terres  communes  & 
franches. 

Quelle  eft  l'origine  ,  quelle  eft  la  nature  de  ce 
droit  de  perprife  ?  quels  en  font  les  avantages 
&  les  inconvéniens  }  C'cft  ce  que  je  vais  exa- 
miner. 

Origine  du  droit  de  perprife. 

S'il  eft  vrai,  comme  quelques  obfervateurs  ont 
prétendu  le  prouver,  que  les  communes  forment  au 
moins  la  dixième  partie  des  terres  du  royaume  , 
il  eft  bien  étonnant  qu'on  n'ait  commencé  que 
dans  le  fcizième  fiècle  à  s'occuper  d'un  objet  auffi 
intéreftant  pour  l'état ,  6c  que  nous  n'ayions  ,  de- 
puis cette  époque  ,  qu'un  très  -  petit  nombre  de 
lois ,  toutes  très-imparfaites  fur  cette  matière. 

Même  oubli ,  même  imperfeélion  dans  ce  nom- 
bre prodigieux  de  coutumes  qui  gouvernent  la 
France  ;  la  plupart  gardent  un  {ilencc  abfolu  fur 
ïc«  tcrrc-s  communes ,  &  celles  qui  en  parlent  ne 
règlent  que  la  îoa.nJère  dont  on  doit  en  jouir  & 
les  adminiftrer  :  je  n'en  connois  qu'une ,  outre  celle 
de  Dax,  qui  ait  porté  fes  vues  plus  loin;  c'çft  la 
coutume  de  Lorraine. 

Elle  dit  que  les  communautés  ayant  bois ,  paf- 
quis  ,  terres  &  autres  chofes  communes,  ne  peu- 
vent,  1°.  les  aliéner  à  quelque  titre  que  ce  foit; 
2°.  ni  échanger  leur  nature  fans  l'aveu  &  confen- 
tenient  du  feigneur  haut-jufticier. 

Ce  n'eft  donc  ni  aux  ordonnances  de  nos  rois 
ni  aux  coutumes  que  nous  devons  ce  principe  reçu 
depuis  long-temps  en  France  ,  que  les  membres 
d  une  communauté  ne  peuvent  ni  partager  cntr'eux 
les  communes ,  ni  en  intervertir  &  changer  l'ufage  : 
c'eft  la  jurifprudence  des  cours  qui  a  confacré  ce 
principe  j  M.  le  Bret  paroît  en  avoir  donné  la  pre- 
mière idée. 

«  Jb  initia ,  difoit  ce  magiftrat ,  hac  fuit  diâd 
9  Icx  agr^  compafcHO  ^  ut  communiter  pafcerctur  ,0 


PERPRENDRE. 


107 


»  fuh  uno  ejufdem  univerfitatjs  dominïo  :  or ,  c'eft 
»  une  maxime  tirée  de  la  loi ,  qu'il  n'eft  pas  per- 
»  mis  d'intervertir  ni  de  changer  l'ufage  établi  de 
M  tout  temps ,  comme  il  eft  traité  dans  la  loi  ambi- 
V  tiofa  ff.  de  decrttis  ab  ordine  faciendis  :  &  de 
»  plus,  ces  communes  faifant  part  de  la  républi- 
M  que,  il  importe  qu'elles  foient  éternellement  en 
»  même  état  >». 

Telle  eft  le  droit  commun  du  royaume  fur  cette 
matière,  La  propriété  des  terres  communes  ap- 
partient à  la  communauté  ;  les  membres  de  la 
communauté  n'en  ont  que  l'ufage ,  &  elles  doi- 
vent reftcr  à  jamais  indivifes,  parce  qu'elles  ont 
été  deftinées ,  dès  le  commencement,  à  l'ufage 
comm.un. 

Mais  ce  principe ,  ni  les  motifs  fur  lefquels  il 
eft  fondé ,  ne  peuvent  pas  s'appliquer  aux  com- 
munes des  terres  de  quête  dans  la  fénéchaulTée  de 
Dax.  Là ,  les  feigncurs  ont  fait  la  conceftîon  des 
communes ,  non  pour  qu'elles  reftaflent  à  jamais 
en  pâturage ,  indivifes  &  confaçrées  à  l'ufage  com- 
mun ,  mais  pour  qu'elles  fuftent  employées  au  plus 
grand  avantage  de  chacun  des  membres  de  la  com- 
munauté. Là,  ab  initia  lex  nan  fuit  diêla  agro  com- 
pafcuo ,  ut  communiter  pafceretur;  on  n'y  a  envi- 
fagé  d'abord  que  la  plus  grande  utilité  de  chaqut 
habitant;  on  a  voulu  laifîer  le  champ  libre  à  l'in- 
duftric  du  cultivateur,  que  chaque  liabitant  mît 
en  valeur  tout  ce  qu'il  voudroit ,  tout  ce  qu'il 
pourroit  cultiver  ,  &  qu'il  ne  reftât  poar  l'ulagc 
commun  ,  que  ce  qui  ne  trouveroit  pas  de  cul« 
tivatcur. 

Nature  du  droit  de  perprife^ 

Ce  droit  n'a  lieu,  dans  chaque  communauté  ,' 
qu'entre  les  habitans  ,  membres  de  la  commu- 
nauté ;  les  étrangers  en  font  exclus. 

Chaque  habitant  a  la  faculté  de  prendre,  de  clore 
&  de  cultiver  à  fon  profit  telle  partie  des  terres 
communes  qu'il  juge  à  propos. 

Il  les  prend  de  fa  propre  autorité  ,  fans  le 
confentement  du  feigneur  ,  fans  être  afl"ujetti  à 
aucune  formalité,  &  même  fans  être  obligé  de 
demander  le  confentement  des  autres  habitans. 

La  barennie  de  Cap  Breton  eft  la  feule  où  le 
droit  de  Perprife  tte  peut  s'exercer  que  du  confen- 
tement du  juge  &  des  habitans* 

Ce  n'eft  que  fur  les  terres  vraiment  vacantes 
qu'on  peut  exercer  ce  droit.  La  coutume  dit  qu'on 
ne  pourra  Perprendre  terre  connue  £autre  voifin , 
c'eft-à-dire  ,  la  terre  qui  eft  connue  pour  apparte- 
nir à  un  autre  membre  de  la  communauté;  car  tel 
eft  le  fens  du  mot  voiftn  dans  la  coutume  de  Dax 
&  dans  celles  de  Bayonne  &  de  Saint-Sever. 

La  coutume  dit  aufti  qu'on  ne  pourra  ,  par  le 
droit  de  perprife  ,  empêche t  chemin  public  ni  privé  , 
ni  chemin  de  bétail. 

Celui  qui  s'empare,  par  droit  éc perprife  ,  d'une 
portion  de  terre  commune  ,  n'eft  pas  obligé  de 
payer  des  lods  6c  ventes, 

Oij 


loS  PERPRENDRE. 

il  cAr feulement  tenu,  tant  qu'il  poiTéde  la  terre 
perprife  ,  de  contribuer  au  payement  de  la  (]uct£  ou 
tente  générale ,  à  proportion  de  ce  qu'il  pofiede. 

Ce  droit  dç  perprife  n'anéantit  point  la  propriété 
de  la  communauté  fur  la  terre  perpnje ,  Si  cspen- 
dant  il  procure  à  l'habitant  qui  perprend ,  à  peu  près 
tous  les  avantages  de  la  pleine  propriété. 

Cet  habitant  emploie  la  terre  perprife  à  telle 
efpèce  de  culture  &  de  produâion  qu'il  juge  à  pro- 
pos ,  en  perçoit  les  fruits  ,  en  ufe  &  en  difpofe 
cjnime  de  fa  chofe  propre,  la  tranfmet  à  fes  héri- 
tiers »  peut  U  donner  ou  la  vendre ,  pourvu  que 
l'héritier ,  le  donataire  ou  l'acquéreur  foit  auffi 
membre  de  la  communauté. 

Mais  il  ne  peut  la  tranfmettre  ,  la  donner,  ni  la 
ve  uire  à  un  étranger. 

S'il  l'abandonne ,  ou  qu'il  meure  fans  laiflcr 
d'hîritiers  membres  de  la  communauté ,  la  terre 
perprije  rentre  dans  la  communauté  primitive  ,  re- 
devient foiunife  à  l'ufage  commun  de  tous  les  ha- 
bitans,  jufqu'à  ce  qu'elle  foit  de  nou.yi?M  perprife 
par  quclqu  autre  habitant. 

Avantagti  6»  inconvéniens  du  droit  de  perprife. 

On  convient  aflez  générale.Tient  aujourd'hui  , 
eue  les  communaux  font  inutiles  ,  nuilibles  même 
aux  progrès  de  l'agriculture.  De  là,  ces  écrits  fur 
la  neceifité  de  partager  les  communaux,  pour  les 
mettre  en  valeur  ;  de  là  ,  ces  projets  de  partage  qui 
ie  font  multipliés  depuis  quelques  années  ,  &  don: 
plufieurs  ont  été  exécutés  ;  de  là,  cette  Loi  qui  a 
permis  aux  habitans  de  la  province  des  trois  évè- 
chés  ,  de  partager  leurs  communaux  ;  de  là  ,  enfin  , 
cette  difpofitiou  du  gouvernement  à  encourager , 
à  favorifer  tous  les  projets  qui  tendront  à  mettre 
les  communaux  en  culture. 

Ce  n'eft  pas  que  le  partage  abfolu  des  commu- 
naux n'ait  aulîi  fes  inconvéniens.  Rien  de  plus  fage , 
rien  de  mieux  combiné  que  la  loi  qui  a  été  faite 
pour  les  trois  évêchés  ;  elle  a  pris  d'excellentes 
précautions  pour  empêcher  l'aliénation  des  lots  qui 
feroient  échus  à  chaque  habitant  dans  le  partage  , 
pour  exclure  à  jamais  tout  étranger  de  la  jouiflancc 
de  ces  portions  de  communaux  ,  pour  rendre  im- 
poffible  la  réunion  de  plufjeurs  deces  portions  dans 
une  feule  main  ,  pour  que  les  portions  qui  devien- 
«Iroient  vacantes  tournaffent  au  profit  de  la  com- 
munauté ,  ou  fuflent  diflribuées  à  d'autres  habitans 
qui  n'en  auroient  pas  encore  reçu. 

Mais  voici  des  vices  inféparablcs  de  tout  partage 
abfolu  &  univerfel  des  communaux  ,  auxquels  par 
conféquent  la  loi  qui  autorifoit  ce  partage  univerfel 
ne  peuvoi't  pas  remédier. 

Toutes  les  terres  communes  étant  partagées  en- 
tre les  habitans  aéluels  ,  &  chaqiie  portion  devant 
être  à  jamais  ihdivifible  dans  les  générations  futu- 
res ,  toujours  tranfmifes  à  un  feul  enfant,  il  eil 
évident  qu'il  ne  reftera  rien  à  donner  aux  étrangers, 
çut  viendront  dans  la  fuite  former  de  nouveaux 


PERPRENDRE. 
r  ménages  dans  la  feigneurie  ou  dans  la  paroifie; 
!  il  arrivera  même  très-fréquemment,  que  les  cn- 
fans  d'un  habitant,  habitans  eux  mêmes  ,  n'auront 
cependant  aucune  portion  des  terres  communes. 

De  là  ,  réfuhera  néceffairement  une  injuftice  ou 
un  obftacle  à  l'accroilTement  de  la  population  ,  & 
peut-être  l'un  &  l'autre  à-la-fois. 

Par  la  deftination  primitive  des  commiines  ,  tout 
membre  de  la  communauté  devoit  y  avoir  à  jamais 
un  droit  égal  à  celui  de  tous  les  autres  habitans. 
Par  le  partage ,  vous  enlevez  l'ufage  commun  à 
toutes  les  générations  futures  ;  vous  déterminez 
le  nombre  de  vos  portions  fur  le  nombre  des  mé- 
nages qui  exigent  lors  du  partage  ;  vous  déclarez 
donc,  ou  que  vous  ne  voulez  pas  un  ménage  au- 
delà  du  nombre  déterminé  par  celui  des  portions  , 
ou  que  vous  excluez  tout  ménage  fjmumerairc^ 
de  tout  droit ,  de  tout  efpoir  de  propriété  &.  de 
jouiflance  fur  les  terres  communes. 

Dire  qu'il  y  aura  des  portions  vacantes  ,  foit  par 
la  migration  de  quelques  habitans,  foit  parce  que 
d'autres  habitans  mourront  fans  poilérité  ,  c'eft 
d  abord  compter  fur  un'futur  contingent ,  qui  petit 
très-bien  ne  pas  arriver;  d'un  autre  côté,c'eft  limi- 
ter irrévocablement  votre  population  au  nombre 
des  ménages  qui  exiftoicnt  lors  du  partage,  c'eft 
inviter  même  vos  enfans ,  vos  habitans  furnume- 
raires  à  s'expatrier;  c'eft  dire  aux  uns  Si  aux  au- 
tres :  «  Soyez  ,  fi  vous  le  voulez,  membres  de  no- 
»  tre  communauté,  mais  vous  n'aurez  aucune  part 
»  à  nos  biens  communs  ». 

Quel  eft  donc  le  meilleur  fyftême  d'économie 
politique  concernant  les  terres  communes  ?  Je  ne 
crains  point  de  le  dire  ,  c'eft  le  droit  de  perprife.  Le 
mot  eft  barbare  ;  à  la  bonne  heure  ,  je    l'aban- 
donne ;  c'eft  la  chofe  que  j'examine:  je  ne  dis  point 
que  ce  droit  de  perprife ,  tel  qu'on  le  pratique  dans 
k  coutume  de  Dax  ,  foit  le  plus  parfait  de  tous. 
I  les  fyftèmcs  ponîbles  ;  mais  je  crois  que  c'eft  celui 
;  qui  approche  le  plus  de  la  perfeélion  ,  que  c'eft  le 
!  plus  iimple  &  le  plus  utile  de  tous  ceux  qui  ont  été 
imaginés  jufqu'à  préfent. 

Cette  communauté ,  qui  eft  établie  dans  les  terres 
de  quête  de  la  fénéchauffée  de  Dax ,  nous  retrace: 
l'image  de  la  communauté  primitive  que  la  nature 
avoir  établie  entre  tous  les  hommes. 

Les  terres  communes  n'y  font  point  condamnées 
à  une  éternelle  ftérilité  ;  elles  s'offrent  au  premier 
cultivateur  qui  voudra  les  féconder.  On  ne  con- 
facrc  à  l'ufage  commun  que  celles  qui  n'ont  pas 
trouvé  de  cultivateur  ,  ou  dont  on  a  abandonné  la 
,  culture. 

;  L'inégalité  des  fortunes  eft  un  mal  inévitable 
'.  dans  nos  inflitutioris  fociales  ,  &  ce  n'eft  pas  dans 
nos  focietés.  modernes  de  l'europe  qu'il  faut  efpé* 
rer  de  voir  rétablir  l'égalité  :  on  ne  peut  entre- 
prendre qu'avec  des  nations  neuves  ,  ce  que  Ly- 
curgue  fit  à  Sparte ,  ce  que  les  jéfuites  ont  fait  au, 
Paraguay, 

Mais  la  nature  a  prefcrit  à  cette  inégalité ,  de* 


PERPRENDRE. 

bornes  qu'aucune  inAitution  fociale  ne  peut  frtîn- 
chir.  C'eft  de  la  nature  que  l'homme  a  reçu  le 
^roit ,  c'eft  elle  qui  lui  a  impofé  l'obligation  de 
pourvoir  à  fa  confervation  :  puifqu'il  eft  né  ,  )1 
faut  qu'il  vive  ;  il  a  donc  le  droit  d'ufer  de  toutes 
les  chofes  qui  font  néceifaires  à  fa  fubfiftance.  Dans 
l'état  de  fociété  ,  il  ne  faut  pas  fans  doute  que  cha- 
que individu  puifle  r^^gler  à  fon  gré  la  quantité  & 
la  qualité  des  chofes  neceffairesà  fa  fubfiftance  ,  ni 
çhoifir  les  moyens  de  fe  les  procurer  ;  c'eft  la  fo- 
ciété ,  la  nation  elle-même  qui  doit  y  pourvoir  : 
elle  doit  le  faire  de  manière  à  aifurer  à  tous  les 
individus  qui  la  compofent,  la  plus  grande  fomme 
de  bonheur  poflible .  en  excitant  leur  travail  & 
leur  induftrie  ,  pour  obtenir  de  chacun  d'eux  la  plus 
forte  contribution  poftîble  à  la  félicité  publique. 

Une  nation  qui  auroit  des  terres  en  réferve  pour 
en  donner  à  ceux  qui  n'en  ont  pas  ;  qui  ne  feroit 
fervir  à  l'ufage  commun  que  le  fuperflu  de  ces 
terres  ,  c'eft  à-dire  celles  qui  n'auroient  pas  trouvé 
de  cultivateur;  qui  feroit  rentrer  dans  la  commu- 
nauté générale ,  ou  diftribueroit  à  de  nouveaux 
cultivateurs  celles  dont  la  culture  auroit  été  aban- 
donnée; cette  nation  feroit  celle  qui  auroit  le 
mieux  rempli  le  premier  de  fes  devoirs  envers  fes 
membres  &  envers  elle-même,  qui  auroit  pourvu 
îe  plus  sûrement  au  bonheur  des  individus  &  à 
la  propriété  nationale. 

Telle  devroit  être  Ij  deftination  de  cette  immen- 
fîté  de  communaux  qui  font  répandus  dans  le 
royaume.  Telle  eft  en  effet  leur  deftination  d.ins 
les  lieux  où  le  droit  de  perprife  s'exerce. 

j»  Ces  terres  communes  demeureront  donc  in- 
»  cultes  ,  en  attendant  qu'elles  trouvent  un  culti- 
»  vateur  ?  Et  ft  les  cultivateurs  fe  multiplient  au 
»  point  de  mettre  entîn  toutes  ces  terres  commu- 
»  ncs  en  valeur,  quelle  reffonrce  aurez-vous  pour 
>»  la  fubfiftance  des  furnuméraires  »? 

"Voilà  les  objedions  ,  voici  les  réponfes. 

Les  terres  communes  demeureront  incultes  !  Le 
font-elles  moins  dans  votre  fyftême  d'aliénabilité 
&  d'indivifibilité  des  communaux  ?  Dans  votre  fyf- 
tême, elles  feront  à  jamais  incultes.  Cekii  du  droit 
de  perprife  tend  nécefiairement  à  les  mettre  tôt  ou 
tard  en  valeur. 

Elles  demeureront  incultes  en  attendant  qu'elles 
trouvent  un  cultivateur  ?  Vraiment  oui ,  dans  tous 
les  fyftémes  poffibles  ,  il  faut  qu'elles  demeurent 
incultes  jufqu'a  ce  qu'il  y  ait  des  bras  pour  les  cul- 
tiver. Le  meilleur  de  tous  eft  donc  celui  qui  tend 
le  plus  promptement  &  le  plus  efficacement  à 
multiplier  les  bras. 

Or ,  que  peut  produire  à  cet  égard  le  partage 
univerfel  &  abfolu  des  communaux  ?  Il  donnera 
de  nouvelles  terres  à  cultiver  à  l'habitant  qui  en 
a  déjà  ;  il  fixera  à  jamais  le  nombre  des  cultiva- 
teurs ,  &  les  furchargera  d'une  nouvelle  culture. 

Au  lieu  que  le  droit  de  perprife  donne  dss  ferres 
à  celai  qui  n'en  a  pas  ;  il  doane  de  nouveaux  cul- 


PERPRERDRE.  109 

tivateurs  à  la  terre  ;  il  doit  donc  multiplier  les  cul- 
tivateurs. 

»  Mais  la  population  pourra  devenir  exceftlve  , 
r»  il  pourra  ne  plus  refter  de  terres  incultes  &  com- 
»  munes  à  défricher  ■», 

Cette  époque  eft  loin  encore  :  il  y  a  encore  biert 
plus  de  terres  incultes  que  d  hommes  capables  de 
cultiver,  qui  n'aient  pas  de  terres  ;  &:  de  plus,  la 
mafte  commune  fera  perpétuellement  recompofée 
des  terres  dont  la  culture  aura  été  abandonnée  ,  & 
de  celles  dont  le  cultivateur  n'aura  lailfé  ,  en  mou- 
rant ,  aucun  héritier  membre  de  U  communauté. 

Je  fuppofe  (  &  puiflc  cette  fuppofition  fe  réalifer 
un  jour!)  qu'enfin  toutes  les  terres  du  royaume 
foient  cultivées  ,  qu'il  n'y  refie  plus  aucune  friche  ; 
alors  nous  aurons  atteint  le  plus  haut  dtgré  de  po- 
pulation &  de  richefîc  nationale  ,  &  Ton  convien- 
dra fans  doute  que  cette  perfpe^ïive  n'eft  pas  faite 
pour  effrayer  un  bon  adminiftmteur.  Je  ne  dirai 
point  qu'alors  la  nation  fera  dégagée  de  l'obligation 
de  pourvoir  à  la  fubfiftance  des  individus  qui  n'ont 
point  de  terres  ;  mais  je  dirai  qu'alors  elle  aura 
beaucoup  plus  de  reftburces  que  de  befoins  ,  qu'a- 
lors elle  pourra,  fans  danger,  étendre  &  multi- 
plier à  l'inftni  fon  commerce,  fa  navigation,  fes 
travaux  publics  ,  fes  mnnufiiflures  &  fes  coloni  s  ; 
qu'elle  pourra  employer  utilement  tous  les  hommes 
fuperftus  dont  l'agriculture  n'aura  pas  befoin  ;  qu'en 
leur  procurant  ainfi  des  moyens  de  fubfiftance ,  elle 
ouvrira  des  fourccs  inépuifables  de  nouvelles  ri- 
cheftes  ,  foit  pour  elle-même  ,  foit  pour  les  culti- 
vateurs des  terres. 

Voilà  les  avantages  que  je  crois  voir  dans  le  plan 
de  légiftation  dont  le  droit  de  perprife  m'a  donné 
l'idée.  Mais  je  ne  fuis  pas  efclave  de  mon  modèle  , 
au  point  de  m'aveugler  fur  fes  imperfedions. 

i".  Dans  tous  les  lieux  où  le  droit  de  perprife 
s'exerce  (  à  l'exception  de  la  baronnie  de  Cap  Brc 
ton  )  ,  chaque  habitant  s'empare  de  la  terre  com- 
mune ,  dé  fa  propre  autorité.  C'eft  bien  là  le  droit 
du  premier  occupant  dans  toute  fa  pureté ,  tel  qu'il 
ctoit  établi  par  la  loi  de  nature  dans  l'état  de  com- 
munauté primitive.  Mais  dans  des  fociétés  bien  or- 
données, il  n'eft  pas  poffible  de  tolérer  ces  inva- 
fions  d'autorité  privée. 

Pourquoi  dans  l'état  de  nature  l'a^îe  d'occupntion 
a-t-il  dû  fuffire  pour  donner  la  propriété  ?  Parce 
quejl'ufnge  exclufif  de  la  terre  vacante  n'appa't':'noit 
encore  à  perfonne;  parce  qu'il  éroit  impoffible 
d'aftembler  l'univerfalité  des  hommes  qui  avoient 
droit  de  communauté  fur  la  terre  vacante  ,  pout 
obtenir  d'eux  une  conceftlon  ;  qu'on  ne  pou-  -■ 
^„  -qiient  exiger  qu  une  conceflîon  '     -      • 

leur  part,  &  que  ce^te  conceffion  ^^^,^  ^^^^^ 
ère  pr  ftinr^e,  par  cela  feul  r„.,^,,„„  ^^^^  J 
s  etoît  oppofe  a  1  aéle  d  occu-^itfon 

Au  liet.  que  chaque  na-:^n ,  chaque  communauté 
eft  véritablement  pro;^îétaire,  a  véritablement  l'u! 
f',ge  exclufif  d^_,  ferres  communes;  qu'elle  feule 
en  peut  ta;^  f»  conceffion  ',  ^ue  nos  petites  coa»- 


iio  PEIIPRENDRE. 

raunautcs  d'habitans  peuvent  s'afTcmblcr  facile- 
ment ;  que  les  nations  qui  ne  s  aflemblent  plus  ,  8c 
les  grandes  communautés  qui  font  ti  cp  nombreufcs 
pour  s'afTembler  fréquemment ,  ont  des  repréfen- 
tans  [auxquels  on  peut  s'adrefler  pour  obtenir  la 
conceffion. 

2  .  Cette  liberté  que  la  coutume  de  Dax  donne 
à  chaque  habitant  de  Perprendrc  de  fa  propre  autorité  , 
entraîne  d'autant  plus  d'inconvéniens  ,  qu'elle  eu. 
abfolument  illimitée.  Ce  n'eft  pas  feulement  à  l'ha- 
bitant qui  n'a  pas  de  terrres  que  la  coutume  donne 
le  droit  de  Perprendrc  ;  elle'le  donne  à  tous  les  ha- 
bitans  indiftinâement  :  elle  ne  borne  pas  le  droit 
de  Perprendre  à  la  quantité  de  terres  que  chaque  ha- 
bitant pourra  cultiver  ;  elle  le  donne  fans  reftridion 
&  fans  limites. 

Ainfi  l'habitant  qui  a  déjà  beaucoup  de  terres  , 
pourra  prendre  tout  ce  qui  fera  à  fa  bienfcance  , 
agrandir  des  poiTeffions  déjà  trop  étendues ,  enlever 
à  celui  qui  n'a  rien  ,  la  feule  refTource  que  les  terres 
communes  lui  offroient  pour  fa  fubfiftance  :  & 
quel  fera  le  dernier  réfultat  du  droit  de  Ferpiife  } 
Le  pauvre  ne  fera  pas  foulage  ,  &  les  terres  com- 
munes ne  cefferont  d'être  incultes  que  pour  être 
mal  cultivées. 

Le  droit  de  perpr'ife  fur  les  terres  communes  ne 
fera  donc  vraiment  utile  &:  jufle  ,  que  lorfque 
l'cxevcice  en  fera  fubordonnc  à  l'autorité  publique , 
comme  il  i'eft  dans  la  baronnic  de  Cap  Breton  ;  lorf- 
qu'on  ne  donnera  des  terres  communes  qu'à  celui 
qui  n'en  a  pas,  ou  qui  n'en  a  pas  affes  pour  fe  pro- 
curer un  bien  -  être;  lorfqu'on  ne  lui  donnera  que 
la  quantité  qu'il  peut  cultiver  ;  lorfque  dans  chaque 
ménage  on  proportionnera  la  conceffion  au  nom- 
bre des  enfans  qui  confomment  &  qui  travaillent; 
lorfqu'on  excitera  l'émulation  entre  les  cultivateurs, 
par  de  petites  concevons ,  qui  feront  le  prix  de  la 
meilleure  culture,  &c. 

Voilà ,  en  peu  de  mots ,  tout  le  fecret  de  mon 
fyftême  économique  fur  les  communes.  Peut-être 
trouvera-t-on  mauvais  que  j'aie  propofé  le  plan 
d'iinc  légiflation  nouvelle  dans  un  ouvrage  de  jurif- 
prudence  ,  8c  fur  un  mot  qui  n'ctoit  prefque  pas 
connu  dans  la  jurifprudence  ;  mais  c'cft  parce  qu'il 
étoit  peu  connu  ,  que  j'ai  dià  le  faire  connoître  ; 
&  je  ne  me  croirois  pas  digne  de  traiter  de  la  ju- 
rifprudence  ,  fi  je  me  contentois  de  dire  ce  qui  eft  , 
fans  indiquer  ce  qui  devroit  ne  pas  être,  ou  ce  qui 
pourroitêtre  mieux.  (^Article  de  M,  de  PoLVERELy 
avocat  au  parlement  ). 

PERQUIRATUR.  Terme  de  chancellerie  ro- 
maine, par  lequel  on  défigne  la  commiffion  que 
donne  le  dataire,  pour  connoître  fi  dans  les  regif- 
tres  il  n'a  pas  été  reicnu  telle  ou  telle  date  dans  un 
tel  temps  (  ï  ). 


(l)  VdTmvJit  d'un  Perqwratur. 

Pcrqiiiratur  in  libriseminenuffirai  cîoînîîji  prodatarii ,  Jî  /? 
datairé  elîcerdinal ,  &  illuftnirirci  àiizni  ,  quand  il  ne  L'cji 
pus ,  à  die  ... .  ufouc  êc  "Cï  tp:un»  mervftm  ,  vsl  f  çc  totuai 


PERRUQUIER. 

Un  préventionnaire  feroit  inutilement  ufage  du 
Perijuirdtur  pour  prouver  une  rétention  de  date  : 
on  n'admet  parmi  nous  d'autres  preuves  à  cet  égard, 
que  le  regiftre  du  banquier  expéditionnaire  charge 
de  la  commifficn.  Voyez  Date. 

PERRUQUIER.  C'eft  celui  qui  fait  des 
perruques. 

Lorfque  la  fabrique  des  perruques  s'établit  en 
France  ,Ue  débit  en  futfi  peu  confidérable  ,  qu'il  ne 
parut  d'abord  pas  néccflaire.de  mettre  les  ouvriers 
qui  les  fabriquoientj  enmaîtrifeoiren  com-munauté. 
Quand  l'ufage  des  perruques  augmenta  ,  on  créa 
quarante  -  huit  barbiers  -  baigneurs-étuvitles-perru- 
quiers  fuivant  la  cour. 

En  1656,  le  roi  Louis  XIV  créa,  par  édit  du 
mois  de  décembre,  un  corps  &  une  communauté 
de  deux  cens  barbiers-perruquiers,  baigneurs  & 
ètuviftes  ,  pour  la  ville  éc  les  fauxbourgs  de  Paris  ; 
mais  cette  loi  n'eut  point  d'exécution.  Far  un  autre 
édit  du  mois  de  mars  1673  ,  il  s'en  fit  une  nou- 
velle création  ,  &  c'eft  cette  communauté  qui  fub- 
fifte  encore  aujourd'hui. 

Les  ftatuts  de  ce  corps  ont  été  dreflés  au  confeil 
le  14  mars  1674.  Ils  ont  enfuite  été  renouvelés, 
augmentés  Se  enregiftrés  au  parlement  le  7  fcptem- 
bre  1718.  Ils  contiennent  69  articles. 

*  Les  places  de  Perruquier  doivent-elles  être  afli- 
milées  aux  offices  dont  parle  l'édit  de  1683  ,  & 
doit-on  ,  fous  ce  point  de  vue  ,les  regarder  comme 
immeubles .'' 

Brillon  ,  au  mot  barbier ,  dit  quen  fa'ifit  réellement 
un  ofice  de  barbier-  Perruquier  ;  ce  qui  fuppofe  , 
comme  l'on  voit ,  qu'on  regarde  ces  fortes  de  pla- 
ces comme  immeubles. 

Cependant  il  ajoute  que  ,  par  arrêt  contradifloire 
du  3  février  1686  ,  le  parlement  de  Paris  a  rçfufé 
des  défenfes  fur  l'appel  d'une  fentence  du  châtelet, 
qui  avoit  jugé  qu'un  pareil  office  ne  peut  pas  être 
mis  en  bail  judiciaire  ;  &  il  rapporte  une  note  de 
M.  le  Cœur,  avocat  célèbre  de  fon  temps,  qui  eu 
ainfi  conçue  ;  «  On  tient  que  ces  fortes  d'offices 
»  font  meubles  ,  &  ne  peuvent  être  faifis  réelle- 
»  ment  ». 

Nous  rapportons  fous  le  mot  office  un  arrêt  du 
parlement  de  Paris ,  qui  juge  nettement  pour  la  qua- 
lité de  meuble. 

La  même  opinion  paroît  reçue  en  Bourgogne. 
Le  parlement  de  cette  province  femble  avoir  fixé 
fur  ce  point  la  jurifprudence  par  deux  arrêts  con- 
formes des  II  janvier  1691  Si  4  Juillet  1742:  dans 
l'efpèce  du  premier ,  Pierre  Pillet ,  Perruquier ,  en 
mariant  fa  fille  avec  Star,  lui  donna  en  dot  fa  let- 
tre de  barbier.  Star  &  fa  femme  empruntèrent ,  le 
2.4  janvier  1 686  ,  de  la  veuve  Bardet ,  700  livres , 
dont  ils  créèrent  rente ,  &  encore  plufieurs  fommej 
en  d'autres  temps ,  &  lui  engagèrent  la  lettre  de 

annum ....  qui  &  quot  fine  impétrantes  canonicatum  ,  & 
prebendim  ecclefix  N. ,  per  relîgnationcm  five  per  obitum 
N. ,  aut  alio  qucviTmodo  vacantis  ,•  &  annotcntur  nomiua  & 
cognomica  impctranûuni  geneta  vacationum  modi  &cditx. 


PERRUQUIER. 

barbier  ,  qu'ils  lui  remirent  avec  d'autres  titres  qui 
y  avoient  rapport. 

Dans  la  fuite  ,  un  autre  créancier  ,  antérieur  a  la 
Bardet,  faifit  la  lettre  ;  ce  qui  donna  lieu  à  des  con- 
teftations  entre  le  faihflant  &  les  débiteurs,  lel- 
quelles  furent  portées  au  parlement  de  Dijon  ;  la 
veuve  Bardet  intervint,  &  demanda  q^u'en  cas  de 
vente  de  la  lettre  de  barbier,  elle  fut  payée  de 
ce  qui  étoit  dû  fur  le  prix  ,  par  privilège  &  préte- 
rencc  ,  comme  fur  un  effet  mebilier  ,  &  l'arrêt  jugea 
eonformément  à  fes  conclufions. 

Dans  les  circonftances  du  fécond  ,  Oriame  ven- 
dit ,  le  4  juin  1706  ,  à  Bontrou  &  à  fa  femme ,  une 
lettre  de  barbier  -  Perruquier  ,  pour  2500  livres, 
dont  les  acquéreurs  créèrent  une  rente.  La  lettre 
relia  entre  les  mains  du  vendeur  pour  sûreté  de  fa 
créance.  Le  premier  janvier  1714,  les  débiteurs  , 
après  avoir  payé  500  livres,  empruntèrent  du  fieur 
Bernard  2000  livres  ,  aux  arrérages  de  83  livres  6 
fols  8  den.  dont  ils  remboursèrent  la  veuve  Oria- 
me ,  qui  fubrogea  le  fieur  Bernard  dans  tous  les 
droits  &  privilèges  acquis  à  fon  mari,  &  lui  remit 
la  lettre  de  barbier  avec  les  titres  qu'elle  avoit  en 
fon  pouvoir.  Le  3  novembre  1740  ,  la  veuve  Bou- 
trou  vendit  fa  lettre  pour  3700  livres  au  nommé 
Badel ,  qui  paya  200  liv.  comptant ,  promit  2000  1. 
lorfqu'il  fe  feroit  recevoir  ,  &  fe  chargea  du  prin- 
cipal de  1500  livres  dû  au  fieur  Gaudrillet ,  con- 
feiller  à  la  table  de  marbre  ,  &  à  la  dame  Bernard 
fa  femme,  qui  étoient  dans  les  droits  d'Oriame. 
La  veuve   Boutrou  devoit  remettre  à  Badel  une 
copie  collationnée  de  la  lettre,  &  l'extrait  de  la 
réception  de  Boutrcu  fon  mari.  Les  fieur  &  dame 
Goudrillet  s'opposèrent  à  la  réception  de  Badel.  La 
veuve  Boutrou  les  fit  afligner  pour  les  faire  dé- 
bouter de  l'oppofition  ,  ôc  les  forcer  à  dépofer  au 
greffe   ou  chez  un  Notaire,  la  lettre  ou  privilège 
qu'Oriame  avoit  vendu  à  fon  maître  ,  pour  en  tirer 
une  copie  callationnée. 

Ils  y  confentirent  ,  pourvu  qu'on  les  remboursât. 
Le  16  avril  1742  ,  meifieiirs  des  Requêtes  du  Palais 
ordonnèrent  que  ,  fur  les  deniers  provenus  de  la 
vente  de  la  lettre,  le  fieur  &  la  dame  Gaudrillet 
feroient  payés  par  privilège  &  préférence  à  Bou- 
trou ,  &  à  tous  autres,  de  1500  livres  &  des  in- 
térêts ,  au  moyen  des  offres  qu'ils  firent  de  remet- 
tre à  la  veuve  Boutrou  ,  lors  du  payement,  la  let- 
tre &  les  autres  pièces  ;  on  la  condamna  aux  dé- 
pens ;  elle  interjeta  appel  à  la  cour ,  où  elle  dit 
que  la  lettre  de  barbier  étoit  un  immeuble  ,  qu'elle 
avoit  pu  en  faire  la  vente  ,  &  déléguer  le  prix  à  fon 
créancier  ,  qui  n'avoir  pas  dû  s'oppofer  à  la  récep- 
tion de  l'acquéreur. 

Les  intimés  répondoient  que  le  privilège  de  bar- 
bier étoit  un  meuble.  Se  que  le  créancier  pouvoir 
conferver  fon  gage  ,  &  demander  la  préférence  fur 
tous  les  autres;  qu'ils  en  étoient  en  pofTeflion  , 
pojjcjfio  ptnès  aeditorem  ;  que  l'appelante  n'en  jouif- 
foit  que  précsirement ,  precirià  &  pro  con.:uchi. 
qu'on  devoit  décider  de  ce  cas  comme  fi  elle  leur 


PERRUQUIER.  i^^ 

avoit  laifie  à  gage  de  la  vaiffelle  d'argent  ;  que  de- 
puis l'arrêt  de  1691  on  ne  pouvoir  douter  que  les 
lettres  de  barbier  ne  fuffent  meubles.  Et  fur  ces 
raifons  ,  le  parlement  confirma  la  fentence  par  ar- 
rêt du  4  juillet  1742  *. 

En  exécution  de  l'édit  du  mois  de  février  177^  » 
&  de  l'arrêt  du  confeil  du  18  mars  1774  ,  les  pro- 
priétaires de  charges  ou  places  de  barbiers-Perru- 
quiers des  différentes  villes  du  royaume, ont  été 
obligés  de  faire  l'évaluation  de  leurs  charges  dans 
une  affemblée  de  leur  communauté  ,  par  une  déli- 
bération prife  Se  arrêtée  à  la  pluralité  des  voix.  C'efl 
en  conféquence  de  cette  évaluation  ,  que  chaque 
maître  Perruquier  doit  payer  annuellement  le  cen- 
tième denier  auquel  l'édit  de  février  1771  a  afTu- 
jetti  les  propriétaires  de  charges  ou  offices. 

L'article  5  de  l'arrêt  qu'on  vient  de  citer,  a  réglé 
qu'au  cas  que  les  propriétaires  des  charges  ou  pla- 
ces de  maîtres  Perruquiers  ,  ou  leurs  veuves  &.  hé- 
ritiers, viendroient  à  vendre  ces  places  après  en 
avoir  acquitté  le  centième  denier,  le  droit  de  mu- 
tation ne  feroit  payé  que  fur  le  pied  de  quatre  de- 
niers pour  livre  ou  du  foixantième  de  l'évaluation  , 
au  lieu  du  vingt-quatrième  porté  par  l'article  19  da 
redit  de  février  1771,  auquel  le  roi  a  dérogé  à  cec 
égard  feulement  ,&  fans  préjudice  du  double  &  du 
triple  droit ,  dans  le  cas  prévu  par  les  règlemens 
des  revenus  cafuels. 

A  l'égard  des  propriétaires  qui  n'ont  pas  acquitte 
le  centième  denier ,  ils  ne  peuvent  difpofer  Ae. 
leurs  charges  ou  places  par  vente  ou  autrement, 
qu'en  payant  le  trentième  de  l'évaluation,  au  lieu 
du  foixantième  dont  on  vient  de  parler. 
Les  acquéreurs  de  ces  charges  ou  places  ne  fontpas 
tenusjd'obtenir  des  provifions  ,^comme  celui  qui  ac- 
quiert un  office  de  judicature  ou  autre  :  la  quittance 
du  droit  de  mutation  qu'on  leur  délivre,  &  les  lettres 
de  maîtrifel  qui ,  pour  la  première  fois,  s'expédient 
au  grand  fceau,  palTent  entre  les  mains  de  ceux  qui 
fuccèdent  à  ces  places.  Il  fuffit  que  ceux-ci  faiTent 
enregiflrer  leurs  titres  de  propriété  au  bureau  de 
la  communauté  ,  &  qu'ils  prêtent  ferment  entre  les 
mains  des  lieutenans  du  premier  chirurgien  du  roi, 
pour  être  autorifés  à  ouvrir  boutique  &  à  travailler 
ou  faire  travailler  du  métier  de  Perruquier. 

Obfervez  toutefois  qu'il  efl  défendu  aux  lieute- 
nans du  premier  chirurgien  &  à  tout  autre ,  de 
procédera  aucune  réception  de  maître  Perruquier, 
qu'il  ne  leur  ait  apparu  du  payement  du  droit  de 
mutation  ,à  peine  de  nullité  de  la  réception  &  de 
trois  cents  livres  d'amende. 

Voyei  à  ce  fujet  les  édits  de  mars  1673  ,  juillet 
1746  ,  mai  1760  ,  &  février  1771  ,  6.  l'arrêt  du  con- 
feil du  18  mars  1774  ;  voyez  aufil  l'article  Office. 
Les  Perruquiers  de  Paris  s'étant  plaints  des  abus 
qui  s'étoient  intioduits  à  leur  préjudice,  relative- 
ment à  la  coiffuie  des  femmes,  ils  obtinrent,  le 
22  juillet  1771  ,  des  lettres-patentes  partant  inter- 
prétation de  l'article  58  de  leurs  ftatus.  Le  roi  y 
j  dit  que  les  mots,  toutes  fortes  d'ouvr.î^es  de  chc- 


PERRUQUIER. 


m 

VI.UX,  tant  pour  hommes  qiu  pour  femmes  ,  énOTlcés 
dans  cet  article  58  ,  comprennent  la  frifure  &  rac- 
commodage des  cheveux  naturels  &  artificiels  des 
hommes  &  des  femmes  ,  &  que  cette  frifure 
&  accommodage  appartient  aux  maîtres  Perru- 
quiers ,  privativement  à  tous  autres ,  à  l'exception 
néanmoins  des  coiffeurs  de  femme,  au  nombre  de 
cent  fix ,  infcrits  en  cette  qualité  au  bureau  de  la 
communauté  des  maîtres  Perruquiers  ,  en  vertu 
des  arrêts  du  parlement  des  27  juillet  1768 ,  &  7 
janvier  1769  (i). 
•■^■"i*»»^"""-— ^w*  I  '  '  •••^■™*"~i"«i»— ^■^■^■•^i^— «-i***"^"*-*— «i*^ 

(I)  Outre  ces  cent  fix  coiffeurs ,  la  iéclaration  du  roi  du  1  8 
fiodc  l~  7  <i  agrégé  a  la  communauté  des    mJtres  barbiers 
Perruquiers  de  Paris  fix  centi  autres  coiffeurs  de  femme.  Voici 
cette  loi  : 

Louis,  &c.  Salut.  Par  l'article  4  de  notre  édit  du  mois 
d'août  dernier  ,  iious  avons  ordonné  qui!  ne  fecoit  rien  in- 
nové en  ce  qui  cjnccme  la  communaut.  des  maîtres  barbiers 
Perruquiers  baigneurs  Se  étuviitcs  ,  jui'qu'à  ce  qu'il  en  fùipar 
nous  autrement  ordonné  ;  nous  avons  permis  ,  par  le  mcine 
article,  aux  coifFeules  de  femmes  d'exercer  librement  leur 
profellîon  ;  mais  un  grand  nombre  de  particuliers  exerçant 
ladite  ptofefl^on^  nous  ayant  reprcfenté  que  ce  genre  de  tra- 
vail qu'ils  avoient  enrrepris  depuis  long-temps,  étoit  la  feule 
reflburcequi  pût  les  faire  fubàllcr,  &  nous  ayant  fait  fup  ' 
plier  de  leur  faciliter  les  moyens  de  le  continuer  ,  à  telles 
conditions  qu'il  nous  plaitoit,  nous  avons  cru  devoir  venir  à 
leurs  fecours  en  les  agrégeant  à  la  communauté  des  maîtrci- 
l-atbie  s-Perruquiers-baigneurs  &  étuvillcs  ,  i  la  charge  par 
eux  de  payer  une  modique  l'Inance  ,  an  moyen  de  laquelle 
ils  pourront  exercer  librement  ,  fous  rinfpection  de  ladite 
communauté,  la  profcfiion  de  coifteurs  de  femmes  ;  &  par 
cette  agrégation  ,  nous  préviendrons  une  multitude  de  con- 
traventions qui  fe  commettent  journellement  ,  &C  qu'il  e(l 
néceffairc  de  réprimer  par  des  voies  moins  rigoureufes  & 
moins  fufccptibles  d'inconvénient.  A  ces  caufes ,  &  autres  à 
ce  nous  mouvant  ,  de  l'avis  de  notre  confeil ,  &  de  notre 
certaine  fciencc,  pleine  puiflancc  &:  autorité  royale,  nous 
avons  ,  partes  ptéfcntes  fignées  de  notre  main,  dit  ,  déclaré 
&  ordonné ,  difons ,  déclarons  &  ordonnons ,  voulons  &  nous 
plaît  ce  qui  fuit. 

Article  i.  Les  particuliers  qui  voudront  exercer  à  l'ave- 
nir la  profeffion  de  coéfFeurs  de  feturaes ,  feront  tenus  d'en 
faire  leur  décla:ation  au  fieur  lieutenant  général  de  police  , 
laquelle  fera  infcrite  fur  un  régi  Ire  à  ce  deftiné,  doBtilleur 
fera  délivré  un  extrait,  fur  le  ^u  duquel  ils  feront  agrégés, 
au  nombre  de  fix  cents  feulement ,  à  la  communauté  des 
barbiers  Perruquiers-baigneurs  &  étuvifles  ;  à  la  charge  de 
*ayer  pat  chacun  d'eux  la  fomme  de  fix  cents  livres ,  dont  les 
trois  quats  feront  perçus  à  notre  profit  pat  le  tréforier  de  nos 
Parties  cafuellcs  ,  Ce  l'autre  quart  au  profit  de  ladite  commu- 
nauté. 

Per  arrêt  du  confcil  du  9  avril  I778,  «tf«  finance  a  cte 
réduite  d  trois  cents  livres  ,  6"  il  «  été  réglé  çut  les  coiffeurs  j«i 
pnyeroiint  les  fix  cents  livres  énoncées  dans  icrtide  frtmitr  dt 
la  déclaration  ,  feraient  propriétaires  de  deux  places  b^  auroient 
la  faculté  d'avoir  un  garçon  pour  Us  aider  9u  remplacer  en  cas 
d'ahfence  ou  dt  maladie. 

a.  Sut  le  quart  revenant  à  la  communauté  ,  il  fera  pre- 
Jevé  une  fomme  de  quarante-cinq  livres;  favoir,  douze  livres 
pour  notre  premier  chirurgien ,  fix  livres  à  fon  lieutenant, 
quatre  livres  à  chacun  des  fix  fyndics  en  charge,  &  tiois  livres 
au  greffier  :  le  furplus  fera  employé  aux  frais  ordinaires  de 
l'adminirtration  &  aux  charges  dont  les  offices  des  maîtres 
barbiers  Perruquiers-baigneurs  *  étuvilles  font  tenus  envers 
nous.  . 

3.  Au  moyen  de  la  repréfentation  des  quittances  deidits 
paycmens  &  d«  l'extrait  de  la  déclaration  faite  à  la  police , 


PERRUQUIER. 

Ces  lettres-patentes  conticnncn  auflî  une  excep- 
tion en  faveur  des  femmes  ou  fiiies  qui  s'occupent 
de  la  frifure  ou  coiffure  des  perfonnes  de  leur  fexe  ; 
elles  font  autorifées  à  continuer  cette  profeiTion, 
nonobflant  le  droit  exclufif  des  Perruquiers  ;  mais 
il  leur  eft  défendu ,  fous  peine  de  punition  ,  de 
taire  ou  conipofer  des  boucles ,  tours  de  cheveux 
ou  chignons  artificiels,  &  de  tenir  école  de  coif- 
fure, à  peine  de  faifie.  Elles  font  d'ailleurs  tenues 
de  fe  faire  infcrire  fur  le  regiftre  du  bureau  de  la 
communauté  des  maîtres  Perruquiers  ,  &  d'indi- 
quer leur  nouvelle  demeure  trois  jours  après  leur 
changement. 

Les  mêmes  lettres  patentes  font  défenfe  aux  gar- 
çons Perruquiers  de  s'afîbcicr,  s'affembler  ou  at- 
trouper fous  quelqite  prétexte  que  ce  foit.  Elles  veu- 
lent que  ceux  qui  travaillent  à  Paris  ne  puiffent 
entrer  chez  les  maîtres  Perruquiers  fans  repréfen- 
tcr  le  certificat  de  ceux  qu'ils  ont  quittés,  confor- 
mément à  l'article  56  des  ftatuts  de  la  communauté 
des  maîtres  Perruquiers;  &  que  les  garçons  Per- 
ruquiers qui  arrivent  des  provinces  à  Paris ,  fe  faf- 
fcnt  enregirtrer  au  bureau  de  cette  communauté, 
fous  peine  d'être  emprifonnés  à  la  réquifition  des 
fyndics  Perruquiers.  Le  certificat  d'enregifiremcnt 
de  ces  garçons  doit  leur  être  délivré  fans  frais ,  & 
il  eft  défendu  à  chaque  maître ,  fous  peine  de  cin- 
quante livres  d'amende,  de  les  occuper  avant 
qu'ils  aient  repréfenté  ce  certificat. 

Les  difpofitions  qu'on  vient  de  rappeler  ont  été 
rendues  communes  aux  communautés  de  Perru- 
quiers des  provinces  du  royaume ,  par  d'autres  let- 
tres-patentes du  21  décembre  1771  (1). 

leldits  particuliers  feront  infcrits,  fans  autres  frais  ni  forma- 
lités ,  à  la  fuite  du  tableau  de  ia  communauté,  pour  jouir  de 
la  fasulté  d'exercer  ladite  profelficn  de  coiffeurs  de  femmes, 
fans  pouvoir  participer  aux  droits  ni  â  l'adminillratîon  de  la 
communauté,  &  fans  pouvoir,  fous  aucun  prétexte  ,  s'itnmif- 
cer  dans  la  coiffure  des  hommes,  faire  aucuns  ouvrages  de 
cheveux,  de  quelque  efpèce  qu'ils  foient,  tenir  éccle  de 
coéffurc  ,  ni  avoir  de  compagnons  ,  à  peine  de  faifie  ,  con- 
fifcation  &  amende  ,  même  de  privation  de  ladite  profeilîon 
en  cas  de  récidive. 

4.  N'entendons  comprendre  dans  ledit  nombre  de  fix  ce»» 
coiiFeurs ,  ceua  qui  fe  font  fait  infcrire  fitrles  regiftres  de 
la  communauté  ,  en  exécution  des  arrêts  de  notre  cour  de 
parlement,  des  17  juillet  176%  Se  7  janvier  17^9,  lefquels 
continueront  d'exercer  leur  profeffion  jufqu'a  leur  entière 
extinâion.  Si  donnons  en  mandement,  &c. 

{,i)  Ces  lettres- fdtintcs  font  ainfi  conçues  : 

Louis,  &c.  Salut.  Les  abus  qui  fe  fout  introduits  depuîi 
quelques  années  au  préjudice  des  droits  &  privilèges  des  maî- 
tres barbiers-Perruquiers ,  touchant  la  coéfFure  des  femmes, 
qu'on  a  voulu  faire  envifager  comme  une  branche  indépen- 
dante de  la  profeflîon  deldits  mni^tzs  Perruquiers  ,  ayant 
donné  lieu  à  Pari»  à  plufîenrs  conteftations  fur  lefquelles  il 
étoit  de  note  prévoyance  de  ftatuer,  nousavons,  entre  autre» 
chofes,  déclaré  par  arrêt  de  notre  confeil  d'état  du  9  juillet 
1771  ,  fur  lequel  ont  été  expédiées  des  lettres-patentes  le  21 
du  même  mois  ,  enregiftrées  au  parlement  le  14  août  fui- 
vant ,  que  par  ces  mets  ,  toutes  fortes  d'ouvrages  de  cheveux  , 
tant  peur  hommes  que  peur  femmes  f  énoncés  en  l'article  5  S  de» 
ftatuts  de  la  communauté  des  maîtres  batbiers-Perruquiers- 
baigncurs-ctuviftes  de  ladite  ville,  ngus  entcndioas  qu«  I* 

Par 


PERRUQUIER. 

.    Par  arrêt  du  confell  du  30  juillet  1774  >  ij  ^^^e 
ordonné  que  toutes  les  affemblées,  tant  ordinaires 


frifure  &:  l'accommociage  des  cheveux  naturels  &  artifciels 
des  hommes  Se  des  femmes  ,  y  fuirent  compris  ,  en  foite  que 
les  maîtres  Perruquiers  de  Paris  en  euflent  le  droit  cxdulit , 
faut" les  modifications  que  nous  avons  jugé  à  propos  d'y  ap- 
pcrcer  :  pareiJ'ement ,  pour  prévenir  les  troubles  &  les  dj- 
fordres  qu'occalîo.inoit  la  licence  des  garçons  Perruquiers  , 
nous  leur  avons,  par  le  même  arrêt  de  notre  confeil  d'état  , 
fait  djfenfes  de  s'alTocier  ,  s'affenibler  ou  attrouper,  fous  quel- 
que prétexte  que  ce  fut ,  à  peine  de  prifon.  Mais  les  mêmes 
abus  s'étant  également  multipliés  dans  les  provinces;  Scies 
communautés  de  Perruquiers  qui  y  font  établies  nous  ayant 
fait  infiainmeiit  repréfenter  qu'elles  étoient  continuellement 
léfées  dans  leurs  droifs  par  un  nombre  confidérable  de  parti- 
culiers ,  qui ,  fous  le  prétexte  de  ne  s'occuper  que  de  la  coif- 
fure des  femmes  ,  s'imi>iif(;oient  indillinitemcnt  dans  toutes 
1. 'S  fondions  de  leur  piofcilion  ,  au  grand  dilttiment  des  maî- 
tres dudit  métier ,  Se  qu'elles  n'étoient  pas  moins  troublées 
par  la  conduite  inéguUcie  de  !a  plupart  de  leurs  garçons  : 
nous  avons  jugé  à  propos  de  rendre  communes  auxdites  com» 
munautés  de  Perruqiiie;s  des  povinces  de  notre  royaume  . 
auxquelles  nous  devons  une  éga'c  proceflion  ,  les  difpofitions 
dudit  arrêt  de  notre  confeil  du  9  juillet  1771,  afin  d'établir 
dans  toi'tcs  ces  communautés  une  difcip'ine  uniforme  ,  & 
qu'il  n'y  ait  qu'una  feule  loi  fur  cette  maiiè.e.  A  ces  caufes , 
de  l'avis  Je  notre  confeil ,  &  de  notre  certaine  fciencc  ,  pleine 
puifl'ance  &  autoiité  royale  ,  nous  avons  dit,  déclaré  &  or- 
donné par  ces  préfentes  figncc>;  de  notre  main  ,  difons,  dé- 
clarons, otilonnons  ,  voulons  &:  nous  plaît,  que  dans  toutes 
les  vil'es  &  liïux  de  notre  royaume  ,  la  frifure  Se  l'accommo- 
diigc  des  chevv  •  x  naturels  &  artilicieis  des  hommes  &:  des 
femmes,  comme  auflî  l'exercice  de  la  barberie  ,  appartien- 
nent ,  fans  aucune  exception  ni  dii'cradion  ,  aux  feuls  maîtres 
Perruquicis ,  à  t't  e  exclullf  &:  privativement  à  toutes  perfcn- 
nés  quelconques  ,  fans  préjudice  toutefois  du  droit  dont  font 
en  polFeillon  les  chirurgiens  de  no^s  provinces  qui  n'ont  pas 
renoncé  à  la  barberie ,  d'en  continuer  l'exercice  comme  par 
Je  paflc  ,  à  la  charge  de  s'y  renfermer,  fans  s'entremettre  dars 
aucune  des  autres  fondions  dcpeniantes  de  l'état  de  Per  u- 
«)uier;&:  néanmoins,  pour  procurer  aux  femmes  &  tilles  qui 
s'occupent  actuslîemenr,  &:  qui  s'occuperont  par  la  fuite  de 
la  frifure  &  de  la  coiffure  des  femmes  ,  les  moyens  de  fublîf- 
ter  ,  voulons  qu'elles  puillent  continuer  ledit  exercice  ,  non- 
obftant  le  droit  excluhf  attribué  auxdits  maîtres  Perruquiers, 
à  la  charge  par  elles  Se  fous  peine  de  puairion  ,  de  ne  pou- 
voir faire  ni  compofer  des  boudes,  tours  de  cheveurou  chi- 
gnons artinciels ,  tenir  école  Je  coiffure  ni  faire  des  appren- 
ties ,  à  peine  de  faille  ;  Se  en  outre  ,  de  faire  infcrire  dans  le 
mois  leurs  noms,  furnoms  &  demeures  fur  le  regilire  du  bu- 
reau de  la  communauté  des  maîttes  Perruquiers,  en  payant 
pat  cliacuaes  d'elles,  lors  de  la  première  infcription  feule- 
ment, favoir  ,  trois  livres  au  lieutenant  de  notre  premier 
chirurgien ,  trois  livres  pour  les  prévôts  en  charges  en  tel 
nombre  qu'ils  foient ,  &  i]uarante  fous  au  greffier  ,  qui  fera 
tenu  de  leLt  délivrer  gratuitement  un  cxirait  en  forme  de  cet 
enregiftrement  ,  pour  qu'elles  puillent  le  repréfenter  auxdits 
prévôts  fyndics,  lors  des  vilïtes  qu  ils  ferrnt  autoiifcs  à  faire 
chez  elLs  ,  fans  que  pour  raifon  defdiies  /iites  elles  foient 
tenues  de  payer  aucuns  droits  ni  frais  ;  &  à  la  charge  encore 
par  elles  ,  conformément  aux  arrêts  de  notre  cour  de  parle- 
ment de  Paris  (^es  27  juillet  1748  Se  7  janvier  1765  ,  de  faire 
infcrire  fur  Içfdits  regi:lrcs  leurs  nouvelles  demeures  trois 
jours  après  leur  changement  ;  &  ce  fous  les  tnèmes  peines.  Et 
quant  aux  garçons  Perruquiers ,  leur  faifons  défenfes  de  s'af- 
focier  ,  s'afleuibler  ou  attrouper ,  fous  quelque  prétexte  que 
ce  foir ,  à  peine  de  prifon.  Voulons  qu'ils  ne  puiflent  entrer 
chez  les  maîtres  Perruquiers ,  fans  repréfenter  le  certificat  de 
ceux  qu'ils  auront  qui^és ,  ^  que  Içfdics  garçons ,  en  arrivant 

Tvm<  XUL 


PERRUQUIER.  ii| 

qu'extraordinaires  des  communautés  de  Perruquiers 
du  royaume  ,  ne  pounoient  être  convoquées  que 
fur  les  mandemens  des  lieutenaus  du  premier  chi- 
rurgien A\\  r©i  (1). 
Les  coiffeurs  de  femmes  s'étant  pourvus  au  con- 

dans  les  villes ,  fe  faffent  entegillrer  au  bureau  de  la  commu- 
nauté dcfdits  lieux ,  où  il  leur  fera  délivré  fans  frais  un  certi- 
ficat de  cet  enregiflrement ,  fous  peine  pareillement  d'être 
emprifonnés  à  la  requête  d&s  fyndics  des  Perruquiers.  Faifons 
défenfes  aux  maîtres  Perruquiers  de  les  occuper  ,  que  lefdits 
garçons  n'aient  repréfcnté  ce  ctrtilicat ,  à  peine  conire  chaque 
maître  de  cinquante  livres  li'amende.  Confirmons  au  furplus 
les  difpofitions  de  nos  lettres  patentes  du  6  février  1715  ,  por- 
tant règlement  pour  toutes  les  communautés  de  Perruquiets 
de  nos  provinces.  Voulons  qu'elles  continuent  d'être  exécu- 
tées Se  obfervécs  félon  leur  forme  Se  teneur.  Si  mandons ,  Sec, 

(i)  Vùici  cet  arrêt  : 

Le  roi  étant  informé  qu'au  préjudice  des  droits  &  privilè- 
ges attribués  aux  lieutenaus  de  fon  premier  chirurgien  ,  les 
piévots-fyndics  de  plufieurs  communautés  de  Perruquiers  ,  no- 
tamment ceux  de  Èordeaux  ,  prétendent  s'arroger  le  droit  de 
convoquer  des  affemblées  de  leur  communauté  ,  fous  le  pré- 
texte que  l'article  i  de  l'arièt  de  fon  confeil  du  lij  mars  der- 
nier, en  prefcrivant  l'évaluation  des  charges  de  Perruquiers,' 
ordonne  qu  il  fera  procédé  aux  déclaiations  qMÏ  en  feronc 
faites ,  dans  une  aflemblée  qui  fera  convoquée  par  les  pré-i 
VOIS  fyndics  ;  mais  f.»  majeîlé  ayant  feulement  voulu  ,  fousr 
cette  dénomination  de  prévôts  fyndics  ,  défif;ner  ceux  à  quï 
il  apparrenoit  d'affcmbler  leurs  communautés  ,  Se  ce  droit 
étant  attribué  exclulivement  aux  lieutcnans  de  fon  premier 
chirurgien,  aux  ptivi  éges  deùjuels  fa  majellé  n'a  pas  eu  in» 
tentiod  de  donner  atteinte  par  ledit  attét  ;  voulant  au  con- 
traire les  y  maintenir  ,  Se  f.:ire  ceffer  la  entrepiifes  qui  pour- 
roienr  y  être  contraires.  Se  prévenir  en  même-temps  Ws  diffi- 
cultés que  poorroient  faire  naître  les  termes  trop  généraux  de 
l'article  5  da  même  arrêr  du  iS  mars  dernier,  où  fa  majelîé  , 
en  faifant  défen.és  aux  juges  de  police  Se  auxdits  prévots-fyn- 
dics  de  procéder  à  aucune  réception  ou  inftallation  de  maître  , 
qu'il  ne  leur  fût  apparu  du  payement  du  centième  denier  , 
fembleroit  infinuer  que  ledit  droit  d'iaflallation  pourroic  re- 
garder lefdits  officiers  de  police,  ou  lefdits  prévdts-fyndics  , 
au  préjudice  des  mêmes  droits  defdits  lieutenans  du  premiec 
chirurgien.  Ouï  le  rapport  du  fieur  Abbé  Terray ,  confeilleu 
ordinaire  au  confeil  royal ,  contrôleur  général  des  finances  j 
le  roi  étant  en  fon  coafeil,  a  ordonné  Se  ordonne  que  lest 
cdits,  arrêts,  flatuts  Se  régicmens  donnés  pour  les  commu- 
nautés de  Perruquiers  du  royaume  ;  les  droits,  privilèges  ic 
prérogatives  attribués  fur  icelles  à  fon  premier  chirurgien  , 
lés  lieutenans ,  greffiers  Se  commis ,  en  fa  qualité  d'infpeéleuc 
génétal  de  la  barbette  Se  de  la  profcffion  de  Perruquier  ,  fe- 
ront gardés,  maintenus  Se  obfcrvés  ;  en  conféquence  ,  veut: 
Î3.  majefté  que  toutes  les  affemblées  ordinaires  ou  exrraordi- 
na'res  defdites  communautés  ,  pour  les  affaires  communes,^ 
élection  de  prévôts-fyndics ,  rcdilitioa  de  comptfs,  réceptiort 
des  maîtres ,  Se  autres  généralement  quelconques ,  ne  puif- 
fent  être  convoquées  que  fur  les  mandemens  ou  billets  des 
lieutenans  de  fon  premier  chirurgien  ,  dans  les  communau- 
rés  ,  qui  auront  feuls  le  droit  d'y  recevoir  le  ferment  àts 
maîtres  après  If  ur  réception.  Fait  fa  majefté  exprefles  défen- 
fes Se  inhibitions  ,  tant  aux  prévôts-fyndics  qu  à  tous  autres  -' 
de  convoquer  aucune  affemblée  de  leur  autorité  ,  comme 
audî  de  procéder  à  la  réception  d'aucun  maître  ou  de  rece- 
voir leur  ferment  :  caffe  Se  annulle  ia.  majellé  les  affemblées 
convoquées  au  préjudice  des  difpofitions  ci-deffus  par  les  pré- 
vôts-fyndics de  la  communauté  des  Perruquiers  de  Bordeaux  , 
ainiî  que  tout  ce  qui  s'en  eft  enfuivi  ;  leur  fait  défenfes  de 
récidiver  ,  fous  telle  peine  qu'il  appartiendra  ;  ordonne  ai} 
fgtplus  fa  majerté  l'exécutioa  dudit  arrêt  du  iS  mars  dernier. 
Fait ,  &.'c. 


114  PERRUQUIER. 

feil  d'état  du  roi  pour  être  érigés  en  communauté 
particulière  ,  diftin6te  &  féparée  de  celle  des  Per- 
ruquiers ,  (bus  le  titre  &  qualification  de  maîtres 
coiffeurs  de  femmes  ,  avec  le  droit  cxclufit  de  frifer 
&.  coiffer  les  femmes,  fans  que  d'autres  qu'eux, 
&  notamment  les  Perruquiers,  partent  s'immlfcer 
à  faire  ces  coiffures,  &c.  il  efl  intervenu,  le  25 
janvier  1780,  un  arrêt  qui,  en  les  déboutant  de 
leur  demande  (i)  ,  a  ordonné  ,  entre  autres  chofes, 
l'exécution  de  la  déclaration  de  1777»  &  de  l'ar- 
tide  28  des  ftatuts  des  Perruquiers  ,  &  en  coriié- 
quence  a  fixé  le  nonîbre  des  coiffeurs  à  fix  cens  ; 
a  fait  défenfe  aux  Perruquiers  de  faire  plus  d'un 
apprenti  tous  les  trois  ans  ,  &  leur  a  défendu  , 
ainfi  qu'aux  coiffeurs  ,  de  tenir  claffc  &  école 
ij*  ■*  ■  ■  ' 

(l)Vo''ci  le  '-ijiiojini  liece  arrêt: 

Le  roi  en  fon  confcil  ,  fans  s'arrèrerà  la  demande  des  coif- 
feurs dt  femmes,  tcnlante  â  être  ériges  en  corps  de  conimu- 
n.iutc  ditlinae   l:    féjjar^-e  de  celle  des  maîtres  Perruquiers  , 
dont  i!s  font  dcboutcs,  ordonne  que  l.i  déclaration  du  18  août 
1777  ,  rc^iîhce  au  parlement  le  2  fcptembrc  fuivant,'i&:  J'ar- 
î3t  du  comeil  du  9  avril  1-73,  )e;ont  cxccutccs  félon  leur 
firme  &;  teneur  ,  &  v^u'en  con(cc]ucnce  le  nombre  des   coit- 
f';urs  de  femmes  demeurera   Hxc  àlixccnts,  lefijuels  conti- 
i.ueront  d'être  agr'gés  à  la  communautc  des  barbiers  Perru- 
quiers, fans  qu'ilj  puitTent  s'entremettre  à  aucuns  des  euvra- 
gvs  rèfeiv'-s  aux   Peiruquiers ,  f.ire  des  apprcnris,  &:  s'affem- 
bler  ;  ordonne  ^-areilltment  fa  majelK'  qje  lesllatu  s  des  maî 
très  Perruquiers  du  7  feptcmbre  I    i  S  ,  &;  notamment  1  aiJcle 
iS  ,  feront  exécutes  lelon    leur  forme  i:   teneur;  en  conR 
auence  ,  fait  fa   majellé  dcfenfes  à  tous  maîtrt»  Peruquicis 
d'a/oir  &  de   faire  plus  d'un  apprenti  taus  les  trois  ans  ,   & 
de  taire  enregidrer  au    bureau  comme  compagnons   aucuns 
garçons  qui  ne  feront  pis  domicilitï  chez  eux,  à  peine  de 
cent  livres  d'amende  ,  &  de  plus  forte  en  cas  de  récidivt  ^  dé- 
fend pareillement ,  tant  auxdits  maîtres   Perruquiers  qu'aux 
coiifeurs  dcf.mme';,  détenir  claflcs  &.- écoles  publiques  de 
«oiiJure  ,  &  de  n)ettre  d.ins  leurs  cnftigncs  :  Académie  de  coif- 
fure ,  à  peine  de  pareille  femme  de  cent  livres  d'amende  con- 
tre chaque  lontrcvcnatit.  En  ce  qiiii  concerne  les  coiffeules  de 
femmes  ,  dont  la  profefiion  a  été  djclaréc   libre  par  l'édit  du 
mois  d  août  1776 ,  ordonne  fa  majellc  que  les  fl.'ei,  femmes 
ûc  veuves  qui  voudront  dorénavant  exercer  Jadite  profefîion  , 
teront  tenues  de  fe  confvtrmer  à  l'arrêt  du  confeil  du  2y  oc- 
tobre   17;^  :  veut  &  enteiid  1*  majcllré,  qdC  les  veuves  ou 
f.lK-s  non  mariées  ,  qui  s'occupent  ailuclie-nent ,  ou  qui  s'cc 
«upeontpatla  fuite  de  la  ftifure  &  de   ia  coiffure  des  fem 
mes  ,  &  qi'i  ,  en  vertu  de  l'édit  d'août  1776  ,  &  conforoiément 
à  la  déclaration  du  1 9  décembre  fuivant ,  fe  for  t  fait  ou  fe  fe- 
i«iuiiifcrire  lur  les  livres  de  la  police,  &:  fur  ceux  delacora» 
jnunaaté  des   Perruquiers,   jouiront  feules  ,  exclullvement  à 
tous  autres,  du  droit  de  tenir  claffes  &  écoles  publiques  peur 
apprendre  aux  hlles  ou  femmes  à  coiffer  ,  lans  toutefois  que 
Jefdires  coiffeufes  piii fient  faire  des  apprenties  ,   nis'immiicer 
à  faire  6c  vendre  des  boucle»,  tours   de  cheveux  &:  chignons 
aniKciels  ,,  à  peine  de   faiiie   ,  couhfcation  &  amende  ;  & 
pour  empêche  tous  proccs  &   conteltarions  entre   lis  Peiru- 
«uie:s&  les  coiffeurs  de  fjmmos  ,  ordonne  fa   uajeité  que  , 
pai-  le  iîeur  lictnonant  génér.l  de  police  de  la  ville  de  î^v'ris, 
il  fera  annuelle. i.ent  nommé    deux   coiffeurs  brevetés ,  pour 
accompagner  les    fyndics  Perruquiers  dans  les  viiî'os    qu'ilî 
continueront  de  faire  ,  confo:mJmenr  aux  anciens  réglemens 
de  leur  comnunauté  ^  tant  chez  leurs  ma  très  S:  agrégés  ,  que 
chez  les  ouvriers  fans  qualité;  enjoint  au  iieur  lieutenant  gé- 
néral de   police  de   tenir    la    ma'n  à  l'exécution  du  préfent  ' 
arrêt ,  qui  fera  irapria»*  &  aiSché  pat-tout  où  befoin  f«ra. 
i^ic ,  &c» 


PERRUQUIER. 

de  coiffure»  &  de  mettre  '.^ns  leurs  enfeignes  j 
Académie  de  coipir.s  ,  à  peine  de  cent  livres  d'a- 
mende. 

Les  coiffeurs  de  femmes  de  la  vAle  de  Lyon  s'é- 
tant  plaints  des  vexations  continuelles  qu'ils  éprou- 
voient  de  la  part  des  maitres  P.  rruquicrs  de  cette 
ville,  &  ayant  fupplié  le  roi  dailurcr  leur  état, 
en  les  autorifant  à  travailler  en  vertu  d'un  brever, 
ainfi  qu'il  en  avoir  été  aie  à  l'égard  des  coiffeusr 
de  femme  à  Paris ,  fa  majefté  a  rendu  en  leur  fa- 
veur, en  fon  confeil,  le  12  juin  17S0,  un  arrêt 
qui  contient  les  difpofitions  fuivantes  : 

«  APvTICLE  I.  Les  particuliers  qui  voudront  exer- 
»  cer  à  l'avenir  la  profeffion  de  coiffeur  de  fem- 
»  mes  dans  la  ville  de  Lyon  ,  feront  tenus  d'en 
»  faire  leur  déclaration  au  confular,  laqueHe  fer.a 
»  infcrice  fur  un  regiftre  à  ce  deftiné  ,  dont  il  leur 
»  fera  délivré  un  extrait,  fur  le  vu  duquel  ils  le- 
»  ront  agrégés  ,  au  nombre  de  cent  leulement ,  à 
»  la  communauté  des  maîtres  Perruquiers;  à  la 
»  charge  de  payer,  par  chacun  d'eux,  la  fom- 
»  me  de  trois  cens  livres ,  dont  les  trois  quarts 
M  feront  verfes  dans  la  caiffe  du  receveur  de  nos 
»  revenus  cafuels  ,  &  l'autre  quart  au  profit  de  la 
»  communauté. 

»  1.  Sur  le  quart  revenant  à  la  communauté , 
»  il  fera  attribué  fw  livres  à  notre  premier  chirur- 
j>  gien  ,  quatre  livres  dix  fous  à  fon  lieutenant ,. 
»  trois  livres  à  chacini  des  fyndics  en  charge,  & 
i>  deux  livres  au  greffier;  le  furplus  fera  employé 
^>  aux  frais  ordinaires  de  l'adminiftration ,  &  aux 
»  charges  dont  les  offices  des  maîtres  Perruquiers 
M  font  tenus  envers  nous. 

«  3.  Au  moyen  de  la  repréfentation  des  quit- 
»  tances  deldits  payemcns  &  de  l'extrait  de  la  de- 
»  clararion  faite  au  confulat  ,  lefdits  particuliers 
M  feront  infcrits  ,  fans  autres  fraits  ni  formalités  , 
»  à  la  fuite  du  tableau  de  la  communauté,  pour 
"  jouir  de  la  faculté  d'exercer  ladite  profeffion  de 
»  coiffeurs  de  femmes  ,  fans  pouvoir  participer 
»  aux  droits ,  ni  a  ladminiftration  de  la  commu- 
»  nauté,  &  fans  pouvoir,  fous  aucun  prétexte  , 
»  s'immifcer  dans  la  coiffure  des  hommes,  faire 
»  aucuns  ouvrages  de  cheveux  de  quelque  efpece 
M  qu'ils  foient,  tenir  éco'es  de  coiffures,  ni  avoïc 
»  compagnons  ni  apprentis  ,  à  peine  de  laifie  ,  con- 
»  fifcation  &  amende ,  même  de  privation  de  la- 
«  dite  profeflîon  en  cas  de  récidive  :  veut  nean- 
»  moins  fa  majefté,  que  les  propriétaires  de  deuK 
)>  brevets  aient  la  facuiré  d'avoir  un  garçon  ou 
-  ■>■>  compagnon  pour  les  aider  ,  ou  remplacer  eir 
»  cas  d'abfcnce  eu  de  maladie; 

j>  4.  Fait  fa  majellé  très  expreffes  inhibitions  & 
»  défenfes  à  tous  maîtres  Perruquiers  ,  de  faire 
M  enregiftrer  au  bureau,  comme  compagnons, 
■  )7  aucuns  garçons  qui  ne  feront  pas  domiciliés  chez 
M  eux,  à  peine  de  cent  livres  d'amende,  5c  de 
»  plus  forte  ,  en  cas  de  récidive  :  défend  pareil- 
»  lenient  auxdits  maîtres  Perruquiers  ,.  de  tenir 
n  çlafl«s  &  écoles  publiques  de  coiffures,  &  de 


PERRUQUIER. 

»  mettre  dans  leurs  enfelgnes,  académie  de  coïf- 
>»  fure  ,  à  peine  de  pareille  Tomme  de  cent  livres 
»  d'amende   contre  chaque  contrevenant. 

Il  5.  Ordonne  fa  majefté  ,  que  les  filles  ou  veuves 
w  qui  s'occupent  afluellemeut  ou  qui  s'accuperont 
»  par  la  fuite  de  la  frifure  &  de  la  coiffure  des 
j>  itmmQS ,  joujffent  feules ,  exclufivement  à  tous 
»)  autres  ,  du  droit  de  tenir  claiTes  &  écoles  pu- 
»  bliques  pour  apprendre  aux  filles  ou  femmes 
w  à  coiffer,  après  néanmoins  s'être  fait  infcrire  au 
•n  confulat  ,  &  fur  les  regiftres  de  la  communauté 
»>  des  maîtres  Perruquiers  ,  le  tout  fans  frais  ; 
M  fans  toutefois  que  lefdits  coiffeurs  puiffent  faire 
>♦  des  apprenties,  ni  s'immifcer  à  f^iire  &;  vendre 
»  des  boucles  ,  tours  de  cheveux  ou  chignons 
M  artificiels  ,  à  peine  de  faifie  ,  confifcation  Si 
»  amende. 

»  6.  Pour  empêcher  tous  procès  &  conteflations 
«  entre  les  Perruquiers  &  les  coiffeurs  de  femmes , 
yi  ordonne  fa  majcfté  ,  que  par  les  Prévôt  des  mar- 
»  chauds  &  échcvins  ,  il  fera  annuellement  nom- 
«  mé  deux  coiffeurs  brevetés  pour  accompagner 
y*  les  gardes  des  maîtres  Perruquiers  dans  les  vi- 
>»  fîtes  qu'ils  pourront  faire ,  conformément  aux 
»  anciens  règlemens ,  tant  chez  les  maîtres  &  agré- 
"  g>^s,que  chez  les  ouvriers  fans  qualité.  Enjoint 
»  aux  prévôt  des  marchands  &  échevins  de  la 
»  ville  de  Lyon  ,  de  fe  conformer  aux  difpofuions 
M  du  préfent  arrêt  i  &  au  fieur  intendant  &  com- 
«  miffaire  départi  en  la  généralité  de  Lyon,  de  te- 
«  nir  la  main  à  l'exécution  dudit  arrêt,  qui  fera 
«  imprimé  &  affiché  par-tout  où  befoin  fera ,  & 
n  fur  lequel  toutes  lettres-patentes  feront ,  fi  be- 
n  foin  eft  ,  expédiées.  Fait,  &c.  »  (Ce  qui  efl  entre 
des  afiérifjues  appartient  à  M.  MERLl^f  ,  avocat  au 
parlement  de  Flandre  ). 

PERSONNAT.  C'eft  une  forte  de  bénéfice  qui 
donne  à  celui  qui  en  eft  revêtu,  quelque  préro- 
gative ou  prééminence  dans  une  églife  ou  dans  un 
chapitre ,  mais  fans  juridiflion.  Le  Perfonnat  dif- 
fère donc  de  la  dignité  qui  donne  préfêance  &  ju- 
TÎdiiftion.  Dans  plufieurs  textes  du  droit  canonique 
néanmoias  ,  les  dignités  &  les  Perfonnats  font  re- 
gardés comme  fynonimes. 

Il  n'y  a  aiicune  règle  générale  pour  connoître  la 
nature  des  bénéfices  auxquels  la  dignité  ou  le  Per- 
fonnat eff  attaché;  cela  dépend  de  l'ufage,  qui  ell 
différent  dans  les  églifes. 

Par  arrêt  du  15  avril  172^,  le  grand  confeil  a 
jugé  que  la  prévôté  de  fainr  Caprai  d'Agen  ,  étoit 
un  Perfonnat,  &  non  une  dignité,  attendu  qu'il 
n'y  avoit  aucune  juridiction  attachée  à  ce  béné- 
fice ,  dont  le  titulaire  étoit  cependant  à  la  tête  du 
chapitre. 

PERTURBATEUR  Le  Perturbateur  eft  l'hom- 
rae  qui  trouble  le  repos  &:  la  fécurité  publique , 
qui  porte  atteinte  à  lorlre ,  &  rompt  l'harmonie 
d'où  rèfuit-  le  bonheur  6c  la  paix  dcs'individus  qui 
vivent  en  fociété. 

Le  Perturbateur  fe  montre  fous  des  afpefls  fi 


PERTURBATEUR.  115 

dtffcrens,  le  mal  qu'il  occafionne  a  des  mefures  Çi 
disantes  l'une  de  lautre,  qu'il  eft  difficile  de  fixer 
d'une  manière  précife  ,  ce  qui  le  caraflèrife  effen- 
tiellement,  &  la  peine  qui  doit  lui  être  infligée. 
C'eft-là,  il  faut  en  convenir  ,  un  des  inconvéniens 
des  mots  qui  préfentent  une  idée  trop  vague  , 
parce  qu'on  court  le  rifque  ,  en  fe  rendant  trop 
efclave  de  la  lettre  ,  d'appliquer  à  une  aâion  peu 
importante  ,  à  un  délit  léger,  un  fens  plus  grave  , 
&  par  conféquent  une  peine  plus  rigoureufe  qu'elle 
ne  le  iiiérite. 

Il  ne  faut  pas  confondre  le  féditieux  avec  le  Per- 
turbareur.  Le  féxi<tieux  ne  trouble  pas  feulement 
par  lui-même  le  repos  public  ,  il  excite  encore  les 
autres  à  le  troubler.  Le  Perturbateur  n'eft  dange- 
reux que  par  le  mal  qu'il  fait  ;  le  féditieux  eft  pu- 
niffable  par  le  mal  qu'il  veut  faire  commettre. 

Celui  qui  cherche  à  répandre  l'effroi,  pour  do- 
miner dans  les  affemblées,  pour  fe  faire  rendre 
des  honneurs  qui  ne  lui  font  pas  dus,  pour  trou- 
bler les  jeux,  les  fpe6lacles  ,  eft  un  Perturbateur. 
Il  mérite  ce  nom  ,  lorfqu'ribufant  de  la  foibleffe 
des  femmes  ou  de  la  timidité  du  citadin  paifrble  , 
auquel  (on  air  menaçant  en  impofe ,  il  bleffe  ou- 
vertement la  pudeur  ,  offenfe  les  mœurs  publi- 
ques, ou  excite,  par  une  conduite  bruyante,  in- 
jufte  ,  vexatoire  ,  un  murmure  général  contre  lui. 
On  peut  regarder  auffi  comme  Perturbateurs  ,  ceux 
qui  interrompent  les  cérémonies  religieufes  ,  qui 
empêchent  les  miniftres  de  la  juftiee  de  remplir 
leurs  fon>îlions.  Mais  il  faut  convenir  qu'il  y  2 
Une  grande  diftance  entre  ces  délits  ,  qui  ne  font 
pour  ainfi  dire  que  des  importunités ,  8c  ceux 
d'un  feigneur  qui  contraindroit  fes  habitans  à  faire 
des  corvées  qu'il  n'auroit  pas  droit  d'exiger  :  Ou 
d'un  audacieux  qui  efcaladeroit  les  maifons  pen- 
dant la  nuit,  &  s'y  introduiroit ,  foit  pour  fatis- 
faire  fes  partions  ,  foit  pour  jeter  l'épouvante. 

Les  premiers  ne  méritent  que  d'être  contenus  ; 
tandis  que  lès  autres  au  contraire  doivent  être 
punis  févèremenr.  Jouffe  met  au  rang  des  Pertur- 
bateurs, les  prédicateu?s  qui ,  dans  leurs  fermons  , 
ufent  depgrohs  fcandaleufes ,  &]qui  tendent  à  émouvoir 
le  peuple,  u  Ceux  qui  ont  pour  objet  d'établir  un 
»  fchifme  dans  l'état ,  fous  prétexte  de  réforme  ,  ou 
n  qui,  par  un  concert  injufte  ,  veulent  fe  fé parer 
»  de  la  communion  de  certaines  perfonnes  ,  foit  en 
»  refufant  de  communiquer  avec  eux  ,  foit  en  leur 
)>  refufant  publiquement  les  facrcmens  auxquels 
»  ils  ont  droit  de  prétendre  ,  ou  des  prières  pu- 
)>  bliques  qui  leur  font  demandées  pour  eux  , 
M  ou  la  fépulture  eccléfiaftique.  Ceux  qui  com- 
5»  pofent  ou  fèment  des  écrits  qui  peuvv  nt  trou- 
»  bler  la  tranquiller  de  l'état  &  corrompre  les 
»  mœurs  ». 

Suivant  la  loi  finale,  de  re  militari,  le  Pertur- 
bateur devoir  être  puni  de  mort  ;  c'eft  auffi  la  dif- 
pofition  des  articles  i  &  a  de  l'édit  du  mois  de  juil- 
let i$6i.  Mais  comme  il  étoit  contraire  à  toute 

Pi) 


ii6 


PERTURBATEUR. 


jiifHce  d'envelopper  dans  la  môme  punition ,  des 
délits  d'une  conléquence  plus  ou  moins  dange- 
reufe  ,  émanés  d'un  principe  plus  ou  moins  crimi- 
nel ,  les  ordonnances  poftérieures  ont  apporté  de 
fages  modifications  à  cette  dccil'ion  trop  générale 
&  beaucoup  trop  févère  ;  elles  ont  même  adouci 
la  peine  prononcée  contre  quelques-uns  de  ces  dé- 
lits défignés  particulièrement.  Ainfi  quoique  l'édit 
de  1 561  prononce  la  peine  de  mort  contre  les  pré- 
dicateurs féditieux ,  \a  déclaration  du  22  feptem- 
hre  159c  les  condamne  ^îh  bannijjement  &  à  avoir 
la  langue  percée.  La  douceur  de  nos  mœurs  ac- 
tuelles ne  permettroit  pas  qu'on  infligeât  cette 
dernière  peine  à  un  prédicateur  ,  quelque  auda- 
cieux qu'il  eût  été  ,  à  moins  que  fes  difcours  n'euf- 
fent  eu  l'effet  le  plus  funcfte. 

A  l'égard  des  eccléfiaftiques  qui ,  par  un  accord 
injufte  ,  refufent  publiquement  la  fépulture  ecclé- 
fiaftique ,  ou  les  facremens  Sx.  les  prières  à  ceux 
qui  ont  droit  d'y  participer ,  pUifieurs  arrêts  ren- 
dus depuis  1752,  ont  prononcé  contre  les  coupa- 
bles la  peine  du  banniffement  à  temps  ou  à  perpé- 
tuité hors  du  royaume. 

Quant  à  ceux  qui  font  convaincus  d'avoir  com- 
pofé  &  fait  imprimer  des  ouvrages  tendans  à  trou- 
bler la  tranquillité  de  l'état ,  &  qui ,  par  cette  rai- 
fon  ,  peuvent  être  regardés  comme  des  Perturba- 
teurs du  repos  public  ,  la  déclaration  du  1 1  mai 
1728  les  condamne  pour  la  premier.;  fois  au  bannif- 
fement  à  temps  ,  &  en  cas  de  récidive  ,  â  perpétuité 
hors  du  royaume. 

C'eft  en  faifant  une  très-fauflé  application  de 
cette  déclaration  à  un  ouvrage  (  qui  avoit  reçu  l'ap- 
probation d'un  cenfeur  royal)  ,  que  les  juges  du 
châtelet  condamnèrent ,  il  y  a  quelques  années  ,  au 
banniffemcnt ,  un  homme  de  lettres  très  eflimé  , 
&  dont  la  captivité  excita  en  fa  faveur  un  intérêt 
prefque  univerfel.  AuHi  leur  fcntence  fut-elle  in- 
firmée par  le  parlement,  trop  éclairé  pour  ne  pas 
fentir  qu'une  pareille  févérité  porteroit  la  crainte 
&  le  découragement  dans  l'ame  de  tous  les  écri- 
vains diftingués,  qui  peuvent  embraffer  i\n  faux 
fyflème  ,  fans  être  criminels  &  fans  avoir  eu  l'in- 
tention de  jeter  le  trouble  dans  la  fociété  ,  fur  la- 
quelle ils  ne  fe  propofent  au  contraire  que  de  ré- 
pandre la  lumière  de  la  vérité. 

En  fuppofant  que  Jean-Baptifte  RoufTeau  ,  dont 
la  verfjficaiion  riche  &  harmonieufe  a  tant  fait 
d'nonntur  à  la  poéfie  françoife,  fût,  comme  l'arrêt 
qui  l'a  banni  hors  du  royaume  nous  autorife  à  le 
croire  ,  véritablement  l'auteiir  des  couplets  qu'on 
lui  attribua  ,  il  étoit  certainement  plus  coupable 
qu'un  écrivain  emporté  par  le  feu  de  fon  imagina- 
tion dans  un  fyfîême  oppofé  à  celui  qu'une  raifon 
éclairée  nous  a  fait  adopter  ;  le  premier  n'eut  cer- 
tainement pour  objet  que  de  calomnier,  que  de 
diffamer  ceux  contre  lefqueîs  il  avoir  compofé  ces 
couplets,  &  il  leur  nt  un  mal  réel  ;  l'autre,  au 
contraire ,  peut  être  de  bonne  foi  dans  fes  erreurs  , 
&  U  ne  fait  fouvent  qu'exciter  la  pitié  pour  fes 


PERTURBATEUR.' 

écarts.  Ce  n'efl;  donc  ,  en  général ,  qu'aux  auteurs 
des  libelles  diffamatoires  ,  ou  des  ouvrages  qui 
peuvent  véritablement  jeter  le  trouble  dans  la  fo- 
ciété, qu'on  doit  appliquer  la  févérité  de  l'article 
4  de  la  déclaration  du  1 1  mai  1728.  Les  articles  23' 
ik  10  de  la  môme  déclaration  condamnent  ceux  qui 
ont  imprimé  &  colporté  ces  fortes  d'ouvrages  , 
au  carcan  pour  la  première^fois  ,  &en  cas  de  réci- 
dive, aux  galéres'pour  cinq  ans. 

Ceci  mérite  encore,  de  la  part  des  juges  ,  une 
grande  attention ,  car  ils  n'ignorent  pas  que  fou- 
vent  l'imprimeur  a  multiplié  machinalement  &  par 
le  fecours  de  mains  étrangères  ,  les  copies  du  ma- 
nufcrit  qui  lui  a  été  apporté  &  qu'il  n'a  fouvent  pas 
lu.  Il  eft  lui-même  tout  étonné  ,  après  l'imprefllon  , 
que  l'ouvrage  dont  on  lui  cite  quelques  fragmens 
foit  forti  de  les  preffes  :  certainement  il  y  auroit  une 
rigueur  exceflîve  à  punir  cet  homme  comme  un  Per- 
turbateur ,  &  à  le  déshonorer  lui  &  toute  fa  famille 
p.ir  une  condamnation  aufli  flétriffante  que  celle  du 
carcan.  Une  interdiflion  plus  ou  moins  longue  ,  fui- 
vant  la  nature  du  libelle  qu'il  a  eu  l'imprudence 
d'imprimer,  eff  ordinairement  la  peine  dont  on 
punit  fon  infraâion  aux  réglemens  de  la  librairie. 
Cette  peine  eft  d'autant  plus  fage,  quelle  poite 
fur  la  véritable  caufe  du  délit ,  qui  eff  le  defir  aveu- 
gle du  gain. 

Il  en  eff  de  même  du  colporteur  ignorant  que 
le  befoin  détermine  à  fe  charger  des  exemplaires 
qu'on  lui  confie,  pour  les  préfenter  à  ceux  chez 
lefqueîs  fon  commerce  l'introduit  ;  aufli  arrive-t-il 
rarement  que  l'on  condamne  au  carcan  ou  aux  galè- 
res ces  prétendus  Perturbateurs  ,  à  moins  que  l'ou- 
vrage qu'ils  ont  débité  n'offenfe  la  majeflé  royale  , 
£<.  qu'il  ne  foit  néceffaire  d'en  arrêter  la  difiribu- 
tion,par  un  exemple  de  févérité  capable  d'épou- 
vanter le  befoin  &  la  cupidité. 

L'ordonnance  de  Blois,ariicle  280,  prononce 
contre  les  gentilshommes  &  autres  nobles  du 
royaume  «  qui  auroient  vexé  leurs  habitans  par 
»  des  contributions  injuffes  de  deniers  ou  grains  , 
j>  corvées  ou  autres  exaflions  indues  »  ,  la  peine 
d^étre  (déclarés  ipicbles  &  roturiers ,  &  privés  à  jamais 
de  tous  les  droits  qu'ils  auroient  à  exercer  legiiimement. 
On  n'a  pas  befoin  d'obferver  que  pour  qu'un  gen- 
tilhomme ou  un  feigneur  de  terre  encoure  cette 
peine,  il  faut  qu'il  foit  démontré  qu  il  eft  de  mai:- 
valfefoi  dans  fes  perceptions.  Car  s'il  étoit  induit 
en  erreur  par  une  pofieffion  ancienne  ,  par  de  fauf- 
fes  déclarations  ou  de  faux  titres  ,  certainement  il 
ne  mériteroit  pas  d'être  dégradé,  parla  raifon  qu'il 
auroit  exigé  dinjuftes  contributions. 

L'article  192  de  l'ordonnance  de  Blois ,  pour 
éviter  les  troubles  qui  naiflent  fouvent  de  la  force 
Se  de  la  fupériorité  des  armes ,  veut  «  que  les  hauts- 
»  jufficiers  qui  fouffriront  les  ports  d'armes  ,  & 
»  qu'il  foit  fait  des  violences  en  leurs  terres,  foient 
»  privés  de  leurs  juftices ,  &  les  ofiîciers,  en  cas  de 
»  connivence,  privés  de  leur  état  ». 

Malgré  cette  fage  difpofuix)n  y  on  ne  rencontre 


PERTURBATEUR. 

dans  les  villes  &  dans  les  villages  ,  que  trop  d'hom- 
nics  armés  ,  auxquels  le  libertinage  ,  la  chaleur  des 
difputes  ,  les  fumées  du  vin  ,  font  commettre  des 
meurtres  c  :i  ncuiïcnt  point  troublé  l'ordre  de  la 
fociété ,  fi  l'on  en  eiàt  ôté  les  moyens  aux  coupa- 
bles. 

Tous  les  criminalités  s'élèvent  avec  force  con- 
tre ceux  qui  efcaladent  de  nuit  les  maifons  des  par- 
ticuliers ,/v«iimoni  cju/i  ,  foit  pour  d'autres  mo- 
tifs ,  quand  même  ce  ne  feroit  pas  pour  y  com- 
mettre des  vols,  parce  que  ces  Perturbateurs  vio- 
lent l'afyle  le  plus  facré ,  &  dans  le  temps  où  le 
citoyen  doit  repofer  tranquille  fous  la  proteâion 
des  lois. 

Comme  les  délits  du  Perturbateur  attaquent  la  fo- 
ciété ,  ils  font  mis  au  nombre  de  ceux  qu'on  défigne 
fous  le  titre  de  cas  royaux  ,  &  que  l'article  1 1  de 
l'ordonnance  de  1670  déclare  «  devoir  être  connus 
5>  &  jugés  ,  prlvativement  aux  autres  juges  &  à 
j)  ceux  des  feigneurs ,  par  les  baillis  ,  fénéchaux  & 
j>  juges  préfidiaux  u. 

Si  par  un  effet  de  (on  crédit  ou  de  la  terreur  que 
fon  courage  ,  que  fa  force  infpirent  ,  ou  eniin  par 
l'éloignernent  qu'on  a  pour  les  fuites  d'une  accufa- 
tion  criminelle  ,  pas  un  des  offenfés  ne  rend  plainte 
contre  le  Perturbateur ,  le  minillvîre  public  ,  en  fa 
qualité  de  proteéleur  de  l'ordre  ,  doit  le  poiufuivre 
à  fa  requête  fur  les  faits  qui  lui  ont  été  dénoncés', 
ou  que  la  renommée  a  portés  jufqu'à  lui  ;  d'après 
l'information  qui  eft  fuivie  de  décrets  plus  ou  moins 
févéres,  les  juges  ayant  enfuite  égard  à  la  gravité 
du  trouble,  prononcent  contre  Taccufe,  ou  une 
injonction ,  ou  une  admonition,  ou  une  forte  amen- 
de ,  ou  même  le  blâme. 

L'auteur  d'un  nouvel  ouvrage  qui  a  pour  titre 
ejfai  fur  les  réformes  â  faire  dans  notre  U^ifiaiion  cri- 
7fl;>2///e  ,  propofe  de  punir ,  principalement  par  un 
temps  de  prifon  plus  ou  moins  long  ,  fuivant  la 
gravité  des  clrconftances  ,  «  les  Perturbateurs  du 
n  repos  public  ,  ceux  qui  cherchent  querelle  dans 
■>■)  les  rues,  injurient,  &  battent  les  autres;  ceux 
J>  qui,  par  efprit  d'infubordination ,  refufent  d'o- 
•>■>  bcir  aux  ofRciers  de  police  dans  leurs  fondions 
»,  &.  leur  manquent  de  refpeâ;  ceux  qui  commet- 
'  ^'tent  du  fcandale  dans  les  églifes  &  ailemblées 
j)  publiques  ;  ceux  qui  auront  gêné  la  liberté  des 
'»  autres,  en  les  tenant  en  chartre  privée  ,  ou  qui 
«  auront  furpris  du  gouvernement ,  fur  un  faux 
»>  expofé  ,  des  ordres  pour  faire  renfermer  un  ci- 
"  toyen  53. 

L'auteur  ,  avant  d'indiquer  la  prifon  pour  peine 
de  ces  délits  ,  avoit  obfervé  avec  raifon  ,  que  dans 
l'ordre  judiciaire  ,  tel  qu'il  exiile  parmi  nous  ,  a  la 
«  prifon  n'eft  point  une  peine  ;  cependant,  ajoute- 
»  t-il  ,  il  femble  que  Thomme  eft  aïïez  jaloux  de  fa 
»  liberté,  pour  que  la  peine  deia  prifon  trouve  fa 
»  place  parmi  celles  qu'il  efl  permis  de  lui  infliger. 
))  Dans  l'état  focial ,  il  ne  jouit  que  dune  liberté 
j>  reftreinte  ;  cette  liberté  eftfubordonnéeà  fes  de- 
j;  voirs  i  elle  dégénère  en  licence  s'il  les  enfreint. 


PERTURBATEUR.        117 

5)  Cette  licence  ,  dans  tous  les  cas  qui  n'ont  trait 
V  ni  à  vol  ni  à  aflaffinat ,  &  qui  ne  préfcnrent  qu'un 
■)■)  trouble  paffager ,  peut  être  juftement  punie  par 
»  un  temps  de  prifon  :  une  telle  peine  contrarie 
»  même  parfaitement  avec  l'efprit  d'indépendance 
»  qui  porte  l'homme  à  de  pareils  écarts  ;  elle  cft 
»  donc  efficacement  réprimante  pour  cette  nature 
»  de  délits  »». 

Ces  réflexions  nous  ont  paru  diclées  dans  un 
efprit  de  modération  &  d'équité  ;  au  furplus  ,  elles 
ont  été  en  partie  d'avance  adoptées;  car  dans  les 
villes  où  il  y  a  un  juge  de  police  établi,  fur-tout 
pour  arrêter  le  trouble ,  contenir  l'audace  &  veil- 
ler à  la  tranquillité  publique  ,  il  arrive  rarement 
que  la  juftice  des  tribunaux  ordinaires  foit  dans  le 
cas  de  juger  les  Perturbateurs  ,  qui  font  pour  l'ordi- 
naire punis  miniflériellement ,  c'eft-à-dire  ,  con- 
damnés à  fubir  une  captivité  plus  ou  moins  lon- 
gue, plus  ou  moins  humiliante  ,  en  raifon  de  leurs 
délits  &  de  la  confidération  attachée  à  leur  nom ,  à 
leur  fortune  ,  &  à  leur  profeffion. 

On  fent  bien  que  nous  ne  comprenons  pas  dans 
cet  article  l'aftion  de  ceux  qui  portent  le  dom- 
mage aux  habitations  ,  aux  héritages  ,  &  qui,  par 
cette  raifon  ,  s'expofent  à  être  pourfuivis,  foit  au 
civil ,  foit  au  criminel ,  &  à  être  condamnés  à  des 
réparations  &  des  indemnités  proportionnées  au 
tort  réel  qu'ils  ont  occafionné  ,  &  aux  moyens 
qu'ils  ont  employés  pour  nuire.  Ces  fortes  d'atten- 
tats ,  qui  offenfent  plus  les  particuliers  que  la  fo- 
ciété, font  compris  fous  la  dénon)ination  de  trou- 
ble ,  qui  fait  le  fujet  d'un  autre  article.  (  Cet  article 
ejî  de  M.  DE  LA  Croix  ,  avocat  an  parlement  ). 

PÉTITION  D'HÉRÉDITÉ.  Voyc^  Héritier  , 
Succession. 

PÉTITOIRE.  Ce  mot  fignlfîe  une  demande 
faite  en  juflice  pour  obtenir  la  propriété  d'un  hé- 
ritage (  I  )• 


(  I  )  Formule  de  cette  demande. 

L'an.  .  le...  à  la  cequète  du  iîeur  Felîx  Tapvé  ,  msrcliatirl  , 
&:c.  je...  huiffier...  foullîgné,  cercifie  avoir  donné  afïigaafion 
au  (leur  Charles  Cadaux  ,  bourgeois  ,  6:c.  à  comparo  r  d'buî 
en  huitaine  à  l'aud'ence  du  parc  civil  ciu  châtelit  de  Paris, 
pour  voir  di  e  qu'il  fera  tenu  d'abandonner  &  délaiffer  au 
demandeur  la  polTelTion  d'une  pièce  de  terre'fife  .i.,.  apparte- 
tenante  au  demandeur,  au  moyen  de  l'acquifition  qu'il  en  a 
faite  du  f  Heur  Etienne  le  Roi ,  bourgeois  de  Parii,  par  con- 
trat paffe  le...  de  laquelle  jjicce  ledit  lieur  Cadaux  s'eft  em- 
perc  5  qu'il  Cen  en  i  utre  condamné  à  payer  au  demandeur  la. 
fomme  de...  pour...  années  de  fermages  &:  joiiilTances  d'icelle, 
fi  mieux  il  n'aime  rellituer  les  fuits  de  ladiie  pièce  déterre, 
par  lui  perçus  &  à  percevoir  en  la  manière  ci-après;  ce  qu')l 
fera  tenu  d'opter  dans  trois  jours  de  la  fentence  à  intervenir  , 
finon  ,  déchu  de  l'option  ,  &  ladite  fentence  exécutée  pure- 
ment &  fimplement  pou- ladite  fomme  ne...  ;  &  en  cas  d'cp- 
tion  de  refliiution  de  fruits,  qu'elle  fera  fsie  ,  fa  voir  ,  la 
dernière  année  en  efpcce.T,  &:  les  aurres  fuivant  la  )i:]uidaiicn 
qui  en  fera  faite  ,  eu  fgud  aux  qaatre  faifon':  &:  prix  commun 
de  chaque  année  ,  aux  termes  de  l'or^orinnce  ;  à  l'effet  de 
ruoi,  &  pour  y  parvenir  ,  tenu  le  défendeur ,  à  la  première 
ro:r  mation  qui  lui  en  fera  faite  ,  de  repréfenter  pardevant  le 
conimiflaire,.,  ou  autre  qu'il  plaira  à  I.1  cour  commettre  ,  les 


ii8  PÉTITOIRE. 

On  dit  clans  le  inème  fens  adion  Piiïtolre. 

Le  Pétitoire  eft  oppofé  au  pofTcflbire  :  celui-ci 
fe  juge  pai-  la  pofTeflion  d'an  l'Si  jour  ;  &.  celui-là  , 
par  le  mérite  du  fond  ,  fur  les  titres  ik  la  pofleinon 
immémoriale. 

Suivant  l'article  4  du  titre  18  de  l'ordonnance 
du  mois  d'avril  1667,  celui  contre  lequel  la  com- 
plainte ou  réintégrande  a  été  jugée  ,  ne  peut  for- 
mer fa  demande  au  Pétitoire  qu'après  la  ceflation 
du  trouble ,  &  que  celui  qui  a  été  dépoffédé  ,  a 
été  rétabli  dans  la  polTelTion  ,  avec  reftitution  des 
fruits  &  revenus  :  il  faut  en  outre  que  ce  dernier 
foit  payé  des  dépens,  dommages  &  intérêts  qu'on 
a  pu  lui  adjuger.  Cependant  s'il  néglige  de  faire 
taxer  fes  dépens,  &  liquider  les  fruits  ,  revenus  , 
dommages  &  intérêts  dans  le  temps  qui  lui  a  été 
fixé  ,  fon  adverfaire  peut  pourluivre  le  Péti- 
toire, en  donnant  caution  de  payer  le  tout  après 
la  taxe  &  liquidation  qui  en  fera  faite. 

Les  demandes  en  complainte  ou  réintégrande 
ne  peuvent  être  jointes  au  Pétitoire ,  ni  le  Péti- 
toire pourfuivi  avant  que  la  demande  en  com- 
plainte ou  réintigrande  ne  foit  terminée ,  &  la  con- 
damnation exécutée  :  ainfi  il  cft  défendu  d'obtenir 
des  lettres  pour  cumuler  le  Pétitoire  avec  le  pof- 
fedoire.  Telles  font  les  difpofitions  de  l'article  5. 

En  matière  bénéficiale  ,  on  diflingue  ,  comme 
en  matière  civile  ,  le  Pétitoire  &  le  poflelToire. 
Lorfque  la  demande  eft  au  Pétitoire  d'un  béné- 
fice ,  elle  ne  peut  être  portée  que  devant  le  juge 
d'églife  i  mais  iorfqu'elle  ne  tend  qu'au  polTelfoire, 
le  juge  laïque  eft  feul  compétent  pour  en  connoî- 
tre  :  c'ert  un  des  principaux  articles  des  libertés  de 
l'églife  gallicane.  Dans  ce  dernier  cas,  c'efl-à-dire, 
lorfque  la  caufe  fur  le  poiTefibire  dun  bénéfice  cfl 
portée  au  tribunal  laïque ,  le  juge  ordonne  de  trois 
chofes  l'une  :  fi  le  droit  de  l'un  des  contendans  eft 
vifiblement  fupérieur  à  celui  de  l'autre ,  on  le  main- 
tient dans  la  poflefiîon  du  bénéfice,  &  ce  jugement 
de  pleine  maintenue  ou  au  plein  poflefToire  ,  étant 
rendu  fur  le  vu  des  titres  des  parties  au  fond  ,  on 
ne  peut  plus  enfuite  agiter  de  nouveau  la  queftion 
au  Pétitoire  devant  le  juge  eccléfiaftique  ,  parce 
«[ue  ce  feroit  indireélement  foumettre  le  jugement 
laïque  à  l'examen  &  à  la  corredion  du  juge  ecclé- 
fiaftique.  Si  la  matière  ne  fe  trouve  pas  difpofée 
à  maintenir  définitivement  l'un  des  contendans 
plutôt  que  l'autre,  mais  cependant  que  l'un  des 
deux  ait  un  droit  plus  apparent ,  on  lui  adjuge  la 
recréance,  c'eft-à-dire  ,  la  podeffion  provifoire  pen- 
dant la  conteflatîon.  Enfin,  files  deux  parties  n'ont 


comptes ,  papiers  de  recette  &  baux  à  ferme  ,  &  de  donner 
par  déclaration  les  frais  de  labours ,  femenccs  &:  récoltes  de 
ce  cju'il  aura  fait  valoir  par  (es  mains ,  «Se  de  la  quantité  des 
fruits  qui  en  font  provenjs  ,  pour,  après  la  dédudHon  faite 
des  frais  ,  être  le  l'urplus  (  (î  aucun  y  a  )  payé  dans  un  mois 
pour  tout  dMji  ;  qu'il  fera  en  outre  condamné  aux  dommages 
1^  inté.èis  du  demandeur  ,  rci'ulranc  de  la  non  jouiffance  de 
ladite  pièce  de  terre  ,  à  donner  par  état ,  &  aux  dépens  3  & 
fignitic  que  W  A...  procureur ,  occuper»  ,  ôcc. 


PIED-  FOURCHÉ. 

pas  un  droit  plus  apparent  lune  que  l'autre,  (5>n 
ordonne  le  fequeflre  provifionnel  des  fruits  du  Lé- 
n.iice  contentieux,  jufqu'à  ce  que  le  fonds  foit 
jugé. 

La  grand'chambre  du  parlement  de  Paris  efi  feule 
compétente  pour  connoitre  du  Pétitoire  des  béné- 
fices qui  viennent  à  vaquer  en  régale  :  cette  con- 
noifiance  lui  a  été  attribuée  par  l'article  19  du  titre 
15  de  l'ordonnance  de  1667,  privativement  aux 
autres  chambres  du  même  parlement,  &  à  toutes 
les   autres  cours  &  fiéges. 

Voyez  les  articles  Complainte.  Possession, 

RÉINTÉGRANDE,    RÉGALE,    <kc, 

PEZADE.  Voyei  Alby. 

PIÈCE.  Ce  mot  fe  dit  des  différente?  fortes  de 
titres ,  papiers  ik  procédures  qui  fervent  pour  ua 
procès. 

Voyez  Faux  ,  Inscription  de  faux  ,  Pro- 
duction, Appointement  ,  Vérification  d'é- 
criture ,  Compulsoire,  Collation,  &c. 

PIED-CORNIER.  C'efi  ,  en  termes  d'eaux  & 
forêts  ,  l'arbre  qu'on  laifle  à  l'extrémité  d'un  ar- 
pentage,  d'un  héritage,  pour  fervir  de  marque  & 
de  renfeignement.  •> 

Suivant  l'article  9  du  titre  15  de  l'ordonnance 
des  eaux  &  forêts  ,  les  Pieds-corniers  doivent  être 
marqués  du  marteau  du  roi  &  de  ceux  du  grand 
maître  &  de  l'arpenteur  ,  fur  les  deux  faces  qui 
regardent  directement  les  lignes  ou  brifées  à  droite 
&  à  gauche. 

Lorfqu'il  ne  fe  trouve  pas  dire<Sement  dans  l'an- 
gle d'arbre  fur  lequel  on  puilTe  appliquer  les  mar- 
teaux ,  l'arpenteur  eft  autorifé  à  en  emprunter  ;  & 
les  arbres  ainfi  empruntés  doivent  être  fpécialc- 
ment  défignés  dans  les  procès-verbaux  d'aflîette, 
par  leur  âge  ,  qualité  ,  nature  &  grofleur ,  &  par 
la  diftance  où  ils  fe  trouvent  de  l'angle  &  des  au- 
tres Pieds-corniers.  Cela  eft  ainfi  réglé  par  l'article 
6  du  titre  cité. 

L'amende  pour  chaque  Pied-cornier  abattu  eft 
de  cent  livres ,  &  s'il  a  été  arraché  on  déplacé  ,  de 
deux  cens  livres.  C'eft  ce  qui  réfulte  de  l'article  4 
du  titre  32. 

Lorfque  ,  pendant  l'ufance  ou  exploitation  ,  un 
Pied-cornier  vient  à  être  abattu  par  le  vent  ou  autre 
accident,  l'adjudicataire  doit  en  avertir  le  fergent 
à  garde  ,  qui  de  (on  coté  eft  obligé  d'en  informer 
les  officiers  de  la  maîtrife,  pour  marquer  un  autre 
Pied-cornier,  fans  frais,  conformément  aux  difpo- 
fitions de  l'article  46  du  titre   1 5. 

PIED  FOURCHÉ.  On  appelle  ainfi  un  impôt  fur 
l'entrée  &  la  vente  de  quelques  animaux  qui  ont  le 
pied  fendu  ,  tels  que  les  bœufs ,  veaux,  moutons, 
brebis  ,  chèvres  ,  cochons  ,  &c. 

On  ignore  quelle  eft  l'origine  de  cet  impôt  ;  il  eft 
fixé  par  une  ordonnance  de  1680,  rendue  pour  le 
reftbrt   de  la  cour  des  aides  de  Paris. 

Un  édit  du  mois  de  mars  1633  ,  regiftrc  à  la 
cour  des  îildes  de  Rouen  ,  a  ordonné  l'exécution 


PIERRE.   PIERRIER. 

d'un  ancien  tarif  de  ce  droit,  &  de  quelle  manière 
il  tlwvoit  être  perçu  dans  le  Cotentin. 

Voyez  le  traité  des  aides  de  la  Bellande ,  n".  1S4 
&  fuivans,  &  n".  729  &  fuivans.  Voyez  aulfi  les 
iettres-patentes  du  19  juillet  1729.  {^Article  de  M. 
Boucher  d'Arcis,  confàUer  au  châtdci .,  & 
membre  de  Pa  adêmie  de  .Rouen  ,  &c. 

PIERRE.  PIERRIER.  La  pierre  e/î  une  matière 
fort  dure  ,  qu'on  employé  dans  les  bâtimens  & 
dans  les  pavés;  &  l'on  nomme  Pierùsr,  un  ou- 
vrier qui  tire  la  Pierre  des  carrières  ,  £:  la  façonne. 
Nous  avons  rapporté  iVus  le  mot  GRAis ,  un 
règlement  fait  fur  cette  matière  pour  la  châtellenie 
de  Lille. 

"  Le  parlement  d::  Guyenne  s'en  eA  occupe  pour 
fon  rellort.  Trois  arrêts  de  cette  cour  des  26  mai 
1751,  5  avril  175S  S:  17  inars  1767 ,  ont  fixé  la 
jaiige  de  la  Pierre  de  Bourg  îk  de  Roque-de-tau, 
^ui  fe  port:  jk  divsnt  de  la.  ville  de  Bordeaux  ^  & 
ont  pris  différeates  précautions  pour  que  cette 
jaii^e  im  exadcment  obfervée.  Le  troifréme,  par 
exe.nple  ,  ordonne  que  chaque  année  ,  il  fera  nom- 
mé par  les  marchands  de  Pierre  de  R.oque-detau 
&  de  Bourg  ,  ou  ,  à  lei.r  défaut,  par  les  bailes  des 
maiires  architet^es  de  Bordeaux  ,  quatre  fyndics 
parmi  les  marchands  ,  deux  pour  Roque-de-tau  ,  & 
deux  pour  Bourg ,  qui  veilleront ,  chacun  en  droit- 
foi ,  à  l'exécution  de  l'arrêt,  &  en  cas  de  contra- 
vention ,  feront  tenus  à  en  faire  leur  dénoncia- 
tion au  procureur  du  roi  du  fiège  royal  de  Bourg , 
auque'  il  enjoint  d'en  faire  informer  à  fa  requête 
&.  de  poufuivre  extraordinairement  les  contre- 
venans ,  jufqu'à  fentence  définitive  inclufivement , 
fauf  l'appel  à  la  cour. 

Le  25  avril  1768,  M.  le  procureur-général  du 
parlement  de  Bordeaux  ,  a  remontré  à  fa  compa- 
gnie que  cet  arrêt  ne  recevoit  pas  une  exécution 
auffi  exaâe   qu'on  étoit  en    droit  de  l'exiger.  «  Les 
»  quatre  fyndics  (  a-t-il  dit  )    ont  été  nommés  en 
»  conféquence   par  les  marchands  ;   mais    l'arrêt 
«  n'en  eft  point  pour  cela  mieux  exécuté.  Non- 
»  feulenaent  la  Pierre  qui  eft  portée  au-devant  de 
»  cette  ville  ,  n'eft  point  de  la  jauge  fixée  par  les 
»>  arrêts  ,  mais  encore  elle  eil  déte6tueufe ,  en  forte 
«  que  le  public  ne  retire  aucun  fruit  des  précau- 
»  tions  prifes  par  la  cour.  Cela  a  donné  lieu  au 
»>  pri^cureur  -  général  du  roi  de  faire  faifir  partie 
«  de  cette  Pierre ,  tant  au  préjudice  des  marchands , 
»  que  des  fyndics  eux-mêmes  ,  qui  prétendent  qu'il 
»  ne   leur  eft  pas  poffible  de  faire  exécuter   les 
»  arrêts  de  la  cour,  malgré  les  dénonciations  qu'ils 
ï>   ont  pu  faire  au  fubftitut  du  procureur-général 
»  du  roi  au  fiége  de  Bourg  ;  ils  expofent  que  la 
»  Pierre  eft  tirée  dans  différentes  carrières  par  plu- 
»  fieursPierriers  ou  carrieurs,  qui  ne  la  tirent  pas 
»  de  jauge  ;  que  ces  pierriers  font  commandés  par 
j»  divers  chefs  de  carrières  ou  maîtres  de  dotes  , 
>5  qui  ont  la  confiance  &  font  chargés  de  recevoir 
»  les   droits   des  propriétaires  detdites  carrières; 
«  qu'eux  marchands ,  n'ont  aucune  inf^edioii  fur  J 


PiERRE.  PIERRIER.     119 

n  lefdits  pierriers  ,  dcfqucls  ils  ne  font  qu'acheter 
»  la  Pierre,  &  qu'ils  devraient  avt»ir  quatre  adjoints 
»  parmi  les  maîtres  des  clotcs ,  lefquek  veilleroient 
»  fur  les  pierriers  ,  &  les  obligeroicnt  à  tirer  la 
M  Pierre  de  la  jauge. 

»  Ces  raifons  paroiftent  d'autant  plus  foibles, 
»  que  les  arrêts  font  faits  pour  être  exécutés  par 
»  les  pierriers  comme  par  les  marchands;  &  que 
»  ceux-ci  n'auroient ,  pour  contraindre  lefdits  pier- 
»  riers  à  s'y  conformer,  qu'à  ne  pas  acheter  d'eux 
»  de  la  Pierre  qui  ne  fût  de  la  jauge  fixée  par  lefdits- 
j>  arrêts.    Cependant,  comme  le  moyen  propofé 
'>  parles  marchands  ne  peut  que  contribuer  encore 
i>  à  l'exécution  des  règlements,  le  procureur-géné- 
»  rai  du  roi  penfe  que  la  cour  peut  l'adopter ,  en 
"  ordonnant  au  furplus  l'exécution  de  cet  arrêt  >». 
En  conféquence,  arrêt  eft  intervenu  le  même 
jour,  par  lequel  :  «  la  cour  faifant  droit  fur  le  réqui- 
)'  fitoire  du  procureur  général  du  roi,  a  permis  & 
"  permet  aux  fyndics  des  marchands  de  Pierre  de 
"  Bourg  &  de  Roque-de-tau  ,  de  nommer  par  aâc 
'>  devant  notaire  ,  immédiatement  après  la  publi- 
»  cation  du   préfent  arrêt  ,  &  chaque  année     le 
"  même  jour    de    la  nomination  defdits  fyndics 
»  marchands,  quatre  adjoints  parmi  les  chefs  des 
"  carrières,  ou  maitres    de  dotes,  pour  chacun 
»  defdits  endroits  de  Bourg  ou  de  Roque  tie-tau  • 
'>  lefquels  adjoints  ,  après  que  ledit  ade  leur  aura 
»  été  notifié  &  fignifié ,  feront  tenus  de  veiller 
»  chacun  en  droit- foi,  8c  conjointement  avec  lef- 
"  dits  fyndics  &  marchands ,  à  ce  que  la  Pierre  foit 
"  tirée  par  les  pierriers ,  de  la  jauge  fixée  par  les 
»  arrêts  de  la  cour  ;  &  en  cas  de  contravention 
)>  de  h  part  defdits  pierriers,  feront  tenus,  tant 
'»   lefdits   adjoints  que  lefdits   fyndics,  d'en  faire 
»  leur  dénonciation  au  fubftitut  du  procureur  eé- 
»  néral  du  roi  au  fiêge  royal  de  Bourg  ,  auquel  ef^ 
n  enjoint  de  faire  faifir  &  confifquer  au  profit  des 
»  pauvres ,  la  pierre   qui  ne  fe  trouvera  pas  de 
»  jauge,  de  faire  informer  à  fa  requête  devant  le 
»  juge  du  lieu  ,  &  de  pourfuivre  les  contreve- 
»  nants  extraordinairement  jufqu'à  fentence  défi- 
»  tive  inclufivement  ,  fauf  l'appel  à  la  cour  •  la- 
5>  quelle  Pierre  qui  ne  fera  pas  de  jauge,  ou  qui'  fe- 
»  roit  défeâueufe,  s'il  en  eft  porté  fur  le  port  & 
n  havre  de  cette  rille,  fera  pareillement  faifie  à  la 
»  requête  du  procureur-gêuéral  du  roi ,  &  confif- 
>i  quée  au  profit  des  pauvres.  Ordonne  au  furplus , 
j)  que  les  arrêts  de  la  cour  des  vingt-fix  mai  mil 
)j   fept  cent  cinquante  &  un  ,  cinq  avril  mil  fept  cent 
»  cinquante-huit,  &  dix-fept  mars  mil   fept  cenr 
i>  foixante-fcpt ,  feront  exécutés  fclon  leur  forme 
T)   8c  teneur  ". 

PIGEON.  Sorte  d'oifeau  fort  connu. 
Des  lettres-patentes  ,  données  par  Charles  V  en 
1368,  &  un  arrêt  du  confeil  10  décembre  1689 
ont  fait  défenfes  de  nourrir  des  pigeons  dans  la 
ville  ,  les  f^uxbourgs  Se  la  banlieue  de  Paris. 

Phîfieurs  villes  ont  des  règlemens  de  police  qi?i. 
comiennem  dépareilles  défenfes,  fondées  fur  cr 


1 10  PIGEON. 

que  ces  oifeaux  peuvent  altérer  la  falubrlté  de  l'air. 

Un  arrêt  du  confeil  du  12  décembre  1737,  a 
ordonne  à  tous  les  fermiers  du  roi ,  ayant  colom- 
biers de  Pigeons  bizets  ,  &  aux  particuliers  ayant 
colombiers  ou  volières  dans  les  parcs  du  roi ,  d'en 
dvltruirc  les  pigeons. 

Par  arrêt  du  16  juillet  1779,  le  parlement  de 
Paris  a  autorifé  les  officiers  ,  t  nt  des  fièges  royaux 
que  des  hautes-jufticcs  ,  de  faire  tels  règlemens 
qu'ils  jugeioient  convenables,  pour  empêcher  que 
les  Pigeons  ne  caufafTent  du  dommage  aux  blés 
couchés  par  les  pluies. 

L'artice  12  de  l'ordonnance  du  mois  de  juillet 
1607  ,  difend  4  toute  perfonne,  de  quelque  é!ût  & 
condïtiun  qu  elle  f oit ,  de  tirer  de  l'arquebufe  fur  Ls 
Pigeons  ,  à  peine  de  vingt  livres  d'amende. 

Suivant  l'article  193  de  la  coutume  d'Etampes , 
quiconque  prend  des  pigeons  avec  des  filets  ou  col- 
Lts,  doit  être  puni  comme  pour  laicir. 

L'article  3^,0  de  la  coutume  de  Bretagne,  porte, 
qii'on  ne  doit  tirer  ni  tendre  iiiix  Pigeons  de  colowbicr 
tivcc  filet  f ,  glu  ,  cordes  ni  autrement ,  //  on  na  droit 
de  le  faire  ,  fur  peine  de  punition  corporelle. 

La  coutume  de  Bordeaux  veut ,  article  1 1 1  ,  que 
ceux  qui  fe  rendent  coupables  de  cette  forte  de 
délit,  foient  condamnée  à  une  amende  de  foixante 
fous  pour  la  première  fois  ,  &  ;iu  fouet,  en  cas  de 
ricidive,  indépendamment  de  l'obligation  de  payer 
le  dommage. 

Par  arrêt  du  24  oflobic  1731,  le  parlement  de 
Paris  a  confirmé  une  fentence  du  bailli  de  Meudon , 
en  ce  qu'elle  déclare  it  Dcnife  le  Loup  ,  femme  de 
Mathieu  Auboin  ,  atteinte  &  convaincue  d'avoir 
fiit  tuer  une  grande  partie  des  Pigeons  du  fieur 
Pommier,  fecrétairc  du  roi ,  mcme  d'avoir  été  pré- 
fente lorfque  fes  domefliques  les  tuoient  par  fes 
ordres  ,  &  en  ce  que  cette  femme  étoit  condamnée 
au  blâme  &  à  dix  livres  d'amende;  mais  la  même 
fentence  a  été  infirmée  ,  en  ce  qu'elle  n'avoit  pro- 
noncé que  c'eux  cens  livres  de  réparation  civile 
contre  la  femme  Aubcin  ,  &  que  celle-ci  n'avoit 
pas  été  condamnée  à  tor.s  les  dépens  folidaircment 
avec  fon  mari ,  qui  étoit  partie  au  procès  ;  en  con- 
féquence  ,  l'ï-rrèt  a  condamné  Auboin  &  fa  femme 
folidaircment  à  quatre  cens  livres  de  réparation  ci- 
yjle  &  à  tous  les  dépens.  Il  leur  a  d  ailleurs  été 
fait  défenfe  de  récidiver,  fous  peine  de  punition 
corporelle,  &  les  dome.Aiques  ont  été  condamnes 
chacun  à  trois  livres  d'an^cnde. 

Par  un  autre  arrêt  du  27  mars  1733  >  '^  niême 
cour  prononçant  fur  l'appel  d'un  décret  de  prife 
de  corps  décerné  contre  le  nommé  Seguin  ,  accufé 
d'avoir  tiré  fur  les  Pigeons  du  feigneur  de  Ver- 
jîienton  ,  a  évoqué  le  principal ,  &  y  faifant  droit , 
a  fait  défenfe  à  Seguin  de  récidiver,  fous  peine  de 
punition  corporelle  ;  Ta  condamné  à  trois  livres 
d'aumône ,  &  à  cent  liv.  de  dommages  &  intérêts , 
§>i  aux  dépens. 

Voyez  les  articles  Colombier  &  Volet. 

f IGNORATIF,  On  appelle  (ontr^j  Pignoratifs 


PIGNORATIF. 

une  forte  de  contrat  de  vente  d'un  héritage  qu'un 
débiteur  pafTe  à  fcn  créancier  ,  avec  ftipulation  que 
le  vendeur  pourra  retirer  l'héritage  pendant  un 
certain  temps  ,  &  qu'il  en  jouira  a  titre  de  loyer, 
moyennant  une  certaine  fomme  ,  qui  eft  ordmai- 
remtnt  égale  aux  intérêts  de  la  fomme  prêtée  ,  & 
pour  laquelle  la  vente  a  été  faite. 

Ce  contrat  cft  appelé  Pignoratif,  parce  qu'il  ne 
contient  qu'une  vente  fimulée,  &  que  fon  véritable 
objet  cft  de  donner  l'héritage  en  gage  au  créancier , 
Se  de  procurera  celui-ci  des  intérêts  d'un  prêt,  en 
le  déiuiifant  fous  un  autre  nom. 

Le  droit  civil  Se  le  droit  canon  admettent  égale- 
ment ces  fortes  de  contrats,  pourvu  qu'ils  foient 
faits  fans  fraude. 

Ils  font  pareillement  autorifés  par  différentes 
coutumes ,  telles  que  celles  de  Touraine ,  d'Anjou  , 
du  iVIaine,  &  quelques  autres.  Comme  dans  ces 
coutumes  \\n  acquéreur  qui  a  le  ténement  de  cinq 
ans  ,  c'ed-à-dire,  qui  a  poffédé  paifiblement  pen- 
dant cinq  années,  peut  fe  défendre  de  toutes  ren- 
tes ,  charges  &  hypoil-.èques  ;  les  créanciers ,  pour 
éviter  cette  prefcnpiion  ,  acquièrent  par  vente  la 
chofe  qui  leur  eft  tngngce,  arln  d'en  conferverla 
pofl'elîion  fiéllve  ,  jul'qu  à  ce  qu  ils  foient  payés  de 
leur  dû. 

Les  contrats  Pignoratifs  différent  de  la  vente  à 
faculté  de  rcméré  &  de  l'antichièfc  ,  en  ce  que  la 
première  tranfmet  à  l'acquéreur  la  pofieffion  de 
l'iiéritage  ,  &  n'eft  point  mêlée  de  relocation  ;  &  à 
l'égard  de  lantichrèle  ,  elle  a  bien  pour  objet, 
comme  le  contrat  pignoratif,  de  procurer  les  inté- 
rêts d'un  prêt  ;  mais  avec  cette  différence  ,  que  dans 
rantichrèfe  c'eft  le  créancier  qui  jouit  de  1  héritage , 

fiour  lui  tenir  lieu  de  fes  intérêts  ,  au  lieu  que  dans 
e  contrat  Pignoratif  c'eft  le  débiteur  qui  jouit  lui- 
même  de  fon  héritage ,  Si  en  paye  les  loyers  à 
fon  créancier,  pour  lui  tenir  lieu  des  intérêts  de 
fa  créance. 

Quoique  ces  fortes  de  contrats  femblent  con- 
tenir une  vente  de  l'héritage,  ce:te  vente  eft  pu- 
rement fiélive  ,  tellement  qu'après  l'expiration  du 
temps  flipulé  peur  le  achat,  l'acquéreur,  au  lieu 
de  prendre  poffe/îlon  réelle  de  l'héritage  ,  pro- 
roge au  contraire  la  faculté  de  rachat  &  la  reloca- 
tion ;  ou  à  la  fin  ,  lorfqu'il  ne  veut  plus  la  pro- 
roger, il  fait  faire  un  commandement  au  vendeur 
de  lui  payer  le  principal  &  les  arrérages  ,  fous  le 
nom  de  Loyers  ;  &  faute  de  payement,  il  fait  fai- 
fir  réellement  l'hiritage  en  vertu  du  contrat  ;  ce 
qui  prouve  bien  que  la  vente  n'eff  que  fimulée. 

Dans  les  pays  où  ces  contrats  font  ufités  ,  ils 
font  regardés  comme  favorables  au  débiteur,  pour- 
vu qu'il  n'y  ait  pas  de  fraude ,  &  que  le  créancier 
ne  déguife  pas  le  contrat ,  pour  empêcher  le  dé- 
biteur d'ufer  de  la  faculté  de  rachat. 

Les  circonrtances  qui  fervent  à  connoître  fi  le 
contrat  efl  Pignoratif,  font:    i**.  La  relocation, 
qui  efl  la  principale  marque  dimpignorstion  :  2°. 
la  vérité  du  prix  :  3°.  confuetiido  fcnnerandi ,  c'eft-à' 

dirç  j 


PIGNORATIF. 

dire ,  lorfque  l'acquéreur  eft  connu  pour  un  ufu-  i 
rier.  La  ftipulation  de  rachat  perpétuel  peut  auffi  j 
concourir  à  prouver  l'impignoration  ;  mais  elle  ne 
formeroit  pas  feule  une  preuve ,  attendu  qu  elle 
peut  èîre  accordée  dans  une  vente  férieufe.  Les 
autres  circonflances  ne  formeroient  pareillement 
pas  feules  une  preuve ,  il  faut  au  moins  le  concours 
des  trois  premières. 

Les  principales  régies  qu'on  fuit  en  cette  ma- 
tière ,  font  que  le  temps  du  rachat  étant  expiré  ,  le 
débiteur  doit  rendre  la  fomme  qu'il  a  reçue  ,  com- 
me étant  îe  prix  de  fon  héritage  ,  fmon  il  ne  peut 
en  empêcher  la  vente  par  décret ,  ni  forcer  fon 
créancier  à  proroger  la  grâce,  ou  àconfentirà  la 
converfjon  du  contrat  Pignoratif  en  conflitution 
de  rente. 

Il  eft  aufli  de  règle  que  les  intérêts  courent  fans 
demande  ,  du  jour  que  le  temps  du  rachat  eft  ex- 
piré, &  alors  le  créancier  peut  demander  fon  rem- 
bourfement;  mais  jufqu'à  ce  que  le  rembourfe- 
ment  foit  fait ,  le  contrat  Pignoratif  eft  réputé  im- 
meuble ,  quand  même  il  y  auroit  déjà  un  juge- 
ment qui  condamneroit  à  rembourfer. 

Suivant  l'article  49  du  tarif  du  29  feptembre 
1722  ,  le  droit  de  contrôle  des  contrats  Pignora- 
tifs ,  doit  être  payé  fur  le  pied  réglé  par  les  articles 
3  &  4  du  tarif.  Voyez  Contrôle. 

Les  contrats  Pignoratifs  ont  été  affujettis  an  droit 
de  centième  denier,  par  l'article  6  de  la  déclara- 
tion du  roi  du  20  mars  1708;  cependant  les  no- 
taires de  Tours  prétendirent,  en  171  5,  que  le  cen- 
tième denier  ne  devoit  pas  être  perçu  à  cet  égard  , 
fur  le  fondement  que  ces  contrats  n'opéroient  point 
•Je  mutatitfs  de  propriété  :  mais  le  confeil  décida  , 
le  3  aoiit  171Ç  ,  contre  l'avis  de  l'intendant,  que 
la  loi  qui  avoit  afilijetti  ces  contrats  au  centième 
denier  devoit  être  exécutée. 

PILLAGE.  C'eft  le  dégât  ,  le  ravage  &  l'en- 
lèvement d'effets  que  font  les  fôldats ,  les  ennemis. 

Les  lois  de  la  guerre  permettent  d'abandonner 
au  Pillage  les  villes  prifes  d'aflaut;  mais  comme 
dans  le  défordre  qui  s'enfuit,  il  n'eft  point  d'afles 
de  licence  ni  de  crimes  que  le  foldat  ne  fe  croie 
permis  ,  l'humanité  doit  engager ,  lorfque  les  cir- 
conflances le  permettent,  à  ne  rien  négliger  pour 
empêcher  ces  horreurs  :  on  peut  obliger  les  villes 
à  fe  racheter  du  Pillage,  &  fi  l'on  diftribue  exaéîe- 
ment  &  fidèlement  au  foldat  l'argent  qui  peut  en 
revenir  ,  il  ne  peut  fe  plaindre  d'aucune  injuf- 
fice  à  cette  eccafion  ;  au  contraire ,  tous  en  pro- 
fitent alors  également,  au  lieu  que  dans  le  Pillage, 
le  foldat  de  mérite  eft  fouvent  le  plus  mal  par- 
tagé ;  ce  n'eft  pas  feulement  parce  que  le  hafard 
en  décide  ,  mais  c'eft  ,  dit  M.  le  marquis  de  Santa- 
Crux  ,  qu'un  foldat  qui  a  de  l'honneur  refte  à  fon 
drapeau  jufqu'à  ce  qu'il  n'y  ait  rien  à  craindre  de 
la  garnifon  ni  des  habitans  ;  tandis  que  celui  dont 
l'avidité  prévaut  fur  toute  autre  chofe  ,  commence 
à  piller  en  entrant  dans  la  ville  ,  fans  attendre  qu'il 
lui  foit  permis  de  fe  débander. 
Tornt  XllL 


PILLAGE,  121 

Outre  le  Pillage  des  villes ,  qui  arrive  très-rare- 
ment, il  y  en  a  un  autre  qui  produit  le  relâche- 
ment de  la  difcipline  ;  c'eft  la  dévailation  que  fait 
le  foldat  dans  le  pays  oii  le  théâtre  de  la  guerre 
eft  établi  :  ce  Pillage  accoutume  le  foldat  à  fecouer 
le  joug  de  l'obéilTance  &  de  la  difcipline  ;  l'euvie 
de  conferver  fon  butin  peut  amortir  fa  valeur , 
&  l'engager  même  à  fe  retirer  :  d'ailleurs  ,  en  rui- 
nant le  pays,  on  le  met  hors  d'état  de  payer  les 
contributions ,  &  l'on  expofe  l'armée  à  la  difcttc 
ou  à  la  famine.  On  fe  prive  ainfi,  par  cette  li- 
cence ,  non-feulement  des  reffources  que  le  pays 
fournit  pour  s'y  foutenir,  mais  on  fe  fait  encore 
autant  d'ennemis  qu'il  contient  d'habitans  :  le  Pil- 
lage de  tout  ce  qu'ds  pofsèdent ,  les  mettant  au 
délefpoir  ,  les  engage  à  profiter  de  tous  les 
moyens  de  nuire  à  ceux  qui  les  oppriment  fr 
cruellement. 

Lorfque  les  troupes  font  une  fois  accoutumées 
au  Pillage ,  au  défaut  de  l'ennemi ,  elles  pillent 
leur  propre  pays,  &  même  leurs  magafins;  c'eft 
ce  qu'on  a  vu  dans  plufieurs  occafions  ,  entr'au- 
tres  dans  la  guerre  de  Hollande  de  1672;  mais 
M.  de  Louvois  fit  retenir  fur  le  payement  de 
toute  l'armée ,  ce  qui  étoit  uéceftaire  pour  dé- 
dommager les  entrepreneurs  ,  8i  il  ordonna  d'en 
ufer  de  même  toutes  les  fois  que  pareille  chofe 
arrlveroit. 

En  matière  de  prife  maritime  ,  le  Pillage  étoit 
autrefois  fi  commun  ,  que  les  équipages  en  étoient 
venus  au  poiftt  de  jurer  devant  un  prêtre  ,  que  de 
tout  ce  qu'ils  pourraient  prendre  &  dérober  des  prifes  , 
foit  or  y  argent ,  bijoux,  &  autres  chofes  de  valeur  , 
ils  nen  révéleraient  aucune  chofe  à  juflice ,  ni  aux 
propriétaires  armateurs  ,  'ni  {à  d'autres ,  &  qu'ils  en 
feraient  le  partage  entreux. 

Les  ordonnances  de  1543  &  de  1584  profcri- 
virent  cet  abus ,  en  enjoignant  aux  corfaires  de 
repréfenter  aux  officiers  de  l'amirauté,  fous  peine 
de  confifcation  de  corps  &  de  biens,  tout  ce  qui 
feroit  delà  prife;  &  il  fut  fait  défenfe  aux  prêtres 
de  recevoir  à  l'avenir  de  pareils  fermens  ,  fous 
peine  de  prifon  ,  &  d'être  pourfuivis  extraordi- 
nalrement. 

Cependant  les  mêmes  \o\s,pour  donner ,  difent- 
elles ,  meilleure  volonté  aux  gens  des  corfaires  ,  d'eux 
vertueufement  employer  aux  efets  de  la  guerre,  leur 
accordèrent  toute  la  dépouille  des  habillemens  ,  har- 
nais &  bâtons  des  ennemis ,  avec  For  &  l'argent  qu'ils 
trouveraient  fur  eux  jufqu'à  la  fomme  de  dix  écus  , 
le  furplus  rapportahle  à  la  maffe  du  butin.  Elles  leur 
accordèrent  auffi  les  coffres  &  communs  habillemens 
des  ennemis  ,  excepté  ceux  de  grande  valeur  ou  qui 
auraient  été  deflinés  a  être  vendus  ,  &  toutes  les  mar' 
chandifes  ,  avec  l'argent  qui  fe  trouverait  dans  lef- 
dits  coffres  &  ailleurs  ,  dont  ils  n  auraient  tout  de 
même  que  lefdits  dix  écus. 

Les  ordonnances  citées  réglèrent  en  outre  ,  qu'on 
ne  regarderoit  pas  comme  Pillage  ,  ce  qui  n'excé- 
deroit  pas  la  valeur  de  dix   écus  :  mais  cela  ne 

Q 


m 


PILLAGE. 


fignifioit  pas  que  chacun  des  gens  du  corfaire  pour- 
voit s'emparer  de  tout  ce  qu'il  trouveroit  fous  fa 
inain  dans  Je  vaiffeau  pris  ,  JLifqu'à  concurrence  de 
dix  écus  ;  le  légiflateur  avoit  feulement  voulu  dire 
que  de  tout  ce  que  les  gens  du  corfaire  auroient 
pris  dans  les  chofes  même  fujettes  à  Pillage ,  ils  ne 
pourroient  garder,  à  titre  de  Pillage  licirc,  que  la 
valeur  de  dix  écus. 

11  paroît  que  c'eft  en  conféquence  de  ces  lois 
que  la  dépouille  des  ennemis  ,  leurs  coffres,  leurs 
hardes,  leurs  armes,  &  les  inftrumens  de  leur 
profeffion  ,  appartiennent  à  l'équipage  du  cor- 
faire, félon  le  grade  de  chacun  :  ainfi  le  capitaine 
corfaire  emporte  la  dépouille  du  capitaine  pris  , 
avec  fon  coffre  ;  le  pilote ,  la  dépouille  du  pi- 
lote pris,  avec  les  inftrumens  du  pilotage  ;  &c. 
&  les  matelots ,  la  dépouille  des  matelots  pris  , 
chacun  pour  ce  qu'il  peut  en  prendre  ,  Si  fans 
aucun  rapport,  foit  au  profit  de  l'armateur,  foit 
entre  eux. 

11  n'y  a  d'exception  que  par  rapport  au  coffre 
du  capitaine,  dont  la  valeur  ne  lui  eft  acquife  que 
jufqu'à  concurrence  de  cinq  cens  écus  :  le  furpliis 
doit  être  rapporté  à  la  maifo  ;  c'eft  pourquoi  ce 
coffre  doit  être  vifité  &  inventorié  féparéinent  par 
les  officiers  de  l'amirauté,  en  préfence  de  l'arma- 
teur, après  que  la  prile  a  été  ju^ée  bninne.  S  il  pa- 
roît évident  que  la  valeur  du  coffre,  &  de  ce  qu  il 
contient ,  n'excède  pas  la  (omme  fixée  ,  la  déli- 
vrance s'en  fait  fur  le  champ  au  capitaine  corfaire  , 
pour  en  difpofer  à  fa  volonté  :  fi  au  contraire  le 
coffre  &  les  effets  qui  s'y  trouvent  valent  phis  de 
cinq  cens  écus,  on  en  ordonne  la  vente,  &  fur 
le  prix  qui  en  provient ,  le  capitaine  eft  payé  de  la 
fomme  à  lui  due  ,  &  le  furpUis  fe  joint  au  pro- 
duit des  marchandifes  de  la  prife.  C'eft  ce  qui  ré- 
fuite  de  l'article  15  du  règlement  du  25  novem- 
bre  1693. 

Au  refte  ,  on  fe  rend  coupable  du  Pillage  d'une 
prife,  non  feulement  quand  on  fait  l'ouverture  des 
coffres,  ballots,  facs  ,  tonneaux  ,  &c.,  mais  encore 
quand  on  tranfporte  ou  qu'on  vend  quelque  mar- 
chandife  de  la  prife  ;  de  manière  qu'il  fuffit  d'en 
avoir  tiré  fecrètement  &  mis  à  terre  quelque  por- 
tion fans  l'ordre  Sc  l'aveu  des  officiers  de  l'ami- 
rauté, pour  être  fujet  à  la  punition  prononcée  par 
l'article  20  du  titre  9  du  livre  3  de  l'ordonnance 
de  la  marine  du  mois  d'août  1681  ,  dont  voici 
les  termes  : 

n  Défendons  de  faire  aucune  ouverture  des 
I)  coffres,  ballots,  facs,  pipes,  barriques,  ton- 
j>  neaux  &  armoires  ;  de  tranfporter  ni  vendre  au- 
j»  cune  marchandife  de  la  prife,  &  à  toutes  per- 
j>  fonnes  d'en  acheter  ou  receler,  jufqu'à  ce  que  la 
j»  prife  ait  été  jugée,  ou  qu'il  en  ait  été  ordonné 
»  par  jiiftice  ,  à  peine  de  reftiturion  du  quadruple, 
»  &  de  punition  corporelle  v. 

On  voit  que  cette  loi  prononce  une  double 
peine;  la  reftitution  du  quadruple  Si.  la  p'unitio;! 
corporelle  :  céue  double  peine  s'applique  natu--  j 


PILLAGE. 

rellement  à  tous  les  cas  exprimés  par  l'article  dé 
i  ordonnance  qu'on  vient  de  rapporter  :  cepen- 
dant comme  cette  punition  auroit  pu  être  trop 
rigoureufe  en  pluficurs  circonftanccs ,  Louis  XIV 
jugea  à  propos  de  la  tempérer  par  la  lettre  qu'it 
écrivit  le  25  feptembre  1709  ,  à  M.  le  comte  da 
Touloufe ,  amiral  de  France  ,  laquelle  eft  ainfi 
conçue  : 

»  Mon  fils ,  je  fuis  informé  de  la  diverfité  des 
»  avis  qui    fe  rencontrent  tous  les  jours  devant 
»  vous  ,  en   exécution  ou  interprétation  de  l'ar- 
»  ticle  20  de  mon  ordonnance  de  1681  ,  concer- 
"   nant  la  marine  ,  qui  porte  ,  défendons  de  faire  au- 
»  cune  ouverture  des  coffres ,  &c.  ,  &  que  cette  di- 
»  verfité  de  fentimens  ,  qui  ne  peut  que  caufer 
»  des  difficultés  Si.  de  l'embarras  dans  le  jugement 
»  des  prifes ,  vient  de  ce  que  les  deux  peines,. 
»  l'une   du   quadruple  &  l'aiure  corporelle  ,  pa- 
»  roiftent  fi   unies  &  fi  jointes  enfenible    par  la 
'»  conftruélion  des  termes  ,  qu'on  les  peut  croire 
"  inleparables  ,  en  forte  qu'on   ne  les  puifte  pro- 
»  nunccr  que  l'une  avec   l'autre;  ce  qui    cepen- 
"  (lant  n'a  jamais   été  mon  intention   dans    cette 
»  ordonnance  ,  ayant  au  contraire  toujours  penfé 
»  que  chaque  peine  devoir  être  ordonnée  fuivanfc 
»  chacun  cas  particulier;   en  forte  qu'en  certains 
"  cas  dans  lefqucls  la  contrijvention  fe  tro'  vt-roit 
»  légère  ,  la  punition  ne  fût  que  du  quadruole  ^ 
»  outre  la  reftitution.  Se  que  dans  d'autres  cas,, 
^  au  contraire,  dans  lefquels  la  contravention  fe 
"  trouveroit  plus  grande  ,  &  pourroit  être  regar- 
"  dée  comme  un  crime  plus  puniftable,  la  peine 
»  corporelle  pût  être  ajoutée  à  la  peine  civile  do 
"  la  relhtucion  &  à  celle  du  quadruple.  Pour  le-- 
»  ver  donc  les  difficultés  ,   &  vous   laiffer  dans 
"  les  jugemens  toute  la  liberté  que  j'ai  toujours 
"  eu  intention  de  vovis  donner  ,  je  vous  écris  cette 
"  lettre  ,  pour  vous  dire  ,  que  je  me  remets  ahfo- 
"  lument  à  vous  à  décider  &  à  déterminer  cha- 
»  cun  de  ces  deux  cas  ;  en  forte  que  dans  ceux- 
"  OLi  vous  jugerez  que  la  peine  du  quadruple  fuf- 
"  ht,  outre  la  reftitution  ,  vous  l'ordonnerez  fans 
"  parler  de  la  peine  corporelle  ;&  que  dans  l'au- 
"  tre  cas  où  vous  jugerez  que  la  peine  du  quadru- 
'»  pie,  outre  la  reftitution  ,  ne  fuffira  pomt  pouf 
"  la  punition  de  la  contravention,  vous  puiffiez, 
"  après  avoir  condamné  les  contrevenans  à  ces 
"  peines  pc;cuniaires,  renvoyer  le  procès  aux  of- 
»  ficiers  de   l'amirauté,  pour  procéder  extraordi-- 
»  nairement  contre  les  coupables,  &  les  condam- 
»  ner  aux  peines  corporelles  qu'ils  cro  ront  qu'ils 
"  méritent,  fuivant  la  qualité  du  crime  &  de  la 
>»  contravention,  &  fans  qu'en  aucun  cas  les  offi- 
»  ciers    des    amirautés    puiffent    prétendre   avoir 
«droit  de  prendre  la  voie  extraordinaire,  quand 
»  vous  ne  la  leur  aurez  pas  renvoyée  par  vos  ju-- 
»  gemens  ;  &  la  préfente  n'étant  à  autre  fin  ,  &c.  »• 
Il  réfulte  ce  là ,  i**.  qu'en  exécution  de  cet  ar- 
ticle ,  il  eft  laiffé  ;'i  la  prudence  de  M.  Tamiral  de; 
déterminer  &  diflinguer  les  cas  ou  la  peine  ci?. 


MLLAGÈ. 

vile  (iiffit,  de  ceux  on  la  peine  corporelle  doit  y 
être  ajoutée. 

2°.  Que  dans  ce  dernier  cas,  M.  l'amiral  ne 
"peut  prononcer  que  la  peine  civile ,  &  que  pour 
îa  corporelle  il  doit  renvoyer  l'affaire  aux  officiers 
de  l'amirauié,  en  les  chargeant  de  la  pourfuivre  à 
l'extraordinaire. 

3".  Enfin  que,  quoiqu'il  folt  du  devoir  des  officiers 
de  l'amirauté  de  ^'inforir-er  s'il  y  a  eu  du  Pillage 
dans  les  prifes  ,  &  de  travailler  à  conftater  le  fait , 
il  ne  leur  eft  pas  permis  néanmoins  de  prendre 
d'office  la  voie  extraordinaire,  &  qu'ils  ne  le  peu- 
vent qu'autant  qu'ils  en  reçoivent  l'ordre  de  M. 
l'amiral  dans  les  jugemens  qu'il  rend  fur  le  fait 
des  prifes. 

Cette  dernière  difpofitlon  a  fouffert  du  change- 
ment par  l'ordonnance  du  mois  d'août  1710(1  ). 

(  I  )  Cttte  Ordonnance  eji  ainfi  conclue  : 

Sa  majeltc  étant  informée  tjuï  quelque  foin  qu'on  ait  pi  Js 
par  les  ordonnances  anciennes  &  noiivcHcs  fur  Je  fait  de  la 
marine  ,  quelquei  prècau-ions  qu'on  ait  apportées  jufqu'à 
préfent  pour  enipcchec  les  Pillages,  d.'prLt!,tciens  d'etFets  , 
diveiriflcmens  ,  &  autres  rhâlvctfations  femblables  qui  fe 
commettent  fouvent  dans  les  prifes  faites  par  les  armateurs  , 
quelque  révères  qu'aient  été  les  peines  prononcées  par  ces 
lois,  6c  notamment  par  l'article  10  du  titre  des  prifes  de  l'or- 
donnance de  I  éSl  ;  cependant  tous  ces  réglemens  n'ayant  pu 
arrêter  une  licence  qui  augmente  tous  le»  )ours  ,  par  l'impu- 
nité des  coupables ,  pa,  le  peu  d'attention  des  ortii-iers  des 
fièges  de  rainirautc  à  «n  procurer  la  punition  ,  ôc  par  les 
difficultés  qui  empêchenî  fouvent  qu'on  ait  une  preuve  cer- 
taine &  juridique  de  ces  délits  :  fa  majellé  connoiflant  la 
néceflité  d'en  arrêter  le  cours  ,  tant  par  rapport  au  bon  ordre 
de  la  marine  &  âla  difcipline  que  doivent  oLiferver  le»  offi- 
cier* ,  foldats  Se  matelots  ,  que  parla  conlidération  de  1  Uïilité 
que  l'état  peut  retirer  t'cs  armeiiieas ,  auxquels  rien  n'ell  plus 
préjudiciable  que  la  continuation  de  ce  d^forJre  ,  fa  majeUé 
voulant  y  pourvoir,  &c  léfirant  pareillement  que  la  preuve  de 
ces  nialverfations  puilTc  être  aflurée  par  une  procédure  ,  afin 
que  l'amiral  ,  jugeant  feJon  le  pouvoir  atttiUué  à  fa  charge  , 
de  la  validité  des  prifes  &  de  tout  ce  qui  leur  eft  incid,  nt  , 
avec  les  coniniiffaires  nommes  avec  lui  peur  y  llatucr,  &:  que 
les  oftcietç  de  l'amirauté  puiifent  aufli  prononcer  juridique 
tnent  Icspc'nes  proiioriionntes  à  la  qualité  des  délits,  fuivant 
]a  difpofirioii  des  ©Ldonnances  ,  &:  félon  les  cas  différensdont 
la  connoifTance  doit  être  portée  devant  eux  ,  fa  majefté  a  or 
donné  i-:  ordonne  , 

ARTiCLE  I.  (^u'à l'avenir,  auïïl  tôt  qu'une  prife  aura  été 
amenée  en  quelques  rades  ou  ports  du  royaume  ,  &  que  le 
capitaine  qui  l'auu  faite, s'il  y  elt  enperfonce,  ou  celui  qu'il 
en  aura  chsrgé  ,  Eurent  fait  leur  rappçirt ^  repréfenté  les  pa 
piers  &c  les  prifonniers  ,  les  officiers  de  l'amirauté  les  inter- 
rogèrent ,  3c  ceux  de  l'équipage  qu'ih  jugeront  à  propos  ,  f  r 
le  fait  &  les  cire  «nilances  de  la  p.ife  ,  conformément  aux 
anicles  ii  Se  7.4c.!  titre  des  prifes  de  l'ordonnance  de  içs,. 

2.  Si  par  les  d';oficions  ou  interrogatoires  de  l'équ'pag. 
pris,  par  la  viiite  du  vaiflcau  &  dci  marchandifes  ,  &:  par 
J'examcj  des  papiers  du  chargement,  les  officiers  de  l'ami 
lauté  ont  lieu  de  prélumçr  qu'il  y  ait  eu  des  Pillages  faits  , 
des  efic.'î  recelés  ou  divertis ,  ou  d'autres  nialverfations  fem 
blables  coinuiifes,  ils  ordonneront  qu'à  la  requête  du  procu- 
reur de  fa  nujeftc  au  fiège  de  l'amirauté,  les  prifonniers  ou 
les  gens  de  l'éq.'.ipage  feront  répétés  fur  leurs  interrogatoires 
&  déclarations;  pourront  lefdits  officiels  de  l'amiraucé  ,  fu.- 
ces  répctitions,  c!ecréter  cor;:e  ceux  qui  fc  trouveront  char- 
gés ,  Se  procéder  à  l'interrogatoire  des  accufés. 

j.  Les  officiers  de  l'iaiiiautc  ordonneront  enfuîte  qucles 


PïLLAGE,  iij 

Cette  loi  a  réglé  que  quand  il  y  auroît  des  prd^ 
fo m ptions  de  Pillage  par  les  dépofitions  ou  inter- 
rogations des  gens  du  navire  pris  »  ou  d'autres  in- 
dices ,  il  feroit  procédé  ,  à  la  requête  du  procureur 
du  roi,  par  voie  de  répétition  ,  au  récolement  & 
confrontation,  contre  les  acci'fés  ;  &.  que  quand 
cet  officier  auroit  donné  fes  concliifions  définitives  , 
la  procédure  feroit  envoy'e  au  fecrétaire  général 
de  la  marine,  afin  que  hi.  l'amiral  pût  juger  de  la 
peine  méritée  par  les  auteurs  du  Pillage.  S'il  paroît 
qu'outre  la  reiîitution  des  chofes  pillées,  la  peine 
du  quadruple  efl  fuÊfarite  ,  en  égard  à  la  qualité  du 
délit,  M.  l'amiral  peut  prononcer  cette  peine  ci- 
vile fans  autre  inflru(5^ion,  &  condamner  en  outre 
les  accufés  aux  dommages  &  intérêts  envers  la 
partie  :  mais  s'il  juge  que  le  délit  mérite  peine 
afflidive,  le  procès  doit  être  renvoyé  aux  officiers 

témoins  feront  recelés  8c  confrontés  aux  accufés  ,  s'ils  font 
préfens;  &:  s'il  paroit  qu'ils  ne  foient  pas  revenus  dans  les 
ports  du  royaume  ,  ou  qu'ils  fe  foient  abfentés  pour  fe  fouf- 
traire  à  l'inlhuAioi»,  &  pour  empêcher  ou  détourner  les  preu- 
ves,  il  fera  ordonné  que  le  récolement  des  témoins  vaudra 
confrontation. 

4.  Si  l'accufé  fe  préfente,  il  fera  interroge,  &  les  té.noins 
lui  i'eiont  confrontés  ,  s'ils  font  encore  dans  le  royaume  , 
lorfqu'il  fera  de  retour  ;  mais  s'ils  en  font  fortis ,  ou  en  caï 
de  contumace  de  l'accufé,  le  procès  fera  continué  fur  la  pro- 
cédure qui  aura  été  faite  pendant  fon  abfence  ;  il  pourra  néan- 
moins ,  en  tout  état  de  caufe  ,  propofer  des  reproches,  s'ils 
font  juitifiés  p»r  écrit. 

î.  Fait  fa  niajeflé  très-exprefles  défenfes  aux  officiers  de 
l'amiraiité  d'admettre  ni  ordonner  la  preuve  d'aucuns  faits 
jullificatifs ,  ni  d'entendre  aucuns  témoins  pour  y  parvenir  ,  i. 
moins  que  le  procès  ne  leur  ait  été  renvoyé  par  l'amiial ,  pour 
le  juger  définitivemenr,  ainfi  qu'il  fera  expliqué  ci-après.  Se 
ne  pourront  l'ordonner  en  ce  cas  qu'aprèsla  vilîte  du  procès,  & 
en  la  forme  prefcrite  par  le  tit-e  28  de  l'ordonnance  de  1670. 

6.  Lorfque  les  officiers  de  l'amirauté  auront  fait  les  procé- 
dures marqtiées  ci-defl'us ,  5c  que  le  procureur  de  fa  niajefté 
aura  donné  fes  concliilions  ,  le  tout  fera  envoyé  au  fecrétaire 
général  de  la  marine  ,  afin  que  l'amiral  ,  avec  les  commif* 
faites  nommés  pour  juger  avec  lui ,  puiffe  procéder  au  juge- 
ment de  la  validité  des  prifes,  &  en  même-temps  de  la  peine 
que  méritent  lefdits  Pillages  Se  malverfations. 

7.  Si  la  preuve  des  Pillages,  déprédations  Se  malverfations; 
efl  fuffifammcnt  établie  par  ces  procédures,  &:  que  l'amiraf 
5e  lefdits  commilTaires  eftiment  que  la  reiîitution  des  chofes 
pillées  &  la  peine  du  quadruple  foient  fuffifantes  pour  la  qua- 
lité dudéiit,  ils  pourront  la  prononcer  fans  qu'il  foit  belbin 
de  nouvelles  conclufions  ni  d'un  nouvel  interrogatoire  de 
l'accufé  ,  êc  le  condamner  encore  aux  dommages  &  iatétêts 
envers  la  partie  ,  s'ilyéchet;  en  forte  qu'après  le  jugement 
ainfi  rendu  pat  l'amiral  ,  l'accufé  ne  puifl'e  plus  être  pour- 
fuivi  ciiminellement  pour  taifon  du  même  fait. 

8.  Si  l'amiral  ^:  Icfdirs  commiflaires  elliment  qu'il  y  a  lieu 
de  prononcer  peine  afHidtive  ,  ils  renverront  Je  procès  aus 
officiers  de  l'amirauté  pour  juger  les  coupables  ,  &  les  con- 
damner à  la  punitioa  corporelle  qu'ils  naériteront ,  fuivant  l;k 
qualité  du  délit  ôc  de  la  contravention  aux  ordonnances ,  à  I2 
leftitution  des  effets ,  à  la  peine  du  quadruple  ,  &c  aux  dom- 
mages Se  intérêts  di  la  partie  ,  fans  que  l'amiral  puilTe  dans 
ce  cas  y  flatuer  ,  mais  feulement  juger  Je  la  validité  de  la 
prife.  Msnde  fa  majefté  â  M.  le  comte  de  Touloufe,  amiral 
de  France ,  de  faire  exécuter  le  préfent  règlement  ;  5c  enjoint 
aux  officiers  de  l'amirauté  de  le  faire  lire  ,  enregiftrerfic  affi^ 
cher  par-tout  où  bcfoin  fera.  Fait  à  Marly  le  51  août  1710, 

Sisnép  LOVIS.  E:  plus  bas ,  Phelypeaux. 


114  PILLAGE. 

de  l'amirauté  ,  pour  prononcer  toutà-la-fois  cette 
peine  ,  la  rcftitution  des  effets,  le  quadruple,  &  les 
dommages  intérêts. 

L«s  anciennes  ordonnances  avoient  réglé  que 
ceux  qui  feroient  reconnus  coupables  de  Pillage, 
demeureroient  privés  de  leur  portion  dans  la  prife  ; 
mais  elles  n'avoient  point  prononcé  ,  comme  celle 
de  1681  ,  la  peine  du  quadruple.  On  peut  deman- 
der ,  d'après  cela,  û  la  peine  ancienne  de  la  priva- 
tion des  parts  eft  tellement  fous-entendue  dans  l'or- 
donnance de  1681,  qu'elle  doive  avoir  lieu  con- 
jointemeHt  avec  celle  du  quadruple  contre  les  au- 
teurs du  Pillage? 

Il  y  a  à  cet  égard  un  premier  jugement  de  M. 
l'amiral,  du  5  juillet  1696,  peur  !e  cas  d'un  Pillage 
d'or  &  d'argent ,  mais  fans  effraflion  ,  dans  lequel 
tous  les  gens  du  corfaire  avoient  trempé ,  à  l'excep- 
tion d'un  feul  ,  que  fes  bleflures  avoient  empêché 
d'y  participer.  Ceux  qui  avoient  pillé  ont  été  con- 
damnés à  rapportera  la  mafTe  la  valeur  de  ce  qu'ils 
avoient  pris,  &  ils  ont  d'ailleurs  été  privés  de 
leurs  portions  dans  la  prife,  lefquelles  ont  été  con- 
fifquées  au  profit  de  M.  l'amiral. 

Par  un  fécond  jugement,  rendu  le  12  du  même 
mois  de  juillet  1696  ,  dans  le  cas  d'un  Pillage 
fait  avec  fra61ure  &  violence  exercée  contre  ceux 
des  compagnons  mêmes  qui  s'y  étoient  oppofés,il 
n'y  a  point  eu  de  plus  grande  peine  civile  pro- 
noncée, mais  il  a  été  ordonné  que  le  procès  feroit 
fait  ôc  parfait  aux  coupables  par  l'amirauté  de 
Vannes  ,  fuivant  la  rigueur  des  ordonnances  ,  fauf 
l'appel  au  parlement  de  Rennes. 

Par  un  troifième  jugement  du  18  novembre 
1709  ,  les  nommés  Tanqueray  &  Fret  ont  été  con- 
damnés folidairement  à  rapporter  à  la  maffe  les 
huit  marcs  d'or  qu'ils  avoient  détournés  d'une  prife  , 
&  la  peine  du  quadruple  a  en  outre  été  pronon- 
cée ,  ainf]  que  la  privation  de  leur  part  dans  la  prife. 
Quant  aux  autres  délinquans  ,  convaincus  d'avoir 
fait  quelque  Pillage  peu  confidérable  ,  &  aux  mar- 
chands qui  avoient  acheté  d'eux  ,  on  s'eft  contenté 
de  les  condamner  à  une  amende  de  dix  livres  en- 
vers M.  l'amiral ,  &  à  la  reftitution  des  effets  pillés. 
Ainfi  il  réfulte  ,  tant  de  ces  jugemens  que  de  la 
lettre  du  roi  que  nous  avons  précédemment  rap- 
portée ,  que  M.  l'amiral  peut  prononcer  telle  peine 
civile  que  bon  lui  femble ,  contre  ceux  qui  font 
coupables  de  Pillage  ;  favoir  ,  la  peine  du  quadru- 
ple conjointement  avec  la  privation  des  parts  dans 
la  prife ,  ou  l'une  de  ces  peines  fans  l'autre ,  Se  mê- 
me une  fimple  amende ,  fi  le  Pillage  eft  léger  ,  ou- 
tre la  reflitution  des  effets  pillés ,  qui  doit  avoir 
lieu  dans  tous  les  cas. 

Lorfqu'un  vaiffeau  vient  à  faire  naufrage  fur  les 
côtes  ,  les  feigneurs  &  les  habitans  des  paroifles 
voifvnes  font  obligés  d'en  faire  avertir  les  officiers 
de  l'amirauté,  &  ils  doivent,  en  attendant  l'p.rri- 
vée  des  ces  oflîciers ,  travailler  à  fauver  les  effets 
naufragés  &  à  empêcher  le  Pillage  ,  à  peine  de 
répondre  ea  leurs  noms  des  pertes  &  dommages , 


PILORI. 

dont  ils  ne  peuvent  être  déchargés  qu'en  reprc-? 
fentant  les  coupables  ,  ou  en  les  indiquant  &  pro- 
duifant  les  témoins  à  juftice.  C'eft  ce  qui  réfulte 
des  articles  3  &  4  du  titre  9  du  livre  4  de  l'ordon- 
nance de  la  marine  du  mois  d'août  1681.  Voyez 
le  mot  Naufrage. 

Lorfqu'un  corfaire  ennemi  qui  a  pris  un  navire 
l'a  relâché  après  l'avoir  pillé  en  partie  ,  ce  Pillage 
eft  une  avarie  fimple  ,  qui  tombe  fur  les  proprié- 
taires des  chofes  pillées.  Il  en  feroit  différemment 
fi  le  preneur  du  navire  ne  l'avoit  relâché  que 
moyenant  certains  effets  dont  on  lui  auroit  fait 
l'abandon;  ce  feroit  alors  une  avarie  commune. 
Au  refte,  l'afTureur  doit  répondre  du  Pillage  &  en 
dédommager  l'affuré.  Voyez  Police  &  Contrat 
d'assurance. 

PILORI.  Petit  bâtiment  en  forme  de  tour  ,  avec 
une  charpente  à  jour  ,  dans  laquelle  eu.  une  efpèce 
de  carcan  qui  tourne  fur  fon  centre.  Ce  carcan  efl 
formé  de  deux  pièces  de  bois  pofées  l'une  fur 
l'autre  ,  entre  lefquelles  il  y  a  des  trous  pour  pafTer 
la  tête  &  les  mains  de  ceux  qu'on-  met  au  Pilori , 
c'cfl-à-dire  qu'on  expofc  ainfi  pour  fervir  de  rifée 
au  peuple,  &  pour  les  noter  d'infamie.  C'eft  la 
peine  ordinaire  des  banqueroutiers  frauduleux  ;on 
leur  fait  faire  amende  honorable  au  pied  du  Pilori  ; 
on  les  promène  dans  les  carrefours;  enfuite  on 
les  expofe  au  Pilori  pendant  trois  jours  de  marché  , 
deux  heures  chaque  jour ,  &  on  leur  fait  faire  qua- 
tre tours  de  Pilori,  c'efl-à  dire  ,  qu'on  fait  tourner 
le  Pilori  quatre  fois  pendant  qu'ils  y  font  attachés. 

On  tient  que  ce  genre  de  peine  fut  introduit  par 
l'empereur  Adrien ,  contre  les  banqueroutiers  , 
leurs  fauteurs  &  entremetteurs. 

PILOTE.  Officier  de  l'équipage  qui  prend  garde 
à  la  route  du  vaiffeau  ,  &  qui  le  gouverne. 

Le  fécond  &  le  troifième  pilote  fécondent  le  pre- 
mier dans  fes  fondions.  Il  n'y  a  trois  Pilotes  que 
dans  les  plus  grands  vaifleaux ,  ou  quand  il  s'agit 
de  voyages  de  long  cours.  Dans  les  autres  vaif- 
feaux  ,  il  y  a  un  ou  deux  Pilotes  ,  félon  la  qualité 
du  vairteau  &  du  voyage. 

On  diftingue  deux  fortes  de  Pilotes  ;  favoir,  le 
Pilote  hauturier ,  qui  fert  pour  la  navigation  en 
pleine  mer  &  les  voyages  de  long  cours;  &  le  Pilote 
côticr  ou  lamancur ,  qui  ne  s'emploie  que  pour  la 
navigation  de  port  en  port  &  le  long  des  côtes. 
Nous  avons  parlé  de  ce  dernier  à  l'article  lamancur^ 
ainfi  il  ne  fera  queflion  ici  que  du  Pilote  hauturier. 

Suivant  l'article  premier  du  titre  4  du  livre  2  de 
l'ordonnance  de  la'marine  du  mois  d'août  168 1  , 
aucun  ne  peut  être  reçu  Pilote  &  n'en  peut  faire 
les  fondions  ,  qu'il  n'ait  fait  plufieurs  voyages  en 
mer  ,  &  qu'il  n'ait  été  examiné  fur  le  fait  de  la  na- 
vigation ,  8i  trouvé  capable  &  expérimenté  par  le 
profeffeur  d'hydrographie,  deux  anciens  Pilotes, 
Sfdeux  maîtres  de  navire  ,  en  préfence  des  ofîiciers 
de  l'amirauté. 

Il  faut  aufrî ,  fuivant  fes  lois  pofîérieures ,  que 
le  fujet  qui  veut  être  reçu  Pilote ,  foit  âgé  de  vin^t- 


PILOTE. 

cinq  ans  accomplis  ,  &  qu'outre  les  voyages  requis 
fur  les  vaifleaux  marchands,  il  ait  fait  deux  cam- 
pagnes de  trois  mois  au  moins  chacune-,  fur  les 
vaifleaux  du  roi. 

Pour  prouver  les  voyages  en  mer  ,  le  Pilote  eft 
tenu  d'en  repréfenter  les  journaux  lors  de  Ion  exa- 
men. C'eft  ce  que  porte  l'article  r  du  titre  cité. 

Le  Pilote  doit,  fuivant  l'article  3  ,  commander  à 
la  route  &.  fe  fournir  de  cartes  ,  routiers ,  arbalètes 
aftrolabes ,  &  de  tous  les  livres  &  inlîrumcns  né- 
celTaires  à  fon  art. 

Dans  les  voyages  de  long  cours  ,  le  Pilote  doit 
tenir  deux  papieis-journaux.  Sur  le  premier ,  il  doit 
écrire  les  changemcns  de  route  &  de  vent ,  les 
jours  &  heures  de  ces  changemcns ,  les  lieues  qu'il 
cftime  avoir  avancées  fur  chacun  ,  les  réduélions 
en  latitude  &  longitude  ,  les  variations  de  l'aiguile , 
en'emble  les  fonds  &  terres  qu'il  a  reconnus  :  fur 
le  fécond,  il  doit  mettre  au  net,  de  vingt-quatre 
heures  en  vingt-quatre  heures  ,  les  routes ,  longi- 
tude &.  latitude  réduites,  les  latitudes  obfervées  , 
&  tout  ce  qu'il  a  découvert  de  remarquable  dans 
le  cours  de  fa  navigation.  Telles  font  les  difpofi- 
tions  de  l'article  4. 

Il  falloit  d'ailleurs  ,  conformément  à  l'article  5  , 
qu'au  retour  dë^  voyages  de  long  cours  ,  le  Pilote 
mit  copie  de  fon  journal  au  grefirc  de  l'amirauté  , 
&  qu'il  en  prît  certificat  du  grefRer  ,  à  peine  de 
cinquante  livres  d'amende  :  mais  cette  obligation 
e(l  tombée  en  défuétude  ;  il  fuffit  que  le  Pilote  re- 
mette {on  journal  entre  les  mains  du  profeflcur 
d'hydrographie ,  qui  l'examine  &  y  fait  des  cor- 
re61i,ons  ,  s'il  y  échet. 

Si ,  par  ignorance  ou  négligence  ,  un  Pilote  vient 
à  faire  périr  \\n  bâtiment,  il  doit  être  condamné  à 
cent  livres  d'amende ,  &  privé  pour  toujours  de 
l'exercice  du  pilotage ,  fans  préjudice  des  dora- 
mages  &  intérêts  des  parties.  Et  s'il  faifoit  périr  le 
bâtiment  par  malice,  il  encourroit  la  peine  de  mort. 
C'eft  ce  qui  réfulte  de  l'article  7. 

L'article  8  défend  aux  capitaines  ou  maîtres  de 
ravire ,  de  forcer  les  Pilotes  de  paficr  dans  des  lieux 
dangereux  ,  &  de  faire  des  routes  contre  leur  gré  : 
mais  fi  le  capitaine  &  le  pilote  ne  font  pas  d'ac- 
cord fur  la  route  à  faire  ,  ils  doivent  fe  régler  par 
l'avis  des  principaux  de  l'équipage. 

Le  titre  70  de  l'ordonnance  de  la  marine  du  25 
mars  1765  ,  prefcrit  aux  pilotes  des  vaifleaux  du 
roi  les  règles  fuivantes. 

»  Le  Pilote  nommé  pour  fervir  fur  un  vaifl"ean  , 
«  recevra  ,  en  préfence  d'un  des  ofiiciers  du  vaif- 
«  feau  &  de  l'écrivain ,  fes  effets  &  uftenfiles  ;  il 
j>  obfervcra  s'ils  font  de  la  qualité  &  en  la  quantité 
«  requife,  fi  les  compas  de  routes  &  de  variation 
»  font  bien  touchés  ,  &  fi  les  horloges  font  d'une 
«  jufte  mefure  de  temps. 

»  Il  fe  fournira  de  cartes  ,  de  routiers  ,  de  livres 
v>  &  inftrumens  néceflaires  à  la  navigation  ;  il  les 
■»  préfentera  au  capitaine  ,  à  qui  il  en  donnera  un 
»  état. 


PILOTE.  115 

J>  Avant  que  de  fortir  du  port,  il  éprouvera  1* 
»  gouvernail  du  vaifleau  ,  pour  voir  s'il  eft  en  bon 
»  état ,  &  il  en  vifltera  les  ferrures. 

»)  Il  s'aflurera  fouvent,  par  des  obfervations  af- 
»  tionomiques  ,  pendant  \a  navigation, fl  les  bouf- 
»  ioles  n'ont  point  varié ,  &  il  aura  attention  à 
»  éloigner  de  l'habitacle  ,  le  fer  ,  qui  pourroit 
■)■)  changer  la  direélion  des  aiguilles  &  tromper  dans 
»  les  routes. 

»  Il  éctira  exaâement  fur  la  table  de  loch  le 
»)  détail  des  routes  du  vaifleau  pendant  chaque 
»  quart ,  marquant  l'aire  de  vent ,  la  quantité  de 
"  chemin  de  chacime  ,  les  changemcns  de  vent  & 
»  de  voilure,  la  durée  des  uns  &des  autres. 

»  Il  prendra  hauteur  tous  les  jours  au  foleil  ou 
"  aux  étoiles ,  obfervcra  la  variation  au  lever  & 
)»  au  coucher  du  foleil ,  vérifiera  les  horloges,  & 
»  fera  régulièrement  fon  point  d'un  midi  à  l'autre  ; 
»  il  le  rapportera  toujours  au  méridien  de  Paris  , 
"  &  il  tiendra  la  main  à  ce  que  tous  les  Pilotes  fc 
»  fervent  du  même  méridien. 

«  Il  donnera  tous  les  jours  fon  poinr  au  capi- 
"  taine  ,  Si  il  lui  fera  défendu  ,  de  même  qu'aux 
"  autres  Pilotes  ,  de  le  communiquer  aux  officiers 
»  8i  aux  gardes  du  pavillon  &  de  la  m.arine  ,  mais 
»  feulement  ce  qui  aura  été  écrit  fur  la  table  de 
»  loch. 

«  Il  fera  foigneufement  fon  journal ,  conformé- 
'>  ment  au  modèle  qui  lui  fera  donné  ;  il  s'appli- 
»  quera  à  la  connoiflance  des  terres  ,  les  obfervant 
»  exaftementen  paflant  auprès  ,  examinant  comme 
'»  elles  fc  démontrent  à  chaque  aire  de  vent  où  il 
»  les  pourra  voir,  deflïnant  leurs  différentes  vues 
»  ou  afpeéls  ;  il  lèvera  le  plan  des  rades,  y  mar- 
')  quera  les  fondes ,  la  qualité  du  fond ,  le  cou- 
»  rant ,  &  l'heure  des  marées. 

»  Si  l'on  découvre  au  large  quelque  haut  fond 
n  ou  roche  fous  l'eau  ,  il  les  marquera  fur  fa  carte, 
»  de  même  que  la  direélion  des  courans. 

»  Au  retour  du  voyage  ,  il  fera  vifer  fon  journal 
"  par  le  capitaine,  &  le  remettra,  ainfi  qu'il  eft 
>»  expliqué  au  titre  du  confeil  de  marine  (i). 

»  Sous  voile  &  en  rade  ,  il  donnera  des  leçons 
»  réglées  de  navigation  aux  gardes  du  pavillon  & 
»  de  la  marine  ». 

PIRATE.  Ecumeur  de  mer ,  celui  qui  court  les 
mers  avec  un  vaifl^eau  armé  en  guerre ,  pour  voler 
les  vaifl^eaux  amis  ou  ennemis  ,  fans  eliftinélion.  Il 
diffère  d'un  armateur  ,  en  ce  que  celui-ci  fait  la 
guerre  en  honnête  homme  ,  n'attaquant  que  les 
vaiffeaux  ennemis  ,  à  quoi  il  efl  autorifé  par  une 
commifllon  de  l'amiral. 

La  peine  due  aux  Pirates  efl  celle  de  mort ,  con- 

(1)  Lotfqu'un  vaifleau  du  toi  défarme  à  Prtft  ,  ou  à  Tou- 
lon ,  ou  à  Rochefort ,  le  Pilote  doit ,  conformément  à  ce  titre 
du  confeil  de  marine ,  remettre  fon  journal  aa  commandant 
du  poit  :  s'il  défarme  dans  un  autre  port ,  le  fecrctaire  d'état 
au  département  de  la  marine  indique  celui  des  trois  ports 
dont  oi\  vient  de  parler ,  où  le  Pilote  doit  cemçtcie  fon  journal. 


i6 


PIRATE. 


formément  à  rordonnancc  du  ç  feptembre  1778- 
En  eiTet ,  ce  font ,  comme  l'obferve  un  auteur  mo- 
derne ,  des  ennemis  déclarés  de  la  fociété  ,  des 
violateurs  du  droit  des  gens  ,  des  voleurs  publics  à 
main  armée  &  à  force  ouverte. 

Suivant  l'article  3  du  titre  9  du  livre  3  de  l'or- 
-donnance  de  la  marine  du  mois  d'août  i68i,ileft 
défendu  à  tous  les  fujets  du  roi  de  prendre  aucune 
commiffion  d'aucun  prince  ou  état  étranger,  pour 
armer  des  vaifleaux  de  guerre  8c  courir  la  mer  Ibus 
leurs  bannières  ,  à  peine  d'être  traités  comme  des 
Pirates, 

L'article  4  déclare  de  bonne  prife  les  vaiiTeaux 
appartcnanS  aux  ennemis  du  roi  ou  commandés 
par  des  Pirates  ,  forbans  ou  autres  gens  courant  la 
irser  fans  commifTion  d'aucun  prince  ni  état  fou- 
verain. 

L'article  ç  porte,  que  tout  valfieau  combattant 
fous  un  antre  pavillon  que  celui  de  l'état  dont  il  a 
commiflTion ,  ou  qui  a  commiffion  de  deux  différens 
princes  ou  états  ,  efl  de  bonne  prife ,  &.  que  s'il  cft 
armé  en  guerre  ,  les  capitaines  8i  officiers  doivent 
être  punis  comme  Pirates. 

Les  navires  &  eflet»  des  fujets  ou  alliés  du  roi , 
pris  fur  les  Pirates  ,  &  réclamés  dans  l'an  Ôc  jour 
de  la  déclaration  qui  en  a  été  faite  à  l'amirauté  , 
doivent  être  rendus  aux  propriétaires  ,  en  piyant  le 
tiers  de  la  valeur  du  vaiiTeau  tk  des  marcliandifes  , 
pour  frais  de  rccoufie.  Telles  font  les  difpofitions 
de  l'article  10. 

L'article  10  du  titre  a  du  livre  premier  de  la 
même  ordonnance ,  attribue  aux  juges  de  l'ami- 
rauté la  connoi/innce  des  pirateries. 

Un  édit  du  mois  de  juillet  1691  ,  a  ordonné  que 
les  corfaires  ennemis  qui  cntreroient  dans  le$  ri- 
vières du  royaume  &  y  fcroient  pris ,  fcroient  trai- 
tés comme  Pirates  ,  ôc  en  conféquence  condamnés 
aux  galères  par  les  juges  des  amirautés  (1). 


(1)  Voici  cette  loi: 

Louis ,  &.'c.  Salur.  Les  petits  corfaires  entremis  qui  ofent 
entrer  dan5  les  rivières  de  notre  royaume,  interrompant  en- 
tièrement la  navigation  de  nos  fujers  ,  par  les  défordies  qu'ils 
font ,  &  leur  étant  coût  moyen  de  la  continuer  par  l'incendie 
ie  leurs  bât!inens&:  la  crainte  d'être  à  tout  moment  attaqués 
par  ces  corl'aires  ,  dont  il  eft  difficile  de  fe  défendre,  parce 
*jue  ,  pour  éviter  d'être  reconnus,  ils  naviguent  comme  pê- 
cheurs ,  jufqu'i  ce  qu'ils  aient  occafion  de  furprenJre  les  bâ- 
tiiiiens  de  nos  fujets  5  nous  avons  eftiraé  néceffaire,  pour  ré- 
rablir  la  fùretc  dans  la  navigation  de  nos  rivières,  'de  ne  plus 
traiter  ces  corfaires ,  qui  naviguent  tous  fans  commiffion, 
comme  piifonniers  Je  guerre  ,  mais  comme  Pirates  Si  for- 
bans,  pour  les  cn-pêcher  ,  pat  la  crainte  d'une  peine  févèrc  , 
de  continuer  les  défordres  qu'ils  y  caufcnt  depuis  quelque 
lemps  ,  à  quoi  nous  a-jiions  été  excités  pat  l'exemple  même 
de  nos  ennemis ,  qui  les  punifTcnt  de  mort,  A  ces  caufes , 
de  l'avis  de  notre  confcil  Si  de  notre  certaine  fcience,  pleine 
puiflance  &  autorité  royale  ,  nous  ayons  par  ces  préfentes 
iîgnces  de  notre  main  ,  dit ,  ordonné  &  déclaré  ,  difons  ,  dé- 
clarons &  ordonnons  ,  voulons  &  nous  plaît,  que  les  corfai- 
res ennemis  qui  entreront  à  l'avenir  dans  les  rivières  de  no- 
tre royaume  &c  y  feront  pris  ,  foient  condamnés  aux  galères  , 
nntles  capitaine;  que  les  éijuifages,  foi(  qu'ils  aienc  com* 


PISTOLET. 

Voyez  les  articles  Pillage,  Prise,  Echoue^ 
MENT  .Naufrage ,  &c. 

PISTOLET.  Arme  à  feu  qu'on  porte  ordinaire- 
ment à  l'arçon  de  la  fcUô. 

L'article  5  du  titre  30  de  l'ordonnance  des  eaux 
&  forêts  du  mois  d'août  1669 ,  autorife  les  parti- 
c'iliers  de  condition  honnête ,  à  porter  des  Pifto- 
lets  pour  la  fureté  de  leurs  perfonnes ,  lorfqu'ils 
voyagent ,  même  dans  les  forêts  du  roi. 

Il  a  pareillement  été  permis,  par  l'article  6  ,  aux 
gardes  des  plaines  8c  des  bois  du  roi ,  de  porter  des 
Ptflolets  pour  la  défenfe  de  leurs  perfonnes  ,  quand 
ils  fcroient  leurs  charges  &  qu'ils  feroient  revêtus 
de  leurs  cafaques ,  Si.  non  autrement. 

Ces  difpofitions  ne  s'appliquent  qu'aux  Piflolets 
d'aiçonou  de  ceinture  ;  car,  par  une  déclaration 
du  i8  décembre  1660  ,  renouvelée  par  une  autre 
du  23  mars  172.8  (1)  ,  le  roi  a  défendu  ,  fous  dif- 


midion  ou  qu'ils  n'en  aient  pas,  &  fans  que,  fous  quelque 
prétexte  que  ce  foit  ,  ils  puiffent  être  difpenfés  de  fubir  cette 
peine  ,  fur  le  procèt-verbal  des  juges  de  l'amirauté  ,  contenant 
leur  déclaration  ,  Si  fans  autres  procédures  ,  forme  ni  Fgure 
de  procès,  dérogeant  pour  ce  regaid  à  toutes  ordonnances  à 
ce  contraires  ,  fans  ti/er  à  conL'quence  dans  les  autres  itia- 
tières  crimiiiclles.  Voulons  que  le  prix  du  bâtiment  foit  ad- 
jugé à  ceux  de  nos  fujets  qui  découvri.ont  ces  corfaires  & 
donneroiu  moyen  de  les  furj^rendre  dans  les  endroits  OJ  ils 
fe  retirent,  ou  qui  en  prendront ,  &  qu'il  leur  foit  outre  ce 
payé  trente  livres  par  cliacun  desmateletsqui  compoferontré: 
quipage  du  bâtiment  piis.  Si  donnons  en  mandement ,  &c, 

(i)  Cette  dernière  loi  tfi  ainfi  conçue  : 

Louis,  &c.  Salut.  Les  différens  accidens  qui  font  atrîvésdc 
l'ufage  &  du  port  des  couteaux  en  forme  de  poignards,  de» 
bayonnettes  &  piflolets  de  pèches  ,  ont  donné  lieu  à  diffé- 
rens réglemens  ,  &:  notammenr  à  la  déclaration  du  18  fep- 
tembre i^S^o,  &  à  l'édit  du  mois  de  décembre  1666.  Néan- 
moins ,  quelque  exprefles  que  foient  les  dcfenfes  à  cet  égard  , 
l'ulage  &  le  port  de  ces  fortes  d'armes  paroît  fe  renouveler; 
&  comme  il  importe  à  la  fureté  publique  que  les  anciens  ré- 
glemens qui  concernent  ces  abus  foient  exaûement  obfervés,' 
nous  avons  au  devoir  les  remettre  en  vigueur.  A  ces  caufes  , 
nous  avons  dit  Se  djdaré  ,  difons ,  déclarons  par  ces  préfentei 
fignées  de  notre  main  ,  voulons  &:  nous  plaît,  que  la  décla- 
ration du  i8  décembre  l66o  ,  au  fujct  de  la  fabrique  &:  port 
d'armes ,  foit  exécutée  félon  fa  forme  &c  teneur.  Ordonnons 
en  con'i'èquence  qu'à  l'avenir  toutes  fabriques,  commerce, 
vente  ,  dcbit,  achat ,  port  &  ufage  des  poignards ,  couteaux 
en  forme  de  poignards,  foit  de  poche,  foit  de  fulî! ,  dw 
bayonnettes  ,  pillolets  de  poche  ,  épées  en  bâtons ,  bâtons  à 
ferremens  ,  autres  que  ceux  qui  font  ferrés  par  le  bout,  & 
autres  armes  offenfives  cachées  Se  fecrètes,  foient  &:  dcmeu» 
rent  pour  toujours  généralenaent  abolis  &  défendus.  Enjoi- 
gnons à  tous  couteliers,  fourbifr«ur5,arimjriers  &:  marchands, 
de  les  rompre  Se  brifer  inceflammenr  ap.ès  renregi(lren«enc 
des  préfentes ,  fi  mieux  ils  n'aiment  faite  rompre  &  arrondir 
la  pointe  des  couteaux  ,  en  forte  qu'il  n'en  puifTe  arriver  d'in- 
convéniens  ,  à  peine  contre  les  armuriers  ,  couteliers,  foui:- 
bifleurs  &  marchands  trouves  en  contravention  ,  de  confifca- 
tion  pouf  la  première  fois  ,  d'amende  de  cent  livres ,  &  d'in- 
terdidion  de  leur  maîtrife  pour  un  an,  &  de  privation d'icelle 
en  cas  de  récidive,  même  de  peine  corporelle ,  s'il  yéchet; 
&  contre  les  garçons  qui  travailleront  en  chambre,  d'être  fuf- 
tigés  &.' flétris  pour  la  première  foi»,  &  pour  la  féconde  d'être 
condamnés  aux  galères.  Et  à  l'égard  de  ceux  qui  porteronrfur 
eux  lefdiis  couteaux  ,  bayonnettes  ,  piftoleis,  âc  autres  arme* 
offenfire» ,  cachées  &  fecrètes ,  ils  feront  condamnés  en  la 


PLACARD. 

fêrentes  peines ,  de  fabriquer ,  vcnJre  &  porter  des 
Piftolets  de  poche  ,  &c. 

Vdyez  l'article  Armes. 

PLACARD.  Ccftunécritouun  imprimé  qu'on 
affiche  dans  les  places,  dans  les  carrefours  ,  afin 
d'informer  le  public  de  quelque  chofe.  Voyez  Af- 
fiche. 

A  la  chancellerie  &  dans  les  greffes,  on  appelle 
un  aBc  expédie  en  F Uc ard ,  ce\ui  qui  eu  écrit  fur  une 
feule  feuille  de  papier  ou  parchemin  non  pliée,  & 
qui  n'eft  écrite  que  d'un  côté. 

PLACARDS.  C  eA  le  nom  que  portent  dans  les 
Pays-Bas  les  édits  &  déclararions  émanés  des  fou- 
vcrnirs  de  la  maifon  d'Autriche. 

Les  Placards  qui  ont  été  donnés  dans  l'intervalle 
des  guerres  d'entre  François  premier  &  Charles- 
Quint,  aux  conquêtes  de  Louis  XIV  ,  ont  con- 
fervé  toute  leur  autorité  dans  celles  des  provinces 
Belgiques  qui  appartiennent  aSueliement  à  la  Fran- 
ce :  c'eft  ce  qui  réiulte  des  différentes  capitulations 
accordées  aux  principales  villes  de  ces  pays.  Celle 
de  Lille,  entre  autres,  porte,  article  la  ,  «  que 
n  lefdites  vUles  de  Lille  ,  Douai  &  Orchies  ,  Si 
îj  châtellenies ,  jouiront  paifiblemcnt  &  pleinement 
n  de  tous  privilèges  ,  coutumes  ,  ufages  ,  immuni- 
n  tés  ,  droits  ,.  libertés  ,  franchifes  ,  jurididton  , 
«  juftice,  police  &  adminiftration  à  eux  accordés, 
n  tant  par  les  rois  de  France  par  ci-devant ,  que 
»>  parles  princes  fouverains  de  -ce  pays  'v 

Les  Placards  les  plus  célèbres  &  les  plus  impor- 
tans  qui  ont  force  de  loi  dans  les  Pays  Bas  fVançois  , 
font  les  Placards  des  premier  o6lobre  r^io  &  lo 
mars  1523  ,  concernant  les  dîmes  infolites  ;  le  Pla- 
card du  4  o^lobre  1540,  touchant  les  banquerou- 
tes ,  les  monopoles  ,  l'ufure,  les  fondions  des  no- 
taires ,  les  donations  des^  pupilles  à  leurs  tuteurs  ,  la 
?rercription  bier.nale,  les  mariages  clandcflins;  le 
lacard  du  15  juin  1 5  =;  3  ,  communément  appelé  le 
nouveau  tranfport  de  Flandres ,  &  portant  règle- 
ment fur  1  s  tailles  &  impofitions  ;  le  Placard  du 
5.  mars  1571,  fur  les  rentes  en  grains  ;  le  Placard 
du  28  juin  1575  ,  fur  la  chaffe  ;  le  Placard  du  pre- 
jnierjuin  1 587,  rendu  pour  l'exécution  des  décrets 
du  concile  te^ui  à  Mons  en  1586;  le  Placard  du 
3 1  o^nhte  de  la  même  année  ,  «  fur  le  payement , 
ï>  quittance,  modération  &atterminatiôn  des  cens  , 
5)  rentes  foncières,  feigneuriales  ,  &.  autres  hy^o- 
w  théquées  ou  non  hypothéquées,  &  femblables 
»  redevances  échues  ou  à  écheoir  durant  lestrou- 
M  blés,  &.  Tur  quelques  autres  points  concernant  & 
»  dépiïndans  de  cette  matière  n.  Le  Placard  du  2.5 

iBoii  de  prilf  n  ■'i  en  cinn  cenrs  Ijvi  sd:ain>  nie.  N  entenuons 
n('a 'Il  oiii«  comprendre  en  ces  prifences  djftntcs  les  bayon- 
netesà  relFurt  fj  li  fe  mettent  u  haut  -Irs  a:  es  à  fcu.  poux 
l'u^'flg»'  de  la  g'ierre,  à  ct^^^d)^on  tjut  I  ïouvrie  s  qui  le^  fa 
bfiqiKiont  erort  tenus  i'-n.  f^ire  déclaration  a';  )Uge  de  po' 
Jicedi)  Heu,  5  fan',  qu'ils  puWrent  les  ven  lie  ni  débiter  qu'aux 
offii'e-s  ^e  nos  troupct ,  qui  leur  en.  délivre  onc  certihcat , 
dont  ieflîrj  O'  r''î-s  ticn-lront  rrgi  •-e,  paraphé  pat  noldics 
juges  de  police.  Si  Jonnaûs  en  mandement  j  ôic. 


PLACE.  ii7 

juin  1^01  ,  fur  les  rembourfemens  de  rentes,  de 
prêts  &  de  dépôts  ;  le  Placard  ou  édit  jxerpctucl  du 
12  juillet  161 1  ,  contenant  47  articles  fur  différen- 
tes matières.  Le  Placard  du  31  août  1613  ,  fur  la 
chaffe  i  les  Placards  du  28  mars  161 1  Se  2  oélobre 
1613,  furies  réparations  des  églifes  ;  le  Placard 
du  14  décembre  1616,  fur  la  nobleffe  8f  les  ar- 
moiries ;  le  Placard  du  29  juillet  1653  ,furlesen- 
gagemens  &  hypothèques;  le  Placard  du  30  juillet 
1672  ,  concernant  l'adminiftration  des  villes  ou- 
vertes &  villages  de  la  Flandre  flamande. 

Toutes  ces  lois  &  une  infinité  d'autres  qu'il  ferolr 
ti'op  long  de  rappeler  ,  font  renfermées  dans  des- 
recueils  très  -  volumineux  ,  intitulés  PUcjrds  (te 
Flandres  ,  Fhcardsde  Brabant.  On  trouve  le  précis- 
de  la  plupart  dans  deux  ouvrages  d'Aufelmo  ,  j,u- 
rifc(;n/iilie  d'Anvers  ,  qui  ont  pour  titre.  Codex' 
bel^icus  &  tiibonïanui  heigicus.  Zypœus  ,  ofRcial  de 
la  même  ville ,  en  a  aufli  donné  une  certaine  notice 
dans  l'efpèced'inftitution  au  droit  belgique  qu'il  a. 
pubhée.  On  peut  encore  confulter  là  dcffus  l'ou- 
vrage qu'adonné  dans  le  même  genre  M.  Deghe- 
wiet,  avocat  au  parlement  de  Flandres.  (  Article 
dt  M.  Merlin  ^  avocat  an  parlement  de  Flandres  ).. 

PLACE.  C'cft  un  lieu  public,  découvert  &  en- 
vironné de  bâtimens ,  foit  pour  l'embelliffement 
d'une  ville  ,  foit  pour  la  commodité  du  commerce^ 

Les  Places  publiques  des  villes  royales  ,  les  lieux 
où  l'on  rend  la  juftice  au  nom  du  roi,  8c  les  autres 
lieux  i'emblables  font  ccnfès  dans  la  cenfive  de  f* 
majefté,  &  font  partie  de  fon  domaine:  c'cft  pour- 
quoi les  particuliers  ne  peuvent  y  pofféder  des; 
maifons  ,  boutiques  ,  &c.  fans  une  conceftîoa- 
exprefîe ,  &  fans  payer  pour  cela  une  redevance 
au  fouverain» 

Le  roi  eft  pareillement ,  en  vertu  de  fa  fouverai- 
neté  ,  ;proprié:aire  de  toutes  les  Places  qui  ont  fervi 
aux  foff^'S  ,  contrefcarpes  ,  murs  ,  remparts  ,  portes- 
Si  fortifications,  tant  anciennes  que  nouvelles  ,  de 
toutes  les  villes  du  royaume,  foit  quelles  appar- 
tiennent à  fa  majefté  ou  à  des  feigneurs  particu- 
liers :  il  faut  en  dire  autant  de  l'efpace  qui  eft  enti 
dedans  àts  villes,  près  des  murs,  jufqu'à  concur- 
rence de  neuf  pieds:  ainfila  direéle  dès  maifons- 
&.  édifices  coiiftruits  fur  ces  Places  ,  ne  peut  appar- 
tenir qu'au  roi. 

C'ell  en  contormite  de  ces  règles  établies  par  dif- 
férentes lois  ,  qu'un  édit  du  mois  de  décembre 
i^ai  ,  a  ordonné  que  toutes  les-  Places  des  rem- 
parts ,  murj, ,  foffés  ,  contrefcarpes  &  dchor»^^  des> 
vd  es  du  royaume,  feroienr  vendues. au  profit  du; 
roi  ,&  que  les  propriétaires  de  celles  qui  avoi^nt' 
été  précédemment  aliénées  ,,  feroient  confirmés^ 
dans.  >eur  polTtlîïon  ,  en  payant  les  fo:n mes  aux- 
quelles ils  fëroienr  taxés,  fans  qu  ils  puftenîî  être' 
tenus  d'aucune  charge  envers- qui  que  ce  lût,  finon; 
d'un  cens  aiinuelenvers-fa  majeftéi. 

Comjne.  ia  p'uparr  des  Places  dey  anciens  fofi 
fés" ,  rempans  ot  fortificafions  dés  villes  étoiènt-  oc- 
cupées par  dés  gamcuiiier&-qui.  sein  éioientemça-»- 


11^  PLACE. 

rés  d'autorité  privée  ,  ou  qui  les  tenoient  à  titre  cis 
ventes  ou  concédions  que  leur  avoient  faites  les 
maires  ou  échevins  de  ces  villes ,  le  roi  donna  , 
le  zo  février  l'^.fjS  ,  une  déclaration  par  laquelle  il 
maintint  &  conHrma  les  détenteurs  dans  leur  pof- 
feflîon  &.  jouiflance,  foit  que  ces  Places  leur  eufîent 
été  vendues  ou  concédées  par  les  maires,  ou  éche- 
vins ,  foit  qu'ils  s'en  fuffeni  mis  en  poflefiîon  fans 
titre,  en  quelque  manière  que  ce  {«t ,  a  la  charge 
qu'ils  payeroient  une  finance,  8c  qu'ils  tiendroient 
les  mêmes  Places  dans  la  cenfive  de  fa  majefté  ;  à 
l'efTet  de  quoi  ils  payeroient  annueilemeut  un 
cens  de  douze  deniers  par  arpent  ,  &  les  droits 
de  lods  &  ventes  aux  rnutations  ,  fuivant  les 
coutumes. 

Par  arrêt  du  lo  février  1740  ,  le  parlement  de 
Paris  a  jugé  qu'une  maifon  fituée  rue  Dauphine , 
donnant  par  derrière  fur  la  rue  Contrefcarpe  ,  dont 
le  terrein  avoit  autrefois  fait  partie  des  anciens 
fofles  &  remparts  de  la  ville  de  Paris ,  étoit  dans 
la  cenfive  &  direéle  du  roi,  &  a  condamné  les  pro- 
priétaires à  en  payer  les  droits  de  lods  &  ventes 
au  receveur-général  du  domaine. 

On  appelle  Place  du  change ,  ou  Place  commune 
des  marchtinds  ,  un  Heu  p\iblic  établi  dans  les  villes 
de  négoce,  où  les  marchands  ,  nigocians,  ban- 
quiers, courtiers  ou  agens  de  change,  &  autres 
perfonnes  qui  fe  mêlent  du  commerce  des  lettres 
5c  billets  de  change  ,  ou  qui  font  valoir  leur  ar- 
'  gent,  fe  trouvent  à  certains  jours  de  la  femaine, 
pour  y  parler  ik  traiter  des  affaires  de  Ipur  com- 
merce,  &  favoir  le  cours  du  change. 

A  Paris  on  dit  fimplement  la  Place,  à  Lyon  on 
la  nomme  auffi  la  Place  ou  la  Place  du  change  ;  à 
Touloufe  ,  à  Londres  ,  à  Amfierdam  ,  &  prefque 
dans  tous  les  pays  étrangers,  la  bourfe. 

Faire  des  Usités  &•  remifes  de  Place  en  Place  ,  ce(\. 
faire  tenir  de  l'argent  d'une  ville  à  une  autre  parle 
moyen  des  lettres  de  change  ,  moyennant  un  cer- 
tain droit  qui  fe  régie  fuivant  que  le  change  eft  plus 
ou  moins  haut. 

Quelquefois  le  mot  de  Place  fe  prend  pour  tout 
le  corps  des  marchands  &  ncgocians  d'une  ville. 
Oii  dit  en  ce  fens  que  la  Place  de  Lyon  efl  la  plus 
confidérablc  &•  la  plus  riche  de  France;  pour  dire 
(  qu'il  n'y  a  point  dans  le  royaume ,  de  banquiers  & 
de  marchands  plus  riches  ni  plus  accrédités  que 
ceux  de  Lyon. 

Place  fe  dit  auffi  d'une  forterefle. 

Les  Places  fortes  n'appartiennent  qu'au  roi ,  & 
elles  font  abfolument  inaliénables  ,  comme  fervant 
îi  la  défenfe  publique  &  à  la  fureté  de  l'état.  Voyez 
le  traité  de  la  fonvcrainetè  de  M.  le  Bret. 

PLACET.  Ce  mot  fe  dit  d'une  demande  fuc- 
çinte ,  formée  par  écrit  pour  obtenir  juftice  ,  grâce , 
faveur ,  &c. 

Dans  les  fièges  où  les  affaires  font  en  fi  grand 
nombre  ,  que  les  parties  ne  peuvent  pas  être 
entendues  à  mefure  qu'elles  fe  préfentent ,  on 
flonnç  un  Placer  au  chef  de  la  compagnie,  pour 


PLACITÉ. 

demander  a;idi;ince.  Au  chârclct  de  Paris,  les  Pla- 
cées concernant  les  caufes  qui  doivent  être  portées 
au  parc  civil,  fe  préfentent  à  M.  le  lieutenant  ci- 
vil  :  ceux  qui  concernent  les  affaires  du  préfi- 
dial ,  fe  préfentent  au  lieutenant  particulier  qui 
y  préfide. 

PLACITÉ.  Ce  mot  fignifioit  autrefois  plaid  ou 
a/tije  de  juHice. 

Nos  rois  des  deux  premières  races  avoient  leur 
Placité  général  ou  grande  affife  ,  leur  cour  plénière 
qu'ils  tenoient  avec  les  grands  du  royaume  ,  la- 
quelle affcmblée  ,  fous  la  troifiéme  race ,  a  été  ap- 
pelée parlement. 

En  Normandie,  on  appelle  Placités  ou  articles 
Placitês ,  certains  articles  arrêtés  par  le  parlement 
les  chambres  aflémblées  le  6  avril  1666,  concer- 
nant plufieurs  ufages  de  la  province,  lefquels  arti- 
ticles  furent  envoyés  au  roi,  avec  prière  à  fa  ma- 
jefté  de  trouver  agréable  qu'ils  fuflent  lus  &  pu- 
bliés ,  tant  à  l'audience  de  la  cour  ,  que  dans  toutes 
les  juridiflions  du  reflbrt. 

PLAGIAT.  C'eft  le  crime  de  celui  qui  vole  des 
enfans. 

Celui  qui  retient  de  force  chez  lui  la  femme  ,  les 
enfans  ,  ou  les  domeftiques  d'autrui,  efl  auffi  cou- 
pable du  crime  de  Plagiat. 

Chez  les  Romains  on  prononçoit  pour  crime  de 
Plagiat ,  la  peine  de  la  condamnation  aux  mines 
contre  les  perfonnes  difîinguées ,  &  celle  de  mort 
contre  les  autres. 

Il  n'y  a  parmi  nous  aucune  loi  particulière  con- 
tre ce  genre  de  crime  :  mais  on  punit  ceux  qui  en 
font  convaincus,  comme  les  voleurs,  quelquefois 
de  mort,  &  quelquefois  d'une  moindre  peine,  fé- 
lon les  circoniîances.  Par  exemple,  on  condamne 
à  mort  les  mendians  qui  volent  des  enfans  &  qui 
les  miuilent ,  &  l'on  ne  prononce  contre  eux  que 
la  peine  des  galères,  quand  il  n'y  a  point  de 
mutilation. 

Godefroi  rapporte  dans  fon  hiftoire  de  Char- 
les "VII,  que  le  famedi  18  avril  1449  ,  on  pendit 
deux  hommes  &  une  femme  convaincus  d'avoir 
volé  de  petits  enfans. 

yne  mendiante  qui  avoit  enlevé  à  Paris  un  en- 
fant ,  &  qui  l'avoit  gardé  plufieurs  années  avant  de 
l'y  ramener,  a  été  condamnée  ,  par  arrêt  du  6  juil- 
let 1740  ,  au  fouet ,  à  la  marque  ,  &  à  être  renfer- 
mée à  perpétuité  dans  la  maifon  de  force  de  l'hô- 
pital général. 

Par  un  autre  arrêt  du  23  janvier  1756  ,  le  parle- 
ment de  Paris  a  prononcé  les  mêmes  peines  contre 
Françoife  Chabanoue  ,  convaincue  d'avoir  volé  un 
enfant  de  fix  mois. 

PLAIDOYER.  C'eft  un  difcours  prononcé  à  l'au- 
dience en  préfence  des  juges  ,  pour  défeixlre  le 
droit  d'une  partie. 

Dans  les  tribunaux  où  il  y  a  des  avocats ,  ce  font 
eux  qui  plaident  la  plupart  des  caufes,  à  l'excep- 
tion de  quelques  caufes  légères  qui  ne  roulent  que 

fur 


PLAIDOYER. 

(lir  le  fait  &  la  procédure,  que  les  procureurs  font 
admis  à  plaider. 

Une  partie  peut  plaider  pour  elle-même  ,  pour- 
vu que  le  juge  la  difpenfe. 

Un  Plaidoyer  contient  ordinairement  fix  parties  ; 
favoir  ,  les  conchifions  ,  l'exorde,  le  récit  du  fait , 
celui  de  la  procédure,  Tétabliffement  dos  moyens, 
&  la  réponfe  aux  objeftions. 

Les  conclufions  ne  fe  pr,jnoient  autrefois  qu'à 
la  fin  du  Plaidoyer;  le  juge  difoit  à  l'avocat  de 
conclure ,  &  le  difpofitif  du  jugement  étoit  tou- 
jours précédé  de  cette  claufe  de  flyle  ,  polïijuàm 
conclufum  fuit  in  caufi;  mais  depuis  long-temps 
il  eft  d'ufage  que  les  avocats  prennent  leurs 
conclufions  avant  de  commencer  leur  Plaidoyer; 
ce  qui  ert  f.igement  établi  ,  afin  que  les  juges  fâ- 
chent d'abord  exaftement  quel  efl  l'objet  de  la 
caufe. 

PLAIDS.  On  donne  ce  nom  à  certaines  affcm- 
blées  de  juflice. 

On  diftingue  deux  fortes  de  Plaids  ;  favoir  ,les 
Plaids  ordinaires ,  &  les  Plaids  généraux. 

Les  Plaids  ordinaires  font  les  jours  ordinaires 
d'audience. 

Les  Plaids  généraux,  qu'on  appelle  en  quelques 
endroits  afftfis  ,{ont  une  affemblée  extraordinaire 
des  officiers  de  la  juilice ,  à  laquelle  ils  convo- 
quent tous  les  vadaux,  cenfitaires,  8f  jufliciables 
du  feigneur. 

Ces  fortes  de  Plaids  généraux  fe  règlent  fui- 
vant  les  coutumes  ,  iSc  dans  celles  qui  n'en  parlent 
pas  ,  fuivant  les  titres  du  feigneur  ,  ou  fuivant  l'ii- 
fage  des  lieux,  tant  pour  le  droit  de  tenir  ces  fortes 
de  Plaids  en  général,  que  pour  la  manière  de  les 
tenir,  &  pour  le  temps. 

La  tenue  des  Plaids  généraux  ne  fe  pratique 
guère ,  parce  qu'il  y  a  plu"^  à  perdre  qu'à  gagner 
pour  le  feigneur ,  qui  efl  obligé  de  donner  les  alli- 
gnations  à  fes  dépens. 

Quand  le  feigneur  veut  faire  tenir  fes  Plaids,  il 
doit  faire  afllgner  fes  vaflaux  à  perfonne  ou  a  do- 
inicile  ,  ou  faire  donner  l'afîjgnation  au  fermier  & 
détenteur  du  fief. 

Il  faut  que  cette  affignation  foit  donnée  par  le 
miniAère  d'un  huiffier  ou  fergent,  &  qu'elle  foit 
revêtue  des  formalités  prefcrites  pour  les  ajour- 
nemens. 

Le  délai  doit  être  d'une  quinzaine  franche. 

Le  vaffal  doit  comparoître  en  perfonne,  ou  par 
procureur  fondé  de  f.i  procuration  fpéciale. 

Faute  par  lui  de  comparoître  à  l'aHlgnation  , 
s'il  n'a  point  d'empêchement  légitime,  il  doit  être 
condamné  à  l'amende  ,  qui  eft  différente  félon  les 
coutumes  ;  cette  amende  eft,  par  exemple,  fixée 
à  dix  fous  parifis  ,  ou  douze  fous  fix  deniers  , 
par  les  coutumes  de  Péronne,  Montdidier  ik  Roie. 
Le  feigneur  peut  faifir  pour  faire  p^yer  cette  amen- 
de ;  mais  il  ne  fait  pas  les  fruits  fiens ,  &  la  faifie 
Toau  XIÎl, 


PLAINTE. 


1:9 


tient  jufqii'à  ce  que  le  vaffal  au  payé  l'amende  & 
les  frais. 

Le  feigneur  peut  faire  tenir  fes  Plaids  dans  toi  te 
l'étendue  de  fon  fief,  &  dans  les  maifons  de  fes 
vafi'aux. 

On  tenoit  aurrefois  les  Plaids  généraux  dans  les 
lieux  ouverts  &  publics,  en  plein  champ,  fous  des 
arbres,  fous  lorme  ,  dans  la  place ,  ou  devant  la 
porte  du  château  ou  de  l'églife. 

Il  y  a  encore  quelques  juftices  dans  lefquelles 
les  Plaids  généraux  ou  affifes  fe  tiennent  fous  l'or- 
me, comme  à  Anières  près  Paris  ,  dont  la  feigneu- 
rie  appartient  à  faint  Germain  des-Prés. 

La  comparution  des  vaffaux  aux  Plaids  géné- 
raux ,  a  pour  objet  de  faire  connoître  les  rede- 
vances qu  ils  doivent ,  &  de  leur  faire  déclarer  en 
particulier  le>  héritages  pour  lefquels  elles  font 
dues,  &  fi  depuis  les  derniers  aveux  ils  ont  acheté 
ou  vendu  quelques  héritages  venus  de  la  feigneu- 
rie ,  à  quel  prix,  de  qui  il  les  ont  achetés,  à  qui 
ils  en  ont  vendu  ,  enfin  ,  devant  quel  notaire  le 
contrat  a  été  paffé. 

Voyez  le  traité  des  fiefs  par  BHUcocq. 

PLAINTE.  C'eft  une  déclaration  par  laquelle 
on  défère  à  la  juftice  quelque  injure  ,  dommage 
ou  autre  excès  qu'on  a  fouffert  de  la  part  d'un 
tiers. 

Les  Romains  diftinguolent  les  délits  privés,  des 
dHits  publics.  Chacun  pouvoit  rendre  Plainte  re!?- 
tivement  à  ceux-ci  ;  mais  il  n'y  avoir  que  les  jrar- 
ties  intéreffées  qui  puffent  fe  plaindre  de  ceux-là. 

En  France,  il  y  a  dans  tous  les  crimes  deux  for- 
tes de  perfonnes  qui  peuvent  rendre  Plainte;  fa- 
voir ,  la  perfonne  offenféc,  &  la  partie  publique. 

Les  procureurs  du  roi  ou  fifcaux  ,  Sec.  peuvent 
intenter  Plainte  ou  accufatio.n  pour  raifon  de  plu- 
ficurs  crimes  en  même  temps ,  contre  le  même 
accufé ,  ou  pour  raifon  du  même  crime  contre 
plufieurs  accufés  ,  &  les  envelopper  tous  dans  une 
feule  &  même  accufatien.  Ils  doivent  même  le 
faire  dans  le  cas  où  les  accufés  font  complices 
d'un  même  crime  ,  ou  que  les  crimes  font  con- 
nexes. 

Ils  peuvent  auffi  ajouter,  quand  ils  veulent ,  à 
leur  première  accufation  ,  lorfqu'ils  découvrent  de 
nouveaux  complices  ,  ou  que  quelqu'un  des  ac- 
cufés eft  prévenu  de  quelque  nouveau  crime  qui 
n'étoit  point  encore  venu  à  leur  connoiffance  ,  ou 
lorfque  le  crime  pour  lequel  i'accufé  étoit  pour- 
fnivi .  vient  à  changer  de  nature  ,  comme  loi  fqi.e 
la  bleffurc  d'un  offenfé  ,  qu'on  ne  croyoit  pas 
mortelle  ,  vient  à  être  fuivie  de  la  mort  de  cet 
offenfé. 

Piufieurs  perfonnes  peuvent  en  même  teaij-s 
rendre  Plainte  ,  lorfqti 'elles  ont  toutes  intérêt  à 
l'offenfe ,  mais  une  feule  fuffit  pour  la  pourfuitc 
du  procès  criminel. 

Les  trois  premiers  articles  du  titre  3  de  l'ordon- 
nance du  mois  d'août  1670,  règlent  comment  & 

R 


130  PLAINTE. 

devant  qui  une  Plainte  doit  fe  former  (i). 

Suivant  ces  lois ,  une  Plainte  peut  être  rendue 
par  requête  ou  par  procès-verbal  (2).  Si  elle  eft  ren- 


(i)  Voici  ces  trois  arûclts, 

!•  Les  Plaintes  pourront  fe  faire  par  requête ,  Se  auront  date 
du  joue  feulement  que  le  juge  ,  ou  en  fon  abfence  ic  plus  an- 
cien praticien  do  îieu  ,  les  aura  répondues. 

1,  Pourront  auifi  les  Plaintes  être  écrites  par  le  greffier  c  1 
préfence  du  juge.  Défendons  aux  huiflierj ,  fergens  ,  arches 
&  notaires, de  les  recevoir,  à  peine  de  nullité  ,  &:auxjug.s 
de  les  leur  adrefl'er  ,à  peine  d'intcrdittion. 

j.  N'entendons  néanmoins  rien  innover  dans  la  fondiîo  i 
des  cotnmilTaires  de  notre  châtelet  de  Paris ,  pour  la  réceptio  1 
des  Plaintes ,  qu'ils  feront  tenus  de  mettre  au  greffe  ,  enfem 
ble  toutes  les  informations  8t  procédures  par  eux  faites  dam 
les  vingt-quatre  heures  ,  donr  ils  feront  faire  mention  parle 
grefticr  au  bas  de  leur  expédition ,  ôc  ù  c'eft,  avant  ou  apte? 
midi ,  à  peine  de  cent  livres  d'amende  ,  moitié  vers  nous ,  & 
moitié  vers  la  partie  qui  fe  plaindra, 

_(x)  Formule  d'une  Plainte  par  requête. 

A  monfieur. 

Supplie  humblement...  difant...  (  «noncer  7ci  les  faits  de  li 
Plétinte  b"  toutes  leurs  circonjiances  ).  Ce  confidérc,  monlîeur , 
il  vous  plaife  donner  adc  au  fuppliant  de  la  Plainte  ci-deflus  , 
lui  permettre  de  faire  informer  des  faits  contenus  en  fa  pré- 
fçnte  requête  ,  circonflances  &  dépendances  ,  pour,  l'infor- 
mation faite  &  .lappoitée,  être  ordonné  ce  qu'il  appartiendra 
(  Quand  il  y  a  lieu  à  monitoire  ,  on  y  ajoute  ;  )  nicme  d'obte 
nir  &  faire  publier  monitoire  en  forme  de  droit,  pour,  c: 
fiit  &  communiqué  au  procureurdu  roi  ,  ou  au  procureur  fi f^ 
cil  de  ce  fiége  ,  être  ordonné  ce  qu'il  appartiendra  5  ôc  vou; 
ferez  juftice. 

Piainte  du  procureur  du  roi  cufifcaU 

A  monfieur.... 

Vous  remontre  le  procureur  du  roi  oufifcnl ,  qu'il  a  eu  avii 
que...  Ce  conlidéré  ,  monfieur,  il  vous  plaife  permettre  an 
remontrant  de  faire  informer  des  faits  contenus  en  la  préfentî 
tequcce  ,  circonllanccs  &:  dépendances  ,  pour ,  l'information 
faite  &  à  lui  communiquée  ,  requérir  ce  qu'il  appartiendra. 

Orionnanct  du  juge. 

Vu  la  ptéfente  requête  ,  nous  avons  donnS  Aùe  de  la 
Plainte  au  fuppliant  (  ou  au  procureur  du  roi  oufifcnl  )  ,  per- 
mis défaire  informer  pardevant  nous  (  Jî  c'fj'î  au  chatclet  , 
pardevant...  commiffaire  )  des  faits  contenus  en  icclle  ,  cir- 
c»iirtances  &:  dépendances.  (Etfila  requê:e  tend  à  mtnitoirt , 
on  ajouti  :  )  même  d'obtenir  &  faire  publier  monircire  en 
forme  de  droit  ;  pour  ce  fait ,  communiqué  au  procureur  du 
toi  ou  a'x  procureur  fifc al  de  ce  ûège  ,  être  ordonné  ce  qu'il 
apparticaJra. 

Formule  de  Flainte  par  proccs-verlal. 

L'an.,.,  le....  jour  de....  heure  de...  pirdevant  nou5....  ell 
comparu...  lequel  nous  a  dit  6c  fait  Plainte  que  (  ditailler  ici 
les  faits  qui  donnent  lieu  d  la  PLnnte ,  )  en  conféquence  ,  a 
requis  qu'il  nous  plût  lui  permettre  de  faire  informer  des  faits 
contenus  en  fa  Plainte  ci-deilus,  ciïconitances  &:  dépendan- 
ces ,  &  a  ligné  ,  (  ou  déclaré  ne  favt'.r  écrire  ni  fignir  )  de  ce 
enquis  fuivant  l'ordonnance.  Sur  quoi  noirs  avons  donné  ade 
audit.,,  de  fa  Plainte,  permis  de  faire  informer  des  faits  y 
contenus,  circonftances  &:  dépendances,  pa-dcvant...  pour 
Ci  faitSc  communiqué  au  procureur  du  roi  ou  fifs.ïl  ,  ètie  or- 
donné ce  que  de  raifon.  {  Et  fi  celui  qui  rend  la  Plain-e  v:ut 
en  mîmt-temps  fi  rendre  partie  civile  ,  on  ajoute  :  )  déclarant 
ledit  plaignant  qu'il  fe  rend  partie  civile  ,  !k  a  li^rxé  (ou  a 
déclaré  ne  favoir  figner  ). 


PLAINTE. 

due  par  requête ,  elle  n'a  date  que  du  jour  que  la 
requête  eft  repondue.  Quand  on  rend  Plainte  par 
procès-verbal ,  il  doit  être  écrit  par  le  greffier  en 
prôfence  du  juge. 

Autrefois ,  plufieurs  officiers  partageoient  avecle 
juge  le  droit  de  recevoir  les  Plaintes  &  de  faire  les 
informations. Les  huiffiers  du  châtelet,  entr'auties, 
étoient  pour  cela  dans  unepoffeiïion  immémoriale, 
fur-tout  lorsqu'ils  avoient  été  commis  par  les  juges 
à  cet  effet.  La  cour  commettoit  aufl'i  quelquefois , 
par  arrêt,  des  huiffiers  du  parlement  pour  informer. 

Cet  ufage  étoit  fondé  fur  une  apparence  d'utilité 
publique  ,  en  ce  qu'il  en  coiitoit  beaucoup  moins 
aux  pariies  pour  le  tranfport  d'un  huiffier  que  pour 
celui  d'un  confeiller  ou  autre  juge:  mais  la/acilitè 
qu'on  trouvoit  à  corrompre  ces  officiers  fubalter- 
nes  ,  &  les  autres  inconvéniens  fans  nombre  qui 
réfultoient  de  cet  ufage ,  ont  déterminé  le  Icgifla- 
reur  à  l'abolir ,  comme  abufif ,  &.  à  ne  confier  qu'aux 
Ceuls  juges  la  réception  des  plaintes  &  la  confec- 
tion des  informations. 

Il  n'y  a  d'exception  à  cette  règle  qu'en  faveur 
des  cemmiflaires  au  châtelet  de  Paris,  qui ,  ayant 
toujours  été  regardés  comme  alTocics  à  la  magiftra- 
ture  ,  ont  mérité  cette  diflinflion  :  mais  pour  qu'ils 
ne  reftent  pas  long  temps  les  maîtres  des  Plaintes 
&  des  charges  ,  qui  ne  peuvent  être  trop  tôt  confi- 
gnées  dans  un  dépôt  sûr,  le  légiflateur  a  voulu 
qu'ils  les  remiflent  au  greffis  dans  les  vingt-quatre 
heures.  L.i  date  de  cette  rçmife  ,  &  fi  c'eft  avant  ou 
après  midi ,  doit  être  conftatée  par  le  greffier.  La 
peine  du  défaut  d'exécution  de  la  loi  à  cet  égard 
contre  le  commiffaire,  eft  une  amende  de  cent  li- 
vres ,  dont  la  moitié  eft  applicable  au  roi ,  &.  l'autre 
moitié  à  la  partie  plaignante  C  '  )• 

Il  peut  arriver  que  le  juge  foit  abfent  ou  malade, 
ou  qu'il  fe  récufe  ;  &  comme  les  affaires  criminelles 
doivent  être  inftruites  fans  délai,  le  plaignant  eft 
alors  fondé  à  s'adreffer  au  plus  ancien  praticien  ,  & 
non  à  la  partie  publique  dont  le  miniftêre  eft  nécef- 
faire.  C'tft  en  conformité  de  cette  règle  que,  par 
?,rrêt  du  2  oâobre  1711  ,  le  Parlement  de  Paris  a 
fait  déftnfe  au  procurer.râfcal  de  la  juftice  de  Ber- 
gereffe  ,  de  faire  aucune  fonâion  déjuge,  en  cas 
d'abfence  ou  autre  empêchement  du  juge  ordinaire, 
dans  les  affaires  fujettes  à  communication  ,&  no- 
tamment dans  les  matières  criminelles  ;  &  a  or- 
donné qu'en  pareil  cas  la  fonéîion  de  juge  feroit 
dévolue  à  l'ancien  procureur  poftulanr. 

La  même  cour  a  rendu  deux  antres  arrêts  fem- 
blublcs  les  21  juin  &  23  juillet  17 12. 

Obfervez  toutefois  que  le  praticien  qui  fupplée 


(1)  Remarquez  qu'a  Pa;!!,  quand  la  garde  de  la  ville  con- 
duit chez  un  commifTaire  quelques  pcrfonnes  accufées  d'a- 
voir contrevenu  aux  ordonnances  de  police  ,  i-1  a  le  droit  de 
les  renvoyer  après  les  avoir  entendues  ;  &  fi  ce  font  des  gens 
ians  aveu,  il  peut  les  faire  conduire  en  prifon  en  drelfanc 
procès  verbal  :  mais  lorfqu  il  s'agit  de  perforn;s  domiciliées 
qui  lui  paroiffent  mériter  la  )>cifoa,  il  cil  obligé  de  les  faitç 
cjtiduïie  devant  le  juge. 


PLAINTE. 

le  iage  en  pareille  circonftance,  doit  réfider  clans 
le  iieu  de  la  juridiflion.  C'eû  ce  que  le  parlement 
de  Paris  a  encore  jugé  par  arrêt  du  12  feptembre 

Le  juge  d'inftriiâion  ne  doit  permettre  d'infor- 
mer ni  recevoir  aucune  Plainte  ,  qu'autant  que  les 
faits  allégués  peuvent  être  confidérés  comme  gra- 
ves :  autrement  il  doit  renvoyer  fur  la  Plainte  à  Ce 
pourvoir  à  fins  civiles ,  ou  ordonner  que  les  parties 
en  viendront  à  l'audience. 

Ainfi ,  quand  il  ne  s'agit  que  de  fimples  injures 
verbales  ,  le  juge  ne  doit  pas  permettre  de  prendre 
la  voie  criminelle,  &  il  doit  en  ce  cas  ordonner 
que  les  parties  fe  pourvoiront  au  civil. 

Mais  (i  la  Plainte  eA  de  nature  à  être  pourfuivie 
criminellement,  le  juge  ne  peut  refufer  de  la  ré- 
pondre ,  &  il  doit  permettre  d'informer  des  faits 
qui  y  font  contenus. 

De  même  il  ne  doit  point  recevoir  de  Plaintes 
pour  raifon  de  faits,  qui  ne  regardent  &  n'intéref- 
fent  point  les  parties. 

Le  juge,  en  recevant  une  Plainte  qui  renferme 
d'.fférens  faits ,  ne  doit  permettre  d'informer  que  de 
ceux  qui  intérefient  le  plaignant ,  &  non  des  au- 
tres ;  autrement  cette  procédure  feroit  nulle  &  vi- 
cieufe.  Mais  fi  les  autres  faits  quin'intérefTenr  point 
l'accufé,  font  de  nature  à  mériter  l'animadverfion 
publique,  le  "uge  peut  ordonner  dans  ce  cas  que 
la  Plainte  pour  raifon  de  ces  faits  fera  communi- 
quée au  procureur  du  roi  ou  fifcnl ,  pour  être  par 
lui  prif^s  telles  condufions  qu'il  jugera  à  propos  ; 
&  enfuite,  fur  ces  conclufions  ,  le  juge  peut  in- 
former ,  s'il  y  a  lieu  dz  le  faire. 

La  Plainte  n"eft  pas  abfolument  néce/Taire  pour 
que  le  juge  puiffe  informer  contre  quelqu'un  ,  lorf- 
que  le  coupable  eft  arrêté  en  vertu  d'un  ordre  fu- 
périeur  ,  ou  qu'il  eft  pris  en  flagrant  délit ,  ou 
arrêté  à  la  clameur  publique,  6c  en  général ,  toutes 
les  fois  qu'il  a  été  emprifonné  par  autorité  du  juge. 
A  Paris  ,  les  commiftaires  au  châtelet  peuvent  aufli 
informer  par  eux-mêmes  des  crimes  ,  ftns  réqui- 
fuion  ni  miniftère  du  procureur  du  roi  ou  de  fes 
fubftituts ,  dans  le  cas  de  flagrant  délit ,  fans  Plainte 
d'aucune  partie  privée. 

Il  n'eft  pas  même  néceflâire,  lorfque  le  juge  a 
informé  d'ofiice,  que  le  procureur  du  roi  ou  fiYcal 
donne  enfuite  la  Plainte  ;  il  fuffit  que  cette  partie 
publique  agilTe  en  conféquence  contre  l'accufé.  Il 
y  a  plufieurs  procès  criminels  célèbres ,  dans  lef- 
quels  il  n'y  a  aucune  Plainte.  Dans  celui  qui  fut 
fait  en  l'année  1674  au  chevalier  de  Rohan  &à 
fes  complices  ,  pour  crime  de  lèz^-majefté,  il  n'y 
a  aucune  Plainte;  &  le  premier  afte  qui  paroît  de 
la  part  du  procureur-général  de  la  commilHon 
établie  pour  l'inftruâion  de  ce  procès ,  c'eft  les 
cenclufions  pour  recommander  le  chevalier  de  Ro- 


(i)  Cet  arrêt  a  fait  défenfe  au  fieuc  Balet  de  faire  les 
fondions  de  juge  cans  la  juflice  d'Uffon  ,  ayan;  d'avoir  établi 
fon  domicile  dans  le  lieu  de  la  juridiction. 


PLAINTE.  131 

li^  ,  qui  avolt  été  arrêté  par  ordre  du  roi ,  &  mis 
prifonnicr  à  la  baftille. 

En  effet,  l'objet  de  la  Plainte  n'étant  que  pour 
parvenir  à  s'aflurer  du  coupable  &  à  inftruire  fon 
procès  ,  û  le  criminel  eft  arrêté ,  il  eft  évident 
que  cette  Plainte  devient  inutile,  &  qu'il  fuffit  que 
la  procédure  foit  communiquée  à  la  partie  publi- 
que ,  afin  qu'elle  agifiè  enfuite  pour  la  pourfuite  6c 
l'inftrufHon  du  procès  ,  fur  le  vu  de  l'information  , 
foit  en  concluant  au  décret ,  foit  à  quelqu'autre 
jugement  d  inftruf^ion  ,  &  quelquefois  même  à  la 
peine. 

La  Plainte  faifit  la  juridi£lion  du  juge  à  qui  elle 
cftpréfentée,  quand  même  il  feroit  qiteftion  dans 
cette  Plainte  d'un  fait  purement  civil  ,  &  qui  ne 
pourroit  intcrefter  la  jtiridiélion  du  juge  criminel. 
Dans  ce  cas  ,  ce  n'eft  point  au  juge  civil  à  en 
connoître  ,  mais  au  juge  criininel  à  qtii  elle  eft  p:é- 
fentée;  &  c'eft  à  ce  dernier  à  la  recevoir,  ou  à 
renvoyer  le  plaignant  devant  le  juge  qui  en  doit 
connoitre. 

Lss  plaignans  ne  font  point  réputés  parties  ci- 
viles ,  s'ils  ne  le  déclarent  formellement ,  ou  par 
la  Plainte,  ou  par  aâe  fubféquent,  qui  peut  fe 
faire  en  totit  état  de  caufe  (  i  )  ;  ceci  a  été  éta- 
bli pour  faciliter  la  punition  des  crimes  ,  fans  obli- 
ger les  parties  de  fe  mettre  dans  le  cas  de  fuccom- 
ber  aux  frais. 

On  peut  être  plaignant,  fans  être  partie  civile  , 
comme  on  le  voit  par  l'ordonnance  de  1670  ,  titre 
30,  article  5;  mais  on  ne  peut  être  partie  civile  • 
lans  être  plaignant. 

Lorfque  le  plaignant  ne  fe  porte  point  partie  ci- 
vile parla  Plainte,  mais  par  un  aâe  fubféquent, 
cet  afte  doit  être  fignifiè  à  l'accufé ,  Si.  au  procureur 
du  roi  ou  fifcal,  s'il  eft  joint  à  la  pourfuite. 

Quand  un  plaignant  s'eft  porté  partie  civile  ,  foit 
par  la  Plainte ,  foit  par  un  afte  fubféquent,  il  peut 
s'en  départir  dans  les  vingt-quatre  heures  ;  &  dans 
ce  cas  dedéfiftement,  il  n'eft  plus  tenu  des  frais  faits 
depuis  qn'il  a  été  fignifié ,  mais  feulement  de  ceux 
qui  ont  été  faits  avant  ce  défiftement,  fans  préju- 
dice néanmoins  des  domimages  &  intérêts  des  par- 
ties accufées ,  dans  le  cas  oij  l'accufation  feroit 
injufte  ou  calomnieufe  (  i  ). 


(1)  Formule  d'aile  pir  lequel  le  pLi^nant  fe  rend  yartie 
cifile. 

L'an. .  le,.,  neuf  heures  du  matin  ,  à  Ja  requête  de...  pour 
lec|uel  domicile  eft  élu  en  h  maifon  de  M*...  je...  huiiïicr  à  ., 
fouffigné  ,  certifie  avoir  ilgnific  &  déclare  à  M.  le  procureur 
du  roi  au  bailliage  de...  au  doreicile  de  M'.,  greftîer  dudit 
bailliage,  demeurant  à...  en  parlant  à...  que  le  requérant  fc 
rend  partie  civile  ,  &  entend  pourfuivre  à  fa  requête  fur  la 
Plainte  qu'il  a  hier  rendue  devant  M^.  contre...  &  j'ai  à  mon- 
dit  fieur  procureur  du  roi ,  toujours  à.  domicile  ,  Se  parlant 
comme  dclTus ,  iaiflè  copie  du  préfent  adc. 

(2)  Fcrmule  à'a£le  de  defifiement. 

L'an...  le. .  huir  heures  du  matin  ,  à  la  requête  de...  pour 
lequel  iomicile  eft  élu  en  la  maifon  de  M',,,  fon  prociire'ur 
au  bailliage  de...  demeurant  à.,,  je...  huiffier  à...  fouffîgnc  , 
cetiifie  avoir  fignifié  8c  déclaré  à  M'...  en  fon  domicile,  e> 

Rij 


i3i  PLAINTE. 

Lorfque  le  plaignant  s'eft  porté  partie  civile  con- 
tre plufieiiis  pi-rlonncs  ,  il  pciit  fe  dèfjfler  à  l'égaid 
des  unes  ,  (ans  être  obligé  de  le  faire  à  l'égard  des 
antres ,  pourvu  que  ce  déMement  fe  faffe  auffi  dans 
les  vingt-c;natre  liçurcsde  la  Plainte. 

Ce  temps  de  viiigt  quatre  heures  cfl  limité  prin- 
cipalement en  faveur  de  raccufé,  afin  qu'il  puilTe 
demander  que  le  plaignant,  qui  ne  fe  défifteroit 
qu'après  ce  temps,  demeure  en  caufe  pour  pou- 
voir obtenir  contre  lui  des  dommages  Se  intérêts  , 
en  CriS  d'a<nion  calomnicjufe.  La  partie  publique 
peut  aulfi  empêcher  le  défiilement  qiù  feroit  fait 
après  les  vingt-quatre  heures,  &  demander  que  le 
plaignant,  qui  ne  fe  défifteroit  qu'aprîs  ce  temps  , 
demeure  paitie  civile. 

Faute  de  faire  ce  défiftement  dans  les  vingt-qua- 
tre heures,  les  plaignans  qui  fe  font  portés  parties 
civiles,  ik  qui  ne  fe  défiflent  qu'après  ce  temps  , 
font  tenus  de  tous  les  frais,  tant  envers  l'accufé 
qu'cavcrs  le  domaine,  ainfi  qu'il  rcfulte  de  la  dif- 
pofition  de  cet  article  5  qu'on  vient  de  citer. 

Quand  une  fois  on  s'eft  défifté  d'une  Plainte 
contre  un  accufé,  il  n'eA  plus  permis  de  reprendre 
la  pourfuite  ,  &  de  fe  porter  de  nouveau  partie  ci- 
vile contre  lui. 

Lorfqu'une  Plainte  ert  calomnieufe  ou  téméraire, 
8c  que  le  plaignant  n'a  pu  faire  fa  preuve  ,  il  arrive 
affcz  fouvent  que  l'accufé  qui  a  entendu  parler  de 
cette  Plainte  par  les  témoins  ,  ou  autrement ,  donne 
do  fon  côté  une  autre  Plainte  contre  le  premier 
plaignant,  pour  raifon  des  difcours  calomnieux 
par  lui  répandus. 

Comme  la  Plainte  eft  un  des  principaux  a61es  de 
la  procédure  criminelle  ,  il  eft  jufle  qu'elle  foit  aflii- 
jetrie  à  tout  ce  qui  eft  nécefiaire  pour  en  conftater 
ia  vérité.  Ainf/ , 

1".  Elle  doit  contenir  le  no.Ti  du  plaignant,  ou 
du  moins  fa  qualité  ,  fi  c'eft  une  Plainte  donnée  par 
la  partie  publique  ;  la  qualité  du  crime  ,  le  lieu  où 
il  a  été  commis  ,  &  dans  quel  temps. 

Une  plainte  peut  néanmoins  être  bonne  ,  quoi- 
que le  lieu  du  délit  ne  foit  pas  fpécifié,  quand  on  a  de 
juHes  raifons  pour  l'ignorer,  attendu  que  cela  peut 
fe  fuppléer  par  l'information  &  par  les  preuves  ;  & 
îl  en  ef!:  de  même  du  temps  ,  du  moins  quant  au 
jour  précis  oii  le  déVit  a  été  commis. 

Dans  la  Plainte  pour  crime  de  faux ,  on  n'exprime 
jîi  le  temps  ni    le  lieu  où  le  faux  a  tté  commis  , 

palant  à...  &:  à  M,  le  procureur  du  roi  ai  biilli.ige  de...  au 
do.^iicile  de  M'...  greiîier  dudic  bailiiage  ,  deme'ranc  à...  en 
parlant  3  ..  t]ue  le  reoul-rant  n'eniend  point  être  pa  lic  civile  , 
nialgré  la  litclara.ion  tju'il  en  a  faite  hioi,  concic  ledit,  .  de 
laijuelle  dcclaraiion  il  fe  dclîlle  ,  à  ce  que  mondit  ùeur  pro- 
cuveur  du  roi  &:  ledit.  .  n'en  ignorent  ;  fauf  à  M.  le  procureur 
du  oi  à  pourfuivie  ,  ainfi  riue  bon  lui  Temblera  ,  ponr  la  vin- 
cifle  pubiitjue  ,  &  fous  la  réferve  cjue  fit  le  recjuérant  de 
fa're  ce  qu'il  fera  nécefT.iiie  pour  obier)ir  les  réparaticrs  &: 
intérêts  civils,  (]ui  lui  font  dus  ,  quand  &  ainfi  qu'il  ayifera  • 
Si  j'ai  .1  mr^ndit  fieiir  le  procureur  du  roi,  &:  ai  dit...  tjuiouis 
à  dom'.cile  ,  Ce  parlant  comme  deffiis  ,  làiiTc  copie  à  diacoD 
{«paiement  du  ptéfeai  clfirteiueui. 


PLAINTE. 

parce  qu'ordinairement  on  ne  peut  avoir  cette  con- 
noilTance. 

Il  n'eft  pas  nécelTaire  non  plus  que  la  Plainte 
contienne  le  nom  de  l'accufé,  parce  que  la  Plainte 
cft  plutôt  un  aik  pour  expofer  aux  yeux  delà  juf- 
tice  le  critne  qui  a  été  commis ,  que  l'imputation 
faite  peur  raifon  du  même  crime  ,  à  celui  qui  en 
eft  l'auteur ,  ou  qu  on  croit  l'être  ;  ce  qui  ti\  ,  à  pro- 
prement parler,  le  vrai  de  l'accufation  ,  &  fa  dif- 
férence effentielle  d'avec  la  Plainte. 

Dans  les  Plaintes  rendues  pour  raifon  d'inju- 
res ,  il  eft  néceffaire  qu'elles  contiennent ,  i".  la 
qualité  de  l'injure  reçue  ;  &'  s'il  y  en  a  plufieurs  , 
tant  par  paroles  que  par  voies  de  fait ,  elles  doivent 
être  fpécitiées  :  il  faut  auflî  indiquer  le  temps  où 
CCS  mjures  ont  été  faites,  &  même  le  lieu. 

2".  La  plainte  doit  être  énoncée  d'une  manière 
claire  &  intelligible  ,  bien  circonftanciée  ,  fans  au- 
ci;ne  équivoque  ni  obfcurité,  &  elle  doit  contenir 
l'cxpcfirion  du  fait  &  les  conclufions  du  plaignant  ; 
c'eli-à-dire ,  que  le  plaignant  doit  demander  per- 
miflîon  ,  par  cette  requête  ,  d'informer  des  faits  qui 
y  font  contenus,  circonflances  &  dépendances, 
même  d'obtenir  &  faire  publier  monitoires  ,  s'il  y 
a  liîu  de  prendre  cette  voie. 

3°.  L'ordonnance  veut  que  tous  les  feuillets  deÇ 
Plaintes  foient  fignés  par  le  juge  &  parle  plaignant, 
s'il  fait  ix  peut  figner ,  ou  par  fon  procureur  fondé 
de  procuration  fpéciale  ,  &  il  doit  être  fait  mention 
e~ïprefl"e  fur  la  miniiie  &c  fur  la  groile  ,  de  la  figna- 
ture  ou  du  refus  de  figner;  ce  qui  doit  aufîi  être 
obfervé  par  les  commlffaires  du  chàtelet  de  Paris. 
Le  défaut  de  cette  fignature  ou  de  cette  mention 
emporte  la  nullité  de  la  Plainte. 

Ces  form.alités  font  établies  pour  empêcher  qu'on 
ne  puiflé  altérer  la  Plainte  ,  ou  en  changer  la  date 
&  la  fubftance  ,  en  y  ajoutant  ou  diminuant  ;  ce 
qui  pouvoit  fe  faire  aifément  avant  que  l'ufage  iùt 
établi  de  faire  figner  les  Plaintes  au  juge  &  à  la 
partie. 

Par  arrct  du  parlement  de  Rouen  du  9  novembre 
1728,  il  a  été  )Ugé  qu'une  Plainte  fignée  par  une 
femme  fous  le  nom  de  fon  mari  &  fans  procura- 
tion ,  étoit  valable  entre  le  nommé  Hue  &  les  nom- 
més Garnier.  Pareil  arrêt  du  11  oélobre  1709,  fur 
nnc  Plainte  donnée  par  un  père  contre  fon  fils. 
Autre  arrêt  du  15  février  173$. 

Dans  les  Plaintes  qui  fe  donnent  par  les  parties 
privées  pour  crime  de  faux  incident,  il  faut  une 
infcription  de  faux  delà  part  du  plaignant. 

Quand  il  y  a  Plainte  rcfpeélive  ,  le  juge  doit, 
après  les  interrogatoires  &  l'examen  des  charges, 
juger  lequel  des  deux  plaignans  demeurera  accufé 
ou  accufateur.  11  doit  déclarer  accufé  celui  contre 
lequel  les  charges  font  les  plus  fortes  ;  &:  accufa- 
teur cf  lui  contre  lequel  elles  font  moins  confidé- 
rables. 

f^oyt^  i*ordonnan:e  criminel  It  du  mois  d'acût  iCyo  , 
6*  les  commentateurs  ;  Airault  ,  en  fon  injlrun.iûn  ja- 


PLAINTE  EN  MAT.  CIVILE. 

'Jlcîûire  ;  It  traité  des  matières  criminelles;  JuUus  Cla- 
Tus  ,  pra£tica  criminalis  ;  Z/{"  ,  '"  J'  pratique  crimi- 
nelle 1  Thcveneati  fur  les  crdonnaiiees  ;  le  traité  de  la 
jujlice  criminelle  de  France  ;  le  journal  du  palais , 
&c.  Voyez  auflî  les  articles  CoMMlssAlftE  ,  Par- 
tie CIVILE ,  Procureur  du  roi  ,  Accusé  ,  Ac- 
cusation Information,  &c. 

PLAINTE  EN  MATIERE  CIVILE.  Le  mot 
Plainte  efi  fréquemment  employé  dans  les  Char- 
tres Se  cou:umes  de  Hainaut  ,  pour  défigner  une 
aflion  purement  civile. 

Il  y  a  entre  une  Plainte  proprement  dite  &  une 
requête,  la  même  différence  que  le  droit  commun 
admet  entre  l'adion  réelle  &  l'adîion  perfonnelle. 
On  lit  dans  la  forme  de  procéder  en  Hainaut ,  page 
I  ,  que  «  toutes  caufes  commencent  ,  ou  par  re- 
>»  quête ,  ou  par  Plainte  ,  ou  par  complainte  >».  C'eft 
comme  fi  Ton  difoit ,  toutes  les  actions  font,  ou 
perfonncUes  ,  ou  réelles  ,  ou  po/leffoires.  «  Toutes 
«  aftions  perfonnelles  (  continue  l'auteur  de  cet 
»  ouvrage  )  fe  motivent  par  requête  ».  Donc  les 
aflions  réelles  doivent  s'intenter  par  Plainte  ;  cette 
confèqnence  cft  aulTi  claire  que  fjmple  ,  6c  la  cou- 
tume du  chef  lieu  de  Mons ,  chapitre  1 5  ,  §•  i  >  la 
confirme  de  la  manière  la  plus  évidente;  en  voici 
les  termes  :  "  Pour  abrévier  tous  procès  par  loi  , 
»  qui  le  feront  pour  cas  réel  &  propriétaire,  tous 
"  plaindans,  quand  ils  mettront  outre  leurs  Plain- 
«  tes,  devront,  &c.  ». 

Cette  didiniftion  de  la  requête  d'avec  la  Plainte  , 
n'eft  pas  feulement  dans  les  mots,  elle  eft  encore 
dans  les  chofes. 

Lorfqu'on  agit  par  a<^Ion  petfonnelle  ,  on  pré- 
fente la  requêre  au  chef  de  la  juridiflion  ,  qui  la 
répond  d'un  foii  communiqué  ;  &  même  au  confeil 
fbuverain  de  Mons  ,  chaque  confeiller  a  le  droit 
d'expédier  en  fon  nom  les  ordonnances  de  compa- 
roir (ur  les  requêtes  qui  font  préfentées  à  la  cour. 
C'eftce  que  décide  l'article  1  du  décret  du  roi  d  Ef- 
pagne  du  premier  feptembre  1702  ,  imprimé  à  la 
luite  de  la  coutume  de  Mons ,  édition  de  176 1  ;  & 
c'eft  ce  que  confirme  l'auteur  de  la/ar/ne  de  procé- 
der en  Hainaut ,  page  2,  :  «  La  requête,  dit-il ,  étant 
>j  formée  &  fignée  d'avocat  ,  doit  être  préfentée 
1)  à  un  confeiller,  pour  avoir  !ev//i,  lequel  fe  met 
»  au  pied  de  la  requête  en  cette  forte  :  Appeler  par- 
»  tie  à  tiers  jour  péremptoire  n, 

Lorfqu'on  agit  au  contraire  par  a(îlion  réelle  , 
il  faut  préfenter  la  requête  en  pleine  cour  ,  & 
l'apoftille  doit  être  donnée  au  nom  de  tout  le 
fiége ,  &  fignée  ou  de  chaque  juge,  ou  du  gref- 
fier par  ordonnance.  C'cft  ce  qu'infinue  très-clai- 
rement l'article  4  du  chapitre  45  des  chartres  gé- 
nérales :  «  Les  Plaintes  qui  fe  feront  pour  cerque- 
»  manage  devront  être  jugées  à  ajournement  pour 
w  comparoître  aux  prochains  plaids  enfuivans  ». 
Pourquoi  les  Plaintes,  dont  parle  ce  texte,  doi- 
vent elles  être  ;/i_g-(r«  à  ajourneme;:s  ,  c'efl-à-dire  , 
répondues  d'un  jugement  donné  par  tout  le  fiége 
qui  ordonne  d'ajourner  la  partie  f  CeA ,  répond 


PLAINTE  EN  MAT.  CIVILE.     133 

l'article  3  du  chapitre  fuivant ,  parce  qu'elles  (ont 
propriétaires  ,  ou  réelles.  "Voici  les  ternies  de  ce 
texte  :  «  Les  Plaintes  qui  fe  feront  pour  répara- 
»  tion  (ou  bornage)  feront  propriétaires.  .  ..  fur 
"  laquelle  Plainte  fe  jugera  d'ajournée  partie,  pour 
n  y  procéder  comme  en  atitres  matières  proprié- 
»  taires  ».  On  ne  peut  rien  de  plus  formel  que  ces 
dernières  paroles;  il  en  réfulte  évidemment ,  que 
toutes  les  Plaintes  ,  ou  ,  fi  l'on  veut ,  toutes  les 
requêtes  en  matière  réelle  y  doivent  être  jugées  d'w 
journée  partie. 

Ainfi  les  demandes  en  retrait  lignager  ,  qui  font 
en  Hainaut  de  véritables  actions  réelles  ,  doivent 
être  préfentées  au  fiégc  aliemblé ,  &  répondues 
d'un  jugement  en  forme  ordinaire.  Ecoutons  M^ 
Cogniaux  ,  avocat  au  confeil  fouvcrain  de  Mohs , 
dans  la  pratiijue  du  retrait;  chapitre  5,  n°.  78: 
«  Outre  le  devoir  de  préfentation  &  nantilfement, 
"  le  retrayant  doit  s'adrelTer  par  Plainte  à  la  cour 
»  dominante  ,  &  cette  Plainte  doit  être  jugée  à 
»  ajouniemeiis  &.  fignirications  pour  y  répoadie 
»  aux  prochains  plaids  ».  L'auteur  de  la  farine  de 
procéder  en  Hainaut  ,  enfeigne  la  même  chofe  , 
page  129:  a  La  Plainte  en  retrait,  dit-il,  fe  pré- 
»  fente  en  plein  confeil,  Se  l'appointement  fe  fait 
»  comme  s'enfuit:  les  grands  bailli  ,  préfident  & 
»  gens  du  confeil  fouverain  de  Hainaut ,  ordon- 
»  nent  à  N...  huifiier',  de  bien  &  duement  ajourner 
»  celui  contre  lequel  la  Plainte  s'adrefle  ,  pour  l'ac- 
»  complir  ,  venir  ou  fuffifamment  envoyer  dire 
»  contre  aux  prochains  plaids  ,  qui  fe  tiendront 
»  fuivant  les  devoirs  d'ajournemens  ». 

La  Plainte  diffère  encore  de  la  requête  ,  relati- 
vement aux  juges  à  qui  elle  doit  être  adreffée. 

En  effet ,  on  ne  peut  agir  par  Plainte  que  de- 
vant les,  officiers  de  la  cour  féodale  dominante, 
fi  c'eft  pour  fief;  ou  devant  les  mayeur  &  échcvlns 
de  la  fituation  de  l'héritage  ,  fi  c'efi  pour  main- 
ferme  ;  ou  devant  ceux  du  domicile  du  débiteur , 
fi  c'efi:  pour  meubles.  Cela  efl  fi  vrai,  que  dans 
le  Hainaut  Autrichien  ,  on  ne  peut  fe  pourvoir  par 
Plainte  au  confeil  fouverain  de  Mons  ,  que  lorf- 
qu'on agit  pour  un  fief  relevant  du  comté  de  Hai- 
naut, &  qu'alors  l'apoftille  doit  fe  donner  au  nom 
des  p-and  bailli ,  préfident  &  gens  du  confeil  fouverain 
de  Hainaut. 

On  n'agît  par  requête  que  devant  les  juges 
royaux  fubrogés  aujourd'hui  à  la  cour  de  Mons  , 
©u  devant  les  officiers  des  hautes  jufiices  ,  les  feul* 
qui,  en  Hainaut,  peuvent  connoître  des  adious 
perfonnelles. 

Cette  manière  d'agir  par  requête  eft  tellement 
attachée  aux  juridiélions  royales,  que  les  aélions 
réelles,  lorfquellcs  en  peuvent  connoître  ,  conme 
les  bailliages  du  Quefnoi  Se  d'Avefnes,  s'y  inten- 
tent par  cette  voie  ;  on  ne  peut  s'y  pourvoir  par 
Plainte,  que  lorfque  les  officiers  qui  les  compo- 
fent,  réunifient  à  la  qualité  de  juges  royaux  celle 
de  jugts  fonciers ,  tels  que  font  pour  l'eactinte-d^ 


134      PLAINTE  EN  MAT  CIVILE. 

la  ville  d'Avefnes,  les  officiers  du  baillage  4e  cette 
ville. 

La  coiitiime  du  thef-lieu  de  Mons  règle  la  ma- 
nière dont  fe  doit  faire  lafignitication  d'une  Plainte, 
lorfqu'elle  eft  donnée  contre  un  étranger  de  la  ju- 
rldidion  des  juges  à  qui  elle  eft  adrefiee.  Voici  ce 
que  porte  le  décret  du  12  juin  1556,  article  2: 
*'  Suivant  la  chartre  de  l'an  1534  ,  article  3  t  ,  eft 
"  ordonné  que  deux  échevins  ,  pour  le  moins ,  de- 
>»  vront  avertir  le  cenfier  ou  louager  des  héritiers 
j>  contre  lefquels  Plaintes  propriétaires  ,  ou  autres 
j>  femblables  ,  fe  feront  demeurans  hors  du  juge- 
j>  ment ,  &  davantage  ,  outre  le  contenu  de  ladite 
«  chartre  ,  afin  que  les  héritiers  en  foient  mieux 
>i  avertis  ,  Ton  devra  attacher  brevets  à  Téglife  , 
»  &  à  l'héritage  amaré  ,  s'il  y  en  avoit  aucun  ». 

Le  même  texte  ajoute  ,  que  par  Plaintes  pro- 
priétaires ,  ou  antres  femblablts  ,  il  faut  entendre  les 
Plaintes  de  rendue  à  nouveau  héritier ,  exécution  pour 
penfwns  ou  dettes ,  droits  feigneuriaux ,  Plaintes  de 
par  tape,  pojj'ejfoire  ,  6»  autres  concernant  propriété. 
On  voit  par-là  que  le  mot  Plainte  peut  être  pris 
dans  un  fens  plus  étendu  que  nous  ne  lui  avons 
donné  jufqu'à  prêfent;  mais  pour  ne  pas  nous  jeter 
dans  le  détail  prefque  infini  de  toutes  les  efpèces 
de  Plaintes  qu'occafionne  la  multiplicité  des  caufes 
civiles  ,  nous  nous  bornerons  à  parler  de  quelques- 
unes  des  Plaintes  que  les  coutumes  citées  appellent 
propriétaires  ,  &  qui  n'ont  lieu  qu'en  matière  réelle. 

Plainte  d'arrêt. 

On  nomme  ainfi  une  requête  par  laquelle  le 
créancier  d'une  rente  hypothéquée  demande  que 
le  furcens  (1)  produit  parla  vente  de  Théritage  af- 
ie6>é  foit  faifi ,  pour  acquitter  les  arrérages  qui  lui 
font  dus. 

On  ne  trouve  rien  dans  les  chartes  générales  ni 
dans  la  coutume  du  chef-lieu  de  Mons,  de  relatif 
à  cette  efpèce  de  Plainte  ;  il  n'en  eft  parlé  que  dans 
les  chartes  préavifées  ,  chapitre  37  ;  voici  ce 
qu'elles  portent  à  cet  égard  : 

Article  23.  «  Suivant  Plainte  d'arrêt  &  jugement 
«  rendu  furicellc  ,  pour  ledit  arrêt  faire  ,  d'icy  en 
»  avant,  il  fuffira  de  deux  échevins  ...... 

On  a  voulu  par  cet  article  introduire  un  droit 
nouveau  ;  mais  il  n'a  pas  été  obfervé  :  &  l'on  a 
toujours  tenu  depuis  qu'il  falloit  pour  les  Plaintes 
d'arrêt  le  même  nombre  d'échevins  avec  le  mayeur , 
que  pour  les  autres  Plaintes ,  c'eft  à-dire  ,  quatre. 

24.  »  Lequel  mayeur  fera  tenu  rendre  compte 
»  dudit  arrêt  au  profit  de  ceux  qu'il  appartiendra... 

25.  «  Et  ne  fera  nécefl'aire  renouveler  leUit  ex- 
î>  ploit ,  non  plus  que  du  paffé. 

26.  »  Et  en  cas  de  concours  en  même-temps  de 
»  plufieurs  veuillans  faire  ladite  Plainte  d'arrêt,  le 
«  premier  rentier  fera  préféré  ,  &  les  autres  félon 
«  l'ordre  de  leur  conftitution  ». 

Cet  article  eft  conforme  à  l'ufage,  Se  la  difpofi- 

(i)  Voyez  fouj  ce  mot  ce  qu'on  entend  par  là  en  Hainaut. 


PLAINTE  EN  MAT.  CIVILE. 

I  tïon  en  eft  fondée  fur  ce  nue  les  arrérages  doivent 
fuivre  le  même  ordre  que  ks  reines  dont  ils  font 
l'accefibire.  Voyez  Hypothèque. 

27.  «  Ne  fera  queftion  nu'un  fécond  rentier  fafte 
»  nouvel  arrêt ,  mais  fufhraj  rencharge  es  mains  du 
»  mayeur  préfent...  échevins ,  ou  bien  au  greffe...  )t. 

Cet  article  eft  aufîî  calqué  fur  la  jurifprudence 
de  la  province,  fuivant  lai]ue\\e  fai/îe  far  faijîe  ne 
vaut  ,  mais  fe  convertit  de  plein  droit  en  ren- 
charge. Voyez  ce  mot. 

Plainte  de  cens  &  de  loi. 

On  appelle  ainfi  une  requête  ,  par  laquelle  le 
créancier  d'une  rente  hypothéquée  demande  que 
les  meubles  ik  effets  mobiliers  qui  fe  trouvent  tant 
fur  le  fonds  fournis  à  l'hypothèque  ,  que  dans  les 
autres  endroits  du  territoire  du  juge  ,  foient  pris 
par  exécution  &  vendus  publiquement  ,  pour  fa- 
tisfaire  aux  arrérages  échus. 

11  eft  parlé  de  cette  Plainte  dans  les  chartres  gé- 
nérales de  Hainaut,  chapitre  46  ,  article  7,  &  dans 
la  coutume  du  chef-lieu  de  Mons,  chapitre  14  ; 
mais  ces  deux  lois  font  également  muettes  fur  la 
forme  &  les  fuites  de  cette  a6tion.  Les  chartres 
préavifées  en  parlent  avec  plus  d'étendue.  Voici 
ce  qu'elles  portent ,  chapitre  38. 

«  Article  i.  Moyennant  qu'il  y  ait  un  terme  de 
"  rente  ,  de  telle  nature  que  ce  l'oit ,  échu  quand 
»  la  rente  écherra  à  deux  termes,  ou  d'une  année 
»  lorfqu'elle  écherra  à  un  terme  ,  ou  bien  déplu* 
»  fieurs  années  jufqu'à  trois  ,  l'on  pourra  faire  & 
»   intenter  Plainte  ,  que  l'on  dit  de  cens  &  loi  ,  .  , 

2.  »  Sur  laquelle  le  jugement  devra  porter  ,  que 
»  le  maieur ,  ou  fon  lieutenant,  ou  fergent,  arrê- 
j>  tera  ks  dépouilles  &  meubles  appartenans  aux 
»  débirentiers  ,  étant  fur  l'héritage  hypothécaire 
»  de  la  rente  ,  enfemble  tous  autres  meubles  étant 
»  au  jugement  (  c'eft-à- dire  dans  le  territoire)  des 
»  échevins  ,  &  iiiffira  d'arrêter  une  pièce  pour  tout. 

3.  ».  Lefquellcs  dépouilles  feront  vendues  à  cri 
»  &  recours  ,  en  faifon  convenable  &  ordinaire  ; 
»  &  au  regard  des  meubles  en  dedans  fept  jours 
»  enfuivans  l'arrêt  ,&  non  plus  avant  que  le  pré- 
î)  tendu  du  plaidant ,  lois  &  dépens  ne  portent  . . . 

5.  »  Où  les  héritages  hypothécaires  feroient  mis 
»  à  cenfe  ,  l'on  ne  pourra  arrêter  les  dépouilles  ni 
»  les  meubles  étant  fur  iceux ,  appartenans  audit 
»  fermier  ou  autres;  mais  bien  pourra-ton  acheter 
»  fon  rendage  ,  pour  s'en  faire  payer  qnand  il 
»  écherra  ,  &  que  le  pied  foit  coupé. 

6.  »  Et  s'il  étoit  échu  ,  ledit  maïeur  s'en  pourra 
»  faire  payer  par  exécution  fur  les  biens  dudit  fer» 
»  mier». 

L'article  7  porte ,  qu'en  cas  d'oppofition  de  la 
part  du  débiteur  ,  le  maïeur  doit  fe  tenir  nanti  du  ' 
prétendu  ,  pour  en  répondre  en  temps  &  lieu,  &  l'article 
8  ajoute,   que  'e   créancier  pourra  obtenir  main- 
levée des  deniers  confignès  ,  en  donnant  caution. 

Toutes  ces  difpofuions  font  puifées  dam  l'ufage 


PLAINTE  EN  MAT.  CIVILE. 

&  dans  la  jurifprudence  même  de  la  province  de 

Hainaut. 

Les  Plaintes  de  cens  Se  de  loi  font  maintenant 
fort  rares.  Peu  s'en  faut  même  qu'elles  ne  foient 
abfolumcnt  tombées  en  défuétude celles  ont  cepen- 
dant un  avantage  fur  les  autres  :  c'eft  que  celui 
qui  a  obtenu  un  jugement  fur  une  Plainte  de  cette 
nature,  précède  tous  les  fermages  &  loyers  pour 
trois  années  d'arrérages  ,  non-feulement  fur  les 
meubles  qui  fe  trouvent  dans  l'héritage  hypothé- 
qué à  la  rente  ;  mais  encore  fur  tous  ceux  qui  exif- 
tent  dans  l'étendue  de  la  juridiâion  ;  c'eft  ce  qui  a 
été  jugé  a  Mons  le  17  juin  1683. 

Mais  c'eft  une  quefKon  fi  celui  qui  feroit  muni 
d'un  jugement  rendu  fur  une  femblable  Plainte , 
iWoit  préféré  au  créancier  qu  auroit  en  rapport  ou 
nantiifement  certains  meubles  qu'on  auroit  ,  au 
moment  de  la  falfie,  trouvés,  tant  danslamaifon 
hypothéquée  ,  que  fous  le  dirtriâ:  des  échevins  qui 
ont  le  jugement  :  cette  queftion  s'efl  préfentée  au 
confeil  fouverain  de  Mons  ,  le  7  juillet  1683  ;  mais 
"un  partage  furvenu  dans  les  opinions  en  a  empêché 
la  décifjon.  L'affirmative  paroît  cependant  ne  de- 
voir faire  aucune  difficulté  :  fuivant  l'article  10  du 
chapitre  75  des  Chartres  générales,  le  créancier  à 
qui  des  meubles  ont  été  rapportés  pour  sûreté  de  fa 
créacce ,  ne  ,doit  être  colloque  qu'après  les  loyers 
&  les  fermages  ;  or,  il  eft  confiant  que  les  loyers 
&  les  fermages  ne  vont  en  ordre  qu'après  le  créan- 
cier qui  a  intenté  Plainte  de  cens  &  de  loi  ;  pour- 
quoi donc  le  créancier  qui  a  les  meubles  en  rapport 
feroit-il  préféré  à  celui-ci  ?  Cette  préférence  feroit 
évidemment  contraire  à  la  règle  :  Si  \inco  vincen- 
tttn  te  ,  à  fortiori  ti  vinco  (i). 

Plainte  de  cerquermriage. 

On  entend  par  ces  mots  ,  une  requête  tendante 
à  faire  féparer  Se  borner  deux  ou  plufieurs  héritages 
contigus  ,  dont  les  limites  font  incertaines.  Voyez 
Cerquemanagf. 

L'article  19  du  chapitre  45  des chartres  généra- 
les, déclare  que  le  nu  propriétaire  peut,  aulîi  bien 
que  le  fimple  ufufruitier  ,  faire  Plainte  de  cerquema- 
nage  pour  la  garde  de  fi  propriété ,  à  caufe  qu  enquête 
à  futur  ne  jt  peut  faire  à.  certitude ,  comme  en  autre  ma- 


(i)  Voici  un  modèle  des  Plaintes  de  cens  6"  de  loi  i 

A  Meffieurs  ks  raaïeur  &  cchevins  de... 

»•  Supplie  humblement  N...  difant  qu'il  lui  eft  dû  une 
»  rente  de...  hypothéquée  fur  un  hétiiage  iiiué  en  cette  juii- 
x>  diclion  ,  conliftant  en...,  mefures ,  &  tenant  à.,.,  que  le 
»  Heur...  aduel  héritier  (  ou  propriétaire  )  de  cet  héritage  , 
»  eil  en  défaut  d'en  payîr  ure  année  ,  quoique  due.neat 
»  fommé  &  interpellé  par  exploit  de  N...  fergent  de  votre 
»  juridiction.  A  ces  caufes ,  le  fuppliant  a  été  confeillé  de 
M  vous  donner  la  préfente  Plainte  de  cens  &  de  loi  ,  ^f  ef- 
»  fleurs ,  pour  qu'il  vous  plaife  ordonner  que  les  meubles  & 
»  effets  duiiit  N,.  e)£ii>ans  en  fa  maifon&  même  dans  l'éten- 
»t  due  de  votre  juridiûion  ,  foient  faifij  &  exécutés  ,  pour  ;"a- 
»  tisfaire  au  payement  de  ladite  année  de  rente  ,  avec  dé- 
»  pens  ;  le  réfervant  en  cas  de  déficit,  de  prendre  telle  voie 
»  (;u"il  jugera  convenir  ■■>, 


PLAINTE  EN  MAT.  CIVILE.     135 

tlcre,fans  prialdhlement  frapper  Us  coups  pour  le  dèfoi- 
vre  (  ou  féparatlon  )  de  Lliéritage.  Voyez  ENQUÊTE 
A  FUTUR   &  FRAPPER  LES  COUPS. 

L'article  26  autorife  im  co-héritier  par  indivis  à 
faire  Plainte  de  cerquemanage  contre  le  proprié- 
taire de  l'héritage  coniigu  au  fien  ,  fans  adjonction 
de  fon  co-héritier. 

L'article  23  veut  :  «  qu'incontinent  Plainte  de 
»  cerquemanage  faite,  &  partie  ajournée  fur  icelle, 
"  le  plaidant  &  l'ajourné  ne  pourront  folTer,  cou- 
"  per  ni  abattre  les  anciens  bois  ,  étocquier  &  au- 
»  très  étant  fur  la  metc  du  différend  ,  jufque  le  cer- 
'>  quemanage  décis ,  à  peine  d'en  être  punis  & 
»  corrigés  ,  ne  que  folt  par  requête  &  proyifion  fur 
»  ce  donnée». 

Plainte  d'exécution. 

C'efl  le  nom  d'une  requére  qui  tend  à  faire  dé- 
créter un  héritage  dont  le  débiteur  s'eft  déshérité 
entre  les  mains  des  juges  fonciers  de  la  fituation  , 
ou  même  pour  faire  vendre  judiciairement  des  effets 
mobiliers  qu'on  a  reçus  en  nantiffement.  C'eft  de 
cette  Plainte  qu'il  s'agit  dans  l'article  2  du  chapitre 
118  des  Chartres  générales  :  «  Quand  quelque 
»  pourfuite  fe  fera  pour  exécuter  fiefs  ,  alloets , 
5)  lettriages  ,  vaiffelles  ,  joyaux  ou  autres  bagues 
»  rapportées ,  fi  l'obligé  fait  payement  de  fon  dû 
»  &  des  dépens  auparavant  l'exécution  parache- 
»  vée  ,  icelle  devra  ceffer  ,  demeurant  toujours 
»  l'obligation  &  la  sûreté  d'icelle  en  vertu». 

Le  chapitre  25  de  la  coutume  du  chef-lieu  de 
Mons  ,  renferme  plufieurs  difpofitions  fur  ce  point. 
Voici  ce  que  por  e  l'article  premier  :  Qua'id  Plaintes 
fe  feront  pour  exécuter  sûtetés  &  rapports  d'héritages 
de  main-fermes  ou  de  meubles  ,  il  doit  être  fait  trois 
dénoncemens  par  trois  dimanches  ,  avec  fommation 
à  tous  ceux  qui  ont  intérêt  dans  la  chofe ,  de  venir 
avant  le  dernier  dénoncem-nt  montrer  payement , 
répit  ou  quittance  ,  payer  les  arrérages  &  ks  dé- 
pens, ou  donner  fes  moyens  d'oppofition  à  la 
vente;  &  s'il  s'agit  d'une  rente,  &que  le  débiteur 
paye  tout  ce  qu'il  doit  durant  les  trois  dimanches  , 
la  Plainte  d'exécution  demeure  fans  effet,  l'hypo- 
tîièque  conferve  toute  fa  force  ,  &  la  rente  conti- 
nue comme  auparavant. 

Suivant  l^article  2  du  chapitre  cité  ,  lorfque  le 
bien  qui  eft  l'objet  de  la  Plainte  d'exécution  ,  eff 
une  terre  labourable  ,  &  qu'elle  fe  trouve  affermée, 
les  fru'ts  qui  y  font  pendans  doivent  être  compris 
dans  l'exécution  ,  fauf  au  fermier  à  fe  faire  coUo- 
quer  dans  l'orâre  pour  les  frais  de  labour  Se  de 
femenccs  ,  &  à  exercer  fon  recours  contre  le  dé- 
biteur pour  fes  dommages  &  intérêts. 

Tout  ce  qui  concerne  le  fond  &  h  forme  dos 
Plaintes  d'exécutions,  fait  la  matière  des  chapitres 
41  &  42  des  Chartres  préavifées  ;  on  peut  les  con- 
fulter ,  finon  comme  des  lois ,  au  moins  comme 
des  timoins  affez  fidèles  de  l'ufage  du  chef- lieu  de 
Mons  firv  cet  objet  important. 

L'article  6  du  fécond  des  chapitres  cités ,  «)a- 


156        PLAINTE  EN  MAT.  CIVILE. 

tient  une  difpofuion  remarquable;  il  déclare  qu'en 
cas  d'oppofition  de  la  part  rlu  débiteur  à  la  Plainte 
d'exécution  ,  «  les  parties  étant  en  caufe  l'une 
»  contre  l'autre ,  elles  fe  régleront  en  leurs  procèdu- 
5>  res  ,  ainfi  qu'eft  porté  par  le  règlement  des  pro- 

V  cédures  propriétaires  ci  devant  >». 

Plainte  impartabU. 

Ce  mot  eft  fynonyme  avec  celui  de  demande  en 
lïcitation. 

Lorfqu'il  fe  trouve  dans  une  fucccffion  quel- 
que bien  qui  ne  peut  pas  fe  partager  commodé- 
ment ,  celui  des  héritiers  qui  veut  fortir  de  Tindi- 
vifion  ,  donne  une  Plainte  par  laquelle  il  conclut  à 
ce  que  ce  bien  foit  vendu  par  recours ,  c'eft-à-dire 
au  plus  offrant  &  dernier  enchérifleur. 

Sur  cette  Plainte  ,  dit  l'article  ii  du  chapitre  52 
des  chartes  préavifées,  «  les  héritiers  pourront  ac- 
î>  corder  ledit  recours ,  foit  qu'ils  foient  puifTans 
5>  (d'aliéner)  ou  point;  auquel  cas  le  jugement 
>>  des  gens  de  loi  devra  porter ,  que  lefdits  héri- 
»  tages  foient  proclamés  à  rente,  à  léal  recours , 
j)  par  fix  dimanches  continuels,  en  attachant  bre- 
»  vêts  tant  à  l'églife  qu'aux  biens  mefurés  ,  s'il  y 
»  en  a  ,  aulTI  aux  églifes  d'aucuns  autres  villages 
j)  circonvoifins  ,  pour,  au  lundi  fuivant  le  dernier 

V  dénoncement  ,  pafler  à  rente  ,  au  mort  (ou  à 
»  l'extinfîion  de  la  chandelle  ». 

Ces  motspajferà  rente,  méritent  une  attention  par- 
ticulière. Il  ert  d'ufage,  dans  le  chef-lien  deMons, 
que  l'adjudicataire  fur  licitation  retienne ,  à  titre  de 
rente,  le  prix  de  fon  adjudication  :  les  héritiers  ne 
peuvent  même  recevoir,  au  préjudice  de  cet  ufage , 
le  capital  de  leur  part  dans  le  prix  ,  à  moins  qu'ils 
n'aient  toutes  les  qualités  requifes  peur  aliéner. 
C'eft  ce  qui  réfulte  de  l'article  16  du  chapitre  que 
nous  venons  de  citer  :  «  Et  fera  au  pouvoir  des 
»>  héritiers  de  mettre  telles  devifes  &  conditions 
»  que  par  mutuel  confentement  ils  trouveront  con- 

3>  venir fauf  qu'ils  ne  pourront  recevoir  les  de- 

î)  niers  capitaux  defdits  rachats ,  ne  foit  qu'ils 
j>  foient  puiiïans  de  ce  faire ,  fuivant  la  loi  de  ce 
5>  pays  de  Hainaut  ». 

L'article  13  du  même  chapitre  porte  ,  que  les 
héritiers  pourront  enchérir  dans  la  licitation  comme 
les  étrangers,  &  qu'en  aucun  cas  il  ny  aura  quelque 
droit  fei<peurial  au  profit  des  feigneurs ,  non  plus  que 
du  pajfé. 

L'article  14  veut  que  fi  les  héritiers  contre  lef- 
quels  eft  donnée  la  Plainte  impartable,  ne  compa- 
roilTent  ni  en  perfonr.e  ni  par  proci:reur  pourcon- 
fentir  à  fon  exécution,  les  juges  foient  tenus  d'en 
ordonner  la  figniiïcation,  «  comme  pour  autres  Phin- 
»  tes  ,  afin  qu'en  dedans  un  mois  fuivant  lefdits 
j5  dénoncemens  expirés ,  en  40  jours  après  lafigni- 
«  fication  ,  ils  aient  à  s'oppofer  Si  fervir  de  réponfe , 
J»  à  péril  de  forclufion  ». 

Suivant  l'article  15  ,  lorfque  ce  terme  eft  écoulé 
fans  que  les  héritiers  aient  donné  leur  réponfe  ,  on 
doit  ordonner  que  les  biens  feront  réunis  en  procla- 


PLAINTE  EN  MAT.  CIVILE. 

mations  ,  pour  ,  au  hindi  fuivant ,  pajfcr  à  rente  à 
leal  recours;  ce  qui  doit  avoir  lieu  ,  aux  termes  de 
cet  article,  fans  plus  être  queflion  de  faire  aucune 
Plainte  de  querelle  atteinte.  Ces  mots  ,  fans  plus  être 
quefii.n  ,  prouvent  que  les  rédaéleurs  des  Chartres 
préavifées  ont  voulu  introduire  un  droit  nouveau 
fur  ce  point,  &  par  conféquent  que  l'ufage  delà 
Plainte  de  querelle  atteinte  fubfifte  encore  dans  le 
cas  dont  il  s'agir.  On  trouvera  ci-après  la  définiton 
de  cette  Plainte. 

Plainte  de  Partage. 

C'eft  ainfi  qu'on  appelle  en  Hainaut  les  avions 
qui  tendent  à  fortir  de  l'indivifion  ,  &  que  l'on  con- 
noît  en  droit  fous  les  noms  de  familiœ  ercifcunda 
6i  communi  dividundo.  Voyez  le  chapitre  48  de  la 
coutume  du  chef-lieu  de  Mons  ,  &  le  chapitre  52 
des  Chartres  préavifées  du  même  pays. 

Plainte  de  querelle  atteinte. 

On  entend  par  ce  mot  une  efpèce  de  requête 
dans  laquelle  un  plaideur  conclut  à  ce  que  faute  par 
fa  partie  adverfe  d'avoir  comparu  ou  fourni  fes 
moyens  de  demande  ou  de  défenfes  ,  elle  foit  dé- 
clarée défaillante  &  forclofe.  L'article  8  du  chapitre 
23  des  Chartres  préavifées  ,  porte,  «  qu'en  toutes 
))  forclufions  emportant  fin  de  caufe ,  fi  comme 
,  •>•>  faute  de  fervir  de  réponfe,  &  de  montrer  parle 
»  plaindant,  l'on  devra  intenter  Plainte  au  droit 
•n  qu'on  difoit  ci-devant  Plainte  de  querelle  atteinte  ^ 
T»  pardevant  loi ,  comme  du  pafte  ;  mais  au  regard 
»  des  forclufions  qui  n'emporteront  fin  de  caufe  , 
»  icelles  fe  devront  déclarer  par  le  chef-lieu  ,  fans 

»  par  les  parties  ufer  de  telles  Plaintes Partie 

»  néanmoins  entière,  en  l'un  &  l'autre  cas  ,  de  fe 
»  faire  redreffer  par  voie  de  relief  précis,  en  dedans 
n  un  an,  tant  pour  les  préfens  que  pour  les  ab- 
1)  fens  ».  Voyez  les  articles  Relief  précis  8c 
Charge  d'enquête. 

Plainte  de  rendue  à  nouvelle  loi ,  eu  nouvel  héritier. 

Cette  Plainte  refTcmble  à  celle  d'exécution  ,  en 
ce  qu'elles  tendent  l'une  comme  l'autre  à  dépofTédcf 
6f  exproprier  le  débiteur  ;  mais  la  première  n'a  lieu 
que  pour  les  rentes  affeélées  fur  des  main-fermes  ; 
la  féconde  peut  être  pratiquée  pour  des  fomn^s 
une  fois  payées;  dans  celle-ci  l'adjudicataire  paye 
ou  configne  tout  le  capital  de  fon  atljudication  ; 
dans  celle-là  ,  au  contraira  ,  il  retient  à  fa  charge 
la  rente  dont  le  défaut  de  payement  a  déterminé 
les  poarfuites  du  créancier. 

Voici  un  modèle  de  Plainte  de  rendue  à  nou- 
velle !ei  ;  il  diflère  un  peu  de  celui  qu'en  donne 
Dumées  ,  dans  fa  jurifprudence  du  Hainaut  ;  mais 
il  a  du  moins  l'avantage  d'être  plus  conforme  à 
la  pratique  journalière  du  chef-lieu  de  Mons  : 

A  Mefîieurs  les  mayeurs  &  échevins  de  ...  . 

a  Supplie  ttès-humblement  N.  difant  qu'il  lui 
i>  compète  &  appartient  une  rente  de  . . .  au  de- 
»  nier . . .  due  par  chaque  année  le  jour  de  . . . 

affeâée 


PLAINTE  EN  MAT.  CIVILE. 

»»  affectée  fur  une  maifon ,  appartenances  &  dé- 
»  pendances,  fife  . .  .  tenante  à  ...  ,  actuellement 
>»  poffcdée  par  B.  lequel  eu  en  demeure  d'acquit- 
»  ter  l'année  d'arrérages  de  ladite  rente  échue 
»•  le  ...  ;  défaut  qui  oblige  le  fuppliant  de  vous 
«  donner  la  préfente  Plainte  de  rendue  à  nou- 
»  VcUe  loi,  Meflieurs ,  pour  qu'il  vous  plaife  or- 
r>  donner  que  ladite  maifon  ,  ainfi  qu'elle  fe  com- 
»  prend  8c  extend,  foit  rendue  à  nouvel  héritier 
»  capable  de  la  tenir  Se  décharger  de  rentes  dont 
«  elle  eft  grevée  ,  après  toutefois  les  formalités  & 
»  folemnités  de  loi  duement  obfervées  v. 

Le  jugement  qui  intervient  fur  cette  Plainte 
cft  le  même  que  fur  une  Plainte  d'exécution. 

On  demande  i''.  combien  il  faut  d'années  d'ar- 
rérages pour  que  le  créancier  puifle  intenter  une 
femblable  Plainte?  Dumées  infmuc  qu'il  en  faut 
trois  ;  l'article  20  du  chapitre  36  des  chartes  préa- 
vifées  le  fait  entendre  aufTi  ;  «  Ton  fera  capable, 
»  y  eft-il  dit,  de  faire  Plainte  pour  trois  années 
»  de  rentes  héritières  en   argent.  » 

Mais  l'ufage  ell  contraire  ,  &  l'on  tient  dans 
le  chef-lieu  de  Mons  ,  qu'on  peut  auffi  bien  in- 
tenter la  Plainte  de  rendue  pour  une  feule  année 
d'arrérages  que  pour  trois.  D'ailleurs  les  chartes 
préavifées  ne  difent  pas  quon  ne  fera  capable  de 
faire  Plainte  que  pour  trois  années  de  rentes  heri- 
iières  en  argent,  mais  feulement  qu'on  ne  peut 
faiie  Plainte  pour  plus  de  trois  années;  c'e/l  ce 
que  démontre  la  fuite  de  cet  article  :  u  &  au  re- 
p  gard  de  celles  en  plumes  &  toutes  autres  ef- 
w  péces  de  grains  qu'elles  foient  dues  fur  tels  hé- 
w  ritages  ,  bien  qu'il  y  ait  argent  joint  à  telles 
9)  redevances ,  non    excédant    la   valeur  defdites 

V  plumes  ou  grains ,  fe  pourront  lefdites  Plaintes 

V  faire  pour  20  années  &  non  plus  ....  n 

On  demande  2°.  fi  une  Plainte  de  cette  efpèce 
doit,  à  peine  de  nullité  .être  précédée  d'une  (om- 
anation  extrajudiciaire  de  payer  }  On  le  jugeoit 
ainfi  conftamment  autrefois ,  &  on  fondoit  cette 
jurifprudence  fur  l'article  3  du  chapitre  15  de  la 
coutume  du    chef-lieu  de   Mons  ,  fuivant  lequel 

V  tous  falaires  de  Plainte  qui  s'adrefferont  contre 
«  partie  ,  fe  rendront ,  par  celui  ainfi  pris  à  partie  , 
J>  quel  accord  qu'il  faffe  depuis  la  mife  outre 
))  d'icelles  ,  pouvu  que  fommation  lui  en  foit 
»  faite  ou  à  fon  domicile  ,  huit  jours  devant  la 
5'  mife  outre  d'icelles  ,  de  fournir  au  prétendu  du 
»  plaindant  ». 

On  s'appuyoit  encore  fur  l'article  7  du  chapitre 
37  des  chartes  préavifées,  qui  décide  que,  «  tous 
»  plaindans  à  rendue  à  nouveaux  héritiers  ne  fe- 
>»  ront  fondés  de  répéter  aucuns  frais,  pour  rentes 
3}  non  accoutumées  payer  par  l'héritier  du  fonds; 
j>  ne  foit  que  huit  jours  auparavant  la  mife  outre 
»  de  Plainte  ,  ils  aient  été  requis  ou  les  fermiers 
ï>  d'iceux  d'en  avoir  payenrent,  à  peine  de  de- 
»  meurer  le  plaindant  chargé  des  dépens  ». 

Mais  cette  jurifprudence  ell  changée  ,  &  l'on 
lient  aujourd'hui  dans  les  diffcrens  tribunaux  du 
Tome  XllI. 


PLAINTE  EN  MAT.  CIVI LE.     137 

chef-lieu  que  le  défaut  de  fommation  n'emporte 
ni  déchéance ,  ni  nullité  ,  &  que  tout  ce  qui  peut 
en  réfulter ,  c'eft,  comme  le  font  voir  les  deux 
articles  que  nous  venons  de  tranfcrire,  que  le 
plaignant  en  ce  cas  n'a  pas  le  droit  de  fe  faire 
rembourfer  des  frais  8c  des  dépens  qu'il  a  pu  avan- 
cer; encore  même  à  cet  égarrl  diftingue  t-on  les 
rentes  que  le  propriétaire  du  fonds  eft  accoutumé 
de  payer,  de  celles  qu'on  exige  de  lui  pour  la 
première  fois.  Quant  à  celles-ci ,  il  faut  une  fomma- 
tion préalable  pour  fe  faire  adjuger  les  dépens  de 
la  Plainte  ;  à  l'égard  de  celle-là  ,  il  n'en  faut  au- 
cune ,  parce  que  le  propriétaire  ayant  déjà  payé 
la  rente,  ne  peut  prétexter  caufe  d'ignorance,  & 
que  par  rapporta  lui  dies  interpellât pro  homine. 

On  demande  3".,  quelles  font  les  formalités  qui 
doivent  fuivre  la  Plainte  de  rendue  à  nouvelle  loi  , 
pour  parvenir  au  décret  qui  en  eft  l'objet.''  Elles 
font  réglées  par  les  articles  i  &  2  du  chapitre  37 
des  chartes  préavifées  ;  en  voici  les  difpofitions  : 

»  I.  Sur  toutes  Plaintes  de  rendue,  les  jugemen» 
»  devront  porter  que  les  héritiers ,  ou  leurs  loua- 
1'  gers  ,  foient  duement  fignifiés  &  avertis  par  la 
"  mayeur  ou  fon  lieutenant ....  par  attaches  da 
»  brevets  aux  lieux  ordinaires,  &  au  furplus,  que 
n  dénoncemens  foient  faits  par  trois  dimanches 
»  confécutifs,  à  l'ilHie  de  la  mefle  paroiftiale  ,  afin 
"  de,  par  l'héritier  &  tous  autres  auxquels  fe  peut 
»  toucher  ,  venir  à  la  dcfaute  propoféc  montrer 
5>  payement,  répit  ou  quittance,  payer  ou  fuiïï- 
n  famment  oppofer  ;  &  fi  perfonne  ne  venoit  ce 
))  faire,  que  les  héritages  fur  lefquels  l'on  auroit 
5>  fait  ladite  Plainte  ,  foient  proclamés  à  rente  &  à 
5>  recours  ,  par  trois  autres  dénoncemens  &  di- 
1»  manches  ,  durant  lefijuels  l'on  pourra  veni» 
))  payer.  Se  non  s'oppofer. 

»  2.  Et  fi  nui  ne  venoit  au  lundi  fuivant  le  der- 
n  nier  d'iceux  dénoncemens ,  fera  pafle  outre  au 
»  recours  ,  au  mort  de  l.i  chandelle  ». 

Ces  formalités  font  communes  aux  Plaintes 
d'exécution    Se    aux  Plaintes    de    rendue.  Voyez 

DÉCRET. 

Lorfque  la  Plainte  a  pour  objet  une  maifon  ,  il 
faut ,  outre  les  affiches  qu'on  met  à  la  porte  de 
l'églife  ,  les  appofer  également  à  la  porte  de  cette 
maifon  ;  c'efl  ce  que  décident  le  chapitre  12  de  la 
coutume  du  chef-lieu  de  Mons,  article  11,  &  le 
décret  du  fouverain  chef-lieu  du  12  juin  1556  ,  ar- 
ticle 2.  Et  c'eft  fur  ce  fondement  qu'une  fentence 
du  cenfeil  ordinaire  ,  confirmée  par  arrêt  du  confeil 
fouverain  de  Mons,  le  12  février  1662  ,  a  déclaré 
nulle  une  Plainte  d'exécution,  pratiquée  fur  une 
maifon  fituée  à  Mons ,  parce  qu'il  n'avoii  été  mis 
à  cette  maifon  aucune  affiche  pour  notifier  la  mife 
outre  de  la  Plainte,  quoique  le  greffier  5c  l'huiffier 
audiencier,  ouïs  d'office,  atteftaffent  qu'il  n'étoit 
plus  d'ufage  d'afficher  aux  maifons  les  trois  pre- 
miers dénoncemens ,  mais  feulement  les  trois  der- 
niers. 

Quoiqu'on  ne   puifte  ordinairement  s'oppofer 

S 


13^      PLAINTE  EN  MAT,  CIVILE 

après  les  trois  derniers  dénoncemens ,  on  pem  nénn* 
inoins  le  faire  avec  une  autorlfation  particulière  du 
chef  lieu  (  aujourd'hui  avec  des  lettres  d;  requête 
civile).  Ced  ce  que  décide  l'article  14  du  même 
chapitre  37. 

Remarquez  encore  que  lorfqu'il  furvientune  in- 
terruption dans  les  dénoncemens ,  pour  quelque  caufe 
que  ce  foit ,  fi  c'eil:  dans  les  trois  premiers,  on 
ordonne  feulement  que  les  dénoncemens  interrom- 
pus feront  continués  ,  au  lieu  que  fi  c'eft  dans  les 
trois  derniers  ,  il  faut  ordonner  qu'ils  feront  recom- 
mencés :  la  rai fon  de  cette  différence  eft  fenfible  : 
les  trois  premiers  dénoncemens  ne  fervent  qu'à  aver- 
tir les  iutéreffés  à  la  Plainte  ,  pour  qu'ils  aient  à 
venir  payer ,  défendre  ou  s'oppofer  ;  ce  n'eft  donc 
que  de  leur  part  que  peut  furvenir  l'interruption 
des  trois  premiers  dénoncemens  ;  8c  dès  lors  ,  ils  ne 
peuvent  pas  fe  plaindre  de  ce  qu'on  ne  les  a  pas 
recommencés.  Les  trois  derniers,  au  contraire, 
fervent  feulement  à  annoncer  le  jour  de  l'adjudi- 
cation ,  &  à  y  inviter  les  amateurs  ;  fi  la  coutume 
a  jugé  qu'il  n'en  f;illoit  pas  moins  de  trois  pour 
ran"emb]er  un  nombre  fuffifant  de  perfonnes  afin  de 
porter  l'héritage  décrété  à  fon  jufle  prix,  il  faut, 
par  une  conféquencc  néceflaire  ,  qu'ils  foient  re- 
C")m:iiencés  ,  lorfqu'ils  ont  fouffert  quel-que  inter- 
ruption; autrement  le  but  de  la  coutume  efl  man- 
qué ;  beaucoup  d'amateurs  ignorent  le  jour  de 
l'adjudication  ,  &  l'héritage  eft  donné  à  vil  prix.     . 

Uiie  autre  obfervation  importante,  &  qui  s'ap- 
plique aufll  bien  à  la  Plainte  d'exécution  qu'à  celle  \ 
de  rendue  à  nouvelle  loi ,  efl;  que  quand  l'héritage 
afteélé  à  une  rente,  eft  tenu  en  faifie  par  des  créan- 
ciers chirographaires  ,  on  peut,  au  lieu  de  fe  pour- 
voir par  l'iuie  ou  l'autre  voie  ,  donner  une  fimpîe 
requête  au  juge,  fous  l'autorité  duquel  la  faifie  2 
été  pratiquée.  C'eft  ce  que  décide  l'article  55  du 
chapitre  2  des  charires  générales  :  a  pour  parvenir 
V  au  payement  des  rentes,  penfionsou  autres  re 
j)  devances  annuelles  fur  terres  ou  feigneuries 
5»  gouvernées  par  notredite  cour ,  requête  fe  pourra 
j)  faire  à  icelle  ,  laquelle  après  appaifement  fur  ce 
«"pris,  y  baillera  telle  provifion  qu'elle  trouvera 
»  convenir.  Le  femblable  fera  fait  par  les  officiers 
»>  ordinaires  ou  feigneurs  vaflauxqui  auront  terres 
«  en  arrêt ,  fans  qu'il  foit  befoin  d'y  procéder  par 
>#  plainte  ». 

Plainte  dc'jétablîJJ'cmint. 

Ces  termes  défignent  la  demande  à  fin  d'être 
réintégré  dans  ta  pofieffion  o£  propriété  d'un  bien  , 
£aute  de  payement  des  rentes  ou  redevances  dont 
il  efi  chargé. 

11  y  a  en  Hainaut  des  feigneurs  qui  font  en  oof- 
feffnn  de  rentrer  de  cette  manière  dans  les  biens 
tenus  d'eux  en  main-fermss:  cette  efpèce  de  coin- 
mife  eft  autorifée  par  l'article  4  du'chapitre  130  des 
charti-es  géiiérales  :  «  Les  cas  de  bailc-juftice  font 
j»  avoir  cens ,  rentes  foncières  &r  droit  feigneuri.T!... 
>j  &  de  pouvoir,  par  ledit  feigneur  de  la  baffe- 


PLAINTE  EN  MAT.  CIVILE. 

1»  juflice,  retraire  les  héritages  tenus  de  lui  ,à  faiife 
»  de  payement  de  fes  rentes....  fi  avant  qu'il  en  au- 
M  roit  l'ufance  &  pofieffion  ». 

Les  particuliers  peuvent  même  ftipuler  dans  les 
baux  à  rente  rachetable  ,  que  faute  parles  preneurs 
de  payer  les  redevances  qui  forment  les  prix  de 
leurs  acquifitions ,  il  leur  fera  libre  de  retirer  des 
mains  de  ceux-ci  les  biens  qui  font  l'objet  de  ces 
a£les.  C'eft  ce  qu'établiiTent  formellement  les  Char- 
tres générales  de  1534,  chapitre  95  ,  article  i  ; 
celles  de  1619  ,  chapitre  96  ,  article  8  ;  la  coutume 
du  chef-lieu  de  Mons  ,  chapitre  34,  &  lei  Chartres 
préavifées ,  chapitre  48,  articles  i  6c  2. 

Il  réfulte  encore  de  tous  ces  textes  ,  que  le  pre- 
neur eft  reçu  ,  même  après  la  fignification  de  la 
Plainte  de  rétabliffcmcnt ,  à  purger  fa  demeure. 

Cogniaux  dit  en  fa  pratique  du  retrait,  que  cette 
Plainte  doit  être  précédée  d'une  fommation  ,  6c 
que  cela  a  été  ainfi  jugé  par  arrêt  du  confeil  fou- 
verain  de  Mons  du  3  juillet  1648,  rendu  en  faveur 
du  nommé  Ghiflain  ,  contre  les  religieufes  de  Re- 
becque.  La  raifon  en  eft  ,  fuivant  cet  auteur  , 
u  qu'autrement  le  débîrentier  pourroit  prétexter 
■>■>  caufe  d'ignorance  ». 

11  faut  que  le  titre  fur  lequel  on  fe  fonde  pour 
demander  le  rétaHiJfcment ,  foit  joint  à  la  Plainte. 
Cogniaux  attefte  que  dans  une  charge  d'enquête 
donnée  le  5  mai  1557,  par  les  écJicvins  de  Mons 
a  ceux  de  Virclles  ,  «  il  fut  dit  que  le  plaindai-at  avoit 
11  dû  joindre  fon  titre  ou  chirographe  à  fa  Plainte  i 
»  c'eft  pourquoi  le  plaindant  fut  renvoyé  », 

Flainie  de  retrait. 

C'eft  ainfi  qu'on  appelle  la  requête  par  laquelle 
on  demande  l'adjudication  d'un  retrait,  foit  féodai  , 
foit  lignager,foit  conventionnel ,  foit  focial.  Voyez 
l'article  Retrait.  (  Article  de  M.  Merlin  ,  avocat 
au  parlement  de  Flandres^. 

PLAINTE  A  LOI.  Terme  employé  dans  la  cou- 
tume de  la  châtellenie  de  Lille  ,  pour  défigner  une 
efpéce  de  cLin  ou  faifie  introdudive  d'inAance. 

Les  jurididlions  féodales  &  cottières  de  la  châtel- 
lenie de  Lille  ne  peuvent  régulièrement  connoître 
qi:e  des  caufes  intentées  réellement,  c'eft-àdire, 
par  appréhenfion  judiciaire  de  biens  meubles  ou 
immeubles  fitués  dans  leurs  territoires  (i);  delà 
vient  que  l'ufage  des  Plaintes  à  loi  eft  très-fréquent 
dans  Cette  province  ,  &  que  la  coutume  a  pris  tant 
de  foins  pour  en  régler  la  forme. 

Une  Plainte  à  lei  peut  avoir  deux  objets  :  elle 
tend  ,  ou  à  la  revendication  par  retiait  lignager  ou 
autrement,  des  biens  fur  lefquelselle  eft  pratiquée, 
ou  à  procurer  fur  ces  mêmes  biens  le  payement 
d'une  dette. 

L'article  3  du  titre  21  diftingue  clairement  ces 
deux  objets.  «Si  quelqu'im  appréhende  fiefs  ,  mai- 
I)  foHS  ou  héritages  par  Plainte  à  loi  &  faifine ,  fi  le 
»  défendeur  eft  pofl'elfeur  d'an  &  jour,  doit  avoir 

(i)  Voyez  l'article  GoUVSnNy\KCE  ,  tome  $■. 


PLAINTE  A  LOI. 

«  la  jouiiTance  durant  le  litige  ,  s'il  le  requiert  en 
»  temps  tiû  ,  la  main  de  ju/lice  tcriant  au  fond» 
»  Mais  fi  lefdites  Plainte  &  faiiinc  font  faites  pour 
)>  quelque  dij  ,  eft  requis  ,  avant  avoir  main-levée , 
j>  bailler  caution  fuffifante  au  fourniffement  du  jugé'». 

Lorfqu'on  veut  poursuivre  par  Plainte  à  loi  le 
payement  d'wne  dette  ou  l'exécution  d'un  contrat , 
il  faut  attendre ,  pour  le  faire  ,  que  la  dette  foit 
échue,  ou  que  le  terme  appofé  au  contrat  foit  ar- 
rivé :  les  rendages  de  fermes  font  exceptés  de  cette 
régie  ,  mais  le  propriétaire  qui  veut  s'en  affurer  le 
payement  avant  l'échéance  ,  doit  fupporter  tous 
les  frais  de  la  Plainte  à  Loi.  C'eft  ce  que  porte  l'ar- 
ticle 7  du  titre  cité  :  «  Par  la  coutume  ,  l'on  fe  peut 
)>  par  Plainte  à  loi ,  faire  afTurer  pour  rendages  de 
»  cenfe  non  échus  ,  aux  dépens  du  plaintifl'ant ,  & 
I)  non  pour  fommes  de  deniers  ni  autres  chofes 
»  non  échues  ". 

L'exception  que  renferme  la  coutume  en  faveur 
des  rendages,  femble  devoir  exclure  toutes  les  au- 
tres qvi'on  pourvoit  imaginer  ;  cependant.il  cft  d'un 
iifage  confiant  de  regarder  comme  valables  les 
Plaintes  à  loi  qui  fe  pratiquent  pour  des  dettes  non 
échues ,  à  la  charge  de  perfonnes  infolvables.Nous 
trouvons  même  dans  des  notes  nianufcrites  ,  que 
la  chofe  a  été  ainfi  jugée  au  bailliage  de  Lille.  On 
peut  voir  par  ce  que  nous  avons  dit  à  l'article 
Clain  ,  que  ce  n'eft  pas  la  feule  matière  où  l'in» 
folvabilité  des  débiteurs  fait  pafler  au-defliis  des 
règles  prefcrites  par  les  coutumes. 

11  a  été  pareillement  jugé  par  arrêt  du  parlement 
de  Flandres  du  23  juin  1706  ,  qu'un  décimateur 
peut,  pour  fureté  du  payement  de  fa  dime,  faifir 
par  Plainte  à  loi  les  grains  fur  pied  qui  la  doivent. 
Les  cultivateurs  foutenoient ,  dit  M.  Desjaunaux  , 
«  que  les  plaintiffans  n'étoient  point  recevables  dans 
«  la  Plainte  par  eux  faite  pour  avoir  la  dîme  de 
»»  colzat  de  la  récolte  à  faire  ,  attendu  qu'elle  n'étoit 
»»  point  encore  échue  ,  mais  encore  croiffante  ». 
Les  décimateurs  répondoient,  ««  que  leur  adhon 
î>  n'étoit  point  prématurée  ;  qu'à  la  vérité  les  col- 
«  zats  étoient  encore  fur  terre  ,  mais  qu'ils  étoient 
»  mijrs  &  prêts  à  recueillir ,  Sc  qu'ils  avoient  été 
>»  obligés  d'en  prévenir  l'enlèvement  ;  que  la  dîme 
»  étoit  une  portion  des  fruits ,  pour  le  rendage 
w  defquels  la  coutume  permettoit  aux  propriétaires 
«  de  faire  Plainte  avant  qu'il  fût  échu  ».  Sur  ces 
raifons ,  il  intervint  fentence au  bailliage  de  Lille, 
qui ,  fans  avoir  égard  au  moyen  de  nullité  propofé 
par  les  cultivateurs,  appointa  les  parties  à  faire 
preuve  au  principal ,  &  cette  fentence  a  été  confir- 
mée par  l'arrêt  cité. 

La  form«  de  procéder  à  une  Plainte  à  loi ,  mérite 
une  attention  particulière  :  il  faut  commencer  par 
annoncer  à  la  juftice  ,  pardevant  lefàgntur^  bailli  ou 
lieutenant  ,  trois  hommes  de  fef,  trois  juges  ou  quatre 
ichevinsdu  moins  ,  qu'on  entend  former  une  Plainte 
à  loi  fur  tels  biens  appartenans  à  telle  perfonne  ; 
c'eft  ce  qu'on  appelle  fe  fonder  en  Plainte  verbale. 
Sur  cette  Plainte,  il  intervient  un  jugement  à  la 


PLAINTE  A  LOL  ly^ 

femonce  ou  conjure  du  feigneur,  du  bailli  ou  d'^ 
Ion  lieutenant  ,  qui  ordonne  au  conjureur  de  pren' 
dre  6'  mettre  en  la  main  de  jujiice  verbalement  tous 
les  biens  meubles  &  immeubles  fur  lefquels  «ft 
dirigée  la  Plainte  ,  en  faifant  défenfe  à  tous  de  non 
emporter  ni  tranfporter  lefdits  biens  jus  (  hors  )  da 
lieu  ,  à  péril  d'encourir  ramende  de  foixanie  fous  ,  6» 
de  réparer  le  lieu.  L'a6le  doit  enfuite  contenir  ,  de 
la  part  du  fernonceur  ,  aflignation  à  la  partie  faifie 
en  fpêcial ,  &  à  tous  autre i  en  ginérai ,  de  comparoir 
au  jour  ordinaire  d'audience  du  fiège  ;  &  s'il  n'y  a 
point  d'audiences  réglées ,  à  la  quinzaine  ;  &  il  doit 
être  terminé  par  un  jugement,  par  lequel  lefdits 
hommes  de  fiefs  ,  échevïns  ou  juges  ,  à  ladite  femonce  , 
doivent  répondre  qut  ledit  bailli  a  pris  &  mis  fufifam- 
meni  en  ladite  main  de  juflice  lefdits  biens  ,  quil  peut 
&  doitfuffire  à  loi,  pourvu  que  le  furplus  ft  parj^^ffe 
en  temps  &  lieu.  Tout  cela  eft  prefcrit  par  l'article  4 
du  titre  21. 

Dans  les  fept  jours  de  cet  afte  ,  il  faut ,  fuivant 
l'article  5  ,  que  le  demandeur  en  Plainte  à  loi  fe 
tranfporte  fur  les  lieux  avec  le  fàgncur,  h.iilU  ,  ou 
lieutenant  oufergent,  &  deux  hommes  de  fiefs ,  ju- 
ges cottiers  ou  échevïns,  &  qu'il  leur  indique  les 
biens  meubles  ou  immeubles  qui  font  l'objet  de  fa 
Plainte  ;  c'eft  ce  qu'on  appelle  vue  &  montrée.  Il  faut 
enfuite  que  l'officier  fernonceur  touche  ces  biens 
de  fa  maffe  ,  ou  y  lève  un  gazon  ,  &  qu'il  en  dreffe 
procès -verbal  ;  c'efl  ce  qu'on  appeUe  faifie  réelle  , 
ou  mettre  effe^uellement  les  biens  fous  la  main  de  juf- 
tice  ,  en  faifant  fernblables  défenfes  6*  ajournemcns  que 
dcffus.  Il  faut  enfin  que  le  demandeur  dénonce  tous 
ces  devoirs  judiciaires  à  la  partie  faifie  ,fi  on  la  peut 
recouvrer  ,  &  finon  au  lieu  de  fon  domicile,  à  fe  s  fa- 
miliers 6*  domefiiques  ,  fi  aucun  y  en  a  .  &  en  faute  de 
ce ,  par  un  cri  public  en  l'églife  paroifjiale  ,  par  un  jour 
de  fête ,  au  lieu  des  héritages  6-  biens  faifis  ;  &  c'efl 
ce  que  la  coutume  &  les  praticiens  appellent  fceute. 

Les  officiers  du  bailliage  ont  fait  fur  ce  dernier 
point  une  efpéce  de  règlement  dont  voici  les  ter- 
mes: «En  l'afremblée  du  6  mars  1737  ,  il  a  été  ré- 
w  fclu  que  les  fceutes  des  Plaintes  &  faifies  exploi- 
»  tées  par  les  fergens  de  ce  fiège  ,  qui  feront  faites 
»  à  cri  public  aux  perfonnes  demeurantes  hors  la 
»  juridiflion  de  ce  fiège  ,  dont  le  domicile  efl 
»  connu  ,  continueront  de  fe  faire  paraffixion  def- 
»  dites  Plaintes  Se  faifies,  aux  lieux  ordinaires,  & 
"  par  envoi  de  lettres  miffives  contenant  lefdites 
»  Plaintes  &  faifies ,  par  la  pofte  ou  par  exprès, 
»  fans  qu'il  foit  befoin  de  faire  aucune  publication 
»  es  églifes  des  paroifTes  fous  lefquelles  les  biens 
»  faifis  font  fitués  ,  lefquelles  publications  es  égli- 
»  fes  paroiiîiales  nous  déclarons  ne  devoir  avoir 
i>  lieu  ,  conformément  à  l'article  5  du  titre  des 
n  Plaintes  à  loi  de  la  coutume  ,  que  lorfque  lefdites 
»  fceutes  ne  pourroient  être  faites  aux  propriétai- 
j>  res  des  biens  faifis,  en  perfonne  ou  à  leur  domi- 
11  elle  ,à  caufe  que  le  plaintifTant  ne  pourroit  en 
)j  avoir  connoiflance  ». 

Ub  favant  |urifconfulte  de  Lille  a  fait  la  critique 

Sii 


140 


PLAINTE  A  LOI. 


de  ce  règlement  dans  un  mémoire  imprimé  pour  le 
fleur  Guette,  contre  le  baron  de  Hainin.  «  On  ne 
»  connoît  pas ,  dit-il ,  d'autorité  compétente  dans  la 
ï>  perfonne  des  officiers  du  bailliage,  pour  déroger 
ï»  à  la  coutume;   les  lettres-patentes  du  fouverain 
»  qui  l'ont  homologuée,  défendent  au  contraire 
»  bien   poruivement  à.  tous  ju'iicurs  ,  o£icicrj  ,  Ju- 
if jets  ,  confeilUrs  ,    avocats  ,  procureurs  ,  praticiens 
»>  de  la  gouvernance  ,  bailliage  &  châtelUnie  de  Lille  , 
»  d'introduire  ,  pofer ,  articuler  ou  vérifier  ,  en  temps  à 
ï>  venir  ^  aucunes  coutumes  ou  iifages  généraux  ou  par- 
»  ticuliers  d'icelle  châtellenie  &  gouvernance  cjuc  ceux 
«  y  fpécifiès.  Tout  ce  que  prouve  donc  la   réfohi- 
5)  tion  tranfcritc ,  c'eft  qu'en  1737  on  combattoit 
ï>  l'abus  de  ne  pas  faire  la  fceutc  à  cri  public  ,  en 
»)  l'églife  paroillîale  du  lieu  des  héritages  iaifis  , 
5>  quand  elle  ne  fe  faifoit  pas  à  la  perfonne  du  pro- 
•»  priétaire  ou  à  fon  domicile ,  foit  à  caufe  que  le 
«  domicile  étoit  ignoré  ,  foit  à  caufe  qu'il  étoit  fitué 
.  il  au  dehors  de  la  juridiâion  du  bailliage  de  Lille. 
«  Nous  convenons  d'ailleurs  que  fi  la  coutume  étoit 
«  obfciire  ou  équivoque,  la  réfohition   du  6  mars 
■>■)  1737  pourroit  être  de  quelque  poids  ;  mais  l'on 
«  foutient  que  fi  elle  efl  claire  &  pofitive  ,  cette  ré- 
»  folution  ne  (auroit  lui  porter  la  moindre  atteinte. 
jj  Or,  il  efl  h«rs  de'doute  que  l'article  cité  de  la 
V  coutume  n'autorife  qu'une  feule  forme  de  faire 
i}  la  fceute  à  cri  public  ,  celle  rju'elle  inriique  en 
«  termes  qui  ne  font  pas  fufccptibles  d'un  double 
»  fens  ". 

Un  exemple  confirme  ces  réflexions.  On  a  vu 
plus  haut  que  le  délai  des  affignations  fur  les  Plain- 
tes à  loi  dcit  être  de  quinzaine,  aux  termes  de  l'ar- 
ticle 4  du  titre  21.  Les  officiers  du  bailliage  de 
Lille  ont  tenté,  en  1714,  de  changera  cet  égard 
le  ftyîe  de  leur  fiège  ;  mais  un  arrêt  du  parlement 
de  Flandres  du  30  mars  1716  ,  rendu  fur  le  réqui- 
lîtoire  de  M.  le  procureur  général  ,  a  déclaré  leur 
règlement  nul  &  incompétemraent  porté  ,  8c  leur 
a  fait  défenfes  d'en  porter  de  pareils  à  l'avenir. 

On  a  remarqué  ci-devant  une  diâférence  très- 
fenfible  entre  les  articles  4  &  5  du  titre  ai  ,  par 
rapport  aux  officiers  qui  doivent  intervenir  dans 
les  Plaintes  à  loi,  foit  pour  conjurer,  foit  pour 
exécuter.  L'article  4  veut  que  la  Plainte  verbale  foit 
faite  pardevant  l:  feigneur  ,  baïUi  on  lieutenant  ;  & 
l'article  5  ,  qu'après  la  Plainte  faite  ,  les  biens  foient 
faifis  réellement  par  ledit  feigneur  ,  bailli ,  lieutenant 
ou  SERGENT. 

La  coutume  ne  dit  pas  ,  dans  le  premier  de  ces 
articles  ,  que  la  Plainte  peut  être  fondée  devant  un 
fergent ,  au  défaut  du  feigneur  ,  du  bailli  ou  du 
lieutenant  ;  mais  en  difant  dans  le  fécond  ,  que  le 
demandeur  doit  faire  faifir  réellement  les  biens  par 
ledit  feigneur ,  bailli ,  lieutenant  ou  fergent ,  elle  an- 
nonce ,  ce  ferable  ,  afTez  clairement,  qu'en  l'ab- 
fence  des  trois  premiers  ,  c'eft  au  fergent  qu'il  faut 
avoir  recours  pour  les  remplacer.  Les  mots  le  dit 
ne  paroifTent  pas  permettre  d'en  douter  ;  ils  ren- 
dent,  en  quelque  forte>Les  deux  articles  cora- 


PLÀINTE  A  LOI. 

muns ,  en  ce  qui  concerne  les  perfonnes  établies 
pour  recevoir  les  Plaintes  verbales  &  faire  les  fai- 
fies  réelles  ;  ainfi  de  ce  que  le  fergent  eft  nommé, 
par  l'article  5 , après  le  feigneur  ,  le  bailli  &  le  lieu- 
tenant,  pour  faire  la  faille  réelle,  il  s'enfuit  qu'il 
eft  également  compétent  pour  préfider  à  une  Plainte 
verbale. 

Ce  qu'il  y  a  de  certain  au  moins ,  d'après  le  texte 
de  la  coutume  ,  c'efl  ipie  l'abfeuce  du  feigneur  ,- 
du  bailli  &  du  lieutenant,  ne  feroit  pas  un  motif 
fuffifant  pour  adrelTer  la  Plainte  verbale  à  l'un  des 
juges  ,  quand  même  il  prendroit  la  qualité  de  lieu- 
tenant extraordinaire.  C'eft  ce  qu'a  décidé  un  arrêt 
du  parlement  de  Flandres  du  ii  janvier  1768, 
rapporté  au  mot  COXJURE. 

On  trouvera  fans  doute  étrange  que  la  coutume 
attribue  en  cette  partie  plus  d'autorité  à  un  fergent 
qu'à  un  confeiller;  mais,  étrange  ou  non,  la  cou- 
tume le  règle  aiafi ,  Se  toute  formalité  courumière  , 
fur-tout  eu  matière  de  iaifie,  doit  ètreobfervée  à  la 
lettre.  Il  ne  faut  pas  d'ailleurs  s'étonner  que  la  cou- 
tume ne  confonde  pas  l'ordre  deî  officiers.  Les  uns 
font  faits  pour  conjurer  ,  pour  femoncer  ,  pour  re- 
quérir que  juflice  foit  faite  aux  particuliers  ou  au 
public  ;  les  autres  ,  pour  connoître  des  caufes  & 
porter  les  jugemens.  Le  bailli ,  le  lieutenant ,  le  fer- 
gent ,  font  de  la  première  claffe  ;  ils  font ,  par  état , 
officiers  ièmonceurs.  Les  confeillers,  les  hommes 
de  fiefs  ,  les  échevins  ,  font  de  la  féconde  claffe  ; 
leur  état  efl  de  juger.  Or  la  coutume  veut  que  parmi 
ceux  qui  préfident  à  la  Plainte  verbale,  il  y  ait  un 
officier  femonceur  ;  en  cela,  rien  d'extraordinaire 
&  qui  ne  foit  même  de  convenance.  Mais  fa  difpo- 
fition  eft-elle  remplie  ,  quand  un  juge  prend  da 
lui-même  la  qualité  de  bailli  ou  de  lieutenant  ? 
Non  ,  il  fort  de  fa  pl.ice  ,  fans  pouvoir  fe  mettre  â 
celle  de  l'officier  conjureur,  parce  qu'il  ne  dépend 
pas  de  lui  de  fe  donner  un  caraélère  qu'il  n'a  pas. 
L'officier  conjureur  ne  peut  pas  fe  faire  jiige  ;  l'of- 
ficier juge  ne  peut  pas  fe  faire  conjureur;  le  boa 
fens  diéle  ces  notions  ,  &  elles  ne  peuvent  recevoir 
d'exception  que  de  la  volonté  expreffe  du  légifla- 
teur.  Voyez  l'article  Mayeur. 

Mais  reprenons  la  fuite  des  formalités  de  la 
Plainte  à  loi.  L'article  5  du  titre  21  porte,  qu'au 
jour  fixé  par  l'affignation ,  le  demandeur  doit  fe 
préfenter  en  perfonne  ou  par  procureur  ,  tant  con- 
tre la  partie  faifie  que  contre  les  ajournés  en  général  ; 
expofer  que  tel  jour  il  s'eft  fondé  en  Plainte  de- 
vant les  officiers  du  fiège;  que  fur  cette  Plainte  il 
a  été  rendu  un  jugement ,  qui  contient  telles  défen- 
fes ;  que  ce  jugement  a  été  fignifié  à  telles  perfon- 
nes ;  enfuite  ramener  à  fait  lefdites  Plainte  &  faifine  y 
c'eft-à-dire  ,  prendre  les  conclufions  pourlefqucUes 
il  les  a  fait  pratiquer. 

Si  les  affignés  ne  comparoifient  pas  ,  le  deman- 
deur doit,  aux  termes  de  l'article  6,  obtenir  contre 
eux  ,  par  divers  plaids  ,  dûment  entretenus  dis  heures 
de  premier,  fécond  ,  tiers  &  quatrième  jour,  c'eft-à- 
dii^^uatre  défauts  confécuùfs :  au troifièrae défaut^ 


PLAINTE  A  LOI. 

il  peut  faire  débouter  de  défenles  ceux  qui  l'ont 
encouru  ;  &  après  !s  quatrième,  on  doit  luiadjiigar 
fa  demande  ,  fi  elle  fe  trouve  juAe  &  raifonnable  : 
les  afllgnés  font  cependant  admis  ,  aprè;  le  tioi- 
fième  déiaut  ,  ou  ,  comme  dit  la  coutume,  en  de- 
dans ["heure  de  tiers  jour  obtenu:  ,  à  fepréfenter  & 
donner  leurs  moyens  de  défenles. 

Ce  grand  nombre  de  défauts  n'eft  point  nécef- 
faire,  lorfqti'au  jour  du  ramené  à  fait  le  demandeur 
déclare  s'en  rapporter  au  ferment  des  ajournés  : 
dans  ce  cas  ,  on  lui  donne  un  premier  défaut ,  dont 
le  profit  eft  de  faire  réalîigner  ceux-ci  ;  &  fi  à  la  fé- 
conde journée  ils  ne  comparoiflent  pas  encore,  il 
obtient  un  fécond  défaut,  dont  le  profit  eft  que  le 
ferment  lui  eft  référé.  C'cft  toujours  d'après  l'ar- 
ticle 6  que  nous  parlons. 

On  voit  par  ces  détails  combien  font  longues  les 
procédures  qu'il  faut  faire  pour  parvenir  au  décrè- 
tement  d'une  Plainte  à  loi.  De  là  réfulte  un  très- 
grand  inconvénient,  c'eft  que  quand  la  Plainte  à 
loi  eft  pratiquée  fur  des  meubles  pour  avoir  paye- 
ment d'une  dette,  les  frais  de  gardien  confument 
prefque  toujours  le  produit  entier  de  la  vente  qui 
s'en  tait  après  lafenience  de  décrètement.  Cet  in- 
convénient a  donné  lieu  à  un  ulage  certifié  par  un 
acle  de  notoriété  des  procureurs  de  Lille  du  16  mai 
1780,  dont  voici  les  termes  :  «  Certifions  qu'il  eft 
»  d'ufage,  lorfqu'on  agit  à  fin  de  recouvrer  une 
»  dette  quelconque  ,  par  Plainte  à  loi  ,  au  bailliage 
9»  de  Lille,  qu'on  préfente  une  requête  au  juge 
«  après  la  Plainte  exploitée,  par  laquelle  on  de- 
«  mande  que  l'buiffier  exploiteur  foit  autorifé  à 
j»  vendre  les  effets  faifis  ;  qu'on  donne  pourapof- 
31  tille  fur  cette  requête ,  foit  montré  à  partie  pour 
5»  y  dire  au  tiers  jour ,  Si  qu'au  jour  de  la  compa- 
w  rution  l'exécuté  n'eft  reçu  oppofant  fur  ladite 
»   requête,  qu'après  avoir  nanti  ou  donné  caution  ». 

Il  faut  convenir  que  le  remède  eft  ici  pire  oue  le 
itial.  Un  créancier  eft  fans  doute  bien  à  plaindre  , 
lorfqu'il  voit  fe  confumer  en  frais  de  jiiftice  tous 
les  meubles  &  effets  fur  lefquels  il  fondoit  l'efpé- 
xance  du  recouvrement  de  fa  dette.  Mais ,  1".  peut- 
on  fous  ce  prétexte  dépouiller  un  débiteur  avant 
qu'il  ne  foit  jugé  tel.'  Peut-on  affimilor,  contre 
l'efprit  de  la  coutume,  la  Plainte  à  loi  qui  fe  pra- 
tique pour  toutes  fortes  de  dettes  &  de  prétentions , 
à  l'exécution  parée  ,  qui ,  fuivant  l'article  i  du  ti- 
tre 23  ,  ne  peut  avoir  lieu  que  contre  une  perfonne 
condamnée  par  juge  compétent ,  ou  ohlif^ée  par  obli- 
gation portant  vigueur  d'exécution  >  2».  Rien  n'oblige 
un  créancier  de  prendre  contre  fon  débiteur  la  voie 
«le  Plainte  à  loi  ;  c'eft'à  la  vérité  la  plus  sfn-e  ,  mais 
elle  n'eft  point  unique  :  on  peut,  en  toutes  fortes 
de  caufcs,  fc  pourvoir  par  requête  devant  les  ju- 
ges qui  en  doivent  connoître. 

La  pratique  du  b,rilliage  &  des  fièges  inférieurs 
de  la  châtellenie  de  Lille  ,  efr  donc  un  abus  vérita- 
ble ;  auftia-t-elle  été  condamnée  récemment  par  le 
parlement  de  Flandres. 

Le  nommé  Adrien  Bachekt  a  fait  pratiquer ,  le 


PLAINTE  A  LOL  141 

3  feptembre  1778,  une  Plainte  à  loi  fondée  au 
bailliage  de  Lille,  fur  tous  les  meubiei  &  effets  de- 
la  veuve  Thorer,  demeurant  à  Pont-à-Vendin.  Le" 
9  du  même  mois ,  il  a  donné  requête  pour  être  au- 
torifé à  faire  vendre  provifionnellement  ,  &  fa  de- 
mande lui  a  été  accordée  par  fentence  du  12.  La 
veuve  Tborer  a  appelé  de  ce  jugement  ,  ainli 
que  de  la  veiue  faite  en  conféquence  ;  par  arrêt 
rendu  le  8  mai  1779  ,  au  rapport  de  M.  de  Ja  Vief- 
ville ,  la  cour ,  «  fans  s'arrêter  à  ladite  fentence  ,  a 
"  déclaré  l'exécution  &  vente  nulle  &  tortion- 
'>  naire,  condamné  Adrien  Bschelet  aux  domma- 
"  ges  &.  intérêts  qui.  en  font  réfultés  ,  &c.  ».  Le 
rédadeur  de  cet  article  écrivoit  poiu  la  veuve  Tho- 
rer ;  U  a  employé  contre  la  vente  dont  il  s'agi'foit , 
difîé."ens  moyens  également  péremptoires  ,  &  ii  a 
lu  que  les  juges  avoient  été  particulièrement  tou- 
chés de  l'injuftice  qu'il  y  a  d'exécuter  par  provi- 
fjon  un  débiteur  qui  n'eft  ni  condamné  par  fenten- 
ce ,  ni  obligé  par  acle  authentique. 

Cet  arrêt  n'étoit  cependant  point  aft!ez  précis 
pour  réformer  l'ufage  des  tribunaux  de  la  châtel- 
lenie de  Lille  ;  mais  bientôt  la  queftion  s'eft  repré- 
fentée  dans  des  circonftances  plus  fimples.  Le  18 
avril  1780,  le  fieur  Jonville  fait  faifir  par  Plainte 
à  loi  fondée  devant  les  bailli  &  hommes  de  fiefs 
de  Waterlos ,  tous  les  meubles  &  effets  apparte- 
nans  au  nommé  Lorfebvre  , /^o/zr  yùr  iceux  avoir 
payement  de  lu  fomme  de  izoo  Hures  parifis  quil  lui 
doit  ,  tant  pour  livraifons  de  bierres  <jue  pour  loyir. 

Le  Lendemain  19  ,  il  demande  par  une  requête 
que  le  fergent  exploiteur  de  la  Plainte  à  loi,  foit 
autorifé  à  vendre  par  provifion  les  meubles  &  effets 
faifis.  Lorfcbvre  s'oppofe  à  cette  demande  ;  il  fou- 
tient  que  c'eft  le  cas  d'ordonner  aux  parties  d'en- 
trer en  liquidation,  &  que  par  couféquent  il  f.iut 
fufpendre  la  vente  jufqu'au  jugement  définitif  : 
mais  ces  raifon.;  ctoient  trop  contraires  à  l'ufa-^e , 
pour  être  accueillies  des  premiers  juges  :  par  fen- 
tence du  29  du  même  mois  ,  rendue  fur  l'avis  de 
plufieurs  avocats  de  Lille,  il  a  été  ordonné  que 
les  meubles  &:  effets  feroient  vendus  par  provi- 
fion ,  &  Lorfebvre  a  été  condamne  aux  dépens. 
Appel  ^u  parlement  de  Flandres  ,&,  nonobftant 
l'afie  de  notoriété  tranfcrit  ci-deffus ,  arrêt  du  g 
juin  1780,  au  rapport  de  iM.  Rémi  des  .Tardms  , 
par  lequel  «  la  coiir ,  fans  s'arrêter  à  ladite  (cn- 
»  tence,  &  avant  faire  droit  fur  la  demande  du- 
»  dit  Jonville  ,  ordonne  aux  parties  d'entrer  err 
»  compte  &  liquidation  amiablemenr  ,  finon  par- 
n  devant  le  confeiller  rapporteur  :  ordonne  néan- 
n  moins  que  les  meubles  &  effets  dont  il  s'ai-it  atî 
»  procès  feront  fequeftrés  dans  tel  endroit  quî fera 
n  défigné  par  les  bailli  &  hommes  de  fiefs  dudit 
n  "Waterlos  ^  que  la  cour  commet  à  cet  effet  ,  dé- 
n  pens  réfervés. 

Cette  dernière  difpoiltion  eft  un  fempéramenr 
très  fage  entre  l'inconvénient  de  laiffer  trop  ion->- 
temps  des  gardiens  dans  une  maifon  ^  &  celui  d'exé- 
cuter par  provifion  &  fans  titre. 


r4i  PLAINTE  A  LOI. 

On  a  vu  à  l'article  MiSE  de  fait  ,  que  les  meu- 
bles font  fufpceptibles  d'hypotlièque  dans  la  cou- 
tume de  la  châtcUenie  de  Lille.  Ccft  fur  ce  fonde- 
ment que  l'article  2  du  titre  21,  dit,  que  parla 
faifie  pratiquée  en  vertu  de  Plainte  à  loi ,  fur  des 
biens  meubles  ou  héritaoes  ,  «  hypothèque  eft  créée  à 
»  la  confervation  &  sûreté  du  prétendu  &  contenu 
«  efdites  Plaintes ,  dès  l'inftant  de  ladite  faifine , 
»  pourvu  que  fentence  s'en  enfuive  au  profit  du 
3>  plaintiflant  ». 

Mais  pour  conferver  cette  hypothèque,  il  faut 
pue  les  meubles  ne  foient  pas  un  inftant  fans  gar- 
diens ;  autrement  on  court  rifque  de  la  perdre.  "  Si 
»>  aucuns  biens  meubles  mouvables  étoient  judi- 
»  ciairement  faifis  par  Plainte  à  loi  ou  autrement , 
î>  en  la  maifon  &  pourpris  du  débiteur,  &  fulTent 
"  après  trouvés  fans  gardes  ayant  pouvoir  à  ces 
»  fins ,  tels  biens  font  réputés  décalengés  &  dé- 
"  chargés  de  ladite  faifme  :  de  forte  que  i\  autres 
»  faifoient  judiciairement  par  après  faifir  lefdits 
'>  biens  ,  &  à  iceux  mettre  garde  ayant  pouvoir  , 
"  feroient  à  préférer».  Ce  fcnt  les  termes  de  l'ar- 
ticle 8. 

L'article  9  ajoute  ,  que  l'appel  d'une  Plainte  à  loi 
ne  doit  pas  empêcher  la  faifie  ,  «  tant  &  jnfques  à 
j>  ce  que. la  main  de  juftice  foit  garnie  ,  ou  caution 
j)  baillée,  fi  avant  que  le  plaintiflant  auroit  fait 
ï)  préparatlvement  apparoir  de  fon  dû  ». 

Les  officiers  du  bailliage  de  Lille  ont  autrefois 
prétendu  que  quand  on  fe  pourveyoit  devant  eux 
par  Plainte  à  loi ,  ils  n'étoient  pas  tenus  de  dé- 
férer à  la  demande  que  pouvoit  faire  l'ajourné  , 
afin  d'être  renvoyé  devant  fes  juges  immédiats  ç 
ils  ont  même  ainfi  jugé  par  une  fentence  du  9  mai 
1689  :  mais  comme  la  Plainte  à  loi  n'eft  par  elle- 
même  aucunement  privilégiée,  cette  fentence  a  été 
infirmée  par  arrêt  du  parlement  de  Flandres,  du 
10  février  1690,  rapporté  dans  le  recueil  de  M,  de 
Baralle. 

Voyez  les  articles  Gouvernance  ,  Clain  ,  Exé- 
cution ,  Saisie,  Mise  de  fait.  Main-mise, 
^c.i^AnicU  de  M.  Me rl ly  ,  avocat  au  parlement 
de  Flandres  &  fccrétaire  du  roi  ). 
""  PLAISIRS  DU  ROI.  On  appelle  ainfi  l'étendue 
de  pays  qui  eft  dans  une  capitainerie  royale  ,  ©ù  la 
chaÂe  eft  réfervéc  pour  le  roi. 

Suivant  les  articles  14  &  15  du  titre  30  de  l'or- 
donnance des  eaux  &  forêts  du  mois  d'août  1669  , 
il  eft  défendu  aux  feigneurs  &  autres  de  chafler 
fur  leurs  terres  au  menu  gibier,  lorfqu'elles  ne 
font  pas  à  la  diftance  d'une  lieue  des  Plaifirs  du 
roi ,  &  de  chafier  au  chevreuil  &  aux  bêtes  noires , 
à  moins  que  ce  ne  foit  dans  des  endroits  éloignés 
de  trois  lieues  des  mêmes  Plaifirs. 

Il  leur  eft  pareillement  défendu  par  l'article  16 
de  tirer  au  vol ,  fi  ce  n'eft  dans  la  même  diftance  de 
trois  lieues  des  Plaifirs  du  roi,  à  peine  de  deux 
cents  livres  d'amende  pour  la  première  fois  ,  du 
double  pour  la  féconde,  6c  du  triple  pour  la  troi- 


PLAIT. 

fième  ,  outre  le  banniffement  à  perpétuité  hors  de 
l'étendue  de  la  maîtrife. 

PLAIT,  on  appelle  ainfi  une  forte  de  droit  fei- 
gneurial  ,  connu  particulièrement  en  Dauphiné. 
C'eft  une  efpèce  de  relief  dû  aux  mutations  de 
feigneur  Se  de  vaffal ,  ou  emphitéote  ,  ou  aux  mu- 
tations de  l'un  ou  de  l'autre  feulement ,  fuivant  ce 
qui  a  été  ftipulé  par  le  titre  d'inféodation  au  bail 
emphitéotique. 

Il  a  lieu  fur  les  fiefs  comme  fur  les  rotures. 

Il  n'eft  dû  qu'en  vertu  d'une  ftipulation  expreflc  ; 
cependant  il  fe  divife  en  trois  fortes;  favoir,  le 
Plait  conventionnel ,  le  Plait  accoutumé  ,  &  lePlait 
à  merci. 

Le  Plait  conventionnel  eft  celui  dont  la  quotité 
eft  réglée  par  le  titre  ;  il  peut  être  unpofé  en  argent , 
en  grain ,  &c. 

Le  Plait  accoutumé  eft  celui  dont  la  quotité  fe 
règle  fuivant  l'ufage  du  lieu  ,  &  en  tout  cas,  lui- 
vant  l'ufage  le  plus  général  en  Dauphiné. 

Le  Plait  à  merci  eft  communément  le  revenu 
d'un  an  ,  comme  le  relief  dans  la  coutume  de  Paris. 

On  a  propofé  la  queftion  de  favoir ,  fi  lorfqu'il 
y  a  échéance  de  plufieurs  Plaits  dans  la  même  an- 
née, il  font  tous  dûs  ,  ou  s'il  n'en  eft  dû  qu'un  feul. 
M.  Salvaing  penfe  qu'on  ne  peut  en  exiger  qu'un  , 
à  moins  qu'il  ne  s'agifle  du  cas  où  le  Plait  eft  dû 
tant  à  la  mutation  du  feigneur,  qu'à  celle  du  tenan- 
cier :  fi  l'un  &  l'autre  meurent  dans  la  même  an- 
née ,  M.  Salvaing  eft  d'avis  qu'on  peut  percevoir 
deux  droits  ,  parce  qu'ils  ont  deux  caufes  diffé- 
rentes. 

L'auteur  qu'on  vient  de  citer  rapporte  des  exem- 
ples de  fiefs  purement  honoraires ,  qui  ont  droit 
de  Plait  fur  le  feigneur  dominant. 

Voye\  Salvaing  de  Cufage  des  fiefs  ,  le  dïllthnnalre 
des  arrêts  ,  &  Guyot ,  traité  des  fiefs. 

PLANCHÉEUR.  On  appelle  ainfi  à  Paris  de 
petits  officiers  ,  dont  les  fondions  font  réglées  par 
l'article  8  du  chapitre  4  de  l'ordonna'tce  du  mois 
de  décembre  1672;  il  contient  les  difpofitions  fui- 
vantes  : 

M  Enjoint  aux  Planchéeurs  de  mettre  fur  les  ba- 
»  teaux  de  fortes  planches ,  portées  fur  \\v\  tel  nom- 
»  bre  de  trétaux  qu'il  conviendra,  depuis  le  bord  de 
»  la  rivière,  jufques  fur  les  bateaux  charges  de  mar- 
»  chandifes,  &  d'en  mettre  de  travers  fur  les  ba- 
»  teaux  qui  fe  trouveront  vides  auxdits  ports  ,  au* 
»  trement  demeureront  lefdits  Planchéeurs  déchus 
»  &  privés  des  droits  à  eux  attribués  ,  &  condam- 
»  nés  aux  dommages  &  intérêts  des  bourgeois, 
»  marchands  ,  officiers,  ou  gagne-deniers  ,  travail- 
»  lans  fur  lefdits  ports  :  enjoint  aufti  aux  Plan- 
»  chéeurs  du  port  au  vin  ,  de  fournir  &  mettre  des 
»  Planches  pour  aller  du  bord  de  la  rivière  dans  les 
»  bateaux  ,  par  autres  endroits  que  ceux  où  les  dé- 
»  chargeurs  de  vins  auront  farit  leurs  chemins  & 
»  pofé  leurs  chantiers,  fous  les  peines  ci-deflus , 
j>  Se  d'amende  arbitraire  >». 

PLANCHETTE.   Faire  Planchette  eft  une  ex- 


PLANCHETTE. 

prefTion  ufitée  dans  les  coutumes  de  Ponthieu  ,  de 
Boulonnois  &  de  Saint-Pol ,  pour  défigner  un  ordre 
de  fucceflion  tout-k-tait  particulier  à  ces  lois. 

La  coutume  de  Ponthieu  n'admet  qu'un  héritier 
dans  chaque  luccefTion  ,  &  cet  héritier  eft  toujours 
le  plus  âgé  de  tous  les  parens  du  même  degré.  Sui- 
vant l'article  n  ,  quand  les  parens  collatéraux  d'un 
défunt  font  frères  &  fœurs ,  ou  ,  comme  dit  la  cou- 
tume, nés  d'un  même   wntre,   c'eft  à  l'aîné    mâle 
qu'appartient  la  fucceffion  ;  mais  s'ils  font  collaté- 
raux entr'eux  comme  au  défunt ,  c'eft-à-dire  ,  s'ils 
font  nés  de  divers  ventres,  en  ce  cas,  on  ne  diflin- 
gue   plus   un  fexe  d'avec  l'autre ,  &  c'eft  à  l'aîné 
mâle  ou  femelle  que  tous  les  biens  font  dévolus  : 
tel  eft    du  moins  le  témoignage  qu'ont  rendu  de 
leur  coutume  la  plupart  des  praticiens  de  Ponthieu  ; 
car  il  s'eft  trouvé,  dit  l'article  cké,  aucuns  auires 
coutumiers  dudit  Pontliicu  ,  cjui  n'ont  voulu  dépoferla 
coutume  être  telle  ,  mais  ils  les  ont  par  ci-devant  re- 
mis &  remettent  au  droit.  Ce  partage  d'opinions  a 
été  caufc  que  les  commifTaires  prépofés  pour  la  ré- 
da6}ion  de  cette  coutume,  ont  laiifé  la  queftion  in 
décife ,  avec  déclaration  cxprefle  ,  "  que  tous  & 
î>  chacun  qui  ont  &  pourront  avoir  procès  touchant 
3'  ladite  fucceffion  en  ligne  collatérale  ,  pourront 
«  conduire  ,  démener  &  mettre  à  fin  leurfdits  pro- 
>>  ces,  ainfi  qu'ils  verront  bon  être  &  qu'il  appar- 
M  tiendra  >». 

De  la  manière  qu'étoit  rédigé  l'article  dont  il 
s'agit ,  on  pouvoir  aifément  s'appercevoir  que  l'opi- 
nion la  plus  générale  &  même  la  plus  favorifée 
des  commiffaires  ,  étoit  celle  qui  donnoit  la  préfé- 
rence à  une  fille  aînée  fur  un  mâle  puîné  dune 
autre  branche  ,  &  c'eft  en  effet  celle  qui  a  prévalu 
dans  la  fuite. 

Mais  de  là  eft  venue  une  autre  queflion,  c'étoit 
de  favoir  fi  la  fille  aînée  ,  qui  excluoit  un  puîné 
mâle  d'une  autre  branche  ,  ne  devoit  pas  être  elfe- 
niême  exclue  par  un  puîné  mâle  de  la  fienne.  L'af- 
firmative a  été  adoptée  par  deux  arrêts  remarqua- 
bles,  qui  nous  ont  été  confervés  par  Ricard  & 
Brodeau  ,  dans  leurs  notes  fur  l'article  cité.  Voici 
comme  s'exprime  le  premier  de  ces  auteurs  : 

«  Sed  quid  ,  fi  en  un  même  degré  il  y  a  un  mâle 
»  &  une  fille  d'un  même  ventre,  dont  la  fille  foit 
j)  plus  âgée,  un  mâle  d'un  autre  ventre  plus  âgé 
»  que  l'autre  mâle,  mais  moins  que  la  fille  ?  Jugé 
"  en  ce  cas  que  la  fucceffion  appartient  au  mâle 
»  moins  âgé  ,  ik.  que  la  fœur  lui  faifoit  ouverture 
»  contre  l'autre,  &  que  de  fa  part  il  excluoit  fa 
»  fœur,  par  arrêt  du  19  mars  1612  ".  Thomas 
Chauvelin  date  ce  même  arrêt  du  24  mars ,  &  le 
cite  comme  confirmatif  d'une  fentence  du  fénéchal 
de  Ponthieu  ,  du  4  décembre  16 10. 

La  note  de  Brodeau  eft  conçue  en  ces  termes: 
«  La  femelle  aînée  étant  feule,  elle  exclut  le  colla- 
»  téral  puîné  d'un  autre  ventre  ;  mais  quand  avec 
3»  cette  femelle  il  fe  rencontre  un  mâle  né  de 
"  même  ventre ,  quoique  puîné  de  la  femelle  & 
>'  du  collatéral  de  l'autre  ventre,  il  exclut ruo& 


PLANCHETTE.  143 

»  l'autre,  la  femelle  ne  fcrvant  que  pour  exclure 
)j  le  collatéral ,  &  non  celui  qui  eft  né  de  même 
»  ventre  qu'elle,  nonobftant  la  règle  ,^vinco  vin' 
»  centem  ,  qui  n'a  lieu  fmon  eodem  génère  vincendi  ; 
»  &  tel  eft  l'ufagc  conftant  de  la  province ,  con- 
)>  firme  par  arrêt  donné  à  la  cinquième  chambre 
»  des  enquêtes  ,  au  rapport  de  M.  Hatte,le.... 
»  1617,  en  la  fucceffion  de  Parde  ;  ce  qu'ils  ap- 
11  pellent  en  Ponthieu  le  droit  de  Planchette  ". 

La  coutume  de  Boulonnois  ne  s'explique  guère 
plus  clairement  que  celle  de  Ponthieu  ,  voici  ce 
qu'elle  porte  ,  articles  8i  &  82  : 

«  Si  aucun  va  de  vie  à  trépas  &  adhérité  d'au- 
»  cuns  héritages  féodaux  o-u  cortiers ,  fans  enfans 
»  de  fa  chair  procrées  en  mariage ,  délaiftant  plu- 
»  fieurs  de  fes  parens  en  ligne  collatérale  en  pareil 
J7  degré  ,  iffus  de  divers  ventres  ,  tous  venus  du 
»  côté  dont  font  (uccédés  les  héritages;  à  l'aîné  , 
n  foit  mâle  ou  femelle,  appartient  la  totale  (\.\ccqÇ- 
>7  fion  féodale  ou  cottiêre.  Mais  fi  lefdits  parens 
»  étoient  tous  dun  ventre,  le  fils  en  déboute  du 
»i  tout  la  fille  ,  pofé  qu'elle  fût  aînée. 

3>  Et  ab  intcftat  s'en  fait  pareillement  des  biens 
»  meubles  ,  cattels  &  acquêts  ». 

On  voit  que  cette  coutume  garde  pareillement 
le  filence  fur  la  queftion  de  favoir  fi  la  fille  aînée 
eft  exclue  par  fon  frère  cadet ,  lorfqu'elle  exclur 
elle-même  un  parent  d'une  autre  branche  plus  âgé 
que  celui  ci  ;  mais  ce  doute  eft  nettement  réfolu 
par  la  manière  dont  s'explique  M.  le  Camus  d'Hou- 
louve  en  fon  commentaire,  tome  i,  page  377: 
a  La  coutume  ,  dit-il ,  admet  un  ordre  de  fuccef- 
■>■)  fion  entre  neveux  &  nièces,  ou  autres  parens 
T)  plus  éloignés ,  qui  paroît  affez  fingulier.  Quand 
»  ces  parens,  quoiqu'en  parité  de  dégrés,  font 
i>  iffiis  de  diverfes  branches,  &  tous  également  des 
»  lignes  dont  Ls  propres  ,  foit  féodaux  ,  foit  rotu- 
11  riers,  font  provenus ,  elle  défère  la  totalité  de  la 
»  fucceffion  au  plus  âgé  d'entr'eux,  mâle  ou  fe- 
■)■)  melle  ;  &  elle  ne  préfère  le  mâle  à  la  femelle  , 
»  que  quand  ils  font  également  iffijs  d'une  même 
1-1  branche.  11  y  a  plus  ;  fi  plufieurs  branches  d'hé- 
■n  ritiers  en  parité  de  degré,  viennent  à  la  fuc- 
»  ceffion  ,  lorfque  dans  une  de  ces  branches  il  ne 
)7  fe  trouve  qu'une  feule  femelle  plus  âgée  que 
»  tous  les  autres,  elle  recueille  la  fucceffion  à  leur 
)»  exclufion  ;  mais  fi  cette  femelle  a  un  frère  moins 
)»  âgé  qu'elle  &  que  tous  les  autres  parens  ,  celui- 
J7  ci  fe  fert  de  fa  fœur  pour  exclure  tous  les  au- 
»  très  ,  qui  fans  elle  l'auroient  exclu  lui-même  ,  & 
■)■)  il  devient  le  feul  héritier  du  défunt  :  c'eft  ce 
»  qu'on  appelle  en  "QouWonnohs  faire  planchette ^ 
»  c'eft-à-dire,  de  la  part  d'une  fœur,  fervir  de  de- 
11  gré  à  fon  frère  pour  lui  procurer  un  avantage 
»  dont  elle  ne  profite  pas.  Cette  façon  de  fuccé- 
î»  der  de  la  part  d'un  mâle  par  i'à;^e  de  fa  fœur  , 
Ti  réfulte  du  texte  comme  de  l'efprit  de  la  coutu- 
■»  me  ;  elle  accorde  le  droit  d'aineffe  dans  une  fuc- 
»  ceffion  à  la  femdle  la  plus  âgée ,  à  défaut  de 
j>  mâle  ;  mais  il  fuffit  qu'il  y  ait  un  mâle  ,  quoi- 


^144  -  jPLANCHETTE. 

5>  que  moins  âgé  qu'elle ,  dans  «ne  même  bran- 
7)  che,  pour  qu'il  lui  donne  rexclufion.  Ainfi  il 
«  étoit  juile  de  ne  pas  faire  paffer  dans  une  autre 
j>  branche  ,  ce  qu'elle  àvoit  arrêté  dans  la  Tienne  , 
î>  &  ce  qu'elle  auroit  eu  fans  fon  frère  ,  comme  il 
5>  eft  convenable  de  donner  à  fon  frère  ce  qu'elle 
«  ne  peut  recueillir  à  fon  exclufion  » 

Cette  do6îrine  eft  conforme  à  celle  de  le  Roy 
de  Lozembrune  ,  dans  fes  notes  fur  les  textes  que 
nous  examinons  :  «  En  certains  cas  (  ce  font  fes 
>»  ternies)  ,  la  fcsur  aînée,  quoiqu'elle  n'hérite  pas , 
«  iait  hériter  fon  frère  cadet  :  par  exemple ,  un 
«  oncle  décède  ai  intejlat  ;  il  laiffe  une  nièce  âgée 
«  de  trente  ans  ,  fîlle  de  fon  frère  ;  il  laifié  en- 
î)  corc  une  autre  nièce  âgée  de  trente-cinq  ans , 
j>  &  \\n  neveu  âgé  de  vingt  ans,  enfans  de  fa  fœur  : 
>»  cette  fille,  âgée  de  trente-cinq  ans  ,  &  par  con- 
3»  féquent  plus  âgée  que  fa  coufme  germaine  de 
»  cinq  ans,  exclut,  à  la  vérité ,  cette  coufinegcr- 
3>  niaine  de  cette  fucceffion  collatérale,  à  caufe  de 
•)■>  (on  âge,  &  néanmoins  elle  n'en  profite  en  au- 
55  cune  façon  ;  mais  fon  frère,  qui  n'a  que  vingt 
y>  ans ,  fe  fert  de  l'âge  de  fa  fœur  pour  en  profiter  , 
»  &  emporte  cette  fiicceiîion  à  l'exclufion  de  fa 
»  fœur  Se  de  fa  confine  ,  quoique  toutes  deux  plus 
"  âgées  que  lui.  C  eft  ce  que  nous  difons  vulgai- 
«  rement  dans  notre  coutume  ,  droit  de  PLir.chcitc  , 
«  en  ce  que  la  fœur  aînée  fait  Planchette  à  fon 
j>  frère  cadet ,  &  lui  prête,  s'il  faut  ainfi  dire, 
J)  fes  ans ,  pour  fuccéder  à  fon  oncle  décédé  ab 
»>  inteflat.  Cette  belle  quefiion  a  été  jugée  dans 
«  cette  coutume  par  un  arrêt  folcmnel  du  26  fé- 
j>  vrier  1645  ,  confirmatif  dune  fentence  que  j'a- 
»  vois  rendue  m. 

La  coutume  de  Saint-Fol  efi  des  trois  coutumes 
de  Planchette  ^  celle  qui  développe  le  mieux  la  na- 
ture de  ce  droit ,  &  ce  qu'elle  en  dit  eft  exaflement 
conforme  à  ce  que  les  arrêts  &  les  commentateurs 
ont  décidé  par  rapport  au  Ponthieu  Si  au  Boulon- 
nois.  Après  avoir  établi,  titre  2,  article  4,  qu'en 
fucceflion  collatérale  ,  les  fiefs  &  anciens  manoirs 
appartiennent  à  l'aîné,  foit  mâle  ou  femelle  ,  des 
parens  {([ui  de  divers  -ventres  ,  &  à  1  aîné  mâle  ,  en- 
cure  ^uil  y  eût  femelle  plus  ancienne  ,  fi  c'était  tout 
d'un  ventre^  elle  ajoute,  article  5  ,  «  &  d'abon- 
»  dant,  advenant  contre  les  co-héritiers  de  divers 
»  ventres  en  même  degré ,  encourent  frère  &  fœur 
î>  de  même  ventre,  en  ce  cas,  le  frère,  quoique 
■»  puiné  de  la  femelle  plus  ancienne  ,  néanmoins 
M  que  les  autres  co-héritiers  fufient  mâle  &  fe- 
ij  melle  ,  exclura  Icfdits  aurres  co-héritiers  mâles 
ï)  plus  anciens  que  lui ,  par  le  bénéfice  de  fadite 
r>  fœur  plus  ancienne  que  lefdiis  autres  ce-héri- 
î»  tiers,  laquelle  lui  fert  de  Planchette  en  ce  cas  , 
5»  comme  l'on  dit  ordinairement  audit  comté  de 
I»  Saint-Pol  V, 

Voyez  les  articles  Héritiers  ,  Makoir,  Suc- 
cession ,  &c. 

(^Article  de  M.  Merlin,  avocat  au  parlement 
de  Flandres  &>  Jecrétaire  du  roi  ). 


PLANT. 

PLANT.  On  donne  ce  nom  aux  jeunes  arbra» 
d'une  forer. 

L'article  11  du  titre  27  de  l'ordonnance  des  eaux 
&  forêts  du  mois  d'août  1669,  a  trés-exprelfément 
défendu  d'arracher  aucun  Plant  de  chêne,  charme 
ou  autre  bois  dans  les  forêts  du  roi ,  fans  une  per« 
miffion  exprelfe  de  fa  majefté  Se  l'attache  du  grand 
maître,  à  peine  de  punition  exemplaire  ,  Si.  de  cinq 
cens  livres  d'amende. 

Et  par  l'article  18  du  titre  3  ,  il  eft  défendu  aux 
grands  maîtres  des  eaux  &  forêts  de  permettre  ou 
loulïrir  qu'il  foit  arraché  aucun  de  ces  plants,  à 
peine  d'amende  arbitraire,  &  des  dommages  &  in-, 
térêts  du  roi. 

Ces  difpofitions  ont  été  confirmées  par  un  arrêt 
du  confeil  du  17  janvier  1688  ,  par  lequel  il  a  en 
outre  été  ordonné  que  les  Plants  nécefiaires  pour 
les  parcs  &  jardins  des  maifons  royales,  ne  pour- 
roient  être  arrachés  qu'en  vertu  d'un  ordre  exprès 
du  roi  ou  du  furintendant  des  bâtimens  ,  lequel 
ordre  contiendroit  la  qualité  Si  quantité  des  Plants 
à  arracher  ,  &  feroit  vifé  du  grand  maître  des  eaux 
Se  forêts  du  département,  ou  en  fon  abfence,  par 
le  maître  particulier  dans  le  reffort  duquel  les  Fiants 
s'arracheroient ,  Se  que  cette  dernière  opération  fe 
feroit  en  préfence  du  garde  du  canton,  qui  en  dref- 
feroit  procès-verbal  ik.  le  dépoferoit  au  greffe,  pous 
y  avoir  recours  au  befoin. 

PLANTATION.  Ccll  l'aOlon  de  planter. 

L'article  6  du  titre  27  de  l'ordonnance  des  eaux 
&  forêts  du  mois  d'août  1669,3  défendu  à  tout 
particulier  de  faire  des  Pl.intations  de  bois  à  la  dif- 
taace  de  cent  perches  des  forêts  du  roi ,  fans  une- 
permiffion  exprefiè  de  fa  majefié;  à  peine  de  cent 
livres  d'amende  ,  Si  de  voir  arracher  6c  confifquer 
les  arbres  plantés. 

L'article  42  du  même  titre,  a  pareillement  dé- 
fendu ,  fous  peine  d'iamende  arbitraire ,  de  faire 
aucune  Plantation  d'arbres  qui  puffent  nuire  au 
cours  de  l'eau  &  à  la  navigation  dans  les  fleuves 
Se  rivières  du  royaume,  à  peine  d'amende  arbi- 
traire. 

PLÉBISCITE.  Décret  émané  du  peuple  remain, 
féparément  des  fénateurs  Se  des  praticiens. 

11  y  avoit  dans  l'origine  pluficurs  différences  en- 
tre ks  Plébifcites  Si  les  lois  proprement  dites. 

1".  Les  lois  ,  leges  ,  étoient  les  conflitutions  faites 
par  les  rois  &  les  empereurs  ,  ou  par  le  corps  de 
la  république,  au  lieu  que  les  Plébifcites  étoient 
l'ouvrage  du  peuple  feul  ,  c'eft-à  dire  des  plé- 
béiens. 

2°.  Les  lois  faites  par  tout  le  peuple,  du  temps 
de  la  république  ,  étoient  provoquées  par  un  ma- 
giftrai  patricien.  Les  Plébifcites  fe  faifoient  fur  la 
réquifition  d'un  magiftrat  Plébéien  ,  c'eft-à-dire  , 
d'un  tribun  du  peuple. 

9°.  Pour  faire  recevoir  une  loi  ,  il  falloir  que 
tous  les  diâerens  ordres  du  peuple  fuffent  affem- 
blés ,  au  lieu  que  le  Plébifcite  émanoit  du  feul 
tribunal  des  plébéiens  ;  car  les  tribuns  du  peuple 


PLÉBISCITE. 

nepouvoîent  pas  convoquer  les  patriciens  ,  ni  trai- 
ter avec  le  fénat. 

4°.  Les  lois  fe  publioient  dans  le  champ  de  Mars  ; 
les  Plébiicites  fe  faifoient  quelquefois  dans  le  cirque 
de  Flaminius,  quelquefois  au  capitole,  &  plus  fou- 
vent  dans  les  comices. 

5°.  Pour  faire  recevoir  une  loi ,  il  falloir  a(rem- 
bler  les  comices  par  centuries  ;  pour  les  Plèbif- 
cites  ,  on  aflembloit  feulement  les  tribus ,  &  l'on 
n'avoit  pas  befoin  d'un  fénatufconfulte  ,  ni  d'aruf- 
pices  ;  il  y  a  cependant  quelques  exemples  de  Plé- 
bifcites  pour  lef({uels  les  tribuns  cxaminoient  le 
vel  des  oifeaux,  &  obfervoient  les  mouvemens  du 
ciel  avant  de  préfenter  les  Plébifcites. 

6".  C'étoient  les  tribuns  qui  s'oppofoient  ordi- 
nairement à  l'acceptation  des  loix  ,  &  c'étoient  les 
patriciens  qui  s'oppofoient  aux  Plébifcites. 

Enfin  ,  la  manière  de  recueillir  les  fuftVages  étoit 
fort  diôérente;  pour  faire  recevoir  un  Plébifcite  , 
on  [  recueilloit  fimplement  les  voix  des  tribus  , 
au  lieu  que  pour  une  loi  il  y  avoit  beaucoup  plus 
de  cérémonie. 

Ce  qui  eft  de  f\ngulier  ,  c'eft  que  les  Plébifcites , 
quoique  faits  par  les  Plébéiens  feuls  ,  ne  laiflbient 
pas  d'obliger  aufli  les  Patriciens. 

Le  pouvoir  que  le  peuple  avoit  de  faire  des  lois 
ou  Plébifcites  ,  lui  avoit ,  dit-on  ,  été  accordé  par 
Romulus.  Ce  prince  ordonna  que  quand  le  peu- 
ple feroit  aflémblé  dans  la  grande  place  ,  ce  qu'on 
appeloit  rajfemblce  des  comices  ,  il  pourroit  faire  des 
lois  ;  Romulus  vouloit,  par  ce  moyen,  rendre  le 
peuple  plus  fournis  aux  lois  qu'il  avoit  faites  lui- 
même,  &  lui  ôter  l'occafion  de  murmurer  contre 
la  rigueur  de  la  loi. 

Sous  les  rois  de  Rome  ,  &  dans  les  premiers 
temps  de  la  république,  les  Plébifcites  n'avoicnt 
force  de  loi  qu'après  avoir  été  ratifiés  par  le  corps 
des  fénatenrs  affemblés. 

Mais  fous  le  confulat  de  L.  Valerius  &  de  M. 
Horatius,  ce  dernier  fit  publier  une  loi  qui  fut 
appelée  de  fon  nom  Horatia ,  par  laquelle  il  fut  ar- 
rêté que  tout  ce  que  le  peuple  féparé  du  fénat,  or- 
donneroit ,  auroit  la  même  force  que  fi  les  patri- 
ciens 8f  le  fénat  l'euflfent  décidé  dans  une  aflem- 
blée  générale. 

Depuis  cette  loi ,  qui  fut  renouvelée  dans  la 
fuite  par  plufieurs  autres  ,  il  y  eut  plus  de  lois 
faites  dans  des  aflemblées  particulières  du  peuple  , 
que  dans  les  alTemblées  générales  où  les  fénateurs 
fe  trou  voient. 

Les  Plébéiens  ,  enflés  de  la  prérogative  que  leur 
avoit  accordée  la  loi  Horatia ,  affeétèrent  de  faire 
un  g^and  nombre  de  Plébifcites ,  pour  anéantir  j 
s'il  é:oit  poflible  ,  l'autorité  du  fénat  ;  ils  allèrent 
même  jufqu'à  donner  le  nom  de  loi  à  leurs  Plé- 
bifcites. 

Le  pouvoir  légiflatif  que  le  fénat  &  le  peuple 
exe-çoient  ainfi  par  émulation  ,  fut  transféré  à  l'em- 
pereur ,  du    temps   d'Augufte  ,  par  la  loi  re^la  , 
au  moyen  d.-  quoi  il  ne  fe  fit  plus  de  Plébifcites. 
Tome  XJlU 


PLOMB.  145 

PLEIGE.  Ancien  terme  de  pratique  qui  figni- 
fie  caution  ou  fidéjuffcur.  Voyez  CAUTION  ET 
Obligation. 

PLOMB.  C'eft  une  forte  de  métal  d'un  blanc 
bleuâtre. 

Par  arrêt  rendu  au  confeil  le  15  février  1757»- 
il  avoit  été  impofé  un  droit  de  cinq  livres  par  quin- 
tal fur  les  Plombs  ouvrés  apportés  de  l'étranger; 
mais  ayant  été  repréfenté  au  roi  que  le  nombre 
des  fabricans  de  Plomb  en  table  &  en  grenaille, 
s'étoit  tellement  augmenté  dans  le  royaume,  que 
les  fabriques  qu'ils  y  avoient  établies ,  pouvoient 
fuffire  aux  befoins  de  la  confommation  ,  fans  le 
concours  des  étrangers  ;  fa  majefté ,  pour  favo- 
rifer  ces  fabriques,  a  rendu  en  fon  confeil  ,  le  a6 
novembre  1783  ,  un  nouvel  arrêt ,  fuivant  leqijel 
les  Plombs  fabriciués  chez  l'étranger ,  foit  en  ta- 
ble ,foit  en  grenaille  ou  autrement,  doivent  payer, 
à  toutes  les  entrées  du  royaume ,  huit  livres  par 
quintal. 

Cette  difpofition  ne  peut  d'ailleurs  pas  s'appli- 
quer aux  Plombs  fabriqués  en  Angleterre.  Ceux-ci 
doivent  refter  dans  la  prohibition  portée  par  les 
arrêts  des  6  fepterabre  1701  ,  2.0  mai  1738,  &  15 
février  1757. 

Le  procureur  du  roi  au  châtelct  de  Paris  ayant 
préfeHté  au  fiége  de  la  police  de  cette  ville  ,  un 
réquifitoire  expofitif  que  la  multitude  des  vols  de 
Plomb  pourfuivis  à  fa  requite  ,  &  fouvent  fans 
preuve  ,  lui  avoit  fait  remarquer  qu'une  des  cau- 
fes  les  plus  capables  de  multiplier  ces  fortes  de 
délits  ,  étoit  la  facilité  que  trouvoient  les  voleurs 
de  Plomb  à  s'en  défaire  chez  des  marchands  de 
Paris  ^ui  achetoient  fans  information  &  fans  au- 
cune des  précautions  prcfcrites  par  les  régle- 
mens ,  &c.  il  eft  intervenu  fur  ce  réquifitoire  , 
le  21  décembre  1784  ,  une  ordonnance  de  police, 
dont  voici  le  difpofitif  : 

u  Nous  ,  faifant  droit  fur  le  réquifiteire  du  pro- 
»  cureur  du  roi,  ordonnons  que  les  arrêts,  régle- 
j»  mens  &  ordonnances  de  police  ,  &  notamment 
»  celle  du  huit  novembre  1780,  concernant  les 
î)  potiers  d'étain  ,  fondeurs ,  plombiers  ,  chaudron- 
»  niers,  vendeurs  de  vieux  fers,  &  autres  mar- 
»  chands  ,  &.  tous  artifans  qui  achètent ,  fondent 
»  &  revendent  du  Plomb  en  lame,  en  lingots, 
j»  en  balles  ,  en  grains  &  de  toute  efpèce  ,  de  l'é- 
j»  tain  ,  cuivre  ,  ferraille  ,  &  autres  effets  &  mar- 
5»  chandiles  de  hafard  ,  feront  exécutés  félon  leur 
»  forme  &  teneur  ;  en  conféquence ,  que  lefdits 
»  marchands  &  artifans  ne  pourront  faire  ledit 
3>  commerce ,  fans  avoir  &  tenir  deux  regiflres, 
jj  fur  lefquels  ils  infcriront  jour  par  jour,  de  fuite 
H  &  fans  aucun  blanc  ni  rature  ,  les  noms  ,  fur- 
«  noms,  qualités  &  demeures  de  ceux  de  qui  ils 
»  achèteront  &  avec  qui  ils  échangeront  &  tra- 
M  fiqueront  des  effets  &  marchandifes  de  hafard 
»  &  des  efpèces  ci-defliis  ,  enfemble  la  nature, 
«  la  qualité  &  le  prix  defdites  marchandifes ,  lef- 
j)  quels  regiftrcs  auront,  au  premier  feuillet ,  l'or- 


14^  PLOMB. 

V  donnance  du  commiffaire  ancien  ,  prépofé  pour 
M  la  police  de  leur  quartier  ,  &  feront  de  lui  cotés 
»•  iSi  paraph  is  par  premier  &  dernier  feuillet  ;  fe- 
»>  ront  teni-.s  lefdits  marchands  de  repréleiKer  leurs 
»»  regiftres ,  au  moins  une  fois  le  mois ,  favoir , 
»  l'un  audit  commiflaire  ancien  ,  &  l'autre  à  Tinf- 
»  peiSleurde  police  de  leur  quarrier,  à  l'effet  d'ê- 
J'  tre  chaque  fois  paraphés  par  le  commiflaire  , 
j»  &  vifés  par  l'Infpefleur  ;  faifons  trés-exprcffes 

V  inhibitions  &  dcfenfes  auxdits  marchands  &  ar- 
»  tifans  de  cette  ville  Se  des  fauxbourgs  ,  même 
»>  à  ceux  qui  demeurent  dans  l'étendue  des  lieux' 
»  privilégiés  ou  prétendus  privilégiés,  d'acheter 
»  lefdits  Plombs  ,  étain,  cuivre,  ferraille  &  autres 
j?  CiTets  &  marchandifes  de  hafard  d'aucunes  per- 
i>  fonnes  dont  le  nom  &  la  demeure  ne  leur  foient 
>i  connus,  ou  qui  ne  leur  donnent  cautions  &  ré- 
»  pondans  d'une  qualité  non  fufpe61e  ,  le  tout  à 
«  peine  de  cinq  cens  livres  d'amende ,  de  répon- 
«  dre  en  leur  propre  &  privé  »om  des  chofes  vo- 
»  lées  ,  &  même  d'être  pourfuivis  cxtraordinaire- 
>  ment  fi  le  cas  y  échet. 

"  Mandons  aux  commiiTaires  au  châtelet ,  &  en- 
»  joignons  aux  autres  officiers  de  Police  ,  &  notam- 

V  ment  aux  inlpetfleurs  chargés  du  département  du 
>»  bureau  de  sûreté  ,  de  tenir  la  main  à  l'exécution 
^>  de  la  préfente  ordonnance  ,  qui  fera  imprimée  , 
»  lue  ,  publiée  &  affichée  dans  tous  les  lieux  &  en- 
»  droits  accoutumés  de  cette  ville  ,  &  par-tout 
»  ailleurs  oii  befoin  fera ,  à  ce  que  perfonne  n'en 


»      j)  Ignore  ». 


PLUMITIF,  Ceû  le  papier  otigiflsl  &  primitif 
fur  le(|uel  on  écrit  les  fommaires  des  arrêts  &  des 
J'entences  qui  fe  donnent  à  l'audience  ,  &  des  déli- 
bérations d'une  compagnie. 

On  appelle  greffier  au  Plumitif,  celui  qui  tient  la 
plume  à  l'audience. 

L'article  5  du  titre  26  de  l'ordonnance  du  mois 
d'avril  1667  ,  veut  que  celui  qui  a  préfidé  ,  voie  , 
à  l'iffue  de  l'audience  ou  dans  le  même  jour,  ce 
que  le  greffier  a  rédigé  ,  qu'il  figne  le  Plumitif, 
&  qu'il  paraphe  chaque  fentence  ,  jugement  ou 
arrêt. 

PLUS  AMPLEMENT  INFORMÉ.  C'eft  un  ju> 
gement  qui  fe  prononce  en  matière  criminelle  , 
lorfqu'il  refte  des  foupçons  que  l'accufé  eft  cou- 
pable ,  &  que  les  preuves  ne  font  pas  fufnfantes 
pour  le  condamner. 

On  dillingue  deux  fortes  de  Plus  amplement 
informé;  faVoir,  le  plus  amplement  informé  à 
temps ,  qui  fe  prononce  pour  fix  mois,  un  an, 
deux  ans ,  &c.  ,  &  le  Plus  amplement  informé  in- 
défini. 

Le  Plus  amplement  i.nformé,  de  quelque  ef- 
pèce  qu'il  foit,  ne  peut  pas  être  cor: fidéré  comme 
une  peine  :  mais  comme  il  laiiTe  fubfifter  le  décret 
tlécern5  contre  l'accufé ,  à  moins  que  le  juge  n'en 
ait  ordonné  autrement ,  il  faut  en  conclure  que  fi 
l'accufé  a  été  ,  par  exemple ,  décrété  d'ajourne- 
ment perfar^iiel ,  &  qu'il  foii  officier ,  il  refit  in- 


PLUS  AMPLEMENT  INFORM 

terdit  de  fes  fondions  durant  le  temps  fixé  pour 
le  Plus  amplement  informé ,  ou  jufqu'à  ce  que  le 
crime  qui  a  donné  lieu  à  l'accufation  foit  prefcrit. 
Le  parlement  de  Paris  a  même  jugé,  par  arrêt 
du  3  juin  1766,  qu'un  Plus  amplement  informé 
indéfini ,  prononcé  contre  une  femme  accufée  d'a- 
voir empoifonné  un  particulier,  la  privoit  des  avan- 
tages que  ce  particulier  lui  avoit  faits,  &  même 
d'une  donation  entre-vifs  dont  il  s'étoit  feulement 
réfervé  l'ufu fruit  (i). 


Ci  )  Vefptce  de  cet  arrêt  ejl  ainjî  rapportée  dans  h  colkcHon 
de  jurijpruience. 

Le  (leur   Paifait  de  Vauv,  officier  de  la  raaifon  du   roi  , 
avoit  inftitué  légataire  univerfelle  ,  par  fon  reflamentdu    iç 
fcviier  174.0  ,  Maric-Marguericc  Garnier ,  femme  de  Nicolas 
Dur.iDd,  tonnelier  à  Paris.    Cette  feaime  fut  accafée  ,  à  la 
requcie  du  miniflère  public  ,  d'avoir  empoifonn:  le  fîeur  de 
Vaux.  Une  fentence  du  chitelet  avoit   ordonné  un  Plus  atn- 
plcment  informé  d'un   an  ,    les  accufés  gardant  prifon  ;  fut 
l'a^pei ,  arrêt  du  18  mai   1745  ,  q'ii  ordonna  qu'à  la  requête 
de  M.  le  procureur  général ,  il  ieroit  Plus  amplement  infernié 
en  la  cour  pendant  un   an  ,  durant  lequel  temps  Ix  feirtmc 
Durand  (Sl  fon  ma^i  tiendroient prifon.  L'année  révolue,  autre 
anêtdutjjuin    1744,  qui  prononça  conrre  la  Durand  &  foa 
iiiari  un  Plus  atrij  lemer.c  informé  ,  lanï  limiter  aucun  terme. 
Quelques  années   après  ,  la  femme    Durand  ,   alors  veuve  , 
forma  fa  demande  tendante  à  l'éxecution  du  tellament  du  fieui 
de  Vaux  &  à  la  dciivrancc  du  legs    univerfel  ;  fentence  fur 
délibéré  des  requêtes  du  palais,  du  50  janvier  174'î,   qui  dé- 
boute ,  quant  à  préfent ,  la  veuve  Durand  de   f»  deraande  en 
délivrance  du  legs  univerfel  fait  à  fon  profit ,  &  en  exécution 
d'une  donation  fous  téfetve  d'ufufruit,  «jue  le  fieur  de  Vaux 
lui  avoit  faiie  par  ade  du   n  novembre   174',   permet  aux 
iieurs  Duparc  d'entier  en  poOeflion   des  biens   du  (leur  de 
Vaux,  en  donnant  néanmoins  préalablement  bonne  èc  vala- 
ble caution.  Appel  de  cecte  fentence  ;  arrêt  connrmatif  du  19 
luillet  ■  759.  La  veuve  Durand ,  en  176Z,  forma  fa  demande 
à  l'auJiencc  de  h  tournelle  ,  tendante  à  être  déchargée   de 
laccuatioa;  elle  fe  fonda  fur  le   laps  de  temps,  &  fur  ce 
qu'il    n'étoit    furvenu  aucune    preuve  nouvelle  ;   mais  par 
arrît  du  j  août  Iy6i ,  fut  les  conclulîons  de  M.  Séguier  ,  avo- 
cat général  ,  la  veuve  Durand  fut  déclarée  non-recevable  dans 
:a  deminde  ,  fauf  à  elle  à  fe  poutvoiren  la  manière  accoutu- 
mte  ,  c'eii-àdirc  ,   au  procès  du  grand  criminel  ,   qui   tioic 
toujours  fublillanc,  La  veuve  Durand  s'y  pourvut  en  effet ,  6c 
renouvela  fa  demande  en  décharge  de  l'accufation  contre  elle 
intentée  ,  fe  fondant  toujours  fur  le  laps  de  temps  ,  &:  fur  ce 
qu'il  n'étoit  furvenu   aucune  preuve  noaveile.    Artêt  inter- 
vint le  17  janvier  ijSi  ,  au  rapport  de  M.  de   i'Averily ,  qui 
déclara  prefcrite   l'accufation   intentée  contre  la  Du-and  à  la 
requête  de  M.  le  procureur  général   Sur  le  fondement  de  cet 
a;[ét ,  la  veuve  Durand  demanda  de  nouveau  en  la  ccur  ,  fou» 
prétexte  de  connexité  &  de  liii'penaance ,  la  délivrance  du 
legs  univerfel  à  e  le  fait  par  le  fieur  de  Vaux  ,  &  rexécution 
di  la  donation  :  mais  par  arrêt  du  18  mai  I763  ,  fa  procédure 
fut  déclare  nulle ,  faufàelle  à  fe  pourvoir  pardev.int  les  ju- 
ges qui  en  dévoient  connoître  ;  elle  renouvela  au  châtelet  la 
même  demande,  qui  fut  renvoyée  aux  requêtes  du  palais,  en 
vertu  du  comrn't:.mus  au  licur  Duparc  da  Bouchet ,  officier  de 
la  reine.  La  caufe  pliidée  contradiûoirement  aux  requêtes  du 
palais  ,  fentence  lac  délibéré  ,  qui  prononça   un  appointe- 
meut;  appel  à  la  cour  par  la  veuve  Duiand  ,  où  elle  conclut 
à  l'infirniation  de  la  fentence,  à  l'évocation  du  principal  ,  & 
à  ce  qu'il  fût  ftatuc  fur  fa  demande  en  délivrance  du  legs  uni- 
verfel ,  &c  en  exécution  de  la  donadon  ;  mais  par  arrêt  défini- 
tif du  mardi  }   juin  176.'^,  rendu  à  la  grand'chambre  ,  cor- 
fo:méiiaen^  aux  conduiigm  d«  M.  Bateuiin  ,  avocat  généul  , 


POIDS, 

On  deminde  fi  un  acculé  élargi  piîrôment  Se 
fimplemcnt  par  le  jugement  qui  prononce  contre 
lui  un  Plus  amplement  informé  indétini  ,  à  la  char- 
ge f.'ulement  de  fe  repréfenter  ,  en  taifant  ("es  fou- 
milTions  &  élifant  domicile  à  cet  effet  ,  eft  cenié 
étrej  en  état  d'ajournement  perfonnel ,  ou  s'il  ne 
fubfifte  tjIus  de  décret  ?  Il  paroît  que  le  titre  de 
raccufiuion  ayant  donné  lieu  à  un  décret  de  prife 
de  corps,  l'accufé  cha-gé  de  fe  repréfenter  ,  doit 
être  cenfé  renvoyé  en  état  d'ajournement  per- 
sonnel. 

PLUS-PÉTITION.  Demande  trop  forte. 

La  Plus- pétition  peut  avoir  lieu  de  plufieurs  ma- 
nières ;  favoir ,  pour  le  temps ,  pour  le  lieu  du 
payement,  &  pour  la  manière  de  l'exiger;  par 
c:femple,  fi  on  demande  des  intérêts  d'une  chofc 
«jui  n'en  peut  pas  produire ,  ou  que  l'on  conclue 
ù  la  contrainte  par  corps  dans  un  cas  où  elle  n'a 
pas  lieu. 

Par  l'ancien  droit  romain,  la  Plus-péiition  étoit 
punie;  celui  qui  demandoit  plus  qu'il  ne  lui  étoit 
dû  ,  étoit  déclm  de  fa  demande  avecdépeni.  Dans 
la  fuite,  cette  rigueur  du  droit  fut  corrigée  par  les 
ordonnances  des  empereurs.  La  loi  3  ,  au  code  , 
livre  3  ,  titre  10  ,  dit  qu'on  évite  la  peine  de  la  Plus- 
pitition ,  en  réformant  fa  demande  avant  la  con- 
teftation  en  caufe. 

En  France  ,  les  peines  établies  par  les  lois  ro- 
maines contre  ceux  qui  demandent  plus  qu'il  ne 
leur  eft  dû,  n'ont  jamais  eu  lieu;  mais  fi  celui  qui 
eu.  tombé  dans  le  cas  de  Plus-pétition,  ei\  jugé 
avoir  fait  une  mauvaife  conteftation  ,  on  le  con- 
damne aux  dépens. 

POIDS.  C'cft  un  corps  d'une  pefanteur  con- 
nue, &  qui  fert ,  par  le  moyen  d'une  balance,  à 
connoître  ce  que  péfent  les  autres  corps. 

Les  Poids  font  communément  de  fer,  de  plomb 
©u  de  cuivre. 

La  fureté  du  commerce  dépendant  en  grande 
partie  de  l'exaftitude  des  Poids ,  il  n'y  a  prefquc 
aucune  nation  qui  n'ait  pris  des  précautions  pour 
prévenir  toutes  les  falfifications  qu'on  y  pourroit 
introduire.  Le  plus  fur  moyen  eft  de  prépofer  des 
officiers  particuliers    pour  marquer  ces    Poids  & 


la  coût  a  mis  l'appellation  &:  ce  au  néant ,  évoquant  le  prin- 
cipal &  y  faifant  droit ,  a  dcbouté  la  veuve  Durar.d  de  fcs  de- 
mandes ;  actionné  que  la  fentence  des  requêteî  du  palais  du 
33  janvier  i747,&)'anêt  confirmatif  du  u  juillet  1749,  fe- 
loient  &  demeureroient  définitifs;  en  conf.quencc,  a  dé- 
chargé les  lîeuts  Duparc  de  la  caution  qu'ils  avoicnt  été  af- 
treincs  de  donner ,  la  fentence  au  rélidii  foriiflanr  efTst  avec 
dépens.  M.  l'avocat -général  établit,  entre  autres  chofes  , 
qu'une  lîmpte  prélomption  de  crime,  réalifée  en  quelque  forte 
par  un  Plus  amplement  informe  indéfini  ,  fuiiifcit  pour  ten- 
dre l'accufé  à  jamais  indigne  de  recevoir  la  libéralité  à  lui 
faite  par  la  perfonne  qu'il  étoit  accule  d'avoir  fait  mourir  ;  il 
ajouta  ,  que  lî  le  crime  &c  la  peine  du  crime  fe  prefcrivoient 
par  vingt  ans  ,  l'opinion  dei  hommes  ,  ainli  que  l'avoit  ob- 
fcrvé  M.  de  l'Epine  de  Graiavillc,  uç  fe  ^refcrivoit  point. 


POîDS.  14/ 

pour  les  régler  d'après  des  modèles  ou  étalons  fixes. 

C'eft  ainfi  qu'en  France  l'étalon  des  Poids  eil 
gardé  fous  plufieurs  clefs  dans  le  cabinet  de  la  cour 
des  monnoies. 

La  plupart  des  nations  chez  qui  le  commerce 
fleurit ,  ont  leurs  Poids  particuliers ,  &  fouvcnt 
même  difFJrens  Poids ,  fuivant  les  différentes  pro- 
vinces ,  &  fuivant  les  différentes  efpèces  de 
denrées. 

Cette  diverfité  des  Poids  ,  irrémédiable  pour 
tous  les  peuples  en  général,  &  trés-dilficite  à  chan- 
ger pour  chaque  état  en  particulier,  efl  fans  doute 
nne  des  chofes  les  plus  embarraffantes  du  négoce  , 
là  caufe  des  rédu61ions  continuelles  que  les  mar- 
chands font  obligés  de  faire  d'un  Poids  à  un  autre, 
&  de  la  facilité  de  fe  tromper  dans  ces  opérations 
arithmétiques. 

On  a  tenté  plus  d'une  fois  en  France  ,  où  plus 
qu'en  nul  autre  état  on  trouve  cette  différence  des 
Poids,  de  les  réduire  à  un  feul ,  mais  toujours 
inutilement.  Charlemagne  fut  le  premier  qui  en 
forma  le  deffein.  Il  s'en  tint  au  projet.  Philippe 
le  Long ,  bien  long-temps  après  ,  alla  jufqu'à  l'exé- 
cution ;  mais  à  peine  commença-t-il ,  que  ce  def- 
fein ,  quoique  très-louable  &  très-utile,  eau  fa  une 
révolte  prefque  générale  dans  le  royaume  ,  &  que 
le  clergé  &  la  nobleffe  fe  liguèrent  avec  les  villes 
pour  l'empêcher. 

On  voit  encore  diverfes  ordonnances  de  Louis 
XI,  de  François  premier,  de  Henri  II,  de  Charles 
IX  &  de  Henri  III,  à  cefujet,  &  dont  aucune 
n'a  été  exécutée.  Lorfque  fous  le  régne  de  Louis 
XIV  on  travailla  au  code  marchand  ,  ce  projet  fut 
de  nouveau  propofé  ;  il  échoua  encore,  malgré 
les  mémoires  qui  alors  furent  préfentés  pour  le 
faire  réuffir. 

A  Paris  ,  8c  dans  les  autres  villes  de  l'Europe', 
quand  on  parle  dune  livre  de  Poids  de  marc  ,  on 
l  entend  toujours  d'une  livre  de  feizç  onces  ou  de 
deux  marcs. 

Il  y  a  dans  le  royaume  plufieurs  villes  où  il  y 
a  deux  Poids  différens  pour  pefer  diverfes  mar- 
chandifes. 

A  Lyon  ,  le  Poids  appelé  Poids  de  villes  &  au- 
qnel  on  donne  auffi  quelquefois  le  nom  de  Poids 
fubtil  ou  U^sr ,  n'eft  que  de  quatorze  onces  Poids 
de  marc.  Celui  qui  efl  appelé  Poids  de  foie  ,  parce 
qu'il  fert  à  pefer  les  foies  non  fabriquées  ,  efl 
plus  fort  d'une  once  ,  c'eil-a-dire  ,  que  la  livre 
en  eft  de  quinze  onces  Poids  de  marc. 

A  Rouen  ,  il  y  a  auffi  deux  fortes  de  Poids  ;  l'un 
eft  le  Poids  de  ville  ou  de  marc,  l'autre  le  Poids 
de  vicomte.  La  livre  de  ce  dernier  Poids  eft  plus 
forte  d'une  demi-once  ,  que  celle  du  Poids  de 
marc  ,  en  forte  que  les  cent  livres  du  Poids  de 
vicomte,  rendent  cent  quatre  livres  de  marc.  C'cft 
pour  cela  que  les  Poids  de  fer  ou  de  Plomb,  dont 
on  fe  fert  pour  pefer  au  Poids  de  vicomte ,  font 
de  cent  quatre ,  de  cinquante-deux ,  de  vingt-fii 


I4S  POIDS. 

&  de  treize  livres  pefant;  fur  quoi  il  eft  à  remar- 
quer qu'au  deffous  de  treize  livres  on  ne  fe  fert 
plus  de  Poids  de  vicomte  ,  &.  que  les  marchan- 
difes  y  font  vendues  au  Poids  de  marc. 

Le  Poids  de  table  eft  encore  un  Poids  différent 
du  Poids  de  marc.  On  s'en  fert  en  Provence  & 
en  Languedoc.  La  livre  ,  Poids  de  table  ,  eft  à  la 
vérité  conipofée  de  feize  onces ,  aufll  bien  que  celle 
du  Poids  de  marc  ;  mais  les  onces  n'en  font  pas 
fi  fortes.  Les  feize  onces  ,  Poids  de  table ,  ne  font 
guère  que  treize  onces  ou  treize  onces  &  demie  , 
Poids  de  marc  ,  un  peu  plus ,  un  peu  moins  ,  fui- 
-vant  les  lieux.  Le  Poids  de  Marfeille ,  par  exem- 
ple ,  mH  moins  fort  que  celui  de  Touloufe. 

Par  arrêt  du  4  feptembre  1776,  la  cour  des 
monnoies  a  fait  défenfe  aux  maîtres  balanciers  & 
autres  marchands  ,  de  fabriquer  &  cxpofer  en  ven- 
te aucun  Poids  de  marc  ,  avant  qu'il  ait  été  préala- 
blement marqué  &  étalonné  fur  le  Poids  original 
dépofé  au  greffe  de  cette  cour. 

Voyez  l'article  Mesure. 

POIDS  ET  CASSE.  C  eft  le  nom  d'un  ancien 
droit  des  comtes  de  Provence,  dont  l'origine  n'eft 
pas  connue.  On  trouve  dans  les  archives  de  la 
chambre  des  comptes  d'Aix  ,  un  état  du  15  avril 
1537,  contenant  les  marchandifes  qui  fe  vendent 
au  Poids  à  Marfeille  ;  mais  cet  état  n'explique  pas 
ce  qu'elles  doivent  payer. 

En  1678  ,  les  négocians  de  Marfeille  préten- 
tlirent  que  l'obligation  de  faire  pefer  au  Poids  du 
roi ,  ne  dévoie  point  s'étendre  à  toutes  fortes  de 
marchandifes ,  &  que  d'ailleurs  celles  qui  fe  ven- 
doient  en  détail  n'y  ètoient  point  fujettes  :  un  ar- 
rêt de  la  chambre  des  comptes  &  cour  des  aides 
»ie  Provence ,  décida  qu'il  n'y  auroit  d'excepté 
que  ce  qui  feroit  au-deffous  de  trente-fix  livres 
pefant ,  de  même  qualité  de  marchandifes ,  &  per- 
mit aux  particuliers  de  fe  fervir  de  leurs  Poids  à 
cet  égard  feulement. 

Les  étoffes  ,1a  mercerie  ,  la  quincaillerie  ,  l'huile 
d'olive  &  les  marchandifes  qui  fe  vendent  à  l'aune 
ou  à  la  mefure  ,  ne  font  pas  fujettes  à  ce  droit  ;  le 
charbon,  le  bois  à  brûler ,  le  foin,  la  paille  &,  le 
poiflbn  de  la  pêche  des  pêcheurs  de  Marfeille,  en 
font  aufli  exempts ,  quoiqu'ils  fe  vendent  au  Poids  ; 
mais  il  eft  dû  fur  toutes  les  autres  fortes  de  mar- 
chandifes ,  drogueries  &  épiceries  à  chaque  vente 
ou  revente,  tant  par  le  vendeur  que  par  l'acheteur. 

On  ne  levoit  anciennement  qu'une  obole  pour 
chaque  ceru  pefant  de  marchandifes  grofTièrcs,  8c 
6  fous  pour  les  drogueries ,  lorfque  le  vendeur  & 
l'acheteur  étoient  de  Marfeille,  &  le  double  lorf- 
qu'ils  étoient  étrangers  :  ces  droits  furent  doublés 
par  la  déclaration  du  mois  de  mars  1669  ;  ils  ont 
été  payés  depuis  au  Poids  de  table  de  mer  net  , 
c'eft-à-dirc  fans  emballage,  par  les  citadins  ou  ori- 
ginaires de  Marfeille,  à  raifon  de  trois  deniers  par 
quintal  pour  les  marchandifes  groffières  ,  de  douze 
fous  pour  les  marchandifes  fines  ou  réputées  dro- 


P  OIDS-LE-ROI. 

gués,  &dcfix  fous  pour  celles  qui  font  appelée 
demi  drogues  ou  gurheau. 

Les  étrangers  qui  n'ont  point  acquis  le  droit  de 
cité,  payent  fix  deniers  par  quintal  des  marchan- 
difes groffières  ,  vingt-quatre  fous  pour  les  dro- 
gues ,  &  douze  fous  pour  le  garbeau. 

On  fe  fert  au  bureau  du  Poids  &  Cafle  ,  d'un 
état  qui  a  toujours  été  fuivi  pour  la  difiinciion  de  ce 
qui  eft  réputé  drogue  ou  demi-drogue. 

POIDS-LEROL  On  appelle  ainfi  un  droit  fort 
ancien  qu'on  perçoit  pour  la  pefée  qui  eft  faite  ou 
cenfée  fe  faire  à  la  romaine  ou  au  Poids-le-roi ,  des 
marchandifes  d'œuvre  de  Poids  (i)  '  ^  l'effet  d'af- 
furer  la  fidélité  des  ventes  ou  des  tranfports. 

Le  Poids-le-roi  avoir  été  aliéné  au  chapitre  de 
notre-dame  de  Paris  ,  ainfi  qu'il  paroît  par  un  arrêt 
du  parlement  de  Paris  ,  qui  ordonne  que  le  bail 
qu'en  avoir  fait  ce  chapitre  pour  neuf  ans ,  à  com- 

mencer  du  11  août  1663  '  ^^^^oit)  ^i^^^^  ^^^  1*  '^'"''^ 
du  22  feptembre  1660,  enregiftréau  grefîe  de  cette 
ccur  ;  mais  il  a  été  réuni  au  domaine  par  arrêt  du 
confeil  du  24  juillet  rè^i. 

L'arrêt  du  23  feptembre  1692  ,  en  déclarant  ce 
droit  domanial,  fit  défenfes  à  toutes  perfonnes , 
dans  la  ville  8t  les  fauxbourgs  de  Paris  ,  d'avoir 
des  fléaux ,  balances  &  Poids  au-deffus  de  vingt- 
cinq  livres ,  &  de  vendre  ni  débiter  aucune  mar- 
chandife  fans  avoir  été  pefée  au  Poids-le-roi, 

Le  droit  de  Poids-le-roi  fe  percevoir  dans  tous 
les  cas ,  tant  à  l'entrée  qu'à  la  fortie  ,  à  raifon  de 
dix-huit  deniers  par  quintal  des  marchandifes  d'œu- 
vre de  Poids  ;  il  fut  rendu,  le  16  juin  1693  ,  un 
arrêt  du  confeil  contenant  tarif  des  droits  qui  dé- 
voient être  perçus. 

Il  devoir  être  payé ,  fulvant  ce  tarif,  dix  fous  cinq 
deniers  du  cent  pefant  de  toutes  les  marchandifes 
comprifes  dans  le  tarif  de  1664,  fous  le  nom  de 
drogueries  Si  épiceries  entrant  dans  la  viHe  & 
fauxbourgs  de  Paris  ,  &  trois  fous  par  cent  pefant 
de  toutes  les  autres  marchandifes  d'œuvre  de  Poids 
entrant  dans  la  ville  &  fauxbourgs  ;  au  moyen  de 
quoi  il  ne  devoir  être  payé  aucun  droit  de  fortie 
des  marchandifes  voiturées  au  Poids  hors  de  la  ville 
&  des  fauxbourgs  de  Paris  ,  mais  feulement  dix- 
huit  deniers  pour  cent  des  bardes  &  bagages  qui 
feroient  voitures  par  les  meffagers  ,  rouliers,  coches 
&  carofTes. 

Les  marchandifes  pafiant  debout  par  la  ville  8c 
les  fauxbourgs  de  Paris  ,  par  eau  ou  par  terre  ,  font 
déclarées  exemples  du  Poids-le-roi ,  pourvu  qu'elles 

(i)  Il  y  a  quatre  façons  de  niefu:er  toutes  les  cfpèces  de 
marchandifes  qui  entrent  dans  le  commerce  ,  pour  fixer  le 
prix  de  la  vente  ou  du  tranfport,  fuivaat  la  nature  de  chaque 
efpèce;  i*.  parle  nombre,  comme  on  fait  les  beftiaux;  1". 
par  leurs  dimenfior)s  ,  qui  fent  la  longueur,  la  largeur  &  la 
profondeur ,  comme  le  bois ,  le  marbre  ,  qui  fe  mefurent  fur 
les  trois  -,  le  drap  ,  les  toiles ,  qui  ne  fe  mefurent  que  fut  deux , 
la  longueur  ôc  la  largeur  ;  j*.  par  le  volume  ,  comme  les  li- 
quides ,  les  grains  ;  4".  par  le  Poids ,  comme  le  hl ,  le  coton  , 
les  épiceries  &c  drogueries.  On  appelle  marchar.difjs  d'ctuyr» 
de  Pcidt  )  cell«(  de  ceue  detnièie  efpècct 


POIDS-LE-ROI. 

ne  féjournent  que  trois  jours  francs  ,  &  à  la  charge 
p<ir  le,  tiidrchands  de  faire  à  l'entrée  leur  déclara- 
tion ,  de  repréfenter  leurs  lettres  de  voitures,  & 
de  rapporter  un  certificat  de  la  fortie  ;  Se  faute  par 
eux  de  les  faire  fortir  dans  les  trois  jours  ,  elles  font 
déclarées  fujettes  au  dr»it  de  Poids. 

Le  même  arrêt  permet  aux  communautés  des 
marchands  &:  artifans  de  la  ville  de  Paris  ,  d'avoir 
chez  eux  des  Poids  &  balances  au-deflus  de  vingt- 
cinq  livres  ,  pour  pefer  leurs  marchandifes  feule- 
ment,  &  non  celles  des  autres,  à  la  charge  par 
chaque  maître  qui  voudra  avoir  des  Poids  &  balan- 
ces,  d'en  faire  fa  déclaration  au  bureau  du  Poids- 
le-roi  au  premier  janvier  de  chaque  année,  Se  d"y 
payer  en  même-temps  la  redevance  annuelle  con- 
tenue au  tarif  afiêté  au  confeil  le  même  jour  1 6  juin 
1693. 

Les  marchandifes  ,  hardes  ,  bagages  ,  balles  Si 
ballots  ,  qui  fortent  de  la  ville  Se  des  fauxbourgs  de 
Paris  ,  tant  par  eau  que  par  terre  ,  ont  été  déchar- 
gées des  droits  de  Poids-le-roi  par  les  lettres-paten- 
tes du  31  acùt  1700  ,  Si  les  communautés  des  mar- 
chands &  artifans,  par  l'édit  du  mois  de  janvier 
1704  ,  de  la  redevance  annuelle  à  laquelle  ils 
avoient  été  alTujettis  par  l'arrêt  du  16  juin  169-?. 

Le  doublement  du  Poids-le-roi  a  été  ordonné  en 
même  temps  que  celui  du  domaine  8c  barrage  ,  par 
la  déclaration  du  7  juillet  170^,  &  prorogé  par 
plufieurs  autres  déclarations  poflirieures. 

Les  marchandifes  qui  ne  font  que  du  Poids  de 
vingt-quatre  livres  &.  au-defTous,  ne  doivent  point 
le  droit,  conformément  à  la  déclaration  du  12  août 
172 1  ;  mais  les  trois  fous  &  leur  doublement  fe 
lèvent  fur  celles  du  Poids  de  vingt-cinq  livres  &  au- 
defius  ,  jufqu'à  cent  livres ,  comme  fi  les  cent  livres 
étoient  complètes. 

Celles  dont  le  Poids  ne  va  que  jufqu'à  cent  vingt- 
quatre  livres,  ne  payent  que  comme  cent  livres  ; 
celles  décent  vingt-cinq  livres  comme  pour  deux 
cents  livres ,  &  ainfi  des  quantités  plus  fortes. 

A  l'égard  des  drogueries  6c  épiceries,  les  droits 
en  font  dus  anffi  à  l'entrée  fur  toutes  les  marchan- 
difes comprifes  fous  ce  titre  dans  le  tarif  de  1664  , 
à  raifon  de  vingt  fous  fix  deniers  par  quintal ,  y 
compris-le  doublement  ,  conformément  aux  arrêts 
des  16  juin  1693  »  dernier  mai  1701  ,  arrêts  & 
lettres-patentes  du  22  juin  fuivant.  - 

Le  bureau  des  finances  en  première  inftance.  Se 
le  parlement  en  caufe  d'appel ,  connoiiTent  des  con- 
teliations  relatives  à  la  perception  du  droit  du 
Poids-le-roi. 

Ilyaaufïi  dans  la  ville  de  Poitiers  un  Poids-le- 
roi  ,  au  fujet  duquel  ont  été  données  ,  le  2  feptem- 
bre  1779  ,  des  lettres-patentes  que  le  parlement  a 
enregiftrées  le  22  août  1780  ;  elles  font  ainfi  con- 
çues   : 

«  Louis,  &c.  Salut.  Par  arrêt  rendu  en  notre 
»  confeil  d'état ,  nous  y  étant,  le  2  feptcmbre  1778, 
»  nous  aurions,  pour  les  caufes  contenues  en  ice- 
»  ki ,  fait  déienfes  à  tous  marchands  forains ,  voi- 


POIDS-LE-ROI.  Ï49 

»j  turîers  8c  autres  étrangers  ,  de  faire  pefer  aucune 

»  raarchandife  dœuvre  de  Poids  ,  dans  la  ville  de 

n  Poitiers  ,   ailleurs  qu'au  Poids-le-roi   de    ladite 

»  ville  ;  à  tous  aubergilUs ,  cabaretiers  Se  voitu- 

»  tiers  ,  d'avoir  chez  eux  aucuns  fléaux  ,  balances  , 

))  romaines  Se  Poids  ,  Se  à  tous  marchands  domici- 

»  liés  en  ladite  ville  ,  Se  autres  perfonnes  ,  de  pefer 

»  chez  eux  ,  ni  fbuffrir  qu'il  y  fou  pefé  par   les  iu{- 

5>  dits  marchands  forains  ,  voituriers  ,  autres  étran- 

»)  gers ,  Se  pour  autrui ,  les  marchandifes  d'œuvre 

»  de  Poids  ,  achetées  ou  vendues  en  ladite  ville  de 

»  Poitiers ,  avec  défenfes  aux  bouchers  de  pefer 

»  les^ peaux  Se  fuifs  des  bêtes  qu'ils  tuent,  ailleurs 

»  qu'au  Poids-le-roi;  le  tout  à  peine,  contre  les 

»  contrevenans  au  règlement  ci-delTus,  de  vingt- 

»  cinq  livres  d'amende,  de  confifcation  des  fléaux  , 

>»  balances  &  marchandifes  ;  nouo  aurions  enjoint , 

»  fous  la  même  peine  ,  auxdits  marchands  forains  , 

»  voituriers  Se  autres ,  de  faire  pefer  lefdites  mar- 

)>  chandifes  au  Poids-le-roi  établi  en  ladite  ville  de 

))  Poitiers,  Se  de  payer  au  fermier  dudit  Poids-le- 

5)  roi  ,  fcs  prépofés  ou  commis  ;  favoir ,  un  fou  fix 

V  deniers  pour  cent  pefant  de  marchandifes  de 
w  toutes  efpèces  ;  un  fou  fix  deniers  pour  chaque 
>'  peau  de  bœuf  ou  vache  ,  fortant  de  deffiis  rai'.i- 

V  mal;  un  fou  par  douzaine  de  veaux  tannés;  ik  ' 
n  deux  fous  fix  deniers  par  cochon  gras ,  de  qucl- 
)j  que  Poids  qu'il  foit  :  nous  aurions  encore  enjoint 

yt  aux  ofliciers  du  bureau  des  finances  de  la  ville 

»  de  Poitiers  ,  de  tenir  la  main  à  l'exécution  dudit 

j?  arrêt  ,  que  nous  aurions  ordonné  être  imprimé  , 

)»  publié  Se  affiché  par-tout  où    befoin   feroit ,  le 

»  tout   fuivant  Se  ainfi  qu'il  cû  porté  audit  arrêt  , 

»  fur  lequel  nous  aurions  ordonné  que  toutes  let- 

5)  très-patentes  néceflaires  feroient  expédiées  ;  8c 

n  voulant  que  notredit  arrêt  foit  exécnté  dans  tout 

îj  {on   contenu  :  à  ces  caufes   Se  autres  à  ce  nous 

5j  mouvant ,  de  l'avis  de  notre  confeil  ,  qui  a  vu 

)>  ledit  arrêt  rendu  en  notre  confeil  d'état  le  2 

Y>  feptembre  1778,  dont  expédition  efl  ci-attachée 

n  fous  le  contre-fcel  de  notre  chancellerie  ,  nous 

M  avons  ,  conformément  à  icelui ,  fait ,  &  par  ces 

))  préfentes  fignées  de  notre  main  ,  faifons  djfenfes 

T>  à  tous  marchands   forains  ,  voituriers  Se  autres 

•^  étrangers  qu'il  appartiendra  ,  de  faire   pefer  au- 

V  cune  marchandife  d'œuvre  de  Poids  dans  la  ville 
»  de  Poitiers,  ailleurs  qu'au  Poids-le-roi  de  ladite 
»j  ville  ;  à  tous  aubergines,  cabaretiers  Se  voitu^ 
»  riers,  d'avoir  chez  eux  aucuns  fléaux  ,  balances, 
H  romaines  Se  Poids  ,  &  à  tous  marchands  donii- 
n  ciliés  en  ladite  ville  ,  Se  autres  perfonnes  ,  de 
»  pefer  chez  eux ,  ni  fouffrir  qu'il  y  foit  pcfé  par 
n  les  fufdits  marchands  forains  ,  voituriers  ,  autres 
)»  étrangers ,  Se  pour  autrui ,  les  marchandifes  d'œu- 

V  vre  de  Poids,  achetées  ou  vendues  en  ladite  viile 
j)  de  Poitiers.  Faifons  pareillement  défenfes  aux 
j»  bouchers  de  pefer  les  peaux  Se  fuifs  des  bêtts 
»  qu'ils  tuent ,  ailleurs  qu'au  Poids-le-roi ,  le  tout  à 
»  peine  par  les  contrevenans  au  règlement  ci-dcf- 
îj  fus ,  de  vingt-cinq  livres  d'amende ,  cit  confifca- 


ip  POIDS. LE-ROl. 

»  tion  dcrdirs  fléaux  ,  balances  &  maichnndire?. 
>»  Enjoignons  ,  Tous  la  mcme  peine,  aiixdirs  mar- 
»>  chands  forains,  voitiiriers  Sc  autres  qu'il  appar- 
«  tiendra  ,  de  faire  pefer  Ic-rdites  iKarchan<lifes  au 
»  Poids  le-roi  établi  en  ladite  ville  de  Poitiers  ,  & 
i>  de  payer  au  fermier  dudit  Poids-le-roi  ,  fes  pré- 
»  pofés  ou  commis  ;  favoir,  un  fou  fix  deniers  par 
»  cent  pefant  de  marchandifes  de  toutes  efpèces  ; 
»>  un  fou  (îx  deniers  par  chaque  peau  de  bœut  ou 
»  vache  fortant  de  defliis  l'animal  ;  un  fou  par 
j>  douzaine  de  veaux  tannés,  &  deux  fous  fix  de- 
»  niers  par  cochon  gras,  de  quelque  poids  qu'il 
«  foit  :  enjoignons  aux  officiers  du  bureau  des  finan- 
»>  ces  de  la  ville  de  Poitiers  ,  de  tenir  la  main  à 
5»  l'exécution  des  préfentes.  Si  vous  mandons,  &c.  ». 

POINÇON.  C'eft  un  inftrument  dont  o^  fe  fert 
ponr  marquer  3  des  pièces  d'orfèvrerie.  Foye;^  les 
articles  MARQUE,  BiJOU,  Or  ,  &  OrF£vre. 

Par  arrêt  rendu  au  confeil  d'état  du  roi  le  lo 
feptembre  1783  ,  les  gardes  des  maitres  orfèvres 
de  Paris  ont  été  autorifés  à  porter  jufqu'à  fix ,  le 
nombre  des  Poinçons  defiinés  à  contremarquer  les 
menus  ouvra^jes  d'or    (i). 


-^ 


(l)  Voici  cet  arr  ce: 

Le  roi  étant  inform;  que  les  gardes  du  co'ps  âe^  maîtres 
orftvres  de  Paiis  emploient  iiuatre  difFérenres  ei'p-ces  de  poin- 
çons poi:r  contic  marquer  les  ouvrages  d'or  &:  d'argent,  fui- 
vant  la  grandeur  &  l'epaifTeur  de  ces  ouvrages ,  ain(i  qu'il  ell 
poitépar  l'article  II  du  titre  X  de  leurs  flatuts,  mais  que  ces 
mcnacs  ftituts  ne  s'expliquent  point  fut  la  quotité  des  Poin- 
çons de  chaque  efpcce,  en  forte  que  c'eft  moins  par  l'cftet 
desréglemens  que  par  l'ufage  ,  que  le  nomlne  de  ces  Poin- 
çons fe  trouve  fixé  ;  favoir ,  à  quatre  pour  ceux  qui  font  def- 
tinés  à  contre- marquer  les  gros  ouvrages  d'or  iSc  d'argent  ,  à 
fix  pour  ceux  qui  fervent  à  ia  contre  marque  <i<:s  moyens  ou- 
vrages d'or,  pareillement  à  fix  pour  ceux  qui  font  employés  à 
coiitte-marq'jet  les  moyens  ouvrages  d'irpent ,  &  entîn  à 
ieu%  feulement  pour  ceux  qui  ne  fervenr  que  pour  les  menus 
ouvrages  d'or ,  lefquels  ,  en  raifon  de  leur  petit  volume,  ne 
peuvent  être  cflayés  qu'aux  touchaux.  Si  majeilé  étant  d'ail- 
leurs inllruite  que  les  menus  ouvrages  d'or'de  cette  dernière 
efpcce  fe  font  (1  prodigicufement  multipliés,  que  le»  deux 
fculs  poinçons  qui  font  delHnés  à  les  contre-marqucr,  ne  peu- 
vent plus  fuiïite  pour  faire  ce  fetvice  avecla  célérité  que  lesbe- 
foins  du  commerce  exigent,  elle  auroit  jugé  convenable  d'au- 
torifer  lefdits  gardes  à  augmenter  le  nombre  de  ces  Poinçons. 
A  quoi  voulant  pourvoir  :  ouï  le  rapport  du  lîeur  le  Févrc 
4'Oriiieflon  ,  confeiller  d'état  ordinaire  &  au  confeil  royal  , 
contrôleur  général  des  finances  ;  le  roi  étant'cn  fon  confeil  , 
a  ordonué  &  ordonne  que  le  nombre  des  poipçons  dclUnés  à 
contre  marquer  les  nierius  ouvrages  d'or  qui  s'clTayent  aux 
touchaux,  lequel  étoit  fixé  à  deux,  fera  porté  à  fix.  Veut  ia 
niajeflé  que  les  quatre  nouveaux  Poinçons  de  cette  elpèce 
foient,  conformément  à  l'arricle  IV  du  titre  X  du  règlement 
«le  l'orfèvrerie  ,  infculpés  fur  la  table  de  marbre  ,  ét.ant  au 
steffe  de  la  coût  des  monnoies ,  à  laquelle  inlculpaciou  fera 
letermierda  droit  de  marque  fur  l'or  &  l'argent  dûment  ap- 
pelé :  comme  auflî  ordonne  fa  majeilé  qu'en  eiécuiion  de  Par- 
licle  VI  du  même  règlement ,  lefdits  Poinçons  de  contre-mar- 
que feront  pareillement  infculpés  au  bureau  de  la  maifon 
commune  ,  &  à  l'iullant  dépofés  avec  leurs  manices  dans  une 
calfette  dont  les  gardes  auront  feuls  les  clefs,  &r  fera  ladite 
çalTette  enfermée  audit  bureau  dans  un  coffre  fermant  à  plu- 
fieurs  ferrures  ,  de  l'une  dcrquelles  ledit  fermier  aura  la  clef  : 
(tpjoim  fa  majçfté  «ux  olBciert  de  la  cput  des  mcnnoiss  de   | 


O  I  N  Ç  O  N. 

Et  par  une  déclaration  du  15  décembre  17?;  , 
enregifirée  à  la  cour  des  monnoies  le  26  mai  1784, 
le  roi  a  ordonné  que  chaque  communauté  d'orfè- 
vre ,  auroit  à  l'avenir  un  Poinçon  de  contre-mar- 
que  particulier  &  invariable  (  i  ). 

teritlamain  à  l'exécution  du   préfent  arrêt  ,  fur  lequel,  (î 
befoin  eà  ,  toutes  lettres  nécclFaircs  feront  expédiées.  l'ait,  flcc. 

(:)  Voici  cette  loi  : 

Louis,  ôcc.  Salut.  Le  nombre  des  communautés  d'oifévre», 
étant  beaucoiip  augmenté  depuis  queU^ues  années  ,  les  Poir\- 
çons  de  contremarque  des  m^iifons  communes  fe  font  telle- 
ment multipliés,  qu'il  arrive  fouvent  que,  comme  elles  em- 
ploient prcfque  toutes  une  des  lettres  de  l'alphabet  pour  mar- 
que dillinctive  ,  il  s'en  trouve  plulieurs  qui  ont  a  la  fois  & 
dans  la  même  année  ,  la  mê  ne  lettre  pour  con:rc-marque.  La. 
confufion  qui  naît  de  cet  état  des  chofes  ,  nous  a  paru  abfolu- 
ment  contraire  au  vœu  des  erdonnances  &  aux  réglemenî 
concernant  l'ttabliflenient  du  poinçon  de  contre-marque  , 
tant  parce  qu'elle  favorife  l'abus  qu'on  poLrroit  faire  de  ce 
Poinçon  pour  contre-marquer  des  ouvrages  qui  ne  feroient 
pas  au  titre,  que  parce  qu'elle  tend  à  priver  nos  lujets  d'une 
rcttourcc  que  la  loi  leur  a  ménagée  pour  recounoicre  les  au- 
teurs de  ces  abus  :  Nous  avons  penfé  que  le  plus  sûr  moyen 
de  rétablir  l'ordre  dans  cette  partie,  feroit  d'ordonner  qu'i 
l'avenir  le  Poinçon  de  conrre-marque  de  chaque  maifon  com- 
mune ,  poiteroit  une  marque  particulière  &:  invariable  ,  qui 
ferviroit  à  le  dillinguer  des  autres  Poinçons  de  même  nature  , 
&.Î  laquelle  on  ajouterait  le  milléfime  de  l'année  dans  la- 
quelle les  gardes  de  la  communauté  auioient  été  inllailés  , 
afin  d'ctte  à  portée  de  les  reconnoître  dans  tous  les  temps.  A 
ces  caufcs ,  âc  autres  à  ce  nous  mouvant,  de  l'avis  de  notre 
confeil ,  &:  de  notre  certaine  fcience  ,  pleine  puiddncc  &:  au- 
torité royale,  nous  avons  dit  ,  dé>:hré  &:  ordonné,  difons  , 
déclarons  &:  ordonnons ,  voulons  &:  nous  plaît  ce  qui  fuit  : 

Art.  premier.  A  compter  du  premier  j.-invicr  prochain; 
toutes  les  communautés  d'orfcvrcs  qui  n'emploient  pour  mar- 
que dirtinâive  du  Poinçon  de  conrre  marque  de  leurs  mai- 
fons  coînmunes,  que  des  lettres  de  l'alphabet ,  fcrost  tenues 
d'y  fubftituer  d'autres  marques  particulières,  lefquellcs  feront 
invariables  ;  ces  Poinçons  fe  renoavell.-ront  cependant  comme 
par  le  paffe,  à  chaque  changement  de  gardes  ,  &  011  y  ajou- 
tera le  millèfi  ne  de  l'année  dans  laquelle  les  nouveaux  gar- 
des feront  inllailes,  afin  qu'on  puifle  reconnoître  à  quelle 
époque  un  ouvrage  contre-marqué  aura  reçu  l'empreinte  JuJic 
Poinçon  ,  &  pai  quels  gardes  elle  aura  été  appofée. 

II.  Nous  avons  renouvelé  &  renouvelons  les  défenfes  por- 
t(;es  par  les  éciits  des  mois  de  mars  I5  ^4  &:  janvier  170S,  Sc 
par  la  déclaration  du  Zj  novembte  1721  ,  de  contre-marquer 
les  ouvrages  qui  ne  fe.'oientpas  au  titre  :  Voulons  que  dans 
le  cas  où  quf  Iqu'ouvrage  d'or  ou  d'argent  revêtu  d'un  Poin- 
çon de  contre-marque,  fe  trouvçroit  êtreà  un  titre  inférieur  i 
celui  que  prefcij/ent  les  réglemens ,  il  foit  faUi  Se  confifqué  à 
notre  profit  :  Voulons  pareillement  que,  conformémen't  aux 
difpofitions  de  l'article  XII  de  l'ordonnance  du  12  novembre 
tCoS  ,  les  jutés-gacdcs  qui  l'auront  contre  marqué  ,  foitnt 
tenus  d'en  répondre,  &  qti'i!s  foient  en  conféquencc  con- 
damnés à  en  rembourfer  la  valeur  entière  au  propriétaire  ,  & 
à  une  amende  proportionnée  à  la  nature  du  délit. 

III.  J'aur  mettre  notre  cour  des  njonnoies  ,  afnfi  que  lec 
officiers  des  fièges  qui  y  refîbrtinent,  &  même  le  public,  i 
porrée  de  reconnoître  plus  facilement  les  Poinçonsde  chaque 
mailon  commune  ,  voulons  que  chaque  communauté  envoie 
à  notre  procureur  généra!  en  la  cour  des  monnoies,  l'em- 
preinte figurée  du  Poinçon  particulier,  dont  elle  aura  fait 
choix  5  &  que  toutes  ces  empreiates  qui  feront  dii^érentee 
entr'cilf  s  ,  &:  en  marge  dcfquelles  fcreut  les  noms  des  com- 
munauxs  à  qui  elles  appartiendront,  foient  réunies  fur  un  on 
plufieurs  tableaux  qui  feront  dépofés  au  greffe  de  notredirc 
cour ,  pout  fcivir  de  lenrcigneiueBs  tint  à  aos  oiâciert  qu'aux 


POINÇON. 

L'article  premier  de  h  déclaration  du  4Jai:vier 
1724,  veut  que  ceux  qui  calquent,  contretiren: 
ou  contrefont  le  Poinçon  des  villes  dans  lefquelîcs 
il  y  a  jurande  ,  ou  les  poinçons  des  fermiers  du  roi , 
eu  qui  s'en  fervent  pour  une  fauffe  marque,  foient 
condamnés  à  faire  amende  honorable  devant  les 
portes  de  la  principale  églife  de  la  juridiâion  du 
lieu  où  le  faux  aura  été  découvert  ,  Si.  à  être  en- 
luite  pendus  U  étranglés. 

Et,  fuivant  l'article  premier  de  la  déclaration 
du  19  avril  1739,  ceux  <^ui  abufcnt  ,  enjquelque 
inaiiiérc  que  ce  foit ,  des  Poinçons  de  contremar- 
que de  Paris,  &  des  autres  villes  du  royaume  où 
il  y  a  jurande,  &  qui  les  entent,  foudent ,  ajou- 
tent, ou  appliquent  fur  des  ouvrages  d'or  &  d'ar- 
gent qui  n'ont  point  été  portJs ,  effjyés  &  mar- 
qués dans  les  bureaux  des  maifons  communes  , 
doivent  être  condamnés  a  faire  amende  honorable 
aux  portes  de  la  principale  églife  Se  de  la  juridic- 
tion du  lieu  où  le  faux  a  été  découvert ,  &  à  fubir 
la  peine  de  mort. 

»  Vo .lions  à  cet  effet,  porte  FarilcU  a  de  cette 
4)  dernière  loi ,  que  tous  les  ouvrages  d'or  &  d'ar- 
3>  gcnt,  fur  lefquels  lefdits  Pomçons  fe  trouve- 
»  roi.t  entés,  fondés ,  ajoutés ,  ou  appliqués,  en 
i>  quelque  manière  que  ce  foit,  foient  faifis  &  en- 
j»  levés  chez  tous  les  orfèvres ,  ou  autres  ouvriers 
M  travaillant  en  or  ou  en  argent,  par  les  maîtres 
>»  gardes  defdits  orfèvres  de  Paris  &  des  autres 
«  villes  de  notre  royaume,  ou  par  tous  autres  ju- 
«  rés  officiers  ou  prépofés  ayant  droit  faire  des 
5>  vifites  chez  lefdits  orfèvres,  ou  autres  ouvriers , 
y»  pour  être  par  eux  portés  dans  les  vingt-quatre 
»  heures  après  la  faifle ,  avec  les  procès-verbaux 
»  qu'Us  en  auront  dreffés,  dans  la  forme  prefcrite 


particuliers  qui  auroient  à  fe  plaindre  du  tftre  de  quelques 
ouvrages  dont  le  Poinçon  leur  feroi:  inconnu  :  Vouions  suiri 
que  chacune  defdiies  comniunautcs  adrelTe  une  pareille  em- 
preinte au  l'ubilitut  de  notre  procureur  général  au  lîè^e  de  la 
nconnoie  dans  le  leiTort  duquel  elle  le  trouvera  iituée  ,  & 
qu'il  foit  pareillement  formé  un  tableau  particulier  des  em- 
preintes de  ces  dittéientes  communautés  ,  lequel  fera  placé 
dans  la  chambre  où  fe  tiendiont  les  audiences  des  oHiciers 
duJit  (îcge  ,  pour  fervir  auHI  de  renfeignement. 

IV.  Les  ordonnances ,  édits,  arrêts  &  réglemens  concer- 
nant l'infciilpation,  l'appoïKion  ic  la  grrde  defdits  Poinçons 
de  contre-marque  ,  feront  au  furp lus  exécutes  félon  leur  forme 
Se  teneur.  Si  donnons  en  uiandemen:  à  nos  amés  &  fcaux 
ccnieillcts  les  gens  tenant  notre  cour  des  monnoies  i  Pa 
lis,  &c. 

L'arrct  d'enrcgiftremfnt  eft  ain^  cançu  : 

Enregifttée  ,  ouï  ,  ce  requérant  le  ptocureur  gênerai  du 
roi  ,  pour  être  exécutée  félon  fa  forme  &:  teneur  ;  à  la  charge 
1".  qu'au  liïu  du  iiiiL'éhine  ,  ii  fera  ajouté  â  la  marque  dif- 
tindive  &;  invariable  du  Poinçon  Je  contre-mar^jue  de  cha 
que  comnunauté  d'orfèvres,  un  nuir.éro  ou  accompagne- 
ment fecict  qui  variera  à  tous  es  changemensde  gardes  ;  a". 
q«'il  en  fera  ufe  de  même  pour  les  Poinçons  de  toucheau;  3". 
que  li  cour  envet  a  aux  otïiciers  des  lîcges  des  monnoies ,  les 
empreintes  figurées  des  Poinçons  de  contre  mari;ue&  de  tou 
chcau  dont  les  communautés  d'orf.vres  dépendantes  de  leu- 
reilort  feront  tenues  de  fe  letvir  ;  Je  leia  ladite  déclaration 
iiiipriinte  ,  publiée  &  aiEthi^e  ,  5:c. 


POINT  D'HONNEUR.      151 

»  par  nos  ordonnances  ,  au  greffe  àe  nos  cours  des 
»  monnoies  ,  ou  des  juges  y  reffortiflans  ,  auxquels 
«  la  connoifTance.  de  ce  faux  appartient ,  pour  y 
5)  être  pourfuivis  6c  jugés  conformément  à  ces 
j>  préfentes  ». 

P  O I  iN  T  D' H  O  N  N  E  U  R ,  CH  tribunal  du 
Point  d'honneur.  C'eft  une  jurididion  militaire 
dont  l'exercice  ed  confié  à  MM.  les  maréchaux  de 
France. 

Ce,  tribunal  fe  tient  chez  le  plus  ancien  d'entre 
eux  ,  qui  fe  nomme  premier  maréchal  de  France  , 
ou  doyen  des  maréchaux  de  France. 

La  juridi61ion  qu'ils  exercent  dans  ce  tribunal , 
efldifferente  de  celle  qui  s'exerce  ,  en  leur  nom  , 
au  tribunal  de  la  connétablic  dont  ils  font  les  chefs  , 
&  ou  ils  vont   fiéger  lorfqn'ils  le  jugent  à  propos. 

La  connétablie  connoît ,  entre  les  gens  de  guerre  , 
de  tout  ce  qui  a  rapport  à  la  guerre ,  tant  en  matière 
civile  que  criminelle. 

Dans  le  tribunal  du  Point  d'honneur,  les  maré- 
chriux  de  France  connoilfent  par  eux  mêmes,  & 
fans  appel ,  de  tous  différens  mus  entre  gentils- 
iiommes  ,  pour  raifon  de  leurs  engagemens  de  pa- 
roles ,  &  de  leuis  billets  d'honneur. 

La  connoifTance  des  matières  qui  dépendent  du 
Point  d'honneur,  fut  attribuée  aux  maréchaux  de 
France  par  des  édits  &  déclarations  des  rois  Henri 

IV  &  Louis  xin. 

Le  roi  Louis  XIV  avoit  ordonné,  dès  le  pre- 
mier juillet  165 1  ,  aux  maréchaux  de  France  de 
s'afTembler  pour  conférer  entr'eux  à  ce  fujet. 

Il  leur  ordonna  encore  ,  par  fa  déclaration  con- 
tre les  duels,  enregiftrée  au  parlement  le  2q  juillet 
1653  ,  de  s'alTembler  inceffamment  pour  drelTerun 
règlement,  le  plus  exaft  &  diflinâ  qu'il  fe  pour- 
roit ,  fur  les  diverfes  fatisfaftions  &  réparations 
d'honneur  qu'ils  jugeroient  devoir  être  ordonnées 
fuivant  les  divers  degrés  d  oflenfes  ,  &  de  telle  forte 
que  la  punition  contre  Taggreffeur  &  la  fatisfa<5lion 
à  l'offenfè  fuffent  fi  grandes  &  û  proportionnées 
à  l'injure  caufée  ,  qu'il  n'en  pût  renaître  aucune 
plainte  ou  querelle  nouvelle  ;  pour  être  ledit  règle- 
ment inviolablement  fuivi  &  obfervé  à  l'avenir , 
par  tous  ceux  qui  feroient  employés  aux  accorn- 
modemens  des  différens  qui  toucheroient  le  Point 
d'honneur  &  la  réputation  des  gentilshommes. 

En  conféquence  de  ces  ordres  du  roi ,  les  maré^ 
chaux  de  Fiance  firent,  le  22  août  1653  >  ""  règle- 
ment fur  les  diverfes  fatisfaâions  &  réparations 
d'honneur. 

Ce  premier  règlement  fut  fuivi  d'un  autre  du  22 
août  1679,  qui  fut  autorifé  par  un  édit  des  mêmes 
mois  &  an  ,  concernant  les  duels ,  qui  attribue  aux 
maréchaux  de  France,  privativement  à  tous  autres 
juges,  la  connoiffaHce  de  tous  les  différens  entre 
gentilshommes ,  ou  ceux  qui  font  profeffion  des 
armes  dans  le  royaumes,  procédans  des  paroles 
outrageufes,  ou  autres  caufes  touchant  l'honneur. 
Cet  edit  les  autonfeà  commettre  dans  chaque  bail- 


151        POINT  D'HONNEUR. 

Imge  ou  finéchauffée  ,  un  ou  plufieurs  gentilshom- 
mes ,  pour  recevoir  les  avis  des  differens  qui  fiir- 
viennent  entre  gentilshommes  &:  gens  de  guerre  , 
&  les  renvoyer  aux  maréchaux  de  France  ,  ou  aux 
gouverneurs  &  lieutenans  généraux  des  provinces , 
lorfqu'ils  y  feront  préiens. 

Ce  même  édit  attribue  aux  maréchaux  de  France 
la  connoiflance  des  diffirens  qui  furviennent  entre 
gentilshommes  à  Toccafion  de  la  chaflc,  des  droits 
honorifiques  &  autres  prééminences  des  fiefs  & 
feigneuries,  lorfque  le  différent  fe  trouve  mêlé 
avec  le  Point  d'honneur. 

Ces  règlemens  ont  été  confirmés  par  une  décla- 
i-ation  du  l^  avril  1723  ,  où  font  marquées  les  di- 
verfes  fatisfaflions  &  réparations  d'honneur  qui 
doivent  être  ordonnées  fuivaot  les  divers  degrés 
d'offenfe. 

Par  des  édits  des  mois  de  mars  1693,  oftobre 
1702  &  1704,  Se  novembre  1707,  le  roi  a  créé 
dans  chaque  bailliage  ,  fénéchauiTée,  duché-pairie 
&  autre  juffice  du  royaume  ,  qui  relèvent  nuement 
au  parlenïent,  un  lieutenant  des  maréchaux  de 
France  ,  pour  connoître  &  juger  les  difierens  qui 
furviennent  entre  les  gentilshommes  ou  autres  fai- 
fantprofeflion  des  armes  ,  foit  à  caufe  des  chaffes, 
droits  honorifiques  des  églifes ,  prééminences  des 
liefs  &  feigneuries  ,  ou  autres  querelles  mêlées  avec 
le  Point  d'honneur,  enfemble  un  office  d'archer- 
garde  de  la  connétablie  &  maréchauflée  de  France 
pour  fervir  près  d'eux. 

Le  rapport  des  affaires  qui  dépendent  du  Point 
d'honneur  ,  exigeant  de  la  méthode  &  des  princi- 
pes ,' le  roi  a  établi  un  maître  des  requêtes  pour 
taire  cette  fonffion  au  tribunal  de  MM.  les  maré- 
chaux de  France. 

Dans  les  provinces ,  les  lieutenans  des  maré- 
chaux de  France  n'avoient  d'abord  perfonne  en 
titre  auprès  d'eux  ,  foit  pour  faire  linfïrui^ion  de 
ces  fortes  d'affaires  ,  ou  pour  en  faire  le  rapport. 
Ils  étolent  fouvent  obligés  d'avoir  recours  aux  pré- 
vôts des  maréchaux  &  à  leurs  greffiers,  auxquels 
cette  fonflion  n'étoit  cependant  point  attribuée. 

Mais  comme  les  différens  qui  arrivent  entre  la 
noblefTe  font  fouvent  embarrafîes  de  plufieurs  faits 
de  procédures  &  difcuffions  difficiles,  le  roi  Louis 
XIV  ,  pour  augmenter  la  juflice  des  maréchaux  de 
France  &  foulager  leurs  lieutenans,  par  un  édit  du 
mois  d'oâobre  1704,  regiflré  au  parlement  le  18 
décembre  fuivant,  créa  dans  chaque  endroit ,  où  il 
y  avoit  un  lieutenant  des  maréchaux  de  France  , 
un  office  de  confciller  du  roi ,  rapporteur  du  Point 
d'honneur,  pour  inftruire  toutes  les  affaires  qui 
furviennent  entre  les  gentilshommes  ou  autres  fai- 
fant  profelfion  des  armes ,  tant  à  caufe  des  chaffes . 
droits  honorifiques  des  églifes  ,  prééminence  des 
fiefs  &  feigneuries ,  que  des  autres  querelles  mê- 
lées du  Point  d'honneur,  conformément  aux  édits, 
&  en  faire  le  rapport  avec  voix  confu'tative  par- 
devant  le  lieutenant  des  maiéchaux  de  France. 

Le  même  édit  veut  qu'çn  l'abfence  des  lieute- 


POINT  D'HONNEUR. 

nans  des  maréchaux  de  France ,  &  dans  les  lieux 
où  ils  ne  font  pas  encore  établis  ,  les  confeillers-rap- 
porteurs  du  point  d'honneur  puiffent  faire  ,  de  leur 
autorité  privée,  des  détenfes  ;  qu'ils  donnent  des 
gardes  fi  le  cas  y  échoit ,  qui  feront  payés  de  leurs 
falaires  fuivant  qu'ils  feront  réglés  par  le  confeiller- 
rapporteur  ;  que  lefdits  confeillers  faffent  toutes 
les  autres  fondions  attribuées  aux  lieutenans  ;  qu'ils 
renvoyent  enfuite  les  parties  au  tribunal  de  MM.  les 
maréchaux  de  France  ;  &  que  fi  dans  la  fuite  il  fe 
trouve  nécefTaire  de  procéder  à  des  informations , 
procès-verbaux  ou  autres  procédures, (telles  qu'elles 
puiffent  être  ,  la  commiffion  n'en  puiffe  être  adreffée 
à,d'autres  qu'au  confeiller-rapporteurjqui  aura  fait  le 
renvoi ,  à  peine  de  nullité. 

Il  efl  en  outre  ordonné  par  le  même  édit,  que 
dans  les  lieux  de  réfidence  des  commifTaires  &  in- 
tendans  départis  dans  les  provinc-es  pour  l'exécu- 
tion des  ordres  de  fa  majefîé ,  lefdits  confeillers- 
rapporteurs  feront  près  d'eux  les  fondions  de  pro- 
cureurs du  roi ,  dans  les  affaires  concernant  les 
recherches  des  ufurpateurs  de  noblefTe  ,  &  ce  à 
l'exclufion  de  tous  autres  officiers  ,  auxquels  il  eiï 
expreffément  défendu  de  plus  s'immifcer  en  au- 
cune defdites  fondions. 

Le  même  édit  crée  &  érige  en  titre  d'office  for- 
mé ,  un  fecrétaire-greffier  du  Point-d'honneur  en 
chacune  defdites  jufiices ,  pour  tenir  la  plume  fous 
les  lieutenans  des  maréchaux  de  France ,  &  fous 
les  confeillers-rapporteurs  du  Point  d'honneur,  les 
affifler  en  toute  occafion  où  les  fonifions  de  leurs 
charges  les  appelleront,  rédiger  &  écrire  fous  eux 
les  informations ,  procès-verbaux  &  autres  aéfes  , 
en  dilivrer  les  expéditions  néceffaires  aux  parties, 
tenir  reglflre  en  forme  fur  papier  non  timbré  de 
toutes  les  ordonnances  ,  &  en  délivrer  des  ex- 
péditions. 

Il  a  été  auffi  créé  par  le  même  édit  un  archer- 
garde  de  la  connétablie  ,  pour  ,  avec  celui  qui 
avoit  ci-devant  été  créé  par  lefdits  édits  ,  réfider  ôc 
fervir  près  defJits  lieutenans  &des  confeillers-rap- 
porteurs duPoint  d'honneur. 

L'édit  attribue  aux  confeillers-rapporteurs  le 
droit  de  comm'utimus  au  plus  prochain  préfidial 
de  leur  réfidence  ,  les  mêmes  droits ,  émolumens  , 
taxations,  exemption  de  taille,  logement  de  gens 
de  guerre  ,  uftenfiles  ,  francs-fiefs,  ban  &  arrière- 
ban  ,  contribution  à  iceux ,  collège  ,  tutèle  ,  cura- 
tèle  6c  nomination  à  icelles  ,  &  tous  autres  pri- 
vilèges, exemptions  ,  franchifes  ,  honneurs  &  pré- 
rogatives dont  jouifTent  les  prévôts  des  maréchaux'; 
un  demi-minot  de  franc-faîé  ;  rang  en  public  ou  par- 
ticulier dans  les  lieux  où  ils  feront  établis  ,  immé- 
diatement après  le  dernier  des  confeillers  du  préfi- 
dial ,  &  où  il  n'y  a  point  de  préfidial  après  les  pre- 
miers juges. 

Les  fecrétaites-greffiers  ont  rang  &  féance  après 
ceux  des  préfidiaux  ,  &  leurs  caufes  commifes 
comme  les  confeillers-rapporteurs  :  ils  jouiflent  des 

mêmes 


POINT  D'HONNEUR. 

mêmes  exemptions  de  guet ,  charges  de  villes  ,  & 
autres  droits  que  ceux  dont  jouiflsnt  les  greffiers 
des  maréchaulTées. 

Les  archers-gardes  jouilTent  de  l'exemption  de 
taille  ,  logement  de  gens  de  guerre  ,  collecte  ,  tu- 
telle ,  curatelle,  nomination  à  icelle  &  contribu- 
tion ,  conformément  à  l'édit  de  mars  1693  '  ^  '*'"' 
rèt  du  confeil  du  premier  feptembre  fuivant. 

Ils  ont  le  droit  d'exploiter  &  mettre  à  exécution 
partout  le  royaume,  les  arrrèts  ,  fentences,  ju- 
gemens  ,  contrats,  obligations  ,  décrets  ,  &  autres 
zdcs  de  juftice  de  quelque  nature  que  ce  foit. 

Lesconfeillers-rapporteurs  ,  les  fecrétaires-gref- 
fiers  &  les  archers  ,  font  reçus  devant  les  lieutc- 
nans  des  maréchaux  de  Fiance ,  &  en  leur  ab- 
fence  devant  les  lieutenans  des  préfidfâux. 

Ils  ne  {ont  point  fujets  à  la  milice. 

11  eft  enjoint  à  tous  les  prévôts  des  maréchaux  , 
vice  -  baillis  ,  vice  fénéchaux  ,  leurs  lieutenans  , 
greffiers  &  autres ,  d'obéir  promptement  aux  lieu- 
tenans des  maréchaux  de  France ,  &  en  l'abfence  de 
ceux-ci ,  aux  confeillers  -  rapporteurs ,  &  de  metirc 
leurs  ordres  à  exécution  ,  lorfque  le  cas  le  requiert  ; 
à  peine  de  fufpenfion  de  leurs  offices  &  de  priva- 
tion de  leurs  charges. 

Les  privilèges  des  lieutenans  des  maréchaux  de 
France,  &  autres  officiers  du  Point  d'honneur, 
ont  été  confirmés  par  divers  édits  ,  déclarations 
&  arrêts  du  confeil. 

Suivant  la  déclaration  du  13  janvier  1771  ,  les 
lieutenans  confervent  leur  rang  pour  parvenir  à 
toutes  les  dignités  militaires,  même  pour  être  reçus 
dans  l'ordre  de  faint  Louis. 

L'uniforme  des  officiers  du  Point  d'honneur  efi 
réglé  par  une  ordonnance  du  roi  du  15  juin  1771  : 
les  lieutenans  ont  un  uniforme  de  drap  bleu  de 
roi,  parement,  vefte  &  culotte  écarlate ,  l'habit 
&  velle  brodés  en  or. 

Les  confeillers  -  rapporteurs  &  les  fecrétaires- 
gretïiers,  s'ils  font  gradués  ,  ont  le  choix  de  por- 
ter l'habit  ,  le  manteau  &  la  cravate  ou  un  fur- 
tout  de  drap  bleu  &.  vefle  écarlate,  le  tout  avec 
une  petite  broderie  en  or. 

(article  de  M.  Bov CHtR  d'Argis  avocat 
au  parlement ,  &c.  ) 

POISON.  On  appelle  ainfi  les  drogues  ou  com- 
pofîtions  vénéneufes  qui  peuvent  caufer  la  mort. 

On  diftifigue  en  médecine  plufieurs  efpèces  de 
Poifons  plus  ou  moins  aâifs.  Il  y  en  a  qui  tuent 
prefque  fur  le  champ  ,  d'autres  dans  quelques 
heures  ,  après  quelques  jours  ,  quelques  mois  ,  & 
même ,  à  ce  qu'on  prétend  ,  après  plufieurs  an- 
nées Les  adlifs  excitent  les  fymptômes  les  plus 
terribles,  pendant  que  les  plus  lents  agiHent  in- 
fenfiblement ,  &  jettent  dans  une  langueur  ou 
maraime,  dont  on  ignore  très-communément  la 
fource. 

Ceux  qui  emploient  le  Poifon  pour  faire  mourir 
quelqu'un  ,  commettent  une  clpèce  d'homicide 
Tome  XIIL 


POISON.  in 

beaucoup  plus  criminel  que  celui  qui  fe  comm^* 
parle  fer;  attendu  qu'on  peut  fe  garantir  de  celui* 
ci  ,  au  lieu  que  l'autre  renferme  toujours  une  trahi" 
fon,&eft  fouvent  commis  par  ceux  dont  on  fe 
défie  le  moins. 

Ce  crime  fe  commet  plus  communément  par  les 
femmes ,  parce  que  la  foibleffe  de  leur  fexe  ne  leur 
permettant  pas  de    fe   venger  à  force  ouverte  & 
par  la  voie  des  armes ,  les  engage  à  prendre  une 
voie  plus  cachée,  &à  avoir  recours  au  Poifon.  Il 
y  en  a  un  exeinple  célèbre  rapporté  par  Tite-Live. 
Cet    bi/lorien    raconte  que    feus  le  confulat    de 
Mardis  Claudius  Marcellus  &  de  Caïus  Valerius  , 
il  fe  fit  un  grand  nombre  d'empoifonnemens  dans 
la  ville  de  Rome  par  les  dames  romaines  ;  que  la 
mort  fubite  de  plufieurs  perfonnes  de  toutes  fortes 
de  qualités  ,  ayant  caufé  de  l'étonnement  &  de  la 
crainte  à  toute  la  ville  ,  la  caufe  de  ce  mal  public 
fut  révélée  par  une  efclave  qui  en  avertit  le  ma- 
giftrat  ,  &  qui  lui  découvrit   que  ce  qu'on  avoit 
cru  jufque-là  être  une  intempérie  de  l'air ,  n'ctoit 
autre  chofe  qu'un  effet  de  la  malice  des  femmes 
romaines  ,  qui  fe  fervoient  tous  les  jours  de  Poifon 
pour  faire  périr  ceux  dont  elles  vouloient  fe  dé- 
faire ;  &  que  fi  on  vouloir  la  fuivre  &  lui    pro- 
mettre qu'il  ne  lui  feroit  rien  fait,  elle  en  feroit 
connoitre  la  vérité.  Sur  cet  avis,  on  fit  fuivre  l'ef- 
clave,  &  on  furprit  plufieurs  dames   qui  compo- 
foient  des  Poifons,  &  quantité  de  drogues  cachées  , 
qu'on  apporta  dans  la  place   publique.  On  y  fit 
auffi  amener  vingt  dames  romaines ,  chez  lefquelles 
on  les  avoit  trouvés.  Il  y  en  eut  deux  qui  foutin- 
rent  que  cesmédicamens  étoient  des  remèdes  pour 
la  fanté  ;  mais  parce  que  l'efclave  qui  les  avoit 
accu  fées  fourenoit  le  contraire,  on  leur  ordonna 
de  boire  les  breuvages  qu'elles  avoient  compofés  ; 
ce  qu'elles  firent  toutes  ,  &  moururent  en  même 
temps.  Cela  donna  lieu  de  faire  arrêter  les  com- 
plices ,  qui  en  découvrirent  plufieurs  autres  ;  en 
forte  qu'outre  les  vingt  dont  on  vient  de  parler, 
on  en  punit  encore  foixante-dix  autres. 

Environ  deux  cens  ans  après  cet  événement  , 
Lucius  Cornélius  Sylla  fit  une  loi ,  appelée  de  (on 
nom  Cornelia  deveneficiiSfpzr  laquelle  il  prononça 
la  même  peine  contre  les  empoifonneurs  que  contre 
les  homicides  ,  c'eft-à-dire  ,  l'interdiftion  de  l'eau  &. 
du  feu. 

La  conftinuion  Caroline,  article  130,  porte, 
que  celui  qui  attentera  à  la  vie  d'un  autre  par  le 
Poifon  ,  fera  condamné  à  la  roue,  ainfi  qu'un  af- 
faiïin;  &  que  fi  c'eft  une  femme,  elle  fera  préci- 
pitée dans  l'eau,  ou  punie  d'une  autre  peine  de 
mort ,  fuivant  ce  qui  fe  trouvera  en  ufage  ;  &  de 
plus,  que  les  coupables  feront  traînés  fur  la  claie 
au  lieu  du  fupplice ,  &  ,  avant  l'exécution  ,  te- 
naillés avec  des  fers  ardens  plus  ou  moins ,  félon 
l'état  des  perfonnes  8c  la  nature  du  délit. 

Parmi  nous  ,  la  peine  du  crime  de  Poifon  efl  aufll 
la  mort ,  &  le  genre  du  fupplice  eft  plus  ou  moins 
févère ,  félon  les  circonftances. 

V 


-134  POISON. 

Un  édit  du  mois  de  juillet  1682,  contient  fur 
cette  matièie  les  diCpofitioas  luivantes  : 

»  Article  4.  Seront  punis  de  mort  tous  ceux 
tt  qui  feront  convaincus  de  s'être  fervis  de  véné- 
»»  fices  &  de  Poifon  ,  foit  que  la  mort  s'en  foit 
»>  enfuivie  ou  non,  comme  auffi  ceux  qui  feront 
»»  convaincus  d'avoir  compolé  ou  dillribué  du  Poi- 
V  fon  pour  empoifonner.  Et  parce  que  les  crimes 
•>  qui  fe  commettent  par  le  Poifon  ,  font  non-fcu- 
»>  lement  les  plus  déteftables  &  les  plus  dange- 
»»  reux  de  tous,  mais  encore  les  plus  difficiles  à 
•»  découvrir,  nous  voulons  que  tous  ceux,  fans 
M  exception,  qui  auront  connoiiTance  qu'il  aura 
f»  été  travaillé  à  faire  du  Poifon  ,  qu'il  en  aura  été 
M  demandé  ou  donné,  foient  tenus  de  dénoncer 
»  incelTamment  ce  qu'ils  en  fauront  à  nos  procu- 
»  reurs-généraux  ou  à  leurs  fubftituts ,  &  en  cas 
?♦  d'abfence  ,  au  premier  officier  public  des  lieux, 
î>  à  peine  d'être  extraordinairement  procédé  con- 
»  tr'eux  ,  &  punis  félon  les  circonflances  &  l'exi- 
î»  gence  des  cas  ,  comme  fauteurs  &  complices 
3»  deldits  crimes  ,  &  fans  que  les  dénonciateurs 
»  foient  fujets  à  aucune  peine  ,  ni  même  aux  in- 
»  térêts  civils,  lorfqu  ils  auront  déclaré' &  arà- 
»»  culé  des  faits  ou  des  indices  confidérables  qui  fe- 
>>  ront  trouvés  véritables  Se  conformes  à  leur  dé- 
»»  nonciation  ,  quoique  dans  la  fuite  les  perfon- 
n  nés  comprifes  dans  lefdites  dénonciations  foient 
»  déchargées  des  accufatioHS  :  dérogeant  à  cet 
«  cftet  à  l'article  37  de  l'ordonnance  d'Orléans  , 
w  pour  l'eôet  du  vénéfice  &  du  Poi(on  feulement , 
»>  iaufà  punir  les  calomniateurs ,  félon  la  rigueur 
>*  de  ladite  ordonnance. 

»»  5.  Ceux  qui  feront  convaincus  d'avoir  attenté 
»}  à  la  vie  de  quelqu'un  par  vénéfice  &  Poifon  , 
j»  en  forte  qu'il  n'ait  pas  tenu  à  eux  que  ce  crime 
n  n'ait  été  confommé  ,  feront  punis  de  mort. 

j>  6.  Seront  réputés  au  nombre  des  Poifons ,  non- 
«  feulement  ceux  qui  peuvent  caufer  une  mort 
V  prompte  &  violente,  msis  aufll  ceux  qui  ,  en  al- 
•)  térant  peu  à  peu  la  fanté  ,  caufent  des  maladies , 
»  foient  que  Icfdits  Poifons  foient  fimples ,  natu- 
m  rels  ou  compofés  ,  &  faits  de  main  d'artifle  ;  & 
»  en  conféquence  défendons  à  toutes  fortes  de 
»>  perfonncs  ,  à  peine  de  h  vie  ,  même  aux  mé-^ 
j>  decins,  apothicaires  &  chirurgiens,  à  peine  de 
j7  punition  corporelle  ,  d'avoir  &  garder  de  tels 
3)  Poifons ,  fimples  ou  préparés ,  qui ,  retenant  tou- 
>»  jours  leur  qualité  de  venin,  &  n'entrant  en  au- 
w  cune  compofirion  ordinaire,  ne  peuvent  fcrvir 
«  qu'à  nuire  ,  &  font  de  leur  nature  pernicieux  & 
»>  mortels. 

j)  7.  A  l'égard  de  l'arfenic  ,  du  réalgal ,  de  l'or- 
M  piment  &  dufublimé,  quoiqu'ils  foient  Poifons 
»  dangereux  de  toute  leur  fubfîance  ,  comme  ils 
M  eutrent  &  font  employés  en  plufieurs  compo- 
i>  fnions  néceffaires  ,  nous  voulons ,  afin  d'em- 
j»  pêcher  à  l'avenir  la  trop  grande  facilité  qu'il  y 
»  a  eue  jufqu'ici  d'en  abufer ,  qu'il  ne  foit  per- 
w  mis  qu'aux  njarchands  qui  demeurent  dans  les 


POISON. 

»  villes,  d'en  vendre  &  d'en  livrer  eux-mêmes 
>»  feulement  aux  médecins,  apothicaires,  chirur- 
»  giens  ,  orfèvres  ,  teinturiers  ,  maréchaux  &:  au- 
»  très  perfonnes  publiques,  qui  par  leur  profef- 
>»  fion  font  obligés  d'en  cmplo)'er;  lefquels  néan- 
»  moins  écriront  en  les  prenant  fur  un  regiftrc- 
»  particulier ,  tenu  pour  cet  effet  par  lefdits  mar- 
»  chands  ,  leurs  noms  ,  qualités  &  demeures  ,  cn- 
»  femble  la  quantité  qu'ils  auront  prife  defdits  mi- 
5)  néraux  ;  &  fi  au  nombre  defdits  artifaus  qui  s'en 
»  fervent ,  il  s'en  trouve  qui  ne  fâchent  pas  écrire  , 
»  lefdjts  marchands  écriront  pour  eux  ;  quant  aux. 
'>  perfonnes  inconnues  auxdits  marchands ,  com- 
»  me  penvent  être  les  chirurgiens  &  maréchaux 
"  des  bourgs  &  villages,  ils  apporteront  des  cer- 
»  riticais  en  bonne  forme  ,  contenant  leurs  noms  ,. 
»  demeures  &  profeilions  ,  fignés  du  juge  des 
>»  lieux  ,  ou  d'un  notaire  ,  &  de  deux  témoins  ^ 
»  ou  du  curé  6c  de  deux  principaux  habitans, 
»  lefquels  certificats  &.  atteilations  demeureront 
M  chez  lefdits  marchands  pour  leur  décharge.  Se^- 
»  ront  aufii  les  épiciers ,  merciers  &  autres  mar- 
»  chands  demeurans  dans  lefdits  bourgs  6c  villa- 
»  g.es  ,  tenus  de  remettre  incefiamment  ce  qu'ils 
»  auront  defdits  minéraux  ,  entre  les  mains  des 
»  fyndics ,  gardes  ou  anciens  marchands  épiciers 
»  ou  apothicaires  des  villes  plus  prochaines  des- 
»*  lieux  olii  ils  demeureront,  lefquels  leur  en  ren- 
»  dront  le  prix ,  le  tout  a  peine  de  trois  mille  livres 
»  d'amende,  en  cas  de  contravention  ,  même  de 
»  punition  corporelle  s'il  y  échet. 

))  8.  Enjoignons  à  tous  ceux. qui  ont  droit ,  par 
M  leurs  profelfions  &  métiers  ,  de  vendre  ou  d'à;- 
n  cheter  des  fufdits  minéraux,  de  les  tenir  en  des 
»  lieux  siirs ,  dont  ils  garderont  eux-mêmes  la  clef. 
"  Comme  auffi  leur  enjoignons  d'écrire  fur  un  re- 
)»  girtre  particulier  la  qualité  des  remèdes  oii  ils 
)>  auront  employé  defdits  minéraux  ,  les  noms  de 
»  ceux  pour  qui  ils  auront  été  faits  ,  8c  la  quan- 
»  tité  qu'ils  y  auront  employée,  &  d'arrêter  à  ia 
n  fin  de  chaque  année  fur  leurfdits  regifires  ,  ce 
j>  qui  leur  en  refiera  ,  le  tout  à  peine  de  mille  livres 
n  d'amende  pour  la  première  fois,  &  de  plus  gran- 
»  de  s'il  y  échet. 

»  9.  Défendons  aux  médecins,  chirurgiens, 
M  apothicaires,  épiciers  droguiftes  ,  orfèvres,  tcin» 
»•  turiers  ,  maréchaux  &  tous  autres  .  de  diflribuer 
»  defdits  minéraux  en  fubflance  à  quelque  per- 
»  fonne  que  ce  puiffeêtre,  &  fous  quelque  prè- 
»  texte  que  ce  foit ,  fur  peine  d'être  punis  corpo- 
«.  rellemcnt  ;  &  feront  tenus  de  compofer  eux- 
»  mêmes,  ou  de  faire  compofer  en  leur  préfcnce 
»  par  leurs  garçons ,  les  remèdes  où  il  devra  en- 
»  trér  néceffairement  defdits  minéraux  ,  qu'ils  don- 
»  neront  après  cela  à  ceux  qui  leur  en  dcmande- 
»  ront  pour  s'en  fervir  auxuiages  ordinaires. 

«  10.  Défenfes  font  aufTi  faites  à  toutes  perfon- 
»  ncs  ,  autres  qu'aux   médecins    &  apothicaires 
»  d'employer  aucuns  infeiSles  venimeux  ,  comm^ 
»  ferpens  ^.crapeaux ,  vipères  &  autres  femblables- 


POISON. 

■»  fous  prétexte  de  s'en  fervir  à  de^  médicamens 
»  ou  à  faire  des  exp>:ricnces,  &  fous  qtielqu'av.trc 
»>  prétexte  que  ce  pinHe  être  ,  s'ils  n'en  ont  la  pei- 
"  miiTion  exprefle  &  psr  écrie. 

»  II.  Faifons  très  -  exprefles  défenfes  à  toutes 
M  perfonncs  de  quelque  profelîion  &  condition 
»  qu'elles  foient ,  excepté  aux  médecins  approu- 
«  vés ,  &  dans  le  lieu  de  leur  réfidence  ,  aux  pro- 
i>  fe/Teurs  en  chimie  ,  &  aux  maîtres  apothicaires  , 
»  d'ivoir  aucun  laboratoire  ,  &  d'y  travailler  à 
»  aucune  préparation  de  drogues  ou  diiîillations  , 
»  fous  prétexte  de  remèdes  chimiques,  fccrets  par- 
»  ti'culiers ,  recherche  de  la  pierre  philofophale  , 
w  converfion  ,  multiplication  ou  raffinement  des 
»  métaux  ,  confeâion  de  criflaux  ou  pierres  de 
»♦  couleur,  &  autres  femblables  prétextes,  fans 
M  avoir  auparavant  obtenu  de  nous  ,par  lettres  du 
»  grand  fceau ,  la  permiffion  d'avoir  lefdits  labo- 
>»  ratoires,  préfenté  lefdites  lettres  ik  fait  déclara- 
»'  rion  en  conféqucncc  à  nos  juges  &.  officiers  de 
«  police  des  lieux.  Défendons  pareillement  à  tous 
»»  difîillateurs ,  vendeurs  d'eau-de-vie  ,  de  faire  au- 
"  tre  diflillation  que  celle  de  l'eau-de-vie  6c  de 
"  l'efprit  de-vin  ,  fauf  à  être  choifi  d'entr'eux  le 
V  nombre  qui  fera  jugé  néceflaire  pour  la  confec- 
»  tion  des  eaux  fortes  ,  dont  l'ufage  eft  permis  , 
»  Icfquels  ne  pourront  néanmoins  y  travailler 
»  qu'en  vertu  de  nofdites  lettres  ,  &  après  en 
»  avoir  fait  leurs  déclarations  ,  à  peine  de  puni- 
»  tion  exemplaire  ». 

Une  jeune  femme  de  la  paroiflTe  de  Vitri  aux 
Loges ,  âgée  de  14  ans  &  demi  ,  ayant ,  par  l'inf- 
tigation  de  fon  curé  ,  empoifonné  fon  mari  en  lui 
donnant  de  l'arfenic  dans  du  lait,  a  été  condam- 
née, le  12  feptenibre  1602  ,  à  être  pendue  &  en- 
f'iite  brûlée.  La  fervente  du  curé  ,  convaincue  d'a- 
voir préparé  le  Poifon  ,  a  été  condamnée  le  26  du 
même  mois ,  à  être  pendue  ,  &  le  curé ,  convaincu 
d'inceOe  avec  cette  jeune  femme  ,  a  été  condamné 
à  être  brûlé  vif. 

La  marquife  de  Brinvillîers  ,  convaincue  d'avoir 
fait  empoifonner  fon  père  &  fes  deux  frères ,  dont 
l'un  étoit  lieutenant  civil  au  châtelet  ,  &  l'autre 
confeiller  au  parlement  de  Paris,  &  d'avoir  at- 
tenté à  la  vie  de  fa  fœur ,  a  été  condamnée  ,  pr,r 
arrêt  du  16  juillet  1676,3  faire  amende  honora- 
ble ,  à  avoir  la  tête  tranchée  en  place  de  Grève  , 
&  à  être  enfuite  brî'ilée,  après  avoir  été  préala 
blenient  appliquée  à  la  queftion  ordinaire  &  ex- 
traordinaire ,  pour  avoir  révélation  de  fes  com- 
plices. 

Par  un  autre  arrêt  du  7  O(51obre  1734,  le  parle- 
ment a  condamné  Pierre  Guet  à  être  brûlé  vif  pour 
crime  de  Poifon. 

Barbe  Leleu  a  pareillement  été  condamnée  ,  par 
arrêt  du  1 1  janvier  1759,3  être  brûlée  vive ,  pour 
avoir  empoifonné  plufieurs  perfonnes. 

Par  un  autre  arrêt  du  18  août  1767  ,  Marie 
Sotton  ,  femme  d'un  boulanger  ,  a  été  condamnée 
à  être  peadue  Se  enfuite  brûlée  ,  pour  avoir  cni- 


POISON.  ij^ 

poifon  né  plufieurs  perfonnes,  &  volé  un  enfant 
de  trois  lemaines. 

Par  un  autre  arrêt  du  9  mars  1775,  '*^  parle- 
ment a  condamné  Marie-Jeanne  Maugras  ,  fervante 
domeftique  ,  à  faire  amende  honorable  ,  ayant  écri- 
leau  devant  &  derrière  portant  ces  mots  :  (Empci- 
jonnaifc  de  d^jfiin  prémidué)  ,  &  à  être  enfuifc  me- 
née fur  la  grande  place  publique  de  la  ville  de  Soif- 
fons,  pour  y  être  attachée  à  un  poteau  avec  uns 
chaîne  de  fer  ,  &  brûlée  vive  ,  pour  avoir ,  de  del^ 
fein  prémédité  ,  empoifonné  dans  des  alimens  & 
médicamens,  la  femme  de  Regnault ,  huililer,  fa 
maitrefTe,  dont  elle  eft  morte. 

Par  un  autre  arrêt  du  29  mai  fuivant,  le  parle- 
ment a  condamné  Jean  Fouaflbn  à  être  rompu  vif, 
&  à  être  en,fuite  jeté  dans  un  bûcher  ardent  , 
pour  avoir  empoifonné  fa  belle- mère  &  fes  beaux- 
irères. 

3>  Et ,  faifant  droit  fur  les  conclufions  du  pro- 
1)  cureurgénéral  du   roi  ,  il  a  été  ordonné  qu.  les 
»  ordonnances  ,  arrêts  &  régLiuens  de  la  cour  , 
»  concernant  la  vente  de   l'arfenic  ,  du  réalgal  , 
»  de  l'orpiment  &  du  fublimé  ,&  notamment  le» 
?»  articles  7  ,  8  &  9  de  l'édit  du  mois  de  juillet 
')   1682  ,  enregiftré  en  la  cour  le  30  août  fuivant, 
M  feroient  exécutés  fuivant  leur  forme  tk  teneur  ; 
»  en  conféquence  ,  il  a  été  fait  défenfe^,  d'y  con- 
»  trevenir,  fous  les  peines  y  portées,   ordonné 
»  qu'à  la  requête  du  Procureur-général  du  roi ,  des 
i>  exemplaires  dudit   édit   feroient  envoyés  dans 
»  toutes  les  paroilfes  des  villes  ,  bourgs  &  villa- 
1)  ges  du  reffort ,  pour  être  lu  &  publié  aux  prô- 
»  nés  defdites  paroiffes,  &  affiché  aux  portes  àss. 
»  églifcs  collégiales  defdiis  litiix;  de  laquelle  pu- 
»  blication  les  curés  &  vicaires  des  paroiffes  ,  cha- 
»  cun  en  droit  foi ,  feroient  tenus  de  juftifier  aux 
iy  fubftituts  du  procureur  général  au  roi  plus  pro- 
.■)  chains  des  lieux  :ila  d'ailleurs  été  enjoint  aux  offi- 
»  ciers  de  police  defdits  lieux  ,  chacun  en  ce  qui 
»  les  concernoit ,  de  veiller  à  l'exécution  defdits 
)j  articles  fept ,  huit  oC  neuf  dudit  édit  ;  & ,  à  cet 
»  eiïet,  qu'ils  feroient  tenus,  au  commencement 
»  de  chaque  année,    de  faire  une  vifite   exaéle  , 
»  affiftés  de  gens  à  ce  connoiffans  ,  chez  tous  les 
j>  marchands  demeurans  dans  lefdites  villes,  bourc^g 
1)  &  villages  ,  pour  connoître  ceux  qui,  au  préju- 
^y  dice  dudit  édit  r,  pourroient  avoir  d'ans  leurs  bou- 
5>  tiques  quelques  parties  des  minéraux  y  dé/îgnés  ; 
»   contraindre   ceux  defdits  marcliands    chez  lef- 
n  quels  il  s'en  trouveroit ,  pour  la  première  fois, 
j>  de  les  remettre,   aux  termes    dudit  édit,  en- 
n  tre   les  mains  des  Syndics,  gardes  ou  anciens 
»  des  marchands  épiciers  ou  apothicaires  des  villes 
M  les  plus  prochaines   des    lieux  où    ils  demeure 
»  roient,  pour  les  endroits  où  il  n'y  a  point  maî- 
»  trife  ôc  jurande  ,    lefqiiels   fyndics  ,  gardes  ou 
n  anciens  leur  en   rendroient  le  prix  ,  "& ,  en  cas 
M  de  récidive  ,  lefdits  officiers  en  donneroient  avis 
j)  au  procureur  général  du  roi,  pour,  fur  le  compte 
»  qui  eu  feroit  par  lui  rendu  ,  y  être  pourvu  d«  la 

Vi, 


156  POISON. 

>i  manière  &  ainfi  qu'il  appartiendroît,  defquelles 
M  vifites  lefdits  officiers  drefleroient  precés-ver- 
n  baux ,  dont  ils  cnverroicnt  chaque  année  une 
Il  expédition  au  procureur-général  du  roi  ». 

Nous  avons  rapporté  à  l'article  Contradic- 
tion, l'arrêt  rendu  le  ç  mai,  contre  le  fameux 
empoifonneur  Defrues. 

Par  un  autre  arrêt  du  9  Teptembre  de  la  même 
année ,  Pierre  Vincent ,  marchand ,  a  été  condamné 
à  être  rompu  vif  à  Angoulême  ,  &  enfuite  brûlé  , 
pour  avoir  empoifonne  plufieurs  perfonncs. 

Par  un  autre  arrêt  du  29  avril  1779,  Renée  Ri- 
chard, veuve  de  Julien  Suhard,a  été  condamnée  à 
être  brûlée  vive  fur  la  place  publique  de  la  ville  de 
Laval ,  pour  avoir  empoifonne  des  enfans. 

Des  malfaiteurs,  répandus  dans  les  villes  &  les 
campagnes ,  ayant  fait  prendre  à  plufieurs  particu- 
liers qu'ils  avoient  accoftés  fur  les  routes  ou  chez 
lefquels  ils  s'étoient  introduits  fous  différens  pré- 
textes ,  une  liqueur  narcotique  ,  affoupifiante  8c 
pernicieufe,  qui  a  procuré,  au  plus  grand  nombre, 
un  fommeil  léthargique  ,  accompagné  de  convul- 
fions  &  de  délire,  divers  arrêts  du  parlement  de 
Paris  ont  puni ,  comme  empoifonneurs ,  plufieurs 
de  ces  fcélérats  (  i  ). 

(1)  Voici  un  de  c(s  arrêts. 

Extrait  des  regiftres  du  parlement. 

Du  j^  janvier  lySe. 

Vu  par  la  coût  les  procès  ctiminels  faits  par  le  prévôt  de 
Paris,  ou  fon  lieutenant  criminel  an  châtelet,  à  la  requcre 
du  fubilitut  du  procureur  du  roi  audit   fiège  ,  demandeur  &: 
accufateur  ,  contre  deux  quidams  ,  accufcs  ,  abfcns  Se  coma 
max  ,  &  encore  contre  Jol'eph  Defcroix,  coiffeur;  Baltliazar 
Carrier,  marchand  de  peaux  ;  René  Plet,  marchand  de  mer- 
ceries; l'ierre  Coufinotdit  Bellecour,  épicier  •  Jacques  Flacté 
ditl'Oireau,  ci  devant  cabaretier  à  la  Vrilliète,  aLluellcment 
fans  état  ;    Anne  Samfcn  ,  femme  dudit  Jacques  Tlatté  dit 
rOifeau  ;  Marie-Jeanne  Prot  ,  veuve  de  Jean  Maflelin  dit 
Bapti.le,  &:  Philippe  Richard,  commiffionnaire  devins,  dé- 
fendeurs ic  accufés ,  prifonniers  es  prifons  de  la  conciergerie 
dw  palais  à  Paris  ,  &  appelans  de  la  fencencc  rendue  fur  lef- 
Jits  procès  le  i  j  décembre  I77:;  ,  par  laquelle  il  a  été  dit  que 
les  deux  procès  ctoienr   &   demeureroient  joints ,  pour  être 
juges  par  un  feul  &  même  jugement;  &  y  faifant  droit,  la 
contumace  a  été  déclarée  bien  &  valablement  inftruite  contre 
lefdits  deux  quidams,  accufés  ,  abfens  ;  &  avant  faire  droit 
définitivement,  il  a  été  dit  qu'il  feroit   plus   amplement  in 
formé  des  faits  mentionnésau  p.ocès  ;  lefdits  Jofeph  Defcroix  , 
Balthazar  Carrier &:  Jacques  Plané,  dit  l'Oifeau,  ont  été  dé- 
clarés dûment  atteints  &   convaincus,  favoir  ,  ledit  Joftrph 
Defcroix  d'avoir  été  trouvé  faifj  d'une  montre  &  d'une  bourfe 
volées  à  une  femme  qui  a  éré  cmpoifonnée  dans  du   vin  que 
lui  ont  fait  boire   trois  quidams,  defquels   effets  il  a  rendu 
mauvais  compte;  &  véhémentement  fufpeil  d'avoir  empoi- 
fonne ,  endormi  Se  volé  ladite  femme  ,  pat  laquelle  il  eft  re- 
connu ,  &■  d'avoir  commis  le  même  attentat  envers  plufieurs 
autres  pcrfonnes  ;  ledit  Balthazar  Carrier,  d'avoir  efcroqué 
au  nommé   Cailhot,...  une  fomme  de  iio  livres,  en  lui  don- 
nant en  nantifTement  quatre  lingots  de  cuivre ,  qu'il  lui  a  dit 
être  d'or  ;  ôc  encore  véhémentement  fufpeû  d'avoir  empoi- 
fonne, endoriHi  &  volé  plulïeurs  particuliers  ,  par  deux  def- 
quels il  efl  reconnu  ;  &  ledit  Jacques  Flatté  dit  l'Oifeau ,  d'a- 
Toir  été  ttouvé  faiù  dans  fa  chambre  de  liqueur  vénéneufe  ,  J 


POISON. 

*  Cet  événement  a  donné  lieu  à  une  déclaration 
du  roi  du  14  mars    1780  ,  qui ,  en  approuvant  la 


piopre  à  affoupir,  de  laquelle  il  eft  v^^hémentement  fufpeift 
d'avoir  fait  ufagc  envets  pluheuts  patticulieis  pour  les  voler, 
&  reconnu  par  l'un  d'eux  ,  le  tout  ainlî  qu'il  cit  mentionné 
au  procès  ;  pour  réparation  de  quoi  ledit  Jofeph  Defcroix, 
Balthazar  Carrier,  &  Jacques  Flatté  dit  l'Oifeau,  ont  été 
condamnés  à  être  conduits  à  la  chaîne  ,  pour  y  être  attaché» 
ôc  fervit  le  roi  comme  forçais  fur  fes  galères  à  perpétuité  , 
préalablement  flétris,  par  l'exécuteur  de  la  haute-juflice  ,  d'un 
iei:  chaud  en  forme  des  lettres  G.  <^.  L.  fur  l'épaule  droite  , 
au-devantde  la  porte  des  prifons  du  grand  châtelet;  leuri 
biens  ont  été  déclarés  acquis  &:  confifquîs  au  roi  ou  à  qui  il 
appartiendroît ,  fur  les  biens  de  chacun  d'iceux  préalablement 
pris  la  fomme  de  200  liv.  d'amende  envers  le  roi  ,  au  cas  que 
confifcation  n'ait  pas  lieu  au  profit  de  fa  niajefté.  Il  a  été  dir 
auffi,  qu'avant  faire  droit  définitivement  furies  plaintes  & 
accufatioDs  intentées  contre  lefdits  René  Plet,  Pierre  Coulî- 
not  dit  Bellecour ,  !Marie- Jeanne  Prot ,  veuve  de  Jean  MafTe- 
lin  dit  Baptifte,  Anne  Samfon,  femme  dudit  Jacques  Flatté 
dit  l'Oifeau,  &:  Philippe  Richard  ,  il  feroit 'plus  amplement 
informé,  pendant  un  an,  ies  faits  mentionnés  au  procès  , 
pendant  lequel  temps  ils  gardcioient  prifon  ;  il  a  été  ordonné 
que  les  nommés  Maréchal  ,  Clauflrc  ,  Bcflîu ,  &  deux  qui- 
iirr.s  ,  dont  un  nommé  la  Plume  ,  qui  feroient  indiques  ,  fe- 
loient  pris  au  corps,  &  que  le  procès  leur  feroit  fait  &;  pat- 
fait  fuivant  la  rigueur  des  ordonnances;  &  que  ladite  fen- 
tence  feroit ,  â  la  diligence  du  fubflitut  du  procureur  géné- 
ral du  roi ,  imprimée  &  affichée  dans  tous  les  lieux  &  car- 
refours accoutumés  de  la  ville,  fau^'bourgs  &  banlieue  de  Pa- 
ris ,  fur  les  routes  ,  aux  portes  des  auberges  ,  &  par-tout  où 
befoin  feroit.  Condufions  du  procureur  général  du  roi ,  le- 
quel ,  comme  de  nouvel  venu  à  fa  connoiflance  ,  a  requis 
d'être  reçu  appelant  à  minimi  de  ladite  Centenceâ  l'égard  de 
Jofeph  Defcroix  ,  Balthazar  Carrier  ,  &  Jacques  Flatré  dit 
l'Oileau  ,  ouïs  &  inrerrogés  en  la  cour  ;  favoir ,  leldits  Jo- 
feph Defcroix,  Balthazar  Carrier,  &:  Jacques  Flatté  dit  l'Oi- 
feau ,  fut  leurs  caufes  d'appel  &  cas  à  eux  impofés  ;  Se  lefdits 
René  Plet  ,  Pierre  Coulinot  dit  Bellecour,  Macie-Jeanne 
Pror,  veuve  de  Jean  Maflelin  dit  Baptiile  ,  Anne  Sainfon  ,. 
iirmme  de  Jacques  Flatté  dit  l'Oifeau,  &:  Philippe  Richard  , 
pareillement  fur  leurs  caufes  d'appel  &  faits  réfultans  du  pror 
ces  :  tout  confidéré  ; 

La  coût  joint  lefdits  deux  procès,  pour  être  jugés  par  un 
feul  &  même  arrêt;  faifant  droit  fur  le  tout,  reçoit  le  procu- 
reur général  du  roi  appelant  (i  r?7iA.imiZ  de  ladite  fentence  a 
l'éLMrd  dcfdits  Jofeph  Defcroix  ,  Balthazar  Carrier  ,  Jacques 
Flatté  dit  l'Oifeau  ;  faifant  droit  fur  ledit  appel  ,  enfemble 
fur  celui  interjeté  par  lefdits  Jofeph  Defcroix,  Balthazar  Car- 
rier, &  Jacques  Flatté  ditl'Oifcîu,  ds  la  même  fentence, 
met  à  leur  égard  Icfditcs  appellations  &  fentence  de  la- 
quelle a  été  appelé  au  néant  ;  émendant ,  pour  les  cas  réful- 
tans du  procès,  condamne  Icfùits  Jofeph  Defcroix,  Balthazar 
Carrier,  &  Jacques  Flatté,  dit  l'Oifeau ,  i  faire  amende  ho- 
norable au  devant  de  la  principale  porte  de  l'églife  de  Paris, 
où  ils  feront  conduits  dans  un  tombereau  ,  par  l'exécuteur  de 
la  haute  jutlice  ,  nu-pieds,  nu-tères5c  en  chemife  ,  renanc 
en  leurs  n.ains  une  torche  ardente  de  cire  jaune  du  poids  de 
deux  livres  ,  ayant  chacun  écritcaux  devant  &  derrière  portant 
ces  rrois  :  (  Empoijonueur  6"  nhur  )  ;  &  là  ,  étant  à  penoux  , 
dire  &  déclarer  à  haute  &  intelligible  voix  ,  favoir  ,  ledit  Jo- 
feph Defcroix  ,  que  méchamment ,  téoicrairement  &  tomme 
mal  avifé  ,  il  a  ,  de  complicité  avec  deux  quidams  ,  conduit 
dans  un  cabaret  à  Mouceaux  la  nommée  Margucrire-Geor- 
gettediie  Duvivier,  fous  prétexte  delà  mener  promener,  dans 
lequel  cabaret  ils  lui  ont  fait  prendre,  dans  du  vin  ,  une  li- 
qMcur  narcotique,  alToupiflante  &:  pernicieufe  ,  au  peint  d'a- 
voir procuré  à  ladite  Georgette  ,  dite  Duvivier,  un  (ommcij 
léthargique  ,  dont  ils  ont  profité  pour  ,  conjointement  avec 
lefdits  deux  quidams,  lui  voler   les  elîets  qu'elle  avoir  fur 


POISON. 

févérlté  des  peines  prononcées  par  le  pariéaiCur ,  a 
ordonné  que  ceux  qui  fcroient  convaincus  de  i'ètrc 

elle  ,  &    notamment   la  raoncrc  &   la  bourfe,    ciontilaétj 
faifi  ;  comme  auill  de  lui  avoir  occalîonae   un   dcliie  qui  a 
duré    pluiieurs   jouis,  pendant  lelqucls  elle  a  été  enfermée 
comme  infenlVe  ;  ledit  Balthazar  Carrier,  que  méchamment, 
téniétaitement  ^c  comme  mal  avifé  ,  il  a  ,  de  complicité  avec 
Claude  Chaflaigne ,  dit  la  liuilièie  ,  ci-devant  condamné  6c 
exécuté  à  mot,  conduit  à  Belleville  Marie-Agathe  Matha- 
Ton ,  femme  Carouge ,  lous  prétexte  de   la  mener  voie   fon 
mari,  l'a  fait  entier  dans  un  cabaret  dudit  Belleville ,  où , 
conjointement  avec  ledit  ChalTaigne  dit  la  Buffiére  ,  ils  lui 
ont  fait  (tendre,  dans  du  vin  ,  une  liqueur  narcotique,  aflbu- 
piflante   Se   pemicieufe  ,   au   point  d'avoir  procuré  à  ladite 
femme  C;\rûuge  un  fommeil  léthargique,  dont  ils  ont  profité 
pour  lui  faire  des  violences  fur  le  chemin  du  pré  Saint  Ger- 
vais ,  où  ils  l'avoient  conduite  pour  prendre  les  effets  qu'elle 
avoit  fur  elle  ,  &  notamment  dans   fa  poche   la  clef  de   fon 
appartement,  avec  laquelle  clef  ils  font  revenu»  à  Paris  ,  ont 
ouvert  la  porte  dudit  apparrement,  &:  ont  commis  le»  vols  & 
cfftadions  mentionnés  au  procès  ;  comme  aulli  d'avoic  occa- 
fionné  à  ladite  femme   Carouge  une  efpéce   de  délire,  dont 
elle  n'eft  pas  parfaitement  guérie  ;  Ce  ledit  Jacques  Flatté  dit 
l'Oifeau  ,  que  méchamment  ,  témérairement  &   comme  mal 
avifé,  il  a,  de  complicité  avec  les  nommés  Berger  &  la  Buf- 
licre  ,  ci  devant  condamnes  Se  exécutés  à  mort ,  conduit  dans 
un  cabatet  prés  de   Bercy  le  nommé  Boudin,  marchand   di 
chevaux  ,  fous  prétexte  de  conclure  avec  lui  un  marché  ,  dans 
lequel  cabaret  i.'j  lui  ont  fait  prendre,  dans  du  vin,  une  li- 
queur narcotique  ,  alToupiflante  &:  pemicieufe  ,  au  point  d'a- 
voir procuré  audit  Boudin  un  fommeil  léthargique  ,  dont  ils 
ont  profité  pour  le  conduiredans  l'avenue  de  Bercy  ,  où  ,  après 
l'avoir  jeté  à  la  renverfc  ,  ils  lui  ont  pris  dilFérens  effets  6c 
l'argent  qu'il  avoit  fur  lui;  comme  aurtî  d'avoir  occafionné 
audit  Boudin  un  état  de  folie  qui  a  duré  pendant  deux  jours  , 
&  qui  s'efl  terminé  pat  un  flux  de  fang  confidérable  ,  avic 
trouble  dans  la  vue  ,  dont  ils  Ce  repentent  &  deinandenc  pa:- 
don  à  dieu  ,  au  roi   &  à  juftice  ;  ce  fait ,  lefdits  Oeicroix  , 
Carrier  &  Flatté  die  l'Oifeau  ,  menés  dans  le  même  tombereau 
en  la  p'ace  de  Grève  ,  pour ,  fur  un  échafaud  qui  y  fera  à  ce: 
etietdielTé,  avoir  les  bras,  jambes,  cuifles  &  reins  rompu; 
vifs  par  ledit  exécuteur  de  la  haute  juftice  ,  &  à  l'inftant  jetés 
dans  un  bûcher  ardent,  pour  ce  pareillement  drefTé  en  ladite 
place,  pouryètte  réduits  en  cendres.  Se  leurs  cendres  jetés 
au  vent;  lefdits  Defcroix ,  Carrier  &  Flatté,  dit  l'Oifeau  , 
préalablement  appliqués  à  la  queftion  ordinaire  &  extraordi 
naire  ,  pour  avoir  par  leurs  bouches  Ja   révélation  de  leurs 
complices  &  la  vérité  d'aucuns  faits  réfultans  du  procès  :  dé- 
clare tous  les  biens  defdits   Defcroix,  Carrier  Se  Flatté,  die 
1  Oifeau  ,  acquis  &  confifqués  au  roi  ou  à  qui  il  appartiendra  , 
fut  chacun  d'iceuxpréalablement  pris  la  fomme  de  deu.v  cent; 
livres  d'amende  envers  ledit  fcigneur  roi  ,  au  cas  que  conhf- 
cjtion    n'ait  pas  lieu  à  fon  profit.-  furfeoit  à  faire  droir  fu.- 
l'appel  interjeta  par  lefdits   René  Plet,  Pierre  Couhnot ,  die 
Bellecour ,  Marie- Jeanne  Prot ,  veuve  de  Jean  Mafielin  ,   dit 
Baptifte,  Anne  Samfon,  femme  de  Jacques  Flatté,  dit  l'Oi- 
feau ,  8c  Philippe  Richard  ,  dî  la  même  fentence  ,  jufqu'après 
l'exécution  du  préfent  avtèt  à  l'égard  defdits  Defcroix  ,  Car- 
rier &  Flatté  ,  dit  l'Oifeau  ,  pout  les  ptocès-verbaux  de  quef- 
tion  &  d'exécution  defdits  Defcroix  ,   Carrier  &c  Flartc,   dit 
l'Oifeau  ,  faits,  apportés  au  greffe  criminel  de  la  cour  ,  les 
accuf  s  prifonniers  ramenés  fous  bonne  &:  fîire  garde  d.'ss  pri- 
fonsdu  grind  châtïler  en  celles  de  la  conciergerie  du  palais  , 
h  tout  communiqué  au  procureur  général  du  roi ,  être  par  lui 
pris  telles  conclulions  qu'il  appartiendra  ,  S:  vu  par  la  cour 
être  ordonné  ce  que  de  raifon.   Ordonne  qu'à  la   requête  du 
procureur  général  du  roi  ,  le  pré>nr  arrêr  fera  imprimé,  pu- 
blié &:  affiché  dans  tous  les  lieux  lie  carrefours  accoutumés  de 
la  ville,  r.iuxbourgs  Se  banlieue  de  Paris,  notamment  à:ins 
la  routes ,  aux  portes  des  aul'crges  &  par-tout  où  befoia  fera  ; 


POLICE.  157 

fervls  de  vénéfices ,  Poifons ,  en  de  plantes  vcné-' 
neufes  indiAin(^ement ,  foit  que  la  mort  s'en  fût  cn- 
liuvie  ou  non ,  &  fous  quelque  dénomination  que 
ces  plantes  fufTent  connues,  feroient  punis  de  la 
peine  dsj  mort ,  &  que  les  juges  pourroient  même 
aggraver  le  genre  de  fupplice,  &  prononcer  cumii- 
lativement  la  peine  de  la  roue  &  celle  du  feu  ,  fui- 
vant  les  circonftances  :  la  même  loi ,  en  ordonnant 
l'entière  exécution  de  l'édit  de  juillet  1682,  &  no- 
tamment de  l'article  6,  a  renouvelé  les  injonflions 
i'aites  par  cet  édit  aux  médecins ,  chirurgiens ,  maî- 
rres  en  pharmacie  &  apothicaires  i  a  fait  défenfe  à 
tous  autres  qu'aux  maîtres  en  pharmacie  &  apothi- 
caires ,  de  tenir  dans  leur  maifon ,  maeafin  Se  bouti- 
que, aucun  Poifon  ou  plante  vénéneu^,  &  a  chargé 
ces  derniers  d'obferver,  à  Tégard  des  plantes  vé- 
néneufes  ,  les  précautions  prcfcrites  pour  les  autres 
Poifons  ,  le  tout  fous  les  peines  portées  par  l'édit 
dont  on  vient  de  parler. 
POISSON.  Foyei  PÈCHE. 

POLICE,  Ordre  ,  règlement  établi  dans  une  ville 
pour  tout  ce  qui  regarde  la  sûreté  &  la  commodité 
des  habitans. 

Il  fe  dit  auffi  de  la  juridiélion  établie  pour  l'exer- 
cice de  la  Police. 

Chez  les  Grecs,  la  Police  avoit  pour  objet  la 
confervation  Se  les  agrémens  de  la  vie;  ils  enten- 
doient  par  la  confervation  de  la  vie,  ce  qui  con- 
cerne la  naifTance  ,  la  fanté  &  les  vivres.  Ils  travail- 
loient  à  augmenter  le  nombre  des  citoyens ,  à  les 
avoir  fains,  à  fe  procurer  un  air  falubre,  des  eaux 
pures,  de  bons  alimens  ,  des  reir.èdes  biens  con- 
ditionnés ,  &  des  médecins  habiles ,  &  honnêtes 
gens. 

Les  Romains  ,  en  512  ,  envoyèrent  des  ambafla- 
deurs  en  Grèce ,  chercher  des  lois  :  c'eft  pourquoi 
leur  Police  fuivit  à-peu-près  la  même  divifion  que 
celle  des  Athéniens. 

Les  François ,  &  la  plupart  des  h.ibirans  aftuels 
de  l'europe  ,  ont  puifé  leur  Police  chez  les  anciens , 
avec  cette  différence,  qu'ils  ont  donné  à  la  religion 
une  attention  beaucoup  plus  étendue.  Les  jeux  6c 
les  fpeJlacles  étoient,  chez  les  Grecs  &  les  Ro- 
mains ,  une  partie  importante  <le  la  Police  ;  fon  but 
étoit  d'en  augmenter  la  fréquence  &  la  fomptuo- 
fité;  chez  nous  elle  ne  tend  qu'à  en  corriger  les 
abus  ,  Si  à  empêcher  le  tumulte. 

L'édit  de  Cremieu  avoit  attribué  la  Police  en 
première  inftance  aux  prévôts  royaux  dans  l'éten- 
due de  leurs  prévôtés. 

L'article  72  de  l'ordonnance  de  Moulins ,  or- 
donna que  dans  les  villes  on  éliroit ,  tous  les  fix 


&,  pour  le  fiire  met. re  à  exicution  ,  renvoie  lefdits  Jofcjh 
Del'croix  ,  Balthazar  Cartier,  Jacques  Flatté,  dit  l'Oifeau 
René  Plet,  Pierre  Couhnot,  dit  Bellf  cour  ,  Marie- Jeanne 
Pror ,  veuve  Maffelin  ,  Anne  .Sanifon,  femme  Flatté  ,  &  Phi- 
lippe Richard,  prifonniers,  pardevant  le  lieutenant  criminel 
dudit  châtelet.  Fait  en  parlement  le  4  janvier  17S0.  Colla- 
licrn;.  Nouj^iCHEt, 

Signe,  LECOUSTURIER. 


15S  POLI  CF. 

mois  ou  tôiiS  les  ans  ,  un  certain  nombre  de  bouf- 
geois  poiir  veiller  à  la  Police  ,  fous  la  juridiâion 
des  juges  ordinaires  ,  &  que  ces  bourgeois  pour- 
roient  condamnera  l'amende  de  foixante  Ibus  , 
fans  nppel. 

Les  lois  poftérieures  avoient  ordonné  qu'il  fe 
tiendroit  des  sflemblces  fréquentes  dans  les  villes , 
pour  délibérer,  avec  les  notables,  fur  les  régle- 
mcns  qu'il  conviendroit  de  faire,  mais  cet  ufage 
fnt  abrogé ,  à  caufe  des  inconvéniens  qui  en  ré- 
fultoicnt. 

La  Police  étoit  adminiflrée  à  Paris  ,  en  première 
in/^ance  ,  par  le  lieutenant  civil  Sc  le  lieutenant- 
criminel  du  châtelet  ;  &  ces  magiftrars  avoient 
fouvent  des  contcftations  pour  leur  compétence  à 
cet  égard. 

Les  mêmes  difficultés  avoient  auflî  lieu  dans  les 
autres  villes,  entre  les  lieutenans  des  baillis ,  les 
prévôts  royaux  ,  les  juges  des  feigneurs  ,  &  les  juf- 
tices  municipales. 

Pour  y  remédier  ,  Louis  XIV  commença  par 
créer  à  Paris  ,  au  mois  de  mars  i6Cj,  vn  lieutenant 
général  de  Police,  &  au  mois  d'oOobre  1699,  il 
créa  de  pareils  ofliciers  dans  les  princiï>ales  villes 
du  royaume. 

Par  ce  moyen  ,  les  fonctions  concernant  la  Police 
ont  été  déterminées  avec  plus  de  précifion  que  par 
les  édits  antérieurs. 

La  Police  eft  exercée  ,  dans  les  juftices  feigneu- 
riales  ,  par  le  juge  du  feigneur  :  mais  lorfque  dans 
le  même  lieu  il  y  a  un  juge  royal  &  un  juge  fcigneu- 
ral ,  la  Police  générale  appartient  au  juge  royal  feul, 
qui  a  d'ailleurs  la  prévention  pour  la  Police  parti- 
culière dans  la  jiiAice  feigneuriale.  Cette  décifion 
eft  fondée  fur  un  édit  du  mois  de  décembre  1666 , 
qui  a  confirmé  le  prévôt  de  Paris  dans  l'exercice  de 
la  Police  générale  en  première  infiance,  à  l'exclu- 
fion  de  tout  autre  juge  ,  &  lui  a  attribué  la  préven- 
tion fur  leshauts-jufticiers  pour  la  Police  particulière. 

Les  foins  de  la  Police  peuvent  fe  rapporter  à 
onze  objets  principaux  ;  la  religion ,  la  difcipline 
des  mœurs ,  la  fanté  ,  les  vivres ,  la  sûreté  &  la 
tranquilité  publiques,  la  voirie,  les  fciences  &:  les 
arts  libéraux  ,  le  commerce ,  les  manuf?.élures  & 
les  arts  mécaniques,  les  ferviteurs  domeftiques,  les 
manouvriers  &  les  pauvres. 

Les  fondions  de  la  Police  ,  par  rapport  à  la  re- 
ligion ,  confiftent  à  ne  rien  fouffrir  qui  lui  foit  pré- 
judiciable ,  comme  à  écarter  toutes  les  pratiques 
luperflitieufes  ,  faire  rendre  aux  lieux  faints  le  ref- 
peél  qui  leur  eu  dû  ,  faire  obferver  cxaélement  les 
dimanches  &  les  fêtes ,  faire  obferver  ,  dans  les 
proccfiTions  &  autres  cérémonies  publiques,  l'ordre 
Si.  la  décence  convenable  ;  empêcher  les  abus  qui 
fe  peuvent  commettre  à  l'occafion  des  confréries 
&  pèlerinages  ;  enfin,  veiller  à  ce  qu'il  ne  fe  fafTe 
aucun  nouvel  ctabliiTement ,  faîîs  y  avoir  cbfervé 
les  formalités  nécefiaires. 

La  difcipline  des  mœurs  ,  qui  fait  le  fécond  objet 
de  la  Pi>lice,  embrafie  t«ut  ce  qui  cft  néceflaire 


POLICE; 

pour  réprîrner  le  luxe,  l'ivrognerie,  &  la  fréquenta- 
tion des  cabarets  à  des  heures  indues  ;  l'ordre  con- 
venable peur  les  bains  publics,  pour  les  fpeâacles, 
pour  les  jeux  ,  les  loteries  ,  pour  contenir  la  licence 
des  femmes  de  mauvalfe  vie  ,  les  jureurs  &  blaf- 
phémateurs  ,  &  pour  bannir  ceux  qui  abufent  le 
public  fous  le  nom  de  magiciens  &  devins. 

La  fanté,  autre  objet  de  la  Police,  l'oblige  d'éten- 
dre fon  attention  fur  la  conduite  des  nourrices  & 
des  recommandarefles  ,  fur  la  falubritc  de  l'air  ,  la 
propreté  des  fontaines  ,  puits  &  rivières,  la  bonne 
qualité  des  vivres ,  celle  du  vin ,  de  la  bierre  &.  au- 
tres boi/Tons  ,  celle  des  remèdes,  enfin  furies  ma-, 
ladies  épidémiques&  contagieufes. 

Indépendamment  de  la  bonne  qualité  des  vivres," 
la  Police  a  encore  un  autre  objet  à  remplir  pour 
tout  ce  qui  a  rapport  à  la  confervation  Si  au  débic 
de  cette  partie  du  néceiTaire  ;  ainfi  la  Police  veille  à 
la  confervation  des  grains  lorfqu'ils  font  fur  pied  ; 
elle  prefcritdes  règles  auxmoiffonneurs  .  glaneurs, 
laboureurs  ,  aux  marchands  de  grains ,  aux  blatiers, 
aux  mefureurs  porteurs  de  grains  ,  aux  meuniers  & 
aux  boulangers. 

La  Police  étend  pareillement  fon  attention  fur  les 
viandes ,  &  ,  relativement  à  cet  objet ,  fur  les  pâtu- 
rages, fur  les  bouchers,  fur  les  chaircuitiers  ,fHr 
ce  qui  concerne  le  gibier  &  la  volaille. 

La  vente  du  poiiTon  ,  du  lait ,  du  beurre,  du  fro- 
mage, des  fruits  Sc  légumes  ,  eft  aufli  foumife  aux 
lois  de  la  Police. 

Il  ea  eft  de  même  de  la  compofition  &  du  débit 
des  boliTons  ,  de  la  garde  des  vignobles,  de  la  pu- 
blication du  ban  de  vendange ,  &  de  tout  ce  qui 
concerne  la  profclTion  des  marchands  de  vin  ,  des 
braffeurs  &  diftillateurs. 

La  voirie  dont  s'occupe  la  Police ,  embralîe  tout 
ce  qui  concerne  la  folidité  &  la  sûreté  des  bâtimens, 
les  règles  à  obferver  3  cet  égard  par  les  couvreurs  , 
maçons ,  charpentiers  ,  plombiers ,  ferruriers  ,  mc- 
nuifiers. 

Les  précautions  qu'on  doit  prendre  au  fujet  des 
périls  éminens  ,  celles  qu'on  prend  contre  les  in- 
cendies ,  les  feconrs  ^u'on  donne  dans  ces  acci- 
dens,  les  mefures  qu'on  prend  pour  la  conferva- 
tion des  effets  des  particuliers,  font  aufli  une  des 
branches   de  la  Police. 

Il  en  eft  de  même  de  tout  ce  qui  a  rapport  à  la 
propreté  des  rues,  comme  l'entretien  du  pavé,  le 
nétoiement ,  les  obligations  que  les  habitansSi  les 
entrepreneurs  du  nétoiement  ont  chacun  à  remplir 
.1  cet  égard  ;  le  nétoiement  des  places  &  marchés  , 
les  ee,oins,  Its  voiries  ,  les  inondations  ;  tout  cela 
eft  d'il  refibrt  de  la  Police. 

Elle  ne  néglige  pas  non  plus  ce  qui  concerne 
l'embelliflement  &  la  décoration  des  villes ,  les 
places  vides  ,  l'entretien  des  places  publiques ,  la 
faillie  des  bâtimens  ,  la  liberté  du  paiTage  dans  les 


rues. 


Son  attention  s'étend  nufTi  fur  tous  les  voituriers 
de  la  ville  ou  des  envirooî  ;  fur  l'ufage  des  earofles 


police; 

de  place  ,  fur  les  charretiers  Se  batcHers  ,  pa/TeurS 
d'eau ,  fur  les  chemins ,  ponrs  èc  chauliées  de  la  ville 
&  fauxbourgs  &c  des  environs;  fur  les  portes ,  che- 
vaux de  louage  ,  &  fur  les  melTagcries. 

La  sûreté  &  la  tranqui'.ité  publiques  ,  qui  font 
le  fixième  objet  de  la  ÎPol:ce ,  demandent  qif  elle 
prévienne  les  cas  fortuits  &  autres  accidcn,  ;  qu'elle 
empêche  les  violences,  les  homicides,  les  vols, 
larcins,  &  autres  crimes  de  cette  nature. 

C'eft  pour  procurer  cette  même  sûreté  &  tran- 
quilité ,  que  la  Police  oblige  de  tenir  les  portes 
des  maifoas  clofes ,  paff;  une  certaine  heure; 
qu'elle  défend  les  ventes  fufpc-les  &  clandertines  ; 
qu'elle  écarte  les  vagabonds  &  gens  fans  aveu  ; 
détend  le  port  d'armes  aux  perfonnes  qui  font  fans 
qualité  pour  en  avoir  ,  qu'elle  prcfcrit  des  règles 
pour  h  fabrication  ôc  le  débit  des  armes  ,  pour 
la  vente  de  la  poudre  à  canon  &  à  gtboyer. 

Elle  doit  d'ailleurs  ,  pour  la  tranquilité  publique, 
empêcher  les  a(Temblèe~.  iUicicei ,  la  diftribution 
des  écrits  féditieux,  fcandaleux  &  diffamatoires ,  & 
de  tous  les  livres  dangereux. 

Les  m.igiftrats  de  Police  ont  aufTi  infpedion  fur 
les  auberges  ,  hôtelleries  ^  chambres  garnies  ,  pour 
favoir  ceux  qui  s'y  retirent.  Le  jour  fini ,  il  faut 
encore  pourvoir  à  la  tranquilité  Se  sûreté  de  la  ville 
pendant  la  nuit;  les  cris  publics  doivent  ceffer  à 
Hne  certaine  heure  ,  félon  les  difFérens  temps  de 
l'année  :  les  gens  qui  travaillent  du  marteau  ne 
doivent  commencer  qu'à  une  certaine  heure  ;  les 
foldats  doivent  fe  retirer  chacun  dans  leur  quar- 
tier quand  on  bat  la  retraite  ;  enfin  le  guet  &  les 
patrouilles  boargeoifes  &  autres ,  veillent  à  la  sûreté 
des  citoyens. 

En  temps  de  guerre,  &  dans  ks  cas  de  trouble 
&  émotion  populaire,  la  Police  efl:  occupée  à  met- 
tre l'ordre  ,  &  à  procurer  la  sûreté  &  la  tranquillité. 

Les  fcicnces  &  les  arts  libéraux,  qui  font  le 
feptième  objet  de  la  Police  ,  demandent  qu'il  y  ait 
un  ordre  pour  les  univerfités ,  collèges  Se  écoles 
publiques  ,  pour  l'exercice  de  la  médecine  &  de 
la  chirurgie,  pour  les  fages-femmes ,  pour  l'exercice 
■delà  pharmacie,  pour  le  commerce  de  l'imprime- 
rie 5c  de  la  librairie,  pour  les  eftampes  ,  pour  les 
colporteurs ,  &  généralement  pour  tout  ce  qui  peut 
intérefler  le  publicdans  l'exercice  des  autres  fcicn- 
ces &  arts  libéraux. 

Le  commerce,  qui  fait  le  huitième  objet  de  la 
Police,  n'eft  pas  moins  intércHlinr;  il  s'agit  de  ré- 
gler les  poids  &  mcftues,  6i  d'empêcher  qu'il  ne 
toit  commis  aucune  frauile  par  les  marchands, 
commiffionnaires ,  a?,ens  de  change  ou  de  banque , 
&  par  les  courtiers  de  marchandifes. 

Les  manufaâures  &  les  arts  mécaniques^  font 
un  objet  à  part  :  il  y  a  des  règlemens  particuliers 
concernant  les  manufaâures  particulières;  d'autres 
concernant  les  manutaâures  privilégiées  :  il  y  a 
auffi  une  difcipiinc  générale  à  obfervcr  pour  les 
arts  mécaniques. 

Les  ferviteurs ,  domefiiques  Si  manouvricrs  ^  font 


POLICE.  159 

aufli  un  objet  des  foins  de  la  Police,  foit  pour  le' 
contenir  dans  leurs  devoirs ,  foit  pour  leur  aflure'" 
le  payement  de  leur  falaire. 

Enfin,  les  pauvres  honteux,  les  pauvres  malade» 
ou  invalides ,  exigent  l'attention  de  la  Police,  tant  , 
pour  diffiper  les  mendians  valides  ,  que  pour  don- 
ner retraite  à  ceux  qui  font  malades  ou  infirmas  ,, 
Se  pour  procurer  aux  uns  &  aux  autres  les  fecour* 
légitimes. 

On  a  fouvent  reproché  aux  officiers  de  Police 
qu'ils  exerçoient  leurs  fonfiions  militairement:  ce- 
p;ndant  ils  ne-  doivent  pas  ignorer  qu'ils  font  affii- 
jettis  aux  règles  prefcrites  pour  empêcher  tout  offi- 
cier public  d'abufcr  de  fon  auior'ué.  Ainfi  ,  quelqu© 
légère  que  foit  la  peine  qu'ils  prononcent ,  la  preuve 
du  délit  qui  y  a  donné  lieu  doit  être  acquife ,  foit 
par  une  enquête  fommairc,  foit  par  un  procès-ver- 
bal qni  fafîe  foi  :  cette  règle  doit  particulièrement 
être  obfervée  ,  quand  il  s'agit  de  faire  emprifonner 
quelq\i'un.  Plufieurs  officiers  municipaux,  o^lt  été- 
pris  à  partie  ,  pour  avoir  négligé  ces  formalités. 

Le  miniftère  des^  procureurs  n'efl  pas  néceflairc- 
dans  les  affaires  de  Police;  elles  doivent  être  trai- 
tées fommairement  &  jugées  fur  le  chantp. 

Les  gens  du  roi ,  au  châtclet  de  Paris  .  ayant  re- 
marqué que  la  procédure  tenue  à  la  Police  dans  les- 
affaires  contentieufes ,  n'étoit  plus  auffi  fimple. 
qu'autrefois  ,  &c  que  les  conteflatioas  introduites 
dans  ce  tribunal  devenoient  de  jour  en  jour  plus 
longues  &  plus  difpendieufes,  ils  donnèrent  leur 
réquifitoire  pour  faire  rétablir  l'ancienne  difcipline 
&  les  règlemens  tombés  abufivement  en  défuétude  •- 
en  conféquence  ,  M.  le  licutenanr  général  de  Po- 
lice rendit,  le  21  juillet  1769,^3  fcntencc  que 
nous  allons  rapporter  : 

»  Nous,  Antoine-Raymond-JeanGualbert  Ga- 
»  briel  de  Sartine  ,  chevalier,  confeiller  d'état,, 
»  lieutenant-général  de  Police  de  la  ville,  prévôté 
»  Si.  vicomte  de  Paris,  avons  donné  aéle  auxdits. 
»-  gens  du  roi  de  leur  réquifitoire  ;  &  fous  le  boa. 
»  plaifir  de  la  cour  y  faifant  droit,  difons  : 

»  i''.  Que  toutes  les  fois  qu'il  y  aura  demande 
)>  en  validité  de  faille  avec  affignation  pardevant 
»  nous  ,  il  ne  fera  point  permis  au  procureur  conf- 
T>  titué  par  raiîignatioa,  foie  qu'il  y  ait  eu  une  or- 
»  donnance  fur  référé  qui  renvoyé  les  parties  à. 
V  l'audience,  foit  qu'il  n'y  en  ait  pas  eu,  de  donner 
»  aucune  requête  verbale  pour  procéder  fur  la 
»  renvoi  à  l'audience,  attendu  que  In  demande  étant 
»  formée,  il  eft  inutile  de  la  répéter:  il  n'y  aura. 
»  d'autre  procédure  à  faire  de  la  part  du  deman- 
»  deur  ,  que  de  lignifier  un  avenir  ,  Sf  de  pourfiii- 
»  vre  l'audience. 

»  2°.  Que ,  dans  le  cas  ci-defTus ,  le  procureur  du 
n  défendeur  fournira  des  àcknCes  ,  le  procureur 
w  du  demandeur  des  réponfes,  fans  que  ni  l'ua- 
»  l'autre  puiffe  fe  permettre  aucune  autre  pièce 
»  d'écriture,  de  quelc^u'autre  nature  que  ce  puifTe 
3>  être. 
»  3".  Que  s'il  arrive  que  la  partie  ùiùe ,  non 


i6o  POLICE. 

M  encore  ailigiiée  en  validité  de  la  faifie ,  Te  fuit 
»  pourvue  en  1  hôtel  fur  l'ordonnance  de  renvoi 
j>  à  l'audience  qui  fera  intervenue  ,  le  procureur 
«  plus  diligent  du  faifilTant  ou  du  faifi,  pourra  faire 
»  lignifier  une  requête  verbale ,  contenant  fes 
M  moyens  &  concliifions  ;  &  fi  c'eft  la  partie  faifie 
•>*  qui  fe  trouve  la  première  avoir  donné  cette  re- 
»  quête ,  elle  oourra  fournir  de  réponfes  aux  dé- 
»  fenfes  du  faifiifant ,  fans  que  ni  l'un  ni  l'autre 
"  puifle  fignifier  auaine  autre  pièce  de  procédure. 
»  4°.  Que  quand  le  demandeur  aura  obtenu  une 
»  fentence  par  défaut,  adjudicative  de  fes  con- 
j>  clufious  ,  &  que  le  défendeur  y  aura  formé  op- 
»  pofaion ,  fon  procureur  pourra  fournir  des  caufes 
»  &c  moyens  d'oppofition  ,  &  le  procureur  du  de- 
«  mandeur  des  réponfes  ,  fans  que  ni  l'un  ni  l'au- 
»  tre  puiffc  encore  fign'ifier  ^aucune  autre  pièce 
»  d'écriture. 

"  5°.  Que  dans  le  cas  où  le  procureur  du  défen- 
»  deur  auroit  fourni  des  défenfes  à  la  demande 
»  principale,  avant  la  fentence  obtenue  contre  lui 
»  par  défaut ,  il  ne  pourra  plus  fournir  de  caufes 
»  &  moyens  d'oppofition. 

j  »  6".  Que  s'il  étoit  intervenu  fentence  interlo- 
»  cutoire  qui  ordonnât  une  vifite  d'experts  ,  ou 
?>  une  enquête,  ou  mifeen  caufe  ,  le  procureur  pli;s 
3)  diligent ,  après  l'interlocutoire  exécuté,  pourra 
»  fignifier  requêtes  contenant  fes  moyens  &  fes 
5>  conclurions  ,  &  le  procureur  adverfe  pourra  y 
■I)  fournir  des  défenfes;  le  tout  fommairement , 
j)  fans  que  ni  l'un  ni  l'autre  puifle  fignifier  non  plus 
«  aucunes  autres  écritures. 

»  7°.  Qu  il  ne  fera  pafleen  taxe  aucune  audience 
M  &  journée  ,  ni  qualité  de  remife,  qu'autant  que 
>)  le  plumitif  du  greflier  en  fera  chargé. 

»  Ordonnons  aux  procureurs  du  chàtelet  de  fe 
>î  conformer  au  préfent  règlement;  à  l'effet  de 
»>  quoi  difons  ,  qu'à  la  requête ,  pourfuite  &  dili- 
»>  gcnce  du  procureur  du  roi ,  il  fera  envoyé  aux 
i>  procureurs  de  communauté  ,  pour  être  tranfcrit 
V  fur  le  regiftre  des  délibérations  ,  imprimé ,  &  un 
j>  exemplaire  d'icelui  envoyé  à  chacun  des  mem- 
Y>  bres  de  la  communauté  v. 

Les,amendes  &  la  prifon  prononcées  en  matière 
de  Police  ,  n'emportent  point  infamie  j^comme  l'a 
©bfervé  Loifeau  dans  fon  traité  des  feigneuries. 

Les  fentences  rendues  dans  cette  matière,  s'exé- 
cutent par  provifion  ,  nonobfiant  l'appel  ;  &  même 
lorfque  l'amende  qu'elles  prononcent  n'excède  pas 
foixante  fous  ,  le  juge  d'appel  ne  peut  point  accor- 
der de  défenfes  de  les  exécuter.  C'eft  ce  qui  re- 
faite,  tant  de  l'article  12  du  titre  17  de  l'ordon- 
nance du  mois  d'avril  1667  ,  que  de  la  déclaration 
du  28  décembre  1700. 

Par  une  autre  déclaration  du  23  décembre  1738 , 
publiée  au  parlement  de  Befançon  ,  l'exécution  in- 
définie des  fentences  de  Police  a  été  ordonnée  , 
fans  que  les  fermiers  du  domaine  ,  en  pourfuivant 
le  recouvrement  des  amendes ,  fuflent  tenus  de 
donner  caution.  Les  juges  fupérieurs  ne  peuvent 


POLICE. 

Airfeoir  l'exécution  de  ces  fentences  ,  dans  le  cas 
où  elles  n'excèdent  pas  cent  livres,  &  lorfqu elles 
excèdent  cette  fomme ,  les  condamnés  doivent  les 
configner  ,  pour  être  reçus  appelans. 

On  ne  peut  pas  décliner  la  juridiâion  de  la  Po- 
lice en  vertu  des  lettres  de  committimus  ou  de  garde- 
gardienne,  parce  qu'il  n'y  a  point  de  privilège  qui 
doive  l'emporter  fur  celui  de  l'ordre  public,  au- 
quel les  délais  d'un  renvoi,  en  cas  pareil,  pour- 
roient  être  très-préjudiciables. 

Les  fonctions  des  magifirats  de  Police  ne  fe  bor- 
nent pas  à  faire  exécuter  les  ordonnances  &  les 
arrêts  concernant  la  Police  ;  ils  ont  auflî  le  droit 
de  faire  des  réglemens  dans  l'étendue  de  leur  juri- 
diécion.  Il  fufEt  que  ces  réglemens  paroiflent  dic- 
tés par  des  vues  d'intérêt  public  ,  &  qu'ils  ne  foient 
point  oppofés  à  ceux  qui  font  émanés  de  l'auto- 
rité fupérieure. 

M.  le  procureur  du  roi  au  chàtelet  de  Paris  ayant 
remontré  que  l'exécution  des  réglemens  de  Police 
donnoit  lieu  journellement  à  des  contraventions 
non  moins  préjudiciables  au  bon  ordre  qu'a  la  sû- 
reté publique  ;  que  la  multiplicité  de  ces  réglemens 
&  la  négligence  de  s'inftruire  de  leurs  difpofuions, 
expofoient  les  citoyens  à  des  condamnations  pé- 
cuniaires qu'il  leur  étoit  difficile  de  fupporter  ;  que 
pour  éviter  le  dommage  que  prodiiifoit  la  con- 
trainte, &  prévenir  le  dcfordre  qu'entraînoit  l'a- 
bus ,  il  croyuit  devoir  propofer  de  raflembler 
dans  une  feule  &  même  ordonnance  quelques  dif- 
pofitions  des  anciens  réglemens  relatifs  aux  contra- 
ventions dans  lefquelles  les  particulie.*'S  tomboieiit 
le  plus  fûuvent;  M.  le  lieutenant-général  de  Police 
rendit  en  conféquence  ,  le  26  juillet  1777  ,  la  fen- 
tence que  nous  allons  rapporter. 

«  Nous,  faifant  droit  fur  le  réquifitoire  du  procu- 
«  reur  du  roi ,  ordonnons  : 

»  Article  i.  Que  lesédits,  arrêts,  déclarations, 
'»  réglemens  &  ordonnances  en  matière  de  Police, 
»  précédemment  rendus,  feront  exécutés  félon  leur 
»  forme  &  teneur. 

Il  2.  Seront  en  conféquence  tenus  tous  bourgeois 
»  &  habitans  de  la  ville  &  fauxbourgs  de  Paris  , 
»  de  quelque  état  &  condition  qu'ils  foient,  de 
»  taire  balayer  régulièrement  chaque  jour ,  tant  en 
»  été  qu'en  hiver  .  aux  heures  qui  leur  feront  indi- 
î»  qiiéiis  ,  &  avant  le  paflage  des  tombereaux  def- 
»  tinés  à  l'enlèvement  des  boues  ,  devant  leurs 
)>  maifons  ,  cours  ,  jardins  &  autres  emplacemens 
»  dépendans  des  lieux  qu'ils  occupent  ,  jufqu'au 
)>  ruifleau,  même  la  moitié  des  chauflées,  &  de 
)>  pouiTer  les  ordures  &  immondices  à  côté  des 
5j  murs  de  leurs  maifons,  fi  ce  n'eft  dans  les  rues 
M  en  chaufîées  ,  où  ils  feront  avertis  de  les  remet- 
)7  tre  en  tas  fur  le  bord  des  ruifi"eaux ,  afin  que 
ï>  l'entrepreneur  du  nétoicment  puiffe  les  faire 
J)  enlever. 

»  3.  Faifons  défenfes  à  tous  particuliers,  de  quel- 
)>  que  état  &  condition  qu'ils  foient,  de  jeter,  ni 

fouftVir 


POLICE. 

w  fouffrir  qu'il  foit  jeté  dans  les  rues  aucunes  or- 
7>  dures  de  jardins  ,  ieuilles  ,  immondices,  cendres 
»  de  lefcives,  ardoifes ,  tuiles,  tuileaux,  raclures 
»  de  cheminée  ,  gravois ,  ni  d  y  mettre  ou  faire 
j>  mettre  aucuns  t'umiers ,  ni  autres  ordures  de 
j»  quelque  efpèce  qu'elles  puifTent  être  ,  8c  notam- 
i>  ment  après  le  p.iiTage  des  tombereaux  pour  l'en- 
j>  lèvement  de»  boues. 

■>y  4.  Seront  tenus  tous  ceux  qui  auront  chez  eux 
»  des  gravois  ,  poteries,  bouteilles  caffées,  verres 
j>'  à  vitre ,  morceaux  de  glaces ,  ou  vieilles  ferrailles, 
»  de  les  raflembler  dans  les  paniers  &  autres  uften- 
î)  files  ,  pour  les  porter  dans  la  rue,  &  de  les  met- 
3»  tre  dans  un  tas  féparé  de  celui  des  boues,  fans 
»  pouvoir  les  mêler  avec  lefdites  boues ,  ni  les  je- 
«  ter  par  les  fenêtres. 

»  5.  Faifons  défenfes  à  tous  particuliers  ,  de 
5»  quelque  état  &  condition  qu'ils  foient ,  de  jeter 
»'  par  les  fenêtres  ,  dans  les  rues  ,  rant  de  jour  que 
»  de  nuit,  aucunes  eaux  ,  urines ,  matières  fécales, 
î»  &  autres  ordures  ,  de  quelque  nature  qu'elles 
«  puiffent  être  ,  ni  de  mettre  fur  leurs  balcons  ik 
»>  appuis  de  fenêtres  ,  des  pots  de  fleurs  ,  des  cages 
s»  ou  jardinets  ,  &  autres  objets  en  danger. 

«  6.  Ordonnons  que  pendant  l'été  Ck  dans  les 
»»  temps  de  chaleurs,  les  bourgeois  Sc  habitans  de 
î»  cette  ville  &  fauxbourgs  arroferontou  feront  ar- 
«  rofer  le  devant  de  leurs  portes  deux  fois  par 
»  jour;  favoir,  à  dix  heures  du  matin,  &  à  trois 
n  heures  après  midi  ,  en  obfervant  toutefois  de 
w  n'arrofer  qu'à  la  diftance  de  deux  pieds  ou  cn- 
ï>  viron  des  murs  de  leurs  maifons  &  bàtimens  , 
>»  &  de  ne  pas  prendre  pour  ledit  arrofement  de 
»  l'eau  croupi/Tante  dans  les  ruifîeaux. 

»  7.  Enjoignons  aux  aubergines  &  à  ceux  qui 
>•  logent  en  chambres  garnies ,  de  tenir  deux  re- 
«  giilres  ,  cotés  &  paraphés  par  première  &  der- 
»  nière ,  par  le  commiffaire  ancien  de  leurs  quar- 
»  tiers  ,  où  ils  écriront  de  fuite  &  fans  aucun  blanc, 
»»  les  noms  ,  furnoms ,  pays ,  qualités  &  profef- 
»  fions  de  ceux  auxquels  ils  donneront  à  loger 
>»  dans  leurs  maifons ,  &  le  jour  de  leur  arrivée 
M  &  de  leur  départ  ;  l'un  defquels  regiftres  fera 
»»  repréfenté  chaque  jour  à  l'infpefleur  de  Police 
>»  de  quartier,  &  le  double  remis  le  dernier  jour 
M  de  chaque  mois  audit  commiflaire  ancien  ,  pour 
11  être  par  lui  /igné  &  vifé  :  feront  également  te- 
»>  nus  les  marchands  fripiers,  tapiflîers  ,  brocan- 
•»}  teurs  &  autres,  achetant  des  marchandifes  vieil- 
»»  les  ,  d'avoir  des  regiftres  cotés  &  paraphés  par 
î)  l'ancien  des  commiffaires  du  quartier ,  à  l'effet 
î>  d'y  infcrire ,  jour  par  jour  ,  de  fuite ,  &  fans 
j>  aucun  blanc,  la  quantité  &  qualité  des  mar- 
»♦  chandifes  vieilles  qu'ils  achèteront;  enfemble 
«  les  noms  &  domiciles  des  vendeurs  ,  pour  être 
«  lefdits  regifires  repréfentés  aux  conimiflaires  du 
»)  chàtelet ,  tontes  les  fois  qu'ils  le  requerront ,  & 
3>  tous  les  mois  aux  infpefleurs  de  Police  ,  par  lef- 
«  quels  ils  feront  vifés  &  paraphés. 

»  8.  Ordonnons  à  tous  particuliers  de  renfermer 
T«m<  XllL 


POLICE.  i6£ 

M  dans  leurs  maifons  leurs  charrettes,  hacquets, 
n  Se  autres  voitures  faifant  embarras  ,  &  pouvant 
»  donner  lieu  à  des  accidens  :  permettons  de  faifir 
»  &  mettre  en  fourrière  toutes  celles  qui  feront 
»  trouvées  en  contravention. 

»  9.  Enjoignons  aux  propriétaires  ,  maîtres  nia- 
»  çons  ,  charpentiers  6c  entrepreneurs  de  bâti- 
j»  mens,  de  renfermer,  tailler  &  préparer,  dans 
»  l'intérieur  defdits  bàtimens,  les  pierres  &  maté- 
»  riaux  deftinés  à  iceux  ,  autant  que  ledit  intérieur 
)>  en  pourra  contenir.  Leur  faifons  défenfes  de 
»  faire  décharger  les  pierres,  moèlons ,  charpente 
»  &  autres  matériaux  qui  ne  pourront  être  conte- 
»  nus  dans  l'intérieur  des  bàtimens,  ailleurs  que 
>»  dans  les  emplacemens  qui  leur  auront  été  afïï- 
"  gnés  par  les  commillairesdes  quartiers  ;  défenfes 
»  a  eux  de  faire  porter  dans  les  rues  Si  places  de 
»  cette  ville  ,  une  plus  grande  quantité  defdits  ma- 
»  tériaux  ,  que  ce  qui  pourra  être  employé  dans 
»  le  cours  d'une  fcmaine  au  plus  ,  fi  ce  n'eft  pour 
n  les  édifices  publics. 

n  10.  Défendons  pareillement  de  ne  faire  for- 
»»  tir  dans  les  rues  &  places,  les  décombres  ,  re- 
"  coupes  ,  pierres  ,  moellons ,  terres  ,  gravois  ,  ar- 
>»  doifes ,  tuileaux  ,  &  autres  matières  provenant 
»  des  démolitions  de  bàtimens  ,  qu'autant  qu'ils 
'>  pourront  être  enlevés  dans  le  jour  ;  en  forte  qu'il 
»  n'en  refte  point  pendant  la  nuit.  Enjoignons  aux- 
»  dits  propriétaires,  maîtres  maçons  ,  charpentiers 
»  8c  autres  entrepreneurs  de  bàtimens  ,  de  faire 
»  balayer  tous  les  jours  aux  heures  prefcrites  par 
»  les  réglemens ,  le  long  de  leurs  bàtimens  &c 
»  atteliers  ,  &  de  faire  enlever  les  recoupes  deux 
»  fois  la  femaine  ,  ou  plus  fouvent  s'il  efl  nécef-  ' 
»  faire  ,  de  manière  que  leurs  atteliers  n'en  foient 
>♦  pas  engorgés. 

3-' II.  Ordonnons  aux  maîtres  couvreurs,  fai- 
"  fant  travailler  aux  couvertures  des  maifons  , 
»»  de  faire  pendre  au-devant  d'icelles  deux  lat- 
"  tes  en  forme  de  croix  au  bout  d'une  corde  ,  8c 
"  d'attacher  auxdites  lattes  un  morceau  de  drap 
»  d'une  couleur  voyante;  leur  enjoignons  8c  à 
»  tous  autres  faifant  travailler  dans  le  haut  des 
»  maifons  ,  lorfqu'il  y  aura  le  moindre  danger 
»  pour  les  paflans ,  de  faire  tenir  dans  la  rue  un 
»  homme  ,  pour  avenir  du  travail  8c  prévenir  les 
»  accidens. 

«  1 2.  Faifons  défenfes  h  tous  marchands  épiciers , 
>»  marchands  de  vins  ,  tnpifliers  ,  fripiers,  fculp- 
'»  teurs,  marbriers,  menuifiers ,  ierruriers  ,  laye- 
J7  tiers,  fruitiers,  charrons  ,  loueurs  de  carro/Tes, 
"  charretiers,  8c  à  tous  autres,  de  travailler  ou 
n  faire  travailler  dans  les  rues,  d'y  établir  des 
»  atteliers,  tables  8c  tréteaux,  8c  de  laiffer  au- 
j>  devant  de  leurs  maifons  ,  fous  quelque  pré- 
i>  texte  que  ce  foit,  même  pour  fervir  de  mon- 
»  tre  ,  aucuns  ballots  ,  tonneaux  ,  meubles ,  trains , 
M  carrolfes  ,  charrettes  ,  8c  autres  voitures  ,  ni 
«"aucuns  autres  objets  de  leurs  métiers  3i  pro- 
»  felTions. 


i6i  POLICE. 

«  13.  Défendons  à  tous  marchands  Se  loueurs 
»  de  chevaux,  d'eflayer  ni  faire  eflayer  leurs  che- 
»  vaux  dans  les  rues  &  places  de  cette  ville  ;  leur 
»  enjoignons  de  fe  retirer  dans  le  marché  public 
»  &  dans  les  endroits  écartés  qui  font  à  ce  def- 
»  tinés  :  faifons  pareillement  défenfes  à  tous  char- 
j>  retiers  de  conduire  leurs  voitures  &  charrettes 
»  étant  montés  fur  leurs  chevaux  ,  ou  de  les  faire 
}>  courir  dans  les  rues;  leur  enjoignons  de  les  con- 
»>  duire  à  pied. 

j>  14.  Enjoignons  à  tous  jardiniers,  voituriers  , 
M  &  autres,  qui  enlèvent  les  fumiers  des  maifons 
n  de  cette  ville  &  fauxbourgs  de  Paris,  de  mettre 
•>  fur  leurs  charrettes  &  autres  voitures ,  une  banne 
j>  de  longueur  &  largeur  capables  de  les  couvrir, 
5>  de  manière  qu'il  ne  puifle  tomber  aucuns  fu- 
«  miers  dans  les  rues.  Enjoignons  aufli  à  tous  voi- 
M  turiers  &  plâtriers  qui  amènent  des  plâtres  à  Pa- 
»  ris  ,  de  couvrir  leurs  charrettes  &  voitures  d'u- 
3>  ne  pareille  banne  ,  en  obfervant  de  mettre  fous 
»  leurs  charrettes,  &  à  côté  des  ridelles,  des  nat- 
»  tes  propres  à  contenir  leurs  plâtres. 

»>  15.  Faifons  défenfes  à  toutes  perfonnes  de 
»  jouer  dans  les  rues  &  places  publiques  ,  au  vo- 
)>  lant,  aux  quilles,  au  bâtonnet,  d'élever  cerf- 
j>  volans  ,  &  de  jouer  à  tous  autres  jeux  dont  les 
»  paffans  puirtent  être  incommodés  oublefrés,ou 
)>  les  lanternes  publiques  calTées. 

»  16.  Enjoignons  à  tous  propriétaires,  loca» 
»  taires  &  fous-locataires  de  maifons  ,  de  faire 
j>  exa^îement  ramoner  les  cheminées  des  appar- 
5>  temens  &  autres  lieux  par  eux  loués,  fous- 
»  loués  ou  occupés  ;  leur  enjoignons ,  en  cas  de 
»  feu  ou  incendie j  défaire  avertir  fur  le  champ  les 
»  pompiers ,  &  défenfes  de  leur  refufer  l'entrée 
«  de  leurs  maifons ,  quand  ils  s'y  préfenteront 
3>  d'office. 

»  17.  Faifons  très-expre/Tes  défenfes  à  tous  par- 
j>  ticuliers,  de  quelque  qualité  &  condition  qu'ils 
3)  foient,  de  tirer  aucuns  pétards  ou  fufées  ,  boîtes, 
jj  pommeaux  d'épée  eu  fauciflions  ,  piflolets  ,  fu- 
»  fils  ,  moufquetons  ,  ou  autres  armes  à  feu  ,  dans 
»  les  rues ,  cours  ou  jardins  ,  &  par  les  fenêtres 
»  de  leurs  maifons,  pour  quelque  caufe  &  occa- 
3>  fion  que  ce  foit  ;  leur  défendons  pareillement  de 
3j  brûler  ou  faire  briller  dans  les  rues  ,  de  la  paille  , 
j>  de  la  fougère  ,  des  feuilles  de  jardins  &  toutes 
«■  autres  matières  combuftibles. 

j)  18.  Seront  tenus  tous  les  habitans  de  cette 
»  ville  &  fauxbourgs ,  de  quelque  état  &  condi- 
«  tion  qu'ils  foient  ,  de  fermer  les  portes  de  leurs 
n  maifons  à  l'entrée  de  la  nuit. 

»  19.  Faifons  défenfes  à  tous  cabaretiers  ,  ta- 
V  verniers  ,  limonadiers,  vinaigriers  ,  vendeurs  de 
»  bierre,  d'eau  de-vie  &  de  liqueurs,  au  détail, 
M  d'avoir  leurs  boutiques  ouvertes  ,  ni  de  rece- 
i>  voir  aucunes  perfonnes  chez  eux  ,  8c  d'y  donner 
)>  à  boire  ,  paffé  dix  heures  du  foir,  depuis  le  pre- 
«  mier  novembre  jufqu'au  premier  avril ,  &  de- 
j>  puis  le  premier  avril  jufqu'au  premier  novem-  ! 


POLICE. 

»  brc,  après  onze  heures  ;  leur  défendons  pareil- 
r>  lementde  recevoir  chez  eux  aucunes  femmes  de 
»  débauche  ,  vagabonds,  mendians  ,  gens  fans  aveu 
))  &  filoux. 

»  20.  Faifons  très-expreffes  inhibitions  &  défen- 
»  fes  à  tous  marchands  de  vins,  traiteurs,  caba- 
))  retiers ,  limonadiers ,  débiteurs  de  bierre  8c  d'eau- 
»  de-vie  ,  &  à  tous  autres  particuliers  faifant  pro- 
»  feflîon  de  donner  à  boire  &  à  manger  ,  même 
')  à  ceux  qui  tiennent  des  jeux  de  boules ,  de 
»  donner  à  jouer,  ni  fouflrir  que  l'on  joue  chez 

V  eux  aux  dez ,  aux  cartes,  ni  à  aucuns  jeux  de 
5)  hafard  ,  de  quelque  nature  qu'ils  foient ,  quand 
»  même  l'on  n'y  joueroit  pas  d'argent,  &  que  ce 
))  feroit  fous  prétexte  de  payer  les  dépenfes  faites 
»  en  leurs  maifons  &  cabarets. 

»  21.  Ne  pourront  les  marchands  devins^traî- 

V  teurs ,  limonadiers,  marchands  de  bierre  &  au- 
î>  très  faifant  profeiTion  de  donner  à  boire  Si  à 
»  manger  dans  la  ville ,  fauxbourgs  &  les  envi- 
»  rons  de  Paris  ,  avoir  des  violons  &  tenir  des- 
»  aifemblées  de  danfe  chez  eux  les  jours  ouvriers  ,. 
5>  fi  ce  n'eft  en  cas  de  noces  ,  8c  à  la  charge  d'ob- 
»  tenir  la  permiffion  néceflaire  ,  de  la  repréfenter 
3>  préalablement  au  commandant  de  la  garde  de. 
»  Paris  ,  &  de  faire  retirer  les  violons  à  l'heure  de 
»  minuit. 

j>  22.  Défendons  auxdits  marchands  de  vins,. 
»  limonadiers ,  marchands  de  bierre  8l  eau-dc-vie  , 

V  &  autres  liqueurs  ,  de  donner  à  boire  chez  eux  , 
)»  &  aux  maîtres  pauhniers  de  laifTer  jouer  chez- 
»  eux  aux  heures  du  fervice  divin. 

5)  23.  Faifons  défenfes  à  toutes  perfonnes  qui* 
»  iront  dans  les  jeux  de  billard ,  de  faire  aucuns 
«  paris  ,  direfleraent  ni  indireflement ,  même  de- 
j>  donner  des  avis  &  confeils  à  ceux  qui  joueront , 
))  à  quelques  jeux  que  cefoit  ;  &  ai^x  mnîtresdefdits 
))  jeux  de  fouffrir  qu'il  foit  fait  aucuns  paris,  &r' 
»  donné  des  confeils  aux  joueurs.  Faifons  pareil- 
)}  lement  défenfes  auxdits  maîtres  de  jeux  de  bil-- 
»  lard  ,  de  donner  à  jouer  au  billard ,  paffé  fept 
37  heures  du  foir  en  hiver  ,&  neuf  heures  en  été: 

3>  24.  Faifons  défenfes  à  tous  marchands  ,  arti- 
»  fans,  maçons,  manœuvres,  crocheteurs  ,  char- 
)»  retiers,  &  autres  gens  de  journée ,  de  vendre, 
3>  voiturer,  &  travailler  les  jours  de  dimanches  8c 
»  fêtes. 

»  25.  Défendons  pareillement  à  tous  proprié- 
5)  taires  8c  principaux  locataires  de  maifons,  de' 
j)  louer  aucunes  chambres,  ni  donner  retraite  à 
j»  des  femmes  de  drbauche  Ôc  gens  fufpséls. 

»  26.  Faifons  défenfes  aux  chiffonniers,  chif- 
3>  fonnières  ,  81  à  tous  autres ,  de  vaguer  par  les 
j)  rues  pendant  la  nuit,  &  d'amaffer  des  chiffons 
»  avant  le  jour, 

})  27  8i.  dernier.  Toutes  les  difpofitions  con- 
»  tenues  en  la  préfenre  ordonnance  feront  exécu- 
«  tées  ,  fous  peine  ,  contre  chacun  des  contreve- 

V  nans ,  d'amende  ,  de  confifcation  des  marchan- 


POLICE  D'ASSURANCE. 

«  difes  ,  de  fermeture  de  boutique  ,  de  prifon  ,  de 
M  punition  corporelle  &  autres  ,  fuivant  l'exigence 
M  des  cas,  ainfi  qu'il  eft  porté  par  les  précédentes 
»  ordonnances,  arrêts  Scrèglemens;  &  feront  les 
"  pères  &  mères  ,  maîtres  &  maîtrefies ,  civile- 
M  lement  refponfables  pour  leurs  enfans  ,  appren- 
"  tis  ,  ferviteurs  &  domeiliques. 

■»  Ce  fut  fait  &  donné  par  nous  Jean-Char- 
5»  LES-PiERRE  LE  NOIR,  confeiller  d'état,  lieu- 
5'  tenant-général  de  police  de  la  ville,  prévôté  & 
»  vicomte  de  Paris  ,  le  vingt-fix  juillet  mil  fept 
>»  cent  foixante  dix-fept. 
»)  LE  NOIR.  MOREAU. 

MORISSET,  grefl:r. 

Voye^  le  traité  de  la  Police  du  commijff'jire  h 
Mare  ;  le  diBionnaire  des  arrêts  ;  le  code  de  la  Police  ; 
les  arrêts  de  Piipon  ;  le  recueil  des  ordonnances  ,  &c. 
Voyez  auffi  les  articles  Lieutenant-général  de 
Police,  Maire, Inspecteur  de  Police, Rue, 
Boues  et  Lanternes  ,  &c. 

POLICE  &  CONTRAT  D'ASSURANCE  (i). 
On  appelle  contrat  d\:Jfurance  ,  une  convention  par 
laquelle  l'un  des  contraiHans  fe  charge,  moyennant 
une  certaine  fomme ,  du  rifque  des  cas  fortuits 
auxquels  une  chofe  eft  expofée  ,  &  s'oblige  envers 
l'autre  contraflant  de  Tindemnifer  de  la  perte  que 
lui  cauferoient  ces  cas  fortuits  ,  s'ils  avoient  lieu. 

Et  l'on  appelle  Police  d'ajfurance ,  l'adle  qu'on 
drelle  par  écrit  de  cette  convention  (  2). 

(i)  Cet  article  e;l  particulièrement  une  analyle  cominen- 
tce  du  titre  des  afluranres  de  l'crdonnance  de  la  marine.  Nous 
fuivons,  dans  l'explication  des  maiières  ,  Je  rcême  ordre  cju'a 
fuivi  !e  légiflateur  dans  fes  décidons, 

(l)  Formule  de  PoUci  d'AJfurance  pour  un  navire  : 

N".  A  U    N  O  M    D  E    D  I  E  U. 

Nous  Aflureurs  foulîîgnés,  promettons  &  nous  obligeons  à 
vous,  Monfieur  H...  d'all'urer  &  aflurons;  favoir  :  chacun  de 
nous  la  fomme  par  nous  ci-deflous  déclarée-  fur  le  corps  , 
quille  ,  agtJrs  ,  appareaux  ,  appendances  &:  dépendances  du 
navire  nommé  A...  du  port  de  cent  tonneaux  ou  environ  ,  de 
préfent  en  ce  port  de  Dunkerque  ,  en  defiination  pour  Mar 
feille  &:  de  retour  en  ccdit  port  ,  ler^^ucl  navire  vous  ellimcz  à 
la  fomme  de  trente  mille  livres  tournois  ,  de  laquelle  eftima- 
tion  nous  nous  contentons  &  contentons  de  gré  à  gré  eue 
vous  faffiez  affurer  de  ladite  fomme  en  plein  eu  en  partie, 
même  le  dixième  exccp;é  par  l'ordonnance,  &  la  prime,  fi 
bon  vous  femble ,  fans  que  nous  puilTion  s  exiger  d'autre  pièce 
juflificative  de  ladite  valeur  que  la  préfente  Police  i  le  tout  en 
prime  liée,  au  cas  d'avaii:s,  ne  vous  rembourfcr  que  l'excé- 
dent de  rrcis  peur  cent,  &:  en  as  de  perte  totale  ,  cchoue- 
nient,  ou  délaiflement  fuivi  d'abandon  ,  vous  payer  en  plein  , 
fur  bonne  oumauvaifc  nouvelle  ,  &  renonçant  à  la  lieue  & 
demie  pour  heure  ,  le  tout  de  bonne  foi.  Lequel  rifque  pre- 
nons à  nette  charge  ,  depuis  le  jour  £>;  heure  que  ledit  navire 
lâchera  t'es  amares  pour  appaieiller  de  cedit  p orr  de  Dunker- 
que  ,  &:  durera  jufqu'à  tant  quelcdit  nayire  foit  arrivé  à  Mar- 
ftille,  &:  de  retour  en  ce  port  de  vingt-quatte  heures  en  bon 
fauvement ,  &:  accordons  que  ledit  navire  ou  navires  ,  faifant 
ledit  voyage  ,  pouttont  naviguer  avant  &  arrière  ,  à  dextte  &: 
à  l'enellre  côté  :  Nous  foumettant  de  courir  rifque  de  tous 
périls  de  mer,  de  feu  ,  des  vents  ,  d'amis  ,  d'ennemis  ,  de 
lettres  de  marque  &  contre-marque,  d'arrérs  &  détentions 
des  rois,  ptipces  &  feigneurs  quçlconcjuesj  6:  dç baxatçtic  de 


POUCE  D'ASSURANCE.      163 

On  peut  faire  plufieurs  fortes  de  contrats  d  Af' 
furance  ;  mais  celui  qui  eft  le  plus  ufité  eft  le  con" 

patron  ,  maître  ,  marinier ,  &:  géné;a!cment  tous  autres  périls 
&.  fortunes  ou  cas  fortuits  qui  pourroient  avenir  en  quelque 
manière  que  ce  foit  qu'on  puifle  imaginer  ;  nous  mettant  de 
tout  en  la  place  de  vous  ledit  (leur  H...  pour  vous  garantir 
&  indei>inifer  de  toutes  pertes  &  dommages  qui  pourroient 
arriver:  Et  en  cas  de  perte  ou  dommage  audit  navire,  &.'c. 
(  ce  que  dieu  ne  veui  le  )  promettons  &:  nous  obligeons  de 
payer  ou  rembourfer  à  vous  ou  votre  ordre  ,  lO'Jte  la  perts  &: 
dommage  (jU:  vousai'rcz  reçu  à  proportion  de  la  femme  que 
chacun  de  nous  avons  afl'jrée  ;  favoir  :  fi  bien  le  premier  de 
nous  comme  le  dernier  ,  &:  ce  trois  mois  après  que  nous  ferons 
duement  informés  de  la  pette  ou  dommage  arrivé  audit  na- 
vire, &:  en  tel  cas ,  donnons  chacun  de  nous  pouvoir  fpécial  à 
vous  ledit  fieur  H..,  ou  à  votre  commis  ,  pour  tant  à  notre 
dommage  que  profit ,  travailler  ou  faire  travailler  à  la  faiva- 
tion  dudit  navire,  &:c.  ,  promettant  en  tout  év'nementde 
payer  les  fuis  &  dépens  faits  pour  la  falvation  dudit  navire  , 
&:c. ,  foit  qu'ils  foient  recouvrés  ou  non,  ajoutant  foi  &: 
entier  crédit  au  compte  ,  &  à  la  pcrfonne  ou  perfonnes  qui 
auront  fait  lefdits  frais  &  dépens  5  cor.fiflbns  être  payés  du 
prix  de  la  préfsnte  Aflurance  de  vous  Monfieur  H...  à  raifon 
de  cinq  pour  cent,  payable  en  vone  billet  à  trois  mois  du 
jour  de  lapréfence,  le  tout  en  bonne  fci  ,  fans  fraude  ni 
malengin,  félon  &  fuivant  l'ordonnance  de  fa  niajeflé  da 
mois  d'août  mil  fix  cent  quatre  vingt-un  :  Et  en  cas  de  con- 
tellation  entre  nous  pour  le  fait  de  la  préTente  AfTurance  &: 
dépendance  d'icelle,  nous  conviendrons  d'arbitres  pour  ju- 
ger les  diffv-rens  :  pour  l'exécution  de  tout,  obligeons  tous 
nos  biens  avec  tenonciation  à  toutes  exceptions  Se  trompe- 
ries contraires  à  ces  préfentes  ;  la  ptcfente  étant  une  fuite  p,i- 
rci  le  &  conforme  ,  &:  pour  joindre  à  une  autre  police  Se 
avoir  le  même  effet  ,  comme  n'étant  qu'une  même  chofc. 
Sommes  convenus  encore  ,  de  vous  rembourfer  en  plein  ,  à. 
l'expiration  de  fix  mois ,  fans  aucune  nouvelle  de  l'exiflence 
dudit  navire,  dérogeant  à  cet  égard  par  ces  préfenres  à  l'article 
LVIII  du  titre 'V'I  de  l'ordomiance  de  la  miiine  de  icSi  ,  ôc 
à  toutes  lois ,  coutumes,  ufages  Se  commentaires  à  ce  con- 
traires. 

Fait  à  Dunkerque  le 

Formule  de  Fo'.ici  d'Ajfurancepour  mûrchand'f<s. 

N\  AU    NOM   DE  DIEU. 

Nous  AlTureu.s  fouflignés,  promettons  &:  nous  obligeons  à 
vous  iMonfieur  A...  d'alfurer  Se  alRivons  ;  favoir:  chacun  de 
nous  la  fomme  par  nous  ci-delTous  déclarée  fur  marchandifes 
ciiarg'e:  à  Dunkerque  pour  Marfeiile,  marquées  &  numérotées 
D,  fuivant  coonoiflementen  date  du...  à  nous  exhibé  à  boiddu 
navire  nommé  le  Tri tor,  capitaine  H...  ou  tout  autre  à  fa  place 
le  repttfentant  jkfqaelles  marchandifes  vous  ertin:ezà  la  fom- 
me lie,.,  de  laquelle  eflimationnous  nous  contentons  &:  con- 
fentons  que  vous  fafllez  afTuret  ladite  fomme  en  plein  ou  en 
partie,  même  le  dixième  excepté  pat  l'ordonnance,  &  la  prime, 
h  bon  vous  femble  ,  pour  ,  en  cas  de  perte  totale  ,  délaiflement 
fuivi  d'abandon,  vous  payer  en  plein  ,  &:  au  cas  d'avarie  ,  ne 
vous  remettre  que  l'excédentgde  fix  pour  cent  fur  marchandifes 
liquides  ,  ic  trois  pour  cent  fur  marchandifes  fèches ,  le  tout 
de  bonne  foi.  Lequel  lifque  prenons  à  notre  chage  ,  depuis 
le  jour  &:  heure  que  lefdites  marchandifes  auront  été  chargées 
à  bord  dudit  navire  ,  ôc  durera  jufqu'à  tant  que  ledit  navire 
foit  arrivé  à  Marfeiile,  &  lefdites  marchandifes  déchargées  en 
bcn  fauvement,  &  accordons  que  ledit  navire  ou  navires  , 
faii.înt  ledit  voyage  ,  pourront  naviguer  avant  &  arrière,  .1 
dcxtre  &.'  à  feneftre  côté:  Nous  foumettant  de  courir  tifque 
de  tous  périls  de  mer  ,  de  feu  ,  des  vents ,  d'amis ,  d'ennemis  , 
de  lettres  de  marque  &  contre-marque  ,  d'arrêts  &  détentions 
des  rois  ,  princes  &  feigneurs  quelconques,  &  de  baraterie 
de  paçtoB  ,  msitie  j  jnatiaiers ,  5c  généralement  tous  autres 

Xij 


164 


POLICE  D'ASSURANCE. 


trat  d'alTiirance  maritime.  Parce  contrat,  celui  des 
contraflans  qu'on  nomme  affureur ,  fc  charge  àes 
Tifqucs  &  fortunes  de  mer  que  doivent  courir  un  vaif- 
feau  ou  les  marchandifes  qui  y  font ,  oc  promet 
d'indemnifer  à  cet  égard  l'autre  contraflant,  qu'on 
appelle  ajfuré ,  moyennant  la  fomme  que  ce  der- 
nier donne  au  premier  pour  le  prix  du  rifque  dont 
il  le  charge. 

L'argent  que  donne  l'afTuréà  PafTureur  fe  nomme 
prime  d'alTurance. 

Le  contrat  d'alTurance  a  d'abord  été  adopté  chez 
les  Italiens  :  il  a  enfuite  été  accueilli  chez  les  Efpa- 
gnols  ,  chez  les  Hollandois  ,  8i  enlîn  ,  il  eft  aujour- 
d'hui en  ufage  chez  toutes  les  nations  commerçan- 
tes :  il  ne  faut  pas  s'en  étonner;  il  étoit  néceiTaire 
pour  faire  fleurir  le  commerce  maritime.  En  effet , 
fans  le  fecours  de  cette  efpèce  do  convention  ,  peu 
de  gens  feroient  en  état  de  courir  les  rifques  aux- 
quels ce  commerce  expoCe. 

C'efl  d'après  ces  confidérations  que  ,  par  l'article 
premier  du  titre  6  du  livre  S  de  l'ordonnance  de  la 
marine  ,  le  roi  a  permis  à  tous  fes  fujets  ,  &  même 
aux  étrangers  ,  l'ufage  du  contrat  d'aflurance  mari- 
lime  dans  toute  l'étendue  de  fa  domination  (  i  ). 


périls  &:  fortunes  ou  cas  foriuiis  qui  pourroient  avenir  en 
quelque  manière  que  «e  Toit  qu'on  puifle  imaginer  ;  nous 
jnetiant  de  tou  en  la  p'ace  de  vous  ledit  lîcur  A...  pour  vous 
garantir  &  indemnifcr  de  toutes  pertes  &  douiniages  qui  pour- 
roient arriver:  &  en  cas  de  peits  ou  domiiiage  auxdiccs  u;ar- 
chandifes  (  ce  que  Dieu  ne  veuille  )  promettons  &;  nous  obJi 
geons  de  payer  ou  retnbourfcr  à  vous  ou  vote  ordre  ,  toute  la 
perte  &:  doninnge  que  vous  aurez  reçu  à  proportion  de  Ja 
fonime  que  ch.icunde  nous  avors  afTurt-e  ;  fa»oir  :  lî  bien  le 
premier  de  nous  comme  le  dernier ,  &  ce  comptant,  après 
que  nous  feions  ducment  informés  delà  perte  ou  dommage 
arrivé  auxdites  marcliandifcs,  &:  en  tel  cas ,  donnons  chacua 
de  nous  pouvoir  fpécial  à  vous  ledit  fieur  A...  oui  vôtre-com- 
mis, pour  tant  à  notre  dommage  que  profit,  travailler  ou 
faire  tiavaillcr  à  la  falvaiicn  delditcs  marchandifes,  promet- 
tant en  tout  événement  de  payer  les  frais  &r  dépens  faits  peur 
la  falvation  deldites  marchjndifes  ,  foit  qu'elles  foient  recou- 
vrées ou  non,  ajoutant  foi  &  entier  crédit  au  compte  ,  &:  à  la 
perfonne  ou  peifonnes  qui  auront  fait  lefdits  frais  &  dépens  ; 
confefTons  être  payés  du  prix  de  la  préfente  AfTurancede  vous 
Monfieur  A...  à  raifon  de  trois  pour  cent,  le  tout  en  bonne 
foi ,  fans  fraude  ni  malengin  ,  félon  &  fuivant  l'oidonnance 
de  fa  majellé  du  mois  d'août  mil  fix  cent  quatre  vingt-un  :  Et 
en  cas  de  conteftation  entre  nous  peur  le  fait  de  la  préfente 
Affurance  &  dépendance  d  icelle,  nous  conviendrons  d'arbi- 
tres pour  juger  les  ditFérens  :  pour  l'exécution  de  tout ,  obli- 
geons tous  nos  biens  avec  re.ionciation  à  toiires  exceptions  & 
tromperies  contraire»  à  ces  préfentes  ;  la  préfente  étant  une 
fuite  pareille  &  conforme  ,  &  pour  joindre  à  une  aurre  police, 
&:  avoir  le  même  effet  ,  comme  n'étant  qu'une  mèrne  chofe. 
Sommes  convenus  encore,  de  vous  ren.bourfer  en  plein,  à 
l'expiration  de  trois  mois  fans  aucune  nouvelle  del'exirtence 
dudit  navite  ,  dérogeant  à  cet  égard  par  ces'préfentes  à  l'article 
LVITIdu  titre  \'I  de  l'ordonnance  de  la  Marine  de  i^iil  ,  &: 
à  toutes  lois,  coutumes ,  ufages  &:  commentaires  à  ce  con- 
traires- 
Fait  à  Dunkerque  le  "-  . 
(l)  Permettons  à  tous  nos  fujets,  porte  cet  article ,  mcnie 
aux  ctrangers,  d'affurer  &  faire  aflurerdans  l'étendue  de  notre 
royaume,  les  navires  ,  marchan.iifes  &  autres  eîfets  qui  fe- 
ront tranfportés  par  mer  &   rivières  navigables  j  ficauxafFu- 


POLICE  D'ASSURANCE. 

j  L'article  2  veut  que  la  Police  d'aifurance  Coït 
rédigée  ^)ar  écrit,  &  qu'elle  [HiilTe  être  faite  fous 
fignature  privée. 

M.  Valin  critique  à  ce  fujet  l'ancien  commenta- 
teur de  la  marine,  parce  qu'il  a  prétendu  que 
quand  l'affiirance  ne  fcroir  que  d'une  fomme  au- 
dedous  de  cent  livres  ,  la  preuve  par  témoins  n'en. 
pourroit  êtreadmifc.  M.  Valin  prétend  au  contraire 
que  dans  ce  cas  il  faudroit  admettre  la  preuve  tef- 
timoniale  ,  conforniément  au  droit  commun  fondé 
(iir  l'ordonnance  du  mois  d'avril  1667;  mais  ce 
dernier  efl  à  fon  tour  crit'qué  fur  cet  objet  par  M. 
Pothier,  qui  penfe  que  l'ordonnance  de  la  marine  , 
ayant  voulu  en  général  que/e  cjnir.it  d'ajjurance  fût 
rdd/ijj  par  écrit  y  fans  faire  aucune  diflinélion  entre 
les  aâcs  de  cent  livres  &  au-delTous,  &  ceux  qui 
excèdent  cette  fomme  ,  on  ne  peut  pas  croire  que. 
le  légillateur  ait  eu  intention  de  difpenfer  de  cette 
iormaliré  les  contrats  d'ailurance  au  -  deflbus  de 
cent  livres.  En  effet ,  fi  telle  eût  été  fon  intention, 
la  dilpofiîion  de  l'ordonnance  de  la  marine  auroit 
été  inutile  ,  puifque  la  loi  fe  feroit  déjà  trouvée  faite 
par  l'ordonnance  de  1667.  Enfin,  on  ne  doit  pas 
(uppléer  dans  une  loi  une  diftinéiion  qu'elle  n'a 
pas  faite. 

Mais  à  quelque  fomme  que  puifTe  monter  l'affu* 
rance  ,  on  eft  en  droit  d'en  alléguer  Texiftence  ;  & 
celui  contre  qui  on  emploie  cette  allégation  ,  ne 
peut  s'en  défendre  qr.'en  allirmant  que  la  conven- 
tion n'a  point  eu  lieu  avec  lui.  Ainft  le  guidon  de 
la  mer,  &  le  commentateur  qui  l'afuivi,  {li  lont 
trompés  ,  lorfqu'ils  ont  penféque  le  défaut  d'écri- 
ture entraînoit  la  nullité  du  contrat  d'afiiirance.  Il 
eft  évident  que  l'écriture  n'eft  alors  néceiîâire  que 
pour  faire  confter  de  l'exiftence  de  la  conven- 
tion contre  ceux  qui  voudroient  la  nier. 

Le  droit  de  contrôle  des  afîtirances  pour  les  par- 
ticuliers ,  &  de  celles  que  prennent  pour  le  compte 
du  roi ,  les  intendans  &  comniiftaires  des  four- 
nitures de  la  marine  ,  avoir  été  fixé  par  les  articles 
7  &  9  du  tarif  du  29  feptem.bre  1722,  mais  par 
arrêt  du  confeil  du  12  août  1733  '  '^^  contrats  de 
Police  d'affurance  ,  foient  qu'ils  foit  pafi'és  parde- 
vant  les  notaires  royaux  ,  cenfatix  (  i  )  ,  courtiers  ,. 
agens  de  change,  greffiers  des  amirautés  &  des  ju- 
rididions  confulaires  ou  autres  qui  font  da'is  l'i'.fage 
de  les  recevoir  ,  foit  qu  iU  foient  faits  fous  fignature: 
privée  ,1  ont  été  difpenfés  de  la  formalité  &  du 
payement  du  contrôle  des  aiies  (  2  ). 
■^■.^^— .-^— ^^— ^— —  ■  I  ■■  fc  ^ 

rcurs ,  de  ftipuler  un  prix  pour  lequel  ils  prenùronc  le  péril 
fur  eux. 

(t)Ce  terme  a  été,  félon  Savati  .emprunté  des  Arabe',  &ra: 
paflé,  du  commerce  du  levant,  en  Ptovence.  Cenfaltxi  fyno- 
nyme  de  courtier,  &:  déligne  queliju'un  chargé  pour  les  né- 
gocians  qui  l'emploient ,  de  ncgocier  des  lettres  de  chanj;e  , 
des  affrctemens  ,  des  contrats  d'Affurance,  &c»- 

(i)  Ce:  arrêt  eli  Aitifi.  conçu.  : 

Le  roi  s'étant  fait  repréfcnter,  en  Ton  confeil'i  les  Jiffercns 
mémoires  remis  par  les  échevins  &  députés  du  comme.-ce  de 
la  ville  de  Marfeille  .  les  fyndics  &  courtiers  royaux  '^es 
changes ,  fc  par  le  collège  de&  notaires  toyau.x  de  la.  même 


POLICE  D'ASSURANCE. 

Pour  une  plus  prompte  expédition  ,  on  avoit  ima- 
giné d'imprimer  des  modèles  de  Police  d'affurance, 
danslefquels  Te  trouvoiem  lesclaufcsles  plusufitées 
en  général,  &  du  blanc  pour  y  inférer  les  claufes  ex- 
traoïdinaires  :  mais  divers  afliireurs  ayant  préteiuUi 
que  ces  imprimés  contenoicnt  tantôt  une  claufe,  tan- 
tôt une  autre ,  dont  ils  ne  comprenoient  pas  le  iens  , 
Se  auxquelles  ils  n'avoient  point  entendu  fe  fou- 
meitre  ,  l'amirauté  de  France  au  fiege  général  de  la 
table  de  marbre  à  Paris ,  rendit  deux  fentences , 
l'une  le  7  décembre  1757,  &  l'autre  le  19  janvier 
1759,  par  lefquelles  entr'aiitres  chofes,  elle  prof- 
crivit  l'ufage  des  Polices  daillirance  imprimées.  M. 
Valin  s'élève  fortement  contre  ce  règlement  qu'il 
croit  nuire  à  la  célérité  qu'exigent  les  expéditions 
maritimes:  d'un  autre  côté,  M.  Pothier  prétend 
que  l'ufage  des  Polices  d'aîTui-ance  imprimées,  étoit 
abufif  en  ce  que  les  courtiers  ou  agens  y  inféroient 
toutes  les  claufes  qu'ils  imaginoient  propres  à  tavo- 
rifer  leurs  parties  ,  &  que  les  affureurs  ne  s'infor- 
mant  que  de  la  fomme  qu'on  faifoit  affurer  ,  &  du 
prix  de  la  prime  ,  fignolent  aveuglément  ces  aftes  , 
lans  faire  attention  aux  claufes  imprimées  ;  en  con- 
féquence,  il  fait  l'apologie  du  règlement  que  criti- 
que M.  Valin. 

Par  un  autre  règlement  du  18  juillet  17^9  ,  l'aini- 
rauté  de  France  a  défendu  aux  courtiers  &  agens 
d'afiurance,  de  inettre  des  renvois  fiir  les  Polices 
d'afTiirance  ,  à  moins  que  les  parties  n'y  aient  con- 
fenti  ,  Si.  ne  les  aient  paraphées. 

Le  même  règlement  leur  a  aufli  dé^^endii  de  faire 
aucun  avenant  (  i  )  aux  Polices ,  fmon  à  la  fuite  des 
mêmes  Polices,  ou  par  a6ie  féparé  ,  du  confente- 
ment  &  en  préfence  des  parties,  lef{[ueis  avenans 

ville  •,  contenant  que  les  Polices  d'Aflurancc,  quoique  com- 
prifes  dan5  les  cariKs  du  contcoie  ,  en  avaient  c-pendant  étl' 
«éeilenjcnc  dirpenfccs  par  l'ufage  ,  JLifqii'en  l'a'in.c  lyzf,  que 
les  fous  l«rmiers  ont  voulii  les  y  afTajet.ir  ;  que  cette  nou- 
veauté a  entiéteraeni  fait  tomber  ce  commerce,  qui  étoit  au- 
itefois  foLt  conlid^rable  ,  les  ncgocians  ayant  pris  le  parti  de 
faire  alTurer  dans  les  pays  étrangers,  de  foite  que  les  fous- 
feimiers  n'ont  tiré  aucun  avantige  de  cette  tentative  :&  fa 
majefit' voulant  de  i>lus  en  plus  donner  des  marques  de  la 
protection  qj'cUs  accorde  au  coiiiinerce ,  en  l.ti  laitr.mt  toute 
la  liSerté  qui  lui  cil  nccefliire.  Uui  le  r.ippo.t  du  iîeur  Orry  , 
confeillcr  d'état,  &:  ordinaire  an  confcil  royal  ,  contrôleur  gê- 
nerai des  lîrîa.nces  ;  le  roi ,  étant  en  fon  confeil  ,  a  ordonné  &: 
ordonne  ,  qu'à  commencerdu  join-  de  la  publicaiiondu  préfent 
arrêt  ,  les  contrjts  &:po!ices  d'Affiitance  ,  foit  qu'elles  foiciit 
palTéespardevant  les  notnires  royaux,  cenfaux  ,  courtiers, agens 
de  change  ,  giefiici'S  de«  amirautés  &:  Jes  juridictions  coniuiii- 
res  ,  ou  auttes,  qt^i  font  dans  l'ufage  deJes  recevoir,  foit  qu'el- 
les foient  faites  loi's  lîgnaturcs  privées  ,  ne  feront  pluifujettes 
à  la  formalité  ni  au  payement  des  dioits  de  conttôle  des  aites  , 
dont  fa  niaiedé  les  a  difpenfces  ,  dérogeant  à  cet  effet  à  tousré- 
glemensà  cecontrairej.  Enjoint  fa  rnajelléaux  fieursititendans 
&  commilTaires  départis  clans  les  provinces  &  généralitéi  du- 
royauaie,  de  tenir  la  main  à  l'éxccurtin  du  préfent  arrêt ,  fur 
Jeriuel  toutes  lettres  ncceffâires  ferorit  expédiées.  Fait  a*i  con- 
feil d'étatdu  roi,  fa  reajeilé  y  étant ,  tenu  à  Ma.Iy  ledouzième 
jour  d'août  mil  fept  cent  trente-deux.  S i >: né  F iiEllPE  AV X. 

(i)On  donne  !e  nom  d'ûy«na;ir  aux  claufes  ajoutées  aux  po- 
lices d'Affuia^cCi 


POLICE  D'ASSURANCE.       i^J 

doivent  être  figues  fur-le-champ  par  les  parties  ;  le 
tout  à  peine  de  nullité  des  renvois  non  piraphés  , 
6i  avenans  non  fignés,  &  de  faux  contre  les  cour- 
tiers Se  agens. 

L'article  3  du  titre  des  afluranees  prefcrit  ce  que 
doit  contenir  une  police  d'ailurance  ,  pour  préve- 
nir les  furprifcs  qui  pourroient  avoir  lieu  au  pré- 
judice des  contra61ans  (^i). 

Il  faut  en  premier  lieu  fpécifier  le  nom  Se  le  do- 
micile de  celui  qui  fe  fait  alûirer  ,  &  fa  qualité  de 
propriétaire  ou  de  commiilîonnaire. 

Si  l'affuré  n'efl  que  commifîionnaire  ,  il  doit  fe 
conformer  aux  ordres  de  fon  conimetranr  ;  c'tO: 
pourquoi ,  fi  en  a^furant ,  il  vient  à  excéder  b  prime 
fixée  par  fon  commettant ,  il  peut  être  obligé  de 
payer  cet  excédent.  M.  \'alin  rapporte  une  fenicnce 
de  l'amirauté  de  la  Rochelle  qui  l'a  ainfi  jugé  1;  7 
feptembre  1754,  contre  le  fieur  Lemoine ,  négo- 
ciant à  Rouen. 

Le  coiumiiUonnaire  doit  auffi  ciioifir  des  a/Tu- 
reurs  folvables ,  autrement  il  pourrolt  devenir  ref- 
ponfable  de  la  perte  des  effets  aflurés. 

Mais  fi  ,  lorfque  le  comniiirionnaire  a  art'uré  , 
les  alTureurs  avec  lefquels  il  a  contracté  étoient  ré- 
putés folvables,  il  ne  fera  pas  garant  des  événe- 
mens  qui  auront  pu  les  rendre  infolvable".  depuis 
la  lignature  de  la  Police  d'aiu:rance  ;  il  Tufrira  pour 
fa  décharge ,  qu'il  avenifTe  fon  commettant ,  &  qu'il 
faiTe  réfiiier  le  contrat  d'affurance  ,  Ci  les  rifqucs  du- 
rent encore. 

2^.  La  Police  doit  défigncr  les  efTjts  fur  refqueîs 
l'afTurance  eiï  faite.  Il  importe  fur-tout  d'expliquer 
fi  ces  eftcrs  font  des  marchundlCes  fujetus  à  coubg,e , 
telles  que  du  vin  ,  du  cidre ,  des  liqueurs  :  la  raifon 
en  efl  que  les  a.Tureurs  doivent  connoître  les  rif- 
ques  dont  ils  fe  chargent  ;  c'eft  pourquoi  ,  fi  l'af- 
furé  avoit  négligé  cette  explication  dans  la  Police 
d'affurance,  les  affureurs  feroient  difpenfés  de  ré- 
pondre du  dommage  qu'une  teinpête  ai;roit  pu  oc- 
cauonner  durant  le  voyage.  C'eft  ce  qui  rcfulte  de 
■  l'article  3  I  ;  il  faut  toutefois ,  fuivant  le  même  ar- 
ticle ,  excepter  de  cette  difpofition,  l'affurance  faite 
fur  retour  des  pays  étrangers  :  la  raifon  de  cette 
exception  eft  que  fouvent  les  affurés  n'ont  point  de 
connoiffance  des  marchandifes  qui  doivent  leur  ar- 
river en  retour. 

3°.  Il  faut  exprimer  darîs  la  police ,  le  nom  du 
navire  qui  doit  tranfponer  les  marchandifes  affu- 
rées  ;  on  doit  aufli  déterminer  la  qualité  de  ce  na- 


(i)V0'uiceT  r.rtick.  La  police  contitntira  le  nom  &  le  do- 
micile de  celui  qui  fe  fait  alfurer  ,fa  qualhc  de  propriétaire  ou 
de  commiffionnaire  ,  les  effets  fur  leiqucls  J'ÂlTurance  fira 
faite  ,  le  nom  du  naviie  3c  du  maître  ,  ce!  ui  du  iicu  ou  les  mar- 

•  chandifesauront  été  ou  devient  être  chargées,  du  havre  d'cti 
.  le  vailTcau  devra  charger  &  décharger,  &:  de  tousccuxoiV  il  de- 
vra entrer;  le  tempsauquel  les  rifquei  coiniiienceronr  Se  f  ni- 
tont ,  les  fommes    qu'on  entend  allater ,  la  prime  ou  coût  de 
l'Aflttfance  ,  larouinifTion  clés  parties  an--!  aibitres ,  en  car  de 

•  conrclUtian  ,  &  généralement  toutes  Iss  Autres  conditions 
dont  ellci  voudror.t  ccn/enir.. 


106  POLICE  D'ASSURANCE. 

vire.  C'efl  pourquoi  û  vous  vouliez  faire  afTurer.  des 
effets  chargés  fur  le  navire  le  Cerbère,  &  que  dans 
Je  contrat  d'Affurance  ,  il  (m  flipulé  que  ces  effets 
font  fur  le  navire  le  Pluton ,  la  convention  feroit 
nulle.  La  raifon  de  cette  décifion  eft  fenfible  :  il 
eft  clair  qu'en  ce  cas  les  affureurs  ne  courroient 
aucun  rifque ,  puifque  vous  n'auriez  point  d'ef- 
fets fur  le  Pluton  ,  &  que  vous  ne  feriez  pas  fondé 
à  ptétcndre  qu"ils  euflent  aiTuré  les  effets  char- 
gés fur  le  Cerbère ,  puifqu'il  ne  feroit  fait  aucune 
mention  de  ce  vailfeau  dans  la  police  d'Affu- 
rance. 

De  même ,  fi  dans  la  police  d'Anurarice ,  on 
avoit  donné  le  nom  de  vaifieau  ou  do  navire  à 
v.ne  barque  ou  à  un  bateau,  la  convention  n'nuroit 
aucun  effet.  La  raifon  en  eft  qu'en  matière  d'Af- 
lurance  ,  on  n'entend  fous  la  dénomination  de  na- 
vire ou  de  vaiiTeau,  qu'un  bâtiment  de  mer  à  trois 
mâts  ;  &  que  l'afiiireur  pourroit  dire  que  fon  in- 
tention avoit  été  d'affurer  un  bâtiment  de  cette 
efpèce  ,  mais  qu'il  n'auroit  point  voulu  affurer  un 
bateau,  fi  on  le  lui  eût  indiqué  pour  être  chargé 
des  marchandifcs  qu'il  s'agiffoit  d'affurer.  Cetie  dé- 
cifion de  Cufa  repris,  fe  trouve  juftifiée  par  un  arrêt 
du  parlement  d'Aix  ,  du  16  juin  1752  ,  conHrma- 
tif  d'une  fentence  de  l'amirauté  deMarfeille,  du 
5   décembre   1749. 

Obfervez  cependant  avec  Cafa  régis  Si  M.  Valin  , 
que  fi  la  police  d'affurance  ne  préfentoit  fur  le  nom 
du  vaiffeau  ,  qu'une  erreur  légère  qui  n'empêchât 
pas  qu'on  ne  le  reconnût ,  la  convention  feroit  va- 
lable. C'eft  ce  qu'a  jugé  le  parlement  d'Aix  ,  par 
prrêt  du  2  mai  1750.  Il  s'ogiffoit  dans  cette  efpèce  , 
de  la  validité  d'une  affurance  faite  fur  le  brigan- 
tin  appelé  le'  L'ion  heureux  ,  &  qui  n'avoit  été  dé- 
figné  dans  la  convention ,  que  fous  la  dénomina- 
tion du  brigantïn  F  Heureux. 

4.  On  doit  auffi  défigner  dans  la  police  d'Af- 
furance  ,  le  nom  du  maitre  ou  capitaine  qui 
doit  commander  le  vaiffeau  où  font  les  effets 
aiiurés. 

Il  y  a  néanmoins  lieu  de  croire  qu'une  omif- 
fion  à  cet  égard  ,  n'opéreroit  pas  la  nullité  de  la  con- 
vention. La  raifon  en  eft  que  les  maîtres  ou  capi- 
taines n'étant  admis  à  commander  des  navires, 
qu'après  avoir  fait  preuve  d'habileté  ,  les  affureurs 
n'ont  pas  grand  intérêt  à  connoitre  celui  qui 
doit  conduire  le  navire  où  font  Içs  marchandifes 
affurées. 

La  queAicn  feroit  plus  délicate  ,  fi  le  capitaine 
défigné  par  la  police  d'affurance,  pour  comman- 
der le  vniffeau  ,  eût  été  fuppléé  par  un  autre  ca- 
pitaine. Dans  ce  cas,  les  affureurs  pourroient  dire 
qu'ils  ne  s'étoient  déterminés  à  contraéler  ,  qu'à 
caufe  de  la  confiance  qu'ils  avoient  dans  le  capi- 
taine défigné  par  le  contrat  d'affurance  ;  Se  que 
s'ils  euffent  fu  qu'un  autre  que  lui  eût  dû  com- 
mander le  vaiffeau  ,  la  convention  n'auroit  point 
g^^  ^cu  ,  ou  du  moins  qu'ils  auroi«nt  demandé 


POLICE  D'ASSURANCE. 

■  une  prime  plus  confidérable  que  celle   qui  a  été 
ffipulée. 

Au  refte ,  il  faut  remarquer  que  cette  difpofi- 
tion  de  l'ordonnance  ,  qui  veut  que  la  Police  d'af- 
furance exprime  le  nom  du  navire  &  du  capitaine , 
ne  s'applique  qu'aux  chargemens  qui  fe  font  en 
Europe.  On  eft  difpenfé  de  cette  formalité ,  rela- 
tivement aux  chatgemens  qui  fe  font  pour  l'Eu- 
rope ,  au  levant  Se  dans  les  autres  parties  du  monde. 
C'eff  ce  qui  réfulte  de  l'article  4.  La  raifon  de  cette 
décifion  eft  que  le  négociant  qui  a  des  marchan- 
difes dans  un  pays  éloigné,  &  qui  en  attend  le 
retour  ,  eft  fouvent  dans  le  cas  d'ignorer  par  quel 
navire  on  les  lui  enverra. 

L'article  qu'on  vient  de  citer ,  prefcrlt  néanmoins 
de  défigner  dans  la  Police,  la  perfonne  à  laquelle 
les  effets  affurcs  doivent  être  envoyés.  Mais  M. 
Valin,  fort  inftruit  dans  cette  matière,  remarque 
que  dans  l'ufage  on  déroge  fréquemment  à  cette 
loi ,  fans  que  cela  annuUe  la  convention.  La  raifon 
en  eft  que  le  négociant  qui  veut  faire  affurer  des 
marchandifes  dans  un  pays  éloigné  ,  peut  ne  con- 
noitre pas  mieux  la  perfonne  à  laquelle  on  les 
adteffera,  que  le  vaiffeau  qui  doit  les  amener.  Ainfi, 
il  fuffit  pour  la  validité  de  l'affurance  ,  qu'il  y  ait 
réellement  eu  des  effets  chargés  pour  le  compte 
de  l'affuré  ,  jufqu'à  concurrence  de  la  fomme  affu- 
rée.  Cela  s'eft  ainfi  établi  pour  donner  un  libre 
cours  aux  afturances. 

5°.  La  Police  d'affurance  doit  faire  mention  du 
tieu  où  les  marchandifes  ont  été  ou  feront  char- 
gées ,  du  port  d'où  le  vaiffeau  eft  parti  ou  devra 
partir  ,  ainfi  que  des  différens  ports  où  il  devra  en- 
trer, tant  pour  y  charger  des  marchandifes,  que 
pour  y  en  décharger. 

L'objet  que  le  légiftateur  paroît  s'être  particuliè- 
rement propofé  dans  cette  difpofition  ,  a  été  de 
connoître  fi  en  temps  de  guerre  ,  fes  fujets  ne  font 
pas  avec  les  ennemis ,  un  commerce  préjudiciable 
à  l'état ,  tel  que  feroit  celui  par  lequel  on  procurc- 
roit  r  ceux-ci  des  munitions  de  guerre  ou  débouche. 

6°.  La  Police  d'affurance  doit  déterminer  le  temps 
auquel  les  rifques  commenceront  &  finiront:  aa 
refle  ,  fi  ceci  étoit  omis  dans  la  convention  ,  il  fau- 
droit  fuivre  la  difpofition  de  l'article  5  ,  qui  veut 
qu'on  fe  conforme  alors  à  ce  qu'a  réglé  fur  ce  point 
l'article  13  du  tirre  des  contrats  à  la  groffe. 

Suivant  cette  dernière  loi ,  fi  le  temps  des  rifques 
n'eft  pas  réglé  par  le  contrat ,  il  court  à  l'égard  du 
vaiffeau  ,  fes  agrêts  ,  apparaux  £<:  vifluailles,  depuis 
le  jour  qu'on  a  mis  à  la  voile  ,  jufqu'au  moment  où 
le  vaiffeau  eft  ancré  au  port  de  fa  deftination  ,  & 
amarré  à  quai.  Quant  aux  marchandifes  ,  ce  temps 
court  depuis  l'inftant  où  elles  ont  été  chargées  dans 
le  vaiffeau  ou  dans  des  gabarres  pour  les  y  con- 
duire ,  jufqu'à  ce  qu'elles  foient  délivrées  à  terre. 

7".  Il  faut  ftipuler  dans  la  Police  d'affurance,  les 
fommes  qu'on  entend  affurer,  &  la  prime  ouïe 
coût  de  l'affurance. 

S°.La  Police  d'affurance  doit  contenir  la  daufe 


POLICE  D'ASSURANCE. 

que  les  parties  foumettront  à  la  décifion  d'arbitres , 
les  difficultés  qui  pourront  furvenirau  fiijetde  leur 
convention  ;  mais  l'omiffion  de  cette  claufe  ne  ren- 
droirpas  nul  le  contrat  d'aiTurance  ,  comme  l'a  dit 
mal-à-propos  le  commentateur  anonyme  de  l'or- 
donnance  de  la  marine.  C'eft  ce  que  prouve  bien 
clairement  l'article  70  du  titre  des  alTurances  ,  puif- 
qu'il  fuppofe  qu'il  peut  y  avoir  des  Polices  d'affu- 
rance  qui  ne  renferment  pas  la  claufe  dont  il  s'agir. 

9^  Enfin  ,  la  Police  d'affurance  doit  contenir  tou- 
tes les  conditions  qui  compofent  la  convention 
d'entre  les  parties.  Il  faut  tirer  de  cette  dernière  dif- 
pofition  deux  conféquences  :  l'une  ,  que  dans  le 
contrat  d'affurance  ,  peuvent  intervenir  toutes  les 
claufes  que  la  lai  ne  défend  pas  ,  &  qui  ne  font 
point  contraires  aux  bonnes  mœurs  ;  l'autre  ,  quefi 
l'une  des  parties  allègue  qu'elles  font  convenues 
d'une  cliofe  qui  ne  foit  point  juftifiée  par  la  Police  , 
on  ne  doit  avoir  aucun  égard  à  cette  allégation. 

Suivant  l'article  6  du  titre  des  alVurances  ,  la 
prime  devroit  être  payée  comptant  à  l'affureur  ,  au 
moment  où  il  figne  la  Police.  Cependant  on  en  v(i 
difFéremment  en  beaucoup  d'endroits,  8i  on  ne  la 
paye  qu'après  que  les  rifques  font  fini';.  Souvent 
l'afluré  s'en  acquitte  par  le  moyen  d'un  billet  qu'on 
appelle  biUsi  d:  prime  ,  payable  à  une  certaine 
échéance. 

Le  même  article  6  porte  que  ,  fi  VaJJ'urancz  efl 
faite  fur  marchandifes  pour  l'aller  &  le  retour  ,  &  que 
U  va  jfeau  étant  parvenu  au  lieu  de  fa  deflination  ,  il 
ne  (e  fjffe  poini  de  retour  ,  l'ajfureur  fera  t^nu  de  ren- 
dre le  t  iers  de  la  prime  ,  s'il  n'y  a  Jlipulation  contraire. 

La  raifon  de  cette  difpohtion  efl  que  l'aflureur 
n'ayant  couru  qu'une  partie  des  rifques  auxquels  il 
s'étoit  fournis,  il  n'eft  pr.sjufîe  qu'il  ait  la  totalité 
de  la  prime.  Il  fcmbleroit  même  que  les  rifques  du 
retour  étant  les  mêmes  que  ceux  de  l'aller ,  TaiTureur 
ne  devroit  avoir,  lorsqu'il  n'y  a  point  de  retour, 
que  la  moitié  de  la  prime  avec  le  demi  pour  cent 
fur  l'autre  moitié  pour  fa  fignature  ;  m.ais  la  loi  en  a 
difpofé  autrement.  Au  refte  ,  le  retour  dont  il  s'agit 
ici ,  ne  s'entend  pas  du  navire  ,  mais  d'un  charge- 
ment de  marchandifcs  qui  remplace  les  marchandi- 
fes  aïTurécs  pour  l'aller.  C'efl:  pourquoi  files  mar- 
chandifes  de  retour  ne  répondoient  pas  à  !a  valeur 
de  la  fomme  afTurée ,  la  prime  ne  feroit  gagnée 
qu*à  proportion  du  chargement  ;  &  (i  ces  marchan- 
difcs étoient  péries  ,  l'aflureur  n'en  payeroit  que  la 
valeur ,  fans  qu'on  piit  exiger  de  lui  la  fomme  en- 
tière aflurée.  Tout  cela  dérive  de  la  nature  du  con- 
trat d'aiïiirance,  qui  veut  qu'on  ne  puifTe  gagner  ou 
perdre,  qu'à  proportion  des  rifques  qu'on  court. 

L'article  7  permet  «  d'alTurer  fur  le  corp?  &  quille 
M  du  vailTeau,  vide  ou  chargé  ,  avant  ou  pendant 
»  le  voyage,  furies  viéîuailles  Si  fur  les  marchan- 
»  difes  ,  conjointement  ou  féparément ,  chargés  en 
»  vaiffeau  armé  ou  non  armé ,  feul  ou  accompa- 
»  gné ,  pour  l'envoi  ou  pour  le  retour  ,  pour  un 
•n  voyage  entier,  ou  pour  un  temps  limité  m. 

On  voit  par  ces  difpofitions  qu'il  ne  s'agit  que 


POLICE  D'ASSURANCE.       167 

d'exprimer  clairement  dans  le  contrat  d'aflurance , 
l'intention  des  parties;  maisfi  l'a/Turance  étoit  faite 
fur  le  navire  &  fur  fon  chargement  indiftin6lemcnt , 
comment  faudroit-il  la  difuibuer  ?  Il  y  en  auroit 
moitié  fur  le  navire  &  moitié  fur  le  chargement. 
Au  furplus  ,  il  efl  d'ufage  ,  en  cas  pareil,  de  fixer 
une  fomme  pour  le  navire  ,  &  une  autre  pour  le 
chargement. 

Lorfque  l'afîurance  n'efl  que  fur  le  navire,  il  im- 
porte peu  d'exprimer  s'il  eA  vide  ou  chargé  ;  mais 
il  n'eA  pas  indifférent  de  dire  s'il  efl  armé  ou  s'il 
ne  l'efl  pas  ,  s'il  part  feul  ou  accompagné.  La  raifon 
en  eft  que  les  rifques  étant  plus  confidérables  lorf- 
que le  vaifîeau  part  feul  &  non  armé,  que  quand 
il  eft  efcorté  &  armé  ,  toutes  ces  chofes  doivent  être 
déclarées  dans  la  Police  par  l'aiTuré  ;  &  s'il  venoit  à 
déclarer,  contre  la  vérité  ,  que  le  vaifTcau  eA  armé 
ou  efcorté,  l'afTureur  pourroit  dire  qu'il  a  été  fur-' 
pris ,  &  faire  prononcer  en  conféquence  la  nullité 
de  l'afTurance  ,  ou  du  moins  fe  faire  adjuger  une 
augmentation  déprime,  félon  les  circonilances. 

Comme  la  prime  efl  le  prix  des  rifques  àom  l'af- 
fureur  fe  charge  ,  il  eft  d'ufage  ,  lorfqu'on  craint 
une  déclaration  de  guerre  ,  de  ftipulcr  que  dans  le 
cas  de  guerre  ,  la  prime  augmentera  d'une  certaine 
fomme,  parce  que  les  rifques  font  bien  plus  confi- 
dérables en  temps  de  guerre  qu'en  temps  de  paix. 

Mais  fi  l'affurance  s'eft  faite  en  temps  de  paix  , 
fans  aucune  claufe  relative  au  cas  de  guerre,  les 
affureurs  feront-ils  fondés  à  demander  une  augmen- 
tation de  prime  fi  la  guerre  furvient  ? 

Cette  queftien  a  fouvent  été  agitée  au  fujet  des 
prifes  faites  parles  Anglois  ,  au  commencement  de 
la  guerre  qse  termina  la  paix  de  Verfailles  en  1763. 
On  fait  que  fans  aucune  publication  demanifefte, 
&  avant  de  déclarer  1^  guerre  ,  les  Anglois  commi- 
r..*nt  contre  nous  des  hoflillités,  en's'emparant ,  au 
mois  de  juillet  17^5  ,  des  vaiiTeaux  l'Alcide  &  le 
Lys,  L'amiral  Bolcaven  pritenfuite,  dans  le  mois 
d'actJt  fuivant,  les  vaiiTeaux  des  pêcheurs  François, 
qui  étoient  répandus  fur  le  grand  banc  de  Terre- 
Neuve,  &  le  long  des  côres  feptentrionaîes.  Dans 
le  même  temps,  les  efcadres  angloifes  fe  répandi- 
rent de  toutes  parts,  &  fe  faifirent  de  nos  vaifleaux 
marchands. 

Il  réfulta  de  cette  étrange  manière  de  faire  la 
guerre  ,  différens  procès  ,  qui  avoient  pour  objet 
l'augmentation  de  prime  prétendue  par  les  aHii- 
reurs.  Les  raifons  pour  refufer  l'augmentation  de 
prime  ,  étoient ,  comme  l'a  remarqué  M.  Pothier , 
que  dans  tous  les  contrats  on  n'a  égard  qu'au  prix 
(\\\Q  la  chofe,  qui  en  étoit  l'objet ,  valoit  au  temps 
du  contrat,  &  non  à  celui  qu'elle  a  valu  depuis. 
Suppofons ,  par  exemple ,  que  je  vous  aie  vendu  un 
terrein  à  cent  livres  la  toife,  prix  auquel  on  leven- 
doit  alors,  &  que  depuis  la  vente,  ce  terrein  foit 
augmenté  de  prix,  au  point  de  valoir  cinq  cents 
livres  la  toife  ,  je  ne  ferai  pas  fondé  à  vous  deman- 
der la  moindre  indemnité  ,  à  raifon  de  cette  aug- 
mentation de  valeur.  De  même  ,  dans  un  contrat 


i68 


POLICE  D'ASSURANCE. 


d'afriirance  fait  en  temps  de  paix  ,  l'a/Tureur  s'étant 
chargé,  pour  le  prix  convenu  alors,  de  tous  les 
rifques  auxquels  les  effets  del'affuré  pouvoient  être 
expoles,  il  lemble  qu'il  ne  doive  pas  être  fondé  à 
demander  une  augmentation  de  prime  ,  dans  le  cas 
où  la  guerre  furvient  ;  parce  que  les  rifques  de  la 
guerre  ,  dont  il  s'eft  chargé  par  la  Police  d'aflu- 
rance  ,  conformément  à  l'article  26  ,  ne  doivent  pas 
seftimer,eu  égard  au  prix  qu'ils  valent  depuis  le 
contrat,  ni  dans  le  temps  auquel  la  guerre  eft  de- 
venue certaine  ,  mais  feulement  eu  égard  au  prix 
qiie  ces  rifques  valoient  au  temps  du  contrat ,  dans 
le  temps  auquel  1»  guerre  étoit  un  événement  in- 
certain &  inattendu.  C'cft  d'après  ces  principes  , 
que  les  aiTureurs  anglois,  qui  ,  avant  les  hoOillités  , 
avoient  affuré  ,  pour  une  prime  modique,  plufieurs 
de  nos  navires  ,  &  plufieurs  effets  de  nos  commer- 
çans  ,  ne  firent  aucune  difficulté  de  payer  le  prix 
de  leurs  affurances ,  pour  les  navires  &"effets  qui  , 
depuis  les  hortillités,  furent  pris  parlescorfaires  de 
leur  nation,  &  ils  ne  demandèrent  aucune  aug- 
mentation de  prime.  Mais  il  n'en  fut  pas  de  même 
en  France  ;  l'amirauté  du  palais  fe  détermina  à  ac- 
corder aux  afiiireurs  une  augnienintion  déprime  , 
proportionnée  à  l'augmentation  des  rifques  caufés 
par  la  guerre,  quoique  les  Polices  faites  en  temps 
de  paix  fulTent  pures  &  fimples  ,  &  les  fentences 
de  ce  fiège  ont  été  ,  fur  ce  point,  confirmées  par 
arrêt,  toutes  les  fois  qu'il  y  en  a  eu  appel.  Les  rai- 
fons  fur  lelquellcs  on  s'eft  fondé,  font  qu'il  étoit 
d'une  nécellité  abfolue  &  iudifpenfable  peur  l'inté- 
rêt du  commerce  maritime,  de  prévenir  Se  d'em- 
pêcher la  ruine  des  afllueurs  &  des  chambres  d'af- 
furance ,  laquelle  auroit  été  infaillible,  fi  en  ne 
leur  eût  pas  accordé  cette  augmentation  de  prime. 
Ce  cas,  comme  l'obferve  le  jurifconfulte  cité,  eft 
un  de  ceux  dans  lefquels  on  doit  s'écarter  de  la  ri- 
gueur des  principes. 

Lorfque  l'a/Turance  eft  faite  fur  le  corps  &  quille 
du  vaiiTeau  ,  les  agrérs,  apparaux  ,  armement  & 
viâuailles,  ou  fur  une  portion  ,  l'article  8  de  l'or- 
donnance veut  que  l'eftlmation  en  foit  faite  par  le 
contrat  :  «i  fanf  à  l'aiïureur ,  en  cas  de  fraude,  à 
j)  faire  procéder  à  une  nouvelle  eftimation  «. 
Il  eft  fans  doute  fage  de  faire  l'eftimation  pref- 
'■  crite  par  cette  loi  ;  mais  il  réfulte  de  l'article  64,  que 
le  défaut  de  cette  eftimation  n'entraîne  pas  la  nullité 
de  rafl"urance.  îl  paroîtque  l'objet  principal  de  l'ar- 
ticle 8  a  été  de  donner  aux  aflureurs  le  droit  de  juf 
tifier  la  fraude  de  l'eftimation  faite  par  la  Police  ,  & 
qu'on  ne  pût  pas  leur  oppoiêr  que  leur  fignature 
fi't  la  preuve  de  la  reconnoiflance  qu'ils  autolent 
faite  que  cette  eftimation  étoit  conforme  à  l'équité. 
Si  l'aftitreur  venoit  à  prouver  que  l'eftimation 
faite  par  la  Police  eft  frauduleufe  ,'  l'arturance  ne 
feroit  pas  nulle  pour  cela  ;  on  la  réduiroit  feule- 
ment à  la  véritable  valeur  delà  chofe> 

L'article  9  permet  aux  navig:\tears  ,  paftagers  & 
autres  ,  de  faire  afturer  la  liberté  de  leurs  perfon- 
nes  :  dans  ce  cas ,  h  Police  d'aifurance  doit  conie- 


POLICE  D'ASSURANCE. 

nîr  le  nom  ,  le  pays ,  la  demeure ,  l'âge  &  la  qualité 
de  celui  qui  fe  fait  affurer  ;  le  nom  du  navire  ,  du 
havre  d'oii  il  doit  partir  ,  du  Heu  oli  fon  voyage 
doit  fe  terminer ,  la  fomme  à  payer  en  cas  de  prife  , 
tant  pour  la  rançon  que  pour  les  frais  du  retour ,  à 
qui  il  faudra  en  remettre  les  deniers ,  &  fous  quelle 
peine. 

L'omiflîon  de  quelqu'une  de  ces  chofes  ne  rend 
pas  la  Police  nulle  :  ainfi  ,  lorfqu'il  confte  qu'une 
perfonne  s'eft  fait  afifurer  ,  l'erreur  qui  peut  être 
fur  fon  nom  ,  fur  fon  domicile  ,  ou  fur  fon  âge  , 
dans  la  Police  ,  n'eft  d'aucune  confidération. 

La  prife  du  vaifteau  &  la  captivité  de  l'afluré 
qu'elle  a  occafionnée  ,  fuffifent  pour  autorifer  à 
demander  la  fomme  que  les  aftiireurs  doivent  pour 
la  rançon  de  la  perfonne  aifurée  &  pour  les  frais  de 
fon  retour.  Il  ne  faut  pour  cela  que  repréfenter  un 
certificat  de  la  prife  du  vaifteau  &  la  Police  d'aflîi- 
rance. 

L'ordonnance  n'a  pas  déterminé  le  temps  auquel 
les  aftureurs  doivent  payer  la  fomme  dont  on  vient 
de  parler  ;  mais  comme  il  s'agit  d'un  objet  très-pro- 
vifo!rc,on  doit  à  cet  égard  le  conformera  ce  que 
prefcrit  le  guidon  de  la  mer ,  fuivant  lequel  les  af- 
lureurs font  tenus  de  payer  le  prix  convenu  pour 
la  rançon,  quinze  jours  après  l'atteftation  de  la 
captivité,  quoiqu'ils  aient  trois  mois  pour  payer, 
lorfqu'il  s'agit  d'une  aflurance  ordinaire. 

Si  la  perfonne  entre  les  mains  de  laquelle  les  af- 
fureiirs  doivent  payer ,  n'étoit  pas  indiquée  par  la 
Police  ,  ils  feroient  obligés  de  payer  entre  les  mains 
du  procureur  fondé  du  captif  ou  de  la  perfonne  qui 
auroit  qualité  pour  recevoir  en  fon  abfence. 

Si  la  Police  d'afturance  ftipule  une  peine  à  défaut 
de  payement  delà  rançon  dans  le  terme  fixé,  elle 
doit  fervir  de  règle  ;  mais  fi  l'on  ne  s'eft  point  expli- 
qué à  ce  fujet ,  les  aft"ureurs  doivent  être  obligés  à 
payer  au  captif  des  dommages  &  intérêts  propor- 
tionnés à  fa  qualité. 

Mais  en  permettant  le  contrat  d'aftlirance  relati- 
vement à  la  liberté ,  l'ordonnance  en  a  défendu  l'u- 
fage  au  fujet  de  la  vie  des  perfonnes.  La  raifon  en» 
eft  qu'une  telle  convention  eft  contraire  aux  bon- 
nes mœurs  ,  8c  pourroit  donner  lieu  à  quantité 
d'abus  &  de  tromperies.  Les  anglois  n'ont  cepen- 
dant pas  envifagé  la  chofe  fous  ces  rapports ,  car 
les  conventions  de  cette  efpèce  font  autorifécs 
parmi  eux. 

Au  furplus,  la  défenfe  de  faire  aucune  afliirance 
fur  la  vie  des  perfonnes  ,  fouffre  une  exception  dé- 
termifiée  par  l'article  11  ,  lequel  permet  à  ceux  qui 
rachètent  des  captifs  ,  de  faire  aftiirer ,  fur  les  per- 
fonnes tirées  de  l'efclavage,  le  prix  du  rachat,  & 
les  aftureurs  peuvent  être  tenus  de  le  payer  ,  fi  les 
captifs  viennent  à  être  repris,  tués  ou  noyés  ,  ou 
s'ils  périft'ent  dans  le  voyage  par  quelqu'autre  voie 
qwe  par  la  mort  naturelle.  La  raifon  de  cette  difpo- 
fition  eft  que  ,  dans  ce  cas  >  on  aflure  plutôt  le  prix 
du  rachat ,  que  la  perfonne. 

La  mort  naturelle  ne  peut  jamais  donner  heu  a 

l'exception  j 


POUCE  D'ASSURANCE. 

l'exception  ;  &:  l'on  entend  par  mort  naturelle ,  non- 
feulement  celle  qui  arrive  par  maladie  ,  mais  en- 
core celle  que  le  captif  fe  procure  lui-même  par 
défefpoir. 

Lorfqu'un  particulier  ,  qui  a  fait  aflurer  fa  liberté , 
&  qu'on  a  fait  captif  ou  prifonnier ,  eft  mort  avant 
que  les  aflureurs  aient  été  mis  en  demeure  de  payer 
la  fomme  portée  par  lu  Police  ,  on  demande  A  l'ac- 
tion ouverte  par  la  captivité  pafle  aux  héritiers  du 
captif?  M.  Pothier  adopte  l'affirmation.  La  raifon 
tju'il  en  donne,  Se  qui  nous  paroît  folide,  efl  que 
ce  n'eft  pas  la  rédemption  du  captif  ou  du  prifon- 
rier ,  qui  eft  l'objet  de  l'obligation  que  les  affu- 
ceurs  ont  contrariée  par  le  contrat  daffurance  ;  elle 
ti'eft  que  la  caufe  finale  &  le  motif  du  contrat.  L'ob- 
jet de  l'obligation  des  aflureurs  efl  !a  fomme  d'ar- 
gent portée  par  la  Police  ,  &  qu'ils  fe  font  obligés 
de  payer  :  or  ,  le  droit  qui  réfultc  d'une  obligation 
ti  une  fomme  d'argent,  eft  un  droit  de  nature  à 
palier  aux  héritiers  de  la  perfonne  envers  qui  ïo- 
bligation  a  été  contrariée. 

Comme  il  eft  de  l'cflence  du  contrat  d'aft"[!rance 
maritime  ,  qu'on  ne  puifie  faire  afl"urer  que  ce  qu'on 
court  rifquc  de  perdre  ,  l'article  i  5  porte  que  les 
fropriét Aires  des  navires  ,  ni  les  manies  ,  ne  pourront 
faire  ajfurcr  le  fret  à  faire  de  leurs  batimens  ,  les  mar- 
chands ,  le  profit  ejp'iré  de  leurs  marckandifdi  »  ni  les 
^ens  de  mer ,  leurs  loyers.  C'eft  que ,  fi  le  vaifteau 
vient  à  périr,  le  fret  à  faire  ,  le  profit  à  efpérer  des 
Tnarchandifes ,  Se  les  loyers  des  gens  de  mer  ,  doi- 
vent être  envifagés  comme  des  gains  qu'on  a  man- 
qué de  faire  ,  plutôt  que  comme  une  perte  dont  on 
a  couru  les  rifques. 

Au  refte ,  la  difpofition  de  cette  loi  ne  doit  pas 
s'appliquer  au  fret  acquis  ,  c'eft-à-dire  ,  à  celui  qui 
eft  déclaré  tel  par  la  convention  ,  en  forte  qu'il  doit 
être  payé  dans  le  cas  de  la  perte  ,  comme  dans  ce- 
lui de  l'heureufe  arrivée  du  vaifteau  &  des  mar- 
chandifcs  :  ce  fret  acquis  peut  être  fans  difficulté 
«jn  objet  d'affurance  pour  le  négociant,  qui  fait 
affiircr  fon  chargement ,  parce  qu'il  fait  partie  des 
dépenfes  que  ce  négociant  court  rifque  de  perdre  : 
mais  d'un  autre  côté,  ce  même  fret  acquis  ne  peut 
être  un  objet  d'affurance  pour  le  propriétaire  du 
vaifteau ,  puifqu'il  ne  court  aucun  rifque  à  cet 
égard, 

Obfervez  auftl  que  la  défenfe  de  faire  aflurer  le 
profit  efpéré  des  marchandifes ,  ne  s'étend  pas  au 
profit  fait  &  acquis  :  on  peut ,  fans  difficulté ,  faire 
affurer  celui-ci  contre  le  rifque  qu'on  court  de  ne 
pas  le  conferver.  C'eft  pourquoi  un  négociant  qui 
a  fait  aflurer,  pour  l'aller  &  pour  le  retour,  une 
cargaifon  envoyée  au  Levant ,  peut  valablement 
faire  aflurer  le  bénéfice  réfultant  de  la  vente  faite 
de  cette  cargaifon  à  Conftantinople.  Ce  bénéfice 
/orme  un  nouveau  capital  qui  s'ajoute  au  premier. 

On  peut  pareillement  faire  aflurer  en  temps  de 
guerre  la  prife  faite  par  un  vaifleau  corfaire  ,  à 
caufc  des  dangers  qu'elle  court  jufqu'à  ce  qu'elle 
foit  arrivée  dans  un  port  du  royaume.  Les  affûteurs 


POLICE  D'ASSURANCE.      KÎ9 

répondent  alors  de  la  reprife  comme  des  autres  ac- 
cidens  maritimes.  C'eft  ce  qu'a  jugé  le  parlement 
d'Aix  en  1749,  dans  une  affaire  ou  il  s'agiflbit  de 
quatre  navires  Anglois,  pris  par  le  capitaine  Vi- 
goureux ,  &  qui  avoieni  été  repris  après  l'aflii- 
rance. 

L'article  i6  défend  à  celui  qui  prend  des  deniers 
à  la  greffe  ,  de  les  faire  alTurer  ,  à  peine  de  nullité 
de  l'aflurance  ,  &  de  punition  corporelle. 

La  raifon  de  cette  loi  pénale  eft  que  ,  fi  celui  qui 
prend  des  deniers  à  la  greffe  aventure  ,  les  faifoit 
affurer,  il  auroi<  intérêt  à  ce  que  le  vaifleau  pérît 
ou  fût  pris  ,  puifqu'il  feroit  par-là  déchargé  envers 
le  préteur,  &  que  l'alfureur  feroit  tenu  de  lui  re- 
mettre la  fomme  empruntée  à  la  groffe ,  en  rete- 
nant feulement  la  prmie  convenue.  Cette  confidé- 
ration  pourrait  le  déterminera  prendre  des  moyens 
pour  parvenir  à  ce  but. 

L'article  17  prononce  aufli  la  peine  de  nullité 
contre  les  conventions  faites  pour  a^Turer  le  profit 
des  fommcs  données  à  la  groffe  aventure. 

Le  préteur  à  la  groffe  peut  bien  faire  affurer  fon 
capital  ,  parce  qu'il  court  le  rifque  de  le  perdre  ; 
mais  il  en  eft  autrement  du  profit  maritime  ftipulé 
en  cas  d'heureufe  arrivée  du  vaiffeau.  Si  le  vaiffeau 
périt ,  ce  profit  fera  moins  une  perte  dont  le  prê- 
teur aura  couru  les  rifques  ,  qu'un  gain  qu'il  aura 
manqué  de  faire. 

Au  furplus  ,  la  nullité  prononcée  par  cet  article,' 
n'ayant  rapport  qu'au  profit  qui  doit  réfulter  d'une 
fomme  donnée  à  la  groffe  ,  la  convention  fubfifte- 
roit  à  l'égard  du  capital ,  s'il  étoit  affuré  par  la 
même  Police.  La  raifon  en  eft  que  la  nullité  de 
l'affurance  ne  doit  avoir  lieu  que  relativement  à 
l'objet  que  h  loi  défendoit  de  faire  affurer. 

Suiv»nt  l'article  18,  les  affurés  courent  toujours 
rifque  du  dixième  des  effets  qu'ils  ont  chargés  ,  à 
moins  qu'il  n'y  ait  dans  la  Police  d'affurance  une 
claufe  par  laquelle  ils  aient  déclaré  qu'ils  enten- 
doient  faire  affurer  le  total.  Et ,  fulvant  l'article 
"19 ,  fi  les  affurés  font  dans  le  vaiffeau  ,  ou  qu'ils  ert 
foient  les  propriétaires,  ils  doivent  courir  rifque  du 
dixième,  quand  même  ils  auroient  déclaré  ,  dans 
la  Police  d'affurance  ,  qu'ils  emcndoient  faire  affu- 
rer le  total. 

Cette  loi  a  eu  pour  objet  d'engager  ces  affurés 
à  prendre  ,  pour  la  confervation  du  vaiffeau,  un  foin 
qu'ils  auroient  pu  négliger,  s'ils  n'avoient  couru 
aucun  rifque. 

Au  refte  ,  le  dixième  dont  l'affuré  doit  courir  le 
rifque,  fc  règle  ainfi  :  on  ajoute  la  prime  ou  coût 
de  l'affurance  au  prix  de  l'achat  des  marchandifes  Sc 
des  frais  faits  pour  le  chargement ,  ou  à  la  valeur 
donnée  au  navire  ;  &  de  ce  total ,  on  diftralt  le  di- 
xième pour  le  compte  de  l'affuré. 

L'article  ao  permet  aux  affûteurs  de  faire  réaffu- 
rer  à  d'autres  ,  les  effets  qu'ils  ont  affurés  (  i  ).  La- 

(i)  L'article  11  porte  que  la  i)rimes  des  réaffurmces peu- 
vtm  (ne  moindres  ou  plus  fortes  que  celles  des  ajurances.  Cela, 
«c  peuc  fouiftic  aucune  diHîculcc. 


170        POLICÉ  D'ASSURANCE. 

mcme  loi  permet  aufri  aux  afiurés  de  faire  afTijrer 
la  prime  d'alîurance  ,  &  la  Covabilité  des  a'dureurs. 
Il  faut  obferver  à  ce  fujet  que  l'afliireur  qui  fait 
réaffurer,  refte  obli-^é  envers  l"a<rurj.  fauf  Ton  re- 
cours  contre  le  réaffureur.    11    refle  pareillement 
obligé  envers  l'an'uré ,  lorfque  celui-ci  fait  alTurer 
fa  folvabilité.  Il  réfulte  feulement  de  cette  dernière 
alïïirance,  que  l'afiuré  a  deux  avTiireur»  au  lieu  d'un  ; 
&.  que  ,  fi  l'engagement  a  été  flipulé  folidaire  dans 
le  contrat  d'a/iurance  de  la  folvabilité  du  premier 
alïïireur,  il  peut  "à  ion  choix  dlfcurer  l'un  ou  l'alnrC 
aiTiireur;  maïs  û  cet  engagement  n'étoit  pas  foli- 
daire ,  il  faudroit  difcut^r  le  premier  aiTureur,  avant 
de  pouvoir  attaquer  le  fécond.  La  raifon  en  eft  que 
le  fécond  affureur  ne  pem  être  confidéré  que  com- 
me la  caution  du  premier,  &  que  toute  caution 
doit  avoir  l'exception  de  difeuflîon  ,  lorfqu'elle  n'y 
a  pas  renoncé. 

On  viei'K  de  voir  que  l'ordonnance  permet  aiiiïi 
de  faire  an"urer  la  prime  ou  coût  de  Taffurance , 
c'ef^-à-dire  ,  ce  que  ralTuré  s'eft  engagé  à  payer  au 
premier  afîureur.  Ainfi ,  fuppofez  que  vous  ayez 
fait  aflurer  cent  mille  livres  ,  valeur  d'un  charge- 
ment que  vous  aviez  fur  le  vaiffeau  V Hirondelle , 
moyennant  une  prime  de  dix  inille  livres  que  vous 
vous  êtes  obligé  de  payer  à  l'alïïireur  à  tout  événe- 
ment, foit  en  cas  de  perte  ,  foit  en  cas  d'hîiireufe 
arrivée  du  vaiiTeau  ,  il  efl  évident  que  vous  courez 
Tifque  de  perdre  ces  dix  mille  livres  :  vous  êtes  par 
conféquent  en  droit  de  les  faire  afTurer  par  un  fé- 
cond affureur  qui  s'obligera  de  vou=;  les  payer  fi  le 
vaiffeau  vient  à  périr  ou  à  être  pris  par  l'ennemi. 

Le  prix  dont  on  convient  avec  le  fécond  affu- 
reur  ,  pour  qu'il  allure  la  prime  du  premier  con- 
trat ,  s'appelle  pTÎme  de  prime. 

Tout  ainfi  qre  vous  pouvez  faire  affurer  la  prime 
•du  premier  contrat,  par  un  fécond  afiureur,  de 
même  vous  pouvez  faire  ailurer  par  un  troifiéme  , 
la  prime  de  prime  du  fécond  contrat,  &  ainfi  du 
reAe. 

11  eft  défendu  par  l'article  22,  de  f Are  âjfurerou 
réafl'nrer  des  effets  au-delà  de  leur  valeur,  par  une  ou 
plujîeurs  polices  ,  «  peine  de  nullité  de  rajfurance  ,  & 
de  confifcation  des  march.tndifes. 

Cette  loi  eft  fondée  fur  ce  principe,  qu'on  ne 
•doit  faire  afTurer  que  ce  qu'on  rifque  de  perdre. 

Cependant  lorfqu'on  a  fait  affurer  des  efifeis  pour 
une  fomme  qui  excède  leur  valeur,  &  qu'on  ne  Ta 
fait  que  par  erreur  ou  par  inadvertr.nce  ,  le  con- 
'trat  d'afTurance  doit  fubfîfler  ;  mais  feulement  juf 
qu'à  concurrence  de  la  validité  ou  cAimation  des 
effets. 

Si  les  effets  fe  trouvent  affurés  par  plufieurs  Po- 
lices ,  &  qu'ils  ne  foient  point  portés  dans  la  pre- 
mière ,  au-delà  de  leur  valeur ,  il  eft  évident  que 
"Cîtte  Police  doit  fubfifler,  &  que  la  nullité  que 
■p  ononce  la  loi ,  ne  peut  concerner  que  les  affli- 
^jnces  poftérieures,  à  comprcr  delà  Police  qui, 
Jla  première,  aura  excédé  la  valeur  des  effets. 
Swppofons ,  par  exemple ,  qu'ayant  des  m»r- 


POTîCE  D'ASSURANCE. 

clmndifes  fur  un  vaiffcau ,  pour  une  fomme  de 
5000  livres  ,  vous  les  ayez  fais.  ;  iTarer  par  vm  pre- 
mier coml'at,  jufqu'a  la  concurrence  de  3000  liv.  ; 
par  un  fécond  ,  jufqu'r!  la  concurrence  de  1500 
livres,  §:  que  par  un  troifiéme  contrat ,  vous  ayez 
déclaré  affurer  jufqu'à  la  concurrence  de  loooo 
livres  ,  tandis  que  vous  ne  pouviez  plus  en  faire 
affurer  que  cinq  cents  ,  les  deux  premiers  contrats 
fubfifferont  ,  &  la  nullité  ,  ainfi  que  la  confifca- 
ti'jn  ,  n'ai:rontlieu  qU''à  l'éeàrd  du  troifiéme  contrat, 
A'uréft'e,  comme  la  nullité  d'une  affurance  ne 
peut  vei^iir  que  du  propre  fait  de  l'affuré  ,  la  peine 
prononcée  par  la  loi,  \t  Concerne  feul.  Il  efl  en 
outre  obligé  de  payer  à  l'affureur  dont  l'affurance 
deiiKure  farts  effet,  un  demi  pour  cent  pour  fa 
fignature. 

Il  faut  obferver  ici  que  quand  un  négociant  a 
fait  affurer  fes  effets  pour  une  fomme  qui  excède 
leur  valeur  ,  on  préfume  dans  le  doute ,  qu'il  l'a 
tait  de  bonne  fol  &  par  ignorance  ;  c'eff  pourquoi 
lorfque  les  affureurs  allèguent  qu'il  y  a  de  la  fraude 
de  fa  part ,  &  qu'en  conféquence  ils  demandent  la 
nullité  de  l'affurance,  ils  font  tenus  de  prouver  cette 
fraude. 

Lorfqu'on  a  fait  affurer  des  effets  au-deffous  de 
leur  valeur,  &  que  raffuran(:e  eff  faite  fur  le  tout 
&  fans  aucune  d'éfignation  particulière  ,  les  rifques 
doivent  fe  partager  entre  l'affureur  ,  à  proportion 
de  la  fomitie  qu'il  a  affurée  ,  &  l'affuré  pour  le 
furplus. 

Ainfi,  en  fuppofant  que  vous  ayiez  fait  affurer 
nour  20000  liv.  dans  une  cargaifon  de  30000  liv. 
qui  vous  appartient,  s'il  furvient  une  perte  de 
-50000  liv.,  l'affureur  en  fupportera  les  deux  tiers  , 
8c  vous  le  tiers.  Cela  fe  pratique  de  cette  manière , 
narce  qu'il  n'y  a  nulle  raifon  pour  faire  tomber  la 
perte  fur  la  partie  qui  reftoit  à  affurer,  plutôt  que 
fur  celle  qui  étoit  affurée. 

Les  difpofitlons  des  articles  23  ,  24  &  2Ç  fe  trou- 
vent renfermées  dans  ce  qui  vient  d'être  dit. 

L'article  26  détaille  les  rifques  auxquels  les  affu- 
reurs font  affujî.tits  ;  voici  ce  qu'il  porte  : 

j)  Seront  aiix  rifques  des  affureurs  ,  toutes  pertes 
)»  &  dommages  qui  arriveront  fur  mer,  par  tem- 
»  pêtes ,  naufrages ,  échouemens ,  abordages,  chan- 
V  gemens  de  routes,  de  voyages  ,  ou  de  vaiffeau, 
).  j^et,  feu  ,  prife  ,  pillage  ,  arrêt  de  Prince  ,  décla- 
»  ration  de  guerre,  repréfailles ,  8c  généralement 
Y>  toutes  autres  fortunes  de  mer. 

Il  eft  de  la  nature  du  contrat  d'affurance,  que 
l'affureur  prenne  fur  lui  tor.s  les  rifques  auxquels 
font  expofés  les  effets  affurés. 

On  entend  affez  ce  que  c'eff.  que  les  dommages 
occafionnés  par  tempête  ,nauf-^§e ,  échouemeni  6» 
ab,}'duge  :  au  furplus  ,  voyez  ces  mots. 

Quant  au  dommage  qui  peut  réfulter  d'un  chan- 
gement de  route,  de  voy.ige  ou  de  vaiffeau  ,  il 
n'eff  à  la  charge  de  l'affureur ,  qu'autant  que  ce 
changement  eft  force  &  qu'il  a  eu  lieu,  par  exem- 
ple ,  pour  "éviter  des  pirates,  ou  par  la  crainte 


POUCE  D'ASSURANCE. 

d'écliouer ,  de  fn.ire  naufrage  ,  &c.  c'eft  pourquoi 
fi  le  changement  de  route,  de  voynge  ou  de  vaif- 
feau  avoit  eu  iieu  lans  néceflîté  ,  &  par  l'ordre  feul 
de  l'afluré  ,  les  alTureurs  ne  feroient  point  tenus  de 
la  perte  qui  en  pourroit  réfulter  :  c'eft  ce  que  porte 
l'article  27. 

Ces  difpofitions  des  articles  26  &  27  ont  fait  naî- 
tre ,  entre  les  fieurs  Belin  &  conforts ,  négocians 
à  la  Rochelle,  6c  les  affûteurs  du  navire  le  Benja- 
min ,  une  contertation  dont  voici  l'efpèce  rapportée 
par  M.  Valin. 

La  capitaine  qui  commandoit  ce  navire,  étant 
parti  du  petit  Goave,  avoit  débouché  par  le  canal 
de  Baham ,  au  lieu  de  pafler  fous  le  mole  Saint- 
Nicolas.  Il  avoit  par  conféquent  pris  la  route  la 
pins  longue  ;  mais  il  l'avoit  fait  dans  la  vue  d'éviter 
les  corLiires  dont  il  favoit  que  l'autre  route  étoit 
infeflét;.  Cependant  lorfque  le  vaiffeau  fe  trouva 
par  les  47  degris  &  demi  de  latitude,  &  trois  8c 
demi  de  longitude  ,  il  fut  pris  après  un  combat 
opiniâtre,  où  le  capitaine  perdit  la  vie.  En  confé- 
quence,  les  affiirés  demandèrent  aux  affureurs,  la 
fomme  portée  par  la  Police  d'affurance.  Les  affu- 
reurs foutinrent  leurs  adverfaires  non-recevables  , 
fur  le  fondement  qu'ils  avoient  fait  prendre  au 
navire  la  route  la  plus  longue  ,  fans  qu'ils  y  euffent 
confenti. 

L'amirauté  de  Marfeille  adopta  ces  défenfes,  & 
par  fentence  du  23  novembre  1745,  elle  débouta 
les  alTurés  :  cette  fentence  fut  depuis  confirmée  par 
arrêt  du  parlement  d'Aix,  du  30  juin  1746;  mais 
par  un  autre  arrêt  du  6  avril  1748,  le  confeil  caffa 
celui  du  parlement  d'Aix  ,  comme  contraire  à  l'or- 
donnance. 

Cette  décifion  eft  fondée  fur  ce  que  le  capitaine 
du  navire  n'avoir  choifi  la  plus  longue  route  que 
par  prudence;  &  que  d'ailleurs,  il  n'y  a  aucune 
loi  par  laquelle  il  foit  ordonné  de  choifir  entre  deux 
routes  ,  celle  qui  eft  la  pins  courte. 

Si  pour  fauver  le  navire  ,  on  a  été  obligé  de  jeter 
a  la  mer  les  marchandifes  afTurées  ,  on  ne  peut 
douter  que  l'aflureur  ne  foit  obligé  d'en  payer  la 
valeur,  fauf  à  lui  à  exercer  les  droirs  de  l'affuré 
contre  ceux  qui  doivent  contribuer  à  la  perte. 

L'affureur  doit  pareillement  fupporter  la  contri- 
bution à  laquelle  l'afTuré  peut  être  aflujetti ,  pour 
raifon  de  la  perte  d'autres  marchandifes  qui  étoient 
dans  le  vaiffeau  ,  &  qu'on  a  jetées  à  la  mer  pour  le 
fauver.  Cela  eft  d'autant  plus  jufle,  que  c'eff  l'affu- 
reur  qui  profite  du  jet  de  ces  marchandifes  ,  puif- 
que  c'eft  par  ce  moyen  qu'on  a  confervé  les  effets 
affurés. 

A  l'égard  du  feu  ,  l'affureur  n'en  eft  tenu  ,  qu'au- 
tant que  le  vaiffeau  a  été  brûlé  par  le  feu  du  ciel , 
ou  dans  un  combat  :  car  fi  ce  dommage  provenoit 
de  la  négligence  &  de  la  faute  des  mariniers  ,  l'affu- 
reur n'en  répondroit  pas,  à  moins  toutefois  que 
par  la  convention  il  ne  fe  fût  chargé  de  la  baraterie 
du  patron. 

Mais  on  demande  fi  l'affureur  doit  répondre  de 


POLICE  D'ASSURANCE.      171 

la  perte  du  navire  &  des  effets  affurés  ,  dans  le  cas 
où  le  capitaine  y  met  le  feu  pour  empêcher  que 
l'ennemi  n'en  nroiite. 

Comme  il  ell  à  prcfumer  que  le  capitaine  n'a 
brûlé  le  navire,  que  pour  empêcher  qu'il  ne  tom- 
bât entre  les  mains  des  ennemis  ou  des  pirates , 
l'affureur  doit  en  fupporter  la  perte  ,  à  moins  qu'il 
ne  prouve  qu'il  y  a  de  la  malverfation  de  la  part 
du  capitaine.  C'eff  pourquoi ,  par  arrêt  du  7  Sep- 
tembre 1747,  le  parlement  de  Bordeaux  a  pro- 
noncé en  cas  pareil  contre  les  affureurs  ,  en  faveur 
d'Elie  Leyffan  ,  capitaine,  cjui  avoit  brûlé  fon  pro- 
pre navire. 

Par  un  autre  arrêt  du  30  mars  1748,  le  parle- 
ment de  Provence  prononça  de  même  contre  les 
affureurs  du  vaiffeau  /«■  Modéjîe  ,  auquel  le  capitaine 
Artaud,  pourfuivi  par  des  corfaires  vers  le  c?p 
Trafalga,  avoit  mis  le  (qv.  ,  &  s'étoit  fauve  fur  la 
côte  avec  tout  fon  équipage. 

L'affureur  eft  aufli  refponfable  de  toute  efnèce 
de  prife  ,  foit  qu'elle  ait  été  faite  par  des  ennemis , 
foit  qu'elle  l'ait  été  par  des  amis  ,  alliés  ou  neutres. 
C'eft  ce  qui  a  été  jugé  au  parlement  de  Provence, 
par  arrêt  du  13  mai  1757,  confirmatif  d'une  fen- 
tence de  l'amirauté  de  Marfeille,  du  18  avril  pré- 
cédent. Dans  cette  efpèce ,  la  corvette  la  Aiar'u- 
Anne  ,  avoit  été  prife  par  les  Anglois,  &  conduite 
à  Minorque,  avant  que  k  guerre  fût  déclarée.  Après 
1?.  conquête  du  Port-Mahon  ,  ce  navire  fut  con- 
duit à  Marfeille,  &  alors  les  affureurs  prétendirent 
contre  le  fieurTiran  ,  affuré,  qu'il  n'étoit  pas  quef- 
tion  d'une  prife  ,  mais  feulement  d'un  arrêt  de 
prince.  Mais  on  n'eut  point  d'égard  à  cette  excep- 
tio.n  ,  &  l'arrêt  cité  les  condamna  à  payer  les  fom- 
mes  affurées  ,  à  la  doduélion  du  prix  de  la  vente  du 
.navire  6c  de  fa  cargaifon. 

Les  affureurs  répondent  pareillement  delà  perte 
des  effets  affurés  ,  lorfqu'on  les  pille  fur  le  rivage 
où  ils  ont  été  jetés  par  les  flots. 

A  l'égard  de  l'arrêt  de  prince,  il  faut  diftinguer 
s'il  a  eu  lieu  par  les  ordres  d'un  prince  étranger, 
ou  dans  un  port  du  royaume ,  par  l'ordre  du 
roi.  "Voyez  ce  que  nous  avons  dit  fur  cet  objet  , 
à  l'article  Arrêt  de  Prince. 

L'affureur  eft  auffi  tenu  des  rifques  auxquels 
donne  lieu  une  déclaration  de  guerre  imprévue, 
quoique  le  contrat  d'affurance  ait  été  fait  en  temps 
de  paix  ,  &  que  les  contra«Sans  ne  fe  foient  pas 
attendus  à  la  guerre. 

En''in  ,  l'affureur  eft  garant  de  tous  les  cas  ex- 
traordinaires de  forcj  majeure  ,  qui  peuvent  occa- 
fionner  la  perte  des  chofes  affurées  ,  ou  y  caufer 
quelque  dommage. 

Obfervez  cependant  que  dans  tous  les  cas  où  le 
dommage  a  eu  lieu  par  le  fait  ou  la  faute  des 
affurés  ,  ou  des  gens  qui  font  à  leurs  ordres ,  ou 
des  mariniers,  l'affureur  n'en  eft  pas  refponfable  ; 
(  I  )  &  même  il  n'eft  pas  tenu  de  rcftituer  la  pri- 

(1)  Il  fiut  néanmoins  excepter  de  cette  décifion  le  c»s  où  , 

Yij 


171 


POLICE  D'ASSURANCE. 


me,  s'il  a  commencé  à  courir  les  rifques.  Ceft  ce 
qui  réfulte  de  l'article  27. 

Ainfi,  lorfque  les  marchandifes  font  de  mau- 
vaife  qialité  ,  qu'elles  ont  été  ma!  emballées  ,  que 
le  commerce  en  eil  défendu  ,  les  pertes  auxquelles 
ces  chofes  peuvent  doner  lieu,  ne  concernent  pas 
l'afliireur. 

Il  faut  remarquer  qu'au  moyen  de  ce  qu'on  in- 
sère ordinairement  dans  les  Polices  d'affurance  une 
claufe  par  laquelle  il  eft  permis  de  changer  de  route  , 
de  naviguer  à  droite  (fv  à  gauche  ,  à  dextre  &  feneflre 
côté ,  de  faire  échelles ,  d'aller  ô-  revenir  ,  &c.  Si  le 
navire  touche  à  quelque  port  dans  fa  route  ,  que  le 
capitaine  y  vende  des  marchandifes  &  en  achète 
d'autres  pour  les  remplacer,  ces  nouvelles  mar- 
chandifes font  fubrogées  aux  premières,  &  l'aîTu- 
reur  en  court  les  rifques  comme  il  les  couroit  de 
celles  qui  ont  été  vendues.  Ccft  ce  que  l'amirauté 
de  Marfcille  a  jugé  par  fentence  du  12  décembre 
1749  ,  en  faveur  d'un  négociant  de  Marfeille  ,  con- 
tre les  aflureurs  de  la  cargaifoa  du  vaiffeau  la 
Minerve. 

Les  marchandifes  achetées  dans  un  port  fur  ïa 
route  ,  pour  compléter  le  chargement ,  f©nt  pareil- 
lement à  la  charge  des  aflureurs  ,  en  vertu  de  la 
cbiife  dont  on  vient  de  parler.  C'ell  ce  qui  réfulte 
d'un  arrêt  du  r  5  juin  1746  ,  rendu  par  le  parlement 
de  Provence  ,  ea  faveur  de  plufieurs  négocians  de 
Bayoane,  contre  les  affureurs  du  navire /f  Saint- 
Bernard,  L'affurance  étoit  déclarée  faite  fur  les  mar- 
chandifes qui  fe  trouveroient  chargées  dans  le  vaif 
icau ,  à  la  fortie  de  Bayonne  jufqu  à  Cadix.  Le  vaif- 
feau  avoit ,  fur  fa  route ,  pris  des  effets  à  Saint-Sé- 
baflien  ,  &  c'étoit  le  motif  par  lequel  les  affureurs 
refufoient  de  payer  ,  mais  la  cour  n'eut  point 
d'égards  à  ce  moyen  ,  &  elle  les  condamna  à  payer 
la  lomme  affurée ,  &  aux  dépens ,  tant  de  caufe 
principale  ,  que  d'appel. 

Au  refte ,  la  permiffion  de  changer  de  route  ne 
donne  pas  le  droit  de  changer  le  voyage  défigné 
par  la  Police  :  on  a  feulement  le  droit  de  fe  détour- 
ner «le  la  route  pour  aller  dans  quelque  port  ;  mais 
il  faut  que  le  navire  fe  rende  enfin  à  la  deffination 
dont  il  cft  fait  mention  dans  la  Police  d'affuraiice; 
finon  les  affureurs  feroient  déchargés  de  leur  obh- 


gation 


Suivant  l'article  29,  les  déchets,  diminutions  & 
pertes  arrivés  par  le  vice  propre  de  la  chofe  ,  ne 
doivent  point  être  à  la  charge  des  affureurs.  La  rai- 
fon  de  cette  décifion  eff  que  les  affureurs  ne  font 
cenfés  fe  charger  que  des  accidens  extraordinaires, 
&  non  de  ce  qui  arrive  naturellea>ent.  C'efi  pour- 

par  une  cîaufe  de  la  Police  ,  l'affureur  fe  feroit  chargé  de  la 
baraterie  du  patron.  Alors  il  rtponJ  des  fautes  du  capitaine  &: 
des  tnatiniers  ,  mais  non  de  celles  de  l'alTuré  ou  des  aggns  oui 
Je  rtptéfentent.  C'eft  ce  qui  rcfulte  de  l'aiticle  18.,  ainli 
conçu  :  ne  feront  aujji  tenus  les  affuraitrs  de  porter  Us  pertes  6* 
dommages  arrhes  aux  vaijfeavn  6*  marchand] fis  yar  la  f.-tuts 
âts  maîtres  (tf  marinierîyji  ^ar  la  Folite  ils  ncfunt  char^éf  de 
h  baratirit  de  j^atroiu 


POLICE  D'ASSURANCE; 

quoi  les  affureurs  ne  doivent  pas  fupporter  le  dom- 
mage occafionné  par  le  coulage  auqual  certaines 
marchandifes  font  naturellement  fujettes.  Cepen- 
dant s'il  s'agiffoit  d'uu  coulage  occafionné  par  une 
tempête  ,  &  beaucoup  plus  canfidérable  que  le  cou- 
lage ordinaire  ,  les  aflureurs  en  feraient  tenus,  juf- 
qu'à  la  concurrence  de  ce  qui  feroit  eftimé  excéder 
le  coulage  ordinaire  (  i  ). 

De  même  fi  le  vaiffeau  affuré  fe  trouve,  pour 
caufe  de  vétufté  ou  de  pourriture,  hors  d'état  de 
revenir  ,  les  affureurs  ne  font  pas  tenus  de  cet  évé- 
nement. Il  faut  appliquer  la  même  décifion  aux  voi- 
les Si  aux  cables  ufés  par  vétufté. 

Il  faut  encore  en  dire  autant  des  animaux  ou  des 
nègres  morts  de  leur  mort  naturelle  ,  ôu  même  qui 
fe  font  tués  par  défefpoir.  Il  eft  clair  que  toutes  ces 
pertes  ne  doivent  point  être  fupportées  par  les  affu- 
reurs, puifqu'elles  n'ont  eu  heu  que  par  la  nature 
Qu  le  vice  de  la  choie. 

*  La  perte  qui  fe  rit  fentir  en  Provence  en  1720, 
donna  lieu  à  une  quertion  qui  ne  s'étoit  jamais  pré- 
fentéc.  Elle  ionfilloit  à  favoir  :  Jî  les  ajfureurs  dé- 
voient répondre  des  perles  arrivées  durant  la  quaran- 
taine des  infirmeries  ? 

Un  vaiffeau  ,  commandé  par  le  capitaine  Cha- 
taud ,  venant  de  Tripoli,  étant  arrivé  à  l'île  de 
Jarre,  près  de  Marfeille  ,  lieu  deftiné  aux  quaran- 
taine des  vaiffeaux  qui  viennent  du  Levant  au  port 
de  cette  ville  ,  avoit  été  brûlé  ,  avec  toutes  les  mar- 
chandifes qu'il  contenolt ,  en  vertu  d'arrêt  du  par- 
lement de  Provence. 

Les  intéreHés  fe  pourvurent  contre  les  affïireurs , 
fur  le  fondement  que  les  Infirmeries  &  l'ile  de  Jarre 
n'étoient  pas  le  vrai  port  de  Marfeille  ,  que  par  con- 
féquent  le  rifque  n'étoit  pas  rini,  &  que  c'étoit 
le  cas  d'appliquer  l'ordonnance  de  1681,  qui  ne 
décharge  les  affureurs  qu'après  que  les  marchan- 
difes ont  été  délivrées  à  terre  au  lieu  de  leur  defli- 
nation. 

On  répondoit  1°. ,  que  Tufagc  ayant  introduit  à 
Marfeille  que  les  affureurs  ne  répondoient  pas  des 
déchets ,  pertes  ou  accidens  qui  arrivoient  aux  In- 
firmeries ,  on  devoit  regarder  la  Police  dont  il  s'a- 
giffoit,  comme  faite  d'après  cet  ufage.  2".  Que 
Tordre  du  parlement,  en  vertu  duquel  le  vaiffeau 
&  les  marchandifes  avoient  été  brûlés,  ne  pouvoit 
avoir  été  donné  que  par  àçwx  motifs ,  ou  pour  pu- 
nir les  intéreffés  ,  ou  pour  éviter  ks  fuites  de  lî 
contagion  &  infe^ion  de  ces  marchandifes.  -  Qu'au; 
premier  cas,  les  affureurs  dévoient  être  exempts  de 
cette  perte,  à  caufe  que  les  propriétaires  ,  ou  le  ca- 
pitaine, du  fait  duquel  ils  étoient  tenus,  y  avoient 
feuls  donné  lieu.  —  Qu'au  fécond  cas  ,  la  précau- 
tion dont  le  parlement  avoit  ufé  ,  en  faifant  brûler 

(i)  Obfervez  que  pour  que  les  alTuteuts  foient  tenus  du- 
codage  extraordinaire  que  peutoccailonner  une  teiiipcce  ,  il 
faut  que  les  marchandifes  fujettes  à  coulage  ,  foient  délitées 
dans  la  Police  ,  à  moins  cependant  que  rafTurance  ne  foie 
faite  fur  rewut  dw  pays  éiracgçts.  C'.ei^  ce  <iuc  porte  l'arù- 


POLICE  D'ASSURANCE. 

le  vaineau,  n'étoit  qu'un  grand  déchet,  la  perte 
totale  étant  une  avarie  extrême,  de  même  que  l'a- 
varie ordinaire  eft  une  perte  moindre  ;  en  forte  que 
celui  qui  ne  répond  point  de  la  petite  perte  ou  dé- 
chet ,  ne  répond  point  de  la  perte  totale  ,  &  qu'il 
étoit  certain  que  pour  auci'.ne  perte  ou  déchet  ar- 
rivé aux  infirmeries  ,  il  n'avoit  jamais  été  dreiré  au- 
cun rapport  ni  procès-verbal  d'avarie. 

Cette  affaire  portée  aux  enquêtes  du  parlement 
de  Provence  ,  y  fut  partagée  &  renvoyée  à  la 
grand'chambre.  Ce  qui  faifoit  la  difficulté  ,  c'eft 
qu'on  étoit  convenu  que  files  marchandifes  péril- 
foient  au  quai  dans  le  tranfjjort  des  infirmeries  , 
les  affureurs  en  feroient  refponfables  ;  d'oii  l'on 
concluoit  qu'elles  étoient  aux  infirmeries  à  leurs 
rifques ,  comme  fi  elles  n'avoient  pas  été  débar- 
quées; puilque  le  temps  du  nfque  n'étoit  pas  fîni. 

Mais  cetie  obie(Sion  tomboit .,  parce  que  les  afTu- 
reurs  &  les  alTurés  convenoient  unanimement  que 
le  temps  &  le  lieu  de  la  pun^e  font  une  fufpenfion  de 
rifque  ;  ce  qui  étant  fuppofé,  comme  on  n'en  peut 
douter ,  tout  ce  qui  s'enfuit  efl  au  rifque  des  pro- 
priétaires. 

Aufli ,  par  arrêt  du  mois  de  mars  1725  ,  les  afTu- 
reurs  ont  été  décharges  de  leur  affurance,  &  le 
parlement  d'Aix  a  fait  fupporter  aux  afVurés  toute 
la  perte  du  vaifîéau  &  des  marchandifes  qui  avoient 
fait  la  matière  du  procès. 

Cet  arrêt  efl  rapporté    par  Augeard  ,  tome  2, 

§.  163  ^ 

Les  affureurs  ne  font  point  chargés  des  frais  or- 
dinaires du  voyage ,  tels  que  font  les  pilotages , 
louages  ,  lamanagcs  ,  les  droits  de  congé  ,  de  vifite ,  de 
rapport  6*  d'ancrage  ,  &  ceux  qui  peuvent  être  impofés 
fur  les  navire;  &  murckandijes.  C'efl  ce  qui  réfulte 
de  l'article  30. 

Si  l'afTurance  eft  faite  divifément  fur  pîuficurs 
vaifTeaux  défignés  ,  &  que  la  charge  entière  foit 
iTiife  fur  un  feul ,  l'afTureur  ne  doit  courir  rifque 
que  de  la  fomme  afTurée  fur  le  bâtiment  qui  a  reçu 
le  chargement ,  quand  même  tous  les  vaifTeaux  dé- 
fignés viendroienrà  périr  :  il  doit  feulement  rendre 
la  prime  du  furplus ,  à  la  réferve  du  demi  pour 
cent ,  qui  lui  eft  attribué  pour  la  Signature  ,  ou  par 
forme  de  dommages  &  intérêts  réfultans  de  l'inexé- 
cution du  contrat.  C'eft  ce  que  porte  l'article  32. 

Ainfi ,  dans  le  cas  où  des  afTureurs  ont  afïïiré  des 
effets  valant  10,000  écus  ,  qui  dévoient  être  chargés 
fur  le  vaifTeau  la  Junon.,  conformément  à  la  Police  ; 
plus ,  d'autres  effets  pour  une  pareille  fomme  de 
10,000  écus  ,  qui  dévoient  être  chargés  fur  le  vaif- 
feau  le  Minotaure:{i  vous  avez  chargé  le  tout  fur 
le  Minotaure,  les  afTureurs  ne  courent  pas  rifque 
des  10,000  écus  afTurés  fur  la  Junon:  c'eft  pour- 
quoi fi  ces  d«ux  navires  viennent  à  périr,  les  afïïi- 
reurs  ne  feront  tenus  que  des  10,000  écus  ,  qui, 
fuivant  la  Police  ,  dévoient  être  chargés  furie  Mi- 
notaure; mais  ils  rendront  la  moitié  de  la  prime, 
à  l'exception  du  demi  pour  cent.  La  raifon  de  cette 
décifioa  efl  que  le  contrat  d'aflurance  n'a  eu  iaa   , 


POLICE  D'AS^URANCE.      173 

exécution  que  pour  la  moitié  des  efTets  afTurés. 

Suivant  l'article  33  ,  lorfque  les  maîtres  ou  pa- 
trons ont  la  liberté  de  toucher  à  différens  ports  on 
échelles  ,  les  afTureurs  ne  courent  pas  les  rifques 
des  effets  qui  font  à  terre  ,  quoique  deflinés  pour 
le  chargetnent  qu'ils  ont  afTuré,  &  que  le  valffeau 
foit  au  poti  pour  le  prendre  ,  à  moins  toutefois  qu'il 
n'y  ait  une  convention  contraire  parla  Police. 

Si  l'affurance  eft  faite  pour  un  temps  limité  fans 
défignation  de  voyage  ,  les  rifques  font  finis  pour 
Taflureur  après  l'expiration  du  temps.  C'eft  ce  qui 
réfaite  de  l'article  34.  Cette  forte  d'affiirance  le  pra- 
tique à  l'égard  des  vaifTeaux  armis  en  courfe. 

Mais  lorfque  le  voyage  eft  défigné  par  la  Police  , 
les  afTureurs  courent  les  rifques  du  voyage  entier  , 
quoique  la  Police  ait  luuité  un  temps  pour  le  faire, 
il  refaite  feulement  de  cette  condition,  que  la  du- 
rée du  voyage  venant  h.  excéder  le  temps  limité  ,  la 
prime  d'affurance  doit  être  augmentée  à  propor- 
tion ,  quoique  cette  prime  ne  puifle  point  être  di- 
minuée ,  fi  le  voyage  dure  moins  que  le  temps  li- 
mité. Telles  font  les  difpofnions  de  l'article  3^. 

Si,  fans  le  confentement  des  aflureurs  ,  l'affuré 
envoie  le  vaiffeau  dans  un  lieu  plus  éloigné  que 
celui  qui  eft  défigné  par  la  Police ,  ils  font  dé- 
chargés des  rifques  auffi-tôt  que  le  navire  eft  par- 
venu à  la  hauteur  du  lieu  défigné  par  lu  Police  ,  &. 
ils  ont  gagné  la  prime.  Si  au  contraire  l'alfuré  rac- 
courcit le  voyage  ,  l'affurance  doit  avoir  en  entier 
Ion  effet.  C'ei^  ce  qui  réfulte  de  l'article  36. 

L'article  fuivant  veut  que  fi  le  voyage  vient  à 
être  rompu  avant  le  départ  du  vaiffeau  ,  même  par 
le  fait  des  affurés,  l'affurance  demeure  nulle,  & 
que  l'affureur  reftitue  la  prime  ,  à  la  réferve  du 
demi  pour  cent. 

Mais  fi  après  avoir  mis  à  la  voile  ,  le  vaiffeau 
rentroit  peu  de  temps  après  dans  \é  port ,  l'affuré 
feroit-il  en  droit  d'annuUer  l'affurance  en  rompant 
le  voyage,  &  de  répéter  la  prime  à  l'affureur?  Il 
faut  répondre  que  non.  La  raifon  en  eft  que  l'affu- 
reur a  commencé  de  courir  les  rifques,  &  que, 
dès  ce  moment,  la  prime  lui  a  été  acquife  irrévo- 
cablement. C'efl  ce  qu'on  doit  conclure  de  l'article 
36  ;  mais  on  peut  encore  appliquer  à  ce  cas  ce  que 
l'ordonnance  décide  au  fujet  du  fret.  Elle  le  dé- 
clare gagné  en  entier,  lorfque  le  marchand  char- 
geur retire  fes  marchandifes  durant  le  voyage. 

L'article  38  prononce  la  nullité  des  affurances 
faites  après  la  perte  ou  l'irrivée  des  chofes  affu- 
rées  ,  fi  l'affuré  en  favoit  ou  pouvoit  favoir  la  perte 
ou  l'affureur  l'arrivée ,  avant  la  fîgnature  de  la  Po- 
lice. 

Cette  décifion  eft  fondée  fur  ce  qu'il  eff  de  l'ef- 
fence  du  contrat  d'affurance  qu'il  y  ait  des  rifques  à 
courir. 

Comme  il  feroit  fouvent  difficile  à  l'affurenr  de 
prouver  C[ue  l'affuré  favoir,  au  temps  du  contrat, 
la  perte  des  effets  qu'il  a  fait  affurer ,  il  n'eff  pas  né- 
ceffaire ,  pour  faire annuller  la  convention  ,  (n\\\  y 
ait  uae  preuve  pofuive  de  cette  perte  :  l'affuré  efl 


174 


POLICE  D'ASSURANCE. 


ccnfé  l'avoir  fiie,  lorfque  ,  depuis  qu'elle  a  eu 
lieu,  il  s'clt  paiïé  jufcju'au  reinps  du  contrat ,  un 
temps  ruffifant  pour  que  la  nouvelle  ait  pu  lui  en 
parvenir. 

L'article  39  règle  ce  temps ,  en  comptant  une 
lieue  &  demie  pour  heure  ,  depuis  rendroic  où  le 
vaifTeau  a  pcri  ,  jufqu'au  lieu  oii  le  contrat  d'aiTu- 
rance  a  été  palTé.  Par  exemple  ,  fi  le  contrat  a  été 
paffé  à  Bordeaux  ,  &  que  le  lieu  où  le  vaiffeau  eiî 
péri  ne  foit  éloigné  que  de  trentefix  lieues  de  cette 
ville,  ralFuré  fera  cenle  avoir  fu  la  nouvelle  après 
vingt-quatre  heures  ,  qui  font  un  jour;  mais  fi  le 
lieu  où  le  vailleau  eft  péri  fe  trouve  éloigné  de 
vingt  fois  trente -fix  lieues,  c'eA-à-dire  ,  de  720 
lieues  ,  l'aiTuré  ne  fera  cenfé  en  avoir  appris  la 
nouvelle  qu'au  bout  de  vingt  jours. 

Ce  temps  fe  compte  dinftant  a  inftant:  c'eA  pour- 
quoi lorfqu'on  fait,  non-feulement  le  jour,  mais 
encore  l'heure  à  laquelle  eft  arrivée  la  perte  du 
vailTeau  ,  on  doit  compter  depuis  cette  heure. 

Mais  lorfqu'on  ne  fait  que  le  jour  de  l'accident , 
&  non  l'heure  ,  comment  le  temps  doit-il  être 
compté?  L'auteur  du  guidon  de  la  mer  dit  qu'on 
doit  commencer  à  le  compter  depuis  l'heure  de 
midi  de  ce  jour,  ce  qui  n'ert  fondé  fur  rien.  Il  efl 
plus  raifonnablc  dédire  qu'on  ne  doit ,  en  ce  cas , 
commencer  à  le  compter  que  du  lendemain  ,  la 
perte  du  vailleau  ayant  pu  arriver  à  la  dernière 
heure  du  jour. 

Par  la  mèmeraifon  ,  lorfque  l'heure  du  jour  où 
le  contrat  a  été  paffé,  n'eft  pas  exprimée  par  l'afie  , 
on  ne  doit  compter  les  heures  de  ce  jour  que  juf- 
qu'à  celle  à  laquelle  les  affureurs  ont  coutume  d'ou- 
vrir leur  bureau  ,  le  contrat  ayant  pu  être  pafie  im- 
médiatement après  l'ouverture  du  bureau. 

L'affureur  pourroit-il ,  pour  pouvoir  compter  les 
heures  du  jour  auquel  l'aéle  a  été  paffé,  être  reçu  à 
prouver  par  témoins  que  cet  afte  n'a  été  paffé  que 
le  f«ir  ?  M.  Pothier  ,  qui  propofe  cette  queftion  , 
obferve  que,  pour  la  négative  ,  on  peut  dire  que 
l'ordonnance  de  1667  a  défendu  la  preuve  tefiimo- 
niale  contre  la  teneur  des  a61es  ,  &  que  l'affureur 
doit  s'imputer  de  n'avoir  pas  exprimé  l'heure  par 
l'ade  :d'un  autre  côté  ,  on  peut  faire  remarquer  qtie 
l'ordonnance  ,  en  défendant  la  preuve  teflimoniale 
contre  la  teneur  des  a61es  ,  n'a  entendu  défendre 
•d'autre  preuve  que  celle  des  chofes  qu'on  préten- 
drott  faire  partie  de  la  convention  ,  &  n'avoir  pas 
été  exprimée  par  l'aâe  ;  mais  que  la  preuve  du 
temps  auquel  l'adte  a  été  paffé  n'étant  pas  une  preuve 
contre  la  teneur  de  l'atfte  ,  puifque  ce  temps  ne  fait 
pas  partie  de  la  convention  contenue  dans  l'afte  , 
elle  doit  être  admife.  C'eft  l'avis  de  Danty. 

Ajoutez  que  les  contrats  d'affurance  font  une  ma- 
tière de  commerce  ,  8c  que  dans  les  matières  de 
commerce  ,  l'ordonnance  de  1667  laiffe  à  la  pru- 
dence des  juges  d'en  fuivre,  ou  de  n'en  pas  fuivrc 
les  difpofitions  fur  la  preuve  teflimoniale. 

Au  refte,  on  doit  obferver  que  les  parties  peu- 
vent, par  une  claufe  particulière  de  la  Police  d'af- 


PÛLÏCE  D'ASSURANCE. 

furance  ,  dérot',cr  à  la  difpofuion  de  l'article  39,  paf 
lequel  eil  établ.e  la  préfomption  que  faffuré  avoi^ 
lors  du  contrat  ,  connoiffance  de  la  perte  du  na- 
vire, à  caufe  du  temps  écoulé  depuis  la  perte  du 
vaiffeau ,  jufqu'au  contrat. 

Cette  claufe  eÛ  celle  par  laquelle  les  parties  dé- 
clarent que  le  contrat  eft  fait  fur  bonnes  ou  mauvai- 
fes  nourelUs.  On  y  r.joute  fouvent  pour  plus  grande 
explication  ,  ces  termes ,  renoncent  à  la  lieuc  &  demie 
pour  heure. 

Ces  claufes  font  très-fréquentes  dans  les  Polices 
d'aiTurance  :  l'ordonnance  en  fait  mention  dans  l'ar- 
tic'e  40  ,  où  il  eA  dit  :  "  fi  toutefois  l'affurance  eft 
»  faite  fnr  bonnes  ou  mauvaifes  nouvelles  ,  elle 
»  fubfiAera  ;  s'il  n'eff  vérifié  par  autres  preuves 
"  que  celles  de  la  lieue  &  demie  pour  heure  ,  que 
»  l'affuré  favoit  la  perte,  ou  l'affureur,  l'arrivée  du 
»  vaiffeau  ,  avant  la  fignature  de  la  Police  ». 

Il  réfulte  de  cet  article  ,  que  tout  l'effet  de  cette 
claufe  eft  que  ,  dans  le  cas  ou  elle  a  lieu,  le  laps  du 
temps  à  raùon  d'une  lieue  &  demie  pour  heure  ,  de- 
puis l'inftaiit  de  la  perte  du  vaiffeau  ,  jufqu'au  con- 
trat, n'efl  pas  feul  fufiifant  pour  faire  préfumer  que 
l'affuré  avoit,lors  du  contrat ,  connoiflance  de  la 
perte  du  vaiffeau  ,  ni  pour  faire  en  conféqusnce  dé- 
clarer nul  le  contrat  ;  mais  lorfqifil  eft  jufiifié  d'ail- 
leurs que  l'affuré,  lors  du  contrat ,  avoir  cette  con- 
noiffance  ,  la  claufe  dont  il  s'agir ,  ni  aucune  autre 
ne  peut  empêcher  que  lé  conrrat  ne  foit  déclaré 
nul;  parce  que  l'affuré,  en  diffimulant  lors  du  con- 
trat,  cette  connoiffance,  a  commis  un  dol  envers 
les  affureurs. 

Le  nommé  Woulf  avoir,  le  11  novembre  17^2  , 
fait  affurer  à  la  première  chambre  des  affurances  de 
Paris,  pour  le  compte  de  deux  négocians  de  Gand  , 
une  fommc  de  19,000  liv.  &  une  autre  de  28,000 
livres  ,  pour  chargement  de  marchandifes  fur  le 
vaiffeau  le  Prince  Charles  ^  chargé  à  Gottenbourg, 
pour  Oftende. 

Les  Polices  d'affurance  contenoient  la  claufe  fur 
bonnes  ou  mauvaifes  nouvelles. 

Le  vaiffeau  étoit  péri  avec  fa  cargaifon  dès  le  4 
du  mois. 

Les  affurés  ayant  fait  affigner  les  affureurs  à  l'a- 
mirauté du  palais ,  pour  les  faire  condamner  à  payer 
les  femmes  énoncées  dans  les  Polices  d'aflurance  , 
ceux-ci,  pour  s'en  défendre,  foutinrent  que  les  né- 
gocians de  Gand  avoient  connoiffance  de  la  perte 
"du  vaiffeau  ,  lorfqu'ils  avoicnt  donné  l'ordre  à 
Woulf  de  faire  affurer  ;  &  pour  juffifier  le  fait ,  ils 
dirent  que  le  22  ,  jour  auquel  ces  négocians  avoient 
écrit  à  Woulf  pour  lui  donner  l'ordre,  la  gazette 
d'Amfierdam  ,  qui  annonçoit  la  perte  du  vaiffeau, 
avoir  été  publique  à  Gand  dès  le  matin.  La  preuve 
de  ce  fait  ayant  été  admife  &  faite  ,  l'amirauté  ,  paf 
fentence  du  20  feptembre  1758  ,  déclara  les  Poli- 
ces d'affurance  nulles  ,  &  condamna  les  affurés  au 
payement  de  la  double  prime  :  y  ayant  eu  appel 
de  cette  fentence  ,  elle  fut  confirmée  par  arrêt  du 
29  août  1759. 


POLICE  D'ASSURANCE. 

La  maiivaife  toi  des  deux  négocians  partit  in- 
tontcftable  :  il  étoit  clair  qu'ils  n'avoient  écrit  pour 
faire  alTurer  ,  qu'après  avoir  lu  la  gazette  qui  les 
avoic  inftruitsde  la  perte  du  vaifieau. 

On  voit  par  cette  décifion  ,  que  dans  le  cas  de 
preuve  que  l'affuré  favoit ,  au  temps  du  contrat , 
îa  perte  de  la  chofe  affiirée  ,  il  en  rcfulte  non  feule- 
ment la  nullité  de  Taffurance  ,  mais  il  doit  encore 
payer  double  prime  à  rafTureur.  Cela  efî  fondé  fur 
i'articls  4!. 

La  même  loi  veut  qu3  s'il  eft  prouvé  que  l'affu- 
reuraitfu,  au  temps  du  contrat,  que  les  choies 
affiirées  étoien*  arrivées  à  bon  port,  il  foit  con- 
damné à  reilitutr  la  prime ,  Si  à  en  payer  le  double 
à  Taifuré. 

Maislorfqu'au  inoment  du  contrat,  il  s'eft  écoulé 
,  un  temps  fuiriiant  pour  que  l'affiiré  ait  pu  être  in- 
formé de  la  perte  de  fcs  effets  ,  fans  toutefois  qu'il 
y  ait  preuve  qu'il  a  eu  coiinoiflance  de  cette  perte , 
doit-il  être  co.idamné  à  piyer  la  double  prime  ? 
"Quelques-uns  foutiennent  l'afiimiative  ;  mais  l'o- 
pinion de  M.  Porhier ,  qui  penche  pour  la  néga- 
tive ,  d&itêtre  préférée.  L'ordonnance  ,  par  l'article 
3S  du  titre  des  alTurances  ,  prononce  à  la  vérité  la 
nullité  du  contrat ,  tant  dans  le  cas  où  l'affuré  a  fu 
la  perte  des  effets  qu'il  faifoit  aflurer,  que  dans  ce- 
lui où  il  a  pu  être  inftruitde  cette  perte  ;  mais  par 
l'article  41 ,  elle  ne  prononce  la  peine  de  la  double 
prime ,  que  dans  le  cas  {où  il  y  a  preuve  que  l'af- 
furé a  fu  la  perte ,  &  n«n  dans  celui  auquel  il  a  feu- 
lement pu  la  favoir. 

L'article  42  porte  que  quand  l'a/Turé  a  eu  avis  de 
la  perte  du  vai.ieau  ,  ou  des  marchandifes  afTurées , 
de  l'arrêt  de  prince  (i)  ,  &  de  quelqu'autre  accident 
dont  les  affureurs  font  tenus  ,  il  doit  le  leur  faire 
incontinent  fignifier,  ou  au  commiffionnaire  qui  a 
iigné  pour  eux  l'afTurauwe,  avec  protejlation  de  faire 
jon  delaijfement  en  temps  if-  lieu. 

Et  fuivant  l'article  43  ,  l'affuré  peut,  au  lieu  de 
proteftation  ,  faire  fon  délaiffement ,  avec  fomma- 
tion  aux  alTureurs  de  payer  les  fommes  affurées  , 
dans  le  temps  fixé  par  la  Police. 

Il  faut  obferver  que  ,  quoique  l'ordonnance  pref- 
crivc  à  l'affiu'é,  incontin  nt  après  la  perte  des  effets 
aflurés,  de  fignifier  l'accident  aux  affurcurs  ,  il  ne 
ptut  néanmoins  réfulterdu  défaut  de  fignification  , 
aucune  fin  de  non- recevoir  contre  lui  :  le  légifla- 
teur  a  feulement  voulu  l'avertir  que  la  bonne  foi 
qui  doit  régner  dans  les  convennons ,  ne  lui  per- 
niettoit  pas  de  laiffer  ignorer  aux  affureurs  >  ce  qui 
pouvoir  concerner  l'aiTurance. 

Lorfque  le  délaiffement  n'eft  pas  fait  en  même 
temps  que  la  fignificaiion  ,  l'affuré  demeure  le  maî- 
tre de  ne  pas  le  faire  ,  &  de  ne  fe  déterminer  qu'en 
connoiffance  de  caufe.  C'eft  le  parti  le  plus  prudent. 
Quand  l'afiùré  a  pris  la  réfolution  de  faire  le 
délaiffement,  il  doit  le  notifier  par  un  notaire  ou 
par  un  huiffier.  A  Marfeille  ,  cette  notification  fe 


POLICE  D'ASSURANCE.        175 

fait  par  une  fimple  déclaration  à  la  chambre  du 
comnîerce  ,  &  cela  vaut  fignification  à  chacun  des 
affûteurs. 

Si  le  temps  du  payement  n'ert  pas  réglé  par  la 
Police  d'ai^;urance  ,  les  affureurs  font  obligés  de 
payer  trois  mois  ap.'ès  la  fignification  du  délaiffé- 
mciK.  Telle  ell  la  difpofition  de  l'article  44. 

Dans  le  cas  de  naufrage  ou  d'échouement ,  l'af- 
furé peut  travailler  au  recouvrement  des  effets  nau- 
fragés ,  fans  que  cela  puiffe  préjudicier  au  droit  de 
faire  fon  délaiffement  •  il  doit  même  fiiire  travailler 
à  ce  recouvrement ,  en  attendant  l'arrivée  des  offi- 
ciers de  l'amirauté,  fur-tout  s'il  eft  fur  le  navire  > 
&  qu'il  le  commande  :  autrement  fon  inaflion  pour- 
roit  être  confid  ;rée  comme  un  délit  capable  de  le 
rendre  rel'ponfabie  des  dommages  Si  intérêts  des 
affûteurs. 

Au  refte  ,  tout  ce  que  fait  \m  affuré  pour  recou- 
vrer des  effets ,  n'eft  cenfé  fait  qu'au  nom  des  affu- 
reurs; ceff  pourquoi  il  conferve  toujours  la  liberté 
de  leur  faire  fon  délaiffement  ,  fauf  à  leur  rendre 
compte  de  ce  qu'il  a  recouvré.  C'cff  ce  que  le  parle- 
ment d'Aix  a  jugé  par  arrêt  du  3  mars  1759,  con- 
firmatif  d'une  fentence  de  l'amirauté  de  Marfeille 
du  17  juillet  précédent,  rendue  en  faveur  de  Bar- 
thclemi  Benza  ,  commiffionnaire  du  capitaine  Ghi- 
glino.  Ce  fut  en  vain  que  les  affureurs  objeftérent 
que  Benza  étoit  d'autant  moins  fondé  dans  le  dé- 
laiffement par  lui  fait  pour  le  compte  de  Ghiglino, 
qu'il  fe  pouvoir  faire  que  ce  capitaine  fe  contentnt 
des  effets  dont  il  avoit  obtenu  la  main-levée  à  la 
nouvelle  Yorck. 

Piiilque  l'allure  eff  autorifé  à  travailler  au  recou- 
vrement des  effets  ,  il  faut  en  tirer  la  conféquence  , 
qu'il  doit  être  rembourfé  des  frais  faits  à  ce  fujer. 
On  n'exige  même  de  lui  aucune  pièce  jufiificative 
de  fa  dépenfe,  Si  l'on  doit  là-deffus  s'en  rapporter 
à  fon  affirmation  ;  mais  il  ne  peut  étendre  fa  répé- 
tition que  jufqu  à  concurrence  de  la  valeur  des  ef- 
fets recouvrés. 

Toutes    ces  chofes    font  fondées    fur    l'article 

45(0- 

L'article  46  détermine  les  cas  où  l'affuré  eff  au- 
torifé a.  faire  le  délaiffement.  Voici  comme  cette 
loi  eft  conçue. 

«  Ne  pourra  le  délaiffement  être  fait  qu'en  cas  de 
»  prife,  naufrage,  bris,  échouement ,  arrêt  de 
M  prince ,  ou  perte  entière  des  effets  affurés  ;  & 
"  tous  autres  dommages  ne  feront  réputés  qu'a- 
»  varie,  qui  fera  réglée  entre  les  affureurs  &  les 
»  affurés,  à  proportion  de  leurs  intérêts  w. 

11  ne  faut  pas  conclure  des  termes  de  cette  loi, 
que  dans  tous  les  cas  qu'elle  fpécifie  ,  le  délaiffe- 


(1^  \o/(.z  l'article  Arrêt  de  pkince. 


fi)  Voici  ce  que  ps'te  ca  article.  En  cas  Aç  nauTr^ge 
ou  cchouenienr,  raffuré  poiira  travajl'cr  au  recouvrement 
des  effets  naufragés,  fans  p  éjudice  du  di lailieiiient  «ju  il 
pouria  faire  en  temps  &  Jieu  ,  &:  du  rembcurfcment  de  ^e* 
frais,  dont  il  (eia  cru  fut  fon  affi-nution  jafqu'j  concurreni* 
de  Ja  vaJeur  des  efiçts  r;i;oiivfes. 


175  POLICE  D'ASSURANCE. 

jnent  ne  piiiffe  être  conteflé  par  les  zffureurs. 

Ainfi  ,  lorfqii'iin  navire  eft  échoué  ,  s'il  y  a 
nioyen  de  le  relever  &  de  le  remettre  en  érat  de 
naviguer  par  un  radoub  ,  les  aflureurs  ne  (ont  point 
obliges  d'accepter  le  délaifTement  ;  il  fuffit  qu'ils 
réparent  le  dommage. 

C'eA  pourquoi  la  validité  ou  l'inutilité  du  dé- 
laiffement  dépendent  de  la  queftion  de  favoir  s'il 
€Û  poiïible  de  réparer  le  navire  de  manière  qu'il 
puifle  être  conduit  à  fa  dcftination.  Ce  n'eft  pas 
tjue  quelques-uns  n'aient  prétendu  que  l'abandon  , 
iait  pour  caufe  d'échouement  du  navire,  ne  de- 
voir pas  avoir  moins  d'effet  que  s'il  eût  eu  lieu 
pour  caufe  de  bris  &  de  naufrage  ;  mais  M.  Valin 
a  fort  bien  fait  voir  qu'ils  étoient  dans  l'erreur.  En 
^ffet ,  on  fait  qu'un  navire  diminue  confidérable- 
inent  de  valeur  dans  le  cours  d'une  longue  navi- 
gation ,  quelque  heureufe  qu'on  la  fiippofe.  Or, 
comme  les  aflureurs  ne  font  nullement  obligés  de 
faire  rai fon  de  cette  diminution  àl'affuré,  Ijrfque 
le  navire  eft  arrive  à  bon  port,  ils  ne  doivent 
pas  y  être  affujettis  non  plus  en  cas  d'échouement  : 
tout  ce  qu'on  eA  en  droit  d'exiger  d'eux  ,  eft  la 
réparation  du  dommage  qu'a  occafionné  l'échoue- 
ment. 

Le  parlement  d'Aix  a  confirmé  cette  opinion 
par  un  arrêt  du  25  juin  1754  >  rendu  dans  l'ef- 
pêce  fuivante. 

L'amirauté  de  Marfcil'e  jugea  ,  par  fcntence  du 
22  août  1752  ,  à  l'occîiuoa  d'un  navire  qui  avoit 
échoué  fur  des  rocheis,  &  qui  avoit  été  retiré  par 
les  foins  de  l'équipage  ,  que  l'alTuré  étoit  fondé  à 
demander  aux  aflureurs ,  déclarés /à  <î«ci  6»  quittes 
d'avariei  par  la  Police  d'affurance  ,  le  payement  de 
ce  qu'il  lui  en  avoit  coûté  pour  radouber  le  navire 
&  le  remettre  en  état  de  continuer  fon  voyage  : 
mais  l'arrêt  cité  infirma  la  fentence  ,  &  les  affu- 
reurs  furent  renvoyés  avec  dépens  ,  fur  le  prin- 
cipe que  l'écbouement  dont  il  étoit  queftion  n'a- 
voit  pu  donner  lieu  au  délaiffement ,  &  qu'il  ne 
s'agiffoit  que  de  fimples  avaries ,  dont  les  affu- 
reurs  ne  pouvoient  être  tenus  au  moyen  de  la 
claufe  de  la  Police  qui  les  en  avoit  déchargés. 

Mais  fi  dans  le  lieu  où  le  navire  a  abordé  ou 
échoué,  le  capltnine  ne  peut  le  faire  radouber, 
eft-on  en  droit  d'en  faire  l'abandon  aux  affureurs 
&  aux  prêteurs  à  la  groffe  ?  M.  Valin  ,  qui  pro- 
pofe  cette  queflion  ,  répond  que  ce  droit  n'eft  pas 
douteux  ,  Il  dans  ce  lieu  ni  dans  le  voifinage  ,  il 
n'y  a  point  de  matériaux  ni  d'ouvriers  pour  faire 
le  radoub. 

Si  au  contraire  il  y  a  dans  le  lieu  de  quoi  radou- 
ber le  navire  ,  &  que  ce  radoub  ne  manque  qu'à 
caufe  que  le  capitaine  ne  peut  y  trouver  aucun  cré- 
dit ,  c'eft  en  quoi  confifte  la  difficulté. 

Elle  s'cft  préfentée  à  l'amirauté  de  Marfeille  dans 
l'efpèce  fuivante  ,  que  rapporte   M.  Valin. 

«  Le  5  feptcmbre  1754  ,  le  capitaine  Candole  , 
i>  de  la  Ciotat ,  prit  à  la  greffe ,  fous  le  caution- 
n  nement  de  François  Candole ,  fon  frère ,  une 


POLICE  D'ASSURANCE. 

n  fomme  de  1000  livres,  de  Maurice  iiarratler," 
n  fur  le  corps  de  la  polacre  le  Saint  Etienne  ,  pour 
»  un  voyage  ou  caravanne  dans  le  levant  ,  au 
"  change  ou  profit  maritime  de  dix  pour  cent  pour 
')  fix  mois,  &  au  prorata,  julqu'au  retour n'excér 
»  dant  en  tout  trois  ans. 

»  Après  un  an  de  navigation  ,  le  capitaine  Can- 
»  dole  mourut  à  terre  ,  &  le  commandement  du 
»  navire  échut  à  Faudon  ,    fon  écrivain. 

»  En  janvier  1756,  le  navire  arriva  à  Chypre. 
>»  Le  28  du  même  mois  ,  l'équipage  préfcnta  re- 
'>  quête  au  conful  François  ,  &  demanda  que  le  na- 
»  vire  fût  vifité  par  experts  ,  offrant  de  fe  renibar- 
»   quer,  s'il  étoit  jugé  navigable. 

»  Les  experts  nommés  déclarèrent  que,  moyen» 
»  nant  un  radoub  ,  le  bâtiment  pourroit  naviguer , 
»  même  pluficurs  années.  Le  radoub  fut  évalué  ii 
»  à  I  20c  pia/lres. 

»  Le  23  du  même  mois  de  janvier  intervint  une 
»  ordonnance  du  conful ,  qui  enjoignit  à  Faudon 
»  de  faire  travailler  au  radoub  fans  délai.  Il  re- 
»  montra  qu'il  ne  trouvoit  pas  d'argent.  Là  deffus, 
»  le  conful  rendit  une  nouvelle  ordonnance  con- 
»  forme  à  la  première. 

»  Le  3  février,  Faudon  n'ayant  abfolument  pu 
»  trouver  d'argent  à  emprunter,  déclara  qu'il  aban- 
"  donnoit  la  polacre  pour  en  être  difpofé  par  le 
»  conful ,  ainfi  qu'il  aviferoit ,  pour  le  grand  avan- 
»  tage  des  intéreffés. 

)'  En  confcquence  ,  le  conful  fit  vendre  la  po- 
»  Ip.cre  pour  901  piaftres  dont  il  paya  l'équipage. 
»  L'acheteur  du  navire  le  fit  radouber  ,6c  cnfuite 
'>  naviguer. 

"  Le  22  juin  de  la  même  année  1756,  Jean- 
»  Baptifle  Ode,ccffionnaire  de  Maurice  Barratier, 
"  donneur  à  la  groffe ,  affigna  les  héritiers  du  ca- 
»  pitaiue  Candole,  &  François  Candole  ,  caution, 
"  pour  les  faire  condamner  au  payement  des 
»  1000  livres  données  à  la  groffe  ,  &  des  pro- 
'»  fits  maritimes  jufqu'à  l'époque  de  la  vente  de  la 
»  polacre. 

j>  Ceux-ci  lui  opposèrent  que  le  navire  avoit  été 
»  déclaré  hors  d'état  de  naviguer,  &  qu'ainfi  l'a- 
i>  oandon  qui  en  avoit  été  fait ,  étoit  pour  le  compte 
j)  des  donneurs  à  la  groffe  &  des  affiireurs ,  lef- 
»  quels,  moyennant  cela,  ne  pouvoient  rien  pré- 
»  tendre  que  fur  le  prix  de  la  vente. 

»  Le  demandeur  répliquoit  de  fon  côté,  i°.  que 
»  le  capitaine  n'avoit  point  fait  de  confulat,  c'eft- 
5>  à-dire  ,  un  rapport  en  forme  devant  le  conful; 
»  qu'ainfion  ne  pouvoit  pas  reconnoître  fi  le  mau- 
«  vais  état  du  navire  procédoit  de  fon  vice  pro- 
»  pre,  ou  de  fortune  de  mer. 

»  2°.  Que  le  navire  n'avoit  pas  été  déclaré  pré- 
»  cifément  hors  d'état  de  naviguer  ,  mais  feule- 
»  ment  avoir  befoin  d'un  radoub  ;  &  que  fi  Fau- 
)»  don  n'avoit  pas  trouvé  des  deniers  pour  le  ra- 
j>  doub ,  c'étoit  fon  affaire ,  ©u  ,  en  tout  cas ,  un 
j>  fait  qui  ne  pouvoit  retomber  fur  les  donneurs 
»  Se  les  affureurst 

n  DaQ![ 


POLICE  D'ASSURANCE. 

»  Dans  ces  circonflances ,  intervint  Icntence  h 
»  19  iiiillet  1757  ,  qui  condamna  les  héritiers  Can- 
j>  clole  &  François  Canriole  caution  ,  au  payement 
»  des  1000  livres  de  prêt  à  la  groffe  tk  du  change 
»  maritime  ». 

M.  Valin  penfe  que  l'affaire  fut  bien  jugée  ,  par 
la  raifon  que  Faudon  n'avoir  pas  fait  conlbter  par 
experts  que  c'étoit  les  coups  de  mer  que  fon  na- 
vire avoit  effuyés  qui  l'avoient  mis  dans  le  cas  de 
ne  pouvoir  plus  naviguer.  En  effet,  le  défaut  d'un 
rapport  en  forme  établiffoit  la  préfoniption  que  le 
mauvais  éiat  du  navire  îvenoit  de  fon  vice  propre. 

Mais  fi  Faudon  eût  eu  rempli  cette  formalité  , 
on  auroit  uns  doute  jugé  différemment,  parce 
que  rimpoifibilité  de  trouvera  emprunter  les  de- 
niers néceffaires  pour  le  radoub  ,  doit  être  com- 
parée au  cas  C'ii  il  n'y  a  ni  matériaux ,  ni  ouvriers 
pour  cet  efct. 

Au  rede  ,  lorfqu'on  fait  le  délaiffement  ,  il  doit 
être  de  tout  ce  qui  eft  porté  par  la  Police  d'affu- 
rance ,  fans  qu'on  puiffe  retenir  une  partie  de  la 
chofe  affurée  ,  &  abandonner  l'autre.  C'efl  ce  qui 
réfuhe  de  l'article  47.  C'efl  pourquoi ,  fi  vous  avez 
fait  affurer  par  une  Police  d'affurance  ,  une  fom- 
me  de  ioo,ocio  livres  fur  une  cargaifon  que  vous 
aviez  fur  le  navire  la  Diane  ,  laquelle  cargailon 
confifioit  en  tMit  de  quintaux  de  cochenille  ,  de 
la  valeur  de  60  mille  livres,  &  entant  de  balles 
de  foieries  ,  de  Ja  valeur  de  40  mille  livres  ,  vous 
ne  pourrez  pas ,  dans  le  cas  oii  ces  marchandifes 
feroient  péries  en  partie  par  un  naufrage,  deman- 
der aux  affurcurs  les  60  milles  livres  ,  valeur  de 
la  cochenille  que  vous  avez  fait  affurer,  aux  offres 
de  leur  abandenner  ce  qui  en  reffe ,  &  retenir  ce 
qui  a  été  fauve  des  foieries  ,  en  vous  réfervant  de 
répéter  le  payement  du  dommage  que  l'accident 
y  aura  occafionné  :  mais  il  faudra  que  vous  fafiîez 
le  délaiffement  de  tout  ce  qui  a  été  fauve  ,  foit  en 
cochenille ,  foit  en  foieries ,  &  que  vous  deman- 
diez la  fomme  entière  des  100  mille  livres. 

Il  n'en  feroit  pas  de  même  fi  vous  aviez  fait 
affurer  votre  cochenille  par  une  Police  d^aifurance  , 
&  vos  foieries  par  une  autre  Police  ,  quoique  par 
les  mêmes  affureurs.  Dans  ce  cas  ,  rien  ne  vous 
empêcheroit  de  déLiiffer  la  cochenille  affurée  par 
une  Police  ,  &  de  garder  les  foieries  affurées  par 
l'autre. 

I  II  en  feroit  de  ce  cas,  comme  fi  vous  n'aviez 
fait  affurer  que  votre  cochenille  ;  il  eft  évident 
qu'alors  vous  ne  pourriez  pas  être  obligé  à  délaiffer 
vos  foieries. 

En  effet ,  il  ne  peut  être  queffion  entre  l'affurc 
&  les  affureurs  que  des  objets  affurés;  il  n'y  a 
par  conféquent  de  délaiffement  à  faire  que  des 
chofes  réellement  affurées.  C'ert  pourquoi  fi  les 
affurances  fur  une  cargaifon  en  général  ne  vont 
qu'à  la  moitié  de  fa  valeur  au  temps  du  charge- 
ment du  vaiffeau  ,  l'affuré  eff  fondé  à  ne  délaiffer 
que  la  moitié  affurée  ,  &  à  retenir  l'autre  pour 
partager  avec  les  affureurs  ce  qui  aura  pu  être 
Tomi  Xni. 


POLICE  D'ASSlîPANGK.       177 

fnuvé  du  nauha^c,  ou  lecouvré  dans  le  cas  àiwc 
prife  injufte.  Mais  quoique  l'affuré  retienne  alois 
la  moitié  de  la  cargaifon  ,  il  ne  faut  pas  moins  \m 
délaiffement  total  de  la  chofe  affurée.  La  raifon  en 
cil  que  la  partie  qu'il  retient  n'éroit  pas  affurée  , 
&  que  les  affureurs  n'y  ont  aucun  droit ,  puifqu'elle 
a'étoit  pas  à  leurs  rifques. 

L'article  48  règle  le  temps  dans  lequel  les  affurés 
doivent  faire  leur  délaiffement  &  former  leur  de- 
mande en  exécution  du  contrat  d'affurance.  Voici 
ce  qu'il  porte  : 

«  Les  délaiffemens  &  toutes  demandes  en  e\é- 
»  cution  de  laPoiice,  feront  faites  aux  affureurs 
i>  dans  fix  femaints ,  après  la  nouvelle  des  pênes 
)»  arrivées  aux  cotes  de  la  même  province  ou  l'afli:- 
11  rance  aura  été  faite  ,  &  pour  celles  qui  arriveront 
i>  dans  une  autre  province  àt  notre  royaume  ,  dans 
Il  trois  mois;  pour  les  côtes  de  Hollande,  Flandre  & 
))  Angleterre,  dans  quatre  mois  ;  pour  celles  d'Ef- 
»  pagne  ,  Italie  ,  Portugal ,  Barbarie  ,  Mofcovie  ou 
•)■>  Norv/egc  ,  dans  un  an  ;  8c  pour  les  côtes  d'Ame- 
)>  rique,  iirefil ,  Guinée  ;  &  autres  pays  plus  éloi- 
)>  gnés  .  dan?  dct'X  ans  ,  &  le  temps  pafie  ,  les  affu- 
5>  rés  ne  feront  plus  recevables  en  leur  demande  ». 

Le  temps  de  U  nouvelle:  des  pertes  ,  d'où  cet  ar- 
ticle fait  courir  le  délai,  doit  s'entendre  du  temps 
auquel  la  nor.velle  a  commencé  dètre  publique 
dans  le  lieu  où  l'affurance  a  été  faite. 

Si  l'affuré  avoit  eu  nouvelle  de  la  perte,  Se 
l'efu  notifiée  aux  affureurs  avant  qu'elle  fût  pu- 
blique ,  avec  proteffation  de  faire  fon  délaiffement , 
le  délai,  pour  former  la  demande,  courroit  du  jour 
de  cette  notification. 

M.  Valin  remarque  qu'avant  1713  ,  l'amirauté 
de  Marfeil.'e  &  le  parlement  d'Aix  n'obfervoient 
pas  fcrupuleufcment  l'ordonnance  relativement  à 
la  prefcription  ou  fin  de  non-recevoir  établie  par 
l'article  48  ;  mais  cette  cour  commença  cette  an- 
née à  établir  une  jurifprudence  différente  à  l'occa- 
fion  de  l'efpècefuivante. 

Blaife  Marin  avoit  fait  faire  une  affurance  fur  le 
vaiffeau  la  Sainte-Marguerite;  ce  vaiffeau  fut  pris  : 
la  déclaration  de  la  perte  fut  faite  à  la  chambre  du 
commerce  le  14  janvier  1706;  en  conféquence  , 
tous  les  affureurs  pa^'èrent  les  fommes  affûtées  , 
à  l'exception  de  François  Sabain  ,  qui  fut  affigné 
pardcvant  le  tribunal  de  l'amirauté  de  Marfeille  le 
3  février  171 1. 

Sentence  intervint ,  qui  condamna  cet  affurf  ur  à 
payer;  mp.i«  par  arrêt  du  mois  de  mai  171 3  ,  la  (en- 
teiïce  fut  infirmée ,  &  l'affuré  déclaré  non-rccevable. 

La  même  chofe  a  été  jugée  par  plufieurs  autres 
arrêts  pofiérieurs ,  &  entr'autres  par  celui  qui  eil 
intervenu  dans  l'efpèce  fuivante. 

Au  mois  de  novembre  1756,  les  fieurs  Anglé^ 
d'Antoine  &  Cafiagne  firent  affurer  la  fomme-tle 
77200  livres  ,  d'ordre  des  fieurs  Bouteiller  père  ik 
fils ,  de  Nantes  ,  pour  compte  de  qui  il  appartien- 
droit ,  de  fortic  des  iles  Françoifes  jufqu'à  Amfier- 
dam,  ou  autre  port  neutre,  fur  les  marchar.(jil'cs 


178 


POLICÉ  D'ASSURANCE. 


chargées  par  Karavagh ,  Belloc  &  compagnie  de 
Léogane,  à  l'adrelTe  de  Jean  -  Jofepli  Vanherzécl 
d'Amflerdam  ,  dans  le  vaiffeau  Tx^mérica  ,  Hollan- 
dois ,  capitaine  Louis  Fernet ,  Hollandois  ,  moyen- 
nant la  prime  de  lo  pour  loo. 

Le  connoiflement  portoit  qu'il  (ùt  chargé  529 
barriques  créoles ,  £c  trois  bordelailes  de  fucre  brut 
dans  ce  vaiffeau  l'América  ,  capitaine  Fernet ,  à  la 
confignation  de  Jean-Jacob  Vanherzéel ,  d'Amfter- 
dam,  poiîr  compte  &  rifque  des  intéreffés  dénom- 
més au  bas  de  la  fadlure. 

Les  intéreflés  dénommés  au  bas  de  la  fadture 
êtoient  les  fieurs  Bouteiller  père  &  fils ,  de  Nantes, 
pour  fept  huitièmes,  Se  Jean- Jacob  Vanherzéel  , 
d'Amfterdam  ,  pour  un  huitième. 

Le  14  juin  1757,  les  fieurs  Bouteiller  père  & 
fils  écrivirent  aux  fieurs  Angles  d'Antoine  &  Cafta- 
gne ,  que  le  vaificau  l'América  avoir  été  pris  à  la 
hauteur  des  côtes  d'Amllcrdam  ,  près  de  l'embou- 
chure ;  mais  que  les  états  généraux  rédamoient  ce 
navire  &  fa  cargaifon. 

Le  6  juillet ,  on  notifia  cette  lettre  aux  aflureurs  : 
»  &  comme  (  ajoute-t-on  )  cette  prife  donnera  lieu 
»  à  l'ouverture  des  affurances,  fi  la  cour  de  Lon- 
}>  dres  n'en  fait  pas  la  refiitution,  lefilits  fieurs 
>j  Boutdiller  père  &  fils  défirent  mettre  en  no- 
>»  tice  à  leurs  afiureurs  la  prife  dudit  vaiffeau  ,  avec 
j>  interpellation  d'agir ,  pour  en  faire  la  réclama- 
3)  tion  ,  &  en  obtenir  le  relâchement  eu  refiitution. 
j)  Ec  faute  de  ce  fiiire  ,  ils  leur  feront  .ibandon  & 
11  délaijfement  des  facultés  ajfurécs  jufquà  lu  concur- 
})   rence  des  fornme';  pr'ifes  en  rifque  v. 

Le  21  octobre,  un  jugement  de  l'amirauté  d'An- 
gleterre confifqua  le  vaiffeau  &  la  cargaifon. 

Le  16  décembre,  les  affurés  firent  la  déclaration 
de  cette  perte  à  la  chambre  du  commerce. 

Le  2  mars  1758,  les  fieurs  Angles  d'Antoine 
6i  Cafi:agne  prèfentèrent  requête  contre  les  affu- 
reurs  ,  aux  fins  que  ceux-ci  fuffent  condamnés  à 
contribuer  aux  dépenfes  néceffaires  pour  folliciter 
la  révocation  du  jugement  d'Angleterre. 

Le  10  ,  intervint  une  fentence  qui  autorifa  les 
fieurs  Angles  d'Antoine  &  Caftagne ,  à  pourfiii- 
vre  la  réclamation  ,  fi  bon  leur  fembloit ,  pour  le 
compte  &  aux  frais  &  rifques  de  qui  il  appartien- 
droii. 

Enfin  ,  le  12  avril  1758,  les  fieurs  Angles  d'An- 
toine &  Caftagne  donnèrent  une  nouvelle  requête 
contre  les  affureurs  ,  pour  les  faire  condamner  au 
payement  des  femmes  affurées. 

Les  affureurs  opposèrent,  i''.  la  prefcription  de 
quatre  mois,  portée  par  l'article  48  du  titre  des  affu- 
rances ;  2°.  la  prétendue  fimulation  de  la  Police  , 
cil  il  n'étoit  pas  dit  que  l'Affurance  fût  pour  le 
compte  des  François. 

Ce  dernier  moyen  fut  rejeié ,  parce  que  la  clau- 
fe  ,  pour  le  compte  de  qui  il  app^irtiendroit ,  qui  avoir 
été  flipulée  tlans  la  Police ,  coniprenoit  les  Fran- 
çois ,  tout  comme  les  neutres.  Elle  étoit  générale  , 
&  devoit  être  entendue  généralement ,  tur-tout 


POLICE  D'ASSURANCE. 

dans  les  circonfiances  afluelles,  oîi  il  eft  fenfible 
que  fi  l'affurance  avoir  été  pour  le  compte  d'un 
neutre  ,  on  n'auroit  pas  manqué  de  le  déclarer  en 
termes  exprès  ;  ainfi  les  affureurs  n'étoient  pas 
fondés  à  dire  qu'ils  enffent  été  trompés. 

Mais  le  moyen  tiré  de  la  prefcription  parut  in- 
vincible ;  &  par  arrêt  du  28  juin  1759  ,  confirma- 
tif  d'une  fentence  de  l'amirauté  de  Marfeille ,  du 
1 1  Juillet  précédent ,  les  affurés  ont  été  déclarés 
non-recevables  en  leur  demande ,  attendu  la  pref- 
cription de  l'aéiion. 

Obfervez  néanmoins  que  la  fin  de  non-receroir 
dont  il  s'agit,  ne  peut  pas  être  oppofée  avec  fiiccès 
lorfqu'il  y  a  cédule  ,  obligation  ,  arrêté  de  compte  oh' 
interpellation  judiciaire.  Cq^  CQ  qui  réfulte  de  l'arti- 
cle 10  du  titre  des  prefcriptions  de  l'ordonnance 
de  la  marine  ;  mais  la  fimple  fommafion  extrajudi- 
ciairc  n'efi  pas  fuffifante  pour  interrompre  la  pref- 
cription. 

La  fin  de  non  recevoir  ne  peut  pas  non  plus  être 
oppofée  dans  le  cas  où  les  parties  font  convenues 
de  faire  décider  leur  différend  par  des  arbitres  :  cela 
a  été  ainfi  jugé  par  arrêt  du  28  juin  1748  ,  en  faveur 
du  fieur  Boët  de  Saint-Léger  de  Paris  ,  contre  les 
affureurs  du  corfaire  la  Revanche. 

Il  en  eft  auffi  de  même  du  cas  où  l'affureur ,  diffé- 
rant d'un  jour  à  l'autre  de  remplir  fon  obligation, 
a  promis  verbalement  de  payer  les  fommes  affu- 
rées ,  pourvu  que  cette  promeffe  foit  prouvée  d'une 
manière  évidente.  C'eff  ce  qui  a  été  jugé  par  arrêt 
du  parlement  d'Aix  ,  du  27  mars  175  ï  ,  contre  les 
affureurs  du  corfaire  le  grand  Pajfe-partoui  (  i  ). 

(l)  Nous  ne  devons  néanmoins  pas  diflîmuler  qu'il  paroît 
que  cette  cour  a  depuis  abandonné  cette  jurifprudence  poui: 
s'en  tenir  à  la  lettre  de  la  Joi  :  c'ell  ce  qui  télulte  d'un  artcc 
rendu  dans  l'efpèce  fuivante  le  iz  mai  1783. 

Le  II  juin  1780,  lî  capitaine  Capeua  fit  affiner  à  Mar- 
feille 700*  liv.  lui-  le  corps  de  la  Polacrc  Saint- Antoiwe  &  la 
Vierge  des  Carmes ,  dont  il  avoir  à-la-fois  le  commandenoent 
&  la  propriété.  Ce  capitaine  mit  enfuite  à  la  voile  :  le  fuccèï 
de  fon  voyage  juftiHa  fa  prudence  ;  la  Polacre  échcua  fur  les 
côtes  de  Rouflîllon  près  de  Collioure.  Le  17  juillet  la  décla- 
ration Ju  naufrage  fut  faite  à  li  chambre  du  commerce. 

Le  capitaine  Capoua  ,  de  retour  à  Marfeille,  fe  préfenta  en 
août  chea  Ces  affureurs,  produilît  les  pièces  juftificatives  de  la 
perte  ,  &  demanda  le  montant  de  fon  affurance. 

Quelque  convaincus  que  fulTent  les  affureurs  de  la  juftîce 
de  la  réclamation  du  capitaine  ,  ils  crurent  ne  devoir  y  fatis- 
faire  qu'après  les  trois  mois  expirés;  le  capitaine  entreprit  tin 
nouveau  voyage  ,  en  laiflant  fa  Police  d'ajfurjnce  au  fieur 
Chighifola,  Ce  négociant  fît  de  nouvelles  démarches  auprès 
des  affureurs  à  l'expiration  des  trois  mois:  il  fut  fouvent  ren- 
voyé du  jour  au  lendemain  pour  être  payé.  Enfin  ,  laffe  d'une 
patience  infiuclueufe  &:  d'une  réclamation  inutile  ,  il  fe  pour- 
vut le  ti  novembre  1780  devant  le  lictitenact  de  l'amitauté 
de  Marfeille  ,  en  payement  des  foinmes  affurées. 

Alors  les  tffureurs  ,  qui  jufques-ii  avoient  reconnu  la  dette. 
Se  qui  avoient  feulement  demandé  Ju  temps  pour  payer,  op- 
poférent  lajî/i  J«  rion-recevoir  des  trois  rroJi  ,  portée  par  i'arti'- 
clc  4>  du  titre  S  de  l'ordonnance  de  1601, 

C'étoit  certainement  le  cas  d'invoquer  la  bonne  foi  quî 
doit  préfider  à  toutes  les  opérations  du  commerce  :  le  fieur 
Chighijela  n'y  manqua  pas  ;  mais  c'étoit  malheureufemcnt  la 
feule  telTource  que  fa  négligence  lui  avoitlaiUee.  Il  s'eflbiça 


POLICE  D'ASSURANCE. 

*  Mais  fi  cette  promeffe  n'étoit  pas  prouvée  ,' 
eu,  ce  qui  revient  au  même,  fi  l'on  n'en  offroit 
qu'une  preuve  teftimoniale  ,  la  fin  de  non-recev©ir 
produiroit  tout  fon  effet.  C'eft  ce  qui  a  été  jugé  au 
parlement  de  Paris  dans  l'efpèce  fuivantc. 

Au  mois  de  janvier  1777,  le  fieur  Devinck  fut 
informé  qu'un  de  Tes  correfpondans  du  Cap-Fran- 
çois lui  faifoit  paffer,  par  le  navire /s  Comte  d'Ar- 
tois ,  une  partie  de  marchandifes  dont  la  valeur  de- 
voit  monter  à  plus  de  looooo  liv.  Il  en  fit  afTurer 
la  plus  grande  partie  à  Dunkerque  ,  &  le  furplus  à 
Londres. 

Au  mois  de  mai  fuivant ,  le  navire  It  Comte  d'Ar- 
tois arriva  à  la  rade  de  Dunkerque  ;  mais  un  coup 
de  vent  le  fit  échouer  à  l'eft  du  port. 

Le  fieur  Devinck  a  prétendu  ,  dans  le  procès  au- 
quel cet  accident  a  donné  lieu  ,  qu'il  étoit  d'ufage 
dans  la  ville  de  Dunkerque,  comme  dans  prefque 
toutes  les  autres  villes  maritimes  ,  de  faire  avertir 
les  affureurs,  en  cas  d'avaries,  par  le  courtier  qui 
a  procuré  les  aflurances.  Si  le  dommage  ell  conf- 
tant  (ajoutoit  le  fieur  Devinck),  les  alfureurs  ne 
manquent  pas  de  prier  l'affuré  de  leur  éviter  les 
frais  qu'entraînent  les  formalités  de  l'ordonnance  , 
&  jamais  on  ne  s'y  refufe.  Si  l'on  avoit  lieu  de  {i\{- 
peéier  leur  bonne  foi ,  on  exigeroit  d'eux  une  fou- 
miiîion  au  bas  delà  Police  ;  mais  on  fe  contente 
ordinairement  de  leur  parole  ;  on  croiroit  leur  faire 
injure  en  exigeant  d'eux  un  écrit. 

Le  fieur  Devinck  a  foutenu  qu'en  conformité  de 
cet  ufage  ,  dès  que  le  navire  avoit  été  échoué ,  il  en 
avoit  fait  prévenir  les  affureurs  par  le  courtier 
Th.?venet  ;  que  tous ,  &  particulièrement  lesfieuis 
Follet  &  Herrewyn ,  s'étoient  contentés  de  l'aver- 
tiiTcment  verbal,  avoient  promis  de  payer  dans  les 
délais  fixés,  6c  prié  le  fieur  P)cvinck  de  faire  tra- 
vailler, avec  la  plus  grande  célérité  ,  à  fauver  les 
marchandifes  ;  qu'au  même  infi:ant  tous  les  affli- 
reurs  ,  à  l'exception  du  fieur  Herrewyn  ,  qu'un  ac- 

dé  revenii- fui-  fus  pas ,  en  offrant  la  preuve  de  la  promelTe 
fait*  par  chaque  aflureur,  pendant  It  mois  d'août,  de  paye*' 
Ion  contingent ,  après  l'expiration  des  trois  moi.';. 

Sentence  qui  admit  à  la  preuve.  Les  ajurcurs  ne  donnèrent 
pas  le  temps  de  la  faire  :  ils  interjeic.ent  appel  de  la  fea- 
tencc  ,  ai  réduilîrent  toujouis  leur  défenfe  à  la  fin  de  nan-re- 
cevôii' ,  qui  feule  pouvoir  faire  rejeter  les  juftes  prétentions 
du  capitaine  Capoua.  Son  fondé  de  procuration  ,  le  fieur 
ChighifoU ,  cria  au  dol  ,  à  la  mauvaise  foi.  Il  repréfenta  com- 
bien il  étoit  injulle  que  les  «/«reurs  fc  fiflent  une  égide  d'un 
moyen  qu'ils  n'aroient  acquis  que  par  des  promefles  ,  fur 
lefquclles  rhoiinèteté  du  fieut  Chighifoli  lui  permettoit  de 
compter.  Il  affîmila  la  conduite  des  cfureurs  à  une  fraude 
dontJa  preuve  devoit  toujours  être  reçue;  enfin  il  prétendit 
d'après  les  auteurs ,  qu'un  (impie  pour-pdrler  pouvoit  rompre 
Ja.prefcription  ,  &  il  offiit  de  prouver  que  ce  pour-parler  ivoit 
eu  lieu. 

Mais  ces  «derniers  mçyens  ne  prévalurent  pas  :  l'arrêt  cité 
réforma  la  lenteace  qui  avoit  admis  à  la  preuve. 

Cet  arrêt  a  par  conféquent  jugé  que  la  fin  de  no»-recevoii- 
étoit  abfolue  ,  &:  que  c'ctoit  une  déchéance  À  laquelle  rien  ne 
pouvoir  fouftrairc  celui  que  fa  négligenca  ou  fa  bonne  foi 
n'avoit  pas  rçndu  allez  attentif  à  l'es  imérccs. 


POLICE  D'ASSURANCE.      179 

clJent  à  la  jambe  retenoit  chez  lui ,  s'étoient  tranf- 
portés  à  l'endroit  de  1  echouement ,  pour  voir  quels 
étoient  les  moyens  les  plus  efficaces  pour  fauver 
les  marchandifes;  que  les  uns  avoient  fourni  leurs 
chaloupes,  leurs  palans  &  leurs  cordages,  d'autres 
leurs  matelots  &  leurs  ouvriers;  que  le  fieur  Pollet 
y  avoit  fait  conduire  fcs  tombereaux ,  &  qu'ils 
avoient  été  employés  à  faire  tranfporter  dans  les 
magafins  une  partie  des  marchandifes  fauvées  ; 
qu'ainfi  ces  afilireurs  avoient  confirmé,  d'une  ma- 
nière formelle,  leur  promefie  verbale. 

Le  fieur  Devinck  ajoutoit  que  néanmoins  il  avoit 
voulu  fc  mettre  à  Tabri  de  tout  reproche,  parce 
qu'il  y  avoit  à  Londres  un  affureur  ,  à  l'égard  du- 
quel il  falloir  prendre  des  précautions  ;  que  les 
marchandifes  avoient  été  tranfportées  dans  les  ma- 
gafins de  l'amiranté;  qu'elles  avoient  été  conduites 
dans  les  tombereaux  Si  par  les  domefiiqaes  du  fieur 
Pollet.  Que  le  procureur  du  roi  de  l'amirauté  , 
chargé  de  la  vente  ,  l'avoit  fait  annoncer  aux  afTu- 
reurs.  Que  tous  y  avoient  paru  ,  &  qu'elle  avoit  été 
faite  publiquement.  Qu'étant  conftaté,  par  lecompte 
élu  greffier  ,  que  la  perte  étoit  de  46  liv.  14  fols  3 
deniers  par  cent ,  il  avoit  préfenté  fon  compte  aux 
affiareurs.  Que  fix  d'entr'eux ,  &  même  l'affiireur 
de  Londres,  qui  n'avoit  été  averti  que  par  une 
lettre,  avoient  payé  fans  difficulté.  Que  les  fieurs 
Pollet  &  Herrewyn  feuls  s'y  étoient  refufés  ,  parce 
qu'on  n'avoit  pas  rempli  les  formes  ,  qu'ils  avoient 
eux-mêmes  prié  de  leur  éviter  ,  &  qu'en  cela  ils 
méconnoififoient  une  convention  que  les  autres 
affûteurs  avoient  reconnue  &  exécutée. 

Sur  tous  ces  faits,  il  intervint,  à  l'amirauté  de 
Dunkerque,  fentence  qui,  fans  avoir  égard  aux 
fins  de  non-recevoir  propofces  par  les  fieurs  Her- 
rewyn &  Pollet ,  les  condamna  à  payer  le  montant 
des  avaries,  &  aux  dépens. 

Les  fieurs  Pollet  &  Herrewyn  ont  interjeté  ap- 
pel de  cette  fentence.  Leurs  moyens  confifioient 
dans  les  articles  5  &  6  du  titre  des  prefcriptions  de 
l'ordonnance  de  la  marine  ,  &  dans  les  articles  42  , 
43   8c  48  du  titre  des  affiirances  de  la  même  loi. 

Le  fieur  Devinck  leur  oppofoit  la  conduite  des 
affiireurs  qui  avoient  acquiefcé. 

S'il  n'eût  pas  exifté  une  convention  verbale  entre 
les  fieurs  Pollet  &  Herrewyn  &  le  fieur  Devinck  , 
ils  n'auroicnt  pas  (  difoit  celui-ci)  manqué  de  fe 
faire  payer  de  la  prime  d'affijrance,  dès  l'infiant 
qu'elle  a  été  exigible  :  par-là ,  ils  prevenoient  la 
demande  en  payement  des  avaries  ,  ils  l'écartoient 
même  en  quelque  forte;  ils  donnoient  lieu  de  pré- 
fumer qu'il  n'y  avoit  point  eu  de  convention  ,  que 
jamais  on  n'avoit  entendu  les  rendre  refponfables 
àa  dommage  que  les  marchandifcs  avoient  fomffctt. 
La  prime  étoit  exigible,  fuivant  la  Police  d'affu- 
rance,. trois  mois  après  l'arrivée  du  navire  ,  par 
conféquent  au  22  juin  1777;  cependant  les  fieurs 
Pollet  5c  Herrewyn  gardent  le  plus  profond  filence. 
Le  mois  de  jiiin  s'écoule.  Même  filence  de  leur 
part  pendant  les  m©is  fuivans.  Ils  ne  fongeoient 


;So 


POLICE  D'ASSURANCE. 


aucunement  aux  billets  qui  leur  avoient  été  donnés  ; 
ils  les  regardoient  comme  des  titres  inutiles  ,  qui 
ne  dévoient  fervir  qu'à  les  libérer  d'une  partie  de 
la  fomnie  dont  ils  étoient  débiteurs.  Le  9  août ,  on 
leur  préfente  le  compte  des  avaries  ;  c'eft  alors 
qu'ils  conçoivent,  pour  la  première  fois  ,  le  projet 
de  le  fouftraire  à  leur  engagement.  Cependant 
nulle  réclamation  de  leur  part,  relativement  à  la 
prime  daffiirance.  Le  15  novembre,  on  leur  dé- 
nonce les  factures  ,  la  Police  &  le  compte  des  ava- 
ries. Le  27  ,  on  les  traduit  a  l'amirauté.  Ils  four- 
nirent des  défenfes  le  17  décembre  ,  &  il  n'eft  en- 
core .-lucunement  queftion  de  h  prime  d'affurance  ; 
ce  n'eft  que  le  19  février  1778  qu'ils  ont  formé  la 
demande,  c'eft-à-diie,  onze  mois  après  l'arrivée 
du  navire,  huit  mois  après  l'échéance  des  billets  , 
trois  mois  après  qu'ils  ont  eux-mêmes  étéadlionnés 
pour  le  paj'ement  des  avaries.  On  trouve  ,  dans 
leur  propre  conduite,  une  preuve  inconteftable  de- 
là promelîe  qu'ils  avoient  faite  au  courtier  Thevc- 
nct  de  jaycr ,  lorfqu'on  leur  repréfenteroit  le 
compte  des  avaries.  C'eft  donc  en  vain  qu'ils  ni<;nt 
cette  promcfCe.  --  Si  quelqu'un  pouvoit  tirer  avan- 
tage des  prétendus  vices  de  forme  ,  c'étoit  uns 
contredit  rafTureur  de  Londres.  On  s'étoit  borné 
à  le  prévenir  par  une  lettre.  Cependant  il  a  payé; 
il  l'a  fait ,  parce  qu'ayant  des  relations  dans  la  vilie 
de  Dunkerque  ,  il  a  une  connoiffance  particulière 
de  l'ufage  (]u'on  y  obferve.  Tout  concourt  donc  , 
difoit  le  fieiir  Devinck,  a  déterminer  les  Magiflrats 
à  profcrire  les  demajfides  des  fieurs  Pollet  &  Her- 
rewyn. 

Cependant,  malgré  l'ufage  allégué  par  le  fieur 
Devinck,  Si  les  confidérations  qui  fe  réunidoient 
en  fa  faveur,  le  parlement  de  Paris  a  accueilli  la 
défenfe  des  affureurs.  Elle  étoit  en  effet  fondée 
furies  difpofitions  les  plus  précifes  de  l'ordonnance 
de  la  marine.  AufTi,  par  arrêt  du  27  juillet  1779, 
la  fentence  des  premiers  juges  a  été  infirmée  ,  & 
le  fieur  Devinck  a  été  déclaré  non-recevable  dans 
fa  demande  ,  &  condamné  aux  dépens  *. 

Comme  un  fnuple  arrêt  de  prince  n'emporte  pas 
la  perte  de  la  chofe  arétée ,  l'ordonnance  n'a  pas 
voulu  que,  dans  ce  cas  ,  l'affuré  pût  faire  fon  dé- 
laiflement  avant  qu'il  ne  fe  fût  écoulé  fix  mois  ,  fi 
les  eff"ets  font  arrêtés  en  Europe  ou  en  Barbarie  , 
&  un  an  ,  fi  c'eft  dans  un  pays  plus  éloigné  ;  le 
tout  à  compter  du  jour  de  la  fignification  de  l'arrêt 
aux  affiireurs  (  i  )•  Ainfi,  la  fin  de  non-recevoir 
portée  par  l'article  8,  ne   peut  courir   contre   les 

(1)  Remarquez  à  cefujctque  l'article  ^o  diminue  ces  de. 
]ais  de  moitié  ,  lorfque  les  niarchandifes  arrêtées  font  périfla- 
bles;  &  que  l'article  SI  veut  que  ,  durant  les  délais  fpécilîés 
par  les  articles  49  &  îO,les  affurés  faffent  toute  diligence 
pour  obtenir  main-ieVcé  oes  effets  arrêtés.  I,a  même  loi  per 
mec  aux- afl'ureurs  de  favorifer  aiifli  de  leur  coté  des  diJi^en- 
ecs,  (î  bon  leur  femble.  -yj 

Au  reile  ,  tout  cela  ne  s'applique  pas  aux  vjiflTcaux  arrêtés 
dans  les  ports  du  royaume  en  vertu  des  ordres  du  roi.  Voyez 
à  ccfu;e:]'aîtic:e  ARKix  DE  PRINCE, 


POLICE  D'ASSURANCE. 

affureurs  que  da  jour  qu'ils  ont  pu  agir  .C'eft  ce 
qui  réfulte  de  l'article  49. 

Au  furplus  ,  il  ne  s'agit  dans  cette  loi  que  d'un 
arrêt  de  prince  fait  en  temps  de  paix  ,  ou  avant 
aucune  déclaration  de  guerre.  Car  fi  on  s'étoit 
faifi  du  navire  après  une  déclaration  de  guerre,  ou 
en  vertu  de  lettres  de  reprciailles  ,  ce  leroit  alors 
une  prife  jufte  ou  iujufte,  &  l'idée  d'arrêt  de 
prince  s'évanouiroit  :  ainfi  il  ne  faudroit  pas  que  , 
pour  agir,  l'afluré  attendit  les  délais  énoncés  dans 
l'anicle  49. 

Les  hofiilités  que  commirent  les  Anglois  en 
1755,  avant  aucune  déclaration  de  guerre  ,  donnè- 
rent lieu  à  quelques-uns  de  prétendre  que  les  pri- 
fes  qu  ils  avoient  faites  de  nos  vaifieaux  ,  ne  dé- 
voient être  regardées  que  comme  des  arrêts  de 
prince  :  mais  cette  prétention  a  toujours  été  re- 
jetée particulièrement  dans  l'efpèce  ftivante. 

Le  ficur  Alexis  Germond  fit  aflûrer  3150  livres, 
pour  le  compte  de  qui  il  appartitndroit ,  de  lortie  de 
IMaifeille  jufqu'à  Saint-Valery ,  fur  les  facultés  du 
vaifleau  le  prince  Charles  ,  capitaine  Clément  Bées  , 
impérial,  fous  connoiflement  fimulé,  pour  compte 
de  Vanberblock  d'Oiiende  ,  d'entrée  à  Oftende. 

Le  3  novembre  1756,  ce  vaificau  tut  pris. 

Le  31  janvier  17S7,  intervint  un  jugement  qui 
en  prononça  la  confifcation. 

Le  5  février  ,  avant  que  la  confifcation  fût  con- 
nue à  Marfeille  ,  l'afliiré  fit  fa  déclaration  à  la  cham- 
bre du  commerce,  de  l'arrêt  de  ce  vaifleau.  Ç'eft 
ainfi  qu'il  qualifioit  la  prife. 

Le  16  avril,  ayant  eu  nouvelle  de  la  confifca- 
tion prononcée,  il  fit  fon  abandon. 

Le  dixième  juin  ,  il  préfenta  requête  contre  les 
affûteurs  ,  pour  les  faire  condamner  à  payer  les 
femmes  alTurées. 

Ceux-ci  opposèrent  la  prefcription  de  quatre 
mois,  quiavoitétéacquife  le  cinquième  juin  1755  , 
cinq  jours  avant  la  requête  préfentée. 

L'affuré  répondoit  qu'il  avoit  regardé  la  prife 
comme  un  fimple  arrêt,  qu'il  l'avoit  ainfi  qualifiée 
dans  fa  déclaration  à  la  chambre  du  commerce  ,  & 
qu'il  étoit  bien  dur  qu'on  voulût  ,  dans  ces  cir- 
conftances  ,  lui  faire  perdre  une  fomme  de  3 1 50  1. , 
pour  un  fimple  retard  de  cinq  jours. 

Mais  ces  raifons  n'einpcchèrent  pas  l'amirauté 
de  le  déclarer  non-recevable  en  fon  a^lion  ,  par 
fentence  du  31  janvier  17^8,  laquelle  a  depuis 
été  confirmée  au  parlement  de  Provence  ,  par  arrêt 
du  30  juin  1759. 

*  Lorfque  ,  par  la  Police  d'affurance ,  on  a  ftipulé 
un  terme  pour  le  payement  de  la  perte  qu'on  ga- 
rantilToit ,  le  délai  de  trois  mois  qu'accorde  l'ordon- 
nance ,  court-il  avant  que  ce  terme  ne  foit  expiré  ? 
J'ai  fous  les  yeux  une  confultation  ,  délibérée  à  Mar- 
feille le  22  avril  1773  '  ^"  faveur  de  la  négative. 

Le  principe  dont  on  part  dans  cette  confultation , 
efi:  que  la  prefcription  ne  commence  d'avoir  cours  , 
que  depuis  qu'on  a  eu  le  droit  d'intenter  fon  aéiion 
en  juUice,  &  que  par  fuite,  &.  félon  la  décifion 


POLICE  D'ASSURANCE. 

exprefle  de  la  loi ,  cùt.  notijlm:  ,  C.  iic  pmfcripnone 
30  annorum  ,  lorsqu'il  s'agit  d'une  obligation  à  ter- 
me, la  prefcription  ne  peut  courir  que  du  jour  de 
l'échéance  du  terir.e  ftipulé. 

»  L'ordonnance,  ajouie-t-on,  n'a  pas  dérogé  à 
ces  principes.  L'article  48,  en  difant  que  le  temps 
courra  après  la  nouvelle  ae  /a /^erfc  ,  n'ajoute  point 
que  cela  aura  lieu  avant  1  échéance  du  terme  ftipulé 
dans  la  Police  d  affiirance.  Il  faut  àonc  entendre  cet 
article  fuivant  le  droit  commun ,  &  dire  que  la  pref- 
cription courra  ûpiîsU  nouvelle  des  pertes ,  à  comp- 
ter depuis  l'échéance  du  terme  ftipulé;  car,  par 
l'article  3  du  même  titre ,  il  eft  permis  aux  parties  de 
ftipuler  dans  les  Polices  ,  touiei  Ui  conditions  dont 
elles  voudront  convenir.  ---  Ce  n'eft  pas  ici  une  ex- 
ception à  la  règle,  mais  c'cfl  la  règle  même  qui  veut 
que  la  fin  de  non-recevoir  ne  coure  contre  les 
atiiirés  que  -du  jour  qu'ils  auront  pu  agir  ;  &.  cette 
règle  eft  confirmée  exprclîcment  par  l'article  40.... 
---  En  vain,  on  oppoieroit  l'atricle  44,  qui  porte 
que  fi  le  temps  du  payement  n'eft  pas  réglé  par  la 
Police  ,  l'alTureur  fera  tenu  de  payer  l'afiurance 
trois  mois  après  U  fîgnijîcafion  du  dél  ufjemenr.  Cet 
article  renferme  une  grâce  en  faveur  des  aftiireurs. 
Si  k-  temps  du  payement  eft  réglé  par  la  Police,  il 
faut  exécuter  le  pade  tel  qu'il  a  été  écrit.  Si  le  temps 
du  payement  n'avoit  pas  été  réglé,  les  aft"ureurs 
feroient  obligés  de  payer  fur  le  c'hamp  ,  fuivant  le 
droit  commun.  L'ordonnance  a  cependant  bien 
voiilu  ,  par  grâce,  leur  accorder  un  répi  de  trois 
mois,  après  la  fignification  du  délaift"ement ,  afin 
de  prévenir  leur  mauvaife  humeur  &  les  contefta- 
tions  qiî'une  pourfuite  trop  prompte  pourroit  faire 
naître.  Mais  cet  article  44  ne  dit  pas  que  les  délaif- 
/emens  &  les  demandes  aux  affureursen  exécution 
de  la  Police,  feront  faits  avant  le  terme  porté  par 
leur  contrat,  ou  au  jour  de  l'échéance  des  trois 
mois  de  délai  qu'ils  auroient  ftipulé.  ---  Je  vous  ai 
accordé  trois  mois  de  délai ,  après  que  vous  aurez 
été  duement  informé  de  la  perte  :  il  eft  évident  que 
pendant  tout  le  cours  de  ces  trois  mois ,  je  ne  puis 
intenter  aucune  aflion  contre  vous;-  ce  ne  (croit  qwe 
le  lendemain  qu'il  me  feroir  permis  de  vous  aélion- 
rer  en  juftice  ;  mais  le  lendemain,  vous  m'oppoferez 
la  prefcription  de  trois  mois  ,  fur  le  fondement  de 
l'article  48.  Le  légiftateur  ne  l'a  ni  entendu  ni  pu 
entendre  de  la  forte  ;  il  ne  tend  pas  de  pièç^e  ;  il  faut 
le  concilier  avec  lui-même  ,  &  avec  ia  nature  inal- 
térable des  chofes.  Les  prefcriptions  font  aftez 
odieufes  pour  qu'on  ne  puifte  pas  les  étendre  hors 
de  leur  cas,&  leur  donner  un  effet  rétroaélif  avant 
la  naiftancc  de  l'ailion  ». 

A  CCS  raifons,on  ajoute  l'autorité  delà  chofe 
jugée  :  u  Les  fieurs  Audibert  frères  ,  négocians  à 
M  Marfeille  ,  avoient  fait  aftiirer  3000  livres  fur  les 
»  facultés  de  la  Tartane  faint- Pierre  ,  avec  claufe 
>»  qu'en  cas  de  perte ,  la  Tomme  feroit  payée  trois 
»  mois  après  la  déclaration  qui  en  feroit  faite  à  la 
K  chambre  de  commerce. 

w  Le  a6  avril  3744  ,  la  Tartane  futprife  près  des 


POLICE  D'ASSURANCE.       iSi 

»  ilcs  d'Hieres  en  Provence,  par  un  vaifteau  de 
V  guerre  Anglois ,  qui  la  conduifit  à  Gênes. 

j»  Le  27  mai  fuivant ,  la  déclaration  de  cette 
»  perte  fut  faite  à  la  chambre  de  commerce  par 
»  les  fieurs  Audibert. 

5)  Le  16  juillet  d'après  ,  les  fieurs  Audibert  firent 
>'  l'abandon  j  &  le  26  feptembre  ,  ils  préfentèrent 
»  requête  contre  leurs  afl'ureurs. 

»  Ceux  ci  opposèrent  la  prefcription  de  fix  fe- 
11  maines ,  attendu  que  la  perte  étoit  arrivée  aux 
"  côtes  de  la  même  province ,  &  ils  faifoient  courir 
»  ce  délai  depuis  le  27  nv.i ,  jour  de  la  notification 
»  de  !a  perte  à  la  chambre. 

»  Les  heurs  Audibert  répondirent  que  les  fix 
>»  femaines  n'avoient  commencé  leur  cours  que 
)»  depuis  le  27  aoCit,  jour  de  l'échéance  des  trois 
>'  Riois  ftipulés  dans  la  Police. 

»  Sentence  de  l'amirauté  de  Marfeille  du  16 
»  novembre  1748  ,  qui  déboute  les  fieurs  Audi- 
i>  bert,  attendu  qu'ils  avoient  dû  taire  1  abandon 
»  dans  les  fix  femaines,  depuis  la  nouvelle  de  la 
»  perte  ,  fauf  d'intenter  l'aiSlion  après  les  trois 
»  mois, 

)>  Arrêt  du  parlement  d'Aix  du  mois  de  mars 
"  1751,  qui  rejette  cette  diftinâion ,  &  qui  con- 
)»  damne  les  affureurs  au  payement  des  fommes 
»  ailurées  :  car  il  n'eft  aucune  loi  qui  oblige  les 
»  alTurés  de  divifer  l'abandon  d'avec  la  demande , 
»  &  qui  décide  que  fi  la  demande  ne  peut  pas  être 
)>  intentée  pendant  le  cours  du  terme  convenu, 
»  on  foit  forcé  d'anticiper  ce  même  terme  pour 
»  faire  l'abandon. 

»  Or,  fi  le  délai  de  fix  femaines  eft  fufpendu 
i>  pendant  le  cours  du  terme  convenu,  il  en  doit 
»  être  de  même  du  délai  de  trois  mois,  &  desau- 
»  très  délais  déterminés  par  l'article  48  »>  *. 

Lorfque  l'afluré  fait  fon  délaift!ement ,  il  doit  dé- 
clarer toutes  les  afiîirances  qu'il  a  fait  faire  &  l'ar- 
gent qu'il  a  pris  à  la  groft'e  fur  les  effets  aft^urés  , 
finon  l'ordonnance  veut  qu'il  foit  privé  de  l'effet 
des  affurances  ,  c'eft-à-dire  ,  qu'il  perde  le  droit  de 
répéter  aux  affureurs  le  payement  de  la  fomme 
aiTurée.  C'eft  la  difpofition  de  l'article  53. 

Obfervez  toutefois  que  fi  l'afturé  avoir  omis  de 
f  lire  ,  par  ra«3e  de  délaifiTement ,  les  déclarations 
prefcrites,  &  qu'il  les  fît  poftérieurement ,  il  ne 
réfulteroit  de  l'omiilion  ,  autre  chofe  ,  finon  que  le 
délalft"ement  n'auroit  d'effet  que  du  jour  que  les  dé- 
clarations auroient  lieu  ,  c'eft-à-dire  ,  que  les  trois 
mois  accordés  par  l'article  44  pour  le  payement  de 
hi  Comme  affurée,  ne  commenceroient  à  courir  que 
de  ce  jour. 

Au  refte ,  la  peine  portée  par  l'article  <;3  ,  ne 
doit  avoir  lieu  ,  fuivant  l'article  54  (  i  )  ,  qu'autant 


(i)  Voki  ce  que  porte  cet  art' de.  Si  J'afluré  a  recelé  des  aflu- 
rances  ou  des  contrats  à  la  grolTe  ,  &  qu'a? ec  celles  qu'il  aura 
dccla  ces ,  elles  exccdent  la  valeur  des  effets  aflurés  ;  il  fera 
j^ri/é  de  l'effet  des  a'Jurances ,  &  tenu  de  (.layet  les  fommes 
empruntées ,  nonob!Unt  la  perte  ou  prife  du  vaiffeau. 


i8i 


POLICE  D'ASSURANCE. 


que  les  affurances  ou  les  emprunts  à  la  groiïe  qui 
ont  été  recelés  ,  excèdent  avec  ce  qui  a  été  déclaré, 
la  valeur  des  effets  affurés. 

Suppofez  ,  par  exemple,  que  vous  ayiez  d'abo:d 
fait  affurer  dix  mille  écus  fur  une  cargail'on  de  qua- 
tre-vingt mille  liv.  que  vous  aviez  (ur  le  navire  le 
Végafe,  &  qu'enfuite  vous  ayiez  emprunté  àlagrofie 
quarante  mille  livres  fur  cette  cargaifon  ,  pour 
payer  ce  que  vous  en  deviez  ;  il  efl  vrai  que  ces 
deux  fommes  faifant  70000  livres  ,  vous  ne  pouvez 
plus  faire  alTurer  que  loooo  livres  fur  votre  car- 
gaifon ;  cependant  vous  tn  faites  affurer  20000  par 
de  nouveaux  affureurs.  Le  navire  venant  à  périr 
dans  ces  circonftances  ,  vous  répétez  aux  derniers 
affureurs  le  payement  de  aooco  livres  qu'ils  vous 
ont  aflurées  ,  &  par  votre  ^ftc  de  délaiffemeni , 
vous  ne  faites  mention  que  des  40000  livres  em- 
pruntées à  la  greffe  ,  fans  parler  des  loooo  écus 
que  vous  avez  fait  affurer  en  premier  lieu;  il  efi: 
clair  que  votre  filence  à  l'égard  de  ces  lOooo  écus  , 
cft  une  contravention  à  la  loi  :  c'ert  pourquoi ,  fi  les 
aiTureurs  viennent  à  être  inftruits  de  l'affurance  de 
cette  fomme  ,  ils  feront  décharnés  de  toute  obliga- 
tion envers  vous  ,  &  vous  encourrez  la  peine  pro- 
noncée par  l'ordonnance. 

Au  furplus ,  comme  cette  peine  n'a  été  pronon- 
cée que  pour  punir  la  fraude  6c  l'infidélité  ,  elle 
n'auroit  pas  lieu ,  s'il  paroiffoi:  que  l'omiffion  n'a 
pas  été  frauduleufe  ,  &  que  l'affuré  pouvoit  ignorer 
l'affurance  qui  n'a  pas  été  déclarée.  Suppofons  ,  par 
exemple,  qu'un  négociant  de  Bordeaux  ayant  em- 
prunté à  la  groffc  ,  50000  livres  fur  une  cargaifon 
de  100000  livres  ,  ait  mandé  à  fon  correfpondant 
d'Amfterdam  ,  de  faire  affurer  les  50000  livres  qui 
lui  reftoient  fur  cette  cargaifon  :  qu'à  la  réception 
de  la  lettre  ,  le  correfpondant  d'Amfterdam  ,  ait 
fait  une  affurance  de  25000  livres:  que  quelques 
temps  après,  les  primes  d'affurance ayant  diminué 
de  prix  à  Bordeaux  ,  le  négociant  de  cette  ville  , 
ignorant  l'alTurance  faite  par  fon  correfpondant 
d'Amfterdam  ,  ait  fait  affurer  fes  50000  liv.  à  Bor- 
deaux ,  &  ait  écrit  pour  que  fon  correfpondant 
n'exécutât  point  la  commiffion  à  Amfterdam  ;  qu'en 
fuite  on  reçoive  la  nouvelle  de  la  perte  de  la 
cirgaifon  :  il  cft  clair  que  le  négociant  de  Bordeaux 
venant  àfaire  alors  fon  délaiffementaux  affureurs  , 
6i  n'ayant  pas  parlé  dans  l'afte  de  l'affurance  d'Amf- 
terdam ,  qu'il  ignoroit  ,  n'aura  commis  aucune 
.fraude  ni  infidélité  :  c'eft  pourquoi  il  n'encourra 
aucune  peine ,  relativement  à  l'affurance  de  Bor- 
deaux :  il  faudra  feulement  la  réduire  aux  25000  liv. 
qui  reftoient  à  affurer.  M.  Valin  cite  deuxfentences 
de  l'Amirauté  de  Marfeille  ,  qui  ont  jugé  conformé- 
ment à  cette  doctrine. 

Lofque  ,  dans  le  cas  d'une  déclaration  fraudu- 
leufe, l'affiné  pourfuit  le  payement'  de  fommes 
affurées  au-delà  de  la  valeur  de  fes  effets  ,  il  doit , 
outre  la  peine  portée  par  l'article  54  ,  être  puni 
exemplairement.  C'eft  ce  que  porte  l'article  55. 

Suivant  l'article  56  j  les  affureurs  fur  le  charge- 


POLICE  D'ASSURANCE. 

Iment ,  ne  peuvent  être  contraints  au  payement  des 
fommes  afl'urées ,  que  jufqu'à  concurrence  de  la 
valeur  des  effets  dont  l'affuré  juflifie  le  chargement 
&.  la  perte. 

Puifque  c'eft  la  perte  des  effets  arrivée  par  quel- 
qu'un des  accidens  dont  les  affureurs  fe  font  char- 
gés ,  qui  donne  lieu  à  la  demande  de  l'affuré ,  & 
qui  doit  y  fervir  de  fondement  ,  rien  n'eft  plus 
jufte  que  ce  que  le  demandeur  foit  tenu  de  juftifier 
de  cet  accident  &  de  la  perte  qu'il  a  occafionnée. 

L'article  57  veut  queles  aâes  jufiihcatifs  du  char- 
gement ik  delà  perte  des  effets  affurés  foient  figni- 
ries  aux  affureurs  incontinent  après  le  délaiffement , 
&  avant  qu'ils  puiffent  être  pourfuivis  pour  le  paye- 
iTient  des  chofes  affurées. 

La  principale  pièce  juftifîcative  du  chargement 
eft  le  connoijjemenc ,  c'eft-à-dire  ,  la  reconnoiffance 
que  le  capitaine  d'un  vaiffeau  donne  à  un  négo- 
ciant ,  pour  les  marchandifes  qu'il  a  reçues  fur  fou 
l^ord  (1). 

Dans  le  cas  de  perte  du  connoiffemeat ,  les  a«fles 
juftificatifs  font  le  tableau  général  du  chargement , 
les  expéditions  prifes  au  bureau  des  fermes ,  la  fac- 
ture particulière,  avec  la  lettre  d'avis  du  chargeur  , 
ou  l'atteftation  du  capitaine  &  des  principaux  of- 
ficiers ;  ou  enfin ,  fi  le  capitaine  ,  le  jnlote  &  les  au- 
tres officiers  ont  péri ,  une  attcftation  du  refte  de 
l'équipage. 

Les  pièces  juftificatives  delà  perte  font,  en  cas 
de  naufrage  ou  échouement ,  l'attcftation  des  gens  . 
de  l'équipage  dans  le  lieu  du  naufrage ,  foit  au  greffe 
de  l'amirauté  ,  s'il  y  en  a  ,  foit  pardevant  notaires  : 
fi  les  officiers  de  l'amirauté  ont  tait  travailler  à  f'au- 
ver  les  effets  ,  leurs  procès-verbaux  font  pareillcr 
ment  foi. 

Dans  le  cas  de  prife  ,  les  pièces  juftificatives  font 
les  lettres  d'avis  du  capitaine  &  des  autres  perfon- 
nes  de  l'équipage  ,  ou  les  nouvelles  publiques  qui 
font  mention  de  la  prife ,  &c.  ^ 

Comme  il  ne  feroit  guère  poffible  de  fournir  la 
preuve  d'un  naufrage  arrivé  en  pleine  mer,  l'or- 
donnance a  particulièrement  eu  ce  cas  en  vue  par 
l'article  58,  qui  eft  ainfi  conçu  : 

u  Si  néanmoins  l'affuré  ne  reçoit  aucune  nou- 


(i)  Lorfquc  c'efl  Je  capitaine  qui  a  fait  aflurer  des  mar- 
chandifes  chargées  dans  Ion  vaiilcaii  poui  fon  compte  ,  il 
doit,  en  cas  de  perte  ,  jullifeerde  l'achat  de  ces  marchandifes, 
&  en  produire  un  connoilfeiiient  ligné  Je  l'cciivain  &  du 
pilote.  C'efl:  ce  que  porte  l'arricle  61. 

On  voit  pat  cette  difpofition  de  TordonDance,  qu'un  capf- 
taîne  qui  fait  artlirer  des  marchandifes  fur  fon  botd  ,  eft  af- 
treintà  une  preuve  plus  forte  que  les  autres  atTurcs,  en  ce 
qu'outre  Je  connoiflement  qu'il  doit  rcpréfenter ,  figaé  de 
l'ccrivain  &:du  pilote,  il  faut  qu'il  juftihe  encore  de  l'achat 
Àes  marchandifes  affurées.  La  raifon  en  eft  qu'il  pourroit,  par 
des  moyens  illicites,  avoir  extorqué  de  l'éctivain  &:  du  pi- 
lote ,  un  connoiflement  frauduleux.  Les  autres  arturés,au 
contraire,  n'ont  befoin  que  des  connoiflemcns  du  capitaine  , 
qui  n'eft  pas  cenfé  les  avoit  lignes  ,  fans  avoir  reçu  les  mar- 
chandifes qui  y  font  fpécifiées,  &  qu'il  cft  obligé  de  leffi' 
I  fentcr. 


POLICE  D'ASSURANCE. 

w  velle  de  fon  navire  ,  ii  pourra ,  après  l'aii  expiri  , 
>•  à  compter  du  jour  du  départ  pour  les  voyages 
j»  ordinaires ,  &  après  deux  ans  ,  pour  ceux  de 
n  long  c®urs  (i)  ,  faire  fon  délaliTement  aux  afiu- 
»  reurs,  Si.  leur  demander  payement,  fans  qu'il 
1)  foit  befoin  d'aucune  atteftation  de  la  perte  ». 

Il  réfulte  de  cette  loi  ,  qu'après  l'an  ou  les  deux 
ans  expirés  ,  le  navir,;  eft  cenfé  perdu  ;  mais  on  de- 
mande i'i  ralTurè  peut ,  dans  le  cas  de  cet  article  , 
différer ,  fi  bon  lui  femble  ,  de  faire  fon  délaifle- 
ment ,  fans  qu'on  puiffe  lui  oppofer  aucune  fin  de 
non-recevoir  ?  il  faut  répondre  que  non.  La  raifon 
en  eft  que  le  laps  de  temps  fpécifié  par  l'article 
quon  vient  de  tranfcrire,  équivaut  à  la  nouvelle 
de  la  perte  ,  ou  ,  fi  l'on  veut,  tient  lieu  de  cette 
nouvelle.  Ainfi  ,  il  faut  que  l'alTuré  ,  après  ce  laps 
de  temps  ,  fe  pourvoie  dans  les  délais  fixés  par  l'ar- 
ticle 48  ,  fous  peine  d'être  déclaré  non-recevable 
dans  fa  demande. 

Mais  fi  l'affiirancea  été  faite  pour  un  temps  li- 
miré,  &  qu'on  n'ait  eu  aucune  nouvelle  du  na- 
vire ,  l'afluré  fera-t-il  tenu  de  prouver  q.ie  le  na- 
vire eft  péri  avant  l'expiration  du  temps  limité  ,  ou 
faudra- t-il  que  l'airureur  prouve  que  l'accident  n'efi 
arrivé  qu'après  le  temps  limité  ?  Le  parlement  de 
Provence  avoit  jugé,  par  deux  arrêts  des  10  &  20 
juin  1747  ,  que  l'affuré  devoit  prouver  que  la  perte 
du  navire  avoit  eu  lieu  dans  le  temps  déterminé  ; 
mais  le  confeil  a  cafie  ces  deux  arrêts  en  1749.  La 
raifon  de  cette  décifion  efl  que  les  aiîiireurs  ne 
pouvant  fe  défendre  qu'en  foutenant  que  le  navire 
n'étoit  péri  qu'après  le  temps  fixé  par  la  conven- 
tion ,  ils  dévoient  être  obligés  de  fournir  la  preuve 
de  cette  affertion. 

L'article  60  veut  qu'après  le  délaifiement  figni- 
fié  ,  les  effets  affurés  appartiennent  a  i'aiîureur  , 
fans  qu'il  pu ifi-c,  fous  prétexte  de  retour  du  vaif- 
feau  ,  fe  difpenfer  de  payer  les  fommes  afl'urées. 

Ainfi,  dès  que  le  délaifiement  ell  légitimement 
fait ,  &  qu'il  eft  figné  ,  les  effets  affurés  font  acquis 
auxaffureurs,  qui  peuvent  par  conféquent  en  dif- 
pofer  à  leur  gré. 

Les  affureurs  doivent  être  admis  non-feu!ement 
à  combattre  les  preuves  fournies  par  l'affuré  pour 
juftifier  fon  chargement  Se  la  perte  du  navire, mais 
ils  peuvent  encore  faire  preuve  contraire  ,  tant  par 
titres  que  par  témoins.  C'eft  ce  qui  réfulte  de  l'arti- 
cle 61.  Cependant  l'ordonnance  veut  qu'on  les  con- 
damne par  provifion  au  payement  des  fommes  af- 
furées,  pourvu  que  l'affuré  donne  caution.  La  rai- 
fon de  cette  décifion  eft  que  la  provifion  eft  due  au 
titre. 

Obfervez  néanmoins  avec  M.  Valin  ,  que  la  con- 


(l)  On  répute  voyage  de  long  cours,  coni-Oim-mentà  l'ar- 
licle  s  9  d^i  t'tre  des  afluranccs ,  &  à  l'ordonisance  du  iS  oc- 
tobre I74<1j,  ies  voyages  qui  fe  font  aux  Indts  trient jles  (y  oc- 
clier.TaUs  ,  Can.ida,  Terri'ti'uve  ,  Grcenland  ,  b-  aunes  eûtes 
fc*  ifl:-  de  C Amérique  mcriJionsle  6"  feptentrionale ,  aux  Aço- 
res  ,  Cmarits  ,  M.dhe ,  tr  ,i  toutes  les  eûtes  6-  pcys  fitués 
fur  l'Oct'ùn-,  au-ddd  dts  dàroits  it  Gibrtiltar  fc"  de  Hund, 


POLICE  D'ASSURANCE.        185 

damnation  à  payer  par  provifion  n'eft  pi?  tellement 
néceffîire  que  le  juge  ne  puiffe  la  diff.;;er  félon  les 
circonîlances  :  c'eft  ce  qu'ont  jugé  différens  arrêts. 

Ai:oh  ,  dans  le  cas  où  le  connoiffement ,  qui  eft 
la  meilleure  preuve  du  chargement,  feroit  attaqué 
de  fraude  par  des  moyens  puiffahs  ,  il  fandroit  fe 
difpenfer  de  prononcer  une  condamnation  provi- 
foire  contre  les  affureurs. 

De  même,  fi  la  fomme  affurée  n'étoit  pas  li- 
quide ,  il  ne  faudroit  prononcer  cette  condamna- 
tion qu'après  la  liquidation. 

Mais  les  affureurs  ne  pourroient  pas  ,  pour  évi- 
ter cette  condamnation  ,  oppofer  valablement  à 
l'affuré  qu'il  n'étoit  pas  propriétaire  des  effets  affu- 
rés. La  raifon  en  eft  qu'il  eft  permis  de  faire  affurer 
la  chofe  d'autrui ,  &:  cflie  par  conféquent  il  fuffit , 
pour  taire  condamner  les  affureurs  ,  que  le  connoif- 
fement foit  relatif  &  conforme  à  l'affurance.  Le 
parlement  de  Provence  l'a  ainfi  jugé  par  *rrèt  du 
22  juin  1746. 

Lorfque  le  chargement  eft  fait  en  pays  étranger 
par  des  mariniers  ou  autres  particuliers  qui  font: 
dans  le  navire  comme  paffagers ,  &  qu'ils  le  font 
afîurer  en  France  par  leurs  correfpondans  ,  ces  ma- 
riniers ou  pafiagers  doivent  laifier  un  double  du 
connoilTement  entre  les  mains  du  conful  françois  , 
ou  de  fon  chancelier  au  lieu  où  s'eft  f.iit  le  char-^e- 
ment;ou  s'il  n'y  a  point  de  confulat  en  ce  Heu,  en- 
tre les  mains  d  un  notable  marchand  de  la  nation 
françoife.  C'eft  la  difpofition  de  l'article  63. 

Le  motif  de  cette  dil'pofition  eft  pour  obvier  aux 
fraudes  &  à  la  coUufion  entre  les  mariniers  ou  paf- 
fagers Se  le  capitaine  ,  qui  ,  en  cas  de  naufrage  ou 
depnfe,  pourroit  donner  aux  affureurs  un  faux 
connoille.mcnt  contenant  une  plus  grande  quantité 
de  marchandifes  que  celle  dont  étoit  compofé  le 
chargement. 

Les  mariniers  &  paffagers  qui  ont  fait  quelque 
chargement  fur  un  navire  dans  le  levant  ou  en  bar- 
barie, &  qui  l'ont  fait  affurer  par  leurs  correfpon- 
dans en  France,  doivent ,  en  cas  de  perte  du  con- 
nuiirement,  juftifier  de  ce  qui  eft  contenu  dans  le 
chargement  par  une  autre  cfpèce  d'acie  qu'on  ap- 
pelle un  manifejle  ;  c'eft  un  acïe  que  le  capitaine  de 
chaque  navire  doit  remettre  à  la  chancellerie  du  lieu 
du  chargement  :  cet  a£le  doit  contenir  un  extrait 
fidèle  de  toutes  les  Polices  concernant  la  cargaifori 
du  navire  :  il  eft  conçu  à-peu-près  en  ces  termes  : 
a  chargé  M***,  d'ordre  &  pour  compte  de  M**,  d'une 
telle  ville  &  À  fa  conftgnation  ,  telles  &  tellti  marchan- 
difes, àoni  on  exprime  la  qualité  , 'la  quantité,  le 
poids ,  &c.  cet  état  eft  certifié  véritable  par  le  capi- 
taine ;  &  le  chancelier  du  confulat,  à  qui  ceta^îe  eft 
remis ,  l'eriregiftre  &  en  donne  au  capitaine  deux, 
copies  en  forme  légalifées  par  le  conful. 

A  l'égard  des  voyages  de  l'Amérique  ;  l'acquit 
que  le  capitaine  doit  avoir  des  droits  qu'il  a  payés 
pour  les  marchandifes  chargées  fur  fon  navire ,  peut 
fervir  de  juftification  du  contenu  du  chargement. 

il  eft  tm  cas  où  la  preuve  de  chargeaient  n'a  p.TS 


iS4 


POLICE  D'ASSURANCE. 


lieu.  C'eft  loifqn'im  corfaire  fait  afTurer  une  pnTc 
qu'il  a  faite:  il  eil  évident  qu'il  ne  peut  faire  cette 
preuve  ,  piiifqu'il  n'a  rien  chargé  :  ce  qu'il  a  fait  af- 
furer  ne  confiée  alors  qu'en  eftimation. 

La  quantité  des  marchandifes  dont  le  chargement 
étoit  compofé,  fe  juftifie  par  le  connoiflement.  A 
l'égard  de  leur  valeur,  l'affuré  peut  la  juflifier  par 
les  fa6>ures  8c  par  les  livres  de  commerce  ,  tant  de 
l'aiTuré ,  que  des  marchands  qui  lui  ont  vendu  les 
marchandifes. 

A  défaut  de  cette  preuve  par  les  livres  &  les  fac- 
tures ,  on  doit  faire  ertimer  ces  marchandifes  par 
experts  ,  fuivant  le  prix  commun  &  courant  que 
les  marchandifes  de  pareille  efpèce  valoient  au 
temps  &  au  lieu  du  chargement.  C'eftla  difpofition 
de  l'article  64. 

La  valeur  du  chargement  jufqu'à  concurrence  de 
laquelle  on  peut  le  faire  affiirer,  n'eft  pas  feulement 
compofée  du  prix  de  l'achat  des  marchandifes  ;  on 
doit  encore  ,  fuivant  l'article  64  ,  y  joindre  tous  droits 
&  frais  faits  iiifijuà  bord ,  c'eft-àdire  ,  tous  les  frais 
qu'il  faut  faire  pour  conduire  les  marchandifes  à 
bord  ,  &  pour  les  charger  fur  les  navires  ,  &  tous 
les  droits  qu'il  faut  payer  pour  le  cliargement  des 
mêmes  marchandiles ,  tels  que  les  droits  de  dounne. 
Obfervcz  que  les  marchandifes  qu'on  charge  en 
retour  à  l'afliiré  dans  les  iles  de  l'Amérique  ne  doi- 
vent pas  être  eftimées  fuivant  la  valeur  de  l'ar- 
gent de  ce  pays,  fur  lequel  il  y  a  un  tiers  à  per- 
dre en  France  ,  mais  feulement  fur  le  pied  de  l'ar- 
gent de  France  ,  parce  qu'elles  ne  font  de  valeur 
pour  l'affuré,  que  de  ce  qu'il  en  peut  retirer  en 
France.  La  convention  de  les  cfîimer  fans  aucune 
dédui5^ion  de  ce  qu'il  y  a  à  perdre  en  France  a 
été ,  par  plufieurs  fentences  de  l'amirauté  du  pa- 
lais ,  déclarée  nulle  &.  illicite,  comme  contraire  à 
l'article  22  du  titre  des  affurances  ,  qui  défend  de 
faire  affurer  des  effets  au-delà  de  leur  valeur. 

L'ordonnance,  dans  l'article  65  ,  a  prévu  un  cas 
auquel  on  ne  peut  pas  eftimer  les  marchandifes 
du  chargement  à  la  fomme  qu'elles  valoient  au 
temps  du  chargement  :  c'eft  quand  celui  qui  les  a 
fait  aflurer ,  les  a  eues  des  fauvages  par  échange, 
dans  un  lieu  où  l'on  ne  connoît  pas  l'argent ,  & 
où  le  commerce  ne  fe  fait  que  par  troc.  Il  eft  évi- 
dent que  ces  marchandifes  ne  peuvent  s'eflimer  à 
la  fomme  qu'elles  valoient  au  lieu  du  chargement , 
puifque  l'argent  n'y  efl  pas  connu  ,  ni  aucune  au- 
tre monnoie  qui  y  puiffe  répondre.  Pour  fuppléer 
à  cela,  l'ordonnance  veut  qu'on  donne  à  ces  mar- 
chandifes l'eftimation  de  celles  qu'on  a  données 
aux  fauvages  en  échange  pour  les  avoir  ,  &  qu'on 
y  joigne  tout  ce  qu'il  en  a  coi^ité  pour  les  tranf- 
porter  au  lieu  où  elles  ont  été  données  en  échange. 
On  n'a  recours  à  une  eflimation  des  marchan- 
difes par  les  fa<51ures  &  les  livres  ,  ou  par  experts  , 
que  lorfqu'elle  n'eft  pas  faite  par  la  Police  d'affu- 
rance.  C'eft  pourquoi  l'article  64  ajoute: /ce  n'e/Z 
qu  elles  foient  eflimées  par  la  Police. 
En  ce  cas ,  l'eftimation  fait  foi  au  moins  par  pro- 


POLICE  D'ASSURANCE. 

vifion,  &  jufquji  ce  que  les  affurcurs  aient  fait  la 
preuve  que  l'alTuré  les  a  furpris ,  &  a  enflé  cette 
eflimatioji. 

En  cas  de  prife  ,  lorfque  l'affuré  a  fait ,  fans  le 
confentement  des  affureurs  ,  une  compofjiion  avec 
le  corfaire  pour  racheter  fes  effets  (  i  ) ,  l'article 
6j  laiffe  au  choix  des  affureurs  de  prendre  à  leur 
profit  la  compofition  ou  de  la  rejeter. 

Cet  article  dit  :  u  les  affureurs  pourront  prendre 
»  la  compofition  à  leur  profit  à  proportion  de  leur 
»  intérêt ,  &  en  ce  cas  ils  feront  tenus  d'en  faire 
»  leur  déclaration  fur  le  champ,  de  contribuer 
»  atluellement  au  payement  du  rachat ,  &  de  cou- 
»  rir  les  rifques  du  retour,  fjnon  de  payer  les  fom- 
»  mes  affurees  ,  fans  qu'ils  pHiff«nt  rien  prétendre 
5>  aux  effets  rachetés  ». 

Au  premier  cas,  lorfque  les  affureurs  prennent 
le  parti  de  prendre  à  leur  profit  la  compofition  , 
il  n'y  a  pas  lieu  à  la  demande  de  la  fomme  affu- 
rée;  les  affureurs  font  feulement  tenus  de  contri- 
buer  au  prix  du  rachat  à  proportion  de  l'intérêt 
qu'ils  y  ont ,  &  ils  continuent  d'être  chargés  des 
rifques  du  retour  du  vaiffeau,  fans  qu'ils  puiffent , 
en  cas  d'un  nouveau  malheur,  faire,  fur  la  fomme 
affurée  ,  aucune  dêdu6lion  ni  imputation  de  la  fom- 
me payée  pour  le  rachat. 

Par  exemple,  un  armateur  a  fait  affurer  une  fom- 
me de  50000  livres  fur  un  vaiffeau  valant ,  avec  fa 
cargaifon  ,  cinquante  mille  écus.  Ce  vaiffeau  efl 
pris  ;  &  le  corfaire  ,  moyennant  une  rançon  de 
vingt-cinq  mille  écus  que  lui  paie  l'armateur ,  re- 
lâche le  vaiifeau  avec  toute  fa  cargaifon.  Si  les  af- 
fureurs veulent  prendre  à  leur  proiit  cette  compo- 
fition ,  l'affuré  ne  pourra  pas  leur  demander  la 
fomme  de  joooo  livres  qu'ils  ont  affurée  ;  il  fuf- 
fira  que  ces  affureurs  lui  rendent  la  fomme  de 
vingt-ci^nq  mille  livres ,  qui  efî  le  tiers  de  celle 
qu'a  coiàté  le  rachat  du  vaiffeau  &  de  fa  cargaifon  ; 
&  fi  le  vaiffeau ,  avant  fon  retour  ,  étoit  encore 
pris  ou  péri,  les  affureurs ,  qui  continuent  en  ce 
cas  d'être  chargés  des  rifques ,  feroient  tenus  de 
payer  la  fomme  de  50000  livres  qu'ils  ont  affurée 
dans  l'origine ,  fans  pouvoir  rien  retenir  de  celle 
de  25000  livres  payée  pour  le  rachat. 

Ce  qui  cû  dit  par  l'article  6j  ,  que  les  affureurs 
doivent  contribuer  adluellement  au  payement  du 
rachat,  doit  s'entendre  du  cas  auquel  le  corfaire 
n'auroit  pas  accordé  de  terme  pour  le  payement: 
s'il  en  avoit  accordé ,  il  feroit  jufie  que  les  affureurs 
en  profitaffent. 

Au  fécond  cas  ,  qui  eft  celui  auquel  les  affureurs 
rejettent  la  compofition,  il  y  a  lieu  à  la  demande 
de  la  fomme  affurée.  Ils  font  tenus  de  la  payer, 
fans  quils  puijfcnt  rien  prétendre  aux  efets  relâchés  ; 
c'eft  ce  que  porte  expreffémeat  l'article  67. 

Laffuré  n'eft  donc  pas  tenu  alors  de  leur  faire 
le  délaiffement  des  effets    rachetés  ,  ni   du  profit 


(i)  L'a.ticle  66  permetaux  a(îuu$  Je  uthecer  leurs  effets  , 
fins  aiiendre  l'ordre  des  alfuieurs. 

qu'il 


POLICE  D'ASSURANCE. 

qu'il  pourrolt  fiire  fur  ces  efie;s.  Les  afflireurs  , 
en  refulant  la  compoCiùon  ,  font:  cenfcs  le*,  avoir 
abandonnés  à  l'affuré  pour  le  prix  du  rachat;  de 
même  qu'ils  peuvent  abandonner  les  effets  fauves 
d'un  naufrage  ,  pour  les  frais  faits  pour  les  re- 
couvrer. 

Les  affiireurs  devant  avoir  le  choix  d'accepter 
à  leur  profit  la  compofition  ou  de  la  refufer  ,  l'af- 
furé  doit  les  avertir  par  écrit  de  la  coinpofirion 
qu'il  a  faite.  Les  affureurs  de  leur  côté  ,  doivent, 
aulh-tot  qu'ils  ont  été  avertis,  déclarer  s'ils  en- 
tendent accepter  la  compofition  ,  finon  ils  peuvent 
être  pourluivis  pour  le  payement  de  la  fomme 
alTuré*. 

M.  Pothier  ,  à  qui  appartiennent  ces  obferva- 
tions  fur  l'article  67,  eft  néanmoins  d'avis  que  les 
afTureurs  font  toujours  à  temps  de  fe  faire  ren- 
voyer de  cette  demnnde,  en  offrant  leur  part  du 
prix  de  la  compofition  ,  les  intérêts  ,  &  les  dépens 
de  la  contumace  faits  contr'eux. 

L'article  68  établit  ce  qui  doit  être  pratiqué 
pour  empêcher  les  fraudes  &  les  abus  de  h  part 
de  ceux  qui  fe  mêlent  de  faire  figner  des  Polices 
d  alTurance.  Voici  comme  cette  loi  eft  conçue  : 

«  Faifons  défenfcs  à  tous  greffiers  de  Police , 
»>  commis  de  chambre  d'affurances  ,  notaires  , 
5'  courtiers  &  cenfaux  ,  de  faire  figner  des  Polices 
»  où  il  y  ait  aucun  blanc  ,  à  peine  de  tous  domma- 
>'  ges  &.  intérêts,  comme  au iTi  d'en  faire  aucunes 
»  dans  lefquelles  ils  foient  intéreffés  direflement 
"  ou  indiredlement  par  eux,  ou  par  perfonnes  in- 
»  terpofées,  &  de  prendre  tranfport  des  droits  des 
»  affurés  ,  à  peine  de  cinq  cens  livres  d'amende 
»  pour  la  première  fois,  &  de  deflitution  en  cas 
»  de  récidive ,  fans  que  les  peines  puilTent  être 
})  modérées  ». 

L'article  69  enjoint ,  fous  pareille  peine  ,  à  tous 
les  greffiers  ,  &  autres  ,  défignés  dans  l'article  pré- 
cédent ,  d'avoir  un  regiftre  paraphé  par  le  lieute- 
nant de  ramirau*é,  pour  y  enregiflrer  toutes  les 
Polices  qu'ils  dreffent. 

Lorfqu'il  y  a  dans  la  Police  une  claufe  par  la- 
quelle les  parties  ont  déclaré  vouloir  que  les  diffé- 
rends qui  pourront  furvenir  entr'elles  fe  décident 
par  des  arbitres  ,  l'une  des  parties  peut,  avant  au- 
cune conteftation  en  caufe ,  faire  renvoyer  le  li- 
tige devant  des  arbitres  ;  en  conféquence  ,  elle  en 
doit  nommer  un  ,  &  fi  la  partie  adverfe  refufe  d'en 
faire  autant,  le  juge  doit  y  fuppléer  en  nommant 
im  fécond  arbitre  pour  elle.  C'eft  ce  qui  réfuite 
de  l'article  70. 

Il  faut  remarquer  à  ce  fujet,  que  fi  le  renvoi 
devanr  des  arbitres  n'étoir  pas  reçu  avant  aucune 
conteftation  en  caufe  ,  ce  feroit  à  l'amirauté  à  con- 
noître  du  différend. 

L'article  71   veut  que  huit  jours  après  la  nomi- 
nation des  arbitres  ,  les  parties  litigantes  produifent 
entre  leurs  mains ,  &  que  dans  la  huitaine  fiiivanre  , 
ils  rendent  leur  fenrcncc  ,  foit  contradia®irement 
Tome  Xllh 


rOLICE  D'ASSURANCE.       1S5 

ou  par  défaut ,  fur  les  pièces  qui  leur  auront  été 
remifes. 

On  voit  par-là  que  l'intention  du  légiflateur  a  été 
que  les  procédures  ne  fuffent  pas  longues  dans  la 
nutière  dont  il  s'agit.  Ainfi  ,  lorfqu'ime  partie  eft 
intéreffée  à  obtenir  une  prompte  décifion,  elle  n"a 
qu'à  fignificr  à  fon  adverfaire ,  qu'elle  a  produit 
fes  pièces  ,  avec  fommation  à  lui  de  produire  de- 
fon  côté.  Et  foit  que  cet  adverfaire  fatisfaffe  à  la 
fommation,  ou  qu'il  n'y  fatisfaffe  pas,  les  arbi- 
tres peuvent,  huit  jours  après  ,  prononcer  fur  la 
conteflation. 

Suivant  l'article  72  ,  les  fentences  arbitrales  doi- 
vent être  homologuées  au  fiège  de  l'amirauté,  dans 
le  reffort  duquel  elles  ont  été  rendues  ;  mais  il  eft 
défendu  aux  juges  de  prendre  fous  ce  prétexte  au- 
cune connoiffance  du  fonds,  à  peine  de  nullité  6c 
des  dépens  ,  dommages  ^  inrérèts  des  parties. 
j  L'appel  des  fentences  arbitrales  homologuées , 
doit  être  porté  direftement  au  parlement  ;  mais  il 
ne  doit  pas  être  reçu,  que  la  peine  ftipulée  parla 
foumiffion,  n'ait  été  payée.  C'eft  ce  que  porte  l'ar- 
ticle 75. 

Ces  fentences  font  exécutoires,  nonobllant  l'ap- 
pel, en  donnant  caution  pardevant  les  juges  qui 
les  ont  homologuées;  c'eft  ce  qui  rcfulce  de  l'ar- 
ticle 74. 

Voyez  V ordonnance  de  la  marine  ,  du  mois  d'août 
1681  ,  6*  lis  commentateurs  ;  le  traité  du  contrat 
d'aJJ'urance  de  M.  Pothier;  l'ordonnance  du  mois  d'a- 
vril i66y  ;  les  lois  civiles  ;  le  guidon  de  la  mer;  Loc- 
csnius  ,  de  jure  maritimo;  Stypmannus  ,  ad  jus  ma- 
ritimum;  Stracha,  de  nantis;  le  traité  des  avaries  , 
de  Quiniin  Weytfen  ;  l'ordonnance  du  mois  de  mars 
1673;  ^^  recueil  de  A'éron  ;  Santerna  ,  de  affecura- 
tlon'rbus  ;  Reinoldm  Kurike  ,  ad  jus  maritimum  han- 
fearicum  ,  cum  notis  &  diatribe  de  affccuration - 
bus;  les  œuvres  de  Cafa  Régis;  le^  ordonnances  de 
Ford  mon  ;  les  notes  d' Arnoldus  Vicinius  fur  Pierre 
Peckius  ;  le  règlement  du  20  août  1673  ^  l'ordonnance 
du  iS  oElobre  1740  ;  Dumoulin,  de  ufuris  ;  Grotius ^ 
de  jure  belli  &  pacis  ,  &c.  Voyez  nufîî  les  articles 
Avarie  ,  Affrètement  ,  Arrït  de  prince  , 
Abordage,  Jet  ,  Prescription  ,  Naufrage  , 
ÉCHOUEMENT,  Pillage,  Prise  ,  Représailles, 
Prime  ,  &c.  (  Ce  qui  efl  entre  des  aflérifques  ap  - 
yartient  à  M.  Merlin  ,  avocat  au  parUment  de 
Flandres  &  fecretaire  du  roi  ). 

Addition  à  l'article  Police  et  Contrat 
d'Assurance. 

L'ordonnance  du  mois  d'août  1681  ,  dont  la  fi- 
geffe  a  été  univerfe'lement  reconnue  ,  n'ayant  rien 
Itatué  fur  des  faits  qui  n'étoient  point  encore  con- 
nus quand  elle  a  été  rendue,  le  roi  a  donné  fur  la 
matière  des  affurances ,  le  17  août  1779,  une  dé- 
claration que  le  parlement  de  Paris  a  enregiftrée 
le  6  fcptembre  de  la  même  année  ,  6c  qui  contient 
les  difpofrions  fuivantes  : 

(4  Article  i,  Aucun  navire  marchand  ne  pourra 

Aa 


)86  POLICE  D'ASSURANCE. 

»'  prendre  charge  dans  tons  les  ports  de  notre  âo' 
"  inination ,  avant  qu'il  ait  été  conflaté  que  ledit 
»  navire  cft  en  bon  état  de  navigation,  riilîîfam- 
»  ment  armé  &  muni  des  pièces  de  rechange  né- 
1'  ceflaires  ,  eu  égard  à  la  qualité  du  navire  &  à 
j'  la  longueur  du  voyage  ;  à  l'effet  de  quoi  fera 
»  drefle  procès-verbal  du  tout ,  en  préfence  des 
»  deux  principaux  officiers  du  navire ,  par  trois 
y*  experts  ,  dont  un  fera  capitaine  ou  officier  de 
»  navire,  l'autre  conftrii6îeur,  Se  le  troifième  char- 
y>  pentier  du  port  du  départ ,  ou  ,  à  leur  défaut , 
j»  par  trois  autres  experts  ,  tous  lefquels  experts 
»  feront  nommé»  d'office  par  les  officiers  de  l'ami- 
»  rautè  ;  lequel  procès-verbal,  préfenté  devant  un 
3'  des  officiers  de  l'amirauté  ,  &  affirmé  ,  tant  par 
«  lefdits  officiers  de  navire  que  par  les  experts  , 
5>  demeurera  annexé,  comme  pièce  de  bord  ou 
n  congé,  ordonné  par  l'anicle  premier  du  titre 
>»  des  congés  de  l'ordonnance  de  1681  ,  lequel 
>»  congé  ne  pourra  être  délivré  que  fur  le  vu  du- 
»  dit  procès-verbal. 

»  2.  Seront  tenus  lefdits  officiers  de  navire  Se 
y*  experts  nommés  par  le  juge,  de  travailler  fans 
»  délai  à  la  rédadion  dudit  procès-verbal  :  leur  en- 
»  joignons  d'y  procéder  avec exaâitude  8c  fidélité, 
M  fous  peine  d'interdlélion  pour  deux  ans  ,  &  mê- 
w  me  de  déchéance  totale  ,  s'il  y  échet,  contre  lef- 
»>  dits  officiers,  &  de  trois  cens  livres  d'amende 
w  contre  chacun  des  experts  ,  fauf  à  prendre  la  voie 
»  extraordinaire,  fi  le  cas  le  requiert. 

»  3.  Lorfque  le  navire  fera  prêt  à  recevoir  fon 
»  chargement  de  retour,  il  fera  procédé  à  une  nou- 
»  velle  vifite  ,  dans  la  même  forme  &  par  les  per- 
1»  fonnes  du  même  état  que  celles  ci-delfus  dénom- 
j)  mèes  ;  lors  duquel  procès-verbal  les  officiers  du 
>»  navire  feront  tenus  d»  repréfenter  le  procès- 
>'  verbal  de  vifite  fait  dans  le  lieu  du  départ ,  pour 
5)  être  récolé,  &  à  l'effet  de  conltater  les  avaries 
>»  qui  pourront  être  furvenues  pendant  le  cours 
J)  du  voyage,  par  fortune  de  mer  ou  par  le  vice 
M  propre  dudit  navire  ;  8fc  à  l'égard  des  navires  fai- 
»  fant  le  cabotage ,  6c  de  ceux  qui  font  la  caravane 
»  dans  l'Archipel  &  dans  les  Echelles  du  Levant , 
n  les  propriétaires,  capitaines  ou  maîtres,  ne  fe- 
»  ront  tenus  de  faire  procéder  audit  fécond  procès- 
»  verbal ,  qu'un  an  &  jour  après  la  date  du  premier. 

»  4.  Dans  le  cas  où  le  navire  ,  par  fortune  de 
»  mer  ,  auroit  étoit  mis  hors  d'état  de  continuer  (a 
"  navigation,  &  auroit  été  condamné  en  confè- 
»  quence ,  les  affijrés  pourront  faire  délaiffement 

V  à  leurs  aiTureurs  du  corps  &:  quille ,  agréts  îk 
J)  apparaux  dudit  navire  ,  en  fe  conformant  aux 
»  difpofuionsde  l'ordonnance  du  mois  d'août  1681, 

V  fur  les  dèlaiffemens  ;  ne  feront  toutefois  le  affii- 
î5  rés  admis  à  faire  ledit  délaiffement ,  qu'en  re- 
»  préfentaut  les  procès-verbaux  de  vifite  du  navire, 
"  ordonrss  par  les  articles  premier  &  3  de  la  prè- 
5>  fente  déclaration. 

»   5.  Ne  pourront  aulî^  les  affiirés  être  admis  à 
»  liirç  le  dclaiffetnent  du  navire  qui  9ura  échoué  , 


POLICE  D'ASSURANCE. 

»  fi  ledit  navire  relevé  ,  foit  par  les  forces  de  fon 
»  équipage,  foit  par  des  feeours  eirpruntés  ,  a  con- 
»  tinué  fa  route  jufqu'au  lieu  de  fa  deftination  , 
»>  fauf  à  eux  à  fe  pourvoir  ainfi  qu'il  appartiendra , 
'»  tant  pour  les  frais  dudit  échouement,  que  pour 
"  le  avaries ,  foit  du  navire  ,  foit  des  marchan- 
»  difes. 

»  6.  Le  fret  acquis  pourra  être  affuré  &  ne 
»  pourra  faire  partie  du  délaiffement  du  navire, 
>♦  s'il  n'eft  expreffément  compris  dans  la  Police  d'af- 
»  furance;  mais  le  fret  à  faire  appartiendra  aux  af- 
»  fureurs ,  comme  faifant  partie  du  délaiffement , 
')  s'il  n'y  a  claufe  contraire  dans  la  Police  d'affu- 
»  rance,  flins  préjudice  toutefois  des  loyers  des 
»  matelots  Cii.   dfs   contrats  à  groffe  aventure  ,  à 

V  l'égard  defquels  les  difpofitions  de  l'ordonnance 
»  du  mois  d'août  1781  ,  feront  exécutées  fuivant 
î)  leur  forme  &  teneur. 

»  7.  Lorfque  le  navire  aura  été  condamné  corn» 
))  me  étant  hors  d'état  de  continuer  fa  navigation  , 
I)  les  aiTurés  fur  les  marchandifes  feront  renus  de 
»  le  faire  inceffamment  fignifîer  aux  affureurs  , 
"  l«fquels,  ainfi  que  les  affurés  ,  feront  leurs  dili- 
»  gences  pour  trouver  un  autre  navire,  fur  lequel 
'>  lefditcs  marchandifes  feront  chargées  ,  à  l'effet 
»  de  les  tranfporter  à  leur  deftination. 

»>  8.  Dans  le  cas  où  il  ne  fe  feroit  pas  trouvé  de 
n  navire  pour  charger  lefdites  marchandifes  ,  &  les 
n  conduire  au  lieu  de  leur  deftination  dans  les  dé- 
5)  lais  portés  par  les  articles  49  &  50  du  titre  des 
»  affurances  de  l'ordonnance  du  mois  d'août  i68i, 
»  les  affurés  pourront  en  faire  le  délaiffement ,  en 
■>■>  fe  conformant  aux  difpofitions  de  ladite  ordon- 
j)  nance  fur  les  délaiffemens. 

»  9.  Dans  le  cas  où  lefdites  marchandifes  au- 
i>  roient  été  chargées  fur  un  nouveau  navire,  les 
»  affureurs  courront  les  rifques  fur  lefdites  mar- 
M  chandifes  ,  jufqu'à  leur  débarquement  dans  le 
"  lieu  de  leur  deftination  ,  &  feront  en  outre  tenus 
i>  de  fupporter,à  la  charge  des  affurés,  les  avaries 
»  des  marchandifes ,  les  frais  de  fawvetage  ,  de  char- 
"  gement ,  m.agafmage  &  rembarquement,  enlem- 
)>  ble  les  droits  qui  pourroient  avoir  été  payés  ,  &C 
»   le  furcroît  du  fret,  s'il  y  en  a. 

»  10.  Dans  le  cas  où  le  navire  &  fon  chargement 
»  feront  affurés  par  la  même  Police  d'aflurance, 
•/>  &  par  une  feule  fomme ,  ladite  fomme  affurè« 
»  fera  répartie  entre  le  navire  &  fon  chargement , 

V  par  proportion  aux  évaluations  de  l'un  81  de  Fau- 
»  tre  ,  fi  elles  ont  été  portées  dans  la  Police  d'affu- 
»  rance;  finon  la  valeur  du  navire  fera  fixée  par 
»  experts,  d'après  lefdits  procès-verbaux  de  vif  te 
n  du  navire  ,  &  le  compte  de  mife  hors  de  l'arma- 

V  teiir  ,  Si.  la  valeur  des  marchandifes,  fuivant  les 
))  difpofitions  de  l'ordonnance  de  x68i  ,  concer- 
»  naiK  l'évaluation  du  chargement. 

»  II.  Tout  effet ,  dont  le  prit  fera  porté  dans  h 
•,i  Police  d'affurance  en  n^oniaoie  étrangère  ou  au- 
»  très  que  celles  qui  ont  cours  dans  l'intérieur  de 
J7  v.Qiïi  royaume ,  &  dont  la  v^aleur  numéraire  eft 


PONT  DE  JOIG?n\ 

»>  fixée  par  nos  édits,  fera  évaluée  au  prix  que  la 
ï»  monnoie  ftipulée  pourra  valoir  en  livres  toilr- 
î>  nois.  Faifons  trés-exprefles  inhibitions  &  défen- 
«  fes  de  faire  aucune  Itipulation  à  ce  contraire  ,  à 
>»  peine  de  nullité. 

j»  12.  Seront  au  furphis  nos  ordonnances  ,  édits, 
»  déclarations ,  lettres  -  patentes ,  arrêts  &  régle- 
»  mens,  exécutés  en  tout  ce  qui  n'eft  pas  contraire 
j>  aux  difpofitions  de  la  préfente  déclaration.  Si 
»  donnons  en  mandement  ,  &c.  «. 

POLLICITATION.  C'eft  un  engageinent  cen- 
traf^é  par  quelqu'un,  fans  qu'il  foit  accepté  par  une 
autre  perfonne. 

L'article  3  de  l'ordonnance  des  donations  du 
mois  de  février  173  r ,  ayant  décidé  qu'il  n'y  auroit 
plus  que  deux  manières  de  difpofer  de  fcs  biens  à 
titre  gratuit;  favoir,  la  donation  entre-vifs  ti  \c 
teftainent ,  il  faut  conclure  q^e  la  PoUicitation  ne 
produit  aucune  obligation  parmi  nous. 

POLYGAMIE.  C'eft  l'état  d'un  homme  qui  eft 
marié  à  plufieurs  femmes  en  même-temps ,  ou 
d'une  femme  qui  elî  rasriée  à  plufieurs  hommes. 
P^oyei  Bigamie. 

^  PONT  DE  JOIGNY.  (  droit  du  )  Ccû  le  nom 
d'un  droit  d'aide  ,  nuquel  les  vins ,  tant  de  liqneur 
que  d'ordinaire  ,  font  affujeriis  dans  le  cas  dont  on 
parlera  ;  &c  qui ,  en  y  comprenant  le  parifjs  ,  fou  Si. 
fix  deniers  pour  livre,  a  été  fixé  à  cinquante-trois 
fous  neuf  deniers  par  nuiid  de  vin. 

Lorfque  la  déclaration  du  20  juillet  1656,  com- 
mua le  droit  de  fubvention  à  l'entrée  en  pareil  droit 
au  dérail  dans  les  lieux  fujets  au  huitiétne,  les  fix 
élevions  d'Auxerre,  Màcou  ,  Bar- fur-Seine  ,  Joi- 
gny.  Tonnerre  &  Vezelay  ,  fituées  au-delà  du 
Pont  de  Joigny ,  furent  déchargées  delà  fubven- 
tion au  détail ,  au  moyen  du  même  droit  par  dou- 
bleiTient ,  qui  fut  établi  fur  les  vins  qui  feroient  en- 
levés de  ces  fix  éledions  &  autres  lieux  ,  &  qui 
pafferoicnt  defius  ou  deffous  le  Pont  de  Joigny ,  ou 
qui  feroient  chargés  au  port  de  Folet,  fuuéàune 
demi-lieue  au-deifous  de  cette  ville  :  c'étoit  alors 
les  paffages  les  plus  ufités  pour  le  tranfport  de  ces 
vins ,  relativement  à  leurs  débouchés  k4  plus  ordi- 
naires ;  &  au  moyen  de  cet  établiffement ,  la  fub- 
vention ne  tomboit  point  fur  les  vins  confommés 
dans  ces  éleélions  ,  mais  feulement  fur  ceux  qui  en 
fortoient. 

L'ordonnance  de  1680  a  fixé  la  quotité  de  ce 
droit  ;  &  cette  ordonnance  ,  ainfi  que  l'arrêt  du 
confeil  &  les  lettres  -  patentes  du  21  novembre 
1752,  enregifîrées  à  la  cour  des  aides  de  Paris  le 
31  mai  !754,  contiennent  les  difoofitions  relatives 
à  la  perception  du  droit  dont  il  s'agir:  voici  les  prin- 
cipales  : 

Le  droit  eft  dû  fur  le  vin  qui  pafTe  deffus  ou  def- 
fous le  Pont  de  Joigny  ,  ou  qui ,  fans  y  paffer,  e/i 
chargé  au  port  de  Follet. 

^  Sur  celui  qui  efl  enlevé  des  fix  éleSions,  pour 
être  conduit  à  Paris  ou  pour  être  tranfporté  ,  foit 
par  eau  ,  foit  pav  terre  dans  les  villes  de  Joigny  , 


rONT  DE  MEULAN. 


187 


Ville-NeiiVî^-h-Roi  ,  Sens  ,  Pont- fur- Yonne,  Moit- 
tereau ,  Moret ,  Melun  &  Corbeil ,  quoiqn'il  ne 
paCié  ni  defllis  ni  delTous  le  Pont  de  Joigny. 

Et  enfin  fur  le  vin  pareillement  enlevé  des  nii^' 
mes  éledions  &  voiture  parterre,  pour  quelque 
defîination  que  ce  foit,  lorfque  les  conducteur c 
fuiventlc  cours  de^la  rivière  d'Yonne,  au  lieu  de 
palier  fur  le  Pont  :  cette  difpofition  qui  efl  portée 
parles  lettres-patentes  du  21  novembre  1752,  a 
eu  pour  objet  de  faire  ceffer  la  fraude  des  voitu- 
riers  qui ,  au  lieu  de  fuivre  leur  route  naturelle  en 
partant  fur  le  Pont ,  s'en  détournoieut  ik  fuivoient 
le  cours  de  la  rivière  d'Yonne  pour  la  paflér  plus 
loin  à  gué. 

Les  difpofitions  qu'on  vient  de  rapporter  doi- 
vent être  exécutées,  relativement  aux  vendanges  , 
fur  le  pied  de  deux  niuids  de  viu  pour  trois  niuidi 
de  vendange. 

Le  droit  doit  être  payé  fans  aucune  déduélion 
pour  les  lies  &  coulages  ,  &.  il  eft  dû  par  toute» 
fortes  de  perfonnes  fans  exception ,  même  par  les 
eccléfiafliques  &  autres  privilégiés  pour  le  vin  du 
cru  de  leur  bénéfice  ou  de  patrimoine. 

Les  voituriers  font  tenus  de  faire  leur  déclara- 
tion aux  bureaux  de  la  régie,  &  d'y  repréfenter 
leurs  lettres  de  voiture  vifées  &  paraphées  des  com^ 
mis  dans  la  même  forme  &fous  les  mêmes  peines 
que  pour  les  droits  d'entrée. 

PONT  DE  MEULAN.  (  droit  du  )  Ceft  le  nom 
d'un  droit  d'aide  fort  ancien  qui  faifoit  partie  du 
bail  paffé  à  Jacques  Barberé  le  25  feptembre  1630. 
Il  étoit  originairement  de  quinze  fous  par  cent  de 
plâtre  ,  &  de  fix  livres  par  bateau  :  mais  par  arrêt 
du  confeil  du  16  oâobrc  1685  ,  il  a  été  porté  à 
caufe  du  parifis ,  fou  Se  fix  deniers  pour  livres,  à 
vingt  fous  trois  deniers  par  cent  de  plâtre,  &  a 
huit  livres  un  fou  fix  deniers  par  bateau  chargé  de 
marchandifes  pafiant  fous  le  Pont  de  Meulan. 

Un  autre  arrêt  du  confeil  du  2  odobre  173  i  ,  a 
défendu  aux  marchands  voituriers  &  autres  de  faire 
pafler  leurs  bateaux  fans  les  garrer  au  bureau  du 
fermier  pour  y  acquitter  le  droit ,  à  peine  de  con- 
fifcation  des  bateaux  &  de  5C0  livres  d'amende. 

Par  le  même  arrêt,  la  connoiflance  des  contefia- 
tions  relatives  à  la  perception  des  droits  du  Pont 
de  Meulan  ,  a  été  attribuée  aux  juges  de  l'éleftion 
de  Mantes,  nonobftant  la  prétention  du  bureau  de 
la  ville  de  Paris  qui  vouloit  en  connoître  ,  fous 
prétexte  que  ces  droits  fe  perçoivent  fur  des  mar- 
chandifes defiinées  pour  Paris. 

PONT-  SUR -YONNE.  (  péage  de  )  Voyez 

PÉAGF. 

PONTIFICAL.  On  appelle  ainfi  le  livre  qiù 
contient  les  difïîrentes  prières  8c  l'ordre  des  céré- 
monies que  l'évêquedoitobfervcr  particulièrement 
dans  l'ordination  ,  la  confirmation  ,  les  facres  &  les 
autres  fondions  réfervées  aux  évêques. 

PORCELAINE.  Sorte  de  poterie  très-fine  ,  pré^ 
parée  &  cuite  fous  toutes  fortes  de  figures ,  de  vafôs 
&  uftenfile:t 

Aaij 


i8§  PORCELAINE. 

Le  roi  s'étant  fait  rendre  compte  de  1  état  a(^iiel 
des  différentes  fabriques  de  Porcelaine  qui  exif- 
toient  dans  le  royaume,  &  des  titres  en  vertu  des- 
quels elles  avoient  été  établies  ,  fa  ninjeflé  a  re- 
connu que  par  différens  arrêts  de  fon  confeil,  6c 
notamment  par  celui  du  15  février  1766,1a  ma- 
niifaflure  royale  des  Porcelaines  de  France,  éta- 
blie à  Sevré ,  avoir  été  maintenue  &  confirmée  ,  tant 
dans  le  privilège  exclufit  de  peindre  en  toute  cou- 
leur ,  dorer  &  incrufter  en  or,  les  ouvrages  par 
elle  fabriqués ,  que  dans  celui  de  faire  des  llaïues , 
figures  ou  ornemens  de  rondebofie  avec  de  la 
pâte  de  Porcelaine  en  bifcuit,  fans  couverte  ou 
avec  couverte  ;  &  que  les  autres  manufactures 
avoient  été  reftreintes  à  la  fabrication  des  Porce- 
laines en  bleu  Se  blanc,  à  l'imitation  de  celles  de 
la  Chine  ,  &  en  caniayeu  ,  d'une  feule  couleur  : 
que,  cependant,  les  reflriâions  portées  par  ces 
i'.rrèts  n'avoient  point  été  entièrement  exécutées  , 
quelques-unes  de  ces  manufactures  ayant  obtenu 
des  permiffions  particulières  de  décorer  leurs  ou- 
vrages en  or  &  en  toute  couleur;  que  même  toutes 
celles  qui  s'étoient  établies  fucceiTivement ,  s'c- 
toient  prévalues  de  cette  tolérance  ,  jufqu'au  point 
d'entreprendre  &  de  débiter,  concurremment  avec 
la  manufadUire  royale  de  France  ,  toute  efpécc 
d'ouvrages,  fans  excepter  ceux  dont  la  fabrica- 
tion exclufive  lui  avoit  été  conflamment  réiervée: 
que  p  t  une  fuite  de  cet  abus ,  plufieurs  s'étoient 
efforcés  de  gagner  &  attirer  les  ouvriers  dans  leurs 
ateliers  ;  8c  qu'il  en  étoit  même  qui  s'étoient  per- 
mis de  contrefaire  les  marques  de  la  fûbiication  : 
qu'enfin  ces  manutadures  s'àoient  tellement  mul- 
tipliées d<^ns  ia  ville  de  Paris ,  ik  aux  environs  , 
qu'il  en  réfultoit  une  confommation  de  bois  pré 
judiciable  à  1  approvifionnement  de  la  capitale  ;  (Ix 
que  d'ai'leurs ,  la  quantité  de  Porcelaine  qui  fe 
fabriquoit  journellement,  exe jdoit  le  débit  quipou- 
vo!t  s'en  faire:  fa  majefié  a  confidéré  d'un  côré 
que  la  manufai51urc  royale  des  Porcelaines  de 
France  étoit  devenue  un  objet  digne  de  fa  pro- 
tection particulièie  ,  non  feulement  par  la  fnpè- 
riorité  que  la  perfeélion  de  fes  ouvrages  lui  avoit 
acquife  fur  toutes  les  manufaélures  étrangères  de 
même  genre  ,  mais  aufTi  par  fa  liaifon  avec  les  arts 
de  goût ,  &  fes  rapports  à  l'intérêt  général  du  com- 
merce ;  d'un  autre  côté  ,  qu'il  étoit  de  fa  juili^e 
d'affurer  au  public  ,  pour  les  Porcelaines  d'un  iifage 
habituel  8c  journalier,  les  avantages  que  devoir 
procurer  la  concurrence  de  plufieurs  manufadures 
«jui  les  fabriquoient  à  différens  prix;  en  prenant 
néanmoins  les  mefures  convenables  pour  qu'il 
n'en  réfultât  pas  des  abus  8c  des  inconvéniens  éga- 
lement nuiTibles  au  public  &c  aux  entrepreneurs  de 
ces  établiffemens  :  en  conféquence  elle  a  rendu 
en  fon  conf^^il ,  le  16  mai  1784  ,  un  arrêt  de  règle- 
ment qui  contient  les  difpofitions  fuivantes  : 

<c  Art.  premier.  La  manufadm-e  royale  des 
M  Porcelaines  de  France,  continuera  de  jouir  du 
w  privilège  de  fabriquer  toutes  eTpèces  de  Porce- 


PORCELAINE. 

»  laines  en  tous  genres  8c  de  toutes  formes ,  peintes 
»  ou  non  peintes  ,  unies  ou  en  relief,  décorées  de 
»  toutes  couleurs  Ôc  tous  ornemens  quelconques  ; 
"  de  les  faire  vendre  6c  circuler  dans  tout  le  royau- 
»  me  ,  8c  de  les  exporter  à  l'étranger ,  airfi  qu'elle 
"  y  a  été  autorifée  par  les  précédens  édits  èi  arrêts 
»  de  lèglement. 

»  11.  Ladite  manufaflure  continuera  aufîi  d'a- 
"  voir  ,  conformément  auxdits  règlement  ,  Sc 
"  pourra  feule  exercer  à  l'avenir  ,  le  droit  exclu- 
"  lit  de  faire  8c  débiter  des  vafes  couverts  8c  non 
»  couverts ,  d  incrufter  de  l'or  fur  lefdits  vafes , 
»  6c  fur  toutes  autres  pièces  de  Porcelaine ,  de 
»  peindre  fur  icelles  des  tableaux  repréfentans  des 
»  penonnages  ou  des  animaux  ;  de  fabriquer  Se 
"  vendre  des  flatues ,  des  bufles  en  rondeboiîe 
"  ou  en  m-idaillon,  8c  en  bas-relief,  des  groupes 
"  d  iiommes ,  ou  a'autres  fujets  faits  avec  de  la 
"  pâte  de  Porcelaine  en  bifcuit  ou  coloriés,  &C 
>'  généralement  tous  ouvrages  du  grand  genre 
"  deiiiués  à  fervir  d'ornemeiis.  Fait  défenfes  fa 
»  niajellé  aux  entrepreneurs  des  autres  manufac- 
"  tures  de  Porcelaine  du  royaume,  de  fabriquer 
»  les  Ouvrages  8c  genre  de  Porcelaine  ,  énoncés 
»  au  prefent  article ,  à  peine  de  faifie  ,  confîfca- 
"  tion ,  Cîc  de  trois  mille  livres  d'amende  ;  leur  per- 
»  met  néc^nmoins  fa  majelié  d'achever  ik  complé- 
»  ter  ceux  defdits  ouvrages  qu'ils  auroient  com- 
»  mencés  avant  la  date  du  préfent  arrêt .  8c  de  les 
»  vendre  8c  débiter,  ainfi  que  ceux  qu  ils  auroient 
»  aéiucUemcnt  en  magafin  ou  en  boutique,  pen- 
"  dant  l'efpace  d'une  année  feulement,  à  compter 
»  également  de  la  date  dudit  arrêt ,  après  lequel 
»  délai  ils  ne  pourront  les  expofer  en  vente  ,  aux 
»  peines  ci  dcffus  prononcées. 

»  lil.  Pourront  lefdits  entrepreneurs,  continuer 
»  de  fabriquer  tous  les  autres  ouvrages  du  genre 
»  moyen  ,  deflinés  à  l'ufage  de  la  table  &i  au  fer- 
)>  vice  ordinaire,  tels  que  pots  à  oille  ,  terrines, 
»  plats  Se  aiîîettes,  compotiers,  fucriers  ,  taffes, 
»  théières ,  jattes,  pots,  coquetiers  ,  6c  autres  ou- 
»  vrages  de  même  genre  ;  d'y  appliquer  de  l'or  en 
»  bordure  feulement ,  ôc  de  faire  peindre  fur  iceux 
yy  des  fleurs  nuancées  de  toutes  couleurs  ;  à  la 
»  charge  par  eux  de  tranfporter  leurs  établifTc- 
♦)  mens  ,  dans  trois  ans  pour  tout  délai ,  à  quinze 
5>  lieues  au  moins  de  diftance  de  la  ville  de  Pa- 
>»  ris  6c  dans  tout  autre  lieu  que  les  villes  capitales 
»  des  provinces. 

"  IV.  Permet  néanmoins  fa  inajeflé  aux  entre- 
"  preneurs  ders  manufactures  de  Sceaux  Se  de  Chan- 
»  tiUy,  attendu  l'ancienneté  defdites  manufaéîu- 
w  res,  d'en  continuer  l'exploitation  dans  le  même 
»  lieu  où  elles  font  établies  ,  en  fe  conformant 
»  par  eux  -au  furplus  des  difpofitions  du  préfent 
7>   arrêt. 

»  'V.  Seront  tenus  les  entrepreneurs  de  toutes 
n  lefdites  manufadures ,  de  peindre  ou  graver  fur 
V  les  pièces  de  Porcelaine  qu'ils  auront  fabriquées 
n  ou  fait  fabriquer,    les    marques   qu'ils  au&ont 


PORCELAINE. 

»  adoptées  ,  Oc  d'en  1  ■  ;tre  rempreinte  auxfieurs 
r>  intendans  &  com.,  .laires  dcpartii  des  diffé- 
»>  rentes  généralités  dans  lefquelles  elles  feront 
"  établies.  Fait  défenfcs  fa  mai-ité  auxdits  entrepre- 
»  neius  ,  de  contrctaire  la  marque  dlftinflive  de 
n  la  manufacture  royale  de  France,  confinant  en 
>'  une  double  lettre  L  entrelacée  en  forme  de 
>»  chiffre  couronné;  à  peine  d'être  déchus  de  tout 
»  privilège  ,  condamnes  à  trois  mille  livres  d'a- 
»  mende  ,  Si  même  pourfuivis  éxtraordinairement  : 
»  leur  dcfend  pareillement ,  fous  les  mêmes  pei- 

V  ncs ,  de  contrefaire  refpeéhvement  les  marques 
»  particulières  qu'ils  amroient  choifies. 

))  Vf.  Ordonne  fa  maje/îé  que  fes  lettres  pa- 
»>  tentes  du  12  novembre  1781  ,  feront  exécutées; 
»  Si  en  cojiféquence ,  fait  défen fes  aux  enrrepre- 
J>  neurs  defdites  manufactures  ,  fous  peine  de  trois 

V  mille  livres  d'amende ,  de  recevoir  dans  leurs 
»  ateliers  aucuns  des  ouvriers  employés  ou  en- 
»»  gagés  dans  la  manufacture  royale  de  France  , 
»  fans  qifils  leur  aient  repréfenté  un  billet  de 
»  congé  ,  f'gné  du  directeur  de  ladite  manufic- 
»  ture  ,  &  vifé  par  le  commiffaire  de  fa  majefté 
»  pour  icelle  ;  fait  pareillement  défenfes,  8c  fous 
"  les  mêmes  peines,  à  toutes  lefdites  manufac- 
»  tures  de  s'enlever  mutuellement  leurs  ouvriers, 
»»  &  d'en  recevoir  aucun  qu'il  n'ait  rapporté  le 
5>  congé  du  dernier  maître  chez  lequel  il  aura 
>>  travaillé. 

»  Vil.  Dans  le  cas  où  il  furviendroit  des  contef- 
>)  rations  au  fujet  de  l'exécution  du  préfent  arrêt , 
3»  ordonne  fa  majefté  qu'elles  feront  portées  ,  fa- 
«  voir  :  celles  qui  intérefferont  ladite  manufacture 
J'  royale  de  France  ,  par-devant  le  fieur  lieutenant- 
J'  général  de  police  de  la  ville  de  Paris  ;  &  celles 
J»  concernant  les  manufactures  établies  dans  les 
j>  différentes  provinces  du  royaume  ,  par-devant 
»  les  fleurs  intendans  &  commiffaires  départis  en 
»  icellcs  :  autorife  fa  majefté  ledit  fieur  lieutenant- 
»  général  de  Police  6c  lefdits  fieurs  intendans , 
»  chacun  en  droit  foi ,  à  ftatuer  fur  lefdites  con- 
y*  teftations  fommairemcnt  &.  fans  frais,  fauf  l'ap- 
}>  pel  au  cenfeil  :  leur  attribuant  à  cet  effet ,  toute 
»  cour,  jurididion  &  connoiffance  ,  qu'elle  inter- 
J>  dit  à  toutes  fes  autres  cours  &  juges  ;  leur  at- 
»  tribuaiu  même  le  pouvoir  de  commettre  fur  k s 
5'  demandes  qui  leur  en  feront  faites,  tant  par  les 
»  direâeurs  de  la  manufacture  royale  de  France  , 
y>  que  par  les  entrepreneurs  des  autres  manufac- 
»  tures  refpeélivement ,  telles  perfonnes  qu'ils  ju- 
j>  geront  convenables  pour  faire  dans  les  ateliers  , 
X  entrepôts  ou  magaftns  ,  les  vifites  &  vérifîca- 
»  tion  qu'ils  eftimeront  néceffaires,  &  dreffer  pro- 
»  ces -verbal  des  contraventions  qui  pourroient 
»  avoir  été  commifes  contre  les  difpofttions  du 
V  préfent  arrêt  ;  pour,  lefdits  procès-verbaux  rap- 
»  portés,  être  par  eux  ftatué,  chacun  en  droit 
»  foi ,  &  fauf  l'appel  au  cunfeil ,  ainft  qu'il  ap- 
»  partiendra. 

»  VIII,  Seront  au  furplus  les  édits ,  arrêts  de  rè- 


PORT.  iSp 

»  glement  &  ordonnances  précédemment  rend\is 
»  pour  les  établiftémens  ,  manutention  &  police  , 
»»  tant  de  ladite  manufaélure  royale  ,  que  des  au- 
»  très  m3nufa(Sures  particulières  de  Porcelaine  , 
»  exécutés  en  tout  ce  qui  n'eft:  pas  contraire  aux 
»  difpofitions  du  préfent  arrêt  ,  fur  lequel  feront 
w  expédiées  toutes  lettres  à  ce  néceffaires;  &  qui 
"  fera  imprimé,  affiché  &  publié  par-tout  où  be- 
5?  foin  fera.  Fait,  &c.  >• 

Les  nommés  Catrice  &  Barbé  ,  ayant  été  trou- 
vés en  contravention  aux  règlcmens  donnés  en 
faveur  de  la  manufaélure  royale  de  Porcelaine  de 
France  ,  oiit  été  condamnés  chacun  à  trois  mille 
livres  d'amende  par  jugement  du  3  mars  1779  , 
rendu  par  M.  le  lieutenant  général  de  police  de 
Paris,  ccmmiffaire  du  confeil  en  cette  partie  ;  & 
les  march.andifes  de  Porcelaines,  les  paquets  d'or 
âïû'om  ,  les  couleurs  ,  pinceaux  &  glaces  ,  fervant 
de  palettes  à  couleurs  ,  faifts  chez  ces  particuliers, 
ont  été  déclarés  acquis  &  conhfqués  au  profit  de 
cette  manufacture. 

Il  y  a  eu  un  aiure  pareil  jugement  prononcé  Je 
27  (eptembre  de  la  même  année ,  contre  les  ficurs  le 
iiœuf  &  de  Ruelle. 

PORT.  Lieu  propre  à  recevoir  les  vaiffeaux  Se  à 
les  tenir  à  couvert  des  tempêtes. 

La  police  des  Ports  étant  un  objet  très-important, 
l'ordonnance  de  la  marine  du  mois  d'août  j68i  , 
contient  à  cet  égaid  plufieurs  difpofitions.  L'arti- 
cle premier  du  titre  premier  du  livre  4  ,  a  ordon- 
né que  les  Ports  &  havres  feroient  entretenrs 
dans  leur  profondeur  &  netteté  ,  &  a  fait  défenfts 
d'y  jeter  aucune  immondice,  à  peine  de  dix  livres 
d'amende  ,  payables  par  les  maîtres  pour  leurs  va- 
lets,  &  par  les  pères  ou  mères  pour  leurs  enfans. 
Suivant  l'article  5  du  même  titre  ,  les  maîtres  ou 
patrons  de  navire  qui  veulent  fe  tenir  fur  leurs  an- 
cres dans  un  Port,  doivent  y  attacher  des  hoirins 
bouées  ou  gjvitaux ,  i)Our  les  marquer,  à  peine  de 
cinquante  livres  d'amende,  &  de  répondre  du  dom- 
mage qui  pourroit  en  réfulter. 

Ceux  qui  ont  des  poudres  dans  leurs  navires 
doivent,  fous  pareille  peine  de  cinquante  livras 
d'amende  ,  les  faire  porter  à  terre  incontinent 
après  leur  arrivée,  fans  qu'ils  puiffcnt  les  remeitie 
dans  leur  vaiffeau  ,  qif  après  qu'il  eu  forti  du  Poit. 
article  6. 

L'article  8  veut  qu'il  y  ait  dans  chaque  Port  & 
havre  ,  dès  lieux  dcftinés  ,  tant  pour  travailler  aux 
radoubs  &  calfats  des  vaiffeaux  ,  que  pour  gou- 
dronner les  cordages  ;  à  l'effet  de  quoi  les  feux 
ne  peuvent  être  allumés  qu'à  cent  pieds  au  moins 
de  difîance  de  tout  autre  bâtiment ,  &  à  vingt  pieds 
des  quais,  à  peine  de  cinquante  livres  d'amende 
&  de  plus  grande  en  cas  de  récidive. 

Les  ir.aitres  &  propriétaires  des  navires  qui  font 
dans  les  Ports  oti  il  y  a  flux  &  reflux  ,  font  tenus  , 
fous  les  mêmes  peines  ,  par  l'article  9  ,  d'avoir 
toujours  deux  poinçons  d'eau  fur  le  rillac  de  leur 
vaiffeau  pendant  qu'on  en  chauffe  les  foutes  ;  & 


ino  POPvT. 

rfaiis  les  Ports  d'où  h  mer  ne  fe  retire  point ,  d'être 
ruinis  de  fafles  ou  pelles  creufes ,  propres  à  tirer 
de  l'eau. 

Ceux  qui  font  des  fofles  dans  les  Ports ,  pour 
travailler  au  radoub  de  leurs  navires  ,  font  obligés , 
fous  pareille  peine  de  cinquante  livres  d'amende  , 
de  les  remplir  vingt-quatre  heures  après  que  leurs 
bâtimens  en  font  dehors.  Article  12. 

L'article  13  enjoint  aux  maçons  3i  autres  em- 
ployés aux  réparafions  des  murailles  ,  digues  6c 
jetées  des  canaux  ,  havres  &  baflîns,  d'enlever  les 
décombres,  &  faire  place  nette  irjcontinent  après 
les  ouvrages  fmis  ,  à  peine  d'amende  arbitraire ,  Se 
d'y  être  pourvu  à  leurs  frais. 

Ceux  qui  dérobent  des  cordages,  ferrailles  ou 
uftenfiles  des  vai(Teaux  qui  font  dans  les  Ports  , 
doivent,  fuivant  l'article  16,  être  flétris  d'un  fer 
chaud  ,  &  bannis  à  perpétuité  du  lieu  oti  ils  ont 
ccwnmis  le  délit  ;  &i.  s'il  arri\|e  perte  du  bâtiment  ou 
mort  d'homme  pour  avoir  coupé  ou  volé  les  ca- 
bles ,  les  coupables  doivent  être  punis  du  dernier 
ûipplice. 

L'article  19  défend  ,  fous  peine  de  concuffion  , 
de  lever  aucun  droit  de  coutume,  quaiage  ,  bali- 
faf^e ,  Icflage ,  dcleftage  &  ancrage  ,  qu'il  ne  foit 
infcrit  dans  une  pancarte  approuvée  par  les  offi- 
ciers de  l'amirauté  ,  &  aiSchée  dans  l'endroit  le 
plus  apparent  du  Port. 

Les  pieux  ,  boucles  &  anneaux  deftinés  pour 
l'amarrage  des  vaifl'eanx  dans  le  Port  &  les  quais 
conftruirs  pour  la  ckarge  &  décharge  des  marchan- 
difes  ,  doivent  être  entretenus  des  deniers  com- 
muns des  villes  ,  6i  les  msires  8c  échevins  font 
obligés  d'y  tenir  la  main  ,  à  peine  d'en  répondre  en 
leur  nom. 

Obfervez  néanmoins  que  les  réparations  &  en- 
tretien des  quais  ,  boucles  &  anneaux,  font  à  la 
charge  de  ceux  qui  jouilTent  des  droits  de  coutume 
ou  quaiage  furies  Ports  &  havres  ,  à  peine  de  pri- 
vation de  leurs  droits  ,  qui  doivent  être  appliqués  .à 
ces  objets.  C'eft  ce  qui  réfulte  des  articles  20  &  2 1 . 

L'article  22  enjoint  aux  maires,  échevins  ,  fyn- 
dlcs  ,  jurats ,  capitouls  &  confuls  des  villes  dont 
les  égoûts  ont  leur  décharge  dans  les  Ports  &  ha- 
vres, de  les  faire  inceffammant  gnrnir  de  grilles 
de  fer  ;  &  aux  officiers  de  l'amirauté  cf'y  tenir  la 
main  ,  à  peine  d'en  répondre  en  leurs  noms. 

Les  réglemens  particuliers  qui  ont  été  faits  pour 
certains  Por^s  doivent  être  exécutés  ,  même  lorf- 
qu'ils  font  contraires  à  l'ordonnance  de  1681 ,  &  à 
plus  forte  raifon  ,  lorfqu'ils  ne  font  qu'ajouter  aux 
précautions  que  cette  loi  a  prifes.  C'efî  ce  qu'an 
doit  inférer  de  l'article  23.  Cela  eft  fondé  fur  ce 
que  ces  réglemens  font  relatifs  à  letat  particulier 
de  chaque  Port. 

Le  roi  voulant  favorifer  non-feulement  le  com- 
merce de  fes  fujets,  mais  encore  celui  déroutes 
les  nations,  a  jugé^ue  le  moyen  le  plus  convena- 
ble à  fes  vues  ,  feroit  d'augmenter  le  nombre  des 
Ports  francs  dans  fon  royaume  ;  en  conféqucnce  fa 


PORT. 

majcfté  a  rendu  en  fon  conftil  le  14  mai  1784  ,  un 
arrêt  qui  contient  les  difpofjtions  fuivantes  : 

Art.  premier,  u  Le  port  &  la  ville  haute  de 
?'  Dunkerque  ,  ainfi  que  le  port ,  la  ville  &  le  tcr- 
>j  riroire  de  Marfeille  ,  continueront  de  jouir  des 
»  franchifcs  dont  ils  font  refpe61ivement  en  pofl'ef- 
)>  iion  ,  fans  qu'il  foit  rien  innové  à  leur  égard. 

II.  »  A  compter  du  premier  juillet  prochain  ,  le 
»  port  St  la  ville  de  l'Orient  jouiront  de  l'entière 
K  liberté  de  recevoir  les  navires  &  marchandifes 
»  de  toi'.tes  les  nations ,  &  d'exporter  tout©  efpèce 
»  de  productions  &  de  marchandifes  en  toute  fran- 
»  chile  ,  à  l'inftar  de  celle  qui  a  lieu  à  Dunkerque  , 
'?  fauf  les  précautions  &  formalités  que  fa  majeflé 
"  jugera  à  propos  de  prefcrire  par  la  fuite  pour  le 
»  commerce  des  Indes  ,  de  la  Chine  &  des  colo- 
w  nies  françoifes. 

III.  "  Le  port  &  la  ville  de  Bayonne,  ceux  de 
»  Saint-Jean- de-Luz  &  leur  territoire  ,  jouiront ,  à 
»  compter  du  premier  feptcmbre  prochain  ,  des 
»  mêmes  liberté  &  franchife  énoncées  au  précé- 
»  dent  article  pour  le  commerce  étranger  ,  tant 
j»  par  mer  que  par  terre ,  ainfi  qu'il  fera  plus  aai- 
»  plement  expliqué  par  des  lettres  -  patentes  qui 
»  fixeront  l'étendue  des  privilèges  des  villes  de 
»  Bayonne ,  de  Saint-Jean-dt-Luz  &  du  pays  de 
i>  Labour  :  Et  feront  fur  le  préfent  arrêt  expédiées 
T)  toutes  lettres  nécefTaires.  Fait,  &c.  w. 

Voyez  les  articles  Marseille  ,  Dunkerque  , 
Commerce,  &c. 

PORT  D'ARMES.  Voyez  Armes  &  Pistolet. 

PORTS  ET  HAVRES  DE  BRETAGNE.  Voyez 
Prévôté  de  Nantes. 

PORTION  CONGRUE.  C'efl  une  penfion  due 
au  curé  ou  vicaire  perpétuel  qui  deffert  une  G*ire, 
ou  au  vicaire  amovible  du  cuvé  ou  vicaire  perpé- 
tuel ,  par  cenx  qui  perçoivent  les  greffes  dixmes 
dans  fa  paroifTe. 

Anciennement  ,  &  fuivant  les  difpofitions  du 
droit  canonique  ,  toutes  les  dixmes  d'ane  paroiiTe 
appartenoient  à  l'églife  paroiffiaje  :  mais  il  y  eut  un 
temps  où  l'ignorance  des  prêtres  féculiers  éroit  fi 
grande  ,  ijue  les  moines  de  l'ordre  de  faint  Benoît 
&  les  chanoines  réguliers  de  l'ordre  de  faint  An- 
toine ,  s'étant  emparés  des  cures ,  ils  les  deffervirent 
d'abord  eux  mêmes  ,  Sc  par  ce  moyen  fe  mirent  en 
poffeffion  des  dixmes. 

Dans  la  fuite  ,  ces  moines  ayant  été  rappelés 
dans  leur  monaflère  ,  il  lenr  fut  permis  de  mettre  à 
leur  place  ,  dans  les  cures  ,  des  prêtres  féculiers  en 
qualité  de  vicaires  révocables  à  volonté  ;  &  comme 
ils  ne  leur  donnoient  que  fort  peu  de  chofe,  ils  ne 
pouvoient  trouver  que  des  prêtres  incapables  de 
s'acquitter  dignement  de  cet  emploi. 

L'état  déplorable  où  fe  irouvoient  les  paroifTes  , 
ayant  caufé  beaucoup  de  fcandale  dans  l'églife  ,  & 
excité  de  grandes  plaintes  ,  il  y  fut  pourvu  au  con- 
cile général  de  Latran  ,  tenu  fous  Alexandre  III , 
&.  au  concile  provincial  d'Avranches  ,  où  il  fut 
ordonaé  que  les  religieux  qui  avoient  des  cures 


PORTION  CONGRUE. 

«nies  à  leurs  menfes  conventuelles,  les  feroient 
deflervir  par  un  de  leurs  religieux  Uoine ,  ou  par 
un  vicaire  perpétuel  &  non  révocable,  qui  feroit 
inAitué  parl'évêque  fur  leur  prélentation ,  &  au- 
quel ils  feroient  tenus  d'alligner  une  Portion  con- 
grue ,  ou  penfion  fuffilante ,  fur  le  revenu  de  la 
cure.  Telle  e(\  Torigine  des  Portions  congrues. 

En  exécution  des  décrets  du  concile  de  Latran  , 
les  chanoines  réguliers  de  l'ordre  de  faint  Awgufiin 
optèrent  de  deflervir  eux-mêmes  les  cures  unies  à 
leurs  rwenfes ,  &  pour  cet  eftet  y  établirent  leurs 
religieux  en  qualité  de  prieurs  ;  c'eft  de  là  que  les 
prieurés-cures  d»  cet  ordre  ont  pris  naiflance. 

Les  religieux  de  Tordre  de  faint  Benoit  optèrent 
le  contraire  ;  ils  retinrent  pour  eux  les  dixines  & 
autres  revenus  des  cures  unies  à  leurs  menfes  , 
avec  la  qualiié  de  curés  primitifs,  &  établirent  des 
vicaires  perpétuels  :  l'indigence  de  ceux-ci  a  donné 
lieu  à  une  infiniié  de  demaudes  de  leur  part ,  pour 
avoir  la  Portion  congrue. 

Cette  Portion  fut  d'abord  fixée  en  France  à  lio 
livres  par  l'article  9  de  l'ordonnance  de  Charles  IX 
du  i6  avril  1571. 

Les  arrêts  du  parlement  portèrent  enfuite  cette   ■ 
fomme  à  1 50  livres ,  &  fucceirivemeut  à  200  livres. 

Dans  la  luite  ,  la  jurifprudence  relative  aux  Por- 
tions congrues ,  fut  fixée  par  deux  déclarations  des 
29  janvier  1686  &  30  juin  1690. 

La  première  s'étend  fur  neuf  objets  :  1°.  Elle 
fixe  la  Portion  congrue  pour  les  curés  ou  vicaires 
perpétuels,  à  300  livres. 

2°.  Elle  donne  aux  curés  ,  outre  la  Portion  con- 
grue ,  les  offrandes  ,  honoraires  ,  droits  cafuels  iSc 
les  dixmes  novales  formées  depuis  leur  option  de 
la  Portion  congiue,  en  conféquence  de  cette  dé- 
claration. 

3".  Elle  donne  150  livres  aux  vicaires. 

4°.  Elle  laide  à  la  difpofuion  des  évéques  d'éta- 
blir le  nombre  des  vicaires  nécefTaires. 

^°.  EUe  décLire  la  Portion  congrue  exempfe  de 
toutes  charges. 

6".  Elle  charge  du  payement  de  la  Portion  con- 
|^n;e  les  décimateurs  eccléfiafliques  ;  &  fubfidiaire- 
ir.ent  les  dixmes  inféodées,  8c  de  pourvoir  à  la  ré- 
partition que  le;  décimateurs  doivent  faire  entre 
«i.x  de  cette  à^mc. 

7°.  Elle  explique  la  voie  qu'ont  les  curés  pour  fe 
fnire  payer  de  la  Portion  congrue,  qui  eft  de  faire 
leur  oppofition  ,  de  préfenter  requête  ,  Se  veut  que 
les  ordonnances  des  juges  foient  exécutées  par  pro- 
vifion. 

S".  Elle  veut  qu'il  foit  établi  un  deffervant  en  cas 
de  vacance. 

9".  Enfin  ,  elle  attribue  la  Gonnoiflance  de  ce 
qui  concerne  la  Portion  congrue,  aux  baillis  &  fé- 
iiéchaux,  fauf  l'appel  au  parlement. 

La  déclaration  du  30  juin  i6ro  contient  cinq 
difpofitions  relatives  aux  précédentes. 

i'~.  Elle  porte,  que  les  décimateurs  payeront  la 


PORTION  CONGRUE. 


191 


Portion  congure ,  fi  mieux  ils  n'aiment  abandonner 
leurs  dixmes  pour  s'en  décharger. 

2°.  Que  les  curés  à  Portion  congrue  payeront, 
jufquà  ce  qu'autrement  il  en  foit  ordonné  par  le 
roi ,  tout  au  plus  cinquante  livres  de  décimes ,  dons 
gratuits  &  autres  impofitions. 

3".  Qui  les  curés  feront  tenus  de  garder  la  jouif* 
fance  de«  fonds  &  domaines  de  leurs  cures  ,  fur  & 
tant  moins  de  la  Portion  congrue. 

4".  Elic  explique  la  manière  de  fixer  la  valeur 
des  fonds  de  la  cure. 

5",  Elle  donne  aux  curés  ,  outre  la  Portion  con- 
grue ,  toutes  les  oblations  &  offrandes  en  cire  & 
en  argent ,  le  cafuel ,  les  obits  &  fondations. 

Ce^  déclarations  ont  été  fuivies  jufqu'à  la  publi- 
cation de  redit  du  mois  de  mai  1768  ,  qui  a  apporté 
beaucoup  de  L!î.ingen:cnt  d:ins  les  difpofitions  des 
lois  précédentes.  Le  légillateur  y  a  déterminé  la 
valeur  de  la  Portion  congrue  à  une  quantité  de 
grains  en  nnture  ,  qui  pût  toujours  fervir  de  bafe 
aux  fixations  occafionnées  par  les  variations  du  prix 
des  denrées.  Cet  édit  contient  les  dix-neuf  articles 
fuivans  : 

Article  I.  «  La  Portion  congrue  des  curés  & 
»  vicaires  perpétuels  ,  tant  ceux  qui  font  établis  à 
»  prêtent,  que  ceux  qui  pourroient  l'être  à  l'ave- 
»  nir,  fera  fixée  à  perpétuité  à  la  valeur  en  ar- 
»  gent  de  vingt-cinq  fetiers  de  blé  froment,  mefure 
»  de  Paris. 

2.  »  La  Portion  congrue  des  vicaires  ,  tant  ceux 
'»  qui  font  étaolis  à  préfent,  que  ceux  qui  pour- 
»  roient  l'être  à  l'avenir  dans  la  forme  prefcriie  par 
')  les  ordonnances  ,  fera  aufii  fixée  à  perpétuité  à 
»  la  valeur  en  argent  de  dix  fetiers  de  blé  fro- 
»  ment ,  mefure  de  Paris. 

3.  "La  valeur  en  argent  defdites  Portions  con- 
»  grues  fera  6i  demeurera  fixée  ,  quant  à  préfent  ; 
•>■>  fiivoir  ,  celle  defdiis  cures  &  vicaires  perpétuels 
>»  à  cinq  cents  livres  ,  Ôi  celle  defdits  vicaires  à 
■»  deux  cents  livres  ;  nous  réfervanr,  dans  le  cas 
■>■>  où  il  arriveroit  un  changement  confidérable  dans 
M  le  prix  des  grains  ,  de  fixer  de  nouveau,  en  la 
»  forme  orninaire,  les  fom.mes  auxquelles  lefdites 
w  Portions  congrues  devront  être  portées ,  pour 
»  être  toijjou;s  équivalentes  aux  quantités  de 
)>  grains  déterminées  par  les  articles  i  &  2  de  no- 
■)■>   ire  prélent  édir. 

Des  Uitrts-pjtentes  du  roi  du  il  mai  1778,  frz- 
reoijJréfs  ait  parlement  le  29  du  mêrrte  mois  ,  ont  aup- 
menti  de  cin^u.mte  livres  lapenfian  des  vicaires  de pa- 
roijfe  ,  &  ont  dérogé,  pour  cet  efftt ,  à  l'article  qu'on 
vient  de  lire. 

4.  »  Les  curés  &  vicairss  perpétuels  jouiront  ; 
j>  outre  ladite  Portion  congrue  ,  des  maifons  &  bâ- 
»  rimens  compofant  le  presbytère  ,  cours  &  jar- 
?)  dins  en  dépendans  ,  fi  aucuns  y  a  ,  enfemble  des 
»  oblations  ,  honoraires,  offrandes  ,  on  cafuel  en 
;>  tout  ou  en  partie ,  fuivant  l'ufagc  des  lieux  ; 
V  comme  auiîl  des  fonds  Si  rentes  donnes  aux  ci»- 
w  rcs  pO'Ur  acquitter  des  obits  &  fondaiioas  pour 


191 


PORTION  CONGRUE. 


î)  le  lervice  divin  ,  f  ih  cliarge  pra  ielJits  curis  & 
»>  vicair.;s  perpétuels  de  t.urc  preuve  ,  par  titres 
s>  con/titiitifs  ,  que  les  biens  l.iiflés  à  leurs  cures  dc- 
3»  puis  1686,  6i  qu  ils  voudiont  retenir  ,  comme 
«  donnés  pour  obus  &  iondanon-.,  en  font  efîec- 
3»  tivement  chargés  :  5i  a  l'égard  des  biens  ou  ren- 
5»  tes  dont  leldi^s  curés  &  vicaires  perpétuels  etoient 
»?  en  poireflion  avnnt  1686,  6c  dont  ilt  ont  conti- 
5>  nue  de  jouir  dep.as  cette  époque  ,  ils  pourront 
ï>  les  retenir ,  en  juilifiant,  par  des  baux  6i  autres 
"  a6les  non  fuCpeit, ,  qu'ils  font  chargés  d'obits  & 
»  fondations  qui  s'acquittent  encore  aduellement. 

j>  5.  Ne  pourront  les  décimateurs  ,  fous  aucun 
"  prétexte,  même  en  cas  d'infuffifance  du  revenu 
5>  des  fabriques,  être  chargés  du  payement  d'au- 
"  très  &  plus  grandes  fouîmes  que  celles  fixées  par 
"  notre  prJfent  édit,  fi  ce  n'efl  pour  la  fourniture 
»»  des  livres  ,  ornemens  &  vafes  facrés ,  ainfi  que 
«  pour  les  réparations  des  chœurs  &  cancel  ;  à  l'ef- 
»>  fet  de  quoi  nous  avons  dérogé  Si  dérogeons  par 
«  ces  préientes  à  toutes  lois,  ufages  ,  arrêts  &  ré- 
"  glemens  à  ce  contraires. 

»  6.  Les  portions  congrues  feront  payées  fur 
>»  toutes  les  dixmes  eccléfiaftiques  ,  grolTes  &  me- 
"  nues  ,  de  quelque  efpèce  qu'elles  foient  ;  &  au 
«  défaut  ou  en  cas  d'infutiifance  d'icelles,lespol^cf- 
''  feurs  des  dixmes  inféodées  feront  tenus  de  payer 
«  lefdites  Portions  congrues  ,  ou  d'en  fournir  le 
>'  fupplémenr  ;  &  après  1  épuifement  deldites  dlx- 
J'  mes  eccléfiaftiques  &  intéodces,  les  corps  & 
»  communautés  féculières  &  régulières  qui  fe  pré- 
>»  tendent  exempts  de  dixmes  ,  même  de  l'ordre 
«  de  Malte  ,  feront  tenus  de  fournir  le  fupplément 
M  defdites  Portions  congrues  ,  &  ce  jufqu'à  con- 
s>  currence  du  montant  de  la  dixme  que  devroient 
3>  fupporter  les  héritages  qui  jouilTent  de  ladite 
«  exemption  ,  fi  mieux  n'aiment  les  gros  décima- 
3>  teurs  abandonner  à  la  cure  lefdites  dixmes,  foit 
M  eccléfiaftiques,  foit  inféodées,  ou,  lefdits  exempts, 
«  fe  foumettre  à  payer  la  dime  ;  auquel  cas,  les 
3>  uns  &  les  autres  feront  déchargés  à  perpétuité  de 
3>  toutes  prétentions  pou/  raifon  de  ladite  Portion 
Il  congrue. 

«  7.  Voulons  en  outre  ,  conformément  à  nos 
3»  déclarations  des  5  oftobre  1726  &  15  janvier 
»>  173  I,  que  le  curé  primitif  ne  puiffe  être  dé- 
5>  chargé  de  la  contribution  à  ladite  Portion  con- 
»  grue,  fous  prétexte  de  l'abandon  qu'il  auroit  ci- 
3>  devant  fait  ou  pourroit  faire  auxdits  curés  8c 
s»  vicaires  perpétuels,  des  dixmes  par  lui  pofTé- 
3»  décs  ;  mais  qu'il  foit  tenu  d'en  fournir  le  fup- 
»  plémenr,  à  moins  qu'il  n'abandonne  tous  les 
3)  biens  fans  exception  ,  qui  compofoient  l'ancien 
î>  patrimoine  de  la  cure,  enfenible  le  titre  6c  les 
»  droits  de  curé  primitif 

}>  8.  Ne  feront  réputés  curés  primitifs ,  que  ceux 
5)  dont  les  d<  oits  feront  établis ,  foit  par  des  tifres 
«  canoniques ,  aâjs  ou  tranfaiîîions  valablement 
«  autorifés  ,  ©u  arrêts  contradidoires ,  foit  par  des 
î)  a«Ses  de  pofî'efllon  ceatcnaire,  conformément 


PORTIOi,  ^^NGRUE. 

»  à  l'article  2.  d .   .i..ire  de.jlaration  du  15  janvier 

"173'-  ,  - 

"   9.    Les  Portions  congrues  feront  payées  de 

»  quartier  en  quartier  &  par  avances  ,  franches  & 

»  quittes  de  toutes  impofiiions  Se  charges  que  fup- 

"  portent  ceux  qui  en  font  tenus  ,  fans  préjudice 

»>  des  décimes  que  lefdits  curés  &  vicaires  perpé- 

"  tucls  continueront  de  payer,  en  proportion  du 

»  revenu  de  leurs  bénéfices. 

»  10.  Les  curés  &  vicaires  perpétuels,  même 
»  ceux  de  l'ordre  de  Malte  ,  auront  en  tout  temps 
»  la  faculté  d'opter  la  Portion  congrue  réglée  par 
»>  notre  préfent  édit,  en  abandonnant  par  eux  en 
»  même  temps  tous  les  fonds  6c  dixmes  ,  grofles  , 
»  menues,  vertes,  de  lainages  ,  charnages  ,  &au- 
»  très  ,  de  quelques  efpéces  qu'elles  foient ,  &  fous 
»»  quelques  dénominations  qu'elles  fe  perçoivent , 
»  même  les  novales,  ainfi  que  les  revenus  Se  droits 
»  dont  ils  feront  en  pofieffion  au  jour  de  ladite 
»  option,  autres  que  ceux  à  eux  réfervés  par  l'ar- 
»  ticle  4  de  notre  préfent  édit. 

"  II.  Les  abandons  faits  à  la  cure  par  les  déci- 
»  mateurs  exempts  ou  curés  primitifs,  en  confé- 
»  quencc  des  articles  6  8c  7  ci-defilis ,  feront  8c  de- 
"  meureront  à  perpétuité  irrévocables  ;  voulons 
»  pareillement  que  l'option  de  la  portion  congrue  , 
»  qui  fera  faite  en  exécution  de  notre  préfent  édit, 
»  foit  8c  demeure  à  perpétuité  irrévocable  ;  mais 
»  feulement  lorfque  les  formalités  prefcrites  par 
M  l'article  fuivant  auront  été  remplies. 

I)  12.  Lorfque  les  curés  ou  vicaires  perpétuels 
»  opteront  la  Portion  congrue  ,  ceux  à  qui  ils  re- 
»  mettront  les  dixmes  ou  autres  fonds  qu'ils  doi- 
»  vent  abandonner  ,  feront  tenus  ,  pour  ([ue  ladite 
»  option  demeure  irrévocable ,  de  faire  homolo- 
»  guer  en  nos  cours  ,  fur  les  condufions  de  nos 
»  procureurs  généraux  en  icelles ,  lefdits  aéîes  d'op- 
»  tion  ;  lefquelles  homologations  feront  faites  fans 
»  frais  :  voulons  que  ,  pour  y  parvenir ,  il  foitpro- 
»  cédé  à  une  efiimation  par  experts,  nommés 
»  d'ofSce  par  nofdircs  cours,  ou  par  les  juges  des 
j>  lieux  qu'elles  voudront  commettre,  du  revenu 
»>  des  biens  6c  droits  qui  feroi  '  abandonnés  par  les 
•>■>  curés  qui  feront  l'option  ;  les  frais  de  laquelle 
»  efhmation  feront  à  la  charge  de  ceux  auxquels 
j>  les  biens  feront  réunis  ;  Si.  feront  lefd  tes  eftima- 
»  tions  faites  aux  moindres  frais  que  faire  fe  pourra, 
"  lefquels  ne  pourront  néanmoins  ,  en  aucun  cas, 
»  excéder  le  tiers  d'une  année  de  revenu  des  biens 
1)  Se  droits  efiimés. 

M  13.  Tout  curé  8i  vicaire  perpétuel  qui' n'op- 
M  tera  pas  la  Portion  congrue  réglée  par  notre  pré- 
»  fent  édit ,  continuera  de  jouir  de  tout  ce  qu'il  fe 
»  trouvera  poficder  au  jour  de  l'enrcgiflrement  de 
î>  notre  préfent  édit ,  de  quelque  nature  que  foient 
»  les  biens  S>c  droits  dont  il  fe  trouvera  alors  en 
"  poffenîon  ,  fans  qu'il  puifTe  lui  être  oppofé  par 
3>  les  gros  décimateurs,  qu'il  perçoit  plus  du  mon- 
«  tant  de  ladite  Portion  congrue  ,  a  raifon  des  fonds 
»  qui  auroient  été  précédemment  délaifies ,  ou  des 

j)  fupplémeris,  • 


PORTION  CONGRUE. 

«  fiipplcmens  ,  tant  en  fonds  qu'en  argent ,  qm  au- 
»  roient  été  faits  en  exécution  de  notre  déclaration 
»  du  29  janvier  16^6. 

»  14.  Voulons  qu'à  l'avenir  il  ne  foit  fait  aucune 
»  diftiniaion  entre  les  dixmes  anciennes  &  les  dix- 
»)  mes  novales  dans  tonte  l'étendue  de  notre  royau- 
5>  me  ,  même  dans  les  paroiffes  dont  les  curés 
5)  n'auroient  pas  fait  l'option  de  la  Portion  con- 
»  grue  ;  en  conféquence  ,  les  dixmes  de  toutes  les 
«  terres  qui  feront  défrichées  dans  la  fuite,  lorf- 
»>  qu'elles  auront  lieu  fuivant  notre  déclaration  du 
j)  13  août  1766,  comme  aufli  les  dixmes  des  terres 
«  remifes  en  valeur  ou  converties  en  fruits  déci- 
»>  mables ,  appartiendront  aux  gros  décimateurs  de 
M  la  paroifTe  ou  du  canton  ,  foit  curés  ,  foit  autres  , 
)>  laïques  ou  eccléfiaftiques  :  n'entendons  néanmoins 
j>  que  les  curés  qui  n'opteront  point  la  Portion 
»>  congrue ,  foient  troublés  dans  la  jouifTance  des 
»»  novales  dont  ils  feront  en  poiTeffion  lors  de  la 
j»  publication  du  préfent  édit,  fans  que  les  curés 
î»  qui  en  jouiront  puiffent  être  aflujettis ,  à  caufe 
5>  defdites  novales,  à  autres  &  plus  grandes  char- 
»  ges  que  celles  qu'ils  fupportoient  auparavant. 

>»  15.  Les  honoraires  des  prêtres  commis  par 
>>  les  archevêques  ou  évêques  à  la  deflerte  des 
»  cures  vacantes  de  droit  &  de  fait,  ou  à  celle  des 
M  cures  fujettes  aux  droit  de  déport,  ne  pourront 
»»  être  fixés  au-deflbus  des  trois  cinquièmes  du 
j»  montant  de  la  Portion  congrue  ;  pourront  néan- 
5)  moins  les  archevêques  ou  évêques  afTigner  aux 
j>  deffervans  des  cures  qui  ne  font  pas  à  Portions 
j>  congrues ,  une  rétribution  plus  forte  ,  fuivant 
«  l'exigence  des  cas  ,  conformément  aux  lois  pré- 
5>  cédemment  données  fur  cet  objet. 

»>  16.  A  l'égard  des  cures  &  vicairies  perpé- 
»  ruelles ,  dont  les  revenus  fe  trouveroient  au- 
j»  deflbus  de  la  fomme  de  cinq  cens  livres ,  même 
)»  dans  les  cas  des  abandons  ci-dedous ,  nous  ex- 
j>  hortons  les  archevêques  Si  évêques,  &  néan- 
»  moins  leur  en-oignons  d'y  pourvoir  par  union 
j)  de  bénéfices- cures  ou  non  cures ,  conformément 
i>  à  l'article  12  de  l'ordonnance  de  Blois  ;  nous  ré- 
«  fervant  au  furplus  ,  d'après  le  compte  que  nous 
V  nous  ferons  rendre  du  nombre  defdits  curés 
»»  &  du  revenu  de  leurs  bénéfices  ,  de  prendre 
»  les  mefures  nécefTaires ,  tant  pour  faciliter  lef- 
»  dites  unions,  que  pour  procurer  auxdits  curés 
5>  un  revenu  égal  à  celui  des  autres  curés  à  Por- 
M  rions  congrues  de  notre  royaume. 

»  17.  L'augmentation  des  Portions  congrues , 
«  ordonnée  par  notre  préfent  édit,  aura  îieu ,  à 
J»  compter  du  premier  janvier  17^9. 

n  18.  Les  exploits  ou  a£îes  d'option  &  d'abnn- 
»  don  ,  qui  feront  faits  &  pafTés  en  conféquence 
»  du  préfent  édit ,  ne  pourront  avoir  leur  exécu- 
»  tion  qu'après  avoir  été  infinués  au  greffe  des  in- 
M  fmuations  eccléfiaftiques  du  diocéfe  ,  &  fera 
5»  payé  deux  livres  pour  l'infination  defdits  ex- 
«  ploits  ou  avles  ;  fera  auffi  payé  trois  livres  pour 
?>  chaque  sue  doption  on  d'abandon  ,  pour  tous 
Tome  ^IIL 


-PORTION  CONGRUE. 


193 


»  droits  de  contrôle,  infinuation  lai'que,  centième 
M  denier,  amorthremenr,  échanges  ,  indemnités  ou 
»  aufres  quelconques ,  fans  qu'il  puiffe  être  exigé 
»  autres  ou  plus  forts  droits  pour  chacun  defdits 
»  adles  d'option  ou  d'abandon  ,  ou  autres  a61es  qui 
»  ftroient  paifés  en  conféquence  du  préfent  édir. 

jj  19.  Les  conteflations  qui  pourront  naître  an 
»  fujet  de  l'exécution  de  notre  préfent  édit ,  feront 
»  portées ,  en  première  inilance  ,  devant  nos  baillis 
-  )r  &  fénéchaux,  &  autres  juges  des  cas  royaux , 
»  refTortiiTans  nuement  à  nos  cours  de  parlement , 
»  dans  le  territoire  defquels  les  cures  fc  trouveront 
»  fituces ,  fans  que  l'appel  des  fentences  &  juge- 
n  mens  par  eux  rendus  en  cette  matière  ,  puifTe 
»  être  relevé  ailleurs  qu'en  nofdites  cours  de  par- 
»  Icment ,  &  ce  nonobf^ant  toutes  évocations  qui 
»  auroient  été  accordées  par  le  palTé  ,  ou  qui  pour- 
»  roient  l'être  par  la  fuite  a  tous  ordres ,  congréga- 
5)  tions ,  corps  ,  communautés  ou  particuliers.  Si 
5)  donnons  en  mandement ,  &c.  ». 

Le  queftion  s'eft  préfentée  plufieurs  fois  de  fa- 
voir  fi  les  cures  des  villes  murées  ,  qui  ont  un  re- 
venu confidérable  en  fondations  8c  en  cafuel ,  peu- 
vent demander  la  Portion  congrue  au  gros  déci- 
mateur  de  la  paroifTe.  Diitêrentes  perfonnes  pré- 
tendent que  dans  ce  cas  la  Portion  congrue  eft  due 
au  curé  ou  au  vicaire  perpétuel,  parce  que  les  dé- 
clarations de  nos  rois  l'accordent  à  tous  les  curés , 
auxquels  ils  réfervent  le  cafuel  &  les  fondations , 
fans  difHnguer  entre  les  cures  de  la  campagne  Se 
celles  des  villes.  On  trouve  dans  un  receuil  fait  en 
faveur  des  curés,  un  arrêt  du  parlement  de  Paris 
du  II  mai  1689,  qui  a  jugé  ainfi  cette  queftion  : 
le  confeil  d'état  l'avoit  décidée  de  la  même  manière 
le  2  avril  1689.  Cependant  plufieurs  canoniftes 
efliment  que  dans  ce  cas  la  Portion  congrue  n'efl 
point  due  au  curé  ou  au  vicaire  perpétuel,  parce 
que  l'efprit  de  l'ordonnance  n'ayant  été  que  d'afîu- 
rer  aux  curés  une  honnête  fubfiAance  ,  les  gros  dé- 
cimateurs en  doivent  être  déchargés ,  dès  que  les 
curés  ont  d'ailleurs  de  quoi  vivre  félon  leur  état. 
Les  derniers  arrêts,  entre  lefquels  il  y  en  a  un  du 
II  février  1688,  rapporté  dans  le  cinquième  vo- 
lume du  journal  des  audiences ,  &  un  autre  du  28 
août  1706,  contre  le  curé  de  Saint-Vaait  de  Bé- 
thune,  rapporté  par  Duperray  dans  fon  traité  des 
droits  honorifiques  &  utiles  des  patrons ,  autorifent 
cette  interprétation  des  ordonnances. 

Des  lettres -patentes  du  mois  de  juillet  1769  , 
avoient  fupprimé  le  droit  de  boiflelage  qui  fe  per- 
cevoir par  les  curés  d'un  grand  nombre  de  paroif- 
fes  de  la  province  de  Poitou,  &  avoient  ordonné 
qu'au  lieu  de  ce  droit  il  feroit  payé  une  dixme  à 
raifon  de  la  feizième  gerbe,  fur  toute  efpèce  do 
grains  :  l'objet  de  cet  établiirement  de  dixme 
étoit  de  fournir  de  quoi  parfaire  la  Portion  con- 
grue des  curés  ,  que  l'infufiifance  du  droit  de  boif- 
felage,  &  le  défaut  de  reffoiirces  énoncés  daps  les 
articles  6  §<  7  de  l'édit  du  mois  de  mai  176S 
laifibiem  iniparfaite  dans  une  partie  de  ces  paroiffcs 


IÇ4 


PORTION  CONGRUE. 


Les  p-opriétaires  des  terres  fituées  dans  ces  paroîf- 
fcs  fujettes  au  droit  de  boiffelagc  ,  ayant  réclamé 
contre  cette  dixme ,  dont  ils  (e  prétendoient  affran- 
chis, par  ruTage  immèmoiial  de  ne  payer  que  le 
droit  de  boiffelage  ,  &  qui ,  en  devtnant  pour  eux 
une  charge  onéreufe  ,  devoir  produire  à  la  plupart 
des  curés  un  revenu  exceflil",  &  bien  plus  que  luffi- 
fant  pour  compléter  leurs  Portions  congrues,  le 
roi  donna  de  nouvelles  lettres-patentes  aw  mois  de 
niai  1771 ,  qui ,  en  révoquant  les  premières  ,  Sç  en 
Supprimant  la  dixme  ,  rétablirent  le  droit  de  boiffe- 
lage ;    &   par  Tanicle  3  de  ces  nouvelles  lettres- 
patentes  ,  il  fut  ordonné  que  Tédit  du  mois  de  mai 
1768,  notamment  les  articles  6  &  7  ,  concernant 
le  payement  des  Portions  congrues  ,  feroient  exé- 
cutés félon  leur  forme  &  teneur  dans  les  paroifTes 
lie  la  province  du  Poitou  fujettes  au  droit  de  boiffe- 
lage ;  à  l'effet  de  quoi  les  feigneurs  &  autres  qui 
percevroient  dans  ces  paroiffes  le  droit  de  terrage 
au  fixième ,  feroient  tenus  ,  à  raifon  de  la  moitié  de 
ce  droit,  de  contribuer  au  payement  de  la  Portion 
congrue  des  curés  ,  conformément  au  même  édit. 
On  voit  dans  le  préambule  de  ces  nouvelles  lettres- 
patentes  ,  que    cette  obligation  impofée  aux  fei- 
gneurs &  autres  percevant  le  droit  de  terrage  au 
fixième ,  de  contribuer  ,  à  raifon  de  la  moitié  de 
ce  droit ,    au  payement    de  la  Portion    congrue 
des  curés ,  étoit   fondée  fur  ce  qu'on  avoit  ex- 
pofé   au   feu    roi ,    qu'indépendamment    du  droit 
de  boiffelage,  il  fe  perccvoit  dans  les  mêmes  pa- 
roiffes ,  des  dixraes  ,  foit  eccléfiaftiques ,  foit  inféo- 
dées ;  que  ces  dixmes,  en  nombre  de  territoiies  ,  fe 
trouvoient  confondues  dans  le  droit  de  terrag-e  qui 
ctoit  au  fixième  ,  tandis  que  ,  comme  cens  feigneu- 
lial,  il  ne  devoit  être  qu'au  douzième,  fuivant  la 
difpofition  générale  de  la  coutume  ;  que  plu/ieurs 
des  feigneurs  qui  percevoient  ce  droit  de  terrage  , 
étoient  même  chargés,  en    leur  qualité  de  décima- 
teurs  ,  de  l'entretien   des  chœurs  Se  cancels ,  & 
qu'en  cette  qualité  ils  confentoient  de  contribuer 
au  fupplément  de  la  Portion  congrue.  C'efî  d'après 
cet  expofé  que  paroit  avoir  été  dreffc  l'anicle  3  des 
nouvelles  lettres-patentes  ci-deffus  rapportées,  iMais 
les  feigneurs   &  autres  qui  percevoient  le  droit  de 
terrage  au  fixième,  ont  imploré  la  juftice  du  roi 
&  contre  l'obligation  que  leur  impofoit  cet  article 
&  contre  l'expofé  qui  y  avoit  fervi  de  fondement: 
ils  ont  prétendu  que  leur  droit  de  terrage  au  di- 
xième étoit  purement  feigneurial  ;  qu'il  n'y  avoit 
aucune  efpèce  de  dixme  qui  y  fût  confondue;  que 
la  quotité  du  droit  de  terrage  n  étoit  point  réglée 
par  la  coutume  ;  qu'elle  dépcndoit  des  titres  parti- 
culiers des  fwigiieurs;  que  ces  titres  la  porroientau 
fixième  dans  beaucoup  d'endroits  ;  &  que  ce  droit 
de  terrage  ,  airifi  porté  au  fixième,  n'en  avoit  pas 
moins  tous  les  caradères  effentieis  du  cens  l'eigneu- 
rinl ,  qui  ne  peimettoient  pas  de  le  confondre  avec 
L>.  (lixme  ,  fans  donner  atteinte  à  leur  feigneurie  & 
à   lei:r  propriéié. 
Sur  ces  repréfentations ,  fa  majeflé  a  donné ,  au 


FORTIONCONGRUE. 

mois  de  juillet  1777,  un  édit  qui  contient  les  dif- 
pofitions  fuivantcs  : 

>♦  A  R  T I  c  L  E  I .  Les  articles  i  8c  2  des  lettres- 
»  patentes  ,  données  par  le  feu  roi,  notre  très-ho- 
"  noré  feigneur  Si  aïeul,  au  mois  de  mai  1771  , 
»  qui  ont  fupprimé  la  dixme  établie  parcelles  du 
»  mois  de  juillet  1769,  ik  qui  ont  rétabli  le  riroit 
»  de  boiffelage  dans  les  paroiffes  &  la  province 
»  du  Poitou  où  il  avoit  lieu ^  feront  exécutés  félon 
»  leur  forme  Se  reneur. 

»  î.  Avons  révoqué  &  révoquons  l'article  3 
5>  defdites  lettres-patentes  du  mois  demaii77i, 
»  ainfi  que  tout  ce  qu  elles  renferment ,  tendant  à 
5>  déclarer  décimateurs  les  feigneurs  &  autres  qui 
M  perçoivent  le  droit  de  terrage  au  fixième  dans 
»  Icfdites  paroiffes  du  Poitou  ,  ik  à  leur  impofer  en 
»  conféquence  l'obligation  de  contribuer  au  paye- 
»  ment  de  la  Portion  congrue  des  curés  ,  à  raifon 
»»  de  la  motié  dudit  droit  de  terrage  ;  laiffons  néan- 
»  moins  ,  quant  à  ce  ,  toutes  voies  de  droit  ouver- 
»  tes  contre  lefdits  feigneurs,  en  vertu  de  l'édit 
»  du  mois  de  mai  1768  ;  défenfes  réfervées  au 
»  contraire. 

w  3.  "Voulons  que  ,  conformément  audit  édit  du 
»  mois  de  mai  1768  ,  &  notamment  aux  articles  6 
'>  &  7  ,  les  curés  Se  vicaires  des  paroiffes  de  notre 
j>  province  de  Poitou  ,  où  fe  perçoit  le  droit  de 
»  boiflclage,  qui  voudront  opter  la  Portion  con- 
»  grue  ,  puiffent  fe  pourvoir  pour  le  payement 
»  d'icelle  contre  les  décimateurs  eccléfiaftiques , 
»  les  poffeffeurs  de  dixmes  inféodées  &  les  corps 
»  &  communamés  féculières  &  régulières ,  qui 
5>  fe  prétendent  exemptes  de  dixmes,  même  l'or- 
î>  dre  de  Malte,  &  enfin  contre  les  curés  primi- 
»  tifs ,  en  abandonnant  par  les  curés  8c  vicaires 
»  aux  décimateurs  exempts  &  curés  primitifs,  le 
»  droit  de  boiffelage  &  les  autres  biens  &  revenus 
)>  dépendans  de  leurs  cures ,  qui  fe  trouveroient 
»  fujets  audit  abandon  ,  fuivant  les  difpofitions  de 
»  redit  du  mois  de  mai  1768. 

3>  4.  Dans  le  cas  où  dans  lefdiies  paroiffes  il  ne 
»  fe  trouvera  ni  décimateurs ,  ni  exempts ,  ni  curés 
»  primitifs,  pour  acquitter  la  Portion  congrue  ou 
»  le  fupplément  d'icelle  ,  voulons  qu'ils  foient 
»  payés  par  ceux  qui  payent  le  droit  de  boiffelage  , 
»  en  augmentant  ce  droit  jufqu'à  due  concurrence, 
»  fuivant  l'efiimation  qui  fera  faite  entre  les  curés 
»  ou  vicaires  &  les  habitans ,  à  l'amiable  ,  ou  par- 
»  devant  les  juges  qui  en  doivent  connoître ,  en 

V  y  comprenant  les  biens  &  revenus  dépendans 
»  des  cures  dont  ils  refteront  en  jouiffance  ,  à  Tex- 
»  ception  de  ceux  réfervés/par  l'article  4  dudit 
»  édit  du  mois  de  mai  1768,  dont  ils  refteront 
»  pareillement  en  jouiffance  ,  mais  fans  qu'ils  puif- 
)>  fent  entrer  dans  ladite  eftimation  ;  cette  efliir.a- 
»  tion  du  droit  de  boiffelage  ,  ainfi  que  du  revenu 

V  des  biens  qui  ne  font  pas  réfervés  par  l'article  4 
»  dudit  édit  du  mois  de  mai  1768,  fe  fera,  année 
»  commune  ,  en  prenant  les  produits  des  dix  der- 


PORTION  CONGRUE. 

«  nières  années,  '5c  en  les  compcnfant  entr'eux, 
»  de  maniera  qu'en  fixant  le  revenu  annuel  def- 
«  dits  biens  à  une  fomme  déterminée  en  grains  , 
«  le  droit  de  boillelage  Ibit  porté  annuellement  à 
>»  une  quantité  ds  grains  pareillement  déterminée 
»  &  fuffifante  pour  compléter  &  pour  aflurer  la 
'>  Portion  congrue  des  curés  &  vicaires  ;  &  fera 
»  ladite  quantité  de  grains  répartie  par  égale  por- 
»  tion  ,  pour  être  perçue  de  la  même  manière  que 
»>  le  droit  de  boifiélage  l'a  été  jurqu'à  préfent  lur 
»  ceux  qui  (ont  dans  Tufage  de  le  payer. 

»  5.  Voulons  que  les  diiferentes  charges  des  égli- 
■»  fes  defdites  paroiffes  oii  le  droit  de  boiflelage  a 
»  lieu,  ik  où  il  ne  le  trouvera  ni  décimateur ,  ni 
5>  exempts ,  ni  curés  primitifs,  notamment  les  ré- 
'»  parafions  &  entretien  des  nefs,  chœurs  «Se  can- 
»  ce!s ,  la  fourniture  des  vafes  facrés  ,  linges  ,  li- 
»  vres,  ornemens,  &  autres  objets  de  menues 
«  néceflîtés,  foient  acquittées  comme  par  le  paffe; 
»  fans  toutefois  que  les  curés  &  vicaires  congruiftes 
"  pulifent  être  obligés  de  fupporter  celles  dont  ils 
»  ne  doivent  pas  erre  tenus,  conformément  à  no- 
y>  tre  édit  du  mois  de  mai  1768. 

»  6.  Les  curés  ou  vicaires  de  ces  mêmes  pa- 
«  roifles  continueront  d'y  jouir  des  dixmes  no- 
5»  vales  dont  ils  fe  trouveront  en  pcfleffion  lors 
»  de  la  publication  de  notre  préfent  édit  ;  mais 
i>  ne  pourront  à  l'avenir  en  acquérir  ni  percevoir 
»  d'autres  ,  foit  qu'ils  aient  demandé  le  fupplo- 
"  ment  de  la  Portion  congrue  ,  foit  qu'ils  ne  l'aient 
'»  pas  demandé;  &  le  produit  des  dixmes  novales 
»  dont  les  curés  &  vicaires  qui  demanderont  le 
î>  fupplément  de  la  Portion  congrue  ,  fe  trouvc- 
»  ront  en  pofleffion  lors  de  la  publication  du  pré- 
"  fent  édit,  entrera  dans  l'eftimation  ordonnée  par 
3>  l'article  4  ci-deffus,  pour  être  imputée  fur  la 
«  Portion  congrue  ,  avec  les  autres  biens  dépen- 
»  dans  des  cures  qui  ne  feront  point  dans  le  cas 
»  d'être  exceptés.  Si  donnons  en  mandement  , 
M  8cc.  » 

Un  curé  qui  fe  tient  à  l'ancienne  Portion  congrue 
de  300  livres,  comme  il  y  cft  autorifé  par  l'édit 
ds  inai  1768,  doit-il  payer  de  fes  deniers  les  50 
livres  d'augmentation  qui  font  dues  à  fon  vicaire, 
en  vertu  du  même  édit,  ou  cette  argmentation 
doit-elle  être  à  la  charge  des  déciiBateurs  ?  Cette 
queftion  a  été  agitée  &  jugée  au  parlement  de  Pa- 
ris  dans  refpèce  fuivante  : 

La  paroi(Te  de  Saint  Ignat  en  Auvergne  eft  def- 
■fervie  par  un  curé  &  un  vicaire.  Tous  deux  font  à 
Portion  congrue.  Cette  Portion  leur  eft  payée  par 
le  chapitre  d'Ennezat,  décimateur  de  la  paroiiTe. 
M^  Antoine  Grenet,curé  de  Saint-Ignat,  n'a  point 
fait  l'option  accordée  par  ledit  du  mois  de  mai 
1768  ;  il  s'cft  toujours  contenté  de  fon  ancien  re- 
venu ,  qui  confiée  d.ins  la  Portion  congrue  de 
300  livres ,  &  dans  les  novales  défrichées  depuis 
1686.  Au  contraire  ,  le  vicaire  a  demandé  les  50 
livres  d'augmentation  portées  par  l'édit.  La  pre- 
mièrç  année  le  chapitre  a  payé  volontairement  : 


PORTION  CONGRUE. 


195 


depuis,  il  a  prétendu  que  ce  n'étoit  pis  lui  eu* 
dévoie  cette  augmentation  au  vicaire,  mais  bien  le 
curé.  En  conféquence  ,  il  a  fait  faire  des  offres  à 
i\r.  Grenet ,  de  la  fomme  de  450  livres,  tant  pour 
lui  que  pour  fon  vicaire.  Ces  offres  ont  été  décla- 
rées valables  par  fentence  eu  20  mars  177Î  ,  T^tn- 
àuQ  à  la  fénédvmiïée  de  Riom  ;  appel  à  la  ccur 
de  la  part  de  M\  Grenet. 

M.  de  Laune  a  fait ,  pour  la  défenfe  de  ce  curé  , 
un  mémoire  ,  dont  voici  l'analyfe. 

Le  curé  de  Saint-lgnat  étant  à  Portion  congruj , 
ne  peut  être  tenu  de  payer  celle  de  ion  vicaire  ; 
c'cftau  décimateur,  à  quelque  fomme  qu'elle  puilfe 
monter,  à  l'acquitter;  l'efprit  &  la  lettre  de  l'é- 
dit de  1768  déinontrent  cette  vérité  :  (on  objet  eil 
d'atriéliorer  le  fort  des  curés  6c  des  vicaires.  «  Ainfi 
>»  ce  feroit  aller  contre  Icfprit  de  la  loi  ,  que  de 
»  charger  des  50  livres  dues  au  vicaire,  en  vertu 
'»  de  l'édit  de  1768  ,  un  curé  qui  étoit  à  Portion 
ï>  congrue  avant  cet  édit ,  &  qui  a  confervé  cette 
»  ancienne  Portion  congrue;  ce  feroit  rendre  la 
»  condition  du  curé  plus  fàcheufe  qu'elle  ne  l'é- 
»  toit  avant  l'édit  ;  ce  feroit  lui  impofer  une  charge 
»  nouvelle  de  50  liv.  qu'il  n'efl  pas  plus  en  état 
»  de  payer  depuis  ledit  qu'auparavant  :  donc  c'eft 
)>  au  décimateur  à  l'acquitter  >?. 

L'article  13  de  l'édit  porte,  que  tout  curé  qui 
n'optera  pas  la  Portion  congrue  par  Iv.i  réglée  , 
te  continuera  de  jouir  de  t-^iit  ce  cju  il  fe  trouvera  yof~ 
»  féder  au  jour  de  l'er.regijl'emerit ,  Jans  quil  puijj'i 
»  lui  être  oppofé  par  le  gros  décimateur ,  qu'il  pofsède 
n  p.'iis  du  montant  de  fadite  Portion  congrue.  Or, 
»  li  Ton  taifoit  payer  à  un  curé ,  qui  garde  l'an- 
n  cienne  Portion  congrue  ,  l'auginentation  que  l'é- 
»  die  donne  au  vicaire,  il  s'enfuivroit  que  le  curé 
)j  ne  jouiroit  plus  de  ce  qu'il  poffédoit  au  jour  ds 
)?  l'édit;  il  auroit  50  liv.  de  moins,  puifqu'il  fau- 
n  droiî  qu'il  les  donnât  à  fon  vicaire". 

L'article  6  porte  que  les  Portions  congrues  (  fa- 
vcir  celles  des  curés  ce  des  vicaires)  «  feront  payées 

))  fur  toutes  Us  di,nes Ji  mieux  n  aiment  les 

5)  gros  déamateurs  abandonner  à  la  cure  lefdites  dî- 
»  mes.  C  eft  donc  la  dime  qui  doit  la  Portion  con- 
»  grue,  foit  au  curé,  foit  au  vicaire;  cette  loi 
•>■)  générale  ne  reçoit  aucune  exception  ;  tout  ce 
»  qui  eft  dû  à  titre  de  Portion  congrue,  eft  dû  par 
)>  le  décimateur  >'. 

Il  eft  vrai  que  l'édit  ne  décide  pas  en  termes  for- 
mels ,  lequel  du  curé  ou  du  gros  décimateur  ac- 
quittera les  50  livres  d'augmentation  dues  au  vi- 
caire ;  mais  il  eft  évident  que  le  curé  ne  peut  pas 
en  être  chargé  ,  d'après  les  raifons  ci-dcffus  ;  il 
s'enfuit  donc  que  c'eft  la  dette  du  décimateur  , 
puifqu'il  profite  de  la  plus-value  des  dîmes  qu'il 
recueille. 

Le  chapitre  d'Enne^at  a  oppofé  trois  moyens , 
dont  voici  pareillement  l'analyfe. 

i®.  Suivant  l'article  10  de  l'édit,  le  chapitre  ,  en 
fa  qualité  de  décimateur,  n'eft  tenu  de  fv^urnir  les 
augmentations  dgs    Portions   con?,nies    dues   ar.i 

^libij 


196 


PORTION  CONGRUE. 


?c 


curés  &  aux  vicaires,  que  fous  la  condition  que  le 
curé  abandonnera  au  décimateur  tout  ce  qu'il  pos- 
sède :  or  ,  cet  abandon  n'a  point  été  fait  ;  le  cha- 
pitre ne  doit  donc  rien  de  plus  que  ce  qu'il  de- 
voit  avant  l'édit. 

2".  Le  curé  &  le  vicaire  ne  font  qu'une  feule 
&  même  perfonne  à  l'égard  du  décimateur  ;  il 
re  paye  qu'une  même  Portion  congrue  au  curé  , 
ui  feul  a  le  droit  de  la  demander  pour  lui  &  pour 
on  vicaire.  Or,  fi  le  curé  n'a  f as  fait  l'abandon 
prefcrit,  le  Décimateur  ne  doit  rien  payer  de  plus 
qu'avant  l'édit ,  foit  pour  lui  ,  foit  pour  fon  vicaire. 

3".  Si  le  curé  de  Saint-Ignat  pofledoit  l'ancien 
domaine  de  la  cure,  au  lieu  de  la  Portion  congrue 
de  1690 ,  il  feroit  tenu  de  la  Portion  de  fon  vicaire  : 
or  ,  c'eft  la  même  chofe  pour  le  décimateur  ,  que 
le  curé  ait  l'ancienne  Portion  congrue  ,  ou  foit 
poflédeur  d'un  gros  ;  dans  l'un  ou  l'autre  cas,  le 
tlécimateur  ne  doit  rien  de  nouveau  ni  au  curé  ,  ni 
au  vicaire.  Telle  eft  la  défenfe  du  chapitre  ;  voici 
les  réponfes  de  M.  de  Laune. 

1°.  L'édit  diftingue  deux  fortes  de  Portions  con- 
grues, celle  du  curé  &  celle  du  vicaire  :  celle  du 
curé  eft  fubordonnée  à  l'abandon  qu'il  eft  le  maî- 
tre de  faire  de  fon  ancien  revenu  ;  celle  du  vicaire 
lui  eft  duc  indépendamment  du  parti  que  le  curé 
prend  pour  lui-même.  11  fuffit,  pour  qu'elle  au  lieu, 
que  le  curé  foit  à  Portion  congrue  ;  ainli  la  <Iecte 
eu  décimateur  envers  le  vicaire  ,  ne  dépend  pas  de 
l'abandon  du  revenu  du  curé. 

2°.  Le  curé  Si.  le  vicaire  ne  font  peint  une  feule 
&  même  perfonne  à  l'égard  du  décimateur;  ils 
font  chacun  féparément  fcs  créanciers  pour  leur 
Portion;  le  vicaire  a  une  aélion  dire(51e  contre  le 
décimateur  :  c'eft  la  difjjofition  précité  de  l'article 
3  de  la  déclaration  du  22  février  1724  ;  &  fi  le  curé 
intente  cette  aflion  pour  fon  vicaire,  c'efl  comme 
fon  mandataire, /?/-iJcw;jjrorio  nominc. 

3°.  Il  n'y  a  aucune  comparaifon  à  faire  entre  les 
curés  à  gros  ,  &.  les  curés  à  l'ancienne  Portion  con- 
grue. «  Un  curé  à  gros  ne  peut  demander  au  dé- 
»  cimateur  les  Portions  congrues  de  200  liv.  pour 
ï»  fon  vicaire,  fans  abandonner  fon  gros,  6c  fans 
»)  fe  réduire  lui  même  à  la  Portioii  congrue  de  ' 
»>  500  liv.;  mais  il  n'en  eft  pas  de  même  d'un  curé 
»  à  la  Portion  congrue  de  300  liv.  La  raifon  de  la 
«  différence  eft  que  le  décimateur  ne  doit  rien  au 
«  curé  qui  a  un  gros  ,  ni  à  fon  vicaire  ;  il  ne  leur 
■)■>  devoit  rien  ni  à  l'un ,  ni  à  l'autre  avant  l'édit 
»  de  iy68;  il  ne  leur  doit  pas  davantage  depuis 
»  cette  époque  ;  au  contraire ,  le  décimateur  doit 
3>  la  Portion  congrue  au  curé  portionnaire  &  à  fon 
n  vicaire  ;  il  n'a  pas  cefle  de  devoir  cette  double 
»  Portion  depuis  l'édit  de  1768  feulement;  cet:e 

V  Portion  n'a  pas  augmenté ,  s'il  n'a  pas  abandonné 
>7  fes  novales  ;  mais  elle    a   néceffairemeut  aug- 

V  raenté  pour  le  vicaire  qui  n'a  point  de  novales 
»)  à  abandonner  «. 

S'il  y  avoit  un  doute  raifonnable  fur  cette  quef- 
lion ,  a  dit  M,  de  Laune ,  elle  devroit  être  décidée 


PORTION  CONGRUE. 

à  l'avantage  du  curé  ,  parce  que  dans  le  doute,  on 
décide  pour  le  curé  portionnaire  ,  contre  le  gros 
décimateur,  parce  que  le  g'os  décimateur  en  af- 
furé ,  pour  les  augmentations  nouvelles  qu'il  paye, 
de  retrouver  fon  indemnité  dans  les  novales  fu- 
tures que  la  loi  lui  abandonne. 

Enfin,  arrêt  du  21  juin  1777  ,  qui  infirme  la  [en- 
tence  de  Riom ,  6-  condamne  le  chapitre  d'Enne^at 
à  payer  les  50  livres  d^augmentation  au  vicaire  de 
Saint- Ignat, 

Le  payement  de  la  Portion  congrue  d'un  vicaire 
eft-ilà  la  charge  d'un  curé  décimateur  qui  n'a  point 
opté  la  Portion  congrue  fixée  par  l'édit  de  1768  , 
&  les  autres  co  -  décimateurs  ne  doivent -ils  pas 
contribuer  à  ce  payement  ?  Cette  queftion  s'eft  pa- 
reillement préfentée  au  parlement  de  Paris  :  voici 
l'aftaire ,  avec  l'arrêt  qui  l'a  décidée. 

La  cure  du  bourg  de  Vitri  ,  diocêfe  d'Arras  ,  a 
été  defl'ervie  par  les  religieux  de  Saint-Calixte  de 
Cyfoing  ,  qui  s'en  font  démis  moyennant  un  tiers 
de  la  dîme,  en  faveur  du  chapitre  de  Saint- Amé 
de  Douay  ,  qui  s'en  eft  aufli  déchargé  en  faveur 
d'un  Prêtre  féculier  ,  moyennant  un  tiers  de  fa 
Portion ,  de  forte  que  les  religieux  de  Cyfoing  ont 
fix  neuvièmes  de  dime ,  le  chapitre  deux  neuviè- 
mes ,  &  le  curé  un  neuvième. 

Il  paroît  qu'il  y  a  eu  de  temps  immémorial  un 
vicaire  à  Vitri ,  même  avant  la  première  tranfaélion; 
que  les  curés  ont  toujours  payé  feuls  leurs  vicaires  ; 
qu'un  feul  l'ayant  refufé,  il  y  a  été  condamne  par 
une  fentence  du  confeil  d'Artois  de  1727. 

L'abbé  Hefpeile  a  été  pourvu  de  cette  cure  en 
1778.  Après  avoir  fait  conftater  légalement  la  né- 
ceflité  d'un  vicaire  dans  (^i  paroifte ,  il  fit  part  du 
décret  aux  co-décimateurs ,  pour  qu'ils  cufTent  à 
payer,  au  prorata,  la  Portion  congrue  du  vicaire. 
Ces  MM.  ayant  refufé,  il  les  fit  aflîgncr  au  confeil 
d'Artois  ,  &  y  obtint  une  fentence  le  21  juin  1782 , 
qui  condamna  les  co-décimateurs  à  payer  au  prorata 
&  aux  dépens. 

Appel  au  parlement  de  Pari?.  Les  co-décîma- 
teurs  ,  pour  leur  défenfe,  y  ont  foutenu  cfu'ils  ne 
dévoient  rien  payer  ,  parce  qu'en  général  la  def- 
ferte  des  paroiftes  eft  à  la  charge  ées  curés  ,  & 
qu'eux  feuls  en  doivent  fupporter  le  poids.  Que 
s'ils  ont  befoin  de  co»opérateurs ,  c'eft  à  eux  à  les 
ftipendier,  à  moins  qu'ils  ne  feient  à  Portion  con- 
grue &  n'ayent  opte.  Que  ce  n'eft  qu'au  défaut 
des  curés,  ou  quand  leurs  revenus  ne  font  pas 
fuffifans,  qu'ils  doivent  les  payer.  Ils  ont  cité  d'Hé- 
ricourt,  dans  fon  traite  des  lois  ecclefiafliques  (m  Wr- 
ticle  17  de  l'édit  de  1686  ,  qui  rapporte  un  arrêt  du 
1 3  mars  1 702 ,  Brunet ,  Goharh  ,  Duperray  ,  &  de 
Jouy  ,  qui  tous  décident  que  c'eft  aux  curés  à  def- 
fervir  leurs  paroiflés  :  que  s'ils  ont  befoin  de  vicai- 
res, il  faut  qu'ils  les  payent  aux  dépens  des  reve- 
nus de  leurs  cures  ,  à  moins  qu'ils  ne  fuffifent  pas  : 
&  alors  ils  font  obligés  de  les  abandonner  ,  fans 
quoi   ils  font  cenfés  avoir  une  fiibfiftance  fuffi- 


PORTION  CONGRUE. 

fante  pour  eux  &.  pour  leurs  vicaires.  Que  le  curé 
de  Vitri  n  etoit  pas  un  véritable  curé  à  Portion 
congrue  aux  termes  des  ordonnances.  Qu'en  gé- 
néral on  entend  par  curé  à  Portion  congrue,  ce- 
lui qui  après  ledit  do  1686 ,  a  opté  300 liv.  Que  les 
curés  ne  font  difpenles  de  payer  leurs  vicaires  , 
que  par  une  exception  écrite  dans  la  déclaration 
de  1686  ,  &  dans  1  édit  de  1768.  Que  pour  cela  il 
faut  qu'ils  ne  jouiflenr  que  de  la  Poition  congrue 
détenninée  dans  ces  Uns,  ou  que  cette  exception 
loit  écrite  dans  une  convention  particulière.  Que 
s'ils  rcclament  l'exception  réfuUante  de  la  conven- 
tion ,  ils  doivent  en  produire  l'aéîe  ;  fi  c'efî  celle 
des  lois  de  1686  &  de  1768,  il  faut  qu'ils  prou- 
vent qu'ils  jouiffent  en  vertu  de  ces  lois  ,  Se  qu'ils 
ne  perçoivent  que  la  Portion  congrue  réglée  par 
Ja  déclaration  de  1686.  Que  le  fieur  Hefpelle  n'é- 
toit  ni  dans  l'un  ,  ni  dans  l'autre  cas.  Qu'il  jouiiloit , 
en  vertu  d'un  titre  qui  contenoit  des  claufes  con- 
traires à  la  déclaration,  &  qui  fournifibit  dès- lors 
des  preuves  qu'il  n'étoit  pas  curé  portionnaire  , 
aux  termes  de  la  déclaration  ,  puifqu'il  avoit  le 
neuvième  de  la  grofTe  dîme,  &  que  fa  cure  valoit 
au  moins  2800  livres;  que  par  conféquent  il  de-  ■ 
voit,  aux  termes  de  l'ordonnance,  payer  feul  fon 
vicaire  ,  ou  faire  option  ,  parce  qu'il  étoit  proba- 
ble que  dans  les  anciennes  conventions  faites  en- 
tre fes  prédéceffeurs  &  le  chapitre  de  Saint-Amé  , 
la  fubfiftance  du  vicaire  y  avoit  été  comprife  ,  d'au- 
tant plus  qu'ils  l'avoient  toujours  payée  jufquen 
1778. 

L'abbé  Hefpelle  a  répondu  1°.,  que  ,  quoiqu'il 
eût  un  neuvième  de  dîme ,  il  n'étoit  pas  moins 
portionnaire  ;  qu'il  falloir  diftinguer  deux  fortes 
de  Portions  congrues  :  celle  de  1686  qui  laifi'oit 
aux  curés  les  dîmes  de  toutes  les  terres  défrichées 
depuis  leur  option  ,  &  celle  de  1768  ,  dont  on  ne 
pouvoit  jouir  qu'en  abandonnant  tout ,  même  les 
dîmes  novales.  L'édit  de  1768,  en  confervant  aux 
curés  qui  ne  demanderoient  pas  l'option  ,  les  dî- 
mes qu'ils  pofTèdoient ,  les  avoit  toujours  laifTés 
portionnaires  ,  puifqu'on  ne  pouvoit  leur  objecter 
que  leur  revenu  étoit  plus  fort  que  la  Portion 
congrue  ;  &  qu'on  ne  pouvoit  les  aflujettir  à  plus 
grande  charge  :  que  les  lois  de  1686  &  de  1768  , 
ordonnant  que  les  Portions  congrues  des  vicaires , 
comme  celles  des  curés  ,  feroient  prifes  fur  les 
groffes  &.  menues  dîmes,  tout  décimateur  devoir 
y   concourir  au  prorata, 

1°.  Qu'on  ne  pouvoit  pas  lui  objefter  le  fait 
ou  l'indolence  de  ks  prédécc;/reurs,  ni  le  prétendu 
contrat,  parce  qu'un  bénéficier  ne  peut  pas  enga- 
ger fon  fuccefTeur  ,  ni  compromettre  les  droits  de 
ion  bénéfice  :  que  d'ailleurs  il  eft  certain  que  lors 
des  anciennes  ordonnances  ,  qui  en  1^71  &  1629  , 
ont  fixé  les  Portions  congrues  des  curés,  il  n'é- 
toit pas  queflion  des  vicaires  :  que  ceux  qui  en 
vouloient  avoir  étoient  obligés  de  les  payer  ;  & 
que  c' étoit  la  railbn  pour  laquelle  les  uns  étoient 


POilTiON  CONGRUt.        197 

payés  par  les  curés ,  Cx  les  aùtiei  par  les  lubitans 
ou  les  fabriques. 

Que  quand  les  pères  des  conciles  de  Tours  te- 
nus en  567,  &  de  Mâcoa  en  585,  exhortoient 
les  fidèles  de  donner  la  dime  de  leurs  biens  aux 
églifes  ,  ils  repréfentoieat  que  c'étoir  pour  four- 
nir à  la  fubfilknce  des  miniftres  qui  les  enfei- 
gnoient  &  leur  adminiftroient  les  facremens  ,  t.<. 
donnoient  le  fuperflu  aux  pauvres.  Qu'on  l'foir 
la  même  chofe  dans  les  capitulaires  de  Charlc- 
magne  qui ,  le  premier  ,  avoit  ordonné  de  psyer 
la  dîme.  Qi\c  c  etoit  pourquoi  les  dîmes  appai;e- 
noient  de  droit  commun  aux  curés.  Que  s'il  y 
avoit  des  moines  ou  des  chanoines  qui  en  avolcnr , 
c'efl  que  leurs  piédécefTeuis  uvoiewt  defiervi  ks 
cures  ;  &.  que  fi  les  évêques  en  avoicnt  auffi  donné 
à  quelques  laïques ,  c'cft  à  caufe  des  grands  fervices 
quds  avoient  rendus  à  l'églife.  Que  voilà  pour- 
quoi les  fouverains  avoient  ordonné  que  les  ho- 
noraires des  vicaires  feroient  pris  fur  les  dîmes. 
Que  quoique  la  déclaration  de  1686  .ittribuât  aux* 
vicaires  une  Portion  congrue  de  150  liv.  &  exi- 
geât qu'elle  fut  prife  fur  les  dîmes  eccléfiaftiques , 
les  décimateurs  avoient  cherché  à  reftreindre  cette 
loi ,  &  à  confondre  les  Portions  congrues  :  qu'ils 
avoient  propofé  nombre  de  fois  la  queftion  de  fa- 
voir  :  Si  un  curé  gui  eft  décimatiur  en  partie  doit 
payer  feul  fon  vicaire,  ou  opter;  &  ce  qu'il  y  avoit 
d'étonnant,  c'efl  que  malgré  l'arrêt  du  13  mars 
1702,  cité  par  toijs  les  canoniHes  ,  le  curé  de  Gau- 
chin  Si  fes  prédécelléurs  n'a  voient  jamais  payé 
qu'au  prorata  de  leurs  dîmes,  50  livres  à  leurs 
vicaires,  quoique  la  teneur  de  l'arrêt  condamnât 
le  fieur  de  Larue  à  le  payer  feul,  &:  aux  dépens. 
Que  peu  de  temps  avant  le  jugement,  il  fit  cet 
arrangement  avec  le  chapitre  d'Anas.  Que  fon 
député  fe  chargea  de  payer  les  frr.is  qui  étoient 
confidérables  ,  pourvu  qu'on  le  laif-,ât  veiller  à  la 
rédaélion  de  l'arrêt  avec  le  chargé  de  procuration 
du  même  curé. 

Que  cependant  cet  arrêt  avoit  fervi  de  fonde- 
ment à  celui  du  30  avril  1688  ,  rapporté  piir 
Duperray,&  à  celui  du  6  feptembre  1730,  Lvà 
avoient  jugé  qu'il  fa'.loit  que  le  fond  du  curé  fût 
épuifé  pour  venir  fuhfidiairement  fur  les  décima- 
teurs ,  ou  que  le  curé  fît  option  de  la  pcrrioti 
congrue  pour  le  décharger  des  150  livres  de  fon 
vicaire. 

Que  ledit  de  176S  dîAinguoit  parfaitement  les 
Portions  congrues  des  curés  de  celles  des  vicaires. 
Qu'il  fixoit  les  unes  à  500  livres,  &  les  autres  à 
200  :  &  qu'après  avoir  ordonné  aux  décimatciirs 
de  payer  les  unes  &  les  -dîmes,  il  leur  défcndoit 
de  propofer  aux  curés  une  nouvelle  option ,  Se 
vouloir  qu'ils  redaffent  en  poffeirion  des  dîmes 
ou  terres  ,  fans  qu'on  pût  leur  obje6îcr  qu'ils 
avoient  plus  de  500  livres.  Que  cet  édit  fixoit  & 
régloit  le  fort  des  curés  dans  le  cas  de  l'option  , 
comme  dans  le  cas  contraire,  &  ne  laifToit  pas 
dépendre  la  Portion  congrue  des  vicaires  derc-;- 


i  '-lO 


PORTION  CONGRUE. 

tion  des  curés  ;  qu'il  la  fixoit  irrévocablement  fur 
toutes  les  dîmes. 

Que  depuis  cet  édit ,  tous  les  décimateurs  qui 
avoient  propofé  roptioii  avoient  été  condamnés. 
Que  la  jurllprudence,  depuis  176S  ,  avoit  affran- 
chi les  curés  portionnaires  de  payer  leurs  vicaires  ; 
qu'elle  avoit  jugé  que  c'étoit  aux  decirnuteurs  , 
comme  étant  à  leur  charge. 

Les  décimateurs  ont  encore  prétendu  que  les 
curés  qui  confervoient  les  novales  avec  la  Por- 
tion congrue  de  i686  ,  n'étoicnt  pas  portionnaires  , 
ayant  retulc  de  payer  l'augmentation  de  50  livres, 
ordonnée  par  l'cdit  de  1768.  On  leur  a  répondu 
qu'ils  reconnoi/Toient  eux-mêmes  le  contraire  j  en 
confentant  de  payer  aux  vicaires  leur  Portion  con- 
grue fur  l'ancien  pied  ;  ils  ont  prétendu  que  l'édit 
de  1768  ne  pouvoit  être  oppofé  que  par  les  cuiés 
qui  en  adoptoientla  Portion  congrue,  &  que  ceux 
qui  ne  l'adoptoient  point  ne  pouvoient  fe  faire  u;i 
titre  de  cette  loi. 

On  leur  a  répondu  que  le  curé  ne  demandoit 
rien  pour  lui,  mais  pour  fon  vicaire,  dont  le  fcri 
étoit  indépendant  de  fon  option.  Ils  ont  aulîi  ob- 
jeâé  que  la  Portion  congrue  du  vicaire  étoit  liée 
<t  celle  du  curé  ,  &  que  c'étoit  à  celui-ci  fcule- 
inent  cjue  la  Portion  congrue  étoit  due  plus  ou 
moins  forte ,  félon  qu'il  avoi<  ou  qu'il  n'avoit  pas 
de  vicaire.  On  a  répondu  que  d'après  la  dérlara- 
tion  du  22  février  1724  ,  6c  l'édit  de  1768  ,  les 
vicaires  avoient  une  a61ion  direéle  contre  les  dé- 
ci  matsurs:  que  leur  Portion  étoit  toujours  à  leur 
charge  ,  à  quelque  (umme  que  les  lois  l'euffent 
fixée. 

Le  curé  a  ajouté  que  le  cas  avoit  été  propofé 
dans  un  projet  de  loi  ,  que  le  clergé  avoit  mis  ious 
les  yeux  du  légiflateur ,  pour  former  l'édit  de 
1768  ;  oc  que  cette  décifîon  avoit  été  rejetée  ,  par 
le  refus  qui  avoit  été  fait  de  l'inférer  dans  l'éilit. 
Que  le  texte  de  ce  projet  de  loi  drefle  par  le 
clergé  ,  portoit  ;  D.:/is  le  eus  où  il  ferait  ct.ibli  un 
ou  plujïeurs  vicaires  ,  le  curé  ne  pourra  demander  aux 
gos  décimateurs  le  payement  de  la  penfton  dtidit  vi- 
caire ^fi  ce  n'efl  eu  aptant  pour  lui-même  la  Portion 
congrue  de  500  livrer  :  que  cette  décifion  étoit  pré- 
çife  ;  mais  que  plus  elle  l'étoit,  plus  elle  prouvoit 
que  le  fouverain  l'avoit  rejerée  en  connoifTance 
de  caufe,  &  qu'il  avoit  été  du  fentjment  contraire. 
Qu'en  effet ,  avoir  eu  fous  les  yeux  le  cas  pro- 
pofé &  décidé  in  tertiiinis  contre  les  curés  ,  & 
n'avoir  pas  inféré  la  décifion  dan,  la  loi ,  c'étoit 
avoir  j'.igé  le  contraire,  Que  le  filence  de  Tédit  fur 
1.1  Portion  congrue  des  vicaires ,  malgré  le  texte 
précis  du  projet  drcilé  par  le  clergé ,  faifoit  une 
nouvelle  preuve  de  la  lilîération  des  curés. 

Q'je  voilà  pourquoi  l'arrêt  dit  13  août  1773, 
rendj  fur  les  conclufions  du  minillère  public,  in- 
firma ia  fenience  de  la  fénéchauffie  de  Clcrmont- 
Ferraid  du  a  mars  1773,  entre  le  fieur  Jean- 
Louis  \i  icim^  .  curé  de  la  paroi/Te  de  Saint-Martin 
4e  la  Salade  ,  v?ç  l'abbé  çommendataire  de  Mouf-  | 


PORTION  CONGRUE. 

tîer.  Cet  arrêt  mit  l'appellation  &  ce  dont  étoit 
appel  au  néant ,  émendant ,  évoquant  le  principal 
ik.  y  faifant  droit  ,  condamna  l'abbé  çommenda- 
taire à  payer  la  Portion  congrue  du  vicaire  de  la 
Salade,  a  raifon  de  1 50  livres  pour  rannée  1768, 
&  de  200  livres  pour  chacune  des  années  fuivantes, 
oc  pux  dépens. 

Que  voilà  pourquoi  l'arrêt  du  21  juin  1777, 
rapporté  précédemment  &  rendu  entre  le  fieur 
Grenet,  curé  de  la  paroifTe  de  Saint  Ignat  en  Au- 
vergne, &  le  chapitre  d'Ennczat,  condamna  ce 
chapitre,  comme  gros  décimateur,  à  payer  l'air^- 
mentation  de  50  liv.  de  Portion  congrue,  accordée 
aux  vicaires,  par  l'édit  de  1768.  Que  voilà  pour- 
quoi l'arrêt  du  20  mai  1778,  rendu  à  l'audience 
de  la  grand'thambre  fur  les  conclufions  de  M. 
Séguicr,  avocat-général,  entre  le  fieur  Maymer, 
curé  décimateur  de  Littoy-les-Baurin  ,  &  le  clia- 
pitre  d'Arras  ,  &  l'abbaye  de  Saint  -  Vaaft  ,  aiiffi 
décimateurs  ,  condamna  ces  derniers  à  pay;r 
la  Portion  congrue  du  fieur  Hocquet  ,  vicaire 
de  cette  paroiife  ,  à  proportion  de  leurs  dîmes. 
Que  voilà  pourquoi  l'arrêt  du  16  juillet  178 1  , 
rendu  à  la  première  chambre  des  enquêtes,  au 
rapport  de  M.  Barbier  d'IngreviUe  ,  entre  le  fieur 
Claude  Bertucas  ,  curé  de  la  paroiiTe  de  Boudoucy 
en  Marche  ,  &  le  fieur  de  la  Marche,  feigneur  de 
Pierres,  Ik  le  fieur  Pelletier,  gros  décimateurs, 
confirina  iine  fentence  de  la  fénécliauffée  de  Gué- 
ret  du  18  mars  1774,  laquelle  condamnoit  ces 
gros  décimateurs  à  payer  au  fieur  Perrot,  vicaire 
de  cette  paroilfe  ,  la  Portion  congrue  ,  &  aux 
dépens. 

Le  fieur  Hefpelle  a  joint  à  toutes  ces  autorités 
un  arrêt  rendu  ,  en  1772  ,  au  parlement  de  Dijon  , 
qui  a  condamné  les  gros  décimateurs  à  payer  le 
vicaire,  quoique  le  curé  neût  point  opté.  Un  au- 
tre arrêt  du  10  avril  1714  ,  rendu  au  conftil  privé 
en  interprétation  de  la  déclaration  de  1686  ,  qui  a 
condarnné  les  religieux  de  l'abbaye  de  SairitAmand, 
comme  gros  décimateurs  ,  à  payer  iço  livres  au 
vicaire  de  Bouchain  en  Hainaut.  Enfin  ,  maigre  les 
derniers  efi'orts  des  décimateurs  pour  faire  revivre 
l'ancienne  jurifprudence ,  malgré  les  moyens  ré- 
pandus ,  tant  dans  leurs  requêtes  que  dans  des  mé- 
moires imprimés  qui  prouvoient  que  le  fieur  Hef- 
pelle,  curé  de  Vitry  ,  étoit  lui-même  gros  déci- 
mat:ur;  que  fa  cure  valoit  au  moins  2800  livres  , 
&  cj'.i'il  y  avoit  eu  une  convention  lors  de  lereâion 
de  la  cure  ,  &  que  les  curés  avcient  payé  leurs 
vicaires  jufqu'en  1778,  la  cour,  pp.r  un  arrêt  i\\ 
forme  de  règlement,  rendu  à  la  grand'cl.ambre  , 
le  25  mars  1782  ,  au  rapport  de  M.  Tabbé  de 
Farjonel  d'Hauterive ,  a  confirmé  la  fentence  du 
confeil  d'Artois ,  &  condamné  les  religieux  t'a 
Saint-Calixte  de  Cyfoing  £<:  le  ch;(pitre  de  baint- 
Amé  de  Douay ,  à  payer  la  Portion  congrue  de 
250  livres  au  fieur  Rouiïelot ,  vicaire,  au  prorata 
de  leurs  dîmes  ,  &  aux  dépens. 

Des  lettres  patentes  du  mois  d'août  1783,  ont 


PORTION  CONGRUE. 

augmenté  les  Portions  congrues  des  curés  &  des 
vicaires  du  diocéfe  de  Tciiloufe  ,  &  ont  déterminé 
les  bénéfices-cures  qui  pourroient  être  réfignés 
fous  réferve  de  penfion  :  elles  ont  d'ailleurs  pourvu 
à  la  fubfiilance  des  anciens  curés  &  vicaires  ,  ou 
autres  eccléfiadiques  approuvés  dans  ce  diocèfe  ; 
&  en  conféquence  ,  elles  ont  autorifé  M.  l'arche- 
vêque de  Touloufe  à  fupprimer ,  pour  cet  effet  , 
Certains  prieurés  Si.  autres  bénéfices  qu'elles  ont 
défignés  (i). 


PORTION  CONGRUE. 


199 


<i)  Cci  ht:  £s-p(iten:esJoiit  ainfi  conçues  : 

Louis  ,  par  b  gracc  de  Dieu  ,  roi  de  i-rance  &  de  Navane  : 
à  tous  prcfers  &  à  venir  ,  falut.  Le  feu  roi  notre  trcs-hoiioré 
feigiieiu  &  aïeul ,  voulant  améliorer  le  fort  des  cures  &  vi- 
caires à  l'ortion  congrue  ,  auroit  par  fon  édit  du  mois  de  mai 
17S8  ,  fixé  à  une  quantité  de  vingt-cinq  fetiers  de  bled  fio- 
nient,  mefure  de  l'aiis  ,  h  Portion  congrue  des  curés  &  des 
vicaires  perpétuels  ,  &  à  dix  fetiers  ,  celle  de  leurs  vicaires. 
Par  le  même  édit ,  il  autoit  ordonné  que  la  valeur  en  aigent 
defdites  Portions  congtues  ferait  &  deineurcroit  évaluée  , 
toute  fois  jufqu'd  ce  que  de  nouvelles  circonllances  exigeaf- 
fent  une  augmentation,  favoir;  celle  des  curés  &  vicaires 
perpé:ue!s  ,  à  la  fomme  de  cinq  cents  livres ,  &  celle  de  leurs 
vicaires  ,  à  la  fomme  de  deux  cents  livres.  Depuis  cet  cdic , 
i'aflcmblée  générale  du  clergé,  tenue  en  177}  >  ^^^^  ayant 
repréfenté  que  la  Portion  cojgrue  des  vicaires  ,  tvaluce  a 
deux  cents  livres  ,  étoic  infuffifante  ,  nous  y  aurions  ajout.- 
cinquante  livres  par  nos  lettres-patentes  du  zi  mai  177^-'.. 
Toujours  animés  des  mêmes  motifs  de  juftice  &c  de  bienveil^ 
lance  envers  lei  miniftres  des  paroiffes  ,  l'affemblée  du  clergé 
Mnue  en  17S3  ,  s'eft  occupée  des  moyens  d'améliorer  encore 
l'état  des  curés  &  des  vicaires.  Non-feulement  cette  afferablée 
a  reconnu  que  les  fommes  fixées  pour  les  Portions  congrues  , 
ne  reptéfentoient  plus  dans  piuluurs  provinces,  la  valeur  ef- 
fe£livc  des  quantités  de  grains  déterminées  par  Tédit  de  1708  , 
mais  elle  a  penfé  que  ces  mêmes  quantités  ,  fufTenr  elles  por- 
tée» à  leur  véritable  prix,  ne  formoient  pas  ,  dans  bien  des  cir- 
conftances ,  une  dotation  fuffifante  pour  cet  ordre  de  palleurs 
qui,  étant  continu^lleiiient  dans  le  cas  de  faire  des  bonnes 
oeuvres,  dévoient  n'être  pas  réduits  â  cet  abîolu  necelIiHe 
fans  lequel  ils  ne  pounoient  fublifter.  En  conféquence  ,  elle 
X  écrit  à  tous  les  archevêques  &  évêques ,  pouf  leur  taire  con- 
noîrre  le  vœu  de  fa  délibération,  &  elle  a  chargé  fes  .igens  gé- 
néraux de  faire  auprès  de  nous  routes  les  démarches  néccfiai- 
res  pour  obtenir  Its  lettres-patentes  qui  nous  feroienr  deman- 
dées par  les  ordinaires  ,  pour  caufe  de  fupplément  de  Portions 
congrues  ou  d'améliorations  des  cures.  Nous  n'avons  [lU  voir 
qu'avec  fatisfadion  une  délibération  auflî  conforme  aux  vues 
dout  nous  fommes  animés  nous-mêmes  envets  cette  clade 
d'ccclélialtiques  ,  dont  le  m'nidère  eft  fi  précieux  à  la  reli- 
gion ,  &  li  intéreflant  pour  les  peuples.  C'eit  pourquoi  le  fieur 
archevêque  de  Touloufe  nous  ayant  ailuellemcnt  remis  l'état , 
tant  des  cures  à  Portion  congrue  de  fon  diocèfe  qui  ont  bc- 
foin  d'augmentation  ,  que  des  améliorations  dont  elles  font 
fufceptibles ,  chacune  en  particulier  ;  &:  nous  ayant  en  mcnic- 
temps  propsfé  quelques  arr3ngemens  qui  ont  directement  ou 
îndiredement  rapport  à  Ijdite  amélioration,  &  tendent  tous 
au  bien  de  la  religion  ;  nous  nous  fommes  déterminés  à  fixer  , 
dèr  à-préfent  ,  par  une  loi  particulière  ,  le  fort  des  cures  & 
vicaires  à  Portion  congrue  du  diocèfe  de  Touloufe  ,&:  nous 
nous  y  fomcues  portés  d'autant  plus  volontiers ,  que  les  amé- 
liorations que  nous  allons  leur  procuier,  ont  été,aînli  que 
les  autres  arrangemens,  agréés  par  le?  décimateurs ,  &:  les  divei- 
f  ;S  parties  intéreflTées ,  qui  fe  font  trouvées  au  fynode  que  ledit 
fieur  archevêque  de  Touloufe  a  tenu  au  mois  de  novembre  de 
l'année  dernière;  &  qu'à  l'égard  des  commandeurs  de  l'ctJre 
de  Malte ,  qui  ne  fe  font  pas  trouves  audic  fynode  ,  nous  fom- 
mes affutés,  tant  par  ce  que  plulieuts  d'entr'eux  ont  ciéjà  fait 


En  enregiflrant  cette  loi  le  lO  janvier  1784  , 
le  parlement  de  Touloufe  a  arrêté  que  le  roi  fe- 

en  faveur  des  curés  dont  la  fubfiftance  ell  à  leur  charge,  que 
par  les  difpofitions  que  nous  a  témoignées  l'ambafTadeur  dudit 
ordre  ,  qu'en  leur  laifPanr  ,  fuivant  l'ufage ,  le  foin  de  pour- 
voir au  fort  defdits  curés  ,  nous  ne  failons  que  leur  fjurnîr 
l'occafion  de  nianifefter  leur  bienveillance  ,  &:  donntr  les 
premiers  exemples  de  l'eraprelTement  que  cet  ord:e  nous  a 
toujours  montré  de  concourir  à  nos  vu:s.  En  procurant  ainfi  , 
aulfitôt  qu'il  eft  en  notre  pouvoir  ,  aux  curés  &  vicaires.! 
i'ortion  congrue  du  diocèfe  de  Touloufe,  une  amélioraion 
que  leurs  befoins  exigent,  ii  que  Içs  circonllances  particu- 
lières à  ce  diocèfe  permettent  lieureufcmcnt  d'exécuter  drs- 
à-préfent ,  nous  nous  flattons  de  piéparcr  la  voie'  à  de  fembla- 
l'ies  arrangemens,  qui ,  pris  avec  fagelTe  &c  mcfure  dans  les 
autres  diocèTes  ,&  fuivant  que  leurs  befoins  combinés  avec 
leurs  moyens  l'exigeront  &:  pourront  le  permettre  ,a(T;'reront 
fucceflîvement  !«:  fans  troubles  ,  le  fuccès  des  foins  qi'e  nous 
prendrons  toujours,  à  l'exemple  des  rois  nos  prédécefleurs  f 
pour  procurer  à  nos  peuples  des  pafteurs  qui  ,  débarralfés  des 
follicitudes  temporelles ,  n'.iient  à  s'occuper  qu'à  leur  donneï 
de  bons  exemples  &  de  falutaiies  inflrudlion.';.  A  ces  caufes  , 
&  autres  à  ce  nous  mouvant ,  de  l'avis  de  notre  confcil  ,  &:  de 
notre  certaine  fcience  ,  pleine  puifiance  &:  autorité  royale  , 
uous  avons  dit,  fiatué  &  ordonné,  difons  ,  fiatuons  &  or- 
do'.inons ,  voulons  &  nous  plaît  ce  qui  fuir  ; 

Arï.  premier.  Les  curés  Se  vicaires  à  Portion  congrue" 
du  diocèfe  de  Touloufe,  compris  dans  l'état  annexé  fous  le 
contre-fcel  des  préfentes ,  recevront  des  décimateurs  qui  en 
font  tenus ,  tant  pour  leur  Portion  congru;,  ccntormémenc 
à  redit  du  mois  de  mai  176S  ,  Se  à  nos  lettres-patentes  du  12 
mai  177S ,  que  pour  amélioration  de  ladite  Porrion  congrue  , 
les  fommes  portées  audit  état,  fans  préjudice  .  à  l'égard  des 
cutés  ,  des  objets  qui  leur  ont  été  laifTés  par  l'article  IV  dudit 
édit,  ainfî  que  de  l'exécuticn  de  notre  déclaration  du  lo  mai 

1771. 

II.  Les  augmentations  des  Portions  congrues,  réfultantes 
dudit  état,  auront  leur  effet  à  commencer  du  premier  janvier 
17S4  ;  mais  fucceflîvement  feulement  &  par  degré  en  quatre 
années  ,  d-i  manié  e  que  l'juginentation  totale  ne  fera  opérée 
qu'au  preniier  janvier  1787, 

III.  A  l'égard  descur^s  à  Portion  congrue,  dépendant  de 
l'ordre  de  Malte ,  dans  le  diocèfe  de  Touloufe  ,  &  dont  l'étac 
efl:  auflî  annexé  fous  le  contrefeel  des  préfenres  ,  les  ren- 
voyons pardevant  les  prieurs ,  baillis ,  commandeurs  &:  chapi- 
tres dudit  ordre  ,  qui  pcuvoiront  à  l'amélioratien  des  Por- 
tions congrues  de  leurfdits  curés  dans  une  proportion  con- 
venable ,  &c  ce ,  avant  le  premier  janvier  prochain ,  f.ins  néan- 
moins que  ,  compris  le  cafuel  ,  lefdits  curés  puiffent  jouir  de 
moins  de  t  ?  o  livres  ,  &  L'S  vicaires  de  moins  de  400  livres  , 
exemptes  de  toutes  charges. 

IV;' Seront  les  décimateurs  tenus ,  comme  p.ir  le  pafTé  ,  de 
toutes  les  charges  auxquelles  ils  ont  été  jufqu'à  prélent  afTu- 
jetis  dans  le  diocèfe  de  Touloufe  ,  fauf  à  eux  de  faire,  de 
gré  i  gté  avec  les  curés,  telles  conventions  qu'ils  aviferonc 
pour  la  fourniiu-e  des  menues  dépenfes  ,  &  autre?  dont  les 
Décimateurs  peuvent  être  tenus  ,  à  la  réferve  feulement  des 
réj  aations  des  murs  &  toitures  ;  mars  ne  pourront  lefdits  ar- 
rangemens être  obligatoi'es  envers  les  (ucccfTeurs  aux  bénéfi- 
ces,  qu'autant  qu'ils  auront  été  homologués  à  la  requête  5c 
aux  frais  des  décimateurs,  en  notre  ccur  de  patlement  de 
Touloufe  ,  avec  les  formalirés  ordinaires  ,  fur  les  concluficns 
de  notre  procureur  général  en  ladire  cour  ,  auquel  cas  ils  fe- 
ront &:  demeureront  irrévocables,  fi  ce  n'eft  uans  le  cas  de 
nouvelle  augmentation  des  Portions  congrues  dans  le  dio- 
cèfe de  To'iloufe  ,  auquel  cas  voulcn  que  les  fommes  moyen- 
nant lefquel'es  les  curés  fe  feroicnt  chargés  de.'"Jits  dépens , 
foient  aiignentéesde  dioit  ,  en  raifon  de  l'accroiffement  de 
la  Portion  congrue. 


200 


PORTION  CONGRUE. 


voit  très-humblement  fiipplié  de  pourvoir  pareille- 
ment à  l'amélioration  du  fort  des  curés  con^ruiftes 


\.  En  cas  dYiedio,!  d'une  nouvelle  cure,  ou  d'éraUliire- 
mencd  un  rouveau  vicaire,  de  màm  qu'en  cas  d'abandon 
par  Mnuireou  vicaire  perpétuel  de  fes  dîmes  ou  autres  biens, 
poin-  01  ter  Ja  Portion  congrue,  autorifcns  le  Heur  arciievc.^ue 
ûe  1  ouJoufe  a  déterminer  G  la  Portion  congrue ,  foie  du  nou- 
veau cure  ou  vicaire  ,  foie  du  cure  qui  auroit  opté ,  doit  excc- 
der,&  en  ce  eu,  de  combien  elle  doit  excéder  les  Fxations 
port:es  par  l'édit  de  iSS,  &  nos  lettres-patentes  du  ii  mai 
Jyysfans  néanmoins  que  les  ibmmes  qu'il  jugeroit  à  propos 
de  leur  fixer  ,  puiffent  être  portées  ;  favoir ,  pour  les  corés  ou 
vicaires  perpétuels  ,  au  delà  de  io>o  livres  ,  Se  pour  les  vicai- 
res ,  au-delà  de  5  00  livres;  &  dans  aucun  de  ces  différens  cis , 
iles  ordonnances  qui  auront  été  par  lui  renduîs  ne  pourront 
être  exécutées ,  qu'elles  n'aient  été  ,  fuivant  qu'il  y  aura  lieu  , 
ou  auronfées  par  nos  lettres  patentes  duement  enregiilrées 
ou  homologuées  en  notreditc  cour  de  parlement ,  fur  les  con- 
ciudons  de  notre  procureur  général. 

VI.  Avons  maintenu  &  maintenons  les  vicaires  du  diocéfe 
de  Touloufe,  même  ceux  des  curés  compris  dans  ledit  état 
a  amélioration,  dans  le  droit  de  toucher,  par  eux-mêmes  & 
'iir  leurs  quittances,  leurs  Portions  congrues  des  mains  des 
décimateurs,  conformément  à  la  déclaration  du  iz  féviier 
17:4,  lors  toutefois  qu'ils  ne  recevront  aucun  traitementde 
leurs  cures  ;  &  en  cas  d'arrangement  particulier  enti'eux  , 
voulons  que  lefdits  vicaires  ne  ^u  fTent  refnfer  à  Ituisciiiés 
Ifurs  quittances  de  Portions  congrues  ,  pour,  par  leurs  riirés  , 
pouvoir^les  fournir  aux  décimateurs  qui  les  exigeroient  d'aptes 
Jadite  (iéclaration. 

VII.  Tout  bénéfice-cure  qui  ne  v.iu:îra  pas  I050  livres  de 
revenu  annuel  ,  ne  pourra  ,  dans  le  dioccfe  de  Touloufe ,  être 
réfigné  avec  pendon  ;  &  à  l'égard  des  cures  <jui  vaudront  plus 
de  1000  livres  ,  la  penfion  qui  pourra  être  rcfervée  ,  ne  fera 
j.Tmaîs  reile  que  h  valeur  de  la  cure  rélignée  foit  réduite  au- 
dcirous  de  looo  livres. 

_  Vlir.  Délirant  pourvoir  à  la  fubfiriance  des  anciens  curés , 
vicaires  ,  &  autres  ccciélîalHques  du  dioccfe  de  Touloufe  , 
;<uxque!s  l'âge  ou  les  infirmités  ne  permettront  plus  de  conti- 
nuer le  lervice  des  paroifTes,  nous  avons  agréé  l'ofFre  du  lîeiir 
archevêque  de  Touloufe,  ainlî  que  celles  du  chapitre  de  S. 
Ktienne  &  de  l'official  diocéfain,  ôc  grand-chantre  dudit  cha- 
pitre, de  confeniir  à  ce  que  certains  bénéFces  à  leur  nomina- 
lîon,  foientà  l'avenir  réfcrvés  auxdirs  anciens  curés  ,  vicaires 
ou  autres  ecclcfiiffiques  ;  en  conféquence  ordonnons  que  la 
féconde  ,  la  quatrième,  la  lixième  &  la  huitième  prébende 
de  celles  dites  de  la  douzaine  ,  qui  font  à  la  nomination  dudit 
l;eur  archevêque  ;  les  première  &  troifîème  qui  font  à  la  no- 
mination des  grand  chantre  &  officiai  diocéfain,  &:  les  quatre 
ptemières  des  prébendes  qui  font  à  la  nominatian  du  chapitre 
ce  faint  Et;çnne,  lotfqu'elles  viendront  à  vaquer  par »pqrt  ou 
par  dcmifTîon  ,  feront  &  demeureront,  conformément  au  con- 
fenîcment  &  à  h  demande  duiit  fieur  a-chevcque  ,  dudit  of- 
ficiai &  grjndchantre  ,  &:  dudit  chapitre  ,  qui  en  ont  la  nomi- 
nation ,  afFedées,  l'oit  at!x  curés  qui  l'auront  é;é  pendant  feize 
ans,  foit  à  ceux  defdits  curés,  vicaires  ou  autres  eccléfîalli- 
ques  qui  auront  été  approuvés  pendant  vingt  cinq  ans  dans 
le  dioccfe  ,  tellement  que ,  lorfqu'ellcs  feront  ainli  venues  à 
vaquer  une  première  fois ,  par  mort  ou  par  démi/Tion  ,  elles  ne 
pourront  plus  être  données  qu'aux  cures,  vicaires  ou  autres 
ecclcfialfiques  de  la  qualité  fufdite ,  fans  jamais  être  fujeites 
à  prévention  ,  réfjgnation  ,  permutation  ,  ni  expeflative  quel- 
çonijue  ,  à  peine  d'abus  ;  àrefîv't  de  quoi  nous  avons  dérogé  à 
toutes  lois ,  ufages  &  réglftnens  à  ce  contraires. 

IX.  Nous  avons  aiitorifj  &:  auiorifcns  ledit  (leur  archevê- 
que à  procéder  ,  s'il  y  a  lieu  ,  ii  en  pbfcrv.int  les  formes  civi- 
Iss  ^  canoiiiques,  .à  la  fupprefïion  àes  prieurés  d'Aigues- 
Vives,  Buzet  &:  Saint- Pauld'Hauterive ,  même  d'autres  ti- 
tfcf  çcdéfi^ftiques  qui  fe  troijveroient  Jans  le  cas  d'être  éteints    I 


PORTION  CONGRUE. 

Se   des  vicaires  des  autres  dioccfcs  du  reiTort  de 
cette  cour. 

f'^oye^  les  mémoires  du  clergé  ;  les  lois  eccléjîjjli^ 
ques  de  France  ;  le  code  des  curés  ;  le  recueil  de  juris- 
prudence canonique-^  Duperray ,  traité  des  Portions 
congrues;  Gohard ,  traité  des  bénéfices;  les  centuries 
de  le  Prêtre  ;  le  journal  des  audiences  &  celui  du  pa- 
/-7.'f  ;  &c.  Voyez  auffi  les  articles  CuRÉ,  DiXME, 
Vicaire  ,  &c. 

Addition  à  Carticle  Portion  congrue. 

Jurifprudence  du  parlement  de  Flandres  fur  les  Por- 
tions cofij^rues. 

Le  parlement  de  Flandres  s'étoit  fait,  avant  la 
déclaration  du  29  janvier  1686,  une  règle  de  por- 
ter à  plu«  de  300  livres  les  Portions  congrues  des 
curés  &  vicaires  perpétuels.  Il  avoit  arrêté  ,  par 
une  délibération  folcmnelledu  20  novembre  16S5, 
qu'a  l'avenir  il  feroit  adjugé,  à  ce  titre,  3C0  flo- 
rins dans  le  Hainaut  &  le  Cambrefis ,  3^0  flo- 
rins dans  la  Flandre  Françoife,  400  florins  dans 
la  Flandre  Flamande,  &  4^0  florins  dans  la  Flan- 
dre maritime.  On  fait  que  le  florin  des  Pays- 
Bas  François  équivaut  à  vingt-cinq  fous  argent  de 
France. 

La  déclaration  du  29  janvier  1686  ,  fembloit  de- 
voir ôter  au  parlement  de  Flandres  la  liberté  de 
fixer  lui-même  le  taux  des  Portions  congrues  ;  mais  , 
fur  les  remontrances  de  cette  cour  ,  il  a  été  rendu , 
le  26  juin  fuivant ,  une  déclaration  qui  la  lui  a  con- 
fervée  entièrement  ;  en  voici  le  difpofitif  :  »  Vou- 
"  Ions,  &  nous  plaît,  qu«  notredite  cour  procé- 
■>■>  dant  au  jugement  des  procès  &  inflances  qui 
»  foHt  ou  feront  pendans  en  icelle  entre  les  déci- 
5>  mateurs  &  les  curés  ou  vicaires  de  fon  reflbrt, 
»  pour  raifon  defdites  Portions  congrues  ,  puiffe 
»  en  ordonner  le  payement  fur  le  pied  &  ainfi  que 
»  par  les  circonflances  des  procès  fera  eflimé  jufre 
»  &  à  propos ,  &  ce  nonobf'ant  ce  qui  eft  porté 
»  par  norredite  déclaration  du  29  janvier  dernier, 
»  à  laquelle  nous  avons  dérogé  &  dérogeons  pour 


dans  le  dioçèfe  de  Touloufe,  &  à  l'application  des  biens  ea 
d  pendans ,  à  des  penfîons  de  rerraire  en  faveur  dus  nnciens 
cuiés  &  vica'res ,  ou  autres  eccléfialliques  approuvés  dans  ce 
dioccfe  ;  comme  audi,  en  faveur  des  grand  âc  petit  fcminaires 
de  Touloufe,  tant  pout  la  fubfiftance  des  direfteurs  ôc  en* 
trctien  des  bàimens  ,  que  pour  y  établir  des  penfîons  &  demi- 
penlîons  en  faveur  de  ceux  des  étudians  qui  en  auroient  be- 
foin  ;  flc  ce  ,  ayx  conditions  qui  feront  exprimées  dans  les 
décrets  qui  feront  rendus  à  cet  effet  pat  ledit  fîeur  archevêque 
de  Touloufe,  fans  néanmoins  qu'ils  puifTent  avoir  leur  exé- 
cution qu'après  qu'ils  auronr  été  revêtus  de  nos  Mettres-patea- 
tes ,  duement  enregiftfées  çn  notre  cour  de  parlement  de 
Touloufe. 

X.  Seront  £U  furplus  exécutés  l'édit  du  mois  de  rnai  lyi^ 
&:  tous  ïuaes  régicmens,  tant  fur  les  Portions  congrues  ,  que 
fur  les  extinètiorrs  &  unions  de  bénéfices ,  en  tout  ce  qui  n'eft 
pas  contiaire  à  ces  préfentes.  Si  donnons  en  mandement  d 
nos  amés  5c  féaux  confeillers  les  gens  tenant  notre  cour  de 
parlement  de  Touloufe ,  que  ces  préfentes  ils  aient  à  faite  en- 
regiftrer,  &c, 

V  le 


PORTION  CONGRUE. 

M  le  reffort  de  notredite  cour  de  parlement,  Tans  y 
«  néanmoins,  en  ce  faifant,  qu'en  aucun  cas  notre- 
w  dite  cour  puiffe  adjuger  lefdites  Portions  con- 
»  grues  iur  un  moindre  pied  que  ce  qui  eft  porté  en 
»  notredite  déclaration  ,  laquelle  fera  au  furplus 
j>  exécutée  félon  fa  forme  &  teneur  ». 

Il  réfulte  de  cette  difpofuion,  que  le  parlement 
de  Flandres  n'a  d'autre  règle  à  fuivre ,  par  rapport 
au  montant  des  Portions  congrues,  que  celle  que 
font  naître  lescirconftances  de  chaque  affaire.  Ainfi 
l'arrêté  même  du  20  novembre  1685  ,  n'eft  pas 
une  loi  pour  cette  cour  ;  elle  peut  s'en  écarter  & 
adjuger  aux  congruiftes  tantôt  plus,  tantôt  moins 
que  ne  porte  la  taxe  qu'il  renferme.  C'eft  ce  que 
déclare  exprefTément  un  autre  arrêté  du  premier 
aoijt  1672;  &  c'eft  fur  ce  principe  qu'un  arrêt  du 
24  novembre  1703  ,  rapporté,  dans  l'ordre  de  fa 
date  ,  par  M.  Desjaunaux ,  a  jugé  que  le  curé  d'Oo- 
ren  ,  paroifle  fituée  dans  la  Flandre  maritime,  mais 
toute  ramaffée  &  de  petite  étendue,  ne  pouvoir 
prétendre ,  à  titre  de  Portion  congrue  ,  qu'une  foni- 
me  annuelle  de  3  50  florins. 

Les  décimateurs  des  Pays-Bas,  ont  mis  tout  en 
ufage  pour  faire  révoquer  la  déclaration  du  26 
juin  1686  ;  mais  leurs  efforts  ont  toujours  échoué. 
On  a  rapporté  au  mot  DÉciMATEUR  ,  des  lettres- 
patentes  du  26  oftobre  171)4,  qui  ordonnent  que 
cette  loi  fera  exécutée  félon  fa  forme  ôf  teneur  ; 
6:  lorfque  le  feu  roi  eut  donné  fon  édit  du  mois 
de  mai  1768,  le  parlement  de  Flandres  le  fupplia 
de  permettre  qu'il  ne  l'enreglftrât  point ,  ce  qui  lui 
fut  accordé. 

On  conçoit,  d'après  cela,  qu'il  doit  fe  trouver 
peu  de  refforts  où  les  curés  congruiftes  foient  aufli 
bien  traités  que  dans  celui  de  cette  cour. 

Auiïî  a-t-on  vu  obtenir  jufqu'à  1000  livres  de 
portion  congrue.  Un  Arrêt  du  5  Mars  1782,  au 
rapport  de  M.  Rémi  d'Evin  ,  a  fixé  à  ce  taux  celle 
du  curé  d'Eftrœungt ,  paroiffe  voifine  d'Avefnes  en 
Hainault ,  fort  étendue,  il  eft  vrai,  mais  dans  la- 
quelle fe  trouvent  jufqu'à  trois  vicaires ,  qui  ont 
encore  chacun  la  portion  congrue  féparée. 

Un  autre  Arrêt  du  25  juillet  1782,  au  rapport 
du  même  magiflrat ,  a  adjugé  au  curé  de  Caftigr.is, 
paroiffe  également  voifine  d'Avefnes,  une  Portion 
congrue  de  750  florins,  ou  937  liv.  10  fous. 

Le  21  mai  17S3  ,  nouvel  arrêt  encore,  au  rap- 
port de  M.  Rémi  d'Evin  ,  qui  adjuge  au  vicaire  de 
la  RouiUie ,  hameau  dépendant  de  la  paroiffe  de 
Eftrœungt,  une  Portion  congrue  de  380  florins , 
ou   350  livres. 

Le  confeil  fouverain  de  Mons ,  jouit  fur  cette 
matière  du  même  pouvoir  que  le  parlement  de 
Flandres.  Les  curés  du  Hainault  avoient  obtenu 
en  1698  un  décret  du  confeil  privé  de  Bruxelles , 
qui  fîxoit  leurs  Portions  congrues  à  300  florins , 
argent  de  Brabant.  Dans  la  fuite,  ils  demandèrent, 
par  une  requête  préfentée  au  duc  Charles  ,  Gou- 
verneur des  Pays-Bas  Autrichiens,  que  cette  taxe 
fut  anomentée.  Leur  requête  fut  communiquée  au 
Tom  XIII. 


PORTION  CONGRUE.        201 

confeil  fouverain  de  Mons  ;  &  d'après  l'avis  de  cette 
cours ,  il  intervint ,  le  premieravril  175  ii  un  décret 
conçu  en  ces  termes  :  «  Vu  l'avis  de  ceux  du  con- 
V  feil  de  Hainault ,  &  rapport  fait  à  fon  alteffe 
»  royale  ,  ce  que  les  fupplians  requièrent  ne  fe 
n  peut  accorder.  Déclare  néanmoins  fon  alteffe 
)»  royale  ,  que  fi  quelqu'un  des  mêmes  fupjjlians 
»  fe  trouvoit  dans  le  cas ,  pour  des  motifs  jufles 
»  &  ralfonnables  ,  d'avoir  befoln  d'une  augmen- 
»  tation  ou  fupplément  de  Portion  congrue  ,  il 
»  pourra  s'adreffer ,  foit  au  confeil  de  Hainault, 
»>  foit  à  l'archevêque  de  Cambrai ,  pour  en  obtenir 
»  la  taxe  ,  dont  il  fera  écrit  lettres  d'avertance  au- 
)j  dit  confeil  de  Hainault  ». 

On  voit  par  ce  décret ,  que  dans  le  Hainault 
autrichien  le  juge  eccléfiafîique  peut  connoître,  par 
prévention  avec  le  juge  royal ,  de  la  fixation  de« 
Portions  congrues.  11  fut  même  un  temps  011  le 
confeil  fouverain  de  Mons  fe  regardoit  comme  in- 
compétent fur  cette  matière  ;  témoin  un  arrêt  du 
8  février  1627  ,  qui  renvoie  à  l'ofHcial  de  Cambrai 
la  demande  en  Portion  congrue  formée  par  le  curé 
de  Villers-Saint-Amand  ,  contre  les  abbé  &  reli- 
gieux de  Saint-Amand.  Mais  depuis,  cette  cour  a 
ouvert  les  yeux  fur  fes  véritables  droits  :  le  curé 
de  Saint-Pierre-Chapelle  ayant  traduit  devant  elle 
les  abbé  Si  religieux  de  Saint- Aubert  de  Cambrai , 
pour  fe  faire  adjuger  une  Portion  congrue  ceux-ci 
ont  été  déboutés  de  leur  déclinatoire,  &  condamnés 
à  payer  ce  qu'on  leur  demandoit.  L'arrêt  efl  de 
1652  ,  &  il  a  été  fuivi  de  plufieurs  autres. 

Un  des  points  les  plus  remarquables  de  la  jurif- 
prudence  des  Pays-Bas  fur  la  matière  des  Portions 
congrues,  eft  que  les  curés  primitifs  font  obligée 
d'employer  à  l'acquittement  de  ces  charges  toute 
la  part  qu'ils  ont  dans  la  dixme  ,  avant  que  les  au- 
tres co-décimateuts  foient   tenus  d'y  contribuer, 
C'efl  ce  qui  a  été  jugé  par  plufieurs  arrêts  du  parle- 
ment de  Flandres.  Le  premier  eu.  du  9  novembre 
1687  ;  il  a  été  rendu  entre  le  chapitre  d'Antoing  8c 
l'abbaye  de  Saint-Marc  de  Toi:rnai.  Le  fécond  a 
été  donné  le  11  mai  1689  ,  entre  l'abbayede  Saint- 
Vaafî  &  celle  de  Maroilles.  Le  troifième ,  le  21 
janvier  1698  ,  entre  le  chapitre  des  chanoineffes  de 
Maubeuge  &  l'abbaye  de  Llefîles.  Le  quatrième, 
le  15  juin  1 701  ,  entre  le  chapitre  métropolitain  de 
Cambrai  &  l'abbayede  Salut  Sauve.  Le  cinquième, 
le  14  août  1702,  entre  le  chapitre  de  Condé  & 
l'abbayede  Saint-Amand.   Le  fixieme ,  le  18  mai 
1703.  Le  feptième  ,  le  25  juin  1705.  Le  huitième  , 
le  22  oftobre  1707,  entre  le  chapitre  de  Saint-Géry 
de  Cambrai  &  l'abbaye  de  Saint-Sépulchre  de  la 
même  ville.  Le  neuvième  ,  le  ^j  avril  1721  ,  entre 
le  chapitre  de  Saint-Quentin  &  l'abbaye  de  Lief- 
fics.  Le  dixième  en   1726,  entre  les  abbayes  d'i 
Saint-Amand  &  de  Vicogne.  M.  "Waimel  du  Parc 
en  cite  un  onzième  ,  rendu  entre  les  grands  vicai- 
res de  la  cathédrale  de  Tournai    &  l'abbaye  de 
l  Château.  Il  y  en  a  un  douzième  affez  récent ,  entre 

Ce 


201  I^ORTION  CONGRUE. 

le  chapitre  métropolitain  de  Cambrai  &  le  chapitre 
de  Saint-Géry  de  Valenciennes. 

Diimèes  a  tenté  de  combattre  cette  jiirifprudence. 
3)  J'ai  peine  à  me  rendre  à  des  autorités  aulFi  ref- 
jj  peclables,  dit-il  en  fa  jurifprudence  du  Hainaiik 
S5  François  ;  la  déclaration  du  29  janvier  1686  ,  qui 
»  eft  une  loi  générale  dans  tout  le  royaume,  ne 
"  diuingiie  pomt  entre  les  co  décimateurs  ecclc- 
"  fiafiiqiies  ;  elle  les  charge  tous  ,  fans  diftinftion  , 
«  de  la  Portion  congrue  des  curés  ,  à  propoition 
>'  de  ce  qu'ils  pofsèxknt  dos  dixmes  ;  elle  en  charge 
j,  même  fubfidlairement  les  propriétaires  des  dix- 
5?  mes  inféodées.  Or ,  û  les  co-décimateurs  ecclé- 
^J  fialiques,  ù  titre  particulier,  n'étoient  obliges 
5)  que  lubfidiairement  à  la  Portion  congrue  après 
11  1  entière  évacuation  d.s  dixmes  appartenantes 
M  ?A)x  cuiés  primitifs  ,  une  claule  de  cette  impor- 
»  tance  n'eût  point  éé  omife  ". 

Mais,  répond  M.  Waymel  du  Parc,  la  dJclara- 
tion  de  1686,  «  qui  femble  vouloir  foumeitre  à 
j)  la  Portion  congrue  tous  les  décimateurs  égale- 
J3  ment  ,  doit  s'entendre  s'ils  font  tous  décimateurs 
Y)  de  la  môme  qualité,  cette  loi  n'ayant  point  dé- 
>j  cidé  la  queftion  entre  les  décimateurs  fmiples  & 
î>  les  décimateurs  curés  primitifs  ». 

D'ailleurs  la  raifon  fur  laquelle  eft  fondée  la 
jurifprudence  combattue  par  Dimiées ,  eil  fijurte  , 
fi  conforme  aux  principes  ,  qu'elle  devroit,  à  tout 
événement ,  l'emporter  fur  la  lettre  d'une  loi  dont 
l'auteur  ignoroit  fans  doute  les  ufiges  particuliers 
des  Pays  Bas  pir  rapport  aux  charges  des  curés 
primitifs  :  les  Portions  de  dixmes  dent  joui.^ein 
ceux  ci  ne  leur  ont  été  données  que  pour  rem- 
plir eux-mêmes  les  fonélions  pallorales.  Dans  la 
fuite,  il  eft  vrai ,  ils  ont  jugé  à  propos  de  fe  faire 
remplacer  par  des  vicaires  ,  d'abord  amovibles  & 
maintenant  perpétuels ,  mais  cela  ne  doit  rien 
changer  à  la  condition  des  autres  décimateurs  ; 
leurs  vicaires  les  repréfentent  ;  ce  font  eux  qui 
demandent  des  Portions  congruos  par  la  bouclie 
de  ces  derniers;  &  s'ils  trouvent  ces  fecours  en 
eux-mêmes,  de  q\iel  droit  iroient  ils  inquiéter 
leurs  co-décimateurs  ? 

Il  faut  l'avouer  cependant ,  il  a  été  rendu ,  pour 
les  Pays-Bas  même  ,  un  arrêt  qui  adopte  l'opinion 
de  Dumécs.  En  voici  refi)ècê ,  telle  que  nous  la 
trouvons  dans  le  vu  d'une  fentence  du  bailliage 
du  Qnefnoy  du  22  mars  1669,  que  nous  avons 
fous  les  yeux. 

L'Abbaye  de  Saint-André  au  Catteau-Cambre- 
fis ,  avoit ,  comme  fubrogée  aux  droits  de  l'abbaye 
de  Fém.y  ,  le  titre  de  curé  primitif  de  la  paroiffe 
de  Berlaymont,  &.  un  quart  de  la  dixme  qui  s'y 
percevoir.  Le  prieur  d'Aimeries  ,  religieux  de  l'ab- 
baye d'Anchin  ,  étoit  décimateur  de  la  même  pa- 
roiffe ,  pour  lei  trois  autres  quarts.  Il  s'éleva  un 
procès  fur  la  quefiion  de  favoir  qui  rétabliroit 
rèelife  ,  &  fourniroit  au  vicaire  per  pétuel  l'aug- 
tnentation  de  Portion  congrue  qu'il  de  mandoit. 
Le    prieur   d'Aimeries  foutenoit  que    l'abbé   de  j 


PORTION  CONGRUE. 

Saint-André  devoir  employer  à  l'im  &  à  l'autre 
objet  toute  fa  part  dans  la  dixme,  avant  qu'on  pût 
toucher  à  la  fienne;  mais  par  fentence  du  bailliage 
du  Quefnoi  du  15  décembre  1665  ,  confirmée  par 
arrêt  du  parlement  de  Meiz  (  1  )  du  i  5  juillet  1666  , 
les  abbé  ik  religieux  d'Anchin  ,  qui  avoient  pris  le 
fait  ik  caufe  du  prieur  d'Aimeries,  furent  con- 
damnés «  à  contribuer  à  la  rééc  incation  &  enrrcte- 
»  nement  du  chœur  &  des  chanceaux  de  l'églife 
))  paroiffiale  dudit  Eerhiymont  ,  comme  aulii  à 
')  l'augmentation  cie  la  1  ortion  coi;grue  du  curé 
»  de  la  mém.e  églife ,  à  rate  &  concurrence  delà 
»  partie  &  quantité  de  di.xme  qu'ils  pofsèdent  fur 
»  le  terroir  &  diftricl  de  ladite  paroiil'e  ». 

La  partie  de  cet  arrêt  qui  concerne  lareér'ifica- 
tion  de  l'églife,  c(ï  aufll  conforme  aux  principes, 
que  celle  qui  eft  relative  à  la  Portion  congrue  y 
eft  contraire.  Le  parlement  d>e  Flandres  meiric  a 
adopté  la  première  par  deux  arrêts  ,  dont  l'un  eft 
cité  comme  récent  dans  une  cnnfuitation  de  M. 
"Waymel  du  Parc  ,  fur  laquelle  eft  intervenu  l'arrêt 
du  5  avril  1721,  rapporté  ci-deflus  ;  l'autre  fe 
trouve  dans  Deghcwiet,  fous  la  date  du  27  juillet 
1726.  On  fcnt  la  raifon  de  cette  diflerence  entre  la 
charge  des  réparations  de  l'églife,  &  l'obligation 
de  fournir  au  curé  les  alimens  5c  1  habitation  dont 
il  a  befoin.  »  L'églife,  dit  M.  Waymel  du  Parc,  n'eft 
»  pas  plutôt  à  la  charge  des  dixmes  du  curé  primi- 
»  tif ,  que  des  autres  diurnes;  au  lieu  que  la  Por- 
»  tion  congrue  &  maifon  paftorale  font  à  la  charge 
»  du  tiers  des  dixmes  abandonné  au  curé  prim.tif 
»  pour  fournir  à  la  fubfiftance  du  curé;  &  voilà 
»  pourquoi  elle  doit  être  évacuée  avant  les  autres  , 
»  au  lieu  que  le  tiers  des  dixmes  n'a  point  été  abati- 
»  donné  pour  la  réparation  de  l'églife,  à  laquelle 
»  toutes  les  dixmes  font  également  foum'ifes  ». 

Voye^  Vanefpen  ,  partie  2,  titre  34,  chapitre  ^^-^ 
la  confultation  de  AI.  IFaymel  du  Parc  ,  &  les  arti- 
cles Dixme,  Décimateur,  &c.  (  Cette  addition 
efl  de  M.  AÎERLIN  ,  avocat  au  parlement  de  Flan- 
dres ). 

PORTION  VIRILE.  On  appelle  Portion  virile', 
celle  qu'un  héritier  a  dans  la  fucceflîon  ,  foit  ab 
intefîitt ,  ou  teftamentaire,  &  qui  eft  égale  à  celle 
des  autres  héritiers. 

On  l'appelle  virile ,  à  caufe  de  régalité  qui  eft 
entre  cette  portion  &  celle  des  autres  héritiers. 

On  entend  quelquefois  fingulièrement  par  Por- 
tiorj  virile  ,  celle  que  le  père  &  la  mère  prennent  en 
propriété  dans  la  fuccelîlon  d'un  de  leurs  «nfans 
auxquels  ils  fuccèdent  avec  leurs  autres  enfans , 
frères  &  fœurs  du  défunt.  Il  y  a  encore  une  autre 
forte  de  Portion  virile  ,  qui  eft  celle  que  le  conjoint 
furvivant  gagne  en  propriété  dans  les  gains  nup- 
tiaux, quand  même  il  demeure  en  viduité;  mais 
pour  diftinguer  celle-ci  des  autres  ,  on  l'appelle  or- 


(i)  Le  baillùije  dn  Quefnoi  refTortifToir  alors  an  pa-Iement 
dt  Metî.  Voyez.  Iss  articles  DoUAi  ôc  PA4Ks  du  Hainaut. 


POSSESSION. 

dlnairement  virile  funplement  ,  &  celle  des  héri- 
tiers ,  qi;i  eu  égale  entr'eux  ,  Portion  viri  c. 

Voyez  ViRîLP. 

POSSESSION.  Jouiflance  d'un  héritage  ,  d'une 
charge  ,  Sc  de  tout  ce  qui  eft  regardé  comme  un 
bien. 

De  h  nature  d^  la  Pojfijp.on. 

Comme  ce  n'ed  que  par  la  Poffefflon  qu'on  a 
les  chofcs  fous  fa  puiffance  ,  qu'on  en  ufe  &  qu'on 
-en  jouit,  on  emploie  aflez  fréquemment  le  mot 
Vojfejfion,  pour  fignifier  lapropriété  ;  &  cependant 
ces  cliofes  font  fort  différentes  ,  puifqu'on  peut 
avoir  l'une  fans  l'autre.  Par  exemple  ,  fi  Pierre 
vend  à  Paul  votre  maifon  &  la  lui  délivre  ,  Paul , 
acquéreur  de  bonne  foi ,  en  a  la  Poffeffion  ,  mais 
vous  en  confervcz  la  propriété  ,  iufqu'à  ce  que  la 
prefcription  l'ait  attribuée  à  Paul. 

11  ne  faut  donc  point  confondre  la  PoflefTion  avec 
la  propriété.  Mais  quoiqu'il  paroifl'e  par  la  diftinc- 
tion  qu'on  vient  de  faire  ,  que  la  Poffeffion  ne  foit 
autre  chofe  que  la  jouilTance  de  ce  qu'on  a  fous  fa 
puifTance,  foit  qu'on  en  ait  la  propriété  ou  qu'on 
ne  l'ait  pas  ,  il  ne  faut  pas  prendre  pour  une  vérita- 
ble PolTeffion  toute  forte  de  jouiffance  :  on  ne  peut 
ainfi  confidérer  que  la  jouiffance  de  la  perfonne  qui 
tient  une  chofe  à  titre  de  maître  ,  foit  qu'elle  pof- 
ihde  par  elle-même  ou  par  d'autres  ,  tels  qu'un  dé- 
pofiraire  ,  un  locataire  ,  un  fermier. 

Puifque  ce  n'eft  que  par  la  Polltfllon  qu'on  peut 
exercer  le  droit  de  propriété,  il  fout  en  conclure  , 
que  la  Pofléffion  eft  naturellement  liée  à  la  pro- 
priété, &  n'en  doit  pas  être  féparée.  AinfiJa  Pof- 
'feffion  renferme  un  droit  &.  un  fait  ;  le  droit  de 
jouir  attaché  au  droit  de  propriété,  Sx.  le  fait  de  la 
jouilTance  effeé^ive  de  la  chofe  ,  foit  qu'elle  fe 
trouve  dans  la  main  du  maître  ou  qu'un  autre  la 
tienne  pour  lui. 

Comme  il  n'eft  pas  poffible  que  de  deux  particu- 
liers qui  conteftent  l'un  à  l'autre  la  propriété  d'iine 
ïTiême  chofe  ,  chacun  ait  feul  le  droit  de  propriété  , 
il  ne  peut  pas  fe  faire  non  plus  que  de  deux  indi- 
vidus qui  fe  conteftent  la  PoiFeltion  d'une  même 
chofe,  chacun  ait  feul  cette  Poflcffion.  Ainfî  n'y 
en  ayant  qu'un  qui  foit  le  véritable  maître  ,  il  n'y  a 
pareillement  qu'un  vrai  pofTeHeur  :  d'où  il  fuit,  que 
fi  celui  qui  poffède  eft  un  autre  que  le  maître  ,  fa 
PofleflTion  n'eli  plus  qu'une  ufurpation. 

On  peut  poffjder  des  chofes  corporelles  ,  foit 
meubles  ou  immeubles  ;  mais  félon  que  la  nature 
de  ces  chofes  varie,  les  marques  de  la  Poileffion 
en  font  différentes.  Ainfi  on  peut  pofféder  des  meu- 
bles ,  en  les  tenant  fous  la  clef,  ou  autrement  dans 
fa  difpofition  :  on  poffède  des  animaux  ,  en  les  ren- 
fermant ouïes  faifant  garder:  on  poffède  une  mni- 
fon ,  quand  on  en  a  les  cUfs  ,  ou  qu'on  1  habite ,  ou 
qu'on  la  loue  ,  ou  qu'on  y  fait  bâtir  :  on  poffède  des 
champs  ,  des  prés  ,  en  les  cultivant  &  en  recueillant 
ce  qu'ils  produifent. 

Il  j  aauffi  une  Poffeffion  particulière  des  chofes 


POSSESSION.  2G-1 

qui  ne  confillent  qu'en  des  droits,  te's  qu'un  dio'^ 
de  juflice  ,  de  banalité,  de  péage,  &c.  On  poffède 
ces  fortes  de  biens ,  en  exerçant  fon  droit  dans  loc- 
cafion.  On  poffède  de  même  une  fcrvitudc  par  l'u- 
fage  qu'on  en  fait  ,  quoiqu'on  ne  poffède  pas  le 
fonds  fur  lequel  elle  eft  due.  Par  exemple  ,  celui 
qui  a  droit  de  paffer  au  travers  de  l'iiéntage  de  (on. 
voifiii  ,  poffède  cette  fervitude  en  paffaut  par  cet 
héritage  qu'il  ne  poffède  point. 

Les  jurifconlukes  romains  avoient  élevé  fur  la 
nature  de  la  Poffeffion  ,  la  queftion  de  favoir  fideux 
perfonnes  pouvoient  quel:;uefois  avoir  chacnne 
pour  le  total  la  Poffeffion  d'tme  même  chofe.  On 
convenoit  qu'il  étoit  contraire  à  la  nature  des  cho- 
fes ,  que  deux  perfonnes  euffent  chacune  pour  le 
total  une  tell-e  Poffeffion  (i). 

Mais  les  Sabuiiens  difoient  que  cette  règle  ad- 
niettoit  une  à'iûin&ion  :  ils  convenoient  bien  que 
diux  perfonnes  ne  pouvoient  avoir  chacune  pour 
le  total  la  même  efpéce  de  Poffeffion  d'une  même 
chofe  (2)  ,  mais  ils  croyoient  qu'une  perfonne  pou- 
voit  paroître  avoir  pour  le  total  la  jiiffe  Poffeffion 
d'une  même  chofe,  en  même-temps  que  celui  qui 
l'en  avoir  dépouillé  avoit  pour  le  total  la  Pofltnioii 
injufte  do  cette  même  chofe;  ils  croyoient  pareil- 
lement que  celui  qui  avoit  donné  à  quelqu'un,  à 
titre  de  précaire,  la  Poffeffion  civile  de  la  chofe  , 
pouvoir  paroître  avoir  pour  le  total  la  Poffeffion  ci- 
vile de  cette  chofe,  en  même  temps  que  celui  qui 
l'avoit  reçue  en  avoit  pour  le  total  la  Poffeffion  pré- 
caire. 

Les  Proculéiens  avoient  une  opinion  plus  con- 
forme à  la  nature  des  chofes  ;  ils  penfoient  que  la 
règle  fuivant  laquelle  deux  perfonnes  ne  peuvent 
avoir  chacune  pour  le  total  la  Poffeffion  d'une  même 
chofe  ,  n'admettoit  aucune  diCHnéîion  ,  &  que  pen- 
dant la  durée  de  l'ufurpation  de  la  chofe  ,  la  per- 
fonne dépouillée  ne  pouvoir  en  conferver  aucune 
Poffeffion:  les  mêmes  jurifconfultcs  penfoient  que 
celui  qui  avoit  donné  à  quelqu'un  ,  à  titre  de  pré- 
caire ,  la  Poffeffion  d'une  chofe  ,  n'en  confervoit 
aucune  Poffeffion  pendant  que  duroit  la  Poffeffion 
précaire  de  celui  auquel  il  l'avoit  donnée  à  ce  titre. 

L'opinion  des  Proculéiens  a  prévalu. 

Obfcrvez  que  (juoique  deux  perfonnes  ne  puif- 
fent  p?.s  pofféder  chacune  féparément  pour  le  total 
m\Q  même  chofe  ,  il  eft  néanmoins  vrai  axxc  fi  elles 
poffèdenten  commun  une  chofe  indivifîble  ,  elles 
la  poifèdent  conjointement  chacune  pour  le  total  : 
en  effet ,  on  ne  peut  pas  pofféder  pour  partie  une 
chofe  qu'on  ne  fauroit  divifer.  C'eft  ce  qu'un 
exemple  rendra  fenfible. 

(l  l'Iiires  eaaideni  rcjn  in  lolidum  poiliJjre  iioii  polT.nc  : 
conta  naturam  quippe  eit  ut  eu  m  ego  aliquid  tei  eam  ,  tu 
quoque  iJ  polfideie  videaris.  Lej.  3  .  ^arag,  j  ,  D.  dt  accui-', 
nn  i.  pojfejjion. 

(1)  Dico  in  fcliiUm  precario  non  magis  poflunt ,  tjuàm 
dao  in  foliduni  vi  poffi.lere  aut  cl.im  ;  nam  neqiie  jul  a:  , 
ne'jRe  injultï  PçiTcffiçnes  dux  cçncurtere  pofl'urit.  Leg.  1^  , 
D.  di  prtc&r- 

Ccij 


i04  POSSESSION. 

Deux  particuliers  ont  en  commun  la  jouiflTance 
d'une  maifon  à  laquelle  eft  attaché  un  droit  de  fer- 
vitude  fur  la  maifon  voifine  :  or,  comme  ce  droit 
eft  une  chofe  indivifible  ,  chacun  de  ces  particu- 
liers le  pollède  pour  le  total  ,  non  Téparément , 
mais  en  commun. 

Des  diffirtntes  fortes  de  PoJfeJJlon, 

On  diflingue  deux  principales  fortes  de  Poffef- 
fion  ;  favoir  ,  la  Pofleffion  civile  &  la  PoflelTion  na- 
turelle. 

La  Pofleflion  civile  eft  la  PcfTeflion  de  celui  qui 

fiofîede  une  chofe  comme  propriétaire  ,  foit  qu'il 
e  foit  en  effet,  ou  qu'il  ait  un  jufte  fujet  de  croire 
qu'il  l'eft  réellement. 

La  PofTefîion  civile  doit  procéder  d'un  jufte  titre  , 
c'eft-à-dire  ,  d'un  titre  tel  qu'il  pulfTe  transférer  la 
propriété  de  la  chofe  au  pofTeffeur.  Tels  font  un 
tontrat  de  vente  ,  un  legs  ,  un  échange  ,  &c. 

Remarquez  à  ce  fujet  que  la  Poffcflion  n'eA  cen- 
fée  jufte  Pofieffion  ,  qu'autant  que  la  tradition  de  la 
chofe  énoncée  dans  le  titre  nous  a  été  faite.  C'efl 
pourquoi  fi  un  teflateur  vous  lègue  un  bien  quel- 
conque ,  &  que  vous  vous  en  empariez  de  votre 
autorité  privée  fans  le  confentement  de  l'héritier  , 
votre  PofTeflîon  fera  injiifte  :  mais  il  en  feroit  dif- 
féremment f] ,  fur  le  refus  de  l'héritier  ,  vous  aviez 
été  mis  par  le  juge  en  Pofleflion  de  la  chofe  lé- 
guée ;  votre  Pofîeflion  feroit  une  jufle  Pofleffion. 
Juftc  pojfidei  qui  auElorepralore  pojjidet. 

Pour  que  la  Po/Tenion  foit  cenfée  procéder  d'un 
jufte  titre  ,  &  être  par  conféquent  Poflenîon  civile  , 
il  eft  néceflaire  que  le  poflefleur  jouifie  de  ce  titre  , 
ou  au'on  puiffe  en  fuppofer  l'exiftence  par  la  durée 
de   la  jouifTancc. 

Lorfqu'une  Po^effion  eft  fondée  fur  un  jufte  ti- 
tre ,  c'cft  une  jufte  Pofleffion ,  une  Poflefllion  civile , 
quand  même  la  propriété  de  la  chofe  ne  feroit  pas 
transférée  au  pofleffeur  par  ce  titre  ;  mais  il  faut  , 
dans  ce  cas  ,  que  le  poflefleur  foit  de  bonne  foi , 
c'eft-à-dire  ,  qu'il  ait  ignoré  que  celui  de  qui  il  ac- 
quéroit  la  chofe  n'étoit  pas  en  droit  de  l'aliéner. 

La  bonne  foi  fe  préfume  dans  le  pofleftTeur  qui  a 
un  titre;  c'eft  pourquoi  celui  qui  prétend  qu'une 
Pofleflion  eft  illégitime  ,  comme  fondée  fur  un  titre 
injufte  ,  doit  juftifier  que  le  pofleflTeur  n'a  point 
ignoré  que  la  perfonne  de  laquelle  il  a  acquis  n'a- 
voit  pas  la  propriété  de  la  chofe  aliénée. 

La  Pofleffion  naturelle  fe  divifc  en  plufieurs  ef- 
pèces  : 

La  première  eft  celle  qui  eft  fans  titre ,  &  que  le 
pofl'tfleur  ne  juftifie  qu'en  difant  qu'il  poflede  parce 
qu'il  poflfède.  Lorfqu'une  telle  Poflefllion  ne  paroît 
jnfe£lée d'aucun  vice,  &  qu'elle  a  duré  aflcz  long- 
temps pour  faire  préfumer  un  titre ,  on  doit  la  con- 
sidérer comme  pofl^eflTion  civile  ,  &  non  comme 
PofltflTion  purement  naturelle. 

La  féconde  efpécc  de  Pofl^efllon  naturelle  eft 
celle  qui ,  quoique  fondée  fur  un  titre  de  nature  à 
transférer  la  propriété,  eft  néanmoins  iHfc(3ce  de 


POSSESSION. 

mauvaîfe  foi ,  en  ce  que  le  pofl!efleur  n'a  point 
ignoré  que  celui  dont  il  acquéroit  la  chofe  n'avoit 
pas  le  droit  de  l'aliéner. 

Latroifiéme  efpèce  de  Pofl!eflion  naturelle,  eft 
celle  qui  eft  fondée  fur  un  titre  nul  :  tel  feroit  le 
don  qu'un  conjoint  feroit  à  l'autre  conjoint ,  durant 
le  mariage  ,  contre  la  difpofition  de  la  loi. 

La  quatrième  efpèce  de  PofTeflîon  naturelle  eft 
celle  qui  eft  fondée  fur  un  titre  valable,  mais  fans 
qu'il  foit  de  nature  à  transférer  la  propriété.  Telle 
eft  la  Poflfeffion  d'un  engagifte  ,  celle  d'un  ufufrui- 
tier  ,  celle  d'un  fequeftre ,  &  celle  de  celui  qui  jouit 
à  titre  de  précaire. 

Il  y  a  cette  difl"érence  entre  la  première  efpèce 
de  Pofl^efl!îon  naturelle  &  les  trois  autres ,  qu'elle 
n'eft  cenfée  Pofl"eflion  purement  naturelle  ,  que 
quand  elle  n'a  pas  duré  aiTez  de  temps  pour  faire 
préfumer  un  titre  ;  autrement  elle  eft  réputée  fon- 
dée fur  un  titre  valable  ,  &  en  conféqucnce  on  la 
confidère  comme  Pofleflion  civile. 

Mais  les  trois  autres  efpéces  de  Pofl*eflîon  natu- 
relle ne  peuvent  jamais  être  réputées  PofleflTion 
civile ,  parce  que  la  mauvaife  foi  dont  l'une  eft 
infedée  ,  de  même  que  la  nullité  ou  la  qualité  du 
titre  fur  lequel  les  deux  autres  font  fondées  ,  font 
des  obftacles  perpétuels  à  ce  que  lepofleflfeur  puifl'e 
fe  regarder  comme  propriétaire  :  c'eft  delà  qu'eft 
venue  la  maxime  ,  quil  vaut  mieux  ne  point  avoir  de 
titre  ,  q^ue  d'en  avoir  un  qui  fait  vicieux. 

Des  differens  vices  dis  PojfeJJîons, 

Le  vice  le  plus  commun  d'une  Poflefllion  eft  la 
mauvaife  foi ,  qui  confifte  en  ce  que  le  pollcflleur 
eft  inftruit  que  la  chofe  qu'il  pofll^ède  appartient  à 
autrui. 

Quoiqu'on  ne  préfume  pas  ce  vice  dans  une 
Poflfeirion  qui  procède  d'un  jufte  titre,  il  peut  néan- 
moins s'y  rencontrer;  mais  il  faut  que  celui  qui 
attaque  la  légitimité  d'une  telle  Pofieiîion ,  prouve 
la  mauvaife  foi  du  poflefl'eur. 

On  préfume ,  au  contraire ,  cette  mauvaife  foi 
dans  le  poflefleur  qui  ne  fonde  fa  pofleflion  fur  au- 
cun titre  ,  à  moins  toutefois  qu'elle  n'ait  duré  afl"ez 
long- temps  pour  en  faire  préfumer  un. 

La  violence  eft  un  autre  vice  des  Pofieflions. 
Elle  confifte  en  ce  que  pour  acquétir  la  Poflef- 
fion, on  a  dépouillé  par  violence  l'ancien  pof- 
fefl^eur,  foit  en  raviflant  un  meuble  dont  il  avoir 
la  jouiffance  ,  foit  en  s'emparant  de  l'héritage  qu'il 
pofl"édoit. 

Peut-on  confidérer  comme  une  PoflTeflTion  vio- 
lente celle  que  Pierre  a  acqiiife  en  s'introduifant 
dans  l'héritage  de  Paul ,  où  il  n'a  trouvé  perfonne  , 
&  où  il  a  poftérieurcment  empêché  Paul  de  ren- 
trer avant  qu'il  fe  fût  écoulé  un  an  &  jour  depuis 
le  commencement  de  la  nouvelle  Pofleflion  ?  La 
raifon  de  douter  eft ,  que  Pierre  n'a  employé  au- 
cune violence  pour  entrer  dans  l'héritage  :  cepen- 
dant 11  eft  décidé  par  la  loi  6,  §.  i  ,  D.  de  acquir. 


POSSESSION. 

pojfef.  que  dans  ce  cas  la  Pûllcilion  de  Pierre  eft 
une  FoflefTion  violente. 

Cette  décifion  eft  fondée  fur  ce  que  Paul  qui 
étoit  forti  de  fon  héritage ,  en  confervoit  la  Pof- 
felTion  par  la  volonté  qu'il  avoit  d'y  rentrer  :  ce 
n'eft  par  conféquent  que  quand  Pierre  Ta  em- 
pêché d'y  rentrer  ,  qu'il  l'a  dépouillé  de  fa  Pof- 
feflîon  :  &  comme  Pierre  a  employé  pour  cela  la 
violence  ,  il  faut  en  conclure  que  la  PolTefllon 
qu'il  a  de  l'héritage  de  Paul,  ei\  une  PoffelTion 
violente. 

Un  autre  vice  des  Poffeflîons  eft  la  clandefli- 
nité  ,  qui  confiée  à  acquérir  la  PoiTeffion  d'une 
chofe  par  des  voies  clandeftines  ,  c'eft-à-dire, 
en  fe  cachant  des  perfonnes  qui  peuvent  la  re- 
vendiquer. 

Enfin ,  un  autre  vice  ou  défaut  des  Pofleflîons  , 
cft  celui  qui  dérive  d'un  titre  tel  qu'il  ne  peut  pas 
transférer  la  propriété. 

Le  parlement  de  Paris  a  jugé  récemment,  dans 
l'efpèce  qu'on  va  rapporter,  que  le  valTal  qui  jouit 
fans  titre ,  ne  jouit ,  quelle  que  foit  fa  pofléffion  , 
que  pour  le  feigncur. 

Le  fieur  Toufhin  fait  aflîgner  la  veuve  Rabier 
pardevant  la  juftice  d'Ecrennes ,  pour  être  con- 
damnée à  lui  pafler  reconnoiffance  des  cens  & 
rentes  dus  fur  fes  héritages  ;  à  lui  payer  les  arré- 
rages qui  pouvoient  être  échus ,  8c  à  lui  délaiflcr 
la  propriété  de  fix  arpens  de  terre  qu'elle  poffé- 
doit ,  félon  lui ,  au-delà  de  la  mefurc  déterminée 
par  fes  titres. 

Le  juge  d'Ecrennes  ordonna  l'arpeatage  &  le 
bornage,  fuivant  les  titres  de  la  veuve  Rabier  : 
elle  interjeta  appel.  Sentence  du  châtelet  d'Or- 
léans ,  qui  ordonna  l'arpentage  fuivant  fa  Pofléf- 
fion :  appel  à  la  cour  par  le  fieur  de  Tourtain  : 
un  arrêt  provifoire  confirma  cette  fentence  ,  avec 
dépens. 

Arrêt  définitif,  du  9  juillet  1782  ,  qui  reftreint 
la  propriété  &  jeuilTance  de  la  veuve  Rabier  à  la 
quotité  portée  par  fes  titres;  ordonne  la  réunion 
du  furplus  au  domaine  d'Ecrennes;  la  condamne 
au  payement  des  loyers,  à  ralfon  de  12  liv.  par 
an,  pour  chaque  arpent ,  à  compter  du  jour  de  la 
demande,  ou  fuivant  l'eftimation  .  &  aux  dépens. 

Des  manières  d'acquérir  &  de  confervir  la  PoJJcJfion  , 
&  ccmmeni  elle  fe  perd. 

On  conçoit  que  pour  acquérir  la  PoiTeffion  d'une 
chofe  ,  il  faut  avoir  intention  de  la  polîeder.  C'eft 
pourquoi,  fi  étant  chez  vous ,  j'y  prends  un  bijou 
pour  l'examiner ,  je  n'en  acquiers  pas  la  Poflef- 
iion  ,  quoique  je  le  tienne  dans  mes  mains  ,  attendu 
que  je  n'ai  pas  l'intention  de  le  pofTéder. 

De  même  ,  fi  je  vais  prendre  dans  votre  maifon 
lin  appartement  tandis  que  vous  êtes  abfent,je 
n'en  acquiers  pas  pour  cela  la  Poffeffion  ,  parce 
que  je  n'ai  pas  l'intention  de  l'acquérir.  C'eft  ce 
qui  eft  établi  par  la  loi  41  ,  D.  de  acquir.  Pojfejf. 

Mais  il  ne  fuifit  pas  d'avoir  l'intention  de  pof- 


POSSESSION.  10) 

féder  une  chofe ,  pour  en  acquérir  la  VoffcSion  , 
il  faut  encore  la  jouiffance  même  de  la  chofe  ; 
c'eft  à-dire ,  que  s'il  s'agit  d'un  meuble ,  il  faut 
qu'il  vous  foit  remis  en  main ,  ou  que  quelqu'un 
le  reçoive  de  votre  part  en  votre  nom  ;  &i  s'il  s'a- 
git d'un  immeuble ,  tel  qu'un  pré  ,  un  champ  ,  une 
maifon  ,  il  faut  que  vous  vous  y  tranfportiez  pour 
en  prendre  Poffeftlon  ,  ou  que  vous  y  envoyiez 
quelqu'un  pour  la  prendre  de  votre  part.  Au  fur- 
plus,  vous  êtes  cenfé  avoir  acquis  la  Poft^eflîon  de 
tout  le  fonds ,  auffi-tôt  que  vous  vous  y  êtes  tranf- 
porté,  ou  que  quelqu'un  s'y  eft  tranfporté  pour 
vous,  fans  que  vous  ou  votre  repréfentantayiezété 
obligé  de  vous  tranfporter  fur  toutes  les  pièces  de 
terre  dont  l'héritage  eft  compofé  (i). 

Obfervez  toutefois  que  cette  règle-ci  n'a  lieu  qu':^ 
l'égard  de  celui  qui  acquiert  la  Poflefllon  d'un  hé- 
ritage, avec  le  confentement  de  l'ancien  poffef- 
feur  :  il  en  feroit  différemment  d'un  ufurpateur 
qui ,  de  fon  autorité  privée  ,  s'emparcroit  d'un  hé- 
ritage ;  il  ne  pourroit  acquérir  la  Poffeflion  que 
pied  à  pied  ,  des  parties  de  cet  héritage  qu'il  ufur- 
peroir. 

Les  gens  dont  la  raifon  eft  aliénée  ou  n'eft  pas 
formée,  tels  que  les  fous  &  les  enfans,  n«  peu- 
vent acquérir  la  Pofteftion  d'aucune  chofe ,  atten- 
du qu'il  faut  pour  cela  la  volonté  de  l'acquérir , 
&  que  ces  fortes  de  gens  font  incapables  de  vo- 
lonté. C'eft  ce  qui  eft  établi  par  la  loi  i  ,  §.  3  ,  de 
actjuir.  Pojfef. 

Mais  ces  mêmes  gens  peuvent  acquérir  la  Pof- 
feflion par  le  miniftère  de  leurs  tuteurs  ou  cura- 
teurs ,  parce  que  la  volonté  d'acquérir  qu'ont 
ceux-ci ,  fupplée  à  la  volonté  qui  manque  à  ceux-là. 

Ce  que  nous  venons  de  dire  des  entans ,  ne  doit 
pas  s'appliquer  au  mineur  qui  eft  âgé  fufSfammcnt 
pour  comprendre  ce  qu'il  fait.  Celui-ci  n'a  pas  be- 
foin  de  l'autorité  de  fon  tuteur  pour  faire  fa  condi- 
tion meilleure  :  c'eft  pourquoi  il  peut  valable- 
ment accepter  par  lui-même  une  donation  ,  &  ac- 
quérir ,  par  la  tradition  qui  lui  eft  faite  de  la  chofe 
donnée  ,  la  Pofleflion  &  même  la  propriété  de 
cette  chofe. 

Tout  ainfi  que  vous  pouvez  acquérir  la  Pof- 
feftion  d'une  chofe  non-feulement  par  vous-mê- 
me ,  mais  encore  par  quelqu'un  qui  la  reçoive 
pour  vous  &  en  votre  nom  ;  vous  pouvez  pareil- 
lement conferver  cette  PolTeflion  par  vous-même 
&  par  autrui. 

Ceci  n'empêche  pas  qu'il  n'y  ait  deux  différences 
principales  entre  l'acquifition  &  la  confervation  de 
la  Poffeflion. 

Premièrement ,  nous  avons  obfervé  que  pour  ac- 


(l)  Quod  dicimui&rcorpore  &  animo  acquirerc  nos  debere 
Polîefllonera  ,  non  utique  ita  accipendum  eft ,  ut  qui  fur  lum 
poiïîdere  velit  ,  omnes  g'.ebas  circumambulet  ;  fed  futf.cic 
qii.imlibet  partem  ejus  fundi  imioiie  ,  dum  mente  &  comm- 
uent hïc  lit,  ut  totum  fui\duni  ulnue  ad  tcrniinum  velit pof- 


10(5  POSSESSION. 

quérir  la  Po/TefTion  d'une  chofe ,  il  falloit ,  avec 
l'intention  de  l'acquérir ,  la  jouilfance  même  ou  la 
tradition  de  la  chofe.  Mais  H  en  ell  autrement  de 
la  conlervation  de  la  Pofiefiîori.  La  feule  intention 
de  po/Téder  futTit  pour  vous  taire  conterver  la  Pof- 
feflion  ,  quoique  vous  n'ayiez  pas  la  jouiflance  de 
la  chofe.  C'eft  ce  qui  eli  établi  par  la  loi  4  ,  cod.  de 
acquir.  Poffcf.  (i).     -  _  . 

L'intention  de  conferverla  Poireffion  fe  préfume 
toujours  ,  à  moins  qu'il  ne  pr.roifîe  une  intention 
contraire  bien  caraâêrifèe.  C'eft  pourquoi  ,  "fi  vous, 
lailfez  votre  maifon  fa^.s  1  habiter  ni  la  faire  habiter,! 
on  ne  fuppofe  pas  pour  cela  que  votre  intention; 
foit  d'en  abandonner  la  Podeffion  :  on  préfume  au' 
contraire  que  vous  voulez  la  conferver.  11  fufFir 
pour  cela  que  la  volonté  que  vous  avez  eue  de) 
poiféder ,  lorfque  vous  avez  acquis  la  Poffclhon  , 
n'ait  pas  été  révoquée  par  une  volonté  contraire. 

Secondement ,  pour  pouvoir  acquérir  la  Poilef- 
fion  d'une  chofe  par  autrui  ,  il  eft  nécellairc  que 
l'intention  de  celui  par  qui  vous  acquérez  foit  con- 
forme à  la  votre  :  mais  pour  retenir  la  PoO'eiTion 
d'une  chofe  que  vous  avez  acquife  par  quelqu'im, 
il  eft  néceffaire  qu'il  conferve  1  intention  qu'il  lui 
a   fallu  pour  acquérir. 

11  fuit  delà  ,  que  fi  celui  qui  a  acquis  la  Pof 
feflion  d'une  chofe  pour  vous,  venolt  à  changer 
de  volonté  &  youloit  pofteder  en  fon  nom ,  il  n  en 
feroit  pas  moins  cenfé  pofteder  pour  vous.  Cela 
eft  fondé  fur  cet  ancien  principe  de  droit,  qu'on 
ne  peut  par  fa  feule  volonté ,  ni  par  le  feul  laps  de 
temps ,  fe  changer  à  foi-même  la  caufe  de  fa  Pof- 
feffion  (2). 

Si  la  perfonne  par  qui  vous  pofl"édez  une  chofe 
vient  à  mourir,  &  que  cette  chofe  foit  fous  la 
main  de  fon  héritier,  vous  continuez  votre  Pof- 
feftion  par  cet  héritier.  Par  exemple  :  fi  votre  lo- 
cataire meurt ,  vous  continuez  de  pofféder ,  par 
fon  héritier,  la  maifon  que  vous  poftcdiez  par  le 
défunt. 

Ce  n'eft  pas  aftez  pour  perdre  la  Pofl"effion  d'une 
chofe  ,  que  vous  cefi"iez  d'en  avoir  la  jouiftance  , 
il  faut  encore  que  vous  ayiez  eu  l'intention  d'aban- 
donner cette  Pofleiîîon  ,  ou  qu'on  vous  en  ait  privé 
malgré  vous. 

vous  pouvez  perdre  volontairement  la  Poftcf- 
fion  d'une  chofe ,  lorfque  vous  faites  la  tradition 
de  cette  chofe  à  quelqu'un  ,  dans  le  deffcin  de  lui 
en  transférer  la  Pofl'elTion  ,  ou  que  vous  abaïadon- 
nez  cette  chofe  purement  &  ftmpîement. 

La  PoftTeftîon  fe  perd  non  feulement  par  une  tra- 
dition réelle  de  la  chofe  ,  mais  encore  par  une  tra- 
dition feinte.  Ainfi,  lorfque  vous  vendez  une  mai- 
fon à  quelqu'un  qui  vous  la  loue  par  le  mîinQ  adle , 


f  i)  Licet  PoffefTio  nudo  animo  ,  porte  cent  hi  ,  acqiiiii  non 
poffic,  tamenfolo  aniino  letineri  po.eft. 

(2)  TlJud  à  veteribus  prïcepcum  cfl  ,  nemincm  fibi  ipfuin 
caiiùra  Poflreffionis  mu^aie  pQlTç.  L.  ^,  ^fra^,  j^^  V.  de 
scquir.  Pit^eff, 


POSSESSION. 

la  tradition  feinte  que  renferme  le  bail,  lui  en  fait 
acquérir  la  Pollciiion  par  vous-même,  qui  recon- 
noifl"ez  tenir  cette  maiion  en  fon  nom  8c  comme 
fon  locataire  ,  &  vous  perdez  en  même-temps  la 
Poft!eflîon  que  vous  en  aviez. 

Si  la  tradition  n'a  eu  lieu  que  fous  condition,' 
on  ne  perd  laPoftTeftion  que  quand  la  condition  eft 
accomplie. 

La  Poffefîîon  fe  perd  aufli  par  l'abandon  pur  & 
fimp.c  de  la  chofe  poft^edée.  Tel  eft,  par  exem- 
ple ,  l'abandon  qu'on  fait  d'un  mauvais  chapeau  , 
dune  bouteille  caflee  ,  &c.  qu'on  jette  dans  la 
rue  ,  comme  chofes  inutiles  ,  &  qu'on  ne  veut  pins 
poft'éder. 

On  fait  pareillement  l'abandon  pur  &  fimple  de 
la  Pofleflîon  d'un  héritage,. lorfqu'on  renonce  à  U 
jouiftance  de  cet  héritage. 

Le  déguerpiffement  que  vous  faites  d'un  immeu- 
ble chargé  d'une  rente  foncière,  pour  être  à  l'ave- 
nir dichargé  de  cette  rente ,  doit  être  coniidcré 
comme  un  abandon  pur  &  fimple  que  vous  faites 
de  la  Pofteffion  de  cet  immeuble.  Votre  projet ,  en 
déguerpifiant  cet  imm.euble,  eft  d'en  perdre  la  Pol- 
fcffion  ,  pour  être  difpenfé  des  charges  attachées  à 
cette  Poffeffion. 

On  perd  malgré  foi  la  Poft'efTion  d'un  héritage , 
lorfqu'on  en  eft  chaflc  par  quelqu'un. 

Vous  êtes  cenfé  dépoftedé,  &  vous  perdez  la 
Pofl"cffion  d'un  héritage,  non-feulement  lorfqu'on 
vous  en  chaft^e  vous-même  ,  mais  encore  lorfqu'on 
,en  chaft"e  votre  fermier  ou  les  autres  perfonnes  qui 
tiennent  l'héritage  pour  vous  &  en  votre  nom. 

Vous  êtes  pareillement  c^^nfé  chaffè  de  votre  hé- 
ritage ,  lorfque  celui  qui  s'en  eft  emparé  pendant 
votre  abfencc  ,  empêche  ,  ou  eft  difpofé  d'empêcher 
par  force  que  vous  n'y  rentriez. 

Vous  perdez  auftî  laPolTeflion  d'un  héritage  mal- 
gré vous,  lorfque  vous  l'avez  laitTé  ufurpsr  par. 
quelqu'un  qui  l'a  gardé  pendant  ui^an  &  jour ,  fans 
que  de  votre  part  vous  ayiez  interrompit  fa  jouif- 
fance  par  aucun  a£îe  de  Pofteftîon. 

V^ous  perdez  encore  malgré  vous  la  poft"cftîon 
d'un  héritage  ,  lorfqu'il  vient  à  être  fubmcrgé  par  la 
mer  ou  par  une  rivière  :  mais  il  en  eft  autrement 
d'une  inondation  paftagère  ;  vous  confervez  votre 
PolTeftTion  ,  en  attendant  que  les  eaux  fe  foie^nt 
retirées. 

Vous  perdez  malgré  vous  la  Pofteffion  des  chofes 
mobilières,  lorfqu'ellcs  ceftent  d'être  dans  un  lieu 
où  vous  puiflîezen  jouir  félon  votre  volonté.  Ainfi , 
lorfqu'on  vous  prend  votre  tabatière  ,  ou  qu'elle 
tombe  de  votre  poche  dans  la  rue,  fans  que  vous 
vous  en  apperceviez  ,  vous  êtes  cenfé  en  avoir 
perdu  la  PofTefl^ion. 

11  en  eft  de  même  à  l'égard  d'un  cheval  qui  vous 
appartient,  &  qui  vient  à  prendre  la  fuite  fans  que 
vous  fâchiez  c<*i.il  eft  allé. 

Obfervez  qu'il  ne  faut  pas  confondre  avec  les 
chofes  perdues ,  celles  qui ,  n'étant  pas  forties  de 
chez  votis  >  y  font  feulement  égarées;  vous  confer-. 


<€» 


POSSESSION. 

vcz  fans  difficulté  la  Poffeflîon  de  celles-ci. 
Des  droits  qui  dérivent  de  U  Pojjejfion, 

La  Poffe.Tion  donne  au  poneflcur  différens  droits , 
dont  les  uns  font  particuliers  aux  poiTelTcurs  de 
bonne  foi ,  &  les  autres  font  communs  à  tous  l«;s 
poffciTeurs. 

Les  droits  qui  font  particuliers  aux  po/TeHeurs  de 
bonne  foi,  font  premièrement,  le  droit  deprefcrip- 
tion  ,  c'ell  à-dire,  d'acquérir  par  la  Pofleffion  la 
propriété  de  la  chofe  poiLdée,  lorfque  cette  Pof- 
fefTion  a  eu  lieu  pendant  un  certain  temps  fixé  par 
la  loi. 

Secondement ,  le  polTefleur  de  bonne  foi  perçoit 
à  fon  profit  les  fruits  de  la  chofe,  juiqu'à  ce  quelle 
foit  revendiquée  parle  proprictaire. 

Mais  auili  il  t  qu'il  y  a  une  demande  formée  contre 
le  polfefîeur  de  bonne  foi,  par  lui  exploit,  en  tête 
duquel  on  lui  donne  copie  des  titras  de  propriété 
du  demandeur  ,  ilceiTe  d'être  réputé  polTciTeur  de 
bonne  foi  ;  c'sft  pourquoi  il  doit  être  condamné  à 
la  reftitutlondiS  fruits  qu'il  peut  avoir  perçus  depuis 
la  demande. 

Troifiémcment ,  le  poiTeiTeur  de  bonne  foi  qui  a 
perdu  la  PoiTelfion  de  la  chofe,  eft  fondé,  quoiqu'il 
n'en  foit  pas  le  propriétaire,  à  la  revendiquer  contre 
celui  qui  la  pofséde  fans  titre. 

L'aàion  que  peut ,  en  cas  pareil ,  exercer  le  pof- 
fefieur  de  bonne  foi,  eft  fondée  fur  l'équité,  qui 
veut  qu'on  le  préfère  à  l'ufurpateur  qui  s'eft  mis 
injuftement  en  poflelTion. 

Il  n'eft  pas  abfolument  néceflalre  que  le  titre  en 
vertu  duquel  vous  pofledez,  feit  un  titre  valable, 
pour  que  vous  foyiez  réputé  avoir  été  ju^le  pofTef- 
feur,&.  qu'en  conféquence  vous  foyiez  autorifé  à 
exercer  l'aflion  en  revendication  ;  il  fuffit  pour  cela 
que  vous  ayiez  eu  quelque  lujet  de  croire  ce  titre 
valable.  Par  exemple  :  vous  avez  acheté  un  héritage 
d'une  femme  que  vous  croyiez  veuve ,  &  qui  ne 
rétoit  pas;  quoique  la  vente  qu'elle  vous  a  faite  feit 
nulle ,  vous  ne  laiffez  pas  d'être  réputé  jufle  poffef- 
feur,  &  d'être  en  droit  d'exercer  l'aflion  en  reven- 
dication contre  l'ufurpateur  qui  vous  a  dépouillé. 
.  Ce  n'ell  commuiiément  que  contre  ceux  qui  pof- 
fèdent  fans  titre,  que  l'ancien  po.Teffeur  de  bonne 
foi ,  qui  n'efl  point  encore  propriétaire,  peut  re- 
vendiquer la  chofe  dont  il  a  perdu  la  Pofleiîîon  : 
cette  revendication  ne  pourroit  pas  avoir  lieu  con- 
tre le  véritable  propriétaire  ,  ni  même  contre  un  pof- 
felTeur,  qui ,  fans  être  propriétaire,  pofféderoir  en 
vertu  d'un  juue  titre  La  raifon  en  efl ,  que  les  deux 
parties  étant  alors  d'égale  condition,  la  préférence 
eft  due  au  poiTeffeur  aèiuel. 

Il  y  a  cependant  des  cas  où  l'ancien  poflefTcur 
de  bonne  foi  eft  fondé  à  revendiquer  la  chofe  dont 
il  a  perdu  la  PoiTeflion,  même  contre  le  propriétaire 
qui  la  tient,  &  à. plus  forte  raifon  contre  un  autre 
portelTeur  de  bonne  foi. 

Le  premier  cas  a  lieu  lorfque  le  propriétaire  qui 
tient  la  chofe  dont  vous  ave2:  perdu  la  PoUelTion  , 


POSSESSION.  107 

a  confenti  à  la  vente  qu'on  vous  en  a  faite,  comme 
dans  l'efpècc  fuivante  : 

Un  agent  vend ,  du  confentement  du  propriétaire, 
une  chofe  dont  enfuite  le  même  propriétaire  défend 
de  faire  la  tradition  à  l'acheteur  :  il  efl:  certain  que 
cette  tradition  étant  faite  contre  la  volonté  du  pro- 
priétaire, ne  tranfmet  pas  la  propriété  à  l'acheteur: 
cependant  comme  lequité  ne  permet  pas  que  le 
propriétaire  contrevienne  au  confentement  qu'il 
a  donné  à  la  vente,  non  feulement  il  ne  peut  pas 
être  admis  à  revendiquer  la  chofe  contre  l'acheteur, 
mais  encore  fi  celui-ci  vient  à  perdre  la  Po^Tenion 
de  cette  chofe,  &  qu'elle  fe  troiive  entre  les  mains 
du  propriétaire,  il  peut  la  revendiquer  contre  ce 
dernier  par  l'adion  publicienne.  C'eli  ce  qui  réfulte 
de  la  loi  24  ,  D.  de  public.  atl(^i). 

Le  fécond  cas  oii  l'ancien  pofi'effeur  de  bonne  foi 
doit  être  admis  à  revendiquer  la  chofe  même  contre 
le  propriétaire  de  cette  chofe ,  a  lieu  quand  ce  pro- 
priétaire efl,  ou  celui  qui  l'avoir  vendue  &  livrée 
avant  qu'il  en  fût  propriétaire, ou  quelqu'un  qui^ 
tient  de  ce  propriétaire,  comme  dans  l'efpèce  fui- 
vante ,  que  rapporte  le  jurifconfulte  Ulpien. 

Vous  avez  acheté  de  Tiiius  un  héritage  q\ii  ap- 
partenoit  à  Sempronius  :  après  la  tradition  qu£  Titius 
vous  en  a  faite,  il  en  efl  devenu  propriétaire  en 
qualité  d  héritier  de  Sempronius  :  vous  av^z  depuis 
perdu  la  Poifeifion  de  cet  héritage,  &•  Titius  ,  qui 
s'en  efl  emparé ,  l'a  vendu  à  Mœvius  ;  vous  êtes  , 
dans  ce  cas,  fondé  à. revendiquer  Théritage  contre 
IMœvius ,  fans  qu'il  pu'fTe  voiis  oppafer  valabla- 
ment  fon  droit  de  propriété,  parce  que  Titius  n'a 
pu  lui  transférer  plus  de  droit  qu'il  n'en  avoit  lui- 
même.  Or,  le  droit  que  Titius  avoit  n'étoit  pas  tel 
qu'il  rt-ût  pu  valablement  oppofer  à  l'action  que 
vous  pouviez  intenter  contre  lui. 

A  l'égard  des  droits  qui  font  communs  à  tous  les 
poflefieurs ,  le  principal  confifle  en  ce  que  la  Pof- 
{s'Awn  les  fait  réputer  par  provifion  propriétaires 
de  la  chofe  qu'ils  pofsèd'jnt,  jufqu'à  ce  que  ceux  qui 
viennent  à  la  revendiqueraient  juflifiéde  leur  droir. 

Puifque  le  polTefleur,  quel  qu'il  foir,  efl  réputé 
prcpriêraire  de  la  chofe  qu'il  pofsède,  jufqu'à  ce 
qu'il  en  foii  évincé,  il  faut  conclure  qu'il  doit  en 
percevoir  les  fruits  &  jouir  de  tous  les  droits ,  tant 
honorifiques  qu'utiles  ,  attachés  à  la  propriété. 

Tout  poiTe/leur  a  d'ailleurs  une  adlion  pour  être 
maintenu  dans  fa  PofTclfion  ,  lorfqu'il  y  efl  troublé 
par  quelqu'un  ,  &  pour  y  être  rétabli  quand'ouel- 
qu'un  l'en  a  dépofledé  par  v  olence. 

Le  poflefleur  de  bonne  foi  qui  a  conftruit  un  bâ- 
timent ou  qui  a  augmenté  la  valeur  du  fonds  ,  peur , 
en  cas  d'éviélion,  répéter  le  prix  des  améliorations 
qu'il  a  faites,  jufqu'à  concurence  toutefois  de  ce 
que  le  fonds  fe  trouve  augmenté  de  valeur  :  mais  le 


(i)  Si  qiiis  prohilniit  vel  dcnun'.in.ic  ,  porti  cette  loi  ,  ex 
c.^uf.i  vendicionis  tradi  rein  cjux'  iphus  voliintate  t'uerjt  dit-' 
tiaJta,  t<  is  nihilcmiiiùs  tradideric ,  em^norein  tuebitur  prê- 
ter, fivepoffideat,  lîve  peut  rem. 


_o8.  POSSESSION. 

poflelTetir  de  mauvaife  foi  n'a  rien  à  répéter  en  cas 
d'éviâion  ,  &  les  araiéliorations  apparriennent  au 
propriétaire.  Le  parlement  de  Paris  l'a  ainfi  jugé , 
le  30  août  1721 ,  par  arrêt  rendu  en  faveur  de  M*" 
Pafqiiier  contre  Jean  Devaiix. 

A  l'égard  des  impenfes  &  réparations  néceffaires , 
elles  doivent  être  rembourfées  au  poffefleur  de 
mauvaife  foi,  comme  au  poiTefféur  de  bonne  foi, 
attendu  qu'il  ne  fevoit  pas  jufte  que  le  propriétaire 
fût  difpeiifé  du  payement  d'une  dépenfe  qu'il  auroit 
été  obligé  de  faire  lui-même  pour  conferver  fon 
héritage. 

De  la  Pi'Jfeffion  immémorLile  ou  centenaire. 

On  appelle  ainfi  une  Pofleffion  qui  pafle  la  mé- 
moire des  lioinraes,  ou  dont  la  durée  remonte  à 
cent  ans. 

Si  vous  juftifiez  que  vous  &  vos  auteurs  avez 
pofTédc  une  cenaine  chofe,  ou  joui  d'un  certain 
droit  durant  cent  années  ,  cette  PoflefiîiDn  équivaut 
a  un  titre,  &  établit  votre  propriété  fur  cette  chofe 
ou  fur  le  droit ,  aufîî  complètement  que  fi  vous  rap- 
portiez un  titre  d'ncqui(ltion  en  bonne  forme,  par 
lequel  quelqu'un  de  vos  auteurs  auroit  acquis  la 
chofe  de  la  perfonne  qui  avoit  le  droit  d'en  difpo- 
fer.  C'eft  ce  qu'enfeigne  Dumoulin  fur  la  cou- 
tume de  Paris. 

Cette  lêglè  doit  être  ohfervée  même  à  l'égard 
des  chofcs  que  les  lois  déclarent  n'être  fujettes  à 
aucune  prefcription  ,  par  quelque  laps  de  temps 
que  ce  foir.  La  raifon  en  ed  ,  dit  l'auteur  qu'on 
vient  de  citer ,  que  ces  lois  ne  s'étendent  point  à  la 
PoiTcfTion  centenaire  ou  immémoriale ,  qui  doit 
ê'tre  regardée  j)lutôt  comme  un  titre  que  comme 
une  prefcription. 

On  peut  appliquer  la  règle  qu'on  vient  d'établir 
aux  droits  de  banalité  &  de  corvées,  quoique  la 
coutume  de  Paris  veuille  qu'un  feigneur  ne  puifle 
percevoir  ces  droits  qu'autarit  qu'il  en  rapporte  un 
titre  valable. 

Remarquez  que  pour  qu'un  feigneur  juftifîe  qu'il 
a  la  Pofteflion  centenaire  d'un  droit  de  banalité, 
ce  n'eft  pas  affez  de  prouver  que  depuis  plus  de 
cent  ans  fes  jufticiablcs  vont  moudre  à  fon  moulin  , 
&  cuire  à  fon  four,  il  faut  encore  qu'il  rapporte 
des  aftes  par  lefquels  il  parolfie  qu'il  jouiflbit  du 
droit  de  les  contraindre  à  cela  ,  attendu  que  c'eft  ce 
droit  de  contrainte  qui  conflitue  le  droit  de  bana- 
lité. Tels  font  des  jugemens  rendus  contre  quel- 
ques jufticiables  qui  avoient  contrevenu  ix  la  bana- 
lité ,  des  faifies  faites  en  cas  de  contravention  ,  & 
d'autres  aftes  femblables  qui  remontent  à  plus  de 
cent  ans. 

La  règle  que  la  Poffelîion  centenaire  équivaut  à 
un  titre,  peut  pareillement  s'appliquer  aux  dixmes 
inféodées.  Comme  un  laïc  ne  peut  point  polTéder 
d'autres  dixmes  ,  il  doit  prouver  l'inféodation  :  mais 
s'il  peut  établir  par  des  aveux  dont  quelqu'un  re- 
monte H  pl'.TS  de  cent  ans  ,  qu'il  poflède  une  dixme 
çomnîs  une  dixme  inféodée ,  fa  pofiafilon  équivaut 


POSSESSION. 

au  titre  d'inféodation  ,  &  il  eA  difpenfé  de  le  repré- 
fenter. 

Obfervez  que  pour  que  la  Vo{Çç.(Ç\on  centenaire 
équivale  à  un  titre,  il  faut  qu'elle  foit  une  jufte 
PolTeflîon  ,  une  PoifelTion  civile  ;  mais  cette  qua- 
lité eil  toujours  fuppofée ,  tandis  que  le  contraire 
n'eft  pas  prouvé. 

Si  le  titre  fur  lequel  efi  fondée  une  Po/refTion 
centaire  étok  produit ,  &  qu'il  fût  vicieux  ,  c'ert- 
à-dire  ,  qu'il  ne  fm  pas  de  nature  à  transférer  la  pro- 
priété ,  comme  feroit ,  par  exemple  ,  un  bail  à  ferme 
de  l'héritage  fait  à  quelqu'un  des  auteurs  du  pofTef- 
feur  centenaire,  ou  un  adle  par  lequel  un  de  ces 
auteurs  auroit  été  mis  en  Poffeffion  de  l'héritage  en 
qualité  d'engagifte  ou  de  fequeflre  ,  la  PofiéiTion 
dont  il  s'agit  ne  feroit  point  une  Pofleffion  civile, 
&  par  conféquent  elle  ne  pourroit  ,  quelque  lon- 
gue qu'elle  fût ,  procurer  aucun  moyen  de  défenfe 
au  pofl^efleur  contre  la  demande  du  propriétaire 
qui  revendiqueroit  l'héritage.  Ce  feroit  le  cas  d'ap- 
pliquer la  maxime  ,  mcliùs  cjl  non  hûbcre  tnulum  , 
quàni  habtre  vitiofum. 

C'eft  en  conformité  de  ces  principes  qu'a  été 
rendu  l'arrêt  fameux  par  lequel  l'évéque  de  Cler- 
mont  fut  condamné  à  rendre  à  la  reine  Catherine 
de  Médicis  la  feigneurie  delà  ville  de  Clermont , 
quoique  depuis  plufieurs  flécles  elle  (ùx.  poffédée 
pat  les  évéques  de  cette  ville  ;  mais  il  étoit  prouvé , 
par  le  titre  originaire  de  la  Pofleflîon ,  que  cette 
feigneurie  avoit  été  donnée  en  garde  à  un  évèque 
de  Clermont,  par  Jean  de  Bourbon,  au  droit  du- 
quel étoit  la  reine. 

Il  ne  faut  pas  confondre  les  titres  abfolument  vi- 
cieux ,  qui  ne  peuvent  point  transférer  la  propriété  , 
tels  que  ceux  dont  on  vient  de  parler  ,  avec  les 
titres  qui  font  feulement  imparfaits  &  infuffifans 
pour  la  tranflation  de  propriété  ,  s'ils  ne  font  revê- 
tus de  certaines  formalités.  La  Pofl"eflion  qui  eft 
fondée  fur  un  titre  de  la  première  efpèce ,  ne  peut 
jamais,  quelque  longue  qu'elle  foit ,  établir  la  pro- 
priété du  pofl!efleur  :  mais  il  en  eft  autrement  de  h 
Poffeflion  fondée  fur  des  titres  de  la  féconde  ef- 
pèce ,  tels  que  des  contrats  de  vente  ou  d'échange 
de  biens  d'églife  qui  n'ont  point  été  revénis  des  for- 
malités prcfcrites  pour  l'aliénation  des  biens  d'é- 
glife. Quoique  ces  titres  foient  infuffifans  pour 
transférer  la  propriété  ,  ils  n'empêchent  point  1  ef- 
fet de  la  Pûflenion  centenaire  j  lequel  confifle  à 
fuppléer  à  ce  qui  manque  à  la  perfeélion  du  titre, 
en  faifant  préfumer  que  toutes  les  formalités  re- 
quifes  pour  le  rendre  valable  ont  été  obfervées. 

Il  y  a  des  chofes  qif  on  ne  peut  acquérir  par  la 
PoflTeflîon  centenaire  :  tels  font  les  droits  feigneu- 
riaux  dont  un  héritage  eft  chargé.  C'eft  ce  que  dé- 
cide expreffement  la  coutume  de  Paris.  Le  vjfjiil  « 
porte  l'article  12,  ne  peut  prefcrire  l'affranchijfement 
de  la  foi  quil  doit  à  fon  feigneur  au  fujet  de  fon  fief  ^ 
par  quelque  temps  qu'il  ait  joui  de  cet  affranchiffe- 
ment ,  encore  que  ce  fût  par  cent  ans  &  plus. 

L'article  124  de  la  même  coutume,  contient  une 

difpofition 


POSSESSION. 

difpofitlon  femblable  par  rapport  au  cens;  il  eft 
ainfi  conçu  :  Le  droit  de  cens  ne  fe  pr^fcrit  par  le  dé- 
tenteur de  l'héritage  contre  le  feigneiir  ccnjïer ,  encore 
quil  y  ait  cent  ans,  quand  il  y  a  titre  ancien  ou  rc- 
connoifTance  faite  dudit  cens. 

La  même  jurirpruclence  eft  établie  par  la  plupart 
des  coutumes.  Elle  cA  fondée,  fur  ce  que  pour  ac- 
quérir parla  PofTeffion  raffranchiflement  d'un  droit 
dont  votre  héritage  efl  chargé ,  il  faut  que  vous 
ayez  pu  croire  qu'il  n'ctoit  point  chargé  de  ce  droit. 
Cette  opinion  fe  préfume  toujours  tant  que  le  con- 
traire n'eft  pas  prouvé  :  mais  la  maxime  ,  nulle  terre 
fans  feig'neur ,  qui  eft  fuivie  dans  ces  coutumes  ,  ne 
permet  pas  que  vous  puiHîez  y  pofféder  un  héritage 
avec  l'opinion  qu'il  eft  exempt  de  droits  feigneu- 
liaux  ;  d'où  il  fuit ,  qu'après  avoir  poffédé  durant 
plus  de  cent  années  cet  héritage  ,  fans  reconnoître 
le  feigneur  de  qui  il  relève  ,  vous  n'avez  point  pu 
acquérir  par  cette  Poftefllon  ,  l'exemption  des  droits 
feigneuriaux. 

La  coutune  de  Paris  décide,  article  i86  ,  qu'une 
fervitude  prodiale  ne  peut  pas  s'acquérir  par  une 
PofiefTion  centenaire  qui  n'eft  pas  fondée  fur  un 
titre. 

Plufieurs  autres  coutumes  ont  une  difpofition 
femblable.  Cela  eft  fondé  fur  ce  que  la  PoiTefiion 
centenaire  ,  qui  équivaut  à  un  titre  ,  doit  être  une 
véritable  Poft'eiîion  :  or ,  dans  ces  coutumes ,  la 
jouiftance  que  vous  avez  d'une  fervitude  dont  il  ne 
paroît  aucun  titre ,  eft  préfumée  n'être  qu'une 
jouiflance  de  tolérance ,  qui ,  par  conféquent ,  n'eft 
pas  une  véritable  poflefîion.  D'où  il  fuit,  qu'une 
telle  jouiflance  ,  quelque  longue  qu'elle  ait  été ,  ne 
peut  pas  faire  acquérir  le  droit  de  fervitude. 

On  a  différentes  fois  agité  la  qucftion  de  favoir 
fi  la  Poft^eftlon  immémoriale  ou  centenaire  pouvoir 
être  oppofée  au  roi.  On  conçoit  bien  que  la  diffi- 
ciilté  ne  s'eft  jamais  étendue  aux  droits  attachés 
eftentiellement  à  la  fouveraineté  ,  tels  que  ceux  de 
légitimer  des  bâtards,  d'accorder  des  lettres  d'abo- 
lition ,  &  autres  femblables.  Il  eft  clair  que  fi  un 
feigneur  s'étoit  arrogé  des  droits  de  cette  nature 
dans  fa  feigneurie ,  il  ne  feroit  pas  fondé  à  oppofer 
la  PoiTcftîon  centenaire  contre  la  demande  que  le 
procureur  du  roi  auroit  formée  pour  qu'il  lui  fût 
fait  défenfe  d'ufer  de  pareils  droits  :  la  queftion 
n'a  donc  pu  concerner  que  les  biens  &c  droits  uti- 
les revendiqués  comme  appartcnans  au  domaine, 
contre  des  particuliers  qui  s'en  trouvoient  poftéf- 
fetjrs.^ 

Il  s'agit  par  conféquent  de  favoir  fi  ces  particu- 
liers peuvent  ,  à  défaut  de  titre  ,  oppofer  avec  fuc- 
cès  la  Pofteffion  centenaire  à  une  demande  en  re- 
vendication formée  contr'eux  par  les  gens  du  roi  ; 
ou ,  au  contraire ,  fi  les  gens  du  roi  font  fondés 
à  fourenir  qu'il  fuffit  que  les  biens  revendiqués 
aient  autrefois  appartenu  au  domaine,  pour  qu'ils 
foient  cenfés  lui  appartenir  encore  ,  nonobftant 
la  PoiTeflion  immémoriale  ou  centenaire  des  dé- 
tenteurs. 

lome  XJIl, 


POSSESSION,  209 

On  obfervcra  fur  cette  importante  queftion  ,  que  , 
par  une  déclaration  du  30  juin  1579 ,  enregirîrée 
au  parlement   le  3  Juillet  fuivant ,  François  pre^ 
micr  a  déclaré  que  fon  domaine  étant  réputé  facré  , 
il  étoit  hors   du    commerce   des  hommes  ;  qu'en  . 
conféquencc,  on  n'en  avort  pu  vien  détacher  ni 
aliéner  légitimement ,  &  que  tout  ce  qui  l'avoit 
été  y  devoit  être  réuni  ,  fans  que  ,  dans  la  caufe 
où  il  en  feroit  queftion  ,  les  juges  pufient  avoir  ■■ 
aucun  cgr.id  à  quelque  Poft^effion  que  ce  fût ,  par 
quelque    laps   de   temps    qu'elle  eût  duré ,    ores 
qu'elle  excédât  cent  ans. 

Quelque  précife  que  foit  cette  loi ,  il  eft  néan- 
moins vrai  que  le  parlement  de  Paris  a  jugé  plu- 
fieurs fois  que  les  poflefieurs  de  biens  qu'on  pré- 
tendoit  appartenir  au  domaine  ,  y  dévoient  être 
maintenus ,  lorfqu'ils  établifloient  une  PofTeftîon 
centenaire.  C'eft  ce  qu'attefte  Chopin  dans  ion  traité 
du  domaine. 

Et  Bacquet  dit,  dans  fon  traité  de  déshérence, 
5)  qu'il  eft  certain  que  la  Pofleftlon  immémoriale 
»  eft  reçue  contre  le  roi  en  tous  héritages  & 
»  droits  dominaux,  nonobftant  la  déclaration  de 

H     1539  5J. 

Pour  preuve  de  cette  aftertion ,  l'auteur  cité 
rapporte  un  arr.lt  du  10  décembre  1548,  par  le- 
quel le  parlement  de  Paris  a  vériné  un  édit  qui 
1-)  enjoint  à  tous  les  prétendans  droit  de  Péage  en 
)j  la  rivière  de  Loire ,  de  vérifier  leurs  titres ,  par 
3)  lequel  arrêt  de  vérification  la  cour  déclare  qu'elle 
•)■)  n'entend  déroger  aux  pcrmifiîons  de  la  preuve 
»  de  temps  immémorial  ,  oftroyées  par  édit  du 
)>  roi  Louis  XII,  concernant  les  péages  de  ladite 
»  rivière  >». 

Salvaing  ,  dans  fon  ufage  des  fiefs,  pourprouver 
pareillement  que  la  déclaration  de  1539,  qui  re- 
jette la  PofleiTion  centenaire  ,  n'eft  pas  obfervéecn 
Dauphiné  ,  cite  une  déclaration  de  Henri  II ,  du 
14  août  1556,  par  laquelle  ,  fur  les  plaintes  des 
hahitans  de  cette  provine  ,  que  les  ofHciers  chargés 
de  la  recherche  des  domaines  inquiétoient ,  contre 
la  diipofition  du  droit  écrit  obfervé  en  Dauphiné, 
les  poftefteurs  qui  avoient  en  leur  faveur  la  Poftef- 
Con  centenaire  ,  ce  Prince  ordonna  que  les  procès 
feroient  jugés  fuivant  le  droit ,  comme  auparavant. 

Loifel  a  établi  une  maxime  ainfi  conçue  :  Contre 
le  roi  ri  y  a  prejcriptinn  que  de  cent  ans. 

Lefevre  de  la  Planche  foutient  au  contraire, 
dans  fon  traité  du  domaine ,  que  la  déclaration  de 
1 539 ,  qui  ne  donne  aucun  effet  à  la  Poffeffion  cen- 
tenaire en  matière  de  domaine ,  a  toujours  dû  être 
exécutée.  Il  obferve  que  fi  les  auteurs  dont  on 
vient  de  parler  ont  admis  contre  le  roi  la  Poffef- 
fion centenaire  ,  'plufieurs  autres  ,  &  entr'autres 
M.  le  Bret  dans  fon  traité  de  la  fouverainté  ,  l'ont 
rejetée.  Cette  jurifprudence  eft  d'ailleurs  établie 
par  l'édit  du  mois  d'avril  1667.  Cette  loi  porte , 
que  tous  les  domaines  aliénés  à  quelques  perfon- 
nes ,  pour  quelques  caufes  &  depuis  quelque  ttmp% 

D  d 


eia  POSSESSION. 

'çwe  ce  foit ,  à  l'exception  des  dons  fairs  ?.ux  é.;!ircs, 
apannges  &  échanges  ,  feront  réunis  nonobjlant  toute 
prétention  de  prefcription  &  efpace  de^  temps  pendant 
lequel  les  domaines  &  droits  domsni.iux  en  pourroient 
gyoir  été  féparés. 

De  la  PoJJeJJlon  en  matière  bénéficiale. 

On  appelle  PoJfeJJion  annale,  la  PcfTeflion  du 
bénéficier  qui  jouit  paifiblenient  depuis  un  an  de 
fon  bénéfice. 

Cette  Poffeflîon  fe  compte  du  jour  de  l.i  prife  de 
Poiïeflîon  du  bénéfice  ,  &  doit  être  paifible  Ôf  non 
interrempue  par  aucun  exploit. 

Elle  donne  droit  au  pourvu  de  demeurer  en 
PofTefnon  du  bénéfice ,  jufqu'à  ce  que  le  pétitoire 
foit  jugé. 

TtUe  efl  la  teneur  de  la  règle  de  chancellerie 
romaine  ,  appelée  règle  de  annali  pojj'ejjore. 

Ctrre  règle  étoit  obfervée  en  France  du  temps  de 
RcluîfFe  6<.  d:  Dumoulin;  mais  préfentement  elle 
n'y  cft  i.ihis  fuivie,  ik  il  n'y  a  point  de  provifions  par 
dcvolut  dans  lefquelles  on  ne  déroge  à  cette  règle; 
&  quand  la  dorognrion  ne  s'y  trouveroit  pas  nom- 
mément exprimée  ,  elle  y  feroit  toujours  fous-cn 
tendue. 

On  appelle  Pofiljfion  triinn<rle  ,  celle  d'un  béné- 
ficier qui  a  poliédé  paiGblement  8i  avec  un  titre 
coloré  pendant  trois  années  confécutiyes  &  non 
interroni;nijs. 

Cette  Pofleiïion  opère  en  fa  faveur  une  pref- 
cription qui  le  rend  poiTeffeur  paifible,  tant  au  pof- 
feiToirc  qu'au  pétitoire. 

L'exception  réiiiltante  de  la  Poiïbfîion  triennale  , 
a  lieu  pour  les  bénéfices  confiftoriaux ,  de  même 
que  pour  les  autres. 

Si  celui  qui  a  la  PofTefnon  triennale  cû  troublé 
par  quelqu'un  prétendant  droit  au  bénéfice,  il 
obtient  en  chancellerie  des  lettres  appelées  de  pa- 
cifîcis  pojfejforibus  ,  par  Itfquelles  le  roi  ordonne  au 
juge  de  maintenir  l'expofant ,  s'il  leur  appert  qu^il 
foit  en  polk'fîlon  plus  que  triennale. 

Au  moyen  de  ces  lettres  ,  il  excipe  de  fa  PolT^f- 
fion  &  de  la  règle  de  triennale  PolTefiîon  ,  ou  de 
paciftcis  pujfejj'jrïbi/s  ,  qui  efl:  du  pape  Paul  III. 

Ceux  qui  font  intrus  ne  peuvent,  quoiqu'ils  nient 
pofTèdé  paifiblement  pendant  trois  années ,  fe  fervir 
de  la  règle  de  pacficis ,  parce  que  le  temps  n'efface 
point  le  crime. 

11  en  eft  de  même  de  celui  qui  eft  coupable  de 
fimonie. 

On  tient  néanmoins  qu'il  en  eft  autrement  de 
celui  qui  eft  entré  dans  un  bénéfice  avec  irrrgu- 
larité  ,  parce  que  ce  cas  n'eft  pas  excepté  de  Ja 
règle  de  pacifias. 

La  PoiTeffion  triennale  d'un  bénéfice  pour  lequel 
en  eft  en  procès  ,  s'acquiert  lorfque  le  colitigani  a 
difcontinuè  fa  procédure  pendant  trois  ans  ;  mais 
elle  ne  court  point  dans  le  cas  de  l'appel  comme 
d'abus  ,  parce  que  l'abus  ne  fe  couvre  pas. 

Powr  interrompre  h  Poffeâioii  triennale ,  il  faut 


POSTE. 

qu'il  y  ait  eu  afllgnation  donnée  nU  po/TefTeur,' 
jfu'en  conféquence  les  parties  fe  foient  communi- 
qué leurs  titres  &  capacités  ,  &  que  les  délais  éta- 
blis par  les  ordonnances  ,  avaRt  d'entrer  dans  la 
véritable  contefîation,  foient  expirés. 

L'interruption  civile  ne  fufpend  la  Pofieffion 
triennale  qu'à  l'égard  de  celui  qui  a  fait  le  trouble, 
&  non  à  l'égard  d'un  tiers  ;  mais  l'interruption 
naturelle  &  la  dépofteirion  fervent  à  tous  les  cort- 
tcndans. 

La  PcfTcfTion  triennale  a'efl  pas  interrompue  par 
la  réfignation,  lorfque  le  réfignant  rentre  dans  (on 
bénéfice  par  la  voie  du  regrès  ,  parce  que  fa  Poffef- 
fion  eft  toujours  fondée  fur  le  même  titre. 

foye^  les  loix  civiUs  de  Dorrut  ;  Argou  ,  inpitu- 
rion  au  droit  françois  ;  les  œuvres  de  Dumoulin  (S* 
celles  de  Pothier  ;  le  Bret ,  traité  de  la  fou^  eraineté  ; 
Salvaing,  de  l'ujage  des  fie fs  J  Lefevre  de  la  Planche , 
traité  du  dom.iine  ;  B acquêt ,  traité  de  la  déshérence  ; 
la  prag;t:atique  faiiHim  ;  les  loix  eccléfij(Uques  de 
d"" Héncourt  ;  le  recueil  de  jurifprudence  canoniaue , 
&c.  Voyez    les  art  clés    Prescription  ,  COiM- 

PLAINTI-    ,    RÉîNTÉGRANDE  ,    PuiSE    DE    POSSES- 
SION ,    &C. 

POSTE.  Établifîement  au  moyen  duquel  on 
peut  faire  diligemment  des  courfes  &  des  voyages 
avec  des  chevaux  difpofés  ordinairement  de  deux 
lieues  en   deux  lieues. 

La  nécefiité  de  correfpondre  les  uns  avec  les 
autres,  &  particulièrement  avec  les  nations  étran- 
gères ,  a  fait  inventer  les  Poftes. 

Il  n'eft  pas  aifé  de  fixer  l'époque  de  cette  inven- 
tion chez  les  Roniains  :  mais  il  eft  à  préfumer  que 
comme  Augufte  fiit  le  principal  auteur  des  grands 
chemins  ,  c'eft  auffi  lui  qui  a  donné  commencement 
aux  Poftes  romaines ,  Si  qui  les  a  affermies  Sué- 
tone ,  en  parlant  de  ce  prince  ,  dit  que  pour  faire 
recevoir  plus  promptement  des  nouvelles  des  d.f- 
ferens  'endroits  de  fon  empire  ,  il  fit  établir  des 
li>gemens  fur  les  err.nds  chemins  ,  ovi  l'on  trouvoit 
de  jeunes  hommes  defiinés  aux  Pofies  qui  n'étoienr 
pis  éloignées  les  unes  des  autres.  Ces  jeunes  gens 
couroicnt  à  pied  avec  les  paquets  de  l'empereur, 
qu'ils  portoieDt  de  l'une  des  ftations  à  la  Pofle  pro- 
chaine ,  où  ils  en  trouvoient  d'autres  tout  prêts  à 
courir,  &,  de  mains  en  mains,  les  paquets  arri» 
voient  à  leurs  adrefTes. 

Peu  de  temps  aprè';,  le  même  Augufte  établit 
d;:s  chevaux  Si  des  chariots  pour  faciliter  les  expé- 
d  fions.  Ses  fucceifcurs  continuèrent  le  même  éta- 
bliffement  Chaq.îc  particulier  contribuoit  aux  frais 
des  réparations  des  grands  chemins  &  de  l'entre- 
tien des  Poftes  ,  fans  qu'aucun  s'en  piàt  difpenfer , 
pa*  même  les  vétérans  ;  les  feuls  officiers  de  la 
chambre  «îu  prince,  appelés  prap^fiti  Jacri  cubi' 
cuit .  en  furent  exemptés. 

A  regard  des  Poftes  de  France  ,  il  ne  fe  trouve 
que  Bien  peu  de  chofe  avant  le  règne  de  Louis  XI. 
Bergier,  qui  avoit  fait. des  recherches  immenfes 
kn  cet  objet ,  dit  qu'il  ne  fait  rien  ià  dcffus,  ûnoo 


POSTE. 

Î[îie  vers  Tan  807  Charlemajne  ayant  réduit  CoilS 
on  empire  l'Itaiie  ,  l'Allemagne  ,  Se  partie  des  Ef- 
pagnes,  établit  trois  Portes  publiques  pour  aller 
à  ces  trois  provinces,  &  pour  en  venir  avec  célé- 
riié  ,  &  que  ces  Portes  s'entretenoient  aux  dépens 
du  peuple.  Il  y  a  apparence  que  les  Portes  furent 
négligées  &  même  abandonnées  fous  le  règne  de 
Lothaire,  Louis  &  Cbarles-le-Chauve ,  fils  de  Louis- 
Îe-Débonnairc  &  petits-fils  de  Charlemagne  ;  d'au- 
tant plus  que  ,  de  leur  temps ,  les  terres  de  ce  prince 
furent  divifées  en  trois,  ôi.  que  par  ce  moyen  l'Ita- 
lie &  TAllemagne  furent  féparées  &  dirtraites  de 
ia   France. 

Le  roi  Louis  XI ,  fut ,  en  France  ,  le  premier  qui 
rendit  les  Portes  ordinaires  &  perpétuelles. 

Les  réglemens  concernant  les  Portes  aux  clie- 
vaux  ,  &  notamment  l'édit  du  m©is  de  mai  1597  , 
les  lettres-patentes  des  2  feptembre  1607  &  18 
août  1681,  Se  l'oidonnance  du  28  juin  173  i  ,  ont 
fait  défenfe  aux  loueurs  de  chevaux  ,  &  à  tout  au- 
tre particulier ,  de  fournir  des  chevaux  &  d'en 
établir  en  relais  pour  aller  le  train  de  la  Porte,  foit 
achevai ,  foit  enchaife  ,  Se  dans  d'autres  équipages, 
avec  gens  pour  les  guider  ou  pour  ramener  les  che- 
vaux fur  les  routes  où  les  Portes  font  établies. 

Les  diftérentes  contraventions  des  loueurs  de 
chevaux  à  ces  réglemens,  &  l'intérêt  qu'a  le  pu- 
blic à  ce  que  les  maîtres  de  Portes  &  les  fermiers 
des  mertageries  ne  foient  point,  par  les  atteintes 
portées  à  leurs  droits  &  privilèges  ,  privés  des 
ftioycns  de  fourenir  un  fervice  fouvent  difpendieux, 
&  qui  mérite  d'autant  plus  de  faveur  ,  qu'il  n'efl 
pas  moins  important  pour  le  fervice  du  roi  que 
pour  celui  des  particuliers  &  pour  l'avantage  du 
commerce,  ont  fait  rendre  l'ordonnance  du  26  août 
1779  *  ^">  *  renouvelé  les  défendes  dont  on  a  parlé , 
^  y  a  ajouté.  Elle  porte  ce  qui  fuit  : 

»  Sa  majerté  a  fait  &  fait  ttès-exprert"es  inhibi- 
Ji  tions  &  défenfes  à  tous  loueurs  de  chevaux, 
»>  hôteliers  &  autres  particuliers  ,  de  qiîclque  qin- 
3>  lité  &  condition  qu'ils  puirtent  être,  de  fournir 
5>  des  chevaux  pour  aller  le  train  de  la  Porte  ,  foit 
"  à  cheval ,  foit  en  chaifes,  ou  dans  d'autres  cqtii- 
»  pages,  avec  gens  pour  les  guider  ou  pour  ra- 
»  mener  les  chevaux  fur  les  routes  où  les  Portes 
»  font  établies  ,  mais  feulement  pour  aller  le  pas 
>»  ou  le  trot  &  fans  guides  ,  &  fans  qu'ils  puifTent 
»  avoir  aucuns  relais  ni  portillons  portant  des  vertes 
w  bleues,  telles  qu'en  ont  ceux  de  la  Porte,  éic 
»  après  avoir  préalablement  pris ,  au  bureau  des 
>»  mert'ageries  ,  un  permis  ,  &  en  avoir  acquitté  les 
>»  droits  ,  conformément  aux  arrêts  du  confeil  des 
}■>  7  août  1775  ^  ^3  janvier  1777,  par  lefqtiels  los 
)>  droits  de  pcrmiffion  font  fixés ,  pour  être  payes 
j>  par  lefdits  loueurs  de  chevaux,  en  proportion 
i>  du  tcrrein  qu'ils  parcourent  fur  les  routes  derter- 
«  vies  par  les  diligences  ou  voitures  de  mertage- 
»  ries  ;  le  tout  à  peine  de  confifcation  des  chevaux  , 
»  felles  ,  harnois  ,  équipages ,  &  de  trois  cens  livres 
>»  d'amende  contre  ceux  à  qui  ils  fe  trouveront  ap- 


POSTE.  211 

1>  partenir.  Si  qui  contreviendront  à  la  préfeiito 
»  ordonnance  ,  au  profit  des  maîtres  de  Porte  qui 
»  auront  faifi  &  arrêté  lefdits  chevaux  &  équipages 
5>  en  contravention  :  &  pour  l'exécution  de  la  pré- 
«  fente  ordonnance  ,  mande  &  ordonne  fa  majeflé- 
n  à  tous  gouverneurs  &  lieutenans  généraux  en 
»  fes  piovinces,  gouverneurs  particuliers  &  com- 
»  mandans  de  fes  villes  &  places ,  intendans  & 
»  comrairt'jires  départis  efdites  provinces  ,  de  tenir 
»  la  main  chacun  ei»  droit  foi ,  &  donner  les  or- 
»  dres  nécertaires  pour  l'exaéle  cbfervarion  de  la 
»  préfente  ordonnance,  qui  fera  publiée  ik  afiichée 
»  par-tout  &  ainfi  qu'il  appartiendra,  à  ce  que  per- 
»  fonne  n'en  ignore.  Fait,  Sec.  ». 

Divers  réglemens  ont  attribué  aux  maîtres  de 
Portes  l'exemption  de  colleéle  ,  tutelle,  curatelle  , 
logement  de  gens  de  guerre,  corvées  &  autres  chai - 
ges  publiques  ;  enfemble  l'exemption  de  la  taille 
perfonnellc  &  autres  impofitions  acceflbires  de  cet 
impôt,  à  raifon  de  leurs  facultés  perfoiinelles,  com- 
merce Se  indurtrie  ,  ainfi  que  le  privilège  d'exploi- 
tation en  exemption  des  biens  fonds  à  eux  npparte- 
nans  ,  qu'ils  font  valoir  par  eux-raèmes,  ou  qu'ib 
tiennent  à  ferme  (i). 


(i)  C-  dernier  prhilcft  a  ê:é fup.^nmé  r^! ::rivcmenr  d  quel- 
ques m-.itres  de  Po^e  d  la  g^n.'rjlitc  de  KJùulin^  ,  par  des  let- 
tres ^'.T.ntei  dti  ï5  feptembre  17-j  ,  enre^ijlrces  d  la  crur  des 
aides  le  3  icceinh?.  fuiva'  t ,  qui  mt  fui'jlic  te  d  c  pn'viZ:'ve  vne 
gratifie  •'.en  en  a'p'tii.  Voici  ces  lettres  fctentes  : 

Louis,  ^c.  .Salut.  Nous  fomines  irifcimés  que  les  maîtres 
de  Po.'les  établis  far  les  routes  d'Autun  à  Limoges ,  &:  de  Li- 
moges à  fjerni'jnt,  ne  font  (lus  en  é  .it  de  foutenir  le  fetvice, 
^:  pourroieni  être  obligés  de  J'jbandonner  ,  attendu  que  ces 
routes  font  peu  fiéquentées  pendant  les  deux  tiers  d;  l'an- 
née; &.'  délirant  leur  faciliter  les  moyens  de  continuer  leur 
ferv'ce  Tir  une  toute  siii/i  iritcrcfTante  ,  nous  avons  penlc 
qu'en  accordant  à  chacun  defdits  niaitres  de  Pofte  une  j;ta- 
tification  annuele  par  forme  d'indemnité  ,  nous  7  trouve- 
rions le  double  avantage  de  rendre  plus  égal  le  iraitenicnt  da 
ces  maîties  de  Pofte,  &:  de  faire  cellcr  le  privilège  d'exp'oita- 
rion  en  exempticMi  de  taille  ,  qui  leur  étoit  accordé  ,  &r  donc 
la  plupai  t  d'entre  eux  ne  font  pas  à  pofée  de  jouir  pat  le  dé- 
faut de  fonds  à  eux  appartenans ,  ou  de  ferme  qu'ils  puilTent 
exploiter.  Ces  gratifications  feront  bien  moins  à  chatge  aux 
paroifles  où  les  Poftes  font  établies  ,  que  l'exemption  de 
taille  d'exploitation  ,  parce  que  l'impotltion  nccefa'ie  pour 
payer  les  gratifications  fera  répartie  fur  un  plus  grand  nombre 
de  connibuables  :  à  quoi  nous  avions  pourvu  par  airct  rendu 
Je  Ji  juillet  dernier  en  notre  confei.  d'ttar,  nous  y  étant, 
pour  l'exécution  duquel  nous  avons  o-donné  que  toutes  let- 
tres néceflaircs  feroient  expédiées.  A  ces  caufes,  de  l'avis  de 
notre  confeil  ,  qui  a  vu  ledit  arrêt ,  dont  expédition  cil  cî- 
attachée  fous  le  contre-fcel  de  notre  chancellerie  ,&  ,  con- 
formément à  icelui ,  nous  avons  ordonné ,  &  par  ces  préfen- 
tes lignées  de  notre  main,  ordonnons  ce  qui  fuit  : 

Article  i.  Les  maîtres  de  Pofte  de  Luzy  ,  Gannat,  Che- 
vagne  ,  Souvigny,  la  Pierre-percée  ,  le  Monter-sux-Moines  , 
Montn  aialut,  Eoytt,  Mont!w«,cn,  la  Maidslc-Son  ,  Parlât, 
Ajain  ,  Gueret  ,  la  Chapelle-Taillcfer ,  le  Dogncn  £v  Sau- 
viat ,  établis  dans  la  génétalité  de  Moulins  ,  fur  la  grande 
route  de  Bourgogne  à  Limoges,  ainfi  que  ceux  de  Chaibon- 
jn'er  ,  Aubuflbn  ,  Lepoux  &  la  Villeneuve,  établis  fur  J« 
route  de  Limoges  à  Clerraont ,  jouiront  de  l'exemption  Je 
collede,  tutè.'e  ,  curatèle,  logement  de  gens  de  guerre, 
corvées  &  autres  charges  publiques,  enfeinMe  de  l'cxemptio^ 

Ddi} 


211  POSTE. 

Par  anôc   rendu   contradi-Roirement  r.u  confeil   , 
d'état  le  15    mars   1740,  entre  le  fieur   Laurent 
BouUé,  direéîeur  de  la  Porte  à  Arpajon  ,  les  col- 
Icdîurs  &  les  habitans  du  même  lieu  ,  le  roi  a  or- 
donné l'exécution  des  édits  ,  déclarations  &  arrêts 
de  fou  confeil  concernant  les  Portes  ;  en  confc- 
quence  ,  que  ledit  Boullé  ,  en  fa  qualité  de  direc- 
teur des  Portes  ,  jouiroit  de  l'exemption  des  tailles 
8i  autres  im^jofitions  de  la  ville  d'ArpajoUj  &  que 
les  fommcs  de  trente  livres  pour  la  taille  ,  &  de 
fix  livres  pour  l'urtenfile,  auxquelles  il  avoit  été 
impofé    en    1739  ,  lui   feroiem  rertituèes  ,  &  fe- 
roient  rcinipofées  Tannée  prochaine  fur  les  habi- 
tans   de  la  même  ville.    Sa   majerté  a  en   mêine- 
temps  fait  défcnfe  d'impofer  à  l'avenir  ledit  Boullé  , 
tant  qu'il  feroit  dirc-teur  des  Portes, 

Par  arrêt  du  confeil  du  8  août  1768  ,  revêtu  de 
lettres-patentes  enregirtrées  à  la  cour  des  aides 
le  7  décembre  fuivanr  ,  il  a  été  ordonné  que  tous 
les  maîtres  de  Portes  du  royaume,  fans  excep- 
tion ,  feroient  tenus  ,  pour  jouir  des  privilèges 
&  exemptions  à  eux  accordés,  de  faire  cnregit- 
trer  leurs  brevets  aux    greffes  des  élcélions  ,   &: 


in  U  iaiJle  pcrfonncJle  &:  auties  im^-olitions  accciroircs  de  la 
ôice  iropofuioxi  ,  à  caifon  feuleinen:  de  leurs  facultcs  pjifon 
nulles,  commefce  &  indulhie  ,  fans  iya'Us  puincnc  pràcndie 
)c  privilège  d'exploitation  en  exemption  des  biens-fonds  à 
euîi  appartcnans  qu'ils  feroient  valoir  par  eux  mêmes  ,  ou 
qu'ils  tiendroient  à  ferme  ,  lequel  ptiyiK-ge  demeurcia  ôteint 
Je  fuppiimé. 

1.  Pour  indemnifcrlefdits  maîtres  de  Pofle  de  la  non  jouif- 
fancc  de  partie  de  leurs  piiviicges  fupprimcs  ,  il  leur  fera  ac- 
cordé en  templacamcnt  &  en  condderation  de  ce  qu'ils  ne 
jouiflcnt  d'aucuns  gages ,  une  gratification  annuelle  de  cent 
livres  pat  lieue  qu'ils  auront  à  defTervir  de  chaque  côté  ,  de 
façon  que  celui  dont  les  deux  Foies  au-delTus  &  audelfouj 
de  la  tienne  font  à  la  ditlance  de  deux  lieues ,  icccvra  pat  an 
v-juatrc  cents  livres  de  gratification  :  fi  une  des  deux  Toftes 
voifines  cil  à  trois  lieues  ,  fa  gratihcation  fêta  de  cinq  cents 
livres  ,  &  ainli  toujours  à  proportion  ,  en  augmentant  de 
cent  livres  par  chaque  heure  de  plu»  qu'il  aura  a  deflervir  de 
part  ou  d'autre. 

5.  Ladite  gratification  fera  payée  de  fix  mois  en  (îx  mois  à 
chacun  defdits  maîtres  de  Pofte  ,  fur  les  ordonnances  qui 
leur  feront  .i  cet  effet  di  livrées  par  le  fieur  in'endant&  coin- 
miffaire  départi  pour  l'exécution  de  nos  ordres  en  la  généra- 
lité de  Moulins;  à  l'effet  de  quoi  le  montant  en  fera  impofé 
chaqae  année  ,  à  commencer  l'annce  prodiainc  1780,  fur 
teus  les  habitans  taillables  des  cicéiions  de  Moulins  ,  Mont 
Juçon  ,  Evaux  &  Guerct. 

4.  L'impofirion  defdites  femmes,  enfemMe  du  fou  pour 
livre  pour  frais  de  recouvrement,  fera  comprife  chaque  an- 
née dans  le  fécond  brevet  de  !a  taille ,  &  les  receveurs  géné- 
raux de  nos  finances  de  la  généralité  de  Moulins,  en  compte- 
lont,  chacun  dans  l'année  de  leur  exercice,  paxdevanr  ledit 
lietjr  intendant  &  commifTaire  départi  peut  l'exécution  de  nos 
crdres  dans  ladite  genéra'ité  ,  &  enfuite  en  notre  confeil ,  par 
état  au  vrai  ,  lequel  fêta  accompagné  des  pièces  julHhcatives 
de  la  recette  Se  de  la  dépenfe. 

)-.  Seront  lefdits  maîtres  de  Pofle  taxés  d'office  par  ledit 
fieur  intendant  &:  commilTaire  départi  pour  l'exécution  de 
nos  ordres  dans  la  généralité  d«  Moulins,  ppur  les  biens 
qu'ils  feront  valoir  ,  fur  les  états  détaillés  &  cettifiés  d'eux, 
qu'ils  remettront  audit  fieur  intendant  Se  commifîaire  départi , 
a  l'effet  de  proportionner  Jefdites  taxes  d'office  à  l'cxploica- 
jion  defdi($  biens.  Si  vous  mandons ,  &:c. 


POSTE. 

dans  les  pays  d'états  &  autres  provinces  eu  il  n'y 
a  point  d  éle(ftion  ,  aux  greties  des  fu:ges  royaux 
dans  l'éxndue  defquels  leurs  Portes  &i  biens  pro- 
pres ou  à  ferme  feroient  fitués  ,  fans  qu'on  pût  nen 
exiger  d'eux  pour  cet  enregirtrement. 

Les  ordonnances  du  roi  des  3  février  1700,  5' 
mars  1716,  28  janvier  1722  ,  &  13  mars  1724, 
ont  défendu  aux  maîtres  des  Portes  de  Paris  ik  des 
endroits  où  le  roi  fait  fa  réfidence ,  Se  à  douze  lieues 
à  la  ronde,  de  donner  des  chevaux  de  Porte  ai;x 
courriers  venant  de  cette  ville  ou  de  ces  endroits, 
fans  un  ordre. 

S'.fivant  l'ordonnance  du  28  novembre  1756  , 
les  voitures  tnontées  fur  deux  roues  ayant  bran- 
card ,  celles  qi;i  font  montées  fur  quatre  à  un  feul 
fond  ayant  limonière,  ne  peuvent  être  chargées  fin- 
ie derrière  de  plus  de  cent  livres ,  &:  fur  le  devant , 
de  plus  de  quarante  livres. 

Tout  courrier  ,  courant  à  franc  étricr  ,  ne  pev.t 
faire  porter  au  cheval  qu'il  monte  ,  que  ce  que  peu- 
vent contenir  les  poches  de  la  felle. 

Les  courriers  en  guide  ne  peuvent  tranfporter 
avec  eux  aucune  rnalle  de  bois  ,  mais  feulement 
un  porte-manteau  de  cinquante  livres  au  plus  ; 
encore  doit-il  être  porté  en  croupe  par  le  poflillon. 
Tout  courrier  à  franc-étrier  qui  n'accompagne 
pas  une  voiture ,  doit  avoir  un  portillon  monté  pour 
lui  fervir  de  guide. 

Un  portillon  peut  conduire  cinq  courriers  à 
franc-étrier;  s'il  y  en  avoit  fix,  il  faudroit  deux 
portillons. 

11  doit  être  payé  autant  de  chevaux  qu'il  y  a 
de  perfonnes  dans  les  voitures  ,  derrière  ou  defl'us 
le  fiége,  &  de  portillons  employés  à  les  conduire, 
foit  que  les  chevaux  puifient  y  être  attelés  ,  ou  que 
cela  ne  foit  pas  portible  ,  .t  moins  qu'ils  n'aient  pas 
pu  être  fournis  par  le  maître  de  la  Porte.  Dans  ce 
cas ,  il  ne  peut  exiger  le  payement  que  des  chevaux 
qu'il  a  employés. 

Les  voitures  montées  fur  deux  roues  ayant  bran- 
card ,  &  qui  font  chargées  d'une  perfonne,  doi- 
vent être  conduites  par  un  portillon  Si  attth-'es  de 
deux  chevaux. 

Lorfqu'elles  font  chargées  de  deux  perfonnes , 
elles  doivent  être  conduites  par  un  portillon  ,  ik 
attelées  de  trois  clievaux. 

Si  elles  font  chargées  de  trois  perfonnes ,  elles 
doivent  être  conduites  par  un  portilh'U  ;  Si  quoi- 
qu'on n'y  mette  que  trois  chevaux  ,  i!  doit  en  être 
payé  quatre.  On  n'y  met  pareillement  que  trois 
chevaux  pour  quatre  peribnnes  ,  &  il  doit  en  être 
payé  cinq. 

Il  eft  défendu  aux  maîtres  de  Porte  d'exiger  le 
payement  d'un  troilième  cheval  fur  une  chaife 
fimple  ,  chargée  d'une  perfonne  feulement,  à 
moins  qu'il  n'y  foit  autorifé  par  une  ordonnance 
particulière. 

Obfervez  que  les  ordonnances  particulières  ne 
font  que  pour  l'année  ou  pour  fix  mois  feulement. 
Celles  qui  ne  font  que  pour  fix  mois  s'exécutent 


POSTE. 

ordinairement  depuis  le  premier  novembre  jiif- 
qu'au  premier  mai. 

Aucun  cabriolet  chargé  d'une  Icule  perfonne  ne 
peut  ôtre  attelé  de  plus  de  deux  chevaux  ,  eynduits 
par  un  poftilloii.' 

Les  voitures  ayant  timon  ,  qui  font  montées  fur 
quatre  roues  Se  chargées  d'une  ou  de  dtux  per- 
fonnes,  doivent  être  attelées  de  quatre  chevaux  , 
conduits  par  deux  portillons. 

On  n'y  met  pareillement  que  quatre  chevaux 
pour  trois  perfonaesi  mais  on  ei\  obligé  d'en  payer 
cinq. 

Si  ces  voitures  font  chargées  de  quatre  perfon- 
nes ,  elles  doivent  être  attelées  de  fix  chevaux, 
conduits  par  deux  portillons.  S'il  y  a  cinq  perfon- 
nes  ,  on  ne  met  que  le  même  nombre  de  chevaux  ; 
mais  on  eft  obligé  d'en  payer  fept. 

Lorfqu'elles  font  chargées  de  fix  perfonnes,  elles 
doivent  être  attelées  de  huit  chevaux  ,  conduits  par 
trois  portillons  ,  &  l'on  doit  payer  neuf  chevaux. 

Les  voitures  montées  fur  quatre  roues  ,  ayant 
un  feul  fond  ik  liinonière  ,  ik.  qui  font  chargées 
d'une  feule  perfonne,  ou  de  deux  peifonnes  fans 
malle  ,  doivent  être  attelées  de  trois  chevaux ,  con- 
duits par  un  poltiUon. 

Si  ces  voitures  font  chargées  de  deux  perfonnes , 
avec  malle  &  ports-manteau  ,  elles  doivent  être 
attelées  de  quatre  chevaux  ,  conduits  par  deux  pof- 
tillons.  On  met  pareillement  quatre  chevaux  pour 
trois  per(onnes  ,  &  l'on  en  paye  cinq. 

Quand  ces  voitures  font  chargées  de  quatre  per- 
fonnes, elles  doivent  être  attelées  de  fix  chevaux  , 
conduits  par  deux  poiUUons. 

Il  doit  être  payé  dans  toute  l'étendue  du  royau- 
me, avant  de  partir  de  la  Porte,  par  toutes  fortes 
de  perfonnes  ,  de  quelque  qualité  &  condition 
qu'elles  foient  ,  vingt-cinq  fous  par  Porte  pour 
chaque  cheval  ,  de  quelque  manière  qu'il  foit 
employé. 

À  l'entrée  &  à  la  fortie  des  villes  de  Paris ,  de 
Lyon  ôi  de  Veri'ailles  ,  m.éme  pendant  i'abfence  du 
roi,  la  première  Forte  fe  paye  double,  en  obfer- 
vant  toutefois  qu'on  ne  doit  payer  que  trois  Portes 
de  Paris  à  "Verfailles  ,  &  de  Verfailles  à  Paris. 

A  l'entrée  &.  à  la  fortie  des  lieux  où  le  roi  fait 
un  féjour  momentanée  ,  la  première  Porte  fe  paye 
double  ;  mais  à  compter  feulement  depuis  l'heure 
de  minuit  qui  fuit  le  jour  oîi  le  roi  eft  arrivé  ,  &  juf 
qu'à  minuit  après  le  jour  qu'il  en  ert  parti.  Cela  ert 
iiinfi  réglé  par  l'ordonnance  du  25  juillet  i/^y- 

Suivant  l'ordonnance  du  8  décembre  1738,  les 
•portillons  feuls  peuvent  conduire  les  chevaux  de 
Porte  :  nul  courrier  ne  peut  les  remplacer  par 
fes  gens. 

Les  anciens  guides  font  de  cinq  fous  par  Porte 
pour  chaque  portillon  ;  mais  il  ert  d'ufage  de  leur 
"payer  einq  fous  déplus. 

Outre  ces  guides  ,  l'ufage  s'eft  établi  de  payer 
vingt  fous  de  plus  à  la  Porte  de  Paris  à  Verfailles , 


POSTE.  II.; 

&  de  Verfailles  :;  Paris  ;  &  quinze  fous  aux  Fo^'cc'^' 
de  Paris  Si  de  Veifailles,  à  toutes  les  Pcrt;s  où  elle* 
conduifent ,  ainfi  qu'aux  Portes  des  lieux  où  le  rt^i 
fait  un  féjour  momentané. 

Les  courriers  n'.unis  dun  ordre  particulier  tût 
minirtre  qui  les  charge  de  fes  dépêches,  doivent 
jouir  des  prérogatives  des  Courriers  du  cabinet , 
en  repréfentant  l'ordre  dont  ils  font  porteurs  aux 
maîtres  des  Fortes  ;  en  confjquenco  ,  ils  ne  font 
tenus  de  payer  que  trente  fous  par  Porte  pour  Uiir 
cheval  &  celui  du  portillon  ci;i  les  accompagne  , 
indépendamment  des  guides.  Cela  ert  ainfi  éiah'i 
par  les  ordonnances  des  8  décembre  1738,  Si  17 
feptembre  1761. 

D'autres  ordonnances  des  %  février  1742.3»:  :  •■; 
oflobre  1764,  ont  défendu  aux  maîtres  des  ï-'orte.v 
de  conduire  les  courriers  plus  de  quatre  lieues  dans, 
la  traverfe  :  ils  ne  font  même  autorifés  à  conduire 
à  cette  dirtance  qu'autant  que  le  fervice  de  Li 
grande  route  ne  peut  en  foufirir. 

Les  châteaux  fuués  à  proximité  des  grandes  rou- 
tes ,  doivent  être  fervis  par  les  Portes  les  plus  voi- 
fines.  Cependant  les  courriers  qui  vont  pour  quel- 
ques heures  dans  un  château ,  peuvent  y  garder 
pour  leur  retour  les  chevaux  qui  les  ont  amenés, 
à  la  charge  de  payer  la  dépenfe  ou  rafraîchiffe- 
ment  des  chevaux.  Ceux  qui  s'arrêtent  plus  long- 
temps au  château  ,  ou  qui  y  couchent ,  font  tenus 
d'envoyer  clicrcher  des  chevaux  à  la  Porte  la  plus 
prochaine  du  lieu. 

Les  maîtres  des  Portes  frontières  ne  doivent  con- 
duire aux  Portes  étrangères  qu'en  fe  faifant  payer 
d'avance  &  en  monnoies  étrangères.  C'ert  ce  que 
portent  plufieurs  ordonnances  de  29  février  1740, 
premier  juillet  1746,  18  juin  1758,  &,  57  teyfier 
1762. 

Quand  des  courriers  arrivés  par  la  Porte  ,  l.t 
quittent  pour  s'embarquer  fur  les  rivières,  le  fer- 
mier des  coches  ou  diligences  d'eau  ,  ou  le  bâte* 
lier  des  villes  dans  lefquelles  les  Portes  font  fituées , 
ne  peut  embarquer  ces  courriers  qu'en  payant  aux 
maîtres  de  Porte  trois  livres  pour  chaque  per-  • 
fonne,  foit  maître  ou  domeftique.  Et  l'on  répute 
courriers  ,  ceux  qui  embarquent  des  berlines  , 
chaifes  ,  felles  ou  bottes.  Cela  eft  ainrt  réglé  par  les 
ordonnances  des  19  août  1735   &  M  *'vil  1746. 

Une  autre  ordonnance  du  6  décembre  1736, 
défend  à  tout  courrier  d'enlever  ,  par  rufe  ou  par 
violence  ,  les  chevaux  deftinés  au  fervice  de  la 
malle  ,  ou  ceux  que  les  maîtres  de  Porte  ont  ordre 
de  réferver. 

Les  courriers  à  franc-étrier  ne  peu\^nt  fe  fervir 
de  brides  à  eux  appartenantes. 

Ils  ne  doivent  pas  non  plus,  quand  ils  font  en 
guide,  palier  devant  le  portillon,  &  il  eft  dé- 
fendu à  tout  maître  de  Porte  de  donner  des  chc" 
vaux  aux  courriers  &  guides  qui  arrivent  à  leur  ' 
Porte  ,  avant  que  le  portillon  qui  doit  les  con- 
duire ne  foit  arrivé,   n'ait  reconnu   les   chevauj;. 


1T4  POSTE. 

en  état  ,  &  n'ait  déclaré  la  courfe  &  les  guides 
payés. 

Lorfque  des  courriers  accompagnent  une  voi- 
ture, ils  ne  peuvent  la  précéder  que  d'une  Pofte. 
Il  leur  eft  détendu  de  partir,  Ôc  aux  maitres  des 
Portes  de  les  laiffer  partir  avant  ^ue  la  voiture  qu'ils 
«nt  précédée  ne  foit  arrivée  au  relais. 

Il  eft  pareillement  défendu  aux  courriers  de  frap- 
per ou  de  fouffrir  que  leurs  domeftiques  frappeiu 
aucun  portillon,  8c  de  fouetter  ou  faire  fouetter 
les  chevaux ,  &  en  général  de  commettre  aucune 
violence  dans  les  Portes  ,  fous  peine  de  défobéif- 
fance  aux  ordres  du  roi,  &  de  répondre  en  leurs 
propres  &  prives  noivs  des  dommagas  qui  pour- 
roient  réfulter  de  ces  fortes  d'excès. 

Les  pofiillons  qui  donnent  lieu  aux  courriers  de 
porter  contr'eux  de  jurtes  plaintes  ,  doivent  être  fé- 
vèrement  punis  après  qu'elles  ont  été  vérifiées, 

Les  maîtres  de  Portes  ae  peuvent  être  contraints 
cl  fournir  des  chevaux  pour  être  attelés  à  une  voi- 
ture avec  d'autres  chevaux  que  ceux  employés  au 
fervice  de  la  Porte. 

Les  courriers  ne  peuvent  forcer  les  portillons 
à  paffer  au-delà  d'un  relais,  encore  ert-ce  dans 
le  cas  où  il  n'y  auroit  pas  les  chevaux  nccertaires 
à  la  Porte ,  &  après  que  ceux  qui  doivent  paiTer 
ont  rafraîchi. 

Dans  le  cas  où  les  portillons  ne  trouvent  à 
la  première  Porte  où  ils  amènent  un  courrier , 
qu'une  partie  des  chevanx  nécertaires  pour  les 
relayer ,  ils  doivent  ,  après  avoir  fait  rafraîchir 
ceux  de  leurs  chevaux  qui  font  en  état  de  paf- 
fer, les  faire  courir  avec  ceux  qu'ils  ont  trouvés  , 
&  chaque  cheval  doit  être  conduit  par  fes  pof- 
lillons. 

Dans  les  momcns  où  le  nombre  des  courriers 
excède  celui  des  chevaux  dertinés  à  les  fervir  ,  il 
ert  permis  aux  portillons,  lorfqu'ils  fe  rencontrent 
à  moitié  de  leur  courfe  ,  de  changer  les  chevaux  ; 
ce  qui  ne  peut  avoir  lieu  fans  le  confentement  des 
courriers. 

Les  courriers  doivent  être  fervis  dans  les  Portes 
conféquemment  à  la  date  de  leur  arrivée  ou  de 
celle  de  leur  avant-courrier,  quand  ils  en  ont  un 
qyi  les  précède. 

Deux  voitures  attelées  d'un  même  nombre  de 
chevaux  ne  peuvent  fe  pafier  ;  elles  doivent  mar- 
cher dans  Tordre  ou  elles  font  arrivées  à  la  Polîe. 

Dans  le  cas  où  les  chevaux  d'une  Polie  fuffi 
famment  fournie  ,  font  en  courfe  ,  le  maître  de 
Porte  n'ert  pas  obligé  d'en  louer  pour  faire  le  fer- 
vice  des  courriers  qui  arrivent  ;  &  ces  derniers  doi- 
vent attendre  que  les  chevaux  foient  de  retour  & 
bien  rafraîchis. 

Il  ert  défendu  aux  maîtres  de  Porte  de  fe  fervir 
de  portillons  âgés  de  moins  de  fsize  ans. 

Les  portillons  ne  peuvent  quitter  leurs  maîtrss 
fans  les  avoir  avertis  au  moins  quinze  jours  aupara- 
vant :  il  eft  défendu  à  tout  maître  de  Porte  de  rece- 
voir à  fon  fervice  aucun  portillon ,  qu'il  ng  foit 


POSTE. 

;  muni  d'un  certificat  du  maître  qu'il  a  quitté. 

Les  droits  de  péages,  bacs,  barrières  &  pontS, 
font  à  la  charge  des  courriers  ,  indépendamment  dn 
prix  des  courfes. 

Toutes  ces  règles  font  établies  par  différentes  or- 
donnances des  29  janvier  1676,  lO  juillet ,  1720, 
8  décembre  1738,  28  novembre  1756,  &c. 

Par  arrêt  rendu  au  confcil  d'état  le  18  noyem- 
bre  1780,  le  roi  a  fait  entre  la  régie  des  meffage- 
ries  ,  oi  les  maîtres  de  Porte  aux  chevaux ,  un  rè- 
glement qui  ert  ainfi  conçu. 

«  Vu  par  le  roi  étant  en  fon  confeil ,  l'arrêt  ren- 
»  du  en  icelui  le  7  août  1775  ,  qui  ordonnne  l'é- 
'>  tabliffement  des  diligences   en  Pofle  ,  &  celui 
»  17  aoilt  1776,  concernant  les  mertageries ,  par 
»  Icfquels  il  a  été,  entre  autres  chofes,  ordonné 
»  qu'il  fcroit  fourni  par  les  maîtres  de  Poftc  fix 
»  chevaux  en  été  ,  &.  huit  en  hiver  ,  pour  la  con- 
»    duite  des  diligences  à  huit  places  ,  &  quatre  che- 
»  vaux  en  tout  temps  pour  celles  à  quatre  places: 
»  mais  comme  ces  régleraens  n'ont  pas  déterminé 
»  le  nombre  des  chevaux  qui  feront  employés  fur 
»  les  diligences  à  fix  places  ,  ce  filence  a  donné 
»  matière  à  quantité  de  contert.ations  qui  fe  font 
"  élevées  entre  les  maîtres  de  Porte  &  le  régif- 
»  feur  général  de»  mertageries  ;  pour  les  préve- 
)>  iiir,  fa  majcrté  a  jugé  nécertaire  d'expliquer  fes 
»  intentions.  A  quoi  voulant  pourvoir  ,  oui  le  r?.p' 
»  port;  le  roi  étant  en  Con  confeil,  a  ordonné  ik 
»  ordonne  ,  qu'à  l'avenir,  &  à  compter  du  jour  de 
»  la  publication  du  préfent  arrêt ,  il  fera  fourni 
))  par  les  maîtres  de  Porte  qui  delTervoient  des  di- 
»  ligences  à  fix  places ,  quatre  chevaux  ,  pour  le 
»  fervice  defquels  il  leur  fera  payé,  toute  l'année  , 
»  cinq  chevaux  8c  les  guides  d'un  portillon,  lorf- 
»  que  dans  lefdites  voitures  il  n'y  aura  que  qua- 
»  tre  voyageurs  ,  &  deux  au  cabriolet ,  non  com- 
»  pris  le  conduâeur ,  &  qu'elles  ne  feront  char- 
M   gées  que  de  douze  cents  livres  pefant  en  mar- 
»  chandifes  ;  &  fix  chevaux  Se  les  guides  de  deux 
)»  portillons  ,   s'il    fe  trouve  fur  lefdites  voitures 
!>  plus  de  quatre  voyageurs  en  dedans,  ik  deux 
»  au  cabriolet ,  non   compris  le  coniufteiir ,  ou 
5>  plus  de  douze  cents  livres  pefant  en  marchan- 
»  difes.  Fait  fa  majerté  très-expreiTes  inhibitions  & 
«  défenfes  audit  régirt"eur  général  des  melTageries, 
î>  &  à  fes  fermiers  ou  prépofés,  de  charger  fur  lef- 
»  dites  voitures  plus  de  quinze  cents  hsres  pefant 
n  de  marchandifes ,  à  peine  de  répondre  en  leur 
»  propre   &  privé  nom  des  accidens    qui  pour- 
»  roient  arriver  aux  chevaux  de  Porte  employés 
»  au  fervice  de  ces  voitures.  Fait  au  confeij  d'é- 
j>  tat  du  roi ,  fa  majefté  y  étant ,  tenu  à  Verfaille» 
»  le  dix-huit  novembre  1780.  5ipe  AmelOT  ». 

Suivant  une  déclaration  du  25  feptembre  1742» 
enregiftrée  au  parlement  le  14  décembre  fuivant , 
les  courriers,  commis,  fafleurs  ,  dirtributeurs  ou 
autres  employés  dans  l'apport  ou  dans  la  dirtribu^ 
tion  des  lettres  ou  paquets  envoyés  par  la  Porte, 
qui  viennent  à  être  convaincus  de  prévarication 


POSTE. 

<fti  de  larcin  pour  eux  ou  pour  d'autres ,  en  inter- 
ceptant ou  décachetant  frauduleufement  des  le:- 
trcs  ou  paquets  ,  pour  prendre  les  billets ,  lottr^;^ 
de  change  ,  lettres  d'avis  ,  quittances  &  autres  ef- 
fets ,  doivent  être  punis  de  mort  :  mais  ceux  qui 
ont  leulcment  intercepté,  fouflrait ,  ouvert  ou  dc- 
cach.té  les  paquets,  &  retenu  ou  détourné  les  ef- 
fets qui  y  croient  renfermés,  fans  qu  ils  foient 
convaincus  (.l'en  avoir  abufé  pour  eux  ou  pour  d'au- 
tres ,  ne  doivent  être  condamnés  qu'aux  galères 
à  temps  ou  a  perpétuité ,  ou  au  bannifïement,  ou 
au  blâme  ,  félon  1 ,  qualité  du  fait  &  des  circonf- 
lances. 

Un  jugement  fouverain  rendu  par  des  commif- 
faires  du  confeil  le  3  mai  1741  ,a  condarnnéà  mort 
un  commis  des  Pofîes  qui  s'etoit  rendu  coupable 
de  différens  voiS  ,  en  ouvrant  &  décachetant  plu- 
freurs  paquets  contenant  des  effets  qu'il  s'étoit 
appropriés. 

L'iufendant  général  des  Portes  ayant  repréfenré 
au  roi  que  les  dilficultés  que  les  employés  de  la 
ferme  générale  élevoient  contre  les  courriers  qui 
arrivoient  aux  barrières  ou  qui  fortoient  de  lliôrel 
des  Portes  dv  Paris  ,  retardoient  louveut  le  fervice 
du  public;  &  les  fermiers  généraux  ayant  de  leur 
côté  repréfenté  que  ces  courriers  faifoient  journel- 
lement la  contrebande,  en  introduilant  des  mar- 
chandifcs  prohibées  ou  fujettes  aux  droits  d'en- 
trée ;  fa  majerté  a  jugé  devoir  prendre  les  mefures 
nécert'aires  pour  artiirer  le  fervice  des  Portes  &  la 
perception  de  fes  droits,  en  fixant  les  bornes  dans 
lefquelles  l'intendant  général  des  Portes  &  les  fer 
jniers  généraux  doivent  fe  renfermer  :  en  con'.é- 
quence  elle  a  rendu  en  fon  confeil ,  le  27  feptem- 
bre  1781  ,  un  anél  qui  contient  les  difpofitions 
fuivantes  : 

Art.  premier.  «  Les  courriers  ne  pourront  char- 
»  ger  dans  les  malles  ou  facs  de  route ,  dertinés 
»  au  tranfport  des  dépêches ,  que  les  paquets  qui 
M  leur  feront  remis  par  les  dircéleurs  des  Portes, 
T)  fans  pouvoir  y  introduire  aucune  efpèce  de  mar 
»  chandiffs  prohibées  ou  fujettes  aux  droits  ,  pour 
»  leur  compte  ou  pour  celui  des  particuliers,  à 
î'  peine  de  confifcation  defdires  marchandifes  & 
»  de  cinq  cents  livres  d'amende  ,  &  de  dertitution 
n  en  cas  de  récidive ,  laquelle  fera  ordonnée  par 
5>  l'inienrlant  général  des  Portes. 

II.  57  Dans  le  cas  où  les  courriers  auroient  dans 
5»  leurs  brouettes  &  hors  la  malle  &  les  facs  de 
>»  route ,  à  eux  remis  par  le  direfleur  ,  des  mar 
»  chandifes  fujettes  aux  droits  ,  ils  feront  tenus 
■n  d'en  faire  déclaration  au  bureau  de  la  barrière 
)>  d'entrée  ,  &  d'y  acquitter  les  droits  ,  à  peine  de 
»  confifcation  &  de  trois  cents  livres  d'amende. 

m.  •>  Les  employés  aux  barrières  feront  la  vi- 
»  fite  dofdites  brouettes  ,  fans  pouvoir  demander 
3>  l'ouverture  de  la  malle  &  des  faca  de  route ,  fous 
*  peine  de  punition  ;  Se  dans  le  ca^  où  lefdites 
»  brouettes  contiendroienr ,  hors  la  malle  &.  les 
»  lacs  de  route ,  des  marckandiifes  non  déclarées 


POSTE. 


115 


n  ou  prohibées ,  ils  en  feront  la  (df^Cic  ,  &  en  drcf- 
»  feront  procès-verbal  ,  fans  néanmoins  retarder 
»  les  courriers  plus  d'une  demi-heure  ,  à  peine  dô 
Ti   punition. 

IV.  :;  Si  le  volume  des  malles  leur  donne  lieu  de 
»  foupçonner  de  la  fraude ,  ils  feront  autori(-^s  à 
»  ticcompagner  la  brouette  jufqu'à  l'iiôtel  des  Pof- 
»  tes  ;  &.  il  fera  enjoint  dans  ce  cas  au  courrier, 
>»  par  l'intendant  général  des  Portes,  de  n'aller  que 
»  le  pas  ,  depuis  ladite  barrière  jufqu'à  l'hôtel  des 
»  Portes ,  fans  s'écarter  du  chemin  ordinaire. 

V.  »  A  l'arrivée  a  Thôtel  Jls  Portes ,  les  courriers 
"  remettront  les  malles  à  un  commis  prépolé  par 
»  1  intendant  général  pourles  recevoir,  &  f e  reti- 
"  reront.  Le  commis  prépofé  fera  tenu  de  veiller 
)>  à  ce  qu'il  ne  foit  rien  détourné  jufqu'au  moment 
»  de  l'ouverture  ,  qui  fe  fera  par  l'intendant  général. 

VI.  »  Si ,  lors  de  l'ouverture  ,  il  fe  trouve  des 
»  marchandifes  prohibées  ou  fujettes  aux  droits  , 
"  introduites  par  lefdits  courriers,  au  préjudice 
»  des  défenfes  à  eux  faites  ,  l'intendant  général  les 
»  fera  remettre  à  la  douane  ,  avec  le  nom  ôt  la  de-^ 
»  meure  du  courrier  ,  pour  du  tout  être  dreffl-  pro- 
»  cès-vcrbal  de  faifie  ,  en  préfence  dudit  courrier  , 
j»  ou  lui  dûment  fommé  de  s'y  trouver  ;"&;  fera  ledif 
1»  courrier  dertitué  par  l'intendant  général  des  Pof- 
»  tes  fur  la  repréfentation  des  employés  des  fermes. 

VU,  »  Les  brouettes  ayant  été  vifitées  aux  barrié- 
"  res,  conduites  à  l'hôtel  des  Portes ,  &  remifes  au 
"  prépofé  pour  les  recevoir,  ne  feront  plus  dans 
'!  le  cas  d'être  vifitées  ni  arrêtées  en  fortant  duJir 
»  hôtel  par  les  commis  des  ferm^^s,  finon  dans  le 
»  cas  oLi  les  courriers  partant  s'écarteroient  de  la 
'»  route  de  leur  deftination  ,  jufqu'à  la  barrière  par 
"  laquelle  ils  doivent  fortir,  &  feroicnt  quelques 
»  verfemens  dans  l'intervalle. 

VIII.  »  Les  contertations  qui  pourroient  naître  , 
»  tant  fur  les  fraudes  qui  feront  conrtatées  par  pro- 
»  cès-verbaux  ,  que  fur  l'exécution  du  préfent  ar- 
»  rêt ,  feront  portées  par-devant  le  fieur  lieutenant 
»  général  de  police,  auquel  fa  majerté  en  attribue 
»  la  connoirt'auce ,  èc  icelle  interdit  à  fes  autres 
"  cours  &  juges  ,  fauf  l'appel  au  confeil  >». 

Le  4  juillet  17S0,  le  roi  a  rendu  l'ordonnance 
que  nous  allons  rapporter  concernant  le  fervice 
des  bureaux  de  la  Porte  maritime. 

a  *îa  majerté  ayant  permis  au  fieur  Loliot ,  par 
)?  arrêt  de  fon  confeil  du  i4:!0Ût  1777,  d'établir 
»  dans  les  ports  qui  font  le  commerce  des  colo- 
5>  nies  .  des  bureaux  libres  pour  la  réception  ,  l'en- 
»  voi  Si  la  diftribution  des  lettres  de  France  aux 
»  colonies  ,  &  des  colonies  en  France  ;  &  voulant 
1)  régler  le  fervice  des  bureaux  ,  de  manière  a  pro- 
»  curer  la  plus  grande  fureté  dans  la    correfponr- 

V  dance,  a  ordonné  &  ordonne  ce  qui  fuit: 
Art,  I.  «  Les  armateurs  ,  les  négocians  &  les 

n  particuliers  de  tous  états  feront  libres  d'expédier 
j»  leurs  lettres  &  paquets  de  papiers  ,  ainfi  qu'ils  le 
17  jugeront  à  propos  ,  fans  néanmoins  qu'aucuns 

V  armateurs  ,  négocians ,  courtiers  ou  autres ,  puiT- 


2  16  POSTE. 

5?  fcnt,  an  préjudice  des  bureaux  établis  pour  la 
I»  Pufle  maritime,  tenir  des  bureaux  publics  pour 

V  la  léceptio.n  ,  l'envoi  &  la  diftribution  des  lettres,, 

V  ni  aunoncer  ou  défigfier  des  facs  ou  cofîVcs  de(- 
."  tinés  à  recevoir  les  lettres  du  public  pour  les  co- 
j;  lonies. 

a.  5'  Les  capitaines  des  navires  feront  tenus  de 
î»  recevoir  les  facs  ou  coffres  qui  leur  feront  re- 
^1  mis  par  les  prépofés  des  bureaux  avant  leur  dé- 
î»  part ,  dont  ils  donneront  avis  auxdits  préporés  ; 
?'  &  feront  lefdits  coffres  ou  facs  fermés  &  cachetés 
■)■>  du  cachet  dcfdits  bureaux,  par  les  diredleurs  , 
3)  qui  en  feront  mention  fur  les  regifircs  fervantà 
»  infcrire  les  lettres. 

3.  "  A  l'arrivée  des  navires  dans  les  jjorts  dis  co- 
»  lonies  ,  lefdits  capitaines  feront  remettre  lefdits 
r>  facs  ou  coffies  aux  bureaux  des  Pofîes  qui  y  font 
3)  ou  feront  établis  par  la  fuite  ;  &  les  direileurs 
■>■>  défaites  Portes  chargeront  à  l'mftant  leurs  regif- 
ji  tr«s  de  ladite  remife. 

4.  jy  Les  capitaines  des  navires  en  uferont  dans 
3)  les  ports  des  colonies  ,  pour  la  réception  des 
3>  facs  ou  coffres  qui  contiendront  les  lettres  pour 
"  France  ,  ainfi  qu'il  efl  porté  en  l'article  2  pour  les 

jii  expéditions   de  France  aux  colonies;  &.  à  leur 

V  arrivée  dans  les  ports  du  royaume  ,  ils  feront 
j)  remettre  les  facs  ou  coffres  dont  ils  auront  été 
»  chargés  ,  aux  bureaux  de  la  Pofte  maritime  , 
33  qui  fe  conformeront  à  ce  qui  efl  prefcrit  par  l'ar- 
3)  ticle  3. 

<;.  V  Lefdits  facs  ou  coffres  feront  placés  dans  le 
iî  lieu  le  plus  fiir  des  navires,  &. ,  autant  que  faire 
"  fe  pourra  ,  dans  la  chambre  du  capitaine. 

6. 3»  Les  direéleurs  des  bureaux  de  la  Porte  mari- 
?»  time,  &  les  dircéteurs  des  Portes  dans  les  colo- 
3'  nies  ,  joindront  à  leurs  envois  refpeflifs  ,  des 
»?  lettres  d'avis,  dont  ils  garderont  des  doubles  , 

V  contenant  les  quantités  des  lettres  &  paquets  de 
>»  papiers  qui  feront  dans  chaque  coffre  ou  fac  , 
)j  lefquelles  lettres  d'avis  les ^ireéleurs  des  bureaux 
3)  d'arrivée  feront  également  tenus  de  conferver  , 
»y  pour  les  repréfenter  en  cas  de  befoin. 

7.  y  Lefdits  direfteurs  ,  commis  &  faé^eurs  ,  fe- 
j3  Tont  tenus  de  faire  vifer  leurs  commiffions  par 
)>  les  fleurs  intendans  &  commiffaires  généraux  de 
>3  la  marine  ;  fe  réfervantfa  majeflé  de  leur  accor- 
3»  der ,  par  des  ordres  particuliers  ,  &  d^s  les 
33  ports  principaux  feulement ,  les  exemptions  & 
3;  privilèges  dont  les  détails  de  leur  fcryice  les  ren- 

V  dront  fufceptibles. 

37  Veut  au  furplus  fa  mr-jeHé  que  les  difpofitions 
3«  de  l'arrêt  de  fon  confeildu  14  aoiit  1777  ,  foient 
33  exécutées  félon  leur  forme  &  teneur  ,  en  ce  qui 
33  n'eft  pas  contraire  à  la  préfente  ordonnance  ,  à 

V  l'exécution  de  laquelle  mande  fa  majefié  à  mon- 
57  feigneur  le  duc  de  Penthièvre  ,  amiral  de  France  , 
33  de  tenir  la  main  ,  en  ce  qui  concerne  les  droits 
3)  de  fa  charge  :  mande  &  ordonne  fa  majefté  aux 
33  gouverneurs  ,  lieutenans  généraux,  intendans  & 
5)  ordonnateurs  de  fes  colonies  ,  aux  intendans 


POSTHUME. 

n  commiffaires  généraux  &  commifiàires  ordlnai- 
3)  res  des  ports  &arfenaux  de  la  marine  en  France, 
'3  ou   à  ceux  qui  les  repréfenteronr ,  de  tenir  la 
»  main  à  l'exécution  de  la  préfente  ordonnance. 
33  Fait  à  Verfailles  ,  &c.  3>. 
Voyez  l'article  Lettre. 

POSTHUME.  Ceft  l'enfant  qui  naît  après  la 
mort  de  fon  père. 

Le  Poflhume  qui  n'eft  pas  encore  né ,  efl  néan- 
moins cenfé  l'être  ,  lerfqu'il  s'agit  de  fon  avantage, 
&  particulièrement  dans  les  fucceffions. 

il  falloit,  félon  l'ancien  droit  romain  ,  inflituer 
héritiers  ,  ou  déshériter  nommément  les  Poflhu- 
mes  ;  mais  par  le  droit  du  code ,  un  Poflhume  ne 
peut  pas  être  déshérité,  attendu  qu'il  ne  peut  y 
avoir  en  lui  aucune  caufe  d'exhérédation. 

Si  des  enfans  vouloient  procéder  au  partage  des 
biens  de  la  fucceffion  d'un  père,  dont  la  mère  fe- 
roit  enceinte  ,  il  faudroit  faire  la  portion  de  l'en- 
fant à  naître  ,  &  lui  nommer  un  curateur  pour  dé- 
fendre fes  droits.  Mais  il  efl,  en  cas  pareil ,  plus  à 
propos  de  furfeoir  le  partage  jufqu'à  la  naiffance  du 
Pofihunie,  foit  à  cauie  qu'on  eft  incertain  s'il  naîtra 
vivant,  foit  parce  qu'il  peut  fe  faire  que  la  veuve 
accouche  de  piufieurs  Fofihumes. 

Loifqu'une  veuve  demande  fur  les  biens  de  la 
fucceffion  de  fon  défunt  mari  une  provifion  pour 
fon  entretien  &  fa  fubfiftance,  à  caufe  de  l'enfant 
dont  elle  eft  enceinte  ,  on  doit  la  lui  accorder  félon 
la  qualité  des  perfonnes  ~&  les  biens  du  défunt. 
Cela  eft  d'autant  plus  jufte  ,  que  cette  provifion  re- 
garde l'enfant  à  naître  ,  qui  doit  avoir  part  à  l'hé- 
rédité ,  &  que  l'humanité  exige  qu'on  prenne  même 
plus  de  foin  d'un  tel  enfant ,  que  de  ceux  qui  font 
déjà  nés, 

Si  des  enfans  d'un  premier  lit ,  ou  à  leur  défaut , 
des  héritiers  du  fang ,  venoient  à  contefler  la  légi- 
timité du  Pofthume  ,  la  mère  ne  feroit  pas  moins 
fondée  à  demander,  durant  le  procès,  une  provi- 
fion alimentaire  ,  qui  pourroit  même  être  deman- 
dée auffi  par  le  curateur  du  PoflhXime.  Si  d'ailleurs 
le  procès  traînoit  en  longueur ,  les  provifions  pour- 
rolent  être  augmentées  relativement  aux  dépenfes 
à  faire  ,  félon  la  qualité  des  perfonnes  &  la  valeur 
des  biens.  Cette  jurifprudence  eu  fondée  fur  ce 
que,  dans  une  conteftation  de  cette  nature  ,  on 
doit  préfumer  la  légitimité  de  l'enfant,  &  que  la 
mère  n'a  point  été  infidelle  à  fon  mari. 

La  prététition  du,Pofthume  dans  le  teflament  du 
ère  ,  eff  une  raifon  fufli.lmfe  pour  faire  calTer  ce 


Der( 


teflament,  quand  niênie  le  Poflhf.me  feroit  mort 
immédiatement  après  fa  naiffance. 

Lorfquele  Pofthume  eft  prétérit  par  fa  mère  , 
qui  efî  morte  fans  avoir  eu  le  temps  de  change.r 
Con  teAament,  on  le  tient  pour  inftitué,  fi  ce  font 
les  autres  enfans  qu'elle  a  nommés  héritiers  ;  mais 
fi  elle  a  inflitué  des  étrangers ,  on  caffe  le  teftamcnt. 

Voyei  les  lois  civiles  ,  le  code  &  les  injîitutes  , 

&  les  articles  Testament,  Succession,  Héri- 
tier, &c. 

POSTULATION, 


POSTULATION. 

POSTULATION.  C'eft,  en  matière  eccléfiaf- 
tique,la  prélcntation  faite  par  ceux  qui  ont  droit 
délire  ,  au  fupérieur  eccléliaftique,  d'une  perfonne 
pour  remplir  une  dignité  vacante  ,  avec  une  prière 
à  ce  fupérieur  d'accorder  une  difpenfe  au  préfenté  , 
pour  être  pourvu  du  bénéfice  auquel  il  ne  pouvoit 
être  élu  fuivant  le  droit  commun. 

Un  clerc  féculier  ou  un  religieux  profès  d'un  au- 
tre ordre  ne  peuvent  être  élus  abbés  d'un  monaflere; 
mais  on  peut  lespofluler,  pourvu  qu'il  y  ait  une 
caufe  jufte  &  raifonnable,  comme  un  mérite  diftin- 
gué  de  la  paît  de  celui  qui  eft  poflulé,  &  des  talens 
finguliers.  On  peut  poftuler  un  clerc  f;^culier,  pour 
le  faire  pourvoir  de  l'abbaye  en  commende. 

Comme  la  Population  ne  doit  avoir  lieu  que 
quand  le  nommé  a  des  défauts  dont  le  fupérieur 
a  accoutumé  d'accorder  la  difpenfe  ,  û  celui  qi.i  efl 
poftulé  cû.  indigne  de  toute  dilpenfe  par  fes  mœurs 
ou  par  fon  ignorance ,  le  chapitre  doit  être  privé 
pour  cette  fois  du  droit  d'élire  &  de  poftuler. 

Quand  réle6^!0n  &  la  Poftulation  concourent, 
c'eft-à-dire,  quand  une  partie  des  capitulans  a  élu 
une  peifonne,  &  qu'une  partie  a  fait  une  Popula- 
tion ,  il  faut  diftinguer  trois  cas  différens.  Ou  il  y  a 
deux  fois  plus  de  voix  pour  la  Population  que  pour 
l'éleâion  ,  &  alors  la  première  doit  être  confirmée  ; 
ou  il  n'y  a  point  deux  fois  plus  de  voix  pour  la  Pof- 
tulatioii ,  &  alors  l'éleclion  doit  prévaloir  :  ou  il  y  a 
deux  fois  plus  de  voix  pour  la  Poftulation  ,  mais  le 
poflulé  tû  indigne  de  la  difpenfe  ;  &  alors  ni  l'élec- 
tion ni  la  Poftulation  ne  doivent  fubfifter.  Ctpend;.nt 
û  la  plus  grande  partie  de  ceux  qui  ont  fait  la  Poitu- 
lation ,  favoit  que  le  poftulé  fiât  indigne  de  la  difpen- 
fe ,  cette  partie  fe  feroit  privée  elle-même,  par  le 
feul  fait ,  du  droit  d'élire  &  de  poftuler ,  8c  VélcSïlon 
faite  d'une  perfonne  digne  par  la  plus  petite  partie 
du' chapitre,  feroit  confirmée.  Ceft  ce  qu'a  décidé 
Innocent  lli,cap.jcnp[um, extra,  de  eieRione  &  eUiî. 
potcfl. 

On  ne  doit  pas  fe  fervir  de  ces  formules ,  j'f7/.f 
en  poflulant  ^  ou  je  polînk  en  él'iUnt ,  ou  de  celle-ci , 
je  poftnie  &  j'élis  ,  pour  faire  valoir  le  choix  comme 
Po/lulation,  s'il  ne  vaut  pas  comme  élcff ion  ;  car 
l'une  &  l'autre  de  ces  formules  ne  comprend  ni  ime 
éleélion,  ni  une  Poflulation.  On  peut  cependant  fe 
fervir  de  la  dernière  ,  quand  on  doute  fi  la  per- 
fonne qu'on  veut  nommer  doit  être  élue  ou  poflu- 
lée  ,  pourvu  que  celui  qui  cû  nommé  choififfe 
entre  l'éleSion  Se  la  Pcfiulation  ,  dans  le  temps 
qu'il  doit  donner  Ton  confenteirent  ,  fans  qu'il 
puiffe  varier  après  avoir  fait  fon  choix.  Cela'  eft 
ainfi  décidé  par  Boniface  VIII  ,  cap.  unico.  de  Pof- 
tuUt.  in  fcxto. 

Lorfque  celui  qui  pouvoit  être  poftnIc  a  été  élu  , 
l'éleélion  cft  nulle,  fans  qu'on  puifîl,- la  regarder 
comme  une  Poftulation  légitiir.e.  Cette  dèciiion  cft 
d'Honoré  III,  cap.  &fi.  extra,  de  Pojlulaiionc. 

Toute  Poftul;uion  fimoniaque  eft  nulle  ,  Se  ne 
donne  aucun  droit  au  pourvu  fur  le  bénénce ,  même 
pour  la  perception  des  ffuics  ;  il   eft  obligé  do  ks 
TomtXUl. 


POSTULATION-        117 

reflltuer.    C'cil  ce   que  décide  Paul  II ,  cap.  cufif 
dcicjUbile  exiravag.  com.  de  funonïâ. 

Postulation  fe  dit  aufîi  des  fonéîions  d'u  n  pro 
cureur  poftulant ,  de  l'expofition  qui  fe  fait  devant 
le  juge  ,  des  demandes  &  des  défeiifes  des  par- 
ties, Ôic. 

Chez  les  Romains  ,  il  y  avoit  certains  particu- 
liers qui  étoient  exclus  de  la  Population;  favoir, 
un  mineur  jufqu'à  l'âge  de  dix-neuf  ans  ,  im  fou  ou 
un  imbécile  ,  wcv  muet ,  un  aveugle  ,  celui  qui  étoit 
afHigé  de  quelque  autre  infirmité  ,  un  prodigue  ^ 
celui  qui  avoit  été  condamné  publiquement  poi;r. 
calomnie  ,  un  hérétique  ,  un  infarne  ,  un  parjure 
celui  qui  avoi:  été  interdit  par  le  juge  de  la  faculté 
de  poUuler ,  celui  qui  s'étoit  loué  pour  combattre 
contre  les  bétes. 

L'avocat  du  fifc  ne  pouvoit  pas  poftuler  contre 
le  fifc  ,  ni  les  décurions  contre  leur  patrie  ;  l'avocat 
qui  avoit  rel'ufé  fon  miniftéie  d'après  mandement 
du  juge,  ne  pouvoit  pas  non  plus  poftuler. 

On  vou  par  ce  qui  vient  d  être  dit ,  qu'a  Rome 
les  avocats  pyuvoient  poftuler  ;  leur  profeftîon  en 
elle-même  étoit  cependant  différente  ,&  s'appeloit 
pdCro.inium  :  il  y  avoit  des  procureurs  ad  litei ,  dont 
l'emploi  étoit  finguUércment  de  poftuler  &  de  faire 
la  procédure. 

Parmi  nous  ,  la  Poftulation  eft  totalement  dif- 
tinéle  du  miniftére  des  avocats  ,  fi  ce  n'eft  dans 
quelques  tribunaux  ,  oii  les  avocats  font  en  rnème- 
temps  la  profefîion  du  procureur. 

Dans  tous  les  fièges  oii  il  y  a  des  procureurs 
en  titre,  eux  feuls  peuvent  faire  la  Poffulation.  Il 
eft  défendu  à  leurs  clercs  &  autres  perfonncs  fans 
qualité  ,  de  (e  mêler  de  Poftulation  ;  c'ell  ce  qui 
réiulte  de  l'ordonnance  de  Charles  'VII  de  14^5  , 
de  celle  de  Louis  XII  de  1507  ,  de  celle  de  Fran- 
çois premier  de  i  5  10 ,  &  de  plufteurs  arrêts  de  ré- 
glemens  conformes,  notamment  d'un  arrêt  du  (> 
feptembre  1670  ,  en  conféquence  duquel  la  com- 
munauté des  procureurs  nomme  tous  les  fix  mois 
quelques-uns  de  fes  membres  pour  tenir  la  main  à 
l'exécution  des  réglemens.  Cette  commiftion  eft  ce 
qu'on  appelle  la  chambre  de  la  Poftulation. 

Quand  ceux  qui  font  la  Poftulation  font  décou- 
verts, on  faifit  leurs  papiers  ,  &  leur  procès  leur 
doit  être  fait  à  la  requête  de  M.  le  procureur  géné- 
ral, pGurfuiie&  diligence  des  prêpofés;5i:  lorfqu'ils 
fetroHvent  convaincus  d'avoir  poftulé,  ils  font  con- 
damnés aux  peines  portées  par  les  réglemens  , 
ainfi  que  les  procureurs  qui  ont  ftgné  pouf  eux. 

Un  arrêt  du  parlement  de  Paris  du  15  janvier 
1675  »  ^  ordonné  l'exécution  d'une  délibération  de 
la  communauté  des  procureurs  ,  portant,  que  les 
procureurs  qui  feroient  convaincus  d  avoir  figné 
pour  des  poftulans,  folliciteurs  &  clercs,  feroient 
interdits  pour  fix  mois,  ik  condamnés  par  corps  à 
cinq  cents  livres  de  dommages  &  intérêts  envers 
les  pauvres  de  la  communauté  ,  Se  en  cas  de  réci- 
dive ,  interdits  pour  toujours  &  rayés  de  la  matri- 
cule ,  fans  efpétance  de  pouvoir  être  rétablis  ;  & 


2l8 


POSTULATION. 


que  les  frais  qui  pourroient  avoir  été  faits  par  les 
portulans  , fous  le  nom  de  ces  procureurs,  ne  pour- 
roient erre  repérés  contre  les  parties  ,  Si  appanien- 
droient  au  contraire  aux  pauvres  de  la  commu- 
nauté. 

Ces  peines  ont  été  prononcées  contre  des  foUi- 
citeurs  &  procureurs,  par  divers  arrêts  des  i  5  mai 
1676,28  février  1679,  4  août  1682  ,  29  aoi^;t 
1607,  1 1  zoùt  1739  ,  éc  17  juillet  1742. 

Par  un  autre  arrêt  du  7  fept;;mbre  1739  ,  le  par- 
lement a  fait  défenfe  aux  procureurs  dont  les  offi- 
ces font  vendus ,  de  faire  aucune  fontlion  de  pro- 
cureur ,  &  de  poftuler  en  quelque  manière  que  ce 
ibit ,  trois  jours  après  la  vente  judiciaire  ou  volon- 
taire. 11  a  en  même-temps  été  fait  défenfe  aux  pro- 
cureurs interdits  de  poftuler  fous  les  noms  d'autres 
procureurs  ,  &  à  ceux-ci  de  prêter  leurs  noms  aux 
deftitués  ,  démis  &  interdits,  à  peine  de  cinq  cents 
livres  d'amende  contre  chacun  d'eux  pour  chaque 
contravention  ,  même  d'interdiélion  contre  ceux 
des  procureurs  qui  leur  prêtent  leur  miniftère  iU 
fignent  pour  eux. 

*  Les  abus  qui  s'étoient  introduits  dans  le  re/Tort 
du  parlement  de  Touloufe  relativement  à  la  Poftu- 
lation  &  à  la  manière  de  rendre  les  fentences  en 
certaines  juridié^ions  ,  ont  excité  le  zèle  du  minif- 
tère public,  &  fur  fon  rèquifitoire  ,  cette  cour  a 
rendu,  le  20  mars  1784  ,  un  arrêt  de  règlement  qui 
contient  les  difpofiïions  fuivantes  : 

Art.  i.<4Nul.ne  pourra  poftuler  dans  une  juri- 
5)  dié^ion  hannerette  (  feigneuriale  )  ,  s  il  n'a  été 
«  re(j'u  Se  infcrit  fur  le  tableau  des  poftulans. 

2.  "  Celui  qui  voudra  être  infcrit  fur  ledit  ta- 
»  bleau  ,  fera  tenu  d'obtenir  l'agrément  du  fei- 
»  gneur  haut  jufticier  ,  faire  enfuite  enquête  de 
3)  bennes  vie  &  mœurs,  religion  catholique, apof- 
n  tolique  &  romaine  ,  &  prêtera  le  ferment  en  tel 
3>  cas  requis  devant  le  juge  du  lieu. 

3.  »  A  fait  &  fait  ladite  cour  inhibition  &  dé- 
1)  {cn{e  d'admettre  à  la  Poftulation  des  ouvriers  Si. 
«  des  artifans. 

4.  T)  A  fait  &  fait  pareillement  défenfes  aux  pof- 
«  tula  is  de  prêter  leur  nom  à  ceux  qui  ne  poftule- 
j>  ront  pas  dans  la  même  juridiction. 

5.3)  A  permis  &  permet  aux  feigneurs,  de  faire 
},  toutes  les  années  un  tableau  des  poftulans  ,  dans 
jj  lequel  ils  feront  infcrire  le  nombre  convenable 
M  de  fujets  néceftaires  pour  l'adminiftration  de  la 
»  juftice  dans  leurs  terres. 

6.  »  Ordonne  encore  ladite  cour,  que  dans  les 
3>  juriditUons  royales  où  il  n'y  a  pas  de  procureurs 
»>  en  titre  d'oflîce  ,  nul  ne  pourra  poiiuler  fans 
»  avoir  obtenu  l'àgiément  des  ofHciers  du  fiège  , 
11  fait  une  enquête  de  bonnes  vie  &  mœurs,  Hi 
»  prêté  le  ferment  ,  confoimément  à  l'article  2  ; 
»  qu  il  fera  permis  en  outre  auxdits  officiers  de 
»  réduire  &  fixer  chaque  année  le  nombre  des  pof- 
j)  tulans. 

7.  »  A  maintenu  &  maintient  les  avocats  en  la 
j>  coiHf  dans  le  droit  de  plaider  deyant  tous  Jes 


POSTULATION. 

^  fièges  &  juridiiSions  du  reftbrt ,  fans  que  lefdîts 
»  avocats  puiftént  prétendre  au  droit  de  dévolu  , 
»  qu'autant  qu'ils  auront  été  immatriculés  ,&  ce, 
»  conformément  aux  arrêts  &  réglemens  de  la 
»  cour;  leur  fait  néanmoins  défenfes  de  s'immifcer 
»  dans  la  Poftulation  ,  qu'au  préalable  ils  n'aient 
M  été  infcrits  fur  le  tableau  des  poftulans,  8c  après 
»  avoir  fatisfait  aux  formalités  ci-deftiis  prefcriies 
5>  par  l'article  2. 

8.»  A  fait  &  fait  inhibitions  &  défenfes  à  tous 
»  juges  ,  leurs  lieutenaRS  8c  autres  exerçant  le  dé- 
u  volu  ,  de  rendre  des  fentences  ,  tant  en  matière 
»  civile  que  criminelle  ,  hors  la  préfencc  &  fans 
»  l'affiftance  de  deux  afteiTeurs  ou  opinans ,  &  d'en 
»  prendre  d'autres  ([i.e  ceux  qui  en  ont  le  dévolu  , 
'>  fuivant  l'ordre  du  tableau  ,  conformément  aux 
»  réglemens  ;  leur  défend  en  outre  de  faire  flgner 
»  lefdites  fentences  par  autres  que  ceux  qui  en  au- 
»  ront  entendu  le  rapport ,  &  travaillé  à  la  vérifi- 
»  cation  des  procès,  à  peine  de  faux,  de  nullité 
»  defdites  fentences  ,  Si  de  tous  dépens  ,  domrua- 
"  ges  &  mtéréts  envers  les  parties. 

9.  »  Ordonne  encore  ladite  cour  que  ,  dans  un 
»  mois  ,  à  compter  du  jour  de  la  publication  du 
'>  préfent  arrêt ,  il  fera  drelfé  dans  toutes  les  juri- 
^y  diélions  du  reftbrt  ,  tant  royales   que  (éigneuria- 
»  les  ,  un  tableau  des  avocats  ,  gradués  ,  immairi* 
»  culés   dans  chacune  defdites  jutidiélions  ,  à  la 
»  fuite  duquel  feront  pareillement  infcrits  les  pro- 
n  cureurs  poftulans  qui  auront  été  commis  dans 
»  icellcs,  leiquels  ne  pourront  prétendre  au  droit 
î>  de  dévolu  ,  qu'en  l'ahfence  ou  légitime  empéciie- 
»  msnt  defdits  gradués:  ordonne  enfin  ladite  cour 
)j  que  le  prefent  arrêt  fera  imprimé  ,  lu  ,  publié, 
5)  affiché  Se  enregiftre  dans  tourcs  les  fénèchauiîées 
)>  6i  autres  fièges  du  reifort  ;  Si  qu'à  cet  effet  copies 
»  duement  collationnèes  d'icelui  feront  envoyées 
)j  dans  lefdits  bailliages  ,  fénéchauffées  &   autres' 
»  juilices  du  reffort ,  en   la  forme  ordinaire.  Pro- 
»   nonce  à  Touloufe  ,  Sic.  "  *.  (  Ce  qui  efl  entre  des 
ûj}enquei  dans  ai  article  ,  appartient  à  M.  CoRAIL 
DE  S  AI  WTE  Foi  ,  avocat  au  parlenent  de  Touloufe. 
POUDRE.  Voyez  Salpêtre  &  Nitrière. 
POUIL^E.  On  appelle  ainfi  l'état  8iled:riom- 
brement  de  tous  les  héiéfices  qui  font  dans  l'ércn- 
due  d'un  diocèfo  ,  Ibit  j  la  nomination  du  roi,  loit 
à  celle  d'un  autre  collateur. 

On  appelle  Pouillégenèral ,  celui  qui  comprend 
les  bénéfices  de  tous  les  diocèfes  d'un  royaume  ou 
autre  érar. 

Oiî  a  fait  en  France  divers  Pouillés  généraux  & 
partculiers;  en  1516,  claque  diocèfe  fe  nomma 
des  commili'airts  pour  l'eftimation  des  revenus  Si. 
la  confeélion  de  fbn  Pouillé  ;  le  clergé  nomma  des 
cominilh'irss  généraux  pour  drefler  fur  ces  Pouil- 
lés un  département. 

Il  y  eut  un  Pouillé  général  imprimé  inS".  vers 

l'an  1626,   qui  etl  devenu  très-rare,   inais  ffiii  ne 

peut  être  d'aucun  ufage  ,  tant  il  eft  rempli  de  fautes. 

Celui  qui  parut  1/1-4°-  en  1648  ,  eft  un  peu  phis 


FOUILLÉ. 

cxn<?l ,  pnrce  qu'il  fiit  fait  fu:  les  rcgiftres  du  clergé  , 
qui  furent  communiqués  à  l'auteur  par  l'ordre  de 
l'affembiée  de  Manies,  tenue  en  1641  ;  il  s'y  eft 
néanmoins  gliffé  encore  beaucoup  de  fautes.  Il  efl 
d'ailleurs  imparfait  ,  en  ce  qu'il  n'y  en  a  que  huit 
parties  de  faites  ,  qui  font  les  archevêchés  de  Paris , 
Sens ,  Reims ,  Lyon  ,  Bordeaux  ,  Bourges  ,  Tours 
&  Rouen;  les  antres  archevêchés  ne  font  pas  faits. 

Le  clergé  délibéra  en.  172,6,  que  tous  les  bénéh- 
cicrs  &  communautés  donneroient  des  déclarations 
aux  chambres  diocéfaines  ,  qui  en  feroicnt  des 
Fouillés  ,  Se  que  ces  chambres  enverroient  ces 
Fouillés  à  une  afl'embiée  générale  qui  les  rcviferoit 
&  feroit  un  département.  L'exécution  de  cette  déli- 
bération fut  ordonnée  par  un  arrêt  du  conleil  du  3 
mai  1727,  revêtu  de  lettres-patentes  du  15  juin 
fuivant. 

Il  a  paru  depuis  quelques  Fouillés  particuliers  , 
tels  que  ceux  des  églifes  de  Meaux  &  de  Chartres , 
6c  un  nouveau  Fouillé  de  Rouen  en  1738. 

Le  clergé  affemblé  à  Paris  en  1740,  renouvela 
le  deiTein  de  former  un  Fouillé  général  fur  le  plan 
qui  fut  propofé  à  l'aflemblée  par  M.  l'abbé  le  Bœuf, 
te  l'académie  des  infcriptions  &  belles-lettres.  Ce 
inême  deffein  fut  confirmé  par  une  autre  délibéra- 
tion du  clergé  en  1745  ;  &.  en  conféquence  des 
lettres  circulaires  écrites  par  meffieurs  les  agens  du 
clergé  à  meffieurs  les  archevêques  &  évoques  du 
royaume  ,  il  a  été  envoyé  à  M.  l'abbé  le  Bœuf  di- 
vers Fouillés  ,  tant  imprimés  que  manufcrits,  de 
diiTérens  diocéfes,  pour  en  fonr.er  vn  Fouillé  gé- 
néral ,  auquel  M.  l'abbé  le  Bœuf  avoit  commencé  à 
travailler  :  mais  n'ayant  point  reçu  tous  les  Fouil- 
lés de  chaque  diocêfe  ,  &  ne  s'étant  même  trouvé 
aucune  province  dont  la  colleflion  fût  complette  , 
cet  ouvrage  eft  jufqu'à  préfent  demeuré  imparfait. 

Il  y  a  divers  Fouillés  particuliers  des  bénéfices 
qui  font  de  nomination  royale  ,  &  de  ceux  qui  (ont 
à  la  nomination  des  abbayes,  prieurés,  chapitres,  j 
dignités. 

Le  père  Lelong  ,  dans  fa  bibliothèque  hiftorique , 
a  donné  le  catalogue  de  tous  les  Fouillés  imprimés 
&  manufcrits  qui  font  connus. 

Les  Fouillés  ne  font  pas  des  titres  bien  authen- 
tiques par  eux-mêmes  ,  &  ne  peuvent  balancer 
des  titres  en  bonne  forme;  mais  quand  on  ne  rap- 
porte pas  des  aâes  qui  juftifient  pofitivement  à  la 
collation  de  qui  font  les  bénéfices  ,  les  Fouillés  for- 
mant un  pré|ugé. 

POURPRÎS.  Voyti  Frécloture. 

POURSUITE.  On  appelle  ainfi  les  procédures 
qu'on  fait  dans  un  procès.  ^oyf:f  POURSUIVANT. 

POURSUIVANT.  Ceft  celui  qui  pourfuit  un 
.décret ,  un  ordre  ,  une  contribution  de  deniers. 

Lorique  plufieurs  créanciers  ont  fait  faifir  réelle- 
ment les  immeubles  de  leur  débiteur ,  il  arrive  fou- 
vent  des  coHteflations  eatr'eux  pour  favoir  qui  ref 
tera  Pourfuivant.  Ceft  la  date  des  faifies  réelles  qui 
doit  fervir  de  moyen  de  déciCon  dans  ces  fortes  de 
conteftations  ;  car,  fuivant  l'ancienne  maxime  de  | 


POURSUiVAN  r.  r^7 

'  notre  droit  François  ,  pijie  fur  faijîe  ne  vaut  ;  h 
première  faiile  l'emporte  fur  les  fnivantes ,  qui 
doivent  être  converties  en  oppofition.  Mais  depuis 
l'établiffement  des  commiflaires  aux  faifies  réelles  , 
ce  r'efi  point  celui  qui  fait  faire  le  premier  exploit 
de  faifie  qui  eft  regardé  comme  le  premier  faifif- 
iant  ;  on  préfère  celui  qui  a  le  premier  fait  enregif- 
trer  la  faifie  réelle  ,  parce  que  la  première  faifie 
enregiftrée  eft  celle  qui  a  eu  la  première  quelque 
effet  ;  c'eft  pourquoi  la  féconde  ne  doit  pas  même 
être  enregiftrée,  fi  on  la  préfente  au  buresu  où  la 
première  à  été  portée.  Cependant  fi  la  féconde  eft 
beaucoup  plus  ample  que  la  première,  c'eft-à  dire  , 
fi  on  y  a  compris  beaucoup  plus  de  biens,  l'ufage 
eft  de  donner  la  pourfuite  au  fécond  faifilTant,  & 
de  convertir  la  première  faifie  en  oppofition  , 
quoique  la  féconde  faifie  n'ait  point  été  enregiftrée. 
Le  fscond  faififfant  devient  en  ce  cas  le  premier , 
par  rapport  aux  biens  que  le  plus  diligent  n'avoit 
point  fait  faifir  ;  &  ce  feroit  multiplier  les  frais 
inutilement,  que  de  faire  faire  des  pourfuites  & 
des  procédures  différentes  ,  pour  parvenir  à  l'adju- 
dication des  biens  falfis  :  il  vaut  donc  mieux  joindre 
ces  faifies,  &  donner  la  préférence  pour  I.î  pour- 
fuite  à  celui  dont  la  faifie  efl  la  plus  ample. 

Quand  on  a  fujet  de  craindre  des  intelligences 
entre  la  partie  qui  a  fait  une  faifie  réelle  plus  ample, 
&  la  partie  faifie  ,  on  ordonne  que  le  premier  fai- 
fiffant demeurera  Pourfuivant,  en  rcmbourfnnt  ce- 
lui qui  a  fait  la  féconde  faifie.  C'eft  l'efpèce  de 
l'arrêt  rendu  au  rapport  de  M,  de  Vienne,  le  7 
feptembre  171 3  ,  contre  un  fils  qui  demandoit  la 
pourfuite  de  la  faifie  réelle  des  biens  de  fon  përe, 
fous  prétexte  que  la  faifie  qu'il  avoit  faite  étoit  plus 
ample  que  celle  du  premier  faififfant. 

Si  celui  qui  eft  chargé  de  la  pourfuite  de  la  faifie 
réelle ,  vient  à  donner  main-levée ,  un  autre  créan- 
cier oppofant  peut  fe  faire  fubrogerà  la  pourfuite- 
La  raifon  en  efl,  qu'en  ce  cas  tout  oppofant  eft 
cenfé  faifilTant;  c'eft  le  plus  diligent  qui  eft  alors 
préféré.  Il  ea  eft  de  même  fi  le  Pourfuivant  néglige 
de  faire  continuer  les  procédures  ,  foit  parce  qu'il 
fe  trouve  hors  d'état  d'avancer  les  frais  ,  foit  par 
pure  négligence ,  foit  par  coUufion  avec  la  partie 
faifie.  Mais  dans  le  cas  de  la  demande  en  fuhroga- 
tion ,  formée  par  l'un  des  oppofans  à  caufedela 
main-levée  donnée  par  le  faififfant  ,  on  accorde 
d'abord  la  fubrogation  ;  au  lieu  que  quand  on  ne 
fe  plaint  que  du  défaut  de  pourfuite  ,  on  a  cou- 
tume de  rendre  un  jugement ,  par  lequel  on  or- 
donne que  le  Pourfuivant  juûifiera  ,  dans  un  cer- 
tain temps  ,  de  fes  diligences  pour  parvenir  à  la 
vente  &  à  l'adjudication  par  décret  des  biens  faifis  , 
finon  qu'il  fera  fait  droit  fur  la  requête  de  l'op- 
pofant.  Si  le  Pourfuivant  ne  juftifie  pas  de  fes  dili- 
gences dans  le  temps  prefcrit ,  on  rend  un  juge- 
ment définitif,  par  lequel  la  fubrogation  eft  or- 
donnée ,  &  on  condamne  le  procureur  du  premier 
Pourfuivant  à  remettre  entre  les  mains  du  procu- 
jteur  du  fubrogé  la  faifie  &  les  autres  pièces  &  pro- 

Ee  ij 


1X0  POURSUIVANT. 

cédiires  du  décret ,  en  le  rembourfant  &  le  pourAiî- 
vant  des  frais  ordinaires,  fur  les  pièces  qui  feront 
repréfentées ,  &  fuivant  la  taxe  qui  en  fera  faite. 
On  accorde  quelquefois  au  parlement  de  Çaris  un 
fécond  délai  au  Pourfuivant  avant  de  rendre  un 
arrêt  de  fubrogation  pure  &  fimpîe.  Aux  requêtes 
du  palais  Sc  à  celles  de  Tiiôtel,  celui  qui  demande 
la  fubrogation  obtient  trois  feniences  de  trois  mois 
€n  trois  mois  ,  qui  portent,  que  dans  trois  mois  le 
Pouifuivant  fera  tenu  de  mettre  le  décret  à  fin  , 
•finon  qu'il  fera  fait  droit  fur  la  demande  en  fubro- 
gation ;  après  ces  délais  ,  on  accorde  une  fubroga- 
tion pure  &  fimple  ,  à  moins  que  les  circonAan- 
ces  n'engagent  les  juges  à  accorder  un  nouveau 
délai. 

Le  fîeur  de  Ragaru ,  grand  audiencier  de  France  , 
s'étant  fait  fubioger  à  une  faifie  ,  commencée  par 
le  fieur  de  Saint- André  ,  tréforier  général  de  la  ma- 
rine ,  demandoit  que  le  faifiifant  &  fon  procureur 
s'obligeaflent ,  par  la  quittance  des  frais  ,  à  la  ga- 
rantie de  leur  procédure  ,  finon  qu'il  lui  fût  per- 
mis de  configner  la  fomme  de  2500  livres,  à  la- 
quelle fe  montoient  les  frais  des  criées  Son  unique 
moyen  ,  pour  fonder  cette  préiention ,  étoit  de  dire 
que  le  Pourfuivant  criées  6i  fon  procureur  font 
garants  de  leur  procédure.  On  lui  répondit  que 
cette  ftipulation  étoit  infolite;  que  le  fubrogé  n  é- 
tant  obligé  de  rembourfer  que  les  frais  des  procé- 
dures valables,  doit  s'imputer  à  lui  même  d  en 
avoir  rembourfé  qui  foient  nulles  ;  enfin  ,  qu'il 
s'expofe  ,  par  la  fubrogation  ,  à  tous  les  évène- 
mens  ,  parce  que  le  premier  Pourfuivant  ne  peut 
plus  être  en  état  de  reéiifier  ce  qu'il  y  a  de  défec- 
tueux dans  fa  procédure.  Sur  quoi  eft  intervenu 
l'arrêt  du  parlement  de  Paris,  du  6  juillet  1678, 
qui ,  fans  avoir  égard  à  la  demande  du  fieur  de  R:i- 
garu ,  l'a  condamné  à  rembourfer  les  frais  de  h 
pourfuite  ,  fuivant  la  taxe  qui  en  avoit  été  faite. 

Pour  que  le  procureur  d'un  oppofant  puifle  de 
mander  une  fubrogation  pour  (a  partie,  il  faut  qu  il 
en  ait  une  procuration  l'péciale  ;  autrement  il  efl 
fujet  au  défaveu ,  parce  que  le  pouvoir  général 
qu'une  partie  donne  à  un  procureur  de  s'oppofer 
pour  elle  à  un  décret,  ne  comprend  point  celui 
île  la  faire  fubroger  à  la  pourfuite  de  la  faifie  réelle. 
Plufieurs  perfonnes  qui  ont  deffein  de  veiller  à  la 
confervation  de  leur  bien  par  une  oppofition  ,  ne 
veulent  pas  s'engager  dans  les  embarras  de  la  pour- 
fuite  d'un  décret,  avancer  les  frais  nécefiTaires,  ik 
s'expofer  à  être  pourfuivies  par  l'adjudicataire,  en 
cas  que  le  décret  dont  le  Pourfuivant  demeure  ga- 
rant ,  foit  attaqué;  c'eft  fur  ces  principes  que  ,  par 
arrêt  rendu  au  parlement  de  Paris  le  22  juin  1675  , 
on  a  jugé  que  Noël  Gobreau  avoit  été  bien  défa- 
vouc  par  la  démoifelle  Dand renne  ,  veuve  du  fieur 
Magy,  au  nom  de  laquelle  il  s'étoit  fait  fubroger 
à  une  faifie  réelle  fans  une  procuration  fpéciale. 

La  partie  qui  pourfuit  le  décret  en  vertu  du  ju- 
gement de  fubrogation  ,  n'eft  point  obligée  de  faire 
de  reprifc  au  greffe,  parce  que  le  jugement  qui  la 


PRAGMATIQUE-SANCTION. 

fuhroge  la  met  au  droit  du  Pourfuivant.  On  le  pra- 
tique ainfi  au  châteiet  de  P.iris,  fuivant  un  aftc  de 
notoriété  donné  par  M.  le  Camus,  lieutenant  ci- 
vil, le  II  janvier  1690;  cet  ufage  étant  fondé  fur 
les  principes ,  fembleroit  devoir  fervir  de  règle 
dans  les  autres  tribunaux.  Cependant  il  y  en  a  plu- 
fieurs où  l'ufage  eft  de  faire  un  aéîe  de  reprife.  On 
l'obferve  ainfi  aux  requêtes  du  palais. 

Les  coutumes  de  Bourbonnois  &  de  Nivernois 
ne  permettent  pas  aux  Pourfuivans  criées  de  fe  ren- 
dre adjudicataires  du  bail  judiciaire  :  mais  cette  dif- 
pofitien  ne  doit  pas  s'étendre  au-delà  du  refîort  de 
ces  coutumes,  attendu  qu'il  importe  au  débiteur  que 
le  Pourfuivant  foit  reçu  à  enchérir, pour  faire  por- 
ter plus  haut  le  prix  du  bail. 

Voyez  les  articles  DÉCRET ,  Criées  ,  Saisie- 
RÉELLE ,  Bail  Judiciaire  ,  &c. 

PRAGMATIQUE  SANCTION.  Ce  terme  ert 
emprunté  du  code,  où  les  refcrits  impériaux  pour 
le  gouvernement  des  provinces  font  appelés  ,  for' 
mutes pragmatiquis ,  ou  Pra^ma  ique  Janâi.on.  Il  vient 
du  mot  latin  janSio,  ordonnance,  &  d'un  mot 
grec  qui  fignifïe  affaire  On  l'emploie  pour  expri- 
mer les  ordonnances  qui  concernent  les  objets  les 
plus  importans  de  l'adminiflration  civile  ou  ecclè- 
fiaftique  ,  fur-tout  lorfqu'elles  ont  été  rendues  dans 
ime  afTerablce  des  grands  du  royaume  ,  &  de  l'avis 
de  plufieurs  jurifconfultes.  Il  nous  refte  deux  Prag- 
matiques célèbres  dans  notre  droit  ;  l'une  eft  de 
Saint  Louis,  &  l'autre  de  Charles  VII. 

Di  la  Pra^mutique-fanflion  de  Saint-Louis, 

Le  plus  pieux  de  nos  rois  fe  préparant  à  une  fé- 
conde expédition  contre  les  Sarrazins  ,  voulut  afTu- 
rer  la  tranquilité  de  l'églife  gallicane  ,  &  prévenir 
les  troubles  que  pouvoit  occafionner  ,  penf*anr  fon 
abfence  ,  le  défaut  d'une  loi  précife.  L'ordonnance 
rendue  à  ce  fujet  règle  les  droits  des  coHateurs 
&  patrons  des  bénéfices  ;  elle  affure  la  liberté  des 
éleélions ,  promotions  &  collations  ;  elle  confirme 
nos  libertés  ,  privilèges  ik  franchifes  ;  elle  modère 
les  taxes  &  les  exaâions  de  la  cour  de  Rome, 
Cette  P  agmatique  eli  divifée  en  fix  articles  dont 
voici   la  teneur. 

1.  Les  églifes,  les  prélats,  les  patrons  &  les  col- 
lateurs  ordinaires  des  bénéfices  jouiront  pleine- 
ment de  leur  droit ,  i?4  on  confervera  à  chacun  fa 
jurididion. 

2.  Les  églifes  cathédrales  &  autres  auront  la  li- 
berté des  élevions ,  qui  fortiront  leur  plein  &  en- 
tier effet.  Un  manulcrit  du  collège  de  Navarre 
ajoute  après  les  mots  éUil  ones  ,  les  deux  qui  fui- 
vent  ,  promotiones  ,  cvliationes. 

3.  Nous  voulons  que  la  fimonie  ,  ce  crime  fi 
pernicieux  à  l'cglife  ,  foit  banni  de  tout  notre 
royaume. 

4  Les  promotions  ,  collations ,  provifions  &  dif- 
pofitions  des  prélatures  ,  dignités  &  autres  bcné- 
âces  ou  offices  eccléfiaftiques ,  quels  qu'ils  foient, 
fe  feront  fuivant  le  droit  commun ,  les  conciles , 


PRAGMATIQUE-SANCTION. 

&  les  inrtitutions  des  anciens  pères. 

5.  Nous  ne  voulons  aucunement  qu'on  lève  ou 
qu'on  recueille  les  exaflions  pécuniaires  &  les 
charges  très  pefantes  que  la  cour  de  Rome  a  im- 
porées  ou  pourroit  impofer  à  léglife  de  notre 
royaume  ,  èc  par  lefquelles  il  eft  miférablement 
appauvri,  fi  ce  n'eft  pour  une  caule  raifonnable 
èi  très-urgente  ,  ou  pour  une  inévitable  nécefTité, 
&  du  conientement  libre  &  exprès  de  nous  &.  de 
l'églife. 

6.  Nous  renouvelons  &  approuvons  les  liber- 
tés ,  frnnchiies  ,  prérogatives  ôi  privilèges  accordés 
par  les  rois  nos  préd^celTeurs  &  par  nous ,  aux 
cglifes  ,  aux  monafléres  &  autres  lieux  de  piété  , 
auQl  bien  qu'aux  peribnnes  eccléfiaftiques. 

Quelques  exemplaires  ne  renferment  point  l'ar- 
ticle contre  les  exacîions  de  Rome  ;  mais  on  croit, 
avec  raifan  ,  que  des  flitreurs  de  la  cour  romaine 
l'ont  retranché  de  cette  ordonnance,  qui  tend  prin- 
cipalement à  réprimer  les  entrepriles  des  papes  fur 
les  droits  des  ordmaires  pour  les  élections  ,  les  col- 
lations des  bénéfices,  &  la  juridiâiOH  contentieufe. 
Le  célèbre  dHéricourt,  &  quelques  autres,  ont 
lévoqué  en  doute  l'authenticité  de  la  pièce  elle 
même  ;  mais  ce  doute  nous  paroît  fans  fondement. 
Fontanon  dans   fa  coUtflion  des  édits  ;  bouchel 
dans  fon  décret  ;   du  Boulay  dans  fon  hiftoire  de 
runiverfité  ;  les  PP.  Labbe  &  Coflart  dans  la  col- 
leflion  des  conciles;  Laurière  dans  fon  recueil  des 
ordonnances;  Fleuri  dans  fon  inftitution  au  droit 
cccléfiaflique   Si.  dans  fon  hiftoire  ,  attribuent  au 
faint  roi  la  Pragmatique  dont  il  s'agit.  Pintfon  l'a 
publiée  fous  le  même  titre  avec  des  commentaires  ; 
du  Tillet  afTure  qu'elle  fe  trouve  dans  les  anciens 
regiftres  de  la  cour  ;  par-tout  elle  porte  le  nom  de 
Louis  Se  la  date  de  1268  ;  les  partifans  même  de 
Rome  l'ont  reconnue  comme  les  défenfeurs  de  noj 
libertés.  S'il  n'en  eft  pas  fait  mention  dans  Thiftoire 
des  démêlés  de  Piii  ippe-k-Bel  avec  Boniface  VIII, 
c'cft  qu'elle  eft  abfolument  étrangère  à  cette  dii- 
pute.  Si  Charles  Vil  ,  dans  celle  qu'il  publia  fur  le 
même  fujer,  ne  s'autorife  point  de  l'exemple  de 
Saint-Louis,  c'eft  un    argument  négatif,  qui  ne 
peut  pas  fuppléer  au  défaut  des  preuves  pofuives. 
Êfl  ce  une  raifon  pour  s'infcrire  en  faux  contre  le 
teftament  de  Philippe  -  Augufte  ,  parce  qu'il  n'eft 
point    rappelé    dans  ce  même  édit    de    Charles  , 
quoiqu'il  ordonne  la  même  chofe  fur  la  liberté  des 
chrétiens  ?  On  trouve  d'ailleurs  la  Pragmatique  de 
Saini-Louis  citée  par  Jean  Juvenal  les  Urfms  ,  dans 
fa  remontrance  a  Charles  VII.  N'eft-ce  donc  pas 
vouloir   faire    illufion   que  de  repréfenter  le  père 
Alexandre  ,  comme  le  chef  des  modern;.s  qui  lou- 
tieniîcnt  la  vérité  &  l'authenticité  de  cette  lot  } 
Ignore  t  on  que  le  parlement,  en  1461  ,  que  les 
états  aftemblés  à  Tours  en  148  <•  que  l'univerfité 
de  Paris  en  fon  ade  d'appel  de  1491  ,  l'ont  confa 
crée  dans  d-s  a61es    niblics  ,  comme  l'ouvrage  du 
pieux  monarque  f  Eft-il  croyable  qu'ils  la  lui  aient 
attribuée  folemncllement ,  fans  s'être  bien  aflurés 


PRAGMATIQUE-SANCTION. 


111 


du  fait  ?  Dès  l'an  1315,  Guillaume  du  Breuil ,  cé- 
lèbre avocat  ,  l'avoit  rapportée  fous  le  même  nom 
dans  la  troifième  partie  de  fon  recueil ,  connu  fous 
le  titre  d'ancien  ftyle  du  parlement  ;  alors  elle 
n'avoit  point  de  contradifleuts  :  elle  a  donc  pour 
elle  l'ancienneté  des  fuffragcs  ;  les  vrais  modernes 
font  ceux  qui  ofent  la  combattre. 

Di  Id  Pragmatique-fanâion  de  Charles  Vil. 

Le  roi  Charles  'VII  é;ant  à  Tours  au  mois  ds 
janvier  1438  (  nouveau  ftyle),  écouta  les  plaintes 
qu'on  vint  lui  faire  de  la  part  du  concile  de  Baile  , 
fur  la  conduite  d'Eugène  IV,  &  fur  la  convoc;:- 
tion  du  nouveau  concile  de  Ferrare  :  pew  de  temps 
après  ,  il  fe  rendit  à  Bourges  avec  un  grand  nom- 
bre de  princes  du  fang  ,  de  feigneurs  6f  de  prélats, 
pour  délibérer  fur  les  affaires  ptéfentes  de  l'églife. 
Ily  eut  dans  cette  aifemblée  l'archevêque  de  Crète, 
nonce  du  pape,  les  archevt'ques  de  Rheims  ,  de 
Bourges ,  &.  de  Toulouie.  On  y  compta  vingt  cinq 
évèques  ,  plufieurs  abbés,  &  une  multitude  de  dé- 
putés des  chapitres  &  des  univerfités  du  royaume. 
Ce  fut-la  qu'on  dreffa  le  règlement  célèbre,  ap- 
pelé Pragmatique-fanflion  ,  décret  très- renommé 
dans  nos  iiiftoires  &  dans  toute  notre  jurifprudence 
eccléfiaftique  ,  fans  en  excepter  mêine  celle  d'au- 
jourd'hui :  car  ,  comme  le  remarque  M.  de  IMarca  , 
«  quoique  la  Pragmatique- fanflion  ait  été  abolie 
»  fous  Léon  X  &  François  I ,  cependant  la  plupart 
»  des  réglemens  qu'on  y  avoit  inférés  ont  été 
':>  adoptés  dans  le  concordat  ;  il  n''y  a  que  les  élec- 
'»  lions  qui  foient  demeurées  entièrement  étein- 
»  tes  ,  pour  faire  place  aux  nominations  royales  n. 

Les  feances  des  prélats  de  l'églife  galicane  s'ou- 
vrirent dans  le  chapitre  de  la  fainte  chapelle  de 
Bourges  dès  le  premier  jour  de  mai  de  l'an  1438  i 
mais  il  paroît  que  ce  furent  d'abord  de  fimples  con- 
férences particulières  ,  6c  que  l'affemblée  ne  fut  pu- 
blique ,  générale  &  folemnelle,  que  le  5  de  juin. 
Alors  le  roi  y  préfida  en  perfonne  ,  &  les  envoyés, 
tant  du  pape  que  du  concile  de  Bafle,  fe  prcfen- 
tèrent  pour  foutenir  les  intérêts  de  leurs  maîtres. 
Les  premiers  qui  parlèrent  furent  les  nonces  d'Eu- 
gène; us  prièrent  le  roi  de  rcconnoître  le  concile 
de  Fenare,  d'y  envoyer  fes  ambaftadeurs,  d'y 
lailTer  aller  tous  ceux  qui  voudroient  faire  le  voya- 
ges ,  de  rappeler  les  François  qui  étoient  à  Bafle  , 
de  révoquer  &  de  mettre  au  néant  le  décret  de  fuf- 
penfe  porté  contre  le  pape. 

La  requête  des  députés  du  concile  fut  toute  dif- 
férente •  ils  demandèrent  que  les  décrets  publiés 
pour  la  réformation  de  l'églife  gallicane  dans  fon 
chef  bi  dans  fes  membres  ,  fuffent  reçus  &  obfer- 
vés  dans  le  royaume  ;  qu'il  fût  fait  défenfeà  tous 
les  fujets  du  roi  d'iller  au  concile  de  Ferrare  ,  at- 
tendu qu2  celui  de  Bafle  étoit  vrai  &  légitime  ;  qu'il 
plût  au  roi  d'envoyer  une  nouvelle  ambaflllide  aux 
pères  de  Bafle  ,  pour  achever  ,  de  concert  avec 
eux  ,  ce  qu'il  reftoit  à  faire  pour  le  bien  &  la  réfor- 
mation de  l'églife  ;  qu'enfia  le  droit  de  fufpenfe 


izi       PRAGMATIQUE-SANCTION. 

porte  contre  Eugène,  fût  gardé  &  mis  en  exécution 
dans  toutvs  Ivis  terres  de  Lt  domination  françoife. 
Le  principal  orateur  de  cette  députation  tut  le 
célèbre  doileur  l'j-,onias  de  Courcelles  ,  alors  cha- 
noine d'Amiens,  6i.  depuis  curé  de  faint  André- 
des- Arcs ,  doyen  de  Notre-Dame  de  Paris  ,  &  pro- 
vifeiir  de  Sorbonne.  Quand  le  roi  Sc  raHemblée 
curent  entendu  les  piopofitions  du  pape  ôi  celles 
du  concile  de  Bnlle,  on  fit  retirer  les  envoyés  ; 
&  l'archevêque  de  Rheimii,  chancelier  de  France  , 
prenant  la  parole,  dit  que  le  roi  avoit  convoqué 
tant  de  perlbnnes  de  confidération  .  pour  prendre 
leur  avisûirle  démêlé  qui  troubloit  leglife;  que 
l"on  intention  étoit  d'empêcher  les  éclats  d'un  i'chif- 
me,  &  qu'en  cela  il  luivoit  l'exemple  de  les  an- 
cêtres ,  princes  toujours  remplis  d'amour  &  de  ref- 
pe6t  pour  la  religion.  Cette  courte  harangue  fut 
fuivie  du  choix  qu'on  fit  de  deux  prélats  ,  pour  par- 
ler le  lendemain  fur  la  matière  préfente;  ce  fuient 
l'évèque  de  Caftves  ,  confelleur  du  roi ,  &  l'arche- 
vêque de  Tours.  Le  premier  s'attacha  beaucoup  à 
relever  le  concile  au-defTus  du  pape ,  dans  le  cas 
d'héréfie  ,  de  fch'fme  ,  &  de  réforraation  générale. 
L'autre  infifla  particulièrement  fur  cette  réforma- 
fion  ,  &  il  en  montra  la  néceffité,  non  feulement 
ar  rapport  à  l'églife  ,  mais  auffi  à  l'égard  de  l'état. 
_e  chancelier  demanda  enfuite  à  l'aflemblée  fi  le 
roi  devoit  oiTrir  fa  médiation  au  pape  6c  au  concile, 
&  il  fut  conclu  que  cela  feroit  digne  de  fa  piété 
6c  de  Ton  zèle.  Mais  comme  l'objet  principal  étoit 
de  raflemblerles  points  de  difcipline  cccléfiaftique 
qu'on  jugeoit  propres  au  gouvernement  de  l'églife 
gallicane,  on  députa  dix  perfonnes,  tant  prélats 
que  doreurs  ,  pour  examiner  les  décrets  du  concile 
de  Bafle.  Certe  révifion  dura  jufqu'au  7  juillet, 
jour  anquel  le  roi  publia  l'édit  folemnel,  appelé 
Pragmatique-fanâion  ;  c'sft  ,  à  proprement  parler, 
lin  recueil  des  régkmens  dreffés  par  les  PP.  de 
Bade ,  auxquels  on  ajouta  quelques  modifications 
relatives  aux  ufages  du  royaume  ,  ou  aux  circonf- 
tances  a^luellcs.  Voici  la  fubftance  de  cette  pièce 
divifée  en  vingt- trois  titres,  dont  Côirie  Guy- 
inier  (1)  nous  a  donné  un  commentaire  très-fa- 
vant,  très-long  ,  &  trop  peu  lu.  Elle  eft  précédée 
d'une  préface  ,  dont  le  commencement  explique 
le  defftin  de  Dieu  dans  l'inftitution  de  la  pui/Tance 
temporelle;  on  y  établit  qu'une  des  principales 
obhgations  des  fouverains ,  eit  de  protéger  l'é- 
elife  &  d'employer  leur  autorité  pour  faire  obfer- 


l 


(1)  Côme  Giiymier,  chanoine  de  fainr  Thomas  du  Louvre, 
doyen  de  l'églife  coUcgiale  de  faint  Julien  de  I,aon,  confeil 
]et-clerc  au  parlement  de  Paris,  fa  patrie,  &:  préfident  aux 
enquêtes,  étoit  uninagifltat  plein  à'intcgrité  &:  de  luniicrcs. 
Il  compofi,  vers  l'an  mSs  ,  Ton  excellent  commentaire  fur 
la  Pragmatique  ,  pluficurs  fois  rcimprimé.  La  meil'eiire  édi- 
tion ell  celle  qu'en  donna  François  PinfTon  ,  célèbre  avocat 
an  parlement  de  Paris  ,  en  l(î6«  ,  in-folio.  Il  orna  cette  éài- 
lion  d'une  hiftoire  aufli  utile  que  curieufe  ie  la.  Pragmati- 
que, 5c  de  plufieurs  pièces  fctvant  de  preuves. 


PRAGMATIQUE-SANCTION. 

ver  la  religion  de  Jéfu^-Chiift ,  dans  les  pays  fou- 
rnis à  leur  obéiiîance. 

Titre  premier.  De  autontate  &  potejliilc  facrorun 
generslïuni  conùliorum  ,  tcmporibufq^ue  &  modis  <a- 
dem  convocandl  &  ctUbrandi. 

«  Les  conciles  généraux  feront  célébrés  tous  les 
»  dix  ans  ,  &  le  pape,  de  l'avis  du  conciie  hnif- 
»  faut  ,  doit  défigner  le  lieu  de  l'autre  concile  ,  le- 
»  quel  ne  pourra  être  changé  que  pour  de  grandes 
■>'  raifons  ,  &  par  le  confeil  des  cardinaux.  Quant 
»  à  l'autorité  du  concile  général ,  on  renouvelle 
'»  les  décrets  publiés  à  Confiance,  par  lefquels  il 
»  efl  dit  que  cette  fainte  aflembîée  tient  fa  puif- 
»  fance  immédiatement  de  Jéfus-Chrilt;  eue  toute 
»  perfonne  ,  même  de  dignité  papnle  ,  y  e/i  fou- 
"  mife  en  ce  qui  regarde  la  foi  ,  l'extirpation  du 
M  fchifme  ,  8c  la  rétormation  de  l'églife  dans  le 
M  chef  &  dans  les  membres,  &  que  tous  y  doi- 
»  vent  obéir,  même  le  pape,  qui  efl  pimiffahle, 
»  s'il  y  contrevient.  En  conféquence  ,  le  concile 
»  de  Èafle  définit,  qu'il  efl  légitimement  aflëmblé, 
»  &  que  perfonne  ,  pas  même  le  pspe  ,  ne  peut 
»  le  diflbudre ,  le  transférer  ,  ni  le  proroger  fans 
»  le  confentement  des  pères  de  ce  concile  », 

Titre  second.  De  deRlonibus. 

«  Il  fera  pourvu  déformais  aux  dignités  des  églt- 
»  fes  cathédrales,  collégia'es  &  monaf^iques,  par 
»  la  voie  des  éleélions  ;  &  le  pape  ,  au  jour  de  fcn 
»  exaltation  ,  jurera  d'obferver  ce  décret.  Les  élec- 
>»  teurs  fe  comporteront  en  tout  fclon  les  vues  de 
))  leur  confcience  ;  ils  n'auront  égard  ni  aux  prié- 
»  res  ,  ni  aux  promefTes  ,  ni  aux  menaces  de  per- 
»  ionne  ;  ils  recommanderont  l'affaire  à  Dieu  ;  ils 
»  fe  confefieront  &  communieront  le  jour  de  l'é- 
n  leélion  ;  ils  feront  le  ferment  de  choifir  celui  qui 
I»  leur  paroîtra  le  plus  digne.  La  confirmation  fe 
)»  fera  par  le  fupérieur;  on  y  évitera  tout  foup- 
»  çon  de  fimonie ,  &  le  pape  même  ne  recevra 
»  rien  pour  celles  qui  feront  portées  à  fon  tribu- 
n  nal.  Quand  une  éleflion  canonique,  mais  fu* 
»  jette  à  des  inconvéniens  ,  aura  été  caffée  à  Ro- 
»  me  ,  le  pape  renverra  pardevnnt  le  chapitre  ou 
»  le  monaflère  ,  pour  qu'on  y  procède  à  \\n  au- 
»  tre  choix  ,  dans  l'efpace  de  temps  marqué  pat* 
V  le  droit  ". 

La  Pragmatique  ,  en  adoptant  ce  décret  du 
concile  de  Bafle  ,  y  ajoute  :  i".  que  celui  dont  l'é- 
leélion  aura  été  confirmée  par  le  pape ,  fera  ren- 
voyé à  fon  fupérieur  immédiat,  pour  être  confa- 
cré  ou  béni ,  à  moins  qu'il  ne  veuille  l'être  in  curiâ, 
&  que  dans  ce  cas-là  même,  auflî-tôt  après  fa  con- 
fécraiion ,  il  faudra  le  renvoyer  à  (on  fupérieur  im- 
médiat pour  le  ferment  d'obéiflance  :  2".  Qu'il 
ïi'eft  point  contre  les  règles  canoniques  ,  que  le 
roi  ou  les  grands  du  royaume  recommandent  des 
fujets  dignes  de  leur  proteélion  ,  en  quoi  elle 
modère  les  défenfes  que  fait  le  concile  de  Bafle 
par  rapport  aux  prières  ou  recommandations  en 


PRAGMATIQUE-SANCTION. 

faveur  des  fiijets  à  élire  dans  les  chapitres  ou  mo- 
na/îères. 

Titre  troisième.  De  rcfcrvatiomhui  fublatït. 

«Toutes  rèferves  de  bénéfices,  tant  générales 
ï»  que  particulières,  font  &:  demeureront  abolies, 
w  excepté  celles  dont  il  eft  parlé  dans  le  corps  du 
»  droit,  ou  quand  il  fera  qucftion  des  terres  im- 
»  médiatement  foumifes  à  l'églife  romaine  ». 

Titre  quatrième.  Di  collaiionibus. 

u  II  fera  établi  dans  chaque  églife  des  minières 
n  favans  &  vertaewx.  Les  expedlatives  faifant  fou- 
»  haiter  la  mo.:  d'autrui ,  &  donnant  lieu  à  une 
»  infinité  de  procès,  les  papes  n'en  accorderont 
»  plus  dans  la  fuite;  feulement  il  fera  permis  à 
»  ciiaque  pape ,  durant  fon  pontificat ,  de  pourvoir 
»  à  un  bénéfice   fur  un  coilaieur  qui  en  aura  dix, 
»  &  à  doux  bénéfices ,  fur  un  collateur  qui  en  au- 
»  ra  Cinquante  Ôi.  au-de/Tus  ,  fans  qu'il  puiife  néan- 
H  moins  conférer  deux  prébendes  dans  la  même 
>»  églife  pendant  fa  vie.  On  n'entend  pas  non  plus 
1'  priver  le  pape  du  droit  de  prévention  ».  Mais 
le  décret  touchant  la  rélerve  dun  ou  de  deux  bé- 
Hwfi'.es  ,  quoique  rapporté   dans  la  Pragmatique  , 
n'a  point  été  approuvé  par  Fé^life  gallicane  ,  non 
plub  quj  le  diCret  touchant  la  prévention  ,  qui  a 
éré    u^j  contraire  aux  droits  des  collateurs  &  des 
patrons,  item  circ'à  23.  Afin  d'obliger  les  collateurs 
o  Uinarcs  à  donner  des  bénéfices  aux  gens  de  let- 
tres, voici  l'ordre  de  difcipline  qu'on  prefcrit  à  cet 
égard.  «Dans  chaque  carhédrale,  il   y  aura  une 
«  prébende  deftinée  pour  un  licencié  ou  un  ba- 
«  chelier  en  théologie  ,  lequel  aura  é'tudié  dix  ans 
J»  dans  une   univerfiié.  Cet  eccléfiailique  fera  tenu 
»  de  faire  des  leçons  au  moins  une  foi*,  la  femaine  ; 
»  s'il  y  manque,  il  fera  puni  par  la  fouflrafiion  des 
«  diftributions   de  la  femaine;  &  s'îl  abandonne 
»  la  réfidence ,  on  donnera  fon  bénéfice  à  un  au- 
>>  tre   Cependant ,  pour  ÎUt  laiffer  le  temps  d'étu- 
«  dier ,  les  abfences  du  chœur  ne  lui  feront  point 
»)  comptées. 

"Outre  cette  prébende  théologale,  le  tiers  des 
>»  bénéfices  ,  d:ins  ks  cathédrales  &  les  col.'éjjiales  , 
»  fera  pour  les  gradués ,  c'eft-à  dire ,  les  doaeurs , 
"  licenciés,  bacheliers  qui  auront  étudié  dix  ans 
5>  en  théologie,  ou  les  doftcurs  &  licenciés  en 
«  droit  ou  en  médecine  ,  qui  auront  étudié  fept 
»  ans  dans  ces  facultés;  ou  bien  les  maîtres  ès-arts 
'>  qui  auront  étudié  cinij  ans  depuis  la  logique  ;  tout 
»  cela  dans  une  univerfité  privilégiée.  On  accorde 
r)  aux  nobles  ex  aitiqiw  gr:nere ,  quelque  diminu- 
j;  fion  par  rapport  au  t.-mps  de  leurs  études  :  on 
»  les  réduit  à  fix  ans  pour  la  théologie,  &.  à  trois 
>»  pour  les  autres  facultés  inférieures  ;  mais  il  fau- 
»  dra  que  les  preuves  de  nobleffe,  du  côté  de  père 
»  &  de  mère,  foient  conftatces. 

j)  Les  gradués  déj:i  pourvus  d'un  bénéfice  qui 
"  demande  réfidence  ,  èc  dont  la  valeur  moiite 
')  à  deux  cents  florins ,  ou  bien  qui  pofiederont 


PRAGMATIQUE-SANCTION.     213 

»  deiix  prébendes  dans  des  églifes  cathédrales, 
w  ne  pourront  plus  jouir  du  privilège  de  leurs 
»  grades. 

»  On  aura  foin  de  ne  donner  les  cures  des  villes 
»  murées   qu'à  des   gradués  ,  ou  du  moins  à  dts 
»  maîtres  ès-arts.  On  oblige  tous  les  gradués  à  no- 
"  tifier  chaque  année  leurs  noms  aux  collateurs  ou 
'•  à  leurs  vicaires  ,  dans  le  temps  du  carême;  s'ils 
»  y  manquent ,  la  collation  faite  à  un  non  oradué 
»  ne  fera  pas  cenfée  nulle».  L'afiembléc  de  Bour- 
ges ajoura  quelques  explications  à  ces  rcglemenf. 
Par  exemple  ,  elle  confentit  à  ce  que  les  expefla- 
îives,d;ja  accordées,  euffent  leur  exécution  juf- 
qu'à  la  fête  de  pâques  de  l'année  fuivante  ,  &  que 
le  pape  pût  difpofer  ,  pendant  le  refl;e  de  fon  pon- 
tificat ,  des  bénéfices  qui  viendroientà  vaquer  par 
la  promotion  des  titulaires  à  d'autres  bénéfices  in- 
compatibles. A  l'égard  des  grades  ,  elle  voulut  que 
les  cures  &  les  chapelles  entrafient  dans  l'ordre 
des  bénéfices  aiTe.5lés  aux  gradués.  Elle  permit  aux 
univerfités  de  nommer  aux  collateurs  un  certain 
nombre  de  iujets,  laiflant  toutefois  à  ces  collateurs 
la  liberté  de  choifir  dans  ce  nombre  ;  c'eft  ,  comme 
on  voit ,  l'erigne  des  gradués  nommés.  Enfin  ,  la 
même  afTemblée  recommande  fort  aux  univerfires 
de  ne  conférer  les  bénéfices  qu'à  des  eccléfiafliques 
recommandables  par  leur  vertu  &  par  leur  fcience,' 
Num  ,  ajoute  le  texte,  ut  omnibus  notuin  ejl ,  &  n- 
diculofiim  ,  muhi  magiprorum   nomen   obtinent ,  quos 
adhuc  difciptilos  mugis  ejî  deceret. 

Tirre  cinquième.  De  caufis. 

f>  Toutes  les  caufes  eccléfiaftiques  des  provinces 
)>  à  quatre  journées  de  Rome,  feront  terminées 
»  dans  le  lieu  même  ,  hors  les  caufes  majeures  & 
»  celles  des  églifes  qui  dépendent  immédiatement 
»j  du  faint  fiége.  Dans  les  appels,  on  gardera  ïor- 
»  dre  des  tribunaux  ;  jamais  on  n'appellera  au 
»  pape,  fans  patTer  auparavant  par  le  tribunal  in- 
3>  terinédiaire.  Si  quel  ju'un  le  croyant  léfé  par  un 
i>  tibunal  immédiatement  fujet  au  pape  ,  porte  fon 
)?  appel  au  faint  fiége  ,  le  pape  nommera  des  juges 
)?  in  panibiis  fur  les  lieux  mêmes,  à  moins  qu'il 
j>  n'y  ait  de  gnndes  raifons  d'évoquer  entiere- 
»  ment  les  caufes  a  Rome.  Enfin  ,  on  ne  pourra 
»  appeler  d'une  fenrence  interlocutoire  ,  à  moins 
V  que  les  griefs  ne  foicnt  irréparables  en  defi- 
7?  nirive  ». 

Titre  sixième..  De  frlvoUs  appdhtionlbus. 

»  C:lui  qui  appellera  avant  la  définitive,  fans 
^■)  titre  bien  fondj  dans  fon  appel,  payera  à  la  par- 
»  tis  une  amende  de  quinze  florins  d'or,  outre  les 
n   dépens  ,  dommages  &  intérêts  ». 

Titre  septième.  De  pacifiai  pppfforihis. 

»  Ceux  qui  auront  poffédé  fans  trouble  pen- 
»  dant  trois  ans  ,  avec  un  titre  coloré  ,  feront 
»  maintenus  dans  leurs  bénéfices.  Les  ordinaiieç 


114       PRAGMATIQUE-SANCTION. 

j>  feront  tenus  de  s'enquérir  s'il  y  a  des  intrus  , 
M  des  incapables  ». 

Titre  huitième.   De   numéro    s»   qualiLUe 
cardinalium. 

M  Le  nombre  des  cardinaux  n'excédera  pas 
j>  vine;t-qnatre  ;  ils  auront  trente  ans  au  mo-ns  , 
j>  &  feront  dotîeurs  ou  licencies  »,  Les  évoques 
de  France  jugèrent  qu'il  falloir  modifier  le  décret 
du  concile  de  Bafle  ,  en  ce  qu'il  excluoit  les 
neveux  des  papes  du  cardinalat  ,  &  voulurent 
qu'on  pût  décorer  de  la  pourpre  ,  tous  ceux  qui 
en  fcroient  dignes  par  leurs  vertus  &  par  leurs 
talens. 

Titre  neuvième.  De  annatis. 

V  On  n'exigera  plus  rien  déformais  ,  foit  en  cour 
»>  de  Rome  ,  foit  ailleurs  ,  pour  la  confirmation  des 
»  élevions  ,  ni  pour  toute  autre  difpofition  en  ma- 
i>  tière  de  bénéfices ,  d'ordres  ,  de  bénédiélions ,  de 
»  droits  de  pûHium  ,  &  cela  fous  quelque  pré- 
>'  texte  que  ce  foit  de  bulles ,  de  fceau,  d'annates  , 
rt  de  menus  fervices,  de  premiers  fruits  &  de  dé- 
M  ports.  On  fe  contentera  de  donner  un  falaire 
»»  convenable  aux  fcribcs  ,  abréviateurs  &  co- 
»  piftes  des  expéditions.  Si  quelqu'un  contrevient 
M  à  ce  décret,  il  ftra  fournis  aux  peines  portées 
«  contre  les  ftmoniaques  ;  &  fj  le  pape  venoit  à 
«  fcandalifer  l'églife,  en  fe  permettant  quelque 
»  cliofe  contre  cette  ordonnance ,  il  faudra  le  dé- 
»  férer  au  concile  général  ". 

L'affemblée  de  nos  prélats  modéra  ce  décret  en 
faveur  du  pape  Eugène  :  elle  lui  laifia  pour  tout  le 
refte  de  fa  vie  la  cinquième  partie  de  la  taxe  im- 
pofée  avant  le  concile  de  Confiance  ,  à  condition 
que  le  payement  fe  feroit  en  monnoie  de  France; 
que  fi  le  même  bénéfice  venoit  à  vaquer  plufieurs 
fois  dans  une  année  ,  on  ne  payeroit  toujours  que 
ce  cinquième,  &  que  toute  autre  efpèce  de  fub- 
fide  cefieroit.^ 

Titre  dixième.  Quomodh  dlvlnurn  officium  Jli  ct- 
Icbrandum. 

'  »  L'office  divin  fera  célébré  avec  décence ,  gra- 
j>  vite ,  la  médiante  obfervée  ;  on  fe  lèvera  à 
»  chaque  o;/orw  patri  ;  on  inclinera  la  tète  au  nom 
y»  de  Jejus -y  on  ne  s'entretiendra  point  avec  fon 
»  voifm ,  &c.  ». 

Titre  onzième.    Q«(?  tcmpore  qui/que  debeat  ejfe 
in  choro. 

»  Celui  qui  ,  fans  néccflité  &  permiffion  deman- 
j>  dée  &  obtenue  du  préfident  du  chœur,  n'aura 
w  pas  afilfté  à  matines  avant  la  fin  du  venite  exul- 
j)  temus  ,  aux  autres  heures  ,  avant  la  fin  du  pre- 
»  mier  pfeaume  ,  &  à  la  melTe  avant  la  fin  du  der- 
j)  nier  kirïe  eleïfon,  &  qui  n'y  aura  pas  demeuré 
«  jufqu'à  la  fin  ,  fera  réputé  abfent  pour  cette 
îi  heure ,  fans  déroger  aux  ufagcs  plus  ftrifts  des 
p  églifes.  Celui  ^ui  n'aura  pas  aflifté  aux  procef- 


PRAGMATIQUE-SANCTîON. 

»  fions  depuis  le  commencement  jufqu'à  la  fin  , 

»»  éprouvera  le  même  traitement;  le  pointeur  s'o- 

»  bligera   par  ferment  à  être  fidèle  ,  &.  à  n'épar- 

»  gner  perfonne.  Lorfqu'il  n'y  aura  pas  de  difiri- 

»  bution  établie  pour  chacune  des  heures,  elles 

"  feront  prifes  fur  les  gros  fruits  ;  celui  qui  n'aura 

»  afiiflé  qu'à  une  heure  ,  ne  gagnera  pas  les  dirtri- 

»  butions  de  tout  le  jour  ;  on  abolira  l'ufage  de 

»  donner  au  doyen  &  aux  officiers ,  les  diftribu- 

»  tions  quotidiennes  ,  fans   affifier  aux  heures , 

»  quoiqu'ils  ne  foient  pasaduellement  abfcns  pour 

)>  l'utilité  de  l'églife  ». 

Titre  douzième.  Quallter  hora  canonica  funt  dl- 
cendcz  extra  cohonim. 

Titre  treizième.   De  h'n  qui  lemporz  divinorum 
off.ciorum  vagantur  pereccLflam. 

Titre    quatorzième.    De    tabula   petidente    in 

choro. 

Chaque  chanoine  ou  autre  bénéficier  pourra  voir 
fur  ce  tableau  ce  qu'il  y  aura  à  faire  à  chaque  heure 
pendant  la  femainc;  &  s'il  néglige  de  fatisfaire  par 
lui-même  ou  par  un  autre  à  ce  qui  lui  fera  prefcrit, 
il  perdra  les  diftributions  d'un  jour  pour  chaque 
heure. 

Titre  quinzième.  De  his  qui  in  mifiâ  non  com- 
plent  credo  ,  vd  cjntant  candlenas  ,  vel  niinis  bujfè 
mijfiim  legunt ,  prtzter  fecretas  orationes  ,  aut  fme 
mïnijlro. 

Titre  SEIZIÈME.  De  pignorantibus  cultum  divinum, 

))  Les  chanoines  qui  s'obligeront  à  fatisfaire  leurs 
»  créanciers  dans  un  temps  prefcrit,  fous  peine  de 
n  ceffer  l'office  divin,  s'ils  manquent  à  leur  cnga- 
»  gement ,  perdront ,  ipfo  fddo,  trois  mois  de  leur 
»   prébende  ». 

Titre  dix-septième.  De  tenentibus  capitula  tetn- 

pore  m'Jfce. 

»»  Il  cfl  défendu  de  tenir  chapitre  dans  le  temps 
11  de  lamerTe,  particulièrement  aux  jours  folem- 
»  nels  ,  fans  une  urgente  &  évidente  néceffité". 

Titre   dix -huitième.  De  [peElaculîs  in  ecclefuî 
non  facunàïs. 

Cet  article  condamne  la  fête  des  foux,  6c  tous 
autres  fpe61acles  dans  l'églife. 

Titre  dix-neuvième.  De  concubinariis. 

»  Tout  concubinaire  public  fera  fufpens  ipfj 
11  fa£lo  ,  &  privé  pendant  trois  mois  des  fruits  de 
3)  fes  bénéfices  au  profit  de  l'églife  dont  ils  pro- 
»  viennent.  Il  perdra  fss  bénéfices  en  entier  après 
11  la  monition  du  fupérieur  ;  s'il  reprend  fa  mau- 
»  vaife  habitude  après  avoir  été  puni  par  le  fupâ- 
»  rieur  &  rétabli  dans  fon  premier  état,  il  fera  dé- 
jj  claré  inhabile  à  tout  office  ,  dignité  ,  ou  béné- 
»  fice  ;  fi  les  ordinaires  négligent  de  fevir  contre 

»  les 


PRAGMATIQUE-SANCTION. 

•  les  coupables  ,  il  y  fera  pourvu  par  les  uipe- 
s>  rieurs  ,  par  les  conciles  provinciaux  ,  par  le  pape 
«  même  ,  s'il  e/l  néceffaire  ».  Au  refte  ,  on  appelle 
concubinaires  publics,  non-feulement  ceux  dont 
le  délit  eft  conftaté  par  fentencc ,  ou  par  TaTCii 
des  accufés ,  ou  par  la  notoriété  du  fait,  mais  en- 
core quiconque  retient  dans  fa  maifon  une  fem- 
me fufpefle ,  &  qui  ne  la  renvoie  pas  après  en 
avoir  été  averti  par  fon  fupérieur.  On  ajoute,  que 
les  prélats  auront  foin  d'implorer  le  bras  féculier  , 
pour  féparer  les  perfonnes  de  mauvaîfe  réputa- 
tion, &.  qu'ils  ne  permettront  pas  que  les  enfans 
ses  d'un  commerce  illicite  habitent  daas  la  maifen 
de  leurs  pères. 

Le  titre  io  ,  de  excommunlcaùs  non  vîtandis  , 
lève  la  d^enfe  d'éviter  ceux  qui  ont  été  frappés 
de  cenfures ,  à  moins  qu'il  n'y  ait  une  fentence 
publiée  contre  eux ,  ou  bien  que  la  cenfure  ne 
foit  fi  notoire  ,  qu'on  ne  puiffe  ni  la  nier  ni  l'ex- 
cufer. 

Le  titre  2,1  ,  de  inttrdïB'u  indifferenter  nen  ponen- 
dis  y  condamne  les  interdits  jetés  trop  légèrement 
lut  tout  UR  canton.  Il  eô  dit  qu'on  ne  procédera 
de  cette  manière  ,  que  quand  la  faute  aura  été  cojh- 
njife  par  le  feigneur  ,  ou  le  gouverneur  du  lieu  ou 
leurs  officiers,  dk  qu'après  avoir  publié  la  fentence 
cL'exconnnunication  contre  eux. 

Le  titre  22  ,  d:  fublatione  clement'intz  litlens,tlc. 
de  prob.it.  fupprimc  uue  décrétale  qui  fe  trouve 
parmi  les  clémentines  ,  &  dit  que  de  fimples  énon- 
ciations  dans  les  lettres  apolloliques  ,  portant  qu'un 
tel  efl:  privé  de  fon  bénéfice  ou  autre  droit ,  ou 
qu'il  y  a  renoncé  ,  n'eft  pas  fuffifante  ,  &  qu'il  faut 
des  preuves. 

Le  titre  23  ,  de  conclu/îone  ecclefta  gallicanx  ,  con- 
tient la  conclufion  de  l'églife  gallicane  pour  la  ré- 
ception des  décrets  du  concile  de  Bafle  qui  y  font 
énoncés  ,  avec  les  modifications  dont  nous  avons 
parlé.  Les  évéqucs  prient  le  roi ,  en  fîniffant ,  d'a- 
gréer tout  ce  corps  de  difcipline  ,  de  le  faire  pu- 
blier dans  fon  royaume,  ôc  d'obliger  les  officiers 
de  fon  parlement  &  des  autres  tribunaux  à  s'y 
conformer  ponéluellement.  Le  roi  entra  dans  ces 
vues  ,  &  envoya  la  Pragmatique-fanélion  au  parle- 
ment de  Paris ,  qui  l'enregiftra  le  1 3  juillet  de  l'an- 
née fuivante  i439'  Mais,  par  une  déclaration  du 
7  aoiit  1441  ,  il  ordonna  que  les  décrets  du  concile 
de  Bafle ,  rapportés  dans  la  Pragmatique  ,  n'au- 
roient  leur  exécution  qu'à  compter  du  jour  de  la 
date  de  cette  ordonnance,  fans  avoir  égard  à  la 
date  des  décrets  du  concile  (i).  On  voit  dans  toute 
cette  pièce  une  grande  attention  à  recueillir  tout 
ce  qui  paroiflbit  utile  dans  les  décrets  du  concile 
de  Baûc,  &  une  déclaration  néanmoins  bien  pofi- 
tive  de  l'attachement  qu'on  vouloit  conferver  pour 

(i)  Cetre  pièce  eft  importante  pourprouver  cjye  les  dccrets 
des  conciles ,  même  généraux  ,  en  ce  qui  concerne  la  police  , 
n'ont  force  de  loi  en  i-taacc  «ju'jprc»  qu'ilt  y  ont  c(^  accepter 
4ans  l<-s  formes  ulîcéei. 

Tomt  xni. 


■    PRAGMATIQUE-SANCTION-.  ' ti^ 

la  perfonne  du  pape  Eugène  IV  ;  ce  fiuent  en  effe^ 
les  acux  points  tixes».  -Vt/  Charles  Vil  &  de  l'églife 
gallicane,  durant  tous  les  déaiêlés  qui  affligeoient 
alors  l'églife.  ■  ' 

La  Fraguiatipue  ,  maintenue  dans  fon  entier  fous 
Charles  VII  ,^'.ii=en  ordonna  de  nouveau  l'exécu- 
tion en  14':3  ,  reçut  cans  la  fuite  de  grandes  at- 
trintes.  On  ne  voulut  jamais  l'approuver  à  Rome  ; 
elle  fut  même  regardée  ,  dit  Robert  Gaguin  ,  com- 
me une  hérijie  firnul'ufe ,  tant  il  eft  vrai  que  certe 
cour  a  de  tout  temps  érigé  fcs  prétentions  en  arti- 
cles de  foi  1  "  C'étOit,  s'il  faut  en  croire  Pie  II, 
»  une  tache  qui  défiguroit  l'églife  de  France ,  un 
»  décret  qu'aucun  concile  général  n'avoit  porté, 
»  qu'aucun  pape  n'avoit  reçu  ;  un  principe  de 
»  confufion  dans  la  hiérarchie  eccléfiaflique  ,  p^if- 
»  qu'on  voyoit  depuis  ce  temps-là  que  les  laies 
>»  étoicnt  devenus  maîtres  &  juges  du  clergé  ;  que 
>»  la  puiffance  du  glaive  fpiritucl  ne  s'exerçoit  plus 
»  que  fous  le  bon  plaifir  de  l'autorité  feculière  i 
n  que  le  pontife  romain  ,  malgré  la  plénitude  de 
»  juridiâion  attachée  à  fa  dignité,  n'avoit  plus  de 
»>  pouvoir  en  France  ,  qu  autant  qu'il  plaifoit  au 
»  parlement  de  lui  en  lailFer.  ».  Ainfi  parloir  aux 
ambafl'adeurs  de  France,  dans  l'afTeniblée  de  Man- 
toue ,  en  1459,  un  pontife  bien  différent  alors  de 
ce  qu'il  avoir  été  au  concile  de  Bafle  ,  où  la  Prag- 
matique paffoit  pour  ime  œuvre  toute  fainte  ,  pouf 
un  pian  admirable  de  réformation.  La  politiaue  d» 
Louis  XI  ofa  abattre  ce  mur  de  divifion  ,  élevé  de< 
puis  plus  de  vingt  ans  entre  les  cours  de  France 
ik  de  Rome.  Ce  monarque  crut  voir  bien  des  avan- 
tages dans  la  deftruclion  de  la  Pragmatique.  C'é- 
toit  d'abord  une  des  règles  de  fa  conduite ,  de  pren- 
dre en  tout  le  contrepied  du  roi  fon  père.  La  Prag- 
matique étoit  l'ouvrage  de  Charles  VU,  c'en  étoit 
afTez  pour  qu'elle  déplût  à  Louis  XI.  D'ailleurs  , 
la  difcipline  établie  par  cette  ordonnance  ,  rame- 
nant tout  au  droit  commun  ,  biffant  les  élevions 
aux  chapitres  &  aux  abbayes ,  déférant  aux  èvê- 
ques  la  coUatioîi  des  bénéfices ,  il  arrivoit  que  dans 
chaque  province,  dans  chaque  évéché,  les  fei- 
gneurs  particuliers  fe  rendoient  maîtres  ,  par  leur 
crédit  ou  par  leurs  menaces ,  des  principales  digni- 
tés eccléfiaftiques  ;  ce  qui  augmenot  l'autorité 
des  feignears  vaffaux  de  la  couronne,  au  grand 
déplaifir  de  Louis.  Ce  prince  crut  qu'il  n'en  feroit 
pas  de  même  de  l'influence  qu'auroit  le  faint  fiégc 
dans  le  gouvernement  de  l'églife  gallicane  ,  après 
l'abolition  de  la  Pragmatique  :  car  ,  comme  le 
roi  feroit  toujours  plus  puiffant  auprès  des  papes 
que  les  feigneurs  fubalternes  ,  il  en  feroit  auffi 
plus  écouté  ,  quand  il  demanderoit  des  grâces  ec- 
cléfiaftiques :  Louis  fe  flattoit  même  que  peu  à  peu 
la  cour  acquerroit  une  forte  de  direâion  générale 
pour  le  choix  des  fujets  ,  &  que  les  fujets  placés 
à  la  recommandation  de  la  cour ,  fe  trouvcroient 
liés  à  elle  par  des  motifs  de  reconnoiffance  ;  de 
plus  ,  il  efpéra  qu'en  faifant  le  facrifice  de  la  Prag- 
matique ,  il  déjermifleroii  le  papç  à  abandonner  le 

Ff 


2z6      PRAGMATIQUE-SANCTION. 

parti  des  princes  Arragonois,  pour  favorifer  celui 
tks  princes  Angevins  :  toutes  ces  confidérations 
l'engagèrent  à  écrire  au  pontite  une  lettre  en  date 
du  27  novembre  1461  ,  dans  laquelle  il  reconnoît 
que  <'  la  Pragmatique  a  été  faite  dans  un  temps  de 
«  fchifme  &  de  l'édition  ;  qu'elle  ne  peut  caufer 
»  que  le  renverfement  des  lois  &  du  bon  ordre  ; 
3>  qu'elle  rompt  runitbrmité  qui  doit  régner  entre 
3>  tous  les  états  chrétiens  ;  qu'il  cafTe  dès  à  préfent 
»  cette  ordonnance  ,  &  que  fi  quelques  prélats 
7)  ofent  le  contredire  ,  il  faura  les  réduire  au  parti 
■»  de  la  foumiflîon  ».  L'intrigant  évêque  d'Arras , 
Jean  Geoffroy  ou  Jouffroy  ,  confident  de  Louis  en 
tout  ce  qui  concernoit  1  abolition  de  la  Pragmati- 
que ,  fut  le  chef  de  l'ambaflade  folemnelle  que  le 
roi  envoya  au  pape  peu  de  temps  après,  pour  met- 
tre le  dernier  Iceau  à  cette  affaire  ;  il  porta  la  pa- 
role dans  la  première  audience  de  Pie  ,  &  reçut  le 
chapeau  des  mains  du  faint  père,  pour  prix  de  fa 
flatterie  &  de  fes  artifices.  I7n  ambitieux ,  connu 
par  fa  perfidie  ,  l'évêque  d'Angers  ,  Balue,  obtint  le 
même  honneur  de  Paul  II ,  par  les  mêmes  moyens. 
L'abolition  de  la  Pragmatique  n'étoit  pas  encore 
tevètue  des  formes  légales  :  Louis  XI ,  pour  pro- 
curer la  pourpre  à  fon  favori  ,  rendit  une  déclara- 
tion à  ce  fujet.  BaUie  la  porta  au  parlement  le  pre- 
mier jour  d'oftobre  1467  ,  &  en  requit  l'enregif- 
trcment  ;  mais  il  y  trouva  des  oppofitions  invinci- 
bles de  la  part  du  procureur  ginèral  ,  Jean  de 
Saint  Romain,  qui  déclara  que  la  Pragmatique étoit 
"une  ordonnance  utile  à  l'églife  gallicane  ,  Si  qu'il 
falloit  la  maintenir.  Ce  refpeâable  magiftrat  pro- 
tefia  qu'il  aimeroit  mieux  perdre  fa  charge,  &  la 
vie  même  ,  que  de  rien  faire  contre  fa  confcience  , 
contre  le  fervice  du  roi  8c  le  bien  de  l'état.  Louis  , 
informé  des  oppofitions  du  procureur-général ,  rit 
publier  fa  déclaration  au  châtelet ,  &  voulut  en 
outre  qu'on  lui  préfeniât  par  écrit  les  motifs  qui 
avoient  empêché  le  parlement  d'enregiftrer  fes  let- 
tres. Cette  cour  fit  dreffer  alors  les  longues  re- 
montrances qu'on  nous  a  confervées  ;  on  y  lit  que 
Ja  Pragmatique-fan£lion.ctoit  le  réfultat  des  conci- 
les de  Confiance  &  de  Bafle  ,  qu'elle  avoit  été  dref- 
iee  du  confentement  des  princes  du  fiuig  ,  des  évé- 
ques  ,  des  abbés  ,  des  communautés  monafliques  , 
des  univerfités  du  royaume  i  que  l'état  &  l'églife 
iouifi!"oient  d'une  grande  tranquillité  depuis  qu'on 
i'obfervoit  ;  qu'on  avoit  vu  dans  les  évêchés  ,  des 
prélats  recommandables  par  leur  fainteté  ;  qu'on 
ne  pourroit  la  détruire  fans  tomber  dans  quatre 
grands  inconvéniens  ,  la  confufion  de  l'ordre  ecclé- 
fiaftique  ,  la  Uéfolation  de  la  France  ,  l'épuifement 
des  finances  du  royaume ,  &  la  ruine  totale  des 
églifes.  Cet  écrit  détaille  chacune  de  ces  confé- 
quences  ,  infiftant  toutefois  davantage  fur  le  pre- 
mier &  fur  le  troifième  articles  ,  prétendant  que 
par  la  defiruflion  de  la  Pragmatique  on  va  donner 
lieu  au  rétablifi"ement  des  réferves  ,  des  expeélati- 
ves  ,  des  évocations  de  procès  en  cour  de  Rome  , 
.-qu'enfuite  on  verra  k  royaume  fwrçhargé  d'aanates 


PRAGMATIQUE-SANCTION. 

&  d'une   multitude  d'autres  taxes.  On  fait  fcntfr 
combien  ce  tranfport  d'argent  hors  du  royaume  eft 
préjudiciable  à  l'état  ;  on  rappelle  à  cette  occafion 
les  fommes  qui  avoient  été  payées  à  la  chambre 
apofiolique  dans  l'efpace  de  trois  ans,  &  l'on  en 
fait  monter  le  total  à  deux  millions  cinq  cent  mille 
écus  d'or.  L'univerfité  de  Paris  fe  joignit  au  parle- 
ment. A  pgine  la  déclaration  de  Louis  XI  eut-elle 
paru  ,  que  les  dodieurs  en  appelèrent  fur-le-champ 
au  concile  général  ;  ils  envoyèrent  même  des  dépu- 
tés à  Jouflroy ,  appelé  alors  le  cardinal  d'Albi ,  lé- 
gat du  pape  ,  pour  lui  fignifier  l'aâe  d'appel.  Tous 
ces  mouvemens  pour  la  Pragmatique  empêchè- 
rent cette   fois  fa    defirudlion    totale.  Louis  XI 
s'engagea  encore  à  l'abolir  entièrement ,  dans  l'ef- 
pérance  que  Sixte  IV  refuferoit  la  difpenfe  dont 
le  duc  de  Guienne,  frère  du  monarque  ,  avoit  be- 
foin  pour  époufer  Marie  de  Boi:rgogne.  La  mort 
de  ce  jeune  prince  fit  ceffer  ce  motif;  Louis  XI  n'en 
parut  pas  moins  difpofé  à  terminer  les  contefta- 
tions   qui  divifoient    les  cours  de  France  &   de 
Rome  ;  il  traita  même  avec  Sixte  en  1472  ,  par  des 
envoyés  qui ,  de  concert  avec  le  pape  ,  arrêtèrent, 
entre  autres  chofes  ,  que  le  faint  fiège  auroit  fix 
mois  ,  à  commencer  par  le  mois  de  janvier  ,  &  les 
ordinaires  fix  mois  ,  à  commencer  par  février  ,  & 
ainfi  de  fuite  alternativement  ,  dans  lefquels  ils 
conféreroient  les  bénéfices  vacans,  comme  s'il  n'y 
avoit  aucune  expedlative,  iMais  cet  accord  n'eut  pas 
lieu ,  8c  Louis ,  en  1479  '  tenta  de  rétablir  la  Prag- 
matique ,  dans  une  afiemblée  tenue  à  Lyon  ,  qiiî 
en  rappela  les  difpofitions  principales.  Louis  XII 
confirma  ce  décret  dès  fon  avènement  à  la  cou- 
ronne ,  Si  jufqu'en   1512  plufieurs  arrêts  du  parle- 
ment en  mainfinrent  l'autorité  ;  ce  qui  n'empéchoit 
pas  qu'on  n'y  dérogeât  de  temps  en  temps  ,  fur- 
tout  quand  la  cour  de  France  étoit  en  bonne  intel- 
ligence avec  celle  de  Rome  ;  au  refte  ,  la  Pragma-? 
tique  étoit  toujours  une  loi  de  difcipline  dans  l'é- 
glife gallicane.  Jules  II  crut  qu'il  étoit  temps  de 
rétablir  pleinement  fon  autorité  par  rapport  aux 
bénéfices  &  au  gouvernement  eccléfiafiique.  Il  fit 
lire  dans  la  quatrième  fefl'ion  du  concile  de  Latran  , 
tenue  le  10  décembre  1512  ,  les  lettres  données 
autrefois  par  Louis  XI  pour  fupprimerla  Pragma- 
tique. Un  avocat  confifiorial  prononça  enfuite  un 
long  difcours  ,  &  requit  l'abolition  totale  de  cette 
loi.  Un  promoteur   du  concile  demanda  que  les 
fauteurs  de  la  Pragmatique  ,  quels   qu'ils  pufTent 
être,  rois  ou  autres,  fuflent  cités  au  tribunal  de 
cette  aflemblée,  dans  le  terme  de  foixantc  jours  , 
pour  faire  entendre  les  raifons  qu'ils  auroient  de 
foutenir  un  décret  fi  contraire  à  l'autorité  du  faint 
fiège.  On  fit  droit  fur  le  réquifitoire  ,  &  l'on  décida 
que  l'adc  de  monition  feroit  affiché  à  Milan  ,  à  Aft 
&  à  Pavie ,  parce  qu'il  n'étoit  pas  fur  de  le  publier 
en  France.  L'adreffe  des  envoyés  du  roi  &  la  mort 
de  Jules  II  ralentirent  la  vivacité  des  procédures. 
Enfin  ,  Léon  X  &  François  premier,  dans  leur  en- 
trevuç  à  Boulogne,  conçurent  l'idée  du  concordat jl 


PRAGMATIQUE-SANCTION. 

qui  règle  encore  aujourd'hui  la  dilcipline  de  l'églife 
gallicane.  Le  faint  père  ,  non  content  d'approuver 
ce  traité  par  une  bulle  du  i8  août  1516,  abrogea 
par  une  autre  bulle  la  Pragmatique,  qu'il  appelle 
la  corruption  françoife  établie  à  Bourges.  La  vérifica- 
tion du  concordat  excita  des  mouvemens  qui  en 
fufpendirent  l'exécution  ;  &  lors  même  qu'il  fut 
enregiftré,  on  vit  bien  que  la  Pragmatique  cccu- 
poit  toujours  le  premier  rang  dans  l'eflinie  des  ec- 
cléllaftiques  &  des  magiflrats  François.  Reconnoif- 
fbns  néanmoins  ,  avec  M.  de  Marca  (i)  ,  «  que  le 
i>  concordat  a  rétabli  la  paix  dans  l'églife  gallicane, 
»)  &  qu'il  a  fait  plus  de  bien  au  royaume  que  la 
>»  Pragmatique-fan61ion.  Il  n'efl  pas  étonnant  que 
»  ce  décret  ait  trouvé  dans  fa  naiffance  tant  de  con- 
»  tradiéleurs.  Le  clergé  ne  put  voir  tranquillement 
>•  qu'on  le  privoit  d'un  de  fes  plus  beaux  droits  ;  il 
•>  fentit  vivement  cette  perte  ;  il  en  appela  au  futur 
•)  concile  général  ;  le  parlement  entra  dans  fes 
»>  vues.  Un  changement  fi  fubit  6c  ii  confidérable 
M  dans  le  gouvernement  des  églifes  ,  étonnoit  tous 
>»  les  efprits  ;  il  n'y  avoit  que  le  temps  &  l'habi- 
»»  tude  ^ul  puffent  les  calmer  n.  Nous  ajouterons , 
qu'en  faifant  pafTer  dans  la  main  du  fouverain  le 
droit  d'élire  les  pafleurs  ,  on  pourvoit  au  gouverne- 
ment des  églifes  de  manière  à  n'exciter  ni  brigues 
ni  violences  ;  que  d'ailleurs  il  efl  important  pour 
la  fureté  du  royaume,  que  nos  rois  placent  dans 
les  évêcbés  &  dans  les  grands  bénéfices  ,  ceux  de 
leurs  fujets  dont  ils  connoilîent  la  fidélité,  &  dont 
les  talens  s'étendent  au  maintien  de  l'ordre  public  , 
comme  aux  chofes  de  la  religion. 

Avant  de  finir  fur  cette  matière,  nous  eramine- 
rons  quelques  queftions.  D'abord,  on  demande  fi 
la  Pr?.gmntique  a  été  dre/îée  par  toute  l'afiemblée 
de  Bourges ,  comme  quelques  auteurs  l'ont  avancé , 
ou  fi  elle  efl:  l'ouvrage  du  clergé  convoqué  dans 
cette  afTemhlce.  Le  texte  même  lève  les  doutes  qui 
pourroicnt  s'élever  à  ce  fujet.  Il  dit  formellement 
qu'il  n'y  a  eu  que  les  prélats  &  autres  eccléfiafii- 
ques  repréfcntans  l'églife  de  France  ,  qui  aient  ap- 
porté des  modifications  aux  décrets  du  concile  ,  Se 
même  que  les  pères  de  Balle  n'envoyèrent  leurs 
décrets  qu'au  roi  &  à  l'églife.  On  en  peut  juger  par 
les  paragraphes  de  la  préface  ,  (jutt  qiiîdem,  quibus 
attenté ,  &  qt:,::  Omnia.  Le  corps  de  la  Pragmatique 
en  renferme  auta,nt  de  preuves  qu'il  y  a  de  titres  :  à 


di 

que  par  i  auemoiee  on  n  entend  que  les  êvëques 
les  autres  eccléfiaftiques  qui  repréfentent  toute  l'é- 
glife de  France  ;  acceptavh  &  acceptât  prout  jacent  , 
jimdjBorum  pralatorum  ,  cxCerof'tmque  virorUm  eccle- 
Jiajlicorum  ipfim  tcclefiam  reprefentandum  congres;aiio 
fxpe  diéla.  Prefque  tous  les  mots  du  par.;graphe  ea 
propter,  qui  contient  l'approbation  ou  confirciation 
du  toi,  font  autant  de  preuves  que  la  Pragmatî^isae 
n'a  été  faite  que  par  l'églife  de  France. 


[j;  L'c  coacciJ.  ,  !.  6  ,  p.  f  j6  ,  j'  éd 


it. 


PRAGMATIQUE  SANCTION.    217 

Voici  une  autre  queftion  qui  concerne  l'autorité 
de  la  Pragmatique.  On  demande  fi  elle  a  été  faite 
dans  le  fchifme.  Plufieurs  l'ont  cru  ,  fondés  fur  le 
témoignage  du  roi  Louis  XI,  qui  le  dit  dans  une 
lettre   au  pape  Pie  II,  ut  poti  quts.  in  feditione  dv» 
fchifmati  tempore  nata  fit  ;  le  pape  Léon  X  le  dit  aufir 
félon  une  lettre  rapportée  dans  le  cinquième  concile 
de  Latran.  Ce  même  pape  avance  dans  le  titre  pre- 
mier du  concordat,  que  c'eft  le  motif  qui  obligea 
Louis  XI   de  labroger.    Le  parlement  de  Paris  , 
dans  fes  remontrances  ,  &  le  plus  grand  nombre  de 
nos  meilleurs  auteurs ,  ont  foutenu  avec  raifon  ,  que 
la  Pragmatique  n'a  point  été  faite  dans  le  fchifme. 
Une  grande  partie  des  décrets  qu'elle  renferme , 
ont  été  drefi^és,  il  eft  vrai  ,  après  que  les  brouille- 
ries  du  concile  de  Bafle  avec  Eugène  IV  eurent 
commencé  :  le  pape  vouloir  faire  finir  le  concile  ou 
le  transférer  ;  les  pères  aflemblés  s'y  refusèrent ,' 
&  firent  plufieurs  décrets  contre  le  pontife.  Mais  le 
fchifme  ne  commença  qu'à  la  dépofition  d'Eugène 
en  1439  ,  au  mois  de  juin  ,  &  futconfammé  par  l'é-' 
leélion  de  Félix  au  mois  de  novembre  delà  même 
année.  Or ,  l'affemblée  de  Bourges  avoit  accepté 
les  décrets  du  concile  de  Bafle  avant  cette  époque, 
&  le  roi  Charles  VII  les  avoit  confirmés  le  7  juillet 
1438.  Il  eft  même  à  remarquer  que  le  vingt-deuxiè- 
me titre  de  la  Pragmatique  ,  qui  précède  immédia- 
tement la  conclusion  de  l'églife  gallicane,  efl:  un 
décret  du  mois  de  mars  1436.  D'ailleurs,  le  pape 
lui-même  a  confirmé  les  feize  premières  fefilons 
dans  un  temps  où  il  n'y  avoit  pas  de  divifion  entre 
lui  &  les  pères  afl^emblés.  En  un  mot,  le  titre  de 
r  autorité  des  conciles,  tiré  delà  première  &  de  la 
féconde  feffion,  fuppofe  évidemment  que  le  con- 
cile a  pu  faire  tous  les  autres,  fans  qu'on  puifie  les 
arguer  de  nullité,  fous  prétexte  que  ,  n'ayant  pas 
été  agréables  au  faint  père,  ils  ont  été  faits  en  temps 
de  fchifme. 

Il  efl  donc  certain  que  les  décrets  du  concile  de 
Bafle  ,  inférés  dans  la  Pragmatique ,  émanèrent 
d'une  autorité  légitime.  Mais  ,  nous  dira-t-on  ,  de 
quel  droit  l'égliie  gallicane  a  -  t  elle  appofé  des 
modifications  à  un  règlement  qui  devoit  être  révéré 
comme  celui  de  l'églife  uni verfelle  .'  Nous  répon- 
drons ,  avec  l'auteur  des  mémoires  du  clergé  ,  tome 
10  ,  page  58  &  fulvantes,  que  le  roi  &  l'églife  de 
France  afi'emblés  à  Bourges ,  n'ont  pas  voulu  dimi- 
.•nier  l'autorité  du  concile  de  Bafle  ;  mais  que  les 
cécrets  des  conciles,  fur  ce  qui  regarde  ladifcipline 
extérieure  &  le  gouvernement ,  ne  doivent  être 
reçus  qu'autant  qu'ils  font  utiles  aux  peuples  qu'on 
veut  conduire  ,  Se  qu'il  en  faut  de  différens ,  fuivant 
les  circonftances  ,  les  temps  &  les  mœurs  des  états 
Si  des  fiècles.  Les  conciles  généraux  ont  fait  leurs 
réglemens  de  la  manière  la  plus  convenable  à  la 
plus  grande  partie  des  nations.  Quoiqu'il  y  eût  des 
pays  qui  paruflent  demander  d'autres  lois  dans  leur 
état  préfent,  les  évêqucs  de  ces  contrées  n'ont  pas 
cru  devoir  s'oppofer  aux  décrets  des  conciles  où  ils 
fe  font  trouvés  ;  ils  ont  fuppofé  que  ces  difpofi-   . 

Ffij 


TiS      PRAGMATIQUE  SANCTION. 

lions  rega>doient  feulement  les  peuples  St  les  égli- 
■ies  placés  dans  certaines  circonftances  ,  &  qu'ail- 
leurs on  y  oppoleroit  les  modifications  ticceiraires 
pour  les  rendre  utiles.  Tels  font  les  vrais  principes 
confacrés  dans  la  préface  de  la  Pragmatique ,  §.  qux 
omnia.  Ces  règles  fur  la  difcipline  de  l'églife  iont 
bien  expliquées  dans  le  procès-verbal  de  la  cham- 
bre eccléfiafiitjue  des  étais  de  1614,  au  fujet  di^ 
concile  de  Trente  ,  dont  cinquante-cinq  prélats  du 
clergé  demandoient  la  réception  avec  certaines 
modifications.  Cette  manière  de  recevoir  les  dé- 
crets des  conciles  généraux  en  matière  de  difci- 
pline ,  n'eft  point  nouvelle  ;  les  grandes  églifcs  ont 
<.iô.  perfuadèes,  dans  tous  les  temps,  que,  fans 
faire  injure  à  ces  alTemblées  ,  on  pouvoir  main- 
tenir les  coutumes  anciennes  dont  les  peuples 
étoient  édifiés ,  &  qui  convenoient  aux  circonf- 
tances.  On  fait  la  vénération  que  toutes  les  églifcs 
avoient  pour  le  premier  concile  de  Nicée  :  c  elt 
néanmoins  un  fentiment  ordinaire  ,  que  le  ving- 
tième canon  de  ce  concile,  qui  ordonne  de  prier 
debout  aux  jours  de  dimanche  ,  &  depuis  pàques 
jufqu  a  la  pentccôte  ,  n'a  point  été  fuivi  dans  plu- 
sieurs églifes  ,  8c  fur-tout  dans  celles  d'Occident , 
qui  confcrvèrent  toujours  leur  ufage  de  prier  à  ge- 
noux. Chaque  pays  a  eu  fes  règles  &  fes  coutu- 
mes particulières,  non-feulement  dans  ce  qui  con- 
cerne l'ordre  &  les  cérémonies  du  fervice  divin, 
ïa  folemnJté  des  fêtes  »  &  les  autres  chofes  de  dif- 
cipline, qu'on  regarde  comme  moins  confidérablcs, 
mais  aufiî  dans  les  empèchemens  qui  peuvent  ren- 
dre nuls  les  mariages  des  catholiques,  &  fur  d'au- 
tres points  dont  les  fuites  font  confidérées  comme 
moins  importantes. 

Alexandre  III ,  dans  une  réponfe  à  un  évéque 
d'Amiens  ,  rapportée  dans  la  celleAion  de  Bernard 
de  Pavie  ,  la  première  des  anciennes  collerions 
des  décrétales  ,  liv.  4,  tit.  i6  ,  de  fngldis  6»  maU 
ficiatis,  §.  3  ,  c.  3  ,  fuppofe  qu'un  mariage  reconnu 
à  Rome  pour  légitime,  pourroit  être  nul  en  France. 
On  croit  devoir  ajouter  fur  les  ufages  de  l'éi^lifc 
.gallicane  ,  que  plufieurs  ,  qui  lui  étoient  paticu- 
liers  ,  font  devenus  la  difcipline  géuérale  de  toute 
réglife. 

La  coutume  de  f-irc  publier  des  bans,  pour 
empêcher  les  mariages  clandeftins  ,  a  commencé 
dans  l'églife  de  France,  &  a  été  érigée  en  loi  gé- 
nérale par  un  décret  d'Innocent  III ,  rapporté  dans 
le  cinquante-unième  canon  ,  entre  ceux  qui  font 
attribués  au  quatrième  concile  de  Latran  tenu  en 
1 215  ,  &  par  les  pères  du  concile  de  Trente ,  fefT. 
24,  cap.  I.  Il  en  eft  de  même  de  l'ufage  obfervé 
dans  les  chapitres,  d'affeéier  une  prébende  pour 
la  futfulance  du  théologal ,  &  une  autre  pour  la 
prccf;ptoria!e  ,  qui  a  paflé  du  clergé  de  France  dans 
toute  rég'ife. 

Ce  que  nous  venons  de  dire  nous  a  paru  d'au- 
tant plus  imporran: ,  qu'il  juftifie  les  modifications 
appofécs   par  iaflemblce  de  Bourges  aux  décrets    j 
^u  concile  de  Bafle,  &  qu'il  nous  fait  yolr  dans    I 


PRAGMATIQUE-SANCTION. 

l'ancienneté  des  coutumes  qui  nous  ont  été  pro- 
pres, un  des  principaux  fondemens  de  nos  fran- 
chifes  &  de  nos  libertés. 

Enfin,  la  queftion  la  plus  utile  fur  la  Pragmati- 
que, eft  de  favoir  quelle  autorité  on  lui  donne 
dans  l'ufage  de  notre  fiéclc  ;  fi  une  partie  de  fea 
dilpofitions  fait  encore  la  règle  de  notre  difcipli- 
ne, ou  fi  elle  y  eft  regardée  comme  abrogée  dang 
toutes  fes  parties. 

Qi;elques  auteurs  ont  avancé  que  la  Pramagtique 
efi  entièrement  abrogée  dans  l'églife  de  France,  lis 
fe  font  fondés  fur  le  difcours  de  Pie  IL  dansl'affem- 
blée  de  Mantoue  ;  fur  la  lenre  de  Louis  XI  au  mê- 
me pontife  (  1  )  ■,  fur  plufieurs  bulles  &  ailes  de 
Jules  II  &  de  Léon  X  ,  &  fpécialement  fur  la  bulle 
de  ce  dernier  pape  ,  paflor  tsternus  ;  mais  cette  opi- 
nion ne  peut  plaire  qu'à  des  ulrramontains,  pour 
qui  tous  les  décrets  de  Rome  font  des  oracles.  C'eft 
la  doé^rine  commune  du  royaume,  que  les  arti- 
cles de  la  Pragmatique  non  contraires  à  ceux  du 
concordat  qui  y  font  luivis  ,  n'ont  pas  été  abrogés  j 
plufieurs  même  ont  été  conrirmés  par  d'autres  or- 
donnances &  par  la  junfprudencc  des  arrêts  :  les 
articles  dont  le  concordat  ne  parle  point,  ont  été 
conferves.  François  I  s'en  explique  anez  clairement 
dans  le  préambule  ,  lorfqu'il  expofe  les  raifons  qui 
1  ont  déterminé  à  conclure  ce  traité  avec  Léon  X. 
Itd  cenfefiii  nmperatjque  (uni  ca  conveiita  ,  ut  plcra- 
^ue  Pragmatica  fanRïonis  capîta,  firma  nobïs pojlhac ^ 
rutûqiie  jutura  fini  ,  qualiajunt  ca  <fua.  de  rejeivatia- 
nibus  in  univcrjum  aut  figilUtim  faElis  jl^tuunt ,  de 
collationibusy  de  caufisy  de  jruftratorn\  appellaùonibuSy 
de  antïquatione  confîitutionis  clemeritinœ  quam  li'teris 
vecani  y  de  libère  quietèqui  po£iJentibus  ^  de  concubi- 
na'iis  ,  qucedamque   alla  quihus  nih  L~iii  convenus  de- 
rogatum  abrogatumque  fuit ,  nifi  (yi"  in  quibufdam  ca- 
pitibus  nonnulia  interpretenda  ,  imtnutandave  cenfui- 
mus  ),  ^'>od  •ta  referre  u'.ilitatis  public œ  arbitruremur. 
Les  gens  du  roi  difent  la  même  chofc  dans  l'avis 
qu'ils  donnè'^ent  en  1586,  fur  les  fommes  que  les 
officiers  du  pape  entreprcnoientde  faire  lever  dans 
le  royaume.  Le  concordat  n  a  dérogé  ù  la  Pragmati- 
que ^finon  es   points  qu'il  a  expre(fcmi:nt  corrigés  ou 
révoqués.  On  doit  obfcrver  néanmoins  qu'il  y  a  des 
articles  dans  la  Pragmatique  dont  il  n'eft  pc-int  parlé 
dans  le  concordat,  &  qui  ne  font  pas  fuivis  ;  tel 
eft  le  titre  8  ,  de  numéro  &  qualilate  c-Urdinalium ,  qui 
n'eft  pas  obfervé  ;  tel  efi  le  titre  9  de  annatis.  Ainfi  , 
il   peut  y  avoir  des  articles  de  la  Ptagmatique  c©n- 
cernant  le  pape  &  la  cour  de  Ro.mc  ,  qui  ne  foient 
plus  en  iifiige  ,  quoiqu'ils  ne  foient  point  mentiorj- 
nés  dans  l'accord  des  reftaiirateurs  des  lettres  ;  mais 
ceux  qui  règlent  la  difcipline  intérieure  de  l'églife 
de  France  ont  toujours  force  de  loi ,  s'ils  n'ont  pas 
été  révoqué*  :  on  a  maintenu  dans  toute  leur  vi- 
gueur les  titres  qui  regardent  la  célébration  de  l'of- 
fice divin  ,  &i  ceux  qui  fuivent ,  jufqu'à  la  condu- 


(l)  Et  non  pas  à  Jules  II  ,  comme  il  eft  dit  dancks  ittc- 
Dûçiits  du  clergé  ,  tome  lo  ,  page  79. 


PRAG\UT:QUE  SANCTION. 

fion  del'églifc  gai!ica:ic.P.Lficurs  arrêts  confirment 
cette  explication.  Le  chapitre  d'Orléans  avoit  dreffé 
des  ftatuts  contraires  aux  règlcmens  de  la  pragma- 
tique, quomodb  diviiwn  ojjuium  fit  celibrjndurn , 
^uo  tempore  quifque  debcat  tje  in  choro.  QisaUler  hora 
eononica  fint  duendce  ,  &  de  his  qui  tempore  divino- 
rum  officionim  va^untur  pcr  ecclefiam.  Le  procureur 
général  du  parlement  de  Paris  fe  rendit  appelant 
comme  d'abus  de  ces  nouveaux  llatuts  ,  qui  furent 
annullés  par  arrêt  du  5  août  1535.  Il  paroît,  par 
un  arrêt  de  la  même  cour ,  rendu  le  i  janvier  1 5  5  i, 
que,  peu  de  temps  après,  le  chapitre  d'Orléans 
ayant  ceffé  d'exécuter  ce  règlement  ,  le  parle- 
ment réitéra  ce  qu'il  avoit  Ordonné,  Autres  arrêts 
rendus  contre  le  chapitre  de  Saint  -  Etienne  de 
Troies,  le  iioélobre  1535;  le  chapitre  de  Saint- 
Pierre  de  Mâcon  ,  le  11  juillet  1672;  le  chapitre 
de  Meaux  ,  le  5  août  1705.  Il  ert  ordonné  par  ce- 
lui-ci, u  que  les  doyen  ,  chanoines  ,  chapelains  & 
ir  autres  du  clergé  de  ladite  égllle  ,  lerout  tenus 
»>  d'obferver  l'article  de  la  Pragmatique  tiré  du  con- 
w  cile  de  Baile ,  au  titre  quo  tempore  quifque  dcbeat 
»  <][<•  in  choro.  Et  en  confiquence  ,  que  nul  ne 
w  lerapayé  de  la  rétribution  fixée  pour  les  heures 
M  de  l'oiiice  ,  s'il  n'y  a  afiiilé ,  à  moins  d'une  ex- 
»  cufe  légitime  au  cas  de  droit  ».  On  en  rapporte 
quelques  autres,  tome  10  des  mémoires  du  clergé  , 
pages  84,  85  &.  86. 

Nous  ne  croyons  pas  pouvoir  tern^iner  nos  re- 
cherches fi.ir  la  Pragmatique  d'une  manière  plusin- 
téreilante  pour  lelciiîeur ,  qu'en  tranfcrivant  ce  que 
dit  1  auteur  du  clergé  de  France  dans  fon  difcours 
préliminaire  ,  page  3  b  ,  tome  i  "  LaPri'gmatique, 
»•  revêtue  de  1  autorité  de  Charles  VII,  éleva  wn 
M  mur  de  (éparation  entre  les  cours  de  France  Si 
«  de  Rome.  Louis  XI  ofa  l'abattre i  mais,  chan- 
»>  géant  au  gré  des  caprices  de  la  politique ,  il  tenta 
3)  de  le  rétablir.  Sixte  IV  lut  temporifer,  Si.  le  nuage 
»  (e  diffipa.  Bien  difîerens  de  ces  deux  hommes  , 
«  Louis  XII  &  Jules  II  rirent  éclater  leursquerelles. 
«  Au  lieu  de  ménager  fon  ennemi  par  des  délais, 
«  à  l'exemple  de  Sixte ,  Jules ,  ardent  &  belliqueux, 
>»  fe  montra  auflî  prompt  à  prendre  les  armes  qu'à 
3'  lancer  des  anathcmes.  Au  lieu  de  fe  lîornerà  des 
M  menaces ,  comme  Louis  XI ,  Louis  XII  fe  ven- 
»  gea  par  des  proct'dures  mal  entreprifes  &  mal 
»  foutenues.  Léon  X  &  François  I  ouvrirent  une 
J>  fcéne  nouvelle;  les  reflauraieurs  des  lettres  le 
i>  furent  de  la  difcipline  eccléfiaftique.  François  I 
*>  acquit  plus  de  gloire  à  Boulogne  que  dans  les 
y  champs  de  M3iis;nan.  Quoi  de  plus  capable  de 
j)  fignaler  fon  lègne,  que  le  concordat,  ce  chef- 
V  û  œuvre  de  fagei^e  &  de  juf^ice  !  Préparé  par  les 
j»  lumières  d'une  trille  expérience  ,  établi  par  le 
»  concours  des  deux  autorités,  cimenté  par  les 
»  contradictions,  ce  traité  fi  libre  a  fait  cclTer  les 
M  brigues  ,  les  réfcrves ,  &  l'abus  des  expefla- 
»  tives  ». 

P'ojci^les  mémoires  du  clergé  y  tome  jo;  le  com- 
ntntaire    àt   Cofme  Guymicr ,  édithn  de  Pinjfon  y 


PRATICIEN.  2Z9 

'jurlfprudence  canonique  de  la  Comhe  ;  hifloirt  de 
Ciglijt  gallicane  ,  tome  16  6-  17.  Voyez  auffi  Co^^' 
CORDAT.  (  Article  de  M,  Valbé  Remy  ,  avocat  aU 
parlement  ). 

PRATICIEN.  C'eft  celui  qiii  entend  l'ordre 
&  la  manière  de  procéder  en  juflice  ,  &  qui  fuit  la 
barreau. 

Et  quand  on  parle  d'un  Praticien  ,  fimplement , 
on  entend  quelqu'un  qui  n'a  d'ature  emploi  que 
de  poftuler  dans  une  petite  juridiflion  feigneuriale. 

Les  juges  abfens  peuvent  être  fu])plcés  par  de 
funples  Praticiens  ,  à  défaut  de  gradués.  C'ell  ce 
qui  réfulte  des  articles  25  &  26  du  titre  24  de  l'or- 
donnance du  mois  d'avril  1667. 

Obfervez  que  les  procureurs  font  regardés  com- 
me les  premiers  Praticiens,  &  que  quand  il  ne  fe 
trouve  point  de  gradués  dans  un  fiège ,  ils  tiennent 
la  place  du  juge  ,  &  en  rempUirent  les  fondions  fui- 
vant  l'ordre  de  leur  réception. 

PRAl  IQUE.  "Voyez  Praticien,  Procédure  , 
Procès. 

PRÉ.  Terre  où  croit  l'herbe  dont  on  fait  le  foin. 

Les  habitans  de  plufieurs  provinces  du  royaume 
ont  obtenu  la  permilTion  de  clorre  les  Prés  &  autres 
héritages  qui  leur  appartiennent. 

Les  iiabitans  du  Boulonnois  ayant  repréfcnté  au 
roi  que  la  rencloture  des  Prés  &  pâtures  étant  d'une 
utilité  généralement  reconnue ,  il  y  avoit  peu  d'en- 
droits ou  le  parcours  fût  aufîî  nuifible  que  dans  ce 
pays  ,  &  OLi  il  i\xx.  plus  nêceflaire  d'y  pourvoir  ,  at- 
tendu que  quoique  toute  leur  richeiîé  confiffàt  dans 
lecommerc;;  de   beurre  &  de  beftiaux,  les  pâtura- 
ges y  étaient  livrés  à  la  merci  du  public  pendaHt 
les  deux  tiers  de  l'année  ;  que  cet  abus  avoit  fa 
fource  dans  les  difpofitions  mêmes  de  la  coutume  , 
dont  l'article  131  défendoit  de  clorre  plus  du  quint 
de  fon  fief  pour  le  tenir  franc  ,  &  ne  pertnettoit  de 
renfermer  qu'une   mefure  ou  cinq  quarterons  de 
terre  en  roture  ,  à  la  charge  même  d'y  faire  une 
maifon  &  un  jardin  ;  tandis  que  l'article  132  ne  rê- 
fervoit  la  jouilTance  des  riets  &  pâturages  aux  pro- 
priétaires que  depuis  le  15   mars  jufqu'au  premier 
août ,  auquel  temps  ils  dévoient  être  abandonnés  à 
l'ufage  du   public,  ainfi  que  les  Près  ,  foit  qu'ils 
fufient  fauchés  ou  non  ;  qu'il  réfultoit  delà  que  les 
cultivateurs  ,  privés  de  la  féconde  herbe  de  leurs 
Prés  ,  &  réduits  à  ne  jouir  des  pâturages  que  l'ef- 
pace  d'environ    quatre   mois  ,  perdoient  plus   du 
tiers  de  leur  produit ,  &  ètoism  obligés  ,  ou  d'avoir 
moins  de  beftiaux  ,  ou  de  multiplier  leurs  pâtures  , 
en  diminuant  leurs  terres  labourables  ,  déjà  infuffi- 
fantes  peur  les  nourrir  ;  au  moyen  de  quoi  ils  fup- 
plioient  fa  majcfté  de  rendre  communs  au  Bou- 
lonnois les  édits  rendus  fur  le  fait  des  renclôtures 
pour  le  Béarn  ,  la  Franche  Comté,  la  Lorraine, 
la  Champagne  &  autres  provinces  du  royaume  :  en 
conf:quence  ,  le  roi  a  rendu  au  mois  de  feptembre 
1777  ,nn  édit  que  le  parlement  a  enregutré  le  19 
déce  nhre  de  la  même  année  ,  &  qui  coatieiît  les 
difpofitions  fui  van  tes  ; 


Z30  PRE. 

»  Artice  I.  Nous  permettons  à  tous  piopnétaî- 
»>  res ,  cultivateurs ,  fermiers  &  autres  nos  lujets 
«  du  comté  &  gouvernement  du  Boulonnois ,  de 
»  clorre  les  terres  ,Prés ,  champs  ,  Se  généralement 
)>  tous  les  héritages  ,  de  quelque  nature  qu'ils 
»  foicnt  ,  qui  leur  appartiennent  ou  qu'ils  culti- 
j)  vent ,  en  telle  quantité  qu'ils  jugeront  à  propos  , 
«  foit  par  des  foifés  ,  haies  vives  ou  fèches  ,  ou  de 

V  telle  autre  manière  que  ce  foit. 

5J2.  Les  terreins  qui  auront  été  ainfi  enclos  ne 
«  pourront  à  l'avenir ,  &  tant  qu'ils  refteront  en  cet 
j>  état  de  clôture  ,  être  affujetis  au  parcours ,  ni 
»  ouverts  à  la  pâture  d'autres  beftiaux  que  de  ceux 
)»  à  qui  lefdits  terreins  appartiendront  ou  feront 
«  affermés  ,  interprétant  à  cet  effet  &  dérogeant 

V  même,  entant  que  de  befoin  ,  à  toutes  lois  , 
M  coutumes,  ufagcs  &  réglemens  à  ce  contraires. 

j)  3.  La  clôture  des  héritages  ne  pourra  néan- 
»  moins  avoir  lieu,  au  préjudice  du  paffage  des 
»  beftiaux  ,  pour  aller  fur  les  terreins  qui  relieront 
M  ouverts  à  la  vaine  pâture ,  ni  de  celui  des  char- 
«  rues  &  voitures  pour  la  ciilture  des  terres  Se  l'en- 
"  lévement  des  récoltes  j  Si  3  cet  efict  tout  pro- 
»  prlétaire  ou  fermier  fera  tenu  de  laiffer  ledit  paf- 
»»  îage  libre  fur  fon  terrein,s'il  y  eA  affujeti ,  ou 
»  qu'il  ne  puiffe  les  clorre  fans  intercepter  le  paf- 
»  fage,  aux  charges  de  droit. 

i>  4.  Les  clôtures  d'héritages  fe  feront  à  frais 
»)  communs  entre  les  propriétaires  d'iceux  ,  s'ils  y 
î>  confentent  ;  &  ,  en  cas  de  refus  des  proprié- 
3»  taires  voifins  ,  l'emplacement  de  la  clôture  fera 
«  pris  fur  le  terrein  que  l'on  voudra  clorre ,  en 
»  laiffant  pour  les  haies  vives  le  rejet  prefcrit  par 
«  la  coutume.  Si  donnons  en  mandement,  8cc  ». 

Par  arrêt  du  7  juin  1779 ,  Iç  parlement  de  Paris , 
en  renouvelant  les  difpofitions  des  ordonnances 
&  arrêts  de  règlement  concernant  le  glanage,  a 
fait  défenfe  à  ceux  à  qui  il  eu  permis  de  glaner , 
de  fe  fervir,  pour  glaner  dans  les  prairies  &  dans 
les  terres  enfemencées  en  luzernes,  trèfles,  bour- 
gogne ,  fainfoin  ,  &  autres  herbes  de  cette  nature  , 
de  râteau  ayant  des  dents  de  fer,  ni  d'aucun  au- 
tre inflrument  feniblable  où  il  peut  y  avoir  du  fer  , 
fous  peine  de  vingt  livres  d'amende  contre  les 
eontrevenans ,  même  d'être  procédé  extraordinai- 
j  ement  contr'eux  ,  fuivant  l'exigence  des  cas. 

Les  prairies  artificielles  font-elles  affujéties  au 
pâturage  des  beftiaux  des  habitans  du  lieu  où  elles 
iont  fituées,  de  même  qu'y  font  fujets  les  prés  na- 
turels, après  la  première  &  la  féconde  récolte? 
(lette  quelHon  a  été  agitée  au  parlement  de  Paris 
d.uis  l'eipèce  fuivante: 

Dans  le  bourg  de  la  Sauvetat  &  dans  plufieurs 
endroits  de  la  Limagne  d'Auvergne ,  on  trouve  peu 
de  prés  naturels,  &  on  ne  pourroit  y  nourrir  la 
quantité  de  bcfliaux  ,  nécefiaires  à  l'exploitation  & 
engrais  des  terres  ,  fans  le  fecours  des  prairies  arti- 
ficielles. Ces  prairies  font  des  champs  ,  ou  déjà  mis 
en  valeur  »  ou  nouvellement  défrichés ,  fur  lef- 
g\jçls,  après  dfj  préparations  copvçnablçs  Se  trçs- 


PRÉ. 

difpendieufes  ,  on  feme  ,  ou  conjointement ,  ou  fé- 
parément ,  du  fainfoin  ,  de  la  luzerne  Se  du  grand 
treffle  ,  mais  principalement  du  fainfoin  ,  comme 
meilleur  aux  beftiaiix  6c  d'un  plus  grand  produit.  II 
eft  fur-tout  néceffaire  ,  pour  retirer  de  grands  avan» 
tages  des  prairies  artificielles,  d'en  éloigner  les  bef- 
tiaux ,  parce  que ,  pour  peu  qu'elles  ayent  été  brou- 
tées ,  elles  fe  defsèchent  S<  fe  ditruiient  en  peu  de 
temps. 

Le  fieur  de  Villoffanges ,  dans  un  fiècle  où  le 
gouvernement  encourage  Si  honore  l'agriculture, 
a  cru  devoir  procurer  un  bien  réel  à  fon  pays.  En 
1771  il  a  converti  en  chaprière,  ou  prairie  artifi- 
cielle, une  pièce  de  terre  jufqu'alors  labourable  ,  de 
la  contenance  d'environ  15  feptérées ,  qu'il  fema 
en  fainfoin.  Il  y  avoit  à  peine  trois  ans  qu'elle  étoit 
formée,  lorfque  Henri  Rallier,  cabaretier  à  la 
Sauvetat,  envoya,  fous  la  conduite  d'un  berger, 
le  6  novembre  1774  ,  un  troupeau  de  plus  de  200 
moutons  ,  pacager  depuis  trois  heures  du  foir  ]u{<- 
qucsà  fept  heures,  dans  la  pièce  de  fainfoia  dont 
il  s'agit. 

Selon  la  coutume  d'Auvergne ,  conforme  en  cela 
à  plufieurs  autres  ,  quand  des  beftiaux  font  trouvés 
pâturants  en  dommage  dans  l'héritage  d'autrui  ,  le 
propriétaire  ou  fes  domeftiques  peuvent  faifir  d'au- 
torité privée  ces  beftiaux ,  les  emmener  au  logis 
du  propriétaire  ,  &  les  y  enfermer  pendant  24 
heures.  En  conféquence  deux  domeftiques  du  fieur 
de  Villoffunges  fe  mettoient  en  devoir  de  faifir  6c 
emmener  le  troupeau  de  Rallier ,  lorfque  ce  der- 
nier qui  étoit  aux  aguets  ,  inftruit  par  fon  berger  , 
accourut  avec  fes  valets  de  labour  armés  de  pierres 
Si  de  bâtons,  S:  fe  jetèrent  fur  les  domeftiques 
du  fieur  de  Villoftanges  ,  les  terrafsèrent ,  Si  em- 
pêchèrent de  force  la  capture  des  moutons. 

Le  9  du  même  mois  de  novembre  ,  le  fieur  de 
Villoffanges  rendit  plainte  de  ces  faits  devant  le 
juge  de  la  Sauvetat  ;  fur  quoi  information  de  onze 
témoins ,  décret  d'ajournement  perfonnel  contre 
Rallier  Si  fes  domeftiques  ,  interrogatoire  des  ac- 
cufés  ,  portant  à  peu-près  confeflîon  de  tout  ce  qui 
s'étoit  paffé,  inftruflion  poftérieure  ,  mais  à  l'ordi- 
naire feulement,  de  Sentence  définitive  fur  délibéré , 
le  12  janvier  177Ç  ,  qui  fait  défsnfcs  aux  accufés  de 
récidiver  fous  les  peines  de  droit},  les  condamne  foli- 
dairement  &  par  corps  à  la  fomtne  de  6  liv.  de  dom- 
magis-intéréts  réfultans  du  pacage  fait  nuitamment 
dans  la  pièce  de  fainfoin  du  fieur  de  Villoftanges; 
en  outre  à  une  amende  de  10  liv.  envers  le  feigneur  de 
la  Sauvetat ,  &  aux  dépens  liquidés  à  94  itv. 

Sans  entrer  dans  le  détail  de  la  procédure  qui  a 
fuivi  l'appel  de  cette  fentence  portée  à  la  féné- 
chauft"ée  de  Riom  ,  ce  tribunal  a  rendu  ,  le  22  août 
1778  ,  une  fentence  définitive,  qui ,  fans  s'arrêtera 
la  demande  du  fieur  de  Villoffanges  contre  Rallier  ^ 
l'en  a  débouté  \  &  faifint  dcott  fur  les  der^andes  det 
habitans  de  la  Sauvetat  intervenans  ,  les  a  gardés  & 
maintenus  au  dsoit  &  poffijftjn  d^introduire  leurs  hef- 
tiaiix  dans  tous  Uf  héritages  çiépendaiu  de  la  jupif 


PRÉBENDE. 

'ât  la  Sauvetiit ,  notamment  dans  les  terres  femées  en 
fa'infoin,  dites  chaprières  ,  après  la  première  herbe  le- 
vée ,  le  temps  de  fêté  pûffe  ;  fait  défenfes  au  fnur  de 
Villojfanges  de  les  y  troubler  à  l'avenir  ;  le  condamne 
aux  dommages-inte.-ées  de  Rallier  .,..&  a  tous  les 
dépens  envers  toutes  les  parties. 

Le  fieur  de  Villoflanges  a  interjeté  appel  de  cette 
fentence  en  la  cour. 

Son  défenfeur ,  a  ,  dans  un  mémoire  très-ap- 
profondi  fur  la  matière,  établi  que  les  prairies  arti- 
ficielles étoient  exemptes  ,  par  leur  nature,  du 
droit  de  pâturage  ,&que  l'intérêt  publiée  politi- 
que follicitoit  cette  exemption., 

Arrêt  du  14  août  1781  ,  rendu,  au  rapport  de 
M,  Dionis  du  Séjour  ,  dont  voici  le  prononcé  : 

»  Notredite  cour.  .  .  en  tant  que  touche  l'appel 
»  interjeté  p^r  ledit  Douliet  de  Villoflanges  ,  de  la 
35  fentence  de  la  fénéchauffée  de  Riom  ,  du  22 
»  août  1778,  a  mis  &  met  l'appellation  &  ce  dont 
5;  a  été  appelé  ,  au  néant  i  émendant ,  décharge 
))  ledit  Douet  de  VilloiTanges  des  condamnations 
»  contre  lui  prononcées  ;  fans  s'arrêter  aux  re- 
5»  quêtes  Se  demandes  dudit  Rallier  &  dcfdits  ha- 
j)  bitans  de  la  Sauvetat,  dont  ils  font  déboutés; 
>»  ayant  aucunement  égard  à  celles  dudit  Douhet 
j)  de  Villoflanges  ,  fait  défenfes  audit  Rallier  & 
»  auxdits  habitans  de  la  Sauvetat,  de  mener  ou 
»  faire  mener  paître  leurs  befliaux  en  aucun  temps 
3)  dans  les  fainfoins  &  prés  artificiels  appartenans 
«  audit  Douhet  de  VillofTanges ,  fous  les  peines 
j>  portées  par  les  ordonnances  ;  condamne  ledit 
}j  Rallierai  lefdits  habitans  de  la  Sauvetat  à  tous 
M  les  dépens  .  .  .  faifant  droit  fur  les  conclurions 
î)  de  notre  procureur-général ,  ordonne  que  le  pré- 
n  fent  arrêt  fera,  à  fa  requête,  pourfuite  &  dili- 
5>  gence,  imprimé  &  affiché,  tant  dans  l'étendue 
»  de  la  paroifle  de  la  Sauvetat ,  que  dans  les  au- 
■»■>  très  paroiffes  fituées  dans  le  reflbrt  des  féné- 
ï>  chauffées  de  Riom  &  de  Clermont,  &  qu'il  fera 
»  infcrit  fur  les  regiftres  defdites  fénéchauflées , 
»  Sec.  &c.  •>■> 

PRÉBENDE.  Ce  mot  vient  du  terme  latin  Prœ- 
hendd  ,  dérivé  du  verbe  prœhere  ^  qui  fignlfie  don- 
ner ,  effrir ,  &  rendre.  On  l'emploie  pour  difi- 
gner  le  droit  de  percevoir  certains  revenus  dans 
Icséglifes  cathédrales  ou  collégiales.  C'efl  du  moins 
la  définition  qu'en  donnent  la  plupart  des  auteurs. 
Il  feroit  cependant  plus  exaiï  de  dire  que  la  Pré- 
bende eft  la  portion  même  de  revenu  affeélée  à 
chaque  canonicat,  plutôt  que  le  droit  de  percevoir 
cette  portion  de  revenu.  Le  droit,  en  effet,  de  les 
percevoir ,  n'efl;  point  diflingué  du  titre  même  du 
canonicat,  &  il  en  fait  partie,  comme  une  récom- 
penfe  6c  l'honoraire  des  offices  que  le  chanoine  eft 
©bligé  de  remplir  ,  beneficium  propter  oflclum.  Ainfi 
quoique  les  curés ,  en  vertu  de  leurs  titres ,  &  à 
raifon  de  leurs  fonflions ,  foient  fondés  à  perce- 
voir les  dîmes  de  leur  paroifle,  ou  du  moins  à  per- 
cevoir fur  ces  dîmes  la  quotité  fixée  par  les  lois 


PRÉBENDE.  131 

pour  leur  fubfiflancc  ,  &.  qu'on  appelle  portion 
congrue  ,  on  n'a  jamais  dit  que  cette  portion  tut  le 
droit  qu'avoicnt  les  curés  de  prendre  leur  fubfif- 
tance  fur  les  dimes  ;  mais,  au  contraire,  que  ce 
droit,  dont  ils  dévoient  jouir  ,  leuraflîiroit  la  por- 
tion congrue  ,  ou  que  la  portion  congrue  étoit  la 
plus  petite  mefure  de  ce  droit ,  &  celle  qu'il  fal- 
loit  nécefl'airement  leur  accorder.  Il  auroit  falhi , 
ce  femble  ,  s'exprimer  de  la  même  manière  par 
rapport  aux  Prébendes,  &  n'en  pas  faire  une  forte 
de  droit  diilinét  &  féparé  des  titres  des  canonicats. 
A  la  vérité  ,  les  collations  des  canonicats  renfer- 
ment toutes  le  mot  de  canonicat  &  celui  de  Pré- 
bende. Les  collateurs  y  difent  qu'ils  confèrent  l'un 
&  l'autre  canonicatum  &  Prabendam  ;  mais  cela  ne 
veut  pas  dire  qu'ils  confèrent  deux  droits  diffé- 
rens.  Le  mot  de  Prébende  n'eft  ajouté  dans  les 
aéles  de  collation  à  celui  de  canonicat ,  que  par 
forme  d'acceflbire  ,  &  pour  défigner  l'objet  qui 
doit  fournir  au  titulaire  les  revenus  de  fa  place  & 
les  honoraires  de  fes  fon61ions.  Auffi  les  cha- 
noines ne  prennent  -  ils  qu'un  feul  ade  de  pof- 
feflion,  qui  afFefle  également  le  canonicat  &  la 
Prébende  ;  le  premier  comme  titre  ,  la  féconde 
comme  fuite,  efi^et  &  dépendance  de  ce  titre. 

L'ufage  de  ce  mot  pour  défigner  la  portion  af- 
feâée  à  chaque  chanoine  ,  a  pu  venir  is  ce  qu'au- 
trefois ,  &  pendant  la  communauté  des  biens  dan^i 
les  chapitres  ,  on  donnoit  à  chacun  certaines  por- 
tions de  revenu  pour  leurs  befcins  particuliers  & 
perfonnels  ,  indépendamment  de  ce  qu'ils  troii- 
voient  dans  le  doitre  pour  les  befoins  communs 
de  la  vie.  On  appeloit  ces  portions  Prébendes ,  & 
on  leur  a  confervé  ce  nom  depuis  la  divifion  qui 
s'eft  faite  des  biens  communs  ,  pour  en  former  les 
canonicats  particuliers. 

Il  femble  qu'il  aurait  été  jufle  ,  lors  de  ces  divî- 
fions ,  de  rent're  toutes  les  Prébendes  égales  ,  c'«fl-::- 
dire,  d'aiîécler  à  chaque  titre  de  canonicat  un  revenu 
pareil  à  celui  des  autres  titres  femblables  dans  la 
même  églife  ,  puifque  dans  l'origine  tous  les  cha- 
noines étoient  égaux.  C'eft  mîme  encore  le  droit 
commun,  auquel  les  chanoines  peuvent  revenir, 
lorfqu'il  n'y  a  point  de  titre  ou  d'ufage  contraire  lé- 
gitimement établis.  On  doit  convenir  cependant 
qu'il  y  a  eu  des  motifs  bien  capables  de  faire  ad- 
mettre quelque  inégalité  dans  les  revenus  des  ca- 
nonicats d'une  môme  églife.  Il  étoit  à  propos  d'ac- 
corder une  diftinflion  aux  canonicats  auxquels  on 
ajoutoit,  foit  une  dignité,  foit  quelque  office  ou 
fonSt'ion  qui  entraînoient  des  dépenfes  particuliè- 
res ;  il  étoit  bon  de  même  de  ménager  &  d'afl!"urer 
des  fecours  plus  abondans  à  ceux  qui,  après  avoir 
fervi  plus  long-temps  l'églife,  fe  trouvoient  expo- 
fés  à  de  plus  grands  befoins  ,  foit  par  leur  âge  ,  foit 
par  leurs  infirmités.  Lorfque  linègalité  des  Prében- 
des ou  des  revenus  des  canonicats  portent  fur  des 
éiabliflemens  de  cette  nature  ,  on  ne  fauroit  la  blâ- 
mer. Il  faut  la  refpeéler  également  lorfqu'cUe  vient 
de  la  fondation  même  des  canonicats.  Il  y  a  quel- 


^^1 


PRÉBENDE. 


qucs  «Jglifes  '^J  chacun  ■;!?  ces  bénéfices  ont  été 
i'opdis  iépai  -ment  ;  il  y  iaut  conlerver  à  chacun  ce 
que  fa  fondation  lui  donrrc. 

On  di!  communément  que  les  Prébendes  peu- 
vent être  f  parées  t>c  divifées;  qu'on  peut  d'une 
en  faire  deux,  &  qu'i!  n'en  eft  pas  de  même  des 
canonicats  ,  qu'on  ne  fauroit  ainfi  (iivifer.  Il  feroit 
dililcile  d'i  rendre  une  bonne  raifon  de  cette  pré- 
tendue diftindion.  Si  la  Prébende  eft  le  droit  de 
toucher  certains  revenus,  ou,  comme  nous  l'a- 
vons dit ,  fi  elle  eft  ce  revenu  même  attaché  au  ti- 
tre d'un  canonicat ,  comment  toucher  à  l'un  ,  fans 
affeftcr  l'autre?  Quand  d'une  Prébende  on  en  fait 
deux  ,  il  faut  nécelîairement  que  le  titre  même  du 
canonicat  foit  fupprinié,  foit  pour  en  former  de 
rouveaux  titres,  foit  pour  affeiflcr  les  revenus  du 
canonicat  fupprimé  ,  à  quelqu'autre  deflination. 
Quelquefois  aufll  on  fupprimé  un  certain  nombre 
de  canonicats  6c  de  Prébendes ,  pour  rendre  plus 
avantageux  les  titres  que  l'on  conferve  ;  mais  ,  de 
quelque  manière  qu'on  procède  ,  le  fort  du  ca- 
nonicat (el  trouve  toujours  lié  à  celui  de  la  Pré- 
bende. 

Ce  qui  a  peut-être  le  plus'contribué  à  faire  envi- 
/agcV  les  Prébendes  comme  diftinguées  des  cano- 
nicats Si  formant  des  droits  féparès  ,  c'eft  que  dans 
certaines  églifes ,  il  y  a  des  Prébendes  afïeftécs  à 
des  fondions  ou  à  des  objets  qui  ne  peuvent  con- 
venir à  des  chanoines  ;  mais  il  s'enfuit  feulement 
que  lors  de  la  divifion  primitive  ,  ou  par  des  ar- 
rangemens  poftéricurs,  on  a  cru  devoir  attachera 
ce?  fon^lions ,  ou  deftinerà  ces  objets  une  por- 
tion tic  revenus  égale  à  celle  qui  étoit  affignée  à;cha- 
que  «anonicat ,  qu'on  a  appelée  du  nom  commun 
de  Prébende  ,  fans  qu'on  puHTe  en  inférer  que 
les  portions  attachées  efTeâivcnient  à  des  canoni- 
cats ,  forment  un  droit  différent  de  celui  des  cano- 
nicats mêmes. 

Il  y  a  une  efpèce  de  bénéfices  connue  fous  le 
rom  de  fcmï-PréberJe.  Ces  bénéfices  ont  été  for- 
jnés  pour  la  plupart  de  la  divifion  des  revenus  af- 
feâés  à  un  canonicat  dont  on  a  fupprimé  le  titre 
poar  en  former  des  places  inférieures,  deftinées 
à  fcrvir  de  récompenfes  ou  de  litres  aux  clercs 
attachés  aux  chapitres  (i),  &  l'on  a  tiré  le  nom 
de  ces  bénéfices ,  de  celui  des  revenus  employé» 
à  leur  dotation  ,  afin  d'en  marquer  par-là  l'origine. 
Quelques  fémi- Prébendes  ont  aulTi  été  établies 
^ans  la  même  vue  que  les  autres  ,  mais  fans  extinc- 
tion d'aucun  canonicat ,  6c  aux  dépens  Seulement 
de  la  menfe  capitulaire ,  ou  par  le  retranchement 
d'une  portion  des  revenus  affcélés  à  chacun  des 


(l)  Dans  quelques  églifes  les  fémj-PT:be«4e5  font  afftiiet 
Éxclulivemem  aux  enfans  de  choeuc. 

Tar  arrêt  do  a»  juia  157?  ,  'e  chapirre  de  la  catlirdrale 
d'Angers  tuttcçu  appelant  comme  d'abus  des  ptovifions  d'une 
des  féifii- Prébendes  de  cette  églifo,  appeJé  Corb:ilUire  ;  &  il 
fat  fait  Jéfcnfe  de  cenfï ter  à  l'arenir  aucune  des  fémi-Pré- 
dendes  i  d'autc9s  qu'aux  eofans  de  chcçur  de  la  luêiac  églife. 


PRÉBENDE. 

canonicats  dans  les  chapitres  qui  n'avoi^nt  point 
de  menfe  capitulaire  diOincîe  du  fonds  des  re- 
venus des  canonicats  eux-mèa^es.  On  a  donné  à 
ces  bénéfices  ,  comme  aux  autres  ,  le  nom  de  fémr- 
Prébende  ,  foit  pour  marquer  leur  origine ,  foit 
pour  faire  connoitre  leur  infériorité  à  l'égard  des 
canonicats  qui  donncru  droit  à  la  Prébende  en- 
tière. Dans  quelques  chapitres,  les  pourvus  de  ces 
fémi-Prébendes  font  décorés  du  nom  de  chanoi- 
nes ,  mais  avec  cette  addition ,  cliano'nci  fémi- 
Prébendés.;  ils  n'ont  dans  d'autres  que  la  fimple 
qualification  de  bénéficiers  ou  de  chapelains  ;  on 
les  appelle  quelquefois  vicaires,  parce  qu'ils  ont 
été  principalement  établis  pour  fuppléer  au  dé- 
faut des  malades  ,  des  vieillards  ,  &  des  abfens.  li 
y  a  des  chapitres  où  les  chanoines  fémi-prébcndés 
n'ont  ni  voix  ,  ni  féance,  ni  même  entrée  aux  af- 
femblécs  capitulaires  :  il  y  a  d'autres  chapitres  où 
ils  entrent  &  ont  féance  dans-ces  aflemblées  ,  mais 
feulement  la  moitié  d'une  voix  ,  de  forte  qu'il  cft 
néceflaire  que  deux  de  ces  chanoines  fémi»Prében« 
dés  concourent  au  même  avis  ,  afin  qae  leurs  fuf- 
frages  foient  comptés,  &  i'.s  ne  le  font  alors  que 
pour  une  voix.  Sur  tous  ces  points ,  lorfque  le  titre 
de  fondation  n'efl  pas  repréfenté,  la  grande  règle 
eA  de  s'en  rapporter  aux  ufages  de  chaque  églife, 
à  moins  que  ces  ufages  n'aient  quelque  chofe  de 
contraire  à  la  difcipline  générale  de  l'églife  &  à 
la  jurifprudence  des  tribunaux.  Mais  fi  quelques 
arrêts  ont  été  déjà  rendus  en  faveur  de  ces  mêmes 
ufages ,  ils  acquièrent  une  nouvelle  force ,  &  ne 
peuvent  plus  être  attaqués. 

P'oyci  les  lois  cccléfidjliques  ;  recutil  de  jurifpru- 
dcnct  canonique  ;  mémoires  du  clergé  ;  définitions  du 
droit  canonique  ,  revues  pur  P.  Caflel ,  &c.  Voyez 
auffiles  articles  Canonicat,  Chanoine,  Cha- 
pitre ,  Cathédrales  ,  Collégiales  ,  &c. 

(  Articlt  de  M,  Vabbi  Remy  ,  avocat  au  pat' 
lernent.  ) 

PRÉCAIRE.  Ce  mot,  dans  fon  étroite  fignifica- 
tion  ,  ne  fignifie  qu'un  prêt  révocable  à  la  volonté 
de  celui  qui  l'a  fait  (1). 

Comme  la  po&fiîon  Précaire  n'efî  que  l'effet  de 
la  tolérance  du  propriétaire  ,  elle  ne  donne  aucun 
dfoit  au  pofrefleur  ;  elle  eft  oppofée  à  la  poflef- 
fion  du  propriétaire  ;  c'efî  de-là  que  dans  l'ufage 
on  fe  fert  de  ce  terme  pour  exprimer  en  général 
toute  autre  poffefrion  que  celle  du  propriétaire, 
&  que  celui  qui  à  titre  de  prêt,  d'ufufruit,  de  nan- 
tiflcment,  que  le  mari,  la  douairière,  celui  qui 
fait  les  affaires  d'un  abfent ,  les  tuteurs ,  curateurs , 
fyndics,  économes,  adminiflrateurs  ,  fequeflres  , 
5t  généralement  tous  ceux  qui  pofsèdent  pour  au- 
trui ,  font  dits  n'avoir  qu'une  poffelTion  Précaire.^ 

Le  terme  de  Précaire  emporte  tellement  l'idée 
d'une  pofTefTion  de  la  chofe  d'autrui,  qu'on  s'en 


(i)  Precarium  eft  qnotlpretibos  petenti  utendum  concedi- 
tur,   tamdiù,   nuamdiù  i$  qui  ceaceflic  paiitur.  L.  i  ,  S.  it 

(tti 


Precari<h 


PRÉCAIRE. 

fert  ponr  exprimer  une  tradition  feinte.  C'cfl  ainfi 
qu'un  vendeur,  qu'un  donateur,  qui  retiennent 
fur  la  choie  vendue  ou  donnée  un  droit  d'ufufruit , 
dv-clarent  ne  tenir  cette  chofe  qu'à  titre  de  confli- 
tut  &  Précaire  ;  ce  qui  fignifie  qu'ils  ne  pofsèrlent 
pïiS  pour  eux  ,  mais  qu'ils  fe  reconnoiiîent  débi- 
teurs de  cette  chofe.  Car  le  terme  de  confiitut  fi- 
gnifie  la  reconnoifiance  d'une  dette  (i). 

Laurierc,  fur  l'article  175  de  la  coutume  de  Pa- 
ris ,  reprend  av:c  raifon  Auzanet ,  pour  avoir  dit 
que  ces  termes  conftitut  &  Précaire  ,  ttoicnr  inuti- 
les ,  parce  que  dans  l'ufage  ,  il  n'y  a  que  la  fimple 
rétention  d  ufufruit  qui  donne  la  faculté  au  dona- 
teur de  retenir  la  polîeflîon  &  la  jouifTance  de  la 
chofe  donnée.  Il  peut  fe  rencontrer  des  circonftan- 
ces  où  ,  fans  s'être  réfervé  d'ufufruit ,  le  don.ueur 
rcAe,  au  moins  pendant  quelque  temps,  en  poiref- 
li&n  de  la  chofe  donnée.  Suppofez  ,  par  exemple  , 
un  particulier  qui  donne  une  maifon  de  campagne 
à  une  perfonne  abfente  ;  la  donation  eft  acceptée 
par  un  fondé  de  procuration  fpéciale  :  le  donateur 
continue  d'occuper  la  maifon  pendant  un  temps 
affez  confidérable  ,  &  meurt  avant  le  dotiataire.  Si 
la  donation  ne  porte  pas  la  claufe  de  conftitut  8c 
Précaire,  le  donateur  fera  décédé  en  poflefiion  de 
la  chofe  donnée  ;  il  n'y  aura  eu  aucune  efpèce  de 
tradition  ,  &  la  donation  fera  fufceptible  d'être  an- 
nullée.  Si  au  contraire  le  contrat  porte  la  claufe  de 
conftitut ,  la  donation  ne  courra  plus  les  mêmes  rif- 
ques  ,  parce  que  cette  claufe  opère  une  tradition 
feinte.  II  en  feroit  de  même  fi  le  donateur  eût  livri 
la  chofe  donnée,  &  que  le  donataire  ou  fon  fondé 
.de  procuration  la  lui  eût  remife  pour  la  tenir  à  titre 
Précaire,  c'eft-à  dire  ,  comme  une  efpèce  de  prêt , 
jufqu'à  ce  qu'il  plût  au  donataire  de  l'occuper  lui- 
même;  il  ne  fait  en  ce  cas  que  ce  qu'un  proprié- 
taire partant  pour  un  voyage  feroit  à  l'égard  d'un 
defes  am's,  auquel  il  laiiïeroit  la  liberté  de  jouir 
de  fa  maifon  pendant  fon  abfence. 

La  coutume  de  Paris  ,  dans  l'article  cité,  diflin- 
gue  très-bien  les  deux  cas.  «  Ce  n'eft  donner  &  re- 
^>  tenir  (porte  cet  article),  quand  l'on  donne  la 
»  propriété  d'aucun  héritage ,  retenu  à  foi  l'ufu- 
3>  fruit ,  à  vie  ou  à  temps  ,  ou  quand  il  y  a  claufe  de 
»  conftitut  OH  Précaire,  &  vaut  celle  donation  ». 

La  pofleflîon  Précaire  ,  quelque  longue  qu'elle 
foit ,  ne  peut  opérer  la  prefcription.  La  raifon  en 
cA  évidente  ;  la  prefcription  n'e/^  que  h  confirma- 
tion ,  raffurance  que  la  loi  donne  à  celui  qui  a  joui 
pendant  le  temps  qu'elle  a  déterminé ,  de  ne  pas 
être  troublé  à  l'avenir  dans  fa  jouifTance.  La  loi  ne 
peut  donner  cette  aflurance  qu'à  celui  qui  a  joui 
comme  propriétaire  ;_  comment  la  mainticndioit- 
elle  dans  celui  qui  a  joui  précairement ,  qui  poiré- 
doit  pour  un  autre  ,  puifque  par  la  nature  même  de 


COConllitutum  edconvcntio  (juâ  quis  relpondec.  ..  folu- 
turum  fe  quoJ  ipfe  vel  ilius  débet.  Cujacii  paiatitla.  în  tu. 
àigefi.  depecunid  coiifticucd.  Voyçs  l'ictrgduàionî  Ja  pratique 
de  J  crriere.  •' 

Tome  XIII. 


PRÉCAiRE  ;^53 

j   fa  pûH'cfHoii  il  étoit  obligé  de  la  reftituer  ? 

Non-feulement  le  poileffeur  lui-même,  mais  en- 
core fes  héritiers  ne  peuvent  pas  prefcrire,  parce 
qu'ils  repréfentent  leur  auteur ,  &  que  leur  qualité 
n'opèie  pas  de  changement  dans  la  poflcffion  qui 
leur  eft  tranfmife.  On  a  cependant  deuté  ,  dans 
cette  efpèce  ,  fi  l'héritier  de  celui  qui  jouiffoit  à 
titre  d'ufufruit ,  n'étant  pas  lui-même  ufufruitier  , 
ne  pouvoir  pas  prefcrire.  La  raifon  de  douter  étoit , 
qtie  l'ufufruit  finit  par  la  mort  de  l'ufufruitisr,  l'hé- 
ritier ne  fuccède  par  conféquent  pas  à  cet  ufufruit 
qui  ne  fuBfif'e  plus  ;  le  titre  de  fa  pofTeflîon  efl 
changé  par  la  nature  de  la  chofe  ;  &  s'il  continue 
de  poiTéder  ,  ce  n'eft  plus  au  même  titre  que  fon 
auteur,  mais  d'une  manière  qui  lui  eft  piopre  & 
particulière.  On  décide  cependant  au  contraire  , 
que  le  vice  qui  fe  trouve  dans  la  poffeiïion  du  dé- 
funt ,  nuit  à  l'héritier  ,  quand,  même  il  ignoreroit  ce 
vice,  parce  qu'il  faut  remonter  au  principe  r  l'héri- 
tier tient  fon  droit  du  défunt  ;  il  eft  tenu  de  toutes 
les  obligations  du  dJfunt,  &  ne  peut  pas  prefcrire  , 
parce  que  (on  auteur  ne  l'auroit  pu  faire. 

Qiioique  le  poflefieur  Précaire  ni  fon  héritier  ne 
puilTent  pas  prefcrire  ,  ils  peuvent  cependant ,  par 
leur  fait,  donner  ouverture  à  la  prefcription,  en 
aliénant  la  chofe  :  le  nouvel  ac(juéreur  qui  poffède 
anitno  domini ,  pourra  acquérir  la  prefcription,  quoi- 
qu'il tienne  fon  droit  d'un  poffefTeur  Précaire.  Il  y 
a  cette  diflerence  entre  le  fucceffeur  à  titre  particu- 
lier &  le  fuccelTeur  à  titre  univerfel ,  que  le  pre- 
mier n'eft  pas  tenu  des  faits  du  défunt  comme  le 
fécond. 

Il  eft  cependant  des  cas  où  le  pofteffeur  Précaire 
peut  prefctire  :  i".  lorfqu'il  a  acquis  la  chofe  de 
celui  qu'il  croyoit  en  être  le  ptopriétaire.  Dan^  ce 
cas  ,  il  ne  faut  plus  le  confidcrer  comme  un  pofTef- 
feur  Précaire  ,  mais  comme  un  acquéreur. 

2°.  S'il  y  a  eu  contradiction  :  par  exemple  ,  s'il  a 
été  afTîgné  en  reftitution,  &  qu'il  ait  foutenu  dans 
fes  défenfes  qu'il  jouifibit  comme  propriétaire  ,  la 
prefcription  commencera  à  courir  du  jour  de  la 
contradiftion  ;  mais  il  faut  que  les  aâ.s  de  contra- 
diction foient  formels  &  pofitlfs  ,  en  forte  qu'on 
puiffe  juftificr  qu'on  a  eu  dclTein  de  pofTéder  ce 
qu'on  a  prefcrit  ;  car  il  ne  fiéroit  pas ,  par  exemple  , 
à  celui  qui  prétendroit  un  droit  de  fervitude  fur 
un  fonds  ,  de  foutenir  qu'il  en  a  toujours  joui ,  s'il 
ne  difoit  en  même-temps  qu'il  en  a  joui  en  vertu  de 
fon  droit.  Ce  ne  feroit  pas  affez  quun  fermier  pié- 
tendic  jouir  comme  maître  ,  s'il  ne  l'avoir  pas  mani- 
fefté  par  quelque  a6le  ,  quand  même  il  demeure- 
roit  cent  ans  fans  payer  le  prix  de  la  ferme  ,  parce 
qu'il  paroîtroit  toujours  au  dehors  fous  la  qualité 
de  fermier. 

Voye^  l'introdufiion  à  la  pratîtjue  de  Perrière  ;  les 
titres  du  digefte  &  du  code  de  Precario  ;  les  pandtHes 
de  Pothier  ;  de  Lauriere  fur  l'art.  272  de  la  coutume 
de  Paris  ,  6"  les  autres  commentateurs  ;  Ricard,  tr.iité 
des  donations  ;  Dunod  ,  traité  des  prifcripiions  ;  traité 
dt  lapofft^ion  d(  Pothier  J  &ç,  Vo^'cz  aufTi  CoNSTl- 


234  PRÉCIPUr  LÉGAL. 

TV  T.  {Cet  article  ejl  Je  M.  LaF0R£ST  ,  avocjt  au 
pad'.ment  ). 

PRÉCiPUT  LÉGAL.  Ceft  ainf.  que  bien  des 
auteurs  appellent  le  droit  que  plu(ieurs  coutumes 
accordent  au  furvivant  des  époux  ,  &  qui  confifte  , 
ou  dans  la  propriété  des  meubles ,  ou  dans  l'uru- 
fruit  des  acquêts  faits  durant  le  mariage  ,  ou  dans 
l'un  &  l'autre  de  ces  avantages  tout  àla-fois. 

On  appelle  dans  l'ulaoe  ,  ce  droit  Prèciput  légal , 
pour  le  dirtinguer  du  Prèciput  conventionnel  qu'on 
îlipule  ordinairement  dans  les  contrat^  de  mariage  : 
la  loi ,  c'efl-à-dire  la  coutume  ,  donne  le  premier  ; 
le  fécond  dérive  des  conventions  du  mariage:  l'un 
&  l'autre  n'appartiennent qu'aufurvivantdcs  époux, 
&  font  appelés  par  cette  raifon  gains  de  (urvie. 

Les  coutumes  dans  leCquelles  le  Prèciput  légal 
eft  introduit,  varient  bc^ticoup  entre  elles,  foit  lur 
le  nom  qu'elles  lui  doiinent,fo  t  fur  les  objets  dont 
elles  le  compofent ,  foit  fur  les  conditions  qu'elles 
exigent  pour  qu'il  y  ait  ouverture,  foit  enfin  fur 
les  charges  dont  elles  grèvent  le  furvivant  qui  en 
profite. 

On  ne  connoît  aucune  coutume  qui  le  nomme 
Prèciput  :  quelques-unes  l'appellent  privilège  des 
nobles  ,  par  la  raifon  fans  doute  qu  elles  ne  l'ac- 
cordent qu'aux  époux  nobles,  5c  même  à  ceux-là 
feulement  qui  vivent  noblement.  D'autres  coutu- 
mes l'accordent  auffi  aux  époux  roturiers  :  celles-ci 
ne  veulent  qu'il  ait  lieu  que  dans  le  cas  où  il  n'y  a 
pas  d'enfans;  celles-li  au  contraire  n'en  font  jouir 
iC  furvivant  que  lorfqu'il  a  des  enfans  de  Ton  mi- 
iage  ;  enfin  ,  dans  certaines  coutumes,  il  confifle 
ans  la  propriété  des  meubles ,  Si  dans  d'autres  ,  il 
â  mprend  encore  l'ufufruit  des  acquêts  faits  durant 
comariage. 

Malgré  cette  grande  diverfué  des  coutumes  fur 
le  Prèciput  légal ,  on  va  tâcher  d'établir  un  ordre 
qui  fera  connoître  leurs  différentes  dirpofiiions  fur 
cette  matière.  On  examiiîera  i".  quelles  font  les 
pcrfonnesà  qui  le  Prèciput  légal  appartient,  &  en 
quels  cas. 

2°.  S'il  efl  nécefTaire  d'être  noble  pour  pouvoir 
jouir  de  cet  avantage. 

3°.  S'il  efl  nécefTaire  qu'il  y  ait  communauté  en- 
tre les  conjoints  pour  donn  r  ouverture  à  ce  droit. 

4*^.  On  parlera  de  la  coutume  de  Cambrai ,  qui 
ne  l'accorde  au  furvivant  que  lorfqu'il  pofTéde  un 
fief. 

5°.  Si  les  enfans  font  ou  ne  font  pas  obfîacle  au 
Prèciput  légal. 

é*.  Dans  quelles  coutumes  il  ne  confifîe  que  dans 
les  meubles. 

7".  Dans  quelles  coutumes  il  ne  confifle  que  dans 
l'ufufruit  des  acquêts  faits  durant  le  mariage. 

8°.  Dans  quelles  coutumes  il  confifte  tout  à-la- 
fois,  U  dans  la  propriété  des  meubles,  &.  dans  l'u- 
fufruit des  acquêts  faits  pendant  le  mariage. 

9°.  De  quelques  formalités  prefcrtes  par  quel- 
ques coutumes  au  furvivant ,  avant  &  pour  qu'il 
puiffe  jouir  du  Prèciput  légal. 


PRÈCIPUT  LÉGAL. 

10°.  Enfin  ,  quelles  en  font  les  charges.  Nous 
ferons  en  forte  de  renfermer  dans  ces  dix  articles 
tout  ce  qui  concerne  le  Prèciput  légal. 

Article    premier. 

Quelles  font  les  perfonnes  à  qui  le  Prèciput  légal  ap- 
partient ,  6*  en  quels  cas. 

Ce  droit  en  général  n'appartient  qu'au  furvivant 
de  deux  conjoints  par  mariage:  deux  chofes  font 
principalement  &  généralement  requifes  pour  qu'il 
ait  lieu,  favoir,  le  prédécès  de  l'un  des  époux,  & 
la  furvie  de  l'autre. 

Comme  les  coutumes  qui  admettent  ce  droit  s'ac- 
cordent à  dire  qu'il  n'a  lieu  qu'après  le  prédécès  ou 
le  trépas  de  l'un  des  époux  ,  il  faut  en  conclure  qu'il 
n'y  a  que  la  mort  naturelle  qui  y  donne  ouverture  : 
il  feroit  en  fufpens  feulement  par  l'événement  de  la 
mort  civile  ,  &  ne  fc  réaliferoit  qu'au  moment  de  la 
mort  naturelle  de  l'époux  déjà  mort  civilement. 

Le  Prèciput  légal  e(t  un  préfent  que  la  loi  fait  au 
furvivant  de  deux  conjoints  qui  ont  alors  leur  do- 
micile dans  fon  territoire  :  comme  cet  avantage 
confifle  le  plus  généralement  en  meubles  ,  dont  le 
furvivant  recueille  la  propriété,  &  que  les  meu- 
bles fe  défèrent  partout  dans  les  fuccefîîons  ,  con- 
formément à  la  coutume  dans  laquelle  éioit  domi- 
cilié celui  qui  les  poilèdoit ,  c'efl  fans  doute  à  caufe 
de  cela  que  lufage  &  prefque  tous  les  auteurs  fe 
rénniffent  pouj-  faire  dépendre  l'exercice  de  ce 
droit,  de  la  coutume  dans  laquelle,  au  moment  de 
fon  ouverture  ,  les  époux  avoient  leur  domicile. 

Devroit-on  accorder  le  Prèciput  légal  au  furvi- 
vant de  deux  époux  ,  dans  le  cas  d'une  tranflation 
de  domicile  faite  dans  le  temps  où  il  y  avoit  à  crain- 
dre pour  la  vie  du  prédécédé ,  qui  étoit  déjà  mala- 
de, dans  une  coutume  où  ce  droit  efl  introduit? 
Pothier  répond  que  non  ,  à  caufe  da  la  fraude  qui 
paroît  avoir  été  le  feul  motif  de  ce  changement  de 
domicile. 

On  demande  fi  un  aubain,  qui  feroit  venu  s'éta- 
blir en  France  ,  pourroit  prétendre  au  Prèciput  lé- 
gal :  a  Je  ne  le  penfe  pas  ,  répond  Pothier:  car  ce 
"  Prèciput  n'étant  dô  en  vertu  d'aucune  conven- 
»  lion ,  même  virtuelle  &  prèfumèe ,  mais  par  le 
1»  bénéfice  du  droit  civil,  il  ne  peut  être  prétendu 
<i  p3.r  un  auhain  ,  qui  folius  juris  gentium  communio- 
n  ncm  habet ,  non  juris  avilis  ». 

Cette  dècifion  n'efl-elle  pas  bien  rigoureufe.'  Si 
cet  aubain  ,  en  venant  s'établir  en  France  ,  y  avoit 
èpoufé  uneFrançoife  ,  on  ne  pourroit  pas  refufer  a 
celle-ci ,  fi  elle  fiirvivoit  à  fon  mari ,  le  Prèciput  lé- 
gal ;  pourquoi  le  refi:feroii-on  au  mari  ,  s  i'  etoit 
furvivant,  fur-tout  dans  les  coutumes  qui  regar- 
dent ce  gain  de  furvie  comme  un  foulagement 
qu'elles  accordent  à  l'époux  devenu  veuf  r  D'ail- 
leurs on  a  prefque  entièrement  aboli  aujourd'hui 
ce  droit  d'aubaine  ;  &  à  1  égard  des  peuples  pour 
lesquels  on  ne  l'a  pas  encore  fupprimé ,  on  a  Tait 
en  faveur  de  la  plupart  une  exception  des  jrieublcs. 


PRÈCIPUT  LÉGAL. 

qui  font  communément  lobjet  du  préciput  légal. 

Quoique  ce  gain  de  furvie  foit  regardé  par  quel- 
ques coutumes  comme  une  efpèce  de  fucceffion , 
il  ell  cependant  certain  que  les  époux  peuvent  y  re- 
noncer par  leur  contrat  de  mariage  ;  &  dans  ce  cas 
le  furvivant  des  deux  ne  peut  le  réclamer. 

Mais  on  demande  fi  les  époux  qui  font  conve- 
nus ,  par  leur  contrat  de  mariage  ,  d'un  certain 
Préciput  que  prendra  le  furvivant ,  font  ccnfés , 

{)ar  cela  feul ,  avoir  renoncé  au  Préciput  légal? 
'othier,  qui  s'eft  fait  cette  queùion  dans  fon  traité 
de  la  communauté,  nombre  427,  décide  pour  la 
négative  ,  &  en  donne  les  raifons  fuivantes  ;  «  La 
N  difpofition  de  la  coutume,  dit-il,  qui  donne  au 
»  furvivant  de  deux  époux  nobles  ,  le  droit  de 
»  prendre  le  total  des  meubles  de  la  communauté , 
M  à  b  charge  des  dettes  mobilières  de  la  commu 
»  nauté ,  ert  un  titre  entièrement  différent  du  titre 
»>  que  forme  la  convention  du  Préciput  portée  par 
«  le  contrat  ;  la  difpofition  de  la  coutume  eft  un 
n  avantage  que  la  loi  fait  au  furvivant  ;  c'eft  un  titre 
w  univerfel  auquel  eft  attachée  la  charge  des  dettes 
n  de  la  communauté;  au  contraire,  le  titre  qui 
ji  réfultc  d'une  convention  de  Préciput ,  portée 
j>  par  un  contrat  de  mariage  ,  efl  un  avantage  que 
ïi  les  conjoints  fe  font  réciproquement  ;  ce  n'eft 
)»  pas  un  titre  univerfel ,  ce  n'efl  pas  un  titre  au- 
»  quel  foit  attachée  la  charge  de  payer  les  dettes  , 
»  ni  aucune  autre  charge  >». 

Article    IL 

5'i/  ejl  nécejfiire  d'être  noble  pour  pouvoir  jouir  du 
Préciput  légal. 

La  noblefle  eft  requife  par  un  grand  nombre  de 
coutumes  dans  l'époux  furvivant ,  auquel  elles  ac- 
cordent le  Préciput  légal  ;  voici  cel'es  qui  exigent 
cette  qualité  :  Paris,  art.  238  ;  Merux  ,  49  ;  Me- 
lun  ,  ai8;  Sens  ,  83  ;  Etampes,  f8;  Montfort- 
l'Amaury,  133  ;  Mantes,  131  ;  Senlis ,  146;  Clcr- 
mont  en  Argonne ,  ch.  5  ,  art.  8  ;  Clermont  en 
Boauvoifis,  189;  Calais,  39;  Laon  ,  tit.  3  ,  art. 
20  &  21  ;  Troies  ,  tit.  2  ,  art.  1 1  ;  Chaumont  en 
Bafligny  ,  ch.  i  ,  art.  6  ;  Vitri-le-François  ,  ch.  4, 
ait.  74  ;  Rheims,  art.  279  &  281  ;  Chàlons  ,  art. 
28;  Noyon  ,  art.  31;  Saint  -  Quentin,  art.  3; 
Ribemont,  art.  93;  Chaulny,  art.  17  &  18;  Pé- 
ronne,  art.  126  ;  Tours,  art.  247  ;  Château-Neuf 
en  Thimerais,  ch.  9,  art.  66;  Chartres  ,  ch.  10, 
art.  57  ;  Berry  ,  tit.  8,  art.  13  ;  Poitou  ,  art  258  ; 
Sedan  ,  tit.  4  ,  art.  78  ;  &  Dreux  ,  art.  103. 

La  plupart  de  ces  coutumes  exigent  non-feu- 
lement que  les  époux  foient  nobles  ,  mais  encore 
qu'ils  aient  vécu  &  vivent  noblement ,  pour  pou- 
voir jouir  du  Préciput  légal  :  de  forte  que  ,  d.ins 
ces  coutumes,  deux  époux  nobles  qui  auroient, 
parl'exercice  de  quelque  profedion,  dérogé  à  la  no- 
blelTe  ,  f«roient  exclus  de  ce  droit.  Quelques  cou- 
tumes veulent  feulement  que  les  époux  foient  no- 
blcs ,  Tans  exiger  qu'ils  f  ivcnt  noblement  :  telle 


2-55 


PRÉCIPUT  LÉGAL. 

eft  la  coutume  de  Troies,  tit.  2,  ^.rt.  11  ,  don^ 
voici  les  termes  :  Entre  nobles ,  vivans  noblerr.in^ 
eu  roturièrement ,  le  furvivant  prend  tous  les  meubles' 
Telle  eft  encore  la  coutume  de  Châlons,  art.  29, 
fuivant  laquelle  ce  bénéfice  efl  u:cordé  aux  perfonnes 
extraites  Je  noble  lignée  ,  encore  quelles  vivent  rotw 
rièrcmen:. 

On  pcut  faire  Ici  la  queftion  de  favoir  s'il  e.^'t  né- 
ceflaire  que  les  deux  époux  foient  l'un  &  l'autre 
d'extraéîion  noble  :  il  femble  qu'on  devroit  la  dé- 
cidci  pour  l'affirmative  ,  d'après  les  textes  de  quel- 
ques coutumes  :  de  ce  nombre  eft  celle  de  Valois, 
art.  62  ,  qui  s'exprime  ainfi  :  Le  furvivant  de  deux 
nobles  conjoints  par  mariage  ,  prendra  de  fon  chef  la 
moitié  des  conquêts  en  propriété  ,  &  jouira  de  Cautre 
moitié  fa  vie  durant  par  ujufruit  ....  De  ce  nom- 
bre eft  encore  la  coutume  de  Sens  ,  tit.  o ,  art.  85  , 
dont  voici  les  termes  :  Quand  l'un  des  deux  mariés  , 
ijfus  6*  réputés  de  noble  lignée  ,  vivans  noblement ,  va. 
de  vie  à  trépas  ,  su  furvivant  par  coutume  garder 
entre  nobles  ,  pourvu  qails  niaient  enfans ,  appartient 
le  droit  de  prendre  les  meubles.  Les  textes  qu'on 
vient  de  rapporter  fembleroicnt  exiger  la  noblelle 
dans  la  femme ,  comine  dans  le  mari ,  pour  qu'elle 
pût  jouir  du  Préciput  :  cependant  il  faut  dire  que 
le  mari  noble  communique  à  fa  femme  roturière 
fa  noblefle  &  le  privilège  qui  y  eft  attaché  ,  comme 
le  décident  plufieurs  coutumes  :  celle  de  Valois , 
art.  65  ,  dit  qu'une  femme  non  noble  ,  qui  aurait  été 
conjointe  par  mariage  à  un  homme  noble  ,  après  le  tré- 
pas d'icelui ,  jouira  du  privilège  de  noble  (je  durant  le 
temps  de  fa   viduité. 

On  trouve  la  même  difpofition  dans  les  coutu- 
mes de  Vitry ,  chap.  4  ,  art.  68  ;  Châlons,  art.  28  ; 
Meanx  ,  ch.  9 ,  art.  49  ;  Sedan  ,  art.  j8  ;  Chaumont 
en  Bafîîgny ,  ch.  i  ,  art.  6. 

A  l'égard  de  ces  coutumes  ,  où  la  noblcfte  eft  exi- 
gée dans  les  deux  époux  ,  &  où  la  femme  roturière 
eft  anoblie  par  Con  mari  ,  à  l'e^ret  de  jouir  du  Préci- 
put ,  on  peut  encore  faire  la  queftion  de  favoirfi  la 
femme  en  feroit  privée ,  dans  le  cas  où  elle  con- 
voleroit  à  de  fécondes  noces  avec  un  mari  roturier  : 
il  femble  que  l'on  doive  décider  que  la  fen7me 
ne  perdra  pas  la  propticté  des  meubles  qu'elle  aura 
gagnés  après  la  mort  de  fon  prerrier  mari  ;  mais 
qu'elle  ne  jouira  pas  d'un  pareil  avantage  après  la 
mort  du  fécond.  On  ne  parle  que  pour  les  coutu- 
mes qui  ne  défendent  pas  les  fécondes  noces  an 
furvivant  des  époux. 

Cette  double  décifion  paroît  réfulter  de  l'article 
5  de  la  coutume  de  Saint-Quentin  ,  dont  voici  la 
difpofition  :  «  Et  fi  defdits  conjoints  n'y  avoit  que 
»  le  mari  noble ,  ce  nonobftant  fa  veuve  furvivantc 
»  peut  prendre  &  avoir  les  meubles  &  dettes  ;  car 
»  le  mari  noble  anoblit  la  femme;  de  forte  que  , 
»  durant  &  après  leur  mariage ,  elle  eft  réputée 
j>  noble  ,  &  jouit  des  privilèges  de  la  nobleiTe  du- 
»  rant  fa  viduité  :  mais  fi  elle  fe  marie  à  homme 
M  roturier  ,  fuit  la  condition  d'icelui ,  &  perd  lef- 
»  dits  privilèges  de  noblefle  pour  l'avenir  », 

Ggij 


1^6 


PxRÉCïPUT  LÉGAL. 


Pour  l'avenir,  dit  cette  coutume,  c'eft  à-dire  que 
k  femme,  dans  le  cas  où  elle  deviendroit  veuve 
du  mari  roturier  qu'elle  a  époufe  en  iccondes  no- 
ces ,  rje  gagnera  pas  les  meubles  ;  mais  elle  gardera 
ceux  lïont  elle  a  eu  la  propri^ité  à  la  mort  de  l'on 
premier  mari. 

Entr'autres  raifons  qu'on  peut  en  donner  ,  on 
peur  dire  que  ces  meubles  (ont  le  prix  des  dettes 
qu'elle  a  acquittées  ;  &  comme  le  payement  qu'elle 
fait  de  ces  dettes  eft  irrévocable  ,  de  même  la  pro- 
priité  des  lîieiibles  qu'on  lui  a  donnés  en  cette 
confidération  doit  être  également  irrévocable. 

Après  avoir  cité  les  coutumes  qui  n'accordent  le 
Préviput  légal  qu'aux  époux  nobles ,  il  femble  na- 
turel de  parler  de  celles  qui  n'en  excluent  pas  mê- 
me les  époux  roturiers  ,  loit  qu'elles  les  nomment 
formellement,  comme  Maine,  art.  299;  Anjou, 
art.  183;  &  Coucy ,  art.  2;  foit  que  dans  leurs 
difpofitions  elles  accordent  ce  privilège  au  furvi- 
vant  des  époux,  fans  aucune  diiViniî^ion  entre  les 
nobles  &  les  roturiers  ,  d'où  l'on  doit  conclure 
que  les  uns  &  les  autres  y  ont  droit.  Ces  dernières 
font  plufieurs  coutumes  locales  d'Artois  ,  ou  du 
bailliage  &  cbàieiien  e  de  Lille  ,  ou  entin  de  la  villt 
&  é;hevinage  de  Lille.  De  ce  nombre  eft  auflî  la 
coutume  de  Luxembourg  .  tit.  8  ,  art.  8  ;  Si  la  cou- 
tume de  Bruxelles  ,  art.    24;. 

Article     II  L 

EJl-il  ncci^aire  qu'il  y   ait  communauté  entre  les 
époux  ? 

On  ne  connoît  que  la  courume  du  Maine,  qui 
renferme  une  d'.fpofnion  exprelfe  à  cet  égard.  Elle 
eft  ainfi  conçiiC  dans  l'article  299  :  "Le  furvivant 
•>■>  de  deux  conjoints  enfemble  par  mariage  ,  e^ui 
>>  ont  fait  acquêt  de  chofes  immeubles  pendant  leur 
■)■>  mariage  ,  pourvu  ^uau  temps  du  premier  trepj[fc 
j)  ils  foie/.t  communs  en  bienf  ,  a  droit  de  tenir  icelui 
»>  ac(iuêt  ,  moitié  en  pleine  propriété,  &  l'autre 
3>    moiiié  par  ufufruit  &  viage  feulement». 

On  peut  inférer  la  même  chofe  de  quelques  ex- 
preffions  répandues  dans  l'anicle  238  de  la  coutume 
d'Anjou. 

A  l'égnrd  de  la  coutume  de  Paris,  les  auteurs 
ont  fiit  réfulter  lanéceffiié  de  cette  condition  ,  des 
termes  de  l'article  131  de  l'ancienne  coutume, 
qu'on  a  fondu  av^c  le  «16''  dans  l'article  238  de 
la  nouvelle.  Voici  ces  termes  :  L'époux  furvivant.  .. 
prendra  les  meubles  qui  communs  étaient  entre  lui  6* 
le  prédéccdé. 

Dumoulin  ,  fur  l'article  116  de  l'ancienne  cou- 
(ume  de  Pari*,  alTure  que  cet  article  8c  le  131^ 
n'ont  d'application  que  lorfqu'il  y  a  communauté 
entre  les  conjoints.  Loquuntur  tantùm  quando  ijî 
communia. 

A  l'exemple  de  Dumoulin  ,  le  Brun  &  Renu/Ton 
ont  aufîi  alTuré  la  même  chofe.  Le  premier  avoue 
cependant  dans  fon  traité  des  fnccelCons ,  liy.  j  , 


PRÉCIPUT  LÉGAL. 

cliap.  7,  nomb.  49,  que  cette  condition  nejl  pas 
exprejfi  dans  la  couîum'. 

La  même  opinion  à  été  fuivie  par  Argou  dans 
(oi\  inOitution  au  droit  françois  ,  où  il  définit  ainfî 
le  Prèciput  légal  :  «  C'eft  un  avantage  que  quel- 
»  qties  coutumes  donnent  au  furvivant  de  deux 
»  conjoints  fur  une  certaine  nature  de  biens  dc- 
»  pcndans  de  la  communauté.  Le  mot  Prèciput 
M  fignitie  hors  part,  è\  ftippoie  par  conféquent  qu'il 
)»  y  a  une  communauté  à  partager  ;  c'eft  pou'-qiioi 
)i  la  femme  qui  renonce  à  la  commun  lutè  ne  doit 
V  point  jouir  du  Prèciput  qui  eft  introduit  par  la 
)>  couttime». 

Pothier  dans  fon  traité  de  la  communauté ,  nom- 
bre 418  ,  &  dans  fon  traité  particulier  du  Prèciput 
Icgal  ,  penfe  «  qu'il  faut  qu'il  y  ait  eu  commun.nué 
1»  de  biens  entre  les  conjoints  ,  qui  fubfifte  au  temps 
»  du  prédécès  n. 

Enfin,  dHéricourr  fur  la  coutume  de  Verman- 
n  dois  ,  art.  iO  &  2  i  ,  dit  auiîi  :  u  que  le  Préc  put 
"  légal  eft  une  dépendance  &  une  fuite  de  la  com- 
»  munauié,  &  qu  il  faut  être  en  communauté  pour 
"  en  jouir,  puifqu'il  ne  s'étend  que  fur  les  biens 
»  qui  étoient  communs  entre  les  conjoints  ". 

D'autres  auteurs  ont  une  opinion  conrraira. 
De  ce  nombre  font  ,  i".  Bacquet,  qui  dans  (on 
traité  des  droits  de  juftice,  chap.  21  ,  nomb.  75  , 
tient  que  le  freciput  légal  nejl  p.int  une  juiie  delà 
communauté. 

2".  Buridan  fur  la  coutume  de  Laon  ,  &  Billecart 
fur  celle  de  Châlons,  difent  que  le  Preciiut  légal 
procède  du  privilège  de  noblrffl,  &  efl  un  fait  de  juc 
C'jjlon  &  non  de  communijuté, 

3".  La  Tbaumaftiere  fur  la  coutume  de  Berry,  ti- 
tre 18  ,  article  13  ,  lequel  dit  encore  ,  que  le  g.:in  dé- 
féré par  cet  article  a  liu  ,  /Oit  qu  il  y  ait  communauté 
ou  non  entre  les  conjoints ,  parce  e/ue  la  coutume  ne 
leur  donne  pas  cet  avantage  en  confé^juence  "c  la  ci'm- 
munautéy  ni  a  le  prendre  fur  la  communami  ,  mais 
inliji'mElement  au  furvivant  des  co'  joints  entre  nobles  ; 
ce  qi'i  fait  voi:  quil  ne  dépend  aucun  m.nt  de  la  com- 
munauté   Et  je  n'ai ,  ajoute-t-il ,  jam  lis  vu  fur 

cela  faire  de  difficulté  à  nos  anciens  conjultans. 

Tous  les  commentateurs  de  la  coutume  de  Poi- 
tou, penTent  aufli  que  le  Prèciput  légal  peut  avoir 
heu  ,  quoi'ju'il  n'y  ait  pas  de  communauté;  on  ci- 
tera Boueheul,  le  plus  récent  d'entr'eux  ,&  qui  a 
réuni  les  autres  dans  fon  ouvrage;  voici  comme  il 
s'exprime  fur  l'article  228  :  la  coutume,  dans  ce pri- 
viiCf^e  qu'elle  donne  an  furviva/.t  nO'  le  de  prendre  les 
meubles  quand  il  ny  a  point  d^nfans  ,  parle  généra- 
lement, &  fans  diflingui'r  fi  les  con  oints  font  en  com- 
munauté de  bi'  ns  ou  non  :  ce  ncjl  pa  parce  qu'ils  font 
communs  ei  biens  que  la  courume  défère  h  gain  des 
meublts  au  furvivant  ;  mais  par  un  privilège  de  la  no- 
blejfe  ;  de  forte  que  ce  privilège  n'étant  pas  une  fuite 
d;  la  communauté  ,  mais  le  d'-oit  dei  personnes  nobles 
in  folatium  fterilitatis  ,  il  doit  avoir  lieu  lorfque  ces 
deux  Ctîi  fe  rencontrent. 

Cette  qsitftion  fur  laq'ueHs  on  vientde  voir  que 


PRÉCIPUT  LÉGAL. 

les  auteurs  ne  font  pas  d'accord,  a  été  jugée  à  la 
grand'chambre  le  31  juillet  1778,  au  rapport  de 
M.  Choart  :  elle  s'étoit  élevée  dans  la  coutume  de 
Poitou  entre  la  veuve  du  fieur  le  Bœuf ,  leigneur 
de  la  Noue  ,  &  fes  héritiers  ,  dans  refpèce  qui  fuit. 
Le  fieur  &  la  dame  de  la  Noue  avaient  llipulé  dans 
leur  contrat  de  mariage  ,  quils  m  feroient  pjs  com- 
muns ;  que  chacun  d'eux  adminiftreroit  féparément 
fes  revenus  ;  que  la  femme  ,  en  cas  àc  lurvie,  au- 
rait fon  douaire  ,  &  de  plus  une  chambre  garnie  ô-fon 
deuil.  Les  deux  époux  demeurèrent  d'abord  aux 
EiTarts  ;  uneincompatiûllité  dhumeurs  &  de  carac- 
tères les  fépara  volontairement  l'un  de  l'autre  ;  la 
femme  fe  retira  dans  un  couvent  ;  le  mari  vint 
fixer  fa  demeure  à  Fontenay  -  le  -  Comte  ,  où  il 
mourut  le  19  novembre  1776.  Après  ion  décès  ,  fa 
veuve  demanda  fon  douaire  ,  rufffruit  des  acquêts , 
&  la  propiiété  des  meubles.  A  l'égard  de  ces  deux 
derniers  objets  ,  elle  fe  fondoit  fur  l'article  238 
de  la  coutume  de  Poitou  ,  qui  accorde  le  Préciput 
légal  au  furvivantdesépoiix  nobles  dans  quelques 
lieux  de  la  province  de  Poitou,  au  nombre  dcf- 
quels  eflFontenayle-Comte  ,  où  étoit  décédé  le 
feur  de  la  Noue.  La  conteftation  a  d'abord  été 
portée  devant   les   juges  de  Fonttnay-le-Comte , 

qui,  par  (enicncQ  du 1776  ,  ont  adjuge 

le  douaire  à  la  dame  de  ta  Noue ,  aini'i  que  la 
propriété  des  meubles ,  en  lui  refufant  l'ufufruit 
des  acquêts. 

Les  h^'ritiers  ont  appelé  à  la  cour  de  ce  juge- 
ment ;  à  l'égard  du  douaire  qu'ils  avoienî  corMQ^i'i 
devant  le  premier  juge,  ils  s'en  font  rapportés  a 
juflice;  ils  fc  font  bornés  à  demander  l'infirmation 
de  la  fentence  ,  en  ce  quelle  adjugeoit  les  meu- 
bles à  la  dame  de  la  Noue  :  celle-ci  n'a  point  ap- 
pelé de  la  fentence  au  chef  qui  lui  refufoit  l'ufu- 
fruit  des  acquêts.  De  forte  que  fur  l'appel,  il  étoit 
queftion  uniquement  de  favoir  fi  la  dame  de  la 
Noue  ,  quoiqu'elle  ne  fût  pas  commune  en  biens 
avec  fon  mari ,  ni  lors  de  fon  décès  ,  ni  même 
p.ir  fon  contrat  de  mariage,  pouvoit  cependant 
jouir  du  Préciput  légal  fur  les  meubLs  de  fon  mari. 

M.  G.irran  de  Coulon  ,  défenfeur  des  héritiers 
du  n'ari  ,  difoit,  que  foit  que  Ton  confultât  les  dif- 
pofuions  de  la  coutume  de  Poitou  ,  foit  qu'on 
voulût  lire  celles  des  autres  coutumes  qui  admet- 
tent- le  Préciput  légal  ,  foit  qu'on  remontât  à 
l'origine  &  aux  fondement  de  ce  droit ,  foit  enfin 
qu'on  eût  recours  aux  fr.ffrages  des  auteurs,  il 
ne  pouvoit  y  avoir  de  doute  pour  la  négative. 

A  l'égard  des  textes  de  la  coutume,  tous  ceux 
où  il  cfl  parlé  du  Préciput  légal ,  fuppofcnt  le  cas 
de  la  communauté ,  ii  n'acliuçent  la  totalité  des 
meubles  à  l'époux  furvivant ,  que  comme  une  ex 
ception  au  partage  éi^al  de  la  comtnunauté  :  ce  font 
les  meubles  qui  au-oient  été  partagés  par  moitié  en 
venu  de  l;i  conimiinauié,  qui  font  recueillis  pai  le 
furvivnUt  des  conjoints ,  en  venu  de  fon  Préciput 
légal.  Si  ces  textes  n'étoient  pas  encore  ailez  pré- 


PRÉCIPUT  LÉGAL.        237 

cî$  ,  ceux  des  autres  coutumes  fe  réuniroient  pour 
prêter  leur  appui.  Berri ,  Tours,  Maine  &  Anjou 
diienc  ,  comme  Poitou  ,  que  le  privilège  des  nobles 
s'exerce  fur  les  meubles  qui  feroient  partag's  par 
moitié  en  vertu  de  la  communauté,  ou  même  qu'il 
ne  s'exerce  qu'autant  qu'<3H  jour  du  décès  du  pre- 
mier trépjjje  ,  les  époux  feront  communs  en  biens. 
Dans  to'.ues  ces  coutumes  ,  il  eft  permis  à  la 
femme  qui  furvit ,  de  renoncer  au  Préciput  légal 
comme  à  la  communauté  ;  ce  qui  prouve  qu'ils  ont 
lun  &  l'autre  une  même  origine  &  les  mêmes 
fondemeus. 

En  effet  ,  quel  eft  l'objet  de  ce  droit  dans  k 
plupart  des  coutumes  i  Ne  font-ce  pas  les  meu- 
bles &.  les  conquéts  immeubles  ;  n'eft-ce  donc 
pas  de  ces  mêmes  biens  que  la  communauté  cou- 
tumiéie  cfl  conipolée  ?  Ne  fuit-il  pas  delà  que  le 
Préciput  léijal  a  les  mêmes  fondemens  que  la 
communauté  ? 

Quanta  fon  origine,  on  en  trouve  les  premiè- 
res traces  dans  le  grand  coutumier  de  France, 
compofé  fous  Charles  VI;  voici  ce  qu'on  y  lit, 
livre  2  ,  chapitre  41  :  «  L'on  dit  communément 
»  qu'un  noble  a  éleélion  de  prendre  tous  les  meu- 
j>  blés  &.  payer  toutes  les  dettes ,  ou  de  renoncer 
»  aux  meubles  pour  être  quitte  des  dettes  ....>». 
Immédiatement  après  cela,  l'auteur  rapporte  l'ori- 
gine du  droit  de  renonciation  à  la  communauté; 
ce  qui  prouve  bien  que  le  Préciput  légal  étoit  une 
fuite  6c  une  dépendance  de  la  communauté  :  il  n'a 
lieu  en  eflet  que  dans  les  coutumes  qui  admettent 
la  communauté. 

On  ne  peut  pas  donner  comme  une  preuve  du 
contraire,  la  coutume  de  Rhcims  ;  elle  dit,  il  eft 
vrai,  dans  l'article  2.39,  que  les  coujoinis  par  ma- 
ria-ie  ne  (ont  pas  communs  ,-  mais  elle  dit  aufïi ,  dans 
les  articles  fuivans  ,  que  la  veuve  a  la  faculté  de 
partager  les  meubles  &  les  conquêts  immeubles 
avec  les  hériners  de  fon  mari  ;  ce  qui  fuppofe  réel- 
lement une  part  dans  ces  meubles  &  conquêts  im- 
meubles ,  part  qu'elle  a  au  moins  la  faculté  de 
prendre,  &  qu'elle  ne  prendra  qu'en  le  déclarant 
commune  ,  ou  ,  fi  l'on  veut ,  en  acceptant  la  com- 
munauté. Enf.n  ,  M.  Garran  de  Coulon  citoit  le 
fuffrage  des  auteuts  qu'on  a  rapportés  plus  haut. 

J'écrivois  pour  la  dame  de  la  Noue  :  je  me  fon- 
dai particulièrement  fur  l'ufage  que  je  (outenois 
avoir  lieu  dans  le  Poitou ,  d'accorder  le  Préciput 
légal  à  l'époux  furvivant ,  mêma  dans  le  cas  de  non 
communauté  :  j'invoquois  le  témoignage  de  tous 
les  commentateurs  de  la  coutume,  à  commencer 
depuis  Barraud  ,  qui  vivoit  en  1625  ,  jufqi,  à  Bou- 
cheul,le  plus  récent  de  tous,  &  dont  j  ai  copié 
ks  paroles  ci  devant  ;  je  citois  même,  après  eux  , 
deux  jiigemens  de  la  fcnéchauflee  de  Poit  e/s,  qui 
l'avoient  ainfi  jugé.  Je  diibis  encore,  que  ntu  ne 
prouvoit  que  ce  droit  fur  ni  dût  être  une  dépen- 
dance delà  commuuautc;  j'en  donnois  pour  nreti- 
ve  :  1°.  que  pas  une  coutume  ne  te  nommoit  Pré- 
ciput ,    déiaominatioa  que   quel-^uts   auteurs    lui 


138  PRECirUT  LEGAL. 

avoient  donijée  ,  &  d'après  laquelle  ils  avoiont 
conclu  qu'il  étoit  une  dépendance  de  la  conrmu- 
nauté  :  2  .  qu'il  produifoit  un  eftet  tout  différent  de 
la  comn'i'nauté.  ;  il  dunnoit  tous  les  meubles  dont 
on  ne  pouvoit  prendre  que  la  moitié  en  vertu  de 
la  communauté  :  3°.  on  pouvoit,  dans  beaucoup 
de  coutumes  ,  comme  celles  du  Vermandois , 
Rheims  ,  Noyon  &  autres  ,  renoncer  à  cet  avan- 
tage ,  fans  renoncer  à  celui  de  la  communauté  : 
4".  il  (c  régloit ,  fuivant  la  coutume  du  domicile 
qu'avoient  les  époux  lors  du  prédécès  de  l'un 
d'eux  ,  &  non  fuivant  celle  du  domicile  qu'avoient 
les  époux  lors  de  leur  mariage ,  laquelle  cepen- 
dant régioit  la  communauté  U  l'es  effets  :  5".  je 
citois  la  coutume  de  Rheims,  dans  laquelle,  fui- 
vant l'article  239,  les  époux  ne  font  pas  com- 
muns, &  cependant,  fuivant  l'article  281  ,  la  veuve 
du  mari  noble  pouvoit  jouir  du  droit  de  prendre 
tous  les  meubles. 

Les  héritiers,  outre  leurs  moyens  de  droit,  en 
£rent  réfulter  d'autres  encore  de  quelques  circonf- 
tances  ;  ils  foutenoient ,  entre  autres  chofes ,  que 
le  fieur  &la  dame  de  la  Noue,  en  ftipulant  dans  leur 
contrat  de  mariage  tous  les  droits  qui  pouvoient 
appartenir  à  celle-ci  en  cas  de  furvie,  &  en  décla- 
rant qu'ils  renonçoient  fit  dérogeoient  exprelTé- 
itient  à  toutes  coutumes  contraires  ,  avoient  fait  en- 
tendre par-là  qu'ils  ne  vouloient  rien  laifTer  à  dé- 
cider à  la  coutume  ;  d'oii  ils  concluoient  que  la 
dame  de  la  Noue  étoit  non-recevable  à  demander 
le  Préciput  légal ,  en  vertu  de  la  coutume,  aux  dif- 
pofitions  de  laquelle  elle  avoit  renoncé. 

Ils  alléguoient  encore  ,  qu'en  examinant  avec 
attention  la  conduite  particulière  &  refpe^ive 
des  deux  époux  ,  depuis  leur  féparation  ,  l'on  de- 
meuroit  de  plus  en  plus  convaincu  que  ni  l'un , 
ni  l'autre  n'avoient  jamais  cru  que  le  fuivivant 
d'entr'eux  eût  d'autres  demandes  à  former  que 
celles  que  le  contrat  de  mariage  avoit  réglées. 

Enfin  ,  ils  tiroient  un  dernier  moyen  de  fait ,  de 
ce  que  la  dame  de  la  Noue  ,  dont  le  droit  étoit  égal 
fur  les  meubles  &  les  acquêts  ,  renonçoit  à  l'exer- 
cer fur  ceux-ci. 

Malgré  tous  ces  difFérens  moyens  de  droit  &  de 
fait ,  développés  avec  autant  de  force  que  de  préci- 
fion  dans  le  mémoire  de  M.  Garran  de  Coulon  , 
la  fentence  de  Fontenai-le-Comtc  a  été  confirmée 
par  arrêt  du  31  juillet  1778. 

Eft-cc  l'ufage  que  les  auteurs  du  Poitou  atteftent 
qu'on  fuit  dans  leur  province ,  font-ce  les  au- 
tres moyens  que  la  veuve  employa  ,  qui  ont  déter- 
miné la  cour  à  juger  en  fa  faveur?  C'eflcc  qu'on 
n'ofe  affiircr. 

Mais  fi  l'on  ignore  les  véritables  motifs  de  l'ar- 
rêt ,  au  moins  on  peut  dire  qu'il  a  jugé  ,  que  dans 
la  coutume  de  Poitou  ,  la  femme  ,  même  non 
commune  en  biens  avec  fon  mari ,  peut  jouir  du 
droit  de  prendre  tous  les  meubles  qu'il  laiffe  à 
fon  décès. 

Peut-on  s'autorlfer  de  cet  arrêt,  pour  foutcnir 


PRÉCIPUT  LÉGAL. 

que  la  même  chofe  devroit   avoir  lieu   dans  les 
autres  coutumes  ?  Il  eft  certain  que  non  ,  fur-tout 
dans  la  coutume  eu  Maine  ,  qui  accorde  ce  droit 
à  l'époux  furvivant  ,  pourvu  JeuUment  qu'au  jour 
du  déùs  du  premier  trépajjê  les  époux  fiiffent  com- 
muns. On  ne  le  pourra  pas  davantage  dans  les  au- 
tres coutumes   qui  auront  une  dilpofition  à  peu- 
près  pareille  ,  comma  Anjou  ,  Touraine  &  Paris  , 
qui  donnent ,  à  droit  de  Préciput  légal ,  les  meu- 
bles qui  cotrmuns  ctcltnt  entre  les  époux  ;  de  mê- 
me encore  dans  la  coutume  de  Laon ,  dont  les  ar- 
ticles 20  &  Il   donnent  à  l'époux  furvivant,  les 
meubles  &  dettes  avives  qui  communs  étoient  entre 
le  mari  &  la  femrie  au  jour  du  trépas  du  premier 
décédé  ;  de  même  encore  dans  Id"  coutume  de  Chà- 
lons  ,  qui  donne  /es  m^-ubles  6*  dat^s  aflives  de  U 
communauté ,  &  dans  d'autres  coutumes  feniblables. 

Mais  il  n'y  auroit  aucune  laiion  de  n'accorder 
le  Préciput  légal  que  dans  le  cas  de  communauté  , 
dans  les  coutumes  qui  ne  la  requièrent  pas  ,  com- 
me Rheims ,  ainfi  qu'on  l'a  ci-devant  remarqué  : 
de  même  dans  la  coutume  de  Lorraine,  ou  les 
me«bles  n'entrent  pas  en  communauté  ,  mais  feu- 
lement les  conquèts  immeubles,  fuivant  l'article  6 
du  titre  2  ,  &  où  le  furvivant  n'en  gagne  pas 
moins  les  meubles  ,  quoiqu'ils  ne  (oient  pas  com- 
muns. 

On  doit  donc  dire  qu'il  ne  faut  pas  admettra 
dans  un  fens  général  &  abfolu,  la  propofition  de 
Poîhier  &  des  autres  auteurs  qui,  comme  lui, 
djcident  que  le  Préciput  légal  ne  doit  point 
avoir  lieu  ,  lorfqu'il  n'y  a  pas  de  communauté  : 
elle  eft  vraie  dans  la  coutume  de  Paris  &  autres 
femblables  ;  elle  ne  l'eft  point  dans  la  coutume  de 
Poitou  &  autres  femblables ,  dont  les  difpofitions 
ne  l'exigent  point. 

Article    IV. 

De  l.t  coutume  de  Cambrai  ,  qui  n'accorde  le 
Préciput  légal  que  lorfquc  U  furvivant  pofilde 
un  fief. 

Nous  rfe  connoiflbns  que  cette  coutume  qui 
exige  cette  condition  dans  la  perfonne  de  l'époux 
furvivant,  afin  de  lui  accorder  le  Préciput  légal; 
voici  comme  elle  s'exprime  dans  l'article  4  du 
titre  premier:  »»  Fief  en  Cambrcfis  eft  de  telle 
»  nature ,  privilège  &  franchife ,  que  celui  qui 
»  a  fief  audit  pays  ,  foit  homme  ,  foit  femme  , 
>»  conjoint  en  mariage,  demeurant  le  dernier  fur- 
»  vivant  ,  fuccède  à  icelui  qui  décède  premier 
»  fans  enfans,  en  tous  biens  meubles,  aux  char- 
»  ges  des  dettes  ,  obsèques  &  funérailles  ,  en  tant 
>»  que  par  traité  de  mariage  autrement  n'en  auroit 
)>  été  difporé  ». 

Dans  cette  coutume  ,  où  les  époux  font  en  com- 
munauté de  biens ,  les  fiefs  n'y  entrent  jamais  : 
ceux  qui  font  acquis  durant  le  mariage ,  tiennent 
en  propriété  la  côte  &  ligne  de  l'homme ,  comme  le 
dit  l'ardcle  i  du  titre  i  ;  de  forte  que  fi  la  feimn» 


PRÉCIPUT  LÉGAL. 

n'a  pas  apporté  en  dot,  ou  n'a  pas  de  quei([ue  au- 
tre manière  un  fief  en  fa  poffcffion,  elle  n'a  point 
l'efpoir  de  jouir  du  Préciput  légal;  tandis  que  fon 
mari  peut,  en  acquérant  nn  fief,  même  durant 
le  mariage ,  fe  procurer  un  moyen  de  recueillir 
cet  avantage. 

Article    V. 

Si  les  enfans  font  ou  ne  font  point  obJîacU  au  Pré- 
ciput légal  ? 

Les  coutumes  fur  ce  point  ont  trois  différences 
cffeniiclles  ;  les  unes  accordent  le  Préciput  légal 
lorfqu'il  n  y  a  pas  d'enfans;  d'autres  ,  au  contraire  , 
raccordent  feulement  dans  le  cas  où  il  y  a  des  en- 
fans  ;  enfin  ,  d'autres  veulent  qu'il  y  ait  ouver- 
ture à  ce  dioit,  foit  qu'il  y  ait,  ou  qu'il  n'y  ait 
pas  d'en  fans. 

Les  coutumes  de  la  première  clafle  font,  Paris  , 
article  238  ,  Eiampes  ,  y8  ;  Calais ,  chapitre  3 ,  ar- 
ticle 39;  Berry ,  chapitre  3,  arnclc  39;  Troies  , 
titre  2  ,  article  1 1  jVitry  Ic-François  ,  chapitre  4  , 
article  68  ;  Meaux  ,  chapitre  9 ,  article  49  ;  JVIelun , 
chapitre  13,  article  21 1  ;  Valois  ,  article  62;  Cam- 
brai,  titre  i  ,  article  4;  Bar,  article  78;  Saint- 
Mihiel,  titre  6,  article  3,  &  peut-être  quelques 
autres. 

Ces  coutumes  ,  qui  exigent  ^r/'i/  ny  ait  pas  cfen- 
fans ,  doivent-elles  s'entendre  de  manière  qu'il  ne 
doive  point  y  avoir  d'enfans,  ni  du  mariage  dont 
la  diiTolution  vient  de  s'opérer  par  le  prédecès  de 
l'un  des  époux,  ni  d'un  mariage  précédent  de  l'un 
des  deux,  ou  du  moins  d'un  mariage  précédent  de 
l'époux  prédécédé  ?  Ces  diftindions  font  impor- 
tantes à  faire. 

La  coutume  de  Paris  ,  &  les  autres  que  nous 
avons  citées  ,  difent  en  termes  généraux,  pourvu 
quU  ny  ait  pas  d'enfans.  Cela  fembleroit  fuffifant 
pour  faire  croire  que  la  condition  manque  lorf- 
qu'il  n'y  a  des  enfans  de  quelque  mariage  que 
ce  foit. 

Il  faut  tenir  cependant ,  qu'à  l'égard  des  enfans 
d'un  mariage  précédent  de  l'époux  furvivant,  ils 
ne  font  pas  manquer  la  condition  ;  ils  n'ont  en 
effet  aucun  intTêt  à  s'oppofer  à  l'exercice  d'un 
privilège ,  qui  a  pour  objet  les  meubles  dans  lef- 
queis  ils  n'ont  point  de  part  à  réclamer;  d'où  l'on 
doit  conclure  ,  que  la  condition  ne  doit  s'entendre 
que  des  enfans  lortis  du  mariage  des  deux  époux  , 
ou  d'un  mariage  précédent  de  1  époux  prédéctdé  ; 
l'article  131  de  l'ancienne  coutume  de  Paris,  le 
difoit  en  ternies  formels  ,  pourvu  qu'il  ny  ait  en- 
fans du  trépané. 

D  ailleurs ,  comme  l'obferve  Pothicr ,  il  efl  affez 
clair  qu'il  ne  faut  entendre  la  claufe  que  des 
enfans  du  trépafié  ,  par  la  diipofition  qui  veut, 
que  s'il  y  a  enfans ,  les  meubles  foient  partagés 
par  moitié,  puilque  les  enfans  d'un  mariage  p'-é- 
cédent  de  l'époux  l'utvivant  n'ont  pas  de  partjge 
à  faire  avec  lui  ;  d'où  l'on  peut  inférer ,  que  ,  dans 


PRtCIFUT  LÉGAL. 


139 


la  coutume  de  Paris  &  autres  femblables ,  le  fur- 
vivant  ne  jouira  de  l'avantage  de  prendre  les  meu- 
bles, que  lorfqu'il  n'y  aura  pas  denfans  ni  de  fon 
mariage  avec  le  prédécédé ,  ni  d'un  mariage  pré- 
cèdent  de  ce  dernier. 

Cette  opinion  n'cft  pas  cependant  fans  difficulté. 
En  effet ,  l'avantage  du  Préciput  légal  ne  doit-il  pas 
être  ncceffairement  réciproque  entre  les  deux 
époux,  de  manière  que  l'un  y  ait  autant  de  droit 
que  l'autre  ?  Si  les  enfans  fcnt  marîq:;£r  Is  cor.ci:- 
tion  à  l'égard  de  l'époux  furvivant  dont  ils  ne  font 
pas  iffus,  pourquoi  ne  la  feroient  -  ils  pas  éga- 
lement manquer  à  l'égard  de  l'autre  ?  Sans  cela  , 
fans  cette  réciprocité,  il  feroit  incertain  s'il  y  au- 
roit  heu  au  Préciput  légal ,  parce  que  l'ouverture 
de  ce  droit  dépendroit  d'une  événement  douteux, 
favoir,  du  prédécés  de  l'époux  qui  n'auroit  pas 
d'enfans. 

D'un  autre  côté  ,  on  pourroit  citer  quelques 
coutumes  qui  excluent  cette  réciprocité  ,  puif- 
qu'ellcs  accordeiît  le  Préciput  légal  au  mari  ,  en 
cas  de  furvie ,  fans  que  la  femme  y  jouiuc  du 
même  avantage  en  pareil  cas.  Telle  eft  la  cou- 
tume du  comté  de  Bourgogne  ,  chapitre  2 ,  ar- 
ticle 115,  qui  s'exprime  ainfi  :  «  Nobles  gens  ma- 
i>  fiés  enfemble  font  communs  en  biens  meubles 
»  &  en  acquêts  d'héritages,  qui  font  faits  conf- 
»  tant  le  mariage  :  jaçoit  que  fi  le  mari  furvit  à 
»>  la  femme  ,  ledit  mari  demeure  feigneur  des 
»  meubles  ». 

La  femme  n'y  a  rien  que  ce  qui  lui  a  été  promis 
par  fon  contrat  de  mariage  ;  d'où  l'on  pourroit 
conclure  qu'il  n'eft  pas  de  l'effence  du  Préciput  lé- 
gal d'être  réciproque. 

Cependant,  ne  pourroit-on  pas  dire,  avec  quel- 
que vraifemblance,  que  c'eft  cette  raifon  de  réci- 
procité ou  d'autres  pareilles  qui  ont  déterminé  le 
changement  de  la  nouvelle  coutume  de  Paris  la- 
quelle ,  en  fupprimant  l'expreffion  du  trépjjj:  'a^{^ 
fe  trouvoit  da.is  1  ancienne ,  a  dit  en  termes  gé- 
néraux, pourvu  quU  n'y  eût  pjs  d'enfans,  afin  de 
faire  entendre  qifelle  parioit  des  enfans  de  quel- 
que mariage  que  ce  fût  de  l'un  ou  l'autre  des  deu.x 
époux  ? 

Cette  interprétation  rentreroit  dans  le  fy/lême 
de  quelques  coutumes  qui  n'accordent  le  Préciput 
légal  que  dans  le  cas  feulement  où  il  n'y  a  pas  d  en- 
fans de  quelque  mariage  que  ce  foit.  Telle  ert  la 
coutume  de  Coucy ,  dont  l'article  2  ftatue  que  le 
Préciput  légal  n'aura  lieu  qu'autant  qi^il  n'y  aura 
pas  d'tnfam  de  quelque  manière  que  ce  Joit.  Telle  e/î 
encore  la  coutume  de  Bar,  laquelle,  titre  7  ,  arti- 
cle 78,  dit  que  le  furvivant  de  deux  conjoints  ga- 
gnera les  meubles  ,  s'il  n'y  a  héritiers  d\ux  ou  de  L'un 
d'eux. 

Telles  font  enfin  les  coûtâmes  de  Sedan ,  arti- 
cle  78  ,  qui  \>anQ,  pourvu  qutl  ny  eût  enfans  'd'eux 
deux,  ou  de  l'un  d'eux;  la  coutume  de  BafTiany 
titre  6  ,  ai-ticle  4  ,  qui  porte,  .'//  n'y  a  en  fan   ,  foU 
audit  manant ,  ou  autre  ;  la  coutume  de  Sens   utr« 


140 


PRÉCIPUT  LÉGAL. 


9  ,  article  85 ,  qui  porte  ,  pourvu  qu'ils  n  aient  enfans 
d'-  leur  rpari.i^e  ,  ni  d'auttes  précedens  ;  la  coutume  de 
Montfort-rAmaury ,  titre  11  ,  article  133  ,  qui 
•çtorie  y  pouivu  qu'il  n'y  au  cnf^n^  dudu  m.iriage  ou 
d'uwrt.  L'article  131  delà  coutume  de  Mantes  en 
dit  autant,  ainfi  que  l'article  128  de  la  coutume 
de  Poitou. 

D'après  les  difpo/itions  de  ces  différentes  cou- 
tumes ,  il  faut  décider  qu'elles  n'accordent  le  Pré- 
s'iput  légal  au  furvivant  de  deux  conjoints,  que 
dans  le  feul  cas  où  il  n'y  aura  point  d'enfans  ,  /bit 
de  leur  mariage  ,  foit  d'un  mariage  précédent  de 
l'un  d'eux. 

La  raifon  que  donne  Pothier  pour  foutenir  que 
les  enfans  d'un  mariage   précédent  du  furvivant 
n*ont  rien  à  partager  dans  les  meubles  avec  lui  , 
&  ne  peuvent  pas  conféquemincnt  faire  marquer 
la  condition,  ne  ceffe-tclie  pas  dans  le  cas  d'une 
continuation  de  communauté  tripartite  quife  forme 
entre  les   enfans   d'im  des  conjoints  d'un  premier 
]it,  l'époufe  auquel  il  fc  marie  en  féconde   noces  , 
&  lui  même  ?  Par  l'effet  de  cette  continuation  de 
communauté  ,  les  meubles  qui  la  compofent  appar- 
tiennent ,  pour  une  partie  ,  aux  enfans  de  l'époux 
qui  s'eft  remarié;  ce  qui  devroit  fuffire  pour  qu'ils 
fuflent  un  obflacle  à  la  jouiiï'ance  du  privilège  ,  qui 
paroît  ne  devoir  s'exercer  que  lorfque  les  deux 
époux  feuls  partageoient  entre  eux  tous  les  meu- 
bles,  auquel  cas    le  furvivant    ne  gagne  que   ce 
qui  appartenoit  au  prédécédé.  Or  ,  lorfque  d'autres 
que  les  deux  époux  avoient  un  droit  ou  futur  ©u 
préfentà  exercer  fur  les  meubles  ;  ce  qui  fe  ren- 
contre dans  les  enfans  d'un  précédent  mariage  de 
l'époux   furvivant,  avec  lefquels  la  communauté 
eft  continuée  pour  un  tiers ,  il  fembleroit  injufle 
d'accorder  à  cet  époux  furvivant  la   totalité  des 
meubles  ,  comme  il  le  feroit  dans  une  fociété  de 
trois  perfonnes ,  d'accorder ,  après  le  décès  de  l'une 
d'elles,  les  effets  de  la  fociété  à  l'une  des  deux  qui 
furvivroient.  Il  ne  devroit  prendre  que  la  portion 
qui  appartenoit  à  l'époux  prédécédé  ,  c'eft-à-dire  , 
un  tiers  des  meubles.  C'efl  fur  ces   raifons   fans 
doute  que  font  fondées  les  coutumes  qui  portent, 
qu'il  ne  doit  point  y  avoir  d'enfans   des  conjoints  , 
ni  de  leur  maringe  ,  ni  d'un  mariage  précédent  de 
l'un  des  deux.  On  peut  ajouter  ces  raifons  à  celles 
que  propofent  le  Brun  ,  Dupleflis  ,  &  les  annota- 
teurs de  ce  dernier  ,  pour  foutenir  que  le  Préciput 
légal  n'a  lieu  qu'autant  qu'il  n'y  a  pas  d'enfans ,  foit 
de  répoux  furvivant ,  foit  du  prédécédé. 

Dumoulin ,  que  citent  les  annotateurs  de  Du- 
pLffis  ,  ne  parle  que  des  enfans  du  prédécédé  iffiis  , 
îbitdu  mariage  que  fa  mort  vient  de  rompre,  foit 
d'un  autre  mariage  précédent ,  comme  cela  réfulte 
de  fes  termes  fur  l'article  116  de  l'ancienne  cou- 
tume de  Paris  :  Le  pourvu  qu'il  n'y  ait  enfans  du  trc- 
pajje  ,  f entend ,  dit- il  ,  ex  quocumque  ipfîus  rnatri- 
ptonio. 

Dans  les  coutumes  qui  exigent  qu'il  n'y  ait  pas 
d'enfans  du  mariage  d'entre  les  époux ,  rien  ne 


PRÈCrPUT  LÉGAL. 

peut  empêcher  qu'il  y  ait  lieu  au  Préciput  légal» 
quoique  l'un  ou  l'autre  des  époux  ait  des  entans 
d'un  mariage  précèdent.  Ainfi ,  dans  la  coutume  de 
Troies,  titre  a  ,'  article  il  ,  le  junivant  prend  les 
meubles  ,  /i  dudit  mariage  ny  a  enfans  ^  &  fi  dudit 
mariage  y  a  enfans  ,  les  meubles  fe  partiront  de  même. 
La  coutume  de  Vitry-le-François ,  arricle  74,  ac- 
corde le  Préciput  légal  au  conjoint  furvivant  ,  fi 
dudu  mariage  rCy  a  aucuns  enjans,  La  coutume  de 
Meaux,  chapitre  9  ,.  article  49,  dit  également  ,fi 
dudit  mariage  n'y  a  aucuns  enfanu  Chaumont  en 
Baffigni ,  chapitre  i  ,  article  6  ,  dit  auffi,  fi  dudit 
mariage  n  y  a  aucuns  enfans.  La  coutume  de  Mon- 
targis  ,  chapitre  i ,  article  40  ,  porte  ,  fans  enfant 
iffus  dudit  mariage. 

Ces  coutumes  ne  privent  le  fulYivant  des  con- 
joints du  Préciput  légal ,  que  dans  le  cas  où  il  y  a 
des  enfans  du  mariage  d'entre  lui  &  le  prédécédé  ; 
d'où  il  fuit ,  que  ce  Préciput  aura  lieu  ,  quoiqu'il  y 
ait  des  enfans  d'un  mariage  précédent ,  foit  de  l'é- 
poux furvivant ,  foit  de  celui  qui  eft  prédccédé.  Il 
n'y  a  pas  de  doute  que  fous  le  mot  enfans  ,  on  doit 
comprendre  les  petits-enfans  ,  qui  font  cenfés  ap- 
pelés par  le  mot  enfans,  quand  il  en  réfulte  pour 
eux  un  avantage. 

U  n'eft  pas  befoin  de  dire  qu'un  pofthume,  qui 
nait  vivant  &  à  terme,  fait  auffi  manquer  la  condi- 
tion ,  fuivant  la  règle  ,  non  videiur  fine  liberis  decef- 
fiffe,  qui  prccgnantirn  uxorem  reliquit. 

Les  enfans  n'excluent  ainfi  le  furvivant  des  con- 
joints du  Préciput  légal ,  que  parce  qu'ils  ont  droit 
de  prendre  une  partie  des  meubles  qui  en  font  l'ob- 
jet ;  d'où  il  fuit ,  que  les  enfans  incapables  de  fuc- 
céder  ne  ^ont  point  obftacle  à  l'exercice  de  ce  pri- 
vilège ,  comme  ceux  qui  feroient  morts  civilement. 
S'il  y  avoir  un  enfant  vivant,  mais  qui  eût  été 
juffement  exhérédé,  il  ne  devroit  pas  faire  man- 
quer la  condition,  puifque  ,  en  conleqiience  defon 
exhérédation ,  il  n'a  rien  à  prétendre  dans  la  fuc- 
ceffion.  Pothier  en  fait  la  queftion  dans  Ton  traité 
de  la  communauté,  nombre  423  ,  &  il  parcît  in- 
cliner à  cet  avis  ,  après  avoir  rapporté  pour  raifon 
de  douter  !a  loi  1 1 4  ,  §.  1 3  ,  D-  <^c  légat,  i  ".  où  il 
eft  dit;  Cùm  trit  rogatus  ,  fi  fine  liberis  dccefferit  , 
fidticornmiffum  rejlituere  ,  conditio  defcijfe  vid  bi:ur  , 
fî  pjtri  fupcrvixerint  Hherï\nec  quxritur  an  hceiedes 
extiterini, 

Pothier  décide  enfuite  que  l'enfant  qui  a  renoncé 
à  la  fucceftion  fait  manquer  la  condition  ,  parce 
qu'il  fuftit ,  fuivant  lui  ,  que  cet  enfant  ait  pu  re- 
cueillir la  fucceffion  ;  cela  ne  paroît  pas  cependant 
fans  difficulté.  L'intention  de  la  coutume  eft  évi- 
demmeht  de  n'ôter  cet  avantage  au  conjoint  fur- 
vivant,  ^u'en  faveur  de  l'enfant  qui  en  profitera  ; 
mais  s'il  renonce  à  la  fucctftion  ,  il  ne  profitera  pas 
de  la  faveur  que  veut  lui  faire  la  coutume;  Si  f« , 
malgré  fa  renonciation  ,  on  n'accorde  pas  au  con- 
joint furvivant  le  Pr.-ciput  légal ,  ce  dernier  fe  trou- 
vera privé  de  cet  avantage  ,  fans  que  celui  là  feul 
en  profite  ,  à  caufe  duquel  cependant  la  coutume 

ne 


PRÉCIPUT  LÉGAL. 

voulolt  pas  qu  il  en  jouît.  On  feroit  donc  porté  à 
croire  ,  contre  l'avis  de  Pothier  ,  que  l'enfant  qui 
renonce  ne  fait  pas  plus  manquer  la  condition  ,  que 
l'enfant  qui  n'exifle  pas ,  puifqu'au  moyen  de  fa  re- 
nonciation il  ne  prend  rien  dans  !a  fuccelîîon. 

D'autres  coutumes  ,  bien  diiVérentes  de  celles 
dont  nous  venons  de  parler ,  accordent  le  Préciput 
légal  feulement  lorfqti'il  y  a  des  enfans. 

Ces  coutumes  paroiiTent  avoir  en  vue  défavori- 
ser la  population  ,  en  accordant  aux  époux  qui  ont 
des  enfans  ,  des  avantages  qu'elles  refufent  aux 
^poux  qui  n'en  ont  point.  Telles  font  quelques  cou- 
uimes  de  Flandres  ,  entre  autres  celles  du  bsillage 
&  de  la  ville  &  écheviiage  de  Lille ,  qui  font  deux 
coutumes  différentes.  La  première,  chapitre  9,  ar- 
ticle 39,  porte:  «  A  une  femme  veuve  demeurée 
"  es  biens  &  dettes  de  fon  mari,  ayant  enfans  vi- 
»»  vans  d'icelui ,  compétent  &  appartiennent  tous 
7>  les  biens  meubles,  catteux  &  réputés  pour  meu- 
>♦  blés  ».  La  féconde,  dans  les  articles  22  &  23  du 
chapitre  i  ,  s'exprime  encore  plus  clairement  : 
*i  Quand  un  des  deux  conjoints  par  mariage  va  de 
«  vie  à  trépas,  délaiflant  un  ou  plufieurs  enfans  , 
M  aiT  furvivant  compétent  &  appartiennent  tous 
v>  leSi  biens  meubles  &  avions  mobilières ....  Mais 
»  quand  de  deux  conjoints  par  mariage  ,  l'un  ter- 
»  mine  fes  jours  fans  délaifler  enfant ,  au  furvivant 
Il  appartient  la  moitié  des  meubles  &  réputés  pour 
»  meubles  ». 

Prefque  toutes  les  coutumes  locales  ,  foit  du  bail- 
liage ,  foit  de  la^ilie  &  échevinage  de  Lille  ,  con- 
tiennent la  même  difpofition  ;  il  faut  en  excepter  la 
coutume  de  la  Baflée,  qui  accorde  le  Préciput  lé- 
gal ,  foit  que  les  conjoints  ou  fun  d'eux  aient  enfans 
au  enfant  de  leur  mariage,  d'autres  prècédens  ,  ou  non. 

Dans  les  coutumes  qui  n'accordent  le  préciput 
légal ,  ou ,  fi  l'on  aime  mieux  ,  le  gain  des  meubles , 
que  dans  le  cas  où  il  y  a  des  enfans  ,  il  eft  évident 
que  cela  doit  s'entendre  des  enfans  fortis  du  ma- 
riage d'entre  les  deux  époux,  comme  ledit  formel- 
lement l'article  39  de  la  coutume  du  bailliage  de 
Lille  ,  cité  ci  devant  en  ces  termes,  femme  veuve  de- 
meurée es  biens  &  dettes  de  fon  feu  mati,  j4YÂ}fT 
ENFANT  VIVANT  d'iceluj.  Il  cft  cncorc  évi- 
dent ,  par  ces  derniers  termes  ,  qu'il  faut  qu'au  mo- 
ment de  la  difTolution  du  mariage  il  y  ait  un  enfant 
vivant,  pour  qu'il  y  ait  ouverture  au  gain  des  meu- 
bles en  faveur  de  l'époux  furvivant.  Voyez  encore 
l'article  9  du  titre  3  de  la  coutume  de  Valenciennes. 

Il  y  a  enfin  une  troifième  claffè  de  coutumes  qui 
accordent  le  Préciput  légal ,  foit  qu'il  y  ait  enfans , 
foit  qu'il  n'y  en  ait  pas. 

Nous  n'en  connoilTons  qu'un  petit  nombre  qui 
s'expriment  pofitivement  fur  ce  point  ;  favoir  , 
la  coutume  du  pays  de  Luxembourg  ;|  voici  ce 
qu'elle  porte  ,  titre  8  ,  article  8  :  «  Au  furvivant  de 
»  deux  conjoints  appartiennent  tous  les  meubles, 
»  &  tout  ce  qui  eft  réputé  pour  tel ,  enfemble  l'u- 
»  fufruit  de  tous  les  biens  immeubles  du  trépaffé  , 
il  comme  aufli  de  la  moitié  des  acquêts  faits  conf- 
T«me  XIII. 


PRÉCIPUT  LÉGAL.  141 

»  tant  le  mariage,  l'autre  moitié  lui  demeurant  en 
»  pleine  propriété ,  foit  qu'ils  aient  enfans  à  l'heure 
"  de  leur  trépas  ,  ou  poiat ,  &:c.  ». 

On  trouve  la  mêine  difpofition  dans  l'article  8 
du  titre  8  de  la  coutume  de  Tliion ville,  &  dans 
1  article  283  de  la  coutume  d'Anjou  ,  dont  voici  la 
teneur:  u  Le  furvivant  des  deux  conjoints  par  ma- 
»  riage  (  /iberis  exiflentibus)  aura  les  acquêts  ,  moi- 
"  tié  en  propriété  &  moitié  en  ufufruit ,  tant  qu'il 
I»  /era  en  viduité  ,à  la  charge  de  nourrir  &  entre- 
»  tenir  les  enfans  mineurs,  tant  qu'ils  foient  en 
"  âge....  Et  s'il  n'y  a  aucuns  enfans  ,  ledit  furvivant 
')  aura  tous  lefdits  acquêts,  moitié  en  propriété, 
»  &  l'autre  en  ufufruit  r.. 

A  l'égard  des  autres  coutumes  ,  elles  accordent 
le  Préciput  légal  au  furvivant  des  conjoints  ,  fans 
parler  en  aucune  manière  des  enfans  ,  foit  qu'ils 
exiftent ,  foit  qu'ils  n'exiflent  pas.  Telles  font  les 
coutumes  de  Senlis ,  article  146;  Clermont  en 
Beauvoifis,  article  189;  Rheiins,  article  279  & 
281;  Noyon,  article  13  i  ;  Saint-Quentin  ,  article 
3  ;  Ribemont,  article  93  ;  Chaulny ,  article  iç  8c 
16  ;  Péronn» ,  article  1 26  ;  Tours ,  art.  247  ;  Châ- 
teau-neuf en  Thimerais,  chap.  9  ,  art.  66  ;  Dreux, 
art.  103  ;  &  Maine,  art.  299. 

On  n'a  pas  befoin  de  dire  que  dans  ces  dernières 
coutumes,  c'efl  de  leur  filcnce  fur  la  néceflîté  de 
l'exiflence  ou  de  l'inexiftcnce  des  enfans  pour  qu'il 
y  ait  lieu  au  Préciput  légal ,  qu'on  infère  qu'elles 
l'accordent  à  l'époux  furvivant  dans  l'un  &  l'autre 
cas. 

Article    VI. 

Dans  quelles  coutumes  le  Préciput  légal  ne  confiée  que 
dans  la  propriété  des  meubles, 

C'eft  dans  plus  grand  nombre  des  coutumes  que 
le  Préciput  légal  confifte  dans  la  propriété  des  meu- 
bles. Telles  font  Touraine,  art.  247  ;  Berry,  titre 
8,  art.  13  ;  Calais,  chap.  3,  art.  39  ;  Étampes  ,  art. 
98;  Troies  ,  titre  2,  art.  ii;  Noyon,  art.  31  ; 
Laon,  art.  20  &  21  ;  Châlons,  art.  28  ;  Rheims  , 
art.  281;  Ribemont,  art.  93;  Saint  -  Qentin  , 
art.  3;  Cambrai,  art.  4;  coutumes  générales  Se 
locales  de  Lille  ;  Bar ,  tit.  7 ,  art.  78  ;  Melun  ,  cha- 
pitre 1 3  ,  art.  2 1 1  ;  Péronne  ,  article  126;  Chaulny, 
tit.  4 ,  art.  ï  8  ;  Senlis  ,  tit.  13,  art.  1 46  ;  Clermont 
en  Beauvoifis ,  art.  189  ;  BalTigny  ,  titre  6  ,  art  4c  ; 
Lorraine,  titre  i  ,  art.  i  ;  Sens,  titre 9,  art.  83  j 
Château-neuf  en  Thimerais  ,  chap.  9 ,  art.  66  ; 
Chartres  ,  chap.  10  ,  art.  57  ;  Montfort-l'Amaury, 
titre  1 1 ,  art.  133  ;  Mantes  &  Meulan  ,  tit.  11 ,  art. 
1 3 1  ;  Dreux ,  chap.  21 ,  art.  103. 

Il  paroît  inutile  de  dire  que  dans  ces  meubles 
ne  font  pas  compris  ceux  que  les  coutumes  aflimi- 
lent  aux  immeubles  ;  la  coutume  de  Montargis  en 
contient  une  difpofition  exprefle,  chap.  i ,  art.  40  • 
elle  excepte  du  Préciput  légal  les  meubles  qui  font 
pour  la  fortification  &  inflruElion  des  maiforts  ,  0  ceux 
qui  y  feraient  pour  perpétuelle  demeure. 

La  coutUQic  de  Paris  fait  une  autre  exception 


a4î  PRÉCIPUT  LÉGAL. 

elle  ne  donne  à  1  époux  furvivant  que  les  mtubles 
étant  hors  la  ville  &  fduxbourgs  de  Fans ,  fans  fraude. 
Ces  termes yii«j  fraude  font  entendre  qu'on  ne  doit 
pas  comprendre  dans  le  Préciput  légal  les  meubles 
qui  n'auroient  été  portés  à  la  campagne  que  dans 
le  deflein  d'en  profiter  à  la  mort  du  prédécédé  ;  ce 
qui  Ce  préfume,  s'ils  ont  été  portes  pendant  fa  der- 
nière maladie. 

A  l'égard  des  coutumes  qui  défèrent  au  furvi- 
vant lu  totalité  des  meubles  ,  il  n'y  a  pas  de  doute 
que  les  dettes  avives  &  les  créances  mobilières 
en  font  partie  ;  plufieurs  de  ces  coutumes  le  difent 
formellement  :  mais  la  coutume  de  Paris,  en  n'ac- 
cordant que  les  meubles  étant  hors  de  la  ville  &  faux- 
bourgs  de  Paris ,  a  donné  lieu  à  la  queûion  de  fa- 
voir  fi  parmi  ces  meubles  on  devoit  comprendre 
les  créances. 

Prefque  tous  les  auteurs  de  Paris  penfent  que  les 
créances  n'en  f jnt  pas  partie,  mais  feulement, l'ar- 
gent comptant  gui  fe  trouveroit  bors  de  Paris  :  ils 
le  fondent  particulièrement  fur  ces  termes  ,  étiznt 
hors  la  ville  de  Paris;  ce  qui  défignc  des  meubles 
qui /o/7f  dans  un  lieu,  &  l'occupent;  au  lieu  que 
des  meubles  incorporels  ,  comme  des  créances  ,  ne 
font  pas  véiitablemcnt  capables  dctre  dans  un  lieu 
6i  de  l'occirper. 

Dumoulin  traite  la  même  queftion  fur  l'art.  ii6 
de  l'ancienne  coutume  de  Paris  :  on  lira  fans  doute 
avec  plaifir  fes  propres  expreflîons.  «  Refte  une 
"  difficulté,  dit -il  ,  fi   le  furvivant  a  feulement 
j>  les  meubles  corporels  &  matériels  étant  hors  la 
»  ville  &  fauxbourgs,  fans  fraude,  &  fans  qu'il 
«  puiffe  rien  prétendre  aux  créances  ou  dettes  aéli- 
j)  ves,  combien  qu'elles  procèdent  des  chofes  étant 
>'  hors  la  ville,  fans  fraude,  il  ei\  bien  clair  ^woi 
jj  in  terminis  juris  appellatione  mobilium  fimpliciter ^ 
»  non  veniunt  nomina  ,  leg.  à  divo  Pio ,  §.  r  ,  D.  de 
5)  re  judic.  Encore  moins  ,  quando  addiiur  circumj- 
■n  tantia  qva  non  cangruit  nominibus,  prout  fitus  loci , 
j>.  leg.  Caius ,  de  D.  de  leratis  ,  2°.  comme  ibi,  meu- 
M  blés  étant  hors  la  ville  :  mais  il  y  a  bien  autre 
«  raifon  de  préfent ,  car  les  coutumes  de  France 
3)  ne  font  pas  flatuts  d'italie  ,  &  ne  fe  reilreignent 
3>  ad  modum  loquendi  &  intelUgendi  j uris  romani ,  mais 
5>  s'entendent  ftcunditm  modum    loquendi  6"  utendi 
j>  de  France  &  des  coutumes ,  lefquelles  ,  quand 
»  elles  difpo'ent  des  meubles  ,  elles  comprennent 
»  aulïï  les  dettes  aflives  6f  mobilières,  eiiam  alio 
î>  non  addito^  comme  il  appert ,  art.  95  (  217  de  la 
■>•>,  nouvelle   coutume  )  ,  des  biens  meubles  demeurés 
j).  par fon  décèu  Ils  s'entendent  aufTi  bien  des  créan- 
)>  ces  dont  les  exécuteurs  font  (aifis  ;  &  article  128 
»  (  ^  1 1  de  la  nouvelle  coutume  ) ,  où  les  afcendans 
M  font  entendus  être  héritiers  des  meubles  &  créan- 
»  ces  ,  fous  le   fimple    mot  de    meubles  ,  quanta 
»  fortius  ,  quand  il  y  a  la  charge  exprefle  de  payer 
»  les  dettes  mobilières;  car  cela  montre  bien  ^per 
»  loaim   &  aigumen^um  à  correlatr'vis  ,  que  fous  ce 
w  mot  meubles ,  viennent  leS  dettes  ou  créances  ac- 
})  liyes  ,  autrement  n'y  auroit  propos  qu'il  payât  les 


PRÉCIPUT  LÉGAL. 

n  pafTives  ;  ce  feroit  contre  la  règle  &  raifon  natu« 
»  relie  incommutable.  De  quâ  m  Ue;-  fecundhm  na- 
»  turam  de  reg.  juris,  in  leg.Jl  duo  putror.i  de  jure  jur. 
»  Bien  eft  vrai  que  comme  les  meubles  ior.i  ref- 
»»  treints  à  ceux  étant  hors  la  ville  &  faiixbourgs 
»  de  Paris  ,  fans  fraude  ,  aufVi  les  créances  mobi- 
»  lières  comprifes  fous  ce  mot  meubles  font  ref- 
"  treintes  à  celles  qui  procèdent ,  non  de  la  ville 
»  &  fauxbourgs,  ni  pour  raifon  des  héritages  y 
»  afîîs  ,  mais  à  celles  qui  procèdent  à  caufedes 
»  chofes  6c  héritages  affis  hors  la  ville  &  faux- 
»  bourgs,  * 

On  voit  que  Dumoulin  comprenoit  les  dettes 
aélives  au  nombre  des  meubles  ;  ces  railons  paroif- 
fent  décifives  à  Pothier  ,  qui  obferve  en  outre , 
ciue  l'article  131  de  l'ancienne  coutume  de  Paris 
s'étoit  expliqué  formellement  fur  les  créances  ;  il  y 
eft  dit  :  Entre  nobles ,  quand  l'un  des  deux  conjoints 
vu  de  vie  à  trépas  ,  le  furvivant  peut  prendre  les  mcw 
blés  &  créances  de  fon  décès.  Or,  toutes  les  fois 
qu'en  réformant  une  coutume  on  n'a  fait  qu'abré- 
ger fes  difpofitions  ,  fans  aucun  deffein  d'y  rien  in- 
nover ,  il  n'y  a  pas  de  règle  plus  sûre  de  l'interpré- 
ter ,  que  de  recourir  à  fon  ancien  texte  ;  c'eft  ce 
qu'on  doit  dire  à  l'égard  de  l'article  238  de  la  nou' 
velle  coutume  de  Paris  ,  dans  lequel  ont  été  fonduJ 
les  articles  116  &  131  de  l'ancienHe  coutume. 

Berroyer  &  Lauriére  agitent  la  même  queftion 
dans  leurs  notes  fur  Dupleffi^.  Ils  rapportent  fort 
longuement  les  raifons  pour  &  contre  ;  ils  oblcr- 
vent  quelle  étoit  l'opinion  de  Dumoulin.  «  Cepen- 
»  dant,  continuent-ils  ,  on  doit  foutenir  l'opinion 
»  contraire  ,  &  dire  que  les  dettes  avives  mobiliè- 
»  res,  procédantes  d'héritages  alîîs  hors  la  ville  & 
»  fauxbourgs  de  Paris ,  ne  font  point  comprifes 
»  dans  le  préciput  légal,  &  que  ce  n'a  jamais  été 
»  l'intention  de  Li  coutume.  Il  eft  vrai  que  fi  l'ar- 
«  ticle  238  donnoit  aux  furvivans  fimplement  les 
»  meubles,  cela  comprendroit  les  dettes  aiRiv^s^  fui 
»  vant  l'ufage  du  pays  coutumier,  qui ,  fous  le  nom 
»  de  meubles  fans  reflri&ion  ,  comprend  les  dettes 
))  ?.6lives;  mais  l'article  238  ayant  reftreint  fa  dif- 
j)  pofition  ,  n'ayant  compris  que  les  meubles  étant 
»  hors  la  ville  &  fauxbours  ,&  les  dettes  aflives 
n  n'ayant  pas  de  fituation  ,  cela  fait  connoitre  que 
«  l'intention  des  rédafteurs  &  des  réformateurs  de 

V  la  coutume,  a  été  de  ne  com.prendre  dans  cette 
3)  difpofition  que  les  meubles  meublans //zy/vc/^, 
»  qui  ont  une  fituation  ,  Si.  non  point  des  dettes 
»  aflives  ,  ni  tous  les  meubles  in  génère  ,  qui  n'eii 
55  peuvent  avoir.  Cela  fe  jus^  ainfi  au  châtclet.  £t 

V  en  effet ,  Auzanet ,  fur  l'article  238  ,  dit  meubles 
n  étant ,  marque  que  la  coutume  parle  feulement 
5>  des  meubles  corporels,  &  tel  eft  l'ufage  ". 

Voici  la  raifon  que  Dumoulin  donne  de  la  limi- 
tation prefcrite  par  la  coutume  de  Paris.  ««  Les  no- 
■,-,  blés  bourgeois  de  Paris  font  plus  grand  état  des 
■>■)  meubles  tk.  en  ont  une  plus  grande  quantité 
»  que  les  nobles  demeurans  hors  la  ville  &  faux- 
»  bourgs  ;.  partant  il  arriveroit  que  le  bénchce  de 


PÎ^ÈCI PUT  LÉGAL. 

»  la  coutume  feroit  trop  gratid  &  exceffîf  entre  les 
•>  nobles  bourgeois  de  Paris,  û  les  meubliis,  tant 
«  de  la  ville  que  des  champs  ,  y  étoient  compris  , 
*»  qui  eft  la  raifon  pour  laquelle  la  coutume,  pour 
»  le  regard  des  nobles  bourgeois  de  Paris ,  a  ôté 
«»  de  Ton  bénéfice  les  meubles  étant  en  la  ville  & 
«  fauxbourgs  ,  &  partant,  ccjjante  rations  limltatio- 
>i  nis ,  cejj'at  limitatio  ,  en  cet  endroit ,  leg.  in  ag'-is 
«  de  acquir.  rcr.  \  donc  &  outre  n'y  a  pas  ici  de  dif- 
n  férence  entre  meubles  &  créances  mobilières  , 
t*  mais  feulement  en  ce  qui  eft  de  la  ville  6i  taux- 
n  bourgs ,  foit  meubles  ou  créances  qui  eft  exclus  , 
»  &  entre  ce  qui  eiiou  procède  de  dehors  la  ville 
j»  ou  fauxbourgs  ,  ce  qui  eft  inclus  «. 

Nous  inclinerions  beaucoup  à  l'opinion  de  Du- 
moulin ,  nonobftanr  Tufage  contraire  attefté  par  les 
annotateurs  de  Dupleftis,  Se  nous  ferions  portés  à 
croire  que  dans  les  meubles  que  la  coutume  de 
Paris  donne  à  titre  de  Préciput  légal  ,  doivent  être 
comprifes  les  dettes  avives  &  créances  mobilières, 
dont  on  exceptera  cependant ,  comme  le  remar- 
quent Dumoulin ,  &  Pothier  après  lui ,  les  créances 
qui  procéderoient  de  chofe*  qui  font  à  Pat is  ,  tels 
que  font,  par  exemple  ,  des  loyers  qui  fe.  feroient 
trouvés  dus  lors  du  prédécès  ,  pour  des  mairoHS  de 
Paris  ,  &  des  profits  feigneuriaux  de  cenfives  étant 
dans  la  ville  de  Paris. 

Au  refte  ,  en  doit  fiiivre,,  pour  difcerner  les 
meubles  Se  ce  qui  eft  réputé  meubles,  les  difpo- 
fitions  des  coutumes  ,  qui  ne  permettroient  pas 
que  le  furvivant  emportât  les  meubles  qui  au- 
roient  été  placés  dans  une  maifon  n  perpétuelle  de- 
meure j  comme  la  coutume  de  Montargis  le  décide 
en  termes  exprès. 

Mais  ne  peut-on  pas  demander  fi  dans  les  mcu-  « 
blés  étant  hors  Paris  en  peut  comprendre  les  arré- 
rages des  rentes  foncières  ou  conftituécs  ,  dues  par  ] 
des  particuliers  demeurant  à  Paris  ,  &  affe61ées  fur 
des  fonds  qui  y  feroient  fitués  ?  Pothier,  d'après 
Dumoulin  ,  décide  que  les  loyers  pour  maifons,  & 
les  profits  feigneuriaux  pour  cenfives  fituées  à  Pa- 
ris ,  font  exceptés  du  Préciput  légal  :  ne  devroit-on 
pas  dire  la  même  choie  d  arrérages  de  rentes  dues 
iiir  des  immeubles  fitués  dans  Paris  ,  s'il  eft  vrai  , 
comme  l'afture  Dumoulin  ,  qu'il  n'y  ait  que  ce  qui 
^(l  ou  procède  de  dehors  la  ville  ou  fauxbourgs ,  qui  y 
foit  inclus  r  Cependant  fi  ces  arrérages  avoient  été 
payés  ,  ils  feroient  partie  de  l'argent  comptant 
trouvé  au  décès  ,  &  appartiendroient  fans  difficulté 
au  furvivanr  ,  dans  le  c;'.s  où  les  époux  auroicnt  eu 
leur  domicile  hors  la  ville  de  Paris  :  alors  ce  ne  fe- 
roit  que  des  deniers  qui  ne  porteroient  pas  avec 
eux  la  trace  de  leur  origine  ;  on  ne  pourront  les 
considérer  que  pour  ce  qu'ils  feroient,  favoir,  de 
l'argent  comptant.  Il  en  feroir  de  même  des  deniers 
provenant  de  loyers  de  maifons  ou  de  profits  de 
cenfives  fituées  à  Paris  ,  fi  les  loyers  &  les  profits 
avoient  été  payés  ;  feais  ,  s'ils  font  dus  encore  lors 
Àa  décès  qui  donne  ouverture  au  Préciput  légal. 

La  coutume  ne  paroît  comprendre  dans  ks  meu- 


.    FRÉCl?tJT  LÉG|L.  245 

blés  étant  hors  Pans  ,  que  ceux  que  des  bourgcoi* 
t'c  Paris  qui  auroiexit  une  maifon  à  la  ville  &  l'au- 
tre à  la  campagne  ,  auroient  portés  &  laifferoient 
ordinairement  dans  cette  dernière  habitation.  Ce- 
pendant oia  feroit  la  raifon  d'en  exclure  des  meu- 
bles qu'on  porteroit  avec  foi  à  la  campagne  ,  feule- 
ment pour  le  -temps  qu'on  y  pafle  ,  dès  que  ces 
meubles  fe  feroient  trouvés  à  la  campagne  par  le 
feul  effet  du  hafard  ,  ou  plutôt  de  l'ufage  des  bour- 
geois qui  les  y  auroient  portés,  fans  aucun  dcfifein 
de  fraude  de  leur  part  .'' 

Si  l'on  avoit  fait  apporter  à  Paris ,  foit  pour  les 
changer ,  foit  pour  les  racommoder,  des  meubles 
qui  font  orduiairement  à  la  campagne ,  &  qu'on 
avoit  delTein  d'y  faire  reporter  enfuite ,  ces  meu- 
bles font  cenfés  faire  partie  des  meubles  de  la 
campagne  ,  &  feroient  par  cette  raifon-là  compris 
dans  le  Préciput  légal ,  quoiqu'ils  fe  trouvaient  par 
hafard  à  Paris  au  moment  du  décès  de  l'un  des 
conjoints  ;  cela  eft  fondé  fur  cette  règle  de  d;oit , 
rci>us  quce  in  fundo  funt ,  acceduni  etiam  qux  tune  non 
funt,fi  ejffe  folenr  ;  leg.  78  ,  §.  7  ,  D.  de  leg.  3. 
«  Lorfqu'un  parifien  ,  demande  Pothier-,  après  avoir 
j>  fait  emplette  à  Rome  de  tableaux  de  grand  prix  , 
»  pour  les  placer  dans  fon  hôtel  à  Paris,  vient  à 
11  perdre  fa  femme  pendant  que  les  tableaux  font 
■>■)  encore  en  chemin  ,  peut-il  les  prétendre  comme 
»  meubles  étant  hors  la  ville  de  Paris.'' Je  le  penfe, 
»  répond-il;  car,  quoiqu'ils  fuflent  deftinés  à  être 
»  meubles  de  Paris,  ils  ne  l'étoient  pas  encore. 
)>  Lorfque  des  meubles  de  Paris  font  tranfportés 
»  de  Paris  dans  un  autre  lieu  ,  avec  intention  de 
"  les  y  faire  revenir  ,  cette  deftination  leur  con- 
)j  ferve  bien  la  qualité  de  meubles  de  Paris  qu'ils 
»  avoient  d  jjà  ;  mais  la  deftination  ne  peut  pas  don- 
»  ner  à  des  meubles  la  qualité  de  meubles  de  Pa- 
"   ris,  avant  qu'ils  l'aient  ». 

On  peut  citer  à  l'appui  de  cette  opinion  ,  la  loi 
17  ,  §.  x\  ,D.  de  afi.  empti  :  pâli  ,  dit  Ulpien  ,  qui 
vinea  caufâ  parati  fuit ,  antcquam  collocentur,  fundi 
non  funt  ;  fed  qui  exempti  funt  hac  mente  ut  coîlocen- 
lur  ,  fundi  junt. 

Article    VII. 

Dans  quelles  coutumes  le  Préciput  légal  ne  confiée  que 
dans  l'iifufruit  des  conquit  s. 

Nous  n'en  connoiftbnj  que  deux  où  le  Préciput 
légal  ne  confifte  que  dans  cet  ufufruit  :  elles  don- 
nent ,  il  eft  vrai ,  au  furvivant  la  moitié  des  meu- 
bles en  propriété;  mais  cette  moitié  des  meubles 
en  propriété  dérive  uniquement  de  la  communauté; 
de  forte  que  dans  ces  coutumes  le  Préciput  légal  ne 
confifte  que  dans  ce  que  le  furvivant  recueille  au- 
delà  de  ce  qu'il  prendroit  dans  la  communauté. 

Ces  coutumes  font  celles  d'Anjou,  art.  283  ,  & 
du  Maine  ,  art.  299  ,  dont  les  difpofitions  font  pref- 
que  femblables;  voici  comme  eft  conçue  celle  du 
Maine,  «  Le  furvivant  de  deux  conjoints  enfemble 
»  par  mariage ,  qui  ont  fait  acquêt  de  chofes  ira- 

Hhij 


244  PRÉCIPUT  LÉGAL; 

»  meubles  pendant  leur  mariage ,  pourvu  qu'au 
19  temps  du  décès  du  premier  trépafle  ils  foient 
»  communs  en  biens,  a  droit  de  tenir  icelui  ac- 
»  quét,  moitié  en  pleine  propriété  ,  moitié  en  ufu- 
1»  fruit  &  viagc  feulement  ». 

Article    VIII. 

Dans  quelles  coutumes  UPrtciput  ligal  conjîfle  dans 
l'afiifr^it  des  acquêts  faits  durant  le  mariage ,  & 
dans  la  propriété  des  meubles. 

On  peut  mettre  à  la  tête  de  ces  coutumes  celle 
dePjoitou,  qui  s'exprime  en  ces  termes  dans  l'art. 
,2-42:  «  Le  furvivant  des  conjoints  nobles  tient  le 
5)  tout  defdits  acquêts  le  cours  de  fa  vie ,  pourvu 
M  qu'il  ne  fe  remarie  ,  &  que  dudit  mariage  n'y 
M  ait  enfans  ,  ceft  à  favoir ,  une  moitié  comme  pro- 
j>  priétaire  &  vrai  feigneur  ,  &  l'autre  moitié  par 
»  ufufruit  feulement  ■>■>. 

L'article  238  de  la  même  coutume  parle  des  meu- 
bles ,  &  les  donne  au  furvivant. 

Dans  cette  coutume  &  dans  celles  qui  lui  font 
fcmblables,  l'avantage  du  furvivant  noble  à  l'égard 
des  acquêts  ,  ne  confifte  réellement  que  dans  l'u- 
fufruit  de  la  moitié  des  acquêts  dont  il  n'eft  pas 
propriétaire  ,  &  dont  la  propriété  paffe  aux  héritiers 
du  prédécédé  :  fi  le  droit  du  furvivant  ne  lui  défé- 
roit  que  fa  moitié ,  tant  en  ufufruit  qu'en  propriété  , 
ce  feroit  alors  plutôt  l'effet  de  la  communauté  feule, 
que  celui  du  Préciput  légal. 

Article    IX. 

(Quelles  font  les  formalités  prefcrites  au  furvivant  des 
époux  par  quelques  coutumes. 

Ces  formalités  font  une  acceptation  expreffe  & 
judiciaire  du  Préciput  légal ,  ou  un  inventaire  des 
meubles  qui  en  font  l'objet. 

Quant  à  l'acceptation ,  elle  eft  requife  par  la 
coutume  de  Sens  ,  dont  l'article  3  porte ,  que  le  fur- 
vivnnt  fera  tenu  de  faire  fon  acceptation  ou  fa  renon- 
ciation dans  le  délai  de  huitaine  du  jour  du  décès  ;  ce 
qu'il  faut  entendre  ,  pourvu  que  ce  décès  foit  venu 
à  la  connoilfance  du  furvivant.  La  coutume  de 
Troies  ,  titre  2,  article  11  ,  fait  la  diftinâion  des 
époux  nobles  vivant  noblement,  &  des  époux  no- 
bles vivant  roturièrement  ;  elle  accorde,  à  droit 
de  Préciput  légal ,  les  meubles  au  furvivant  des  uns 
&  des  autres  ;  mais  les  premiers  prennent  les  meu- 
bles ,  &  ceux  «  vivant  roturièreraent  doivent  ac- 
«  cepter  les  meubles  en  juftice  dedans  quarante 
5>  jours  après  le  trépas  du  premier  mourant  ;  aliàs, 
i)  où  ladite  acceptation  ne  feroit  faite  en  juftice 
3>  dedans  lefdits  quarante  jours  ,  entre  le  furvivant 
»  6c  les  héritiers  du  trépaffé  fe  partiront  les  meu- 
u  bles  ». 

La  coutume  de  Sedan  exige  aufli  (  article  79  ) 
une  acceptation  expreffe  en  juftice  ,  dans  le  délai 
d'un  mois  ;  &  «  à  faute  ,  dit-elle  ,  d'avoir  fait  la- 
v  dite  déclaration  ,  1«  furvivant  fera  préfumé  avoir 


PRÉCIPUT  LÉGAL. 

»  choifi  le  privilège  des  nobles ,  fans  qu'il  foit 
H  plus  reçu  à  choinr  ou  retourner  au  droit  des 
»  roturiers  ». 

Dans  ces  deux  coutumes  de  Troies  &  de  Se- 
dan ,  oîi  le  furvivant  doit  faire  fa  déclaration  qu'il 
accepte  le  Préciput  légal,  l'omiflîon  de  cette  for- 
malité produit  un  effet  différent  &  contraire  :  daos 
l'une ,  il  eft  forcé  de  prendre  la  totalité  des  meu- 
bles ;  dans  l'autre  ,  il  eil-réduit  à  n'en  prendre  que 
la  moitié. 

Les  coutumes  de  Châlons  ,  art.  28  ;  Rheims,  art. 
281  i  Saint- Quentin  ,  art.  6  ,  exigent  auffi  une  ac- 
ceptation expreffe  en  juftice,  &.  dans  le  même  délai 
de  quarante  ;ours  ;  mais  elles  ne  difent  pas  ,  com- 
me celle  de  Troies,  que  ce  délai  eft  fatal ,  ik  que  , 
faute  d'avoir  fait  dans  ce  délai  l'acceptation  ,  le  fur- 
vivant  eft  déchu  de  fon  droit. 

La  coutume  de  Saint-Quentin  exige  outre  cela 
que  les  héritiers  du  conjoint  prédécédé  foient 
appelés  par  le  furvivant ,  lorfque  celui-ci  fait  fon 
acceptation  judiciaire.  Enfin,  la  coutume  de  Chaul- 
ny  ,  titre  24 ,  article  129 ,  requiert  auffi  ,  mais  de 
la  part  de  la  femme  feulement  ,  qu'elle  faffe 
fon  acceptation  en  juftice  ,  &  dans  le  délai  de  trois 
mois. 

Comme  dans  la  plupart  des  coutumes  oij  le  Pré- 
ciput légal  confifte  dans  la  propriété  des  meubles  , 
il  n'a  lieu  que  dans  le  cas  oii  il  n'y  a  pas  d'enfans , 
la  formalité  d'un  inventaire  ne  paroiffoit  être  d'au- 
cune néceffité,  on  pourroit  dire  même,  d'aucune 
utilité  :  mais  dans  les  coutumes  qui  impofent  au  fur- 
vivant  la  condition  de  ne  pas  fe  remarier  ,  &  qui , 
dans  le  cas  où  il  fe  remarie,  l'obligent  de  partager 
ces  meubles  avec  les  héritiers  du  conjoint  prédé- 
cédé ,  il  étoit  à  propos  de  faire  un  inventaire  de 
ces  meubles. 

C'eft  dans  cette  vue  que  l'article  2  de  la  coutume 
de  Coucy  exige  de  la  part  du  furvivant,  qu'il  faffe 
un  inventaire,  parce  qu'elle  veut  que,  dans  le  cas 
oii  il  fe  remarieroit ,  il  faffe  -partage  avec  l'héritier 
du  prédécédé  ,  des  biens  dont  il  jouiffoit  à  droit  de 
Préciput  légal  ;  &  même,  pour  mieux  affurer  les 
intérêts  de  cet  héritier ,  le  furvivant ,  outre  l'inven- 
taire ,  eft  tenu  de  donner  caution  de  la  valeur  des 
chofes  inventoriées. 

C'eft  encore  par  le  même  motif  que  la  coutume 
de  Melun ,  chapitre  13  ,  article  218,  exige  qu'il 
foit  fait  un  inventaire  par  le  furvivant  des  conjoints, 
lorfqu'il  y  a  des  enfans,  afin  ,  dit-elle,  de  pouvoir 
en  faire  avec  eux  un  partage  égal  &  exaâ,  dans  le 
cas  où  il  viendroit  à  fe  remarier. 

D'autres  coutumes  ont  eu  moins  de  prévoyance, 
Se  ont  pris  moins  de  foin  de  l'intérêt  des  enfans 
ou  des  héritiers  du  prédécédé  :  elles  accordent  le 
Préciput  légal ,  quoiqu'il  y  ait  des  enfans  ,  pour  en 
jouir  par  le  furvivant ,  s'il  ne  fe  remarie  pas  :  dans 
le  cas  où  il  fe  remarie  ,  elles  le  forcent  de  par- 
tager les  meubles  avec  les  héritiers  du  prédécédé  ; 
mais  ce  font  les  meubles  que  le  furviv:int  a  alors  , 
comme  dit  la  coutume  d'Oftrincourt,  locale  delà 


PRÉCIPUT  LÉGAL. 

coutume  de  la  châtellenie  de  Lille, 

La  coutume  de  Verdun  a  une  dirpofifion  plus 
finguUère  encore.  Suivant  elle  ,  le  lurvivant  de 
deux  perfonnes  nobles  a  la  propriété  des  meubles  : 
entre  époux  qui  ne  font  pas  nobles ,  le  mari  feul , 
s'il  eft  farvivant,  &non  la  femme  ,  a  la  faculté  de 
demeurer  meublier  ;  c'eft-à-dire ,  aux  termes  de  l'ar- 
ticle 2  du  titre  4 ,  qu'il  tient ,  fa  -vie  durant ,  Us  mcu- 
kUs  &  Us  acquêts  ,  à  la  charge  des  frais  funèraux  & 
des  dettes  de  la  défunte  ,  6»  de  nourrir  6*  entretenir  les 

enfans  ^  fi  aucuns  y  en  a Cependant  ce 

mari  furvivant ,  qui  n'a  que  l'ufufruit  des  meubles  , 
riefi  tenu  ,  article  5  du  même  titre  4 ,  faire  inven- 
taire defdits  meubLs ,  les  exhiber  ni  en  bailler  fûreti 
ni  caution. 

La  coutume  de  fens  a  une  difpofition  qui  paroît 
plus  lage.  Elle  donne  les  meubles  au  furvivant  de 
deux  conjoints  nobles  ,  lorfqu'il  n'y  a  pas  d'eii- 
fans ,  fans  exiger  du  furvivant  qu'il  falfe  faire  un  in- 
ventaire ;  mais  elle  laiiTe  aux  héritiers  la  faculté  de 
requérir  qu'il  en  foit  fait  un. 

On  retrouve  le  même  ufage  à  peu-près  dans  la 
coutume  de  Château  Neuf  en  Thimerais.  Le  furvi- 
vant des  époux  nobles  y  gagne  les  meubles ,  foit 
qu'il  y  ait  des  enfans  ,  foit  qu'il  n'y  en  ait  pas.  Dans 
ce  dernier  cas,  il  n'eft  pas  tenu  de  requérir  un  in- 
ventaire ;  mais  s'il  y  a  des  enfans,  le  furvivant, 
comme  dit  l'article  140  de  cette  coutume  ,  nt(ï  pas 
excujé  de  faire  inventaire  des  héritages  ,  titres  &  en- 
feignemens  des  mineurs;  cela  eft  cependant,  à  ce 
qu'il  femble  ,  uniquement  fondé  fur  ce  que  le  fur- 
vivant  ,  outre  l'avantage  du  Préciput  légal  qu'il  re- 
cueille ,  a  de  plus ,  dans  l'hypothèfé  de  l'article  cité  , 
le  bail  &  la  garde  des  enfans  ;  aufîî  la  coutume 
ne  requiert  pas  inventaire  des  meubles,  puifqu'eile 
les  donne  au  furvivant  en  propriété,  mais  feule- 
ment un  inventaire  des  héritages ,  tiens  &  enfeigne- 
mens  des  meubles. 

Article    X. 

QnelUs  font  les  charges  du  Préciput  légal  r* 

Le  Préciput  légil  n'eft  pas  un  avantage  purement 
gratuit;  les  coutumes  ne  l'accordent  que  fous  cer- 
taines charges,  fa  voir,  celle  d'acquitter  les  dettes; 
ce  qui  a  fait  dire  à  Dumoulin  ,  fur  l'article  131  de 
l'ancienne  coutume  de  Paris ,  en  parhmt  de  ce  droit  : 
l'/on  efl  merum  lucrtim ,  fed  commutatio  ad  cnus  fol- 
vendi  débita. 

î-  Les  coutumes  varient  entre  elles  fur  l'étendue  des 
charges  qu'elles  attachent  à  la  jouifiance  du  Préci- 
put légal.  Suivant  l'article  238  de  la  coutume  de  Pa- 
ris, le  furvivant  tù.  tenu  de  payer  les  dettes  mobi- 
lières &  les  obsèques  &  funérailles  du  défunt.  On 
trouve  la  même  difpofition  dans  les  coutumes  de 
Calais  ,  chapitre  3  ,  article  39  ;  de  Coucy ,  article  2  ; 
de  Cambrai ,  article  4;  de  Bar  ,  titre  7  ,  article  78  ; 
de  Senlis,  article  146  ;f^e  Clermon.ten  Beauv(;ifis, 
article  189  ;  d'Arras  ,  aiticle  11  ;  6c  de  Rheims  ,  ar- 
ticle 283. 


PRÉCIPUT  LÉGAL; 


^A'i 


D'autres  coutumes  chargent  de  plus  le  furvivant 
d'acquitter  les  legs  :  parmi  celles-là  ,  les  unes  ne 
parlent  que  des  legs  pieux ,  confinant  en  deniers 
ou  en  meubles,  comme  Sens  ,  article  82  ;  Troies  , 
titre  2  ,  article  1 1  ;  Châlons  ,  art.  28.  Cette  der- 
nière coutume  excepte  formellement  les  autres 
legs  :  Et  au  regard  ,  dit-elle,  du  furplus  du  teflament  ^ 
il  fe  paye  par  les  héritiers  du  trépjffé ,  aiixquets  ap- 
partient le  propre  du  décédé.  Les  autres  parlent  des 
legs  fans  diftinflion  ,  des  legs  pieux  &  det  legs  or- 
dinaires ,  comme  Chaumont  en  Baffigny  ,  cha- 
pitre I  ,  article  6  ;  d'où  il  femble  qu'on  devroit 
conclure  que  le  furvivant  feroit  tenu  d'acquitter 
généralement  tous  les  legs,  comme  paroifîent  le 
dire  formellement  la  coutume  de  Saint-Quentin  , 
article  3  ,  &  celle  de  Ribemont ,  article  93.  Cette 
dernière  porte ,  que  le  furvivant  e(l  tenu  d'e  payer 
toutes  les  dettes  mobilières ,  O  d'accomplir  le  tefîament 
du  défunt. 

Cela  doit-il  s'entendre  indiftinâement  &  fans  ré- 
ferve,  de  manière  que  le  furvivant  foit  tenu  d'ac- 
quitter ces  charges  à  quelque  femme  qu'elles  mon- 
tent ?  Il  femble  qu'on  doit  diftinguer ,  avec  Po- 
thier  ,  les  charges  mobilières  ,  dettes  ou  legs  ,  des 
charges  immobilières.  Celles-ci  feront  acquittées 
par  les  héritiers  des  immeubles  ,  &  celles-là  feu- 
lement feront  fur  le  compte  de  l'époux  furvivant  ; 
c'eft  du  moins  ce  qu'ordonnent  phifieurs  coutu- 
mes ,  en  reflreignant  la  charge  des  dettes  aux 
dettes  mobilières  ,  &  la  charge  des  legs  aux  legs 
mobiliers,  &  à  une  fois  payer  ,  comme  difent  Pé- 
ronne  ,  article  1 26  ;  Sedan ,  article  79.;  Montargis , 
chap.  I  ,  art.  40  ;  Touraine  ,  art.  247. 

Quelques  coutumes  ,  comme  Poitou,  Mantes  & 
quelques  autres  encore,  n'obligent  le  furvivant 
a  payer  que  les  dettes  mobilières  &  perfonnelles. 
On  demande  fi  dans  ces  coutumes  on  doit  com- 
prendre au  nombre  de  ces  dettes  mobilières  &  per- 
fonnelles ,  les  legs  mobiliers  faits  par  le  prédé- 
cédé ^  A  ne  confidérer  que  la  nature  de  ces  legs  , 
qui  ne  confiftent  qu'en  fommes  mobilières  ,  il 
femble  qu'on  doive  décider  que  le  furvivant  qui 
gagne  tous  les  meubles ,  doit  acquitter  les  legs. 
Cependant  ces  legs  ,  quoique  mobiliers  ,  difi^èrent 
en  un  point  effentiel  des  dettes  mobilières  ;  favoir , 
en  ce  que  ceiles-ci  ,  qui  ètoient  dues  dès  avant  la 
mort  du  prèdécédé  ,  pouvoient  être  exigées  avant 
fon  décès ,  &.  font,  par  cette  rail'on  ,  cenfées  avoir 
diminué  d'autant  les  meubles;  les  legs,  au  con- 
traire, necommencent  à  devenir  des  dettes  qu'a- 
près la  mort  du  conjoint  qui  les  a  faits ,  &  après 
que  le  furvivant  a  recueilli  le  Préciput  légal  qu'il 
tient  de  la  coutume,  &  non  du  prédécédé;  d'où 
l'on  doit  conclure  ,  qu'il  en  e/î  des  legs  comme 
des  frais  funéraires  ,  8c  que  les  uns  &  les  autres 
ne  font  point  à  la  charge  du  furvivant ,  à  moins 
que  Ics'coutumes  ne  le  difent  expreffément. 

Les  dettes  contraâées  par  les  conjoints  durant 
leur  communauté  ,  font  inconteftablement  à  h 
charge  du  furvivant  qui  prend  les  meubles.  En  cfl- 


246  PRÉCIPUT  LÉGAL. 

il  de  inème  des  dettes  perfonnelles  que  le  prédé- 
céde  avoit  contraâées  avant  fon  mariage  ,  lorf- 
qu'il  y  a  Réparation  de  dettes  entre  Ls  deux  époux  ? 
Les  auteurs  de  Paris  ont  d  vcrfement  décidé  cette 
queflion.  Le  Brun  &  DuplelTis  penfent  pour  l'af- 
firmative ,  &  en  donnent  pour  raifon  ,  que  Car- 
tïcle  (  238  de  Paris  )  ne  dijlin^ue  point  &  ne  parle 
pas  même  de  communauté  y  &  de  plus,  charge  le  fur- 
viy/tnt  des  obsècjues  ,  qui  conjlamment  ne  font  point 
dettes  de  la  communauté.  Ricard  ,  Fortin  8c  le  Maitre 
penfent  au  contraire  que  le  furvivant  n'cft  tenu 
d'acquitter  les  dettes  du  prédécédé  ,  qu'autant 
qu'on  peut  les  regarder  comme  dettes  de  la  com- 
iTiunauté. 

Pothier ,  dans  fon  traité  de  la  communauté  , 
nombre  433,  édition  '/^4*. ,  embraffe  cette  der- 
nière opinion  ,  &  en  donne  les  raifons  fuivantes  : 
»)  La  coutume  ne  faifr.nt  pas  fuccéder,  par  cet  ar- 
»  ticlc  (iiS  de  Paris),  le  furvivant  indiftinflc- 
î>  ment  à  l'univerfalitè  des  biens  meubles  du  pr^- 
»  décédé,  mais  feulement  à  l'univerfalitè  des  biens 
»  meubles  de  la  communauté,  pour  la  part  qu'y 
»>  avoit  le  prédécédé  ,  il  ne  doit  pas  être  préfunié 
j>  avoir  été  chargé  d'autres  dettes  mobilières  que 
«  de  celles  de  la  communauté  ,  qui  font  les  feules 
j>  qui  foient  une  charge  de  l'univerfalitè  de  la  coni- 
j>  munauté  à  laquelle  il  fuccéde  au  prédécédé  pour 
»>  la  part  qu'il  y  avoit.  Le  furvivant  n'étant  donc 
j)  tenu  que  des  dettes  de  la  communauté  ,  par  la 
»>  nature  delà  chofe  à  laquelle  il  fuccède ,  pour 
j)  qu'il  pût  être  réputé  tenu  des  autres  ,  il  eût  fallu 
j)  que  la  coutume  s'en  fût  expliquée  d'une  m:mière 
J»  plus  formelle  ;  ce  que  n'ayant  pas  fait ,  les  dettes 
ji  mobilières  dont  elle  le  charge,  doivent  être  en- 
»  tendues  ,  fecundiim  fubjcElam  mateiiain  ,  de  celles 
>»  de  la  communauté  ». 
Cela  ne  doit  pas  au  moins  fouffrir  de  difficulté  dans 
les'  coutumes  qui,  comme  celle  d«  Péronne  ,  ne 
parlent  que  de  dettes  mohilières  de  la  commu- 
nauté ;  ce  qui  exclut  néceiïairement  les  dettes  du 
prédécédé  ,  particulières  à  fa  perfonne  ,  &  qu'il  a 
gardées  pour  fon  propre  compte  ou  celui  de  fa  fuc- 
ceffion  ,  par  la  claufe  de  féparation  de  dettes. 

»  Suivant  ce  principe ,  continue  Pothier  ,  le  fur- 
tt  vivant  ne  laiiléra  pas  de  demeurer  créancier  pour 
j>  une  dette  perfonnelle  que  pouvoit  lui  devoir  le 
»>  prédécédé ,  &  il  ne  s'en  fera  pas  de  confufion 
»)  avec  le  Préciput  légal  qu'il  recueille  ». 

Le  furvivant  ne  fait  pas  non  plus  de  confufion 
des  deniers  qui  lui  ont  été  ftipules  propres  ,  quoi- 
qu'ils foient  une  dette  de  la  communauté.  La  rai- 
fon qu'en  donne  Pothier,  &  qui  paroît  très-jufte, 
yt  c'crt  que  ces  créances  ,  quoiqu'elles  foient ,  dans 
M  la  vérité,  créances  mobilières,  font,  entre  les 
1)  conjoints  ,  réputées  pour  immeubles  fictifs,  que 
»»  le  furvivant ,  chargé  feulement  des  dettes  mo- 
»  biliéres,  n'eft  pas  tenu  d'acquitter  ». 

11  n'en  cfl  pas  de  même  du  Préciput  convention- 
nel; le  furvivant  le  confond  dans  fon  Préciput  lé- 
gal ,  foit  qu'il  confifte  en  une  fomme  de  deniers  , 


PRÉCIPUT  LÉGAL. 

foit  qu'il  confifte  en  une  certaine  efpèce  de  meu- 
bles ,  comme  le  décident  Dupleflis  &  Pothier. 
C'efl  en  effet  une  créance  à  exercer  fur  les  meu- 
bles de  la  communauté,  &  qui  doit  être  confidérée 
comme  une  dette  mobilière ,  &  par  conféquent  à 
la  charge  du  furvivant. 

Si  le  furvivant  étoit  mineur,  &  avoit  accepté 
en  minorité  le  Préciput  légal  ,  point  de  doute 
qu'il  ne  fût  recevable  à  fe  faire  relever  de  fon  ac- 
ceptation. Mais  s'il  étoit  majeur,  y  eft-il  rece- 
vable.'' Non  certainement,  s'il  n'y  a  pas  eu  d'in- 
ventaire ,  fans  lequel  il  ne  pourroit  rétablir  les 
chofes  en  l'état  ou  elles  étoient  lors  de  fon  ac- 
ceptation. 

Mais  que  décidera-t-on  dans  le  cas  où  il  y  aura 
eu  inventaire  ^  Les  auteurs  font  partagés  fur  cette 
queftion.  Pothier  rapporte  leurs  raifons  refpeéii- 
ves  ,  fans  donner  fon  ^vis  ;  cependant  il  paroit  in- 
cliner pour  l'a/firmative  ,  fur  le  fondement  que  le 
Préciput  légal  eft  une  donation,  &  que  ,  fuivant  le 
droit  commun,  tout  donataire  n'eft  tenu  des  char- 
ges de  la  donation  que  jufques  à  concurrence  de 
l'émolument ,  &  peut  fe  décharger  des  charges  de 
la  donation,  en  abandonnant  les  chofes  données, 
&  en  rendant  compte  de  tout  ce  qu'il  a  perçu.  Il 
femble  ,  8c  plufieurs  coutumes  le  difent  en  ter.mes 
clairs  ,que  le  Préciput  légal  efl  déféré  à  titre  de  fuc- 
ceflion  ,  &  non  de  donation  ;  d'où  l'on  devroit  con- 
clure, contre  l'avis  de  Pothier  ,  que  comme  un  ma- 
jeur ne  peut  pas  renoncer  à  une  fucceffion  qu'il  a 
une  fois  acceptée,  de  même  il  ne  peut  pas  renon- 
cer au  Préciput  légal. 

On  peut  rapporter  à  ce  ftjot  une  difpofiiion 
de  la  coutume  de  Bruxelles  ,  qui  efl  unique  &  fm- 
guliére.  Cette  coutume  ,  comme  tontes  celles  dont 
il  p  été  parlé  dans  cet  article  ,  donne  au  furvivant 
des  époux  ,  foit  qu'il  y  ait  enfans  ,  foit  qu'il  n'y  en 
ait  point ,  tous  les  meubles  ;  mais  il  paroit  qu'elle 
a  moins  eu  pour  objet  d'accorder  un  avantage  au 
furvivant ,  que  de  donner  aux  créanciers  du  pré- 
décédé une  perfonne  à  laquelle  ils  puffent  deman- 
der le  payement  de  ce  qui  leur  étoit  dû  ;  car  le  fur- 
vivant ,  feroit-ce  même  la  femme,  n'a  pas  la  fa- 
culté de  renoncer  aux  meubles  ,  pour  fe  décharger 
des  dettes  ;  cela  eft  textuellement  décidé  par  l'arti- 
cle 250  ,  en  ces  termes  :  >»  Le  furvivant  des  ma- 
»  ries  eft  tenu  pour  héritier  ncceflaire  du  prédé- 
»  funt  ,  la  mai  foi  (i)  mortuaire  étant  tombée  à  Bru- 
»  xclles  ,  &  elï  obligé  en  toutes  les  dettes  &  char- 
»  ges  perfonnelles  dudit  prédéfunt  &  de  fa  maifon 
»  mortuaire ,  fans  diOingucr  de  la  part  de  qui  pro- 
»  cèdent  lefdites  charges  ou  dettes  ,  ou  fi  elles 
»  font  faites  par  le  mari  ou  par  la  femme,  ou  par 
»  eux  enfemble;  &  le  furvivant,  foit  mari  ou  fem- 
»  me ,  ne  s'en  peut  exempter,  en  abflenant  &  ré- 
»  pudiantles  biens  ou  la  maifon  mortuaire  du  pré- 
»  défunt ,  ou  en  mettant  les  clés  furie  tombeau  , 

(i)  Ceft  à  dire  ,  les  époux  ayant  leur  doQÙciJe  à  Bruxellei 
au  moment  de  la  moci.  de  l'un  d'eux. 


PRÉCIPUT  CONVENTIONNEL. 

M  parce  qu'il  ne  trouve  point  des  biens  du  prédé- 
M  tunt ,  ou  que  les  dettes  excèdent  les  biens  :  mê- 
»  me  point  par  contrat  de  mariage ,  ou  fous  quelque 
>»  autre  préttxte  que  ce  fait  «. 

Foyei  les  autorités  citées,  &  les  articles  COM- 
MUNAUTÉ ,  Mariage  ,  Noblesse  ,  Secondss 

NOCES  5  PvENONCIATION  A  LA  COMMUNAUTÉ  ,  &C.  ' 

(  article  de  M.  Sa^ts  on  Duperrqs  ,  syocat 
au  parlement.  ) 

PRÈCIPUl'  CONVENTIONNEL.  On  appelle 
ainfi  le  droit  qu'a  le  (urvivant  des  conjoints ,  en 
vertu  d'une  claufe  très-fréquente  dans  les  contrats 
de  mariage,  de  prélever  une  certaine  portion  des 
meubles  de  la  communauté  ,  avant  qu'elle  foit 
partagée. 

Pour  traiter  convenablement  cette  matière  ,  qui 
d'ailleurs  ne  prelcnie  pas  un  grand  nombre  de 
difficultés,  on  parlera,  i°.  de  1  ouverture  du  Pré- 
ciput  conventionnel  :  2".  des  choies  qui  le  compo- 
fent  :  3".  de  la  manière  de  le  percevoir  ^  de  la  na- 
ture 6c  des  effets  de  cette  conveuùon. 

§.  I.  De  Vouverture  du  Prèciput  conventionnel. 

La  claufe  du  Prèciput  conventionnel  eft  ordinai- 
rement conçue  de  la  manière  fuivante  dans  les 
contrats  de  mariage  :  Le  Jurviv.uu  des  futurs  époux  , 
ou  bien  le  futur  époux  ,  en  cas  de  fnrvie  ,  6*  pareille- 
ment La  future  époufe  ,  dans  le  même  cas  ,  prendra  par 
Prèciput  tels  &  tels  objets.  On  conclut  de-là  avec 
raifon  ,  qu'il  n'y  a  que  le  prédécès  de  l'un  des 
conjoints  qui  donne  ouverture  au  Prèciput  au  pro- 
fit de  l'autre. 

Ainfi,  lorfque  la  communauté  a  été  diiïbute  du 
vivant  des  deux  époux ,  en  vertu  d'un  jugement 
de  féparation ,  fi  !a  fem.me  accepte  la  communauté , 
ce  qui  eft  bien  rare,  le  partage  doit  fe  faire  fans 
Prèciput  ;  mais  à  la  charge  que  lorfque  le  prédécés 
de  l'un  d'eux  donnera  ouverture  au  Prèciput,  la 
fuccefilon  du  prèdécédé  fera  raii'on  de  ce  Prèciput 
au  furvivant. 

Il  eft  évident  que  dans  ce  cas ,  le  droit  dont  la 
fucceffion  du  prédécédé  eft  grevée  au  profit  du  fur- 
vivant  ,  n'eft  que  de  la  moitié  du  Prèciput ,  parce 
que  le  furvivant  en  a  confondu  en  lui-même  l'au- 
tre moitié,  lors  du  partage.  Il  n'y  a  pas  de  diffi- 
culté à  cela  ,  io;ique  le  Prèciput  eft  d'ime  (omms 
d'argent.  Mais  lorfqu'il  cenfîfte  en  efiéts  ,  comme 
il  ne  doit  pas  être  au  pouvoir  de  l'un  des  conjoints 
de  préjudicier  à  ce  droit  ,  qui  doit  fe  prendre  fur 
la  communauté  dans  l'état  où  elle  eft  au  temps  de 
fa  dJfiolution  ,  il  faut  faire  une  eftimation  des  cho- 
fes  fujettes  au  Prèciput  de  chaque  conjoint  qui  fe 
font  trouvées  dms  la  communauté  lors  de  fa  diftb- 
iution  ,  afin  de  fixer  la  fomme  que  la  fucceftîon  du 
prèdécédé  devra  au  furvivant ,  lorfqu'il  y  aiira  ou- 
verture au  Prèciput  par  le  prédécès  de  l'un  des 
conjoints.  En  attendant,  chacun  d'eux  prendia, 
fur  le  pied  de  l'eftimation  ,  les  chofes  fujettes  à  (on 
Prèciput,  en  les  précomptant  fur  fa  part ,  à  b  charge 
d'en  faire  tenir  compte  au  furvivant  par  fa  Aie- 


PRrCIPUT  CONVENTIONNEL.  147 

ctfiîbn  ,  en  cas  qu'd  y  donne  ouverture  par  Con 
prédccès.  C'eft  le  tempérament  propofé  par  M' 
Pothier,  au  numéro  445  de  fon  traité  de  la  com- 
munauté. 

La  diirolution  de  la  communauté  qui  arrive  par 
la  mort  civile  de  l'un  des  conjoints ,  eft-ellc  dans 
le  même  casque  celle  qui  a  lieu  lors  d'une  fépara- 
tion par  jugement,  ou  bien  doit-on  la  regarder 
comme  un  prédécès  qui  donne  ouverture  au  Prè- 
ciput? On  peut  dire,  contre  le  Piéciput,  que  ia 
mort  naturelle  de  l'un  des  conjoints  avant  l'autre, 
eft  le  féul  cas  que  les  parties  ont  propoié  pour  l'ou- 
verture du  Prèciput;  que  c'eft  le  feul  qu'elles  aient 
prévu;  qu'on  ne  peut  pas  même  fuppofer  qu'elles 
aient  penfé  au  cas  de  la  mort  civile  de  l'un  d'en- 
tr'eux  ;  enfin  ,  que  la  mort  civile  &  la  mort  natu- 
relle n'ont  pas  des  effets  entièrement  femblables  , 
même  dans  le  droit,  puifque  ceux  de  la  mort  ci- 
vile peuvent  être  détruits  ,  comme  elle ,  par  la  ref- 
titution  à  la  vie  civile  ,  que  le  prince  accorde  quel- 
quefois. Un  arrêt  célèbre,  prononcé  le  2  juin  1549, 
!e  roi  Henri  II  fèant  en  fon  lit  de  juftice  ,  l'a  ainfi 
jugé. 

On  peut  dire  au  contraire  que  la  mort  civile  n 
véritablement  les  effets  de  la  mort  naturelle,  quant 
à  la  fociété,  puifqu'elle  en  retranche  tout  auffi  bien 
la  perfonne  qui  l'a  encourue  ,  que  l'auroit  fait  la 
mort  naturelle  ,  &  que  la  grâce  éventuelle  de  la  ref- 
titution  à  la  vie  civile  ,  étant  un  bienfait  du  prince 
purement  volontaire,  &  fur  lequel  on  ne  peut  pas 
compter,  ne  doit  pas  plus  empêcher  l'ouverture  du 
l'réciputque  le  partage  de  la  communauté,  auquel 
!a  mort  civile  a  pareillement  donné  lieu. 

On  pourroii  oppofer  à  l'arrêt  du  2  juin  1549, 
l'article  24  de  l'ordonnance  des  fubftitutions  ,  qui 
porte  ,  «  que  dans  tous  les  cas  où  la  condamnation 
«  pour  crime  emporte  mort  civile,  elle  donnera 
)>  lieu  à  l'ouverture  du  fidéicommis  ,  comme  4a 
»  mort  naturelle.  Mais  ,  obferve  M.  Porhier,  on 
»  ne  peut  pas  argumenter  des  fidéicommis  à  la 
H  convention  de  Prèciput  ;  les  fidéicommis  ,  qui 
»  font  fiuts  en  l'abfence  de  la  perfonne  au  profit 
»  de  qui  la  difpofition  eft  faite  ,  étant  fufceptibles 
»  d'iuie  interprétation  beaucoup  plus  étendue  que 
»  ne  le  font  les  conventions  entre-vifs. 

»>  La  difpofition  de  l'ordonnance  des  fubftitu- 
5)  tiens  ,  continue  M.  Pothier ,  n'eft  donc  pas  feule 
)»  fuflifanre  pour  établir  qu'on  s'eft  écarté  de  la  ju- 
u  rifprudcnce  établie  par  l'arrêt  de  1549.  Mais  j'ai 
î>  appris  que  la  cour  s'en  étoit  formellement  écar- 
»  tée,  en  jugeant,  dans  l'efpèce  d'un  homme  qui 
»)  étoit  forti  du  royaume  pour  caufe  de  religion  , 
»  que  la  mort  civile  qu'il  avoit  encourue  par  fa 
»  fortie  du  royaume  ,  avoit  donné  ouverture  au 
j>  Prèciput  au  profit  de  fa  femme  ". 

Au  refte  ,  le  feul  mot'de  Préziput  emporte  natu- 
rellement l'idée  d'un  prélèvement  fur  une  maffe 
commune  ;  il  ne  peut  donc  pas  avoir  lieu  lorfqu'il 
y  a  renonciation  à  la  communauté  Cela  eft  in- 
tonteftable  ,  quand  c'eft  le  mari  qui  furvit,  puif- 


hS  préciput  conventionnel. 

auen  ce  cas  il  retient  fcul  la  totalité  de  la  mafTe 
iur  laquelle  le  Piécipiit  devoit  être  pris.  Mais  on 
doit  fuivrela  même  règle  lorfque  c'eft  la  veuve 
qui  furvit,  6i  qu'elle  renonce  à  la  communauté , 
parce  que  fa  renonciation  a  détruit  à  fon  égard  tous 
les  effets  de  la  communauté. 

Telle  eft  la  jurifprudence  du  châtelet ,  atteftée 
par  Bourjon  ,  traité  de  la  communauté  ,  partie  6  , 
chapitre  5,  fedlion  i  ,  n°.  3.  Le  même  auteur  ciie 
deux  arrêts  des  4  juillet  1619  &  12  mai  17Q2,  rap- 
portés ,  le  premier  par  Bardet  ,  tome  r  ,  livre  3  , 
chapitre  54,  &  le  fécond  par  les  continuateurs  du 
journal  des  audiences  ,  tome  6  ,  livre  a  ,  chapitre 
24.  Enfin ,  c'eft  aufîi  l'avis  de  le  Brun  ôf  de  Pothier 
dans  leurs  traiiés  de  la  comnUmauté. 

Lorfque  les  deux  conjoints  font  morts  par  un 
zr.éme  accident ,  fans  qu'on  fâche  lequel  a  furvécu 
Taiure;  par  e:îemple  ,  lorfqu'ils  font  péris  dans  un 
naufrage,  il  n'y  aura  point  de  Préciput  en  faveur 
des  héritiers  de  l'un  ou  de  l'autre  ,  lors  du  partage 
de  la  communauté  qui  ert  à  faire  entre  les  héritiers 
de  l'un  des  conjoints  &  ceux  de  l'autre;  car  ni  les 
ims  ni  les  autres  ne  peuvent  juftifîer  que  c'efl  celui 
des  conjoins  auxquels  ils  ont  fuccédé  qui  a  fur- 
vécu  ,  &  au  profit  de  qui  il  y  a  ouverture  au  Pré- 
ciput. 

Quoique  le  Préciput  ne  puifie  régulièrement  avoir 
lieu  qu'en  cas  d'acceptation  de  communauté  ,  il  eft 
néanmoins  d'un  ufage  très-fréciuent ,  dans  les  con- 
trats de  mariage  ,  de  convenir  que  la  future  époufe , 
en  cas  de  renonciation  à  la  commnnauté  ,  aura  for. 
Préciput.  On  flipule  encore  quelquefois  qu'il  fe 
prendra  entièrement  fur  la  part  du  prédécédé  ,  en 
cas  d'acceptation  de  la  communauté.  On  verra  dans 
le  paragraphe  fuivant  quel  eft  l'effet  de  ces  deux 
claufes.  Mais  c'eft  mal-à-propos  qu'Argou  dit  dans 
les  inftitutions  ,  livre  3  ,  chapitre  1 1  ,  a  qu'on 
j>  tient  au  palais ,  que  quand  la  claufe  que  Ij  future 
»i  aura /on  Préciput  même  en  cas  de  renonciation ,  au- 
j)  rolt  été  omife  ,  la  femme  ne  laifleroit  pas  d'avoir 
))  fon  Préciput  fur  les  biens  du  mari ,  même  fur 
S)  fes  propres ,  quoiqu'elle  eût  renoncé  à  la  corn- 
j)  munauté  >'. 

Ses  annotateurs  obfervent  avec  raifon  que  /'ii- 
fao^e  certain  e(l  que  ^uand la  claufe  nefl  point  dans  le 
contrat ,  la  femme  renonçant  ne  peut  avoir  de  Préciput. 
Argou  convient  lui  -  même  que  Viifage  prétendu 
dont  il  parle  ,  paraît  contraire  à  la  nature  du  Préci- 
put ,  ^ui  préfuppofe  ,  comme  on  fa  dit  ,  un  panade  de 
communauté. 

&.\l,Des  chofes  qui  font  l'objet  4'i  Préciput  conven- 
tionnel. 

Comme  la  convention  du  Pré):iput  eft  purement 
vûlontaive  dans  les  contrats  de  mariage  ,  on  fent 
bien  qu'il  dépend  des  contru»^ans  d'y  mettre  telles 
claufes  que  bon  leurfemble,  &  d'étendre  ou  de 
reficrrer  plus  ou  moins  cette  convention.  Mais  le 
plus  fouvent  elle  eft  ainfi  conçue:  u  Le  fmvivant 
;;  dts  futurs  époux  prendra  à  titre  de  Préciput,  fi 


PRÉCIPUT  CONVENTIONNEL. 

V  c'efi:  le  futur  époux,  fes  habits  ,  linges  &  bijoux 
))  à  fon  ufage,  avec  f  s  armes  &  chevaux  {ûc  eu  un 
>j  homme  de  guerre  )  ,  ou  fes  livres  (  fi  c'cil:  un 
"  homme  de  lettres  )  ,  ou  fes  outils  (  fi  c'eft  un  ou- 
»  vrier  )  i  &  fi  c'eft  la  future  époufe  ,  fes  habits , 
»  linges  ,  dentelles  ,  bijoux  ,  joyaux  &  diamans  à 
»  fon  ufage  m. 

Si  la  claufe  portoit  firaplement  fes  fiaiits  &  lui'- 
gcs ,  ou  même  feulement  fes  habits  ,  les  bijoux  & 
joyaux  n'y  feroient  pas  compris  :  mais  bien  fes 
dentelles  ,  parce  que  ces  mots  comprennent  tout  ce 
qui  fert  à  vêtir  le  corps  ;  &  au  contraire  ,  s'il  étoit 
dit  feulement/î'j  bijoux  &  joyaux  ,  les  habits ,  lin- 
ges 8c  dentelles  n'y  feroient  pas  compris.  Ces  mots 
bijoux  &  joyaux  comprennent  non-feulement  les 
boucles  &  pendans  d'oreilles  ,  les  bracelets  ,  ba- 
gues ,  anneaux  ,  colliers  ,  aiguilles  de  tête ,  &  autrej; 
ornemcns  de  tête,  comme  le  mot  latin  ornantcnta  , 
fuivant  la  loi  23  ,  §.  10,  ff.  de  aur.  ar^.  lefat.  ;  mai? 
ils  comprennent  auflï  les  montres,  les  éventails  , 
les  tabatières  ,  les  étuis  ,  &  les  autres  petits  meu- 
bles de  cette  efpèce  ,  qui  font  faits  pour  être  portés 
par  la  perfonne  à  l'ufage  de  qui  ils  font ,  en  quoi 
ces  mots  bijoux  &  joyaux  ont  plus  d'étendue  que 
Je  mot  latin  ofnamenta. 

On  ne  comprend  pas  néanmoins  fous  ces  mots 
la  toilette  8c  tout  ce  qui  en  dépend.  Tout  cela,  dit 
fort  bien  M.  Pothier,  appartient  plutôt  à  un  autre 
genre, que  les  jurifconfultes  appeloient  mundui  mu- 
liebris  ,  è(.  qu'ils  diftinguent  très-fort  de  ce  qu'ils 
appeloient  ornamenta  (i)  ;  mais  fi  à  ces  termes  ,  ha- 
bits ,  linges ,  bijoux  &  joyaux  ,  on  avoit  ajouté  ceux- 
ci  ,  &  généralement  tout  ce  ^uife  trouvera  fervir  pour 
l'ufage  de  lu  perfonne  de  la  future  époufe  ,  il  n'eft  pas 
douteux  qu'on  ne  dijt  comprendre  fous  la  généra- 
lité de  ces  termes  ,  la  toilette  &  tout  ce  qui  en  dé- 
pend ,  comnie  les  miroirs  8c  boîtes  de  toilette ,  par- 
fums, &c, 

Lorfque  le  Préciput  a  aînfi  pour  objet  des  meu- 
bles en  nature  ,  on  peut  le  limiter  à  une  certaine 
fomme  ;  mais  lorfqu'il  eft  illimité ,  il  doit  compren^ 
dre  toutes  les  chofes  appartenant  au  genre  dont 
parle  la  claufe  du  Préciput ,  telles  qu'elles  fe  trou- 
vent dans  les  biens  de  la  communauté  lors  de  fa 
diftblution.  Il  faudroit  néanmoins  en  excepter  le 
cas  où  le  prix  auquel  elles  fe  monteroient  feroit  ex- 
ceffif ,  eu  égard  à  l'état  8c  aux  facultés  des  parties  : 
car  quoiqu'elles  n'aient  pas  limité  le  Préciput  à  une 
fomme  déterminée  ,  elles  font  néanmoins  cenfées 
être  convenues  d'un  Préciput  proportionné  à  leur 
état  8:  à  leur  faculté.  Lors  donc  qu'il  eft  excelîîf, 
les  héritiers  du  prédécédé  ont  le  droit  de  deman- 
der qu'il  foit  réduit  à  la  volonté  du  juge  ,  eu  égard 
à  ce  qui  fe  pratique  ordinairement  pour  les  perfon- 
nes  de   même  fortune  8c  de  même  état  ,  fuivant 


(j)  Ornem'nta  ,  die  Ulpien  ,  funt  qmhus  mulitr  ornatur. 
MuDdusmulitbris  ejl  qut  mulifr  mundiorjit.  D.  1.  ÎJ  ,  parag, 
lOjdcaur,  arg.  Ire. 

fCttp 


PRÈCIPUT  CONVENTIONNEL; 

tcttc  règle  de  droit ,  in  contraclibus  tadù  veniunt  ca 
qux  fuiit  morts  &  con(uetuJinis. 

A  plus  forte  railbn  doit-on  retrancher  du  Préci- 
put  les  chofes  qui  paroiffent  avoir  été  achetées  en 
fraude  pendant  la  dernière  maladie  du  prédécédé  , 
dans  la  vue  de  grofiir  le  Préciput. 

Au  lieu  de  donner  un  Préciput  de  certains  effets 
en  nature  ,  on  fixe  quelquefois  ce  droit  à  une 
fomme  d'argent  :  d'autres  fois  on  donne  au  furvi- 
TantL'  choix  de  certains  effets  en  nature  pour  fon 
Préciput ,  ou  d'une  fomme  d'argent  ;  &  dans  ce  cas , 
le  Préciput  en  nature  peut  excéder  la  fomme  d  ar- 
gent dont  on  a  laifféle  choix  au  fiirvivant ,  pourvu 
néanmoins  qu'il  n'y  ait  pas  de  fraude  ou  une  trop 
grande  difproportion ,  comme  on  vient  de  le  voir. 
On  peut  même  donner  tout  à-la-fois  ces  deux  lor- 
tis  de  Préciputs ,  en  convenant,  par  exemple,  que 
le  furvivant  aura  ,  en  cas  de  furvis  ,  par  Préciput  , 
la  fomme  de  tant ,  &  en  outre,  fes  habits,  linges  & 
b-ijoux. 

Quelquefois  enfin  on  convient  que  le  furvivant 
des  futurs  époux  prendra  ,  outr;  les  habits  ik  lin- 
ges fervant  à  fon  ufage  ,  par  Préciput ,  tels  meubles 
6-  effets  mobiliers  qnit  voudrs  choifir ,  fiùvant  la  pri- 
fce  de  ritiventdire  qui  en  fera  fait  ,  &  fans  y  ajouter 
la  crue  ,  jufquà  la  concurrence  Je  la  fomme  de  ....  ou 
ladite  fomme  en  deniers  comptans  ,  à  fon  choix  ;  en 
ce  cas ,  il  ne  peut  y  avoir  de  difficulté  à  fixer  ce 
qui  peut  entrer  dans  le  Préciput  en  nature. 

§.  ïll.  De  la  manière  de  percevoir  le  Préciput  con' 
vtntiûnnel ,  de  la  nature  &  des  efas  de  cette  con' 
vention. 

Lors  du  partage  de  la  communauté,  la  femme 
ou  fes  héritiers  reprennent  d'abord  ,  comme  on 
lait ,  les  deniers  ftipuiés  propres ,  Se  fes  remplois  ; 
eofuite  le  mari  ou  les  héritiers  reprennent  de  même 
fes  deniers  iHpuléi  propres,  &  ce  qui  lui  eft  dû  à 
titre  de  remploi.  Il  ell  évident  que  ces  fortes  de  re- 
pnfes  doivent  paiTer  avant  la  Préciput,  parce  que 
ce  font  des  objets  étrangers  à  la  communauté,  qu  il 
laut  par  conféquent  en  difirairc  avant  d'y  prélever 
le  Préciput. 

Il  faut  encore  régler  auparavant  les  récompcnfes 
&  les  indemnités  qui  peuvent  être  dues  A  la  com- 
munauté, tant  de  la  part  du  mari  que  de  celie  de 
la  femme  ou  de  leurs  hériricis  ,  fi  on  nen  a  pas 
fait  le  rapport ,  avant  minie  de  prendre  fur  la  com- 
nuinauté  les  deniers  réahfés  de  l'un  ou  de  l'autre 
des  conjoints,  Qi.  ce  qui  leur  cil  dix  à  titre  de  rem- 
ploi. 

Ce  n'eft  qu''après  tout  cela  ,  &  même  après  avoir 
diilrait  encore  toutes  les  charges  de  la  commu- 
nauté envers  des  étiangers ,  qu'on  prélève  le  Pré- 
ciput fur  le  refiant  quiYorme  la  véritable  mafTe  de 
la  communauté.  Ainfi  le  Survivant  ne  prend  fon 
Préciput  que  pour  moitié  fur  la  part  du  prédécédé, 
il  confond  l'autre  moitié  en  lui-même  ,  puifqu  il  a 
moitié  dans  ce  qu'il  prélève  pour  fe  remplir  de  fon 
Préciput ,  foit  que  ce  drt»it  confiûe  dans  une  fom- 
lomt  XIIJ, 


PRÉCIPUT  CONVENTIONNEL;   249 

me  en  argent ,  foit  qu'il  ait  pour  objet  des  effets  en 
nature. 

Lors  même  qu'il  efl;  ftipulé  expreffément  par  le 
contrat  de  mariage  que  le  Préciput  fera  payé  au 
furvivant  fur  la  portion  du  prédécédé,  il  faut  tou- 
jours commencer  par  reprendre  les  dtr.iers  flipulés 
propres  ,  les  remplois ,  &  les  articles  de  récom- 
pcnfe  ou  d'indemnité  de  chacun  des  conjoints.  On 
procède  enfuite  au  partage  par  moitié  de  tout  le 
I elle  de  la  communauté  ,  pour  attribuer  au  furvi- 
vant fon  Préciput  plein  fur  la  moitié  du  prédécédé  , 
avec  les  dons  &  avantages  qu'il  en  auroit  reçus. 

Dans  tous  les  cas  ,  les  dettes  doivent  être  préle- 
vées fur  la  maffe  de  la  communauté  ,  ou  fe  payer 
par  moitié  entre  le  furvivant  &  les  héritiers  du 
predécédé,  fans  que  le  furvivant  puifTe  être  tenu 
de  rien  payer  au-delà  de  fa  moitié,  fous  prétexte 
de  {&n  Préciput. 

Si ,  après  qu'on  a  exercé  refpe(flivement  la  re- 
prifedes  remplois  &  des  deniers  flipulés  propres  ,' 
il  ne  refloit  rien  dans  la  communauté,  le  Précipuf 
feroit  caduc  ;  s'il  refl:oit  feulement  de  quoi  remplir 
le  furvivaiu  d'une  partie  de  fon  Préciput,  ce  droit 
feroit  caduc  pour  le  furplus  ,  parce  qu'il  ne  fe 
prend  que  fur  les  effets  de  la  communauté.  Mais 
ne  reftùt-il  que  ce  qui  feroit  néceiTa'n-e  pour  rem- 
plir le  furvivant,  il  preadroit  h  totalité  de  fon  Prér 
ciput. 

Tout  cela  a  liau  dans  le  cas  même  où  le  Préciput 
doit  fe  prendre  fur  la  portion  du  prédécédé.  Elle 
peut  bien  être  abforbée  entièrement  par  le  Préciput 
du  furvivant  ;  mais  il  ne  peut  rien  prétendre  à  ce 
titre  fur  les  biens  de  la  fucceffien  du  prédécédé  , 
qui  ne  faifoient  point  partie  de  la  coinmunauté.  II 
huidroitune  clauie  exp relie  ,  pour  que  le  Préciput 
fe  prélevât  fur  les  biens  particuliers  du  prédécedé  , 
ai  cette  claufe  même  feroit  moins  v.n  Préciput 
qu'un  avantage  particulier  qui  fuivroit  d'autres  rè- 
gles. 

Il  en  feroit  de  même  dans  le  cas  où  11  auroit  été 
convenu  que  la  femme  prendroit  fon  Préciput ,  en 
cas  de  furvie ,  même  en  renonçant  à  la  commu- 
nar.té.  Dans  ce  cas  ,  fi  elle  accepte ,  le  Préciput  ne 
changera  pas  de  nature,  &  fera  toujours  borné  à  la 
communauté;  mais  fi  elle  renonce  ,  elle  exercera 
le  Préciput  comme  une  donation  fimple  ,  d'abord 
fur  la  communauté,  &  fubfidiairement  furies  pro- 
pres du  mari.  C'eff  ainfi  que  ledécideat  le  Brun  & 
Poîhierdans  leurs  traités  de  ia  communauté  ,  Bour- 
jon  dans  fon  droit  commun,  Vallin  fur  l'art.  46  , 
|.  3  ,  n'\  85  de  la  coutume  de  la  Rochelle. 

Lorfque  le  furvivant  a  le  droit  de  prendre  des 
meubles  en  nature  ,  fuivant  la  priféede  l'inventaire 
&  fans  crue  ,  jufqu'à  concurrence  d'une  certaine 
fomme,  il  peut  empêcher  les  héritiers  du  prédé- 
cédé de  faire  vendre  les  meubles  qu'il  a  choifis  juf- 
qu'à concurrence  de  cette  fomme.  Mais,  comme 
l'obferve  fort  bien  BourjoH  (  ibid.  titre  delà  com- 
naunauté  ,  partie  7  ,  fcâ.  i  ,  n°^  9  &  10  )  ,  d'après 
Dupleffis,  cela  ne  pewt  pas  empêcher  les  créan; 

I  i 


250   PRÉCîPUT  CONVENTIONNEL; 

ciers  d'en  provoquer  la  vente  ,  parce  que  les  meu- 
bles n'ont  pas  de  luite  par  hypothèque. 

Le  fiuvivant  vient  dans  ce  cas  à  contiibutiori  fur 
ces  meubles,  non-feulement  pour  la  femme  à  la- 
quelle fon  Préciput  en  meubles  étolt  fixé  ,  mais 
encore  pour  le  quart  en  fus.  Outre  l'adion  en 
contribution  fur  les  meubles  vendus  ,  la  veuve  a  , 
pour  le  Préciput ,  hypothèque  fur  les  immeubles 
du  mari ,  du  jour  du  contrat  de  mariage.  Cette  hy- 
pothèque ,  qui  a  lieu  pour  toutes  fes  reprifes  ,  doit 
s'étendre  au  Préciput  comme  à  toutes  les  nucres  , 
puifqu'il  eft  dans  ce  cas  une  véritable  reprife. 

L'arrêt  du  4  juillet  1620  ,  rapporté  par  Bardct  , 
tome  I  5  liv.  3  ,  chap.  54  ,  l'a  ainlî  jugé  ,  &  tel  cft 
l'ufage  conftant  du  châtelet.  Bourjon  ,  qui  attefte 
cet  ufage  (  titre  de  la  communauté,  partie 7  ,  chap. 
2  ,  n°.  89  ),  obferve  que  ce  droit,  ejuoiqudvanta>^s 
dans  [a  (ource  ,  devient  ^  par  fon  exécution  ,  une  vraie 
créance. 

Le  Préciput  n'a  pas  néanmoins  la  même  faveur 
«jue  le  douaire  ,  &  les  intérêts  n'en  peuvent  être 
dus  que  du  jour  de  la  demande,  fuivant  la  jurif- 
prudence  conluinte  du  cliàtelet  ,  attel'tée  encore 
par  Bourjon  ,  au  même  chap,  n".  79.  C'cft  auffi  le 
îéniiment  de  le  Brun  dans  fon  traité  de  la  com- 
munauté. 

Les  mêmes  auteurs  obfervent  avec  raifon  ,  que 
Je  Préciput  légal  des  nobles ,  dont  on  a.  parlé  d^ns 
l'art,  précédent,  n'eft  pas  un  obflacle  au  Préciput 
conventionnel  ,  &  qu'ils  concourent  enfemble  , 
parce  qu'ils  font  réclamés  à  deux  titres  difîerens  ; 
l'un  en  vertu  de  la  loi,  l'autre  en  vertu  de  la  con- 
vention. Mais  on  fent  que  lorfque  le  Préciput  con- 
ventionnel a  pour  objet  des  meubles  en  nature  , 
qui  fe  trouvent  auflî  être  l'objet  du  Préciput  l^gal, 
l'exercice  de  l'un  de  ces  droits  exclut  néceffairement 
Texercice  de  l'autre ,  foit  pour  le  tout ,  foit  pour 
partie  ,  quand  la  totalité  du  Préciput  convcnrion- 
rel  n'a  pas  pour  objet  des  meubles  fujets  au  Préci- 
put légal, 

11  faut  obferver  enfin ,  avec  M.  Pothier  (traité  du 
contrat  de  mariage  ,  n*,  «549  )  ,  que  le  Préciput  con- 
ventionnel,  à  la  différence  du  Prcciput  légal,  e{[ 
fujct  à  la  réduélion  de  l'édit  des  fécondes  noces  , 
quelque  fréquente  qu'en  foit  la  convention  ,  parce 
que  les  difpofuions  de  cet  édit  s'étendent  à  tous 
les  avantages  que  les  conjoints  peuvent  fe  faire  , 
lors  même  qu'ils  font  mutuels.  Lors  donc  qu'on 
eft  convenu  ,  dans  le  contrat  de  mariage  d'une 
veuve,  que  le  furvivant  aura  par  préciput  une 
certaine  fomme  ,  par  exemple  ,  trois  mille  livres  , 
&  ciue  le  mari  furvit ,  cette  convention ,  en  cas 
«l'acceptation  de  la  communauté,  renferme  un  avan; 
tage  au  profit  du  fécond  mari  furvivant ,  de  la 
inoitié  de  cette  fomiKe  ,  &  cet  avantage  eft  fujet  à 
la  réduéli'-n  de  l'édit,  fi  la  portion  de  lenfant  moins 
prenant  monte  à  moins  que  la  fomme  de  quinze 
cens  livres  ,  moitié  du  Préciput. 

Par  la  même  raifon  ,  fi  le  contrat  de  maîiage  où 
fe  trouve  cette  convention  de  préciput ,  porte 


PRÉCIPUT  CONVENTIONNEL. 

aufll  une  donation  de  part  d'enfant  au  profit  du  fe* 
cond  mari,  il  ne  peut  plus  prendre  de  Préciput , 
parce  que  la  part  d'enfant  qui  lui  a  été  donnée 
comprend  tout  ce  qu'il  a  été  permis  à  la  femme 
de  lui  donner. 

Lorfque  c'eft  un  homme  veuf  qui  a  époufé  une 
féconde  femme  ,  laquelle  a  furvécu  ,  la  convention 
de  Préciput  forme  pareillement ,  au  profit  de  cette 
femme  ,  un  avantage  de  la  moitié  de  la  fomme 
convenue  pour  le  Préciput  du  furvivant;  &  fi  elle 
renonce  à  ia  communauté  ,  &  qii'il  y  ait  claufe 
qu'elle  aura  {on  Préciput,  même  en  cas  de  renon- 
ciation à  la  communauté  ,  la  convention  du  Préci- 
put forme  en  ce  cas,  au  profit  de  la  féconde  f.-m- 
me  ,  un  avantage  de  toute  la  fomme  corivcniie 
pour  le  Piécipuï  ;  dans  les  deux  cas ,  l'avantage 
eft  fujet  à  la  rédutTiion  de  1  édit. 

A  tout  autre  égard  néanmrîins  ,  le  Préciput  con- 
ventionnel efl  pluiôî  regardé  comme  convecstion 
de  mariage  ,  que  comme  donation ,  &.  en  confé- 
quence  ,  M,  Pothier  dit  qu'e//c  ri'</?  pasfujate  à  la 
formalité  de  rinfnuation ,  fuivant  la  déclaration  du 
25  juin  1729  ,  &  l'art.  2.1  de  l'ordonnance  de  1731  ; 
mais  cela  n'eft  pas  tout-à-fait  cxaél;. 

L'art.  21  de  l'ordosuance  de  1731  ,  dit  feulement 
que  la  peine  de  nullité  proooncée  à  défaut  d'infl- 
nuation  des  donations  autres  que  celles  qui  font  fai- 
tes en  ligne  direcfe  par  contrat  de  mariage  ,  n'aura 
pas  lieu  néanmoins  à  l'espar d  des  dons  mobiles  ,ejint 
de  noces  &•  de  furiie,  dans  les  pays  vu  :ls  ion-  en 
ufaoe  ;  à  regard  de  tontes  lefquciies  ftipu^ aiions  ou 
conventions  ,  à  (quelque  fomme  ou  valeur  cjutihs  1  uif' 
fent  monter  la  déclaration  du  z^  juin  iyz<)  fera  exé- 
cutée juivant  fa  fcnne  &  teneur. 

Le  Préciput  conventionnel  doit  bien  être  ccifé 
compris  fous  ce  nom  de  p,ai;ts  Je  noces  &  .te  fwv.,  ; 
mais  la  déclaration  du  2^  juin  1729,  à  laquelle 
renvoie  Tôrdonnance  de  173 1  .  en  les  exemptant 
aufîî  de  la  peine  de  nullité  ,  aioute  ,  «  que  ceux  qui 
»  auront  négligé  de  fatisfaire  à  cette  f'^rmalité, 
M  n'ont  dû  &  ne  doivent  être  regardés  que  comme 
»  fujets  aux  autres  peines  prononcées  par  les  édit  s  6» 
M  d'iclarations  v.  Ainfi  l'exemption  de  la  peine  de 
nullité  prononcée  par  ces  deux  loix  ,  ne  s'étend  pas 
aux  peines  pécuniaires  prononcées  par  l'édit  du 
mois  de  décembre  1703  .  &.  la  décLiration  du  20 
mars  1708,  comme  Furgole  &  du  RoufTeau  de 
Lacombe  ont  eu  foin  de  le  remarquer  dans  leurs 
commentaires  fur  l'article  21  de  l'ordonnance  de 

yoye{  les  autorités  citées  ,  &  les  articles  COM- 
MUNAUTÉ ,  Préciput  légal  ,  Secondes  Noces  , 

&C.  (^Article  de  M.  GaRRAN  DE  COVLON, 
avocat  au  parlement  ). 

PRÉCIPUT  D'AINÉ.  On  appelle  ainfi  l'avan- 
rare  que  la  plupart  des  couturacs  attribuent ,  dans 
certaines  efpèces  de  biens  ,  à  l'un  des  co-hé'itiers, 
&  fur-tout  à  l'aîné  de  plufieurs  enfans,  par-def- 
fi)S  les  autres,  avec  lefquels  néanmoins  il  partage 
le  reilc  des  mêmes  biens ,  foit  également, foit  en 


PRÉCIPUT  D'AINÉ. 

y  prenant  une  portion  avantagenfc. 

11  faut  donc  bien  diftingu'er  ce  Préciput ,  de  la 
portion  avantageufe  que  Iseaucoup  de  coutumes 
accordent  à  l'ainé  ,  quoique  piufjeurs  auteurs  ,  & 
trop  fouvent  le  texte  des  coutumes  même ,  aient 
confondu  ces  deux  droits.  Le  Pi éciput  appartient 
en  totalité  à  l'aîné  feul  ,  qui  doit  le  prendre  avant 
toute  efpèce  de  partage.  Il  ne  fait  point  partie  de 
l'avantage  qui  lui  eft  attribué  dans  le  partage  ;  en 
forte  que  l'aîné  a  encore  les  deux  tiers,  la  moitié  , 
ou  telle  autre  portion  avantageufe  que  les  coutu- 
mes lui  attribuent  fur  tout  ce  qui  refte  après  le  pré- 
lèvement de  fon  Préciput. 

Pour  mettre  de  l'ordre  dans  cette  matière ,  on 
traitera  dans  quatre  fedîions,  i".  des  fucceffions 
gui  font  fujettes  au  Préciput  d'aîné  ;  2".  des  per- 
ionnes  auxquelles  ce  Préciput  peut  appartenir; 
3°.  des  biens  qui  y  font  fujets,  &  s'il  peut  y  en 
avoir  plus  d'un  dans  une  même  fucceffion  ;  4°.  en- 
fin ,  du  Préciput  de  la  branche  aînée  dans  le  par- 
tage des  fucceffions  qu'on  recueille  à  titre  de  repré- 
fentation  ,  &  de  celui  de  l'aîné  de  chaque  branche 
dans  la  fubdivifion  des  lots. 

On  n'expliquera  point  ici  en  quoi  confifte  le 
Préciput ,  ni  quelles  en  font  les  charges.  De  ces 
deux  objets ,  le  dernier  a  été  traité  fous  l'article 
Dettes  ,  &  le  fécond  fous  l'article  Aîné.  On  ren- 
verra de  même  à  ce  dernier  article  plufieurs  quef- 
tions,  à  l'égard  defquelles  il  n'y  a  point  de  diffé- 
rence entre  le  Préciput  8c  les  autres  avantages  que 
Igs  coutumes  accordent  aux  aînés. 


Section 


PREMIERE. 


Des  JucceJJlons  fujettes  au  Préciput, 

Suivant  le  droit  commun,  énoncé  dans  les  art. 
1^  &  331  de  la  coutume  de  Paris  ,  le  Préciput 
n  a  lieu  que  dans  les  fucceffions  recueillies  en  li- 
gne dire^le.  Mais  ce  droit  y  eft  admis  indiflinc- 
tement  dans  les  fuccefiions  des  perfonnes  de  tout 
état,  fans  qu'il  y  ait  de  différence  entre  les  héri- 
tiers nobles  &  ceux  qui  font  roturiers.  Plufieurs 
coutumes  ont  néanmoins  des  difpofitions  contraires 
fur  ce  dernier  objet. 

On  en  parlera  dans  la  feflion  fuivante  ,  en  trai- 
tant ce  qui  concerne  cette  qualité  de  noble  ou  de 
roturier  ,  relativement  au  Préciput. 

Vn  affez  grand  noinbre  de  coutumes  fe  font  auflî 
écartées  des  difpofitions  de  celle  de  Paris,  en  ce 
qu'elle  accorde  le  Préciput  avec  une  portion  avan- 
tageufe à  l'aîné  dans  les  fucceffions  qui  viennent 
en  ligne  direde;  on  peut  les  ranger  fous  deux 
claffes  gériéralcs,  qui  préfentcnt  néanmoins  bien 
des  variétés.  Quelques-unes  ontreftreint  celles  des 
fucceffions  où  le  Préciput  peut  avoir  lieu  ,  d'au- 
tres ont,  an  contraire,  étendu  le  nombre  de  ces 
fucceffions. 


PRÈCÎFUT  D'AIN  È.  151 

PrEMIÈP.E  classe.  Coutumes  qui  ont  reflreint  le 
nombre  des  fuccejfions  où  le  Préciput  peut  avoir 
lieu. 

On  doit  y  mettre  les  coutumes  qui  n'accordent 
qu'un  Préciput  dans  la  fuccefîlon  du  père  ou  de  la 
mère  feulement  ;  par  exemple ,  fuivant  les  art.  347 
&  348  de  la  coutume  de  Normandie,  lorfqtie  les 
fucceffions  paternelle  &  maternelle  font  toutes 
deux  ouvertes  avant  que  l'aîné  ait  fait  choix  de 
lon  Préciput  en  jugement ,  ou  gagé  partage  à  [es 
frères  en  celle  qui  premièrement  était  échue  ,  elles  font 
cenfufes  &  réputées  pour  une  feule  faccejfion ,  telles 
ment  que  l'ainé  na  qu'un  Préciput  en  toutes  les  dnux. 
Mais  fi  Vaine  a  fait  judiciairement  déclaration  dit 
fief  qu  il  prend  par  Préciput  ^  ou  gagé  partage  à  fes 
puînés  avant  L'échéance  de  la  féconde  fucceffion  ,  il 
aura  Préciput  en  chacune  des  deux  ,  encore  que  le  par- 
tage n'ait   été  aâuell'.mcnt  fait. 

Telle  eft  encore  la  coutume  d'Auxerre ,  qui  porte 
dans  l'art.  55  :  <c  Et  fi  en  chacune  des  fucceffions 
»  des  père  &  mère  y  a  fiefs  ,  le  fils  aine  ne  pourra 
î»  prendre  droit  d'aîneffe  qu'en  l'une  defdites  fuc- 
5>  ceffions ,  à  fon  choix  &  option,  tellement  que 
»  fi  ,  par  la  mort  de  l'un  defdits  père  &  mère  , 
5»  il  prend  (on  droit  d'aîneffe  en  la  fucceffion  du 
"  prédécédé  durant  la  vie  de  l'autre  ,  pourra  néan-^ 
»  moins,  après  le  décès  du  furvivant ,  prendre 
M  fon  droit  d'aîneffe  au  fief  dudit  derniét-tlécédé  ; 
)>  en  fe  déportant  du  droit  d'aîneffe  ,  cp'il  avoit 
)>  premièrement  pris  ». 

La  coutume  de  Bar,  qui  n'accorde  à  l'aîné  d'au- 
tre avantage  que  le  Préciput ,  dit  auffi  ,  dans  l'art,' 
115,  «  que  le  fils  aîné  n'aura  en  fucceffion  de 
)»  père  &  de  mère ,  à  fon  choix,  audit  bailliage, 
)»  qu'un  droit  d'aîneffe  ». 

L'article  97  de  la  coutume  d'Orléans  ,  la  cou- 
tume de  Château-Neuf  en  Thimerais  ,  article  5  ; 
celle  de  Châteaudun  ,  article  3  ,  &  quelques  autres 
coutumes  locales  de  celle  de  Blois,  ont  auffi  la 
même  difpofition  ,  en  accordant  au  fils  aîné  le  droit 
de  changer  le  manoir  qu'il  auroit  pris  par  Préciput 
dans  la  fucceffion  du  prèdécéJé  foit  fon  père  ou  fa 
mère  ,  contre  l'un  de  ceux  qu'il  trouvera  cnfuue 
dans  la  fuccefiion  du  dernier  décédé  des  deux.  Ce 
privilège  doit  fe  fuppléer  dans  les  coutumes  d  Or- 
léans ,  de  Bar  ,  &  dans  toutes  celles  qui  ont  des 
difpofitions  femblables.  Tel  eft  l'avis  de  M^  Po- 
thier. 

La  coutume  de  Château-Neuf  ajoute  encore  , 
que  ««  s'il  y  a  un  feul  manoir  féodal  procédant 
)>  de  racquilition  du  père  ou  de  la  mère  ,  ou  autre- 
»  ment,  en  quelque  manière  que  ce  foit,  le  fils 
»  aîné  le  prendra  intégralement  pour  fon  principal 
»  manoir ,  après  le  trépas  de  fes  père  &  mère  , 
j>  fans  que  fes  autres  frères  &  fœurs  y  puiffent 
»  rien  prétendre  ne  demander  de  ce  qui  en  fera 
»  échu  d«  la  fucceffion  de  la  mère  ». 

Les  autres  coutumes  dont  on  vient  de  parler  ne 
difent  rien  de  fcmblable;  &  quoique  le  principal 

liij 


251 


pRÉcipuT  D'ainé; 


objet  qu'elles  ont  en  attribuant  un  Préciput  à  l'aîné, 
foit  de  lui  afTurer  une  habitation  honorable  dans 
le  fief,  la  décifion  de  la  coutume  de  Château- 
Neuf  peut  y  foufFrir  beaucoup  de  difficultés  ,  puil- 
qu'elles  n'accordent  de  Préciput  que  dans  l'une  des 
deux  fucceflions. 

La  coutume  de  Dreux  paroît  être  auiïl  dans  la 
même  clafîe  que  toutes  les  coutumes  précédentes. 
Elle  porte  dans  l'article  ■^  :  "  Le  fils  aîné ,  entre  plu- 
n  fieurs  enfans  ,  pour  fa  part  &  portion  de  pcre  ou 
3>  de  mère  ,  doit  avoir,  pour  ion  droit  d'ainefi'e,  le 
»  principal  manoir  &  arpent  Si.  demi  de  terres  ,  ou 
3»  environ  icelui ,  s'ils  y  font ,  ou  le  vol  d'un  cha- 
*»  pon  ,  avec  la  moitié  de  tous  les  fiefs ,  &  l'autre 
3>  moitié  appartiendra  aux  autres  enfans  ;  &  s'il 
»)  advient  qu'ils  ne  foient  que  deux ,  &  il  y  *a  un 
5>  fils ,  tel  fils  doit  avoir  les  deux  tierces  parties 
»  avec  le  principal  manoir,  &  le  puîné  le  tiers  feu- 
5)  lement ,  6»  il  n'y  a  qu'un  droii  d'aiuejfe  ,  quant  au 
»  principal  manoir  n. 

Dumoulin  veut  néanmoins ,  dans  (^on  apoftille 
fur  cet  article  ,  que  cela  n'ait  lieu  que  dans  le  cas 
cù  le  père  &  la  mère  font  communs,  c'efl  -  à  - 
dire  ,  où  tous  les  enfans  font  frères  germains.  Il  en 
feroit  autrement,  dit-il,  fi  celui  dans  la  fucceilîon 
duquel  l'aîné  a  pris  an  Préciput  n'étoit  pas  un  au- 
teur commun  ,  mais  d'un  autre  mariage.  «  Id  eft 
ra  (dit-il  fur  ces  mots  principal  manoir) ,  fi  illud 
3>  accepït  in  fuccejfione  communis  patris  ,  non  débet 
w  rursùs  aliam  principalem  mtnfionem  capere  in  fuc- 
9»  cejjîone  communis  ma: ris ,  6"  è  contra.  Secùs,fipa- 
•3»  rens  y  in  cujus  juçcejfione  acccpit  y  non  ejjet  com- 
»  munis  ,  feJ  alterius  matrimonii  n. 

Dumoulin  fonde  fans  doute  cette  décifion  fur 
Tarticle  89  de  la  même  coutume,  qui  dit ,  qu'aux 
3)  enfans  du  premier  mariage  appartiennent  les 
7>  propres  tenus  en  fief,  &  aux  enfans  du  fe- 
j>  cond  mariage  les  conquêts  tenus  en  fief».  Mais 
la  néceffité  de  cette  conféquence  ne  paroît  point 
fenfsble;  car  cette  difiinflioa  n'a  rapport  ni  au  prin- 
cipal manoir,  ni  même  aux  fiefs  qui  appartenoient 
particulièrement  à  l'auteur  non  commun.  On  ne 
peut  pas  conclure  non  plus  de  ce  que  les  enfans 
du  fécond  lit  n'ont  rien  eu  dans  les  fiefs  où  l'aîné 
a  déjà  pris  fon  Préciput,  qu'il  doive  en  prendre 
un  fécond  dans  les  biens  provenus  de  l'auteur 
commun. 

Lorfque  les  coutumes ,  comme  celle  de  Paris , 
attibuent  à  l'aîné  un  principal  manoir  à  titre  de  Pré- 
ciput, dans  chacune  des  deux  fuccefiions  de  père 
&  de  mère  ,  ou  des  autres  afcendans  ,  Dumoulin 
penfe  aufii  que  l'aîné  doit  prendre  à  ce  titre  deux 
jnaifons  dans  le  fief  qui  a  été  acquis  à  titre  de  con- 
quèt  dans  la  communauté  de  fon  pireSc  de  fa  mère, 
s'il  s'y  trouve  plufieurs  maifons  deftlnées  à  l'habi- 
tation. «  Ideo  ,  dit-il  ,  /  fint  duce,  menfiones  in  illo 
T>  feudo ,  utramque  h^bebit  primogenitus  ,  unam  ref- 
j>  peEtu  fuccejfionts  patris  ^  alteram  TefpedufucceJJionis 
sy  matris  ». 

D'autres  auteurs  oat  adopté  cette  décifion.  Ils 


PRÉCIPUT  D'AÎNÉ; 

foHticnncnt  même  afTcz  conféquemment,  que  lorf-t 
qu'il  n'y  a  pas  de  manoir  principal  dans  le  fief  ac- 
quis durant  la  communauté  ,  l'aîné  peut,  en  faifant 
ufage  de  la  faculté  qui  lui  eft  accordée  par  TarticFe 
18  ,  prendre  deux  arpens  dans  ce  fief,  l'un  ,  comme 
dépendant  de  la  fucceflîon  paternelle  ,  &  l'autre  , 
comme  dépendant  de  la  fuccefiîon  maternelle  ;  en- 
fin ,  que  lorfqu'il  y  a  un  feul  manoir  dans  le  fief, 
l'aîné  peut  le  prendre  en  totalité  pour  le  Préciput 
de  l'une  des  deux  fuccefiions  ,  avec  l'arpent  de 
terre  de  l'enclos  ou  jardin  joignant  ledit  manoir, 
fuivant  l'art.  13  ,  &  prendre  en  outre  ,  pour  le  Pré- 
ciput de  l'autre  fuccefiîon ,  un  arpent  de  terre  en 
tel  lieu  qu'il  voudra  choifir,  à  défaut  de  manoir, 
fuivant  l'art.  18. 

Brodeau  eft  de  cet  avis  dans  fon  commentaire 
fur  l'article  i<^  ,  n°  4  :  u  Car,  dit-il,  bien  que  le 
»  fief  de  conquêts  foit  indivis,  n'y  ayant  point  de 
M  partage  fait  entre  les  enfans  ,  ce  néanmoins, 
»  y  ayant  deux  fucccfûons  à  partager,  on  pré- 
»  fume  que  ce  font  en  effet  6t  en  vérité  deux 
M  fiefs  »  (i), 

Dupleffis,  traité  des  fucceffions,  liv.  1  ,  ch.  2," 
penfe  au  contraire  que  dans  tous  ces  cas  indiftinc- 
tement ,  llaîné  ne  peut  prendre  qu'un  feul  manoir 
&  fes  dépendances,  ou,  à  défaut  de  manoir,  un 
feul  arpent  pour  les  deux  fiicceftlons.  Il  en  donne 
une  raifon  qui  eft  frés-folide,  "  C'eft  que  le  Préci- 
)>  put  eft  le  principal  manoir  en  fief  de  la  fuccef- 
»  fion  du  père  ;  la  fucceftion  n'a  que  la  moitié  par 
»  indivis  dans  ce  principal  manoir.  Donc  il  eft 
»  vrai  de  dire  que  cette  moitié  eft  le  Préciput  de 
»  la  fiiccefiion  du  père ,  &  que  l'autre  moitié  eft 
»  la  fucceftîon  f!e  la  mère  ». 

L'opinion  de  Dupleffis  a  été  adoptée  avec  raifon 
par  le  Maître  fur  la  coutume  de  Paris ,  &  parGuyot 
dans  fon  traité  des  fiefs. 

Seconde   classe.   Coutumes   qui  ont  étendu   le 
nombre  des  juccefiions  où  le  Préciput  a  lieu. 

On  doit  mettre  en  tête  de  cette  clafi"e  les  cou- 
tumes qui  accordent  le  Préciput  non  -  feulement 
dans  les  fucceffions  de  ligne  direéle  ,  mais  au/îî 
dans  celles  de  ligne  collatérale.  Telles  font  les 
coutumes  d'Angoumois ,  art.  90  &  91  ,  &  de  Poi- 
tou, art.  295. 

Et  même  dans  plufieurs  autres  coutumes  ,  l'aîné 
mâle,  &  l'aînée  femelle, ,  à  défaut  de  mâle  ,  a  plus 
d'avantage  encore  en  ligne  collatérale  qu'en  ligne 
diiefle.  Ainfi ,  dans  les  coutumes  deTours&de 
Loudunois  ,  l'aîné-  ou  l'aînée  ,  n'a  qu'un  Préciput 
&  les  deux  tiers  des  fiefs  en  ligne  direfte  ,  tant  en- 
tre nobles  qu'entre  roturiers,  lorfqu'ils  partagen, 

(i)  Cet  auteur  ferable  n:aBnnoinspJus  haut  contredire  la  gé- 
néralité de  cette  décifion  ,  &  n'accorder  ce  priviJége  à  l'aîné 
q\it  c<  lorfcu'aprh  h  décès  du  premier  movran:  il  y  eût  eu  par- 
»  t£ge  fuit  entre  le  furvivant  b"  les  enfans  dv  préJécédê.  Car»- 
>3  dit-il  ,  les  cbofes  n'étant  plus  coriimunes  &  indivife»  , 
n  l'aîné  prendroic  pour  Ton  Préciput  un  manoir  en  cbaci^ne 
»  iuminva  ,  i'il  s'y  en  reoccmiroi;  daas  les  biciu  ». 


FRÊCIPUT  D'AlNÈ. 

lioblement  les  fiefs  venus  à  la  tierce  foi.  Mais,  Ail- 
vant  l'article  289  de  la  coutume  de  Tours  ,  6c  Tar- 
tide  correfpondanc  de  celle  de  Loudunois ,  «■  entre 
«  nobles  ,  les  fucccflîons  collatérales  viennent  à 
>i  l'ainè  ou  aince ,  ou  leurs  reprèfentans ,  &  n'y 
j»  prennent  rien  les  puînés ,  fors  en  deux  cas;  l'un  , 
ï>  quand  les  puînés  tiennent  leurs  partages  enfem- 
J3  ble  ;  l'autre  ,  quand  la  iucceïïîon  naît  Ci  procède 
j)  du  frère  aîné  ou  autres  parens  ,  chefs  de  ligne  ou 
j>  fouche  dont  ils  font  dcfcendus  ,  ou  de  Icurldits 
»  rcpréfentans  ,  laquelle  fucceifion  advenant ,  au- 
«  dit  dernier  cas  ,  tous  les  membres  en  font  abreu- 
n  vés  ,  &  en  aura  l'ainè  les  deux  parts  à  l'avantage 
»  (  outre  le  Préciput  ) ,  comme  en  fuccelîion  di- 
i>  rcde  ,  &  tous  les  puînés  le  tiers  ^j. 

11  efl;  évident  que  ces  exceptions  ne  font  que 
confirmer  la  règle  ,  puifquc  les  fuccefiîons  collaté- 
rales font  coniidérées  évidemment  dans  ces  deux 
cas  comme  àss  fuccefiîons  direélçs. 

La  coutume  de  Pcronne  veut  aufiî ,  dans  les  ar- 
ticles 178,  179  &  187  ,  que  l'aîné  mâle,  ou, à  dé- 
faut de  mâle,  l'ainéa  femelle,  plus  prochaine  du 
décédé,  recueille  tous  les  fiefs,  tant  entre  nobles 
qu'entre  roturiers.  Mais,  fuivant  les  articles  180, 
,181  &  182  ,  l'aîné  entre  roturiers  n'a  pour  fon  Pré- 
ciput ,  en  fucceffion  de  père  &  de  mère ,  que  U 
chef-lieu  6"  manoir  feigneunal ,  tel  qu'il  voudra  ckoifir, 
avec  la  bajje-cour ,  fojfcs  ,  jardins  ,  clôtures  &  pour- 
pris  anciens ,  &  une  portion  avantagenfe  de  la  moi- 
tié ou  des  deux  tiers  ,  félon  le  nombre  des  enfans  , 
dans  le  furplus  des  fiefs ,  comme  dans  la  coutume 
de  Paris. 

L'article  169  laifîe  de  même  entre  nobles  un 
quint  hèrédital  aux  puînés  ,  en  attribuant  à  l'aîné  , 
outre  les  quatre  autres  quints  ,  le  châttl  &  principal 
manoir  6*  pourpris  d'icelui ,  auxquels  les  puînés  ne 
prennent  rien. 

La  coutume  de  Noyon  ,  &  prefque  toutes  celles 
de  Picardie,  dont  on  parlera  aux  mots  Quint  hè- 
rédital &  Quint  viager  ,  ont  des  difpofitions 
peu  différentes. 

La  coutume  de  Bretagne  fait  une  autre  diftinc- 
tion  dans  les  articles  541  ,  543  &  546.  Elle  donne 
à  l'aîné  par  Préciput  le  château  &  principal  manoir 
avec  le  pourpris  ;  6c  en  outre,  une  portion  avanta- 
geufe  des  deux  tiers ,  tant  en  ligne  diredie  que 
pour  les  acquêts  &  autres  biens  nobles  n  étant  du  tige 
6*  tronc  commun  ,  qui  fe  trouveront  èsfncce/Jions  col- 
latérales. Mais  en  collatérale,  elle  veut  de  plus  que 
fainé,  ou  la  perfonne  qui  le  reprcfente ,  recueille  Jeiil 
r héritage  ,  fiefs ,  6*  autres  chofes  qui  auront  procédé 
du  tige  «S*  du  tronc  commun  ,  &  qui  auront  été  baillés 
par  l'aîné  ,  ou  celui  qui  le  rcpréfente  ,  par  partage  à 
fts  puînés. 

Ges  derniers  mots  expliquent  les  fondemens  de 
cette  diAin^îion  bizarre  :  c'eft  qu'autrefois  les  puî- 
nés n'avoient  qu'une  portion  viagère,  qu'ils  étoient 
cenfés  avoir  xccyit  de  leur  aîné  à  titre  d'apanage. 
Encore  aujourd  hui ,  la  coutume  de  Péronne  ,  qui 
attribue  aux  puînés  en  ligue  Uirei^e  un  quint  héré- 


PRÉCiPUT  D'AÎNÉ. 


^55 


dltal  entre  nobles  ,  femble  indiquer  par  fes  cxprcf- 
'  fions,  qu'ils  tiennent  ce  quint  de  leur  aîné,  qui  a 
d'ailleurs  la  faculté  de  le  retirer  de  Iturs  mains , 
en  les  récompcnfant ,  foit  en  liéritrges  roturiers, 
s'il  y  en  a,  ou,  à  défaut  d'héiitages  roturiers,  en 
argent ,  dans  le  délai  de  trois  ans  après  la  fuccef- 
fion échue. 

Toutes  les  coutumes  de  Picardie  s'expliquent  de- 
là même  manière,  &  quelques-unes  même  n'ac- 
cordent encore  aux  puînés  qu'un  quint  viager  dans 
les  fiefs  en  ligne  directe. 

Les  coutumes  d'Anjou,  art.  229  ,  &  du  JVIaine  , 
article  246 ,  ont  pris  le  fyfiéme  contraire  ;  l'aine  , 
ou  l'ainée  ,  entre  nobles  èc  entre  roturiers  ,  dans  le 
cas  où  ils  partagent  noblement ,  y  a  feulement  fe 
Préciput  &  les  deux  tiers  en  ligne  collatérale  ;  mais 
en  ligne  direéie,  il  a  non-feulement  la  totalité  du 
principal  manoir,  à  titre  de  Préciput,  maïs  en- 
core la  propriété  du  furplus  des  fiefs ,  s'il  ny  a  que 
des  puînés  mâles.  Ces  deux  coutumes  laifient  feu- 
lement aux  puînés,  pendant  leur  vie,  un  tiers  en- 
tr'eux  tous  ,  à  titre  de  bienfait.  Les  filles  feules  , 
non  mariées  &  emparagées  noblement ,  ont  leur  pa>r- 
t  ion  des  fiefs  à  titre  de  propriété. 

Section    IL 

Des    pérfonnes    auxquelles    le   Préciput   d'aîné  pciil 
appartenir. 

On  peut  ranger  fous  trois  chefs  les  qualités  que 
les  coutumes  requièrent,  pour  que  l'un  des  héritiers 
prenne  le  Préciput.  Ces  qualités  font  en  effet  rela- 
tives ou  au  fexe  des  héritiers ,  ou  à  la  condition  des 
héritiers  &  de  leurs  auteurs,  ou  enfin  à  l'ordre  de 
leur  naiffance. 

L  Quant  au  sexe.  La  coutume  de  Paris  &  le 
plus  grand  nombre  des  autres  ne  donnent  le  droit 
d'aîneffe  ,  &  par  conféquent  le  Préciput ,  qu'à  l'aîné 
mâle.  L'article  19  de  celle  de  Paris,  dit  expreffé- 
ment ,  que  »  quand  il  n'y  a  que  fille  venant  à  fuc- 
)»  ccffion  dire6ie  ou  collatérale,  droit  d'aîneffe  n'a 
»  lieu  ,  &  partiffent  également  v. 

D'autres  coutumes  accordent  le  droit  d'aîneffe 
aux  femelles  comme  aux  mâles ,  avec  cette  diffé- 
rence néanmoins,  qu'en  ligne  direfle  le  mâle  eft 
toujours  préféré  aux  femelles  ,  pour  jouir  des  pré- 
rogatives de  l'aîneffe  ,  quand  même  il  feroit  né  le 
dernier  :  telle  efl  ladifpofition  des  coutumes  d'A- 
miens ,  article  71  ;  d'Angoumois ,  article  88  \  d'An- 
jou ,  article  247  ;  d'Artois  ,  articles  94  &  97  ;  de 
Boulonnois  ,  articles  63  Si  66  ;  de  Chauny  ,  arti- 
cle 72;  de  Loudun,  chapitre  27  ,  article  16;  du 
Maine,  article  243  ;  de  la  Rochelle,  article  54  ; 
de  Tours,  article  173  ,  &.  de  Saintonges ,  arti- 
cles 91  &  94. 

Les  coutumes  de  Clermont ,  articfts  83  ,  &  de 
Poitou,  article  296,  accordent  auffi  le  même  avan- 
tage à  l'aînée  entre  filles  ,  qu'à  l'aîné  rr.âle  ;  mais 
elles  diffèrent  des  précédentes ,  en  ce  qu'elles  re- 
[  fufent  à  la  fille  aînée  la  portion  avangeule  qu'elles 


^u 


PRÉCIPUT  DRAINÉ. 


accordent ,  outre  le  Préciput ,  à  rainé  mâle. 

LoiTque  les  coutumes  ne  fe  font  point  expli- 
quées fur  le  droit  d'aînefTe  &  le  Préciput  entre 
filles  ,  on  y  fuit  ordinairement  la  décifion  de  la  cou- 
tume de  Paris,  à  moins  que  l'ufage  eu  d'autres 
coutumes  voifines  ,  &  fort  analogues  à  la  coutume 
muette ,  n'engagent  à  fe  déterminer  en  faveur  de 
la  fille  aînée. 

Le  Brun  ,  livre  2  ,  chapitre  2,  fei51ion  i  ,  n°.  3  , 
dit  ,  que  quand  la  coutume  appelle  fimplement 
Yaînc  au  droit  d'aînefle  ,  la  fille  aînée  ,  foit  qu'elle 
ait  des  filles  ou  non  ,  n'y  efl:  pas  comprife;  mais 
qu'il  faut  tenir  le  contraire  ,  lorfque  la  coutume  y 
appelle  en  général  Vaine  des  en/ans. 

I  I.  Quant  a  la  condition.  Dans  la  ma- 
jeure partie  des  coutumes  ,  comme  dans  celle  de 
Paris ,  l'ainé  a  les  mêmes  avantages  dans  la  fuc- 
ceffion  èes  fiefs  ,  foit  qu'il  foit  noble  ou  roturier. 
Beaucoup  de  coutumes  ont  néanmoins  des  difpofi- 
tions  contraires  ;  mais  il  y  a  plufieurs  dift'érences 
entre  elles. 

Ainfi  la  coutume  dePéronnc,  articles  169  & 
îSo,  attribue  à  Taîné ,  entre  nobles,  la  totalité 
des  fiefs ,  fauf  un  quint  Ijérédital  qu'elle  accorde 
aux  puînés  ,  fans  y  comprendre  le  ckJtel  &  principal 
manoir  &  pour  pris  d'icelui ,  auquel  les  puînés  ne  pren- 
nent rien.  Mais  ,  entre  roturiers  ,  en  fuccejjion  dt  fiefs  , 
app.uticnt  à  l'aîné,  pour  fon  droit  d'aînejfe  6"  par 
Préciput  ,  de  chaque  fuccejjion  de  père  &  mert ,  Le 
chef  lieu  &  manoir  feigneunal ,  tel  qu  il  voudra  choi- 
fir ,  avec  les  deux  tiers  du  furplus  des  fiefs,  s'il  n'y 
a  (]u'un  puîné,  &  la  moitié  feulement,  s'il  y  a 
plufieurs  puînés. 

Dans  la  coutume  de  Ribemont ,  &  dans  plu- 
fieurs autres  coutumes  locales  du  Vermandois  , 
l'aîné  noble  a  h  totalité  des  fiefs,  fauf  un  quint 
viager  que  la  coutume  accorde  aux  puînés  :  mais 
entre  roturiers,  l'aîné  a  feulement  un  Préciput  & 
ime  portion  avantageufe  plus  ou  moins  forte ,  fé- 
lon le  nombre  des  enfans. 

Dans  quelques  coutumes  ,  le  partage  noble  ,  & 
le  Préciput,  qui  en  eft  une  fuite,  n'ont  lieu  générale- 
meut  qu'entre  les  nobles  ;  mais  ils  ont  lieu  aufii  en- 
tre roturiers,  quand  un  ou  plufieurs  des  fiefs  qui 
font  dans  la  fucceffion  font  parvenus  à  la  troifiéme 
ou  à  la  quatrième  mutation.  C'efl  ce  qu'on  appelle 
tierce  foi  &  quart  hommage  dans  les  coutumes  d'An- 
jou ,  du  iMaine,  de  Loudun,  de  Tours,  de  Poitou 
&  de  Saintonge.  Voyez  les  articles  Tierce  FOI  & 
Quart  hommage. 

L'article  541  de  la  coutume  de  Bretagne ,  attri- 
bue à  l'aîné  ,  entre  nobles  feulement ,  le  principal 
manoir  avec  le  pourpris ,  &  en  outre  les  deux  tiers 
des  terres  nobles.  Mais,  fuivant  l'article  589, 
»)  l'aîné  des  bourgeois  &  autres  du  tiers-état ,  ou 
•J  fes  enfans  ,  fils  ou  filles,  qui  auroicnt  terres  & 
t>  fiefs  nobles,  foit  fils  ou  filles,  aura  par  Préciput ^ 
t)  fur  lcfdit«s  terres  nobles ,  un  fou  pour  livre , 


PRÉCIPUT  D'AlNÉ. 

»  partage  faifant  ,  &.  ce  en  la  fuccefTion  dire<Jla 
■»  feulement  ». 

Dans  d  autres  coutumes,  le  droit  d'aîneOe,  & 
par  confécj-ient  le  Préciput,  n'ont  jamais  lieu  que 
dans.  L^s  fuccetlions  des  nobles.  Telles  font  celles 
d'Anjou  ,  article  152;  d'Angcumois  ,  article  87; 
d'Auvergne,  chapitre  12,  article  51;  de  Berry, 
titre  19  ,  atticle  3  1  ;  de  Bourbonnois,  article  301  ; 
de  la  Marche  ,  article  2 1  f  ;  de  Meaux ,  article  45  ; 
de  la  Rochelle  ,  article  54;  deTroies,  article  14, 
&  de  Yitry ,  article  55  (i). 

Quelques-unes  de  ces  coutumes  ,  comme  celles 
d'Anjou  ,  article  252  &  253  ;  de  Bretagne,  articles 
553  ,  554  &  55^  ;  du  Maine,  articles  270  &  271 , 
&  de  Poitou ,  article  286  ,  difent  que  les  enfans 
d'une  mère  noble  &  d'un  père  roturier  fuccéde- 
ront  noblement  à  leur  mère,  &  qu'au  contraire, 
les  enfans  d'un  père  noble  &  d'une  mère  rotu- 
rière, partageront  la  fucceflîon  maternelle  roturiè- 
rement,  hors  le  cas  de  la  tierce  foi  &  du  quart  hom- 
mage (2). 

Les  coutumes  de  Loudun  ,  titre  29,  article  19 
&  20  ,  &  de  Tours,  articles  317  &  3  18  ,  difent  au 
contraire  ,  que  ^i  femme  roturiire  qui  fe  marie  à  hem- 
VI  me  noble  ,  e/Z  réputée  noble  ^  &  fc  départ  fa  fuccef- 
)>  fion  noblement ,  fmon  que  auparavant ,  elle  eût 
"  été  mariée  à  homme  roturier,  &  eût  enfans  ou 
»  leurs  repréfentans  vivans  au  temps  qu'elle  décé- 
»  deroit,  auquel  cas  fa  fucceflîon  fe  partagera  ro- 
»  turièrement  ». 

Celle  de  Troies  dit  que  cela  a  lieu  pour  les  ew 
fans  des  nobles.  Pithou  conclut  delà  ,  que  les  en- 
fans partagent  noblement  la  fucceflîon  de  leur  père 
noble  ,  quoiqu'ils  ne  folent  pas  nobles  eux-mêmes. 
Cela  a  été  ainfi  jugé ,  dit-il,  »  entre  les  héritiers  de 
»  Mefnager,  qui  n'étoient  nobles  ,  pour  ce  que 
»  conjlahat  que  ledit  Mefnager  étoit  décédé  con- 
»  feiller  au  parlement  de  Paris  ,  lequel  état  or\  ju- 
'»  gea  être  fuflifant  pour  être  réputé  noble  ,  ores 
n  que  cette  noblefle  ne  pafle  en  la  perfonne  de 
»  l'héritier,  contra  gl.  in  l.  i  ,cod.  de  dignït.  ,  par 
>»  arrêt  prononcé  en  robes  rouges  ,  par  M.  le  prè- 
»  fident  Séguier,  le  vendredi  avant  la  pentecôte  , 
w  8  mal  1573  ». 

On  fuit  la  même  règle  dans  les  autres  coutumes 
de  Champagne,  telles  que  Chauraont ,  article  i  ; 
Meaux,  article  4  ,  &  Sens ,  article  160 ,  qui  ,  com- 
me celle  de  Troies  ,  réputent  nobles  les  enfans  qui 
le  font  de  père  ou  de  mère.  C'eft  à  peu-près  à  cela 
que  fe  réduit  aujourd'hui  la  noblefle  utérine,  ad- 


(i)  Un  arrêt  rendu  en  très-grande  connoifTance  de  caufe  , 
le  16  mars  1^70 ,  &  rapporté  au  journal  du  palais ,  l'a  ain(i 
jugé  pour  cette  couturoe,  (juciqu'on  y  eut  prétendu  cjue  cet 
mors  de  l'article  85  ,  en  futcijpcn  de  nohUs  perfonnes  ,  ne  dc- 
cidoicnt  rien  ;  parce  que  la  ccnirume  ne  permettoit  aux  rotu- 
liers  de  tenir  des  fiefs  qu'avec  le  congé  du  roi  ou  àes  fei- 
gncat?. 

(1)  Il  faut  en  excepter  ,  dans  la  couturac  de  Poitou  ,  Ie« 
ccnquêts  de  la  comrnunauté  ,  cjui  fuivcnt  toujours  U  gualiiÉ 
du  pccf  pour  h  totalité. 


PRÉCIPUT  D'AINÉ. 

imîfc  pat"  CCS  coutumes ,  fuivant  l'article  69  de  la 
coutume  de  Vitry. 

La  coutume  de  Berry  dit  fimplement  que  l'aîné 
prend  un  Préciput  en  juccejjion.  de  nobles;  &  Ra- 
gucau  prétend  qu'il  faut  décider  tout  le  contraire 
tle  ce  qui  a  été  jugé  pour  la  coutume  de  Troies. 
«  Cette  qualité  de  nobleffe  ,  dit-il ,  eft  requife  , 
«  non-feulement  aux  père,  mère,  aïeul,  aïeule, 
»  auxquels  on  fuccède,  mais  aufli  aux  enfans  qui 
>»  viennent  à  fuccefiion  ,  pour  obtenir  le  droit 
M  d'aine{re  ;  tellement  que  fi  du  mariage  d'une 
3>  femme  noble  &  d'un  homme  roturier  il  y  a  des 
»  enfans  ,  fa  fucceiTion  fc  partagera  entre  eux  ro- 
j»  turièremcnt  (Tours,  article  317;  Loudunois, 
M  chapitre  29  ,  article  18)  ;  car  le  fruit  n'enfuit  la 
w  condition  de  la  mère.  Secùs  efl  à  Meaux,  arti- 
»  ticles  4  &  156  ». 

»  Mais ,  continue  Ragueau  ,  s'il  y  a  encore  d'au- 
■»  très  enfans  du  fécond  mariage  d'icelie  avec  hom- 
«  me  noble  de  condition  ,  le  fils  ?.îné  du  fécond 
«  mariage  aura  le  droit  d'aîneffe  ,  d'autant  que  les 
»  enfans  du  premier  mariage  font  roturiers  ,  &  ne 
»  partagent  que  comme  puînés,  (Argcntré  en  la 
u  qucflion  ii3  de  l'avis  qu'il  a  donne  fur  les  par- 
M  tages  des  nobles.  )  De  même  ,  fi  une  femme  ro- 
«  turlère  ayant  été  mariée  à  homme  noble  ,  du- 
>>  quel  elle  ait  enfans  ou  repréfentans  ,  fc  rema- 
»»  rie  à  homme  roturier  dont  elle  ait  enfans ,  fa 
»  fucceffion  fe  pa'tagera  noblement  entre  tous  lef- 
»»  dits  enfans ,  il  au  temps  qu'elle  échet  les  enfans 
ï>  dudit  premier  mariage,  ou  leurs  repréfentans, 
»  étoient  vivans.  (Tours,  article  138  ;  Loudunois, 
»  chapitre  29  ,  article  19.  )  '> 

Cependant  cet  auteur  paroît  fe  contrarier  Ihï- 
même  ,  en  ajoutant  plus  bas  :  «  Ej'9;o  ,  fi  aucun  ro- 
«  turicr  prend  femme  noble,  ou  fi  le  noble  prend 
»  femme  roturière  ,  les  enfans  fuccèdent  à  celui 
3>  qui  fera  noble  ,  &  partiront  la  fuccefiion  venant 
»  de  fon  branchage ,  comme  nobles ,  &  aux  fuc- 
«  cefîions  venant  du  branchage  roturier,  fuccéde- 
y»  ront  5c  partiront  comme  roturiers,  encotc  que 
«  la  chofs  fût  noble.  (  Poitou  ,  art.  286.  )  » 

L'article  169  de  la  coutume  de  Péronne  fe  fert 
de  cette  expreffion ,  entre  nobles ,  raî'ié.  La  Villette , 
dans  fon  commentaire  ,  conclut  de-là  ,  que  la  fuc- 
cefiion d'une  femme  noble  ,  mariée  à  un  roturier  , 
doit  fe  partager  rowrièrement.  v  Ces  termes ,  dit- 
"  il ,  l'aîné  d'entre  nobles  ^  témoignent  en  effet  que 
y*  la  coutume  veut  la  qualité  de  noble  en  la  pcr- 
»  fon  ne  de  l'aîné  ,  aufli  bien  qu'en  la  perfonnc  de 
ï>  cz\u\  de  eu  jus  bonis  :giturf>.  Lafont,  cité  par  cet 
auteur  ,  dit  la  même  chofe  fur  l'article  14  de  la 
coutume  de  Vermandois  ,  qui  a  la  même  dif- 
pofition. 

Enfin  ,  l'article  Ç4  de  la  coutume  de  la  Rochelle 
accorde  le  Préciput  de  l'hôtel  principal  &  du  quint, 
au  fils  aîné  ,  ou  f.lle,  à  défaut  de  fils  d:  feicneur  no- 
ble ,  ou  ifui  le  repréfe  te.  Cet  sfticle  fembleroit  n'exi- 
ger 'a  noblefle  que  dans  celui  dont  la  fucccfîion 
eil  à  partager  j  cependant  l'additionnaire  de  Vigier 


PRÉCIPUT  D'AINÉ.  15? 

h  "VaHin  ,  n°.  n  &  35,  difent  que  pour  y  jouir 
de  ce  privilège,  il  faut  non-feulement  iiiccéder  à 
un  aoble  ,  mais  encore  être  noble  foi-même. 

11  faut  donc  examiner  avec  foin  les  termes  de 
chaque  ceutum^  ,  &.  l'ufage  qui  l'inteiprete,  pour 
s  y  décider  fur  cette  queftion. 

L'article  541  de  la  coutume  de  Bretagne  dit ,  que 
les  terres  nol'lcs  feront  partacéa  iioblemtnt  entre  les 
r^jbles  qui  ont  ,  eux  &  leurs  prédécefjeurs  ,  dès  &  pa- 
ravant  les  cent  ans  dernier';  ,  \icu  &  fe  font  compor' 
ti-s  nvblenient.  Au  contraire  ,  la  coutume  de  Pé- 
ronne ,  en  parlant  du  partage  dei  nobles  dans  l'ar- 
ticle I  69  ,  ne  dit  point  entre  nobles  vivant  noble' 
ment ,  comme  elle  le  dit  dans  l'article  126,  en  par- 
lant du  Préciput  légal  du  furvivant  des  conjoints. 
La  Villette  en  conclut  encore  ,  qu'il  y  aura  lieu  au 
partage  noble ,  quand  même  le  déîunt  auroit  dé- 
rogé ,  &  qu'il  en  feroit  de  même,  fuppofé  que 
ramé  véciu  roturièreinent ,  ou  que  l'ainée  ,  à  défaut 
de  mâles,  eût  été  mariée  à  un  roturier. 

Cv;tte  interprétation  ne  doit  point  être  admife 
dans  les  autres  coutumes ,  &  l'on  y  doit  tenir ,  avec 
"Valliu,  fur  l'art.  54  de  la  coutume  de  la  Roclielle, 
n°.  6  ,  que,  dans  les  coutumes  qui  exigent  la  no- 
bleffe (le  l'auteur  auquel  on  fuccède  ,  la  fucceflion 
d'un  noble  qui  a  dérogé  ,  fans  s'être  fait  réhabili- 
ter ,  (c  partage  roturièrement ,  lors  même  que  fes 
enfans  font  nobles  ,  &  que  fi  la  nobleffe  eft  exigée 
dans  l'héritier,  il  ne  pourra  non  plus  prétendre  de 
Préciput  &  de  droit  d'aîneffe ,  s'il  «e  s' eft  pas  fait 
réhabiliter  après  avoir  dérogé. 

11  eft  certain  ,  au  refte  ,  que  dans  toutes  les  cou- 
tiimesqui  exigent  la  nobleffe  dans  l'héritier,  pour 
jouir  du  Préciput  ,  la  fille  noble,  mariée  à  un  rotu- 
rier, n'eft  pas  moins  admife  à  prendre  ce  droit, 
à  défaut  de  mâles  ,  parce  que  le  mariage  ne  lui 
ôte  pas  la  nobleiTe,  &  ne  la  fait  point  véritable- 
ment déroger;  il  ne  la  prive  même  de  l'exercice 
des  privilv'ges  &  des  exemptions  accordés  à  la  no- 
bleffe ,  que  dans  les  chofes  où  elle  fuit  l'état  de  fon 
mari,  &:  où  elle  tire  fcs  droits  de  lui.  11  efl  évi- 
dent que  le  partage  des  fucceffions  ne  peut  pas  être 
dans  ce  cas  (i).  Maichin  fur  l'article  92  de  la  cou- 
tume de  Saint-Jean  ;  Bouchcul  fur  Tarticle  îSy  de 
la  coutume  de  Poitou  ;  Duffaut ,  fur  les  articles  ^7 
&  58  de  l'ufance  de  Saintes  ;  "Vigier  &  Vaflin  fur 
l'article  54  de  la  Rochelle  ;  Cochin  ,  tom.  i  ,  plai- 

TT-B  ITTI  -  —    -  -  ■-  ■  ,  Il         ^  ,^^  ■■!  It    Ll  II  II         I   ■—11^ 

(i)  Les  railons  que  Vallin  donne  de  cette  dccilion  ,  (a".',prè$ 
plufieurj  autres  iuteurj,  ne  font  point  afTer  exactes.  «  C'efl  , 
a  dit  il,  que  le  droit  d'aînelTe  eft  nn  droit  pour  l'exercice 
»  duquel  il  fuffit  d'être  noble,  abftraftion  faite  des  privilèges 
»  &  prcrogarives  de  la  noblefle  rn  général.  Li  femme  ,  du- 
»  rant  fon  m.iriaj;e  avec  un  roturiei  ,  ftri  -i  la  V('rjte  l'fxer- 
•  cice  des  privUéçe^  (:f  dfs  e-emprions  accordées  J  /.-:  nohlpffi  ; 
m  mais  elle  ne  cefTe  pas  d'être  noble  ,  n'ayant  pas  dérogé  f  ai  = 
n  là;  &■  c;-Ia  fuffît  pour  lui  afTii  er  le  d'.oit  d'aînefle  •', 

Il  cftmanifefte  que  l'e.xerricc  <^n  'l'cinut  eft  Uien /'«-«er- 
cue  d'un  i^es  privilf'gfs  accordée  r  ic  Kcb  r^'e.  Si  donc  la  femme,' 
en  fe  mariant  avec  un  rorur'.T  ,  pT  'oii  in  'i'h'nJJiTTient  l'exer- 
cice de  tous  ces  privilèges,  elie  ne  j'Ourroic  point  prétendre 
de  Préciput, 


1)6  PRECIPUT  D'Aîné. 

doyer  20,  page  279,  &  la  Pcyreie  ,  lettre  A ,  n". 
5  2  ,  ic/iit  de  cet  avis.  Ce  dernier  auteur  rapporte  un 
arror  conforme  du  14  juillet  1648. 

Un  arrêt  de  la  cour  des  aides,  du  17  janvier 
1676  ,  qu'on  trouve  au  journal  du  palais,  a  jugé 
à  la  vérité  que  la  filie  noble  ,  par  fon  maringi  r.vcc 
un  roturier,  avoit  réellement  dérogé  &  perdu  l'a 
noblefle  i  &  l'on  penfoit  en  efFet  autrefois,  qu'il 
lui  falloir  des  lettres  de  réhabilitation  ,  lorfqu'eiie 
étoit  devenue  veuve.  Ceft  l'opinion  du  célèbre 
Loifeau,  traiié  des  ordres ,  chap,  5  ,  n°.  X04  ;  de 
Guénois,  en  fa  conférence  des  coutumes,  tit.  1  , 
part.  I  ,  n".  3  ,  dans  fa  note  fur  celle  de  Melun; 
iX  enfin  de  M.  Expilly ,  plaidoyer  premier ,  n".  26 
&luivïns.  Mais  on  tient  aujourd'hui  le  tontraire  , 
conformément  à  la  décifion  des  coutumes  d'A- 
ir.iciis  ,  arr.'  124J  de  Clermont  en  Argonne,  cli.  2  , 
art.  7  ;  de  Metz  ,  art.  7  ;  de  Sed<*n  ,  art.  4  ;  de 
Valois,  art,  66,8c  de  quelques  autres  contumcs. 
L'cux  autres  arrêts  de  la  cour  des  aides  des  27  juin 
j6i/3  &9  aoijt  1702,  rapportés  dans  le  mémorial 
alphabétique  ,  au  mot  Veuve  ,  h°.  10,  l'ont  ainn 
ingé. 

Ce  dernier  arrêt  a  aufïï  jugé  que  les  enfans  de 
l'anobli  ,  nés  avant  fon  annobliiicment ,  jouilloicnt 
des  cxem|niors  de  la  noblefîc.  Us  doivent  donc 
aulîl  en  avoir  les  privilèges  en  matière  de  fuccef- 
fion,  &  c'eil  ainfi  qu'on  ic  pratituie  dans  le  droit 
commun  ,  fuivant  le  Crun  ,  traité  des  fuccefilons  , 
Jiv.  2 ,  chap.  2  ,  {c&.  I  ,  n°.  95  ,  fc  un  grand  nom- 
bre d'autres  auteurs.  La  coutume  de  Hainaut  , 
chapitre  1 1  ,  article  4  ,  porte  en  effet ,  que  les  en- 
fans  nés  avant  que  leur  père  fut  devenu  chevalier , 
joii'ijftnt  des  privilèges  des  chevaliers  ,  comme  s'ils  fuf- 
fent  nés  depuis. 

Il  faut  néanmoins  excepter  de  cette  règle  quçl- 
cmes  coutumes  qui  ont  des  difpofitions  contraires  ; 
par  exemple  ,  celles  de  Bretagne  ,  art.  570  ;  de  Lou- 
d'.m  ,  chap.  29  ,  arr.  20  ;  &  de  Tours  ,  art.  515, 
n'admettent  le  droit  d'aînciïe  dans  la  fucceflion  de 
i'anobli  ,  qu'au  cas  qu'il  n'y  ait  qije  des  enfans  rjés 
depuis  l'obtention  des  lettres. 

III.  Quant  a  l'ordre  de  la  naissance.  Pref 
que  toutes  les  coutumes  n'accordent  le  Préciput 
qu'à  l'aîné  ;  cependant  la  coutume  de  Sedan  ,  en 
attribuant  d'abord  un  Préciput  à  l'aîné,  en  accorde 
néanmoins  suffi  un  aux  puînés  ,  à  proportion  du 
nombre  desfiefs^  dans  les  art.  158,  159  &  l'^o. 
3j  En  feigneuries'o4  terres  féodales,  y  eft-il  dit, 
-)  le  fils  àiué  aura  &  prendra  pnr  Préciput  &  hors 
»  part  le  principal  chàtel  &  niaifon  forte  ou  fei- 
5»  gueuriale  pour  fon  droit  d'aînefle,  fk  en  partage 
5>  moitié  des  terres  &  feigneuries  nobles.  Le  fe- 
5>  cond  fils,  femblablaraent  aura  le  fécond  châ- 
jj  teau,  place  ou  maifon  forte  par  Préciput  ,  & 
>»  ainfi  des  autres  fi'ii  fuccoiîlvemcnt ,  fi  tant  y  a 
»  de  places  ,  châteaux  ou  malfons  fortes  en  la  fuc- 
»  ceflion;  &  quant  à  l'autre  moitié  des  terres  féoda- 
V  les  &  feigneyriaies,  revenus  ô<  dépendances  d'i: 


PRÉCIPUT  D'AlNÉ. 

«  celles  qui  feront  de  fief ,  elle  fe  partira  également 
»  entre  les  puînés  ;  «Se  s'il  y  a  filles ,  un  fils  en  prcn- 
»>  dra  autant  que  deux  filles  ». 

Suivant  les  art.  337 ,  338  &  339  de  la  coutume 
de  Normandie  ,  l'aîné  peut  prendre  la  totalité  d'un 
ûcf  par  Préciput ,  en  abandonnant  le  furplus  de  la 
fucceflion  à  fes  puînés ,  fi  mieux  il  n'aime  choifir 
également  avec  fes  puînés:  dans  le  premier  cas  ,  les 
autrss  frères  peuvent  auffi  choifir  un  fief  par  Préci- 
put ,  jeton  leur  aïnejfe  ,  chacun  à  leur  rang.  Mais  lorf- 
que  l'aîné  ne  choifit  point  de  fief  par  Préciput  , 
aucun  des  puînés  ne  peut  jouir  de   ce  privilège. 

On  fent  au  refle  que  cette  efpécc  de  choix ,  per- 
mis par  la  coutume  de  Normandie ,  ne  forme  qu'iiri- 
pioprement  un  Préciput ,  puifqu  il  comprend  toure 
la  portion  héréditaire  de  celui  qui  le  fait.  Il  en  eft 
à  peu-prés  de  même  dans  les  coutumes  de  Cam- 
brai ,  tit.  10  &  1 1  ;  de  Hainaut,  chap.  90,  arr.  7  ; 
de  la  châtellenie  de  Lille,  titre  des  fucceffions, 
article  19  ;  &  de  Tournai  ,  titre  r  i ,  article  3  ,  où  , 
lorfqu'il  y  a  plufieurs  fiefs  dans  une  fucceflion  ,  l'aî- 
né des  fils  en  choifit  un ,  puis  les  autres  fils  fuc- 
ccflîvement. 

Dans  les  coutumes  qui  n'accordent  le  Préciput  à 
l'aîné  qu'entre  les  nobles  ,  que  faut- il  décider ,  lorf- 
qu'une  femme  qui  s'eft  mariée  en  premières  noces 
avec  un  roturier ,  a  époufé  un  noble  en  fécondes 
noces ,  &  qu'elle  a  eu  des  enfans  mâhs  de  ces  deux 
mariages  ^ 

Suivant  le  Brun,  traité  des  fucceffions,  Viv.  2  ," 
chap.  2,  feft.  I  ,  »  laThaumafTière  en  fes  décifions, 
»  liv.  4,  chap.  46,  eflime,  que  fi  une  femme  ro- 
'»  turière  s'eft  mariée  une  première  fois  à  un  rotu- 
'»  rier  dont  elle  ait  eu  des  enfans  mâles ,  &  une  fe- 
!»  conde  fois  à  un  gentilhomme  dont  elle  ait  eu 
»  au;]}  des  enfans  raàles ,  l'aîné  de  ce  fécond  lit 
)j  ne  pourra  pas  prétendre  de  droit  d'ainc^Te  en 
y}  la  fucceffion  de  fa  mère  ,  qui  a  été  anoblie  par 
)>  ce  fécond  mariage  ,  parce  qu'il  n'eft  pas  l'aî- 
V  né  de  tous  les  mâles ,  quoiqu'il  foii  l'ainé  des 
»  nobles  n. 

Le  Brun ,  &  Boucheul  qui  l'a  copié  dans  foa 
commentaire  fur  l'art.  286,  n°.  39,  paroifTent  adop- 
ter entièrement  cette  opinion  ,  en  la  rapportant 
fans  y  rien  ajouter.  Mais  quoique  le  réfultat  en  foit 
très-vrai ,  elle  eft  cependant  fort  mal  énoncée  ;  le 
mariage  d'une  roturière  avec  un  noble,  ne  l'ano- 
Mit  point  proprement,  quoiqu'il  la  fafle  jouir  des 
privilèges  perlc>nnels  de  la  nchleffc.  Il  ne  peut  donc 
pas  faire  que  fa  fuccclîion  fe  partage  noblement , 
dans  les  coutumes  qui  exigent  la  noblefle  de  la  pcr- 
fonne  à  laquelle  on  fuccède ,  lors  même  que  la  fem- 
me roturière  n'a  eu  des  enfans  que  du  feul  mariage 
qu'elle  a  contraélé  avec  un  noble. 

AufiTi  la  Thaumafiière  ne  donne-t-il  la  raifon  que 
le  Brun  o£  Boucheul  ont  rapportée  ,  que  fubfidiai- 
rement  :  La  première  efc ,  dit-il  ,  que  régulièrement  la 
fuccejion  de  femme  roturière  qui  époufe  un  gentilhom' 
me,  fi  partage  roturiènment peur  la  première  fois  ^ 

fuivant. 


PRÈCÎPUT  D'AINÊ. 

Jutvaat  l(s  an.  ^4  &  253  ée  la  coutume  d'AnjoUr^  v 
/(i  3  j  5  ô-  316  iie  ctlU  de  Tours. 

La  coutume  de  Bretagne  ,  qui  veut  en  général 
qu'on  parcage  noblement  la  fiicccflion  de  1?.  fem- 
me roturière  mariée  à  un  noble  ,  Se  rotiirièrcmcnt 
celle  de  la  femme  noble  mariée  à  un  roturier,  a 
pris  un  tempérament  fmgulier  fur  cette  qucftion. 
L'art.  iç6  porte  ,  que  »»  la  fucccflion  d'elle  ou  au- 
»  tre  ,  loit  directe  ou  collatérale  ,  qui  feroit  de  fon 
•>  eftoc  &  aviendroit  à  caufc  d'elle  ,  fera  partagée 
•>  entre  les  cntans  du  premier  lit,  comme  fuccef- 
V)  fior.  égale  ,  fans  Préciput ,  fur  les  portions  des 
r  enfans  du  noIile,&,  leurs  portions  ainfi  dif- 
•»  traites ,  ce  qui  demeurera  pour  le  droit  des  cn- 
•>  fans  du  fécond  lit ,  fera  partagé  entr'eux  noble- 
m  ment  (i)  ». 

L'art.  590  a  la  même  difpofition.  Tous  deux  ont 
été  vivem,;nt  critiqués  par  les  commentateurs  ,  & 
ils  ne  décident  pas  ce  qu'il  faut  pratiquer  dans  le 
cas  inverfe.  »>  Il  doit  s'enfuivre  de  cet  article  ,  dit 
j>  M.  de  Perchambault ,  que  fi  une  femme  rotu- 
j»  rière  époufe  d'abord  un  gentilhomme  ,  leurs  cn- 
I»  fans  doivent  partager  toute  la  mafle  de  la  fuc- 
•  cefiion  noblement ,  &  ce  qui  demeurera  aux  en- 
j>  fans  qu'elle  aura  d'un  fécond  mari  roturier,  fera 
5)  partagé  entr'eux  également ,  parce  que  tous  les 
M  droits  font  acquis  aux  enfans  du  premier  lit  , 
«  avant  le  fécond  mariage,  comme  dans  l'efpèce 
ï>  de  cet  article.  Cependant  le  contraire  a  été  jugé 
M  par  un  arrêt  fur  turbes ,  rapporté  par  Frain.  Et 
B  quoi  !  fi  une  femme  noble  époufe  d'abord  un  pre- 
vt  micr  mari  noble ,  dont  elle  n'a  que  des  filles  ,  & 
•>  enfuite  un  fécond  mari  rotutier,  dont  elle  a  des 
j>  enfans  mâles ,  comment  feront-ils  leurs  parta- 
I)  ges  ?  L'ainé  noble  du  premier  lit  défignera-t-il  le 
»  tiers  appartenant  aux  puînés  roturiers  ?  Quand 
j>  un  des  enfans  dpnt  il  cft  queftion  ici  vient  a  mou- 
ï>  rir ,  comment  fa  fuccefllon  fe  partagera-t-elle  en- 
»>  tre  fes  frères  nobles  &  roturiers?  Enfin,  l'aîné 
r  noble  auroit-il  un  Préciput  ?  Nous  n'avons  jamais 
»  vu  que  des  tranfaftions  fur  ces  queftions,  &  point 
«  de  jugement  précis  ». 

Quoi  qu'il  en  foit,  on  fent  bien  que  cette  difpo- 
fvÀon  de  la  coutume  de  Bretagne  n'eft  pas  applica- 
ble aux  aiitres  coutume». 

Celle  de  Saint-Sever  divife  aufiî  les  biens  de  la 
perfonne  qui  a  eu  des  enfans  de  deux  mariages  , 
en  deux  portions  égales,  fans  diftinftion  de  nobles 
ou  de  roturiers,  quant  à  la  perfonne  &  quant  aux 
biens  ,  pour  en  attribuer  la  totalité  à  l'aîné  de  cha- 
que lit,  faufl'apportionnement  des  puînés.  Mais  l'ar- 
ticle 26  du  titre  12,  y  met  toutefois  cette  réfervc  , 
qu'en  fuccejjlon  de  biens  nobles  ,  i^aîni  du  premier  ma- 
il) Cela  n'cmpcche  pas  néanmoins  l'ajOi;  du  premier  lit  de 
prélever  le  Préciput  de  fou  pour  livre  l'ur  Jes  biens  nobles 
ichus  aux  enfans  roturiers  du  premier  Ht ,  que  l'article  585 
de  la  coutume  accorde  aux  roturiers.  Telle  ell;  la  décifion  de 
M.  Perchambault  fur  l'article  550.  «  Cet  article  ,  dit-il  ,  fai 
M  lant  une  exemption  précife  en  faveur  des  enfans  du  fécond 
»»  Jitnoble,  «uppofeJa règle cvntiairc  â  regard dçîaimefw. 
Tome  XlîL 


PRÉCIPUT  D'AÎNÉ.  157 

ri:*e  doit  avoir  la  maifon  principale ,  appelée  vulgdi- 
r^mfnt  c-apdeuIU  ,  par  Frcciput ,  avec  le  jardin  à  ic  lie 
f0  7//^w.  C'eft-là  lefeul  cas  où  il  y  ait  lieu  auPrécipti: 
diiiis  cette  couturae.  Celle  d'Acs  a  la  même  difpofi- 
tion  au  titre  2. 

Sivant  le  titre  12  de  la  coutume  de  Labourt ,  qui 
attribue  auffi  la  totalité  des  biens  nobles  &  des  pro- 
pres même  roturiers  à  l'aîné,  en  partageant  égile- 
ment  les  acquêts  roturiers ,  s'il  y  a  enfans  de  divers 
mariasses,  &  du  premier  n'y  a  que  les  filles ,  la  pile 
ainée  du  premier  mariage  fuccède  &  exclut  tous  les  en- 
fans des  autres  mariages  ^  (  èi  maifons  &  héritants 
nobles  )  ,  pofé  qu'il  y  en  ait  de  maies.  On  trouve  la 
même  règle  au  titre  27  de  celle  de  Soles.  Mais  ce 
font  encore-là  des  difpofitions  particulières  à  ces 
coutumes. 

On  n'examinera  point  au  furplus  ici  quel  eft  celui 
de  plufieurs  héritiers  qu'on  doit  répiuer  l'aîné ,  ii 
le  droit  d'aîjieiTe  efi  ceiuble  ,  ik  fi  l'on  peut  y  por- 
ter atteinte.  Toutes  ces  queftions  ont  été  traitées 
dans  l'arr.  AÎNÉ  ,  &  le  Préciput  ne  diffère  en  rien  à 
cet  égard  de  tous  les  autres  avantages  qui  peuvent 
appartenir  aux  aînés. 

Section    II  L 

Des  biens  fujets  au  Préciput  d'aîné  ,  &  s'il  peut  y  en 
avoir  plus  d'un  dans  une  même  fuccejfon. 

Régulièrement  le  Préciput  ,  comme  tout  autre 
droit  d'aînefTe  ,  ne  peut  avoir  lieu  que  fur  les  fiefs 
8i  les  autres  biens  répuiés  nobles.  Les  rotures  n'y 
font  point  fujeiîcs  ,  quand  niémc  elles  auroient  été 
contre  échangées  pour  Viw  fief,  Se  que,  lots  de  l'é- 
c!;angc ,  il  auroit  été  flipulé  que  l'aîné  prendroit 
fon  droit  d'aîneffe  fur  cette  roture,  parce  qii'il  ne 
fe  fait  point  de  fubrogation  des  qualités  tfïtrinsé- 
ques  (1),  Telle  eft  la  dodrine  de  du  Moulin  fur 
l'art.  30  de  la  coutuine  d'Amiens  ;  àz  !e  Brun  ,  traire 
dwS  fuccelfions,  liv.  2  ,  chap.  2  ,  feft.  i  ,  n  .  52  ;  oc 
de  Guyot ,  traité  des  fiefs ,  tome  5  ,  fcâio.T  3  , 
pag.  323   &  324. 

Quelques  coutumes  ont  néanmoins  des  difpofi- 
rions  contraires.  La  coutume  du  Grand- Perche  , 
par  exemple ,  porte ,  dans  l'art.  153,  que  Mami  prit 


la  ville. 

La  coutume  de  Normandie,  articles  291^  &  556, 
attribue  à  l'aîné  le  manoir  6»  pourpris  dans  les  rotu- 
res ,  fans  aucune  efiimation  ou  ricompenfe  ^  à  njoirf 
que  ce  manoir  ne  forme  la  tolité  de  la  fuccefiion. 

La  coutume  de  Bayonne  ,  tit.  12  ,  art.  i  ,  2  ,  & 
3  ,  dit  aufli  que  tous  les  biens  d'une  fucceillonfe 


(t)  Kenuflbn  ,  qui  eft  d'ailleurs  du  tnème  avis  dans  foti 
traité  des  propres,  chap.  i  ,  feû.  i  ,  n'approuve  p;s  la  dif- 
tiniSion  i.]ue  Dumoulin  fait  à  cet  égard  entre  les  (qualités  in- 
tiinsètjues  Se  extrinsèques.  Mais  fa  critique  n'etl  fondée  que 
lUï  det  fubtilités  qui  ne  fprt  tien  au  p oint  de  droit. 

Kk 


îîS 


PRÉCIPOT  D'AINÉ. 


partagent  éfalenienr  par  têtes ,  entre  les  defcendans 
qui  font  en  pareil  degré  ,  «  excepté  U  lar ,  ou  mai- 
»>  fon  principale  du  défunt ,  ohvcniie  de  l'aieul  par 
■>^  fucceffion  ,  laquelle  ,  par  la  coutume ,  eft  due  par 
»  Préciput  au  mâle  aîné,  &  en  défaut  de  mâle ,  à 
»  l'aînée  femelle  ». 

Cette  coutume  qui ,  comme  on  le  voit,  ne  dif- 
tingue  pas  fi  la  Ijt  eft  un  tief  ou  une  roture  ,  attri- 
bue le  Préciput ,  non  pas  fur  les  biens  nobles  ,  mais 
fur  les  propres. 

Dans  les  coutumes  mêmes  ,  où  ,  fuivant  le  droit 
commun  ,  le  Préciput  a  lieu  fur  les  fiefs ,  tous  les 
biens  nobles  n'y  font  pas  indiftinéiement  fujets  j 
tous  les  droits  incorporels  ,  tels  que  la  juftice  ,  les 
mouvances ,  les  cens  ,  les  péages ,  les  droits  de 
main-morte  ,  de  banualiîé  ,  &c.  font  dans  ce  cas. 
Si  donc  il  n'y  avoir  pas  de  maifon  ni  de  fonds  np- 
bles  dans  la  fuccefiion  ,  l'aîné  ne  pourroit  préten- 
dre aucun  Préciput ,  quand  même  il  y  auroit  des 
fiefs  en  l'air  avec  des  droits  de  mouvance  confi- 
dérables.  les  coutumes  n'attribuant  ce  Préciput 
que  pour  l'habitation  de  l'aîné  ,  ne  le  lui  accordent 
que  fur  la  maifon  ,  &  à  défaut  de  maifon  ,  fur  les 
fonds. 

Il  y  a  néanmoins  quelques  coutumes  ,  telles  que 
celle  d'Anjou,  art.  15,  qui  accordent  à  l'aîné  le 
droit  de  choifir  un  hommage ,  &  d'autres  qui  ,  com- 
me celle  de  Romorantin  ,  art.  i  ,  &  de  la  Rue  d  In- 
dre, l'autorifent  à  prendre  également  xm  (crL  Dans 
ces  coutumes,  il  n'eft  pas  douteux  que  l'aîné  ne 
puiffe  prendre  ces  droits  à  titre  de  Préciput,  lors 
môme  que  le  fief  auquel  ils  font  attachés  eft  fans 
domaine. 

La  règle  80  de  Loifel ,  livre  3  ,  titre  4  de  fes  inf- 
titutes  coutumières  ,  porte  ,  que  s'il  y  a  diverfesfuc- 
cejfions  ,  coutumes  &  bailliages  ,  ramé  prendra,  droit 
i'aînefjc  (  c'eftà-dire  ,  Jon  Préciput^  tn  ihacune 
d'iccllej. 

Piufieurs  coutumes  fe  fervent  d'exprciïlons  afTez 
analogues. 

La  coutume  d'Anjou  dît,  par  exemple,  dsns 
l'art.  2,23  ,  »  que  fi  les  chofes  d'une  même  fucccf- 
j>  fion  font  aflifcs  en  divers  bailliages  ou  fénéchauf- 
3>  fées  royales,  toutefois  laîné  ou  héritier  principal 
3>  aura  un  PrJcipnt  îx  avantage  en  chacun  bailliage 
j»  ou  fînéchaufiée  ".  Mais  on  tient  aujourd'inù  , 
fuivant  rr.poftille  que  Dumoul'n  a  mife  à  cet  arti- 
cle ,  que  laîné  ne  peut  prendre  qu'un  Préciput  dans 
chaque  coutume ,  &  non  pas  dans  chaque  bail- 
liage d'une  même  province  ou  d'une  même  cou- 
tume (  T  ). 

Le  Febvre,  cité  par  Dupineau  dans  fon  com- 
mentaire fur  le  même  article,  dit  que  »  cette  inter- 
«  prétation  de  Dumoulin,  que'la  coutume  parle 


(i)L'.eJl,m  i'ycrfii  ùf  diJîinBis  yrovivelh  ,  non  auttm 
in  i.idt'n  pr  vin:ii  ,  me  in'fng  ./'j  hccUlusf.dlhui  ùffnff.C' 
turi:  cjufler,  ;  roi'.ncix  ,  quoct  eflït  nimis  durua»,  nçc  eit  de 
Kicntc  cciifuetudinis. 


PRÉCIPtîT  D'ATNÉ. 

»  de  dlverfcs  provinces ,  ne  lui  plaît  pas  ;  parce 
»  que  les  réformateurs  &  compilateurs  de  la  cou- 
1»  tume  n'ont  pas  eu  droit  de  ftatuer  à  l'égard  des 
»  étrangers  ».  Mais  il  paroit  que  Dumoulin,  qui  , 
dans  fes  apcftillcs  ,  s'eft  fouvenr  élevé  bien  au-dcf- 
fus  des  idées  fer  viles  d'un  commentateur,  a  m, us 
entendu  ici  expliquer  le  fens  littéral  de  la  courante 
d'Anjou  ,  qu'y  mettre  un  cor:e61if  conforme  à  fon 
efjirit,  pour  parer  aux  inconvéniens  qui  pourroient 
en  réfulter  aujourd'hui. 

On  fait  qu'il  n'y  avoir  guère  autrefois  qu'un  bail- 
liage dans  chaque  province  ou  dans  chaque  cou- 
tume,  &  c'cft  même  la  diverfité  des  ufaçes  établis 
dans  les  principales  juridiâions ,  qui  eft  l'une  des 
caufes  de  la  diverfité  des  coutuines.  Voilà  pour- 
quoi Loifel  &  quelques  coutumes  confond.nt,  à 
cet  égard  ,  les  bailliages  &  les  coutumes.  Mais  de- 
puis qu'on  a  multiplié  les  bailliages  ,  comme  ils  le 
font  aujourd'hui  ,  il  feroit  injufte  d'en  conclure 
qu'on  a  aufiî  multiplié  les  Préciputs.  Auffi  le  Feb- 
vre  ajôute-t-il  lui-même,  que  ^'u/age  tjl  ainfi,  ô- 
^uon  nen  a  point  ufé  autrement  que  félon  le  fens 
de  Dumoulin. 

A  plus  forte  raifon  doit-on  le  pratiquer  de  cette 
manière  hors  du  refibrt  de  la  coutume  d'Anjou; 
c'eft  aujourd'hui  l'opinion  reçue  par  tous  les  au- 
teurs. 

Il  faut  même  obferver  ,  avec  Brodeau  fur  l'srt. 
1 5  ,  n".  3  ,  de  la  coutume  de  Paris  ,  que  cette  mul- 
tiplicité des  Préciputs ,  à  raifon  de  la  diverfité  des 
coutumes,  n'a  lieu  que  pour  les  coutumes  géné- 
rales ,  &  non  pour  les  coutumes  locales  qui  en  dé- 
pendent, «i  De  forte  que  fi  en  la  fucceftion  du  père 
»  il  fe  trouve  un  fief  fnué  daiis  l'étendue  du  Vexin 
»  François ,  &  un  dans  un  autre  lieu  de  la  prévôté 
»  de  Paris ,  accompagné  chacun  d'un  manoir  , 
»  l'aîné  n'en  aura  qu'un  feul,  parce  que  le  Vexin 
»  eft  de  même  coutume  ik  province  ,  bien  qu'il  y 
5>  ait  un  ufage  local  &  particulier  pour  les  droiss 
»  féodaux  (art.  3.);  de  même,fi  en  la  coutume 
i>  de  Scnlis  il  fe  trouve  un  fief  fitué  au  bailliage 
»  de  lie<mvais  ,  &  un  en  celui  de  Chaumoiit,  dc 
»  ainfi  d(:s  autres  ». 

La  coutume  du  Maine  a  ,  à  cet  égard,  une  dif- 
pofition  fingulière  ,  dont  le  fondement  confirme 
néanmoins  les  principes  qu'on  vient  d'établir.  L'art. 
240  poite  ,  que  a  fi  les  chofes  d'une  même:  fuc- 
>i  ceffion  noble  font  aftifes  es  pays  d'Anjou  &  du 
»  Maine,  toutefois  l'aîné  ou  héritier  principal  n'y 
»  aura  qiî'un  Préciput  &  advantage,  pofé  qu'il  y 
»  ait  en  chacun  pays  une  maifon  demeurée  d'icelle 
»  fiiccefiîon  ». 

La  raifon  de  cette  fingularité  eft  qu'il  n'y  ayoit 
autrefois  qu'un  feul  coummier  entièrement  Sem- 
blable pour  ces  deux  provmces ,  dont  encore  au- 
jourd'hui les  coutumes  font  fort  peu  différentes. 
La  coutume  du  Maine  ,  dans  l'art.  240  ,  n"a  point 
celle  de  les  confidérer  comme  réunies  par  la  même 
loi ,  malgré  ces  légères  différences. 


PRÉCÎPUT  D'AÎNÉ. 
Section      IV. 

ï>u  Préiipin  de  la  branche  ainée  dans  Us  fucctjpum 
quon  recueille  par  repri/ensatioa  ,  &  du  Préciput 
de  Caini  de  chaaue  branche  dans  la  jubdïviJloH 
des   lots. 

Ce  n'eft  point  ici  ie  Heu  d'examiner  la  quefllon 
de  favoir  i\  les  repréfcntans  fuccètlcnt  aux  droits 
comme  au  degré  du  repréfeiite.  Cette  queftion  , 
qui  a  partagé  les  jurifconfultcs  &.  les  coutumes 
i»ô/Ties ,  trouve  natureilemcnt  fa  place  dans  l'ar- 
lide  Représentation.  Il  eft  bien  certain  que  c'eft 
fur  les  difiérens  principes  admis  par  les  coutumes 
&  par  la  jurifprudencc  à  cet  égard  ,  qu'on  doit  fe 
décider  ,  pour  favoir  fi  l'aîné  de  plufieurs  co-héri» 
tiers  d'une  même  branche  doit  avoir  une  portion 
avantagcufe  dans  la  fubdivifion  du  lot  qui  eft  échu 
a  cette  branche  à  titre  de  repréfentation. 

Comme  cela  n'eft  plus  guère  contefté  ,  il  fem- 
bleroit  d'abord  qu'il  doit  en  être  néceffairement  de 
«nême  du  préciput;  que  la  branche  ainéc ,  dans  une 
^^'-'Çc'îion  qui  fe  partage  entre  plufieurs  branches 
d'iiéritiers ,  doit  en  avoir  un  dans  fon  lot ,  &  s'il 
y  a  des  biens  qui  y  foient  fujets  dans  la  fuccef- 
iion  ;  &  que  l'aîné  de  chaque  fubdivifion  a  droit 
d  en  réclamer  aufli  un  fur  le  lot  échu  à  fa  branche 
dans  les  coutumes  &  dans  les  cas  où  les  repré- 
fintans  fuccèdent  à  tous  les  droits  du  repréfenté  ; 
de  même  qu'il  n'en  }ouit  point  lorfqwe  les  repré- 
lentans  ne  fuccèdent  qu'au  degré ,  &  non  pas  au 
droit  du  repréfenté. 

Cependant,  quoique  ce  dernier  point  ne  forme 
pis  de  àoine  ,  &  que  l'on  convienne  même  du  prin- 
cipe pour  le  premier  point,  dans  la  règle  générale, 
on  a  prétendu  qu'il  falloit  y  mettre  pour  rertrlâion 
le  cas  où  celui  dont  il  s'agit  de  partager  la  fuccef- 
fion  auroit  lui-même  pris  le  Préciput  d'aîné  dans  la 
fucccfïïon  du  repréfenté  par  la  branche  aînée,  fous 
prétexte  qu'il  ne  peut  y  en  avoir  deux  dans  une 
même  fucceflîon ,  &  que  dans  ce  cas  les  biens 
qu'on  recueille  à  titre  de  repréfentation  ,  font  cen- 
fés  procéder  de  la  même  fuccelTion.  On  prétend 
qu'il  en  doit  être  de  même  dans  la  fubdivifion  du 
reprelenté ,  quand  l'aîné  des  reprefentans  a  déjà 
pris  un  Préciput  dans  fa  (uccettion,  parce  qu'au- 
trement ce  feroit  admettre  un  fécond  Préciput. 

Il  faut  même  avouer  que  cette  exception  e?i  au- 
tonfee  par  la  feule  coutume  qtii  ait  parlé  précifé- 
mcnt  de  cette  quertion.  La  coutume  d'Angoumois 
attribue,  dans  les  articles  88  &  89 ,  à  l'ainé  entre 
nobles,  en  direôe  (ncceffion ,  le  châtd&  manoir  prin- 
cipal de  ladite  fuccejjion  ,  avec  /es  anciennes  prczl'- 
tures  ,  ô'  en  outre  fur  fes  autres  co-hériiiers  le  quint 
du  revenu  de  ladite  fucceffiôn  par  Préciput  &  advan- 
tage.  C'eft  ce  qu'oti  appelle  auffi  fimplement  quia- 
ter,  &  ce  privilège  forme  un  véritable  Préciput , 
puifqne  la  coutume  ajoute  que  l'aîné  aura  encore 
au  rf[îJ:i  d'icelle  fuccefftôa  ,  fa  portion  continue/lie 
&  li'^aimf ,  filan  le  nombre  des  venant  à  la  fucccffion. 


PRÉCIPUT  D'AlNÉ. 


159 


Les  art.  90  &  v^ji  accordent  le  même  Préciput  à 
l'aîné  en  ligne  collatérale  ,  «  fi  ladite  fuccc/Tion  col- 
iy  latérale  n'avoit  été  quintée  &  partie  par  Us  fiic- 
»  cédans  en  ligne  droite;  car,  fi  elle  svoit  été 
w  quintée  oc  partie  en  fucceflîon  vraie  collatérale  , 
»  foit  entre  fils  ou  rilles ,  n'y  a  aucun  droit  d'arnelTe  ; 
»  ains  fe  divife  a.]iiaiiter  6*  p-^r  fiipes.  Ou  fi  ce 
»»  n'éfoit  que  la  dire<îie  fucce/Tion  dont  eù.ée(cen- 
j'  due  la  collatérale  ,  dont  il  eft  queflion  ,  eût  été 
"  quintée  ou  partie,  &  fur  icelle  eût  été  ptins  droit 
"  d'aînelTe  par  celui  de  la  fucceffion  duqut  l  eft 
»  queflion.  Car,  audit  cas,  en  fucceflîon  collaté- 
»  raie  ,  n'y  a  aucun  quintement  ni  droit  d'aînefle; 
»  ains  fuccéderont  les  lignagers  venans  à  la  fuc- 
»  ceflîon  collatérale,  in  ftirpes ,  jouxte  leur  degré  , 
w  fans  faire  aucune  différence  cntr'eux  ". 

On  cite  communément  les  coutumes  d'Anjou  & 
du  Maine ,  comme  faifant  la  même  diflindion  ;  mais 
c'eft  mal-à- propos. 

L'article  223  de  la  coutume  d'Anjou  ,  après  avoir 
dit  que  fi  une  fille  décède  avant  fon  père  ou  fa 
mère  noble ,  décide  «  que  fa  repréfentation  dé- 
'>  partira  fa  portion  qu'elle  eût  prife  en  ladite  fuc- 
»»  ccflîon  ,  toute  ainfi  que  /île  cas  fût  advenu  que 
!'  ladite  défunte  eût  furvccu  &  fuccédé,  &  que  les 
»  enfans  eufl^ent  recueilli  ladite  portion  immédiate 
»  par  la  mort  d'icelle  fille  ».  Puis  elle  ajoute  indif- 
tindcment  :  «  Et  aura  l'aîné   fils  ou  aînée    fille 

V  d'icelle  défunte  les  deux  tiers  en  icelle  partie , 
»  fans  aucun  Préciput;  car  en  une  fuccej/ion ,  foit 
»  direâe  ou  collatérale  ,  na  quun  Préciput  &•  avan- 
11  tage  V.  ' 

L'article  224  dit  encore:  «  Et  à  femblable  ,  s'il 

V  advenoit  qu'un  oncle  noble  mourût  fans  hoir 
Ti  de  fa  chair  ,  &  que  à  fa  fucceflîon  vinflent  les 
»  enfans  de  fcs  frères  &  fœurs  ,  qui  fipnt  vulgp.i- 
»  rement  appelés  neveux,  ou  les  enfans  d'iceux 
»  neveux ,  &  qu'il  y  eût  deux  ou  trois  moyens  au 
)?  temps  du  trépas  d'icekii  oncle  ,  &  fuccc-fhon  ad» 

V  venue  ,  y  aura  pour  chaque  repréfentation  &  pro 
:)  qitalibct  fl'irpe  aut  fllplte  ,  nouvel  avantage  pour 
»  l'aîné  j  c'eft  à  favoir,  de  chacune  repréfentation 
Il  fe  fera  le  partage  par  les  deux  parts  &  par  le  tiers. 
»  Toutefois  n'y  aura  qu'un  Préciput  >». 

La  coutume  du  Maine  a  la  même  difpofition  dans 
l'arficle  240. 

On  voit  que  le  fyflê.-ne  de  ces  coutumes  eft  très- 
différent  de  celui  de  la  coutume  d'Anî^oumois , 
puifqu'elles  ôtent  indillindlement  à  l'aîné  "des  repré- 
ientans  le  Préciput  dans  la  iûbdivî/îon  du  lot  qui 
leur  eftéchu  ;  tandis  que  la  coutume  d'Angoumois 
ne  leur  ôte  que  dans  les  àeux.  cas  qu'on  a  expliaués. 
C'eft  néanmoins  principalement  fur  les  difpofitions 
de  la  coutume  d'Anjou  qu'on  s'efl  fondé  pour  faire 
admettre  la  même  diftinélion  dans  les  coutumes 
de  repréfentation  infinie.  Plufieurs  jurifconfultes 
l'ont  fur-tout  propofce  pour  la  coutume  de  Poitou  , 
quoique  l'efprit  général  de  cette  coutume  ,  S:  fon 
texte  même ,  y  répugnent  de  la  maniiére  la  plus 
force.  11  eft  facile  de  le  prouver. 

Kkij 


i6o 


PRÉCIPUT  D'Aîné. 


Le  grand  principe  des  fuccefTions  ,  dn.ns  la  cou-" 
fume  de  Poitou  ,  c'ell  de  régler  celles  qui  provien- 
nent en  collatérale  de  la  même  m;inière  que  les 
fucceflîons  en  ligne  direftc  ,  &  d'accorder  à  chaque 
branche  les  droits  qu'auroit  le  repréfenté  s'il  re- 
cueilloit  lui-même  une  partie  de  la  fucceffion.  Ces 
principes  font  trop  évidemment  établis  par  les  arti- 
cles 2.77 ,  289  ,  290  ,  292  &  296 ,  pour  avoir  befoin 
de  preuve. 

Cette  coutume  attribue  auflî  à  chacun  des  repré- 
fentans  ,  dans  la  fubdivifion  de  la  portion  fucccl- 
five  qu"ils  recueillent  par  reprcfentation  ,  les  mêmes 
droits  &  les  mêmes  avantages  qu'il  auroit  eus  fi 
cette  fucceffion  lui  eût  été  tranfmife  féparément  par 
ci*-lui  qu'ils  repréfentent ,  fans  aucune  relation  aux 
droits  &  aux  charges  que  le  repréfenté  peut  avoir 
laiflés  dans  fa  propre  fucctlîion,  ou  ,  pour  mieux 
dire,  fans  aucune  relation  à  cette  fuccemon  même. 
Cette  indépendance  des  fucceflîons  les  unes  à 
regard  des  autres ,  n'eft  pas  un  principe  particulier  à 
la  coutume  de  Poitou;  c'en  eft  un  du  droit  commun  , 
luivant  lequel  une  fucceffion,  une  fois  échue  ,  doit 
fe  régler  dans  l'état  ou  elle  fe  trouve,  abftrailion 
faite  de  toutes  celles  qui  ont  pu   échoir,  ou  qui 
écherront  dans  la  fuite  à  ceux  qui  font  habiles  à 
la  recueillir.  Il  n'importe  pas  pour  cela  que  la  pre- 
mière des  deux  fucceflîons  ait  été  répudiée  ou  ac- 
ceptée ,  que  l'une  foit  avantageufe  ou  défavanta- 
geu  fe. 

Dans  toutes  les  coutumes  de  repréfentation  ,  la 
renonciation  à  la  fucceflîon  du  repréfenté  n'empê- 
che pas  qu'on  ne  puiffe  recueillir,  en  lereprélcn- 
tant ,  la  fucce(îî^n  d'une  autre  perfonne  ;  fi  l'on 
;ivoit  accepté  la  fucceflTion  du  représenté  fous  bé- 
néfice d'inventaire  ,  on  pourroit  en  accepter  une 
•autre  purement  &  Amplement  de  fon  chef,  &  ré- 
ciproquement. Lors  même  que  toutes  les  deux  font 
acceptées  de  la  même  manière,  les  dettes  dont  on 
eil  tenu  à  laifon  de  l'une,  font  abfolument étran- 
gères aux  dettes  dont  on  cff  tenu  à  raiion  de  l'au- 
tre ;  &  par  cette  raifon  ,  les  obligations,  foitpcr- 
fonnelles  ,  foit  hypothécaires  ,  que  l'acceptation  & 
.le  partage  de  chacune  des  deux  fucceflîons  peu- 
vent produire  ,  n'ont  aucune  forte  d'influence  les 
unes  fur  les  autres. 

Pour  venir  à  des  exemples  plus  particulièrement 
applicables  a  la  coutume  de  Poitou,  cette  cou- 
tume admet  la  fubrogation  des  meubles  aux  ac- 
quêts ,  &  des  acquêts  aux  propres.  Mais  lorfqu'on 
a  recueilli  tous  ces  fortes  de  biens  dans  la  fuccef 
i1on  de  (on  père  où  de  fa  mère,  cela  n'empccht; 
pas  qu'on  ne  puiffe  demander  la  fubrogation  des 
acquêts  aux  propres,  ou  des  meubles  aux  acquêts, 
dans  la  fucceflTion  de  l'aïeul  ou  de  l'aïeule ,  auquel 
on  vient  par  reprcfentation. 

De  même  encore  ,  l'article  208  admet  le  cumul 
du  tiers  de  tous  les  meubles  &  acquêts  en  faveur 
des  enfans  ,  lorfque  les  propres  que  forment  leurs 
réferves  coutumières  font  d  une  valeur  trop  modi- 
que. Perfonne  néanmoins  n'oferoit  foutenir  que  les 


PRÉCIPUT  D'AlNÈ. 

enfans  qui  ont  opté  le  cumul  dans  la  fucceflîon 
paternelle  &  maternelle,  ne  puiflent  fe  tenir  à  la 
réferve  des  propres  dans  la  fucceffion  de  l'aïcnl , 
qu'ils  recueillent  à  titre  de  repréfentation  ,  ou  toi;t 
au  contraire. 

Toutes  ces  décifions  ,  qu'on  pourroit  multiplier 
encore  ,  dépendent  de  la  maxime  ,  que  les  fuccef- 
fions  font  étrangères  les  unes  aux  autres,  &  que 
celle  qui  a  été  recueillie  n'eff  plus  confidirèe  com- 
me une  fucceflîon,  mais  comme  le  patrimoine 
de  l'héritier,  fuivant  cet  axiome  :  Hctreditns ,  fc 
md  adita ,  non  eji  jjrn  harcditas  ,  fed  patrïmonium 
hxredis. 

Il  eft  donc  conforme  à  l'efprît  de  la  coutume  de 
Poitou  ,  ainfi  qu'à  celui  des  autres  coutumes  de 
repréfentation  infinie ,  d'accorder  à  la  branche  aînée 
un  Préciput  dans  le  partage  général  d'une  fuccef- 
fion ,  &  d'en  accorder  un  autre  à  l'aîné  de  chaque 
branche  dans  la  fubdivifion  des  lots  ,  lors  même 
que  le  repréfenté  de  la  branche  aînée  a  déjà  pris 
un  Priciput,  &  que  l'aîné  des  repréfentans  de  cha- 
que branche ,  en  a  eu  auflî  un  dans  la  fucîceflîon 
du  repréfenté.  '^^n  '-'- 

Pour  s'écarter  de  ces  principe^ ,  fous  le  vain  pré- 
texte qu'il  ne  peut  pas  y  avoir  deux  Prcciputs 
dans  la  même  fucceffion ,  il  faudroit  en  trouver 
une  dccifion  précife  dans  le  t&xtQ  de  la  coutume  , 
parce  qu'on  ne  doit  fnppofer  des  inconféquences 
dans  une  loi ,  que  lorfqu'on  ne  peut  pas  faire  au- 
trement. Or ,  il  s'en  faut  bien  qu'on  trouve  rien 
de  femblable  dans  le  texte  de  la  coutume  de 
Poitou. 

L'article  289  attribue  un  Préciput  à  l'aîné  entre 
nobles  ,  tant  en  fuccejjlon  direÛe  que  collaiérale  ,  lans 
aucune  exception  ni  réferve.  L'article  296  porte 
atiflji  indiftindlement  :  «  Et  fi  aucune  fucceflîon  di- 
«  reclc  ou  collatérale  échcoit  à  filles ,  «S*  <{u'd  ny  ait 
)'  enfant  mate  eu  qui  le  reprcfente  ,  la  fille  ,  ou  fœ'ir 
n  aînée  ,  ou  qui  la  repréfenté  ,  doit  avoir  par  aîneff"e 
»  ou  prérogative,  le  châtel  ou  hôtel  principal  no- 
»  ble  qu'elle  élira,  avec  les  appartenances,  vergers 
M  &  clôtures  anciennes,  joignant  à  icelui ,  aiufi 
»  Si  de  la  manière  que  deffus  eft  dit  ». 

On  voit  que  dans  ces  deux  articles  la  coutume 
attriijue  à  l'ainé  ou  à  la  branche  aînée  ,  entre  no- 
bles ,  foit  entre  mâles,  foit  entre  femelles,  un 
Préciput  dans  les  fucceflîons  môme  collatérales  , 
fans  CQ  excepter  aucun  cas,  pas  même  celui  où  le 
défunt  en  avoit  lui-même  pris  vn  dans  la  fuccef- 
fion du  repréfenté  par  la  branche  aînée  ,  ni  celui 
ou  l'aîné  de  chaque  branche  en  auroit  auflî  pris  un 
dans  la  fucceflîon  du  repréfenté.  La  coutume  de 
Poitou  n'admet  donc  pas  le  fyffême  des  coutumes 
d'Anjou  &  du  Maine  ,  non  plus  que  les  exceptions 
portées  par  la  coutume  d'Angoumois. 

L'article  290,  dont  quelques  jurifconfuîres  fe 
font  prévalus  pour  foutenir  l'opinion  conîraire  , 
n'a  point  le  fens  qu'on  y  voudroit  donner.  Cet 
article  eft  uoe  fuite  de  l'article  289 ,  »vçç  Icquçi 


PRÉCIPUT  D'AÎNÉ. 

U  n'en  fairolt  qu'un  feul  &  même  dans  l'ancien 
coutumier. 

Voici  comment  font  conçus  ces  articles  aujeur- 
4'hui  :  «  Article  289  ;  entre  nobles  ,  au  reg:ird  des 
»  chofes  nobles ,  tant  en  fucceifion  direâe  que  col- 
»  latérale  ,  le  principal  héritier  mâ/e  ,  &  (jui  le  r-jprJ- 
n  fente ,  prend  pour  fon  droit  d'aînefle  le  principal 
>j  châtel  on  hôiel  noble  qu'il  veut  élire,  avec  les 
î»  appartenances  des  vergers  &  préclôtures  ancien- 
n  nés  joignant  ledit  hôtel  »,  Le  furplus  de  l'article 
énonce  ce  qu'on  doit  comprendre  fous  ces  appar- 
tenances des  vergers  &  préclôtures  anciennes  ;  puis 
l'article  290  ajoute  immédiatement  :  ««  Et  quant  au 
u  furplus  de  toutes    les  terres  61  revenus  nobles 
«  obvenus  d'icelle  fuccefllon  ,  l'aîné  en  prend  les 
»  deux  tiers ,  "Se  tous  les  puinés  fils  ou  fiiles,  ou 
«  qui  les  repréfentent ,  prennent  l'autre  tiers  partie 
ï)  à  icelle  divifer  également  entr'cux ,  &  oîi  il  écher- 
i>  roit  fubdivifion  pour  la  fuccefiîon  de  l'un  de  plu- 
«    fieurs  des  puinés  prédécédés,  fera  ^arJé  l'avan- 
»  t^^^e  à  l'alné  où  à  celui  qui  le  reprêjente  ,  SELON 
»>  du E  DESSUS.  Et  OÙ  il  y  auroiî  aucun  châte! , 
»  ou  hôtel  noble  ,  ou  hébergement,  foit  pour  le 
5)  feigncur  ou   pour    le  métayer,    aura   l'aîné    le 
»  chef  d'hommsge  au  lieu  deftiné  pour  ledit  hôtel, 
»  avec  une  fepterée  de  terres  au  lieu  de  préclô- 
«  tures  5». 

Il  n'cft  pas  poflîble  de  croire,  avec  quelques 
jurifconfuiies,  que  ces  mots /elon  cjue  dcffus,  ne  s'en- 
tendent que  de  la  portion  avantageufe  de  l'aîné , 
&  non  du  Préciput.  1°.  L'article  290  eft  encore 
aujourd'hui  lié  avec  le  précédent ,  dont  il  faifoit 
partie  autrefois  ,  par  la  conjonftion  6>,  qui  fe  trouve 
immédiatement  après  tout  ce  qui  concerne  le  Pré- 
ciput dans  l'article  289. 

2".  Si  on  n'eût  pas  entendu  comprendre,  fous  ces 
raoïi  félon  que  deffas.  le  Préciput  avec  la  part  avanta- 
geufe, on  auroit  dit  fimplement  &  tout  aufli  briève- 
ment ,  l'aîné  aura  pareillement  les  deux  tiers  des  terres 
&  revenus  nobles ,  au  lieu  de  ces  mots  qui  s'appli- 
quent à  tout  ce  qui  précède  fur  le  droit  d'aîncffe  , 
fera  gardé  l' avantage  à  Famé  ou  qui  le  rcpréfente , 
félon  que  dejfus.  Ces  mots  félon  que  de[jus ,  indi- 
quent une  abréviation  ,  dont  on  ne  pouvoir  avoir 
befoin  que  pour  rappeler  le  Préciput ,  dont  la  fixa- 
tion ,  dans  l'article  289  ,  a  exigé  beaucoup  de 
détails. 

3°.  Comme  ces  mots  ,  félon  que  dejfus ,  font  évi- 
demment fynonymes  à  ceux-ci ,  ainfi  &  de  la  m.z- 
nière  que  deffus  ëf  dit ,  dont  fe  fert  la  coutume  en 
rappelant  le  Préciput  dans  l'article  296  ,  il  paroît 
très  -  conforme  de  comprendre  aufli  le  Préciput 
dans  l'avantage  que  l'art.  290  accorde  à  l'aîné  de  la 
fubdivifion. 

4".  Et  cette  réflexion  eft  décifive;  ces  mors  qui 
commencent  l'art.  290,  &  quant  au  surplus  de 
toutes  les  terres  &  revenus  nobles  d'icelle  fucceffion  , 
talni  en  prend  les  deux  tiers  ,  &  tous  les  puînés , 
fils  ou  filles  ,  ou  qui  les  repréfentent  ,  prennent  F  au- 
tre tierce  partie  à  icelle  diyifertntreux,  nçfe  relatent 


PRÉCIPUT  D'AINÉ. 


261 


évidemrfient  qu'à  ce  qui  relie  de  la  fuccefîîon  après 
que  le  préciput  en  a  été  prélevé.  L'aîné  ne  prend 
donc  les  deux  tiers  de  ce  furplus  dans  tous  les  cas, 
Si.  les  puînés  ne  partagent  auiïi  également  entr'cux 
que  les  deux  tiers  de  ce  furp'.us ,  fans  qu'on  dife 
rien  de  l'exception  portée  par  la  coutume  d'Angou- 
mois.  Quand  donc  on  voudroit  rapporter  feule* 
ment  à  cette  première  partie  de  l'art.  290  ,  l'avan- 
ta^e  que  la  fuite  de  ce  même  article  accorde  à  l'aîné 
de  la  fubdivifion,  félon  que  deffus^  on  ne  pourroit 
pas  entendre  par  cet  avantage  les  deux  tiers  de  la 
totalité  du  lot ,  y  compris  les  biens  qui  font  fujets 
au  précinut  dans  les  cas  ordinaires,  puifque  l'aîné 
;ie  prend  ces  deux  tiers  que  du  furplus  de  toutes 
les  terres  &  revenus  nobles ,  après  le  prélèvement 
du  Préciput. 

5°.  Enfin,  l'art.  289  dit  que  raî'ié  prend  le  prin- 
cipal chàtel  ou  hôtel  noble  ,  pour  fon  droit  d'aîneffe  ^ 
en  toutes  fuccelfions  ;  l'art.  596  accorde  le  même 
droit  à  la  tiile  aînée,  par  ainijf:  ou  prérogative.  Nœ 
feroit-ce  pas  s'écarter  des  vues  de  la  coutume  ,  que 
de  refufcr  à  l'aîné  de  la  fubdivifion  un  avantage 
qui  conflitue  elTentielIement  le  droit  d'aine^e  ^  pour 
lui  en  attribuer  un  autre  que  la  ccutunie  refufc  à 
Taînée  des  filles,  &  auquel  elle  ne  donne  point 
cette  qualification  honorable? 

Qu'importent  après  cela  les  raifonnemens  des 
I  commentateurs  &  leurs  allégations  ?  Mais  il  fe 
trouve  encore  que  tous  ceux  de  la  coutume  de  Poi- 
tou ont  admis  le  Préciput  ,  même  dans  les  fubdivi- 
fions  ,  du  moins  jufqu'à  Boucheul ,  qui  fuppofe  mal- 
à-propos  le  contraire ,  &  qui  ne  paroît  pas  trop 
d'accord  avsc  hn-mêmc  fur  cette  queflion. 

Confiant ,  dans  fes  notes  fur  l'art.  290  ,  prouve 
avec  beaucoup  d'étendue  ,  que  l'aîné,  en  toute  fuc- 
cejfon  dire  fie  ou  collatérale  ,  prendra  riiôtel  princi- 
pal 8c  les  deux  tiers  ,  &  que  dans  la  fubdivifion 
l'aîné  de  la  branche  de  l'aiiè  prendra  les  Préciputs  cou' 
tumiers  (  c'efl  à-dire,  le  Préciout  proprement  dit  8c 
la  portion  avantageufe  )  ,  6»  ne  vicifFir.i  le  feront  les 
aîné'  de  chaque  branche.  11  fonde  cette  décifion  fu? 
les  cxprcffions  des  art.  289  &  290. 

Enfin,  licite  l'arrêt  de  1^77  ,  connu  (oms  le  nom 
de  la  Tour  Landry ,  avec  un  autre  arrêt,  qu'il  dit 
avoir  lu  &.  tenu  ;  il  convient  qu'on  lui  avoir  mal 
repréfenté  cet  arrêt  de  la  Tour-Landry  ,  qu'on  cite 
encore  aujourd'hui  dans  la  province  de  Poitou  pour 
l'opinion  contraire.  11  afTure  que  cet  arrêt,  rendu 
après  une  enquête  par  turbes  ,  a  jugé  expreHément 
que  l'aîné  de  chaque  branche  devoir  avoir  les  droits 
d'aînefle  ,  jura primogenitura  confequi  dchere. 

Chopin  ,  qui  donne  l'efpèce  de  cet  arrêt  Sf  d'au- 
tres femblables  ,  dans  fon  traité  de  privilegiii  rujli- 
corum  ,  liv.  5  ,  part.  3  ,  chap.  9  ,  /i".  2  de  l'édition  in- 
folio  &  de  la  traduftion  françoife  (i)  ,  dit  la  même 
chofe.  Ni  lui  ni  Confiant  ne  parlent  même  de 
la  rcftriiSion  importante  qu'on  fuppofe  communé- 
ment ,  d'après  eux  ,  que  cet  arrêt  a  adoptée, 

(i)  OoBc  le  trçuv»  ^las  dans  rtuifi©ûi/i-4'',dç  ij^i. 


i6x 


PRÉCIPUT  D'AINÉ. 


joarraud  ,  tit.  6  ,  chap.  3  ,  n".  6  ,  dit  «  qu'en  colla- 
it téiale  ,  l'aîné  ou  celui  qui  le  repr  Jlonti;  aura  pareil 
«  droit  6*  av.iritjge  qu'en  la  TucceiTion  direft;  ». 

Lelet  réfute  Tobjcâion  ,  que  ee  feroit  là  admettre 
deux  éivar.t>iges  &  Jeux  droits  d\iir,e£}  duris  une  mc're 
fuccefjton.  11  cite  enfuire  l'arrêt  de  i  577,  rapporté 
par  Chopin  ,  &  un  avis  conforme  de  MM.  Galland 
&  CiiamiUard  ,  avocats  au  parlement  de  Paris  ,  qui 
régla  la  même  chofe  pour  la  fuccefllon  de  Mathieu 
Vidard ,  &  qui,  dans  la  fubdivifion  d'un  lot,  ad- 
jugea les  deux  tiers  à  l'aîné  avec  le  principal  manoir. 

Les  additionnaires  de  Lelet  font  du  même  avis  , 
quoiqu'ils  allèguent  à  ce  fujet  des  autorités  avec 
peu  d'exaâitude.  Ils  finiffent  par  dire  :  «  Et  le  16  de 
j>  irai  1634  ,  en  la  fucceffion  de  défunte  Rachel 
w  Vernou  ,  à  l'aîné  des  repréfentans  Marguerite 
M  Vernou  ,  qui  avoient  recueilli  la  fucceflîon  de 
»  Rachel  avec  Jeanne  "Vernou ,  fut  adjugé  en  la 
M  fubdivifion  de  ladite  fucceflîon  fon  Préciput  & 
o>  droit  d  aîneffe  ,  par  jugement  rendu  à  Poitiers  , 
»»  le  Blanc  &  Achard  ,  parties  plaidantes  ;  ce  qui  a 
M  été  confirmé  par  arrêt  fubféquent  de  1635  ». 

Liège,  qui  cite  auflî  cet  arrêt ,  en  allègue  ,  à  la 
vérité  fans  le  dater  ,  un  autre  contraire  ,  qui  avoir 
adjugé  le  droi»r'aînefl"e  fans  hôtel;  mais  il  écarte 
ce  préjugé  par  ces  mots,  ce  que  les  confultans  riap- 
yrouvent  pas.  Il  propofe  bien  enfuite  la  reftriftion 
que  Bouchciil  a  adoptée,  avec  une  autre  qui  efi 
relative  à  l'indivifion  des  biens  entre  puînés  ;  iTiais 
il  les  écarte  encore  par  ces  mots,  ce  qui  ricjl  pus 
de  l'ufance  de  la  provirice.  V,  l'art.  294. 

Enfin  ,  Boucheul  fur  ce  même  art.  2.94  ,  n".  54  , 
paroît  admettre  aufli  ces  principes  ,  quoiqu'il  les 
méconnoUre,  dans  ce  qu'il  dit  fur  l'art.  290 ,  n". 
54.  En  tout  cas  ,  il  ne  fonde  fon  opinion  que  fur  la 
difpofition  de  la  coutume  d'Anjou ,  qui ,  comme 
on  Ta  vu  ,  ne  fait  point  la  dilHnflion  qu'il  croit  y 
trouver. 

f^oye^  les  autorités  citées  ,  &  les  articles  AÎNÉ  , 
démembrement  de  fief  ,  dittzs  ,  doxaïion  , 
Douaire  ,  Empirer  le  fiff  ,  Fief  ,  Légitime  , 
Noblesse,  Parage,  Partage  ,  PRÉci.ôrunE  , 

QUAR.T  hommage  ,  QuîNT   DATIF  ,  QuiNT  HÉ- 
RÉDITAL,   QuiNT    VIAGER    ,    P..EPRÉSENTATION  , 

Substitution,  Succession  et  Tierce  roi. 

(  Article  de  Af,  GarRAN  de  CouiON  ,  avocat 
au  parlement  ). 

PRÉCLOTURE.  Ce  mot ,  fynonyme  avccpour- 
pris  ,  défigne  en  quelques  endroits  les  domaines 
qui  joignent  un  manoir,  les  dépendances  d'un  lieu 
feigneurial ,  en  un  mot ,  des  biens  qui  font  accef- 
foires  à  celui  que  la  plupart  des  coutumes  afîlgncnt 
à  l'aîné  pour  préciput ,  &  en  font  conféquemment 
partie. 

Souvent  il  s'élève  des  doutes  fur  la  fxation  & 
l'étendue  de  la  Précluture  ,  ou,  cequieftla  même 
chofe ,  du  pourpris. 

La  ré»Ie  générale  eft  de  confulter  Tufas^e  &  la 
deftination  du  père  de  famille.  Témoin  Coquille 
en  fes  queftions  Si  riponfes  fur  les  articles  des  cou- 


PRÉCLOTURE. 

tûmes:  après  avoir  établi ,  quellion  257  ,  que  l'aîné 
doit  avoir  la  meilleure  maifon  de  la  fucceflîon  , 
avec  fon  pourpris,  il  dilcute  dans  la  258',  ce  que 
font  les  appartenances  &.  le  pourpris  d'une  mal- 
fon,  &  il  s'exprime  en  ces  termes  : 

«  La  deflination  du  père  de  famille  eft  principa- 
»  lement  à  confitlérer  ,  pour  juger  quelles  cliofes 
'>  font  des  appartenances  d'une  maifon,  d'un  do- 
»  maine  aux  cb.amps  ou  d'autres  liérirages  :  j'en- 
»  tends  en  tous  négoces  &  aifles  qui  dépendent  de 
»  la  deftination  du  père  de  famille;  car  fa  deHina- 
»  tion  ne  peut  Se  ne  doit  opérer  nia  l'avantage,  ni 
»  au  défavantage  d'un  tiers.  Comme  verH  g/j/ii,  fi 
»  le  vaflal  a  accommodé  fon  fte^  d'aucuns  hcnta- 
»  ges  qu'il  a  unis  ou  accommodés  pour  en  faire  un 
»  lêul  corps ,  le  feigneur  féodal  ne  prétendra  fon 
»  fief  être  accru  ;  mais  riiéritier  ,  ou  celui  qui  a 
»  droit  &  caufe  du  père  de  famille  qui  a  ainfi  exercé 
1»  fadeft:Ination,  y  eft  fujet ,  foit  à  gain  ou  à  perte  î;. 

Cette  destination ,  continue  Coquille,  ait  dé- 
»  montre  par  plixfieurs  argumens. 

n  Ou  quand  aucune  chofe  y  cfl  jointe,  annexée 
»  &  adhérente  par  main  &  artifice  d'hommes  ,  ou 
»  bien  ores  qu'elle  foit  disjointe;  fi  elle  eft  accom- 
»  modée  à  l'ufage  delà  maifon  &  bâtimens,  ou  fi 
»  l'entrée  &  accès  à  ce  lieu  ajouté  eft  par  dedans  la 
»  maifon  ancienne  &  principale,  ou  file  père  de 
»  famille  par  fon  papier-journal  5c  de  raifons  ,  ou 
j»  par  fon  papier  de  recette  ,  ou  par  les  baux  à  cens 
»  ôc  fermes  qu'il  a  faits  de  l'héritage  &  domaine  , 
»  avoit  accoutumé  d'y  comprendre  ces  ajonclions, 
»  ou  fi  cette  ajonition  a  été  faite  pour  décorer  , 
»  embellir,  Si.  rendre  en  plus  grande  aménité  & 
»  plaifir ledit  lieu  principal,  ou  s'il  eft  bâtiment 
»  es  champs  qui  fervent  à  loger  les  fermiers  ,  rece- 
»  vours  ,  métayers  ou  valets  ,  ou  qui  fervent  à 
»  recueillir,  loger  &  mettre  à  couvert  le  bétail  8c 
»  les  fruits:  donc  je  comprendrai  non-feulenK-nt 
»  fous  le  nom  d'appartenances,  msis  auflî  fous  le 
»  nom  de  la  maifon  ,  domaine  ou  lieu  principal  , 
j>  tout  ce  qui  fc  trouvera  accommodé  à  icelui  ,  fc- 
}>  Ion  les  argumens  cidefifus ,  jaçoit  qu'il  ne  foit 
n  attenant  &.  contigu  ». 

Cette  doiTlrine  a  été  confacrée  par  plufieurs  ar- 
rêts :  en  voici  quatre  du  parlement  de  Normandie  , 
que  nous  tirons  du  diujonnaire  de  droit  normand  , 
par  M.  Howard. 

La  veuve  de  Jean  Hermel  ,  fils  aîné  de  Guil- 
laume, comme  tutrice  de  fes  enfans  ,  avoit  de- 
m.indé  à  fes  beaux-frères  des  lots  Se  partages  de  la 
fucceflîon  de  leur  père  ,  pour  ,  fur  ce  qui  aj)partien- 
droit  à  fes  enfans  ,  avoir  ibn  douaire.  Charles  Her- 
mel, le  puîné,  avoit  employé  dans  ces  partages 
deux  moulins ,  l'un  à  bled,  l'autre  à  huile  ,  qu'il 
mettoit  au  premier  lot ,  &  le  refte  au  fécond  ,  laif- 
fant  feulement  le  manoir  pour  préciput  aux  enfans 
de  l'aîné.  La  veuve  bur  mère  foutenoit  que  les 
moulins  dévoient  demeurer  par  préciput  à  fes  en- 
fans  ,  avec  la  maifon  ,  cour  6<.  jardin  ,  attendu  que 
le  moulin  à  bled  écoit  incorporé  au  manoir ,  fous 


PRÊCLOTURE. 

fen  méiTie  toit  ix  couverture  ,  fans  aucune  répara- 
tion ,  &  lo  moulin  à  huile  parcilbment  dans  le 
même  encloi  ,  iaiis  erre  non  plus  féparés  &  d-ivi(és  ; 
&  cela  fut ainli  jugé  paranét  du  3  avril  161 2  ,con- 
firmatif  d'une  {cmencs  du  bailli  de  Caux. 

Le  fieur  Ygou  avoit  laiffc  dans  fa  fucceflion  ,  un 
manoir  à  côté  duquel  etou  un  grand  clos  en  labour 
qu'il  falloit  traverfer  pour  parvenir  aux  terres  delà 
campagne.  L'aîné  réclama  ce  clos ,  i-i  fourint  qu'il 
faifo'it  partie  de  fon  précipur.  Les  puînés  prétendi- 
rent au  contraue  qu'il  devoit  être  confondu  dans  la 
fucceflion.  Ce  clos  ,  difoieru-ils  ,  ei\  compclé  ce 
terres  labourables  :  fi  le  père  de  famille  avoit  eu 
dedein  d'en  augmenter  le  préciput ,  il  aurait  fait 
abattre  les  arbres  (Si.  combler  les  foffes  qui  le  fépa- 
rent  du  manoir  ,  ou  du  moins  il  y  auroit  fait  conf- 
truire  quelques  bâtimens  pour  marquer  qu'il  en 
étoit  une  partie  intégrante.  L'aîné  réphquoit  que  ce 
clos  faifoit  l'ornement  &  la  beauté  du  manoir  ;  que 
la  féparstion  ne  pouvoir  avoir  eu  pour  but  c^ue 
d'empicher  les  bcitiaux  d  y  entrer  ;  qu'il  fuffiloit 
qu'il  y  eût  une  barrière  ou  une  porte  pour  aller  du 
m^noirau  clos  ,  pour  qu'il  fût  évident  que  l'un  ne 
pouvoir  être  détacb.e  de  i  autre.  Par  arrêt  du  ao  août 
1692 ,  le  clos  fut  jugé  faire  partie  du  préciput. 

Une  efpècefemblable  fe  prclénta  quelques  an- 
nées après.  Yart  père  avoit  lailïé  à  fes  enfans  une 
ferme  fituée  en  Caux.  Outre  les  bâtimens  ,  il  y 
avoit  un  berbage  de  dix-fept  à  dix-huit  acres ,  fur 
lequel  étoient  quelques  pommiers  :  la  mafure  le 
trouvoit  féparée  de  l'herbage  par  des  murs ,  mais  il 
y  avoit  communication  de  l'un  à  l'autre  par  le 
moyen  de  deux  portes.  Le  premier  juge  avoit  dé- 
cide que  cet  herbage  faifoit  partie  du  préciput.  Sur 
l'appel  ,  les  puînés  prétendoient  que  le  préciput 
divoit  être  rertreint  au  msnoir  &  pourpris ,  &  que  le 
mot /^oi/r/' ri j  ne  s'entendoit  que  de  la  cour  du  ma- 
noir ou  étoient  les  bâtimens  ;  que  la  fucceflion  ne 
confiftoit  qu'en  quatorze  cents  livres  de  rentes ,  £i 
que  le  préciput  feul  vaudroit ,  tel  qu'on  le  récla- 
moit ,  huit  à  neuf  cents  livres  de  revenu  ;  que  l'in- 
tention de  la  coutume  n'étoit  pas  de  faire  un  ii 
grand  avantagea  l'aîné.  Celui-ci  répliquoit  quepar 
le  mot  pourpris^  on  devoit  entendre  avec  Gode- 
froy  ,  non-feulement  la  principale  habïtaiion  ,  maii 
Us  jardins  f  étangs  ,  gare/ines  ,  colombiers  y  conùgus  & 
firmes  dans  un  m^îme  enclos '^  que  les  puînés  de  Caux 
n'avoient  eu,  lors  de  la  réforme  de  la  coutume,  part 
en  propriété  à  la  fucceflion  que  par  exception  à  la 
loi  qui  les  excluoit ,  &  qu'une  exception  à  une  loi 
eflentieile  à  la  confervation  des  familles,  ne  devoit 
pas  être  étendue  au-delà  des  bornes  que  le  légifla- 
teur  lui  avoit  prel'crltes.  Par  arrêt  du  24  mars  16^-/ , 
la  lentence  fut  confirmée. 

Les  principes  qui  ont  diété  ces  arrêts  ont  encore 
reçu  plus  d  écfat  par  celui  qu'on  a  rendu  le  14  juin 
J775  ,  danb  la  fucceflion  du  nommé  Prevel.  Le  fils 
aîné  avoit  opté  pour  préciput, la  maifonoù  demeu- 
roit  le  défunt ,  avec  im  clos  de  douze  à  treize  acres 
en  labour.  Ce  clos  étoit  contigu  à  laaaaifottj  mais 


PRÊCLOTURE. 


16  3 


il  en  étoit  fcparé  par  des  haies  vives  ,  S<  ce  n'éioit 
que  par  une  barrière  qui  y  étoit  pratiquée,  qu'il 
communiquoit  avec  le  manoir.  Le  nommé  Cau- 
mont ,  qui  avoit  époufé  une  fille  Prevel ,  contef*» 
cette  option.  Il  prétendit  que  le  préciput  ne  devt  it 
confiner  que  dans  la  mafure  ;  que  la  pièce  de  ter^e 
laboiirable  ,  féparée  par  les  haies  ,  &  qui  avoit  ure 
ouverture  vers  un  chemin  public  ,  ne  pouvoir  y 
être  comprife  ;  que  le  pourpris  étant  ce  qui  cfl  en- 
ferme àjns  les  prochaines  clôtures  du  manoir,  des 
que  la  pièce  de  terre  en  labour  fe  trouvoit  au-de  à 
des  lip.KS  vives,  dans  l'enceinte  defquclks  étoit  le 
manoir ,  les  bâtimens  accelîbires  ,  la  cour  &  le 
jardin  ,  elle  fe  trouvoit  confequemment  su-de!;i  des 
prechaincs  clôtures  qu'il  faut  confidércr  pour  d>> 
terminer  ce  qui  doit  entrer  dans  le  préciput.  L'aîné 
répondoit  que  les  Iiuies  vives  ne  laifoient  pas  (t- 
paration  ,  dés  qu'il  exifloit  une  coinmunication  du 
manoir  au  clos  en  labour  ;  que  la  deftination  du 
père  de  famille  devenoir  par  cela  feul  manifeile  ,  & 
fûrmoit  la  règle  du  préciput.  Sur  ces  raifons  ,  fen- 
tence  intervint  d'abord  au  bailliage  de  Cany  ,  qi.i 
décida  en  faveur  des  puînés.  Mats  l'aîné  en  ayant 
interjeté  appel,  elle  fut  réformée  par  l'arrêr  cité  , 
qui  lui  adjugea  la  totalité  des  fonds ,  c'eft-à-dire  , 
près  de  quinze  acr^s  de  terre  ,  quoiqu'il  ne  reflât 
pas  plus  d'une  vergée  de  terre  pour  la  léeitime  des 
filles.  ^  .    ^ 

Mais  peut-on  comprendre  dans  les  pourpris  & 
PrécJotuics  ce  qui  eft  fcparé  du  manoir  par  un  che- 
min public  ? 

L'article  11  de  I1  coutume  de  Paris  décide  qu'on 
le  peut.  Au  fils  niné,  dit  cette  loi ,  «  apparrienr  par 
»  préciput  en  fief,  le  manoir  principal  &  la  cour 
»  attenante  audit  manoir  dcflinée  à  icelui,  encore 
»  que  le  foïïc  da  château  ou  quelque  chemin  fût 
}>  entre  deux  n. 

La  coutume  de  Poitou  ,  titre  6  ,  contient  la  même 
difpofiiioii. 

Mais,  fuivant  les  coutumes  d'Angoumois  ,  arti- 
cle 88,  6i  de  faiiiî  jeun  d'Angély,  titre  11  ,  arti- 
cle I  ,  les  chemins  charruaux  &  publics  font  pour 
l'aîné  des  bornes  au-ùclà  defquelles  il  ne  peut  éten- 
dre les  Préclôtures, 

Remarquons  ces  termes  charruaux  &  publics:  la 
particule  fi-  cfl  conjonftive  :  ainfi  u  il  ne  fuflît  pas 
»  qu'un  chetnin  foit  charruaii,  c'eft-à-dire,  propre 
Il  au  paiTagL'  des  charriots,  charrettes  &  autres  vo."- 
»  tures  pour  limites  des  Préc'ôturos;  il  faut  aufli 
•n  qu'il  foit  public  6c  dcuiné  pour  conduire  à\in 
»  bourg  ou  village  à  un  autre.  Les  chemins  vici- 
)»  naux  ou  de  fervitude  ne  font  point  des  chemins 
»  publics  :  ils  font  partie  des  héritages  ,  &  ne  font 
»  deftinés  qu'à  l'ufage  des  particuliers  voifi^^  v. 
Ce  font  les  termes  de  M.  Souchtr ,  dans  'on  com- 
mentaire fur  la  coutume  d'Angoumois-  tome  2 
page  253.  Refle  à  favoir  ce  qu'on  c;oit  décidera 
l'égard  des  couti.tnes  muetr.s. 

Nous  avons  Lide/!iis  deuxcliofes  à  confuîter,  la 
doûtinc  dcS  suteuri  ,  £c]a  jurifprudtnce  des  arrêt?. 


i64  PRÉCLOTURE. 

Tous  les  auteurs  s'accordent  à  dire  qu'un  che- 
min ne  rompt  pas  la  continuité  des  Préclotures. 

Bouche! ,  dans  la  bibliothèque  du  droit  françois  , 
page  1 08  ,  dit  que  dans  les  lieux  u  où  par  coutume , 
»»  trt  affeâé  à  l'aîné  par  droit  d'ainelle  ,  en  préci- 
t>  put ,  6c  avant  tout  partage  de  la  fuccefîion  du 
«  père  ou  mère,  le  château  ou  manoir  principal, 
•)  avec  fon  clos  ik  pourpris  &  appartenances  ,  en 
j>  ce  feront  compris  le  jardin  &  verger  prochain  , 
t>  dreffés  pour  plaifir  ,  encore  qu'ils  ioient  féparés 
»>  &  hors  du  clos  de  la  maifon  ,  &  foient  clos  à 
»i  part  de  murs  ou  foffés  ,  &  qu'entre  ledit  jardin 
»  ou  verger  &  clos  de  la  mailbn  y  ait  un  grand 
»)  chemin  public  ». 

Le  même  auteur  fait  encore  obferver  que  «  le 
»>  foffé  ou  chemin  d'entre-deux  n'empêche  pas  que 
u  la  baffe-cour  ne  foit  tenue  Se  réputée  attenante 
>»  au  château  ». 

Inibert,  en  fon  enchiridion  ,  page  189,611,  à 
l'égard  du  jardin  de  plaifir  qui  fe  trouve  près  de 
l'hôtel  appartenant  à  l'aîné  ,  qu'il  ne  peut  lui  être 
refufé  u  cotnbien  qu'il  foit  environné  de  murailles  , 
3»  ou  d'un  fo{ré,ow  d'un  chemin  public  ». 

Duret,  alliance  des  lois  romaines  avec  le  droit 
françois,  §.  258  ,  nous  en  donne  la  raifon  ;  c'eft 
^ue  la  maiibn  «  doit  être  entendue  avec  fes  appar- 
»  tenances,  aifances  &  commoditl^s ,  quoique  û- 
»  tuées  hors ,  comme  le  jardin  ,  quoique  féparé 
s>  d'un  chemin  >»  :  il  répète  la  même  chofe  ,  §.  30a  , 
à  l'égard  de  la  balîe-cour. 

Bobé  ,  fur  la  coiuume  de  Mcrux  ,  étend  cette 
rèji,le  vlux  parcs  &  enclos^  quoique  féparis  du  princi- 
pal manoir  ,  non-feulenient  par  un  grand  clurnin  , 
jnais  par  une  rue. 

Quant  aux  arrêts,  il  y  en  a  trois  du  parlement 
de  Normandie  de  1571 ,  du  20  juin  1614  (i) ,  & 
du  10  mai  1779,  qui  décident  qu'on  ne  doit  pas 
détacher  des  Préclôtures  acceiïoires  au  préciput , 
un  fonds  que  le  père  de  famille  a  deiliné  à  en  faire 
partie  ,  fous  prétexte  qu'il  en  eft  fcparé  par  un 
chemin. 

L'efpéce  du  dernier  de  ces  arrêts  eft  remarquable 

La  dame  Guitoa  ,  en  mourant ,  laiffa  pour  héri- 
t'ier  le  fieur  de  Pontchalon  ,  fecrétaire  du  roi ,  fon 
fils  unique  ,  &  quatre  filles  qu'elle  avoit  réfervccs 
à  partage. 

Ces  cnfans  ne  firent  d'abord  que  des  partages 
proviuonnels ,  parce  que  l'un  d'eux  étoit  mineur. 

Après  bien  des  années  il  fut  queftion  d'en  faire 
un  définitif. 

11  fe  trouvoit  dans  la  fucccfijon  une  métairie  ou 
manoir  logé  aux  champs  ,  cempofé  d'un  enclos  dans 
lequel  étoient  la  maifon ,  la  cour ,  le  jardin  ,  &  vis- 
à-vis  ,  mais  au  delà  de  l'ancien  chemin  de  Haute- 
rive  ,  une  prairie  fur  le  bord  de  laquelle  étoient  un 
preflbir ,  une  grange  &  une  étable. 

Le  fieur  de  Pontchalon  ayant  réclamé  tous  ces 
objets  pour  fon  préciput ,   le  fieur  Dubois  ,  fon 

(i)  Diûiona.  du  droit  no[«»nd ,  tome  3,  page  ji^. 


PRÉCLOTURE. 

beau-frère  ,  prétendit  en  diftraiic  la  prairie  &  ks 
bâtimens  :  il  fe  fondoit  fur  l'art.  4  de  Tufage  local 
de  la  vicomte  de  Bayeux  ,  qui  en  effet  exige  que 
les  dépendances  du  préciput  ne  foient  îéparées  d'aU' 
cun  chemin. 

Le  fieur  de  Pontchalon  répondit  que  la  difpofi- 
tion  de  cet  ufage  local  eiit  été  inutile  fi  elle  eût  été 
de  maxime  dans  toute  la  province;  qu'il  étoit  évi- 
dent qu'on  ne  l'avoit  inférée  dans  le  corps  de  la 
coutume  ,  lors  de  la  dernière  rctormation  ,  que 
parce  qu'elle  faifoit  exception  à  la  jurifprudence  gé- 
nérale ,  &  que  tel  étoit  le  fentiraent  de  Bérault  (i)  , 
en  rétabliifant  le  texte  de  cet  auteur ,  dans  fa  pureté 
primitive. 

Ces  raifons  déterminèrent  le  bailli  d'Alençon  , 
qui ,  par  la  fentence ,  dit  à  bonne  cauje  Fopùjnfaite- 
du  préciput ,  en  ic<:lui  cumpris  la  prairie. 

Le  fieur  Dubois  interjetaappcl  de  cette  fentence  : 
fon  défenfeur  foutint  d'abord  que  la  prairie  avoit 
toujours  été  féparée  de  la  cour  ou  clos  ,  où  font  les 
maifons  du  chef-ménage  ,  par  un  ancien  chemin 
public  :  il  demanda  à  prouver  par  titres  Si  par  té- 
moins ,  même  par  procès-verbaux  d'enquête  & 
acceflion  de  lieu  ,  l'exiftence  de  ce  chemin  ,  & 
qu'il  n'avoit  étéfupprimé  que  pnr  le  fieur  de  Pont- 
chalon ,  depuis  les  partages  provifionnels. 

Ce  fait  po(e  ,  il  ajouta  que  la  liinitation  portée 
par  l'art.  4  de  l'ufage  local  de  Bayeux ,  étoit  de  droit 
commun  dans  toute  la  province  ;  que  tel  éioit  le 
fentiment  de  l'éditeur  de  Bérault ,  &  celui  des  plus 
habiles  jurifconfultes  ,  qui ,  de  nos  jours  ,  éclairent 
le  barreau  de  Rouen.  «  Le  manoir,  le  clos  &.  le 
n  jardin,  employés  dans  l'art.  3  56  (  continuoit-il  ) , 
»  ne  doivent  compofer  qu'un  feul  &  même  enclos: 
»  àJa  vérité  la  deftination  du  père  de  famille  efî 
11  d'une  grande  autorité  dans  la  fixation  de  ce  qui 
»  doit  former  le  préciput  roturier  ;  mais  cette  au- 
»  torité  ne  peut  donner  au  préciput  une  plus  grande 
>»  étendue  que  celle  qui  cft  fixée  par  la  loi  :  il  peut 
»  augmenter  l'enceinte  du  préciput  en  y  joic;nnnt 
»  des  terres  adjacentes  ;  il  peut  de  même  la  dimi- 
5»  niier ,  en  retranchant  par  de  nouvelles  clôtures  , 
11  des  terres  qui  étoient  dans  cette  enceinte  ;  mais  il 
'■  n'eft  pas  maître  d'étendre  le  préciput  au-delà  d'un 
I)  chemin  on  d'une  rivière  qui  doivent  terminer 
»  l'enceinte  :  car  lorfque ,  par  l'article  279  ,  la  cou- 
»  tume  de  Caux  fixe  les  préciputs  de  ce  canton  au 
j>  pourpris ,  elle  défignc  clairement  qu'ils  ne  pei>- 
5j  vent  excéder  ce  pourpris  ,  c'eR-à-diie  l'enceinte , 
))  afir:  que  l'anié  ne  foit  pas  fournis  à  la  fcrvitijde 
»  des  paffagv's.  ---  L'impofTtbilité  de  réunir  dans  la 
j>  même  enceinte  des  fonds  partagés  par  des  che- 
n  mins  ,  a  fait  admettre  pour  bornes  abfolues  de 
»  toute  efpècede  préciputs  roturiers  les  chemins  , 
>»  parce  que  tous  les  objets  qui  doivent  compofer 
»  chacun  de  ces  préciputs  doivent  être  contigus  & 
«  limitrophes  les  uns  aux  autres ,  fe  joindre  fans 
—^ ■ 

1)  Vcycz  l'attic'.e  SfVtfuJt,  dans  le  dictionnaire  de  droit 
Eorisaad. 

j>  moyens; 


PRÊCLOTURE. 

j»  moyens  ;  condition  qui  ne  fe  rencontreroit  pas 
»  dans  le  cas  où  il  y  auroit  un  chemin  intermé- 
»  diaire  ». 

Le  fleur  de  Pontchalon  oppofa  fimplement  à  ces 
raifons  ,  que  la  prairie  n'avoit  jamais  été  divilée  pr.r 
aucune  haie  ni  clôtures  ;  que  les  bàtimens  exiAar.s 
fur  cette  prairie  avoient  toujours  fervi  au  ménnge  ; 
qu'enfin  la  deftination  du  père  de  famille  devoir 
faire  la  loi ,  &  que  cette  deftination  étoit  manifefîe. 

En  conféquence  ,  par  arrêt  du  lO  mai  1779  , 
rendu  au  rapport  de  M.  Mouchard  ,  la  fentence  a 
été  confirmée  avec  amende  &  dépens. 

Peut-on  regarder  comme  Préclôture,  &  parcon- 
féquent  comme  acceflbire  au  préciput,  un  fonds 
far  lequel  il  fe  trouve  une  maifon  accommodée  à 
J'ufage  d'un  fermier  ,  &  où  il  feroit  abfolument  pof- 
fible  de  réfider  ?  Bafnage  &:  Pefnelle  ont  établi  par 
des  raifons  très  décirive's  ,  que  de  telles  circonflan- 
ces  ne  doivent  pas  empêcher  que  ce  bien  ne  foit 
compris  dans  le  préciput,  &  leur  doârine  a  été 
confirmée  par  arrêt  du  parlement  de  Rouen ,  du  19 
mai  1744  (,), 

C'efl  une  queilion  dans  les  coutumes  d'Angou- 
ïHOis  ,  de  faint  Jean  d'Angély  &  de  Poitou  ,  fi  un 
père  Se  une  mère  ont  la  liberté  d'étendre  les  Pré- 
clôiurcs  de  leurs  fiefs. 

La  raifon  de  douter  eft  que  ces  coutumes  ne  com- 
prennent dans  le  préciput  noble  que  les  Préclôtures 
ancien/ies. 

Mais  écoutons  M.  Souchet,  dans  l'ouvraee  déjà 
cite,  pa-e  252. 

"  A  la  fuite  des  biens  nobles  joints  au  manoir  , 
S'  il  y  a  fouvent  des  cenfives  qui  font  annoblies  par 
y>  les  réunions:  fouvent  le  propriétaire  d'un  manoir 
y>  accenfe  partie  de  fes  biens  nobles,  qui  formoitnt 
M  fes  Préclôtures.  On  ne  peut  difputer  cette  faculté 
»»  aux  propriétaires  :  elles  font  fouvent  très-avsnta- 
"  geufes,  &  toujours  autorifées  par  la  liberté  que 
"  les  lois  leur  accordent  dans  l'adminiftration  de 
«  leurs  biens  :  unuftjuifquc  efl  reifux  moderator  &  ar- 
»)  ^«-;'--  —  Il  eft  incontefiable  que  les  anciennes 
w  Precloturesfe  trouvent  reflerrées  par  les  accen- 
«  femens  de  partie  des  biens  nobles:  elles  peuvent 
»  donc  aufil  être  étendues  par  les  réunions  des  ro- 
»  turcs  en  fief.  Les  réunions  forment  des  biens  no- 

"  j^^*  ;.^"'  '  '°'"^*  ^"  manoir  ,  deviennent  partie 
»'  des  Preclôtures  :  par  la  même  raifon  ,  un  père 
»  doit  avoir  la  faculté  d'éloigner  ou  de  rapprocher 
«  un  chemin  qui  fixe  fespoMens  ».  Cette  déci- 
lion  eft  conforme  au  fentiment  des  commentateurs 
des  autres  coutumes  du  même  genre. 

Méchain  ,  fur  celle  de  faint  Jean-d'Angély  titr- 
3  ,  article  I  ,  chapitre  i  ,  dit  que  l'aîné  doit  prendre 
les  Preclotures  telles  qu'elles  fe  trouvent  au  temps 
de  l'ouverture  de  la  fucccfilon ,  parce  qu'il  eft  li- 
bre ,  ajoute-r-il  ,  aux  pères  &  aux  mères  de  les  aue- 
menter  ou  diminuer  comme  ils  le  jugent  à  propos 

Boucheul,  fur  la  coutume  de  Poitou  ,  articles 


(.)  Didionnnredc  diQit  nptmaud ,  ,^^^  i, page. y,.. 


Tome  XllJ, 


PREDICATEUR.         165 

2S9  Zl  290 ,  peiife  de  même.  11  n'imp  jrte  ,  fuis'ant 
lui,  que  la  loi  municip;ile  emploie  1  exprefiion  de 
Pf-éclotures  a':ciennes.h\à^)ii&^\{ anciennes  n'efi  pas  l'Iî 
te  me  limitatif ,  qui  empêche  les  pères  Si  les  inèriS 
ou  autres  ,  d'augmenter  les  Piéclôtures  au-delà  des 
îJremières  bornes  qu'elles  avoient  anciennement. 
Ce  n'eft  qu'un  terme  démonfiratif  pour  dire  que 
l'aîné  ne  peut  pas  prétendre  les  Piéclôtures  autres 
qu'elles  étoient  du  vivant  de  fon  père  &  de  fa  mère 
lors  de  leur  décès,  qui  eft  le  temps,  ajoute-t-il , 
qu'il  faut  confidérer  pour  le  partage  de  la  fucceffion. 

En  effet ,  comme  l'obferve  M.  Souchet ,  ««  cette 
»  exprelfion,  anciennes  Préclôtures ,  eft  relative  au 
5>  dernier  état  du  fief.  Elle  fe  réfère  au  temps  de  la 
»  jouifTance  de  celui  auquel  on  fuccède.  Il  n'eft: 
»  pas  poffible  de  penfer  qu'un  père  de  famille  n'ait 
>»  pas  la  liberté  d'étendre  ou  de  refferrer  les  Pré- 
»  clôtures  de  fes  fiefs  :  c'eft  un  effet  de  la  liberté 
•>■>  qui  doit  régner  dans  fon  adminiftration,  pourvu 
»  qu'elle  ne  foit  pas  le  fruit  d'une  fraude  manifefie 
»  faite  aux  droits  de  l'aîné  ,  &  contraire  aux  bor- 
»  nés  que  la  coutume  a  Tprefcr'nes  à  fesdifpofitions". 

Dans  les  coutumes  de  Touraine  &  de  Lodunois , 
il  y  a  fur  la  manière  de  fixer  le  pourpris  ,  des  ditll- 
cultés  dont  M.  Cottereau  a  fait  uneexafle  difcuf- 
fion  ,  en  fon  droit  général  de  France  ,  &•€.  :  voyez  le 
tome  2  de  cet  ouvrage. 

Voyez  auffi  les  articles  AcciNS  &  PrÉCLÔtu- 
RES  ,'AiNÉ,  Préciput  &  Succession.  (  Article 
de  M.  Merlin  ,  avocat  au  parlement  de  Flandres  & 
fecrétalre du  roi'), 

PRÉDICATEUR ,  PREDICATION.  La  prédi- 
cation eft  la  fonâion  propre  des  évêques ,  &  leur 
premier  devoir.  C'eft  aux  évêques  que  jéfus-chrifl: 
adreffe  ces  paroles  dans  l'évangile  :  Allc:^  ,  enfei- 
gne^  toutes  L's  nations.  Mathieu,  28,  "5^.  19.  Les 
apôtres  n'établirent  les  diacres,  que  pour  fe  réferver 
entièrement  à  cette  fondlion  importante.  «  Il  n'eft 
»  pas  jufte  ,  difent-ils ,  d'abandonner  le  miniftère 
V  de  la  parole,  pour  nous  charger  de  celui  des  ta- 
5»  blés  ;  choififfons  fept  hommes  d'entre  nous ,  de 
»  bon  témoignage  &  remplis  de  l'efprit  faint  , 
»  auxquels  nous  confierons  le  foin  des  pauvres  & 
«  la  diftribution  des  aumônes  ».  A6te  6  ,  ^.  2. 
Saint  Paul  écrit  aux  Corinthiens ,  que  dieu  ne  l'a 
point  envoyé  pour  baptifer ,  mais  pour  prêcher  : 
Non  mijît  me  dominus  b.iptifare  ,  fed  evangelifare. 
Corinth.  i  ,  ^-  17  C'eft  pourquoi  le  concile  de 
Trente  appelle  la  prédication  le  principal  devoir 
des  évêques  :  Prcccipuum  munus  epifcvporum. 

Les  évêques  ne  rempliffent  pas  leurs  obligations 
à  cet  égard,  en  faifant  prêcher  par  d'autres;  ils 
font  tenus  de  prêcher  eux-mêmes.  Le  premier  de- 
voir que  nous  impofe  le  facerdoce  ,  dit  faint  Am- 
broife  ,  eft  celui  d'enfeigner  :  C>^ciur/i  docendi  no- 
bis  impojuit  facerdotii  necejjltudo.  L.  i  ,  offic.  c.  10. 
Saint  Thomas  remarque  que  le  miniftère  de  la  pa- 
role a  été  confié  par  jéfus-chrift  aux  apôtres ,  &  par 
eux  aux  évêques  ,  leurs  fucceffeurs ,  afin  que  ceux- 
ci  j'en  acquittent  par  cux-niécQcs.  C'eft  donc  avec 

Ll 


tl66 


PRÉDICATEUR. 


grande  ralfon  que  Fagnan  obfcrve  que  les  évêques 
ne  peuvent  pas  s'exempter  de  prêcher ,  fous  pré- 
texte qu'il  n'eft  ph:s  d'ufage  qu'ils  remplilTent  eux- 
ni'Jmes  ce  miniftère  ;  parce  que  ce  nen  ufage  étant 
contraire  à  un  précepte  divin,  ne  peut  jamais  être 
qu'une  corruption  &un  abus. 

La  foniftion  de  prêcher  étoit  regardée,  dans  les 
premiers  fiècles  de  réglife  ,  comme  tellement  pro- 
pre à  l'épifcopat  ,  que  c'étoit  l'évéque  feul  qui  prê- 
choit  alors.  Quelques  évêques,  que  leurs  infirmi- 
tés ou  d'autres  raifbns  empéchoient  de  s'acquitter 
de  ce  devoir,  commencèrent  à  faire  prêcher  un 
prêtre  à  leur  place.  Valère ,  évéque  d'Hyppone  , 
étant  grec  d'origine ,  &  ne  s'cxprimant  pas  facile- 
ment en  latin  ,  qui  êtoit  la  langue  de  (on  peuple  , 
commit  faint  Auguflin  ,  encore  prêtre  ,  pour  prê- 
cher en  fa  prêfence.  Le  premier  prêtre  qui  paroifTe 
chargé  de  cette  fonftioii  dans  réglife  d'Orient,  e(i 
faint  Jean-Chryfoflôme.  Bientôt  la  religion  fc  ré- 
pandant dans  l'intérieur  des  campagnes  ,  6i  le  nom- 
bre des  chrétiens  (c  multipliant ,  il  ne  fut  plus  pof- 
fd)le  daffeinbler  tout  le  peuple  dans  la  même  égJife. 
Il  fallut  en  établir  d'autres  ,  où  les  tidèles  reçuffcnt 
lous  les  facremens  ,  &  les  inftruéiions  qu'ils  rece- 
voient  auparavant  de  l'évéque  dans  Tcglife  princi- 
pale. C'eiilà  l'établiiTement  des  paroiflcs.  La  pré- 
dication devint  alois  le  premier  devoir  des  prêtres 
chargés  de  les  delTervir  ,  comme  elle  avoit  été  juf- 
que  là  la  première  fonftion  des  évêques. 

11  eût  été  avantageux  ,  fans  doute  ,  de  ne  pas 
étendre  à  un  plus  grand  nombre  de  perfonnes  le 
minifiére  de  la  prédication.  Des  prédicateurs  étran- 
gers ,  qui  prêchent  en  padant  dans  une  églife  à 
laquelle  ils  ne  font  point  attachés,  n'ont  Jamais  le 
refpefl  &  la  confiance  des  fidèles ,  comme  leurs 
propres  payeurs  ;  ils  n'ont  point  l'autorité  fuiK- 
fante  pour  s'élever  avec  fruit  contre  le  vice  &  pour 
faire  celTer  les  fcandales  ;  ils  ne  peuvent  entrepren- 
dre des  inftruéhons  fuivies,  comme  celui  qui  eit  at- 
taché à  une  certaine  églife,  ni  entrer  dans  le  détail 
des  mcEurs ,  comme  celui  qui  connoît  les  befoins 
de  fon  troupeau.  Mais  l'ignorance  des  pafteurs  obli- 
gea ,  dans  le  dixième  &  le  onzième  fiècles  ,  d'ad- 
mettre à  cette  fonélion  tous  ceux  qui  avoient  quel- 
que talent  pour  la  remplir. 

Les  ordres  mendians  qui  fe  deftinoient  par  état 
h  fecoi  rir  les  pafleurs  ,  &  les  diflérentes  ramifica- 
tions dans  lefquclles  ils  fe  divisèrent  depuis  ,  obtin- 
rent, dès  leur  origine,  la  permiffion  de  prêcher 
pour  tous  les  membres  ;  mais  depuis  on  a  rendu  ce 
minidère  fj  commun  ,  qu'il  efl  ,  pour  ainfi  dire  , 
abandonné  au  premier  venu  ,  i>c  même  aux  plus 
incapables. 

j4ppTobatïon.  des  Prédicateurs. 

Si  la  prédication  eft  principalement  le  devoir  des 
i\  êques  &  la  fonélion  qui  leur  eft  propre ,  aucun 
mtmbre  du  clergé  ne  peut  l'exercer  fans  leur  con- 
feniement.  Les  curés  reçoivent  d'eux  cette  permif- 
f:on  par  l'iiaflitution  aiitorifable  qu'ils  obtiennent, 


PREDICATEUR. 

pouf  pouvoir  exercer  toutes  les  fonciions  dii  minif- 
tère dans  leurs  paroiffés.  Mais  les  autres  prêtres  fé- 
culiers  ou  réguliers,  qui  fc  devinent  à  la  prédica- 
tion ,  ne  peuvent  prêcher  fans  avoir  obtenu  à  cet 
effet  une  permiffion  fpéciale.  Cet  ufage  a  été  conf- 
tammentobfervédans  l'éghfe,  depuis  que  le  mi- 
niftère  de  la  prédication  ell  exercé  par  d'autres  que 
par  les  évêques  8c  les  curés.  Il  fubfifte  dans  l'églife 
grecque  ,  depuis  qu'elle  eft  fcparée  par  le  fchifme , 
comme  il  paroîi  par  une  remarque  de  Balfamon  fur 
le  foixantequatriéme  canon  du  concile  /^  Truilo. 
Ce  prélat,  qui  vivoit  dans  le  treizième  fiècle,  dit 
que  le  droit  de  prêcher  n'a  été  confié  par  le  faint- 
Efprit  qu'aux  feuls  évêques  &  à  ceux  qui  ont  obte- 
nu leur  confentement.  Chez  nous ,  le  concile  Trente 
le  décide  expreffément ,  feffion  <;  ,  de  reformat,  oii 
il  veut  que  les  réguliers  foient  obligés  de  fe  préfen- 
ter  à  l'évéque,  &c  de  demander  fa  bénédiélion  , • 
pour  prêcher  dans  les  églifes  de  leur  ordre,  &  d'ob- 
tenir, outre  cela,  fa  permiffion  pour  prêcher  dans 
celles  qui  ne  font  point  de  leur  ordre.  Regularesvero 
cujufcumque  ordinis  ,  nifi  à  fuis  juperioribus  ,  de  vitâ  , 
moribus  &  fcientiâ  examinari  &  approbati  fuerint ,  ne 
de  eoiiim  Ucentiâ  ,  etiam  in  ecclîfiis  Juorum  ordinutn 
pnedicare  non  pojfmt  ;  cum  quâ  Ucentiâ  perfonaliter 
fe  coram  epi/copis  prxfentare  &  <ib  eis  benedicîionem 
peiere  teneaniur  ,  anfequain  prxdicare  incipi'int  :  iti 
ecclefiis  vero  qux  fuorum  ordinum  non  funt  ,  ultra  / - 
centium  fuorum  fupenonim,  etiam  epifcoporam  licen- 
tiarn  habere  teneantur.  Seff.  5  ,  de  reformât.  A  la  vé- 
rité ,  le  concile  met  une  différence  entre  les  églifes 
des  réguliers  &  les  autres  églifes  du  diocèfe.  Il  exi- 
ge qu'ils  obtiennent  la  permiffion  de  l'évéque  pour 
prêcher  dans  les  égUfes  du  diocèfe;  il  veut  feulement 
qu'ils  fe  préfentent  à  lui  &  demandent  fa  bénédic- 
tion pour  prêcher  dans  leurs  propres  églifes;  mais  • 
il  n'entend  certainement  point  par-là  leur  donner 
la  permiffion  d'y  prêcher  malgré  lui  &  lorlqu'il  s  y 
oppofe  formellement.  ,     a-  '   a 

Nos  ordonnances  ont  auffi  établi  la  necefiite  de 
l'approbation  de  l'évéque,  par  rapport  aux  Prédi- 
cateurs, C'eft  ainfi  que  s'exprime  l'édit  de  1606, 
donné  fur  les  remontrances  du  clergé  :  »  Les  Pre- 
»  dicateurs  ne  pourront  obtenir  la  chaire  des  egli- 
»  (es,  même  pour  l'avent  &  le  carême  ,lans  la 
»  miffion  &  permiffion  des  archevêques  &  eve- 
»  ques  ,  ou  leurs  grands  vicaires  ,  chacun  en  leur 
»  diocèfe.  N'entendons  néanmoins  y  affujettir  es 
),  églifes  où  il  y  a  coutume  au  conttaire,  etquelles 
„  fiiffira  d'obtenir  l'approbation  dcfdits  archeve- 
»  ques  &  évêques ,  du  choix  ou  éleflion  qu  ils  au- 
»   ront  fait  ».  Art.  11  ,  édit  de  1606.  _ 

Nonobftant  des  lois  fi  formelles ,  les  réguliers 
prétendirent  encore  ,  dans  le  fiècle  pafie,  qu  il  leur 
fuffifoit  de  demander  la  permiffion  de  l'eyeque  , 
pour  prêcher  dans  les  différentes  égliles  du  dio- 
cèfe ,  fans  qu'il  fût  néceffaire  de  l'obtenir  ;  que 
quand  ils  étoient  une  fois  approuvés  dans  un  dio- 
cèl'e  ,  l'évéque  qui  les  avoit  approuves  ,  ni  les  lue-, 
ceffeurs  ,  ne  pouvoient  plus  retirer  m  révoquer 


.,;  PRÉDICATEUR. 

leur  approbation;  qu'ayant  été  un^  fois  approuves 
par  un  cvéque  ,  ils  étoient  cenfés  approuves  pour 
tous  les  diocèfes.  Ils  fondoient  de^  prétentions  fi  ex- 
traordinaires &  fi  contraires  aux  règles  de  toute 
l'antiquité,  fur  les  privilèges  qui  leur  avoient  été 
accordés  par  quelques  papes.  Regardant  le  pape 
comme  ordinaire  des  ordinaires ,  &  comme  évè- 
que  immédiat  dans  tous  les  diocèfes  du  monde 
chrétien  ,  félon  l'opinion  û  commune  &  fi  accrédi- 
tée parmi  les  réguliers  ;  Se  fuppofant  que  l'appro- 
bation de  leurs  règles  &  de  leurs  priyilèges  leur 
tenoit  lieu  d'approbation  pour  exercer  par- tout  lés 
fondions  du  miniftèrefacerdotal,  ils  en  concluoient 
qu'ils  n'avoient  aucun  befoin  de  celle  des  évèques. 

Ces  prétentions ,  qui  causèrent  tant  de  fcandales 
dans  les  diocèfes  de  Sens ,  d'Angers  ,  d'Agen  ,  &  à 
la  Chine  ,  furent  réprimées  par  les  arrêts  du  confeil 
des  9  janvier  i6y/,ik  4  mars  1669.  Ce  dernier 
arrêt  fait  la  même  diftiniiion  que  le  concile  de 
l'rente.  Il  fuffit ,  pour  autorifer  les  réguliers  à  prê- 
cher dans  les  églifcs  de  leur  ordre  ,  que  l'évèque 
îie  s'y  oppofe  pas  ,&.  qu'ils  fe  foient  préfentes  à 
lui  pour  recevoir  fa  béncdiition  ;  mais  s'ils  veulent 
prêcher  dans  les  autres  églifes  du  diocéfe,  ce  n'eft 
pas  aflez  que  l'évêque  ne  s'y  oppofe  pas  ;]  fa  per- 
niiffion  eil  nécelfaire  ,  &  il  peut  la  révoquer  quand 
bon  lui  femble. 

Les  prétentions  des  réguliers  n'ont  été  véritable- 
ment anéanties  ,  qu'à  dater  de  l'édit  de  1695  ,  dont 
voici  la  difpofition  :  »  Aucuns  réguliers  ne  pourront 
»  prêcher  dans  leurs  églifes  6c  chapelles  ,  fans  s'ê- 
V  ne  préfentés  en  perfonnes  aux  archevêques  ou 
5)  évêques  dioccfains  ,  pour  leur  demander  leur 
J»  bénédiflion  ,  ni  prêcher  contre  leur  volonté  ;  & 
w  à  l'égard  des  autres  églifes  ,  les  féculiers  6c  les 
"  réguliers  ne  pourront  y  prêcher  ,  fans  en  avoir 
«  obtenu  la  permiffion  des  archevêques  ou  évê- 
"  ques ,  qui  pourront  la  limiter  6c  révoquer  ,  ainfi 
t*  qu'ils  le  jugeront  à  propos  ;  6c  es  églifes  dans 
»•  lefquelles  il  y  a  titre  ou  poffeffion  valable  pour 
»  la  nomination  des  Prédicateurs,  ils  ne  pourront 
»  pareillement  prêcher  fans  l'approbation  6c  mif- 
".  fion  defdits  archevêques  ou  évêques.  Faifons  dé- 
»  fenfes  à  nos  JHges  &  à  ceux  defdits  feigneurs 
»  ayant  juftice  ,  de  commettre  &  autorifer  des 
»»  Prédicateurs,  &  leur  enjoignons  d'en  lai/Ter  la 
»  libre  6c  entière  difpofition  aux  prélats ,  voulant 
'»  que  ce  qui  fera  par  eux  ordonné  fur  ce  fujet , 
>>  foit  exécuté  ,  nonobftant  toutes  oppofitions  ou 
»  appellations,  6c  fans  y  préjudicier.  Article  10, 
»  édit  de   1695  ». 

Cet  article  ,  comme  on  le  voit ,  termine  toutes 
les  quêtions  qui  pouvoient  être  élevées  fur  l'ap- 
probation néceiTaire  ,  foit  aux  eccléfiaftiques  fécu- 
liers ,  foit  aux  réguliers.  1°.  Tous  les  féculiers  ne 
peuvent  prêcher  dans  aucune  églife  du  diocéfe  , 
même  dans  celle  des  réguliers  ,  lans  uae  approba- 
tion exprefle  de  l'évêque. 

D'où  il  fuit ,  que  les  curés  primitifs  ou  leurs  dé- 
putés ,  pe  psuYSOt}  i.uj(  |fètes  sJUiuçUç^ ,  prêcher 


PREDICATEUR. 


167 


•  dans  leurs  paroifî'es,  fans  être  approuvés  par  l'évê- 
que. L'art.  1 4  du  règlement  des  réguliers  ,  en  conte- 
noit  déjà  une  difpofition  exprelTe. 

D'où  il  fuit  encore  ,  que  les  curés  mêmes  ne  peu- 
vent faire  prêcher  dans  leurs  paroiiïes  un  prêtre 
qui  n'a  point  l'approbation  de  l'évêque. 

Mais  par  prédications  on  n'entend  point  les  inf- 
truclions  familières ,  telles  que  les  prônes  ,  les  priè- 
res du  foir,  6c  les  cathéchifmes.  Les  curés  peu- 
vent commettre  tels  cccléfiafliques  qu'ils  jugent  à 
propos,  pour  les  faire  dans  leurs  paroi/Fes ,  fans 
que  ces  eccléfiaftiques  aient  pour  cela  befoin  d'ê- 
tre approuvés  par  rêvêque.  C'eft  ce  qui  a  été  jugé 
par  arrêt  du  parlement  de  Paris  le  5  fcptembrc 
1758.  Sur  l'appel  coihme  d'abus  interjeté  par  les 
curés  de  la  ville  6c  fauxbourgs  d'Auxerre  ,  de  deur 
ordonnances  rendues  par  l'évêque  d'Auxerre ,  les 
26  janvier  ôc  13  février  de  la  même  année,  les 
deux  ordonnances  ont  été  déclarées  abufives,  en  es 
qu'elles  exigeoint  l'approbation  par  écrit  de  l'évêque 
pour  les  catéchifmes  ,  prières  du  foir  ,  prônes  6c 
autres  inftruftions  familières  qui  ne  foJit  pas  coni-s 
prifes  dans  l'art.  10  de  l'édit  de  1695.  En  confé- 
quence ,  l'arrêt  a  maintenu  3c  gardé  les  curés  de  ce 
diocéfe  dans  le  droit  6c  polTelIion  de  commettra 
les  eccicfiafliques  du  diocéfe ,  pour  faire  les  inftruc  - 
lions ,  aiures  que  les  prédications  proprement  dites , 
fans  être  tenus  de  les  faire  approuver  par  l'évê- 
que ,  6c  lui  a  fait  dèfenfes ,  èc  à  tous  autres  ,  de  les 
y  troubler. 

2°.  Les  réguliers  ne  font  point  tenus,  pour  prê- 
cher dans  les  églifes  de  leur  ordre,  d'obtenir  la 
permiflion  de  Tévèque  ;  il  fuffit  qu'ils  fe  préfenrenj 
à  lui  pour  recevoir  fa  bènéilidion  :  mais  ils  ne  peu- 
vent pas  plus  prêcher  dans  leurs  églifes  que  dans 
les  autres ,  lorfque  l'évêque  s'y  oppolé.  Quand  ils 
veulent  prêcher  dans  les  églifes  du  diocêîe  ,  ou 
dans  celles  des  réguliers  d'autres  ordres  ,  ils  font 
dans  le  cas  des  ecciéfiaftiques  féculiers  ,  Se  il  leur 
faut  une  approbation  exprefle  de  l'évêque. 

S'il  n'eft  queftion  que  d'exhortations  qui  doivent 
être  faites  dans  le  chapitre  ou  dans  les  autres  lieux 
du  monaftère  ,  pour  Tin^ruêlion  feulement  des  re- 
ligieux ,  les  réguliers  n'ont  pas  befoin  pour  cela  de 
l'approbation  de  l'évêque. 

3  '.  Les  évêques  font  en  droit  de  refufer  la  per-* 
mifiion  de  prêcher  à  qui  bon  leur  femble ,  fans 
qu'il  y  ait  de  voie  ouverte  pour  les  forcer  à  la  don- 
ner. C'eft  ce  qui  fuit  évidemment  de  cette  claufe 
»  lefquels  évoques  la  pourront  limiter  pour  les 
n  lieux  ,  les  perfonnes  ,  le  temps,  ou  les  cas,  ainfe 
»  qu'ils  le  jugeront  à  propos  ,  Se  la  révoquer  même 
»  avant  le  temps  expiré ,  peur  caufes  furvenues  de- 
H  puis  à  leur  connoifl'ance,  lefquelles  ils  ne  feront 
j>  pas  tenus  d'exprimer  n.  De  forte  que  quand  l'é- 
vêque ne  fait  pas  paroître  les  caufes  de  fon  re- 
fus ,  il  n'y  a  point  heu  à  l'appel  comme  d'abus  ,  ni 
à  l'appel  fimple. 

Cependant  û  l'évêque  ,  en  révoquant  une  per- 
œiflioa  de  prêcher  ,  çxpriipoit  U  caufe  de  la  révo- 
*^^   ^^' Llij 


iéS 


PREDICATEUR. 


cation  ,  &  que  cette  caufe  fe  trouvât  abufire  ,  elle 
donneroit  lieu  à  l'appel  fimple  ou  à  l'appel  comme 
d'abus.  G'cft  en  ce  fens  qu'il  faut  entendre  cette 
dernière  claufe  de  l'art,  ip  :  u  voulant  que  ce  qui 
»»  fera  par  eux  ordonné  fur  ce  fujet ,  foit  exécuté  , 
i>  nonobftant  toutes  oppofitions  &  appellations  ,  & 
w  fans  y  préjudicier  >♦. 

4  .  Le  Prédicateur  qui  eft  approuvé  pour  prêcher 
dans  un  diocèfe,  ne  peut  prêcher  dans  un  autre 
lans  l'approbation  fpécialc  de  l'évéque  du  lieu. 

L'approbation  des  Prédicateurs  eu.  un  droit  qui 
appartient  uniquement  aux  évêques  ,  de  forte  que 
les  exempts  ,  quelle  que  foit  la  juridiâion  dont  ils 
jouifTent ,  ne  peuvent  approuver  les  Prédicateurs  , 
même  pour  les  églifes  de  leur  territoire ,  &  que  les 
Prédicateurs  qui  font  nommés  pour  y  prêcher  , 
doivent  avoir  l'approbation  de  l'évéque  diocéfain. 

De  là  ,  il  fuit  que  quand  un  prêtre  eu  approuvé 
de  l'évéque,  &  qu'il  eft  nommé  pour  prêcher  dans 
les  églifes  qui  dépendent  le  la  juridiâion  des 
exempts  ,  il  n'eft  point  obligé  de  leur  repréfenter 
fon  approbation  ,  quelle  que  foit  la  po/TtlRon  con- 
traire. 

Le    doyen    du  chapitre  royal  de  Saint-Florent 
de  Roye  ,  officiai  né  de  l'évéque  d'Amiens  ,  &  com- 
mis pour  l'exercice  de  la  juridi(5lion  fpirituelle  du 
chapitre,  rendit  une  ordonnance  le  27  décembre 
1706  ,  par  laquelle  il  fit  défenfe  à  M"  Bains  ,  curé 
du  Quefnoi ,  de  prêcher  ce  même  jour  dans  l'églifo 
des   religieux   de  la  charité  de  Roye  ,  &.  à  l'avenir 
dans  les  autres  églifes  de  la  ville  de  la  juridiâioii 
du  chapitre ,  fans  auparavant  lui  avoir  fait  voir  fou 
approbation  de  l'évéque  d'Amiens  ,  &  fans  avoir 
obtenu  fa  nomination.  Il  prononçoit  contre  lui  l:i 
peine  d'interdit,  ipfo  faâo y  en  cas  qu'il  entreprît 
de  prêcher  malgré  la  défenfe  qui  lui  en  étoit  faite. 
Les  religieux  de  la  charité  fc  pourvurent  contre 
cette  entreprife  du  chapitre;  8f  fur  la  fentcncc  qui 
intervint  aux  requêtes  du  Palais  entre  les  religieux 
&  le   chapitre  ,   le   6    feorembre  1707  ,  les  reli- 
gieux furent  maintenus  en  pofTelTion  de  prendre  & 
choifir  tels  prêtres   &    eccléfiaftiques  qu'ils  vou- 
droient ,  pour  prêcher  &  adminiftrer  les  facremens 
dans  leurs  églile  ,  maifon  &  hôpital  de  la  charité  de 
Roye  ,  pourvu  qu'ils  fuffent  approuvés  de  l'évéque 
d'Amiens;  défenfes  au  chapitre  de  les  y  troubler; 
le  chapitre  fut  maintenu  &  gardé  dans  la  pofTeiïion 
de  fe  faire  repréfenter  les  approbations  de  l'évéque 
d'Amiens  ,  par  tous  les  prêtres  &  ecclcfiaftiques  , 
pour   prêcher  &   adminiftrer  les  facremens  dans 
toutes  les  églifes  &.  lieux  de  l.i  ville  de  Roye  ;  &  il 
fut  en  conléquence  ordonné  que  les  religieux  fe- 
roient  tenus  de  s'y  conformer. 

Les  religieux  s'éiant  pourvus  par  la  voie  de  l'ap- 
pel contre  cette  fentence,  &  ayant  appelé  comme 
d'abus  de  l'ordonnance  du  chapitre,  &  le  fieiir 
Bains  s'étant  rendu  intervenant  ;  par  arrêt  du  23 
mars  1709,  la  cour  fur  l'appel  de  ladite  ordon- 
nance ,  a  dit  qu'il  y  avoit  abus  ;  fur  l'appel  de  ladite 
feotçnce  j  a  mis  l'appellation  &  ce  dont  eft  appel  I 


PREDICATEUR. 

au  néant;  émandant,  déboute  lefdits  du  chapîtfe 
de  Saint-Florent  de  Roye  de  Uur  demande  :  ce  fai« 
fant,  maintient  les  religieux  de  la  charité  de  Roye 
dans  le  droit  &  poflefljon  de  fe  fervir  ,  pour  prê- 
cher &  adminiflrer  les  facremens  dans  leurs  églife 
&    hôpital ,  de  tels  prêtres  féculiers  ou  réguliers 
qu'ils  jugeront  à  propos ,  pourvu  qu'ils  foient  du 
nombre  de  ceux  qui  font  approuvés  par  l'évéque 
d'Amiens,  fans  que  le  prêtre  (éculier  ou  régulier 
par  eux  choifi ,  foit  obligé  ,  non  plus  que  les  reli- 
gieux de  la  charité  ,  avant  que  de  s'immifcer  dans 
les  fondions  eccléfiaftiques  ,  de  repréfenter  l'ap- 
probat'on  au  chapitre  :  fait  défenfes  au  chapitre  de 
Roye  de  les  y  troubler;  condamne  le  chapitre  à 
tous  les  dépens,  tant  des  caufes  principales  d'appel, 
que  demandes  envers  lefdits  religieux  de  la  cha- 
rité &.  Bains,  chacun  à  leur  égard.  Duperrai  rap- 
porte cette  arrêt  dans  fon  commentaire  fur  l'édic 
de  1695  ,  art.  10.  On  voit  qu'il  juge  difertement 
que  l'évéque  peut  donner  les  approbations  pour 
prêcher  dans  le  territoire  des  exempts ,  &  que  les 
exempts  n'ont  pas  droit  d'approuver  les  Prédica- 
teurs, puifqu'ils  ne  peuvent  pas  même  fe  faire  re- 
préfenter les  approbations  accordées  par  l'évéque. 
La    bénédi(5Uon    que  celui    qui    prêche  devant 
l'évéque  eft  obligé  de  lui  demander  ,  eft  une  re- 
connoiffance    que  la    prédication    eft    principale- 
ment la  fonéhon  de  l'évéque;  qu'il  n'exerce  cette 
fonflion  qu'à  fa  place ,  &  qu'il  a  befoin  pour  cela 
de    fon  confentement.  Les  exempts  y  font  aftu- 
jettis  comme  les   autres;  8f  lorfque  les  évêques 
affiftent    dans  leur  églife  au  fermon  ,  le  Prédica* 
teur  eft  tenu  de  leur  demander  leur  bénédiéîion. 
C'eft  ce  qui  a  été  jugé  au  grand  confeil  le  22  fep- 
tembre  1663  ,   en   faveur  de  l'évéque   de  Laon  , 
contre  les  religieux   de  l'abbaye  de  Saint-Martin 
de  cette  ville.  Par  cet  arrêt  il  eft  enjoint  aux  re- 
ligieux &  aux  autres  eccléfiaftiqucs  qui  prêcheront 
dans  leur  égtife  ,   de  demander  la  bénédidion  de 
l'évéque  ,  lorfqu'il  fera  préfent. 

L'approbation  que  les  évêques  donnent  aux  Pré- 
dicateurs ,  doit  être  accordée  fans  frais  :  c'eft  la  dif- 
pofition  précife  de  l'art,  ii  de  l'édit  de  i(^^.ti  Vou- 
»  Ions,  y  eft-il  dit,  que  lefdites  permiifions  (  ce 
'•  qui  comprend  celle  de  prêcher  .  comme  celle  de 
j>  confefter)  foient  délivrées  fans  frais.  Le  concile 
»  de  Trente  l'avoit  djà  ordonné  ^u  f'JT-  8-  de  refcr-^ 
mat.  cap.  2 ,  ipfam  antem  liceniiam  (^praJicandi  ) 
gratis  epifcopi  concédant. 

Il  n'en  eft  point  des  curés  comme  des  autres 
eccléfiaftlques  féculiers  ou  réguliers  ;  ayant  par 
leur  titre  droit  de  prêcher  dans  les  paroifl"eS;  ils 
n'ont  pas  befoin  d'une  permiflîon  particulière  de 
l'évéque,  pour  s'acquitter  de  cette  fon61ion.  L'fvê- 
que  ne  peut  leur  interdire  le  miniftère  de  la  p'édi'' 
cation,  qu'en  prononçant  contr'eux  une  peine  de 
fufpenie,  après  leur  avoir  fait  leur  procès  félon  les 
formes  canoniques  ,  ou  en  les  privant  de  leur 
bénéfice  pour  quelque  crime.  Aufti  l'article  2  de 
l'édit  ds  1695,  les  exemp:e-t-il  formellement  de 


PREDICATEUR; 

l'obligation  Impoféc  aux  eccléfiaftiques  d'obtenir 
des  évèques  une  permilHon  particulière.  «  N'enten- 
»»  dons  comprendre  dans  les  articles  précédens  les 
»  curés  ,  tant  f&ciiliers  que  réguliers  ,  qui  pourront 
J»  prêcher  &  adminiftrer  le  facrement  de  pénitence 
>>  dans  leurs  paroifî'es  ;  comme  auffi  les  théologaux, 
»  qui  pourront  prêcher  dans  les  égliles  où  ils  font 
«  établis  ,  fans  aucune  permifTion  plus  fpéciale.  E^dit 
«  de  1695  ,  art.  12  ». 

Comme  on  ne  peut  jamais  empêcher  les  curés 
de  prêcher  eux  mêmes ,  il  faut  non-feulement  le 
confsntemcnt  de  l'évêque  pour  qu'un  eccléfiaf^ique 
féculier  ou  régulier  puilTe  prêcher  dans  une  paroiiFe, 
mais  encore  le  confeptement  du  curé.  En  cflct , 
toutes  les  fois  que  l'évêque  jugera  à  propos  d'en- 
voyer un  cccléfla^ique  pour  prêcher  dans  une  pa- 
roiUe  ,  cet  ecclcfiafliqua  ne  montera  point  en  chair, 
fi  le  curé  le  juge  à  propos ,  parce  que  celui-ci  pourra 
toujours  fe  préfenter  pour  remplir  cette  fonftion 
par  lui  même. 

Mais  il  arrivera  auflî  que  lorfque  le  curé  ne  fera 
pas  en  état  de  prêcher  ,  ou  d'inilruire  (on  peuple 
de  quelque  manière  que  ce  foit,  il  fera  toujours 
obligé  de  recevoir  celui  que  lui  enverra  l'évêque. 
Il  faudra  que  le  curé  choififfe  quelqu'autre  ecclé- 
fiaftique  pour  le  faire  prêcher  à  la  place  :  mais  l'évê- 
que eft  le  maître  de  révoquer  les  approbations  qu'il 
a  données  ,  lans  être  tenu  d'en  déduire  les  caufes. 
Il  pourra  donc  toujours  révoquer  celui  que  le  curé 
aura  choifi  :  &  comme  le  peuple  doit  être  inflruit, 
il  forcera  toujours  le  curé  à  confentir  à  ce  que  ce- 
lui qu'il  commet  prêche  dans  fa  paroifTe. 

D'après  cela,  il  eu  aifé  de  réfoudre  Ja  queflion 
de  favoir  fi  les  curés  peuvent  refufer  d'admettre 
dans  leurs  paroifles  les  Prédicateurs  que  les  évè- 
ques ont  coutume  d'envoyer  pendant  lavent  &  le 
carême  pour  un  certain  nombre  d'églifes  de  la  cam- 
pagne. Ces  Prédicateurs  n'étant  donnés  au  curé  que 
pour  lefoulager,  &  le  curé  pouvant  lui-même  fe 
préfenter  pour  prêcher,  il  eu.  évident  qu'il  efl  libre 
de  ne  pas  les  admettre,  &  que  l'évêque  ne  peut  le 
forcer  à  les  recevoir. 

Quand  il  feroit  queflion  d'une  fl.-îtion  d'avent  81 
de  carême  ,  fondée  dans  une  paroi/Te  confidérable  , 
&  à  laquelle  d'autres  que  le  curé  auroient  droit  de 
nommer,  il  pourrcit  toujours  exclure  le  Prédica- 
teur nommé  peur  le  remplir,  parce  que  ces  ftatrons 
n'étant  fondées  que  pour  fa  décharge  ,  il  feroit  libre 
de  les  remplir  lui-même. 

Mais  il  n'en  eft  pas  de  même  des  miflîons  extraor- 
dinaires que  les  évèques  établiflent  par  intervalles 
dans  certains  cantons  de  leurs  diocëfes  ,  pour  y  ra- 
nimer la  pieté  des  peuples.  Les  inflrui^ions  de  ces 
miifions  fe  font  à  des  heures  qui  n'interrompent 
point  le  cours  des  offices  de  la  paroUle ,  &  n'em- 
pêchent point  par  conféquent  le  curé  d'y  inflruire 
fon  peuple  ,  comme  il  a  coutume  de  le  faire.  Ces 
mi/Iions  font  rares,  &  on  ne  peut  pas  fuppofer 
qu'elles  aient  pour  but  de  nuire  à  fes  droits  :  elles 
produilent  les  plus  heureux  efists,  &.  fouyent  ou  en 


PREDICATEUR.         1^9 

apperçoît  encore  les  ^fruits  très-long-temps  après 
dans  les  paroifles  où  elles  fe  font  faites.  Ainfi  un 
curé  qui  refuferoit  de  les  admettre  dans  faparoiffe, 
feroit  tout-à-fait  déraifonnable.  Et  il  y  a  liea  de 
croire  qu'il  feroit  condamné,  en  cas  qu'il  fe  pour- 
^  ût  par  l'appel  fimple  ou  par  l'appel  comme  d'abus, 
pour  qu'elles  n'culTent  pas  lieu  chez  lui. 

Si  l'évêque  trouve  toujours  le  moyen  d'obliger 
un  curé  qui  ne  peut  pas  prêcher  par  lui-même  ,  à 
recevoir  le  Prédicateur  qu'il  lui  envoyé,  lors  mê- 
me qu'il  a  jeté  les  yeux  fur  wn  autre  ;  il  peut  l'y 
forcer  abfolement ,  quand  il  néglige  de  prêcher  ou 
de  faire  prêcher.  Le  curé  manque  alors  à  fon  de- 
voir ;  c'eil  le  cas  où  le  fupérieur  doit  fuppléer  à  {oa 
défaut ,  Si  la  juridi£lion  ne  lui  a  été  donnée  que 
pour  cela.  L'évêque  peut  donc  commettre  alors  un 
Prédicateur  pour  prêcher  à  fa  place,  quoiqu'il  re- 
fufe  d'y  confentir.  Le  concile  de  Trente  veut  que 
lorfque  les  curés  négligeront  de  s'acquitter  de  ce 
devoir,  les  évèques  nomment  des  Prédicateurs 
pour  le  faire  à  leur  défaut,  de  que  les  curés  foient 
tenus  de  les  payer.  C'eft  la  riifpofition  du  quatrième 
chapitre  </e  reformât,  fejf.  24.  Sanfta  fynodus  .... 
mandat ....  ut  , . , .  in  aliis  eccUJîis  per  parochos , 
five  ,  ils  ïmpeditis  ,  per  alios  ab  epifcopo  ,  impenfis 
eorum  qui  cas  prajlare  vel  tenentur ,  vel  foient ,  dc- 
pùtandos  in  civitate  ,  aut  in  quacumque  parte  diœ- 
cefeos    cenfebunt  expedire ,  faltem  omnibus  domini- 

cis facrgs   fcripturas  divinamque  legem    an~ 

nuntisnt. 

Mais  quand  le  curé  ne  feroit  point  négligent  de 
prêcher ,  qu'il  fe  préfenterolt  même  pour  le  faire  , 
l'évêque  peut  toujours  l'en  empêcher,  s'il  juge  à 
propos  de  prêcher  ce  jour-là  dans  la  paroiiTe.  L'évê- 
que eft  le  premier  pafteur  du  diocéfe  ,  &  par  con- 
féquent de  la  paroifTe  ;  la  prédication  fur-tout  eft 
fa  fonflion  ,  &  le  curé  ne  s'en  trouve  jamais  chargé 
qu'en  fécond  &  à  fa  décharge.  Il  faut  pourtant  ©b- 
ferver  qu'il  n'y  a  que  l'évêque  feul  &  en  perfonne 
qui  foit  en  droit  de  prêcher  lorfque  le  curé  fe  pro- 
pofe  de  prêcher  lui  même. 

On  peut  demander  ici  fj  les  curés  ont  le  droit  de 
prêcher  ailleurs  que  dans  leurs  paroifTes  fans  la  per- 
mifTion  de  l'évêque.  Il  eft  certain  qu'il  leur  faut 
alors  une  permifl'ion  fpéciale  ,  comme  aux  autres 
prêtres  du  diocèfe  ;  &  que  cette  permiffion  ,  après 
l.nir  avoir  été  accordée,  peut  être  révoquée  au 
gré  diJ  l'évêque ,  fans  qu'il  foit  obligé  de  déduire 
les  r.iifons  pour  Icfquelles  il  la  révoque.  Par  leur 
titre,  ils  ont  droit  de  remplir  toutes  les  font^ions 
du  miniftère  dans  leur  paroifîe;  mais  ce  droit  ne 
s'étend  pas  ailleurs.  Ils  ne  font  pas  plus  ,  par  rap- 
port aux  paroiffes  voifincs  ,  que  les  autres  ecclé- 
fiaftiques du  diocèfe  ,  qui  ne  font  point  attachés  au 
mini/iére   par  le  titre  de  curé. 

L'exception  qui  a  lieu  par  rapport  aux  curés,  a 
lieu  auHi  à  l'égard  des  thcologaux.  Nous  avons  vu 
que  l'art.  li  de  l'édit  de  169^,  déclare  que  les 
théologaux  ,  de  même  que  les  curés  ,  ne  font  point 
obligés   d'obtenir  une  permifTion  fpéciale,  pour 


'î70  PREDICATEUR. 

prêcher  dans  les  églifes  où  ils  font  établis ,  n  comme 
î)  auflî  les  théologaux  ,  qui  pourront  prêcher  dans 
»>  les  églifes  où  ils  font  établis  ,  fans  aucune  per- 
>)  miflîon  plus  fpécisie  ».  Edit  de  169^  ,  art.  12. 

L'établilfement  des  théologaux  n'eft  pas  de  la 
première  antiquité.  Sans  le  chercher  dansTéglifc 
grecque  ,  où  l'on  prétend  qu'ils  ont  exifté  d'abord  , 
l'opinion  commune  eft  qu'il  ne  remonte  point  au- 
delà  du  troifième  concile  de  Latran  ,  en  1 179. 

Cependant  i!  ne  faut  pas  même  l'attribuerjà  ce 
concile  ,  parce  que  le  18^.  canon  ,  où  il  eft  quef- 
tion  de  les  établir ,  confeille  feulement  de  le  faire, 
fans  contenir  de  difpoCtion  précife  à  cet  égard. 
Ceft  du  4*^  concile  de  ce  nom  qu'il  faut  véritable- 
ment dater  leur  établiflement,  parce  qu'Innocent 
III  ordonne  exprefTémcnt  d'en  inftituer  dans  toutes 
les  églifes  cathédrales.  C/ndè  cùm  fxpe  cont'uigat 
qubd  cp'ifcop'i  , propter  fuas  occupationes  multiplices  , 
vel  invalctudincs  corporaUs  ....  per  jeipfos  non  fuj- 
ficiunt  minijlrare  verbum  dei  populo ,  maxime  pcr 
amplas  diœcefes  &  diffufas ,  générait  confthutione  Jan- 
cïmus  ,  lit  ep'ifcopi  viros  idoneos  ad  fanâcc prœdica- 
tionis  oficium  ftilubriter  exeqiiendum  ajfumant ,  po- 
tentes  in  opère  &  fermone  ....  undè  pracipirnus .. . . 

in  cathcdralibus viros   idoneos    ordinari ,   quos 

epifcopi  pojpnt  coadjutores  &  cooperatores  habere  .  ^  . 
in  prczdicationis  off.cio  ....  Innocen.  III  in  concil. 
Lûteran.  cap.  inter  cxtera  extra,  de  ofîcio  judicis 
ordinari!. 

Quoi  qu'il  en  foit ,  ils  ne  furent  d'abord  établis 
que  dans  les  églifes  métropolitaines.  Le  concile  de 
Bafle  en  1438  ,  fejf.  31  ,  <:.  3  ;  la  pragmat.  tit.  de 
collât,  fejf,  10;  le  concordat ,  fif.  ^^  ccZ/'Z^  ont  or- 
donné d'en  établir  dans  les  cathédrales.  L'ordon- 
nance d'Orléans  ,  art.  8  ,  a  adopté  ces  difpofitions. 
^>  En  chacune  églife  cathédrale  ou  collégiale,  fera 
«  réftrvêe  une  prébende  afleé^ée  Tiun  doéleuren 
ï)  théologie  ,  de  laquelle  il  fera  pourvu  par  l'arche- 
5>  vêque  ,  évêque  ou  chapitre  ,  à  la  charge  qu'il 
■n  prêchera  &  annoncera  la  parole  de  Dieu ,  chacun 
5>  jour  de  dimanche  &  fêtes  folemnelles  ,  &  es  au- 
»  très  jours ,  il  fera  &  continuera  trois  fois  la  fe- 
j>  maine  une  leçon  publique  d'écriture  fainte  ,  & 
»  feront  tenus  &  contraints  les  chanoines  d'y  aflif- 
»  ter,  par  privation  de  leurs  diftributions  ».  L'art. 
33  de  l'ordonnance  de  Blois ,  a  excepté  du  nom- 
bre des  collégiales,  où  l'établiffement  du  théologal 
devoit  avoir  lieu  ,  celles  où  le  nombre  des  pré- 
bendes ne  feroit  que  de  dix ,  outre  la  principale 
dignité.  «  Nous  voulons  que  l'ordonnance  faite  à 
S)  la  réqulfnion  des  états  tenus  à  Orléans  ,  tant  pour 
M  les  prébendes  théologales  que  préceptoriales  , 
«  foit  exaéiement  gardée,  fors  Sc  excepté  toutefois 
«  pour  le  regard  des  églifes  où  le  nombre  des  pré- 
j)  bendes  ne  feroit  que  de  dix,  outre  la  principale 
w  dignité  ». 

Les  fondions  du  théologal  étoient  de  deux  ef- 
pèces  différentes;  il  devoit  prêcher  dans  la  cathé- 
drale tous  les  dimanches  &  fêtes  de  l'année  ,  à  la 
w  diargc  ,  <iit  l'article  déjà  cité  de  rordonuance 


PREDICATEUR- 

»  d'Orléans  ,  qu'il  prêchera  &.  annoncera  la  parole 
»  de  Dieu  chacun  jour  de  dimanche  &  fêtes  folem^ 
»  nelles  ».  11  étoit  tenu  ,  de  plus  ,  de  faircdes  le- 
çons d'écriture  fainte  ou  de  théologie  aux  cha- 
noines ,  une  ou  deux  fois  la  femaine.  Cette  fécondé 
partie  de  fes  fonflions  eft  exprimée  dans  la  fuite 
du  même  article.  «  Et  es  autres  jours ,  il  fera  & 
»  continuera  ,  trois  fois  la  femaine,  une  leçon  pu- 
n  blique  d'écriture  fainte  ou  de  théologie  aux  cha- 
»  noines  ». 

Les  leçons  des  théologaux  ne  font  plus  en  wfage 
aujourd'hui.  La  célébrité  des  univerfités  ,  le  con- 
cours des  étudians  qui  s'y  rendoient  de  toutes  parts , 
la  réputation  des  maîtres  qui  y  enfeignoient ,  ont 
fait  que  les  chanoines  qui  étoient  dans  le  cas  d'étu- 
dier la  théologie,  ont  mieux  aimé  y  aller  prendre 
les  leçons  de  cette  fcicnce  ,  que  de  les  recevoir  du 
théologal  dans  leurs  églifes,  &  les  théologaux  oni: 
ceffé  de  donner  des  leçons,  faute  d'avoir  des  difci- 
ples  pour  les  entendre. 

A  l'égard  de  la  prédication ,  ils  font  toujours 
obligés  de  s'en  acquitter.  Les  conciles  &  les  ordon- 
nances qui  les  établiflent ,  leur  impofent  le  devoir 
de  prêcher  tous  les  dimanches  &  fêtes  de  l'année. 
Ainfi ,  régulièrement  parlant,  ils  font  tenus  de  le 
faire  tous  les  dimanches  &  fêtes.  Cependant  ils 
font  difpenfés  ordinairement  de  prêcher  l'avent  & 
le  carême  ,  parce  que  les  fermons  d'avent  &  de  ca- 
rême font  prefque  toujours  fondés.  En  général ,  le 
plus  ou  le  moins  de  befoins  des  lieux  ,  les  diffé- 
rentes fondations  de  fermons  dans  les  églifes  ,  ainfi 
que  les  claufes  des  aéles  d'établiffement  des  pré^ 
bendes  théologales,  font  des  circonilances  qui  peu- 
vent diminuer  les  charges  &  les  devoirs  des  théo- 
logaux. Il  y  a  même  des  églifes,  comme  celles  de 
Paris ,  où  les  théologaux  ne  font  chargés  que  de 
trois  ou  quatre  fermons  par  an  ,  foit  à  caufe  de  la 
modicité  de  leurs  prébendes,  foit  parce  que  tous 
les  autres  fermons  font  fondés. 

Les  théologaux  étant  chargés  ,  par  leur  titre 
même ,  du  miniffère  de  la  prédication  ,  il  en  eîî 
d'eux  comme  des  curés  ,  8c  tout  ce  que  nous  aV'ofiè 
dit  par  rapport  aux  curés  peut  fe  dire  à  leur  égard. 
Aiiifi  ils  n'ont  pr.s  befoin  depermiilion  fpéciale  pour 
prêcher  ;  l'évéque  ne  peut  les  empêcher  de  s'ac- 
quitter de  cette  fonflion  ,  fans  leur  faire  leur  pro- 
cès. Ce  n'eff  que  lorfqu'ils  refufent  de  prêcher  ou 
défaire  prêcher,  que  l'évéque  a  droit  dénommer 
un  autre  Prédicateur  ,  pour  le  faire  à  leur  place  ;  & 
lorfqu'ils  commettent  un  prêtre  pour  prêcher  dans 
la  cathédrale  ,  il  faut  qu'il  foit  du  nonibre  de  ceux 
qui  fon:  approuvés  par  l'évéque.  L'édit  de  1695  en 
contient  une  difpofition  formelle.»»  Les  théologaux 
»  ne  pourront  fubOituer  autres  perfonncs  pour  prê- 
»  cher  à  leur  place,  fans  la  pernvfllon  des  arche- 
»  vécues  &  évêques  ».  Article  13. 

De  mên-.e  ils  ne  peuvent  être  empêchés  de  prê- 
cher que  par  l'évéque  en  perfoune.  S'ils  veulent 
prêcher  ailleurs  que  dans  la  cathédrale  ,  ils  ne  peu- 
vent le  faire  fans  la  permilîion  de  l'évéque  ;  &  les 


PREDICATEUR. 

théologaux  qui  font  pourvus  par  d'autres  que  par 
les  éveques  ,  ne  peuvent  exercer  leurs  fon6iions  , 
fans  avoir  obtenu  la  miflion  de  rtyêqueou  de  fes 
grands  vicaires.  Toutes  ces  propofitions  (ont  autant 
de  conféquences  naturelles  de  l'autorité  qu  ont  les 
évéques,  en  vertu  de  leur  juridiil.on  épifcopale  , 
dans  lapprobation  des  Prédicateurs. 

'biominalion  des  Prédicateurs. 

Il  y  a  une  grande  différence  entre  la  nomination 
des  Prédicateurs  &  leur  approbation.  L'approba- 
tion dépend  de  la  juridiâion  ,  &  la  nomination  ,  de 
la  polîenion  &  du  titre  i  il  n'y  a  que  les  évéques 
qui  puitfent  approuver  les  Prédicateurs  ,  au  lieu 
qu'un  grand  nombre  de  perfonnes  peuvent  avoir 
le  droit  de  les  nommer.  Tels  font  les  curé  &  mar- 
guilliers  d'une  paroiffe  ,  les  particuliers  qui  ont 
ibndé  des  fermons ,  ou  ceux  a  qui  les  fondateurs 
ont  jugé  à  propos  d'en  afflircr  le  droit. 

Que  faut-il  donc  penfer  d'un  arrêt  cité  par  Du- 
perrai  dans  fon  commentaire  fur  l'cdit  de  1695  , 
qui  femble  contraire  à  ces  maximes  ?  Cet  arrêt, 
rendu  ,  félon  lui ,  le  24  janvier  1699,  déboute  les 
habitans  de  Moulins  de  la  demande  qu'ils  avoient 
formée  contre  févéque  d'Aunui  ,  atin  de  faire 
preuve  de  la  poffcflion  ou  ils  étoient  de  nommer 
un  Prédicateur. 

Si  cet  arrêt  exlfte ,  il  eft  folitaire  &  contraire  anx 
règles  ,  &  par  conféquent  ne  peut  être  tiré  à  confé- 
quence  ;  d'ailleurs  ,  il  peut  avoir  été  rendu  dans  des 
circon/îances  particulières ,  qui  ne  font  point  con- 
nues aujourd'hui ,  &  d'après  lefquelles  il  ne  feroit 
pas  même  contraire  aux  principes  que  nous  êtablif- 
fons.  Au  refle,  févéque  de  Boulogne  ayant  voulu 
obtenir  la  même  cho(ê  contre  les  habitans  de  Saint- 
Pol  en  Artois ,  qui  étoient  en  poffeffion  de  nommer 
un  Prédicateur,  il  en  fut  débouté  par  arrêt  du  30 
décembre  1710.  On  trouve  encore  dans  le  journal 
des  audiences  un  arrêt  du  2  février  1624  ,  qui  juge 
que  la  nomination  des  Prédic.iteurs  appartient  au 
curé  &  aux  marguilliers  ,  &  non  à  l'évéque  ou  à 
fon  grand  vicaire. 

Mais  il  faut  \\n  titre  valable  ou  une  po/TeiTion 
fuffifante  ,  pour  être  en  droit  de  nommer  les  Prédi- 
cateurs. L'article  lodel'éditde  169^ ,  décidant  que 
l'approbation  eil  néceffaire  où  il  y  a  un  titre  6c  pof- 
feffion  valable  ,  pour  nommer  les  Prédicateurs  , 
fup;;ofe  qu'on  ne  peut  avoir  droit  à  la  nominition 
fans  un  t.tre  ou  in;  pofleffion  fuHifante.  Ainfi,  les 
curé  &  marguillitrs  d'une  paroilfe  ne  peuvent  pré- 
tendre au  droit  de  nommer  leurs  Prédicateurs  , 
qu  ils  n'aient  un  titre  qui  le  leur  accorde,  ou  qu'ils 
ne  fôienr  en  pofleffion  de  le  faire. 

Les  femmes  font  exclues  du  droit  de  nommer  un 
Prédicateur ,  quoiqu'il  leur  foit  accordé  exprcflé- 
ment  par  la  fondation.  C'eft  ce  qui  réfulte  d'un  ar- 
rêt rendu  au  parlement  de  Paris  le  24  feptembre 
1578.  Le  cardinal  de  Créqui  avoit  laiiTé ,  par  fon 
tertament,  une  rente  de  trois  cents  livres,  pour 
entretenir  un  Prédicateur  qui  feroit  clioifi  par  fes 


PREDICATEUR.  271 

fLicceffeurs  évéques  d'Amiens  ,  du  confentement 
du  chapitre  &  de  la  dame  de  Gouvrain  ,  fa  fœur  8c 
(on  héruiêre.  Après  fon  décès ,  levéque  d'Amiens 
choifit  un  Prédicateur  :  il  confulta  pour  cet  effet 
fon  chapitre,  mais  n'eut  aucun  égard  à  la  claufe 
qui  exigeoit  qu'il  demandât  le  confentement  de  la 
dame  de  Gouvrain.  Celle-ci  le  fit  appeler  au  bail- 
liage d'Amiens.  La  fentence  rendue  en  confé- 
qucnce  fut  favorable  à  l'évéque  ;  &  fur  l'appel  in- 
terjeté de  cette  fentence  par  la  dame  de  Gouvrain , 
intervint  l'arrêt  qui  la  déclara  non-recevabledans  fa 
demande. 

Avant  l'édit  de  1695  ,  les  évéques  étoient  en 
quelque  façon  forcés  de  laifTer  prêcher  tous  ceux 
qui  étoient  nommés  par  les  perfonne*  qui  avoient 
titre  ou  poilelïïon  pour  les  nommer  ,  parce  que 
les  parlemcns  les  obligeoient  prefque  toujours  à 
les  approuver.  Mais  cet  édit  a  rétabli  les  évéques 
dans  tous  leurs  droits  par  rapport  à  l'approbation 
des  Prédicateurs.  Il  décide  que  les  Prédicateurs  ne 
pourront  prêcher  dans  les  eglifes  même  où  il  y  a 
titre  ou  polî'effion  pour  nommer  les  Prédicateurs , 
fans  avoir  obtenu  l'approbation  de  l'évéque.  (t  Et 
»  es  églifes  où  il  y  a  titre  ou  polfelTion  valable  pour 
r>  la  nomination  des  Prédicateurs,  ils  ne  pourront 
»  pareillem.ent  prêcher  fans  l'approbation  &  mif- 
3»  lion  defdits  archevêques  ou  évéques  it.  Article 
10,  édit  de  1695.  Et  comme  parle  même  article 
les  évéques  font  maîtres  de  refufer  ou  de  révoquer 
les  approbations ,  ainfi  qu'ils  le  jugent  à  propos, 
fans  erre  tenus  d  en  rendre  compte  à  perfonne,  les 
évéques  ne  font  jamais  forcés  ,  aujourd'hui  ,  de 
laiiTer  prêcher  malgré  eux  un  Prédicateur  ,  quoi- 
que n®mmé  par  ceux  qui  en  ont  le  droit,  parce 
qu'ils  peuvent  lui  refufer  leur  approbation  ,  ou  la 
révoquer,  en  cas  qu'il  l'ait  déjà  obtenue. 

Et  ceci  eft  vrai,  non-feulement  par  rapport  aux 
Prédicateurs  nommés  par  les  curés  &  marguilliers 
des  paroiffes  ou  par  les  fondateurs,  mais  même  à 
l'égard  de  ceux  qui  font  nommés  par  les  chapitres 
des  cathédrales  pour  prêcher  dans  leurs  églifes. 
Lorfqu'ils  ont  titre  ou  poffefTion  pour  nommer  les 
Piêditateurs,  c'eft  à  eux  à  le  faire  ;  mais  l'évéque 
n'eft  jamais  tenu  de  donner  fon  approbation  à  ceux 
qu'il  leur  a  plu  de  choifir  ;  &  peu  importe  que  le 
chapitre  foit  exempt  ou  non  ;  quelle  que  foit  l'é- 
tendue de  fon  exemption  &  de  fes  privilèges  ,  il 
n'eft  pas  plus  difpenfé  que  les  autres  chapitres  de 
choifir  des  prêtres  qui  aient  l'approbation  de  l'é- 
véque. 

Dans  toutes  les  églifes  qui  n'ont  point  titre  ou 
pofTeflîon  valable  pour  nommer  leurs  Prédicateurs  , 
c'eft  à  l'évéque  qu'il  appartient  de  les  nommer  ;  ce 
qui  doit  s'entendre  même  des  chapitres  exempts  , 
comme  de  toutes  les  autres  églifes  du  diocèfe.  En 
effet  ,  la  cathédrale  ,  quand  on  la  fuppoferolt 
exempte,  eft  toujours  l'églife  de  l'évéque,  celle 
où  eft  établie  la  chaire  épifcopale  &  oii  il  doit  exer- 
cer les  fomSions  de  fon  miniiîère.  C'eH  là  par  con- 
féqucHt  qu'il  efl  obligé  de  prêcher,  s'il  le  peut  , 


r-j-L  PREDICATEUR. 

ou  de  faire  pi-ècher ,  fi  fes  infirmités  oii  d'autres  ral- 
fons  l'empêchent  de  s'acquitter  de  ce  devoir.  Toi.s 
ceux  qui  y  prêchent  ne  prêchent  qu'à  fa  place  \ 
c'eft  proprement  une  de  fes  fondions  qu'ils  exer- 
cent, &  une  de  fes  obligations  qu'ils  acquittent.  A 
quel  autre  donc  le  pouvoir  de  les  choifir  peut- il 
appartenir  de  droit  commun  ?  Le  chapitre  de  Châ- 
lons  en  Champagne,  qui  fe  prétend  exempt ,  con- 
tcfta  ce  droit  à  fon  évêque  dans  le  quatorzième 
fiècle  ;  mais  il  fut  condamné  par  arrêt  du  i  5  février 
i'j64.  Cet  arrêt  eft  rapporté  dans  Fevrct  ,  liv.  3  , 
chap.  I  ,  n.  11. 

Mais  quand  même  le  chapitre  exempt  feroit  en 
pcfTeiTion  de  nommer  les  Prédicateurs  ,  il  ne  pour- 
roit  empêcher  révêque  de  prêcher  lui-même  dans 
fa  cathédrale  ,  lorfqu'il  le  juge  à  propos.  Les  fon- 
dations de  fermons  ,  quelles  qu'elles  foient  dans  la 
cathédrale  ,  ne  font  établies  qu'à  la  décharge  de 
révêque.  Il  eft  le  pafteiir  de  fon  peuple  ,  le  dofleur 
de  fon  églife  ;  tous  les  autres  Prédicateurs ,  foit 
qu'il  ne  les  nomme  pas  lui-même  ,  foit  que  le  choix 
lui  en  appartienne  ,  ne  font  que  fes  fubftitùts;  rien 
ne  peut  donc  l'empêcher  de  faire  entendre  fa  voix 
»  fes  ouailles ,  &  de  s'acquitter  par  lui-même  de 
fes  devoirs. 

Cependant  ,  comme  pour  nommer  un  Prédica- 
teur on  eft  obligé  de  prendre  fes  mefures  quelque 
temps  d'avance,  par  rapport  à  cette  nomination  , 
&  que  ce  feroit  compromettre  le  chapitre  que  de 
lui  laiffer  nommer  un  Prédicateur  ,  pour  l'empê- 
cher enfuite  de  prêcher ,  l'évéque  eft  obligé  d'aver- 
tir quelque  temps  auparavant  ,  qu'il  fe  difpofe  à 
prêcher  un  tel  jour.  C'eft  ce  qu'ordonne  exprefié- 
ment  un  concile  de  Narbonne  de  l'an  1585. 

Les  curés  ont  aufll  le  même  droit  ,  comme  nous 
l'avons  remarqué  plus  haut  ;  mais  ils  font  égale- 
ment obligés  ,  lorfqu'ils  veulent  prêcher  eux-mê- 
mes, de  prévenir  un  certain  temps  auparavant  ceux 
qui  ont  la  nomination  des  Prédicateurs.  Ce  temps 
a  été  déterminé  dans  une  efpèce  un  peu  différente 
du  cas  que  nous  examinons  ici  ,  par  un  arrêt  con- 
tradiâoire  du  confeil  privé  du  26  janvier  1644, 
Tendu  entre  l'évéque  d'Amiens  &  le  chapitre  de 
fon  églife  ,  à  trois  mois  d'avance  pour  les  prédica- 
tions du  carême. 

Cet  arrêt  rendu  au  rapport  de  M.  Thierfault, 
après  en  avoir  communiqué  à  M.  lévêque  de 
Meaux ,  à  M,  de  Marca  ,  &  à  MM.  de  Léon  & 
d'Ormeflbn,  tous  confeillcrs  d'état,  ordonne  que 
révêque  d'Amiens  ayant  nommé  un  Prédicateur 
pour  prêcher  le  carême  dans  l'églife  d'Amiens,  en 
donnera  par  chacun  an  avis  au  chapitre  ,  trois  mois 
avant  ledit  carême  ,  afin  de  lui  faire  entendre  s'ils 
trouvent  à  redire  quelque  cliofe  en  fa  perfonne. 
Lorfque  c'eft  au  chapitre  ou  aux  marguilliers  qu'ap- 
partient la  nomination  des  Prédicateurs  du  ca- 
rême,  &  que  l'évéque  ou  le  curé  veulent  prêcher 
pendant  ce  temps  ,  il  eft  raifonnable  de  penfer 
qu'ils  font  tenus  de  les  avertir  le  même  temps  d'a- 
vance ,  pour  ne  pas  leur  faire  faire  de  fauffes  de- 


PREDICATEUR. 

marches  ,  en  retenant  mal-à-propos  les  Prédica- 
teurs ,  ou  pour  ne  pas  donner  lieu  à  ceux-ci  de  fe 
préparer  inuiilement,  s'ils  ent  été  déjà  retenus. 

11  faut  obferver ,  que  lorfqu'il  y  a  quelque  con- 
teftation  au  fujet  de  1  heure  de  la  prédication  ,  le  ju- 
gement de  cette  conteftation  dépend  de  l'ordinaire , 
ainfi  qu'il  a  été  jugé  par  arrêt  du  30  mars  1647  » 
rendu  en  faveur  de  l  évêque  de  L  ingres  ,  contre  le 
chapitre  de  l'églife  cathédrale  de  la  même  ville. 

Nonobftant  l'exemption  du  cliapitre  ,  l'évéque 
peut  faire  la  miflion  dans  fou  églife  cathédrale  ,  y 
faire  alors  prêcher  &  confeffer ,  &  y  établir  tous 
les  autres  exercices  de  pieté  qui  ont  lieu  dans  les 
miflions  ,  mais  à  condition  qu'il  en  donnera  avis  au 
chapitre,  &  qu'il  prendra,  pour  la  prédication  & 
les  autres  exercices  de  piété, les  heures  commodes 
pour  ne  point  troubler  l'office  canonial.  La  raifon  en 
eft,  que  l'églife  cathédrale  eft  l'églife  matrice  du  dio- 
cèfe,  &  que  c'eft  la  chaire  épifcopale  qui  lui  donne 
le  titre  de  cathédrale.  C'eft  ce  qui  a  été  jugé  contre 
le  chapitre  d'Amiens  par  l'arrêt  déjà  cité  du  26  jan- 
vier 1644.  Il  eft  dit  par  cet  arrêt ,  que  ledit  évêque 
pourra  faire  faire  la  million ,  quand  bon  lui  fem- 
blera  ,  dans  fon  églife  cathédrale  ,  &  y  faire  prê- 
cher, confefler  S:  adminiftrer  les  facremens  fans 
troubler  l'office  canonial ,  après  en  avoir  fait  don- 
ner avis  au  chapitre. 

L'article  ladu  règlement  des  réguliers,  porte  , 
que  révêque  ,  en  cas  de  proceffions  qui  fe  font 
dans  les  églifcs  des  monaftères  exempts  ,  peut  prê- 
cher ou  faire  prêcher  devant  lui  quelles  perfonnes 
il  juge  à  propos. 

Salaire  dts  Prcdictiteurs. 

Le  concile  de  Trente  ,  en  ordonnant  que  les 
évêqucs  auront  foin  que  les  peuples  foient  initruits , 
foit  par  leurs  propres  curés  ,  foit  ,  au  défaut  de 
leurs  propres  curés  ,  par  des  prêtres  qu'ils  commet- 
tront à  cet  effet ,  aux  dépens  de  ceux  qui  ont  cou- 
tume ou  qui  font  obligés  de  payer  les  Prédicateurs  , 
impcnjis  coTum  qui  eus  vel  prajlare  tenentiir  ,vel  foient , 
fuppofe  que  ce  qui  regarde  le  fâlaire  des  Prédica- 
teurs eft  de  la  connoiffance  des  évêques.  L'article 
1 1  de  redit  de  1606  ,  fe  conformant  en  cela  à  la 
difpofition  du  concile  de  Trents,  ordonnoit  aufti 
que  les  feuls  juges  eccléfiaftiques  pourroicnt  con- 
noître  des  difficultés  qui  s'éleveroient  touchant  le 
falaire  des  Prédicateurs  :  "  Pour  le  falaire  defquels 
M  Prédicateurs,  au  cas  qu'il  y  eiit  différend  ,  ne 
»  s'en  pourront  adreffer  à  nos  juges  ordinaires  , 
»  mais  feulepient  pardevant  nofdits  archevêques  & 
V  évêqnes  ,  ou  leurs  officiers  ». 

Mais  par  l'arrêt  d'enrcgiftrement  de  cetédit,  il 
eft  ordonné  que  cette  dernière  claufe  fera  ôtée. 
Ainfj  ce  n'eft  point  aux  évêques  à  fixer  le  falaire 
des  Prédicateurs,  ni  à  leursofficiaux  àconnoîtredes 
difficultés  qui  s'élèvent  à  ce  fujet. 

La  fondion  du  Prédicateur  eft  trop  noble  &  trop 
augufte  ;  pour  quelej  Prédicateurs  puiffent  en  faire 


PRÉDICATEUR. 

un  trafic  &.  la  regarder  comme  une  efpèce  de  com- 
merce; c'eft  pourquoi  les  conciles  leur  détendent 
toute  convention  au  fujet  de  leur  falaire.  Ils  peu- 
vent recevoir  ce  qui  leur  a  été  afligné  par  les  (on- 
dateuts.  Se  ,  au  défaut  de  fondations  ,  attendre  de 
la  génerofité  des  fidèles  quelque  marque  de  leur 
reconnoilfance  ,  mais  il  feroit  indécent  de  mettre  à 
prix  &  de  vendre,  pour  ainfi  dire,  la  parole  de 
dieu.  Ce  l'ont  les  raifons  fur  lefquelles  le  concile 
de  Toulouic  de  ijço  ,  &  celui  de  Narbonne  de 
1609,  fondent  la  défenfe  qu'ils  font. 

Dans  la  plupart  des  églifes  importantes,  comme 
font  les  cathédrales  &  les  paroilîes  des  villes,  où 
les  prédications  de  l'avcnt  6c  du  carême  font  fon- 
dées ,  il  n'y  a  jamais  de  difficulté  au  fujet  du  falaire 
des  Prédicateurs.  Ils  reçoivent  ce  qui  leur  eft  attri- 
bué par  la  fondation  pour  l'avent  ou  le  carême 
qu'ils  prêchent. 

Il  ne  peut  y  en  avoir  que  lorfqu'il  eft  dans  l'u- 
fage  immémorial  d  envoyer  un  Prcd  cateur  duus 
un  endroit  pour  lavent  &  le  carême,  &  qu'il  n'y 
a  aucune  fondation  faite  pour  fes  honoraires.  On 
demande  alors  qui  doit  être  chargé  de  payer  le  fa- 
laire du  Prédicateur. 

Ordinairement  ces  Prédicateurs  font  des  men- 
diaus  ,  qui  n'ont  point  d'autre  falaire  que  la  perin;t- 
fion  de  quêter  dans  l'endroit  où  ils  prêchent.  Les 
maires  &  les  habitans  des  villes  ne  font  point  ad- 
mis ,  dans  un  pareil  cas  ,  à  leur  refuferla  permillion 
de  quêter.  C'eft  ce  qui  fut  jugé  en  1633  par  un  ar- 
rêt du  confcil  privé.  Les  maire  &  hiibicans  de  la 
ville  de  Elois  prétendoient  être  en  droit  de  nom- 
mer les  Prédicateurs;  l'évêquc  de  Chartres, évcque 
diocéfain  ,  avant  l'êreâion  de  Blois  en  év^ché , 
foutint ,  de  fon  côté  ,  que  c'étoit  à  lui  qu'nppartc- 
noit  le  choix  des  Prédicateurs.  La  nomination  des 
Préd^icateurs  fut  confervée  s  l'vlvêque  par  cet  arrêt  ; 
&  comme  les  Prédicateu:s  ne  fubfinoient  que  des 
quêtes  qui  fe  faifoient  pour  eux  dans  la  ville  ,  Se  que 
les  maire  &  échevins  voiiloicnt  empêcher  ces  quê- 
tes, l'arrêt  leur  défendit  de  mettre  aucun  obftacle 
à  ce  que  les  quêtes  fe  fiffent  à  l'ordinaire  pour  la 
fubfiitan ce  des  Prédicateurs.  Cet  arrêt  a  donc  jugé 
que  dans  les  lieux  où  l'ufage  eu.  que  les  Prédica- 
teurs ne  fubfjftent  &  ne  font  payés  que  par  le 
moyen  des  quêtes  qu'on  leur  permet  de  faire  ,  les 
habiians  ne  peuvent  les  empêcher. 

La  jurifprudence  n'eft  pas  contante  au  fujet  des 
autres  moyens  de  pourvoir  à  leur  falaire.  Celle  du 
parlement  de  Touloufeeft  de  condamner  tous  ceux 
qui  partagent  les  fruits  décimaux  ,  à  contribuer  au 
falaire  des  Prédicateurs  ,  pour  la  part  des  fruits 
qu'ils  perçoivent ,  &  d'obliger  les  habitans  à  it5 
nourrir  ;  c'eft  ce  qui  réfulte  de  plufieurs  arrêta 
rapportés  par  Maynard.  Selon  BaHet ,  cette  jurif 
prudence  efi:  aufli  fuivie  en  Dauphiné. 

En  général ,  c'eft  l'ufage  qui  fait  la  règle  en  cette 

matière  ;  &  comme  cet  ufage  eft  différent ,  fcion 

la  diverfjté  des  lieux,  il  ne  faut  point  être  étonné 

de  la  différence  &  de  l'cfpèce  de  coniradii^ion  qui 

Tiiii.  XUL 


PRÉDICATEUR.         ijt 

fe  rencontre  entre  les  arrêts  rendus  au  fujCt  du  fa- 
laire des  Prédicateurs.  Quelquefois  les  habitans 
font  condamnés  à  fournir  le  logement ,  la  nourri- 
ture ,  &  l'entretien  des  Prédicateurs  qui  leur  font  en- 
voyés par  l'évêque  ;  C'eft  ce  qui  eft  arrivé  aux  ha- 
bitans de  Saulieu  ,  diocèfe  d'Autun  ,  par  arrêt  du 
confcil  privé  du  21  juin  1687:  quelquefois  auflî  le5 
décimatcurs  y  font  obligés  pour  le  tout  ou  en  p;;r- 
tie  :  ainfi  jugé  au  parlement  d'Aix  par  arrêt  du  Ç 
mai  1676,  qui  a  condamné  b  prieur  d  Arg^u  ,  en 
qualité  de  décimateur  de  l'endroit,  à  payer  trente 
livres  du  falaire  du  Prédicateur  de  lavent. 
Privilège  des  chanoines  Prédicateurs. 

Les  dignités  ou  chanoines  employés^par  l'évêque 
aux  miiîions  &  aux  prédications  dans  le  diocèfe  , 
/ont  réputés  préfens  au  choeur  ,  &  gagnent  toutes 
les  diftribiitions ,  tant  quotidiennes  que  manuel- 
les ,  comme  ceux  qui  y  aftîftent.  Mais  ils  font  obli- 
gés d'apporter  des  certificats  des  curés  &  niargui!- 
liers  des  paroifles  dans  lefquelles  ils  travaillent;  i:s 
ne  peuvent  être  employés  qu'en  certain  nombre  en 
même  temps,  afin  qu'il  en  refte  aflcz  pour  deiTervir 
l'èglife  ;  &  avant  de  partir  pour  les  millions ,  ils 
font  tenus  d'en  donner  avis  au  chapitre. 

C'eft  ce  qui  a  été  jugé  par  arrêt  du  confeil  d'état , 
du  30  octobre  1640,  pour  le  chapitre  de  Chartres. 
Comme  ce  chapitre  eft  un  des  plus  n-^mbreux  du 
'royaume,  l'arrêt  permet  que  les  chanoines  foicnr 
députés  en  même-temps  au  nombre  de  quinze  pour 
le  fervice  des  miirions  ;  trois  pour  les  prédications  , 
&  douze  pour  le  refle  des  exercices  de  la  miflîon. 
On  fent  que  dans  un  chapitre  moins  nombreux  le 
nombre  de  ceux  qui  feroient  tenus  préfens ,  feroit 
bien  moins  confidérable  ,  parce  que  la  règle  eft, 
qu'il  refte  un  nombre  de  chanoines  &  de  dignités 
fuffifant  pour  le  fervice  ordinaire  de  l'èglife. 

Connoijfdiice  de  ce  qui  concerne  la  prédication. 

C'eft  aux  premiers  pafteurs  à  connoitre  de  la 
doctrine:  les  évêques  font,  par  leur  in(litution  , 
juges  de  la  foi  &  de  la  morale  :  c'eft  un  droit 
efiêntiellemcnt  attaché  à  leur  caraftère  ,  &  dont  ort 
ne  pourrroii  les  dépouiller,  fans  porter  atteinte  i 
la  juridiâion  &  au  pouvoir  qui  leur  ont  été  accor- 
dés par  Jéfus-Chrift  même.  Auffi  nos  rois  leur  ont- 
ils  conftamment  reconnu  ce  droit. 

»  La  connoiflance  &  le  jugement  de  la  do^rine 
»  concernant  la  religion,  appartiendra  aux  arche- 
I»  véques  &  évéques  ;  enjoignons  à  nos  cours  ûc 
)?  parlement,  &  à  tous  nos  autres  juges  ,  de  la 
»  renvoyer  auxdits  prélats ,  de  leur  donner  l'aide 
))  dont  ils  auront  eioin  pour  l'exécution  des  cen- 
»  fures  qu'ils  en  pourront  faire  ,  ^  de  procédera. 
»  la  punition   des  coupables  «.  Art.  30  ,  édit  de 

1693-.    ^ 

Mais  11  la  prédication  d'une  doifïrine  qui  a  été: 

condamnée  ,  trouble  l'ordre  public  &  la  trnnqu'lliti 

de  l'état ,  c'eft  au  fouvcrain  eu  à  ceux  qui  excitent 

la  juftice  en  fon  nom  ,  à  pourfilivre  &  ri  punir, 

}  par  des  peines  proportionnées  les  auteurs  de  c^r-.-a'.i- 


M 


m 


274  PRÉDICATEUR; 

ble.  Ceft  la  difpefition  contenue  dans  la  fuite  de 
Tarticle  que  nous  venons  de  citer  ,  «  fans  préjudice 
>»  à  nofdites  cours  6f  juges  de  pourvoir  par  les  au- 
j>  très  voies  qu'ils  eftimeront  convenables  ,  à  la  ré- 
î>  paratlon  du  fcandale  &  trouble  de  l'ordre  6c  tran- 
»»  quillité  publique  ,  &  contravention  aux  ordon- 
»)  -nances  ,  que  la  publication  de  ladite  dodrine  aura 
»>  pu  caufer  i>.  Il  efl  certain  que  ces  deux  difpofi- 
lions  confervent  tous  les  droits  du  lacerdoce  8c 
de  l'empire,  &  contiennent  les  vrais  principes 
concernant  le  jugement  fit  la  connoiffance  de  la 
doârine. 

Ainfi,  quand  les  Prédicateurs  avancent  dans  leurs 
fermons  quelques  maximes  contre  la  foi  ou  contre 
la  morale,  ce  font  les  juges  eccléfiaftiqucs  qui  doi- 
vent en  prendre  connoiflance  ,  &  c'eft  à  eux  qu'il 
appartient  de  les  punir  par  l'interdit  Se  les  autres 
peines  canoniques  ;  mais  fi  ces  fermons  tendent  à 
exciter  les  peuples  à  la  révolte  ,  à  troubler  la  tran- 
quillité de  l'état,  ou  à  détruire  la  réputation  des  par- 
ticuliers ,  alors  c'eft  aux  juges  royaux  ordinaires 
à  faire  cefler  ce  fcandale  ,  &  à  punir  ceux  qui  l'ont 
occafionné  ,  par  des  peines  proportionnées  à  la  na- 
ture du  crime  8c  au  trouble  qu'ont  caufé  leurs  pré- 
dications. (^Article  de  M.  l'aibé  La  c/S/ir,  avocat 
au  parlement'). 

PRÉFÉRENCE.  C'eft  l'avantage  qu'on  donne 
à  une  perfonne  fur  une  autre. 

En  matière  bénéficiale  ,  le  gradué  nommé  le  plus 
ancien  a  la  Préférence  fur  les  autres  dans  les  mois 
de  rigueur. 

En  matière  civile ,  on  préfère  en  général  celui 
qui  a  le  meilleur  droit,  &  dans  le  doute  on  donne 
la  Préférence  à  celui  qui  a  le  droit  le  plus  apj^a- 
rent.  C'eft  fur  ce  dernier  principe  qu'eft  fondée 
cette  règle  de  droit,  in  pari  cau/â  ^  melior  tjl  pojfi- 
dentis. 

De  même ,  dans  le  doute  ,  celui  qui  contefte 
pour  éviter  le  dommage  ou  la  diminution  de  fon 
ÎDÏen  ,  eft  préférable  à  celui  qui  certat  de  lucro  cap- 
tando. 

Entre  créanciers  hypothécaires  ,  les  plus  anciens 
font  préférés,  qui  prior  ei  tcmpore  ,  potior  efl  jurt. 
Ce  principe  eft  bbfervé  par-tout  pour  la  diftribu- 
tion  du  prix  des  immeubles.  ' 

A  l'égard  des  meubles,  il  y  a  quelques  parle- 
jnens  où  le  prix  s'en  diftribue  par  ordre  d'hypo- 
thèques, quand  ils  font  encore  entre  les  mains  du 
riébiteur ,  comme  aux  parlemens  de  Grenoble  , 
de  Touloufe  ,  de  Bordeaux,  de  Bretagne  &  deNor- 
niandie. 

Mais  au  parlement  de  Paris  ,  &  dans  la  plupart 
des  provinces  du  royaume,  où  les  meubles  i:e  peu- 
vent être  fuivis  par  hypothèque  ,  c'eft  lecréa)Tcier 
le  plus  diligent,  e'eft-à-dire  le  premier  faififtatit , 
qui  eft  préféré  fur  le  prix  des  meubles ,  à  moins 
(iU\\  n'y  ait  déconfiture;  auquel  cas  les  créanciers 
viennent  tous  également  par  contribution  au  fou 
la  livre. 

L'Inftançc  qui  s'inftruit  pour  régler  la  d'iftribution 


PREFERENCE. 

des  deniers  faifis  ou  provcnans  de  la  vente  des  meu- 
bles ,  s'appelle  inflance  de  Préféience  :  c'eft  ordinai- 
rement le  premier  faififlant  qui  en  eft  le  pourfui- 
vant  ,  à  moins  qu'il  ne  devienne  négligent  ou 
fufpefl  de  coUufion  avec  le  débiteur  ,  auquel  cas  un 
autre  créancier  fe  fait  fubroger  à  la  pourfuite. 

Cette  inftance  de  Préférence  s'inftruit  comme 
l'inftiince  d'ordre  ;  mais  l'objet  de  l'une  &  de  l'autre 
eft  bien  différent  ;  car  l'inftance  d'ordre  tend  à  faire 
diftribuer  le  prix  d'un  immeuble  entre  les  créan- 
ciers ,  fuivant  l'ordre  de  leurs  privilèges  ou  hypo- 
thèques ,  au  lieu  que  l'inftance  de  Préférence  a  pour 
objet  de  faire  diftribuer  des  deniers  provenus  d'ef- 
fets mobiliers  ,  par  priorité  de  faifie  ,  ou  par  contri- 
bution au  fou  la  livre. 

L'article  premier  de  l'édit  du  mois  d'août  1669, 
porte  que  le  roi  fera  préféré  aux  créanciers  des  ofti- 
ciers  comptables,  fermiers  généraux  ou  particuliers  , 
ôc  autres  ayant  le  maniement  de  fes  deniers ,  fur 
les  fommcs  qui  proviendront  de  la  vente  des  meu- 
bles &  effets  mobiliers  fur  eux  faifis ,  fans  concur- 
rence ni  contribution  avec  les  autres  créanciers , 
nonobftant  toutes  faifies  précédentes  ;  à  l'exception 
néanmoins  des  frais  funéraires,  de  juftice  &  autres 
privilégiés  ;  des  droits  du  marchand  qui  réclame  fa 
marchandife  dans  les  délais  de  la  coutume  ,  &  du 
propriétaire  des  maifons  des  villes ,  fur  les  meu- 
bles qui  s'y  trouveront ,  pour  fix  mois  de  loyer; 
l'art.  1  conlérve  la  nicme  Préférence  fur  le  prix  des 
offices  comptables  8c  droits  y  annexés  ;  par  l'art.  3  , 
le  roi  entend  être  préféré  fur  le  prix  des  immeubles 
acquis  depuis  le  maniement  de  fes  deniers  ,  néan- 
moins après  le  vendeur  Si  celui  de  qui  les  deniers 
ont  été  employés  à  l'acquifition ,  pourvu  qu'il  en 
foit  fait  mention  fur  la  minute  &  fur  Texpédition  du 
contrat  ;  ce  qui  doit  être  exécuté  nonobftant  toutes 
coutumes  Si  uùges  contraires  ,  auxquels  il  eft  dé- 
rogé. A  l'égard  des  immeubles  acquis  auparavant  , 
le  roi  a  feulement  hypothèque  du  jour  des  provi- 
fions  des  offices,  des  baux  des  fermes ,  des  traités  ou 
des  commiflions.  Il  eft  encore  ordonné  ,  par  l'art.  5. 
que  ce  qui  eft  réglé  par  les  articles  précédens  aura 
lieu  ,  nonobftant  les  oppofitions  èc  aéilons  des  fem- 
mes fèparées  de  leurs  maris ,  tant  à  l'égard  des 
meubles  trouvés  dans  la  maifon  du  mari ,  qm  n'au- 
ront pas  appartenu  à  la  femme  avant  le  mariage  , 
que  fur  le  prix  des  immeubles  acquis  par  elle  de- 
puis la  féparation  ,  s'il  n'eft  juftifié  qu«  les  deniers 
employés  à  l'acquifition  lui  appartiennent  légiti- 
mement. 

L'article  14  du  titre  8  ,  du  gros,  de  l'ordonnance 
du  mois  de  juin  1680,  porte,  qne  fur  les  deniers 
provenans  des  meubles  faifis  ^  vendus,  le  fermier 
du  roi  fera  payé  par  Préférence  à  tous  créanciers, 
môme  au  propriétaire  de  la  maifon  ,  excepté  pour 
deux  quartiers  de  loyer  ,  y  compris  le  conrant , 
nour  lefquels  le  propriétaire  fera  préféré,  en  affir- 
mant qu'ils  lui  font  dus  ,  8c  fans  qu'il  puiffe  préten- 
dre aucune  Préférence  pour  les  réparations. 

L'article  4  du  tiirc  commun  de  l'ordonnance  du 


1?RÉFERENCE. 

mois  de  juillet  i68l,  veut  que  les  fermiers  des 
droits  du  roi  aient  contre  les  fous -fermiers  les  mê- 
mes aillions  ,  privilégias ,  hypothèques ,  droits  de 
contraindre  ik.  pourfuivre  ,  que  fa  majeAé  a  contre 
le  fermiers. 

Suivant  l'article  5  ,  ce  qui  tii  ordonné  à  l'égard 
des  fermiers  contre  les  fous-ferniicrs  ,  doit  pareil- 
lement avoir  lieu  à  l'égard  des  uns  &  des  autres 
contre  leurs  commis. 

L'article  6  veut  que  les  fermiers  &  fous-fermiers 
qui  foiu  crédit  des  droits  du  roi ,  &  qui  viennent 
par  a£lion  ,  oppofition ,  intervention  ,  plainte  ou 
autrement ,  même  dans  lés  cas  auxquels  ils  peuvent 
le  faire  payer  fur  le  champ,  foient  préférés  fur  les 
mfcubles  à  tout  autre  créancier ,  même  à  ceux  qui 
ont  prêté  leurs  deniers  pour  les  acheter. 

Cette  Préférence  ne  dpit  néanmoins  avoir  lieu, 
félon  l'article  7 ,  qu'autant  que  les  foumiflions  & 
promefTes  que  les  fermiers  ou  fous-fermiers  ont 
prifes  des  redevables  ,  font  libellées  pour  les  droits 
du  roi ,  conformément  aux  regiftres  &  aux  décla- 
raiio;is  qi-.i  en  ont  été  fr.ites. 

Suivant  l'article  8  ,  la  Préférence  ordonnée  pour 
les  droits  du  roi ,  ne  doit  point  avoir  lieu  pour  les 
conhfcations  de  la  jufle  valeur,  en  ce  qu  elles  excé 
dent  ces  droits  ,  ni  pour  l'amende  &  les  dépens. 

Il  cù  ordonné  par  l'article  9  ,  que  dans  les  con- 
teftations  &  inftances  de  Préférence,  entre  le^  fer- 
miers &  fous-fermiers  d'un  bail  précédent ,  &ceux 
du  bail  courant,  faififfans  ou  oppofans  fur  les  meu- 
bles de  leur  débiieur  commun  ,  pour  les  droits  dw 
roi ,  confifcation  ,  amendes  &  dépens,  ceux  du  bail 
courant  feront  préférés  à  ceux  du  bail  précédent,  à 
moins  que  In  faifie  ouoppoiition  de  ceux-ci  n'ait  été 
formée  avant  l'expiration  du  bail;  auquel  cas  ,  ils 
viendront  par  concurrence,  laquelle  doit  avoir  lieu 
pareillement  en  cas  que  tous  les  baux  foient  expirés 
avant  les  faifies  &  oppofitions  ,  &  auffi  lorfque  les 
fermiers  des  baux  courans  fe  trouvent  créanciers 
&  oppofans  fur  les  autres  biens. 

Par  arrêt  de  règlement  rendu  au  confeil  le  ai 
mai  1709,  le  roi  a  oràonné  que,  pour  raifon  du 
payement  des  droits  d'infinuation  laïque  ,  les  fer- 
miers auroient ,  tant  fur  les  fonds  que  fur  les  fruits 
des  immefibles,  fujets  à  ces  droits,  un  privilège 
fpécial ,  &  feroient  préférés  à  tout  aiure  créan- 
cier ,  même  aux  vendeurs,  &  à  ceux  qui  auroient 
prêté  leurs  deniers  pour  l'acquifuion  de  ces  im- 
meubles. 

Par  un  autre  arrêt  du  confeil  du  14  août  1714  , 
il  a  été  ordonné  que  les  fruits  &  revenus  des  héri- 
tages fujets  aux  droits  d'amortiflement ,  franc-fief 
ik  nouvel  acquêt ,  qui  feroient  faifis  à  la  requête 
du  fermier  de  ces  droits ,  lui  feroient  délivrés  juf- 
^'à  concurrence  des  fommes  portées  aux  états  de 
contrainte  ,  par  Préférence  à  tout  autre  faififlant  ou 
©ppofant. 

Une  déclaration  du  4  décembre  1779,  enreg 
tréç  à  la  cour  des  /^ûçi  iç  Paris  le  29  du  mims 


PilKLATlON.         1.7  î 

r:ois  ,  a  ordonné  que  dans  les  cas  de  faifies  ou  d'op- 
P'jfîtionS;,  les  propriétaires  des  héritages  feroient 
préférés  ,  pour  l'année  courante  ,  fur  les  fruits  pro- 
veaus  de  ces  héritages,  aux  colleâeurs  de  l'impôt 
du  fel ,  à  la  charge  oé^nmoins  que  les  mêmes  pro- 
priétaires juftifieroient  de  la  légitimité  de  leurs 
créances,  &i  qu'ils  donneroient  communication  de 
leurs  baux  à  ferme  à  ces  coUeélcurs. 

Suivant  la  même  loi ,  les  inftances  de  Préférence 
relatives  à  ces  fortes  de  faifies  ou  oppoiltions  ,  doi- 
vent être  inftruites  &  jugées  en  première  inflancc 
par  les  officiers  des  gabelles,  chacun  dans  fon  ref- 
fort ,  fauf  l'appel  aux  cours  des  aide»  ;  &  il  efl  dé- 
fendu aux  officiers  des  bailliages ,  préfldiawx  ,  pré- 
vôtés, &  autres  juflices  ordinaires,  d'en  prendre 
connoiflance  pour  quelque  caufe  &  prétexte  que 
ce  puiflis  être;  8c  aux  parties,  de  pourfuivre  ces 
infiances  ailleurs  que  pardevant  les  ofHciers  des 
gabelUs,  à  peine  de  nullité  des  procédures  ,  de 
1000  livres  d'amende,  &,  de  tous  dépens,  dom- 
mages &  intérêts.  Ft^y^l  d'dilUurs  Us  articles  Bail, 
6c  JÉlection. 

PRÉJUGÉ.  Ceft  ce  qui  a  été.  jugé  auparavant 
dans  un  cas  femblable  ou  approchant. 

Les  arrêts  rendus  en  forme  de  règlement,  fe- 
vent  de  règle  pour  les  jugemens  ;  les  autres  ne  font 
que  de  fimples  préjugés  auxquels  la  loi  veut  qu'on 
s'arrête  peu ,  parce  qu'il  eft  rare  qu'il  fe  trouve 
deux  efpêces  parfaitement  femblables  ;  non  extm- 
plis ,  fed  It^ibus  judicandum  ,  dit  la  loi  i  3  au  code  de 
fententïis  tk.  interlocut.  Cependant  une  fuite  de  ju- 
gemens uniformes,  rendus  far  une  même  quef- 
tion,  forme  une  jurifprudence  qui  acquiert  força 
de  loi. 

PRÉLAT.  Mot  formé  du  mot  latin  Pra'.atus ; 
ou  ,  fuivant  d'autres,  de  ces  mors  prtt  a'iils  latus.  II 
fignifie  ,  en  général ,  un  homme  placé  ,  élevé  au- 
deflus  des  autres,  avec  quelques  privilèges  ,  préro- 
gatives &  droits.  L'ufage  en  a  rertreint  l'applica- 
tion aux  perfonnes  qui,  dans  l'état  eccléfiaftique  , 
font  revêtues  de  quelques-unes  des  places  &  digni- 
tés qu'on  défigne  tous  le  nom  de  frélaturc,  dont  on 
parlera  à  cet  article.  Il  fera  facile  d'y  reconnoîrrc 
quels  font  ceux  auxquels  la  qualification  de  Prélat 
doit  appartenir.  (  Article  de  M,  i'abbé  Rem  y  ,  avo- 
cat au  varltment  ), 

PRÉLATER.  Dans  quelques  pays  de  droit  écrit, 
ce  mot  fignifie  exercer  le  droit  de  Prél.ition.  'Voyez 
l'article  Prélation.  (  Article  de  M-  Carras  de 
COULOS  ,  avocat  au  parlement  ). 

PRÉLATION.  (  droit  de  )  On  appelle  ainfi  , 
dans  les  pays  de  droit  écrit,  le  droit  qu'a  le  fei- 
gneur  de  rcfufer  i'invcfliture  à  l'acquéreur  d'ua 
tonds  noble  ou  roturier  ,  fitué  dans  fa  direéle,  & 
de  retenir  le  fonds  pour  lui,  en  en  remboursant 
le  prix  à  l'acquéreur. 

On  voit  combien  ce  droit  a  de  rapport  avec  le 
droit  de  retenue  accordé  au  feigneur  dans  les  pays 
coutumiers.  Plufieurs  auteurs  &  même  des  flatuts 
de  quelques  pays  de  droit  écrit ,  n'ont  pas  fait  de 

Mm  ij 


lyi 


P  RELATION. 


ni   i 


de 


difficulté  de  l'appeler  aufli  retrait  fc'i^neunal  ^retrait 
féodal  ou  ccvfuel ,  Aiivant  fon  obje"t.  Maïs  comme 
il  diffère  fur  un  grand  nombre  de  points ,  de  ce 
qui  fe  pratique  pour  les  différentes  efpèces  de  retrait 
Jcigneurial  dans  les  pays  coutumicrs  ,  &  qu'il  n'y 
a  guère  moins  de  variété  dans  la  jurifprudence  des 
oiffércns  parlemens  de  droit  écrit ,  à  cet  égard  ,  on 
a  dû  expofer  ces  différences  dans  un  article  féparé. 

On  traitera  donc  dans  onze  fc<^ions  , 

1  .  De  l'origine  du  droit  c'e  Prélation. 
'  a".  Des  chofes  qui  y  font  fujettes. 

3^'.  Des  contrats  qui  y  donnent  ouverture. 
^  4°.  Du  cas  où  le  feigneur  H'a  la    direfte  que 
d'une  partie  des  objets  vendus. 

5°.  Des  feigneurs  qui  peuvent  ufcr  du  droit  de 
Prclarion. 

6".  Des  perfonnes  contre  qui  on  peut  l'exercer. 

7°.  De  la'ceflîoh  du  droit  de  Prélation.     '^'i'  '  fi 

8°.  Du  temps  dans  lequel  ce  droit  peut  être 
exercé  ,  &  des  formalités  néceflaircs  pour  mettre  le 
feigneur  en  demeure.      '   .  ■  '  "  •'  "^ 

9".  Des  fins  de  non-reccvoir  qu'on  peut  y  op 
pofér  ,   lors  même  qu'on  l'exerce  dans  un  tem[)5 
utile. 

10".  Des  obligations  du  feigneur  qui  ufe  du  droit 

Prélation,  &  des  formalités  qu'il  doir  ohCervcr. 

II".  Des  effets  &  des  fuites  de  l'exercice  du 
droit  de  Prélation, 

Section    première. 

De  l'origine  du  droit  de  Prélation. 

Le  droit  de  Prélation  tire  fon  origine  de  la  loi 
dernière  au  code  de  jure  emphyt.  On  avoir  beaucoup 
agité  fi  le  preneur  à  titre  d'emphyréofe  pouvoir 
difpofer  des  améliorations  qu'il  avoit  faites  ,  & 
transférer  fes  droits  à  un  tiers  ,  ou  s'il  dcvoit  atten- 
dre le  confentement  du  feigneur  ,  c'ell-à-dire  de 
celui  qui  avoit  le  domaine  dired.  JuAinien  ,  coii- 
fulté  fur  cette  queftion ,  ordonne,  par  cette  loi, 
quefi  le  bail  emphytéotique  a  quelques  difpofitions 
fui  cet  objet ,  on  les  fuive  exaâeraent  ;  mais  au7i 
défaut  de  titre,  l'cmphytéote  ne  puiffe  aliéner  fans 
le  confentement  dw  feigneur. 

Dans  la  crainte  néanmoins  que ,  fous  ce  prétexte , 
les  feigneurs  n'empêchent  les  emphytéotes  de  reti- 
rer le  prix  de  leurs  «méliorations  ,  &  ne  cherchent 
à  les  priver  de  tout  l'avantage  qu'ils  en  pourroient 
recueillir  ,  ce  prince  ordonne  que  l'acquéreur  fera 
tenu  d'affirmer  au  feigneur  la  valeur  du  fonds,  & 
de  lui  déclarer  combien  il  pourroit  véritablement 
en  retirer  d'un  étranger  ;  fur  quoi  le  feigneur  pourra 
prendre  le  fonds  pour  le  même  prix ,  &  acquérir 
les  droits  de  l'cmphytéote ,  en  lui  en  payant  la  va- 
leur. Si  le  feigneur  laiffe  paffer  l'efpace  de  deux 
mois  fans  prendre  ce  parti,  l'emphytéote  peut  dif- 
poftr  de  fes  droits  en  faveur  de  qui  bon  lui  fem- 
blera  ,  pourvu  que  ce  ne  foit  pas  de  ceux  à  qui  les 
lois  défendent  de  prendre  des  baux  emphytéoti- 
ques. Dans  ce  cas ,  &  fi  l'acquéreur  cft  bien  iblva»  j 


PRÉLATION. 

ble  &  de  facultés  convenables  pour  payer  le  canon 
emphytéotique ,  le  feigneur  eft  obligé  de  l'agréer 
&  de  le  mettre  en  po/léffion  ,  non  par  le  miniftère 
d'un  fermier  ou  d'un  agent,  mais  par  lui-même  ou 
par  fes  lettres  ,  autant  que  cela  fera  poffible  ;  &  fi 
le  feigneur  ne  le  peut  ou  ne  le  veut  pas  ,  on  s'a- 
drcffcra  aux  magtftrats  prépofés  à  cet  effet. 

Enfin  ,  pour  empêcher  encore  que  les  feigneurs 
n'exigenr  à  cette  occafion  de  greffes  fommes  d'ar- 
gent ,  comme  ils  l'avoient  fait  jufqu'alors ,  l'empe- 
reur leur  défend  de  prendre  ,  pour  accorder  leur 
agrément  au  ceffionnaire,  plus  ^u  cinaiiantième  du 
prix  de  l'aliénation  ou  de  l'eflimation  de  l'objet  de 
l'aliénation.  Ç^uq  fi  le  feigneur  ne  veut  pas  confen- 
tir  à  la  céffion  des  améliorations  &  des  droits  de 
l'emphytéote,  &  qu'après  la  déclaration  qui  lui  a 
été  faite  ,  il  refte  deux  mois  f^ns  prenc're  aucun 
parti,  l'emphytéote  eft  autorifé  à  tranfporter  fes 
droits  à  des  tiers  ,  contre  le  gré  même  du  feigneur. 
'Mais  s'il  ne  fe  conforme  pas  à  ce  que  prefcrit  cette 
confiitution  ,  il  eft  privé  de  tous  fes  droits. 

Ces  baux  emphytéotiques  étoieilt  d'un  ufage 
extrêmement  commun  en  France  ,  fur-tout  dans 
les  pays  régis  par  le  droi:  romain  ,  avant  que  Tin- 
troduâiotï  du  fyfléme  féedal  y  eût  boulèverfé  une 
grande  partie  des  pVoprièrés.  Il  fcroit  même  facile 
de  prouver  que  l'ufage  de  ces  baux  a  beaucoup  in- 
flue fur  l'état  des  po.lciïïons  depuis  rintroTuéiion 
même  du  fyfiérae  féodal ,  fur-tout  avant  quon  eût 
imaginé  les  baux  à  rentes  ,  comme  le  nom  fcul 
iïcmphytéofes  ,  qu'on  donne  aux  cenfives  dans  les 
pays  de  droit  écrit ,  l'indique  affez. 

Peut-être  les  Lombards  puisèrent-ils  dans  cette 
conftitution  de  Judinien  ,  le  d'oit  de  retrait  féodal 
qu'ils  avoient  admis  dans  le  temps  où  le  droit  des 
fiefs  permettoit  aux  vaffaux  d'en  aliéner  la  mO'tié 
fans  le  confentement  des  feigneurs,  comme  il  fe 
voit  au  paragraphe  forrà  ,  tit.  9  ,  lib.  2  ^feud.  qualiter 
oliin  peterat  feud.  alien.  Les  ordonnances  de  Lo- 
îhaire  II  &  de  Frédéric  II ,  qui  ont  prohibé  ces  alié- 
nations ,  n'ayant  point  eu  d'autorité  en  France,  fi 
ce  n'eft  en  Dauphiné,  durant  quelque  temps  ,  les 
fiefs  devinrent  de  plus  en  plus  difpcnibles.  Mais 
pour  concilier  ,  autant  qu'il  étoit  poffible  ,  les  inté- 
rêts du  feigneur  8c  ceux  du  commerce  ,  on  accorda 
au  feigneur  le  droit  de  lods  ,  ou  une  cfpèce  de  pré- 
férence en  cas  de  la  vente  des  biens  affujettis  à  fa 
dire6le  ,  qu'on  appelle  droii  de  Prélation  ,  à  l'exem- 
ple de  celui  que  Jufiinien  avoit  établi  pour  les  em- 
phytéofes ,  quoiqu'il  en  diffère  dans  plufieurs  points. 
Le  droit  de  lods  fut  fixé  à  une  quotité  beaucoup 
plus  forte  que  ne  l'avoit  fait  Juftinien.  L'emphy- 
téote ,  ou  le  cenfitairc  &  le  vaffal ,  ne  furent  point 
aftreints  à  aller ,  avant  la  vente  ,  offrir  la  préfé- 
rence au  feigneur ,  à  peine  de  commife  de  leur  do- 
maine; mais  le  feigneur  eut  le  droit  de  dépofféder 
l'acquéreur  ,  dans  un  temps  plus  ou  moins  long  , 
après  qu'il  lui  avoit  notifié  fon  contrat ,  fi  mieux  il 
n'almoit  fe  conitnter  des  lods  que  le  titre  du  fief 


PRÈLATION. 

ou  Tufagc  des  lieux  lui  accordoit  pour  chaque  rau- 
lation. 

Cependant  les  ufages  des  pays  de  droit  écrit 
tiennent  encore  fur  bien  des  points  à  l'ancien  droit  ; 
ils  diffèrent  fur-tout  pour  un  grand  nombre  d'autres, 
des  ufages  des  payscoutumcrs.  C  eft  principale- 
ment a  remarquer  ces  différences  qu'on  va  confa- 
crer  les  ferions  fuivantes. 

Section    II. 

■Des  chofcs  fujettts  au  droit  de  Prélatlon. 

Les  domaines  concédés  à  titre  d'inféodation  ou 
d'emphytéofe  ,  c'ett-à-dire  de  cenfive,  font  fujets 
au  droit  de  Prélation  qiielle  que  foit  leur  nature  , 
lorfqu  il  n'y  a  point  de  coutume  générale  contraire, 
ou  que  les  titres  particuliers  du  fief  ou  de  l'em- 
pliytéofe  n'en  contiennent  pas  une  cxclufion  for- 
melle. 

L'auteur  des  notes  fur  le  traité  des  droits  feigneu 
riauxde  Boutaric,  chap.  4  ,n°.  î  ,p.  216  ,  prétend, 
à  la  vérité  ,  le  contraire  pour  les  biens  eniphytéoti- 
quec.  11  convient  bien  que  la  loi  dernière,  au  code 
ae  jure  ernpliyt.  accorde  ce  droit  ;  «  mais,  dit-il, 
«  outre  que  le  bail  à  cens  efl  un  contrat  difi'>;rcnf 
ï>  de  l'emphytéofe,  d'ailleurs  ,  on  peut  dire  que  la 
»>  difpofition  de  cette  loi  a  été  abrogée  par  un  ufage 
î>  général.  En  efiet ,  ce  que  porte  cette  loi ,  c'eft 
»  que  l'emphytéote  ,  avant  de  vendre  l'héritage  , 
>'  doit  aller  ofiVir  la  préférence  au  feigneur.  Or  ,  on 
»  fait  qu'aujourd'hui  l'emphytéote  n'elt  pas  tenu 
«  d'aller  au  feigneur  avant  que  de  vendre.  Il  eÛ 
«  vrai  qu! il  n'y  .a  pas  loin  de-là  à  l'établilTement 
•M  d'un  retrait  exerçable  après  la  vente  ;  mais,  corn- 
M  me  il  n'eft  pas  moins  vrai  que  ce  font  deux  ac- 
>»  lions  différentes,  il  s'enfuit  que  la  loi  de  Préla- 
3>  tien  ,  qui  ne  fubfiffe  plus ,  ne  peut  être  employée 
»»  pour  fervir  de  fondement  au  retrait ,  &  le  faire 
»  regarder  comme  étant  de  droit  commun  ». 

On  conviendra  bien  que  le  droit  de  Prélation  ne 
fubfjffé  plus  aujourd'hui  tel  qu'il  étoit  dans  fon  ori- 
gine ;  mais  de  ce  que  l'ufage  l'a  modifié  ,  il  ne  s'en- 
fuit pas  qu'il  n'exifie  plus.  Le  retrait  cenfuel  c/l  fi 
bien  fubrtituéau  droit  de  Prélation,  que  Ion  confond 
fans  cefie  ces  deux  mots  dans  les  titres  Si.  dans  les 
auteurs.  Il  n'eft  pas  étonnant  que  le  droit  de  Pré- 
lation dans  l'emphytéofe  ne  foit  plus  le  même  qu'il 
étoit  autrefois  ,  &  que  ce  ne  foit  plus  qu'un  retrait 
cenfuti ,  puifque  l'emphytéofe  même ,  dans  les  pays 
de  droit  écrit ,  eff  un  véritable  bail  à  cens.  Auffî 
l'article  87  de  la  coutume  de  Bordeaux  dit  -  il 
«  qu'un  emphytéote  peut  vendre  ou  aliéner  fes 
»  biens  ,  fans  le  congé,  licence  &  autorité  de  fon 
»  feigneur  foncier  ;  &  telles  ventes,  aliénations  & 
jj  donations  ont  lieu,  valent  &  tiennent  ;  ixlefei 
»  gneur  f  >ncier  ne  peut  prétendre  aucun  droit  fur 
»  telles  chofes  vendues  ,  aliénées  ou  données  par 
»  fondit  cniphyteote ,  fors  feulement  fur  les  chofes 
■>•)  vendues,  ventes  6c  honneurs,  ou  les  rcienirpar 
V  puiii'ance  defief'^t 


PRÈLATION. 


177 


L'article  89  ,  qui  explique  lamanière  d'ufer  de 
ce  droit,  lui  donne  le  nom  de  Prdation  ,  &  l'on      ^ 
trouve  des  difpofitions  femblables  dans  toutes  les 
coutumes  du  re/Tort  du  parlement  de  GuiQnne. 

Outre  ces  coutumes  ,  on  peut  oppofer  à  l'auto- 
rité de  l'annotateur  de  Boutaric,  Boutaric  lui-même 
ôc  un  grand  nombre  d'autres  auteurs.  Defpeiffes  , 
traité  des  droits  feigneuriaux  ,  chap.  5  ,  n*.  16;  la 
Rocheflavin  ,  même  traité  ,  chap.  13  ,  art,  i;  M. 
Catelan  ,  tome  i  ,  liv.  3  ,  chr.p.  14  ,  affluent  que 
le  droit  de  Prélation  eff  admis  dans  le  reffort  du 
parlement  de  Touloufe  ,  tant  pour  les  fiefs  que 
pour  les  biens  emphytéotiques  (1)  ;  la  Peyrere  , 
l.'t.  R ,  n°.  1 1  &  fuivans,  atteffe  la  même  chofe 
pour  le  parlcruent  de  Bordeaux. 

M.  de  Clapiers  ,  cauf.  103  ,  queff.  i  ,  n°.  32  ; 
Duperrier,  tome  2  ,  p.  26,  n".  123  ,  en  difent  au- 
tant pour  le  parlement  de  Provence.  «  Dans  les 
»  inféodations  &  baux  emphytéotiques  ,  dit  la 
»  Touloubre,  la  réferve  du  retrait  eff  toujours  fous- 
»  entendue  ;  elle  y  eff  inhérente  ,  &  les  claufcs 
)>  générales  par  lefquelles  on  permet  au  vaff^iil  ou 
)»  emphytéote  de  pouvoir  vendre  ,  aliéner,  tranf- 
)i  porter,  ne  donnent  aucune  atteinte  à  l'exercice 
»   de  ce  droit  ». 

L'annotateur  de  Boutaric  cite,  à  la  vérité  ,  l'au- 
torité de  Mourgues  fur  les  ftatuts  de  Provence  , 
comme  s'il  difoit  que  l'ufage  y  eff  contraire  (2)  ; 
"  mais,  comme  l'obferve  encore  la  Touloubre  ,  il 
»»  s'eft  apparemment  arrêté  à  ces  mots  ,  le  retrait 
»  na  lieu  en  bail  à  emphytéofe.  Mais  l'idée  de  Mcur- 
»  gués  eff  développée  par  ce  qui  fuit ,  comme  par 
)j  ce  qui  piécède  ;  il  décide  que  l'afte  par  lequel 
»  on  donne  à  emphytéofe,  n'eff  pas  lui-même  fu- 
»  jet  au  retrait ,  foit  féodal,  foit  lignager;  &  cela 
»  eff  exaflement  vrai.  Mais  Mourgues  eff  fi  éloigné 
»>  de  foiuenir  la  propofition  qu'on  lui  prête ,  que 
»  tout  de  fuite  il  dit  que  par-là  le  feigneur  direft 
')  n'eft  pas  privé  du  retrait  pour  les  tranfports  fub- 
»)  féquens  ».  Jurifprudence  obfervée  en  Provence 
fur  les  matières  féodales,  part,  2  ,  tit,  4,  n°.  2. 

Ce  droit  cft  auflî  admis  généralement  dans  le 
comté  de  Bourgogne,  pour  tout  ce  qui  eff  dans  la 
direfle  d'un  feigneur ,  fuivant  Dunod  de  Charnage 
en  fon  traité  des  retraits.  Oa  peut  voir  ce  qu'il  dit 
au  chapitre  10  ,  fur  celui  des  fiefs.  Cet  auteur 
ajoute  au  chapitre  1 1  ;  <i  Ce  droit  a  lieu  dans  l'em- 

(l)  La  coumn-.c  <ie  TouIouiV  décide  ncannioins  le  con- 
traire. M»i$  c'eft-lâ  un  ufage  local  qui  forme  une  exce(.'tion  à 
U  rèple.  Plufîeurs  âuceurs  prétenJcnt  et  pendant  kjue  lerctiait 
cen fuel  efi  admis  dans  la\'iguerie,  quoiqu'elle  foit  fujeicc 
à  cette  coutume.  D'autres  auteurs  foutiennent  le  contraire..  Il 
paroît  plus  fiur  de  ne  pas  l'y  admettre  fan»  titres.  •>  ^fais  , 
5  comme  l'obferve  Rout.i.-ic,  des  conreilations  femblabJe» 
j  fuppofent  fvideirmer-.t  que  la  coutume,  en  ce  qu'elle  ex- 
j  *Jut  Je  retrait,  pu  ftçdal  ou  ccnfuel. ,  eJl  regardée  cotnme 
a  uac  excei'tion  ad  litoit  co.mnun  u. 

(1)  Bretonnie:  >^ans  (<îi  queflioni  aiphabâiques  ,  au  mot 
^i'ruit  rcrijutl  ^  ell  tombé  dans  la  inêitie  erreur  en  dif.:nt 
rat  ce  droit  rCel  ?tij  r?^u  dans  le  parlamiiT  dt  Prfvenit ^fui- 
vaat  le  umpigna^e  dt  Meur^nts ,  page  1 14, 


iyS 


PRÉLATION. 


»  phytéofe,  quand  même  il  ne  feroit  pas  nommé- 
>♦  ment  rcfervé  ,  parce  qu'il  eft  de  la  nature  de  ce 
M  contrat  (  /.  3  ,cod.  Je  jure  emphyt.  )  ;  Ôcle  parlc- 
j>  ment  de  la  province  a  délibéré  ,  le  15  juillet 
>»  1615  ,  dans  la  caufc  du  feigneur  de  Lavernay  , 
«  contre  un  nommé  Beugnon  ,  dudit  lieu  ,  que  le 
»»  contrat  emphytéotique  ne  fe  régleroit  pas  par 
»  les  articles  de  la  coutume  du  comté  de  Bourgo- 
»  gne  ,  qui  parlent  </«  cens  (1),  mais  par  le  droit 
>»  écrit.  Or,  par  le  droit  écrit,  le  preneur  à  titre 
j>  d'emphytoofe  doit  dénoncer  la  vente  au  bail- 
3>  leur  ,  pour  qu'il  y  confente  &  en  reçoive  les 
w  lods ,  ou  qu  il  ufe  du  droit  de  retenue  ,  dans 
«  deux  mois  après  que  le  contrat  lui  a  été  préienté  ». 

Au  refte  ,  Dunod  convient  que  le  vendeur  du 
fonds  tenu  à  bail  emphytéotique,  n'cft  plus  obligé 
à  cette  dénonciation  ,  depuis  qu'on  a  chargé  l'ac- 
«pjéreur  de  préfcnter  fon  contrat  au  feigneur ,  pour 
en  reccvckir  les  lods  &  uferde  la  retenue. 

Le  droit  de  Prélation  eft  enfin  reçu  fans  titre  , 
pour  les  biens  nobles  &  roturiers ,  dans  l'ancien 
relfort  du  parlement  de  Dijon.  Mais  il  y  eft  connu 
fous  le  nom  de  retenue  féodale  ou  cenfuelle  ,  fui- 
vant  Davot  en  fon  traité  des  fiefs  ,  à  lufage  de  la 
coutume  &u  duché  de  Bourgogne. 

Il  faut  avouer  néanmoins  que  le  retrait  ccnfucl 
n'cfl  pas  en  ufsge  dans  les  pays  de  droit  écrit  du 
reflbrt  du  parlement  de  Paris ,  fuivant  le  témoi- 
gnage de  Papon  ,  fom.  1 ,  liv.  3  ,  tit.  2  ;  de  Henrys 
&  de  fes  annotateurs,  tom.  2,  liv.  3  ,  queft.  22. 
Henrys  en  excepte  le  cas  où  il  eft  ftipulé  par  les 
terriers.  11  n'eft  pas  reçu  non  plus  dans  la  Breile  , 
fuivant  Revel  dans  fa  remarque  51  ,  page  218. 

Dans  le  Dauphiné  ,  le  droit  de  Prélation  paroit 
y  avoir  été  généralement  admis  autrefois.  Aujour- 
d'hui >  dit  M!  Salvai.'ag  de  Boiffieu,  chap.  21  ,«  l'on 
i>  ne  doute  plus  en  Dauphiné  que  le  droit  de  Pré- 
«  lation,  en  matière  d'empliytéofe  ,  n'y  foit  abrogé  ^ 
»  s'il  n'cft  exprimé  dans  les  titres ,  depuis  l'arrêt 
»>  (du  7  juillet  1628)  qui  fut  donné  contre  noble 
»  Pierre  de  Gumin ,  feigneur  de  la  Murete,  à  qui 
M  le  juge  de  la  terre  de  Clermont  avoir  adjugé  le 
a*  droit  de  Prélation  par  fenience  du  26  juin  1623  , 
»  contre  Benoit  Carra,  acquéreur  d'un  fonds  mou- 
»  vant  de  la  terre  de  Gumin,  m 

M.  de  Boiflicu  cite  deux  arrêts  conformes,  des 
2  juillet  1627  &  24  juillet  1653.  Le  premier  avoir 
été  rendu  au  profit  dçs  confuls  de  Saint-Paul-trois- 
Châteaiix  ,  contre  l'évêque,  comte  de  cette  ville  , 
nonobjlant  qu'il  eût  foutcnu  ^ue  lui  &  les  précédcns 
ivêques  étoient  en  poJfe£ion  immédiate  eTufer  de  ce 
droit. 

Dans  l'efpèce  du  fécond  arrêt ,  une  partie  des 

"  fiyOn  emeni  communément  par  cens  ou  cenfive ,  éàns 
]'ctenduc  de  cette  cou  u.ne  ,  une  reJevance  fimplement  fon- 
cière. Ai.-fiî  Duuod  dit-il  encore,  «  cjue  le  retrait  n'a  pa« 
»>  lieu  quand  l'héritage  a  été  concédé  fous  la  téferved'un  cens 
"  (impie  &:  foncier,  parce  qu'il  n'y  a  poii»  de  donoaine  di- 
»  reft  réfervé  ». 


PRÉLATION. 

fonds  de  la  feigneurie  avoit  été  reconnue  fujette  au 
droit  de  Prélation  le  29  juin  1538.  Le  préambule 
ou  proëme  des  reconnoiffances  de  l'autre  partie 
faifoit  feulement  mention  de  ce  droit ,  fans  qu'il 
fut  énoncé  dans  le  corps  des  déclarations.  L'arrêt 
permit  au  feigneur  d'exercer  le  droit  de  Prélation  , 
pour  raifon  des  fonds  mentionnés  en  l'aile  du  la  juil- 
let l'y'^S  ,  auquel  ledit  droit  de  Prélation  ejl  Jlipulé , 
&  pour  les  autres  fonds  ,  autre  chofc  n'apparoijTant , 
en  a  débouté  ledit  de   Villars. 

»  Cet  arrêt ,  continue  M.  de  Boiffieu ,  a  jugé 
»  deux  chofcs  :  l'une  ,  que  de  plufieurs  fonds  qui 
»>  ont  été  reconnus  à  un  même  feigneur  direâ,  le 
»  droit  de  Prélation  ne  peut  être  exercé  que  fur 
»  les  articles  où  il  a  été  ftipulé,  quoique  depen- 
»  dans  d'un  même  terrier;  &  l'autre,  qu'il  ne  fufiît 
"  pas  que  le  proëme  ou  préambule  des  reconnoif- 
'»  fances  en  fafle  mention  ,  parce  que  les  notaires 
»  font  en  coutume  de  le  faire  à  leur  fantaifie ,  &  le 
w  plus  fouvent  ils  l'empruntent  de  quelque  terrier 
»»  ancien  ,  qui  leur  fert  de  patron  pour  mettre  à 
w  la  tête  de  toutes  les  reconnoiffances  qu'ils  renou- 
»  vellent.  C'eft  un  afte  fait  fans  témoins,  qui  con- 
»  tient  en  général  divers  droits  que  le  feigneur  peut 
»  prétendre ,  à  auoi  chacun  des  emphytéotes  ne  fe 
»  trouve  pas  obligé  ». 

Au  refte  ,  il  eft  au  moins  très-douteux  que  le  droit 
de  Prélation  foit  admis  en  Dauphiné,  même  pour 
les  fiefs,  fuivant  le  chapitre  20  du  même  auteur, 
&  Dunod  de  Charnage  ,  en  fon  traité  des  retraits , 
chapitre  10,  dit  qu'o/z  y  tient  qu'il  faut  qu'il  y  foit 
réjervé  par  les  inveflitures.  Il  n'eft  donc  pas  éton- 
nant qu'il  y  foit  rejeté  pour  les  biens  emphytéo- 


tiques. 


Section    II  L 


Des   contrats  qui  donnent  ouverture  au  droit  de 
Prélation. 

La  règle  générale  eft  que  les  contrats  de  vente  , 
ou  tous  ceux  qui  font  équipollcns  à  vente  ,  donnent 
ouverture  à  la  Prélation  ,  à  moins  qu'il  •  ne  fe  trou- 
ve ,dans  les  titres  quelque  claufe  particulière  qui 
étende  ou  qui  reftreigne  ce  droit. 

Il  ne  faut  pas  croire  néanmoins  qu'il  y  ait  lieu  à 
l'exercice  de  ce  droit  dans  tous  les  cas  ou  le  lods  eft 
dû  :  ainfi  les  échanges  ,  les  donations  particulières  , 
les  legs  jufqu'à  concurrence  des  charges  impofees 
au  légataire,  donnent  ouverture  aux  lods  ,  &  non 
au  droit  de  Prélation  ,  hors  le  cas  de  fraude  , 
qui  doit  toujours  être  excepté. 

On  fait  d'ailleurs  que  l'échange  dégénère  en  con- 
trat de  venre ,  s'il  y  a  foute  ,  &  que  la  fomme  don- 
née par,  un  des  co-permutan$  excède  la  valeur  du 
fonds  donné  en  contre-échange.  Mais  Bomy  ,  fur 
les  ftatuts  de  -Provence ,  page  5:4  ,  foutlent  aufli 
que  le  retrait  a  lieu  fans  difficulté ,  lorfqu  on  a  mi» 
un  prix  à  chaque  fonds  échangé. 

La  Touloubre  ,  partie  2  ,  titre  4  ,  n".  40 ,  doute 
avec  raifon  que  cette  opinion  doive  erre  fuivie. 
L'énonciation  du  prix  ne  change  pas  la  nature  du 


PRÉLATION. 

contrat ,  qiil  doit  fe  régler  fur  l'intention  des  par- 
ties ;  or  ,  malgré  cette  énonciation  ,  l'intention  des 
parties  n'en  a  pas  moins  été  de  recevoir  ,  non  pas 
le  prix  du  fonds  qu'elles  tranlportoient ,  mais  un 
fonds  d'égale  valeur. 

Dans  la  plupart  des  pays  de  droit  écrit  ,  les 
baux  à  locatairie  perpétuelle  (i)  ne  font  fujets  ni 
aux  droits  de  lods ,  ni  à  celui  de  Prelation  ,  non 
plus  que  les  baux  emphytéotiques ,  fuivant  le  té- 
moignage de  M.  de  Catelan  &  de  Boutaric  ,  lors 
du  moins  qu'ih  font  faits  fans  deniers  d'entrée. 

On  convient  aulïï  que  le  bail  emphytéotique  n'y 
efl  pas  non  plus  fujet  en  Provence.  Mourgues  croit 
qu  il  y  a  la  méine  raifon  que  pour  le  bail  à  lecat^i- 
rie  perpétuelle  ,  6t  (oa  opinion  y  eft  adoptée  affez 
communément,  m  II  y  a  même  d'anciens  arrêts  , 
»  dit  la  Touloubre  ,  n°.  35  ,  rapportés  par  Bomy 
»>  fur  les  flatuts  ,  page  46,  &  par  Duperrier  ,  d'a- 
«  près  M.  de  Thoron  ,  tome  2  ,  page  378  ,  rendus 
»)  fur  l'hypothèfe  du  retrait  lignager.  Il  y  en  a  un 
«  du  26  oâobre  1618  ,  cité  auiïi  pa;  Bomy,  page 
*'  691  ,  pour  l'exclufion  du  retrait  téodal  ou  cen- 
J>  fuel.  Mais  M  de  Clapiers  ,  caufe  103  ,  quofiion 
J>  unique  ,  rapporte  un  arrêt  plus  récent  ,  qui  ad- 
»>  met  le  retrait  féodal.  Julien  ,  dans  fes  collerions 
r  manufcrites,  fous  le  mot  locatio  ,  cip.  3  ,  ?.  i  , 
»>  attefle  qu'en  confu'tant  avec  MM.  Duperrier  & 
»  Pey<îbnnel ,  ils  convinrent  que  le  retrait  devoir 
»  être  admis  ,  ex  ï/iduhitato  ufu  nojïro. 

»  L'ufage  des  autres  provinces,  continue  la  Tou- 
»  loubre  ,  ne  peut  pas  fervir  de  règle  à  cet  égard 
»  en  Provence  ,  eu  l'on  adjuge  le  lods  ,  même  pour 
I)  le  bail  à  locatairie  à  temps  ,  dès  que  fa  durée  eft 
»  de  dix  ans  ou  plus.  Duperrier,  tome  i  ,  livre  4  , 
>»  queftion  î'J  ,  prouve  parfaitement  qu'il  n'y  a  au- 
»  cune  comparaifon  à  faire  de  l'emphytéofe  avec 
x>  la  locatairie  perpétuelle  ,  &  que  celle  ci  dé- 
■>■>  pouille  entièrement  l'ancien  propriétaire  ,  &:  lui 
j>  confcrve  feulement  une  hypothèque  pour  la 
»  rente  réfervée  d. 

La  dation  ,  ou  bail  en  payement  volontaire  ,  eft 
fujette  au  droit  de  Prelation.  Il  en  eft  de  même 
lorsqu'elle  eft  faite  par  autorité  de  juflice  :  c'cft 
l'avis  de  Mourgues,  page  113  ;  de  Paftour  ,  de 
feudh^  lih.  6  ,  fit.  17  ;  de  Duperrier,  tom.  2  ,  p.  36, 
n°.  165  ,  &  de  la  Touloubre ,  n".  39.  Cela  ne  peut 
faire  de  difficulté. 

La  faculté  de  rachat ,  inférée  dans  le  contrat  de 
vente,  n'empêche  pas  qu'il  ne  donne  ouverture 
au  retrait.  M.  de  Saint- Jean  ,  décifion  3  ,  rapporte 
i  la  vérité  un  arrêt  du  23  avril  1580,  qui  jugea 
tjue  le  temps  fixé  pour  l'exercice  du  retrait  ne 
couroit  que  du  jour  oîi  le  terme  du  rachat  étoit 
expiré  ,  comme  on  le  croit  aflez  communément 
dans  les  pays  coutumiers  :  mais  il  ajoute  que  plu- 
fieurs  juges  étoient  d'un  avis  contraire,  &  les  prin- 
cipes étoienr  pour  eux.  C'en  eft  un  qui  eft  reçu 

,  (i)  C'cR  aiufi  qu'on  appelle  les  baux  à  rençe   dans  j>lu 
ficurs  des  pays  ds  droit  éccit. 


PRÉLATION.  i79 

datis  les  pays  de  droit  écrit  &  de  coutume  ,  que  la 
vente  faite  fous  une  condition  réfolutive  donne  in- 
continent ouverture  au  retrait,  à  la  difféicnceds 
celle  qui  cft  faite  fous  une  condition  fufpcnfive. 
Or,  la  vente  à  faculté  de  rachat  ne  rerfcnn.-  pas 
une  condition  furpenilvc  ,  mais  une  condition  ré- 
folutive ,  comme  le  remarquent  Pallour ,  de  fiudis  , 
lti>.  6  f  lit.  4  y  8c  Duperrier,  tom.  a,pag.  57,  n'^. 
169  ,  &  pag.  82  ,  n".  384. 

Auftî  Duîûrc ,  dans  fes  notes  fur  la  décifion  3 
de  M.  de  Saint-Jean,  fait- il  l'obfervation  fuivame  ; 
Intrà  hoc  tempus  ,  qn^d  impcdït  qnin  pajfit  retincre  Juif 
eoden  oncrt  ptili  ?  C'eft  aufli  l'avis  de  la  Touloubre , 
n°.  37.  Le  vendeur  peut  aulïï  bien  fe  pourvoir  con- 
tre le  feigneur  que  contre  l'acquéreur  ,  pour  exer- 
cer la  faculté  de  rachat. 

On  obfcrvc  la  même  règle  à  l'égard  du  rachat 
accordé  dans  l'an  au  débiteur  qui  a  été  exproprié 
d'un  immeuble  par  une  collocation  :  Mourgues  , 
fur  les  flatuts  de  Provence  ,  page  86  ,  en  rapporte 
deux  arrétii  des  21  février  1612,  ôc  19  Décem- 
bre 1634. 

Enfin  ,  le  droit  de  Prelation  n'a  pas  moins  lieu 
pour  les  fonds  acquis  au  roi  par  droit  d'aubaine 
ou  de  bâtardife,  lorfqu'il  les  fait  vendre.  Boniface, 
tom.  I  ,  liv.  3  ,  tit.  I  ,  chap.  3  ,  rapporte  un  arrêt  du 
parlement  de  Provence,  du  26  mai  1656,  rendu 
dans  ce  dernier  cas. 

Dans  la  règle  générale  ,  la  vente  d'une  partie  du 
domaine  ,  ou  celle  des  droits  qui  en  dépendent , 
donne  ouycnniQ  au  droit  de  Prelation.  Cependant 
on  tient  ,  en  pays  de  droit  écrit  comme  en  pays 
coutumier  ,  que  l'impofition  à  prix  d'argent  d'une 
fervitude  fur  un  fonds  n'y  eft  pas  fujette.  Duper- 
rier ,  açrès  avoir  donné  cette  maxime  gcnérale  , 
tom.  I  ,  liv.  3  ,  queft.  lO,  ajoute  qu'il  doute  fort 
qu'elle  doive  avoir  lieu  en  deux  cas.  i''.  Lorfque 
l'emphytéote  ou  le  vaffal  tranfporte  à  prix  d'argent 
l'eau  deftinéc  à  l'arrofage  de  fou  fonds  ;  2".  quand 
il  vend  une  fource  d'e^u  qui  ié  trouve  dans  fon 
fonds,  quoiqu'elle  ne  puiife  pas  fervir.  On  peut  en 
effet  confidércr  ces  deux  cfpéces  de  ventes  comme 
l'aliénation  d'une  partie  du  fonds. 

Section    IV. 

Du  cas  ou  le  ftigneur  n'a  la  direfîe  que  dune  partie  des 
objets  vendus. 

Dans  les  pays  coutumiers  ,  il  eft  bien  conftant 
que  le  feigneur  n'eft  obligé  de  retirer  que  les  ob- 
jets mouvans  de  fa  direâe  ,  lorfqu'ils  font  vendi  5 
pour  un  feul  &  même  prix  avec  des  domaines  qui 
ne  relèvent  point  de  lui.  La  raifon  qu'en  donne 
Dumoulin  fur  l'article  20  de  la  coutume  de  Paris  , 
n°.  55  »  c'eft  que  l'unité  du  contrat  de  vente,  qui 
procède  du  fait  &  de  la  volonté  des  parties ,  ne 
peut  nuire  au  feigneur,  qui  a  fon  droir  féparé  & 
fon  aélion  dirtintite  en  chaque  chofe  vendue.  On 
tient  même  généralement ,  avec  cet  auteur,  que  fi 
l'on  a  vendu ,  par  le  même  contrat  &  pour  un  feul 


iSo 


PRÉLATION. 


prix,  pUifieurs  fiefs  diflinOs  ,  niais  rclevans  d'un   , 
jîièine  leigneur,  il  peut  uler  du  reirait  féodal  pour 
l'un  des  fiefs  iculcmcnt,  &  inveftir  l'acquéreur  pour 
les  autres ,  fans  diAinguer  s'il  a  la  inouvancc  a  caufe 
d'un  feu!  fief  dominant  ou  de  pluficurs. 

La  queftion  fouiTre  beaucoup  plus  de  dililculté 
dans  les  pays  de  droit  écrit.  Boutai  ic  ,  en  Ton  traité 
des  droits  fcigneuriaux  ,  adopte  à  la  vérité  l'opi- 
nion de  Dumoulin  ,  en  ce  qui  concerne  le  retrait 
iéodal  ;  mais  il  ne  penfe  point  ainfi  furie  retrait 
cenfuel ,  ou  droit  de  Prélation  des  biens  emphy- 
téotiques. 

»  Cette  queflion  ,  dit-il  au  chap.  4,  n°.  16,  eft 
»  difficile  ,  par  les  fentimens  diflfcrens  des  auteurs 
»  qui  l'ont  traitée  ,  &  plus  diflicile  encore  par  les 
»  arrêts  contraires  qui  ont  été  rendus.  M.  de  Ca- 
»  telan  ,  liv.  9,  chap.  i4,atfefic  que  la  jurilpru- 
»  dcnce  du  parlement  de  Toulouie  eft  cii\rin  fixée 
V  à  ce  point ,  que  le  feigiieur  n'eft  obligé  de  re- 
»  traire  que  les  pièces  qui  font  mouvantes  de  fa 
>»  direfle  ;  Si  cependant  il  rapporte  un  arrêt  qui 
»>  jugea  précilcmcnt  tout  le  contraire  ;  car  un  iei- 
if  gneur  dired  ayant  voulu  ufer  du  retrait  fur  cer- 
»  taines  pièces  de  terre  comprifes  dans  un  décret , 
>»  celles-là  feulement  qui  étoicnt  de  fa  mouvance, 
»>  en  remboui  f;mt  la  valeur  au  décrétirte  ,  par  r.ip- 
«  port  à  l'entier  prix  de  la  fufdite  ,  il  tut  ordonné 
î>  que  le  fcigui^ur  retrairoit  tout  ce  qui  étoit  com- 
"  pris  dans' le  décret,  le  déciétiile  n'étant  point 
>'  obligé  de  cifailler  ou  de  divifer  ce  qui  lui  avoit 
»  été  vendu  ,  &  adjuge  en  hloc  &  à  un  feul  prix  ; 
«  &i  il  laut  convenir  en  effet  que  ,  quelque  tavo- 
"  rable  que  foit  le  retrait,  l'acquéreur  Jefi  encore 
»»  davantage  ,  lorfqu'il  ne  demande  autre  cliofe  , 
»  finon  ,  ou  qu'on  annuité  fon  contrat  pour  le 
»  tout,  ou  qu'on  le  fafle  fubfifter  en  fon  entier. 
j>  Si  on  examine  bien  la  doihine  de  Dumoulin  tou- 
^>  chant  le  reliait  féodal  ,  on  trouvera  qu'elle  ne 
i)  conclut  rien  pour  le  retrait  cenfuel  ». 

L'annotateur  de  Boutaric  efl  bien  d'accord  avec 
lui  fur  ce  dernier  point  ;  mais  il  foutient  aiifli  qu'il 
n'eA  pas  permis  davantage  au  feigneur  de  ne  rc- 
traire  que  les  objets  fitués  dans  fa  mouvance  ,  lo;s 
même  que  ce  font  des  domaines  féodaux.  MM. 
Maynard ,  hv.  8,  chap.  19,  la  Roclieflaviii,  & 
Graverol  ,  Ton  annotateur,  chap.  13  ,  art.  6,  a:- 
teflent  que  telle  efl  la  jurifprudence  du  parlenitin 
de  Touloufe,  fans  difiif:gucr  les  fiefs  des  emphy- 
téofes.  Ce  dernier  auteur,  tk  M.  deCatclan  ,  liv.  3  , 
chap.  14  ,  en  citent  quatre  arrêts  des  années  161  y  , 
1621  ,  1638  &  1699. 

Guypape  ,  dans  fa  que/lion  50S  ,  décide  au/Ti  in- 
diftinéiement  que  l'acquéreur  n'eii  pas  obligé  cie 
morceler  fon  contrat ,  îorfque  le  feigneur  veut  re- 
tirer la  partie  des  fonds  qui  eft  dans  fa  direéic  ,  en 
lui  laiflant  le  furpliis,  parce  qu'il  n'eût  pas  ad^ié 
cette  partie  féparciTicnt.  Il  parcîr  même  croire  qu  il 
ne  peut  y  avoir  lieu  au  droit  de  Prélation  en  ce  c;.s, 
Ouoique  Dumoulin  air  citiqué  cette  opinion  de 
~Gu;  pïpe,  &  qi;c  FrsntjOis  M;.rc,  confeiKerau  par-    j 


PRÉLATION. 

lemert  de  Grenoble  ,  l'ait  aufil  rejetée  ,  en  dik-nt 
qu'elle  ne  portuit  que  (ur  des  raifons  foibles  ,  ali- 
quas  Jubi Ui  rationes ,  elle  n'en  a  pas  été  moins 
adoptée  par  le  pjrlement  de  Grenoble,  qui  per- 
met néanmoins  au  feigneur  d'ufer  du  droit  de  Pré- 
lation ,  s'il  veut  retenir  tout  ce  qui  eft  compris  dans 
la  vente. 

Il  fulBra  d'alléguer,  avec  M.  Salvalng,  ch.  25  , 
un  arrêt  donné  au  rapport  de  M.  Cofte,  le  26  mars 
161 2,  entre  Claude  Brun  ,  appelant  de  la  fentence 
du  plus  ancien  avocat  au  fiege  de  Crefl  ,  &  M*"" 
Philibert  AUian,  vice  fénéchal  au  mime  fiége ,  & 
Louis  AUian  ,  frères,  intimés.  «  Brun  avoit  acquis 
)>  pour  un  feul  prix  une  ferme ,  ou  grange  com- 
»»  pofée  de  plufieurs  fonds  relevans  de  divers  fei- 
»>  gneurs.  Les  AUian  veulent  exercer  le  droit  de 
»  Prélation  fur  le  fonrls  qui  ert  de  leur  direde,  en- 
»  fuite  d'un  bail  en  emphytéofe,  qu'on  appelle  en 
»  Dauphiné  albergcmcm  ,  contenant  la  referve  ex- 
j»  prefie  du  droit  de  Prélation.  Brun  offre  de  les 
»  mettre  en  fa  place  pour  le  tout ,  puifque  l'acqui- 
"  Çiûon  avoit  été  taire  un'ico  preùo.  Sur  le  refus  des 
»  demandeurs  ,  il  y  eut  fentence  du  30  janvier 
»  1610,  portant,  que  fans  avoir  égard  aux  offres 
»  du  défendeur  ,  il  e^  condamné  de  vider  &  rc- 
')  laxer  la  pièce  de  terre  défignée  en  la  requcie 
»  des  demandeurs  du  14  oâobre  1608,  en  lui 
»  payant  Ck  rembourl'ant  par  un  préalable  &  avant 
'»  le  délaiffement,  le  prix  que  le  défendeur  en  a 
»  payé  à  ion  vendeur,   tel  qu'il  fera  liquide  par 

»  les  experts Brun  ayant  appelé  de  cette 

o  fentence,  il  y  eut  arrêt ,  par  lequel  l'appellation 
»  &  ce  lîont  a  été  appelé  eft  mis  au  néant  ;  &,  par 
■»  nouveau  jugement.  Brun  eft  mis  hors  de  cour 
>»  6i  de  procès  fans  dépens  ,  fauf  aux  intimés  d'ac- 
»  ceptcr  l'offre  qui  leur  a  été  faite  en  première 
»  inlbnce  ». 

La  Touloubrc  dans  fa  jurifprudence  féodale  ob- 
fervée  en  Provence ,  part.  1 ,  tit.  4  ,  n".  3c  ,  dit  à  la 
vérité  ,  tout  au  contraire  ,  »  que  l'acquéreur  de 
"  plufieurs  fonds  mouvans  de  différentes  dire<5îes  , 
»  ne  peut  pas  forcer  un  des  feigneurs  directs  ,  qui 
»  veut  exercer  le  retrait ,  à  fe  charger  de  la  totalité , 
1)  foit  que  l'on  ait  Ipécifié  &  diflingué  le  prix  de 
»  cliaquc  fonds  ,  foit  que  l'achat  ait  été  fait  unico 
n  pretio  t>.  Il  cite  à  cette  occafion  Pailour  ,  de  fcu- 
dii ,  lib.  6  ,  ti:.  14  ;  Julien  ,  dans  fes  collerions  nia- 
nufcriîes ,  fous  le  mot  lo^aiio  ,  §.  i  ,  lett.  N  ;  de 
Cormis  ,  tom.  i,  col.  105 1  ,  107,1  ;  &  Mourgues 
fur  les  ftatuts  de  Provence  ,  pag.  16,  qui  rappoite 
un  arrêt  du  21  juin   i6i8. 

Mais  datis  le  cas  de  l'arrêt  dont  Mourgues  fait 
me»tion  ,  le  prix  de  chaque  objet  avoit  été  diflin- 
gué ;  &  quoique  la  Touloubre  dife  que  cette  cir- 
conflancc  eft  communément  ret^ardée  comme  ind:Jférenie  , 
elle  l'eff  fi  peu  ,  qu'on  tient  généralement  dans  les 
pays  couiumiers,  où  le  rçtrait  lignager  ne  peut 
alkr  à  quartier,  que  le  lignager  doit  éne  admis 
dans  ce  cas  à  retirer  l'un  des  objets  vendus  fans 
les   a.utres.   Voyez  Tiraqiieau ,   ad  finern  ,    tit.  de 

reiruHii , 


PRÉLATION. 

retraça  ^   n".    21  ;  les  traités   des  retraits  de  Gri-  j 
niaudet  ,  livre   i  ,    chapitre  10 ,   &  de  Pothier  , 

o  ^ 

n  .  204. 

La  même  chofc  s'obrerve  pour  le  droit  de  Pré- 
lation  en  pays  de  droit  écrit.  Boutaric  en  fait  l'ob- 
fervation  exprefle  au  n°.  17,  pour  le  retrait  cen- 
fuel  a  Nous  fuppofons  ,  dit-il ,  que  la  vente  a  été 
7)  faite  conformément  &  à  un  feiil  prix  ;  car  fi  cha- 
w  que  pièce  de  terre  ,  par  exemple  ,  a  un  prix  fé- 
«  paré  ,  on  peut  dire  ,  avec  le  jurifconfulte  ,  qu'il 
»  y  a  autant  de  ventes  que  de  prix  diflérens,  &c 
j>  que  l'acquéreur  par  conféquent  ne  peut  pas  fe 
»  plaindre  de  la  divinon  ,  quufi  non  aliter  empiu- 
M  rus  (  I  )• 

M.  de  Boifîleu  fuppofe  la  même  chofe  dans  tout 
ce  qu'il  dit  à  ce  fujet  au  chapitre  25  ,  &  le  titre 
même  de  ce  chap.  l'indique  allez  (2).  Il  paroît 
enfin  que  cette  dillinflion  a  été  auffi  faite  par  les 
auteurs  du  parlement  de  Provence  ,  cites  par  la 
Touloubre. 

L'uiage  général  du  pays  de  droit  écrit ,  en  cas 
de  vente  des  fonds  relevans  de  plufiers  direétes  , 
eft  donc  bien  confiammcnt  contraire  à  celui  des 
pays  coutumiers,  &  il  femble  même  autorifé  par 
quelques  coutumes  voifines  des  pays  de  droit  écrit. 
La  coutume  d'Auvergne  ,  tit.  21  ,  art.  8,  9  ,  10  & 
II  >  ^  y\'  ^^  »  ^'f-  ^^  >  13  &  24  ,  accorde  exprcf- 
fénient  à  l'acquéreur  le  droit  d'obliger  le  feigneur  à 
letirer  ce  qui  n'efi  point  de  fa  mouvance,  avec  les 
fonds  qui  en  dépendent;  mais  c'eft  toujours  dans  le 
cas  où  tous  les  héritages  font  vendus  en  femble  pour 
un  même  prix.  La  coutume  de  la  Marche  dit  la  mê- 
me chofe  dans  l'article  282. 

On  obfcrve  néanmoins  le  contraire  au  parlement 
de  Befançon  ,  f.iivant  Dunod  de  Charnage,  traité 
des  retraits ,  chap,  10  ,  page  54  (  3  ). 

Lorfque  le  contrat  de  vente  a  pour  objet  un  feul 
domaine,  relevant  d'une  même  feigneurie  poiî'é- 
dée  par  indivis  ,  on  tient ,  à  plus  forte  raifon  ,  que 


PRÉLATION. 


81 


i8l 


(i)  L'aniio:a;tuc  de  Boutauc  di:  feulement  que  cetre  règle 
rci;ûit  une  exception,  /T  les  chafes  veniuss  cnc  tan:  di  ra'^on 
les  unes  au  c  autres  ,  qu'elles  ;;e  compofeat  quun  corps  \  ou 
<luU  y  ait  lu u  de  f enfer  que  r^cquértur  n  aurait  rien  acheté 
s'il  n'eût  i^ih'.té'le  t«ut,  M.  de  Cotas  ou  Coraiiuj  ,  in  anturïd 
fenatufconfult.  curittTolofmce  ,  cap.  jo  ,  dit  auili  que  cette 
exception  et  adoptée  au  parlement  de  Touloufe,  conformé- 
ment au   droit  loinain. 

(1)  Voici  ce  titre  :  Si  le  feigneur  direâ  peut  exercer  le  droit 
âtPrélatizn  fur  unfoids  de  fa  mouvance  cempris  dans  une 
v.'n'e  pajft'e  de  plufieurs  fonds  allodiuux ,  ou  mouvans  d'autres 
flâneurs  pour  un  feul  prix  ,fans  retenir  le  tiut. 

(})  L'annotateur  de  Bûutatic  dit  que  Dunoi  erjrirppsrr*  un 
errêtdu  IX  mars  170'.  Cela  n'eit  point  exitï.  Dunod  ne  cite 
a  icun  anêt  à  cette  occafion  ;  mais  ,  à  la  page  58  ,  il  en  lap- 
poite  un  du  12  mars  1701  ,  qui  a  jugé  contre  le  fieur  Clai- 
ron ,  acqu.reur  de  plufieurs  ficfs  de  diftaentes  mouvances  , 
pjur  un  feul  &  même  prix  ,  que  le  délai  du  retrait  lut  l'un  des 
r.cfs  mouvans  de  M.  de  Poitiets  ,  ou  fur  ies  deux  enferable  , 
qui  étoicnt  dans  fa  mour.-nce  ,  ne  courroit  que  du  jour  où  la 
veniilation  en  auroit  été  faite  d'avïc  les  airres,  C'étoit-là  le 
point  de  la  conte. ta-ion  ,  &:  l'accjucieui  û'offtoit  pQJnt  au  fti- 
goeur  le  délaiflemenidu  COUJ. 

Tomt  XUL 


le  retrait  ne  peut  être  exercé  par  l'un  des  co  fei- 
gneurs,  jufqu'à  concurrence  de  fa  portion  ,  qu'au- 
tant que  l'acheteur  veut  bien  confcnrir  à  la  divi- 
fion  de  fon  acquifition  ;  en  forte  que  le  co-feigtieur 
doit  retirer  la  totalité  des  chofcs  vendues  ,  fi  l'ac- 
quéreur le  défire.  On  le  pratique  ;iinfi,tant  dans 
les  pays  de  droit  écrit ,  que  dans  les  pays  coutu- 
miers, comme  le  prouvent  les  autorités  rafîemblées 
par  M.  Salvaing  au  chap.  21. 

Mais  le  feigneur  qui  veutufer  de  fon  droit,  peut- 
il,  dans  ce  cas  ,  exiger  que  l'acqucreur  lui  aban- 
donne la  totalité,  comme  l'acquéreur  peut  l'obliger 
à  la  prendre  ?  Plufieurs  auteurs,  cités  par  la  Tou- 
loubre qui  fe  range  auffi  au  même  avis  ,  atteftent 
que  telle  efl  la  jurifprudence  du  parlement  da 
Provence;  ils  rapportent  divers  arrêts  qui  l'ont  ainfi 
jugé. 

Védel ,  fur  le  chapitre  ii  de  M.  de  Catelan  , 
adopte  aulTi  cette  opinion,  en  fuppofart  une  ccf- 
fion  des  autres  co  feigneurs  à  celui  qui  rerire. 

Boutaric  a  confondu  ce  cas  avec  celui  où  l'un 
des  Ceigneurs  de  divers  fiefs  acquis  pour  un  même 
prix,  demanderoit  à  retirer  la  totalité  malgré  l'ac- 
quéreur. «  Si  l'acquéreur  ,  dit-il,  ne  peut  être  con- 
»  traint  de  divifer  fon  contrat  de  vente,  lorfque 
»  tout  a  été  acheté  en  bloc  S)L  ii  un  feul  prix  ,  il 
»  femble  que,  dans  le  même  cas  &  pour  la  même 
»  railoi-i ,  le  feigneur  peut  retraire  ,  malgré  l'acqué- 
"  rcur  ,  tous  les  fonds  vendus,  mouvans  ou  non 
"  de  ia  direéle ,  lorfque  les  autres  feigneurs  n'en 
"  réclament  pas.  Car  enfin  ,  comme  dit  fort  natu- 
»  rellement  Frjncifcus  i  ^/'/^a  ,  cet  auteur  cité  par 
»  EaiHîeu  ,  fur  la  loi  2  ,ff\  de  flum,  fi  licet  emytori 
»  dlcere  ,nolo  qubd  retincas  parte  m  ^  quia  non  fuijfein 
"  empturus  eam  ,  ni  fi  totum  etnijfein  ,  eàdcm  ratione  , 
)!  poterit  dominus  dicere ,  6*  es,o  non  effern  rctcnturus 
"  partent ,  nifi  totum  retinerem  ;  non  enim  cLiudi- 
j>  care  débet  contracius  ,  nec  dcbet  uni  liccre  quod 
i>  etiam  altcri  non  liceat.  Cependant  on  ne  le  juge 
'>  pas  ainfi  ;  on  donne  à  l'acquéreur  une  option  » 
»  qu'on  refufe  au  feigneur  retrayant  ». 

On  fent  en  efiet  que  le  raifonncment  de  iv<j/z- 
cifcus  à  Ripa  n'eft  qu'un  fophifme.  Si  le  feigneur 
diioit  à  l'acquéreur  ,  je  ne  retirerais  pas  non  plus 
une  partie  ,  fi  je  ne  pouvais  pas  retirer  U  tout  , 
l'acquéreur  lui  répendroit  avec  raifon  :  //  dépend 
de  vans  de  ne  rien  retirer  ,  fi  vous  ne  voule^  pas 
vous  contenter  de  ce  qui  c(l  dans  votre  dirtilc.  Le 
droit  d'obliger  le  feigneur  à  retirer  le  tout  Q{\\m 
bénéfice  introduit  en  faveur  de  l'acquéreur  ;  on  ne 
peut  donc  pas  le  rétorquer  contre  lui ,  &  autorifer 
le  feigneur  à  enlever  à  l'acquéreur  des  domaines 
auxquels  il  ne  peut  rien  prétendre.  C'cft  ainfi  qu'on 
le  pratique  communément  dans  les  pays  coutu- 
miers pour  le  retrait  lignager  ,  quand  on  a  vendu 
des  domaines  de  diverfes  lignes  pour  un  feul  Se 
même  prix. 

Il  faut  remaquer  au  furplus  ,  ({ue  Francifcus  à  Ripa 
na  entendu  parler  que  du  retrait  exercé  par  l'un  de 
pluûeursco-fêigaeurs,  &  coupas  de  celui  qui  cft 

Nn 


xîi  PRÉLATION. 

exercé  par  l'un  de  pluficurs  feigneurs  de  dlfférens 
fiefs  vendus  pour  un  feul  &  même  prix  ,  comme  le 
fnppofe  Boutaric  ;  mais,  dans  ce  cas-là  même  ,  ©n 
tient,  foit  dans  les  pays  coutumiers  ,  foit  dans  les 
pays  de  droit  écrit ,  que  l'acquéreur  peut  obliger 
le  co-feigncur  à  retirer  1^  tout ,  fans  que  le  co-(ei- 
gneiir  puiiïe  exiger  de  l'acqucrcur  la  rétroceffion 
du  tout. 

Cette  opinion  a  été  fuivie  par  Alberic,  Paul  de 
Caftres  ,  &  D^imoulin  ,  cités  par  M.  Salvaing  , 
«  laquelle  opinion,  dit-il ,  comme  la  plus  équita- 
»  ble  ,  &  autorifie  de  deux  arrêts  ,  l'un  du  parle- 
»)  mot  de  Paris  ,  donné  en  la  coutume  de  Tours , 
»  du  mois  d'août  1^77  ,  dont  Pithou  fait  mention 
»  fur  la  coutume  de  Troies  ,  article  27,  fur  le  mot , 
«  pour  le  prix  qu'il  ejl  vendu  ;  l'autre  ,  du  parlement 
j>  de  Touloufe  ,  prononcé  en  robes  rouges  le  ai 
»>  décembre  1601  ,  qui  eu  rapporté  par  Ferrierc  fur 
«  la  queftion4ii  de  Guypape ,  ôc  par  Cambolas 
»  en  fes  décifions  ,  livre  3  ,  chap.  10.  La  raifon  en 
ty  efl  que  le  droit  d'accroiflement  n'a  pas  lieu  aux 
»>  contrats.  L,  fi  m'ihi  6*  Tiûo  iiO ,  ff.  de  vtrbjr. 
if  obiig.  N 

Section    V. 

Des    feigneurs   qui   peuvent    ufer  du  droit    dt 
Prélation. 

Le  droit  de  Prélation  appartient  généralement 
à  tous  les  feigneurs  de  fief,  dans  les  pays  où  il  n'a 
pas  befoin  d'être  établi  par  les  titres.  Mais  on  a 
beaucoup  difputé  s'il  pouvoit  appartenir  au  roi  & 
à  l'églife.  Enfin  ,  il  y  a  quelques  perfonnes  qui 
peuvent  l'exercer  fans  avoir  la  propriété  de  la  di- 
rcâe.  11  faut  examiner  tout  cela  par  ordre. 

L  Quant  au  roi.  La  queftion  a  fouffert  autrefois 
beaucoup  de  difficultés  dans  les  pays  même  de 
coutume  ;  &  on  peut  mettre  à  la  tête  de  ceux  qui 
rcfufoicnt  ce  droit  au  roi,  l'auteur  qui  a  le  pre- 
mier débrouillé  les  principes  de  la  matière  doma- 
niale, le  célèbre  Chopin.  Mais  quoiqu'on  admette 
généralement  aujourd'hui  le  droit  du  roi  dans  la 
France  coutumiére  ,  plufieurs  auteurs  prétendent 
encore  qu'on  doit  décider  le  contraire  dans  les 
pays  de  droit  écrit;  &  on  trouveroit ,  peut  être 
dans  les  u  ndcmens  de  l'économie  politique,  des 
raifons  aufîi  fortes  pour  refufer  au  roi  l'exercice 
de  la  Prélation  dans  les  cas  ordinaires  ,  que  pour 
la  refufer  aux  gens  de  main-morte.  On  pourroit 
même  dire  que  l'ancien  ufage  d'une  grande  partie 
de  la  France  ferme  à  cet  égard  une  efpèce  de  loi 
tacite. 

Entre  une  foule  d'autorités  qu'on  pourroit  citer 
à  ce  fujct,  on  fe  contentera  d'invoquer  le  témoi- 
gnage de  l'un  de  nos  plus  anciens  praticiens ,  origi- 
naire d'Auvergne ,  &  par  conféquent  trés-voifin 
des  pays  de  droit  écrit.  Le  prince,  dit  Mafuer, 
«  n'ufe  point  de  rétention  de  la  chofe  vendue, 
>»  &  ainfi  efi  ob/ervé ,  &  telle  rétention  ne  pour- 
>»  roit  être  valable ,  pour  ce  qu'à  grand'peinc  peur- 
»  roit-on  trouver  acheteur  ilutrement  ni  pareille- 


PRÉLATION. 

i>  ment ,  fi  elle  étoit  faite  à  fon  procureuf  »  ,  c'efl;- 
à-dire  à  fon  ceflîonnaire.  (Llv.  1  ,  tir.  35  ,  n°.  8, 
de  la  traduflion  de  Fontanon  ). 

La  Rocheflavin  ,  traité  des  droits  feigneuriaux  , 
chap.  13  ,  art.  4;  Hcnrys,  tom.  1 ,  liv.  3  ,  queft.  16; 
&  Bretonnier  dans  fes  annotations  ,  tiennent  du 
moins  que  le  roi  ne  peut  exercer  ce  droit  par  lui- 
mérne  ,  quoiqu'ils  conviennent  qu'il  ie  peut  céder. 
Davot ,  dans  fon  traité  des  fiefs  à  l'ufage  du  du- 
ché de  Bourgogne  ,  n".  83 ,  dit  fimplement ,  d'après 
Taifand  ,  que  ie  roi  ni  l'églife  nufent  pas  du  droit 
di  retenue  Jur  les  fiefs  mouvans  d'eux  ,  &  Bannelier  , 
fon  annotateur,  ne  l'a  point  contredit  à  ce  fujet. 

Dunod  de  Charnage ,  traité  des  retraits,  chap. 
1  o  ,  page  53  ,  dit  du  moins  que  le  roi  n'ufe  pas  du 
retrait  pour  réunir  à  fon  domaine  ,  fi  ce  n  ejl  quand 
A'  bien  de  l'état  le  demande  ,  parce  que  le  domaine 
étant  inaliénable  ,  la  réunion  tireroit  les  biens  du  com- 
t.ierce. 

Cependant  M.  Salvaing  eft  d'un  avis  contraire; 
&  c'eft  l'opinion  la  plus  fuivie  à  préfent ,  fans 
doute  parce  qu'on  doit  préfumer  que  le  roi  n'ufera 
du  droit  de  Prélation  que  pour  l'avantage  de  l'étit. 
»  Il  eft  même  certain,  dit  M.  Salvaing,  que  les 
»>  dauphins,  &  après  eux  nos  rois,  qui  les  repré- 
»  fentent ,  ont  ule  de  ce  droit-là  quand  il  leur  a 
»  plu,  dont  nous  avons  des  exemples  dans  les  re- 
»  giftres  de  la  chambre  des  comptes  ,  qui  ont  donné 
»  fujet  à  la  remarque  faite  dans  le  répertoire  géné- 
»  rai  de  la  même  chambre,  \ntn\x\h punthion ^  Lettre 
»  V  ^  que  dominus  nojîer  delphinus  util ur  jure  Prxla- 
»  tionis  «. 

A  plus  forte  raifon  eft-il  bien  certain  que  les 
cngagiiles du  domaine  ,  &  les  princes  mêmes,  dans 
leurs  apanages,  peuvent  ufer  du  droit  d^;  Préla- 
tion ,  &  qu'ils  peuvent  même  céder  ce  droit  à  un 
tiers  dans  les  provinces  où  il  eft  ceffible  par  fa  na- 
ture ,  comme  on  le  verra  dans  la  fuite.  On  peut 
confi'-Uerà  cet  égard  mcflieurs  de  la  Rocheflavin  & 
Salvaing,  &  Boutaric  au  chapitre  de  la  Prélaiion. 
Mais  pour  que  l'engsgine  puifle  ufer  de  ce  droit 
perfonnellement ,  ou  le  céder,  il  faut  qu'il  lui  ait 
été  cxpreflement  accordé  par  fon  contrat.  Il  en  eft 
de  même  des  fermiers  du  domaine,  parce  que  le 
retrait  n'efl  pas  un  fruit  ordinaire. 

Il  y  a  néanmoins  quelques  coutumes  dans  le  rcf- 
fort  du  parlement  de  Bordeaux,  telles  que  celles 
d'Acqs  ,  tit.  10,  art.  23  ;  de  Bordeaux  .  art.  90  ;  de 
Saintes  ,  art.  6  ,  qui  décident  le  contraire. 

L'article  90  de  la  coutume  de  Bordeaux  eft  ainfi 
conçu  :  «  A  été  arrêté  que  le  roi  &  l'églife  n'ont 
»>  droit  de  Prélation  par  puiftance  de  fief  ;  finon, 
r  quant  au  roi ,  pour  le  bien  de  la  chofc  publique  ; 
M  &  quant  à  l'églife,  pour  la  néceftité  d'icelle  ;c'eft  à 
M  favoir  quand  il  y  auroit  quelque  héritage  joignant 
»  aucune  églife  ou  château  du  roi ,  maifons  épifco- 
M  pales ,  des  abbayes  ,  couvens ,  prieurés  &  éghfcs 
M  cathédrales  ,  collégiales  ou  cures,  ou  d'autres  bé- 
I)  néfices,  pour  apptoprier  auxdits  châteaux,  égli- 
»  fes,  maifonj  ou  jardins,  Se  autres  cas  efquels  on 


PRÉLATION. 

»»  peut  être  contraint  à -vendre  pour  le  bien  public 
»  du  roi  ,  du  royaume  ,  Si  defcliies  églifes  m. 

Cet  arricle ,  qui  pafla  ,  malgré  l'oppofition  des 
gens  du  roi  &  de  quclqnes  membres  du  clergé  (  i)  , 
s'obferve  exaâement.  MM.  de  la  Mothe ,  dans  leur 
commentaire,  en  citent  deux  arrêts  remarquables , 
rendus  en  tiés-grande  connoifTance  de  caufe  con- 
tre des  ctfîloanaires  du  roi ,  &  dont  on  parlera  dans 
la  feflion  7. 

II.  Quj-îf  à  iè^life.  Il  feroit  facile  de  multiplier 
les  autorités  ,  pour  prouver  que  l'exercice  du  droit 
de  Prélation  lui  a  toujours  é;é  interdit ,  du  mui  is 
pour  elle  même.  Cela  tient  à  l'incapacité  où  font 
les  gens  de  main-morte  d'acquérir  des  domaines 
fans  la  permiffion  du  roi  ,  félon  la  jurifprudencc 
confiante  du  royaume,  &  ce  point  ne  peut  plus 
faire  de  doute  aujourd'hui  ,  d'après  l'article  25  de 
redit  de  1749  fur  les  acquifitions  des  gens  de  main- 
morte. 

Long- temps  avant  cet  édlt,  Salvaing  étoit  même 
d'avis  «  que  leglife  ne  peut  exercer  le  droit  de  Pré- 
»  lation  en  Dauphinc,  pour  s'approprier  le  fief, 
»  non  plus  que  pour  s'en  vider  les  mains  dans  l'an 
»  &  jour  ;  puifque  par  lufage  de  la  même  province 
«  il  ne  petit  être  exécuté  qu'en  faveur  de  la  réunion 
j)  du  domaine  utile  au  domaine  direiSf»  ;  il  ajoute, 
que  "  tel  eft  aufTi  TuCige  du  Languedoc  ,  comme  il 
5»  fut  jugé  par  arrêt  du  parlemeni  de  Touloufc  du 
»  9  feprembre  1643  ,  contre  l'abSaye  de  Doè  ,qiii 
»  tut  dclaréc  non  -  rec;.v.!blc  dans  la  di.-m;in(ft 
w  qu'elle  avoir  faite  du  droit  de  Prélation  fur  le  do 
j»  mainc  de  Montagnac,  mouvant  de  fa  dire.'le  » 

Enfin  ,  les  coutumes  qui  inte^difent  a:i  ro  l'exer 
cice  de  ce  droit  &  p^ufieurs  autres  ,  l'inrerdiftiit 
aulFi  à  l'ég'if-.  M.  Salvaing  obferve  encore  quen 
CCS  coutumes  rjctjuir  ur  peut  oppojer  Cmcapaàté  d( 
Veglife  par  une  cxceotion  exclufive  J.  l\iclï:>rt  ipio 
jiire.  MM.  de  la  Morhe,  fur  l'article  90  di  la  cou- 
tume de  Bordeaux  ,  difcni  auffi  que  la.  dicifion  de  /,< 
coutumt  ejl  nujji  exp  .{[e  contre  l'ig'.fe  ifUt  coniie  le 
roi  ,  &  quelle  s'interprète  de  même  4  uns  Cufage. 

III.  Il  y  a  au  contraire  des  perfonnes  qui ,  fans 
être  véritablement  proari.'taires  du  fief,  peuvent 
ufer  du  droit  de  Prélaiion  furies  domaines  qui  font 
dans  la  mouvance  du  fief. 

Le  mari  peut  inconte/lablement  l'exercer  furie 
fonds  mouvant  de  la  direcle  qui  fait  partie  de  la 
dot  de  fafem.Tie;  mais  il  n'a  quelafimole  iouifi'ance 


(i)  Dans  le  minulctit  en  ve^iu  au  pai  Mm.  de  Ja  Mouie 
en  leur  commenuite  ,  cet  article  ell  beaucoup  plut  étendu  ; 
îl  contient  un  préambule  qui  di.Voit  être  :envoy.-  au  pr  -cs- 
Tcrbai.  L'avocat  du  toi  dit ,  en  pailant  de  l'exciu:  on  du  (•[ , 
qu'il  Va  «in  dire  ,  mais  n'y  CQnjen\  U  procureur  gtnéra!  &  e 
procureur  du  roi  en  Guienne  dilent  quil,  ne  f^vint  sii  y  0 
ccutume,  &  que  le  roi  ptut  rrenir  ,  m.is  l'cgliie  ne  put  rëte 
nir.  Quei(jues  particuîie-s ,  la  plupart  efclefiaiiiques ,  foii- 
licnncnt  le  contraire.  «■  Truchen  ,  pour  les  noble'  ,  iit  qi'il 
»  9  toujours  ciiïrenir  que  le  roi  &  l'cglife  n'ont  Prélation. 
»  Tous  autres  nobles  &  du  commun  peuple  ont  lit  &:  req-i'; 
a»  arrête  i^uc  le  roi  ^l'cglife  n'ont  droit  de  Prélaiion,  excepté 
»  fr»  i9U9  reipMça  »•  A  é«é  iftcçc  j  «ce. 


PRÉLATION.  18) 

dé  ce  fonds  durant  le  mariage  ;  &  ,  le  cas  de  la  rel' 
titution  arrivant,  il  ne  peut  prétendre  qre  le  rem* 
bourfement  du  prix  employé  au  retrait.  C'eft  la  dé" 
cifion  de'Duperrier  ,  tom.  2  ,  p.  29  ,  &  de  la  Tou- 
loubre ,  n".  19.  L'annotateur  de  Boutaric,  qui  efl 
du  même  avis  ,  en  dit  autant  du  tureur  :  «  Le  ru- 
"  teur  &  le  mari ,  dit-il  ,  exercent  l'adminiflratioti 
»  avec  la  même  étendue  de  pouvoir  que  donne  la 
»  ptopriété  même;  8c  je   tire  de  là  cette  confc- 
»  quence,  que  la  femme  Ôt  le  pupille  ne  peuvent 
>♦  pas  être  reçus  ,  le  cas  échéant  ,  à  défavoucr  ce 
»  retrait ,  qui  a  été  exercé  en  leur  nom  en  v^ertu 
»  d'un  pouvoir  légitime,  fauf  à  eux,  fi  cette  né- 
n  gociation  leur  a  été  nuifible,  de  s'en  venger  futr 
>»  les  biens  du  tuteur,  ou  fur  ceux  du  mari.  Mais 
»  s'il  pouvoit  être  permis  à  la  femme  &  au  pupille 
»  de  ne  point  accepter  le  retrait,  je  n'aurois  garde 
'»  de    dire  ,  comme  le  dit  Dumoulin  à  l'égard  de 
»  l'ufufruitier  ,  que  les  biens  duffent  reAer  au  tii- 
n  teur  ou  au  mari ,  &c.  Je  ne  ferois  pas  façon  d'ad- 
»  mettre  l'acqircreur  à  les  revendiquer  par  cette 
»  cfpèce  d'aélion  que  les   lois  ont  introduite  (oui 
»  le  titre  de  conaict.  fine  caufâ  ,  parce  qu'en  effet 
»  l'événement  a  démenti  la  taufe  en  vertu  de  la» 
>j  quelle  l'acquéreur  avoir  relâché  les  biens  ». 

Il  n'eft  pas  douteux  non  plus  que  le  grevé  de 
fubrtitution  ne  puifTe  ,  pendant  fa  jouifTance  ,  exer- 
cer le  retrait.  Dupcrrier ,  tome  2,  page  30  ;  de 
Cormis,  t  1  ,  p.  1041  ,  citent  un  arrêt  rendu  en 
[641  ,  qui  l'a  ainfi  jugé.  La  Touloubre,  n°.  20  ,  en 
cite  un  autre  du  26  janvier  1 576 ,  rapporté  dans 
les  mémoires  de  M.  de  Thoron  ,  lequel  n'adjugea 
an  propriétaire  que  les  biens  réunis  par  l'héritier 
grevé  ,  depuis  l'échute  du  fîdéicommis. 

Dunod,au  chap.  10  de  fon  traité  des  retraits,' 
p.  ge  53  ,  eftdu  même  avis  ,  &  il  en  dit  autant  de 
l'acquéreur  à  faculté  de  réméré  (i):  «  Ils  ne  font 
»  pas  obligés,  dit-il,  de  rendre  ce  qu'ils  ont  ac- 
»  quis  pur  cette  voie  ,  lorfque  le  rachat  ti\  exercé  , 
»  ou  le  fidéicommis  ouvert,  parce  qu'ili  étoient 
»  propriétaires  quand  ils  ont  retiré  ». 

On  accorde  le  même  privilège  aux  apanagirtes 
&  aux  engaglftes  du  domaine  ,  lorfque  l'engage- 
ment contient  la  cefTion  du  droit  de  retrait,  parce 
qu'ils  f  nt  ceiifés  agir  pour  eux-mêmes,  comme 
ceffionnaires  du  roi. 

Il  n'en  feroit  pas  de  même  »  dit  enfip  Dunod , 
du  polTelTeur  de  bonne  foi  ;  il  pourroit  être  obligé 
de  relli;u;r  au  propriétaire  du  fief  qui  voudroit  le 
rembourfer,  le  fief  fervant  qu'il  auroit  retiré,  parce 
qu'il  étoit  fimple  polTefTeur  fans  propriété. 

Quant  à  rufufruitter,  il  y  a  dwS  auteurs,  comme 
Paflour,  lib.  6,  tit.  8  ,  n".  2,  qui  tiennent  qu'il 
peut  ufer  du  droit  de  Prélation  :  ils  avouent  néan- 

l)  L'article  54  dis  cayers  pour  la  rcforniation  de  la  cou- 
tume du  du.  hé  Je  bourgogne,  dccide  au  contraire,  que  lo.s 
du  réuiére  l'acqucieu  peut  être  contraint  à  técrocédcr  'e  fcf 
qu'il  a  te'iré  ,  aïoyennaoc  teiubourfenient  ,  &:  l'é^uiié  do 
cçire  décilica  »c  la  fait  préfiiçr, 

N  n  ij 


%Î4 


PRÉLATION. 


moins  que  le  propriétaire  ,  lors  de  l'expiration  Je 
l'ulufruit ,  peut  demander  le  fonds  ainfi  retiré  ,  en 
rembourfant  le  prix,  &  en  dédommageant  l'ufu- 
fruitier  de  la  perte  des  lods.  Dunod  de  Charnage 
«  croit  que  le  proptiétaire  peut  feul  iifer  de  la  re- 
»•  tenue  féodale  ,  particulièrement  dans  le  comté 
»  de  Bourgogne  ,  où  les  fiefs  ne  font  pas  de  profit. 
r»  Cependant ,  dit-il ,  l'opinion  commune  eft  que 
ï>  l'ufufruitier  peut  exercer  ce  droit ,  &  que  i\  c'eft 
»>  du  confeniement  du  propri^^taire  ,  il  conferve  le 
»  fief  qu'il  a  retiré  ;  mais  que  fi  ce  n'eft  pas  de  fon 
M  confentement ,  le  propriétaire  peut  fe  faire  re- 
>»  mettre  le  fief  après  l'nfufruit  fiiii,  en  rembour- 
>>  fant  les  héritiers  de  l'ufufruitier  ». 

Les  cahiers  fur  la  reformation  de  la  coutume  de 
Bourgogne,  ont  des  difpofitions  très-prccifes  à  cet 
égard  dans  les  art.  50  &  fuivans.  Ils  décident  1". 
que  l'ufufruitier  peut  ufer  du  retrait;  2".  qu'il  e/1 
préférable  même  au  propriétaire  ,  s'il  veut  ufer  de 
la  retenue  ,  pour  jouir  du  fief  fervant  pendant  {on 
ufuf.uit ,  mais  à  la  charge  de  le  rendre  au  proprié- 
taire après  l'ufufruit  fini ,  en  rembourfant  le  prix 
de  la  reicnue  &  les  loyaux-coûts  ;  3°.  que  fi  rufu- 
frviiticr  vouloit  retenir  en  fon  nom  ,  Si  pour  lui 
feul ,  il  dcvroit  dénoncer  au  propriétaire  qu'il  eût  à 
retenir  ,  fi  bon  lui  femble,  &,  fur  fon  refus ,  l'ufii- 
fruitier  poiirroit  retenir,  fans  que  le  propriétaire 
fût  rccevnble  à  y  revenir  pour  cette  fois;  4°.  enfin  , 
que  fi  TuAifruititr  avoit  retenu  fans  dénoncer  au 
propriérairc  ,  le  propriétaire  ,  l'ufLfruit  fini,  pour- 
Toit  retirer  ou  de  l'ufufruitier  ou  de  fes  ayant  droit , 
en  rendant  le  prix  &  les  frais  quarante  jours  après 
l'ufufruit  fini. 

LaTouloubre,  n°.  18  ,  Boutaric  &  fon  annota- 
teur ,  n".  8  ,  tiennent  au  contraire  avec  M.  de  Cor- 
mis,  que  l'ufufruitier  ne  peut  point  retirer,  fur  le 
fondement  que  le  droit  de  Prélation  n'étant  pas  un 
fruit,  ileftplus  conféquent,  &  même  néceflaire, 
de  l'attribuer  au  propriétaire,  &  de  ne  pas  y  faire 
participer  le  fimpîe  ufufruitier. 

A  plus  forte  raifon  ,  le  fermier  ne  peut-il  pas 
exercer  ce  droit.  L'annotateur  de  la  Pcyrere,  fur  la 
lettre  R,  n".  m  ,  fait  mention  d'un  arrêt  qui  l'a 
ainfi  jugé.  Ceft  toujours  le  même  principe  que  ce 
droit  n'eft  pas  au  nombre  des  fruits. 

Au  refte,  lorfqu'on  aliène  un  fief  on  une  d'ireàe 
avec  tous  fes  droits  fans  réferve  ,  l'exercice  du 
droit  de  Prélation,  à  raifon  des  ventes  des  objets 
qui  en  relèvent  ,  faites  antérieurement  à  l'aliéna- 
tion ,  appartient  à  l'acquéreur,  &  non  pas  au  ven- 
deur. C'eft  l'avis  de  Duperrier,t.  2,  page  72  ,  Si 
de  la  Touloubre  :  de  Cormis ,  t.  i  ,  col.  1036  ,  p?.- 
roît  d'un  avis  différent  ;  mais  il  cite  lui-même  ,  col, 
1061  ,un  arrêt  rapporté  dans  les  mémoires  de  M. 
de  Thoron ,  qui  l'a  ainfi  jugé. 

Section    VL 

Dts  perfonnes  contre  ijul  le  droit  de  Prélation  peut 
être  exercé. 

Le  droit  de  Prélation  peut  s'exercer  fur  quelque 


PRÉLATION. 

acquéreur  que  cefoit,  même  fur  ceux  à  qui  le  do- 
maine a  vendu  les  biens  provenus  des  droits  de 
bàtardife  ,  d'aubaine  ,  Se  autres  droits  femblables. 

On  tient  même  dans  les  pays  de  droit  écrit ,  à  la 
différence  des  pays  coutumicrs,  que  la  Prélation 
peut  s'exercer  fur  le  parent  acquéreur  ,  &  qu'elle 
eft  préférable  au  retrait  lignager  ,  dans  les  pays  où 
cette  forte  de  retrait  eft  admife  ,  comme  en  Pro- 
vence &  dans  quelques  parties  du  reflbrt  du  parle- 
ment de  Touloufe. 

«  Le  droit  des  fiefs,  dit  fort  bien  Dunod  de 
j)  Charnage  au  chapitre  10 ,  avoit  donné  la  prcfé- 
»  rence  aux  agnats  fur  le  feigneur,  parce  que  les 
»  infeodaiions  fe  faifoient  communément  pour  fa- 
r>  gnation  ;  mais  depuis  que  nos  fiefs  font, devenus 
»  difpotiibles  &  patrimoniaux ,  cette  préférence  a 
)'  dû  ceflqr.  C'efi  pourquoi  le  feigneur  qui  veut  re- 
»  tenir  le  fief,  eft  préférable  au  parent  dans  le 
j>  comté  de  Bourgogne  ,  fuivant  le  titre  3  des  ra- 
»   chats  ,  article  22  »>. 

On  fuit  néanmoins  une  autre  règle  dans  le  du- 
ché de  Bourgogne,  fuivant  le  titre  10,  art.  iode 
la  coutume  ,  &  dans  le  reffort  du  parlement  de 
Bordeaux ,  conformément  aux  difpofitions  des  cou- 
tumes d'Acqs  ,  article  152  ;  d'Agen  ,  article  17;  de 
Bayonne  ,  articles  89  &  90  ;  de  Bergerac,  article 
42  ;  de  Bordeaux  ,  article  5  i  de  Limoges  ,  article 
41  ;  de  Marfan  ,  article  53;  de  Saint-Jean-d"An- 
gely  ,  article  51;  &  de  l'ufance  de  Saintes ,  article 
38.  Mais  le  ceflionnaire  du  feigneur  n'eft  point 
préféré  au  lignager,  fi  ce  n'eft  dans  quelques  cas 
particuliers ,  comme  on  le  verra  dans  la  feÂion  fui; 
vante. 

Section    VIL 

De  la  cejïon  du  droit  de  Prélation. 

La  queftion  de  la  ceflîbilité  ou  incefiîbilité  du 
droit  de  Prélation  a  partagé  les  jurifconfultes  &  les 
parlemcns  mêmes.  Tous  les  anciens  do6leurs  * 
François  ou  Italiens  ,  ont  tenu  pour  linceffibilité. 
C'étoit  l'avis  de  l'etrus  Jacobi ,  ancien  auteur  fran- 
çois,  originaire  d'Auvergne  ,  qui  vivoit  fous  Phi- 
lippe le  Bel  &  Philippe  de  Valois ,  &  d'une  quan- 
tité d'autres  cités  par  M.  Salvaing  au  chapitre  22. 
Dumoulin  ,  §.20,  liv.  i  de  la  coutume  de  Paris  , 
n°,  22,  affure  qu'il  n'a  pas  trouvé  un  auteur  pour 
l'affirmative,  qu'il  condamne  lui  même. 

C'eft  la  jurifprudence  conftante  du  parlement  de 
Grenoble  ,  fuivant  le  témoignage  de  Guypape  ,  de 
Perrière  dans  fes  additions  ,  de  Ranchin  ,  &  de 
Salvaing,  chapitre  22;  c'eft  auffi  celle  du  parle- 
ment de  Touloufe  ,  comme  nous  l'apprenons  de  la 
P«.ocheflavin  en  {on  recueil  d'arrêts  ,  chapitre  13 
des  droits  feigneuriaux  ;  de  Cambolas ,  liv.  3  » 
chap.  10  ,  n".  2  ,  &  de  Boutaric  ,  n".  6. 

Il  faut  en  excepter,  fuivant  ce  dernier  auteur, 
le  cas  où  la  ceflîon  feroit  faite  par  un  cofeigneur 
d'une  direâe  indivife  à  fon  cofeigneur.  Les  arrêts 
rapportés  par  M,  de  Catelan  ,  liv.  3  ,  chap.  11  } 


PRÈLATION. 

ont  iugé  que  la  ceiïion  étoit  valable  en  ce  cas  , 
parce  qu'un  cofeigneur  qui  a  àéjà ,  de  (on  cher , 
un  droit  de  direâe  par  indivis  fur  chaque  partie  du 
fonds  vendu  ,  eft  plus  favorable  que  tout  autre. 

Au  contraire  ,  dans  les  pays  de  droit  écrit  du 
report  du  parlement  de  Paris  ,  on  admet  fans  diffi- 
culté la  cellîon  du  droit  de  Prélation  ,  fuivant  Pa- 
pon  dans  fes  notaires  ,  tome  i  ,  liv.  2  ,  tit.  d'em- 
phyth.  ,  &  Henrys  ,  tom.  i  ,  liv.  i  ,  queft.  36.  On 
l'admet  aufli  dans  le  reflbrt  du  parlement  de  Bor- 
deaux ,  fuivant  la  Peyrere  ,  lettre  R  ,  n°.  123  ,  & 
dans  celui  du  parlement  de  Dijon ,  fuivant  Taifand 
fur  le  titre  1 1 ,  art.  3 1  ,  &  Davor ,  traité  des  fiefs  , 
n'\88. 

La  jurifprudence  du  parlement  de  Dijon  étoit 
conf-aire  autrefois  ,  &  l'article  49  des  cahiers  pour 
la  réf'orniation  ,  porte  expreffément ,  que  la  rete- 
nue féodale  ne  fe  peut  vendre  ni  céder  à  autrui. 
Mais  un  pareil  fyftême  ne  feroit  plus  propofable 
aujourd'hui ,  &  M.  le  préfident  Efpiart  de  Seaux 
a  tort  critiqué  cet  article  des  cahiers  ,  comme  con- 
tenant une  maxime  fauffe. 

La  même  difficulté  s'eft  élevée  dans  le  parlement 
de  Befançon  ;  mais  M.  Grivel  affure  que  la  retenue 
féodale  y  a  été  jugée  ceflible  par  plufieurs  arrêts  , 
&  le  foi'.verain  l'a  ainfi  ordonné  par  un  édit  de 
1708  ,  «  qui  eft  fondé  ,  dit  Uunod  de  Charnage  , 
»>  fur  ce  que  le  retrait  féodal  a  auHî  été  introduit 
M  pour  que  le  feigneur  pût  choifir  fon  vaflal  ;  que 
«  tout  droit  eft  celllble  de  fa  nature  ,  s'il  n'y  a  une 
«  loi  ou  des  raifons  au  contraire  ;  que  le  retrait 
«  féodal  peut  être  féparé  de  la  propriété  ,  &  que 
»  notre  coutume ,  en  le  fuppofant  acquis  au  fei- 
»  gneur  ,  n'a  pas  dit  qu'il  lui  feroit  perfonnel  ,  Si 
V  que  le  feigneur  he  pouvoir  pas  le  céder  m. 

11  y  aà  cet  égard  une  obfervation  particulière  à 
faire  fur  un  ufage  de  la  Franche-Comté,  qui  de- 
vroit  peut-être  être  adopté  par-tout  ailleurs.  Le 
fouverain  de  la  province  a  déclaré,  à  la  réquifuion 
des  états  ,  en  1607  ,  que  toute  obtention  du  droit 
oe  retenue  féodale  à  lui  appartenant  avant  la  vente 
&  délivrance  des  biens  ,  feroit  tenue  pour  obrep- 
tice  &  fnbreprice.  Mais  Dunod  de  Charnage  ob- 
ferve  ,  au  chapitre  10  ,  page  52  ,  que  cette  difpofi- 
tion  ne  s'applique  qu'aux  ventes  forcées  qui  fe 
font  par  les  décrets;  elle  a  été  faite  pour  remédier 
à  ce  qu'il  arrivoit  que  ,  dans  cette  efpéce  de  vente  , 
il  ne  fe  préfentoit  pas  des  appréciateurs,  quand  on 
favoitque  le  retrait  avoit  été  accordé,  ce  qui  nui- 
foit  également  au  débiteur  &  à  fes  créanciers.  La 
julVice  de  ce  motif,  ajoiue  Dunod  ,  fait  qu'on  doit 
l'appliquer  aux  feigneurs  particuliers  comme  aux 
fouvcrains  ,  &  au  retrait  cenfuel  comme  au  féodal. 

Un  ilatut  de  1456  ,  rapporté  par  Mourgues  ,  pag. 
133  ,  déclare  aufti  que  le  droit  de  Prélation  eft  cef- 
Cble  en  Provence. 

Suivant  l'efprit  d'un  autre  ftatut  de  1472  ,  qui  a 
introduit  le  retrait lignager  dans  cette  Province,  & 
qui  eA  auiTi  rapporté  par  Mouigucs  ,  page  i  f  ,  le 
feigneur  qui  exerce  Ion  droit  par  lui-même  eft  bien 


PRÉLATION.  iSî 

préféré  au  retrayant  lignager  ;  mais  le  cefllonnairc 
du  retrait  féodal  ne  jouit  pas  du  même  avantage, 
&  telle  eft  la  jurifprudence  qu'on  fuit  dans  toute» 
les  provinces  de  droit  écrit,  oii  le  droit  de  Préla- 
tion eft  préférable  au  retrait  lignager ,  lorfqu'on 
peut  le  céder  à  des  tiers.  Comme  cette  préférence 
eft  principalement  fondée  lur  la  faveur  de  la  réu- 
nion du  domaine  utile  ,  forti  des  mains  du  feigneur  , 
au  domaine  direct  qu'il  a  confervé  ,  on  n'a  pas  cm 
devoir  étendre  cet  avantage  au  fimple  cefiionnaire. 

Cependant  l'acquéreur  qui  eft  muni  de  la  ceffion 
du  retrait  féodal,  exclut  le  retrait  lignager.  Cette 
jufifprudcnce  ,  dit  la  Touleubre  ,  n°.  22  ,  n'a  ja- 
.'uais  varié  depuis  les  deux  arrêts  rapportés  dans  les 
r.iémoires  de  M.  de  Thoron  ,  &  imprimés  dans  le 
fécond  volume  des  œuvres  de  Duperrier,  p.  388. 

Par  une  inconféquence  qu'il  feroit  de  la  juftice 
du  parlement  de  Provence  de  réformer ,  le  feigneur 
qui  exerce  fon  droit  par  lui-même  eft  tenu  d'affir- 
mer, par  ferment ,  qu'il  retient  pour  foi,  &  non 
pour  autrui  ;  un  arrêt  du  15  décembre  1623,  & 
dautres  arrêts  rapportés  par  Mourgues  ,  page  136, 
l'ont  ainfi  jugé. 

Cfet  auteur  propofe  une  diftinflion  qui  dcvroit 
du  moins  êtrefuivie,  mais  qui  ne  l'eft  cependant 
point,  fuivant  la  Touloubre  ,  n".  32.  Ou  c'eft  ,  dit- 
il,  l'acquéreur  lui-même  qui  veut  exiger  le  ferment, 
ou  c'eft  un  retrayant  lignager.  L'acquéreur  ne  doit 
pas  être  écouté  à  demaiider  cette  affirmation  ,  parce 
qu'à  fon  égard  le  fimple  ceffionnaire  du  feigneur 
l'excluroit.  Peu  lui  importe  que  ce  foit  pour  lui- 
même  ou  pour  autrui  que  le  feigneur  exerce  le 
retrait  ;  mais  fî  c'eft  contre  le  retraynnr  lignager 
quele  i"eigneur  réclame  la  préférence  ,  le  ferment 
peut  être  exigé ,  parce  que  ce  rerrayant  lignager 
excluroit  le  celfionnaire  du  feigneur. 

Au  furplus  ,  le  retrait  ne  peut  pas  être  cédé  de 
nouveau  par  le  ceftîonnaire  du  feigneur;  c'eft  une 
jurifprudencejconftanta  au  parlement  de  Provence, 
fuivant  un  arrêt  en  forme  de  règlement  du  premier 
avril  1596  ,  rapporté  par  Mourgues  fur  les  ftatuts  , 
page  1 25,  &  un  autre  arrêt  du  9  avril  1707,  rap- 
porté par  de  Cormis ,  tome  1  ,  col.  1082  ,  dans  l'ef- 
péce  duquel  cet  auteur  avoit  fouienu  l'opinion  con- 
traire. 

Il  faut  en  excepter  le  ceftîonnaire  du  roi ,  à  l'é- 
gard duquel  il  a  été  jugé  pir  plufieiirs  arrêts  que 
rapportent  les  mêmes  auteurs ,  qu'il  pouvoir  céder 
de  nouveau  le  droit  qui  lui  avoit  été  tranfmis.  La 
raifon  de  différence  qu'en  donne  la  Touloubre  ,  n". 
24  ,  eft  que  ,  dans  la  thèfe  générale  ,  la  féconde 
ceflion  cauferoit  un  préjudice  réel  au  feigneur  ,  en 
lui  donnant  un  vaflal  ou  un  emphyiéote  qui  ne 
feroit  pas  de  fon  choix,  au  lieu  de  celui  qu'il  au- 
roit  rhoifi  lui-même.  Mais  on  a  cru  que  le  roi  vou- 
lant bien  ne  pas  ufer  lui  même  du  retrait,  quoiqu'il 
en  vùt  !e  droit  ,  il  étoit  jufte  d'accorder  au  fujet 
qi;  i!  gratifie  de  la  celTion  ,  l'avantage  d'être  regardé 
co.mme  exerçant  le  retrait  à'irc6ïsmcm  &  de  {on 
propre  chef.  On  pourroit  conclure  du  moins  de  ce 


i86  PRÉLATION. 

raifonnement,  qu'il  n'y  a  que  le  feigneur  ,  &  non 
pas  l'acquéreur,  qui  puiires'oppofer  à  l'exercice  du 
droit  de  Prélation  par  celui  auquel  l'a  cédé  un  pre- 
mier cefllonnaire. 

Le  cciTionnaire  du  roi  a  encor»  un  autre  pri- 
vilège, tonde  fur  le  même  motif  que  les  pré- 
cédens  ,  celui  d'exclure  les  rctrayans  lignagers  , 
qiii ,  dans  la  règle  générale  ,  font  préférés  au  cef- 
fionnaire.  Boniface  ,  tome  4  ,  livre  i  ,  tit.  i  ,  chap. 
a  ,  rapporte  même  un  arrêt  qui  paroît  avoir  jugé 
que  le  ceflionnaire  du  ceflTionnaire  du  roi  a  le  même 
avantage.  Mais  il  y  avoit  deux  circonflances  parti- 
culières dans  cette  affaire.  1",  Le  celTionnaire  qui 
tiroit  fes  droits  du  fermier  du  domaine  ,  foutenoit 
que  le  fermier  ne  devoit  pas  être  regardé  comme 
im  premier  cefllonnaire ,  mais  comme  ayant,  en 
vertu  de  fon  baîl,  le  droit  de  céder  directement  le 
retrait ,  ainfi  que  le  roi  lui-même  auroit  pu  le  céder. 
a°.  Ce  ceflionnaire  avoit  pris  la  précaution  d'obte- 
nir des  lettres-patentes  ,  parlefquellcs  le  roi  confir- 
moit  la  ceflîon  qu'avoit  faite  le  fermier  du  domaine. 

Cette  dernière  circonftancc  décida  fans  doute  ; 
mais  on  doit  tenir  dans  la  règle  générale,  avec  de 
Cormis  ,  que  le  ceflionnaire  dw  ceflionnaire  du  roi 
ne  peut  pas  avoir  plus  d'avantage  qu'un  ceiîîon- 
raire  ordinaire.  C'eft  déjà  un  privilège  afllez  beau  , 
que  d'accorder  au  ceflionnaire  du  roi  la  préférence 
fur  les  lignagers  ,  qui  excluent  les  cefllonnaires  or- 
dinaires. 

Dans  les  pays  où  le  droit  de  Prélation  eft  incef- 
fible  ,  comme  en  Dauphiné,  le  roi  ne  doit  point 
avoir  ,  à  cet  égard  ,  de  privilège  fur  les  fcigneurs 
particuliers.  «  L'engagifte  même  du  domaine,  dit 
«  M.  Salvaing,  chapitre  23  ,  ne  peut  ufcr  du  droit 
1»  de  Prélation  ,  quelques  lettres  qu'il  rapporte  de 

yt  fa  majcflé On  ne  doit  point  les  vérifier,  à 

3>  moins  d'introduire  une  nouveauté  contraire  à 
>i  l'ufage  &  à  la  maxime  confiante  du  palais  ,  qui 
j»  rend  le  commerce  plus  libre  ,  quand  un  acheteur 
M  n'appréhende  pas  d'être  évincé  par  un  donataire 
»  du  feigneur  féodal.  On  cft  contraint  dans  les  pro- 
«  vinces  où  la  ceflion  du  retrait  féodal  cft  prati- 
»  quée  ,  de  tenir  fccrètes  les  ventes  des  fiefs  ,  juf- 
y>  qu'à  ce  que  l'acquéreur  ait  obtenu  de  fa  majefîé 
j»  le  don  &  remife  des  droits  feigncuriaux  ,  &foL!- 
»  vent  il  arrive  que  la  diligence  d'un  autre  prévient 
»  le  fecrétaire  d'état  ou  fes  commis  ». 

Il  eft  beau  de  voir  le  chef  d'une  cour  fouve- 
raine  ,  établie  de  temps  immémorial  pour  la  con- 
fervation  des  domaines  du  roi  dans  une  grande 
province,  préférer  le  plus  grand  bien  de  l'état  an 
vain  honneur  d'accroître  les  prérogatives  du  fou- 
verain  ,  &  montrer,  par  fon  exemple,  que  c'eft  la 
manière  la  plus  digne  d'en  confervcr  le  domaine 
dans  fa  vérit.ible  fplendeur. 

Dans  les  pays  mêmes  où  le  droit  de  Prélation  cfl 
cefTible,  mais  où  le  roi  n'en  a  pas  le  droit,  il  ne 
peut  pas  le  céder  à  un  tiers.  M.\4.  de  la  Mothc  , 
dans  leur  commentaire  fur  ces  mots  de  l'article  90 
de  la  coutume  de  Bordeaux ,  U  roi  &  l'c^Hft  n'unt 


PRÉLATION. 

4roit  de  Prélation  ,  rapportent  deux  arrêts  qui  l'ont 
ainfî  jugé  dans  des  circonftances  très  -  remar» 
quables. 

Le  premier,  rendu  le  19  février  1704,  au  rap- 
port de  M.  deFayct,  à  la  première  chambre  des 
enquêtes  ,  décida  bien  nettement  la  queflion  en  fa- 
veur du  fieur  de  Mjnrarlier  de  Griffac ,  acquéreur 
de  quatre  paroiflles  dans  le  Cubziguais  ,  contre  M. 
de  Vincent  ,  commiffaire  aux  requêtes  ,  ceffion- 
naire  du  droit  de  Prélation  du  roi.  Cet  arr^t,  quî 
MM.  de  la  Mothe  ont  vérifié  au  greffe  ,  &  qui 

confirma  le  jugement  des  tréibriers  du août 

1700,  efl  d'autant  plus  remarquable,  qu'il  ne  fut 
rendu  qu'après  que  le  confeil  ,  à  qui  on  s'étoit 
adreflie  ,  eut ,  par  (on  arrêt  du  27  février  1703  ,  vifé 
dans  celui  du  parlement  de  1704  ,  renvoyé  1  affaire 
aux  juges  naturels. 

Le  fécond  arrêt ,  qui  h  été  rendu  le  10  avril  1764 
à  l'audience  de  l'a  grand'chambre,  fur  les  conclu- 
fions  de  M.  l'avocat-général  Saigc,  a  jugé  la  même 
chofe  en  faveur  de  M.  Duperrier  d'Arfan  ,  dont  le 
père  avoit  acquis  ,  en  1733  ,  des  fiefs  dans  h  pa- 
roifl'e  de  Pompignac  ,  contre  M.  de  Chatillon  ,  lieu- 
tenant-général des  armées  du  roi ,  qui  avoit  obtenu 
de  fa  majefté,  en  1763  ,  le  don  du  droit  de  Préla- 
tion avant  l'échéance  des  trente  ans. 

A  plus  forte  raifon  doit-on  interpréter  de  la  mê- 
me manière  la  prohibition  faite  contre  l'JgUfe  par 
le  même  article  de  la  coutume  de  Bordeaux.  Le 
parlement  de  cette  province  nvoit  même  jugé  ,  par 
arrêt  du  13  nui  1755  ,  rendu  à  l'audience  de  la 
grand'chambre  fur  les  conclufions  de  M.  de  la 
Loubie,  lubfiitut,  dans  la  caufe  du  fleur  Capraixe 
Dufour ,  contre  Antoine  Gabel ,  cefTionnaire  de 
l'abbé  de  Sauve  ,  que  l'églife  ne  pouvoit  plus  céder 
le  droit  de  Prélation  hors  du  reflbrt  de  la  coutume, 
depuis  que  l'édit  du  mois  d'aoîît  1749  avoit  fait , 
dans  l'article  15  ,  une  prohibition  générale  aux 
gens  de  mainmorte  d'exercer  le  retrait  féodal.  Il 
faut  avouer  que  tel  paroiflbit  être  le  fens  de  l'édic 
de  1749  »  comme  l'a  fort  bien  prouvé  M.  Henrion 
de  Pcnfcy ,  dans  fes  notes  fur  le  traité  des  fiefs  de 
Dumoulin ,  tit.  10  ,  art.  54 ,  note  2. 

Mais  une  première  déclaration  du  20  juillet 
176a,  enregi^rée  au  parlement  de  Bordeaux  le 
6  feptembre  fuivant,  a  permis  expreflêment  aux 
gens  de  main-morte  >»  de  céder  le  retrait  féodal 
n  ou  cenfuel,  ou  droit  de  Prélation ,  dans  les  lieux 
>j  où  ,  fuivant  les  loix  ,  coutumes  &  ufages ,  cette 
»  faculté  leur  a  appartenu  jufqu'à  préfent  «.  L'arti- 
cle 6  de  la  déclaration  du  26  m.?i  1774,  interpréta- 
tive de  l'édit  du  mois  d'août  1749,  a  fait  de  cette 
décifion  ,  particulière  au  parlement  de  Bordeaux, 
une  règle  générale  (i  ).  Mais  il  eft  clair  que  ces  deux 

(l)  Voici  cet  ariitlc  6. 

«  N'entendons  empêcher  que  le»  gens  de  mainmorte  M 
»  puifTent  céder  le  retrait  fcoda!  ou  cenfuel ,  ou  droit  de  Pré» 
»  îatica  à  eux  appartenant ,  dans  les  lieux  eu,  luivantJcs 
»  leis,  ccutumcJ  3f  uiagei,  ceuc  faculté  leur  a  appitcenu 


PRÉLATION. 

lois  ne  portent  aucune  atteinte  à  la  jurifprudence  , 
qui  répute  inceflible  par  les  gens  de  main-morre  le 
droit  de  Prélation  ,  que  les  coutumes  ou  des  ufages 
locaux  leur  avoient  interdit  long  temps  avant  l'é- 
dit  de  1749. 

Section    VIII. 

Dh  temps  dans  lequel,  le  droit  de  Prélation  peut  être 
exercé  ,  6"  des  formalités  nécejfaires  pour  conjîituer 
le  Jeigneur  tn  aemcure. 

Il  y  a  à  cet  égard  beaucoup  de  variété  dans  les 
pays  de  droit  écrit  comme  dans  les  pays  coutu- 
raiers.  Mais  par  tout  le  terme  fatal  ne  court  que  du 
jour  de  la  notification  &  exhibition  du  contrat  faice 
au  feigneur.  Il  faut  néanmoins  obferver  que  ledit 
du  mois  de  décembre  1703  ,  portant  création  des 
offices  de  greffier  des  infinuarions  laïques,  en  afîu- 
jeaifiant  à  cette  formalité  des  infinuarions  laïques, 
tous  les  aites  tranflatifs  de  propriété ,  veut  que  le 
temps  fixé  par  les  coutumes  pour  le  retrait  féodal  ou 
l'giijger  ,  ne  puijje  courir  ,  même  après  rexhibition  des 
con:rais  &  autres  titres  de  prepriété ,  à  Fégard  dure- 
trait  f  codai ,  ou  après  renjuijïnement  à  l'égard  du  re- 
trait lignager^  que  du  jour  de  rinfmation  ou  tnre- 
giflre-nent. 

Plufieurs  jurifconfultes  doutent  fi  cette  loi  bur- 
fale  &  rigoureufe  auroit  fon  exécution ,  particu- 
lièrement dans  les  pays  de  droit  écrit  que  cette  dif- 
pofition  de  ledit  ne  défigne  point.  La  Touloubre 
l'a  néanmoins  ra  jpellée  dans  fa  /urifprudence  du 
parlement  de  Provence  ,  part.  2  ,  tit.  4  ,  n^.  lo  , 
comme  ayant  une  pleine  exécution.  Mais  il  efl  cer- 
tain du  moins  qu'elle  ne  difpenfcroit  pas  de  la  no- 
tification &  exhibition  du  contrat  au  feigneur. 

Suivant  l'opinion  commune  ,  le  droit  de  Préla- 
tion doit  être  exercé  dans  l'an  ,  à  compter  du  jour 
que  le  nouveau  valTal  a  d'!;noncé  ion  acquifition 
au  feigneur,  6c  lui  a  demandé  rinveftiture  (i)  ; 
autrement  l'aftion  dure  trente  a  .s  ,  fans  difimguer 
fi  le  feigneur  a  fu  oit  s'il  a  ignoré  îa  vente.  Telle 
eft  la  jurifprudence  du  parlument  de  Touloutc ,  (ui- 


»•  juicju'i  prélfnt ,  fans  nl-itimoins  que  ladite  ceffion  puifle 
»>  êcre  faice  à  autres  gens  Je  main-morte,  ni  c]i,'i!s  puiflent 
M  recevoir  pourpiix  de  Jj  ceïïion  jiirre  chofc  i^ue  des  cfia. 
»>  nio'oiliers  ,  ou  des  rentes  de  la  nature  de  celles  qu'il  leur 
»  eft  permis  d  acquérir  ,  délogeant  à  cet  égard  à  la  diipoli- 
•»  tioa  i'.e  1  irticle  %\  de  l'édiiclu  mois  d'août  1749  ". 

Cette  decl  iration  a  ét'j  e  regiflre'e  d  Paris  pir  la  comm'tjfitn 
Intirmédt  lire  f  le  premier  jun  17  J4.  J.a 'iirogition  qu'el'e 
prononce  à  Târiicle  i-j  de  l'éàit  de  1749  ,  iadi'jue  affcz  qu".  n 
J'avoit  bien  entendu  ,  en  api'Iiqu.int  la  prohibition  de  cet  ar- 
licl*  i  la  cefîîon  uiéme  du  reciaic. 

(1}  ij.etonnier  ,  dans  (es  queltions  alphat 'tiques  ,  i  la  tin 
àc  l'auicle  Rnrait  fctdal,  dit  que  «  dans  les  pays  de  droit 
»»  écrit,  où  les  fiefs  doivent  des  piOnts,  le  feigaeut  a  un  an 
»•  pour  exercer  le  retrait  depuis  l'p'iliibition  c!u  contrat  à  lui 
3»  faite  (  Cac.lan  ,  tome  I  ,  liv.  ;  ,  cbap  le  )  ,  &:que  ,  d.ins 
to  lespro^'inie?  où  les  hefs  font  iiuip  enient  d'hon.icui  Ôl  ne 
t  doivent  ajjun  pro't,  le  tCime  du  retrait  eft  d'u.ic  année 
»•  depuis 'a  foi  Se  hommage  ».  Mais  cet  auteur  ne  dit  point 
«ù  il  a  pris  cette  dilHndtioQi 


PRÉLATION. 


187 


rantle  témoignage  de  Perrière  fur  la  queftion  41 1 
dt  Guypape  ;  de  la  Rocheflavin ,  des  droits  fci- 
gneuriauxjchap.  13  ,  art.  13  &  15  ;  de  Catelan  , 
liv.  3  ,  ch.  10  ;  &  de  Bouraric  ,  titres  de  la  Prélation 
6c  du  retrait  ccnfuel. 

En  Provence,  fuivant  de  Cormis,  totn.  i  ,  col. 
1038  &  1039»  ^^  temps  accordé  au  feigneur  cft  de 
deux  mois,  conformément  à  ce  qui  ell  établi  par 
la  loi  3  ,  code  de  jure  emphyt.  &c.  Pour  faire  courir 
ce  délai,  il  faut  aulîi  que  le  vallal  ou  l'emphytéote 
exhibe  fon  contrat  d'acquêt ,  en  en  donnant  un  ex- 
trait au  feigneur,  &  en  lui  demandant  l'invelii- 
ture.  Ceft  làns  aucun  fondement  que  Paftour,  de 
jeudis ,  liv.  6  ,  tit.  2  ,  n°.  2  ,  a  dit ,  que  le  temps  de 
la  Prélation  écoit  borné  à  dix  ans ,  à  défaut  de  no- 
rihJition  j  i!  eii  très  certain ,  comme  l'oblervc  la 
Tojloubre  ,  n  .  10,  que  fa  durée  eft  de  trenccans. 
Le  même  auteur  obicrve  encore,  n".  23  ,  que  ce 
ciéLii  de  deux  mois  ne  laifle  pas  de  courir  contre  le 
ceflionnaire  ,  quoique  le  contrat  de  vente  n'ait  été 
nocifié  ni  à  lui ,  ni  au  feigneur,  parce  que  l'obliga- 
tion d'exhiber  le  contrat  ik  de  demander  l'invelti- 
ture  ,  n"a  pas  lieu  à  fon  égard. 

Au  parlement  de  Franche-comté  ,  le  feigneur  a 
un  an  àc  un  jour  pour  les  hefs ,  à  compter  du  jour 
de  l'exhibition  du  contrat,  &  quarante  jours  pour 
les  cenûves,  après  que  le  contrat  d'acquifition  lui 
a  aufli  été  prélénté ,  &  que  les  lods  lui  ont  été 
offerts  ;  fmon  la  faculté  du  retrait  dure  auflî  trente 

âllS. 

En  Bourgogne,  fuivant  Davot,  traité  des  fiefs , 
n".  81  ,  le  feigneur  n'a  que  quarante  jours  ,  à 
compter  du  jour  de  la  dénonciation  qui  lui  a  été 
faite  du  contrat.  Mais  fi  ,  au  lieu  de  lui  faire  per- 
fonnellement  cette  dénonciation  ,  on  ne  l'a  faite 
qu'a  fes  officiers  ,  le  feigneur  a  une  année  entière, 
félon  l'art.  48. 

Suivant  les  articles  88  &  89  de  la  coutume  de 
Bordeaux ,  lacquèreur  d'un  domaine  mouvant  d'un 
leigneur  de  fief ,  av^c  efporle  (1)  &  autre  devoir, 
eÛ  tenu  d'aller  au  feigneur  ,  reconnoitre  &  efpor- 
ki  de  lui ,  5)  &  de  fe  purger  par  ferment  ,  fur  le  li- 
))  vrc  &  la  croix,  du  vrai  prix  que  ladite  chofe 

V  achetée  lui  aura  coûté  ,  fi  par  le  feigneur  en  efl 

V  réunis  ;  &  fera  au  choix  des  feigneurs  de  faire 
V'  purger  les  tenanciers ,  ou  bien  de  prouver  le 
»  contraire  &  fraude;  &  aufîî  fera  tenu  le  tenan- 
))  cier  exhiber  les  contrats  de  1  acjuét  ;  &  ,  lef- 
i>  dires  exhibitions  &  purgations  faites,  ledit  fei- 
»  gneurfeta  tenu  déclarer  audit  acheptcur,  tenan- 
i>  cier  ou  emphytcote,  dedans  huit  jours  après, 
)>  qu'il  veut  prendre  la  chofe  acquife  par  droit  de 
»  Prélation  ,  &  bailler  le  jufte  prix  ,  cinq  fous 
»  bourdelois  moins;  autrement ,  lefdits  huit  jours 
)»  paffés  ,  les  feigneurs  de  fief  ne  feront  plus  reçus 
1)  à  avoir  iefdites  chofes  par  puiffance  de  fief  & 
i»  droit  de  Prélation  i>. 

La  plupart  des  autres  coutumes  du  reflbrt  du  par- 

(1  )  C'elt  une  redevance  duc  i  chaque  mutation. 


î88  PRÉLATION. 

lemcnt  de  Bordeaux,  comme  Acqs,  arr.  99  &  loi  ; 
Bayoniie  ,  art.  89  &  fuivans  ;  Saint-Jean-d'An- 
cely  ,  art.  27  ;  Saint-Sever,  arr.  80;  &  lufance  de 
Saintes  ,  article  6  ,  ont  des  dilpofitions  à  peu-près 
femblables. 

Pai-tout  l'exhibition  du  contrat  doit  être  faire 
au  feigneur  même  ou  au  chef  lieu  du  fief.  Il  fnut 
en  excepter  le  comté  de  Bourgogne ,  ou,  Suivant 
l'article  3  de  la  coutume,  au  titre  des  fiefs ,  l'exhi- 
bition doit  être  faite  au  feigneur  ou  à  fon  do- 
micile, quand  même  il  ne  feroit  pas  fur  les  lieux  , 
pourvu  qu'il  foit  dans  la  province.  S'il  eft  ab- 
sent ,  on  doit  la  faire  au  principal  ofEcier  du  fief 
dominant. 

Au  furplus,  Dunod  obferve  que  l'exhibition 
peut  être  faite  au  feigneur  mineur,  ou  à  fon  do- 
micile, lorfque  le  mineur  eft  forti  de  tutelle,  & 
qu'il  a  l'adminiftration  de  fes  biens  ,  comme  il  la 
de  plein  droit  dans  les  pays  de  droit  écrit ,  dès  qu'il 
efl  forti  de  tutelle,  parce  que  le  retrait  eft  un  ;i(51e 
d'adminiflration.  Si  c'eft  un  pupille,  c'eft-à-dire  , 
un  impubère  ,  il  faudra  faire  l'exhibition  au  tuteur  ; 
&:  fi  le  pupille  n'a  point  de  tuteur  ,  on  lui  en  doit 
faire  nommer  un.  Enfin  ,  quand  il  y  a  plufieurs  fei- 
gneurs, l'exhibition  doit  être  faite  de  la  même  ma- 
nière à  chacun  d'eux. 

Les  principes  pofés  à  cet  égard  par  Dunod  , 
pour  la  coutume  de  Bourgogne  ,  doivent  être  ad- 
mis dans  tous  les  pays  de  droit  écrit.  Il  en  eil  de 
même  de  ce  qu'il  dit  pour  les  cas  où  le  contrat 
d'ac(juifition  contient  divers  objets  ,  fans  que  le 
prix  de  chacun  d'eux  foit  énoncé  en  particulier. 
L'acquéreur,  en  exhibant  fon  contrat,  doit  évaluer 
chaque  objet ,  ce  qui  n'empêche  pas  le  ftigneur^de 
les  faire  ventiler  par  experts,  6c,  durant  cette  ven- 
tilation ,  le  tetnps  fatal  ne  court  point  contre  lui. 
Cela  a  été  ainfi  jugé  au  parlement  de  Befançon 
par  un  arrêt  du  22  mars  1702,  dont  on  a  pailé 
dans  la  feêlion  4  ,  note  3  ,  &  par  un  autre  arrêt  du 
6  mars  1705. 

Lorfque  la  vente  eft  faite  fous  une  con.  tion 
fufpenfive  ,  on  tient ,  dans  les  pays  de  droit  écrit 
comme  dans  les  pays  coutumiers  ,  que  le  temps 
fatal  ne  court  qu'après  l'événement  de  la  condition. 
La  Touloubre  ,  qui  cite  à  cette  occafion ,  au  n".  3  8  , 
Duperrier  ,  tom.  a  ,  pag.  40  ,  n°.  183  ,  &  PaAour  , 
/if  fendis  ,  lib.  6  ,  tit.  3  ,  dit  auffi  au  n".  16  ,  que 
ce  temps  ne  court  pas  non  plus  pendant  le  procès 
fur  la  validité  ou  la  nullité  de  la  vente  :  il  cite  , 
d'après  Duperrier  &  M.  de  Thoron  ,  deux  arrêts 
qui  l'ont  ainfi  jugé  pour  le  retrait  lignager  ;  mais 
cette  queflion  peut  offrir  plus  de  difficulté  que  la 
précédente. 

Au  refte  ,  comme  ces  délais  font  accordés  en  fa- 
veur du  feigneur  ,  &  qu'il  n'y  a  que  le  terme  qui 
les  fuit  qui  foit  en  faveur  de  l'acquéreur  ,  il  dé- 
pend du  feigneur  de  les  prévenir;  il  peut  même 
Hier  du  droit  de  Prclation ,  auffi  tôt  que  la  vente 
cfi  parfaite  ,  quand  il  n'y  auroit  eu  aucune  efpèce 
de  tradition.  Il  n'eft  plus  au  pouvoir  des  contrac- 


PRÉLATION. 

tans  de  révoquer  la  vente  à  fon  préjudice  ,  comme 
l  obferve  Dunod  de  Charnage  ,  parce  que  le  droit 
lui  efi  acquis  par  le  fcul  efiêt  du  contrat,  avan^ 
même  qu'il  ait  déclaré  fa  volonté. 

Section    IX. 

Des  fin^  de  non-recevoir  ^u  on  peut  oppoftr  contre  le 
droit  de  Prelation  exercé  dans  le  temps  utile. 

De  toutes  les  caufes  qu'on  propofe  a/Tez  fou- 
vent  pour  exclure  le  feigneur  de  l'exercice  du  droit 
de  Prélation  ,  lors  même  qu'il  fe  préfente  dans  Je 
temps  fatal ,  il  n'y  en  a  guère  que  deux  de  foli- 
des  ;  ce  font  l'inveftiti're  donnée  par  le  feigneur  , 
ou  la  réception  du  vaffal  en  foi  &  hommage  ,  qui 
en  tient  lieu  d'ordinaire ,  &  le  payement  des  lods 
8c  ventes. 

I.  L'inve[liture  accordée  par  le  feigneur ,  eft  une 
véritable  reconnoifiance  de  fa  part  ,  que  le  vafTal 
ou  le  cenfitaire  lui  conviennent  ,  &  par  conféquent 
une  renonciation  au  droit  de  les  rejeter  en  ufant 
de  la  Prélation.  Cela  a  lieu  à  l'égard  même  des  in- 
veflitures  prifes  à  la  c!iambre  des  comptes ,  pour 
les  fiefs  qui  font  dans  la  mouvance  du  do- 
maine (  i  ). 

La  réception  en  foi  &  hommage  fembleroit  de- 
voir produire  nécefî^nrement  la  même  fin  de  non- 
recevoir  ,  puifqu'elle  renferme  implicitement  J'in- 
veiliture;  &  tel  ert  en  effet  le  droit  comiriun.  Mais 
on  fuit  une  autre  règle  en  Franche-Comté  ,  où  cette 
queOion  a  été  fort  agitée. 

On  voit  par  la  décifion  112  ,  n°.  14  ,  de  M,  Gri- 
vel,  que  le  parlement  de  Bsfatiçon  penchoit  pour 
l'afiîrmative  ;  la  négative  eft  néanmoins  devenue 
une  loi,  du  moins  pour  les  mouvances  du  domaine, 
d'après  une  lettre  du  fouverain  de  la  province  , 
écrite  au  gouverneiu-  en  1607,  &  enregiftrée  tu 
parlement  &  à  la  chambre  des  comptes.  Il  y  décla- 
re qu'il  veut ,  nonoljlant  la  léccptïon  de  foi  &  lum- 
m.ige  ,  demeurer  entier  en  fon  droit  de  retenue  ,  pour  lui 
ou  celui  à  oui  il  en  fera  la  ceffion. 

Dunod  de  Charnage  penfe  »  que  la  même  chofe 
»  doit  être  obfervée  à  l'éfrard  àts  fiefs  mouvai7S 
»  des  vafiaux  ,  parce  qu'il  y  a  rrême  raifon  ;  que  la 
»  jurifprudcnce  doit  être  uniforme  hors  des  cas  de 
»  privilège  ,  Se  qu'en  a  étendu  aux  vaflaux  ce  que 
M  le  roi  a  ordonné  pour  lui  fur  les  fiefs  en  d'autres 
3»  circcnfiances  ». 

Peut-être  faudroit-il  diflir:guer  feulement  le  cas 
où  c'eiî  le  feigneur  lui-même,  ou  fon  fondé  de 
procuration  fpéciale  ,  qui  a  reçu  le  vafTal  en  foi  & 
hommage  ,  &  celui  ou  l'admifiion  à  la  foi  &  hom- 
mage n'a  été  faite  que  par  les  officiers  ordinaires 
de  la  feigneurie  ,  fans  qu'ils  euffent  de  pouvoir  fpé- 
cial.  Il  femble  que  le  leigneur  devroit  avoir  encore 
la  faculté  d'opter  la  retenue  féodale  dans  le  dernier 


(i)  Vcyez  à  ce  fuiet   un  arrêt  du  confeil  laj'^orté  dans  ce 
recueil  au  mot  Inyejliture. 

cas; 


PRÉLATION. 

cas  ;  m.iis  qu'il  devrok  en  être  irrévocablement 
déchu  dans  le  premier. 

IL  Le  payement  des  lods  &  ventes  forme  auoi 
une  fin  de  non-recevoir  généralement  admife  con- 
tre l'exercice  du  droit  de  Prclation.  La  raifon  en 
eil ,  que  le  feigneur  n'ayant  que  l'option  de  l'un  de 
ces  deux  droits,  la  réception  de  l'un  exclut  toute 
prétention  à  l'autre.  Mais  il  faut  pour  cela  que  les 
lods  aient  été  payés  au  feigneur  lui-même,  ou  à 
ceux  que  les  lois  ou  un  mandat  fpécial  autorifent  à 
le  repréfenter  à  cet  égard. 

Ainfi  le  payement  des  lods  faits  au  mari  ou  au 
tuteur ,  rendent  la  femme  &  le  pupille  non-rece- 
vablcs  à  reclamer  le  droit  de  Prélation.  Mais  il  n'en 
eft  pas  de  même  du  payement  qui  auroit  été  fait 
au  fermier  ,  au  receveur,  ou  au  fondé  de  procura- 
tion générale  du  feigneur  ,  quoique  Ferricre  j  fur 
la  queftion  477  de  Guypape  ,  &  M.  de  Carelan  , 
liv.  3  ,  cliap.  9  &  10  ,  enfeignent  le  contraire,  fur- 
tout  fi  le  feigneur  les  a  défavoués  dès  qu'il  a  été 
inftruit  du  payement  qui  leur  a  été  fait  :  il  faut  nc- 
celTairement  un  pouvoir  fpicial  ,  pour  qu'ils  puif- 
fent  faite  décheoir  le  feigneur  de  fon  option  par 
leur  fait.  Ces  principes,  atteftés  par  tous  les  nu- 
teurs  ,  ont  été  fouvent  confirmés  par  la  juriipru- 
dence  des  cours  fouveraines. 

\Jn  arrêt  du  16  mars  i66ç  ,  rendu  entre  le  fei- 
gneur &  la  communauté  de  Pui-Loubier,  &  rap- 
porté par  Boniface,  tcm.  i  ,  liv.  3  ,  tit.  3  ,  chap.  3  , 
ik.  par  la  Touloubre ,  n".  6,  condamne  les  habi- 
ta ns  &  poflédans  biens  au  payement  des  arrérages 
des  lods  depuis  vingt-neuf  années  ,  (î  mieujc  nai- 
moit  le  feif.neur  retenir  par  droit  de  fief  &  a'j  l'rc- 
l.ition  les  biens  nlicués  ,  &  dont  il  n'aurait  pas  donné 
rinvtjl'i'.ure ,  ni  retiré  les  lods  par  lui  ou  [es  procu- 
reurs fpécijux. 

D'autres  SYréts  ,  &  particulièrement  celui  qui 
fut  rendu  en  1720,  en  faveur  du  marquis  di  So 
liers  ;  un  autre  du  22  mars  1711 ,  pour  M.  le  prince 
de  Monaco  ;  5c  un  troifième  du  5  l'cptembre  1735  , 
rendu  par  le  parlement  de  Grenoble,  dans  un  pro- 
cès évoqué  en  faveur  du  fieur  de  Villeneuve  ,  mar- 
quis de  Flayofc ,  ont  jugé  aufîi  que  le  payement 
fiit  au  fermier  du  feigneur  ,  ne  formoitpas  une  fin 
de  non-recevoir  contre  ce  dernier. 

Cependant  fi  le  fermier  ou  l'agent  du  feigneur 
étolt  dans  l'ufage  confiant  d'accorder  les  inve^li- 
tures  fous  f©n  nom ,  &  d'opter  entre  le  retrait  &  les 
lods  &  ventes  ,  la  réclamation  du  feigneur  contre 
le  fait  de  l'un  ou  de  l'autre  ne  pourroit  être  vue 
que  défavorablement  en  juftice. 

Un  arrêt  du  15  avril  1711  ,  rendu  entre  les  fei- 
gneur &  la  communauté  de  Rougiers  ,  par  des 
commiflaires  du  confeil,  &  que  rapporte  auffi  la 
Touloubre,  n"".  14  &  iç  ,  a  jugé  que  le  feigneur  , 
en  établiffant  un  procureur  pour  recevoir  le  paye- 
ment des  lods ,  cft  obligé  de  lui  donner  un  pou- 
voir fufîifant  pour  accorder  en  même-temps  l'in- 
vefiiture  à  l'acquéreur.  L'arrêt  ajoute  :  «  Ordon- 
»  nous ,  audit  cas,  qus  la  procuration  fera  faite  p^ir 
To;ne  XJH. 


PRÉLATION.  189 

«  afle  public,  inféré  dans  les  regiilres  d'un  notaire 
»  dudit  lieu  de  Rougiers  .  auquel  les  emphytcotcs 
n  auront  recours  ,  en  cas  de  befoin ,  contenant 
n  le  nom  &  furnom  dudit  procureur  ;  &  venant 
»  ledit  procureur  à  recevoir  le  lods  fans  vouloir 
»  donner  l'invefliture ,  la  quittance  dudit  lods  vau- 
y*  dra  inveftiture  ». 

Il  faut  obferver  au  furplus  ,  que  la  fimple  de- 
mande des  lods  ,  formée  par  le  feigneur  perfon- 
nellement,  ne  le  prive  pas  du  droit  de  revenir 
au  retrait  ,  lors  du  moins  qu'on  ne  lui  a  pas  no- 
tifié le  contrat  dans  la  forme  légale  ,  avant  que 
cette  demande  ait  été  formellement  acceptée  ,  ou 
qu'elle  ait  été  fuivie  d'une  condamnation.  L'anno- 
tateur de  la  Peyrere  ,  hv  R.  n".  1 20  ,  rapporte  deux 
arrêts  du  parlement  de  Bordeaux  ,  l'un  de  l'année 
1692  ,  l'autre  de  l'année  1716  ,  qui  l'ont  ainfi  jugé. 
Vedel ,  dans  fes  observations  fur  M.  de  Catelan  , 
rapporte  deux  arrêts  femblables  du  parlement  de 
Touloufe  des  21  août  1711  &  15  juin  1720. 

L'annotateur  de  Boutaric,  page  222,  u  obfervc 
»  que  la  plupart  de  ces  arrêts  (ont  dans  le  cas  que 
»  le  feigneur  awit  eu  connoiffjnce  du  contrat  ai^tre- 
)>  ment  que  p.jr  la  notification  ^  &  que  les  auteurs 
»  qui  les  rapportent  ont  préfenté  cette  circonflnnce 
»  comme  ayant  le  motif  de  la  chofe  jugée,  parce 
3)  que  le  tenancier  ,  tant  qu'il  n'a  pas  fatisi'ait  à 
»  Tobligation  qui  lui  eft  impofée  de  noti.'icr  lui- 
j>  même  la  vente ,  ne  doit  pas  être  reçu  à  prendre 
n  droit  de  l'option  précipitée  que  peut  avoir  faite 
)>  le  feigneur.  Il  croit  néanmoins  qu'il  n'en  doit  pas 
»  être  autrement,  quoique  le  con:r:.t  ait  été  notifié , 
»  félon  le  principe  des  loix,  que  quand  le  droit 
"  d'opter  &  de  choifir  n"efi.  point  fondé  fur  une 
»  ilipularion  particulière,  mais  qu'il  defccnd  de  la 
j>  nature  même  de  l'obligation  ;  la  variation  ed 
»  reçue  en  tout  état,  après  la  demande,  après  la 
»  conteftation  en  C3ufe,&méme  après  un  juge- 
»  ment  de  condamnation  ,  en  forte  qu'il  n'y  a  rien 
))  de  confommê  que  par  le  payement  ».  Mais  le 
droit  de  Prélation  n'efî  pas  alTez  favorable,  pour  y 
faire  admettre  une  extenfion  fi  rigoureufe  ;elle  four- 
niroit  d'ailleurs  trop  de  prétextes  au  feigneur  pour 
proroger  le  terme  par  lequel  on  a  limite  la  durée 
de  fon  privilège. 

La  Touloubre  ,  au  n".  3  ,  propofe  un  tempéra- 
ment plus  équitable  ;  il  penfe  que  ,  dans  le  cas  où  la 
notification  auroit  été  faite,  le  feigneur  doit  avoir  la 
liberté  d'abandonner  la  demande  qu'il  a  formée  en 
adjudication  du  lods ,  fi  elle  éprouve  un  refus  & 
des  contradiftions  de  la  part  du  vaflal  ou  emphy- 
téotc.  Il  a  ,  dit-il  alors,  un  prétexte  légitimée  pour 
revenir  au  retrait;  mais  après  un  jugement  tout  ell 
confommê.  Judiciiim  efl  commune  utrique. 

IIL  Le  payement  des  cens  n'a  point  le  même  effet 
que  celui  des  lods  &  ventes.  Comme  tout  poficffeur 
en  eft  indiflinêîement  chargé,  le  droit  du  feigneur 
demeure  en  fon  entier  ,  tant  qu'on  ne  lui  a  pas  dé- 
noncé la  vente  d'une  manière  légale.  M.  de  Catelan, 

Oo 


IÇO 


PRÉLATION. 


livre  I ,  chapitre  lo,  rapporte  un  arrêt  du  12  juin 
3665  ,  qui  l'a  ainfi  jugé. 

Boniface  ,  tome  4  ,  livre  2  ,  titre  3  ,  chapitre  a  , 
en  rapporte  trois  femblables  des  29  janvier  1626, 
j  i  avril  163  I ,  &  23  février  1634.  Dans  refpece  du 
fécond  de  ces  arrêts ,  le  cens  avoit  été  payé  pendant 
onze  ans.  La  Touloubre  , titre  du  retrait,  n*.  25  ,  en 
rapporte  un  autre  de  l'année  1634 ,  rendu  en  faveur 
du  leigneur  de  Nuirargues. 

Villers  ,  fur  la  coutume  de  Bourgogne,  titre  des 
fiefs,  cite  aufli  un  arrêt  du  parlement  de  Dijon  qui 
l'a  ainfi  jugé.  Enfin  Dunod  de  Charnage ,  au  cha- 
pitre 1 1  ,  page  64  de  fon  traité  des  retraits ,  «  en 
w  rapporte  un  dernier  rendu  au  parlement  de  Be- 
9>  fançon  le  21  août  1720,  au  rapport  de  M.  Rend  , 
«  entre  M.  de  Grammont ,  feigneur  de  l'Etoile,  & 
S)  les  veuve  &  héritiers  Pierrecy,  qui  a  confervé 
»>  au  feigneur  le  droit  de  retenue  ,  quoique  le  nou- 
«  vel  acquéreur  eût  payé  les  cens  ,  &  qu'il  eût  été 
j)  admis  à  reconnoître  par  un  commiffaire  à  terrier, 
5>  qui  avoit  renouvelé  le  rentier  de  la  rente.  La  cour 
3»  eAima ,  dit  Dunod ,  que  ce  commifT.iire  étant 
5>  fimplement  prépofé  pour  recevoir  les  rccon- 
»  noiffances,  n'avoit  pu  préjudicier  au  droit  de 
»  retenue  du  feigneur,  &  qu'il  falloit  un  mandat 
V  fpécial  pour  cela  ». 

La  connoiffance  que  le  feigneur  auroit  pu  avoir 
du  contrat,  de  la  part  même  du  vaflal  ou  de  l'em- 
phytéote .  ne  fupplée  point  au  défaut  de  notification. 
Il  y  a  plus  ,  quand  bien  même  le  feigneur  auroit 
donné  fou  confentement  à  la  vente,  ou  qu'il  l'auroit 
faite  en  qualité  de  procureur,  il  ne  feroit  pas  exclus 
pour  cela  du  retrait,  u  II  faut,  de  la  part  du  feigneur 
j»  (  dit  la  Touloubre  à  cette  occafion  ,  titre  des 
»  retraits,  n°.  4  )  un  afte  abfoliiment  incompatible 
j>  avec  l'exercice  du  retrait,  &  qui  fait  purement 
I»  relatif  à  cette  mêine  qualité  de  feigneur.  Or, 
»  quand  il  confent  à  la  vente  ,  il  peut  avoir  en  vue 
î>  d'exercer  le  retrait,  fi  le  prix  &  les  conditions 
ï)  du  contrat  lui  conviennent;  &  lorfqu'il  vend  le 
Vf  fonds  d'autrui  en  vertu  d'une  procuration  ,  il 
»  n'agit  &  ne  flipule  qu'au  nom  de  celui  qui  la  lui  a 
J»  confiée  ". 

On  doit  pourtant  avouer  que  ces  fubtilités  du 
droit  ne  font  guère  conformes  aux  maximes  de 
bonne  foi  qui  doivent  fervir  de  règle  aux  hommes 
dans  leur  commerce. 

Il  n'eft  pas  befoin  de  dire  que  lorfqu'on  a  com- 
mis une  fraude  pour  empêcher  le  feigneur  d'ufer  du 
droit  de  Prélation ,  par  exemple  ,  en  furhauflant 
dans  l'afle  le  véritable  prix  de  l'acquifition,  ni  le 
payement  du  lods  fait  au  feigneur  même  ou  à  fon 
fonde  de  procuration  fpéciale  ,  ni  la  réception  en 
foi  5t  hommage  &  l'invefliture  la  plus  formelle  ,  ni 
enfin  l'écouleracnt  du  temps  fatal  depuis  la  préfen- 
ration  du  contrat ,  ne  peuvent  opérer  une  fin  de 
non-reccvoir  contre  le  feigneur  ;  il  n'y  a  que  la 
prefcription  trentenaire  qui  puifTe  mettre  Tacqué- 
reui  à  couvert  dans  ce  cas. 


PRÉLATION. 
Section    X. 

Des  formalités  que  le  feigmur  doit  obferver  ,  &  des 
obiis^atioiis  dont  il  ejl  tenu  dans  l'exercice  du  droit 
de  P.elation. 

Dans  prefque  tous  les  pays  de  droit  écrit ,  l'offre 
réelle  du  prix  ,  dans  le  délai  accordé  au  feii-ncur  , 
ciï  la  feule  formalité  requife  lors  de  la  den.ande  en 
Prélation.  La  confjgnation  ou  canjting  ,  comme  on 
1  appelle  en  quelques  pays  ,  n'efl  néceiïaire  que 
pour  gagner  les  fruits.  Dans  le  Languedoc  &  dans 
le  Dauphiné,  où  le  feigneur  ne  peut  céder  fon 
droit,  il  eft  de  plus  obligé  d'affirmer ,  fi  l'acqué- 
r.ur  l'exige,  qu'il  retient  pour  lui-même  ,  &  non 
\>>ur  autrui.  Le  même  ufage  a  lieu  afiez  inconfê- 
q  jerr.ment  en  Provence  ,  quoique  le  droit  de  Pré- 
l.Lion  y  foit  inconteflablement  ceffible ,  comme  on 
la  pu  voir  dans  la  feêhon  7. 

Quoi  qu'il  en  foit ,  le  ferment  doit  être  prêté  par 
le  leigneur  en  perfonne  ,  &  non  par  procureur. 
C'ert  la  difpofition  prccife  d'un  arrêt  de  ré;'!emenc 
rendu  le  18  mars  1638,  entre  Jean  Jacques  de  Pa- 
ris &  la  dame  de  Baudol.  Cet  arrêt  ,  qui  eft  cité 
par  la  Touloubre  ,  n",  33  ,  fait  inhibitions  &  dé- 
icnfes  à  tous  juges  du  rellort  du  parlement,  d'ad- 
mettre à  pareil  lernieut  fur  une  fimple  procuration  , 
à  peine  d'amende  ai  bitraire  ,  dépens  ,  dommages 
6c  intérêts  des  pat  ties. 

Il  n'importe  pas  que  le  feigneur  faïTe  le  rembour- 
feraent  en  même-temps  que  d  demande  ,  ou  podê- 
rieurement,  pourvu  qu'il  foit  encore  d.ins  les  dé- 
lai-, que  l'ufage  des  lieux  lui  accorde.  Lorfque  l'ac- 
quéreur ne  veut  pas  accepter  le  rembourfcnient , 
il  faut  luifaire  des  offres  réelles  à  découvert,  donr 
on  aura  foin  de  faire  drcller  un  procès-vcrLal  par 
un  huiffier  ou  par  des  notaires ,  finon  le  feigneur 
fera  irrévocablement  déchu  de  fon  droit  ,  pour 
c  rre  fois,  quand  même  il  auroit  déclaré  qu'il  ufe 
cia  retrait ,  &.  qu  il  fe  feioit  mis  en  poikffion  du 
fi.;f. 

Un  arrêt  du  parlement  de  Befançon  ,  rendu  à  la 
Tournelle  le  7  fepteaibre  1723  ,  entre  les  fieurs 
Moureau&  Blandin,  l'a  ainfi  jugé  ,  fuivant  Dunod 
de  Charnage,  traité  des  retraits,  cbap.  10,  p  57. 
Dans  l'efpêce  de  cet  arrêt,  le  retrait  avoit  eu  lieu 
dans  le  temps  ,  mais  le  rembourfement  n'avoit  été 
fait  qu'après  l'année,  à  un  tuteur  qui  n'avoit  pas 
dû  le  recevoir,  au  préjudice  du  droit  acquis  par 
fes  pupilles. 

Au  refte,rien  ne  peut  dirpcnfer  le  feigneur  du 
rembourfement  de  rintêgrité  du  prix  ,  quand  bien 
mcme  il  feroit  quefiion  d'une  maifon  qui  auroit 
été  ruinés  eu  confumée  par  un  incendie  depuis  la 
vente.  On  fuit  généralement  à  cet  égard  ,  dans  les 
pays  de  droit  écrit ,  les  mêmes  principes  qu'en  pays 
coutumier;  ainfi  fe  feigneur  ne  doit  rembourler 
les  frais  &  loyaux-coûts  ,  qu'après  qu'ils  ont  été 
ciuièrement  liquidés.  S'il  s'agit  d'un  fief  mouvant 
du  roi ,  le  i.ein©iinsire  doit  lembourfer  les  frais  du 


^RELATION. 

dénombrement  &  de  l'aveu  fournis  à  la  chambre 
des  comptes  pa--  l'acquéreur  ;  on  doit  de  mcme 
rembourfer  le  fupplcment  du  jufle  prix  qui  a  été 
payé  (ans  fraude  par  l'acquéreur  avant  l'exercice 
du  retrait.  On  peut  payer  l'acquéreur  par  la  com- 
penfation  d'une  dette  liquide  ,  8c  le  retrayant  doit 
profiter  de  tous  les  délais  &  des  facilités  qui  étolent 
perfonnelles  à  l'acquéreur. 

Les  fentimens  des  auteurs  ont  été  autrefois  par- 
tagés fur  cette  queftion  i  mais  enfin  ,  dit  Boutaric  , 
«  l'opinion  commune  ,  &  à  laquelle  les  arrêts  fe 
«  font  conformés ,  c'eft  que  le  retrayant  entrant  à 
i>  la  place  de  l'acheteur ,  il  doit  jouir  des  conditions 
^»  &  des  termes  du  payement ,  comme  faifant  par- 
«t  tie  du  prix  ;  &  qu'il  n'eft  tenu  par  conféquent  de 
«  rembourfer  que  ce  quia  été  payé,  en  prenant 
ï»  fur  lui  l'obligation  que  l'acheteur  a  contrafice 
n  pour  le  furplus  envers  le  vendeur  n. 

Cet  auteur  cite  à  cette  occafion  MM.  Maynard  , 
liv.  7  ,  chap.  3 1  ;  de  Catelan  ,  liv.  3  ,  chap.  1 1  ;  & 
Salvaing  de  Boiflieu  ;  chap.  90. 

On  tient  par  la  même  raifon  au  parlement  de 
Provence ,  lorfqu'on  exerce  le  droit  de  Prélatlon 
après  une  coUocation  faite  par  un  créancier  fur  des 
biens  fitués  hors  du  lieu  de  fon  domicile ,  qu'il 
profite  de  la  quinte  part  qui  a  été  diftraite  ,  fuivant 
î'ufage  ,  fur  la  valeur  des  biens,  par  forme  d'in- 
demnité pour  le  créancier  ;  c'eft  la  décifion  de 
Mourgues  fur  les ftatuts,  page  97,  où  il  explique 
celui  qui  accorde  cette  indemnité  au  créancier  ;  de 
M.  de  Clapiers,  claufe  100  ,  queftion  a  ,  n°.  33  ;  & 
de  la  Touloubre  ,  n°.  49. 

Enfin  ,  le  feigneur  n'eft  pas  tenu  ,  dans  ce  même 
cas,  de  rembourfer  tout  ce  qui  étoit  dû  au  créan- 
cier qu'il  évince,  mais  feulement  le  prix  de  fm  col- 
location. 

Section    XI. 

Des  ejfits  &  des  fuites  de  l'exercice  du  droit  dt 
Prélatian, 

Il  n'y  a  prefque  rien  à  dire  fur  cet  objet ,  qui 
puifle  diftinguer  le  droit  de  Prélation  du  retrait  fei- 
gneuriai  admis  dans  les  pays  coutumiers.  La  plupart 
des  auteurs  croyaient  autrefois  que  les  hypothè- 
ques &  les  fervitudes  étoient  révoquées  par  la 
réunion  du  domaine  utile  au  domaine  ciire^l, 
qu'opère  l'exercice  du  droit  de  Prélation  ;  mais 
cette  opinion,  qui  , avant  Dumoulin  ,  rés^noitdans 
toute  la  France,  fans  exception  ,  eft  aufli  par-tout 
rejetée  aujourd'hui.  Il  eft  donc  conftant  que  l'exer- 
cice du  droit  de  Prélation  n'éteint  ni  les  hypothè- 
ques ni  les  fervitudes  impofées  furies  fonds  avant 
la  vente  qui  a  donné  ouverture  à  ce  droit  :  on 
peut  voir  à  ce  fujet  une  décifion  latine  ,  fort  bien 
raifonnée,au  chap.  29  de  I'ufage  des  fiefs  de  Sal- 
vaing. 

Quant  aux  fruits,  la  jurifprudence  du  parlement 
de  Provence,  atteftée  par  la  Touloubre,  n".  60  ,  & 
par  d'autres  auteurs,  eft  d'adjuger  à  l'acquéreur 
tous  ceux  qui  oot  été  cueillis  avant  la  demacdw 


PRÉLATION.  191 

du  feigneur,  &  de  partager  entre  le  feigneur  & 
l'acquéreur  ceux  qui  font  pendans  lors  du  retrait , 
à  proportion  du  temps  qui  s'eft  écoulé  avant  & 
après  la  demande  ,  à  moins  que  le  feigneur  n'ain 
d  fféré  par  affedlation  de  la  former  jufqu'à  la  par- 
faite maturité  des  fruits. 

Duperrier ,  tom.  2,  pag.  32,  n*'.  i49,dirque 
cette  exception,  quoiqu'établie  par  Dumoulin, 
n'eft  pas  fans  difficulté.  Cependant  elle  a  été  adop- 
tée par  un  arrêt  qu'a  rapporté  Boniface  ,  tom.  4  , 
liv.  2 ,  tit.  3  ,  chap.  5  ,  qui  adjugea  tous  les  fruits  à 
l'acquéreur. 

Dunod  penfe  au  contraire  que  le  feigneur  qui 
exerce  le  droit  de  Prélation  fur  un  emphytéote , 
doit  avoir  les  fruits  recueillis  avant  les  offres  , 
»  parce  que  la  vente  demeure  en  fufpens  ,  à  l'égard 
»  du  feigneur,  jufqu'à  ce  qu'il  accorde  l'invefti- 
»  ture  ;  que  l'acquéreur  doit  lui  préfenier  fon  con- 
»  trat  dans  un  bref  délai ,  &  que  le  feigneur  doit 
»  ufer  de  fon  droit  dans  un  délai  qui  eft  auftS  fort 
»  court.  Je  trouve  ,  dit-il ,  que  le  parlement  de  Be- 
»  fançon  l'a  ainfi  jugé  entre  le  feigneur  de  Mon- 
"  tigny  &  la  demoifellc  Girardot  de  Salins  ,  &  jo 
»  crois  qu'on  doit  dire  la  même  chofe  dans  le  cas 
"  de  la  retenue  féodale  ,  d'autant  que  Tacquereur 
»  ne  peut  pas,  en  ce  cas,  prendre  pofléftîon  fans 
»  le  confentement  du  feigneur,  à  peine  de  com- 
>i  mife;mais  le  feigneur  qui  retient,  foit  le  fief, 
»  foit  la  cenfive  ,  doit  offrir  les  intérêts  de  l'ar- 
i>  gent  ». 

Cette  décifion  &  les  motifs  fur  lefquels  elle  efl: 
fondée  ,  ne  peuvent  recevoir  d'application  hors  du 
reflbrt  du  parlement  de  Franche-Comté. 

Au  refte  ,  le  feigneur  ne  fuccède  pas  moins  aux 
défavantages  qu'aux  avantages  de  l'acquéreur.  Il 
eft  tenu  de  la  reftitution  des  fruits  ,  dans  le  cas  où 
l'acquéreur  qu'il  remplace  l'auroit  été,  fi  la  vente  eiJt 
étécaffée  après  qu'il  auroit  faitufagedc  fon  droit. 
Par  la  raifon  contraire  il   fembleroit  qu'en  cas 
d'éviâion  ,  il  devroit  avoir  fa  garantie,  non-feule- 
ment contre  le  vendeur,  mais  auffi  contre  la  cau- 
tion que  l'acquéreur  fe  feroitfait  donner  par  le  ven- 
deur. Cependant  Boutaric ,  au  chapitre  du  droit 
de  Prélation  ,  dit ,  d'après  Catelan  ,  liv.  3  ,  ch.  1 3 , 
que    les  arrêts  ne  l'ont    par  jugé  ainji;  quils  ont- 
permis   au  feigneur  évincé  d'agir  pour  la  garantie  con- 
tre le  vendeur^   mais  non  pas  centre  la  caution  dit- 
vendeur. 

Voye^  le  traité  des  droits  feîgneuriaux  de  Bouta- 
ric ,  aux  chapitres  de  la  Prélation  ou  retrait  féodal, 
6*  du  retrait  cenfuel  ;  le  traité  du  retrait  de  Dunoi 
de  Charnage ,   ch.  10  6*  1 1  ;  I'ufage  des  fiefs  de  Sa'- 
vaing  de  Boiffieu  ,  ch,  20  6f  fuivans  ;  la  jurifprudence 
ohfervée  au  parlement  de  Provence  dans  les  tnatiires 
féodales  ,  par  la  Touloubre  ,  part.  2  ,  tit.  4  ;  les  dé- 
cifions  de  la  Peyrere,  lettre  R  ;  le  nouveau  commentaire 
de  MM.  de  la  Mothe  fut  la  coutume  de  Bordeaux  ,' 
6*  /"  autres  autorités  citées.  Voyez  aufTi  les  articles 
Foi  et  hommage.   Investiture  ,  Lods  et 
v£î*TES,  Quint,  Retrait  censu  l  ;  Retrait 

Ooij 


i9i  PRÉLATURE; 

FÉoDAt,  Retrait  lignager,  Retrait   itî- 
GNtuRiAL,  Usufruit  ,  ôcc.  (  article  de  M.  Gar- 

JRAS  VE   COULON  ,  avocat  au  parlement^. 

PRÉLATURE.  Ce  mut,  fuivant  fon  étymolo- 
gie ,  défigne  une  prééminence,  une  fupériorité; 
on  ne  s'en  fert  c[ue  pour  marquer  les  places  & 
rangs  eccléfiaftiques  qui  donnent  une  jurididîion 
&  aflignent  des  inférieurs  qui  doivent  la  recon- 
noître. 

Ce  terme  a  moins  d'étendue  que  celui  de  di- 
gnité; toutes  les  Prélatures  Ibnt  bien  dignités , 
mais  toutes  les  dignités  ne  font  pas  Prélatures. 
Pour  obtenir  ce  titre  ,  il  faut  que  celles-ci  donnent 
à  ceux  qui  en  font  revêtus  le  droit  de  gouverner 
&  celui  de  punir. 

On  diftineue  les  Prélatures  en  fupérieures  &  en 
inférieures  :  les  premières  font  celles  qui  donnent 
imc  plénitude  de  juridiâion  fur  les  fujets;  les  fé- 
condes font  celles  qui  ne  donnent  qu'une  juridic- 
tion limitée. 

Il  faut  placer  dans  la  première  clafle  les  évêcliés  , 
archevêchés  &  titres  fupérieurs.  Depuis  long- temps 
on  eft  dans  l'ufage  d'y  comprendre  aufli  les  ab- 
bayes,  à  raifon  de  la  juiiditUon  qu'elles  donnent 
aux  titulaires  fur  tous  ceux  qui  compofent  les  nio- 
rafiéres  dépendans  de  ces  abbayes. 

Dans  la  féconde  clafiè  fe  trouvent  les  premières 
dignités  des  églifcs  cathédrales  &  collégiales,  lorf- 
quelles  donnent  une  juridiction  fur  le  corps.  Celles 
«les  collégiales  femhlent  même  avoir  à  cet  égard 
ime  forte  de  prérogative  ,  parce  nue  leur  vacance 
Tend  les  égiifes  veuves,  ce  que  ne  fait  pas  la  va- 
cance des  premières  dignités  des  cathédrales ,  les 
Titulaires  de  ces  dignités  n'étant  pas  regardés  com- 
me les  époux  de  ces  égiifes,  attendu  que  cette  qua- 
lité app:irtient  de  préférence  aux  évèques.  On  re- 
garde auffi  comme  Prélatures  du  fécond  ordre  ,  les 
archidiaconats  qui  ont  confervé  un  exercice  de  ju- 
ridittion.  On  a  douté  s'il  falloit  mettre  les  cures 
dans  le  même  rang.  Plufieurs  conciles  ont  donné  la 
qualité  de  prélats  du  fécond  ordre  aux  eccléfiafli- 
t]ues  qui  en  étoient  pourvus,  &  il  feroit  bien  diffi- 
cile de  ne  pas  rcconnoîtrc  en  eux  une  forte  de  Pré- 
l^ture,  pour  peu  qu'on  faffe  attention  à  la  nature  de 
leur  titre  &  aux  pouvoirs  qui  y  font  attachés.  On 
fait  qu'en  verru  de  leur  titre,  les  curés  font  les  co- 
opérateurs  des  évêques  dans  le  gouvernement  des 
âmes;  qu'en  vertu  de  ce  titre,  ils  ont  le  droit  d'inf- 
truire  les  peuples  qui  leur  font  confiés ,  leur  admi- 
niflrer  les  facremens,  &  les  abfoudre  ;  qu'ils  peu- 
vent déléguer  ces  fondions ,  &  que  s'il  en  eft  quel- 
•  ques-unes  que  ,  d'après  les  nouvelles  difpofuions 
des  conciles  &  des  ordon.nances ,  ils  ne  doivent 
commettre  qu'à  des  eccléfiaftiques  approuvés  par 
les  ordinaires  ;  ces  eccléfiaftiques  ainfi  approuvés 
ne  doivent  auflî  exercer  les  tonâions  dn  faint  mi- 
niftère  dans  létendue  des  parolifes  ,  qu'avec  le  con- 
fentement    des  curés.  Tant  de  prérogatives  mar- 
quent  dans  les  curés  une  prééminence  bien  capa- 
ble de  leur  aflurer  le  titre  de  prélat  tUi  fççojid  or- 


PRÉLATURE. 

dre  ;  titre,  au  rcfte  ,  bien  plus  fait  pour  animer  leur 
vigilance,  que  pour  exciter  la  vanité,  l'idée  de  fu- 
périorité qu'il  emporte  ne  devant  fervir  qu'à  leur 
rappeler  les  devoirs  qu'il  impofe. 

On  regarde  aulîî  comme  Prélatures  ,  les  prieu- 
res conventuels ,  par  la  même  raifon  qui  a  fait 
accorder  ce  titre  aux  abbayes  ;  mais  avec  la  difîe- 
rence  que  doit  établir  la  fubordination  de  ces  deux 
titres. 

Quoique  les  abbayes  foient  regardées  comme 
Prélatures  du  premier  ordre,  les  premières  digiait^s 
des  égiifes  cathédrales,  ou,  pour  mieux  dire,  les 
titulaires  de  ces  dignités  ont  fouvent  difputé  la  pré- 
féance  aux  abbés  titulaires.  Il  n'y  a  point  de  loi 
pi-écife  fur  cet  objet;  Tufage  feul  peut  fervir  de 
1  égle. 

Les  qualités ,  les  devoirs  &  les  obligations  des 
p  élats  font  la  matière  de  plufieurs  titres  du  droit 
canonique  ,  dont  il  feroit  trop  long  d'entreprendre 
ici  l'analyfe  ;  il  vaut  mieux  renvoyer  à  ces  titres  , 
que  les  prélats  ne  peuvent  trop  confulter. 

C'étoit  par  la  voie  de  l'éleâion  qu'on  pourvoyoit 
autrefois  aux  Prélatures  du  premier  ordre.  La  prag- 
n^atique-fandiion ,  titre  2 ,  de  eleR.  en  avoit  renou- 
velé &  prefcrit  très-impérieufement  l'ufage  par  rap- 
port à  la  France.  Le  concordat  y  a  formellement 
dérogé.  On  a  fuffifammentdifcuré  cet  objet  fous  les 
mots  Concordat  &  Pragmatique-sanction; 
il  fufiira  d'obferver  ici  les  qualités  Se  conditions 
que  la  dernière  de  ces  deux  lois  exige  dans  ceux 
qui  font  promue  aux  grandes  prélatures.  La  prag- 
matique ,  §.  10  du  titre  cité,  s'ctoit  contentée  d'or- 
donner aux  élefleurs  de  ne  choifir  pour  prélats 
que  des  hommes  d'un  âge  mûr,  de  mœurs  graves, 
d'une  fcience  fuffifante  ,  qui  fuïTent  conftitués  dans 
les  ordres  facrés,&qui  d'ailleurs  eufient  les  qua- 
lités requifes  par  les  faints  canons.  Le  concordat 
a  prefcrit,  d'une  manière  plus  préeife,  làge  6ile 
degré  de  fcience  que  doivent  avoir  ceux  que  le  roi 
ncisimera  aux  évéchés  &  archevêchés.  11  y  eft  dit, 
au  titre  3  de  la  nomination  royale  aux  Prélatures , 
que,  vacance  arrivant  de  quelques  évéchés  ou  ar- 
clievèchés,  le  roi ,  dans  les  fix  mois,  préfenteraau 
fouverain  pontife ,  pour  remplir  le  fiége  vacant , 
un  doâeur  ou  licentié,  foit  en  théologie,  foit  en 
droit,  de  quelque  univerfiré  fameufe  ,  qui  ait  au 
moins  atteint  la  vingt-feptième  année  de  fon  âge  , 
&  qui  ait  d'ailleurs  les  qualitts  requifes.  Le  même 
titre  renferme  une  difpenfe ,  quant  au  grade  de  doc- 
teur ou  de  licentié  ,  en  faveur  des  parens  de  fa  raa- 
jefié  ,  ou  des  religieux  mendians  des  ordres  qui  ne 
prennent  point  de  degrés  dans  les  univerfiiés,  8f 
qui,  fuivant  les  ftatuts  de  leur  ordre,  y  auroient 
obtenu  les  mêmes  grades. 

Il  eft  enfuite  réglé  au  même  litre  ,  que  pour  les 
abbayes  Se  prieurés  conventuels  véritablement  élec- 
tifs ,  c'eft-à-dire,au  fujet  defquels  on  fuivoit  la  forme 
du  chapitre  <]uia  propter ,  dans  1  élection  de^  abbés 
&  prieurs,  le  roi ,  en  cas  de  vacance  ,  prélentera 
pour  abbé  ou  prieur,  un  religieux  du  même  ordre 


PRÉLEGS. 

qiVi  aiïfîi  lu  moins  atteint  fa  vingt- troifièrtie  année. 

C'eft  à  quoi  le  réduit  ce  qu'on  trouve  dans  nos 
lois  de  plus  précis  à  l'égard  des  Prélatures.  Il  faut , 
quant  au  furplus  ,  s'en  tenir  à  l'ufage  ,  puifque  les 
dccrcfales  qui  renferment  plufieurs  difpofitions  à 
cet  égard ,  n'ont  point ,  parmi  nous  ,  rautorité  ni  la 
force  de  la  loi. 

f^oyei  les  décrétaUs  ,  tïtrc  de  eleâ.  de  poflul.  de 
excedibus  praelat.  &  c.  ;  mémoire  <  du  clergé  ;  lois  ecclc- 
/miliques  ',  recueil  de  jurifpnidince  canoni^ne.  Voyez 
ziiiu  les  mots  Afist; ,  Chapitre,  Chanoine, 
Dignité,  Election,  Evêque,  &.c.  {  ^rcicle de 
M.  CaL'bé  Remy  ,  avocat  au  parlement^. 

PRÉLEGS.  C'eft  un  legs  fait  par  préciput  à  un 
ou  plufieurs  de  ceux  qui  doivent  partager  une  fuc- 
ceffion.  Il  eft  ainu  appelé ,  parce  quil  doit  être 
prélevé  avant  partage ,  comme  toutes  les  autres 
charges  de  la  fucceihon. 

Le  Prélegs  ne  peut  être  que  des  chofes  particu- 
lières, comme  d'une  terre,  d'une  maifoHj  d'une 
fomme  :  s'il  étoit  d'une  univerfalité ,  comme  du 
tiers  ,  du  quart  de  la  fucceïïion,  ce  feroit  un  legs 
univerfel  ;  ce  qii'il  eft  important  de  r'emarquer ,  à 
caufe  de  la  contribution  aux  dettes;  car  l'héritier 
■ou  légataire  univerfel  ne  contrihue  pas  au  payement 
des  dettes,  à  caufe  du  legs  particulier  qui  lui  eft  fait; 
au  contraire  ,  ce  legs  eft  reg.irdc  comme  une  char- 
ge de  la  fucceflîon ,  au  lieu  que  le  legs  univerfel  y 
contribue. 

Le  droit  romain  &  les  coutumes  ont  des  difpo. 
fitions  différentes  fur  la  faculté  d'avantager  un  de 
fes  héritiers  plus  que  l'autre. 

II  eft  csrtaiH,  fuivant  le  droit  romain,  qu'on 
peut  faire  un  legs  à  un  de  fes  héritiers ,  foit  tefta- 
xnentaires,  foit  ab  intcjlat ,  foit  en  ligne  direât, 
foit  en  ligne  collatérale. 

La  coutume  de  Paris ,  au  contraire ,  ne  permet 
pas  d'avantager  un  de  fes  héritiers  plus  que  l'autre: 
dans  cette  coutume,  aucun  ne  peut  être  héritier  & 
légataire  d'un  défunt  tout  enferable. 

Plufieurs  auteurs  ont  cherché  la  raifon  de  cette 
décifion ,  6t  ont  cru  que  la  qualité  de  légataire  étoit 
incompatible  avec  celle  d'héritier,  parce  que  le 
legs  ne  donne  qu'un  titre  particulier,  qui  fe  con- 
fond dans  le  titre  univerfel  de  l'héritier.  Mais  cette 
raifon  n'eft  bonne  que  lorfqu'il  n'y  a  qu'un  héri- 
tier ;  comme  dans  ce  cas  l'univerfalité  de  la  fuc- 
ceflîon lui  appartient  ,  le  titre  qui  lui  donne  un 
objet  particulier  de  cette  même  fucccftîon ,  eft 
inutile. 

S'il  y  a  plufieurs  lièritiers ,  celui  d'entr'eux  au- 
quel il  a  été  fait  un  Prélegs ,  n'en  confond  que  juf- 
ïju'à  Concurrence  de  fa  portion  hériditaire  ;  il  pré- 
lève le  furplus  fur  la  portion  de  fes  co-héritiers  ; 
c'eft  toujours  un  avantage  dont  il  peut  profiter. 
Cette  incompatibilité  ne  réfulte  donc  pas  de  la  na- 
ture de  la  chofe ,  mais  de  la  difpofition  de  la  loi  ; 
c'eft  une  de  ces  règles  dont  on  ne  peut  pas  bien 
rendre  raifon,  &  cependant  qu'il  faiu  exécuter  à 


PRELEGS.  193 

la  lettre,  puifque  la  coutume  s'eft  expliquée  clai- 
renenr. 

bi  les  qualités  d'héritier  &  de  légataire,  dit  de 
Lairiere  fur  l'article  300  de  la  coutume  de  Paris, 
n'étoient  pas  incompatibles  chez  les  Romains,  elles 
le  devroient  être  encore  moins  parmi  nous  ,  qui 
admettons  de  difFérens  patrimoines  &  des  héritiers 
difierens  dnns  une  même  fucceliion.  Si  donc  on  ne 
peut  pas,  dans  cette  coutume,  être  héritier  &  lé- 
gataire, ce  n'eft  pas  parce  que  ces  d^iux  qualités 
lont  incompatibles;  car  elles  ne  le  font  pas  cer- 
tainement ;  mais  parce  qu'il  n'eft  pas  au  pouvoir 
d'un  teftatcur  de  faire,  contre  la  dUpofition  de  k 
loi  .  que  la  condition  d'un  de  fes  héritiers  ah  in- 
te(l.A  foit  meilleure  que  celle  des  autres. 

I!  y  a  d'autres  couuim,;s  qui  veulent  qus  l'égalité 
foit  parfaitement  con(er\C£  ^  non-(eu]crr\cntcnir(i 
les  liiritiers  venant  à  une  même  fucceflîon  ,  mais 
mêi;ie  qui  défendent  d'avantager  un  des  héritiers 
préforaptifs  ;  en  forte  que  la  renonciation  de  cet 
héritier  ne  le  difpenlé  pas  du  rapport  de  ce  qu'il  a 
reçu  excédant  fa  part  d.ins  la  fucceffion.  Telhs 
font  les  coutumes  du  Maine  ik  d  Anjou  (  i  ). 

Il  eft  évident  que  dans  ces  coutumes  on  ne  peut 
pas  faire  de  Prélegs  au  protic  de  fon  héritier  ,  ni 
l'.ivantager  direétement  en  le  faifant  légataire  uni- 
verfel; car  les  autres ,  dont  la  portion  fe  trouve.oit 
diminuée  ,  ne  manqueroie:it  pas  de  prendre  la  qua- 
lité d'héritiers,  &  de  demander  la  réduélion  des 
avantages  &  du  legs  univerfel ,  à  la  portion  que  la 
coutume  doime  à  l'héritier. 

Il  eft  une  autre  efpèce  de  coutume  qui  permet 
d'avantager  fes  enfans ,  ou  tous  autres  héritiers ,  les 
uns  plus  que  les  autres  ,  pourvu  que  CQt  avantage 
foit  fait  à  titre  de  Prélegs.  Telle  eft  la  coutume  de 
Péronne ,  qui  porte,  article  20c  :  a  Nul  ne  peut 
»  être  héritier  &  légataire  enfemble  d'une  même 
>»  perfonne ,  fi  le  legs  n'eft  par  forme  de  Prélegs  & 
M  !ior6  part  ».  Ailifi,  dans  cette  coutume,  fi  un 
tcAateur  aveit  fait  \\n  legs  à  un  de  fes  héritiers  pré- 
fomptifs,  fans  déclarer  que  cet  héritier  prcndroit 
fou  legs  avant  partage  ,  le  légataire  ne  pourroit  en 
demander  la  délivrance  en  venant  au  partage  de 
la  fucceflîon.  Ce  feroit  en  vain  qu'on  chcrche- 
r<  it  à  interpréter  le  teftament ,  la  coutume  exigeant 
u  périeufement  cette  formalité. 

La  coutume  de  Poitou,  article  216,  permet 
d'avantager  un  de  fes  héritiers  plus  que  l'autre, 
pourvu  que  le  teftateurait  des  propres.  S'il  n'a  pas 
de  propres  ,  il  ne  peut  avantager  un  de  fes  héritiers 
eue  de  la  moitié  de  fes  meubles  &  acquêts  ;  l'autre 
Dioiîié  lui  tient  lieu  de  propres  par  une  efpèce  de 
1  abrogation  légale. 


(i)  J.'arcicJc  1^9  àt  \i  coutume  du  Maine  porte  : 
«  Car  pcdonne  coutuiiiiere  à  fou  fils  ou  fiile,  ou  aiitiehcri- 
-'  tJerf)téronipttf  qu'il  ai:,  ne  peuc  donner  pluî  à  l'an  qu'i 
»  l'autre  hcrider  ,  ou  faire  la  coidition  de  l'un  pire  ni  mcil- 
>  leure  que  î'aucrc.  »  Voyez  Karcicle  j^fi,  &  Jes  arddc»  i<^9 , 
3:4  Se  5  49  de  U  c«u;t(me  d'Anjou, 


294  P  R  É  L  E  G  S. 

Toutes  les  quefli  ns  que  prclcntent  ces  (îiffé- 
rsm&t  coutumes  font  traities  à  l'article  Héritier. 
Voyez  ce  mot.  (  Article  de  M.  de  La  Forest  , 
avocat  au  parlement  \ 

Ad  JD  ï  T  I  o  N    à   rartïcle  PrÉLEGS. 

Quels  font ,  <ians  le  droit  romain  ,  les  effets  des 
legs  faits  aux  héritiers  ?  On  trouve  fur  cette  quef- 
tion  une  foule  de  lois  qu'on  peut  ranger  en  deux 
cialles  ;  dans  l'une,  font  celles  qui  traitent  des  legs 
faits  à  un  héritier  unique  ;  dans  l'autre,  celles  qui 
ont  rapport  aux  legs  faits  à  un  héritier  partiel. 

Les  lois  de  la  prcinière  claiTc  déclarent  nuls  les 
legs  qu'elles  ont  pour  objet  ,  fur  le  fondement 
qu'un  héritier  unique  réunit  dans  fon  titre  univer- 
lel  tout  ce  qui  coinpofe  la  fucceflion  ,  &  que  par 
conféqucnt  il  ne  peut  en  rien  prendre  à  titre  parti- 
culier (i). 

De-là  vient  que  l'héritier  inftituc  pour  le  tout  , 
ne  peut  pas ,  en  répudiant  la  fuccefllon  ,  retenir  les 
legs  qui  lui  ont  été  faits  ;  on  fait  cependant  qu'il  eft 
régulièrement  permis  d'abdiquer  le  titre  d'héritier  , 
pour  fc  borner  à  celui  de  légataire.  Voyez  l'article 
LEGATAIRE,  §.  I. 

De  là  vient  encore  que  le  legs  fait  conjointement 
à  un  héritier  unique  6c  à  un  étranger,  appartient 
tout  entier  à  celui-ci  par  droit  d'accroiffement.  C'eft 
ce  que  décide  la  loi  34  ,  §    1 1  ,  D.  <f<  legatls  1",  (2). 

On  oppofe  à  cette  décifio»  la  loi  89,  §.  2  ,  D.  de 
legatis  2'  ,  qui  en  effet  paioît  la  contrarier  ,  en 
voici  les  termes  :  *  Un  tcftateur  après  avoir  fubfti- 
»  tué  Seius  à  fon  héritier  ,  lui  a  fait  un  legs  conçu 
•)  de  cette  manière  :  Je  veux  qu'il  foit  donné  à 
»»  Scius  ,  en  cas  qu'il  ne  foit  pas  mon  héritier  ,  & 
V  à  Marcella ,  fa  femme  ,  quinze  livres  d'argent. 
M  Seius  eft  devenu  héritier;  en  conféqucncc  ,  on 
n  demande  fi  Marcella  a  droit  ï  la  moitié  du  legs  ; 
I»  la  réponfecft  que  cette  moitié  lui  eft  due  n.  Les 
iiïterprètes  fe  font  épuifés  en  conjeâures  ,  pour 
faire  dire  à  cette  loi  que  Marcella  doit  prendre  le 
legs  entier ,  favoir  ,  la  moitié  de  fon  chef,  &  l'autre 
moitié  par  droit  d'accroiffement  ;  mais  il  eft  fenfi- 
ble  qu'en  accordant  une  moitié  à  cette  femme ,  elle 
eft  cenfée  lui  refufer  le  refte  ;  il  faut  donc  rejeter 
Us  interprétations  forcées  des  doâeurs ,  &  dire , 
que  fi  la  loi  dont  il  s'agit  ne  fait  pas  accroître  à  la 
colégataire  de  l'héritier  unique  la  portion  léguée 
inutilement  à  celui-ci ,  c'eft  parce  qu'elle  parle  d'un 
legs  conçu  en  termes  obliques  &  per  damnationem  , 
&  que  ,  fuivant  la  jurifprudence  du  digefte  ,  abro- 
gée à  cet  égard  parcelle  du  code,  il  n'y  a  point 
lieu  au  droit  d'accroiffeinent  dans  ces  fortes  de  dif- 
pofitions  (3). 


(I)L.IS)  1.3+,parag.  u  ;1.  ntf  .parag.  i  .V.it  lega- 

tis  i".  ,       , 

(t)  Si  du  obus  fit  légat»  rei,  qucrura  »lter  hasrcjinftirutLis 
ft,à  fcBietipro  ei  ]eg»tum  inu'.iliccr  videtur;  ideôqtie  «juod 
(i  à  fe  'eÉ;atani  e  t ,  ad  colegaurium  pcrtineUit. 

<i)  5i  pet  Jàiniiationein  cadem  tes  éuobus  Jcfau  fit ,  fi 


PRÊLEGS. 

•  "Pour  bien  entendre  les  lois  de  la  féconde  chffe , 
il  faut  diltinguerle  funpie  hgs  d'avec  le  Pré'egs  ; 
ces  deux  difpofitions  ont  eiitre  elles  use  certaine 
relfemblance  ,  Se  beaucoup  de  perfonncs  les  con- 
fondent. C'eft  une  méprife  ;  on  verra  dans  un 
inftant  qu'il  exifte  entre  l'une  &  l'autre  des  diffé- 
rences très-notables. 

Occupons-nous  d'abord  du  fîmplc  legs  :  ou  il  eft 
fait  à  tous  les  héritiers  ,  ou  feulement  à  un  (eul , 
ou  enfin  à  quelques-uns  d'entre  eux. 

Dans  le  premier  cas  ,  chaque  héritier  prend  des 
mains  de  (on  cohéritier  la  part  qu'il  a  dans  le  legs. 

Mais  quelle  doit  être  cette  part  ?  Les  lois  ne  pa- 
roiffent  pas  d'accord  fur  ce  point;  il  eft  cependant 
facile  de  les  concilier.  Un  teftateur  iuflitue  deux 
héritiers ,  l'un  dans  onze  onces  ,  l'autre  dans  une 
feule;  il  leur  lègue  un  fonds:  on  demande  com- 
ment ils  partageront  ce  fonds  ?  Le  §.  12  de  la  loi 
34,  D.de  te^atis  i".  répond  que  Thériticr  des  onze 
onces  n'en  aura  qu'un  douzième  ,  &  que  celui 
d'une  feule  once  prendra  le  refte.  Les  mots  indè  di- 
citury  qui  forment  le  commencement  de  ce  texte  , 
annoncent  clairement  que  cette  décifion  eft  lacon- 
féquence  du  principe  établi  par  le  §.  précédent  , 
qu'on  ne  peut  recevoir  un  legs  de  fes  propres 
mains  ,  &  que  ce  qui  nous  cfl  légué  fur  noas- 
mêmes  ,  accroît  à  notre  légataire.  En  effet ,  il  réfu'  e 
de-là  que  l'héritier  des  onze  onces  ne  peut  rien  pré- 
tendre fur  les  onze  douzièmes  du  fonds  légué  ,  5c 
que  tout  fon  droit  eft  borné  à  un  feul  douzième  , 
c'eft-à  dire  à  la  feule  portion  dont  fon  cohéritier 
peut  lui  faire  délivrance. 

Il  ne  faut  cependant  pas  conclure  de  cette  ef- 
pèce  ,  que  le  legs  fait  à  tous  les  héritiers  doive  tou- 
jours fe  partager  entre  eux ,  en  raifon  inverfe  de 
leurs  portions   héréditaires.    Cela  n'eft  vrai  que 
dans  le  cas  où  l'on  ne  peut  faire  autrement  fans 
enfreindre  le  principe  dont  nous  venons  de  parler  ; 
dans  tout  autre  cas ,  le  legs  fe  divife  égalejnent  & 
par  portions  viriles  entre  les  héritiers  qui  en  font 
gratifiés.  Par  exemple  ,  j'inftitue  trois  héritiers  ;  Ti- 
tius  pour  une  moitié  ,  Mevius  &  Sempronius  pour 
chacun  un  quart ,  &je  leur  lègue  un  fonds:  lesinfti- 
tués  prendront  chacun  un  tiers  dans  ce  legs  ,  parce 
qu'ils  peuvent  le  recevoir  les  uns  des  autres  juf- 
qu'à  cette  concurrence  ;  il  ne  faut  pour  cela  qu'une 
opération  très-fimple.  Mevius  &  Sempronius  com- 
menceront par  fournir  chacun  un  fixièireà  Tiiius , 
qui  par  ce  moyen  aura  fon  tiers  rempli.  Ils  fe  dé- 
livreront enfuite  réciproquement  ce  qui  leur  ref- 
tera  de  leur  quart  héréditaire  ,  &  en  le  joignant 
avec   la  moitié  héréditaire  de  "Titius  ,  qui  leur  en 
fera  délivrance  ,  ils  trouveront  pareillement  cha- 
cun leur  tiers  complet.  On  peut  voir  à  ce  fujct  la 
loi  67  ,  §.  I  i  la  loi  104  ,  §.   5  ,  D.ie  legaiis  i".  la 
loi  a  ,  D.  /c  injlruRo  ;  &  Voet ,  livre  30  ,  n.  5. 

quidem  conjoni^iin  ,  fingulis  partes  dcbenrur,  ic  non  capiei- 
tis  pais  jure  civili  in  k^reditatem  retnauebatj  nunc  autcni 
udu»  £(•  Ulpitn,  tit,  24, p<r«f.  Ii. 


P  R  É  L  E  G  s. 

Lorfque  le  legs  eft  fait  à  un  (cul  héritier  d'entre 
pluf^eurs ,  il  ne  lui  eft  dû  que  jufqu'à  concurrence 
des  parts  héréditaires  de  fes  co-inftuués ,  &  par  con- 
féqvunt  déduâion  fai:e  de  la  fienne.  C'ell  ce  que 
dvcidc  la  loi  104  ,%.j,D.de  legatis  i".  «  Si  l'on 
»  fait  à  Attius  un  legs  conçu  en  cette  forme  :  Je 
»  veux  que  mes  hérïiiers  donnent  à  Attius  ,  mon  héri- 
«  tiir  ,  dix  ccus  d'or  ;  Attius  pourra  demander  les 
«  dix  éeus  ,  en  déduifani  la  part  héréditaire  qu'il  a 
j»  dans  cette  fomme  ». 

Le  legs  qui  ell  fait  à  quelques-uns  des  héritiers  , 
fe  partage  par  portions  viriles  entre  les  légataires  , 

Ïuoiqu  ils  loient  inflitués  dans  des  parcs  inégales. 
l'eft  ce  qui  rcfulte  de  la  loi  67 ,  §.  i  ,  D.  de  Ugjtis 
1°.  Mais  ,  comme  lobferve  très  bien  Voet ,  il  faut 
pour  cela  qu'il  y  ait  habilité  dans  les  termes  ,  / 
modo  le'-mini  habiUs  fmt ,  c'eft-à-dire,  que  chaque 
héritier  légataire  puiflé  recevoir  des  autres  héritiers, 
légataires  ou  non ,  une  portion  virile  du  legs  entier. 
Suppofons  ,  par  exemple  ,  qu'entre  cinq  inftitués 
il  s'en  trouve  deux  à  qui  le  teftateur  a  légué  un 
héritage  ,  &  que  l'un  de  ces  légataires  foit  héritier 
pour  deux  tiers,  il  eft  évident  que  celui-ci  ne  pourra 
recevoir  de  fes  cohéritiers  qu  un  tiers  du  bien  lé- 
gué ,  &  que  les  deux  antres  tiers  devront  apparte. 
nir  à  fon  cclégataire.  Le  ^.  1 2  de  la  loi  34  ,  &.  le  §. 
14  de  la  loi  1 16  ,  D.  de  legacis  1°.  ne  biffent  là-dcf- 
fus  aucune  efpèce  de  doute. 

Voyons  maintenant  ce  qui  concerne  les  Prélegs, 
ceft-à  dire  les  legs  faits  à  un  ou  piuficurs  des  héri- 
tiers ,  avec  la  claufc  exprefle  qu'ils  formeront  un 
Préciput  &  une  avant-patt. 

La  loi  34  ,  §.  I ,  D.  de  legatis  2".  nous  apprend 
qu'on  ne  fuit  pas  dans  ces  difpofitions  la  règle  éta- 
blie ci-devant ,  que  perfonne  ne  peut  recevoir  un 
legs  de  fes  propres  mains  ;  la  raifon  qu'en  donne 
Voet ,  eft  que  les  Prélegs  fc  prennent  partie  à  titre 
d'héritier  ,  &  partie  à  titre  de  légataire  ;  à  titre  d  hé- 
ritier ,  pour  la  portion  jufqu'à  concurrence  de  la- 
quelle (ont  inftitués  ceux  à  qui  ils  font  faits  ;  8c  à 
titre  de  léga:aire,  pour  le  furplus.  Nous  voyons  en 
effet  dans  la  loi  86  ,  D.  ad  legem  falcidiam  ,  que  le 
Prélcgs  eft  imputé  dans  la  falcidie ,  à  raifon  de  la 
part  héréditaire  de  celui  qui  en  eft  gratifié.  On  fait 
cependant  que  les  chofes  prifes  à  titre  d'héritier  , 
font  ies  feules  qui  entrent  dans  la  liquidation  de  ce 
droit  ;  la  loi  91  du  méms  titre  y  eft  exprefle. 

On  voit  par- là  quels  doivent  être  les  effets  des 
Prélegs.  Un  teftateur  fait  à  un  feul  d'entre  ceux 
qu'il  a  inftitués,  le  Prclegs  d'un  fonds  ;  le  légataire 
prendra  le  fonds  entier,  fans  être  tenu  de  reuibour- 
fer  à  fes  cohéritiers  le  prix  de  la  portion  qu'il  en  a 
par  droit  héréditaire.  C'eft  la  décifîon  exprefTe  de 
la  loi  34,  §.  I  ,  D.  de  legatis  1°. 

Il  en  feroit  de  même  dans  le  cas  où  chaque  hé- 
ritier fe  trouveroit  prilégataire  d'une  chofe  parti- 
culière. C'eft  fur  ce  principe  qu'eft  fondée  la  loi 
aj  ,  D.  Je  haredibus  inflituendis ,  rapportée  au  mot 
Institut!  on. 

Si  un  ttftatcur  fait  un  Prélegs  à  quel(jues-uns  de 


PRÉMONTRÉ.         t9Ç 

fes  héritiers  inftitués  inégalement ,  chacun  d'eux 
pr/ndra  d'abord  la  portion  jui'qu'a  concurrence  de 
laquelle  il  eft  héritier  ,  &  le  furplus  fe  partagera 
entre  eux  par  portions  viri'es.  La  loi  %^d<  infirudo, 
en  contient  une  dilpofition  exprefle. 

Le  Prélegs  d'une  chofe  ou  d'une  quantité,  qui 
feroit  fait  à  tous  les  héritiers  ,  ne  produiroit  aucun 
efict,  parce  que  chacun  d'eux  y  prenant  fa  portion 
héréditaire,  ilnereftereit  plus  rien  après  cette  dif- 
traâion  qui  pût  être  partagé  à  titre  de  legs. 

Si  cependant  le  teftateur  afljgnoit  lui-même  les 
portions  de  ce  Prélegs,  &  qu'elles  ne  fuflent  pas 
les  mêmes  pour  tous  ,  la  difpofuion  feroit  yalable  , 
&.  on  l'exécuteioit  comme  Prékgs. 

Les  Prélcgs  font-ils  compris  dans  la  charge  de 
ref^ituer  l'hérédité  ?  Voyez  l'article  Substitution. 
(  <-  ctte  addition  cfî  de  M.  MerliN  ,  avocat  au  parle- 
ment de  Flandres  ). 

PRÉMESSE.  Terme  employé  dans  la  coutume 
de  Bretagne  pour  exprimer  le  retrait  lignager.  Il  y 
a  dans  cette  coutume  un  titre  entier  des  Prémefî'es  ; 
c'eft  le  titre  16.  L'article  298  porte  ,  que  Prime[ff  cjî 
oâtoyée  à  tous  ceux  qui  font  du  lignage.  Voyez  Re- 
TRAIT. 

PREMIER  TONNEAU  DE  FRET.  C'eft  le  nom 
d'un  droit  que  font  obligés  de  payer  les  vaifTeaux 
qui  fortent  des  ports  de  Blaycs ,  Bourg,  Bordeaux 
on  Libourne  par  la  Garonne.  Ceux  qui  partent  poiu* 
la  Rochelle  payent  fix  livres  :  ceux  qui  vont  dans 
les  autres  ports  du  royaume,  huit  livres  ,  &  ceux 
qui  vont  en  pays  étrangers  dix  livres. 

PRÉ  MONTRÉ.  Ordre  de  chanoines  réguliers, 
fondé  l'an  1 119  ,  fous  le  pentificat  de  Calixte  II, 
&  le  règne  de  Louis  le  Gros.  Le  monaftére  des 
chanoines  réguliers  de  faint  Martin  de  Laon  étoit 
tombé  dans  le  relâchement ,  ainfi  que  la  plupart 
des  autres  monaftères  de  chanoines  réguliers-  Bar- 
thclemi ,  évêque  de  cette  ville,  voyant  que  faint 
Norbert,  qui  venoit  d'édifier  l'églife  par  l'éclat  de 
fa  converfion  ,  fe  trouv©it  alors  dans  (on  diocèfe  , 
le  demanda  au  pape  Calixte  II ,  pour  réformer  cette 
abbaye.  Ce  faint  fut  obligé  d'en  prendre  le  gouver- 
nement ;  mais  il  fut  bientôt  contraint  d'y  renoncer, 
par  l'indifcipiinc  des  chanoines  réguliers  de  cette 
maifbn  ,  leur  obftination  à  ne  pas  vouloir  réformer 
leurs  mœurs  ,  &  les  traverfes  de  toute  efpèce  qu'ils 
lui  fufcitèrent. 

L'évêque  de  Laon  ne  confentlt  pas  pour  cela  à 
perdre  faint  Norbert  ;  il  lui  offrit  de  s'établir  dans 
tel  endroit  qu'il  voudroit  de  fon  diocéfe ,  &  lui  per- 
mit d'y  recevoir  des  difciples.  Norbert  choifit  l'af- 
tVeufe  forêt  de  Prémontré  ;  ce  fut  là  qu'il  jeta  les 
fondemens  de  l'ordre  qui  fut  appelé  Prémontté  , 
du  nom  de  la  première  maifon  011  il  fut  établi. 

Peu  d'ordres  eurent  un  accroiiTement  aulTi  rapide 
que  celui  de  Prémontré.  Trente  ans  après  la  pre- 
mière fondation  ,  il  fe  trouva  déjà  au  chapitre  gé- 
néral ,  près  de  cent  abbés  de  différcns  roynume». 
Dans  le  treizième  fiècle  ,  on  comptoit  d^ins  l'ordre 
environ  trois  mille  abbayes  d'hommes ,  trois  cents 


1Ç)6 


PRÉMONTRÈ. 


prév  ôtés  ,  plur-eurs  prieurés  ,  &  huit  cents  abbayes 
de  lîllcs.  Ce  iut  dans  le  nord  que  fe  forma  le  plus 
grand  nombre  de  ces  établiflemcns  ,  en  Angleterre , 
en  Suède ,  en  Dannemark  Ôt  en  Norvège  ;  auffi  ce 
nombre  eft-il  fort  diminué  depuis  le  l'chifnie  des 
proteflans  ,  qui  a  léparé  de  l  eglife  tous  les  royau- 
mes du  Nord. 

On  n'eft  point  étonné  que  l'ordre  de  Prémontré 
ait  fait  tant  de  progrés  en  fi  peu  de  temps  ,  quand 
on  confidère  les  veitus  dont  les  premiers  religieux 
donnèrent  l'exemple  à  l'églife  ,  leur  zèle  pour  la 
conversion  des  hérétiques  ,  leur  vie  monifiée  ôc  pé- 
nitente ,  &  leur  amour  pour  la  pauvreté.  On  re- 
marque ,  à  propos  de  cette  dernière  vertu ,  que  les 
religieux  de  la  maifon  de  Préraontré  ne  poflfédoient 
en  tout  qu'un  âne  ,  qui  leur  fervoit  à  porter  le  bois 
qu'ils  alloicnt  tous  les  matins  couper  dans  la  fcrêt , 
èc  qu'ils  alloientcnfuite  vendre  à  la  ville  pour  avoir 
du  pain  i&  ils  attendoient  quelquefois  jufqu'à  no- 
nes  ,  que  cet  âne  fût  de  retour,  pour  prendre  leur 
repas.  Ils  regardèrent  long-temps  comme  un  crime 
l'ufage  des  œufs,  du  fromage  &  du  beurre:  leur 
fondateur  leur  avoir  interdit  l'ufage  de  la  viande  , 
à  moins  qu'ils  ne  fufient  malades  ,  Si.  il  avoit  ajouté 
à  cette  auftérité  un  jeûne  perpétue!. 

Mais  cette  grande  ferveur  ne  dura  pas  long- 
temps ;  le  relâclicment  s'introduifit  dans  l'ordre, 
avec  les  richeflcs  :  vivant  feuls  au  milieu  des  fo- 
rets,  oififs  ,  abandonnés  à  eux-mêmes,  &  peut- 
être  trop  multipliés  ,  les  Prcniontrés  eurent  bientôt 
befoin  qu'on  s'occupât  de  leur  réforme.  Grégoire 
IX ,  dès  l'an  1233,  c'cft-à-dire  environ  cent  ans 
après  la  première  fondation  de  rordie  ,  fit  des  ré- 
glemens  pour  les  réformer:  Alexandre  IV  renou- 
vela les  mêmes  réglemens  en  1236,  &  Eugène  IV , 
fur  les  plaintes  qu'il  recevoir  de  toutes  parts  ,adren*a 
un  bref  à  l'abbé  général  &  au  chapitre  général,  où 
il  leur  commanda  de  travailler  fortement  à  la  ré- 
forme de  l'ordre,  &  de  faire  exécuter  les  décrets  & 
les  réglemens  de  fes  prédéceffeurs. 

11  y  a  dans  l'ordre  de  Préir.ontré  deux  réforines 
particulières  ,  qui  y  forment  comme  deux  corps 
iëparés,  quoique  cependant  toujours  fournis  à  l'au- 
torité du  général  ;  celle  d'Efpsgne  &  celle  de  Lor- 
raine. Uiuobfervancc  de  la  difcipline  régulière  étoit 
devenue  générale  dans  les  monaAères  d'Efpagne  : 
Philippe  II  foll.cita  auprès  au  pape  Grégoire  XIM  , 
peur  faire  travailler  à  leur  réforme.  Ce  pape  donna 
commifilon  à  fon  nonce  ,jpr>r  un  bref  de  l'an  1 573  , 
d'y  procéder;  &  cej:tc  réforme  a  depuis  formé  i\ne 
congrégr'.tion  féparée  ,  gouvernée  par  un  vicaire 
général.  Celle  de  Lorraine  a  pris  naiffance  dans 
l'abbaye  defainte  Marie-aux-Bois  ,  près  de  Pont- 
à-MoulTon  ;  elle  s'eft  répandue  dans  plufieurs  mai- 
fons  de  France  &  des  Pays-Bas  :  elle  a  fes  ftatuts 
&  fon  chapitre  particulier,  &  elle  eft  auffi  gouver- 
née par  un  vicaire  général. 

Après  avoir  donné  une  idée  de  l'origine  de  l'or- 
dre de  Prémontré  ,  de  fes  progrès  &  des  réformes 
<^ui  fe  font  formées  dans  ion  fein ,  il  ne  fera  pas 


PRèMONTRÉ. 

inutile  de  dire  quelque  chofe  des  cures  qu'il  pof- 
sède.  Premièrement,  les  religieux  de  cet  ordre  ne 
peuvent  les  accepter  fans  le  confentement  par 
écrit  du  général ,  s'ils  font  de  la  commune  obfcr- 
vance  ;  du  général  &  du  vicaire  général  de  la  ré- 
forme, s'ils  font  de  l'étroite  obfervance. 

Par  les  lettres-patentes  obtenues  le  9  août  1700  , 
qui  ont  été  enregiflrées  au  grand  confeil,  le  roi 
ordonne,  »  qu'aucun  chanoine  régulier  de  l'oi- 
"  dre  de  Préraontré  ne  pourra  accepter  la  provi- 
»  fion  d'une  cure ,  vicaine  perpétuelle ,  ou  prieuré- 
n  cure  ,  qu'il  n'ait  fait  apparoir  à  l'évèque  de  l'a:- 
n  teflation  de  vie  5c  mœurs ,  &  du  confentement 
"  par  écrit  du  fupcrieur  général ,  à  Tégr^rd  des  re- 
»  iigieuz  de  la  commune  obfetvance,  &  du  mé- 
»>  me  fupérieur  général ,  ou  de  fon  vicaire  géné- 
»  rai ,  pour  la  réforme ,  à  l'égard  des  rehgieu.t  de 
»  l'étroite  obfervance  ;  faute  de  quoi ,  le  chanoine 
»  régulier  pourvu  demeurera  déchu  de  tout  droit 
»  pofleiroire.  Faiidéfenfes  aux  juges  d'avoir  égard 
»  a  fes  provifjons ,  &  permet  aux  patrons  &  col- 
"  lateurs  defdits  bénéfices  d'y  pourvoir  ». 

Secondement ,  les  cures  de  l'ordre  de  Prémon- 
tré peuvent  être  révoquées  parle  général  ,  poiirvu 
toutefois  que  l'àrchcvèque  ou  évêque  diocéfain  y 
contente.  Les  mêmes  lettres- patentes  ordonnent 
»  que ,  conformément  aux  anciens  flatuts  de  l'or- 
»>  dre ,  les  religieux  pourvus  de  vicairies  perpé- 
>•  tuelles  ou    prieurés-cures,  pourront,  fans  au- 
»  cune   monition  précédente,  6c  forme  ni  f'guce 
»>  de  procès  ,  être  révoqués  &  retirés  de  leurs  bé- 
"  néhces  ,  &  envoyés  dans  des  monaflères  de  leur 
"  congrégation  ;  favoir  ,  les  religieux  anciens  & 
»  non-réformés  ,  qu'on  appelle  de  la  commune 
»  obfetvance,   par  le  chapitre  ou  fupérieur  gé- 
»  néral  de  l'ordre  ,  &  les  religieux  de  l'étroite  ob- 
»  fervance  ,  par  le  chapitre  ou  vicaire  général  de 
»  la  réforme  ,  pour  fautes  commifes  par  les  rcli- 
»  gieux  curés  ,   fcandale   connu  à  l'évèque  ou  à 
»  leur  fupérieur,  &  même  pour  le  bien  8c  avan- 
»  tage  de  l'ordre  ,  s'il  y  échet,  du  confw^ntement 
»  toutefois  des  archevêques  ôc  évoques  dans  les 
»  diocèfes  defquels  les  bénéfices  font  fitués ,  & 
'»  non  autrement  ;  &  ce,  nonobflant  la  difpofltion 
>»  générale   de  la  déclaration  du  mois  de  janvier 
»  1686 ,  portant  qije  teutes  cures  feront  à  l'ave- 
»  nir  defTervies  par  des  curés  ou  des  vicaires  per- 
»  péfuels  en  titre  ;  laquelle  difpofuion  ne  pourra 
»  empêcher  la  révocabilité  defdits  religieux  curés 
»  de  l'ordre  de  Préiriontré ,    ainfi  qu'il  a  été  or- 
»  donné  à  l'égard  des  chanoines  réguliers  de  la  con- 
J»  grégation  de  France  ,  pourvus  de  cures,  par  la 
i>  déclaration  du  mois  d'oc^obre   1686,  dérogeant 
»  à  cet  effet  à  la  déclaration  du  29  janvier   audit 
»  an  i686  ,  pour  ce  regard  feulement  ». 

Troifièmement ,  les    religieux   curés  font  fou- 
rnis à  la  juridiâion  des  évéques  ,  non-feulement 
en  ce  qui  regarde  l'adminiilration  des  facremens,  . 
mais  encore  dans  ce  qui  concerne  la  correflion  de 
leurs  mwurs.  C'efl  ce  qui  a  été  jugé  par  arrêt  rendu 

Is 


PRESBYTÈRE. 

le  8  février  1656  ,  qui  eft  rapporté  au  journal  des 
audiences.  Un  autre  arrêt  du  7  mars  1646  l'avoit 
également  jugé  en  faveur  de  M.  l'évêque  de  Séez  , 
contre  les  prieur  &  religieux  de  l'abbaye  de  Silly  , 
ordre  de  Prémontré.  Par  cet  arrêt ,  ils  ont  été  con- 
damnés à  remettre  dans  les  prifons  de  levcque  de 
Séez,  frère  Jacques  Mérignon,  curé  de  Repos  , 
pour  lifi  être  fon  procès  fait  &  parfait.  Et  M.  1  e- 
vêque  de  Séez  a  été  maintenu  dans  le  droit  de 
connoître  de  toutes  les  fautes ,  crimes  &  malver- 
fations  commis  par  les  religieux  curés  de  fon 
diocèfc. 

Il  faut  obferver  que  depuis  la  déclaration  du  28 
août  1770,  concernant  les  bénéfices  à  charge  da- 
mes des  ordres  réguliers  ,  les  religieux  Prémontrés  ,' 
&  réciproquement  tous  les  chanoines  régulier;»  des 
autres  ordres  ,  ne  peuvent  plus  pofleder  les  cures 
qui  ne  font  pas  de  leur  ordre ,  cette  déclaration  dé- 
cidant expreflement ,  article  i ,  que  les  chanoines 
réguliers  des  différens  ordres  ne  pourront  pofTédcr 
Jes  cures  qui  font  astachées  à  d'autres  ordres  que 
celui  dans  lequel  ils  ont  fait  profeflion. 

(^Article  de  M.  V  abbé  Lau  BRI  ^avocat  au  par- 
lement. ) 

PRÉPARATOIRE.  Ce  mot  fe  dit  de  ce  qui  eft 
une  difpofition  à  quelque  chofe.  Par  exemple,  on 
appelle  jugement  Préparatoire ,  celui  qui  tend  a  éciair- 
cir  une  afi'aire,  en  ordonnant  une  vifite,  une  en- 
quête, une  communication  de  pièces,  &c. 

PRESBYTÈRE.  On  entend  par  ce  mot  la  mai- 
fon  deftinée  à  fcrvir  de  logement  au  curé  ou  au 
vicaire. 

Les  différentes  queftions  que  nous  avons  à  exa- 
miner touchant  les  Presbytères  ,  font ,  à  qui  ap- 
partient la  charge  de  les  conftruire  &  de  les  ré- 
parer ;  fi  les  paroiflîens  font  obligés  de  fournir  les 
meubles,  outre  le  logement;  en  quoi  confifte  ce 
logement  ;  de  quelle  efpèce  de  réparations  ils  font 
tenus  ,  &  enfin  ,  s'il  n'y  a  point  d'exception  à  ces 
régies  pour  quelques  provinces  de  FraPiCe. 

L'entretien  &  la  confiruâion  des  Presbytères  font 
aujourd'hui  à  la  charge  des  habitans,  mais  ils  n'y  ont 
pus  toujours  été.  On  voit  par  un  concile  de  Rouen 
de  l'an  1231  ,  que  ces  charges  regardoient  alors  les 
curés,lorfque  ceux-ci  avoicnt  des  revenus  fuffifans; 
que  les  vicaires  perpétuels  qui  n'avoient  qu'une  fmv 
pie  portion  congrue,  avoicnt  droit  de  faire  réparer 
leur  Presbytère  par  les  curés  primitifs,  &  que  les 
décimateurs  n'y  étoient  obligés  que  lorfque  la  cure 
n'avoit  point  de  fonds  (i).  Tous  les  conciles  du 
treizième  fiécle,  entr'autres  celui  de  Londres,  de 


(i)  Pricipimus  qiiàd  perlons  ecdcfiarum  parochialiiim 
qu2  habent  reditus  abundantej ,  domos  in  folo  cccIefiaftKO 
zdificarc  fludeint  compétentes;  vîcarii  verô  perpetui  qui'  us 
ad  bxc  omnino  non  Aippetunt  facuhatei,  pro  pofle  fuo  labo- 
rent,  ucà  pcrfonisfuis  juventur ,  fecundùin  portionem  quam 
percipiiint  annuatim  ;  fi  vttà  terram  non  habeant ,  patronuî 
clericus ,  qui  partem  aliquam  percipic  declmarum  vel  provcn- 
tuiim  ad  aîdificationem  dare  quantum  opus  fuetit  conipellatur. 

T^jmt  XIU. 


PRESBYTÈRE.  497 

l'an  laéS  ,  &  celui  d'Arles  de  l'an  1274  ,  fuppofent 
que  ce  font  les  curés  qui  foni  tenus  des  répara- 
tions &  de  la  conftruélion  des  maifors  presby- 
térales  (  i  ). 

Mais  la  difcipline  ne  tarda  pas  à  changer  à  cet 
égard  ;  l'ufage  de  faire  conftruire  &  réparer  les 
Presbytères  en  entier  par  les  paroiflîens  ,  paraît 
conftammcnt  établi  dès  la  fin  du  feiziéme  fiècle. 
Les  conciles  de  ce  tcm^i  regardent  les  évéque» 
comme  maîtres  de  leur  faire  fupporter  cette  charge. 
»  Si  quelques  curés  n'ont  point  de  logement ,  dit 
»  un  décret  du  concile  de  Bourges  de  l'an  ï  584  , 
»>  que  les  évèques  aient  foin  de  leur  en  faire  conf- 
»  truire  un  aux  dépens  de  leurs  paroiftîens  ».  La 
même  chofe  avoit  déjà  été  ordonnée  par  le  concile 
de  Rouen  de  l'an  1581  (2). 

Il  paroît  que  c'étoit  aum  dès -lors  la  Jurifpru- 
dence  du  parlement  de  Paris ,  par  les  arrêts  que 
ra;iporte  Chopin  ,  l.  3  ,  t.  3  ,  n.  14  ,  des  1 1  décem- 
bre 1540,  &  30  juin  1567,  qui  condamnent  les 
habitans  des  priroifles  de  Longjumeau  &  de  Long- 
pçnt ,  diocèfe  de  Paris  ,  à  conftruire  une  raaifon 
pour  leur  curé,  &  même  à  la  fournir  de  meubles 
rtéceffaires  au  ménage ,  jufqu'à  la  valeur  de  trente 
liWes.  Un  autre  arrêt  du  même  parlement,  rendu 
le  6  novembre  1584,  condamne  aufli  les  habitans 
du  fauxbourg  faint  Jacques  à  fournir  le  logement 
&  les  meubles  au  prêtre  que  l'évêque  de  Paâs 
avoit  commis  pour  deflervir  la  chapelle  qui  a  été 
depuis  érigée  en  églife  paroifliale  ,  connue  fous  le 
nom  de  faint  Jacques  du  Haut-Pas,  &  qui  n'étoit 
alors  qu'une  fuccurfale  de  faint  Benoît,  de  faint 
Médard  &  de  faint  Hippolite. 

Cependant  les  ordonnances  n'avoient  encore 
rien  établi  de  pofitif  fur  ce  fujet.  Elles  avoient  bien 
déjà  décidé  en  général  que  les  habitans  dévoient 
contribuer  aux  frais  de  la  conftruftion  &,  des  ré- 
parations des  Presbytères;  mais  elles  n'avoient  pas 
encore  déte.miné  que  cette  charge  regardoit  uni- 
quement les  paroiftiens,  »  Scmblablenient,  dit  l'art. 
»  3  de  l'édit  de  Melun  ,  les  archevêques  &  évê- 
M  ques  ,  &  autres  fupérieurs  ,  fuivant  ledit  édit  , 
n  art.  30  (  c'eft  l'ordonnance  de  Blois  )  ,  en  fai- 
i>  fant  leur  vifitation  ,  pourvoiront  les  officiers  des 
»  lieux  appelés,  à  ce  que  les  églifes  foient  four- 
)»  nies  de  livres,  croix,  calices  &  ornemens  né- 
»  cefiaires  pour  la  célébration  du  fervice  divin  , 
M  6c  pareillement  à  la  reftauration  &  entretenne- 

(i)Ut  univerfi  fuoium  bcneficiotum  domos  ut  &  cœcer* 
xdificia  reficere  iludeant  condecenter.  Coac.  Loadintnp,  anna 
iici ,  can.  18. 

Ut  reftoie»  eccleflarum  ad  reficiendas  ccdefiat  ruraltt  Se 
alias  domos  q"a;l;bec  cifdem  ccdefiis  neccITarias. .  . ,  Coac» 
Ardatenfe,  an.no  I174  ,  can.  17. 

(a)  Si  qui  patochi  domos  non  habebunt  ,  curent  epifcopi 
Ut  parochianiinoium  cxpenlis  cxtruantur.  Conc.  Biturium  , 
anno  i{S4,  can.  i6> 

Si  defuerit  (  Presbytcrum  )  ,  provideatur  curato  de  domo 
commodâ  juxta  ecclefiam  parochi.altm  ,  ù  tieri  poiell  ;  idque 
fabricaE  fua;  parochianorumfumpribus,  qui  de  jure  velconfue- 
(uJia;  iensaïui.  Conc.  RJiotamagenJe ,  anno  15^1. 


298 


PRESBYTÈRE. 


i>  ment  des  églifes  parollfiales ,  &  édifices  d'i- 
»  celles  .....&  que  les  curés  foicnt  convenable- 
»  ment  logés  ;  auxquels  officiers  enjoignons  de  te- 
n  nir  la  main  à  l'exécution  de  ce  qui  fera  ordonné 
»  pour  ce  regard  ,  &  à  ce  faire  ,  enfemble  à  la  con- 
>»  tribiition  des  frais  requis  &  néccffaires  ,  contrain- 
>»  dre  les  marguilliers  &  paroilTiens  par  toutes  les 
î>  voies  dues  &  raifonnables  ,  même  les  curés  par 
1»  faifie  de  leur  temporel,  à  porter  telle  part  &  por- 
«  tien  defdites  réparations  &  frais  ,  qu'il  fera  arbi- 
»  tré  par  lefdits  prélats,  félon  qu'ils  auront  trou- 
»  vé  le  revenu  des  cures  pouvoir  le  porter  com- 
»  modément  ». 

Cette  ordonnance  ,  comme  on  le  voit ,  décidoit 
bien  en  général  que  les  paroifliens  feroient  tenus 
de  contribuer  aux  frais  des  réparations  des  Pres- 
bytères ,  &  d'en  porter  la  part  qui  feroit  arbitrée 
par  les  évêques  ou  archevêques,  mais  elle  ne  mettoit 
pas  l'entretien  &  la  conftruOion  des  Presbytères  en- 
tièrement à  leur  charge. 

C'eft  pourquoi  le  clergé ,  dans  l'affemblée  de 
1655  ,  demanda  fortement  que  la  charge  des  répa- 
rations &  conftruélions  des  Presbytères  fût  im- 
pofée  en  entier  fur  les  paroifliens.  Sur  fa  deman- 
de, intervint  la  déclaration  de  1657,  qui  portoit , 
j#  que  les  paroifliens  feroient  obligés  de  rétablir 
1)  les  Presbytères  &  maifons  d'habitation  des  curés  , 
»  démolis  par  les  ravages  des  guerres  civiles,  ou 
i>  par  l'injure  des  temps  ».  Mais  cette  déclaration 
n'ayant  été  enregiftrée  dans  aucune  cour,  n'a  eu 
aucun  effet. 

L'obligation  des  paroifliens  à  cet  égard  n'a  été 
véritablement  fixée  que  par  l'édit  de  1695.  «  Seront 
»)  tenus  pareillement,  y  eft-il  dit  dans  l'art.  22, 
î>  les  habitans  defdites  paroifl^^s  ,  d'entretenir  & 
»  de  réparer  la  nef  des  églifes  &  la  clôture  des 
j»  cimetières ,  &  de  fournir  aux  curés  un  loge- 
3>  ment  convenable  ».  Depuis  ce  temps  ,  c'eft 
une  maxime  certaine  &  confiante  en  France,  que 
la  conflruéVion  &  les  réparations  des  Presbytères 
regardent  entièrement  les  habitans  des  lieux. 

Les  paroifliens  ne  font  pas  feulement  obligés 
de  loger  le  curé,  ils  font  tenus  de  loger  les  vi- 
caires ncceflTaircs  pour  la  defTerte  de  leur  églife. 
Mais  il  faut  pour  cela  que  cette  nécefllté  ait  été  re- 
connue par  l'évêquc,  &  qu'il  ait  lui-même  infti- 
tué  les  places  des  vicaires  qui  travaillent  dans  la 
paçoifl!e. 

Les  habitans  de  l'annexe  font  donc  obligés  de 
fournir  au  vicaire  qui  y  réfide  &  qui  deffert  la 
ïuccurfale  ,  Une  maifon  pour  le  loger.  Mais  ils 
ne  font  pas  difpenfés  pour  cela  de  contribuer 
aux  frais  des  réparations  &  de  la  conflruétion  dtt 
Presbytère  de  léglife  matrice.  Cette  charge  eft 
commune  à  tous  les  paroifliens  :  or,  les  habitans 
de  la  fuccurfale  ne  font  pas  moins  paroifliens  de 
ré<ïlife  matrice  ,  que  les  habitans  de  l'endroit 
principal. 

L'obiigatiotl  que  les  lois  impofcnt  aux  paroif- 
fiens  de  loger  le  curé  U  k$  vicaires,  emporte  celle  , 


PRESBYTÈRE. 

deconflruîre  un  Presbytère  lorfqu'il  n'y  en  a  point 
encore,  comme  lorfque  la  cure  ou  la  fuccurfale 
font  érigées  nouvellement  ,  ou  lorfqu'il  tomba 
par  vétuflé  ;  de  leur  fournir  une  fomme  qui  fuffifc 
pour  payer  le  loyer  de  la  maifon  qu'ils  occupeut 
en  attendant,  &  de  réparer  le  Presbytère,  lorf- 
qu'il y  en  a  un. 

Il  y  a  cependant  quelques  exceptions  à  cette 
règle  générale  de  faire  fupporter  la  charge  des  ré- 
parations &  des  conflruflions  des  Presbytères  par 
les  paroifliens.  Lorfqu'un  ancien  ufage  y  aflujettit 
la  fabrique ,  on  juge  qu'elle  ne  les  regarde  plus. 
Nous  avons  un  arrêt  du  17  août  1745  ,  qui  oblige 
les  marguilliers  delà  paroifl'e  de  faint  Sauveur  de 
Péronne  ,  à  faire  les  grofliss  réparations  du  Pres- 
bytère ,  parce  que  depuis  long-temps  c'étoient  eux 
qui  les  avoient  faites.  Cet  ufage  a  lieu  plus  ordi- 
nairement pour  les  paroilTes  des  villes  que  pour 
celles  de  la  campagne  ,  &  c'efl  celui  qu'on  fuit 
pour  toutes  les  paroifles  de  Paris. 

Lorfque  la  jurifprudence  du  parlement  de  Paris 
commença  à  mettre  les  réparations  &  les  conftruc- 
tions  des  Presbytères  u  la  charge  des  paroifliens  , 
elle  les  obligeoit  aufli  à  fournir  au  curé  les  meu- 
bles néccfTaires  au  ménage.  Les  arrcts  du  11  dé- 
cembre 1 540  &  30  juin  1 567 ,  que  nous  avons  rap- 
portés, qui  condamnent  les  paroifliens  de  Long- 
jumeau  &  Longpont ,  diocèlé  de  Paris,  à  conf- 
truire  une  maifon  pour  leur  curé ,  les  condam-1 
noient  aufli  à  la  meubler  d'uflenfiles  de  ménage  ,' 
jufqu'à  la  valeur  de  trente  livres.  La  plupart  dçi 
anciens  arrêts  contiennent  cette  difpofition.  Mais 
cet  ufage  changea  infenfiblement  vers  le  commen- 
cement du  dix-feptième  fiècle,  &  ,  depuis  plus  de 
cent  ans ,  les  arrêts  ne  font  aucune  mention  de  la 
fourniture  des  meubles  ;  &  comme  l'édit  de  1695 , 
en  déterminant  que  les  habitans  feront  tenus  de 
fournir  aux  curés  un  logeinent  convenable  ,  ne 
parle  point  des  meubles,  on  doit  en  conclure  que 
les  curés ,  aujourd'hui ,  feroient  très-mal  fondés  à 
les  prétendre. 

On  comprend  que  ce  logement  qui  doit  être 
fourni  au  curé  par  les  paroifliens,  ne  confifte  qu'ea 
ce  qui  efl  abfolument  néceflTaire  pour  loger  fa  per- 
fonne.  C'efl  contre  l'ancien  droit  commun  que  les 
habitans  s'en  trouvent  charges  aujourd'hui.  Les  ha- 
bitans de  la  campagne  qui  fupportent  déjà  les  char- 
ges de  rétat ,  méritent  toutes  fortts  de  faveurs  ;  & 
fl  les  lois  &  la  jurifprudence  modernes  leur  impo- 
fent  une  obligation  qui  devroit  être  naturellement 
à  la  charge  des  dîmes  ou  des  autres  bitHS  eccléfiaf- 
tiques  ,  il  efl  jufte  qu'on  la  leur  rende  la  moins  pe- 
fante  qu'il  efl  poflible. 

Or ,  quel  eft  le  bâtim.ent  dont  un  curé  ne  peut 
fepafTer.^Un  curé  efl  obligé  de  recevoir  la  vifite 
de  fes  paroifliens  ;  il  n'efl  pas  décent  qu'il  les  re- 
çoive dans  fa  chambre  ;  il  lui  faut  donc  une  falle. 
Il  efl  obligé  fouvcnt  d'exercer  l'hofpitalité  ,  ce  qui 
fuppofe  une  autre  chambre  que  la  flenne.  Le  lo- 
gement d'un  curé  fe  réduira  donc  à  une  cuifine» 


PRESBYTÈRE. 

«ne  (aile  ,  8i  quelques  chambres,  | 

Si  le  curé  a  beioin  de  granges  pour  rexploîtatîon 
tles  dixmes  qui  peuvent  appartenir  à  la  cure,  ces 
bâtiinens  ne  font  point  à  la  charge  des  paroiffiens. 
Les  anciens  arrêts  obligeoient  les  habitans  à  les 
fournir  au  curé.  Chopin  en  cite  un  grand  nombre 
qui  l'ont  décidé  ,  polit,  facr.  liv.  3  ,  tit.  3  ,  n°.  13  ; 
auflibien  que  Chenu,  tit.  i  ,  liv.  12.  Livonieres  fur 
le  chapitre  46  des  queftiCms  &  confultations  de 
Dupineau ,  toni.  2  ,  p.  84 ,  penfe  également  que  les 
babitans  doivent  les  fournir.  Parmi  les  auteurs  mo- 
dernes ,  nous  avons  encore  Goard  ,  qui  prétend 
que  lorfque  les  cures  de  la  campagne  ont  des  terres 
à  faire  valoir  ,  ou  des  dixmes  à  recueillir  ,  les  gran- 
ges, écuries  &  étables  qui  leur  font  néceflaires , 
font  à  la  charge  des  paroifTiens.  Il  appuyé  Ton  fen- 
timent  fur  les  anciens  arrêts  &  fur  les  termes  de 
logement  convenable ,  dont  fe  fert  l'édit  de  1695  ,  ce 
qui  comprend  ,  dit-il ,  les  bâtimens  dont  l'ufage  cft 
néceiïaire  au  curé. 

Mais  le  fentiment  contraire  a  prévalu  aujour- 
d'hui. "^  Les  paroiflTiens  ,  dit  Jouffe  dans  fon  com- 
»)  mentaire  fur  l'édit  de  1695,  ne  devant  au  curé 
»  qu'un  logement  convenable  pour  lui  &  pour  fes 
s>  vicaires,  ne  font  pas  obligés  de  lui  denner  des 
»>  granges  pour  ferrer  fes  dîmes  ,  des  étables  6c  des 
j>  écuries.  Ce  logement ,  dit  l'auteur  du  recueil  de 
»  jurifprudence  canonique  ,  ne  comprend  point 
I»  les  granges  ,  écuries  ,  étables ,  ni  autres  lieux  pour 
»>  les  beftianx.  M"  Plaies  ,  traité  des  réparations  , 
»  eft  de  même  avis.  Les  anciens  arrêts,  dit  ce  ju- 
»  rifconfulte,  condamnoient  les  habitans  à  fournir 
»  au  curé  une  grange  ;  mais  l'efprit  de  la  jurifpru- 
»  dence  aéluelle  eft  de  foulager  à  cet  égard  les  peu- 
->i  pies  de  la  campagne  ,  autant  qu'il  eft  poflible  , 
*>  afin  qu'ils  puiflent  fupporter  les  charges  de  l'étar. 
5»  Si  un  curé  à  portion  congrue  ,  continue  le  mê- 
X  me  auteur ,  a  befoin  d'un  cheval  pour  aller 
T  adminiftrer  les  facremens  ou  exercer  les  fonc- 
»  lions  paftorales  dans  les  différens  hameaux  fort 
M  écartés  de  la  paroiffe,  on  oblige  les  paroiffiens 
X  à  lui  fournir  une  écurie,  &  à  l'entretenir  en  bon 
•n  état  de  groffes  réparations.  Mais  à  l'égard  des 
•>■>  granges,  étables ,  &  autres  bâtimens  nécelTaires 
j»  pour  ferrer  les  grains  &  vins  provenais  des 
«  domaines  de  la  cure  ,  on  décharge  les  habitans 
n  de  l'obligation  qu'on  leur  impofoit  autrefois  de 
»»  les  fournir  ». 

Enfin,  félon  le  nouveau  commentaire  fur  l'édit 
des  portions  congrues  de  1768  ,  le  plus  grand  nom- 
bre des  auteurs  foutient  qu'iln'eft  point  dû  de  gran- 
ge au  curé.  Et  ce  ne  font  pas  feulement  les  auteurs 
qui  déchargent  les  habitans  de  fournir  une  grange 
aucuié  ,  la  jurifprudence  eft  conftante  aujourd'hui 
fur  ce  fujet ,  &  il  feroit  infini  de  rapporter  tous 
les  arrêts  qui  ont  jugé  conformément  à  cette  maxi- 
me depuis  le  commencement  de  ce  fiècle.  Il  paroît 
que  la  raifon  qui  a  donné  lieu  à  ce  changement  de 
jurifprudence,  c'efl  que  les  cours  ont  confidéré 


PRESBYTÈRE.  299 

qu'il  n'y  avoit  que  deux  efpèces  de  curés  ;  ceux 
qui  font  à  portion  congrue  ,  &  ceux  qui  jouiflent 
de  domaines  ou  de  dixmes  d'un  revenu  plus  confi- 
dérable.  Elles  ont  penfé  que  les  curés  à  portion 
congrue  n'avoient  pas  befoin  de  grange;  &  elles 
ont  cru  que  ceux  qui  jouiflent  de  dixmes  ou  de  do- 
maines plus  confidérables  que  la  portion  congrue  , 
pouvoient  s'en  procurer  une;  que  cette  dépenfe 
n'étoit  pas  au  deffus  de  leur  force  ,  &  qu'il  ne  fal- 
loir point  impofer  aux  habitans  de  la  campagne  , 
déjà  fi  peu  ménagés  d'ailleurs,  une  charge  qui  ne 
pouvoir  pas  beaucoup  incommoder  les  curés. 

Si  les  habitans  font  tenus  de  payer  au  curé  une 
fomme  pour  le  loyer  de  fa  maifon,  dans  le  cas  de 
la  rçconftrudion  du  Presbytère,  cette  fomme  ne 
doit  pas  être  trop  confidérable  ,  par  la  même  raifon 
que  les  Presbytères  ne  doivent  pas  contenir  trop 
de  pièces.  Nous  n'avons  point  de  loi  ni  de  règle- 
ment qui  la  détermine  ,  8c  il  y  a  la  plus  grande  di- 
verfité  entre  les  arrêts  qui  ont  ftatué  quelque  chofe 
à  ce  fujet.  Un  arrêt  du  parlement  de  Touloufe  du 
25   mai  1643  '  3  arbitré  à  vingt  livres  celle  que  les 
habitans  de  Sancret  dévoient  à  leur  curé.  Un  autre 
du  Parlement  de  Paris,   rendu  en  forme  de  règle- 
ment le  14  mars  1673  )  ^^^  cette  fomme  à  quarante 
livres  ,  fi  befoin  efi.  L'arrêt  du  grand  confeil ,  en  date 
du  25  avril  1609  ,  oblige  les  paroiffiens  de  Marcel- 
Cave  ,  de  payer  à  leur  curé  la  fomme  de  vingt-cinq 
livres,  en  attendant  qu'ils  aient  pu  lui  bâtir  une 
maifon.  Le  parlement  de  Rouen  a  cru  devoir  con- 
damner les  habitans  de  la  paroiffe  de  Saint-André  , 
par  fon  arrêt  du  30  juillet  1718  ,  à  payer  à  leur  curé 
cent  cinquante  livres  ,  jufqu'à  ce  qu'ils   lui  euf- 
fent  fait  condruire  un  Presbytère  à  leurs  frais  & 
dépens  ,  ce  (ju'il  leur  enjoint  de  faire  dans  deux 
ans  pour  tout  délai. 

On  voit  pourquoi  les  arrêts  font  différens  fur 
cette  matière.  La  même  maifon  fe  louoit  dans  un 
village  du  reffort  du  parlement  de  Touloufe ,  au 
milieu  du  fiècle  pafle  ,  bien  moins  cher  qu'elle  ne  fe 
loue  aujourd'hui  aux  environs  de  Paris.  Le  prix  des 
loyers  des  maifons  varie  fuivant  les  lieux  &  les 
temps  :  dix  ans  d'intervalle  fuffifent  fouvent  pour 
l'augmenter  beaucoup  dans  le  même  endroit  ;8c. 
dans  le  voifinage  des  villes,  il  eft  ordinairement 
plus  confidérable  que  dans  les  endroits  qui  en  font 
éloignés.  Il  étoit  donc  impoflîble  que  les  arrêts  ou 
les  ordonnances  afTignaffent  la  même  fomme  pouf 
toute  la  France. 

Cependant  il  eft  aifé  d'établir  à  ce  fujet  une  règle 
dont  ni  les  habitans  ni  les  curés  ne  puiflent  fe  plain- 
dre. La  jurifprudence  a  déterminé  quel  devoit  être 
le  logement  des  curés;  la  fomme  que  coûteroit  le 
Presbytère  qui  leur  feroit  accordé ,  eft  celle  qui 
doit  être  allouée  pour  le  payement  du  loyer  de  la 
maifon  qu'ils  occupent.  Cette  fomme  variera  donc 
félon  les  circonfiances,  parce  que  la  maifon  Pref- 
bytérale  feroit  louée  différemment  aux  environs  de  r 
la  capitale  ,  &  à  l'extrémité  du  diocèfe. 

Les  curés  ne  font  tenus  que  des  réparations  ufu» 

Ppij 


?0Ô 


PRESBYTÈRE. 


fruitières;  &  l'obligation  qu'on  leur  impore  par 
tapport  à  cette  dernière  efpèce  de  réparations ,  n'eft 
pas  nouvelle  j  ils  y  ont  été  airujettis  par  un  grand 
nombre  d'arrêts  ,  tant  anciens  que  modernes.  Ce- 
pendant lorfqu'un  curé  meurt  fans  avoir  fait  ces  ré- 
parations ,  fon  fuccefleur  ne  peut  attaquer  fes  héri- 
tiers ,  mais  les  habitans  qui  font  tenus  de  le  loger , 
&  qui  exercent  fur  ces  héritiers  leur  recours.  S'il 
compofe  avec  les  héritiers  pour  une  fommequife 
trouve  par  la  fuite  infuffifante  ,  &  leur  donne  fa  dé- 
charge ,  il  n'a  plus  d'adion  contre  la  paroifTe  ,  quoi- 
qu'il offre  de  lui  remettre  les  deniers  qu'il  a  touchés, 
parce  qu'il  eft  préfumé  avoir  voulu  s'en  charger. 
C'eft,  dit  Duperrai,  la  jurifprudence  du  parlement 
de  Paris  ;  &  l'efpèce  dans  laquelle  a  été  rendu  l'arrêt 
du  14  janvier  1662  ,  qu'il  rapporte  ,  trait,  des  port, 
cong.  pag.  386. 

Il  ne  nous  refte  plus  qu'à  rendre  compte  des  rè- 
gles particulières  qui  ont  lieu  par  rapport  à  l'entre- 
tien des  maifons  prcsbytérales,  dans  quelques  pro- 
vinces de  France. 

Nous  avons   dit  que  l'ancien  droit  mettoit  les 
conftru£lions  &  réparations  des  Presbytères  à  la 
charge    des  curés,   ôc  que  les  décimateurs  n'en 
étoient  tenus ,  que  lorfque  la  cure  n'avoir  point  de 
fonds  fuffifans  pour  fupporter  cette  dcpenfe  :  le 
même  ufage  fubfifte  encore  en  partie  dans  la  Flan- 
dre. Les  curés  font  ogligés  aux  réparations  de  leurs 
maifons  Pre^bytérales,  lorfque  leurs  revenus  font 
confidcrablcs  ;  les  décimateurs  n'en  font  tenus  que 
fubfidiairement ,  &  à  leur  défaut.  Desjaunaux  rap- 
porte dan^  fon  recueil  deux  arrêts  rendus  au  paie- 
ment de  Flandres,  l'un  du   31   oélobre  1696,  & 
l'autre  du   10  décembre  1698  ,  pour  la  paroiffe  de 
Bromkerque  ,  dans  la  châtellenie  de  Berghe ,  qui 
déchargent  les  habitans  de  ces   réparations  :  c'eiî 
auflî  l'ufage  des  Pays-Bas.  Vanefpen  cite  un  règle- 
ment du  confeil  de  Bruxelles  en  1673  ,  qui  décide 
que  les  réparations  des  Presbytères  regardent  les 
curés  ;  &  nous  trouvons  un  autre  règlement  fait  en 
1676  au  confeil  de  Brabant ,  conformément  aux 
décrets  des  conciles  de  Cambrai  &:  de  Malines  , 
qui  contient  la  même  difpofition.  Les  habitans  ,  par 
toute  la  Flandre  ,  ne  font  obligés  de  fournir  un  lo- 
gement à  leur  curé  ,  que  lorfqu'iJs  y  font  a/Tujettis 
par  un  ufage  immémorial. 

On  fuit  une  autre  règle  en  Provence;  on  n'y 
dilîingue  point  les  réparations  qui  regardent  les  ha- 
bitans, de  celles  qui  concernent  les  décimateurs  ; 
on  joint  enfemble  les  réparations  du  Presbytère  & 
celles  de  l'églife,  &  on  met  les  deux  tiers  de  ces 
réparations  à  la  charge  des  habitans,  &  l'autre  tiers  à 
cell»^  des  décimateurs.  Boniface  rapporte  plufieurs 
arrêts  qui  l'ont  jugé  ainfi  ;  entr'autres,  un  arrêt  du 
a6  mars  1669,  qui  l'a  décidé  contre  le  chapitre  de 
Frejus ,  &  un  fécond  du  la  mai  1670  ,  contre  le 
chapitre  même  de  la  cathédrale  d'Aix.  Bonif.  tom. 
3  ,  liv.  5  ,  tit.  14  ,  ch.  7.  Cette  manière  de  contri- 
buer y  a  paru  plus  propre  à  lever  les  difficultés 
qui  naiflent  fréquemment  entre  les  décimateurs  Ôc 


PRESCRIPTION. 

les  patoiiîlens  ,  fur  les  ailes  ou  bas  côtés  ,  &  autres 
dépendances  du  cliceur  &  de  la  nef.  (^Anicle  de 
M.  Tabbé  LaVBRY  ,  avocat  au  parlement). 

P  R  E  S  C  R  I P  T  I O  N.  La  Prefcription ,  dans  un 
fens  ,  eft  l'acquifition  du  droit  de  propriété  par  la 
pofTeirion  d'une  chofc,  pendant  un  temps  déterminé 
par  la  loi  ;  &  dans  un  autre  fens  ,  ce  mot  défigne 
î'exfinâion  d'un  droit,  d'une  charge,  d'une  obli- 
gation ,  qui  eft  demeurée  fans  exécution  durant  le 
même  temps. 

Cette  partie  de  la  jurifprudence  eft  auflî  vafte  par 
la  multiplicité  des  objets  qu'elle  embraffe  ,  qu'in- 
téreftante  par  l'ufage  journalier  qu'on  en  fait  dans 
les  tribunaux. 

Pour  difcuter  méthodiquement  les  principales 
difficultés  qu'elle  préfente ,  nous  la  diviferons  en 
trois  fefllons  ,  qui  feront  elles-mêmes  fubdivifées 
en  plufieurs  paragraphes. 

Voici  donc  l'ordre  que  nous  nous  propofons  de 
fuivre. 

Section    L 

Principes  généraux  de  la  Prefciption. 

§.  I.  Idée  de  la  Prefcription  en  général.  Origine 
&  progrés  de  ce  droit. 

§.  II.  La  Prefcription  a-t-elle  l'efficacité  d'étein- 
dre non-feulement  l'obligation  civile,  mais  l'obli- 
gation naturelle  ? 

§.  III.  Peut-on  renoncer  à  la  Prefcription  r  Eft' 
on  cenfé  le  faire  ,  &  le  fait-on  valablement  quand 
on  donne  caution  pour  une  dette  prefcrite  ,  ou 
qu'on  la  paye  ?  ---  Le  juge  peut-il  fuppléer  l'excep- 
tion de  la  Prefcription  ,  quand  elle  n'eft  pas  allé- 
guée ?  —  Quelle  loi  ou  coutume  faut-il  confuher 
pour  favoir  fi  la  Prefcription  eft  acquifc  ou  non  ? 
--  Quand  doit-elle  être  propofée? 

§.  IV.  A  qai  proilte  la  Prefcription  ?  —  Par  qui 
pti.t-elle  être  oppofée  t 

§.  V.  Des  conditions  requlfes  pour  prefcrire, 
---'Du  titre.  —  De  la  tradition.  —  De  la  pofteffion.  - 
De  la  bonne  foi. 

§.  VI.  Des  caufes  qui  empêchent  la  Prefcription, 
—  Du  titre  nul  ou  vicieux.  —  Examen  de  la  règle, 
ad  primordium  tïtuli  pcflèrior  femper  formatur  even- 
rus ,  &  de  celle  ,  nul  ne  prefcrit  contre  fon  pro- 
pre titre.  —  Du  précaire.  De  la  familiarité.  —  De 
l'interverfion  de  titre.  —  De  la  clandeftinité. 

§.  VII.  Des  caufes  qui  interrompent  la  Pref- 
cription. —  De  celles  qui  la  fufpendent.  —  De  cel- 
les qui  peuvent  ,  lorsqu'elle  eft  acquife  ,  en  faire 
cefter  l'effet  par  la  reftitution   en  entier. 

§.  VIII.  Des  perfonnes  incapables  de  prefcrire. 

Section     II. 

Du  temps  requis   pour  prefcrire. 

%.  I.  Des  momens  &  des  heures  en  matière  de 
Prefcription.  —  De  la  manière  de  compter  les  heu- 
res dans  les  Prefcriptions. 

§.  II.  Des  Prcfcriptlous  d'un  ou  de  plufieurs 
jours. — Comment  fe  comptent  les  jours  en  ma- 
tière de  prefcription  ? 


PRESCRIPTION. 

§.  III.  Des  Prefcriptions  d'un  ou  de  pliif:eurs 

«015. 

§.  IV.  Des  Prefcriptions  annales. 
S.  V.  Des  Prefcriptions  biennales. 
^.  VI.  Des  Prefcriptions  de  trois  ans. 
§.  VII.  Des  Prefcriptions  de  quatre  ans. 
§.  VIII.  Des  Prefcriptions  de  cinq  ans, 
§.  IX.  Des  Prefcriptions  de  fix  ans. 
§.  X.  Des  Prefcriptions  de  fept  ans. 
§.  XL  Des  Prefcriptions  de  huit  ans. 
§.  XII.  Des  Prefcriptions  de  neuf  ans. 
§.  XUl.  Des  Prefcriptions  de  dix  ans. 
§.  XIV.  Des  Prefcriptions  d'onze  ans. 
§.  XV.  Des  Prefcriptions  de  douze  ans. 
§.  XVI.  Des  Prefcriptions  de  quinze  ans. 
§.  XVII.  Des  Prefcriptions  de  vingt  ans,  &  de 
celles  de  vingt  ans  &  vingt  jours. 

§.  XVUI.  Des  Prefcriptions  de  vingt-un  ans. 
§.  XIX.  Des  Prefcriptions  de  vingt-deux  ans. 
§.  XX.  Des  Prefcriptions  de  trente  ans. 
§.  XXI.  Des  Prefcriptions  de  quarante  ans. 
§.  XXII.  Des  Prefcriptions  de  quarante-un  ans. 
§.  XXIII.  Des  Prefcriptions  de  foixantc  ans. 
§.  XXIV.  De  la  Prefcription  centenaire. 
^.  XXV.  De  la  Prefcription  immémoriale. 

Section     III. 

Des  principaux  objets  fur  lefqutls  roulent  les  quêtions 
dt  prtfcriptibuité  6*  de  Prefcription. 

§.  I.  Delà  Prefcription  des  droits  de  fief,  de 
cens,  de  fcigneurieSc  de  juftice. 

§.  IL  De  la  Prefcription  des  rentes ,  redevances 
&  preftations  annuelles. 

§.  III.  De  la  Prefcription  entre  affociés,  co-lié- 
ritiers  ou  autres  communiers  ;  —  entre  Théritier  & 
le  légitimairc  ou  le  légataire  ;  —  entre  le  donateur 
Ôc  le  donataire. 

§.  IV.  De  la  prefcription  contre  l'églife. 

§.  V.  De  la  Prefcription  en  matière  bénéficiale. 

§.  Vî.  Dt  la  Prefcription  contre  les  communau- 
tés laïques. 

§.  VII.  De  la  Prefcription  de  nobleffe ,  de  nom 
&  d'armes. 

§.  VIII.  De  la  Prefcription  des  crimes. 

§.  IX.  De  la  Prefcription  des  inftances  &  des  ju- 
gemens. 

§.  X.  Des  Prefcriptions  &  fins  de  non-rçceroir 
en  matière  de  commerce  maritime. 
§.  I.  Idée  de  la  Prefcription  en  général.  Origine  &  pro- 
strés de  ce  droit. 

*  La  poflelîîon  étant  naturellement  liée  au  droit 
de  propriété ,  il  eft  jufte  qu'on  préfume  que  comme 
c'efl  en  effet  le  maître  qui  doit  pofféder,  celui  qui 
poflede  doit  être  le  maître ,  &  que  l'ancien  pro- 
priétaire n'a  pas  été  privé  de  fa  poffcflion  fans  de 
juHes  canfes. 

Les  mêmes  raifons  qui  font  que  la  longue  po/Tef- 
fion  acquiert  la  propriété,  &  qu'elle  dépouille  l'an- 
cien propriétaire,  font  auffi  que  toutes  fortes  de 


PRESCRIPTION.  301 

droits  &  d'aftions  s'acquièrent  &  fe  perdent  par 
l'e'ictdu  temps.  Aififi ,  un  créancier  qui  a  celTé  de 
di  -lander  ce  qui  lui  (.ft  clù  ,  pendant  le  temps  ré- 
glé par  la  loi ,  a  perdu  fa  dette  ,  &  le  débiteur  en 
ci\  déchargé.  Ainfi ,  celui  qui  a  joui  d'une  renie 
(iiT  quelque  héritage  pendant  le  temps  de  la  Pref- 
cription ,  ne  peut  plus  en  être  dépouillé  ,  quoiqu'il 
n'ait  pas  d'autres  litres  que  fa  longue  jouiflance. 
Ainfi ,  celui  qui  a  cefle  de  jouir  d'une  fervitude 
pendant  le  temps  fufEfant ,  en  a  perdu  le  droit  ;  & 
au  contraire  ,  celui  qui  jouit  d'une  fervitude  ,  quoi- 
que fans  titre  ,  en  acquiert  le  droit  par  une  longue 
jouifTance ,  fi  ce  n'eu  que  la  coutume  en  difpofe 
autrement  j  &  en  général  toutes  les  autres  fortes  de 
prétentions  &  de  droits  de  toute  nature  s'acquièrent 
&  fe  perdent  par  la  Prefcription ,  à  la  réferve  de  ce 
que  les  lois  en  ont  excepté. 

Il  y  a  donc  deux  effets  de  la  Prefcription  ,  ou  plu- 
tôt deux  fortes  de  Prefcriptions  :  l'une  qui  acquiert 
au  poffeffcur  le  droit  de  propriété  de  ce  qu'il  pof- 
fè(Je  ,  &  qui  en  dépouille  le  propriétaire,  faute  c'e 
poiTcder  ;  5i  l'autre  ,  qui  fait  acquérir  ou  perdre 
toutes  les  autres  efpèces  de  droits  ,  foit  qu'il  y  ait 
quelque  poffcffion  ,  comme  dans  la  jouiflance  d'une 
lervitude  ,  ou  qu'il  n'y  en  ait  aucune  ,  comme  dans 
la  perte  d'une  dette  ,  faute  de  l'exiger. 

Toutes  ces  fortes  de  Prefcriptions  ,  qui  fom  ac- 
quérir ou  perdre  des  droits ,  font  fondées  fur  cette 
préfomption  ,  que  celui  qui  jouit  d'un  droit  doit  en 
avoir  quelque  jufte  titre  ,  fans  quoi  on  ne  l'auroic 
pas  lailie  jouir  fi  long-temps  ;  que  celui  qui  ce'Je 
d  exercer  un  droit  en  a  été  dépouillé  par  quelque 
jufte  caufe  ,  &  que  celui  qui  a  demeuré  fi  long- 
temps fans  exiger  fa  dette ,  en  a  été  payé  ,  ou  a  re- 
connu qu'il  ne  lui  étoit  rien  dû. 

Il  faut  difiinguer  deux  fortes  de  règles  des  Pref- 
criptions ,  celles  qui  regardent  les  différentes  ma- 
nières dont  les  lois  otn  réglé  le  temps  pour  pref- 
crire,&  celles  qui  regardent  la  nature  des  Prefcrip- 
tions ,  leur  ufage  ,  ce  qui  peut  être  fujet  à  la  Pref- 
cription ,  ce  qui  ne  l'eft  pas  ,ce  qui  rend  I.3  Pref- 
cription juffe  ou  vicieufe,  quelles  font  les  perfonnes 
contre  qui  on  ne  prefcrit  point ,  quelle  doit  être  la 
poffeflion  pour  pouvoir  prefcrire,  ce  qui  peut  in- 
terrompre la  Prefcription  ,  &  les  autres  femblables. 
C  ,'lles-ci  font  des  règles  natiucHes  de  l'équité;  mais 
c  lies  qui  marquent  le  temps  des  "Prefcriptions  ne 
fjnt  que  des  lois  arbitraires  ;  car  la  nature  ne  fixe 
pas  quel  temps  il  faut  précifément  pour  pouvoir 
prefcrire.  Ainfi  ces  règles  peuvent  être  changées  ; 
elles  font  différentes  en  divers  lieux ,  &  cette  diver- 
f:té  fe  voit  même  dans  le  droit  romain ,  où  les 
Prefcriptions  ont  été  différemment  réglées  en  divers 
temps. 

La  Prefcription  pour  les  meubles  s'acquéroit  par 
trois  ans. 

Pour  les  immeubles ,  on  y  apportoit  différente» 
diftinâions. 

Le  poffeffeur  de  bonne  foi  qui  avoit  un  titre  , 
prefcrivoit  par  dix  an^  entre  préfens,  6c  par  vingt 


301  PRESCRIPTION. 

ans  entre  abfens  ,  quoique  fon  auteur  eût  poffédé 
de  rnaiivaife  foi  ;  &  on  appeloit  prcfens  ,  ceux  qui 
avoient  leur  demeure  dans  une  même  province. 

Celui  qui  poffédoit  fans  titre  prefcrivoit  par 
trente  ans  ;  &  après  ce  temps-là,  il  ne  pouvoit  être 
troublé  par  le  propriétaire. 

Les  avions  ,  ç'eft-à-dire  ,  le  droit  de  faire  des  de- 
mandes en  juflice  ,  comme  pour  réclamer  une  hé- 
rédité ,  un  legs ,  une  dette  ,  une  fervitude  &  d'au- 
tres droits  ,  fç  prefcrivoient  par  trente  ans. 

L'aflion  hypothécaire  ne  fe  prefcrivoit  que  par 
quarante  ans  ,  à  l'égard  du  débiteur  &  de  fes  héri- 
tiers ,  &  même  des  tiers-détenteurs  ,  û  le  débiteur 
étoit  encore  vivant.  Ainfi ,  Taftion  hypothécaire 
duroit  plus,  en  ce  cas  ,  que  la  fimple  aéiion  per- 
fonnclle  ,  $i  après  la  mort  du  débiteur  elle  ne  du- 
rcit que  trente  ans. 

Toutes  les  autres  fortes  de  Prefcriptions  de  biens 
ou  de  droits  ,  de  quelque  nature  que  ce  pût  être,  & 
qu'on  auroit  pu  prétendre  ne  devoir  pas  avoir  lieu 
par  trente  ans  ,  furent  réglées  à  quarante  ans  , 
m:mc  pour  les  biçns  &  les  droits  de  l'églife  &  du 
public. 

Toutes  ces  différentes  Prefcriptions  ont  été  rédui- 
tes dans  plufieurs  coutumes  Si.  dans  des  provinces 
mêmes  qui  fe  régiflent  par  le  droit  écrit ,  à  une  feule 
Prefcription  de  trente  ans  ;  dans  les  autres,  on  les 
obfcrve  telles  qu'elles  font  réglées  par  les  lois  ro- 
maines. Il  y  en  a  mémo  qui  ont  apporté  d'autres 
changemens  ;  elles  n'ont  ,  par  exemple  ,  reçu  la 
Prefcription  de  trente  ans  que  pour  les  aélions  per- 
fonnelles  &  mobilières,  &  elles  ont  étendu  les  au- 
tres Prefcriptions  à  quarante  ans. 

Il  n'eft  pas  néccflaire  de  confidérer  les  motifs  de 
CCS  différentes  difpofuions  du  droit  romain  ,  ni  les 
raifons  qui  ont  fait  qu'on  ne  les  a  pas  fuivies  dans 
plufieurs  coutumes  ;  chaque  ufage  a  fes  vues  ,  &  ne 
confidère  dans  les  ufages  oppofés  que  leurs  incon- 
véniens  ;  i!  fuffit  de  remarquer  ce  qu'il  y  a  de  com- 
mun à  toutes  ces  différentes  difpofitions  &  du  droit 
écrit  Se  des  coutumes  ,  pour  ce  qui  regarde  le 
temps  des  Prefcriptions  ;  ce  qui  confifle  en  deux 
vues  ;  l'une,  de  laiffer  aux  maîtres  des  chofes  Se  à 
ceux  qui  prétendent  quelques  droits  ,  un  certain 
temps  pour  les  recouvrer  ;  &  l'autre ,  de  mettre  en 
repos  ceux  qu'on  voudroit  inquiéter  dans  leurs  pof- 
feffions  ou  dans  leurs  droits  ,  après  que  cç  temps  i'i 
trouve  expiré. 

Il  fawt  remarquer  ici  la  différence  qu'il  y  a  dans 
le  droit  romain  entre  \'ufucaf':on  Se  h  Prefcription  : 
elle  eft  importante  pour  l'exaiSle  intelligence  des 
lois  civiles.  XJufucaplm  fignific  la  manière  d'acqué- 
rir la  propriété  des  chofes  par  l'effet  du  temps.  La 
Prefcription  a  auffi  le  même  fens  ;  mais  elle  fignifie 
de  plus  la  manière  d'acquérir  &  de  perdre  toutes 
fortes  de  droits  &  d'aflions  ,  par  le  même  effet  du 
temps  réglé  par  la  loi. 

Outro  CCS  diverfes  Prefcriptions  du  droit  ro- 
niain  ,  qu'on  Vient  de  remarquer ,  nous  ?vons  çn 


PRESCRIPTION. 

France  quelques  autres  fortes  de  Prefcriptions  éta- 
blies par  les  ordonnances  ,  &  quelques  coutumes 
qui  en  ont  réglé  le  temps. 

§.  I  I.  La  Prefcription  a-t-elle  refficaàté  d'éteindre;, 
nun-JeuLmeni  rohligation  civile ,  mais  l'ohligaiion 


naturelle  ? 


Les  auteurs  ne  font  pas  d'accord  fur  cette  quef- 
tion  ;  d'Argentré  en  tait  la  remarque  fur  la  coutu- 
me de  Bretagne,  art.  273,  titre  de  hypothecarum 
Prefcriptionibus  ,  &  an  naturales  \obUp.itiones  Pref' 
cripuone  tolUntur,  nombre  22.  Mais  j'embraffe  vo- 
lontiers l'opinion  de  cet  auteur,  qui  tient  nu  nom- 
bre 23  ,  que  la  Prefcription  éteint  toute  forte  d'o- 
bligations ,  parce  que  la  loi  l'a  ainfi  voulu ,  &  qu'elle 
l'a  pu. 

D'abord  il  paroît  qu'elle  Ta  voulu,  puifqu'elle  a 
dit  dans  la  loi  omnes  ,  au  code,  de  Prœfcriptionihas 
3  o  v(l  ^o  annorum  ,  que  ce  long  intervalle  de  temps 
acquiert  au  débiteur  une  pleine  8f  entière  affu- 
rance,  plcnijfmam  fecitritaum  ;  &  il  ne  feroit  pas 
affuré  pleinement,  s'il  demcuroit  encore  une  obli- 
gation naturelle  ;  c'eft  l'obfervation  de  Cujas  (i). 
Toutes  les  fois,  dit-il,  que  la  loi  ufe  (Vv^ne  façon 
de  parler  qui  emporte  une  entière  décharge  par 
cette  diflion  ornnis  (tout)  ,  ou  d'un  autre  terme  de 
même  fignification  ,  elle  entend  que  l'obligation 
naturelle  foit  éteinte  avec  la  civile;  c'ef:  ce  qu'on 
voit  par  exemple  ,  dans  le  cas  du  fénatufconfuhe 
Velleien  ,  dont  parle  la  loi  fî  mulicr  conlrà^ff, 
ad  l'clUïantini  ,  en  ces  mots  :  Sénat  us  impiobat  to- 
tam  ohUgationem.  Ce  (avant  interprète  ajoute  ,  que 
l'obligation  naturelle  efl  éteinte  non  -  feulement 
par  le  payement  réel,  mais  encore  par  le  paye- 
ment putatif,  c'eftàTdire  ,  par  tout  ce  qui ,  félon 
les  maximes  de  droit  ,  tient  lieu  de  payement  , 
quocumque  moda  quid  per  folutione  cedat  ;  &  la:  Pref- 
cription eft  àc  cette  nature  ,  puifque  la  loi  l'a  con" 
fidérée  comme  un  payement.  * 

Et  comme  elle  l'a  voulu  ,  elle  l'a  pu.  Il  eft  vraî 
que  la  loi  civile  ne  peut  pas  déroger  aux  principes 
du  droit  naturel  &  aux  conféquences  qui  en  dé- 
coulent dire61enient ,  comme  font  tous  les  pré» 
ceptes  de  la  morale  ;  mais  elle  peut  en  abolir  les 
conféquences  in«!Îircéîes  &  éloignées  (2).  D'ail- 
leurs ,  on  peut  dire  auffi  que  la  Prefcription  a  fon 
principe  dans  le  droit  de  la  nature  *.  La  patience 
du  maître  ou  proprictaire  ,  qui  ,  durant  une  longue 
fuite  d'années,  fouffre  la  détention  de  fon  bien, 
fans  réclamer  &  fans  fe  plaindre  ;  où  le  filence  du 
ciéancier  qui,  durant  un  long  efpace  de  temps, 
n'a  fait  auciine  demande  de  fa  dette,  quoiqu'il  l'ait 
pu  faire  ,    induifent  un  tacite  confentement  qui 


(1)  A IV.h.  iS  ,  quœfl.  Papin.  Cnc  la  loi  Scichum  aut  Pam- 
pbUum  ,  5^  ,  §.  na:uralis  ,  f.  defoluT. 

(i")  Covarruvias ,  in  cap.    quamvis  de  paâis  ,  i/i-S' ,  parc, 
1,  §.i|,  fol.  2S7. 


PRESCRIPTION. 

tîent  lîeu  d'aliénation  du  bien  ufiirpé ,  &  de  quit- 
tance de  la  dette  (t). 

§.  1 1 1.  Peut- OH  renoncer  à  la  Prefcrïption  ?  —  E^-on 
cenfé  le  faire  ,  6*  le  fait-on  valablement  quand  on 
donne  caution  pour  une  dette  pnfcrite ,  ou  qu  on 
la  paye  ?  —  Le  juge  peut-il  fuppléer  Cexception  de 
la  Prefcription y  quand  elle  nejl  pas  alléguée?  — 
Quelle  loi  ou  coutume  faut-il  confulter  pour  favoir 
fi  la  Prefcription  efi  acquife  ou  non  ?  —  Quand 
doit- elle  être  propofie  ? 

I.  Sur  la  première  de  ces  queftions  ,  il  faut  dif- 
tlnguer  fi  la  Prefcription  cft  acquife  ou  fi  elle  ne 
l'eft  pas. 

Si  elle  n'eft  pas  acquife ,  &  qu'il  foit  queftion 
de  l'acquérir  ,  l'opinion  commune  eft  qu'on  ne 
peut  pas  y  renoncer ,  &  convenir  qu'elle  n'aura 
pas  lieu  ou  qu'elle  fera  prorogée. 

On  en  donne  plu{ieurs  raifons.  i*.  La  Prefcrip- 
tion eft  utile  à  la  fociété  des  hommes  en  général. 

2*.  Les  lois  qui  l'autorifent  forment  un  droit  pu- 
blic auquel  il  n'eft  pas  libre  de  déroger  par  conven- 
tion ,  tant  qu'il  n'eft  pas  appliqué  à  chaque  fait  par- 
ticulier. On  dit  droit  public  ,  parce  que  le  droit 
commun  cft  vraiment  tel,  &  par  conféquent  hors 
de  la  difpofition  des  particuliers,  avant  qu'il  n'en 
réfulte  pour  eux  des  droits  formés  &  acquis  :  il 
ne  devient  privé  que  par  l'application  qu'ils  s'en 
font  ;  &  ce  n'eft  qu'alors  qu'il  peut  être  changé  par 
la  volonté  de  l'homme. 

Ainfi ,  un  héritier  ne  renonce  pas  valablement 
à  la  quarte  falcidie  avant  la  mort  du  teftateur. 
Voyez  Quarte  falcidie. 

Ainfi,  hors  quelques  cas  exceptés  par  notre  ju- 
rifprudence  ,  plus  indulgente  en  cela  que  les  lois 
Romaines  ,  c'etl  en  vain  qu'on  renonce  à  une  héré- 
dité avant  qu'elle  foit  ouverte.  Voyez  Renoncia- 
tion. 

Ainfi ,  les  lois  &  les  arrêts  ne  permettent  pas 
de  renoncer  avant  coup  au  bénéfice  de  ceftion  de 
biens  ,  à  celui  de  compé:ence  ,  à  la  faculté  d'obte- 
nir des  lettres  de  répi.  Vo^cz  Cession  ,  Com- 
pétence Se  RÉPI, 

3°.  De  même  que  la  loi  ne  vous  laifie  pas  le 
pouvoir  de  convenir  que  vous  n'aliénerez  pas  votre 
fonds  (a)  ;  de  même  r^ufti ,  elle  ne  fouffre  pas  que 
vous  promettiez  de  ne  pas  aiTurer  par  la  Prefcrip- 
tion le  bien  que  vous  poftcdez  :  la  Prefcription  eft  , 
comme  on  l'a  déjà  dit,  une  efpèce  d'aliénation  ; 
ainfi  les  conventions  ne  doivent  pas  avoir  plus  de 
prife  fur  l'une  que  fur  l'autre  (3). 

Si  ces  raifons  ,  quelque  décifives  qu'elles  pa- 
roiflent,  pouvoient  laifîer   quelque  doute  fur  la 

(i^  Vix  tnim  efi ,  ut  non  videatw  alienare  qui  piritur  ufu- 
tapi'  J.oi  18 ,  au  digelle  ,  de  veriorum  fignificationt. 

(i)  L.  pen.  D.  depaclis. 

(})  Alieiiatio  qux  per  vfucapionem  connngerefolet  per  pac- 
fam  ntripotefi  impeiiri ,  magis  quàm  alien ano  q'ix  f*  reliquis 
legitimis  titulis  fàlet  cemin[,ers.  Vafqutz  ,  de  JuiCeffionitus  , 
tQuii  1 2  livi«  I ,  §,  i«  ,  n«jut>xei  (  Si  fuivaxi;, 


PRESCRIPTION.         303 

queftion  en  général  ,  on  conviendra  du  moins 
qu'elle  n'en  doit  point  fouffrir  par  rapport  à  ces 
Prcfcriptions  courtes  que  les  ftatuts  ,  les  coutumes 
&  les  ordonnances  ont  introduites  en  faveur  des 
débiteurs,  pour  qu'ils  nefoient  pas  expofésà  payer 
deux  fois  ,  &  accablés  d'une  trop  grande  quantité 
d'intérêts,  ou  d'une  dette  trop  confidérable.  S'il 
étoit  permis  de  renoncer  à  ces  fortes  de  Prcfcrip- 
tions, on  verroit  bientôt  les  lois  qui  les  ont  in- 
troduites cotnme  utiles  &  néceftaires  ,  rendues  inu- 
tiles &  infruftueufes,  par  l'afcendant  qu'ont  tou- 
jours les  créanciers  fur  leurs  débiteurs.  Il  y  a  des 
voies  faciles  pour  les  interrompre  ;  les  créanciers 
doivent  s'en  contenter ,  fans  recourir  au  remède 
extraordinaire  d'une  renonciation  (jui  ,  par  elle- 
même,  eft  toujours  défavorable. 

II.  Quand  la  Prefcription  eft  acquife,  on  con- 
vient généralement  qu'il  eft  permis  d'y  renoncer. 

Mais  la  renonciation  feule  de  la  partie  qui  auroit 
pu  en  profiter  ,  fuffit-elle  pour  en  faire  cefler  l'ef- 
fet ?  Oui  ,  dans  les  chofcs  incorporelles  ,  Sx.  dans 
les  aftions.  Mais  s'il  s'agifToit  d'un  bien  corporel , 
il  faudroit  un  titre  nouveau  &  une  nouvelle  tra- 
dition pour  en  retransférer  le  domaine  à  fon  an- 
cien maître  :  car  la  Prefcription  en  ayant  faifi  ce- 
lui en  faveur  duquel  elle  a  couru  ,  la  feule  vo- 
lonté ne  peut  pas  l'en  defi'aifir  ni  l'en  dépouil- 
ler (1). 

Du  refte,  on  f«nt  bien  que  pour  établir  une  re- 
nonciation à  une  Prefcription  valablement  acquife , 
il  faut  ou  une  ftipulation  bien  cxpreile ,  ou  quelque 
chofe  qui  en  ait  abfolument  toute  la  force.  C'cft 
uiia  vérité  puifée  dans  la  nature  iBéme  de  la  re- 
nonciation ,  qui  ne  fe  préfume  jamais. 

Dès- là,  on  ne  doit  pas  trouver  étrange  que  la 
loi  /?  quis  ,  au  digefte  ,  de  fide'jufforibus  ,  déclare  nul 
&  inopérant  l'aéte  par  lequel  une  caution  s'oblige 
pour  une  dette  que  la  Prefcription  a  éteinte  (2)  : 
le  débiteur  qui  étoit  déchargé  par  cette  voie  ,  a 
pu  rignorer,  &  (on  ignorance,  foit  qu'elle  roule 
fur  le  droit  ou  fur  le  tait ,  ne  peut  pas  lui  nuire  , 
parce  q<i'il  ne  s'agit  point  en  ce  cas  de  damno  amij[fiz^ 
mais  feulement  de  damno  amiitendce  rei.  Voyez  là- 
dclTus  l'article  Ignorance. 

A  l'égard  du  payement  que  fait  le  débiteur  d'une 
dette  prefcrite,  il  eft  clair  qu'il  renferme  une  re- 
nonciation virtuelle  à  la  Prefcription.  Il  y  a  cepen- 
dant bien  des  auteurs  qui  prétendent  que  quand 
on  a  payé  ce  qu'on  avoit  prefcrit  ,  on  peut  le 
répéter  comme  une  chofe  indue.  Tels  (ont  Bil- 
bus  (3)  ,  Vafquèz  (4)  &  Cancerius  (<,).  Leius  rai- 
fons paroiflent  d'ailleurs  très-concluantes.  C'eft  un 
principe  ,  dlfent-ils,  que  ce  qui  n'eft  dû  ni  civile- 

(1)  Non  nudis  pisflis  ,  fed  traditionibus  dominia  trti:iiferun- 
tur.  I.oi  non  nuiis  ,  C.  de  paclis. 

U)  Si  quit  pvfiquàm  cempore  tranfaâo  libtriitus  efi  fidfjuj'- 
fortm  deAerit  ,fidejuD'er  mm  tenerur. 

(  j  )  De  pnefcriptionibus ,  p.irtie  i  ,  quetllon  6, 

(4)  C:ntroverf.  i//ii/î.  livre  1  ,  chapitre  55  ,  nombre  I2. 

^ }  )  Varinr,  refponf.  partie  j  ,  chap.  i  j ,  nçiubre  }9.  ^ 


304 


PRESCRIPTION. 


ment ,  ni  naturellement ,  ou  qui  étant  dû  naturel- 
lement ,  peut  être  refufé  en  vertu  d'une  excep- 
tion péremptoirc  Se  perpétuelle  ,  peut  être  répété  , 
^uaHcl  même  on  l'auroit  paj'é  par  erreur  de 
droit  (i)  :  or,'  ce  qui  eft  prefcrit  n'eft  pas  dû, 
même  naturellement  ;  la  Pi  efcription  a  l'effet  d'un 
payement  véritable  ;  folventi  fimïlis  ejl  qui  Pnzj- 
cnbtt  ;  &  l'exception  qu'elle  produit  eft  favorable  , 
puifque  ce  font  des  motifs  de  bien  public  qui 
l'ont  fait  introduire.  Il  y  a  donc  lieu  à  la  répé- 
tition de  ce  qu'on  a  payé  nonobflant  la  Prefcrip- 
tion  acquife. 

Mais  d'un  autre  côté ,  que  n'oppofe-t-on  pas  à 
ces  raiConnemcns  ?  Un  débiteur  a  payé  fans  dol  , 
fans  furprife  ,  ik  fans  vouloir  alléguer  la  Prefcrip- 
tion  :  qu'eft-ce  à-dire ,  fi  ce  n'eft  qu'il  a  eu  l'inten- 
tion de  décharger  une  confcience  timorée,  6t  qu'il 
a  eu  des  raifons  qui  l'ont  obligé  de  s'acquitter  ? 
Sans  doute  ,  il  a  pu  renoncer  à  la  Prefcription  , 
dé»-là  qu'elle  étoit  compleitc  ;  &  la  bonne  foi ,  les 
principes  mêmes  ne  lui  permettent  pas  de  répéter 
ce  qu'il  a  payé  volontairement  (2). 

«  Il  feroit  difficile  (dit  Dunod  ,  après  avoir  p^fé 
ces  différentes  raifons,  )  »  de  faire  juger  qu'il  y  a 
1}  lieu  à  la  icpétition  dans  ces  circonllances  ;  fur- 
>'  tout  s'il  étou  queftion  d'une  Prefcription  courte 
v  &  ftatutaire.  On  a  fouvcnt  plus  d'égard  en  pra- 
»>  tique  à  l'équité,  qu'aux  règles  étroites  &.  rigou- 
»>  rcufes  ». 

III.  La  Prefcription  peut-elle  être  fuppléée  par 
le  juge  ,  lorfqu'clle  n'eft  pas  alléguée  par  la  partie 
à  qui  elle  eil  acquife  ?  Non  :  foit  qu'on  la  contidère 
comme  un  moyen  d'acquérir  ,  foit  qu'on  la  regarde 
comme  un  moyen  de  fe  libérer,  elle  n'eft  jamais 
qu'une  exception  ;  &  fous  ce  point  de  vue,  il  eft 
clair  que  l'allégation  en  eft  indifpenfable.  M.Pollet, 
article  3  ,  §.  85  ,  en  rapporte  un  arrêt  du  Parlement 
de  Flandres  du  11  Février  1691.  Le  confeil  fouve- 
rain  du  Hainaut  l'avoit  jugé  de  même  par  arrêt  du 
7  fepiembre  1684.  M.  Pollet  excepte  cependant 
un  cas  où ,  fuivant  lui ,  la  Prefcription  peut  être  fup- 
pléée d'office ,  c'eft  lorfque  la  partie  qui  a  réelle- 
ment prefcrit,  fe  fait  un  moyen  de  la  circonftance 
qu'elle  pofsède  depuis  tant  d'années  ;  8c  en  effet  fi 
alors  la  Prefcription  n'eft  pas  alléguée  en  termes 
exprès  ,  elle  l'eft  au  moins  paréquipollencc. 

iV.  Du  principe  que  la  Prefcription  ne  confifte 
que  dans  une  exception  ,  réfulte  la  conféquence 
que  pour  la  Prefcription  d'une  dette  ,  telle  , 
par  exemple  ,  qu'une  rente  conftituée  ,  on  doit 
ifuivre  la  coutume  du  domicile  du  débiteur.  La  loi 
qui  déclare  une  dette  prefcrite ,  n'anéantit  pas  le 
droit  du  créancier  en  foi  ;  elle  ne  fait  qu'oppofer 
une  barrière  à  fes  pourfuites  ;  &  dès-lors  ,  il  eft  évi- 
dent qu'elle  ne  peut  être  établie  par  la  coutume  du 


[I]  Gonzalez  fur  le  dernier  chapitre  ,  de  foluthnîbus ,  aux 

clécrétales,  nombre  î.  .    .    . 

{x)  Cujus  ftr  trrorem  folutï  repttitioeli,  ejus  cfnfulto  d(Ui 

ionaùo  tjl. 


PRESCRIPTIONT. 

domicile  de  celui  ci ,  mais  feulement  par  celle  du 
domicile  de  celui-là.  C'cft  ce  qu'a  jugé  le  parlement 
de  Flandres  par  deux  arrêts,  l'un  du  17  juillet  1602  , 
l'autre  du  30  oâobre  170  j  ,  rapportés  par  M.  Fol- 
let, partie  3  ,  §.  S6. 

Mais  doit-on  fuivre  la  loi  du  lieu  où  le  débiteur 
étoit  domicilié  lors  du  contrat ,  ou  celle  du  lieu  où 
il  a  depuis  transféré  fon  domicile  ?  Boulenois,  fur 
Rodemburg  ,  tome  i  ,page  530,  incline  pour  ce 
dernier  parti;  &  c'eft  avec  avec  raifnn  :  pourquoi 
le  créancier  n'a-t-il  pas  attaqué  fon  débiteur  dans 
fon  nouveau  domicile,  avant  l'écoulement  du  terme 
fixé  pour  la  Prefcription  ,  par  la  loi  qui  y  eft  en  vi- 
gueur? S'il  ne  l'a  pas  fait ,  s'il  fe  trouve  enfuite  ar- 
rêté par  une  Prefcription  différente  de  celle  du  lieu 
du  contrat ,  qu'il  fe  l'impute  à  lui-même. 

A  l'égard  tîes  aéîions  réelles ,  la  Prefcription  s'en 
règle  par  la  loi  du  lieu  où  font  fitués  les  héritages, 
à  Ta  revendication  ou  à  l'afTerviirement  defquels 
elles  tendent.  C'eft  ce  qui  a  été  jugé  par  arrêt  d'i 
parlement  de  Paris  du  mois  d'août  1698 ,  en  faveur 
de  M.  de  Cornulier,  préfident  au  parlement  de 
Rennes  ,  contre  les  fieurs  de  la  Noue.  Il  s'agiffcit 
de  favoir  fi ,  pour  la  Prefcription  d'une  hypothèque 
à  laquelle  étoit  affectée  la  terre  de  Vair  ,  fituéc  en 
Bretagne  ,  il  falloir  s'attacher  uniquement  à  la  cou- 
tume de  cette  province  .''  La  cour  adopta  l'affirma- 
tive ,  comme  nous  l'apprend  Denizart ,  au  mot 
Prescription  (  1  ). 

'V.  On  ne  doute  pas  que  la  Prefcription  ne  puifle 
être  propoféc  en  tout  état  de  caufe.  C'eft  une  ex- 
ception péremptoirc  ,  &  cela  dit  tout. 

Auffi  trouvons-nous  dans  le  journal  du  Palais  ds 
Touloufe  ,  tome  2  ,  page  552,  deux  arrêts  de  cette 
cour ,  qui  jugent  «  que  le  poffeffeur  eft  reçu  à 
1»  prouver  la  pofl'effion  d'un  temps  légitime  pour  la 
M  Prefcription  ,  quoiqu'il  ait  commencé  à  fe  défea- 
»  dre  comme  ancien  propriétaire,  qu'il  ait  d'abord 
»>  prétendu  fimplement  que  la  chofe  lui  apparte- 
»  noit  indépendamment  de  la  Prefcription ,  ik.  fans 
»  l'avoir  propofée  au  commencement  de  l'mflan- 
»  ce  ».  Le  magiftrat  qui  rapporte  ces  arrêts  ne  les 
date  point;  mais  il  dit  que  l'un  des  deux  a  été  rendu 
à  fon  rapport ,  ce  qui  fuffifoit  bien  pour  en  conf- 
tater  l'exiftence. 

Cet  auteur  rend  compte ,  à  la  page  236 ,  d'un 
autre  arrêt  du  26  août  1740,  qui  juge  encore  de 
même. 

On  a  demandé  ,  au  parlement  de  Flandres ,  fi  » 
après  un  arrêt  portant  condamnation  ,  l'on  ne  pou- 
voit  point  fe  prévaloir  de  la  Prefcription  ,  du  moins 
fans  bénéfice  de  requête  civile  (2)  ?  On  difoit  qu'aux 
termes  de  la  loi  première  ,  au  code  ,  de  re  judicatà  , 

(1)  On  itouve  dans  la  colJciaion  de  Denizair  un  arrêt  du 
pariemenc  de  Paris  de  lyC^,  quia  admis  le  moyen  de  la 
Prefcription,  quoiqu'il  n'eût  été  propofè  qu'en  caufe  d'appel , 
8c  qu'on  eût  donné  en  première  in.lance  dcî  confentetneni 
qui  y  paroiffoient  contraires. 

(2)  Voyez  à  l'article  RKQUiTE  CIVILE  C  petite  )ce  qu'an 
eoteaJ  far  ce;  mou  li^as  les  Tays-bas, 

il 


PRESCRIPTION. 

Il  eft  permis,  même  après  la  condamnation  ,  d'op- 
pofer  des  quittances  &  de  prouver  des  payemens  , 
&  que  prel'crire  équivaloir  à  payer.  Mais  on  acOH- 
fidéré  que  l'objet  de  la  Prefcriptîon  étant  de  mettre 
fin  aux  conteftations  qui  divifent  les  hommes  ,  ce 
feroit  la  faire  opérer  contre  le  but  des  légiflateurs, 
que  de  recevoir  l'exception  contre  une  chofe  ju- 
gée ;  que  c  etoit  d'après  cette  raifon  que  les  empe- 
reurs Dioclétien  &  Maximien  avoient  ftatué  dans 
la  loi  a,  au  code,  Senttntiam  refclndi  nonpoffe,  que 
jniicatum  non  oppofitcs  pnzfcriptionis  vclamento  ,  citrâ 
remedium  appelldtionis  ,  refcinii  non  poiej!.  En  con- 
féquence,  le  demandeur  en  requête  civile  a  été  dé- 
bouté par  arrêt  du  i  décembre  1693  ,  rapporté  par 
M.  Desjaunaux  ,  tome  1  ,  §.  9.  Bérault ,  fur  la  cou- 
tume de  Normandie,  fait  mention  d'un  ancien  ar- 
ïêt  du  parlement  de  Rouen,  qui  juge  de  même; 
&  Bafnage  ,  article  52.2  ,  nous  en  retrace  un  fcm- 
blable  du  19  aoijt  1689. 

§.  IV.  Â  qui  profite  la  Prefcriptîon  ?  Par  jui  peut- 
elle   être  oppofée  ? 

I.  En  général,  la  Prefcriptîon  profite  à  celui  qui 
a  poffédé  en  efprit  de  propriétaire  ,  s'il  s'agit  d'ac- 
quérir; ou,  s'il  ert  quefliion  de  fe  libérer ,  à  celui 
qui,  étant  débiteur,  n'a  pas  été  inquiété  par  le 
créancier. 

Mais  voici  quelques  efpèces  dans  lefquelles  l'ap- 
plication de  ce  principe  fouffredes  difficultés. 

1°.  Le  nommé  Salelles  étoit  débiteur  d'Henry 
d'une  certaine  fomme,  &  fu  dette  étoit  reconnue 
par  une  obligation  de  1628.  En  163  a  ,  il  vend  un 
immeuble  au  nommé  Dordet,  &  entr'autres  con- 
ditions ,  il  le  charge  de  payer  à  fon  acquit,  la 
fbmmc  qu'il  dcvoit  à  Henry.  En  1660 ,  il  le  fait 
affigner  pour  fe  voir  condamner  à  lui  compter  la 
fomme  qu'il  l'avoit  chargé  de  payer  à  ce  dernier, 
ou  à  lui  en  rapporter  une  quittance.  Dordet  ré- 
pond qu'aux  termes  du  contrat  de  vente ,  il  ne  doit 
rien  à  fon  vendeur,  qu'il  ne  connoît  point  d'autre 
créancier  que  Henry;  &  que  ce  dernier,  ayant 
perdu  fa  dette  par  la  prefcriptîon  qui  avoir  couru 
depuis  1628 .  c'ctoir  affaire  finie.  Le  vendeur  répli- 
que ,  que  dans  le  fait,  la  créance  de  Henry  n'eft 
point prefcrite  ,  parce  que  la  délégation,  contenue 
dans  le  contrat  de  vente  1632  ,  a  caufé  une  inter- 
ruption en  fa  faveur ,  quoiqu'il  n'y  ait  pas  été  par- 
tie; &.'que  dans  le  droit,  s'il  y  a  vraiment  prefcrip- 
tîon ,  ce  n'eft  pas  l'acheteur ,  mais  le  vendeur  qui 
doit  en  profiter. 

Sur  ces  moyens  refpeéîifs  ,  arrêt  du  parlement 
de  Touloufe  du  mois  de  janvier  1666  ,  par  lequel 
Dordet ,  acheteur ,  eft  condamné  à  payer  à  Salelles , 
vendeur  ,  la  fomme  demandée  ,  ou  à  lui  rapporter 
la  quittance  d'Henry. 

Les  juges ,  comme  nous  l'apprend  M.  de  Catel- 

lan  ,   livre  7,  chap.  6,  fe  font  déterminés  par  le 

moyen  que  difoit  Salelles  de  l'interruption  cauféc 

par  Je  contrat  de  vente;  Se  çc  moyeu  ,  accueilli  du 

Tome  XllL 


PRESCR  IPTION.       305 

premier  abord  (quoique  dénué  de  fondement)  (i)  , 
a  difpenfé  la  cour  d'entrer  dans  l'examen  de  la  quef- 
tion  de  droit. 

Pour  moi ,  continue  M.  de  Catellan ,  je  crois  que 
l'acquéreur  eût  dâ  profiter  feu!  de  la  prefcriptîon. 
Si;  le  créancier  avoit  agi  contre  le  vendeur ,  ce- 
lui-ci auroit  eu  fon  recours  contre  l'acheteur  qui 
s'étoit  chargé  de  fa  dette  :  par-là ,  c'eût  été  contre 
l'acheteur  que  toute  l'aétion  fe  fiijt  tournée;  &  lui 
feul  auroit  eu  tout  le  foin  &  toute  l'inquiétude  du 
payement  :  or  l'équité,  les  règles  de  droit  ne  veu- 
lent-elles pas  que  la  proportion  de  l'utile  &  de 
l'onéreux  foit  égale  ?  Et  fous  ce  point  de  vue ,  à 
qui  le  bénéfice  de  la  prefcriptîon  peut-il  mieux  ap- 
partenir ,  qu'à  celui  fur  lequel  feroit  tombé  tout 
le  poids  de  l'adion  ,  fi  elle  eût  été  intentée  à  temps  ? 
—  Inutile  de  dire  que  le  vendeur  doit  être  confi- 
déré  comme  ayant  payé  lui-même  fon  débiteur  ," 
parce  que  prœfcribens  folventi  /îmills  (  tout  prefcri- 
vant  eft  affimilé  à  celui  qui  paye  ).  S'il  y  a  un  paye- 
ment à  préfumer,  c'cft  bien  plutôt  de  la  part  de 
l'acheteur,  qui  s'étoit  obligé  de  l'efTeâuer ,  que  de  la 
part  du  vendeur  qui  avoit  eu  la  précaution  d'y  faire 
obliger  celui-ci.  Et  après  tout,  le  vendeur  qui  n'au- 
roit  pas  voulu  être  regardé  comme  le  débiteur  ,  s'il 
s'étoit  agi  de  payer ,  doit-il  être  écouté  quand  il 
prétend  l'avoir  été  pour  prefcrire  .•' 

Voilà  le  fonds  des  raifonnemens  du  magiftrac 
cité.  On  y  trouve  beaucoup  de  fubtilité  &  de  fi- 
nèfle  :  mais  les  principes  y  font-ils  refpeâés  ?  Nous 
ne  le  voyons  pas.  Ecoutons  Vedel. 

Si  la  délégation  faite  par  Salleles  dans  le  contrat 
de  vente  de  1632,  eût  été  acceptée  par  Henry, 
fon  créancier ,  il  n'y  a  point  de  doute  que  la  Pref- 
criptîon n'eût  couru  au  profit  de  Dordet,  débiteur 
des  fommes  déléguées  ;  en  effet ,  l'acceptation 
d'Henry  auroit  fait  une  noration  ;  l'obligation  fouf- 
crite  fe  feroit  éteinte  ;  il  ne  feroit  plus  refté  que  la 
dette  de  Dordet ,  &  la  Prefcription  ne  pouvant  plu» 
tomber  que  fur  cette  dette,  il  eft  clair  qu'elle  n'au- 
roit  pu  être  prefcrite  qu'au  profit  de  Dordet  même. 

Mais  la  délégation  n'ayant  été  acceptée  ni  taci- 
tement ni  expreffément  par  Henry  ,  il  n'y  a  point  eu 
de  novation  :  dès-lors  ,  l'obligation  de  1628  a  tou- 
jours été  le  feul  titre  d'Henry.  Ce  titre  n'indiquant 
à  Henry  que  Salleles  pour  débiteur ,  Salleles  eft  le 
feul  en  faveur  duquel  Henry  peut  l'avoir  laifle 
prefcrire;  comment,  d'après  cela,  ne  feroit  il  pas 
aufli  le  feul  qui  pût  tirer  avantage  de  la  Prefcription? 

Salleles  avoit  donc  acquis  par  la  remife  tacite 
d'Henry  fon  créancier  ,  la  fomme  dont  il  lui  étoit 
redevable;  il  pouvoit  contraindre  Dordet  à  la  lui 
payer. 

Pourquoi  ne  l'auroiiil  pas  pu  ?  Dordet  n'étoit 
point  libéré  ,  même  envers  Salleles  ,  par  la  déléga- 
tion de  1632.  Il  n'avoit  tenu  qu'à  lui  de  la  faire  ac- 
cepter par  Henry  ,  ou  du  moins  de  la  lui  notifier  ; 
il  ne  l'avoit  point  fait  ;  il  devoit  fe  l'imputer.  Faute 

(1)  Yoyci  Vçdcl  fux  ^L  de  Ca^çD^a,  âTendroic  cité. 


5o6 


PRESCRIPTION. 


de  ces  précautions  ,  il  demeinoit  obligé  envers  Sal- 
kles  ,  &  fon  obligation  fiibfiftoit  tellement ,  que  fi 
les  créanciers  de  celui-ci  avoient  fait  des  faifies  en- 
tre Tes  mains  fur  la  fomme  qu'il  ètoit  chargé  de 
payer  à  Henry  ,  elles  auroient  eu  leur  entier  effet. 
Le  moyen  ,  après  cela  ,  de  concevoir  qu'il  eût 
pu  pref'crire  contre  Henry  ?  On  ne  prefcrit  que 
contre  celui  envers  lequel  on  eft  tenu,  &  on  vient 
de  voir  qu'il  n'étoit  obligé  qu'envers  Salleles. 

2°.  Une  autre  queflion  bien  importante  ,  eft  de 
favolr  à  qui  de  l'héritier  grevé  eu  du  fubftitué  , 
doit  profiter  la  Prefcription  acquife  par  le  premier 
avant  la  reinife  qu'il  a  été  obligé  de  faire  au  fécond 
du  fidéicommis  ordonné  en  faveur  de  celui  ci  ? 
Mais  comme  cette  queftion  efl  traitée  à  l'article 
Substitution  fidéicommissaire  ,  feflion  33  , 
nous  ne  nou;  y  arrèrerons  pas  en  ce  moment. 

II.  La  queftion  de  lavoir  par  qui  la  Prefcription 
peut  être  oppofée,  eft  facile  à  réloudre  d'après  les 
principes  établis  dans  le  paragraphe  précédenr. 
Nous  y  avons  vu  que  celui  à  qui  la  Prefcription  eft 
acquife  peut  y  renoncer  :  &  de-là  il  réfulte  évi- 
demment qu'il  eft  feul  rccevable  à  s'en  prévaloir. 
Ceft  en  effet  ce  qui  a  été  jugé  par  arrêt  du  parle- 
ment de  Touloufc  du  9  janvier  1700 ,  rapporte  dans 
le  journal  du  palais  de  cette  cour  ,  tome  6  ,  §  105. 

Mais  peut-on  appliquer  cette  décifion  à  l'efpèce 
Aiivante  ? 

On  verra  ci-après,  partie  3  ,  §.  i  ,  que  la  mou- 
vance d'un  fief  eft  prefcriptible  de  feigneur  à  fei- 
gneur.  Suppofons  que  le  feigneur  quia  prefcrit  ne 
veuille  pas  exciper  de  fa  Prefcriprion  ,  pourra- 
t-elle  être  op[>olée  par  le  vaiTal  qui  a  intérêt  de  re- 
lever de  lui  plutôt  que  d'un  autre  .''  Le  parlement 
de  Touloufe  a  jugé  pour  l'affirmative  par  arrêt  du 
6  feptembrc  1704,1!  eft  rapporcé  dans  le  recueil 
que  nous  venons  de  citer  ,  tome  3  ,  page  164. 

Ainfi  toutes  les  fois  qu'un  tiers  a  un  droit  acquis 
par  la  Prefc;iption  qui  a  couru  en  votre  faveur,  ni 
votre  filence  ni  votre  renonciation  ne  peuvent  l'en 
priver. 

Ceft  ce  qui  a  encore  été  jugé  par  un  arrêt  du 
parlement  de  Bordeaux  du  21  mars  1673  ,  que 
rapporte  la  Peyrere  ,  lettre  P  ,  nombre  102.  Dans 
cette  efpèce  un  débiteur  dont  tous  les  biens 
étoient  en  criées  ,  avoit  prefcrit  contre  (on  frère  le 
fupplr  ment  de  légitime  qu'il  lui  devoir  depuis  plus 
de  trente  aiis.  Celui  ci  le  prMenta  pour  fe  faire  col- 
Ijquerdans  la  diftribution  du  prix  des  fonds  qu'on 
alloit  décréter.  Les  autres  créanciers  foutinrent 
qu'il  étoit  nonrecevable  ,  attendu  la  Prefcription 
qui  étoit  pleinement  acquife  ;  &c  l'arrêt  jugea  ainfi  , 
quoique  le  débiteur  eut  déclaré  qu'il  ne  croyoit 
pas  pouvoir  équitublement  oppoftr  la  Prefcrip- 
tion, &  qu'il  y  eût  renoncé  formellement  (1). 

(  1)  tt  rlu'.'.ciusde  MelTieiirs  difoicnt  (  luiv,  i;c!a  Pey.eic  ) , 
»  tja'ii  itoi!  peunis  de  reconnoicre  de  bon-ne  foi  quand  on 
»'n'.ivo't  pa-- payé;  n-mi?  çrohihe'ur  lKm:im  fi.km  a  ncfcire  , 
»  die  U  loi.  Miis  cela  doit  s'emenJ.e  ^^uand  une  pcrfonnc 


PRESCRIPTION. 

§.  V.  Des  conditions  requifes  pi  ur  pouvoir  prefcni-ti 
— Du  titre.  —  De  la  tradition.  —  De  Upo£'e£îoR, 
—  De  la  bonne  foi. 

I.  La  Prefcription  ,  on  l'a  déjà  dit ,  eft  une  excep- 
tion introduite  contre  le  droit  commun.  Ainfi  elle 
ne  peut  avoir  lieu  que  par  le  moyen  du  concours 
&:  de  1  obfervation  exade  de  touies  les  conduions 
requifes  par  la  loi. 

Quelles  font  ces  conditions  ?  Il  faut  diftinguer 
la  Prefcription  confidérée  comme  moyen  d'acqué- 
rir ,  d'avec  la  Prefcription  confidérée  comme  une 
voie  pour  fe  libérer.  La  première  a  (on  fondement 
dans  une  poiïefîîon  qu'on  peut,  en  quelque  forte, 
appeler  jÂ/v^;  &:  cette  ponclfion  ,  c'eft  par  le  fait 
du  prefcrivant  (i)  qu'elle  s'établit,  La  féconde  n'a 
point  d'autre  principe  que  la  négligence  de  celui 
contre  lequel  elle  court,  fit  le  débiteur  qu'elle  dé- 
charge n'a  rien  à  faire  pour  s'en  procurer  les  effets. 

Cette  différence  fait  dcjà  fentir  qu'il  doit  être 
plus  difficile  d'acquérir  que  de  fe  libérer  par  la  v»ie 
de  la  Prefcription  ;  on  en  conçoit  aifément  la  rai- 
(on  :  le  débiteur  eft  toujours  favorable:  fa  libéra- 
tion eft  l'objet  d'un  des  principaux  vœux  de  la  loi  : 
ainfi  rien  d'étonnant,  fila  loi  la  facilite.  Ceft  d'ail- 
leurs ce  que  mettront  en  évidence  les  détails  dans 
lefijuels  nous  allons  entrer. 

II.  Du  titre. 

Pour  prefcrire  la  libérarion  d'une  dette  ou  d'un 
droit  incorporel  ,  il  ne  faut  point  de  titre.  La  né- 
gligence du  ciéancier  opère  feule  la  Prefcription  en 
cette  matière. 

Mais  s'il  eft  queftion  d'acquérir,  il  faut  régu- 
lièrement un  titre  certain  ,  prou\^é  ,  jufïe  &  habile  a 
transf.'rer  la  propritté. 

Il  faut  un  titre  certain  pour  donner  lieu  à  la  Pref- 
cription. Ainfi  ,  tout  pofleffeur  qui  ne  peut  pas  dé- 
terminer le  principe  de  fa  poiîeifion  ,  ne  peut  pas 
prefcrire.  Pour  que  la  Prefcription  puiffe  opérer  en 
votre  fiveiir  ,  il  faut  que  vous  foyez  en  état  de 
dire  :  «  Je  poffède  en  vertu  d'un  tel  teftament  , 
■>■)  d'une  telle  donation  ,  d'un  tel  contrat  de  vente  ». 

Il  faut  que  le  titre  foit  prouvé.  Comme  il  confifte 
en  fait,  on  ne  le  préfume  pas,  &  tout  homme  qui 
fe  fonde  fur  un  ade  doit  le  rapporter  8c  le  repté- 
fenter. 

Il  faut  que  le  titre  fo'it  jujîe ,  c'eft-à-dlre  ,  vala- 
ble ,  &  par  confequent  qu'il  puiffe  mettre  le  pof- 
feffeur  en  bonne  foi. 

*  il  y  auroit  donc  un  défaut  capital  dans  la  poffef- 
fion,  fi  elle  avoit  commencé  par  un  titre  vicieux  ^8i 
dont  le  défaut  fut  tel  ,  que  le  poffeffeur  dût  l'avoir 

«  tierce  i]ui  a  déjà  acquis  le  droit  ne  le  piain:  pas  ;  c'ell  l'avis 
>j  de  Birtole,  &  fuivanc  cet  avis,  il  fut  jugé  que  le  cpnfen- 
.j  rcii  er.t  &:  la  d'^'claration  du  frète  n'interronipoient  pas.  la 
o   Preicription  '>. 

(l,  On  voudra  bien  nous  rafler  ce  terme.  Nou-;  ùvons  qu'il 
n'eir  guères  en  ufaje  ,  mais  il  rend  fci'.I  une  idée  (inipîe  ;  & 
f(  us  cet  a' pefl ,  il  léniblc  devoir  être  piétàx-  à  la  circonlotii- 
lion  «ju'il  faudroi;  ent^'loyer  pour  Je  remplacer. 


PRESCRIPTION. 

Çot^nu  ,  quoiqu'il  prétendit  l'avoir  ignoré  *- 

En  effet ,  comme  robferve  très-bien  M.  Houard , 
(i)  «  l'ignorance  de  la  loi ,  loin  d  être  une  excule  , 
«  eft  un  crime:  on  expofc  la  fociétc  en  laquelle  on 
«  vit,  au  trouble  &  à  la  confufion  ,  par  fa  négli- 
»»  gence  à  s'a(rurer,dans  les  divers  a6ies  qu'on  fait, 
'»  des  règles  qu'elle  a  établies  pour  qu'ils  fuirent 
«  faits  valablement  &  équitablement  ».      — 

*  Ainfi,  par  exemple  ,  celui  qui  achète  d'un  tu- 
teur un  fonds  de  fon  mineur  ,  (ans  obfervcr  les  for- 
malités ,  ne  peut  pas  le  prefcrire  ,  au  moins  par  dix 
ou  vingt  ans,  fous  prétexte  qu'il  a  cru  de  bonne 
foi  que  le  tuteur  pouvoit  l'aliéner;  car  il  a  dû  favoir 
«fue  les  biens  du  mineur  ne  peuvent  être  aliénés 
que  pour  des  caufcs  néceffaires ,  &  en  obfervant 
les  formalités  prcfcrites  par  les  lois  ;  &  comme 
c'étoit  une  règle  dont  l'ignorance  ne  lui  fervoit  de 
rien  ,  fa  condition  n'cft  pas  diftinguée  de  celle  d'un 
acquéreur  qui  auroit  connu  le  vice  du  titre.  Ainfi , 
pour  un  autre  exemple  ,  celui  qui  acquiert  un  fonds 
dépendant  d'un  bénéfice,  &  qui  efi  aliéné  par  le 
titulaire  fans  caufe  néceflaire  8c  fans  garder  les  for- 
mes ,  ne  pourra  le  prefcrire. 

Il  peut  y  avoir  des  vices  dans  les  titres,  qui  pour- 
roient  fufnre  pour  les  annuller  ,  mais  qui  n'empè- 
cheroient  pas  la  Prefcription.  Ainfi,  par  exemple  , 
fi  le  légataire  d'un  fonds  avoitéré  mis  en  poff<:iTion 
par  celui  qu'il  croyoit  être  l'héritier,  &  qu'après  que 
ce  légataire  auroit  joui  de  ce  fonds  pendant  un 
temps  fufHfant  pour  prefcrire,  il  fe  trouvât  que  celui 
quis'étoit  dit  l'héritier  ,  ne  l'étoit  pas,  ou  qu'il  avoit 
des  cohéritiers  ,  &  que  le  vrai  héritier  ou  les  cohé- 
ritiers  troublafTent  ce  légataire  ,  &  lui  allèguafTent 
des  nullités  du  teflament,  comme  s'il  n'a  voit  pas  le 
nombre  fuffifant  de  témoins,  ou  s'il  manquoit  d'au- 
tres formalités,  ces  défauts  n'empêcheroient  pas  l'ef- 
fet de  la  Prefcription  en  faveur  du  légataire ,  foit 
qu'il  les  ignorât,  ou  qu'il  les  connût;  car  il  avoit 
l'approbation  du  teftament  par  l'héritier  apparent  ; 
ce  qui  fufîifoit ,  avec  fa  bonne  foi ,  pour  lui  acqué- 
rir la  prefcription  *. 

Enfin  nous  avons  dit  que  pour  donner  lieu  à  la 
Prefcription  ,  il  faut  que  le  titre  foit  habile  à  tranf- 
férer  la  propriété '.  nous  ne  difons  pas  qu'il  en  doit 
être  réelUm<nt  tranjlatif,  &  on  en  fent  bien  la  rai- 
fon.  Quand  on  parle  d'un  titre  en  matière  de  Pref- 
cription ,  on  n'entend  pas  celui  qui  vient  du  maître 
de  la  chofe  ;  transférant  le  domaine  par  lui  même , 
il  rendroit  la  Prefcription  fuperflue.  Mais  on  parle 
du  titre  venant  d'un  homme  qui,  n'étant  pas  pro- 
priétaire ,  ne  peut  pas  transférer  la  propriété,  mais 
met  l'acquéreur  de  bonne  foi  en  état  de  prefcrire 
par  la  tradition  qu'il  lui  fait.  Ainfi  celui  qui  vend  le 
bien  d'autrui,  n'en  donne  pas  le  domaine,  parce 
qu'il  ne  l'a  pas ,  mais  fi  l'acheteur  le  poffède  pen- 
dant dix  ,  vingt  ans ,  ou  tout   autre  terme  fixé  par 


(l)  Diaicnnaire  de  droit  Normand,  aiticle  Prefcriftion 
fettion  pieiTiiè.c 


PRESCRIPTION.        307 

la  loi  de  la  fituation  ,  il  le  prefcrira. 

Les  titres  habiles  à  transiérer  la  propriété,  font 
perpétuels  ou  à  temps,  généraux  ou  particuliers. 

Les  perpétuels  nous  transfèrent  la  choie  pour 
toujours  :  tels  font  la  vente ,  l'échange,  la  donation. 
Ce  font  proprement  ceux-là  qui  fondent  la  Pref- 
crij)tiun. 

Les  titres  à  temps  ne  nous  donnent  qu'une  pro- 
priété révocable.  Tel  font  les  baux  emphytéotiques 
de  quatre-vingt  dix-neuf  ans.  On  ne  peut  pas  pref- 
crire en  vertu  de  ces  titres  ,  une  propriété  incom- 
mutable ,  parce  qu'ils  ne  peuvent  pas  autorifer  celui 
qui  les  a ,  à  fe  croire  maître  pour  toujours  &  à 
pofTéder  en  cette  qualité. 

Les  titres  généraux  font  ceux  qui  donnent  droit 
ri  une  univerfalité  de  biens.  Tels  font  celui  de  fuc- 
celîion  ab  intcjîat ,  d'inftitution  contraéluelle ,  de 
legs  univerfel.  Les  titres  particuliers  font  l'achat , 
la  donation  ,  l'échange  ,  la  tranfa61ion  ,  en  un  mot 
tous  ceux  qui  ne  donnent  droit  qu'à  des  chofes  par- 
ticulières ik  déterminées. 

Il  paroît ,  du  premier  coup-d'œil ,  difîlcik  d« 
concevoir  comment  la  fucceffion  peut  former  un 
titre  capable  de  fervir  de  fondement  à  la  Prefcrip- 
tion. L'héritier  repréfente  fon  auteur;  fi  celui-ci 
manque  de  titre  ,  foo  héritier  fera  t-il  cenfé  ea 
avoir  un  par  la  feule  raifon  qu'il  eft  héritier,  & 
pourra-t-il  prefcrire  en  cette  qualité  }  La  choie  pa* 
roît  finguliére.  Cependant  la  loi  décide  que  l'héri- 
tier peut  prefcrire  comme  tel  ,  en  forte  que  s'il 
trouve  dans  la  fucceflîon  un  bien  qu'il  croyoit  ap- 
partenir au  défunt ,  quoique  celui  n'en  fût  que  le 
fimple  détenteur ,  il  pourra ,  avec  le  temps ,  fe  l'ap- 
proprier parla  Prefcription  (1). 

Au  furpUis  ,  la  néceffité  d'un  titre  n'a  pas  lieu 
dans  toutes  les  efpèces  de  Prefcriptions.  Les  lois 
romaines  6i  canoniques  ne  l'exigent  que  pour  la 
Prefcription  de  vingt  ans  &  au-defTous  ;  elles  n'en 
demandent  point  pour  celles  de  trente  ,  de  qua* 
rante  ,  de  cent  ans  ;  Se  nous  trouvons  dans  te  jour- 
nal du  parlement  de  Touloufe  ,  tome  6  ,  §.  227, 
un  arrêt  de  cette  cour  du  8  février  1719,  qui  dé- 
clare la  Prefcription  acquife  par  une  poiTeflîon  de 
quarante-fix  ans  ,  quoiqu'elle  fût  ahjolwnent  fans 
titre  ,  dit  le  magiflrat  à  qui  nous  devons  ce  recueil. 
C'eft  aufli  la  diipofition  de  la  plupart  de  nos  cou- 
tumes -.Juppofé  qu'il  ne  fa£e  apparoir  U  titre  ,  difent- 
elles.  Le  feul  laps  du  temps  fait  donc  préfumer  que 
la  pofieirion  procède  d'un  jufle  titre,  &.  que  fade 
en  eft  égaré. 

Mais  fi  à  cette  préfomption  de  droit ,  on  oppo- 
foit  le  titre  même  qui  a  été  le  principe  de  la  pofief- 
fion  ,  &  que  ce  titre  fût  vicieux  ,  le  poflelTeur  tren- 
tenaire  devroit-il  encore  être  maintenu.'' 

Il  faut  diAinguer.  Ou  le  vice  du  titre  confiée 
dans  une  nullité  que  la  Prefcription  peut  couvrir, 

{l)  PUrique  ■pwaverurtî  fi  hères  fim  b"  punm  -em  a'iqucm  e.y; 
hereJkati  ejfe  f  £«<«  aonf.î ,j>oj[t  me  ujucapere.  Loi  }  ,  D.  pro 
herede 

Qqij 


3og  PRESCRIPTlOKTj 

ou  il  confifte  dans  un  défaut  d'habilité  à  transférer 
le  domaine. 

Au  premier  cas  ,  la  poffefTion  doit  régulièrement 
prévaloir  au  vice  du  titre ,  ou  plutôt  en  effacer  tou- 
tes les  irrégularités  ,  &  ,  en  quelque  forte  ,  le  légi- 
cimer. 

Au  fécond  cas ,  point  de  Prefcription  ,  par  quel- 
que temps  que  ce  foit.  Voyez  ci-après  §. VI,  nom- 
bre I. 

III,  De  la  tradition. 

Le  titre  qui  vient  du  véritable  propriétaire ,  ne 
iuffit  pas,  fans  la  tradition  ,  pour  transférer  le  do- 
jnaine  de  la  chofe  :  il  femble  donc  ,  on  doit  même 
conclure  à  fortiori ,  que  la  tradition  eft  inditpenfa- 
ble  pour  prefcrire  ,  quand  la  peifonne  de  qui  on 
tient  le  titre  n'avoit  pas  la  propriété. 

C'eft  la  doftrine  de  Diinod  ,  partie  i ,  chapitre 
3  ,  &  de  la  plupart  des  anciens  doéleurs  qui  ont 
commenté  les  lois  cclfus  &  cUvibus ,  au  digefte  , 
«/e  contrahtndâ  emptitne. 

Mais  fi  elle  eft  vraie  dans  la  fpcculation,  elle  ne 

Îieut  pas  être  d'un  grand  ufage  dans  la  pratique.  La 
oi  a  ,  au  code  ,  de  acquirendâ  foffcjjione  (i)  ,  met 
en  principe  que  la  tradition  eft  préfumée  après  une 
longue  pofleflîon  :  ainfi  quand  on  a  poiTédé  pen- 
dant dix  ou  vingt  ans ,  il  eft  clair  qu'on  ne  peut  plus 
être  obligé  de  rapporter  la  preuve  de  la  tradition  , 
foit  réelle ,  foit  feinte  ,  par  laquelle  on  a  été  mis  en 
poffcffion. 

Dans  les  coutumes  où  la  tradition  ne  s'opère 
'que  par  le  nantiffement,  c'eft- à-dire  ,  par  vcft  & 
<devert ,  faifme  &  dcflaifiae ,  déshéritance  &  adhéri- 
tance,  faut-il  que  ces  formalités  aient  été  remplies, 
pour  qu'on  puiiTe  prefcrire  ? 

Dunod  ,  à  l'endroit  ciié  ,  femble  le  fuppofer 
ainfi  ;  mais  c'eft  une  erreur  qu'il  n'étoit  pas  à  por- 
tée de  fentir,  parce  qu'il  viroit  dans  un  pays  où 
on  n'a  point  d'idée  du  nantiffement.  Du  refte,  l'u- 
fagc  a  prononcé  contre  fon  aftertion  :  il  eft  de  ma- 
xime dans  toutes  les  provinces  dont  il  s'agit ,  que 
Prefcripiion  emporte  véture  :  c'eft  particulièrement 
l'expreflion  de  la  coutume  de  Liège  ,  &  elle  fup- 
pofe  ,  comme  on  le  voit ,  que  le  titre  en  vertu 
duquel  on  prefcrit ,  n'a  pas  été  fuivi  de  lêcure  ou 
nantiffement. 

Nous  ne  voyons  pas  d'ailleurs  que  cette  maxime 
ait  jamais  fouffert  la  moindre  contradidion  dans 
les  tribunaux  :  elle  eft  atteftée  par  Duchefnes  fur 
l'article  115  de  la  coutume  de  Ponthieu ,  &  Ricard 
eft  peut  être  le  feul  auteur  des  pays  coutumiers 
qui  ait  tenté  de  la  combattre.  Voyez  fon  commen- 
taire fur  la  coutume  d'Amiens  ,  art.  ^4. 

Remarquez  cependant  qu'à  l'égard  des  biens 
mou  vans  du  roi,  l'enfaifinement  eft  d'une  nécefîité 
indifpenfable  pour  faire  courir  la  Prefcripiion.  Des 
raifons  de  finance  ont  donné  lieu  à  cette  particu- 
larité ;  elle  a  été  introduite  par  l'édit  du  mois  de 

(i)  EUe  eft  rapportée  à  l'aaicU  Nantissement. 


PRESCRIPTION; 

fiiaî  I7ÎO  ,  &  nous  voyons  qu'elle  a  fervi  de  fon^ 
dément  à  une  fentence  du  bureau  des  finances  de 
Paris  du  ay  feptembre  1750. 

Cette  fentence ,  rendue  fur  délibéré ,  «  fans  avoir 
»  égard  à  la  Prefcription  fixée  par  la  coutume  de 
ï>  Paris  ,  poiir  les  lods  &  ventes  ,  ordonne  l'exécu- 
»  tien  de  l'édit  du  mois  de  mai  1 7 10  ,  &  en  confé- 
»  quence  condamne  le  fieur  Boucher  du  Boucher 
»  au  payement  des  lods  Si.  ventes  d'un  abandoti 
»  fait  par  des  cnfans  à  leur  mère  le  13  juin  1719  , 
i>  en  dédufllon  de  fes  reprifes  ,  d'une  maifon  qui 
M  étoit  un  bien  propre  de  leur  père  ,  Ôcfituée  dans 
»  ladirefle  du  roi;  &  cela,  parce  que  l'abandon 
»  n'ayant  point  été  enfaifiné,  il  ne  pouvoity  avoir 
»  de  Prefcription  v.  Ainfi  s'exprime  l'auteur  du 
diâionnaire  raifonné  des  domaines,  au  mot  enfai/i-^ 
neincnt ,  nombre  1 1 . 

IV.  De  la  pojfej/lon. 

Lorfqu'il  ne  s'agit  que  de  prefcrire  la  libération 
d'une  dette  ou  d'un  droit  incorporel ,  la  poffeffion 
n'eft  pas  plus  requife  que  le  titre. 

Mais  pour  donner  lieu  à  la  Prefcription  confidé- 
rée  comme  moyen  d'acquérir,  il  faut  abfolument 
ime  poffeffion  plus  ou  moins  longue  :  /cne  pojfef- 
fione  ufueapio  coniingere  non  pote/}  ,  (  fans  pofféder  , 
on  ne  peut  pas  prefcrire  )  :  c'efi  vn  principe  de 
droit  civil  &  canonique  (i).  Qu'eft-ce  en  effet  que 
cette  efpèce  de  Prefcription  ,  ft  ce  n'eft  une  poffef- 
fion continuée  pendant  un  certain  temps ,  &  qui 
dès-lors  fait  tellem.ent  préfumer  la  qualité  de  pro- 
priétaire dans  le  poffeffeur,  que  la  preuve  du  con- 
traire n'eft  pas  même  admife  (2)  ? 

Les  lois  &  les  auteurs  nous  ont  tracé  plufieurs 
règles  fur  cette  poffeffion.  Les  parcourir  &  les  ex- 
pliquer, eft  une  tâche  que  nous  impofe  la  matière 
qui  fait  l'objet  de  notre  article. 

Premier  point. 

Il  ne  faut  pas  croire  qu'une  poffeflîon  quelcon- 
que foit  fuffifante  en  matière  de  Prefcription.  Pour 
prefcrire  une  chofe  ,  il  eft  néceffaire  de  la  pofféder 
naturellement  &  civilement  ,  c'eft-à-dire,  de  la  déte- 
nir de  fait  &  de  droit ,  d'en  jouir  aâuellement ,  cor- 
porellement  Si  à  titre  de  propriétaire. 

De-là  ,  cette  conféquence  écrite  dans  une  foule 
de  lois  ,  qu'un  fermier  ,  un  ufufruitier,  un  dépofi- 
taire  ,  un  commodataire  ne  peuvent  jamais  pref- 
crire ,  non-feulement  par  ce  qu'ils  ne  poffèdentpas 
comme  propriétaires  ,  animo  domini ,  mais  parce 
qu'à  proprement  parler  j  ils  ne  poffèdent  point  du 
tout  :  car  leur  jouiffance  ,  quoique  fouvent  quali- 
fiée de  poffeflîon,  n'en  a  pas  le  véritable  caractère: 
ils  n'ont  que  la  carde  de  la  chofe  ,  ou  la  perception 
des  fruits  qu'elle  rapporte  ;  &  comme  difent  les 

(  I  )  1  s  ,  D.  de  ufurpationibus  6"  ujucapionibui.  d^.fine  j^oj^ 
fêjfoni  ,  dt  rrguJis  juris  ,  in-6". 

(a)  Ui'ucafio  ejl  edjeâin  domin'ù  per  continuanonem poffejjia- 
nii  nmporis  lege  d(fiiiiti.  Loi  j  j  D.  ie  ufucapienibus . 


PRESCRIPTION. 

tloiî^eurs  ,  funt  in  poffeffione  ,fed  non  jiofuiint ,  (  ils 
font  dans  la  pofleffion  ,  mais  ils  ne  poffcilent  pas  ). 
On  verra  ci-après,  §.  VI,  le  développement  de 
cette  maxime.  Revenons  à  notre  proposition  ,  que 
pour  prefcrire ,  il  faut  pôfTéder  de  droit  &  de  fait  : 
elle  a  befoin  de  quelques  explications. 

D'abord,  il  importe  peu  que  nous  pofiedions 
par  nous-mêmes  ou  par  d'autres.  Celui  qui  afferme 
un  bien  ,  &  en  reçoit  les  loyers ,  n'en  jouit  que  par 
le  miniftère  de  Ton  fermier  :  cependant  il  n'en  eft 
pas  moins  réputé  poffeiîeur  naturel  &  civil;  &  la 
Prefcriptlon   court  en    fa  faveur   pendant  tout   le 
bail ,  comme  s'il  détenoit  perfonnellement  le  fonds. 
En  fécond  lieu  ,  quoique  pour  commencer  à  pref- 
crire ,  il  faille  poiTéder  naturellement  &  civilement 
tout  cnfemble  ,  néanmoins  quand  il  ne  s'agit  que 
de  continuer   &  d'achever   une  Prefcrjption  déjà 
commencée  ,  il  n'eft  befoin  que  de  la  pcfTelUon 
Civile  ,  ou  ,  ce  qui  efl  absolument  la  même  chofe  , 
de    l'intention    de   retenir  la  pofleffion  qu'on  a  , 
fans  en  faire  d'afle  extérieur  &  afluel. 

La  raifon  en  ert  que  la  pofleflion  ne  peut ,  à  la 
vérité  ,  s'acquérir  que  par  le  concours  du  fait  avec 
l'intention  ,  mais  qu'elle  fe  conferve  par  l'intention 
feule. 

Et  fi  l'on  veut  remonter  jufqu'à  h  fource  pri- 
mordiale de  cette  raifon,  on  fentira  aifénient,  d'u- 
ne part,  qu'il  eu  rarement  poffible  de  potîéder  na- 
turellement fans  difcontinuer,  &que,  de  l'autre, 
il  eft  toujours  plus  facile  de  confervcr  que  d'ac- 
quérir (i). 

Ainfi ,  quoique  je  laiffe  tomber  en  friche  un  hé- 
ritage dont  j'ai  perçu  les  fruits,  ou  que  je  ccirc 
d'exercer  un  droit  dont  j'ai  ufé  auparavant,  je  ne 
fuis  pas  moins  réputé  polleffeur  de  l'un  ou  de  l'au- 
tre ,  à  l'effet  de  prefcrire  ;  &  il  faudrolt  pour  m'o- 
ter  cet  avantage,  qu'un  autre  vînt  me  déjeter  & 
interrompre  ma  polTefEon. 

Obfervez  cependant  que  fulvant  l'opinion  la  plus 
corr.mune  des  interprètes  (2)  ,  la  poffeffion  civile 
n'tft:  cenfée  continuer  feule  que  pendant  dix  ans  , 
parce  qu'on  ne  peut  pas  préfumer  plus  long-teraps 
i'exiftence  d'une  i-uention  qui  demeure  cachée. 
Ainfi ,  difcnt  ces  auteurs  ,  lorfqu'une  perfonne  , 
après  avoir  poiTédè  extérieurement  £c  de  fait ,  ceiTe 
pendant  dix  ans  de  raanifeiter  par  des  a.&.es  de  pof- 
feffion naturelle  le  deflein  qu'elle  a  de  continuer 
à  pofléder ,  s'il  lui  faut  cDcoro  cet  efpace  de  temps 
pour  prefcrire  ,  elle  ne  prefcrira  pas. 

(I)  Voy;z  fur  tous  ces  p:incipes  la  loi  5,  V).  de  tarer  dl  dis  ; 
]e  §.  ^  ,  \ujî.  de  intcrdiciis  ;  les  lois  4  &  demie 'e  ,  C.  de  in- 
terdi^iis  ;ia  loi  i  ,  $.  vuJgô  &c  dernier  ,  D.  df  vi  &*  vi  armarâ  ; 
lei  lois  I,  3  ,  6  &:  7  ,  D.  ce  accpi'rendi  vel  amittendâ  pojfef- 
fior.e  ;  la  loi  5 1  ,  D.  di  vfttrpaiionibus  &*  ufurapionilui  ;  la  loi 
4,  D.  de  acquirendl  b"  retinenid  peff'Jf'om  ;  la  loi  il ,  C.  de 
jirxfcriptionc  longi  tcmporis  ,  &  le  §,  ditlna ,  D.  de  ufuca- 
fioie. 

(1)  Covarruvias,  in  cap.  pcfTcfTor.  pj;7,  2  j  §  1,0.3. 
VaG.]uez ,  ccnircj'.  iHuJlr.  lib.  t  ,  cap.  7S,p.  4.  Co.lex  Ta- 
brianus ,  lib.  7  ,  jir.  7,  defia.  ii.  Balbus  in  L.  Celfus ,  cjuxll. 
1  ,  n.  7. 


PRESCRIPTION.  309 

Dans  l'ufage  ,  cette  queflion  dépend  aflez  de 
l'arbitrage  du  )uge  ;  c'ell  a  lui  à  pefer  les  circonf- 
tanccs  dont  on  prétend  inférer  que  l'omiflion  ab- 
folue  de  tout  aéte  de  polTeiTion  naturelle  ,  em- 
porte difcontinuation  de  poiîeffion  civile  ;  \k  fans 
doute  pour  apprécier  les  préfomptions  qui  peu- 
vent avoir  lieu  en  cette  matière  ,  il  doit  être  plus 
difficile  lorfqu'il  s'agit  de  droits  incorporels  qu'on 
n'a  pas  l'occafion  d'exercer  fouvent  ,  que  lorfqu'il 
eft  queflion  d'un  objet  fur  lequel  on  peut  faire 
de  fréquens  aQ.cs  de  poffeffion  extérieure  &.  ac- 
tuelle. 

Une  autre  vérité  qu'on  ne  doit  jamais  perdre  de 
vue  ,  c'eft  que  la  poireffion  naturelle  même  fe 
conferve  par  fes  reiies  &  fes  vefiiges.  Ainfi ,  les 
ruines  d'un  bâtiment,  tant  qu'elles  refient  fur  le 
fonds  où  vous  avez  fait  acle  de  propriété  en  bâtif- 
fant,  vous  maintiennent  dans  la  qualité  de  pof- 
feflçur  de  ce  fonds  (t), 

M  Sur  ce  principe,  dit  Dunod  ,  M.  de  Renac 
«  ayant  voulu  rétablir  un  moulin  que  fes  auteurs, 
»  feigneurs  d'Amoncour,  avoient  eu  fur  la  rivière 
»  de  Lanterne  ,  au  territoire  de  Confiandé  ,  mada- 
i>  me  la  comtefle  de  Gramrnont ,  dame  de  Con- 
»  flandé  ,  s'y  oppofa  •  &  dit  que  ce  droit  de  mo«- 
»  lia  fur  la  rivière  aroit  été  une  fervitude  ,  mais 
>»  qu'elle  étoit  perdue  par  le  non  ufage  de  plus  de 
»  cent  ans  :  M.  de  Renac  répliqua  qu'il  avoir  con- 
w  (crvé  fa  poffieffion  par  les  veftiges  de  l'éclufe  qui 
»  paroiflbit  encore  dans  la  rivière,  &  g^gna  loa 
»  procès  fur  ce  fait ,  par  arrêt  rendu  à  la  cham- 
»  bre  des  eaux  &  forêts  du  parlement  de  Befarçon, 
M  au  rapport  de  M.  Matherot  de  Dernes  ,  le  1 3 
n  aoiàt  1710  w. 

Sur  le  même  principe, Louis XIV,  par  une  décla- 
ration du  6  mai  1680,  dont  nous  parlerons  aux  ar- 
ticles Convtntualiti  &c  Prieur,  a  décidé  que  la  con- 
ventualité  ne  ic  prefcriroit  point  dans  les  bénéfices , 
tant  qu'il  exifleroit  des  lieux  réguliers. 

Il  efl  encore ,  daos  cette  matière,  un  point  fur  le- 
quel on  doit  être  fort  attentif;  c'eli  de  ne  p?.s  croire, 
fans  preuve  ,  à  la  cefTation  abfolue  de  la  poiTeflion 
naturelle  ,  foit  pendant  dix  ans  ,  foit  pendant  tout 
autre  temps ,  car  cette  ceflation  ne  fe  préfume  pas. 

Auffi  tous  les  doûcurs  enfcignent-ih  que  la  pof- 
feffion ancienne  fait  préfumer  la  nouvelle  ;  &  ils 
ajoutent ,  avec  raifon  ,  que  û  on  prouve  avoir  pof- 
fédé  au  commencement  (Se  à  la  fin  ,  on  efl  par 
cela  feul  cenfé  l'avoir  fait  également  pendant  le 
temps  intermédiaire  (2). 

Mais  peut-on  dire  vice-versa  que  la  pofTefTion 
nouvelle  fait  préfumer  l'ancienne  ?  Non  ;  de  ce  que 
vous  êtes  aéîuellement  en  poiîeffion  ,  il  ne  s'enfuit 


(1)  D'Argentré  fur  h  courunie  de  Bretagne  ,  article  i^-ffî , 
chapitre  4  ,  n.  lo  ,  &  fur  l'article  3  «S.  Pcckius  de  aqua.fucîu  , 
livre4  ,  queRion  63  ,  &  Je  ftrvnutihus  ,  chapitre  4,  «.jucf- 


tion  11. 


(1)  OUmpojfsJfor  ,  hodU  po_!fejTor  prtrfurr.hur  i  tr  ex  pojef- 
fume  deprxterito  r.r^'^uhurpoJJ'effiodefrffenti  (:)•  Fiidii  i.rnog. 
ris ,  nifi  contrfirium  probitur. 


310  PRESCRIPTION. 

nullement  que  vous  ayez  poiïédé  pendant  tout  le 
temps  requis  pour  prefcrire  ;  une  polTeiTion  conti- 
mi:e  pendant  ce  temps  ,eft  le  titre  du  prelcrivant  j 
c'cil  ;i  lui  d  en  faire  la  preuve. 

Remarquons  cependant  que  fi  Ion  avoit  un  titre 
avec  une  pofleliion  a6Hielle  qui  y  fût  relative  ,  on 
ieroit  préiumé  avoir  poliédé  depuis  le  titre  ;  & 
quand  on  a  joui  pendant  trente  ans,  on  eft  cenfé 
avoir  le  droit  de  ceux  qui  ont  poliédé  dans  les  temps 
les  plus  reculés  ,  &c  leur  avoir  fuccédé  à  quelque 
titre. 

La  ville  de  Bruxelles  a  ,  fur  la  preuve  de  la  pof- 
feffion  requife  pour  prefcrire  ,  un  flatut  particu- 
lier &  trés-remarquable.  Voici  ce  qu'il  porte  : 

a  Q»ani  à  la  preuve  de  la  poffeffion,  notre  in- 
«  tentlon  cfl  telle  :  Si  quelqu'un  peut  démontrer 
y*  par  deux  t  moins  loyaux,  que  lui,  fes  ancêtres 
t»  ou  ceux  dont  il  a  la  caufe  ,  ont  poiïédé  les  biens 
>»  qu'il  veut  retenir  par  voie  de  Prefcription ,  pa- 
"  cifiquement  comme  leurs  propres  ,  au  commcn- 
s>  cernent  de  la  Prefcription ,  environ  le  milieu  ,  & 
»»  au  temps  que  la  Prefcription  s'achève,  celui-là 
«  fatisfait  quant  à  la  preuve  ;  ne  fwt  que  la  par- 
*>  tie  adverfe  pourroit  légitimement  démontrer  , 
»»  comme  devant ,  qu'un  aiurc  auroit  pofledé  quel- 
»»  que  temps  lefdits  biens  comme  fes  propres  ,  pen- 
V  dnnt  le  cours  de  la  Prefcription  «. 

Ce  ftatut  eft  du  3  I  avril  1412. 

Diuxicmc  point. 

La  po/Tefîîon  feinte  fert-elleaufll-bien  pour  pref- 
crire ,  que  la  poiïeiTion  réelle  ? 

Pourquoi  non?  La  poiTeflion  feinte  cft  une  pof- 
fefTion  (elon  la  loi  :  elle  doit  par  confoquent  avoir 
tous  les  effets  que  la  loi  a  attachés  à  la  poiïeflion 
en  général.  Or,  l'un  de  ces  efiéts  eft  d'opérer  la 
Prefcription. 

Ainfi,  lorfqu'en  vous  vendant  un  bien  dont  je 
ne  fuis  pas  propriétaire,  je  ne  vous  en  fais  la  tra- 
dition que  par  une  claufe  de  conftitut ,  je  ne  vous 
en  rends  pas  moins  poffeftcur  habile  à  le  prefcrire  , 
que  fi  vous  en  receviez  de  moi  nne  tradition  réelle 
êieffeitive. 

Par  la  même  raifon  ,  fi  après  la  mort  d'une  per- 
fonne  à  qui  j'ai  droit  de  fuccéder  ab  inteftat  ,  je 
laifle  écouler  quelque  temps  fans  me  déclarer  hé- 
ritier, ce  temps,  d'après  la  règle, /e  mort  farfit  U 
\if,  ne  laifiera  pas  de  me  fervir  pour  la  Prefcrip- 
tion des  biens  qui  ,  quoiqu'apppartenans  à  autrui, 
peuvent  fe  trouver  dans  la  fucceffion. 

Mais  cette  règle  n'eft  pas  générale;  8c  dans  l'ap- 
plication qu'on  peut  en  faite,  il  faut  diilinguer  les 
perfonnes. 

S'il  s'agit  de  prefcrire  contre  celui  de  qui  vient 
la  pofTeflion  feinte  ,  ou  contre  celui  au  préjudice 
duquel  la  loi  l'a  donnée ,  notre  règle  eft  conftante  , 
générale  ,  &  ne  fouffre  point  d'exception. 

Mais  eft  il  queftion  de  prefcrire  contre  un  étran- 
ger ?  la  pofftfiion  feinte  ne  peut  être  tuile  qu'au- 
tant qu'un  tiers  n«  s'empare  pas  tls  la  chofe. 


PRESCRIPTION. 

Aînfi ,  quoique  la  coutume  continue  la  po/Tel*-' 
fion  du  défimt  à  ion  héritier,  cette  continuation 
n'a  point  d'effet  contre  un  étranger  qui  s'entremet 
dans  la  chofe  héréditaire  ,  &  qui  interrompt  la 
Prefcription. 

De  même  ,  quoique  vous  puiffiez  ,  par  une  pof- 
fcfîîon  feinte  ,  prefcrire  pendant  la  vie  de  l'ufufrui- 
tier  qui  tient  f©n  droit  de  vous  ;  néanmoins  fi ,  à  la 
mort  de  celui-ci ,  fon  héritier  continue  à  jouir  du 
bien  ,  fa  jouiiTance  interrompt  votre  Prefcription  , 
parce  que  ce  n'eft  plus  pour  vous,  mais  en  fon  nom 
qu'il  pofsède. 

Troi/îcme  Point. 

Il  y  a  des  pofleftions  équivoques,  c'eft-à-dirc,' 
qui  Jaifl'ent  douter  fi  le  détenteur  d'une  chofe  en 
jouit  pour  lui-même  ou  pour  autrui,  &  par  confé- 
quent,  fi  c'eft  pour  lui-même  qu'il  preicrit ,  ou  fî 
un  autre  prefcrit  par  fon  fait. 

D'Argentré,  fur  l'article  265  delà  coutume  de 
Bretagne  ,  chapitre  5  ,  établit  plufieurs  principes  , 
dont  l'enfemble  peut  former  là-deiïiis  une  règle  ca- 
pable de  lever  tous  les  doutes. 

1°.  Celui  qui  a  un  titre  eft  préfumé  pofféder  en 
vertu  &  en  conformité  de  ce  titre:  c'eft  la  caufe 
apparente  de  fa  poft"eftion,  5f  rien  n'eft  ft  naturel 
que  de  les  référer  l'un  à  l'autre.  Les  lois  ont  d'ail- 
leurs pris  foin  d'aftiirer  ce  principe  :  ad  primordium 
titidi,  dit  un  texte  célèbre  du  droit  romain  (1)  , 
femper  pojlerior  formatur  cvcntus. 

2".  Celui  qui  a  plufieurs  titres ,  pofsède  plutôt 
en  vertu  de  ceux  dont  la  validité  n'eft  pas  fufcep- 
tible  de  contradi61ion  ,  que  de  ceux  dans  lefquels 
on  peut  trouver  des  défauts  ou  des  nullités.  Il  peut 
même  ,  fur-tout  quand  il  eft  défendeur,  rapporter 
la  pofleflîon  à  celui  de  fes  titres  qu'il  juge  à  pro- 
pos ,  pourvu  qu'en  le  faifant ,  il  ne  choque  pas  les 
règles  &  la  vraifemblance. 

3".  S'il  eft  prouvé  qu'on  foît  entré  en  pofTcffi&n 
an  nom  d'autrui ,  la  préfomption  eft  qu'on  a  con- 
tinué à  poiïéder  de  même.  C'eft  une  conféquence 
de  la  maxime  ,  nemo  fibi  potefl.  mutare  caufam  pof- 
jejfwnis  (nul  ne  peut  changer  lui-même  la  caufe 
de  fa  po(^feflion  ).  Pour  détruire  cette  préfomption  , 
il  faudroit  une  interverfion  de  titre  ;  elle  feule 
peut  faire  croire  qu'après  avoir  poffédé  pour  au- 
trui, on  a  dans  la  fuite,  poffédé  pour  foi  même. 
"Voyez  ci-après  ,  §.  VI. 

4*.  Quand  il  n'y  a  pas  de  circirconftances  ni  de 
raifons  prefîantes  pour  faire  préfumer  qvi'on  a  pof- 
fédé pour  un  autre  ,  c'eft  pour  foi-même  qu'on  efl 
cenfé  l'avoir  fait. 

5°.  Souvent  la  qualité  qu'on  a  prife  dans  les 
afles  de  jouifTance ,  fait  juger  fi  c'eft  pour  foi  ou 
pour  un  autre  qu'on  a  joui.  Quelquefois  cependant 
cette  qualité  ne  fe  prend  que  comme  un  titre 
d'honneur  ,  &  alors  elle  ne  peut  rien  déterminer. 
Par  exemple  ,un  évêque  a  fait  des  baux,  dans  lef^ 


(j)  Loi  unii^iue  ,  C.  de  impmendû  lucraùvd  d(fcriptimUt 


PRESCRIPTION. 

cjucls  il  a  exprimé  fa  dign'.té  :  on  ignore  fi  c'eit 
à  raifon  de  ion  bénéHce  ou  de  (on  patrjmoine  qu  il 
leb  a  faits  de  quel  côt.^  doit  pencher  la  préfomp- 
tion  ?  Il  cft  certain  que  le  titre  dévêque  employé 
dans  les  a»^es  ,  n'eft  pas  une  raifon  fuffifante  pour 
faire  croire  qu'il  a  traité  comme  bénéHcier.  Il  taut 
donc  prcfumer,  jufqu'à  la  preuve  du  contraire, 
que  cei^  pour  lui  même  &à  raifon  de  foa  patri- 
moine ,  qvi  il  a  pafTé  les  baux. 

6".  Si  Ion  n'a  pomt  pris  de  qualité  ,  maïs  que  la 
cliofc  poffcdéc  regarde  naturellement  une  autre 
perfonne  ,  on  fera  préfumé  avoir  pofledé  pour 
elle. 

Ainfi,  un  mari  qui  a  donné  un  fonds  à  fa  femme 
par  leur  contrat  de  mari  ge ,  pofiède  pour  elle  pen- 
dant que  le  mariage  lublille. 

Ainfi,  un  pèie  qui  a  retiré  ou  acheté  un  fonds 
pour  fon  fi's  ,  tit  ccnfé  en  jouir  comme  adminif- 
trateur  légitime. 

il  en  feioit  de  même  d'un  donateur  qui  auroit 
retenu  l'ufufruit  de  la  chofe  donnée  ;  la  jouif- 
fance  probtcroit  au  donataire  poar  la  Prefcription. 
Mais  fi  les  a£les  de  polïeiîion  de  l'adminiilra- 
teur,  du  mandataire  ou  autre  femblable  ,  ne  lui 
étoient  permis  que  comme  maître  ablolu  de  la 
chofe  ,  il  pourroit  être  cenfé  avoir  joui  en  fon 
nom  propre,  &  prefcrit  pour  lui-même  ,  encore 
que  fa  jouilTance  tombât  fur  des  chofes  commifes 
à  fon  adininillration;  du  moins  ,  cela  ne  fouffriroit 
nulle  difiiciilté ,  s'il  avoit  acquis  en  fon  nom. 

Par  exemi^'le,  un  mandataire  qui  ayant  un  pou- 
voir fpécial  pour  acquérir  ,  acheté  fans  dire  ex- 
prelTément  que  c'ett  pour  lui  ,  eft  bien  cenfé  le 
faire  pour  fon  commettant;  mais  s'il  acquiert  en 
fon  nom  propre  ,  &  qu'il  jouilfe  en  conféquence  , 
il  efl  clair  que  la  pofîeffion  ne  profitera  qu'à  lui. 

Quatrième  Point. 

Comment  s'acquiert  &  fe  maintient  la  po/Tef- 
fion  d'un  droit  incorporel.''  Quels  ailles  ,  (k  com- 
bien en  faut-il  pour  conftltuer  cette  poffefiîon  ,  & 
en   faire  réfulter  une  Prefcription  ? 

Poilédcr  un  droit  incorporel,  c'eû  en  tirer  l'hon- 
neur ou  le  profit,  ou  faire  les  ailes  qui  y  font 
propres.  On  exerce  ,  par  exemple  ,  les  droits  de 
chauffage  &  de  pâturage,  quand  on  coi:pe  du  bois 
ou  qu'on  fait  paitrc  Ton  bétail  dans  la  forêt  ou 
dans  le  fonds  d'aiitrui.  On  jouit  du  droit  de  fépul- 
ture  ,  quand  on  fait  enterrer  les  perfonnes  de  fà 
famille  dans  une  certaine  place  ;  de  celui  d'élec- 
tion ,  quand  on  concourt,  par  fon  fuffrage ,  à  la 
nomination  d'un  officier,  d'un  évêque,  d'un  cha- 
noine ,  &c  ;  de  celui  d'un  patronage  quand  on  pré- 
fente  avec  effet  au  bénéfice  vacant,  &c. 

Sur  la  queftion  de  favoir  combien  d'aéles  de  pof- 
feffii'U  il  faut  pour  prefcrire  un  droit  incorporel, 
on  doit  diftinguer  fa  ce  droit  efl  dû  par  la  chofe  à 
la  chofe  ,  ou  fi  c'efl  à  la  perfonne  qu'il  eu  du. 

Dans  le  premier  cas,  il  f?Mi: ,  pour  prefcrire  le 
droit ,  en  répéter  les  ades  aflez  fréquemment,  D'a- 


PRESCRIPTION.  51X 

bord  cette  répétition  eft  prefque  toujours  facile , 
elle  ne  dépend  que  de  la  volonté  ,  ik  c'eft  une  rai- 
fon pour  qu'on  y  foit  tenu  ,  fi  on  ne  veut  pas  mar- 
quer qifoM  abandonne  ou  qu'on  néglige  le  droit: 
enfuitc  ,  le  tonds  dominant  étant  incapable  d'in- 
tention &  de  poffeffion  ,  il  faut  bien  qu'on  mani- 
feHe  par  des  aéles  extérieurs  la  polTeffion  naturelle 
du  droit  auquel  on  entend  le  loumettre. 

Il  n'en  efî  pas  de  même  quand  le  droit  eft  dû  à 
la  perfonne.  Dès  qu'on  en  a  joui  comme  maître ,  on 
eft  cenfé  conferver  la  volofité  d'en  ufer  encore , 
lors  que  l'occafion  s'en  préfentcra^;  &  dès-là  on  en 
demeure  poffeffeur  civil. 

Panorme  fur  le  chapitre  cùm  ecch/îa  futrina. ,  aux 
décréiales  ,  ^e  cauj'd  pofj'ejjitnis  &  proprietatis  ,  fait 
fur  cette  matière  une  diltinélion  qui  revient  allez  à 
la  nôtre. 

Il  y  a,  dit  il,  des  aiSles  qu'on  ne  permet  point 
par  amitié  ou  par  familiarité ,  parce  qu'ils  font  tous 
de  conféquence  :  telles  font  la  préfentation  lik  l'é- 
leétion  à  vn  bénéfice.  Il  en  eft  d'autres  qui  ne  font 
pas  d'abord  de  conféquence,  ix  qui  fe  tolèrent  quel- 
que temps  entre  amis ,  comme  de  paffer  fur  fon  hé- 
ritage. D'autres  enfin  s'accordent  à  l'amitié  ou  à  la 
familiarité  ,  comme  de  recevoir  un  homme  chez  foi 
ou  de  le  régaler. 

Ceux-ci  ne  forment  jamais  de  poffeftîon ,  &  ne  fe 
prefcrivent  pjs,  à  moins  qu'ils  ne  foient  accom- 
pagnés de  circonftances  capables  de  faire  juger 
qu'on  en  a  ufé  comme  d'un  droit.  Voyez  ci-après  , 
§.  VI. 

Les  féconds  ne  produifent  une  véritable  poffef- 
fion  ,  que  quand  ils  font  réitérés  en  fi  grand  nom- 
bre, qu'il  paroiiTe  qu'on  n'en  a  p;is  ufé  par  fami- 
liarité ,  mais  par  droit. 

Quant  aux  aéles  de  la  première  efpèce  ,  un  feul 
peut  fuffire,  fuivant  Panorme,  pour  nous  mettre 
en  poiïeffion  du  droit. 

En  eftet ,  dit  Dunod  ,  un  feul  a(5îc  d'ëlcflion  & 
de  préfentation  peur  faire  maintenir  celui  qui  l'aura 
fait  dans  la  polTcifion  d'élire  ou  de  préiénter.  C'eft 
ce  que  nous  appelons  le  dernier  état  du  hinèfice  ^ 
qui  eft  déciflf  en  cette   matière  pour  le  pourvu. 

"Voyez  ÛERNIEB.  ÉTAT.  -- 

On  peut  ajouter  que  les  chapitres  querelam,  de 
eleéïionU'Us  ,  6'  confultationibus  ^  du  titre  de  jtrepa- 
tronarûs ,  aux  décrétales ,  parlent  d'une  prfe  de 
polTeflîon  d'un  droit  incorporel ,  qu'ils  fuppofent 
valab!ement  opérée  par  un  feul  aâe. 

Or ,  dès  qu'une  fois  on  a  la  poffeflion  ,  rien  n*eft 
fi  alfé  quii  de  la  conferver  civile  nent.  On  p:ut 
donc  tenir  pour  règle,  qu'il  eft  pofîible  d'acquérir 
la  Prefcripion  en  vertu  d'un  feid  a6le  ,  fuivi  du 
temps  requis  pour  prefcrire. 

SeuLment ,  or;  doit  faire  attention  que  pour  cela 

il  faut  i''. ,  que  la  poiTtiTion  foit  des  derniers  temps, 

2°.  qu'elle  n'aif  pas  étf  interru.mpne  pnr  des  aftes 

contr.-îircs..  f  .  qu'il  ne  fe  foit  pas  piefente  d'occa- 

,  fion  de  réitérer ,  4°.  vj[ue  i'aéle  par  Icc^uel  on  a  coin- 


311  PRESCRIPTION. 

inencc  à  prefcrire  ait  eu  fon  exécution  ôc  foit  bien 
tbrmel. 

On  oppofe  à  cette  rùColuùon  trois  textes  du  droit 
canonique. 

Le  premier  eft  le  chapitre  déjà  cité  ,  càm  ecchfn 
futrina;  en  parlant  de  la  Prefcriptîon  d'un  droit  in- 
corporel,  il  fait  mention  de  trois  ades. 

Le  fécond  eft  le  chapitre  cùm  olim  du  même  titre, 
qui  parle  de  deux  aftcs. 

Le  troifième  eft:  le  chapitre  9  de  la  fefîîon  23  du 
concile  de  Trente ,  fuivant  lequel  le  droit  de  pa- 
tronage ne  peu't  s'acquérir  fur  une  églife  libre  ,  par 
la  voie  de  Prefcriptîon,  que  par  des  prélentaiions 
multipliées  (i). 

Mais  la  réponfe  eft  facile.  S'il  eft  parlé  de  plus 
d'un  a61e  dans  les  deux  premiers  textes,  ce  n'eft 
eu'énonciativement ,  &  parce  qu'il  y  en  avoit  plu- 
fieurs  dans  les  hypothèques  fur  lefquellcs  le  pape 
étoit  confuîté.  Auffi  la  glofe  remarque-t-elle  (jue 
la  décifion  auroit  été  la  même  ,  s'il  n'y  eût  eu  qu'un 
feul  adle  (2).  Quant  au  concile  de  Trente,  fon 
«îécset  frappe  fur  vme  Prefcript'on  acqvufe  contre 
Je  droit  commun  ,  &  qui  ne  peut  être  fondée  que 
par  un  temps  immémorial ,  dînant  lequel  il  n'eft 
|.as  pofilble  qu'il  n'y  ait  eu  plufienrs  occafions  de 
préfenter.  Voilà  pourquoi  il  exige plufieurs  préfen- 
tations. 

Au  furplus  ,  notre  propofîtion  générale,  qu'un 
acte  fuffit  pour  prefcrire  nn  droit  incorporel  dû  à 
Va  perfonne  ,  n'eft  pas  toujours  fufceptible  d'une 
application  littérale  dans  la  pratique-  Comme  les 
circonftances  varient  beaucoup  en  cette  matière  , 
Panoime  eftime  qu'on  doit  laifîer  la  queftion  à 
l'arbitrage  »!u  juge  (3).  C'eftaufîi  l'opinion  de  Vaf- 
qi!C7,  (  4  )  &  de  MenodVuis  (  5  ). 

Voyez  ci-aprés,  fcflion  3  ,  §,  i. 

Cinquième  point. 

Une  des  règles  les  plus  triviales  de  la  Prefcrip- 

tion  ,  c'eft  qu'elle  ne  s'applique  préciféraent  qu'à  ce 
(qui  a  été  pofledé  :  tantum  prefcriptum ,  quanwm. 
Les  queiVions  qui  réfultent  de  cett.'  règle  ,  font 
amplement  traitées  par  Felinus  (  6  )  ,  Fagnan  (  7  )  , 
Balbus  (8)  t<  d'Ar«;cntré  (  9  ). 

(i)  Ex  multiplicdàs  prafentationlbus  ,  per  antiquijTimum 
tmî'O'-is  curfum  ,  gui  hominum  memoriam  exceiJt. 

(1)  Et  ita  pctet  quoi  fi  hrcvitas  temporli  non  olflaret  ,  ijîi 
clerici  prxfcripfijj'ent  jus  d'igcndi ,  ctiamfî  ftmd  elegiffenr.  Ce 
font  les  termes  de  !a  gloreùit  le  chipurc  cùm  ecchjîa  futrina  , 
aux  mots  hnvit.nem  temporis.  La  glofe  fur  le  chapitre  cùm 
olim  dit  Ja  même  chofe  ,  au  mot  duahus. 

(i)  Judex  ex  variis  àrcumjiamiis  aihlcrabitur  anfvficiat 
vnicus  aElus  ,  vcl  (juot  reçuirantur, 

(4)  Controverf..  illujl  lib.  1 ,  cap,  S7  ,  n.  if . 

(f)  De  ârbitr,  lib.  i ,  ccntur,  t ,  caf.  160. 

(a)  Sur  le  cliapitre  aui/irjj,  aux  déctâales,  de  prafcrip- 
liinilui. 

(7)  Sur  le  chapitre  cùm  olim,  de  ca'jfd propriecatîs  &•  pof- 
fejjionis. 

(8)  De  prafcripîioniius  t  ï'^^i'C-  1»  pî'.'icip.  qua^.  1  ,  \\ 
Lffeq. 

(9)  Sur  l'article  i^s  de  l'aucicane  cijunurac  de  Bcewgne  , 


PRESCRIPTION. 

Mais  pour  ne  pas  trop  nous  étendre  ,  nous  nous 
renfermerons  dans  ce  qu'en  dit  Dunod. 

»  La  Prefcription  qui  exige  un  titre ,  dit-il ,  n'ac- 
'>  quiert  que  ce  qui  a  été  poffédé  ,  relativement  au 
"  titre  &  à  la  jouiffance  de  celui  dont  il  vient,  lorf- 
»  qu'on  veut  fe  fervir  de  l'accejjion'de  fon  temps. 
»  Celle  qui  n'en  exige  point ,  telle  que  la  trente- 
»  naire,ne  donne  que  le  droit  qu'avoit  celui con- 
»  tre  lequel  on  a  prefcrit;  fi  donc  il  n'avoit  que  le 
"  domaine  utile,  elle  n'en  donneroit  point  d'au- 
»  tre  ,  &  n'éteindroit  point  les  fervitudes  dont  le 
»  fonds  étoit  chargé,  fi  celui  à  qui  elles  étoient 
5)  dues  ,  en  étoit  demeuré  en  pofTefiîon. 

)'  Lorfque  quelqu'un  eft  fondé  par  le  droit  com- 

»  mun,  par  un  privilège,  ou  par  titre,  dans  un 

)>  droit  univerfel  qui  eft  compofé  d'efpëces  diffé- 

»  rentes ,  l'on  ne  prefcrit  contre  Un  que  les  efpè- 

M  ces  particulières  dont  il  jouit.  C'eft  ainfi  qu'en 

»  matière  de  juridiâion  ,  celui  qui  ne  fait  que  dés 

»  a6îes  de  bafte-juflice,  ne  prefcrit  ni  la  moyenne 

»  ni  la  haute.  Celui  qui  n'exerce  Ja  juridiâion  qu'au 

»  civil,  ne  la  prefcrit  pas  au  criminel.  Celui  qui 

M  n'en  jouit  qu'au  premier  degré  ,  ne  l'acquiert  pas 

j>  au  fécond.  Celui  qui  n'a  poflédé  que  la  juridic- 

»  tion  contentieufe,  n'a  pas  acquis  la  gracieufe.  La 

M  jouiftance  du  droit  de  vifite  n'emporte  pas  celui 

»  de  procuration  ;  &  celle  du  droit  d'admettre  les 

»  dtmiflîons  ,  ou  d'inftituer  ,  n'eft  d'aucune  confé- 

»  Guence  po\ir  dcftituer  ,ou  pour  admettre  les  pçr- 

j»  mutations.  La  prefcriptîon  de  la  dixme  de  cer- 

»  tains  fruits  ,  &  celle  de  certains  droits  feigneu- 

)j  riaux  ,  doit    être   bornée   à  ces  fruits  &  à  ces 

)»  droits  avec  celui  qui  a  le  droit  univerfel.  L'on 

»  ne    doit,  en    cette  matière,  rien  attendre  par 

»»  identité  de  raifon  ;  ainfi,  celui  qui  a  prefcrit  un 

))  péage  fur  les  gens  de  pied  feulement,  ne  l'aura 

5>  pas  fur  les  gens  à  cheval  ;  celui  qui  ne  l'a  levé 

)i  que  fur  certaines  marchandifes  ,  ne  l'a  pas  pref- 

»  crit  fur  celles  d'une  autre  efpèce. 

V  11  n'en  eft  pas  de  même  quand  ils'agit  de  con- 
«  ferver  le  droit  univerfel  ;c?.r  celui  à  qui  il  appar- 
»  tient  en  retient  plus  facilement  la  p©(Teftîon  qu'il 
"  ne  l'a  perd.  Les  afles  d'une  efpèce  la  lui  con- 
«  fervent  pour  tous  lesautres,  &  pour  tout  le gen- 
j»  re  ,  tandis  qu'un  tiers  ne  prefcrit  pas  ces  autres 
»  efpéces.  Que  s'il  n'eft  pas  queftion  de  prefcrire 
j)  contre  une  perfonne  fondée  en  l'univerfilité 
i>  du  droit,  les  aé^es  d'une  efpéce  pourront  acquérir 
»  toutes  les  autres  qui  font  coniprifes  fous  le  mc- 
»  me  genre  ,  lorfqu'on  a  l'intention  de  pofieder 
i>  en  entier.  Ainfi  l'évêque  qui  fait  des  a£les  d'une 
»  efpèce  de  juridiflion  dans  un  lieu  dont  le  dio- 
)i  cèfe  n'eft  pas  certain  ,  prefcrit  le  droit  d'y  exer- 
»  cer  la  juridiélion  épifcopale  pleine  &  entière; 
»  S:  de  même  celui  qui  a  une  conceflîon  générale 
V  d'un  droit ,  faite  par  celui  qui  pouvoit  l'accorder , 


chap.  10,  nombre  31  ;  fur  l'article  156',  au  mot  fnrsrruprioTJ , 
çjiapitre  3;  S:  fur  l'article  17 1  ,  aux  mots  t'yi;^«;ariV. 

«  prefcrire 


PRESCRIPTION. 

Sj  prefcrîra  le  droit  entier  parles  a6^es  d'une  efpccer 
»>  La  Prefcription  de  quelques  droits  feigneu- 
î>  riaux,  acquifc  fur  certains  fonds  ou  fur  certaines 
«  pcrfonnes  ,  n'opère  rien  contre  les  autres  per- 
»  fonnes  &  fur  les  autres  fonds  de  la  même  fei- 
»  gneurie  ,  non  plus  que  celle  d'un  droit  préfent , 
"  à  l'égard  d'un  droit  femblable  pour  l'avenir.  Par 
«  exemple,  celui  qui  a  prefcrit  les  novales  qui 
S'  exillent  afliiellement,  n'a  pas  droit  de  prétendre 
»  celles  qui  viendront  parla  fuite.  La  prefcription 
»  mîme  du  principal  n'emporte  celle  de  l'accef- 
»  foire  ,  que  quand  ils  font  inféparables  ,  que  l'ac- 
»»  cefibire  eA  d'une  conféifuence  nécefTaire  au  prin- 
»»  cipal  ,  3c  qu'il  y  a  été  uni  dans  le  commcnce- 
»»  ment  de  la  Prefcription.  Tels  font  les  arrérages , 
»>  qui  fe  prefcrivent  en  même-temps  que  le  capital 
»>  dont  ils  dépendent,  &  les  fervitudes  réelles 
9>  qui  paffent  av<;c  le  fonds  auquel  elles  fontatta- 
9»  chées. 

«  La  prefcription  d'une  partie  intégrale  qui  peut 
il  compofer  un  tout,  n'emporte  pas  celle  des  au- 
»  très  parties.  Ainfi,  celui  qui  n'aura  po/Tédé  que  la 
>»  moitié  d'un  héritage  qui  peut  être  divifé  ,  n'aura 
»)  prefcrit  que  cette  moitié.  Mais  ù  la  chofc  cû  ïn- 
9'  dividuelle  ,  cum  pars  ejl  in  toto  ,  tanquam  aUcjiàJ 
■n  paniculartfub  univerfuli  (fi  la  portion  efl  comprife 
il  dans  le  total ,  comme  le  particulier  dans  l'uni- 
»>  verfel  )  ,  la  pofleffion  d'une  partie  entraîne  celle 
5j  du  tout ,  quand  on  a  eu  intention  de  le  pofleder; 
»J  y?c  ,  (  I  )  qui  perpartem  itineris  it ,  tot,um  jusiifur- 
jj  pare  viditur.{^A\n(\ ,  dans  les  fervitudes  ,  celui  qui 
M  ufe  d'un  chemin  en  partie  ,  ne  laiffe  pas  de  pref- 
ï>  crire  le  chemin  entier.  )  De  même  la  Prefcrip- 
»>  tion  de  la  dixme  fur  une  partie  des  fonds,  tandis 
3->  que  l'autre  partie  eft  en  friche  ,  acquiert  le  droit 
»  fur  le  tout;  &  celle  d'une  cfpéce  de  fruits  ,  en- 
»  traiiie  les  autres  fruits  décimables  du  même 
«   fonds;  ne  una  &  eadem  res  diverjo  jure  cenfeatur  n. 

Sixième  point. 

On  peut,  pour  compléter  la  Prefcription,  join- 
dre à  fa  propre  poffeCTion  ,  celle  de  fon  auteur  mé- 
diat ou  immédiat  ,  foit  qu'on  lui  ait  fuccédé  à  titre 
imiverfel  ou  particulier,  lucratif  ou  onéreux.  Mais 
il  faut  plufieurs  conditions  pour  que  cette  accejjlon 
(a)  foit  utile. 

La  première  eA  ,  qu'il  n'y  ait  pas  eu  d'interrup- 
tion entre  la  pcircfiion  de  celui  qui  prétend  pref- 
crire  &  celle  de  fon  auteur.  On  ne  doit  cependant 
rien  conclure  de  là  pour  le  cas  où  la  pofleffion  ,  au 
lieu  d'être  occupée  intermédiairement ,  a  été  fim- 
plementvidc,  coraiîie  dans  le  cas  d'une  hérédité 
jacente.  Car  il  efl  très-confiant  qu'alors  la  polTef- 
fion  antérieure  à  la  vacance  ,  &  celle  qui  l'a  fuivie , 
peuvent  fe  rejoindre.  On  peut  même  dire  ,  lorfqu'il 


(i)  Loi  s  ,  §.  I  ,D.  q-J'.madmohim  fervhuTfs  am'trun'-ur. 

(i)  Le  terme  accejjîm  eft  employé  ici  dans  un  Cens  parti- 
culier. Il  défiyne  r.iaion  de  {ii:e  accidtr  ,  c'eltà-dire  ,  dç 
j<iindre  un  temps  à  un  autre. 

Tome  XIÏl. 


PRESCRIPTION.        313 

s'agit  fimplement  de  fucceffion  ,  qu'il  n'y  a  pas 
d'uitetruption  proprement  dite  ,  puifque  dans  cette 
hypothèfe,  le  mort  faifu  le  ri/,  &  que  par  confe- 
quent  la  poffefiion  du  défunt  fe  continue  de  plein 
droit  dans  la  perfonne  de  fon  héritier  ,  en  quelque 
temps  que  celni-ci  prenne  qualité. 

Une  féconde  condition  eft,  que  la  poffeflion  que 
vous  prétendez  ajouter  à  la  vôtre,  ne  foit  pas  vi- 
cieufe.  Nous  expliquerons  dans  le  §.  VI ,  quels  font 
les  vices  qui  peuvent  rendre  la  poffeflion  inutile 
pour  la  Prefcription. 

Autre  condition  :  il  faut  que  votre  pcffe/îton  & 
celle  de  votre  auteur  foierjt  uniformes.  Si  celui-ci 
n'avoit  pofTédé  que  le  domaine  utile  ,  vous  ne 
pourriez  pas  vous  prévaloir  <^e  fa  poffeffion  ,  pour 
prefcrire  la  pleine  propriété. 

Ce  n'eil  pas  tour.  Pour  qu'il  y  ait  lieu  à  Vaccef- 
fion  dont  il  s'agit ,  il  faut  que  le  titre  vienne  de  l'au- 
teur même  dont  vous  voulez  joindre  la  polTefîîon  à 
la  vôtre.  Si  yowi  avez  re^u  le  titre  d'une  perfonne 
&  la  poflefTion  d'une  autre  ,  point  cTacceJfion  ;  parce 
qu'il  doit  y  avoir  entre  la  peffcfTion  &  le  titre  une 
relation  qui  efl  le  feul  milieu  par  lequel  deux  pcf- 
feffions  peuvent  être  jointes  pour  n'en  {ormcv 
qu'une. 

Il  y  a  cependant  quelques  cas  exceptés  de  cette 
règle.  Il  eft  certain  ,  par  exemple  ,  que  je  puis 
joindre  à  ma  poflelTjon  celle  d'une  perfonne  que 
j'ai  fait  condamner  à  lue  faire  le  délaiffement  du 
bien  qu'il  s'agit  de  prefcrire. 

Nul  doute  encore  que  l'adjudicataire  par  décret 
forcé  ne  puifTe  fe  prévaloir  de  la  po(Tcflion  du  débi- 
teur fur  qui  le  décret  a  été  pratiqué.  La  loi  14,  §. 
dernier,  au  digefie  ,  de  diverfis  lomporalibus  fnxf- 
criptionicus  (  1  )  ,  le  décide  ainfi  formellement;  8C 
c'cft  ce  qu'a  jugé  un  arrêt  du  parlement  de  Tou- 
loufe  du  mois  d'août  1701  ,  rapporté  dans  le  journal 
du  palais  de  cette  cour,  tome  6,  §.  157. 

Il  n'cil  pas  moins  indubitable  que  le  légataire 
peut  fe  prévaloir  de  la  poffefîîon  de  l'héritier  ,  qui 
n'a  pas  d'abord  délivré  le  legs  :  il  en  eft  de  même 
dans  les  cas  du  retrait  ,  foir  ligrager ,  foit  feigneu-* 
rial  ,  foit  conventionnel,  des  pafles  commiifoires , 
de  la  rédhibition  ,  de  la  refcifion  ,  de  la  réfolution  , 
du  rabattement  de  décret  fous  le  reflbrt  du  parle- 
ment di  Touloufe  ,  du  rachat  de  (nbhai^ation  dans 
la  Bretfe  ,  &  généralement  dans  tous  les  cas  oii  les 
les  chofes étant  rétablies  félon  leur  état  primitif,  la 
pofleffion  peut  être  cenfée  continuée  par  des  étran- 
gers qui  ont  joui  intennédiiirement  (a). 

EnSn,  pour  que  le  fuccefleur  puifle  joindre  la 
poiTelfion  de  fon  auteur  à  la  fienne  ,  il  faut  que  ce 


(l)  l'-errtji  ni:hi  p'gnori  dtier':s  ,  6"  canv'nfir ,  ni!î  prcii- 
u'dTifolvJjJes  ,  liceri  ex  ;  a  ''o  pignm  vcniere  ,  iiriti  viniliaim  , 
(rn';>tori  cccrffij  tui  temporis  dùri  deb^hir ,  licct  invito  te  ■■^iguora 
ii^raila  finu 

(î)  D'Argentrc  fur  l'article  i''j  rie  îi  coirune  de  'Hreti- 
^:ii; ,  caipicrd  C,  r-orubrc  50;  ^  fu:  l'auicL  271  ,  aax  mots 
à'<jiiun  ,  ncmbre  f ,  îc  «a  autre:, 

Rr 


3  M 


PRESCRIPTION. 


foit  préclfément  celle  que  (on  auteur  a  eue  jufqu  a 
la  tradition  qu'il  lui  a  faite  ,  &  dans  les  droits  de  la- 
quelle il  l'afiibrogé;  mais  ù  depuis  la  tradition ,  & 
après  que  le  fiiccelTeiira  pofTédé  pendant  quelque 
temps  la  chofe  ,  elle  cft  de  nouveau  retournée  dans 
les  mains  de  Ton  auteur,  &  qu'il  l'ait  enfuite  recou- 
vrée fur  celui-ci,  il  ne  pourra  pas  joindre  cet  in- 
tervalle à  fa  pofTenion.  Pourquoi  ?  Parce  que  la  pof- 
icfîion  intermédiaire  que  Ton  nutenr  nn  eue  que 
pofl.'^rieureinent  à  la  tradition  qu'il  lui  a  faite  delà 
chofe  ,  n'eft  pas  celle  aux  droits  de  laquelle  cette 
tradition  l'a  fubrogé.  C'cfî  la  décifion  de  la  loi  i  5  , 
§.•5  ,  D.  de  dïverjîs  tcmpoiibits  prafcriptionum  (i). 

Septième  Point, 

Peut- on  prouver  la  po^'effion  par  témoins  ?  Il  faut 


dlffinguer 


Ou  il  s'agit  d'un  bien  on  d'un  droit  à  l'égard  du- 
quel la  poik'<rjon  confiOe  purement  en  faits  ;  & 
alors  point  de  doute  que  la  preuve  par  témoins  ne 
l'oit  admiiTible. 

Ou  il  efî  quertion  d'un  de  ces  droits  qui  fe  con- 
fervent  par  des  déclarations  &  des  titres  nou- 
veau ,  t-i  flans  ce  cas  ,  la  preuve  par  témoins  ne 
peut  être  pcrmife  fans  un  commencement  de  preu- 
ve par  écrit. 

La  raifon  en  cft  que  ,  fuivant  l'efprit  des  ordon- 
nances de  moulins  ik  de  1667,  nul  n'eft  recevable 
à  prétendre  prouver  par  témoins,  nnt  choÇc  dont 
il  a  été  en  fon  pouvoir  de  fe  procurer  une  preuve 
par  titre  (2). 

Tel  eft  ,  au  refle ,  le  fentiment  de  Tronçon  fur 
la  coutume  de  Paris  ,  article  74;  de  Lelet,  fur  la 
coutume  de  Poitou,  article  82  ;  de  Brodeau  ,  fur 
l'article  452  de  celle  du  Maine;  de  le  Grand ,  fur 
celle  de  Troies  ,  article  5 1  ,  glo^e  2  ,  nombre  2 1  ; 
de  Dupleflîs,  fur  la  coutume  de  Paris  ,  page  coi  ; 
de  Vaflin  ,  fur  celle  de  la  Rochelle,  article  57, 
nombre  i  ^. 

Ce  principe,  dit  M.  Cottereau  qui  efl  de  même 
avis  (3  )  «a  été  confacré  par  un  arrêt  du  grand 
»  conleil  du  27  mars  171c  i  ,  dans  cette  efpéce  ;  le 
î>  fieur  Guimier  ,  propriétaire  du  lieu  de  la  Ftine- 
»>  rie  ,  poffédoit  dans  la  paroiffe  de  Saint  Branche  , 
j)  plufi  iirs  pièces  de  terre  ,  que  le  chapitre  de 
>)  Saint-Gatien  de  Tours  prctendoit  être  fujettes  à 
•)■>  un  droit  de  terrage  ,  tenant  lieu  de  cens.  Ses  ti- 
»  très  étant  conteftés,  il  demanda  fubfidiairement , 
M  par  fa  requête  du  26  juillet  1748  ,  que  nous 
»  avons  fous  les  yeux,  à  prouver  par  témoins 
}>  une  pofTeiTion  itnmérnoriale  de  p'^rcevoir  le  ter- 
3)  rage;  le  lieur  Guimier  foutint  que  cette  preuve 


(i)  Hce  acc'Jfi  na  nn  tàm  Z.irJ  acchnndx  'unt ,  cjuim  verha 
tsrum  patt'iic  ;  ut  :ri;m  fi  f-'fl:  fendirimem  ircdinoncmqut  rti 
tr-ti'tét  apui  vendi:ortm  res  fucrit,  projiciat  id  cempus  emptori; 
J(d  ilitimjoJum  quod  en:î  fur. 

(2)  Voyez  l'article  PREUVE. 

(3)0  oit  généra!  de  la  France  ic  patdcu.'içr  de  la  Touraine 
k  ai  Lodurvois,  -}^}. 


PRESCRIPTION. 

))  n'étoit  pas  admiflible  ;  &  l'arrêt ,  fans  s'arrêter  à 
»  la  demande  du  26  juillet  1748  ,  défendit  de  per- 
>»  cevoir  le  terrage,  fur  les  pièces  de  terre  dont  il 
»  s'agifToit  ». 

M.  Cottereau  ajoute  qu'un  arrêt  du  parlement, 
du  24  janvier  1778  ,  paroît  avoir  jugé  le  contraire  , 
en  faveur  du  collège  de  Tours  ,  contre  la  de- 
moifelle  Reverdi  ;  mais  qu'il  faut  fe  tenir  au 
principe. 

Il  y  a  quelque  chofe  fur  cette  qucflion  dans  le 
recueil  de  Denifart,  aux  mots  rentes  fonciè  es  :  u  La 
»  prédation  d'une  rente  foncière  contre  laquelle 
>'  on  oppofe  la  Prefcription ,  peut-elle  fe  prouver 
"  par  r'moins,  quand  la  pofîelîion  eft  déniée  à 
»  celui  qui  demande  la  vente  ?  Cette  qucflion 
»  s'eft  oréfentée  à  la  cinquième  chambre -tkrs  en- 
"  quêtt  ,  entre  le  curé  Ik.  la  communauté  des  prê- 
"  très  de  Moutier-Fctletin  ,  &  les  habitans  du  vil- 
»  lage  d'Arbre-en-Marche,  mais  elle  y  a  été  par- 
»  tagée  ;  &  d-^puis  ,  par  arrêt  rendu  fur  départage 
'»  à  la  quatrième  chambre  des  enquêtes,  le  n 
»  mars  1743  ,  la  cour  a  confirmé  les  lentences  ren- 
»  dues  i  Moutier-Rozeille  &  à  Guérct,  qui  avoient 
»»  admis  la  preuve  ,  tant  par  titres  que  par  té- 
»   moins  >». 

On  voit  que  dans  cette  efpèce  il  y  avoit  bien 
moins  de  diiiîculté  que  dans  la  précédente ,  à  re- 
cevoir la  preuve  par  témoins.  Autre  chofe  eft  de 
prétendre  qu'on  a  acquis  fans  titre  &  par  la  feule 
Prefcription,  un  droit  de  rente  ou  autre  femMa- 
ble  :  autre  choie  de  foutenir  qu"on  s'e'd  mamtenu 
contre  le  débiteur  de  ce  droit  prouvé  ,  &  claire- 
ment établi  par  d'anciennes  reconnoiiïances  ,  dans 
ime  pofleffion  fufnfante  pour  Tcmpêcher  de  s'en 
affranchir  par  la  Prefcription. 

Dans  le  premier  cas ,  toute  la  faveur  efl  pour 
celui  qui  combat  la  Prefcription:  on  veut  laffu- 
jettir  à  une  redevance  onéreufe,  il  faut  qu'on  prou- 
ve qu'il  s'y  eft  fournis  pendant  un  temps  (ufn  ant 
pour  prefcrire  ;  &  cette  preuve  étant  la  ftiile  bafe 
fur  laquelle  il  s'agit  d'afTeoir  la  condamnation  ,  il 
faut  qu'elle  foit  claire,  &  abfolument  irréprocha- 
ble ,  caraflères  que  ne  p-ut  pas  avoir  la  prc:uve  par 
témoins,  quand  elle  n'tft  pas  étayée  lur  un  com- 
mencement de  preuve  par  écrit. 

Dans  le  fécond  cas ,  fi  quelqu'un  eft  digne  de  fa- 
veur ,  c'eft  bien  le  créancier.  Sa  créance  efl  établie 
par  titre  :  il  n'éft  queflion  que  de  la  conferver. 
Cette  confervatio.n  a  dû  s'opérer  par  les  i;ayemens 
qu'on  a  été  obligé  de  lui  faire  ;  mais  comment  les- 
prouvera-til .''  Lorfqu'on  lui  compte  fon  aigent  ,  il 
en  donne  quittance,  mais  il  ne  penfe  pas  à  i'c  faire 
paffer  par  le  débiteur,  un  aéle  dans  lequel  celui  ci 
reconnoît  avoir  payé.  Il  eft  donc  juiie  de  l'écouter 
favorablement  dans  ces  circonftanceç  ,  &  de  ne 
pas  s'armer  contre  lui  de  toute  la  févérlté  des  lois. 

Voilà  pourquoi  on  a  été  jufqu'à  mettre  en  prin- 
cipe que  fes  propres  papiers  ,  c'eft-à-difc  ,  fes  jour- 
naux &  fes  livres  de  ra-fon  ,  font  foi  des  paye- 
mens  qui  y  font  annotés,  lorfqu'il  s'agit  d'ecipê- 


PRESCRIPTION. 

clier  la  Piefcription ,  &  quil  cû.  d'ailleurs  homme 
de  probité.  Voyez  Interruption. 

V.  Di  la  bjnne  Foi. 

Ln  bonne  foi ,  en  marière  de  Prefcription  ,  con- 
fifte  dans  Fignonncedu  droit  d'autrui  ,  fur  ce  qu'on 
poi';,ède  (i).  La  niauv.Tile  foi,  au  contraire,  efl 
l'efiet  de  la  connoiiTance  de  ce  droit  (2). 

Sur  ce  point,  comme  fi-r  beaucoup  d'autres,  il 
faut  diftingner  la  Prefcriptian  par  bqiiille  on  ns 
fait  que  fe  libérer ,  d'avec  celle  que  les  lois  mettent 
au  nombre  des  moyens  d'accmérir. 

I.  RégMlièrement,  pour  fe  libérer  par  la  voie  de 
la  Prefcription ,  il  ne  fuit  point  de  bonne  foi.  Quoi- 
Cfue  vous  fichiez  tî'ès  bien  i(ue  je  fuis  votre  créan- 
cier, ma  ffule  négligence  à  vous  pourfuivre  ,  fi 
tlle  ti\  continuée  pendant  un  certain  temps  .  fuffit 
pour  ôter  à  votre  aclion  tout  fon  effet.  C'eft  ce 
qu'a  jugé  un  arrêt  du  parlement  de  Grenoble  du 
8  mars  1439  ,  rapporté  par  Papon  ,  liv,  12  ,  tit.  3  , 
art.  24. 

On  dit  régulièriment ,  car  cela  n'efl  point  fans 
exception. 

D'abord  ,  cette  rè  'le  n'a  pas  lieu  dans  les  Pref- 
crjprions  qui  ont  pour  objet  les  marchandifés  ven 
dues  en  détail  ,  les  débourfés  &  falaires  de  pro- 
cureurs ,  les  journées  d  ouvriers  ,  le>  rétributions 
de  médecins  &  de  chirurgiens.  Voyez  ci  après  , 
feaion_II,§.  3,  5,6  &  8. 

En  lecond  lieu,  il  y  a  quelques  coutumes  où  la 
bonne  foi  eft  requife  ,  même  pour  prefcire  la  li 
bération  de  dettes  dont  on  eil  char£;é.  Telles  (on: 
celles  de  Berghes-Saint-Wint  k  .  éc'des  ville,  ban- 
lieue &  chef  lieu  de   Vaienciennes. 

Enfin,  pour  prefcrire  par  dix  ou  ou  vin':^tans 
l'exiindion  d'une  hypothèque  ,  la  bonne  f  )i  eft 
d'une  néceffité  rigoureufe.  Voyez  Hypothèque. 

II.  Lorfqu'il  s'agit,  en  prefcrivant  ,  d'acqutrir 
le  bien  d'autrui ,  les  lois  romaines  dirtinguènt  le 
cas  où  on  prétend  le  faire  par  une  poffefùon  de 
trois  ans,  s'il  s'agit  de  meubles  ,  &  de  àx  ou  vingt 
ans,  s'il  eft  queftion  d'immeubles,  d'avec  le  cas 
où  l'on  veut  prefcrire  par  trente  ,  quarante  ou 
cent  ans. 

Au  premier  cas ,  elles  exigent  la  bon.ie  foi ,  mais 
feulement  pour  commencer  à  prefcrire.  Suivant 
leurs  principes  ,  la  mauvaife  foi  qui  furvient  pen- 
dant le  cours  de  la  Prefcription  ,  ne  l'interrompt, 
ne  la  fufpend  ,  ne  l'arrête  pas  (3). 

Au  fécond  cas,  il  importe  peu  que  le  poftef- 
feur  ait  été  de  bonne  ou  de  mauvaife  foi ,  foit  dans 
le  principe,  foit  dans  la  fuite  de  fi  pofteftion.  Dans 


(  i)  Bcnafidti  tmpror  ejfe  vUetjr  ,  qui  igri'  ravit  r'malien.:m 
ejiiûut  Djravit  eum  çui  vendidit  Jus  vendeiidi  h&b:re.  Loi 
109,  au  dige  le  ,  de  v^rborum  fignificationî. 

(z)  Lxfa  cottfcientia  rei  client. 

{,)  Loi  10  ,  au  digefte  ,  de  vjurpation'.bus  6"  ufucapionihus. 
Loi  1 ,  au  digeile,  pr.»  e/niro'-.  Lci  unique  ,  §.  cùm  autan  , 
aucode,  de  iijiicajt%:imifer(:nd. 


PRESCRIPTION.  31Î 

une  hypotlîèfe  comme  dans  l'autre  ,  il  prefcrit  éga- 
lement (1). 

Le  droit  canonique  déroge  en  cette  matière  atix: 
lois  civiles  ;  d'abord  ,  en  ce  qu'il  exige  la  bonne  foi 
dans  toutes  les  Prefcriptions  ;  enfuite  ,  eu  ce  quil 
ne  s'en  contente  pas  pour  le  principe  de  la  po/îéf- 
fton  ,  &  qu'il  la  nécefllte  pendant  tout  le  temps 
que  le  polfefteur  eft  en  jouilfance.  C'cft  ce  que 
nous  apprend  le  chapitre  quoniam ,  aux  décrétales  , 
de  prefcjiptionibui. 

On  a  douté  fi  cette  difpofnion  comprenoit  la  Pref- 
cription immémoriale,  dont  ce  droit  ne  parle  pas 
nomément.  Mais  les  termes  &  fon  motif  convien- 
nent à  cette  polVelîion  comtne  à  celles  d'un  temps 
plus  court,  Si  il  y  a  d'autres  textes  qui  ne  permet- 
tent pas  de  l'excepter  (2),  Aufli  l'opinion  com- 
luune  eft-ellc  ,  que  fuivant  les  loix  canoniques, 
il  n'y  a  point  de  Prefcription  même  immèmorials 
fans  bonne  foi  (3). 

C'eft  une  queiiion  fi ,  dans  nos  mœurs  ,  c'eft 
par  le  droit  civil ,  ou  par  l  droit  canonique  ,  qu'on 
doit  juger.,  foit  de  la  néceftîté  ,  foit  de  l'inutilité  de 
la  bonne  foi  pour  prefcrire. 

Il  y  a  la-delTus  cinq  avis  différens. 

Le  premier  ,  que  les  canons  ne  doivent  être 
fuivis  ,  fur  cette  matière  ,  que  dans  les  états  du 
pape. 

Le  (cconà,  que  les  lois  civiles  fervent  de  rè- 
gle pour  le  for  ex.'érieur  ,  &  que  l'autorité  du  droit 
canonique  doit  être  renfermée  dans  l'intérieur  des 
ccnfciences. 

Le  troii'ième,  que  les  lois  eccléfiaftiques  doivent 
être  fuivies  pour  la  Prefcription  des  aélions  réelles  , 
&  que  le  droit  civil  a  confervé  toute  fa  force  pour 
la  Prercription  des  aéKons  perfonnelles. 

Le  quatrième  étend  l'autorité  des  canons  aux  ac- 
tions perfonnelles  mêmes ,  lorfque  le  débiteur  a 
et?  mis  en  demeure  de  piyer. 

Suivant  le  cinquième,  on  ne  doit  point  diftin- 
guer  ;  les  papes  ont  pu ,  en  cette  matière  ,  déroger 
aux  di(pofitions  du  droit  civil  ,  parce  qu'il  s'agit  du 
falut  des  âmes ,  Se  dès-lors'.da  bonne  foi  eftabfolu- 
ment  requife  ,  dans  nos  mœurs,  par  quelque  temps 
qu'il  foit  queftion  de  prefcrire. 

Entre  ces  cinq  avis  ,  l'ufîgo  a  pris  un  certain 
milieu. 

D'abord  ,  on  a  déjà  vu  que  relativemer.t  à  la 
Prefcription  des  dettes  paiTives  ,  notre  juriforu- 
dence  n'exige  régulièrem'^nt  point  de  bonne  foi. 

A  l'égard  de  la  Prefcription  qui  fert  à  accjué- 
rir  ,  on  diftingue  ,  celle    de  vingt  ans  ou  au-defr- 

(j)  Lci^;'7c:.r  (nnns  ,  b-  fi  quis  empùonis ,  §.  i  ,  au  code, 
i!  l  rdrcr^ptiori!  30  v.l  +0  ennorum. 
(1)  V'^il  inti  fluiio  civcn  lum  rjl  ne  maliT  fiiei poffeffora  ftmus, 
in  yrtzdiis  alifnis;  quonicm  nuUn  antiqva  di-.rum  po([inii ju% at 
maU  jl.iii  pojfcjjjrcm.  -  Pojljj'jr  mJtcfidci  uîlo  uz.jujm  rc/r- 
rore  non  prtnjcribit.  Chapiiie  vigla.ti  ,  au.v  décrculei,  dt 
prjcjlriprionibus.  Chapitre  pf^/jj'  ,  d."  reguUs  jurii. 

(5)  Covarruviis  ,  fu-  le  chapitre  po;J:Jo>- ,   partie  i  ,  §  3. 
uonibre  4.  f  achiaée  >  livre  l  ,  toatrovcrj.  chapnrî  64. 

R  rij 


3i(î  PRESCRIPTION. 

fous,  d'avec  celle  de  trente  ans  &  au-defriis." 

Pour  la  première  ,  tous  les  auteurs  convien- 
nent qu'on  doit  Tuivre  le  droit"  canonique  ,  Se 
que  la  bonne  foi  y  e/î  requife  „•  non-feulement 
dans  fon  commencement ,  mais  même  dans  toute 
fa  durée. 

Il  en  eft  autrement  de  la  féconde.  C'cft ,  dit 
Bretonnier  fur  Henrys  ,  livre  4  ,  qucflion  77",  une 
maxime  reçue  dans  prefque  toutes  les  couti^mes  du 
royaume ,  que  la  mauvaife  foi  du  poiTefleifi-  ne  l'em- 
pêche pas  de  prefcrire  par  une  jouiflance  paifible 
de  trente  ans.  Perrière  fur  la  queftion  416  de  Guy- 
Pape  ,  M.  Expllly  ,  plaidoyer  27,  nombre  23  , 
Chorier  ,  livre  5  ,  kdïon  5  ,  article  4  ,  Cancerius  , 
partie  3  ,  chapitre  ,  3  ,  nombre  127,  &  une  foule 
d'autres  Auteurs  atteftent  la  même  choie. 

M.  Expilly  donrie  une  raifon  fort  naïve  de  cette 
conformité  de  notre  jurifprudence  aux  difpofitions 
du  droit  romain  :  <c  Les  empereurs  qui  ont  été  au- 
5>  teurs  des  lois  civiles,  n'ont  confidéré  ni  le  pa- 
»  radis  ni  l'enfer,  mais  le  bien  public  qui  admet 
j>  les  Prefcriptions  >». 

Cette  idée  eft  plus  profonde  qu'elle  ne  le  paroît 
à  la  première  vue  :  méditons-la,  nous  y  t'rouve- 
rons  les  germes  des  vérités  les  plus  fenfibles. 

D'abord  ,  on  ne  peut  difconvenir  que  le  titre  & 
la  bonne  foi  font  deux  corrélatifs  ;  on  ne  doit  donc 
pas  exiger  la  bonne  foi  dans  les  Prefcriptions,  pour 
îefquelles  le  droit  canon  même  ne  demande  pas  de 
titre  :  enfuite  ,  on  n'ignore  pas  que  I4  preuve  de  la 
mauvaife  foi  «A  très-difficile  :  pour  la  découvrir, 
fur  tout   après  un  terme  aufTi  long  que  celui  de  30 
ans  ,  il  faut ,  pour  ainfi  dire  ,  fouiller  dans  un  abî- 
me :  il  faut  aller  chercher  dans  des  faits  fouvent 
équivoques ,  dans  des  a(5^es  que  le  temps  a  couverts 
de  fon  voile,  l'explication  &  la  chaîne  des  penfées 
les  plus  fecrettes  de  l'homme.  De  là  ,  que  de  dif- 
cuffions,  que  de  procès,  &  par  conféquent  que 
d'entraves  à  la  tranquillité  des  familles  ik  au  bien 
public  !  Ce  font  ces  invonvéniens  que  les  empe- 
reurs  de  Conilantinople  ont  voulu  éviter  pnr  les 
lois  du  code  citées  plus  haut.  Chrétiens    comme 
nous  ,  auflî  pénétrés  que  nous   des   maximes  du 
droit  naturel  que  la  religion  avoir  famfliriécs  à  leurs 
yeux  ,  ils  n'avoient  garde  de  favyorifer  l'ufurpation 
&  de  couronner  la  mauvaife  foi.  Mais  ils  étoient 
légiflateurs  politiques  ;  ils  dévoient  s'occuper  eflen- 
tiellement  du  bon  ordre  de  leurs  étsts  ;  ils  dévoient 
par  conféquent  étendre  leurs  vues  jufqu'au  bien  le 
plus    général ,   laifTer  à  l'écart  les  inconvéniens , 
parce  qu'il  y  en  a  dans  tout  ce  que  la  main  de 
l'homme  peut  faire,  &  abandonner  au  for  de  la 
confcience  ,  l'examen  &  le  développement  des  re- 
plis dans  lefquels  fe  cache  la  mauvaife  foi. 

Prenons  garde  cependant  d'étendre  leurs  lois  au- 
delà  des  motifs  qui  les  ont  diâces.  Leur  unique 
but ,  en  Us  portant ,  a  été  d'éviter  les  incertitudes 
8c  les  difficultés,  dans  Iefquelles  la  preuve  de  la 
ïnauvaife  foi  auroit  entraîné  les  particuliers  qui  au-  | 


PRESCRIPTION. 

roient  voulu  combattre  une  pofieflion  de  trente  e^a 
de  quarante  ans.  Mais  s'il  fe  préfentcit  (  ce  qui  ne 
peut  arriver  que  très-rarement  )  un  cas  où  l'on  ne 
trouvât  à  cet  égard  ni  incertitudes  ni  difficuitss, 
fans  doute  alors  la  raifon  de  la  loi  cefTeroi: ,  & 
l'équité  naturelle  ,  la  pureté,  de  la  religion  ,  repre- 
nant tout  leur  afcendant ,  il  faudroit  bien  que  la 
loi  cefsât  eUc-méme. 

Difons  donc  avec  Dunod  ,  «  1°.  que  la  poiTef- 
»  fion  de  trente  ans,  ferme  une  préfomption  de 
'>  droit  de  la  bonne  foi  du  poiïerfeur  ;  &  que  quand 
»  cette  pofiefSon  ert  centenaire,  elle  peut  la  faire 
'>  préfiimer  ,  .par  une  préfomption  ,y:/r/j  &  jure, 
"  en  de  certaines  circonlîances. 

»  2°.  Que  quoique  cette  préfomption  de  droit 
»  n'exclue  pas  la  preuve  contraire  ,  il  faut  néan- 
»  moins  que  la  mauvaife  foi  foit  évidente  ,  for- 
"  melle  ,  ik  fans  excufe  ,  &  que  la  preuve  en  foit 
»  littérale,  claire  &.  certaine.  L'on  ne  doit  point 
»  ici  donner  dans  la  conjeClure  ,  crainte  de  retom- 
"  ber  dans  les  inconvénients  ,  de  rouvrir  la  porte 
»  aux  procès ,   que  les  lois  romaines  ont  voulu 
')  éviter ,  ni  induire  la  mauvaife  foi  de  la  fimple 
»  négligence  ou  de  l'ignorance  de  droit,  pour  ne 
»   pas  donner  lieu  auxdiftindions  &  aux  difciiffions 
»  des  auteurs,  fur  les  efpèces  différentes  du  droit 
»  ignoré  ,  &  fur  la  qualité  des  perfonnes  qui  l'igno- 
»  rent.  Un  favant  cafuifle  a  dit,  que  les  parleinens 
»  du  royaume  ont  pris  ce  tempérament  dans  le  for 
»»  extérieur,  entre  le  droit  civil  &  canon  ,  6c  qu'oti 
»  peut  même  le  fuivre  dans  l'intérieur;  Coquille 
5)  efl  ai'ifTi  d'avis  ,  après  Dumoulin  ,  que  la  mau- 
))  vaife  foi  n'empêche  pas  la  Prefcription  de  trente 
»  ans    &  audefliis,  fi  elle    n'eft  pas  formelle  8c 
»  inexcufable,  fi  elle  ne  rend  pas  la  confcience 
»>  mauvaife  ;  &  qui  plus  efl ,  fi  elle  n'efl  accom- 
»  pagnée  de  dol  ;  Faber  dit  de  même  ,  qu'il  n'y  a 
»  que  la  mauvaife  foi  formelle  &  évidente ,   qui 
»  faiTe  obftacle  à  la  Prefcription  ,&  que  celle  qui 
»  efl  fimplement  préfumée  ,  ne  l'empêche  pas  ". 

Nous  trouvons  dans.le  journal  du  Palais  de  Tou- 
louTe  ,  tome  6  ,  §.  i  23  ,  un  arrêt  du  parlement  de 
L;inguedoc  du  8  té^'rier  1719,  qui  juge  en  termes 
précis  ,  "  que  la  pofTeffion  paifible  pendant  trente 
V  ans  ,  auoique  fans  titre  &  fans  bonne  foi  ,  opère 
»  la  Prefcription  ".  Cette  décifion  eft  d'autant 
moins  fufpeQe  de  la  part  de  l'auteur  qui  nous  la 
retrace  ,  qu'il  étcit  rapporteur  de  l'affaire  dans  la- 
quelle elle  cfl  intervenue. 

Il  y  a  cependant  quelques  coutumes  qui  en  dif- 
pofent  autrement. 

Celle  de  Berghes-Saint-WInock  ,  titre  des  Pref- 
criptions ,  article  i  ,  porte  qu'on  ne  prefcrit  pas , 
même  par  trente  ans ,  fans  bonne  foi. 

C'eft  ce  que  décide  auffi  la  coutume  de  Bailleuî , 
rubrique  21,  article  premier.  Le  flatut  fait  pour  la 
ville  de  Bruxelles  le  21  avril  1432,  adopte  aufîî 
cette  difpofition  ,  &  même  l'étend  jufqu'à  la  Pref- 
cription centenaire. 
III.  On  a  vu  ci  devant  qu'on  peut,  pour  complé-. 


PRESCRIPTION. 

ter  la  prefcription  ,  joindre  à  fa  propre  pofleflion 
celle  de  l'on  auteur.  Mais  que  doit-on  décider  à  cet 
égard,  lorfqu'il  eft  prouvé  que  celui-ci  eft  de  mau- 
vaife  foi  ? 

Il  faut  diftinguer  fi  c'eft  à  titre  particulier  ou  à 
titre  univerfel  qu'on  lui  a  fuccédé. 

1°.  Quand c'ell  à  titre  particulier, la  mauvaife  foi 
de  notre  auteur  nous  empêche  bien  de  joindre  (a 
pofTeffion  à  la  nôtre  (i),  mais  non  pas  de  prefcrire 
de  notre  chef  (2). 

Il  y  a  cependant  un  cas ,  fuivant  le  chapitre  7  de 
la  novelle  119,  où  la  mauvaife  foi  du  précédent 
poflefleur  nuit  au  fuccefieur  à  titre  particulier  :  c'eil 
qua;id  le  véritable  propriétaire  de  la  chofe  a  ignoré 
-  l'alicnation  qu'a  faite  de  fon  bien  le  poficlTcur  de 
mauvaife  foi  par  qui  il  ctoit  détenu  :  alors ,  il  efl 
vrai  ,  le  fuccefieur  à  titre  particulier  ne  lii^re  pas 
de  prefcrire  de  fon  chef;  mais  il  lui  faut,  pour  le 
faire  ,  le  même  efpace  de  temps  que  s'il  étolt  lui- 
même  en  mnuvaife  foi  (  3  )■ 

La  raifon  qui  a  porté  Juftinicn  à  établir  cette  rè- 
gle, eft  facile  à  concevoir.  Tant  que  !e  propriétaire 
a  vu  ou  a  cru  fa  chofe  dans  les  m^ins  d'un  poiTel- 
feur  de  mauvaife  foi ,  il  a  pu  fe  repofer  tranquil- 
lement ,  dans  la  confiance  qu'on  ne  pouvoir  pas 
prefcrire  centre  lui  par  un  temps  moindre  de  trente 
ans  :  une  aliénation  clande^ine  ne  peut  pas  changer 
{on  droit  ;  ce  qu'on  a  fait  à  fon  infu  ne  peut  pas 
abréger  une  Prefcriprion  qu'il  a  tout  fujet  de  croire 
bien  éloignée  d'être  encourue. 

2".  Le  fuccefieur  univerfel  repréfente  en  tout  le 
défuiit.  Ainfi  la  mauvaife  foi  de  celui-ci  infeéle  la 
pofieflîon  de  celui-là  ,  &  l'empêche  indifiinéleraent 
de  prefcrire  (4). 


(i)  Ne  vitiofj:  quiilcm  pcfleiTioni  uUa  poteft  acce<^ere  ;  Cti 
ïiec  vitiofa  ei,  (]ux  virio!"a  non  cft  ,  dit  la  /oi  1 },  §.  I3  ,  D.  de 
acquirendâ  poflèilione. 

(1)  Anvitium  auûoris  ,  vel  donatoiis  ,  vel  ejiis  oui  iiiihi 
rem  legavit,  m'hi  noceat  ,  li  fouè  autoi' meus  jiiftum  initium 
pollidtfncii  non  haKuic,  videndum  eil  î  &  puto  ne  pie  nocere  , 
neque  pio.'Icfle  ;  nam  denîque  &  ufucapere  poflum  ,  quod 
auicv  m/:i  s  u  ucapeic  non  potuit.  Loi  ^  ,  D.  de  diverlis  tem- 
poraiibus  pixlcriprionibuf, 

0  Voici  Us  urmcs  4;  la  rovdle,  Rurfiis  fancimus  ut  Ci 
qui  s  ma!i  iîde  rem  pollidens  ,  aut  pcr  venditionem  ,  aut  pcr 
donationem  ,  ^uc  alirer  hanc  rem  aliénée:  cpii  vero  putat 
eafdem  res  competere  iibi  ,  hoc  agnofcens',  intrà  decem  annos 
iritcr  prrefentes ,  &  viginti  inter  abfentcs  ,  non  conteftatus 
fuerit  ("eciindum  leges  empcorem  ,  aut  donationem  accipien- 
teni,aut  illum  ad  quem  tes  alio  quolibet  modo  tran/!atx 
funt  :  eum  qui  taîes  res  habet ,  f  rmè  cas  ha'sErc  ,poft  decen- 
nii  videlicct  intet  ptxfentes  ,  &:  vincennii  încer  abfentcs 
riecuifam  :  fi  autem  ignorât  vêtus  alienatarum  letum  domi- 
nus,  &  quia  tes  êi  corr.petiiiit  ,  &  quia  alienatio  faifta  eft  : 
non  aliter  hune  cxcludi,  nili  per  tticennalem  p-xfcriptionem  : 
non  valente  iiicere  eo  qui  tes  hoc  modo  poliidet  ,  quiaipfe 
.bonâ  fide  pofiidcu  quando  if  fe  à  malà  f^depcffidente  hoc  ac- 
cepir. 

(4)  Cura  hères  in  omne  jusdefunûi  fuccedit ,  îgnrraione 
fuâ  dcfuniti  vitia  non  exclndit  ....  ufucapere  non  poterit 
•quel  defunflus  non  potuit.  Idem  juri';  ell  ciim  de  longi  pof- 
feffione  qu.rritur.  Lui  II  ^D,  de  diverfis  tempccalicus  Pr-ïf- 
cri.-Jt-ioiiibus. 


PRESCRIPTION.  3?; 

En  rendant  hommage  à  ce  principe  ,  Balbu*;  pré- 
tend en  excepter  l'héritier  beneticiaire  :  mais  c'c-iï 
une  erreur  évidente.  L'héritier  beneticiaire  n'a  que 
l'avantage  de  n'être  pas  obligé  au-delà  des  foiccs 
de  la  fuccelFion.  Du  relie  ,  il  n'entre  pas  moins  qu  2 
l'héritier  pur  &  fimple  ,  dans  la  place  du  défui'r. 
Comme  le  premier,  il  fuccède  à  tous  les  droits  du 
fécond  ,  &  il  le  repréfente  en  tour. 

Les  romains  portoient  plus  loin  que  nous  le? 
effets  de  cette  repréfentatio;i  univerfcile.  Conlidc- 
rant  la  pofi^efiion  du  défunt  &  celle  de  l'héritier 
comme  une  même  pofiéfiilon ,  ils  n'exigeoient  la 
.bonne  foi  que  dans  le  principe  de  la  première  ;  en 
forte  que  ,  quoique  la  féconde  fiJt  accompagnée  de 
mauvaife  foi,  elle  ne  fervoit  pas  moins  à  compléter 
la  Prefcriprion  commencée  par  celle-là  (i). 

Mais  cette  jurifprudence  ne  quadre  pas  avec  Icî 
principes  du  droit  frynçois.  La  bonne  foi,par.Ti 
nous  ,  doit  durer  pendant  tout  le  temps  de  la  pofi^ef- 
fion  requife  pour  prefcrire.  Ainfi  il  n'eft  paspofii- 
ble  qu'en  poffédant  fciemment  le  bien  d'autrui ,  l'hé- 
ritier achève  la  Prefcriprion  que  le  défunt  a  com- 
mencée par  une  poiTefiion  de  bonne  foi. 

IV.  Si  une  communauté  a  été  en  pofiefilon  de 
mauvaife  foi ,  la  Prefcription  peut-elle  commencer 
après  que  tous  les  membres  de  cette  communauté, 
qui  exifioient  au  moment  où  elle  a  commancc  , 
feront  morts  ou  réputés  tels  à  fcp  égard  .-*  Non ,  ré- 
pondent 'Voët  (2)  Se  Fachiné  (3)  ,  parce  que  ccll 
toujours  le  même  corps  qui  pof'ède.  Les  membres 
font  changés  ,  mais  l'individu  moral  qu'ils  compo- 
fent  ne  l'eft  pas  :  la  loi  76  ,  D.  de  judiciis ,  établir , 
au  contraire  ,  qu'il  y  n  la  plus  parfaite  identité  entii 
ce  qu'il  cfi  aujourd'hui  6c  ce  qu'il  étoit  précédem- 
ment ;  &  fi  un  héritier  qui  n'ei!:  un  avec  fon  auteur 
que  par  la  Hftion  de  la  loi ,  efi  empêché  de  pr^fcnrs 
par  la  mauvaife  foi  de  celui-ci  ,  comment  un  même 
corps,  c'efi-à-dire  un  même  être,  pourroit  il  ac- 
quérir dem.ain  par  la  Prefcription  une  chofe  qu  il 
déienoit  hier  avec  pleine  connoifiTance  qu'elle  nz 
Ici  appartenoit  pas  ^ 

»  Mais ,  objcéle  Dunod  {4)  ,  la  compara'.fon  d- 
)>  l'héritier  ne  pproît  pasjufle,  &  il  fe  fait  un  chan- 
»  gemer.t  par  l'ignorance  des  fuccelfeurs  ,  qui  ne 
I)  rcpréfenrant  pus  les  ptrfonncs  de  ceux  qui  les 
»  ont  précédés  ,  font  capables  de  prefcrire  ». 

La  réponfe  eft  fimple.  Il  eft  vrai  que  les  fuccef- 
feurs  ne  repréfentent  pas,  comme  particuliers  ,  le? 
perfonnes  de  ceux  qui  les  ont  précédés ,  Si  qvc: 
comme  particuliers  ils  n'entrent  dans  aucun  de 
leurs  droits  aélifs  ou  pafilts.  Mais  comme  membres 
d'un  corps  ,  non-fèulement  ils  les  repréfentent  , 
mais  ils  font  cenfés  individuellement  les  mêmes  : 
le  tout  qu'ils  compofent    eft  cenfé  fous    eux  la 


(i)S!  dtfiinflus  boni  fide  emerit,  ufuca  ^ietur  res , 'jinmvit 
betes  fcit  alieiiani  etTe.  Loi  i  .,§    1$  ^  D.  pro  eiripiorc. 
Çi)  AdD.t^e  uftiipiiionibiis ,  n.  3, 
(5)  Controverf.  Ijb.  3  ,  CJp.  ly. 
(..^J  D(S  frefcriftions  ,  partie  l ,  chapitre  *. 


3i8  PRESCRIPTION. 

mèine  petfonne  que  fous  leurs  prédéce fleurs.  De 
là  vient  que  les  contrats  faits  par  ceux-ci  les  obli- 
gent comme  s'ils  les  avoient  faits  eux-mêmes;  de 
là  vient  que  les  jugemens  rendus  avec  leurs  prédé- 
cefleurs,  les  lient  &  leur  font  la  loi  comme  s'ils 
y  avoient  été  parties  ;  de  là  vient ,   en  un  mot , 

?u'ils  font  tenus  &  refponfables  de  tout  ce  qui  a 
té  fait  avant  eux. 
V.  Tous  les  auteurs  remarquent ,  &  nous  avons 
déjà  fait  entendre  ,  que  la  mauvaifc  foi  ne  fe  pré- 
fume pas;  c'eit  donc  à  celui    qui    l'allègue  à  la 
prouver. 

Cette  maxime  eA  fingulièrement  confacrée  par  le 
flatut  de  Bruxelles  que  nous  avons  déjà  cité  (i). 

§.  "VI.  Des  caufes  qui  empêchent  la  Prefcription. —  Du 
titre  nul  ou  vicieux.  —  Examen  de  la  rc^le  ,  ad  pri- 
inordium  tituli  poflerior  femper  formatur  even- 
tus ,  6»  de  la  règle  nul  ne  pre/crit  contre  fon  titre,  — 
Du  prédire.  —  De  la  familiarité.  —  De  finier- 
yerfion  de  titre.  —  De  lu  clandejhniiê. 

Il  ne  s'agit  pas  encore  ici  des  caufes  attachées  à  la 
qualité  ou  aux  privilèges  ,  foit  des  perfonnes  contre 
lefquelles  il  cft  quefiion  de  prefcrire  ,  foit  des  cho- 
fes  qu'on  veut  acquérir  par  la  Prefcription:  elles 
feront  la  matière  de  la  fcdion  III.  Nous  ne  parlons 
en  ce  moment  que  des  vices  qui  peuvent  fc  trou- 
ver dans  la  poOéffion,  &  nous  en  parlons  par  op- 
pofition  aux  conditions  requifes  pour  prefcrire  , 
qui  font  lobjet  du  paragraphe  précédent. 

Distinction  I.  Du  titre  vicieux. 

Un  titre  peut  êtreivicieux  de  deux  manières  : 

Ou  parce  qu'il  eA  nul  dans  l'hypothèfe  ,  quoi- 
que capable  par  lui  -  même  de  transférer  la  pro- 
priété. 

Ou  ,  au  contraire  ,  parce  qu'il  eA  inhabile  à  ap- 
proprier le  po(Te(Tcur,  quoiqu'il  foit  valable  en  lui- 
même. 

I.  Dans  le  premier  cas  ,  ou  la  nullité  eA  abfo- 
lue,ouelle  eA  relative,  On  conçoit  la  r^iffércnce 
<le  l'une  à  l'autre  ,  &  nous  l'avons  fuffilamment 
expliquée  ailleurs.  Voyez  Nullité. 

Quand  le  titre  eA  frappé  d'une  nullité  abfolue  , 
point  de  Prefcription.  La  loi  réfiAe  continuellement 
à  l'exécution  qu'elle  pourroit  avoir  ;  elle  le  réduit 
à  un  pur  fait  qui  ne  peut  être  ni  confirmé  ni  auto- 


(t)  Voici  ce  qu'il  porte,  article  7  : 

n  Celui  qui  ie  veut  prévaloir  de  la  Prefcription,  alléguera 
»»  8c  prouvevaqu'il  a  poflcué  leldits  biens  à  bonne  foi:  à  fa- 
»  voir,  que  durant  \e  temps  de  la  Pie'cription ,  i)  a  tenu 
»  fO'.irceriain  que  celui  .-"u  jucl  il  a  acheté  ou  acquis  lefdits 
M  biens,  ou  celui  don;  ils  font  demeurés  en  a  été  Je  maître  , 
*>  &  3  eu  le  pouvoir  de  les  vendre,  diflraire,  &  lailîeràfa- 
••  poltc.'ité;  ce  qu'il  affirmera  par  Ion  ferment,  moyennant 
»  lequel  il  farisfaii,  ne  fut  que  Ion  aJvcriaire  pouaoitJégi- 
•>  tinumenc démontrée  le  contraire  •;. 

Statut  de  Bruxelles ,  art.  7. 


PRESCRIPTION. 

rlfé ,   &  qui  ne  produit  aucun  droit  ,  aucune  ac* 
tion  ,  aucune  exception. 

11  y  a  cependant  à^î  auteurs  qui  tiennent  que  les 
nullités  abfolucs  peuvent  être  prefcrites  par  1  ef- 
pace  de  cent  ans.  Fachiné  (i)  les  réfute  ,  &  fon 
opinion  cA  la  plus  commune.  «  Je  crois  cependant 
»  (  dit  Dunod  ,  partie  i  ,  chapitre  8  ,  )  qu'on  doit 
n  laiAer  la  que/aon  à  l'arbitrage  du  juge  ,  pour  la 
»  décider  fuiyant  les  circonitanccs  ,  la  qualité  & 
»  finiportance  des  nullités  ». 

En  effet ,  il  y  a  des  nullités  plus  abfolucs  les  unes 
que  les  autres.  Celle,  par  exemple  ,  qui  réfulte  àc 
la  del-enfe  faite  à  l'églife  d  acquérir  de  nouveaux 
immeubles  ,  fans  l'autorifation  exprcflé  du  fouve- 
rain  ,  eA  d'un  tout  autre  genre  que  celle  qui  eft 
produite  par  l'incapacité  dans  laquelle  eA  l'églife 
d'aliéner  les  biens  qu'elle  poAéde.  La  première  cA 
imprefcriptible  ,  par  quelque  temps  que  ce  foit  :  la 
féconde  peut  être  prefcrite  en  certains  cas.  Voyez 
ci  après  ,  feétion  IV. 

Laraifonde  cette  différence  eA  dans  les  motifs 
de  la  loi  qui  a  prononcé  l'une  Se  l'autre  nullité. 
Celle-ci  eA  bien  introduite  par  des  vues  d'intérêt 
général ,  puilqu'il  importe  au  public  que  l'églife 
conferve  (es  poAeAions  ;niais  c'eA  l'intérêt  particu- 
lier de  l'églife  même  qui  eA  fon  objet  direft  ik  prin- 
cipal ,  iSL  dés-là  elle  peut,  fous  un  certain  afpeâ  , 
être  confidérée  comme  relative  plutôt  que  comme 
abfolue.  Celle-là,  au  contraire,  ne  tend  qu'au  bien 
comniun  de  la  foclété  :  l'intérêt  public  en  eA  le 
feul  fondement  ;  &  loin  de  favorifer  l'intérêt  par- 
ticulier de  l'églife,  elle  y  eA  diamétralement  op- 
pofée. 

Les  nullités  relatives  ne  forment,  en  aucun  cas, 
obAacle  à  la  Prefcription.  Comme  elles  ne  font  in- 
troduites qu'en  faveur  de  certains  particuliers,  nul 
autre  n'eli  recevable  à  les  propofer  ;  &  l'aélion 
qu'elles  produifent  étant  de  droit  purement  privé, 
rien  n'empêche  qu'elles  ne  s'éteignent  par  le  laps 
de  temps. 

Ainfi  nonobrtant  la  défenfe  d'aliéner  les  fonds 
dotaux  ,  de  vendre  ,  fans  caufe  &  fans  décret  de 
jurtice  ,  les  biens  des  pupilles  &  des  mineurs  ,  de 
contraéîer  fans  l'autorité  du  père  ou  du  mari,  la 
poffeiTion  de  trente  ans  couvrira  les  nullités  de 
l'aliénation  d'un  fonds  dorai,  de  la  vente  d'un  bien 
pupillaire ,  d'un  tranfport  fait  par  un  fils  de  famille 
ou  par  une  femme  non  autoriîee. 

On  objeiTïera  peut-être  les  lois  4  ,  D,  pro  heredei 
Si  j  ,  D.  pro  legafo,  qui  déclarent  incapable  de 
prefcrire  comme  héritier,  ou  comme  légataire  , 
celui  qui  eA  incapable  de  recevoir  par  teftament. 
Mais  ces  lois  ne  parlent  que  de  la  Prefcription  de 
dix  ou  vingt  ans  ,  appelée  en  droit  ufucapio  ;  elles 
ne  difent  pas  que  l'aétion  de  l'héritier  aJ>  iatejlat 
pour  faire  annulier  l'inAitution  ou  le  legs ,  peut 
furvivre  à  la  Prefcription  de  trente  ans  ;  elles  ne 
peuvent  pas  même  le  dire  ,  puifque  cette  ailioneft 

(i)  Controvcrf.  Jib.  8,  cap.  53. 


PRESCRIPTION. 

perronnelle  ,  &  que  par  conféquent  elle  eft  fou- 
njileà  la  Prefcription  trentenaire. 

II.  Lorfque  le  vice  du  titre  provient  du  dcfaut 
d'habilité  à  transférer  le  domaine  ,  le  polTeifeur  ne 
peut  jamais  prefcrire  ,  parce  qu'il  ne  jouit  pas 
animo  dom'mi  ,  &  que  conféquemment ,  il  n'a  pas 
cette  pofTefrion  cWù'c  qui  ,  luisant  ce  qu'on  a  vu 
plus  haut ,  §.  5  ,  nombre  ii ,  eft  la  condition  eiren- 
tielle  &  fondamentale  de  la  Prefcription.  Cette  vé- 
rité ,  qui  deviendra  plus  fenfible  par  les  détails 
dans  lefquels  on  entrerai  l'inflant,  a  donné  lieu 
à  deux  arrêts  du  parlement  de  Paris  des  31  aoiit 
1694  ,  &  4  février  1701  ,  par  lcrv]uels  il  a  été  jugé  , 
ielon  Maillard,  fur  la  coutlime  d'Artois,  article  72, 
nombre  14';  ,«  qu'un  curateur  à  une  fucceiîion  ja- 
j)  cente,  ne  peut  pas  oppofer  la  Prefcription  à  l'hc- 
j?  ritier,  qui  vient  après  le  temps  de  la  Prefcrip- 
>»  tion  ,  revendiquer  l'iiérédité ,  parce  qu'il  ne  la 
»  pofsède  pas  dans  la  vue  d'en  être  propriétaire  )>. 

Distinction  II.  Examen  de  la  rt?;!e  ,  AD  PRT- 
MOROJUM  TITULI  POSTERIOR  SEMPEU. 
FORMATl/R    EVENTUS. 

Le  fens  de  cette  règle  n'efl  pas  difHcile  à  faifîr. 
Lorfqu'il  paroît  un  titre  qui  a  donné  lieu  à  la  pof- 
feffion  ,  il  faut  s'y  référer.  Voilî  ce  que  dit  la  loi 
l  ,  Q.  de  imporundâ  lucrativâ  defcript'ione  ,  de  la- 
quelle efl  tiré  l'axiome  dont  il  s'agit,  &  elle  n'eft 
en  cela  que  l'écho  d'une  autre  loi  (i)  qui  dit  : 
O'W  nancifcenda  pojfejjijnis  exquirenda  efl  (  il  faut 
rechercher  l'origine  de  la  porfefîîon  ). 

Il  y  a  plus.  Comme  chacun  efl  préfumé  pofTé- 
der  en  vertu  d'un  titre,  on  doit  dans  le  doute  ex- 
pliquer la  po/Teïïîon  par  le  titre  qui  exifie  ,  &  la 
réduire  à  fes  termes  :  conféquemmcnt ,  fi  ce  titre 
cft  infe£lé  d'un  vice  capable  d'empêcher  la  Pref- 
cription, c'efl  à-dire  s'il  efl  d'une  nullité  abfoiue  , 
«u  inhabile  à  transférer  la  propriété  ,  il  eft  indubi- 
table qtie  la  poffeflîon  même  la  plus  longue  fera 
fans  eiîét. 

La  raifon  en  cft  fimple  :  fuivant  la  loi  cùm  icmo , 
C.  de  .icquirijidâ  ovfjejfione  ,  nous  ne  pouvons  pas 
changer  nous  mêmes  le  titre  qui  fert  de  bafe  à 
notre  pofTeiTion  ;  nemo  fihi  caufam  p  Jfijîon'u  mu- 
tare  potefl. 

On  ne  peut  donc  pas  préfumer  que  celui  qui 
jouiiroit,  il  y  a  cinquante  ou  cent  ans,  en  vertu  d'un 
bail  ou  à  titre  d'engnçement ,  ait,  par  la  fuite,  in 
terverti  le  titre  de  \!l  polTeHî  )n  &  foit  devenu 
acheteur,  donataire  ,  échangiAe  ,  &c  ,  du  bien  qui 
lui  étoit  primor'Jialement  affermé,  engagé  ou  don 
né  en  dépôt  (2). 


(11  Loi  clim    D.  de  acquirendâ  \el  amitteii'iâ  pofTeffioDe. 

{i)  Sur  ces  ternies  ,  donné  en  dépô:  ,  il  y  a  une  obfervation 
împo  tanre  ;  c'elV  que  quand  il  s'agit  de  choies  mobiliè c  . 
<]ui  n  ■  font  plus  cenT.es  être  en  nituie  ,  comme  des  fiiiit<;  ou 
des  gr.iinç  phitraMes  ,  l'atlion  qu'on  a  contre  !e  dépoiî'aird  , 
le  prefcrit  par  trente  ans ,  parce  <ju'aiois  il  n'y  a  plu*  de  dé- 


PRESCRIPTION.        319 

'  C'eft  fur  ce  fondement  que  ,  par  le  fameux  arrêt 
du  parlement  de  Paris  du  21  avril  1551  ,  rapporté 
dans  le  recueil  de  Duluc  ,  liv.  9  ,  tit.  5  ,  l'évéque 
de  Clermon:  fut  cor.damné  à  rendre  à  la  reine 
Catherine  de  Médicis ,  lajéignenrie  de  la  ville  de 
Clermont ,  quoique  depuis  plufîcurs  fiêcles  elle 
fût  coHédée  par  les  évêcrnes  cb  cette  ville.  Il  étoit 
prouvé  par  le  titre  origiiiaire  de  la  pofTeilion  ,  que 
cette  feigneune  avoit  été  donnée  en  garde  à  un 
évêque  de  Clermont,  par  Jean  de  Bourbon  que 
repréfentoit  la  reine. 

C'efl  en  conformité  des  mêmes  principes,  qu'un 
arrêt  du  parlernent  deTouloufedu  30  mars  172^, 
rappurté  par  Serres  ,  dans  fes  inflitutions  au  droit 
françois  ,  livre  3  ,  titre  15,2  jugé  qu'après 
trente  ans  ,  on  eÙ.  encore  reccvable  à  faire  décla- 
rer qu'une  vente  ,  fous  faculté  de  rachat ,  eft  un 
contrat  pignoratif,  &à  obliger  en  conféquence  l'a- 
cheteur de  délailTer  le  fonds,  «parce  que  nul  ne 
»  peut  prefcrire  contre  {on  titre  ,  Si.  qu'un  enga- 
)j  giile,  quoique  déguifé,  ne  peut,  fous  aucune 
V  couleur,  prefcrire  la  propriété  (i)  ». 

C'ert  aufù  ce  que  fait  entendre  la  coutume  de 
Namur  ,  quand  elle  dit ,  article  40  ,  que  «  fur  en- 
)>  gageure  ,  il  n'y  aura  point  de  Prefcription.  »» 

C'eft  fur  le  même  fondement  que  M.  Henrion 
du  Panfey  établit  l'incapacité  de  l'ufager  &  de  l'u- 
fut'ruitier  d'acquérir  ,  même  par  la  pofrcffion  de 
plufieurs  fiécles  ,  la  converfjon  de  leur  droit  d'u- 
fage  ou  d'ufufruit  en  propriété. 

Voici  comment  s'explique  ce  jurifconfulte  : 

*  Il  efl  imporfible  à  l'ufager  de  convertir  par  foa 
propre  fait,  fon  droit  d'ufage  en  droit  de  propriété. 
Inutilement  prouveroit-il  que  depuis  des  fiècles  , 
il  ufe  du  fonds  ufager  en  propriétaire  libre  ;  qu'il 
a  fait  publiquement ,  &  même  fous  les  yeux  du 
propriétaire  ,  les  afles  les  plws  caraflérifès  de  la 
propriété.  Tout  cela  difparcît  à  l'inflant  où  le  titre 
primitif  vient  kètrere^ï^îenté ,  ad  primordiu m  tituli 


pot ,  8.:  qu'il  efl:  cenfé  en  avoirrendu  compte.  Voyez  Hentyj,' 
(ivre  4,  quelHon  31;  Dunod  ,  ds  P^efcriptiorts  ,  paain  t  , 
^hipi:re  iz  vers  la  ♦-n  ;  Boutaiic,  inltitutions  au  droit  fr.în- 
i^ois  ,  titre  cuibus  modis  rt  contrakitur  ■  le  journal  du  palais 
de  Touloute  ,  tome  x  ,  page  :  57. 

(l")  Tout  en  parlanc  ainli,  Serres  ne  lai  (Te  pas  de  citet  un 
autre  ar'ctdn  x  mais  I7I5  ,  qui  juge  diicTteu-'-ent  le  contraire 
^e  ce  qu'a  décida- deux  ^nsaftîs  celui  d.ni  il  rend  compte. 
\\.  de  Catclîan,  !iv  e  7,  chapitre  1+  ,  noLis  app:cnd  encore 
.juedans  le  dernier  iiécle  ,  il  étuit  intervenu  à  la  féconde 
cnanihre  des  enquêtes  du  même  parlement,  un  arrêt  qui  avoic 
pireillcnient  ju^é  qu'après  trente  ans  ,  ce  termt  fatal  de  tous 
':i  dr»i-s  .  un  vendeur  n'étoit  plus  recevable  à  venir  expliquée 
r.iûe  contrelc  nom  qu'il  lui  avoit  donné  ,  &  le  faire  déda- 
•<t  fimp  e  co'.trar  pignoratif.  «  On  pouvoit  dite  (  ce  font  les 
.1  termes  du  iiikgillrat  cite  ]  ,  que  l'acheteur  ou  engagillc 
»  ayant  joui  fcîon  'on  ade  en  qualité  d'acheteur  ,jztîj;ojèJf- 
»  rat  [  avoit  pcfudé  pour  lui-même  ]  ,  &  par  conféqucnt 
»  avoit  ptefcrit  le  fonds  ». 

■*  u  re'^e  ,  on  fent  bien  que  de  quelque  tuanière  que  puilTe 
erre  décidée  cette  que'Hon  paniculi-j  e  ,  le  principe  g;nétal 
que  nous  avens  polt  demeure  toujours  inébranlable. 


31b  PRESCRIPTION. 

cmnis  firnidtur  eventus.'S  Q\\lx  la  règle  :  Coquille  l'op- 
pofoit  aux  iifagers  ,  comme  une  barrière  inlurmon- 
tablc.  On  ne  peut  rien  de  plus  trancliant  que  les 
termes  dans  lefquels  il  s'exprime  :  Tan'  quil  porte 
farjUainé  d'ufaoer  ^  il  nepuit  acquérir  droit  de  pro- 
priétaire. 

Cette  décifion  auroit  lieu  ,  quand  même  ,  par 
inadvertance,  ou  par  erreur,  le  fei;j;ncur  propriétaire 
des  bois  ou  des  fonds  ufagers,  aurait  reconnu  que 
la  communauté  eft  propriétaire  ;  ces  reconnoifian- 
ces  ,  ainfi  que  les  ailes  poiTefioircs,  s'évanouiroient 
devant  le  titre  conAitutif. 

Dans  le  cours  dune  poiîelllon  de  pUifieurs  fiè- 
clcs  ,  il  eft  fi  facile  aux  fcigneurs  d'abufer  de  l'uf- 
cendant  de  leur  autorité  ,  pour  donner  de  l'exten- 
fion  à  leurs  droits  ;  il  eft  également  fi  facile  aux  fu- 
je;;.  de  la  ftigneurie  de  profiter  de  ta  négligence  du 
icijneur  ,    pour  changer  ou   modilier  leur  état  , 
qu'on  a  cru  indifpenfable  d'établir  comme  principe 
fondruiiental  de  cette  matière  ,  que   toutes  les  re- 
connoiiïances,  quelles  qu'elles  foient ,  doivent  dlf- 
pr.roître  devant  les  titres  anciens.  C'cA  ce  que  Du- 
moulin exprime  en  ces  te; mes:  Sinplcx  rcco^yuia 
lion  dijponu  ,  nec  immulut  ftaturn  ni.  ^  La  fimple  re- 
connoiflance  ne  difpofe  pas  &  elle  ne  change  rien 
n  l'état  des  chofes  ).  Cet  oracle  de  notre  jurifpru- 
deiice  ajoute  :  Sijitfunplcx  raognitio  ^  non  imtr.uta- 
tur  qualitj.f  r/i  ,  quce  tanquàm  énonça,  cédait  veri'ati. 
(Quand  une  reconnoifTancoeft  fiinple,  c'e/1-àdire, 
non  motivée,  la  qualité  de  la  chofe  n'en  reçoit  au- 
cune atteinte,  &  Terreur  fait  place  à  la  vérité). 
D'Argentré  ,  fi  fouvent  contraire  à  Duniojlin   , 
tient  cependant  la  même   décifion  ;  c'efi  ce  qu'il 
exprime  avec  l'énergie  qui  lui  eft   propre:  Cùm  ap- 
rarct  titulus,ûb  eo  pv(f':Jponei  le:\ein  acc'ipiunf.  {  Lorf- 
que  le  titre  paroît ,  il  donne  la  loi  aux  poffefiions  ). 
La  pofTedion   n'efl  rien  ,  dit  encore  Mornac  , 
loiAui'clle  ed  contraire  au. titre.  Si   contra  ti'.ulum 
pcjJ'^JJun:  cjl ,  dHuin  per  treccntos  annos  dominium  re- 
yji.iturà  lali  pojf^jjoie.  Sur  la  loi  l  3  ,  ff.  de  publia 
'  xji'iâ  "I  '■<^*'  ûclione, 

11  feroita-.îfu  facile  que  fuperfiu  d'acc'.::nuler  Car 
te  point  un  plus  t^rand  nombre  d'autorités  ;  de  leur 
concours,  de  leur  nombre,  de  leur  unanimité, 
s'cTî  formé  cet  axiome  le  plus  connu  ,  comme  le 
plus  fagç  de  notre  droit  françois  :  ^d  primordiuin 
(:tuti  omnis  formatur  eventus. 

Il  y  a  des  fiècles  que  cette  ma'xiine  forme  la  règle 
des  tribunaux; on  voit  ,en  parcourant  lesarrêtiftes, 
nu'elle  a  fervi  de  bafe  à  une  multitude  d'arrêts. 

Dunod  ,  trahi  des  Prefcriptlons  ,  pa^e  50  ,  en 
japporte  trois  des  années  1698,  1700  &  1717;' 

Le  premier  ,fur  la  repréfentatlon  du  titre  primi- 
tif, déboute  les  jéfuites  de  Dole  de  leur  prétention 
i\  la  propriété  d  un  bois  fur  lequel  ils  exerçoient , 
depuis  cent  ans  ,  des  aftes  de  propriétaires.  Les 
deux  autres  réduifent  pareillement  aux  termes  des 
Vitres  anciens ,  une  pofTefTion  de  folxante  ans  ap- 
puyée de  reconnoiffances. 

Un  arrit  du   parkment  dç  Paris  ,   de  l'année 


PRESCRIPTION. 

1672  ,  a  jugé  ,  fuivant  les  mêmes  principes  ,  contre 
les  religieux  de  l'abbaye  de  Longpont  &  ceux  de 
Valferg.  Un  droit  d'ufage  avoit  été  concédé  origi- 
nairement.! ces  abbayes  dans  un  canton  de  la  forêt 
d.;  Villefs-Coteréts  ;  ces  religieux avoient  tranfrmié 
la  dénomination  de  l'ufage  en  celle  de  (Ai^i-/o/2û'.f; 
ils  s'étoient  attribué  la  qualification  de  très-fonciers  i 
ils  s'arrogeoient,  à  ce  titre,  le  tiers  du  prix  delà 
vente  des  bois  ;  plufieurs  fiècles  avoient  confirmé 
cette  ufurpation.  M.  le  duc  d'Orléans  fe  détermina 
enfin  à  réclamer  fes  droits  ;  les  titres  originaux  fu- 
rent produits,  &  prévalurent  fur  la  longue  poflef- 
fion  des  religieux ,  même  fur  les  rcconnoiffances 
dont  ils  tiroient  avantage. 

Nous  avons  dit  que  telle  étoit  également  la  ju- 
riiprudence  du  conieil  du  roi. 

En  1726,  le  marquis  de  Porens  avoit  obtenu  im 
jugement  du  confeil  ,  portant  renvoi  devant  le 
g.^and  uKÛtre  des  caux&  forêts  du  comté  de  Bour- 
gogne ,  pour  être  procédé  au  cantonnement  des 
bois  afTis  fur  le  territoire  de  Foudremont  :  les  habi- 
tans  s'opposèrent  à  cette  opération  ,  fur  le  fonde- 
ment que  ,  de  temps  immémorial ,  ils  étoient  en 
poiTifiion  de  la  propriété  de  ces  bois.  Un  grand 
nombre  d'aiies  prouvoit  effeflivement  cette  pof- 
(cffion  ,  &  une  circonflance  remarquable  militoit 
en  leur  faveur  :  le  feigneur  lui-même  avoit  acquis 
d'eux  des  portions  de  forêts,  mais  on  voyoit  claire- 
ment que  dans  l'origine,  ils  n'étoient  qu'ufagers ,  & 
le  titre  d  interverfion  ne  pareiiToit  pas.  Arrêt  du  con- 
feil d'état  du  ao  mars  1727,  qui  déboute  les  habi- 
tons de  leur  oppofition  ,  &  ordonne  qu'il  fera  p^i/Té 
outre  au  cantonnement.  Le  9  aciit  1729  ,  même  dé- 
cifion des  commifkilres  généraux  du  confeil,  entre 
le  comte  de  Verfel  Se  les  habitans  du  même  lieu. 

Trois  autres  préjugés ,  émanés  pareillement  du 
confeil  ,  méritent  une  fingiilière  attention  ;  ils 
font  parfaitement  dans  l'efpèce  :  la  date  en  eft  ré- 
cente. 

Les  habitans  de  "Ville rs-Sexel  étoient  en  poflef- 
fion  de  deux  cents  arpens  de  bois.  Le  comte  de 
Ciramcnt ,  leur  feigneur,  les  avoit  toujours  regar- 
dés comme  propriétaires  :  lorfqu'il  s'étoit  a^i  de  la 
réparation  de  fon  château  ,  il  s'étoit  adreflé  à  eux 
pour  obtenir  des  bois.  Les  lettres  qu'il  leur  avoit 
écrites  à  ce  fujet  étoient  produites  ;  chacune  de 
leurs  expreflions  étoit  une  reconnoiflltnce  de  la  pro- 
priété dis  habitans.  Ce  même  feigneur ,  mieux  inf- 
truit  de  fss  droits  ,  fe  pourvoit  au  confeil ,  &  de- 
ruande  le  cantonnement  :  à  la  longue  poiTeffion  des 
habitans,  à  fes  propres  reconnoUfances  ,  il  oppofe 
les  titres  anciens  ;  &:  par  arrêt  du  23  de  juin  1733  » 
fa  prétention  efi  accueillie. 

Une  décifion  du  même  tribunal ,  en  date  du  11 
avril  1740,  ordonne  de  même  le  cantonnement, 
fans  égard  à  des  enquêtes  judiciaires  faites  à  la  re- 
quête  des  habitans  de  Menoux  ,  ni  aux  ailîettes 
auxquelles  ils  avoient  fait  procéder,  ni  à  une  mul* 
titude  d'aides  qui  annonçoieni  leur  propriété  de  b 

lîuniçrç 


PRESCRIPTION. 

inanlère  la  plus  pofitive  :  le  confeil  n'eut  ég^rd 
qu'aux  leuls  titres  primordiaux. 

L'autorité  des  titres  anciens  vient  encore  d'être 
confacrée  de  nouveau  par  un  jugement  du  mèm^' 
tribunal ,  de  l'année  1770.  Le  marquis  de  Raynel 
demandoit  le  cantonnement  des  bois  alTis  fur  le 
territoire  de  Raynel  &  d'Epifon.  Les  habitans  fe 
prétendoient  propriétaires  ;  ils  rapportoient  une 
Toulc  d'aâes  à  l'appui  de  cette  prétention  ;  ils  cou- 
doient depuis  plus  de  cent  ans  les  bois  à  leur  pro- 
fit. Les  Icigneurs  avoient  phifieurs  fois  reconnu 
leur  propriété;  ils  avoient  même  acquis  des  habi- 
tans  d'Epifon  le  fonds  &.  la  fuperficie  de  cent  foi- 
xante-deux  arpens  de  bois  ;  mais  des  titres  très- 
anciens  réduifoient  les  habitans  à  un  fimple  ufage  ; 
&.  le  canronnement  a  été  ordonné. 

Il  e(i  donc  de  principe  &  de  jurifprudence  cer- 
taine, que  h  pofleflion  d'un  ufage  ,  quelque  longue 
qu'elle  foit ,  ne  prouve  rien ,  fmon  la  joiiiiTance 
précaire  ,  c'eft-à-dire  ,  l'ufage  même.  Si  l'ufager  ad- 
miniAre  qiielq-jes  a61es  indicatifs  de  propriété  ,  ces 
-adês  cèdent  toujours  aux  titres  anciens  ;  &  cette 
règle  eft  puifée  dans  la  plus  exade  équité.  On  fait 
«ombien  il  eft  facile  à  un  ufufruirier,  dans  le  cours 
é\ine  longue  po/îefTion  ,  de  fe  ménager  quelques 
afles  de  proprié;é  ;  on  fait  quelle  pente  il  a  naturel- 
«ement  à  le  faire  ;  &  c'eft  par  ce  motif  qu'on  n"a 
^iicun  égard  à  de  pareils  aéîes  ,  à  moins  qu'ils  n'é- 
tabliilent  pofuivement  l'interverfion  ,  le  change- 
ment de  la  caufe  de  fa  poflefTion  *. 

Nous  avons  rapporté  k  l'articTe  USAGE  ,  d'autres 
monumcns  de  c:tte  jurifprudence  ,  t<  on  peut  dire 
qu'elle  eft  auffi  univerfelle  qu'invariable. 

Mais  prenons  garde  d'en  abufer  ,  comme  le  font 
quelquefois  des  plaideurs  intérefiës  à  défigurer  les 
pnncipes.  On  a  vu  foutenir  dans  les  tribunaux, 
quelques  praticiens  ont  même  écrit,  que  la  Pref- 
cnption  ne  peut  pas  l'emporter  fur  un  titre  ;&  , 
ce  qu'il  y  a  d'étonnant ,  c'eft  que  pour  le  prouver , 
ils  ont  invoqué  &  h  règle  ad  primordium  tituli  orn- 
nts  formatur  eventus  ,  &les  pafiages  de  du  Moulin  , 
&  de  d'Argentré  rappelés  ci-deiTus ,  &  la  plupart 
des  arrcis  dont  nous  venons  de  faire  le  détail. 

Mais  que  fignlfie  cetre  règle?  que  difent  du  Mou- 
lin ik  d'Argentré?  que  jugent  ces  arrêts  ?  Une 
feule  chofe,  ti-ie  chofc  facile  à  faifir  :  c'eft  que 
qup.nd  vo«s  avez  joui  pendant  cent  ans.  Si  qu'il  fe 
préfcntc  un  titre  qui  vous  donnoit  le  droit  de  jouir  , 
vous  êtes  préfumé  n'avoir  eu  de  jouilTance  qu'en 
vertu  de  ce  titre. 

C'e/î  ainfi  que  fi  j'ai  pofledé  pendant  un  fiècle  , 
&  qu'on  recouvre  un  titre  précaire  ,  d'antichrè- 
fe  ,  de  conceHion  d'aifage  ,  qui  me  donnoit  le  droit 
de  jouir,  on  j>réfume  que  ;'ai  toujours  polfédé  au 
même  titre  ,  &  dès-lors,  fi  j'ai  joui  en  vertu  d'un 
contrat  de  précaire,  je  ne  puis  rLnn jurer  en  pof- 
feflion,  dès  que  le  propriétaire  s'y  oppofe  ;  Çi  j'ai 
joui  à  titre  d'anticlirèfe ,  il  fruit  que  je  déq;uerpi<Te , 
aulli-tôt  qu'on  a  acquitté  mi  cré:nce;  fi  j'ai  pof- 
fédé  en  vertu  d'une  conceflion  tiufaee  ,  je  ne  puis 
Tcaie  XIII.  ^ 


PRESCRIPTION.  311 

prétendre  avoir  prefcrit  la  propriété  :  en  deux 
mots,  le  titre  n'anéantira  pas  la  poflemon ,  luais 
il  l'expliquera  ;  c'eft  comme  le  dit  Dumoulin  fur  la 
coutume  de  Paris,  titre  i  ,  des/e/i,  §.  i2,gloie 
7,  au  mot  Pr€jcnpcion(^i^. 

Ainfi  éclate  de  lui-même  le  bien  jugé  des  arrêts 
par  lefquels  la  commode  &  aveugle  routine  des 
praticiens  prétend  établir  que  la  Prefcription  ne 
peut  rien  contre  un  titre. —  Ainfi,  les  jéfuites  de 
Dole  ont  été  &.  dû  être  déboutés  de  la  réclamation 
qu'ils  faifoient  de  la  propriété  du  bois  de  Moifle  , 
parce  que  Iç  titre  en  vertu  duquel  ils  avoient  joui , 
ne  leur  donnoit  que  le  droit  d'ufage.  —  Ainfi  , 
l'évêque  de  Clermont  a  été  &  diJ  être  condamné 
à  rendre  à  la  reine  Catherine  de  Médicis ,  la  fei- 
gneurie  de  la  ville  de  Clermont  ,  quoiqu'il  y  eût 
phifieurs  fiécles  ojue  les  prélats  de  cette  églife  la 
poiTédoient  paifiblemeut ,  parce  qu'on  fit  voir  par 
la  production  du  titre  originaire  de  leur  poffeirion, 
quelle  n'avoit  point  d'antre  principe  qu'une  efpèce 
de  dépôt, — Ainf]  les  babitans  de  Foudreraont,  ceux 
de  Villers  Sexel,  ont  été  &  dû  être  déboutés  de  leur 
prétention  à  la  propriété  des  bols  dont  ils  jouilfoienr, 
parce  que  le  marquis  de  Porens  &  le  Comte  de 
Craimont ,  leurs  fcigneurs  ,  produifoient  des  titres 
qui  ne  renfcrmoient  qu'une  concefîion  d'ufage. 

Mais  ces  arrêts  preuvent  ils  qu'on  ne  peut  pas 
prefcrire  contre  un  titre  ?  Non.  Ils  prouvent  préci- 
fément  que  le  titre  eft  interpiétatif  de  la  poiTelTion, 
&  rien  de  plus. 

Quelle  abfurdiié  d'ailleurs  de  prétendre  qu'on  ne 
peut  pas  pr-efcrire  contre  un  titre  !  La  Prefcripiioa 
feroit  donc  toujours  inutile  ;  car  il  faut  toujours  un 
titre  pour  évincer  un  {Impie  pefleffeur. 

Comment  donc  a-t-il  pu  échappera  M.  Houard, 
de  dire  (2)  que  les  articles  1 16  Se  526  de  la  coutu- 
me de  Normandie  ne  permettent  pas  d'admettre  la 
Prelcription  contre  le  titre  ?  Il  faudroit  que  ces 
textes  confacraiTent ,  en  termes  bien  précis ,  une 
maxime  aufli  étrange  ,  pour  qu'on  l'adoptât  du 
moins  en  Normandie  ;  &  non-feulement  ils  ne 
l'établiffent  pas,  mais  ils  ne  contiennent  pas  un 
mot  d'où  on  puiflfe  l'induire. 

L'obfervatiûn  de  M.Houard  feroit  mieux  appli- 
quée à  la  coutume  de  faint-Amand  ,  ville  du  Tour- 
nefis  françois ,  qui  a  des  dépendances  affez  nota- 
bles. Par  une  de  ces  bifarreries  qui  ne  fe  rencontrent 
que  trop  fréquemment  dans  nos  anciennes  leis, 
cette  coutume  a  pouffé  la  fingularité  jufqu'à  prof- 
crire  toute  efpèce  de  poiTeffion  ,  tût-elle  immémo- 
riale ,  dès  qu'elle  eft  contraire  à  quelque  titre.  On 
nous  croiroit  à  peine ,  fi  nous  n'en  tranfcrivions 
ici  les  termes  : 


(i)  Non  proJerîc  pofTcflbri  ailegare  prxfcriptioncm  five 
pri^ctictioaem  plus  qiiim  rentenariaiii  ;  (juii  prarfLuiutur  ha- 
bia  ïc  continjau  in  eâJem  caufi  &  qua'iute  in  ijuâ  expie ,  & 
nijximè  cùm  non  poûit  aliqui.»;  ,  ex  ("o!â  aniiui  fui  delHna- 
tione  ,  iTi'i'are  (îbi  caufani  pofl>.'fl'ionis. 

(i)  Didionnairc  de  lirait  Noïm*Dd  ,  article  Prefcription  , 
fecUba  i, 

Ss 


321  PRESCRIPTION. 

i>  S'il  avlent  que  homme  ou  femme  ait  été  expa- 
»  trié  par  quelqu'efpace  de  temps  que  ce  foit ,  ou 
»  que  fans  être  expatrié  on  ait  poireflé  d'hé:  itaieies  , 
n  rentes  héritières  ou  autres  biens',  nonobitant 
w  ladite  poiTeffion  intervenue  par  quelque  laps  de 
r>  temps  que  ce  foit  ;  s'il  avient  que  par  tel  homme 
■)■>  ou  femme  foit  montré  tels  biens  lui  appartenir 
y  héritièrement ,  il  doit  revenir  à  fisn  droit  hé- 
»   ritier  ». 

Distinction    III.    Examen  de  raxlome  vulgaire , 
que  nul  ne  peut  prefcrire  contre  Jon  titre. 

Eft-il  vrai ,  comme  le  dit  &  le  répète  tous  les 
jours  le  commun  des  praticiens  ,  qu'on  ne  peut  pas 
prefcrire  contre  fon  propre  titre? 

Si  l'on  veut  dire  par-là  que  perfonne  ne  peut 
prefcrire  la  propriété  en  vertu  d'un  titre  qui  ne 
donne  qn'un  droit  d'ufage  ,  qui  ne  contient  qu'un 
bail  ou  précaire,  l'axiome  eft  vrai  ;&  il  n'efl  dans 
ce  fens  que  la  répétition  de  la  maxime  ,  nemo  potejî 
muiare  fibi  caufam  pojfejfionis. 

Mais  il  y  a  une  infinité  d'autres  cas  danslefqutls 
il  ne  peut  recevoir  aucune  application  ;  &  toute  la 
difficulté  ert  de  les  biens  diftinguer. 

M.  de  Salvaing ,  chapitre  94,  nous  donne  là- 
defl'us  une  régie  fort  judicieufe. 

Il  faut ,  dit-il ,  mettre  une  différence  entre  ce  qui 
eft  de  l'cfTence  du  titre  ,  5c  ce  qui  n'y  eft  qu'ac- 
c.d':ntel. 

Ce  qui  tient  à  l'effcnce  ,  ne  peut  pas  être  changé 
par  la  Prefcription.  Ainfi  la  fnculté  de  racheter 
une  rente  confiituée  efl  imprcicriptible  ,  parce 
qu'elle  eft  effentielle  au  contrat  de  conltitution. 

Par  la  même  raifon  ,  une  concefTion  précaire  ré- 
fifle  perpétuellement  à  la  Prefcription  de  la  proprié- 
té ;  parce  que  ce  font  deux  choies  incompatibles 
de  jouir  au  nom  d'autrui,  tk  de  poflféder  comme 
propriétaire. 

Mais  fi  la  pofieflîon  ne  change  pas  la  qualité  Se 
la  fub^ance  du  titre  ,  fi  elle  ne  touche  qu'à  ce  qui 
eft  accidentel,  rien  n'empêche  qu'elle  n'opère  la 
Prefcription. 

Ainfi ,  un  acquéreur  peut  prefcrire  l'exemption 
des  ftrvitudcs  que  le  vendeur  s'efl  réfervées  dans 
le  contrat  de  vente,  parce  que  la  réferve  qu'en  a 
faite  celui-ci  ne  conftitue  pas  l'eiTence  du  titre. 

Ainfi,  la  faculté  de  racheter  quand  on  le  voudra, 
le  bien  qu'on  aliène,  fe  prefcrit  par  le  laps  de  trente 
ans  ;  parce  qu'il  n'eft  pas  de  l'eifence  de  la  vente 
qu'elle  !oit  rachetahle. 

Ai;:fi ,  on  peur  prefcrire  contre  la  convention  de 
piycr  à  certain  jour,  en  certain  lieu  ,  les  arrérages 
d'une  rente  cODilituée,  parce  qu'il  n'y  a  rien  en 
cel  i  d  efientiel  au  contrat  de  confiitution. 

Si  cependant  le  contrat  cil  réciproque  &  fynal- 
la^'uatique,  dans  les  conventions  accidenielles  ; 
tant  qu  il  eit  exécuté  par  un  des  contraclans  ,  l'autre 
ne  peut  pas  iicqu'.rir  par  Prefcription  le  droit  de  ne 
pas   l'exécuier  lui-même.  La  règle  des  corrélatifs 


PRESCRIPTION. 

ne  permet  pas  qu'il  prefcrive  contre  le  titre  com- 
mun ,  pendant  qu'il  en  profite  :  la  poflTcffion  de  l'un , 
en  ce  cas ,  conferve  la  pcfiTeffion  de  l'autre.  Ainfi  , 
tant  que  vous  recevrez  de  moi  la  preflation  annuel- 
le, qui  eft  le  figne  récognitif  du  droit  d'ufage  que 
j'ai  dans  vos  bois  ,  vous  ne  pourrez  pas  vous  pré- 
valoir de  ce  que  je  n'exerce  pas  ce  droit  depuis 
trente  ou  quarante  ans  ;  &  j'y  ferai  maintenu  mal- 
gré vous  ,  fi  vous  prétendez  m'en  priver  par  la  Pref- 
cription. 

»  Suivant  les  mêmes  principes,  dit  M.  Julien  dans 
»  fon  commentaire  fur  les  flatuts  de  Provence  , 
»  tome  2,  page  422,  on  ne  peut  rien  exiger  aux 
)>  fours  &  moulins  banaux  ,  au-delà  des  droits  qui 
j>  font  fixés  par  les  titres  conftitutifs  de  la  bannalité. 
5»  Il  n'y  a  point  d'ufage,  quelque  long  qu'il  foit , 
»  qui  puiffe  autorifer  les  fufcxaélions.  Le  titre  com- 
»  mun  des  propriétaires  &  des  fujets  de  la  banalité 
■)■)  eft  imprefcriptible  ;  il  veille  toujours  pour  la  con- 
»  fervation  des  droits  rcfpeélifs.  Et  les  ufages  con- 
)?  traites  qui  peuvent  fe  glifiér,  ne  (ont  que  des 
fi  abus  qu'on  doit  réformer.  L'af.e  eft  indivifible  ; 
))  il  ne  lauroit  être  exécuté  dans  un  chef,  fans 
»  l'être  dans  les  autres.  Ainfi,  nul  ne  peut  pref- 
»  crire  contre  un  titre  qu'il  exécute,  nul  ne  peut 
»  changer  la  caufe  de  fa  poîTeffion  ". 

M.  de  Caielkn  ,  livte  7,  chapitre  9,  rapporte 
une  efpèce  qui  a  été  jugée  d'après  la  même  maxime. 
Un  débiteur  donne  un  fonds  en  engagement  à  fon 
créancier,  pour  une  partie  des  fommes  dont  il  lui 
étoit  redevable.  Par  une  claufe  générale  ,  qu'on 
insère  dans  l'aéle  ,  le  créancier  fe  rcferve  le  reftant 
entier  de  ce  qui  lui  eft  du.  Après  une  jouiftance 
de  plus  de  trente  ans  ,  il  eft  évincé  par  le  débiteur 
qui  vient  lui  offrir  le  prix  de  l'engagcmerit ,  &  rien 
au-delà.  Le  créancier  veut  ufcr  fur  Théritage  du 
droit  de  rétention  que  la  loi  umque  ,  au  code,  etiam 
ob  chirographjriam  ,  lautorifc  à  exercer.  Le  débi- 
teur s'y  oppofe ,  &  prétend  que  les  dettes  réfer- 
vées  par  la  claufe  générale  dont  nous  venons  de 
parler  font  prefcrites.  Le  créancier  ripond  ,  qu'il 
ne  peut  y  avoir  de  Prefcription ,  foit  parce  qu'il  ne 
demande  ces  journaux  que  par  exception  ,  Scque, 
fuivant  un  axiome  connu,  ce  qui  eft  limité  par  le 
temps,  lorfqu'il  s'agit  d'agir .  eO  perpétuel  quand 
il  n'cft  queftion  que  d'exciper  (.///^  tcmporalia  junt 
ad  agendum ,  perpétua  funt  ad  exapiendum  )  ,  foit 
parce  que  tandis  qu'on  le  laiiToit  jouir  du  fonds 
engagé,  il  n'avoit  pas  voulu  fe  pourvoir ,&  qu'il 
l'auroit  fait  plutôt  fi  le  débiteur  eût  lui-même  intente 
plutôt  fon  séTion.  —  Par  arrêt  du  ^  février  1667  ,  il 
fut  dit  que  le  débiteur  ne  pourroit  reprendre  fon 
bien  qu'en  rembourfant  toutes  les  fommes. 

Excepté  le  c;-  de  la  réciprocité  dont  on  vient  de 
parler ,  ce  n'eft  pas  prefcrire  coiure  fon  titre  que  de 
poftéder  au-delà  de  ce  qu'il  donne.  Ainfi  l'acheteur 
d  un  fonds  défigné  comme  ne  contenant  qu'un  ar- 
pent de  terre  ,  peut ,  par  la  Prefcription  ,  étendre 
fon  droit  jufqu'a  deux  arpens.  Si  JunJus  (rr.pwsfit 
&   amphores  fines  p.jfcj/i  fiui.to'.uia  longo  tempore 


PRESCRIPTION. 

C/tp] ,  pr'ifciis  ait  :  ce  font  les  termes  de  la  loi  2  ,  §. 

6  ,  D.  pro  ernptore. 

M.  de  Salvaing ,  à  l'endroit  cité ,  rapporte  nn 
arrêt  du  parlement  de  Grenoble  qui  ed  fondé  fur 
le  même  principe. 

En  1260,  Pons  de  Monlaur,  propriétaire  d'un 
droit  fur  les  grains  qui  le  vendent  à  Montpel- 
lier ,  fit  donation  à  Raymond  Marchy  &  &  aux 
fiens  ,  d'une  portion  de  ce  droit.  Par  la  fuite 
des  temps,  les  fucce/Teurs  de  Raymond  Marchy, 
repréfentés  par  M.  Solas ,  coiifeiUer  à  la  cour  des 
aides  de  Montpellier,  fe  font  trouvés  en  poffelîion 
de  la  totalité  du  droit.  Le  comte  de  Caylus  ,  qui 
repréfentoit  Pons  de  Monlaur,  a  prétendu  faire  ré- 
duire leur  poffjlfion  aux  termes  de  l'aéle  de  1 260  , 
&  il  s'ert  fondé  uniquement  fur  l'axiome  ,  nul  ne 
ffut  pre faire  encre  fun  titre.  M.  de  Solas  a  o^^oiè  , 
pour  toute  défenfe,  la  Prefcription  immémoriale  ; 
&  fans  doute  il  n'a  pss  manqué  de  dire  qu'une 
polfclTion  aulTi  longue  devoir  faire  préfuraer  tout 
ce  qui  étoit  nécelfaire  pour  la  rendre  légitime , 
qu'il  ne  ])o(rédoit  pas  contre  fon  titre  ,  mais  feule- 
ment au  delà.  Que  cette  pcfTeffion  ne  détruifoit  pas 
la  fubOance  de  la  concellion  primitive,  mais  en 
étendoit  feulement  les  etTets  ,  &c. 

La  conteftation  fut  d'abord  portée  au  parlement 
de  Touloufe  ;  mais  elle  fut  enfuite  évoquée  au  par- 
lement de  Grenoble;  &  là,  par  arrêt  du  6  février 
1663  ,  M.  de  Solas  ivLt  maintenu  dans  la  pofl"e(rion 
de  la  totalité  du  droit. 

Ce  ii'eft  pas  non  plus  prefcrire  contre  fon  titre  , 
que  d'acquérir  l'affranchiffement  des  obligations  qu'il 
impofe.  Ainfi ,  un  acheteur  peut  s'exempter  par  la 
Prefcription,  du  payement  du  prix  de  fon  achat , 
quoiqiîe  ce  prix  foit  ftiptilé  par  le  titre  même  en 
Yertu  duquel  il  jouit.  De  même,  l'héritier  eft  dé- 
chargé d'un  legs  qu'on  a  différé  pendant  trente 
ans  de  lui  demander,  quoique  le  teftament  foit  fon 
titre ,  &  un  titre  commun  entre  lui  &  le  léga- 
taire. 

On  volt,  par  ces  détails ,  qu'il  efl  bien  peu  de  cas 
où  l'on  ne  puifTe  pas  prefcrire  contre  ion  titre. 

Distinction  IV.  Du,  précaire. 

Le  précaire  ,  dans  fon  étroite  fignifîcatî©n  ,  efl 
une  concefîion  gratuite  &  révocable  à  la  volonté  de 
celui  qui  l'a  faite  (i). 

Mais  dans  l'ufage  on  entend  par  ce  terme ,  tout 
aâe  enfuite  duquel  l'un  pofsédcpour  l'autre,  &re- 
connoît  fon  domaine. 

Ainfi  ,  le  vafTal ,  l'emphytéote  ,  l'ufufruiticr  ,  le 
créancier-engagifte ,  le  mari ,  la  douairière  ,  le  père 
de  fanfille  ,  le  procureur,  l'agent,  le  negotiorum 
gefior ,  le  tuteur ,  le  curateur  ,  le  fyndic  ,  le  féquef- 
tre,  en  un  mot  tous  ceux  qui  font  entrés  en  pof- 


li]  Loi  i,  D.  de  precarto.  Loi  i  ,C,  it  prïfcriptionc  tri- 


PRESCRIPTION.        315 

fcfTion  pour  autrui ,  &  qui  reconncifTent  un  do- 
maine fupérieur  ,  peuvent  être  regardés  comme  des 
pofieffeurs  précaires. 

Nous  avons  déjà  prouvé  que  tous  ces  détenteurs 
ou  pcfTeffeurs,  tant  que  fubfifte  la  qualité  fous  la- 
quelle ils  ont  occupé  la  chofe  ,  ne  peuvent  pas  ac- 
quérir par  la  Prefcription  le  droit  de  ceux  qu'ils  re- 
préfentent  ,  &  pour  lefquels  ils  pofTèdent.  La  rai- 
fon  en  eft  (  s'il  faut  le  répéter  )  ,  que  perfonne  ne 
peut  charger  fa  pofTefTion  feul  &  de  lui-même  (i)  ; 
qu'on  ne  prefcrit  pas  fans  pofTéder  fous  fon  nom 
propre;  que  le  poilefTeur  précaire  conferve  par  fa 
détention  le  droit  de  celui  dont  il  reconnoît  le  do- 
maine ;  &  qu'ils  ont  l'un  Si.  l'autre  des  qualités 
corrélatives  quf  fe  m.aintiennent  réciproquement. 

En  efî-il  de  même  des  héritiers  de  ceux  qui  ont 
reçu  à  titre  de  précaire  ,  ou  qui  l'ont  reconnu  ? 
Oui  ,  parce  qu'ils  repréfentent  leurs  auteurs  ,  6c 
que  leut  titre  n'opère  pas  un  changement  dans  la 
poflefTion  qui  leur  eft  tranfmife. 

Mais  n'en  feroit-il  pas  autrement  fi  la  caufe  de  la 
poiTelTion  avoit  cefle  .''  Par  exemple  .  lorfque  le 
droit  d'ufufruit  eft  éteint  par  la  mort  de  Tufufrui- 
tier ,  l'héritier  de  celui-ci  ne  peut-il  pas ,  en  fe  per- 
pétuant dans  la  pofTeffion  ,  acquérir  la  propriété  de 
la  chofe  ?  Non  ,  parce  que  la  loi  1 1  ,  D.  de  diverfii 
temporalibus  prczfcriptionitms  ,  décide  en  général  que 
l'héritier  fuccède  à  tous  les  droits  du  défunt  ,  hères 
in  jus  omnt  defunSli  fuccedit  ;  qu'il  ne  purge  point 
par  fon  ignorance  les  vices  qui  ont  infeélé  la  pof- 
feflîon  de  celui-ci  dès  (on  principe  ,  ignoratione  fuà 
defunRi  vitia  non  excludit ,  &  qu'il  ne  peut  pas  pref- 
crire ce  qui  étoit  imprefcriptible  pour  fon  auteur  , 
ufucapcre  non  poterit  qnod  defunHus  non  potuit.  Ces 
principes  reçoivent,  comme  on  voit,  uneapplica- 
tion  direéle  &  entière  au  fuccedeur  de  l'ufufruiticr  ; 
auffi  Paul  de  Caflres  (2)  ,  Baibus  (3)  &  d'Argen- 
tré  (4)  ,  le  regardent-ils  uniformément  comme  in- 
capable d'acquérir  par  la  feule  pofTefîîon  ,  la  pro- 
priété du  bien  dont  fon  auteur  avoit  l'ufufruit. 

De  là ,  les  articles  4  des  titres  55  de  la  coutume 
de  Luxembourg  &  de  celle  de  Thionville  ,  qui  dé- 
clarent que  nulle  Prefcription  ,  pas  même  de  cent 
ans  ,  ne  court  contre  le  propriétaire  dont  «  le  bien 
»  eft  pofTédé  à  titre  d'ufufruit  ». 

De  là  encore  l'article  39  de  la  coutume  de  Na- 
mur,  portant  qu'on  ne  peut  prefcrire /><îr  fojjejfwa 
prife  fur  viage. 

Remarquez  cependant  qu« ,  par  la  coutume  de 
Metz,  titre  14  ,  article  1 5  ,  le  fermier  &  TuAifrui- 
tier  commencent  à  prefcrire  du  jour  que  la  ferme  ou 
l'ufufruit  efl  fini  6"  éteint. 

(  I  )  Nullà  cxtrinfeccs  acciJente  caufâ  ,  neino  lîoi  caufjin 
poircifionis  niutace  poteft.  Lois,  C.  de  acquirendâ  poffef- 
lione.  ici  5  ,  J.  illiid  ,  D.  eoH.  tit. 

(1)  Sui  la  loi  nequefrutïuar'mri ,  C.  de  ufufru£lu. 

(;)  De  prjsfcrjpt   4,  part.  4  .part,  quxll.  n.  ^. 

[4]  Sur  la  coutume  de  Bretagne  ,  article  z6^ ,  aux  mots  £^ 
/rti/F ,  chapitre  m  ,  nombre  i}  ôc  fui  van  s. 

S  S  i) 


3U 


PRESCRIPTION. 


Remarquez  encore  qu'on  ne  doit  pas  confoncfre 
avec  le  précaire  proprement  dit,  la  claufe  de  pré- 
caire qui ,  en  certaines  provinces  ,  eft  comme  de 
flyle  dans  les  contrats  de  vente.  Par  cette  claufe  , 
l'acheteur  déclare  tenir  précairement  le  fonds  ache- 
té ,  julqu'à  l'entier  payement  du  prix  :  mais  elle 
ne  le  rend  point  pour  cela  poflTelTeur  précaire  :  elle 
ne  donne  au  vendeur  qu'une  hypothèque  privilé- 
giée ,  &  elle  n'empêche  pas  l'acheteur  de  fe  libérer 
par  la  Prefcription  de  l'engagement  qu'il  a  con- 
traflé  pour  le  prix.  C'eft  ce  qui  a  été  jugé  ,  au  par- 
lement de  Touloule  ,  par  arrêt  rendu  au  rapport 
de  M.  de  Catellan  ,  le  6  mai  1664  »  &  inféré  dans 
U  recueil  de  ce  magiftrat ,  livre  7,  chapitre  5. 

Distinction  V.  De  la  familiarité. 

hz  familiarité  eft  une  effjèce  de  précaire  tacite. 
Les  adies  qui  en  dérivent  fuppofent  un  confente- 
jnent  qui  n'eft  pas  exprimé  ,  mais  qui  eft  fans  c«n- 
féqucnce  ,  &  ils  n'acquièrent  ni  droit  ni  pofleffion  , 
parce  que  celui  fous  le  bon  plaifir  duquel  ils  font 
faits  ,  demeure  toujours  le  maître  de  les  difconti- 
nuer  quand  il  le  trouve  à  propos.  * 

En  vain  donc  feriez-vous  venu  pendant  vingt , 
trente ,  cinquante  ou  cent  ans ,  foit  loger ,  foit  dîner 
chez  moi ,  la  complaifance  que  j'ai  eue  de  vous  re- 
cevoir, de  vous  régaler  ,  ne  formera  jamais  un 
titre  pour  vous  ,  &  jamais  elle  ne  vous  donnera  le 
droit  de  me  forcer  à  la  continuer ,  lorfqu'il  ne  me 
plaira  plus  de  le  faire.  C'eft  ,  comme  nous  l'avons 
dit  ci-devant ,  §•  V  ,  la  doflrine  de  Panorme  ,  &  il 
n'y  a  pas  un  auteur  qui  ne  l'approuve. 

Mais  ,  nous  l'avons  obfervé  au  même  endroit  , 
fi  les  ades  familiers  par  leur  nature  ,  paroif- 
foient  avoir  été  faits  en  vertu  d'un  droit  acquis  Se 
comme  à  titre  de  fervitude  ,  ils  pcrdroient  leur  ca- 
ra6lèrc  de  familiarité  ,  &.  il  en  réfulteroit  une  pof- 
feflion  légitime  qui  ,  avec  un  temps  fufBfantpour 
.  prefcrire,  formeroit  un  droit  perpétuel  &  irrévo- 
cable. 

Comment  donc  reconnoître  fi  c'eft  par  droit  ou 
par  fimiliarité  que  de  pareils  aéîes  ont  été  faits  } 
Sans  doute  ,  lorfqu'il  n'y  a  pas  plus  de  préfomp- 
tion  d'un  côté  que  de  l'autre  ,  la  faveur  de  la  liberté 
exige  qu'on  penche  plutôt  pour  le  fécond  parti  que 
pour  le  premier. 

Mais  fi  à  la  polTeffion  immémorfale  fe  joi<Tnoit 
quelque  caufe  apparente  ,  quelque  conjecture  pro- 
bable ,  tirée  de  la  qualité  des  perfonnes  ,  ou  de 
celle  de  la  chofe ,  il  n'en  faudroit  pas  davantage, 
fuivant  l'opinion  la  plus  générale  des  do6teurs(i)  , 
pour  opérer  une  véritable  Prefcription. 

Il  y  a  ,  par  exemple  ,  des  feigneurs  qui  Com  en 
pofteflîon  de  loger  &  de  fe  faire  régaler,  pendant 
certains  jours  de  l'année ,  dans  des  monaflères.  Si 


[l]  Stritkius  ,  dé  jure  fimil.  arp.  J  ,  /i.  4I.  J'Argentrc  ùi/ 
l'articJe  2  66  c'e  la  coutume  de  Bretagne  ,  chapitre  8  j  Je  même 
en  ion  confeil  1.  Jialbus,  4'  ôc  j'  pa.  t. 


PRESCRIPTION. 

cette  pofleffion  eft  immémoriale ,  ou  fi ,  étant  moiB» 
longue ,  elle  a  quelques  caraétères  indicatifs  d'un 
droit  acquis  de  la  part  du  feigneur ,  -il  n'eft  point 
douteux  qu'elle  ne  foit  à  l'abri  du  reproche  de  fa- 
miliarité ,  &  qu'elle  ne  doive  être  confidérée  ou 
comme  une  condition  de  la  fondation  que  le  fei- 
gneur a  faite  du  couvent,  ou  comme  une  récom- 
penfe  de  la  protection  qu'il  accorde  aux  religieux. 
Voyez  Gîte. 

Mais  que  doit-on  décider  lorfqu'un  chapitre  de 
chanoines  eft  depuis  plus  de  cent  ans  en  polTeinoii 
de  dîner  certains  jours  de  chaque  année  ,  chez  fon 
évêque  .•' 

Cette  queflion  ,  déjà  effleurée  à  l'article  Fes- 
TAGE,  a  été  agitée  depuis  peu  au  parlement  de 
Guyenne. 

Le  chapitre  de  Saintes  foutcnoit  qu'eti  vertu  d'un 
ancien  ulage  ,  M.  de  la  Châtaigneraie  ,  évêque  de 
cette  ville  ,  étoit  affujcti  à  lui  donner  quatre  repas 
par  an  ,  ou  à  lui  payer  une  fomme  en  argent  repré- 
fentative  de  c«s  repas  ;  8c  que  des  tranfadions  paf- 
fécs  avec  quelques-uns  des  prédcceflturs  de  M.  de 
la  Châtaigneraie  ,  formoient  pour  lui  un  engage- 
ment qu'il  ne  pouvoit  rompre.  M.  de  la  Châtaigne- 
raie foutenoit,  au  contraire,  que  l'ufage  invoqué 
par  le  chapitre  n'étoit  pas  prouvé;  que  quand  il 
le  feroit,  il  n'étoit  pas  prefcriptibie  de  fa  nature  , 
de  manière  à  pouvoir  donner  efficacement  lieu  à 
une  aétion  judiciaire;  &  qu'enfin  les  tranfaflions 
mêmes  qu'on  lui  oppofoit  ne  formoient  pas  pour 
lui  un  engagement  dont  il  ne  pût  s'affranchir. 

Par  arrêt  du  13  juillet  1775  ,  rendu  fur  les  con- 
clufions  de  M.  du  Paty,  alors  avocat  général,  & 
aujourd'hui  préfident  à  mortier  ,  le  chapitre  a  été 
débouté  de  fa  prétention,  avec  dépens. 

Distinction  VI.  De  Vîntcrverfion  de  titre. 

Les  poftefleurs  précaires  &  familiers  ne  peuvent 
pas,  comme  on  l'a  vu  plus  haut,  changer  eux-mê- 
mes le  titre  de  leur  poffefàon  ;  mais  il  peut  être  in- 
terverti par  une  caufe  étrangère;  c'eft  ce  que  la 
loi  citée  entend  par  ces  mots  ,  aliquJ  cxirinfecus 
accèdent fi  caiiau 

Cette  interverfion  ,  ce  changement  peut  fe  faire 
de  deux  manières,  l'une  légitime,  l'autre  injufts., 

La  première  a  lien  ,  lorfque  le  poffeffeur  précaire 
acheté  de  fon  maître  le  bien  qu'il  détenoit  ;  ou  qu'il 
le  reçoit  de  lui  à  titre  d'échange,  de  donation,  ou 
autre  translatif  de  propriété.  Parla  ,  il  devient  pof- 
ferfeur' légitime;  il  commence  dès-lors  à  poffeder 
pour  iç^i  i  &  fi  la  perfonne  dont  il  a  acquis  les 
droits  ,  n'étoit  jsas  propriétaire  ,  il  le  deviendra  lui- 
même  avec  le  fecours  de  la  Prefcription. 

La  féconde  arrive  lorfqne  la  j)offeftîon  eft  chan- 
gée par  je  fait  d'un  tiers. Pai^  exemple,  votre  fer- 
mier acquiert  d'un  autre  lès  biens  qu  il  tient  de 
voES  à  bail;  il  refufe  après  cela  de  vous  en  payer 
les  fermages  vil» vous  déclare, qu'il  ne  veut  plus  les 
tenir  de  vous  ,  &  qu'il  entend  les  pofféder  com- 


PRESCRIPTION. 

ime  fiens.  Voilà  un  changement  de  pofieflion  opéré 
par  un  fait  extérieur  :  il  eA  injufte  ,  à  la  veriré,  puil- 
que  le  fermier  ne  peut  pas  reconnoître  d'autre  pro- 
priétaire que  fon  bailleur  ,  fuivant  cette  règle,  riemo 
quapionem  duminii  ei  nferre  poie(l  à  quo  jus  ha- 
bet  :  mais  tout  injufte  qu'il  eft  ,  il  ne  lailTe  pas  de 
donner  commencement  à  la  Prefcription  ,  parce 
que  ,  dit  la  glofe  fur  la  loi  5  ,  C.  de  acqiiirendâ 
poJf''(fione  ,  ce  n'eft  pas  le  fermier  lui-même  ,  mais 
un  tiers  qui  change  la  caufe  de  fa  poïTeffion  :  non 
fibi  mutare  ,  jcd  ipfi  mutarï  dlcitur  cauja  pojjlffïonis. 

Remarquons  cependant  (&.  c'eft  en  quoi  elle 
difTère  dans  la  première  )  que  cette  féconde  ef- 
pèce  d'interverfion  ne  fuffit  pas  pour  donner  lieu 
aux  Prefcriptions  qui  exigent  titre  &  bonne  foi  : 
elle  n'autorife  que  celles  de  30  &  40  ans  (i) 

Quelques  auteurs  diflingucnt  ,  dans  les  droits 
incorporels,  celui  avec  lequel  on  a  interverti  la 
pofTcirion  ,  du  tiers  contre  lequel  on  voudroit  pref- 
crire.  A  l'égard  du  premier  ,  l'intention  du  pref- 
crivant  lui  étant  connue  ,  la  Prefcription  commence 
d'abord  8c  s'acquiert  par  trente  ans.  Mais  pour  le 
fécond ,  il  femble  qu'il  retient  toujours  la  po/Tef- 
fion  civile  :  l'interverfion  n'étant  pas  faite  avec  lui , 
on  ne  peut  pas  dire  qu'elle  lui  ôte  l'intention  de 
pofleder;  il  continue  donc  de  le  faire  civilement , 
&  il  le  fera  ,  tant  que  par  un  long  efpace  de  temps 
(  fixé  ci-deffus  à  dix  années  ,  )  il  fera  cenfé  avoir 
abandonné  fa  pofféffion.  Ce  ne  fera  qu'après  ce 
terme  que  l'on  commencera  à  prefcrire  contre  lui. 
Ainfi  pour  opérer  la  Prefcription  dans  ce  cas  ,  il 
faut  une  poffsffion  de  40  ans  (2)  ;  voilà  pourquoi 
le  parlement  de  Franche-Comté  ,  en  admettant  la 
Prefcription  contre  le  cens  leigneurial  ou  emphy- 
téotique en  faveur  du  tiers  poffefl'eur  ,  juge  conf- 
tamment  qu'il  ne  peut  acquérir  cette  Prefcription 
que  par  le  laps  de  quarante  années.  Voyez  ci-après  , 
fefllon  111 ,  §.  I ,  &  l'article  Interversion  de 

TITRE. 

Distinction  Vil.  De  la  Clandefllnltè. 

Perfonne  n'a  traité  cette  matière  avec  plus  de 
clarté  &  de  précifion  que  Dunod. 

♦  La  clandeflinité  ,  dit-il  ,  efl:  un  obflacle  à  la 
PrcCcription  ,  parce  que  celui  qui  fe  cache  pour 
jouir,  eft  préfunié  en  mauvaife  foi  (■5)  ;  &  que, 
cachant  fa  jouiflance  ,  les  intéreffés  ,  qui  ne  l'ont 
pas  connue  ,  font  cxcufables  de  ne  s'y  être  pas 
oppofés. 

On  eft  pofTefieur  clandeftin  (  dit  la  loi  6  ,  D. 
de  acqiùrendâ  pojpjfione  ),  lerfqu'appréhendant  une 
conteftation  ,  l'on  entre  en  poffefllon  furtivement 


M]  D'Argentrô  fut  la  coutume  de  Bretagne,  article  aîf  , 
aux  mots  Syfiifi  ,  chapitre  4,  n.  9  :  Balbus  ,   i  part.  6  part. 
».  Ji. 
•  [a]  Vafqu-ez,  controverf.  illuflr.  lih,  2  ,  cvj.  Sj  ,  n.  14. 

.  [}]  Clandeftiiiuin  fadu.n  fcmpst  praclumitui;  dolOiO.n,  Loi 
pénulticm; ,  D.  ptoftio. 


PRESCRI  PT  ION.        315 

&  par  des  actes  obfcurs  ,  qu'on  croit  ne  devoir  pas 
venir  a  la  cjnnoiiian*,,.  Jç^  parties  intéreifées,  parce 
qu'il  eft  difficile  qu'elles  w,  fâchent  (i).  Il  en  eft 
de  même,  luivant  la  loi  3  ,  5.  7  ^  o.  quod  vi  a,u 
clurn ,  quand  on  a  fait  la  chofe  à  Vin^^  de  celui 
qui  n'auroit  pas  manqué  de  s'y  oppofer ,  «,j  qu'on 
ne  la  lui  a  pas  dénoncée,  quoiqu'on  fût  oblii34ç]g 
le  faire  (2). 

il  faut  danc  qu'on  ait  eu  fujet  de  craindre  une 
conteftation  ,  &.  qu'on  fe  foit  caché  pour  l'éviter. 
Mais  on  ne  fera  pas  moins  poffefreur  clandeftin  , 
pour  ne  l'avoir  point  appréhendée ,  quand  on  a 
eu  fujet  de  la  craindre  ;.  ne  melioris  conditionis  fint 
jlulii,  qiiàm  periti.  Il  en  eft  de  même  loifqu'on  a 
eu  delfein  defe  cacher  d'une  perfonne  qu'on  croyoit 
avoir  intérêt  à  la  chofe  ,  quoiqu'elle  n'y  en  eijt 
point,  pourvu  qu'il  y  en  eût  une  autre  qui  y. fiât 
inréreiTée  (3).  On  rQconnoit  à  ces  traits  le  pof- 
klieur  de  mauvaife  foi  ,  qui  fent  que  ce  qu'il  tient 
ne  lui  appartient  pas  ,  &  qui  tâche  de  dérober  fa 
poffeflîon  aux  yeux  du  public  ,  particulièrement 
des  perfonnes  qui  auroient  droit  de  la  troubler. 

Le  maître  qui  rentre  dans  fon  héritage  n'eft  pas 
cenlé  le  po/Téder  clandertinement ,  quoiqu'il  cache 
fa  pofTeffion  ,  dans  la  crainte  d'y  être  troublé  , 
parce  qu'il  le  pofsède  comme  fien  ,  &  que  comme 
il  n'y  a  point  de  poftclîïon  précaire  de  fon  bien 
propre  ,  il  n'y  en  a  point  non  plus  de  clandef- 
tine(4),  C'eft  aufli  parce  qu'il  faut  remonter  à  l'o- 
rigine de  la  pofTeffion  ,  pour  juger  s'il  y  a  clan- 
deflinité ;  non  enim  ratio  obtinendœ ,  fed  oriso  n<7n  ■ 
cifcendcc  pojfcjjlonii  exquirendci  ejl.  Ainfi,  quand  on 
a  d'abord  pofîédé  publiquement  &  de  bonne  foi 
quoiqu'on  cache  fa  poirclfioii  dans  Ja  fuite  ,  on 
ne  laifTera  pas  de  prefcrire.  Is  autcm  qui  cum  poi- 
Jlderct  non  clam ,  Je  ceLivit  ;  in  eâ  causa  ejl  ,  lu  rioa 
vide,itur  clam  pojfidere.  Si  au  contraire  on  a  po('. 
Gdé  au  commencement  eu  cachette  ce  qu'on  fa- 
vuit  n'avoir  pas  juilement  acquis,  on  ne  le  pref- 
crira  pas  ,  quand  même  on  auroit  à^nonzh  dans  la 
fuite  fa  pofTeflîon  au  propriétaire  (5). 

Par  la  même  raifon  ,  celui  qui  a  joui  en  vertu 
d'un  titre,  ne  peut  être  regardé  comm.e  poiTefléur 
clandeftin  ;  fon  titre  le  fait  fuppofer  de  bonne  foi 
dans  le  commencement ,  &.  cela  fufHt  pour  pref- 
crire ,  fuivant  le  droit  civil.  (6). 


[  •  ]  C!am  portiJere  [  Ait  lu  Ici  «  ,  D.  de  acguirendd  poijef- 
ficne  ],  eum  dicinius,  qui  furtivé  ingreluis  elt  poffiiflioiiem  ; 
ignciante  eoquem  fibi  contioverfism  fadturiim  rurpicaL.irur  , 
&  n-:  faceret  timêbat. 

[i]  Clam  fiicere  vider!  Csïïjus  fcrJbir ,  eiim  qui  cel.ivic  ad- 
vcrûrium  ,  neque  ei  denuntiavit  ;  fi  niodo  timuit  ejus  con- 
tiovetfîam,  auc  tiniere  debuit. 

[3]  Si  quis  ,  dum  puiat  locum  tuum  efTe  qui  eft  meus  , 
celandi  tui ,  non  mei  caufa  fecir ,  r.ihilominùs  mihi  conipetic 
inttr^iftum.  Loi  aut  qui  aliter  ,  D,  quod  vi  aut  clam. 

[41  L.  ■\o  ,  §.  lî  leivuQi  ,  D.  de  acquirendà  pofiellîone.  L. 
6  .  D  eod.  tir. 

[5]  L.  Si  de  eo  ,i.  1  ,  D.  de  acq-iifenil  pojejjîjne.  Cujas 
fur  la  loi  6  c!u  mèuie  ricre. 

[6]  Nemo  dampQlfidçre  iiicipit ,  qui  fcienre  aut  volente^o 


fi6  PRESCRIPTION. 

Celui  qui  fait  un  ade  qu'on  ^i"  avoir  défcnclii ,' 
ou  qui  agit  d'abord  ^près  avoir  déclaré  qu'il  le 
feroit ,  n'eft  pas  csnf^  le  faire  à  linfu  de  ton  ad- 
verfaire.  Mais  s'-'  'e  fait  longtemps  après  (i)  , 
ou  qu'il  ait  -^arfé  la  partie  intérefiee  ,  pour  qu'elle 
n'en  f'''»-  P^s  informée ,  Faite  fera  réputé  clan- 
(Ip.rin. 

Lorfqu'on  eft  obligé  d'informer  une  perfonne 
de  ce  qu'on  veut  faire,  il  faut  lui  donner  un  dé- 
lai convenable  pour  qu'elle  puilfe  le  voir  ,  &  lui 
défigner  le  lieu,  le  jour  6c  l'heure,  autrement  on 
fera  préfumé  le  lui  avoir  voulu  cacher  ;  de  même 
tjue  fi  on  ne  l'a  pas  fait  en  conformité  de  la  dé- 
nonciation (2);  si  fi ,  fuivant  le  droit  ou  la  cou- 
tume ,  on  doit  obfervcr  certaines  formalités  dans 
lin  a61e ,  pour  qu'il  foit  réputé  public,  il  fera  ef- 
timé  clandeHin  ,  lorfque  ces  formalités  feront 
omifes. 

Une  pofleflion  nouvelle  contre  celui  qui  eft  fon- 
de en  droit  commun  ,  eft  profuméc  clandcftinc  , 
quand  elle  n'eft  pas  éclatante,  exercée  par  pluficurs 
ades  ,  &  d'un  temps  confidérable  ,  ou  qu'elle  n'eft 
pas  fonrlée  en  titre. 

La  loi  dit  que  la  pofteiïion  clandcftinc  eft  celle 
qui  fe  prend  de  la  chofo  d'autrui  à  l'infu  du  maî- 
tre ;  ignorante  to  i^uetn  fibi  controvtrfiiim  fatliirum 
fufpicjbatur  (3),  Si  donc  il  l'a  voulu,  il  n'y  a  point 
de  clandcftinité  ;  &  il  (vf^t  qu'il  l'ait  fu  ,  pour  qu'il 
ioit  cenfé  l'avoir  voulu  ,  quoiqu'il  n'ait  confenti 
par  aucun  a£le  extérieur:  quia  taciturnius  & pa- 
ti<nt;a  confcnfiim  imitantur. 

Or  ,  pour  qu'il  foit  préfumé  avoir  fu  la  poftef- 
fion  d'un  autre,  il  faut  qu'elle  foit  publique,  & 
telle  que  les  maîtres  qui  ufent  de  leurs  biens  ont 
coutume  de  l'avoir  &  de  l'exercer.  S'il  s'agit ,  par 
exemple,  d'un  bien  corporel,  la  polTcfiion  réelle 
de  ce  bien  ,  qui  fe  prend  particulièrement  par  la 
perception  des  fruits,  &  qui  fuliiroit  pour  être 
maintenu  en  complainte  en  cas  de  trouble,  doit  être 
jugée  publique  &  parvenue  à  la  connoiflaoce  des 
perfonncs  intéreftees  :  aufîl  plufieurs  coutumes  du 
royaume  ont  déterminé  qu'elles  feroicnt  courir  , 
en  ce  cas,  les  délais  qui  ne  commencent  que  du 
jour  de  la  connoiflance,  comme  en  matière  de  re- 
trait ,  du  jour  de  la  poiTeflion  réelle  prife  ;  &  les 
appointemens  de  preuve ,  fur  le  fait  de  la  poiïcf- 
fion  ,  portent  communément  qu'elle  a  été  publique 
&  exercée  au  vu  &  fu  de  ceux  qui  l'ont  voulu  voir 
&  favoir.  Prafumitur  enint  fcientia  in  his  quce.  pu- 
bLicc  fiunt. 

Les  perfonncs  intéreflees  n'ont  point  d'excufes 
en  ce  cas  ;  elles  font  préfumées  avoir  fu  ce  qu'elles 
ont  vraifemblableraent  pu  favoir  :  il  faut  s'infor- 


•d  «juera  ea  res  pertinet ,  auc  aliquà  ratione  bona:  fdei  pûflcf- 
lionem  nancîfcitur.  Lt'i  6  ,  D.  de  acquit,  pofiefl", 

[1]  L.  7  ,  ^fi^liut ,  D.  quoivi  aut  clam.  Loi  iS,  flc  Joi 
dernière  ,  du  même  titre. 

[1]  Loi  f  du  titre  cité  ,  $•  »  &  fuivaas. 
1 5  J  Loi  6  ,D.ic  acquitetiHâ  poUediouf, 


PRESCRIPTION. 

mer  de  ce  à  quoi  l'on  a  intérêt  ;  8c  fi  on  ne  le  fait 
pas,  on  doit  s  imputer  ce  qu'on  en  fouffre  ;  fi  on 
ne  l'a  pas  fu  ,  on  a  dû  le  favoir  quand  l'aéle  eft  pu- 
blic; ce  qui  produit  le  même  eftet  que  fi  l'on  en 
avoit  été  informé,  parce  qu'on  ne  l'ignore  que  par 
une  faute  groffiére  ,  qui  ne  mérite  point  de  grà- 
ce  (i). 

Il  y  a  plus  de  difficulté ,  dans  les  droits  incor- 
porels,  à  prouver  une  poireflîon  connue,  ou  qui 
ait  dû  être  connue  par  l'adverfaire ,  parce  que  les 
faits  n'en  font  pas  toujours  aulli  éclatans  &  cer- 
tains que  dans  la  poftéftion  des  corporels  :  la 
fcience  &  la  patience  ,  qui  tiennent  à  leur  égard  la 
place  de  la  tradition  ,  ne  font  pas  préfumées  par 
des  aôles  obfcurs  &  équivoques;  il  faut  qu'ils  foient 
publics ,  apparcns  ,  propres  Se  déterminés  à  l'exer- 
cice du  droit  qu'on  prétend  :  leur  nombre  doit  fup- 
pléer  au  défaut  de  leur  qualité.  Quelq;;etois  aulîi 
les  droits  font  de  telle  valeur,  qu'il  n'eft  pas  vrai- 
femblable  qu'on  en  ait  ignoré  la  polTcflion  ,  quoi- 
que prife  par  un  feul  aéle.  * 

Voilà  ce  que  nous  enfeigne  Dun'  d  fur  la  clan- 
deftinité  8c  la  publicité  de  la  pcffeirion  néccffaire 
pour  prefcrire. 

On  a  vu  ,  de  nos  jours  ,  un  exemple  fingulier  de 
l'obftacle  qu'apporte  à  la  Prefcription  la  clandefti- 
nité  de  la  poftéffion. 

En  1713,  le  nommé  Huet,  propriéraire  d'un 
terrein  fitué  dans  la  plaine  de  Creteil ,  près  de  Pa- 
ris ,  y  fit  faire ,  par  le  moyen  de  différens  puits , 
des  fouilles  de  pierres  propres  à  bâtir ,  &  il  les 
poufta  jnfques  fous  le  terrein  d'un  fieur  Mercier, 
qui  y  joignoit. 

En  1754  '  's  ^'^"''  ^îercicr  entreprit  de  faire  éga- 
lement fouiller  fon  héritage.  Mais  s'étant  apperçu 
de  l'anticipation ,  il  aftigna  les  héritiers  Huet  en 
condamnation  de  dommages-intérêts. 

Ceux-ci  opposèrent  la  Prefcription.  Le  fleur 
Mercier  répondit  qu'elle  n'étoit  pas  acquife  ,  parce 
que  l'anticipatioM  avoit  toujours  été  clandeftine.  Je 
ne  pouvois  pas  en  être  inftruit  ,  leur  difoit-il , 
parce  que  vous  aviez  pris  des  raefures  ,  en  bou- 
chant vos  puits ,  pour  m'en  dérober  la  connoif- 
fancc  :  &  d'ailleurs  pouvois-je  foupçonner  que 
vous  creufiez  fourdemeut  l'intérieur  de  mon  ter- 
rein ,  pendant  que  vous  en  laiftîcz  la  fuperficie  dans 
ma  pleine  pofleffion  i* 

Par  arrêt  du  16  Juin  1755  ,  confirmatif  d'une 
fentcnce  du  châtelet  du  8  février  précèdent ,  les 
héritiers  Huet  ont  été  déboutés  de  leur  exceptian  , 
5c  en  conféquence ,  il  a  été  ordonné  qu'ils  ëéfcn- 
droient  au  fond. 


[î]  Nec  enim  petpetua  cujulquam  ignorantia  ferenda  eft," 
(ju.t;  potfll  difcuti  ;  &:  magna  negligencia  cu'pa  el\.  Loi  der- 
nnrc  ,  D.  quis  orJo  in  bonorum  poffeflîonibus  fcrvetut.  Lei 
i'.^  ,D.de  verborm.i  fignihcatione,  Chr.pitre  quia  divecliu- 
tcuî ,  tux  décrctilti ,  de  ccnceilione  praebendà. 


PRESCRIPTION. 

§.  VU.  Des  caufes  qui  interrompent  la  Pre/criptiort.  — 
De  celles  qui  la  jufpendent  ou  qui  peuvent ,  lorf- 
quelle  eft  acquife,  en  faire  cejfer  l'effet  par  la  refii- 
lution  en  enatr. 

Nous  avons  ,  comme  l'on  voit,  deux  objets  prln- 
«ipaux  à  difcuter  ici.  Reprenons  -  lès  l'un  après 
l'autre. 

DistiNCTIOnI.  Dci  caufes  qui  interrompent  la 
Prcfcripùon. 

Interrompre  une  Prefcription  commencée,  c'eft 
rendre  inutile  le  temps  qui  a  précédé,  &  obliger 
le  poffefleur  de  recommencer  à  prefcrire  de  nou- 
veau,  comme  s'il  n'avoir  pas  été  auparavant  dans 
la  voie  de  la  Prefcription. 

Les  moyens  qui  opèrent  cet  effet  font  détaillés 
à  l'article  Interruption. 

Distinction  II.  Des  caufes  qui  fufpendent 
la  Prejcription  ,  ou  qui  peuvent  en  f-iire  cejfer  i'tf- 
fet  par  la  rtjlituiion. 

Il  ne  faut  pas  confondre  les  moyens  qui  inter- 
rompent la  Prefcription  avec  ceux  qui  h  fufpendent. 
Les  premiers  reportent  le  poffeiteur  au  même 
point  que  s'il  n'avoit  pas  encore  commencé  à  prel- 
crire  :  par  les  féconds ,  la  Prefcription  dort,  mais 
ne  s'éteint  pas  :  ils  n'eiti pèchent  pas  qu'on  re- 
joigne le  temps  qui  a  précédé  avec  celui  qui  a 
fuivi  ;  &  leur  feul  effet  eft  de  déduire  le  temps  in- 
termédiaire pendant  lequel  la  Prefcription  ne  court 
poiiir. 

Quels  font  ces  moyens  .''  Les  interprètes  ne  font 
pas  d'accord  là-deliios.  Mais  nous  por.vons  dire  en 
général  que  les  uns  dérivent  de  la  perfonns  du 
propriétaire;  &  les  autres  de  caufes  étrangères. 

De  la  première  efpèce  font  (ou  réellement  , 
ou  dans  l'opinion  de  quelques  uns  ,  )  la  pupilla- 
rité,  la  minorité  ,  la  démence  ,  l'interdlélion  pour 
caufe  de  prodigalité,  raffujettiHement  à  la  puif- 
fance  paternelle  ou  maritale  ,  labfence  &  l'igno- 
rance. 

La  guerre  ,  la  perte  ,  la  condition  pendante  , 
le  défaut  d'échéance  du  temps,  la  défenfe  d'aliéner 
au  préjudice  du  fucceffeur ,  le  pa<5te  de  réméré  , 
le  concours  d'une  aSion  avec  l'autre,  la  fépara- 
tion  de  l'ufufruit  d'avec  la  propriété,  font  mifes 
dans  la  féconde  claiTe. 

Examinons  fi  chacune  de  ces  circonflances  a  vrai- 
ment l'effet  de  fufpendre  la  Prefcription. 

i".  Il  n'y  a  point  de  doute  fur  la  Pufilla- 
RITÉ.  La  loi  ficut ,  au  code,  de  Praifcript-one  30 
v«/ 40  annorum,  décide  expreffément  que  la  Pref- 
cription de  trente  ans  ne  court  pas  contre  le  pu- 
pille ,   &  qu'elle  dort  pendant  la  pupiU^rité. 

Cependant  '1  y  a  une  dilUnftion  à  taire  entre  la 
Prefcription  dt  droit  civil  ,  la  Prefcription  ffatu- 
tjirc  ,  Se  la  Prefcription  convenrionnelie. 


PRESCRIPTION.       317 

Ceft  de  la  première  que  parle  le  texte  cité.  Ainfi 
il  eft  bien  clair  qu'elle  ne  court  pas  contre  le* 
pupilles. 

On  ne  diftingue  même  pas  à  cet  égard  û  elle 
a  commencé  avant  la  pupillarité  ou  après.  M.  de 
Saint-Maurice,  de  rejlituiionihus  in  integrum  ,  cha- 
pitre 106  &  107,  affurc  que  c'étoit  de  fon  temps 
la  jurifprudence  du  parlement  de  Franche-Com- 
té. Dunod,  partie  3  ,  chapitre  i  ,  dit  l'avoir 
vu  juger  plufieurs  fois  de  même  ,  Se  notamment 
par  .irrèt  rendu  le  9  juin  1725  ,  au  rapport  de  M. 
Tinfeau.  On  trouve  aufii  dans  le  journal  du  palais 
de  Touloufe ,  tome  i,  page  460,  un  arrêt  du  % 
aoiàt  1734 ,  par  lequel  il  a  été  décidé  que  «  la  Prcf- 
»  cription  commencée  contre  la  mère  ,  ne  fe  con- 
»  tinue  pas  fur  fon  fils  &.  fon  donataire,  qui  eft 
n  pupille  ».  On  oppofoit  que  l'enfant  avoit  dans 
la  perfonne  de  fon  père  un  adminiftrateur  légiti- 
me ,  qui  pouvoir  agir  :  mais ,  malgré  cette  circonf- 
tance  ,  dit  l'auteur,  il  a  été  décidé  que  «  la  Pref- 
»  cription  n'avoit  pas  couru  ,  &  qu'elle  n'étoit 
»  pas  accomplie.  »  En  effet ,  la  loi  '^  ,  C  de  Prtzf- 
criptione  30  v.l  40  annorum  ,  déclare  formellement 
que  la  Prefcription  même  trentenaire  dort  en  fa- 
veur des  pupilles ,  quoiqu'ils  foient  pourvus  de 
tuteurs. 

A  l'égard  de  la  Prefcription  ftatutaire  ,  voyez  ce 
qui  en  eft  dit  .1  l'article  Rapport  a  loi. 

Enfin  ,  dans  la  Prefcription  conventionnelle  ,  il 
n'y  a  point  de  diftérencc  entre  le  majeur  &  le  pu- 
pille ;  elle  court  contre  celui-ci ,  même  fans  efpé- 
rance  de  reftitution  en  entier.  C'eft  lefentiment  du 
jurifconfuîte  Paul  dans  la  loi  (îw/'/iwi  ,  D.  de  mino- 
nbus  ,&  Juftinien  l'a  adoptée  en  l'inférant  dans  fes 
pandeélcs. 

Il  eft  vrai  que  les  lois  accordent  au  mineur ,  & 
à  plus  forte  raifon  au  piifjille,  le  bénéfice  de  refti- 
tiuion  en  entier  contre  le  dommage  qu'il  a  eftuyé 
par  une  fimple  omiffion.  Mais  le  privilège  de  la 
minorité  ne  peut  s'appliquer  qu'à  ce  qui  a  été  fait 
par  le  mineur  ou  avec  lui  ,  &  ce  n'eft  qu'aux  a(5ïes 
de  cette  efpèce  que  le  préteur,  dans  la  loi  i  ,  D, 
de  minoribus  ,  promet  d'appliquer  le  remède  de  la 
reftitution  (i).  D'ailleurs  les  conventions  faites 
avec  un  majeur  peuvent  elles  être  altérées  par  le 
privilège  attaché  à  l'âge  de  fon  héritier  t  Le  terme 
qui  eft  appofé  à  un  contra:  eft  une  condition  fans 
laquelle  on  n'auroit  pas  contraélé  ;  il  fait  partie  de 
l'aéle  ,  &  vous  ne  pouvez  pas  divlfer  une  obliga- 
tion quelconque  ,  fans  la  détruire.  Enfin  .  quels  in- 
convèniens ,  s'il  falloir  que  ceux  qui  ont  contrniflé 
avec  des  majeurs  ,  &  qui  ont  arrangé  leurs  affaires 
d'après  les  termes  dont  ils  font  convenus  avec 
eux  ,  étoient  obligés  d'artendre  la  puberté  de  leuf 
fucceffeur  ,  pour  pouvoir  affurer  irrévocablement 
l'effet  de  fon  contrat. 


(i)  Quôd  c'.iin  minore  gertiiai  elTe  dicïtur ,  uti  «jusque  rc« 
erit,  aniniaùvertam. 


3i8  PRESCRIPTION. 

T."^.  Sur  In  AiiNORiTÉ  ,  il  faut  faire  les  mêmes  dif- 
tiniuons  qu'on  a  faites  au  fujet  des  pupilles. 

Ainfi,  d'abord,  point  de  doute  que  la  Prefcrip- 
tion  d'ordonnance  ou  de  coutume  ne  court  contre 
le  mineur,  au  moins  lorfqu'il  n'eft  queftion  pour 
lui  que  de  gagner,  &  qu'il  n'en  foit  abfolument  de 
irjôme  de  hi  Prefcription  conventionnelle  :  ce  que 
nous  avons  dit  là-de(Tus  du  pupille  ,  s'applique  à 
bien  plus  forte  raifon  au  mineur. 

AulTi  trouvons-nous  vui  arrêt  du  parlemenj  de 
Dijon  du  27  février  1572  ,  qui  «  juge  ,  en  rétor- 
«  maut  une  fentence  du  bniilinge  de  Châlons  ,  que 
»  le  temps  du  rachat  conventionnel  avoit  couru 
5)  fans  efpèrance  de  reftitution ,  pendant  la  mino- 
s>  rite  de  celui  qui  vouloir  fe  prévaloir  de  la  foi- 
»  blefle  de  fon  âge  )>.  Ce  font  les  termes  de  Tai- 
fand  fur  la  coutume  de  Bourgogne,  titre  14  ,  note 
7.  Bouvot ,  tome  2  ,  article  retrait  conventionnel , 
queftion  6  ,  rapporte  le  môme  arrêt ,  mais  il  le  date 
du  23  février,  au  lieu  du  27. 

M.  Louet ,  lettre  P ,  §.  46  ,  fait  mention  d'un  ar- 
rêt fcmblable  rendu  au  parlement  de  Paris  le  15 
juillet  1  581;.  Il  en  avoit  été  rendu  de  pareils  le  15 
mai  1535  &  le  26  février  1575.  Us  font  rapportés 
par  le  Vcft  ,  §.  206  ,  &  par  Mornac  fur  la  loi  38  , 
au  digcftc  ,  de  min»riku.t. 

A  l'égard  des  Prefcri prions  de  droit  civil  ,  on 
diflingue  celles  que  nous  nommons  perpétuelles  , 
parce  qu'elles  font  de  trente  ans  ou  audeirus  , 
d'avec  celles  qu'on  a  appelées  temporelles  ,  6c  qui 
font  ati-ded'ous  de  trente  ans. 

Suivant  l'ancien  droit ,  il  y  \voit  des  Prefcrip- 
tions  temporelles  nui  couroient  contre  les  mineurs 
f;ins  cipoir  de  reftitution  ;  d'autres  avec  cfpoir  de 
reflitution  ,  6c  d'autres  qui  dormoient  pendant'  la 
minorité. 

L'empereur  Juflinien  a  ordonné  par  la  loi  der- 
nière, au  code , //j  ^/;i/'Ui  caujis  ,  que  la  Prefcrip- 
tion ne  courroit  plus  contre  les  mineuis  ,  dans  le 
cas  où  ils  pouvoient  être  refiitues.  La  raifon  qu'il  en 
rend  cft  finiple  :  nuliiis  efl ,  dit- il  ,  eonim  jura  intr.du 
jerviire  ,  quàm  poil  vulnenitam  caufarn  renudium  iju:t- 
rere  :  (  il  vaut  mieu>;  conferver  leurs  droits  intatls  , 
que  de  chcrchtr  à  les  rétablir  quand  on  les  a  laiflcs 
altérer  ). 

Il  efl  donc  certain  ,  fuivant  le  droit  nouveau  , 
que  les  mineurs  n'ont  plus  befoin  de  reftitution  d^uîs 
les  cas  où  le  droit  ancien  faifoit  courir  la  Prefcrip- 
tion contr'eux  ,  mais  en  leur  lailfant  la  reftburce 
de  recourir  au  préteur  qui  les  reftituoit  en  entier. 

C'eft  fur  ce  fondt^nent ,  dit  M.  de  Catellan  , 
livre  7  ,  chapitre  20  ,  qu'un  arrêt  du  parlement  de 
Touloufe  du  5  (eptembre  1698,  a  jugé  "  que  la 
j?  Prefcription  de  l'hypothèque  par  dix  ans  en  fa- 
v  veur  d'un  tiers  polTeiTeur,  ne  court  pas  contre 
3>  les  mineurs  ,  &  qu'ils  n'ont  pas  même  befoin 
j)  d'être  reftitués  ni  relevés  '•. 

Et  comme  ce  nouveau  droit  qui  a  été  introduit 
en  leur  faveur  ,  ne  doit  pas  diminijer  leurs  anciens 
privilèges,  il  cft  certain  qu'ils  ioul  sncors  aujour- 


PRESCRIPTION. 

d'hui  de  plein  droit ,  &  fans  le  fccours  de  la  reftlfi'i-' 
tion  en  entier  ,  à  couvert  d.^  la  Prefcription  ,  dans 
tous  les  cas  où  ils  l'étoient  avant  Juftinien. 
•  Quels  font  ces  cas  ?  Il  feroit  difficile  de  les  déter- 
miner :  ils  font  en  très-grand  nombre.  On  peut 
feulement  dire  en  général  que  ce  font  ceux  d.ins 
lelquels  la  Prefcription  auroit  inféré  quelque  peine 
au  mineur  ,  ou  blefTé  fon  honneur:  cùm  ex prœf- 
criptione  inducitur pœna ,  aut  infamia  contra  minorem. 

D'un  autre  côté  ,  la  loi  de  Juftinien  fe  bornant  à 
fufpendre  la  Prefcription  dans  le  cas  où  les  mineurs 
auioient  pu  s'en  faire  relever ,  il  s'enftiit  qu'elle 
court  encore  aujourd'hui  contr'eux  fans  efpèrance 
de  reftitution  ,  dans  tous  ceux  où  elle  couroit  de  la 
forte  par  l'ancien  droit.  La  raifon  qui  leur  avoit  fait 
refufcrla  reftitution  dans  ces  cas  fubftfte  toujours. 
Ceft  lorfque  le  mineur  exerce  ims  a6l!on  odieiife 
qui  tend  moins  à  fon  propre  avantage  qu'au  détri- 
ment d'un  tiers  ,  ou  qui  ne  peut  l'enrichir  qu'en 
dépouillant  quelqu'un. 

Telle  c{\,  fuhant  la  toi  auxilium  ,  D.  de  minori- 
bui  ,  la  Prefcription  d'une  injure  ou  d'un  délit;  & 
c'eft  fur  ce  f*)ndement ,  dit  Montholon  ,  §.  101  , 
qu'il  a  été  jugé  ,  par  arrêt  rendu  au  rapport  de  M, 
Angenouft  ,  que  la  Prefcription  de  vingt  ans  intro- 
duite par  la  loi  <juereU  fal/î ,  au  code  ,  ad  le^em 
cumeliam  de  f.iljîs  ^  couroit  contre  le  mineur  ,  ftnis 
efpoirde  reftitution.  On  trouve  aulTi  dans  le  jour- 
nal du  palais  de  Touloufe  ,  tome  3  ,  page  325  ,  wn. 
arrêt  du  12  juillet  1709  ,  lors  duquel  on  convint 
unnnimement  que  «  la  Prefcription  du  crime  par 
"  vingt  ans  ,  court  contre  les  pupilles, les  mineurs, 
»  &  contre  ceux  qui  n'ont  pas  de  voie  pour  fe  dé- 
»  fendre  ". 

Il  en  cft  de  même  quand  il  s'agit  d'une  commife. 
Quoique  le  mineur  puifT^  fe  faire  relever  de  celle 
qu'il  a  encourue  par  la  faute ,  8c  fans  qu'il  y  ait  du 
dol  de  fa  part,  il  ne  feroit  pas  reftituable  contre  le 
laps  du  temps  prefcrit  pour  demander  celle  qui  a 
été  ouverte  à  fon  profit.  M.  Jobelot  fur  la  coutume 
de  Franche-Comté,  titre  delà  m:iin-morte ,  arti- 
cle 23  ,  dit  que  c'eft  l'ul'age  de  cette  province. 

Au  furplus  ,  remarquez  que  dans  les  cas  où  la 
Prefcription  temporelle  ne  court  pas  comte  les  tni- 
neurs ,  la  minorité  de  l'héritier  fufpend  bien  u 
Prefcription  commencée  contre  le  défunt,  mais 
n'empêche  pas  qu'on  ne  joigne  au  temps  durant 
lequel  on  a  po^Tédé  contre  celui-ci,  le  temps  qtii  a 
fuivi  la  majontê.  C'eft  ce  qui  a  été  jugé  au  parle- 
ment de  Touloufe,  le  4  juin  1711  ,  par  rapporta 
vx\(t  Prefcription  de  dix  ans.  Dans  le  fait ,  la  pof- 
foflîon  avoit  com.Tiencéj  en  1713.  En  1720  il  fiir- 
vicnt  une  niinorité  qui  cefié  en  1725.  Vers  1730, 
le  mineur,  qui  depuis  près  4^  cinq  ans  étoit  par- 
venu à  fa  majorité  ,  réclame  ,  &  prétend  qu'on 
n'a  pas  prefcrit  contre  lui ,  parce  qu'avant  la  mino- 
rité, i'  ne  fe  trouve  que  ftp:  ans  de  pofTeirion , 
&  que  pour  le  temps  écoulé  pendant  fa  minorité, 
il  a  droit  ce  s'en  faire  relever,  tant  qu'il  n'a  pas 
aiteini  fu  trentc-cinqi'lème  année.  Par  l'arrêt  cité, 

Jj 


^RESCÎIIPTÎON. 

laPrèfcrlptiona  été  jugée  valablement  acquifc  On 
verra  dans  Tinftant  que  la  même  chofe  avoit  déjà 
été  jugée  en  1651,  &  nous  détaillerons ,  d'après 
M.  de  Catellan  ,  les  motifs  de  cette  décifion.      ^ 

Une  autre  obfervation  bien  importante  ,  ceft 
-que  la  Prefcription  temporelle  qui  n'a  pas  couru 
contre  un  mineur,  ne  court  pas  non  plus  contre 
fon  liéritier,  fi  celui-ci  eft  également  en  minorité. 
C'eft  ce  qui  a  été  jugé  au  parlement  de  Dijon  , 
par  arrêt  du  7  août  1664  (i). 

Rertent  les  Prc(cripnons  perpétuelles  ^  c'eft-à-dire 
de  trente  ans  ou  au-deffus  ;  &  à  cet  égard  ,  il  y  a 
trois  points  à  examiner  :  le  premier ,  de  favoir  ,  fi , 
aux  termes  du  droit  civil ,  elles  courent  contre  les 
mineurs  ;  le  fécond,  fi  ceux-ci  peuvent  s'en  faire  re- 
lever ;  le  troifième ,  quelle  eft  là-defTus  notre  jurif- 
prudence  ? 

Sur  le  premier  point,  nulle  difficulté.  La  loi  der- 
rière ,  au  code  ,  in  quitus  caufïs  ,  &  la  loi  3  ,  de 
prafcriptione  30  vcl  40  annorum  ,  décident  expref- 
iement  que  la  Prefcription  de  trente  ans  court  con- 
tre les  mineur?. 

Sur  le  fécond  ,  les  fentimens  font  partagés.  Les 
uns  difent  qu'il  y  a  lieu  à  la  reflitution  ,  quand  on 
a  commencé  à  prefcrire  contre  le  mineur,  mais 
non  hors  de  ce  cas.  Leur  raifon  en  eft  que  le  com- 
mencement de  la  Prefcription  en  forme  la  bafe  , 
&  qu'il  eft  le  principal  objet  des  lois  qui  l'ont 
établie. 

D'autres  penfent  que  la  reftitution  ne  doit  être 
accordée  que  dans  le  cas  où  la  Prefcription  a  fini 
avec  la  minorité  ,  parce  que  c'eft  la  fin  de  la  Pref- 
cription qui  caufe  la  léfion. 

Quclquts-u'is  foutiennent  qu'en  aucun  cas  les 
mineurs  ne  doivent  être  reftitués  contre  la  Pref- 
cription de  trente  ans. 

Niais  l'opinion  la  plus  commune  eft  que  cette 
reftitution  ne  peut  leur  être  refufée  dans  aucun  cas. 

Duperrier,  livre  i  ,  queftion  4  ,  cherche  à  con- 
cilier ces  deux  derniers  avis  ,  en  difant  que  le  mi- 


(i)  Ctt  iirêt  cil  rapporté  par  Ravioc  ,  fur  Psuier ,  tome 
i,  ciut.lion  5  41',  nombre  1 1.  Voiâ  les  termei  de  cet  auteur. 

«  M*^  Français  Guyoa  cpojfe  M.ideleing  Dcsciaux  ,  hllc 
as  de  la  nommée  Ca'heJin  ;  cette  nicre  marie  Jeanne  Def- 
»>  claux,  fa  cadette,  avec  Je  noinnié  Vernaut  ;  Guyon  ic  fa 
«  belle  mcre  foHJaireirenc  lui  conrtituen:  en  dot  i  loo  liv. , 
j»  moyennant  quoi  cette  cadette  renonce  au  profit  de  fon 
a»  aînte  aux  fuccefljons  paterncTe  &:  maternelle,  &  même  à 
»  la  fuccefllon  d'un  oncle  (jui  étoit  échue:  Jeanne  Defclaux 
s>  n'étoit  âgée  pour  lors  que  de  feize  à  dix-fej^t  ans;  elle 
»j  meurt  à  l'à^e  de  vingt  un  à  vingt  deux  ans,  &  JaifTe  cfeux 
»»  cnfans  miceurt;  leur  pire  meurt  ,  6>  leuri  enfant  âgéi  de 
»  vingt  fix  à  vingt  fept  ans  fc  poiirvoyoient  par  lettres  de 
a»  refcifion  contre  la  renonciation  faite  par  leur  mère  :  on 
M  leur  oppofe  la  Pre'cription  de  dix  années  qu'on  foutient 
a»  avoir  dû  commencer  du  jour  que  leur  mère  auroit  été  ma- 
«  jeure  ,  flr  finir  au  jour  qu'elle  au.oit  eu  tiente  cinq  années 
»  complettcs  :  ils  téponlcnt  que  cette  PrefctijUion  n'a  pu 
M  courir  contre  eux  pendant  leur  minorité  :  leurs  lettres  de 
n  tefcifion  font  entéiinées  au  bailliage  de  MontCcnis.  Ap- 
a>  peJ  à  la  cour,  Se  par  arrêt  rcn  lu  à  l'audiencç  puUliauç  Je 
M  7  août  166^  ,  la  fencencfi  fut  confîimée  », 
T9mt  XIII. 


PRESCRIPTION.  jî^ 

Deur  doit  être  rcftîtué  quand  il  n'a  point  de  cura- 
teur ,  mais  que  du  refte  le  fentiment  qui  exclut  la 
reftitution  eu  le  plus  régulier.  Il  eft  en  effet  fondé 
fur  deux  textes  auxquels  on  ne  voit  point  de  re- 
ponfe  folide. 

Le  premier  eft  celui  de  la  loi  3  ,  au  code ,  de 
ptefcriptione  30  vf/ 40  <ï/:^OAKm  ,  par  lequçl  les  em- 
pereurs qui  ont  introduit  la  Prefcription  de  trente 
ans  ,  n'en  ont  excepté  que  les  pupiles,  &  ont  or 
donné  qu'elle  auroit  lieu  contre  tous  les  autres  pri- 
vilégiés. (1). 

Ils  ont  même  déclaré  expreflement  que  lorfque 
le  pupille  auroit  atteint  la  puberté  ,  la  Prefcription 
de  trente  ans  commenceroit  à  courir  contre  lui; 
nàm  ciim  ai  eos  annos  perventrit  qui  ad  folUciliidi- 
nem  pertinent  curatorh  ,  neceJJ'anb  eis ,  SIMILÎTER 
UT  ALUS  ,  annorum  triginta  intervdla  fervandajuni. 
Ces  mots  ,  ut  aliis ,  font  remarquables  ,  parce  qu'ils 
donnent  à  la  Prefcription  de  trente  ans  le  même 
effet  contre  le  mineur  que  contre  les  autres  per- 
fonnes  qui  n'ont  point  de  privilège  en  ce  cas. 

Le  fécond  texte  eft  celui  de  "la  loi  dernière  , 
au  code  ,  in  quibus  caufis.  Juftinien  y  établit  d'abord 
que  la  Prefcription  temporelle  ne  courra  plus  con- 
tre les  mineurs  dans  les  cas  où  l'ancien  droit  leur 
permettoit  de  s'en  faire  relever  ,  parce  que  ce  feroit 
la  faire  courir  inutilement.  Enfuite,  il  ajoute  qu  il 
n'entend  pas  toucher,  par  cette  difpofition  nou- 
velle ,  à  ce  que  les  lois  précédentes  avoient  réglé 
fur  la  Prefcription  de  30  &  de  40  ans,  à  l'égard  des 
mineurs  :  videlicet  ,  exceptionis  30  vel  40  annorum  , 
in  fuo  Jlatu  manentihus.  L'empereur  a  donc  penfé 
que  fuivant  les  anciennes  lois  ,  la  minorité  n'etoit 
pas  un  inoyen  de  reftitution  contre  la  Prefcription 
de  trente  ans  ;  autrement,  il  auroit  eu  la  même  rai- 
fon pour  fufpendre  cette  Prefcription  pendant  la 
minorité  que  pour  interrompre  ,  dans  le  même  in- 
tervalle, le  cours  des  Prefcriptions  temporelles.  S'il 
avolt  cru  le  mineur  également  reftituable  contre 
toute  efpèce  de  Prefcription  ,  il  auroit  appliqué  à  la 
première  la  même  règle  qu'aux  autres  ;  parce  qu'il 
eft  vrai  de  dire  à  l'égard  de  tontes,  (\wq  melius  efl 
inta6la  jura  fervare  y  quant  pojl  vulneratam  caufam  rt" 
médium  quczrere. 

Enfin  ,  comme  l'obferved'Argentré,  fur  l'article 
266  de  la  coutume  de  Bretagne ,  chap.  1 2  ,  nombre 
19,  le  bien  public  doit  l'emporter  fur  la  faveur  de 
la  minorité  ;  5c  ce  feroit  tenir  la  tranquillité  des  ci- 
toyens dans  une  incertitude  perpétuelle  ,  que  d'ac- 
corder aux  mineurs  la  reftitution  en  entier  contre 
la  Prefcription  de  trente  ans  (2). 

f  l]  Non  fexùs  ftagiiitate  ,  non  abfentiâ  ,  non  militià  con- 
tra hanc  legem  defendcndâ  ;  fed  pupillari  tantùm  a:tate  , 
quamvis  fub  tacoris  autotitate  confîftac,  huic  eximenda  fanc- 
tioni. 

[i]  Toifi  les  termes  de  cet  duteuf.ea  y  reconnoîtra  cette  foret 
&•  ce  h»n  fins  qui  lui  font  propres  :  Placet  acquircntium  lecuri- 
tati  potii'tj  confuli ,  qui»  dominia  coavcHi  prxtextu  minorr- 
ta^is;  quùd  Ci  aliter  ftatuitur ,  incerta  &  vaga  fuot  letum  do- 
minia.&pleni  infidiarum  evsntJS  ;  fi  fuo  jure  minores,  fl 
cûani  CtfdeiuPÙi  «ftiouibui  c»;eiHJ ,  çnsrno  etiaw  favore ,  ai 

T  t 


330  PRESCRIPTION. 

Sur  le  troifièfhe  point ,  c'eft-à-dlre  ,  fur  la  quef- 
tion  de  favoir  quels  font  dans  nos  mœurs  l'état  & 
le  privilège  des  mineurs  par  rapport  klaPrefcrip- 
tion  ;  il  faut  diftinguer  les  pays  de  droit  écrit , 
tl'avec -les  provinces  régies  par  le  droit  coutumiei. 

Dans  les  pays  de  droit  écrit ,  on  devrolt,  d'après 
ce  que  nous  venons  de  dire  non  feulement  faire 
courir  la  Prefcriprion  trcntenaire  contre  les  mi- 
neurs ,  mais  même  rcfufcr  à  ceux-ci  la  faculté  de 
s'en  faire  relever. 

C'eftauffi  ce  quia  été  jugéenplufîeirrs  accafions; 
mais  le  plus  fcuvein  on  a  ufé  d'indulgence,  &  tan- 
tôt on  a  accordé  aux  mineurs  le  bénérice  de  la  refti- 
tution  ,  tantôt  on  a  été  jufqu'd  le  déclarer  inutile  , 
Si.  on  a  décidé  que  la  Prefcription  de  trente  ans  ne 
couroit  point  con.^r'eux. 

Retraçons  les  arrêts  qu'ont  rendus  fur  cette  ma- 
tière les  purleinens  dans  le  reiTort  defquels  fe  trou- 
vent, en  tout  ou  en  partie  ,  les  provinces  dont  il 
eft  quedion. 

Parlcmçnt  de  Paris.  On  fait  qu'une  partie  du  reÇbrt 
de  cette  cour  n'a  point  d'autre  code  municipal  que 
le  droit  romain, 

Henrys ,  tome  2  ,  livre  4,  queftion  135  ,  &  Bre- 
tonnier  ,  fon  additionnaire  ,  affiirent  qu'on  y  fait 
ahfolument  dormir  la  Prefcription  de  trente  ans 
pendant  la  minorité. 

Piirltmcnt  de  Touloufe.  Ferrierc  fur  la  qucHion  3  1 
de  Guy  Pape,  &  Defpeilfes  ,  tome  i  ,  page  717  , 
difent  que,  fuivant  la  jurifprudence  du  parlement 
de  Touloufe,  la  Prefcription  court  contre  les  mi- 
Hiurs,  mais  qu'ils  peuvent  s'en  faire  relever  dans 
Ks  dix  ans  de  leur  majorité. 

M,  de  Catellan  ,  livre  7  ,  chnp.  10  ,  tient  précifé 
ment  le  même  langage;  &  il  rend  compte  d'un 
arrêt  du  2g  août  lôiji,  qui ,  dans  un  cas  fembla- 
ble  à  celui  de  l'arrêt  du  4  juin  1751 ,  rapporté  ci 
delTus ,  a  refisfé  la  reftitution  au  mineur  contre 
l'auteur  duquel  la  Prefcription  avcit  commencé  (i). 


vcxandos  alienos  contrariu-  aimiitantur  ,  quia  nulli  ferè 
piafcriptîo  peificitur  ,  in  quà  non  rainor  aliquis  intcicurrat , 
auc  occjriar. 

(i)  Voici  les  termes  de  ce  magillrat  : 

«  La  Prefcvipcion  court  à  la  vérité  contre  le  mineur  de 
u  vingt-cinq  ans,  mais  il  peut  être  reQitué  contre  tout  le 
ai  temps  qui  a  couru  pendant  fa  minorité  ,  s'il  demande  cette 
m  re'lituîion  dans  les  dix  ans  après  cette  minorité  ;  c'eft 
M  à-dire  ,  dans  la  trente-cinquième  année  de  fon  âge.  Mais  /î 
3*  la  Prefcription  a  commencé  contre  le  défunt  majeur  ,  &.- 
w  que  l'héritier  mineur  au  commencement  ,  mais  depuis  Hia- 
»  jeur  ,  laifTe  écouler  le  temps  qui  manquoit  à  la  Prefcription 
«  contre  le  défunt  :  par  exemple  ,"  fi  un  père  ou  un  autre  ma- 
»  jeur  de  vingt  cinq  ans  demeure  ving  neuf  ans  fans  agir,  &; 
w  qu'il  laifTe  fo  1  fils,  ou  autre  héritier  mineur,  &  que  cet 
»>  héritier  laifH;  pafTer  la  vingt-fixième  année  de  ton  âj;e  fans 
»  intenter  d'aftion  ,  il  ne  pourra  point  écre  refiitué,  d'autant 
»  que  joignant  les  deux  temps,  celui  qui  a  couiu  contre  le 
>•  défunt  majeur ,  &  celui  q'.ii  a  couru  contre  l'hétitier  de- 
»  puis  fa  majorité  ,  le  temps  requis  par  les  lois  s^y  trouve 
=•  tout  entier  contre  àzs  majeurs,  ('ette  queftion  fut  ainfi  dé- 
•  cidée  par  arrêt  rendu  à  la  pre^nière  chambre  des  enquêtes 
»•  le  i^  août  i«i  5  ,  au  Ui^port  dç  M.  Madian.  Lç  mineur  o^-    f 


PRESCRIPTION. 

On  trouve  dans  le  journal  du  palais  de  Tciiloufff , 
tome  5  ,  page  335,  un  arrêt  du  13  juin  1695  >  ^""> 
cft  annoncé  dans  le  fommaire  ,  comme  jugeant  que 
lu   Prefcription  de  trente  années  court  contre  le  mineur. 

L'auteur  ne  dit  pas  que  dans  l'efpèce ,  on  eût 
obtenu  des  lettres  de  reftitution  en  entier  contre 
le  laps  de  temps  ;  &  quand  cette  circonftance  fe  fût 
rencontrée  ,  on  auroit  encore  dû  juger  de  même  , 
parce  que  le  mineur  ne  combattoit  la  Prefcription 
que  pour  fe  faire  payer  des  intérêts  au  fujet  delqiiels 
il  n'avoit  été  fait  en  fon  nom  ni  commandement  ni 
interpellation  au  débiteur,  cas  où,  comme  l'éta- 
bliflent  tous  les  auteurs  ,  la  reftitution  doit  lui  être 
rigoureufement  refufée  ,  parce  qu'elle  ne  feroit  que 
lui  procurer  im  gain  odieux  (i). 

Le  même  recueil  ,  tome  i ,  page  190  ,  nous  four- 
nit un  arrêt  du  28  juillet  173  i  >  qui  juge  qu'un  mi- 
neur ne  peut  pas  ,  même  avec  le  fecours  de  lettres 
de  refiitution  en  entier,  exiger  plus  de  vingt-neuf 
années  d'un  droit  feigneurial.  Cela  jufliHe  l'opinion 
de  Dunod  (2),  «  qui  croit  qu'il  feroit  jufte  de  ne 
»  reflituer  le  mineur  que  quand  il  s'agiroit  d'un 
»  capital,  &  que  la  Prefcription  lui  cauferoit  un 
»  préjudice  confidérable  ». 

Il  y  a  encore  dans  le  tome  2  ,  du  journal  du  pa- 
lais de  Touloufe  ,  page  62  ,  un  arrêt  du  12  juillet 
1736,  qui  prouve  avec  quel  foin  le  parlement  de 
Languedoc  diftingue ,  par  rapport  à  la  Prefcription  , 
l'état  du  pupille  d'avec  celui  du  mineur.  Un  fitur 
Fraifiines  avoit  vendu  un  fonds  auquel  étoit  atta- 
ché une  fervitude  de  paffage.  Le  proprié;aire  du 
fonds  fervant  avoit  fait,  pendant  la  pupillariié  & 
la  minorité  du  fieur  Fraiffines  ,  quelque  chofe  qui 
préjudicioit  à  cette  fervitude.  Quefiifin  de  favoir  fi 
la  perfonne  à  qui  celui-ci  a  vendu,  peut  écarter  la 
Prefcription  par  la  faveur  que  la  ici  accorde  à  fon 
vendeur  .'  L'arrêt  met  une  difierence  entre  le  ten-.ps 
qui  a  couru  pendant  la  pupillarité ,  &  celui  qui  a 


»  pofoit  que  la  Prefcription  ayant  couru  cmtre  lui  durant  fa 
»  minorité  ,  &  étant  devenue  complet  e  ,  il  n'y  pouvoi  létre 
»  rien  ajouté  ;  mais  que  le  bénéfke  de  fa|reftituticn  accordéà 
»  fon  .îge  ,  le  mettoit  en  état  de  la  demander  dans  hs_  dix 
»  ans  après  la  vingt  cinquième  année,  &:  que  le  dcbiteur 
»  ayant  prefcritdiira'nt  le  cours  de  la  minorité  ,  régardé  donc 
»  àiî\o'itJ:nquam  fo'venn  p.m-dis  ,c'ito'n  comme  s'il  avoit 
»  payé  alors  le  mineur  ;  &:  que  fur  ce  pied  il  devoit  avoir  du- 
M  rant  les  dix  ans  aprè^  fa  majorité  le  bénéhce  de  la  reftitu- 
»  tion  ,  comme  envers  le  payement  d'une  fomme  par  lui  re- 
n  çue  &  par  lui  perdue,  ou  mal  employée.  Mais  le  cas  de  .a 
»  reftitution  eft  lors  que  le  débiteur  a  bcfoin  ,  pour  pref- 
M  crire,  du  temps  qui  a  ccii  u  durant  la  minorité  ,  &  non 
n  dans  le  cas  où  il  a  pu  piefcrire  fans  compter  ce  tcmps-!a;  iJ 
jj  n'eft  fans  di  u  e  pas  juite  a'ors  qu'un  temps  qu'il  a  de  refre 
M  lui  nuife.  La  fiaion  du  payement  eit  avec  beaucoup  de 
.»  rai  fon  portée  en  ce  cas  ,  au  temps  où  le  payement  a  pu  être 
■>■>  sûrement  &:  utilement  fait;  c'eft-à-dirc ,  à  Tannée  qui  fxe 
»  irrévocablement  la  Prelcription  ,  trentième  année  qui  a 
»  couru  contre  Ifs  majeurs  ». 

(l)  Non  reftituitur  minor  ad  lucium  odiofum  ,  cùin  alie- 
tius  damno  exig^ndum,  &  non  ut  minot  fed  ut  Iceius  relti- 
tiiitur. 

[p.)  Des  Prçfcriptions ,  partie  J  ,  chapitre  !. 


PRESCRIPTION. 

couru  pendant  la  minorité.  Il  décide  que  le  pre- 
înier  ne  peut  pas  lervir  à  la  Prefcription  ,  parce 
qu'on  ne  prefcrit  pas  contre  les  pupilles,:  mais 
par  rapport  au  fécond  ,  l'arrêt  juge  que  «  l'acqui^-  , 
n  reur  n'étoit  pas  recevable  à  oppoier  la  faveur 
m  de  FrailTines  fon  vendeur  ,  contrs  la  prefcrip-  ' 
>»  tien  ».  Pourquoi  cela.-'  Parce  que,  d'une  part , 
la  Prefcription  étoit  valablement  encourue  ,  &  que 
de  l'autre, Fraiffines  n'avoit  qu'une  adîion  refcifoire 
pour  s'en  relever  ;  a6iion  qui  ne  palTe  pas  à  un  fuc- 
cefleur  à  titre  fingulier,  fans  uneceflion  cxprefle. 

Parlement  Je  Grenoble.  Guy-Pape  ,  queftion  31  , 
dit  que  de  fon  temps  on  jugeoit  au  Parlement  de 
Grenoble  que  la  Prefcription  trentenaire  court 
contre  le  mineur,  mais  qu'il  peut  s'en  faire  relever. 

Chofier  ,  fur  cette  même  queftion  ,  cite  un  arrêt 
du  mois  de  juillet  i66y,  par  lequel  il  prétend  que 
le  contraire  a  été  jugé.  Cependant  ,  à  prendre  l'ef- 
pèce  de  cet  arrêt  telle  qu'il  la  rapporte  ,  il  paroît 
avoir  feulement  décidé  que  la  Prefcription  de  trente 
ans  court  contre  le  mineur  ;  Si  on  ne  voit  pas  que 
la  queftion  de  favoir  s'il  peut  en  être  relevé  y  ait 
été  agitée. 

Le  môme  auteur  dit,  que  par  un  arrêté  du  22 
décembre  1616  ,  il  a  été  réglé  qu'à  l'égard  de 
la  Prefcription  de  quarante  ans ,  on  n'accorderoit 
la  reilitution  en  entier  qu'.Tux  pupilles  ,  &  que  par 
conCéqueat  elle  feroit  refufée  aux  mineurs. 

Parlemint  de  Bordeaux.  La  Peyrere ,  lettre  L  , 
nombre  68,  prétend  aiïimiler  la  jurifprudence  de 
cette  cour  à  celle  du  parlement  de  Toiiloufe.  »  En 
>)  Prefcription  de  trente  ans  ,  dit-il ,  foit  qu'elle 
s>  commence  par  le  mineur  ou  qu'elle  ait  fuccédé 
»»  au  majeur,  elle  dort  en  punillarité  &  court  en 
»»  minorité;  mais  avec  le  bénéfice  de  reftitution  , 
»♦  lequel  fe  doit  demander  dans  l^s  dix  ^ins  d:  l'or- 
»•  donnance  pour  les  années  qui  ont  coutu  jufqu'à 
n  l'âge  de  vingt  cinq  ans  ;  autrement  les  dix  ans 
«  pnfTés,  foutei  les  années  fe  joindront  &  cour- 
M   ront  fans  différence  ». 

Après  s'être  ainfi  expliqué,  il  cite  Guy-Pape, 
Perrière,  Ranchin  ,  M.  le  préfident  Favre  ;  puis  ,  il 
ajoute  :  «  cette  décifion  efl  toute  véritable,  &  nous 
«  avons  peine  à  nous  en  défaire  dans  nos  confulta- 
>»  tions ,  nonobflant  quelques  arrêts  contraires  don- 
n  nés  en  ce  parlement  )>. 

La  Peyrere  ne  dit  pas  quels  font  ces  arrêts ,  ni  ce 
■qu'ils  ont  jugé  :  mais  fon  Annotateur  nous  l'ap- 
prend. 

Par  arrêt  (dit-il)  du  14  janvier  1668,  rendu  au 
rapport  de  M.  Duverdicr  ,  &  conforme  3vn  autre 
rendu  précédemment  au  rapport  de  M.  dcGcncile, 
il  a  été  jugé  en  faveur  d'une  fille  réclamant  fon  bien 
vendu  par  fon  père  ,  que  la  Prefcription  n'nvoit 
pas  couru  cojitr'eile  après  le  décès  de  celui-ci,  quoi- 
qu'elle eut  alors  vingt-deux  ans  ;  qu'on  n'avoit  pu 
commencer  à  poiTéder  valablement  à  fon  préju- 
dice ,  du  moment  où  elle  étoit  devenue  majeure  ; 
&.  que  pour  empêcher  qu'on  ne  fe  prévalût  des 
trois  ans  écoulés  entre  le  décès  de  fon  père  &  fa 


PI^ESGRIPTlOî^.        ,531 

majorité  ,  elle  n'avoit  eu  befoin  ni  de  fc  pourvo.r 
avant  fa  trente-cinquième  année  ,  ni  d'obtenir  des 
lettres  de  reftitution  en  entier. 

Un  autre  arrêt  de  1675  ^  Ï^S^  1"^  "  ^^  Pfefcrip- 
»  tion  légale  ne  court  jamais  contre  l'adulte,  bien 
»  qu'elle  aît  commencé  fur  la  tête  du  majeur,  avec 
i>  cette  différence  néanmoins  qu'après  que  le  rai- 
»  neur  a  atteint  fa  majorité  ,  on  déduit  des  trente 
»  ans  qui  lui  font  donnés  ,  le  temps  qui  a  couru  fur 
»  la  tête  du  .Miajeur  n. 

Le  même  auteur  dit  encore  :  «  tous  les  arrêts 
»  poftéricurs,  cjui  font  en  grand  nombre  ,  ont  jugé 

V  que  la  Prefcription  dort  pendant  la  pupillaritc  ik 
»>  pendant  la  minorité,  &  que  le  mineur  n'a  pas 
)!  befoin  de   lettres  pour  être  relevé  du  laps  de 

V  temps  ,  puifqu'il  ne  court  point  ». 

Parlement  de  Dijon.  La  jurifprudence  de  cette 
cour  a  varié  fur  la  matière  dont  il  eft  ici  qucAion. 

Taifand  (i)  rapporte  un  arrrêt  du  13  février 
1689  ,  qui  juge  que  la  Prefcription  ne  court  pas 
plus  contre  les  mineurs  que  contre  les  pupilles,  & 
que  les  premiers  n'ont  pas  plus  befoin  que  les  fé- 
conds ,  de  lettres  de  rcfîitution  en  entier,  pour  en 
faire  cefler  l'effet. 

Mais  depuis  le  2  avril  1697,  il  eft  intervenu 
un  autre  arrêt  qui ,  dans  un  cas  où  il  n'avoit  point 
été  obtenu  de  lettres  de  reftitution  en  entier  ,  a 
décidé  que  "la  Prefcription  de  30  ans  commencée 
»  contre  le  majeur ,  a  fon  cours  contre  le  mineur  ». 

Et  depuis  encore  le  27  mars  1724  ,  la  cour ,  les 
chatr.bres  conjultées ,  procédant  à  la  rifitation  d'un 
procès  dont  il  feroit  trop  long  de  rendre  compte. 
Il  décid:  ijue  la  Prefcription  trentenaire  navoit  point 
cours  en.  Bourgogne  pendant  la  pupillarité  ;  mais 
Cjii\Us  couroit  pendant  la  minorité  depuis  la  puberté  y 
fous  l'efpérance  de  rcjlituiion  pour  les  mineurs.  Ç.efont 
les  jjropres  termes  de  l'arrêt.  Il  eft  rapporté  en 
forme  par  Raviot ,  queAion  345  ,  nomb.  8. 

parlement  d'Aix.  Cette  cour  n'a  jamais  douté  que 
la  Prefcription  ne  courût  contre  lt;s  mineurs.  Mais 
fur  la  queftion  de  favoir  fi  l'effet  de  cette  Prefcrip- 
tion peut  être  éludé  par  des  lettres  de  reftitution  en 
entier ,  la  jurifprudence  n'a  pas  toujours  été  la 
même. 

M.  le  préfident  de  Bezieux ,  liv.  7  ,  chap.  2 ,  §.  4 , 
rapporte  quatre  arrêts  du  27  oftobre  1570,  de 
1650  ,  du  13  mars  1653  S>c  du  27  janvier  1656,  qui 
ont  jugé  que  "  le  mineur  ne  peut  être  reftitué  con- 
»  tre  la  Prefcription  de  trente  ans  ». 

L'opinion  contraire  a  été  adoptée  par  un  autre 
arrêt  du  24  janvier  1667,  rapporté  dans  le  recueil 
de  Boniface  ,  tome  i  ,  livre  8  ,  titre  2 ,  chapitre  4. 

Mais  peu  de  temps  après  ,  le  parlement  d'Aix 
eft  revenu  au  fentiment  qu'il  avoit  fuivi  jufqu'alors, 
&  un  arrêt  du  14  mars  1678  a  rejeté  les  lettres  de 
reftitution  ,  «  bien  qu'il  fût  queftion ,  dit  M.  de 
M  Cormis ,  (2)  d'un  refte  de  dot  Si  d'une  légitime , 

[j]  jiir  k  titre  14  de  la  coutume  de  Bourgogne,  note- 7. 
(1)  Tome  i  ,  col.  1 5  :o  ,  chap.  jj. 

Ttij 


33i  PRESCRIPTION; 

V  qui  font  les  dettes  les  plus  favorables  ». 

Pareil  arrêt  le  15  mars  1687  :  on  le  trouve 
dans  le  recueil  de  Boniface ,  tome  4,  liv.  a,  titre  i , 

chapitre  aï. 

Le  parlement  d'Aix  a  été  plus  loin.  Il  a  rejeté 
la  reftriflion  que  Duperrier  vouloir  mettre  à  la 
jurifprudence  ,  en  faveur  de  ceux  qui  font  en  mi- 
norité fans  être  pourvus  de  curateurs.  M.  Julien  , 
dans  fon  commentaire  fur  les  ftatuts  de  Provence, 
tome  2,  page  504,  fait  mention  d'un  arrêt  du  25 
juin  171 1  ,  par  lequel  il  a  été  jugé  y  dans  le  cas  for- 
mel où  le  mineur  n  avait  point  eu  de  curateur ,  que  la 
Prefcription  de  trente  ans  n'avoit  pas  laifTé  de  cou- 
rir contre  lui  ;  &  ,  ce  qu'il  n'eft  pas  indifférent  de 
remarquer,  on  n'a  fait  en  cela  que  fuivrc  lefenti- 
mcnt  de  M.  le  préfident  de  Bézieux  (1)  ,  qui  déjà 
avoit  condamné  Duperrier. 

Parlement  de  Befançon.  M.  de  Saint-Maurice  de 
rtflitutionibus  integrum  ,  chapitre  iio,  affure  que, 
de  fon  temps  ,  le  parlement  de  Dole  ,  qui  depuis  a 
été  transféré  à  Befançon,  n'admettoit  pas  la  reftitu- 
tion  contre  la  Prefcription  de  trente  ans,  pour  caufe 
de  minorité  (2). 

M.  Boivin,  dans  fes  notes  fur  la  pratique  du  même 
auteur ,  liv.  1  ,  tlt.  1 4 ,  dit  "  que  ce  parlement  n'ac- 
«  corde  point  de  relief  contre  la  Prefcription  de 
»>  trente  &  quarante  ans  ,  non  par  faute  d'autorité, 
M  mais  parce  qu'il  importe  au  bien  public  qu'on 
r>  ne  touche  point  aux  chofes  qui  ont  demeuré  en 
»>  une  main  pendant  fi  long-temps  ,  lequel,  comme 
«  dit  la  loi,  doit  donner  toute  forte  d'aiïurance , 
w  &  couper  la  racine  à  tous  procès  ». 

Mais  qui  voudroit  jwger  par  le  témoignage  de 
ces  anciens  magirtrats  ,  de  la  jurifprudence  afluelle 
du  parlement  de  Befançon  ,  fe  tromperoit  étrange- 
ment. »  Je  trouve  ,  dit  Dunod  ,  que  le  parlement 
»  de  cette  province  s'eft  infenfiblement  écarté  de 
r>  fon  ancienne  jurifprudence  fur  ce  point ,  &  qu'il 
»  a  enfin  embraffé  l'opinion  commune.  Lorfque 
M  des  mineurs  lui  demandoient  d'être  reftitués 
«  contre  la  Prefcription  de  trente  ans  daas  des  af- 
»>  faires  4e  conféquence  ,  &  où  il  paroiflbit  une 
»  grande  équité  de  le  faire,  il  renvoyoit  leur  de- 
»  mande  au  prince,  comme  s'agifTant  de  difpenfer 
n  de  la  loi.  Le  prince  accordoit  le  relief,  &  le  par- 
j»  lement  l'entérinoit.  Il  y  a  apparence  que  ces  re- 
>»  liefs  fe  donnant  de  l'avis  du  parlement ,  qui  avoit 
«  le  pouvoir  d'en  accorder  dans  les  cas  ordinaires, 
5»  &  le  prince  voulant  éviter  le  circuit  &  les  frais 
«  que  les  parties  faifoient  en  recourant  à  lui  même , 
j>  trouva  bon  que  le  parlement  en  accordât  pour 
i>  caufe  de  minorité  contre  la  Prefcription  de  trente 
M  ans,  &  que  cette  cour  s'eft  enfin  relâchée  à  les 
»  accorder  fur  la  feule  minorité ,   &  fans  exiger 


[i]  Loc.-cit. 

[2]  raffirn  i  fçnatu  Dolano  rejicîuntur  eorum  fupplicatio- 
nes ,  qui  fe  adverfùs  uiginta  annoiuiu  prefcriptioneni  petuHt 
Kflicui ,  etiaœfi  minores  iint. 


PRESCRIPTION. 

«  d'autres  circonftanccs.  M.  Terrier  ,  dans  fon  te^ 
w  cueil  d'arrêts  ,  en  cite  un  du  4  mars  1597,  par 
i>  lequel  un  particulier,  qu'il  ne  nomme  pas,  fut 
»  rellitué,  par  le  pai lement ,  contre  la  Prefcription 
1»  de  trente  ans  qui  avoit  couru  pendant  fa  mino- 
»  rite.  Il  dit  qu'il  y  en  avoit  déjà  eu  un  femblable 
»  pour  M.  de  'Vateville,  qui  fut  confirmé  en  révi- 
«  fion  par  le  confeil  fouverain  de  Malines.,  le  3 
î)  janvier  1598  ,  &  c'eft  aujourd'hui  une  jurifpru- 
M  dence  certaine  parmi  nous.  Je  l'ai  vu  juger  aux 
»  enquêtes,  le  11  juillet  1717,  pour  les  nommés 
ji  Piaget  ;  &  au  parlement  de  Metz  ,  par  arrêt  du 
»  7  feptcmbre  1725  ,  dans  une  caufe  évoquée  de 
»  cette  province  ,  entre  MM.  de  Vaytte  &  Borey, 
M   madame  d'OiTe  &  fes  enfans  >^. 

Voilà  ce  qu'on  juge  dans  les  différents  paricmens 
dont  les  reilorts  font  compofés  de  provinces  régies 
par  le  droit  écrit  ,  ou  ,  ce  qui  revient  au  même, 
foumifes  à  des  coutumes  qui  ne  décident  rien  par 
rapport  aux  mineurs  ,  &  renvoyent  aux  difpofi- 
tions  de  ce  droit ,  la  décifion  des  cas  qu'elles  n'ont 
pas  prévus. 

Paffons  maintenant  aux  pays  vraiement  coutu- 
miers;  nous  ny  trouverons  guères  plus  d'unifor- 
mité. 

Il  y  a  des  coutumes  qui  ont  adopté  la  jurifpru- 
dence du  parlement  de  Touloufe.  Telle  eft  celle 
de  Berry  :  elle  déclare  ,  titre  des  Frcfcripcions ,  art* 
I  Si  2  ,  que  la  Prefcription  de  trente  ans  court  con- 
tre les  mineurs;  mais  que  ceux-ci  peuvent  s'ea 
faire  relever  par  le  bénéfice  de  reftitution  ea 
entier. 

La  coutume  de  CalTcl  noïis  préfente  le  mêms 
efprit  :  elle  porte,  article  41  ,  que  la  Prefcription 
de  trente  ans  &  trente  jours  ,  alTure  au  pcfTefTeur 
d'un  héritage  la  propriété  incommutable,  «fies 
»  n'étoit  à  l'égard  de  quelque  mineur ,  lequel , 
n  après  fon  âge  de  majorité,  feroit  obligé  de  pour- 
»  fuivre  fon  droit  dans  l'an  &  jour  ».  Voyez 
Teneure. 

Il  faut  ranger  dans  la  même  clafTe  la  coutume  de 
Gorze.  A  la  vérité  elle  décide  ,  cliap.  14,  art.  10, 
»  que  la  Prefcription  ne  court  contre  pupilles  mi- 
»  neurs  pendant  leur  minorité  ,  ni  autres  quel- 
»  conques  perfonnesqui  ne  peuvent  agir  &  pour- 
i>  fuivre  leur  droit  en  jugement ,  &  qui  font  ea 
»  tutelle  ,  curatelle  ou  puifTance  d'autrui  ».  Mais 
l'article  fuivant  prouve  très- clairement  que  la  cou- 
tume n'a  entendu  par -là  accorder  aux  mineurs 
que  le  droit  de  fe  faire  ref^ituer  en  entier  contre 
là  Prefcription.  Voici  comment  il  eft  conçu  :  «  Ils 
»  font  relevés  auffi  tôt  qu'ils  le  requièrent ,  y  étant 
»  même  réccvables  dans  les  dix  premiers  ans  & 
»  jour  de  leur  majorité  ;  &  par  après  nullement  ». 

La  coutume  de  Lorraine  paroît  plus  rigoureufe  : 
elle  fait  valoir  la  Prefcription  trentenaire  contre  It 
le  prince  ou  le  vajfal ,  ou  tout  autre  quel  il  fait.  Cette 
difpofition  ,  qui  efl  confignée  dans  l'ar  icle  1  du 
tu.  18  ,  comprend  sûrement  les  mineurs.  Ainfi  on 
doit  fuivre ,  en  Lorraine  ,  la  jurifprence  établie 


PRESCRIPTION. 

âàns  le  reflbrt  du  parlement  de  Provence  ,  par  les 
arrêts  du  parlement  d'Aix  que  nous  avons  rapportés 
ci-defTus. 

La  coutume  de  Bretagne  fait  la  même  diftinc- 
tlon  que  Duperrier  a  inutilement  tenté  d'intro- 
duire au  parlement  de  Provence.  Elle  porte  ,  arti- 
cle a86  :  «que  les  Prefcriptions  introduites  &  ap- 
M  prouvées  par  la  coutume,  ou  par  les  contrats  & 
»  conventions  des  parties,  commencées  avec  les 
»  majeurs  ,  courent  contre  abfent ,  pour  quelque 
>>  canfe  que  ce  f©it ,  mineure  ,  infenfés,  furieux  , 
»  prodigues ,  interdits  ,  étant  pourvus  de  tuteurs  ou 
»  curateurs  ,  fans  aucun  efpoir  de  refîiiuiion  ou  re- 
V  lief,  fawf  leurs  recours  contre  les  tuteurs  ,  cu- 
})  ratcurs  &  autres  adminiflrateurs  n. 

La  jurifprudence  du  parlement  de  Rennes  a 
interprêté  cet  article  d'une  manière  bien  favorable 
à  la  Preicription  :  témoins  les  trois  arrêts  de  cette 
cour  des  lo  mars  1721  ,  29  inai  1734  Sc  19  juillet 
1737  ,  qui  font  rapportés  par  Devolant ,  lettre  M  , 
chapitre  28,  &  dans  le  journal  des  audiences  de 
Bretagne  ,  tome  i,  chap.  14  ;  &  tome  3  ,  chap.  43  : 
ces  arrêts  jugent  &  «  il  eft  de  maxime  aujourd'hui 
n  que  les  longues  Prefcriptions  de  trente  &  de 
»  quarante  ans,  courent  même  contre  le  mineur 
»  imoourvu  ,  &  que  le  tuteur  commence  à  prcf- 
«  crire  contre  l'action  de  tutelle  du  jowr  qu'elle  a 
«  ceflc  ,  quoique  le  mineur  ne  fût  pas  alors  ma- 
i>  jeur».  Ce  font  les  termes  de  Poulain  du  Parcq  , 
dans  fes  notes  fur  l'article  cité. 

La  coutume  de  Lodunois  ,  chap.  20  ,  art  7,  porte 
que  la  Prefcription  de  trente  ans  ne  court  pas  con- 
tre les  mineurs,  quand  elle  a  commencé  durant 
leur  minorité  ;  mais  elle  ajoute  que  fi  la  Prefcrip- 
tion  a  commencé  contre  un  majeur  ,  elle  fe  con- 
tinue valablement  contre  fbn  héritier  mineur  :  «  dif- 
»  pofuion  extraordinaire,  dit  M.  Cottereau  (i)  , 
ï>  qu'il  faut  reflreindre  au  cas  où  les  mineurs  font 
»  pourvus  de  tuteurs  ».  Cette  reftriâion  cft  aufTi 
adoptée  par  Prouft,  page  361  ,  par  Chauvelin  dans 
fa  note  fur  l'article  cité  de  la  coutume  de  Lodunois  , 
par  Pothier  ,  des  Prefcriptions',  nombre  22  ;  Scieur 
fcntiment  a  été  confirmé  par  un  arrêt  du  premier 
feptembre  1760.  Voici  comment  M.  Cottereau  ,  à 
l'endroit  cité  ,  en  rapporte  l'efpèce  :  «  Le  fieur  Tour- 
«  neperte  ,  créancier  d'une  rente  due  par  le  fieur 
■)■>  Guitton  ,  faute  de  payement  de  plufieurs  années 
«  d'arrérages  ,  s'étant  mis  en  poflefTion  de  la  mé- 
>»  tairie  des  Treilliers,  fituée  dans  le  Lodunois  ,  qui 
«  ctoit  chargée  de  la  rente  ,  la  donna  de  nouveau 
n  à  rente  à  la  dame  de  Malmouche.  Plus  de  qua- 
»  rante  ans  après,  l'héritier  du  fieur  Guitton  de- 
»  manda  à  rentrer  dans  la  métairie  ,  parce  que 
M  (  comme  il  ctoit  mineur  à  la  mort  de  celui-ci , 
j»  &  qu'il  avoit  toujours  été  dépourvu  de  tuteur)  , 
>•  il  n'y  avoit  pas  30  années  de  temps  utile  à  la 
•n  Prcfcription.  La  dame  de  Malmouche  oppofa  la 
y>  «lifpofition   de  la  coutume  de    Loudun  ;  mais  , 

CO  Dioit  général  de  la  Fiance  j  nombre  7145, 


PRESCRIPTION.         3^3 

»  quoique  le  demandeur  n'eût  pas  pris  de  lettres 
»  de  refcifion  contre  la  Prcfcription ,  il  fut  jugé 
>»  qu'elle  n'étoit  pas  acquife  ». 

La  coutume  de  Baillcul  en  Flandre  ,  s'eiî  réfère 
abfolument  au  droit  romain.  «  Réfervant  en  tou- 
5»  tes  Prefcriptions  les  mineurs,  —  .contre  lef- 
»  quels  il  ne  courra  point  de  Prcfcription  plus 
M  prompte  ni  autre  que  fel©n  le  droit  écrit  ».  Ainl 
s'explique  cette  loi  municipale  ,  rubrique  21  ,  ar- 
ticle 6. 

La  coutume  de  Bourhonnois,  article  33,  fait 
dormir  la  Prcfcription  à  l'égard  des  mineurs,  juf- 
qu'à  ce  qu'ils  aient  vingt- ans ,  fi  ce  font  de%mâles , 
ôc  fcize  ans  ,  fi  ee  font  des  filles. 

La  coutume  de  Hainault  eft  la  plus  fjngulière 
de  toutes.  Elle  permet,  chap.  iC7,art.  2,depref- 
crire  contre  les  mineurs  ;  mais  c'eft  à  condition  que 
les  fix  premières  années  de  la  Prcfcription  aient 
couru  contre  une  pcrfonne  revêtue  de  toutes  ie.s 
qualités  requifes  pour  pouvoir  aliéner.  Ainfi  ,  dans 
cette  coutume  ,  on  peut  bien  compléter  contre  un 
mineur  une  Prcfcription  commencée  contre  celui 
à  qui  il  a  fuccédé  :  mais  on  ne  peut  jamais  en  com- 
mencer une  contre  lui-même. 

La  plupart  des  autres  coutumes  ont  fuivi  l'opi- 
nion adoptée  par  les  parlemens  de  p.iris  &  de  Bor- 
deaux. Elles  décident  généralement  que  la  Prcf- 
cription de  trente  ans  dort  pendant  tout  le  temps 
de  la  minorité,  &  que  nulle  po(reffion  ne  court 
utilement  contre  un  mineur. 

Te^es  font  Paris,  art.  118;  Calais,  art.  30; 
Chaulny,  art.  63  ;  Amiens  ,  art.  160  &  161  -,  Metz, 
Ville  &  Cité  ,  tit.  14  ,  art.  3  &  4  ;  Metz  Evêché , 
titre  16,  art.  3  ;  Verdun  ,  tit.  13  ,  art.  2  &  3  ;  Vcr- 
mandeis  ,  art.  142;  Châlons,  art.  146;  Reims, 
t!t.-38i  ;  Clermont  en  Beauvoifis  ,  art.  jo  ;  Valois , 
art.  I  20  ;  Sedan ,  art.  314;  Clermont  en  Argonne  , 
chap.  14,  art.  1  ;  Châtellenie  de  Lille,  chap.  17, 
art.  4  ;  Gouvernance  de  Douai ,  chap.  14  ,  art.  2  ; 
la  Gergue  ,  art.  46  ;  Bar-le-Duc,  art.  189  ]  Saint- 
Michel  ,  tit.  10 ,  art.  2  ;  Epinal ,  tit.  1 1  ,  art.  4  ;  Mar- 
fal,  art.  79  ;  Valanciennes  ,  art.  95  ;  Boulonnois  , 
art.  120. 

La  coutume  de  la  Marche  doit  être  rangée  fur 
la  même  ligne,  puifqu'elle  déclare  ,  chap.  13  ,  art. 
91  ,  «  que  la  Prcfcription  trentenaire  a  lieu  feule- 
)i  ment  contre  ceux  qui  ont  la  faculté  de  pourfuivre 
»  leurs  droits  &  aflions  en  jugement  ". 

Et  il  n'eft  point  douteux  qu'on  ne  doive  le  juger 
alnfi  dans  toutes  les  coutumes  muettes.  Voèt,  fur 
le  digefte  ,  titre  de  ihinonbus  ,  nombre  29 ,  en  donne 
une  raifon  fans  réplique.  Dans  nos  mœurs  ,  dit-il  , 
comme  on  ne  met  point  de  différence  entre  la  tu- 
telle &  la  curatelle  ,  on  n'en  met  pas  non  plus  en- 
tre les  pupilles  &  les  mineurs;  l'état  des  uns  5c 
des  autres  eft  abfolument  le  même  par  rapport  à  la 
pourfuite  de  leurs  droits  ;  ceux-ci  ne  font  pas  plus 
capables  que  ceux-là  ;  ainfi  la  Prcfcription  ne  doit 
pas  plutôt  dormir  en  faveur  des  féconds,  qu'en  fa- 
veur des  premiers. 


334  PRESCRIPTION. 

L'auteur  ajoute  que  c'eft  l'opinion  de  deux  cé- 
lèbres jurifconfulies  Flamands  ,  Grotius  &  Ma- 
thieu. 

Mais  purfonnc  ne  s'eft  mieux  expliqué  fur  cette 
matière  que  Raviotà  l'endroit  indiqué  ci-deflus. 

»  Je  conviens ,  dit-il  ,  que  par  le  droit  romain 
»>  la  Preicription  trentenairc  couroit  contre  le  mi- 
»>  ncur  ;  mais  c'eft  que ,  parmi  les  Romains ,  la 
»  tutelle  fîni^Toit  à  l'âge  de  puberté  ;  ainfi  le  mineur 
>»  pouvoir  agir  par  lui-même,  &,  n'étant  point 
j»  fous  la  puiflance  d'un  tuteur  ,  il  pouvoit  très- 
M  aifément  fc  garantir  de  la  Prefcription  ;  il  étoit 
ï>  nai*e  de  fes  allions  civiles  &  pcrfonnelles  ; 
»  &  pourvu  qu'il  fe  fit  affifler  d'un  curateur  qu'il 
w  choififlbit ,  éi  qu'il  fe  faifoit  nommer  lui-même  , 
»  il  avoit  la  libre  adminiftration  de  fes  biens  Si  de 
«  fei  affaires  ;  il  pouvoit  donc  bien  facilement  fe 
»>  mettre  à  couvert  de  la  Piefcription, 

j)  Mais  en  Bourgogne,  le  mineur  eu.  comme  le 
»»  pupille  ;  jufqu'à  fa  majorité  complette  ,  il  eft  tou- 
«  jours  fous  la  {dépendance  d'un  tuteur  ,  qui  feul 
»  pofsède  tous  fes  droits  6c  toutes  fes  aihons  :  le 
i>  mineur  ne  peut  pas  efier  en  jugement  ;  il  n'efl 
»  pas  même  inrtruit  de  l'état  de  fa  fortune,  il  ne  la 
>»  conncît  ni  en  général  ni  en  particulier  ;  comment 
"  la  Prefcription  peut-elle  donc  courir  contre  lui , 
>»  lui  qui  ne  fait  s'il  a  des  biens  qu'on  prefcrit  à  fon 
>»  dommage,  ni  dans  quel  temps  on  a  commencé  & 
>♦  dans  quel  temps  on  achèvera  de  les  prefcrire. 
»  C'eft  donc  le  cas  de  dire  ,  ou  jamais  ,  que  la  Pref- 
»  cription  commencée  contre  le  majeur  i^  con- 
*■>  tinue  point  de  courir  contre  le  mineur  pendant 
>»  fa  minorité  :  contra  non  valintun  agcrc  nnn  currït 
«  frefciptio.  Cet  axiome,  fondé  en  raifon  &  en 
»  juflice,  fe  trouve  tout-à-fr.it  applicable  au  mi- 
»  neur  de  Bourgogne  :  n'eft-il  pas  contre  tome 
>>  équité  d'admettre  la  Prefcripùon  contre  celui 
»  qui  eft  lié  ,  &  qui  ne  peut  agir  pour  l'empccher  ? 

•n  Mais  quoi ,  dirat-on  ,  la  condition  de  c.-lui  qui 
»>  a  commencé  de  prefcrire  contre  un  majeur  pe«t- 
V)  elle  être  rendue  plus  mauvaife  par  un  mineur, 
»  qui  ,  par  ccffion  ou  autrement ,  vient  fuccéder 
«  au  majeur ,  6c  fe  mettre  à  fa  place  ?  Le  poflef- 
»>  feur  paifible  d'un  fond  ou  d'une  aftion  l'nuroit 
«  continuée  fans  aucun  trouble ,  &  par  la  Pref- 
j)  cription  il  auroit  acquis  fa  sûreté  &  fa  tranquil- 
»>  lité  ,  fi  ce  mineur  n'étoit  venu  fe  mettre  en  place 
»  du  majeur. 

"  Ceux  qui  tiennenr  ce  langage  ne  font  pas  ré- 
«  flexion  que  la  Prefcription  eil  un  moyen  odieux 
«  d'acquérir  ce  qu'on  fait  perdre  à  autrui  :  la  Pref- 
»  cription  opère  toujours  l'un  &  l'autre  de  ces 
»  deux  effets  :  fi  le  pofTcfreur  a  droit  à  la  chofe, 
»>  &  fi  celui  qui  ne  pofsède  point  n'en  a  aucun  , 
j)  ou  n'en  a  point  un  qui  éclipfe  celui  du  pofTef- 
w  feur  aâuel  ,  il  ne  s'agit  plus  de  Prefcription ,  il 
»  s'agit  du  droit  foncier  ;  la  poffeffion  continuée 
D  pendant  un  certain  temps  n'eft  plus  un  titre;  on 
»  en  confultc  d'autres  pour  la  propriété  :  mais  la 
n  Prefcription  prife  ut  fie  ôte  le  bien  .î  qui  il  ap- 


PRESCRIPTION. 

»  partlent,  &  l'aifure  à  celui  à  qui  il  n'appanrent 
M  pas  ;  c'efc  la  loi  qui  en  difpofe  ainfi ,  mais  qui 
»  en  difpofe  malgré  elle  ;  la  loi  cfl  la  maîtreffe  des 
»  biens ,  elle  en  dépouille  &  en  revêtit  qui  elle 
I»  veut  :  c'eft  toujours  pour  un  grand  bien  qu'elle 
M  eft  cenfée  faire  cctti.'  tranfrailTion  ;  &  c'efl  par 
n  une  efpèce  de  néceffité ,  &  pour  un  plusgrani 
)>  bien  public  ,  qu  elle  introduit  les  Prefcriptions  : 
n  ne  dominia  rerum  fint  incertj  ;  ce  qui  Cauferoit 
»  un  défordre  affreux  dans  la  fociété  civile;  or 
»  l'intérêt  public  &.  le  bien  de  la  fociété  eft  lou- 

V  jours  préférable  à  celui  des  particuliers  qui  la 
»  compofent. 

»  Mais  la  loi  ne  fouhaite  pas  que  la  Prefcrip- 
»  tion,  qui  dans  le  fonds  n'eft  point  un  jufie  moyen 
>f  d'acquérir  ,  ne  foit  point  interrompue  :  la  mino- 
»  rite,  la  pupillarité  font  des  cas  d'interruption  ; 
»  la  loi  n'a  garde  de  les  retranclier  ;  un  mineur  eu 

V  héritier  d'un  majeur ,  il  ed  fon  donataire ,  ou , 
»  fi  on  veut ,  fon  ceffionnaire  :  nuœ  invidia  que  ce 
»  mineur  tienne  en  fufpens  la  Prefcription  qui 
)>  pouvoit  être  interrompue  par  le  moindre  acle  du 
»  mnjeur  ?  On  ne  fait  aucun  tort  à  celui  qui  preC- 
}>  crit,  on  l'empêche  feulment  d'acquérir  ce  qui 
»   n'eft  pas  à  lui  ». 

Autre  queftion.  Il  y  a  des  coumrnes  dans  Icf- 
quelles  la  majorité  s'acquiert  avant  vingt-cinq  ans  ; 
quel  doit  être  dans  leur  territoire  ,  rt- lativement  à 
la  Prefcription  ,  le  fort  d'un  mineur  à  qui  elles 
attribuent  la  qualité  fiéiive  de  majeur  ? 

11  faut  difiinguer  fi  cette  majorité  anticipée  eft 
parfaite  ou  non. 

Si  elle  eft  parfaite  ,  comme  Teft  en  Normandie 
celle  dont  on  jouit  à  vingt  ans  ,  nul  doute  qu'elle 
ne  doive  être  aft'imilée  ,  en  ce  qui  regarde  la  Pref- 
cription ,  à  la  majorité  du  droit  civil. 

Mais  ft  elle  eft  imparfaite,  c'eft  tout  le  con- 
traire ;  Maillard ,  art.  72  ,  nombre  73  ,  aOure  qu'on 
l'a  ainfi  jugé  au  parlement  de  Paris  le  9  mai  1691, 
en  faveur  d'une  perfonne  née  en  Artois  ,  le  4  mai 
1656,  devenue  majeure  à  pareil  jour  1681.  «'.  Cet 
>j  arrêt ,  dit-il  ,  fit  dormir  la  Prefcription  depuis 
»  20  ans  jufqu'à  25  ans  »>. 

Eft-il  vrai ,  comme  le  croyent  certains  praticiens  , 
qu'en  fait  de  Prefcription  le  mineur  relève  le  ma- 

Dans  les  chofes  indivifes  ou  indivifibles  ,  telles 
que  les  fervifudes,  l'afHn^ative  ne  Gouffre  nulle  aif- 
ficulté.  Elle  eft  établie  par  la  loi  io,audigefte, 
quemadmodum  fervitutes  amïttantur ,  &  jamais  elle 
n'a  été  contredite. 

Mais  il  en  eft  autrement  dans  les  chofes  divifées 
ou  divifibles  ,  comme  l'a  jugé  un  arrêt  du  parlement 
de  Paris  du  3  août  171 1.  Il  s'agifibit  de  favoir  fi  un 
acquéreur  d'héritages  affeôés  à  une  rente  avoit  pu 
prefcrire  contre  trois  enfans  ,  dent  un  majeur  & 
les  deux  autres  mineurs  ,  jouiiToient  par  indivis  des 
biens  de  la  fucceftîon  de  leur  mère  ?  Le  premier 
juge,  loin  d'acueillir  le  fyftême  du  majeur ,  avoit 
déclaré  la  Prefcription  acquifc  pour  la  totalité.  Mais 


PRESCRIPTION. 

fur  l'appel  qui  fut  interféré  de  la  fentence  par  le? 
trois  frères  ,  elle  fut  contirmée  en  ce  qui  regardoit 
le  majeur  ,  &.  intîmiés  par  rapport  aux  deux  autres. 
On  trouve  les  détails  de  cette  efpèce  dans  le  recueil 
d'Augeard,  tome  a,  §.  iiS,  édidon  de  1756. 

Brodeau  ,  lettre  H  ,  §.  20  ,  cite  nu  arrêt  de  1605, 
qui  paroit  juger  le  contraire  ;  mais  il  n'en  détaille 
point  l'cipècc  ,  &  d'aiilcurs  il  défaprouve  lui-même 
la  décifion  qu'il  lui  prête.  Il  fait  plus  ,  il  rapporte  , 
avec  toutes  fcs  circonftances  ,  un  autre  arrêt  du 
mois  de  mars  lô'jo,  qui,  dans  le  cas  d'une  rente 
indivife  entre  une  mère  6c  des  enfans  mineurs  dont 
elle  étolt  tutrice,  a  déclaré  l'hypothèque  éteinte 
par  la  Prefcription  relativement  à  la  première  ,  Si 
l'a  laiffé  fubfiUer  en  faveur  des  enfans. 

La  même  chofe  a  été  jugée  dans  la  coutume  de 
Poitou,  par  un  arrêt  du  23  mars  1650,  qvi'on  trouve 
au  journal  des  audiences. 

Il  y  a  enc  rc  dans  le  journal  du  palais  un  arrêt 
du  17  mai  1680,  qui  juge,  au  fiijet  d'une  obliga- 
tion commune  à  un  mineur  &.  à  denx  majeurs,  co- 
héritiers, que  la  Prefcription  en  faveur  du  débiteur, 
avoit  couru  pour  la  part  d>;s  majeurs  &  non  pour 
celle  des  mineurs.  Toute  l'obligation  étoit  cepen- 
dant tombée  dans  le  lot  de  celui-ci. 

Dénifart,  au  mot  Pw/cripiion ,  dit  qu'il  y  a  un 
arrêt  contraire  de  1710;  mais  c'eft  tout  ce  qii'il 
nous  en  apprend.  Brillon  ,  nombre  64  ,  entre  un 
peu  plus  en  détail ,  mais  il  n'infiruit  pas  davantage. 
Voici  fes  termes  :  «  Le  lundi  4  août  1710,  arrêt 
M  en  la  grand'chambre,  au  rapport  de  M.  le  Nain  , 
"  qui  déclare  fufpendue  ,  a  l'égard  des  co-liéritiers 
"  majeurs,  la  Prefcription  du  tiers-détenteur  en  un 
w  fonds  commun  de  la  fucccflîon  ,  Se  cela  durant 
"  la  minorité  d'un  des  co-liéritiers  ».  Ce  n'eil  pas 
d'après  lui  même  que  Brillon  parioit  ainfi.  11  ne 
fait,  comme  il  l'avoue,  que  copier  une  note  de 
M^  Maillard,  avocat.  Quel  fonds,  d'après  cela, 
peut-on  faire  fur  cet  arrêt  ?  Nous  ne  connoiffons  ni 
les  circonrtances  dans  lefquelles  il  a  été  rendu  ,  ni 
les  moyens  qui  ont  pu  le  déterminer. 

3".  L  INTERDICTION  pour  démence  OU  prodiga- 
lité ,  fufpend  elle  la  Prefcription  ? 

On  comprend  aifément  que  la  négative  ne  doit 
fouffrir  aucune  diiticnlté  par  rapport  aux  efpéces  de 
Prefcriptions ,  qui  courent  contre  les  pupilles  eux- 
mêmes. 

Mais  en  thèfe  générale,  la  queilion  efl  fort  con- 
troverfée.  Les  uns  penfent  que  le  cours  de  la  Pref- 
cription doit  être  fufuendu  en  faveur  des  furieux 
ou  infenfés  Se  des  prodigues  interdits  ,  parce  qu'ils 
font  fous  la  dépendance  de  leurs  curateurs ,  comme 
les  pupilles  Ions  celle  de  leurs  tuteurs,  Sc  incapa- 
bles de  gouverner  leurs  affaires.  C'-it  le  fentiment 
de  Balbus  ,  dans  fon  traité  des  Prefcriptions  (i)  ;  & 


(11,  pars  6  ,  ic  ult.  princip,  n.  4-r.  Voici  le f  termes  de 
Ctr  aweur  :  VigeîliTius  nuartvis  c.ifiis  in  quo  p'îe'cripciiJ  non 
Ciircic  ,  cft  in  f;iriofo  &  prodigo,  cjuia  ficut  con:rà  p^pilluni 
non  ciiinc  pnrc.ipiio  iongiiiuiii  ten)j^orij  nondum  iachoata  , 


PRESCRIPTION.        35t 

M.  de  Catelan  ,  liv.  7,  chap.  13  ,  rapporte  iw  arrêt 
du  parlement  de  Touloufe  du  mois  d'août  1657) 
qui  le  jt:ge  ainfi  en  faveur  d'un  imbécille. 

Le  parlement  de  Paris  a  rendu  pluficurs  31  rets 
femblables.  Dénifart  en  cite  un  du  ii  août  1761, 
qui  a  jugé  ,  au  rapport  deM.  Thon  ,  que  la  Pref- 
cription n'avoit  pas  couru  contre  un  étranger  fu- 
rieux &  interdit  par  les  juges  de  Savoye  ,  où  il 
avoit  fon  domicile  ,  quoique  l'interdiâion  n'eût 
été  ni  publiée  ni  infinuée  en  France. 

Ccft  aufTi  h  difjîofition  de  plufieurs  coutumes  ; 
celle  de  Metz,  tit.  14,  art.  4,  décide  en  général 
i>  que  la  Prefcription  ne  court  pas  contre  mineurs 
»  pendant  le  temps  de  leur  minorité  ,  ni  contre 
»  autres  pcrfonnes  qui  font  en  la  curatelle  d'aittrui  , 
»  &  qui  ne  peuvent  agir  ».  C'eft  ce  que  porte  aufîi 
la  coutume  de  la  châtellenie  de  Lille,  tit.  17, 
art.  4  ;  celle  de  la  gouvernance  de  Douai ,  chap. 
14 ,  art.  2  ;  &  celle  de  Gorze  ,  titre  14,  art.  10. 

Celle  de  Bcuillon  ,  chapitre  23  ,  art,  3  ,  déclare 
»  qu'on  ne  prcfcrit  point  contre  ceux  qui  font  pri- 
»  vés  de  leur  bon  fens  &  entendement  »;&  elle 
ne  parle  point  des  prodigues. 

Mais,  toute  coutume  à  part,  l'epinion  contraire 
paroit  mieux  fondée-  La  loi  3  ,  au  code  ,  Je prefcrip- 
tione  30  vel  40  annorum,  n'excepte  que  les  pupilles. 
Le  fi;rieux  efl  comparé  par  une  autre  loi  à  l'abfent , 
(i)  &  bien  sûrement  l'abfence  ne  ftifpend  pas  la 
Prefcription  de  trente  ans.  Il  y  a  d'ailleurs  une 
grande  différence  titive  la  pupiliarité  &  la  déir.ence. 
Le  teinps  de  la  pupiliarité  ef)  fixe,  fouvent  même 
très-cot:rt  ;  &  le  préjudice  que  le  public  fouffre  prr 
la  fufpenfion  qu'elle  caufe  dans  le  cours  de  la  Pitf- 
cription,  n'efl  pas  grand.  Au  contraire,  le  temps 
de  la  démence  n'a  point  de  terme  ;  il  eft  même 
fouvent  très-long.  Il  n'y  a  donc  point  de  ju^.c  rai- 
fon  de  faire  ceiier  la  Prefcription  de  trente  ans  en 
faveur  des  infenfés ,  &  encore  moins  des  pro- 
digues. 

Auffi  trouve-ton  pUifieurs  arrêts  par  lefquels  il 
été  jugé  qu'elle  court  contr'eux.  Le  parlem,ent  d'Aix 
en  arendu  un  le4  avril  1661  ,  qui  eft  rapporté  dans 
le  commentaire  de  M.  .Uilien  fur  les  flatuts  de  Pro- 
vence ,  tome  i  ,  page  505. 

4'.  La  Puissance  PATERNELLE  met-elle  à  couvert 
de  la  Prefcription  l'enfant  qui  eft  retenu  dans  fes 
liens  ? 

Il  faut  diflingner  fi  ce  qu'on  veut  prefcrire  appar- 
tient au  pécule  foit  caftrcnfe,  foit  quafi-caflrenfe  du 
fils  de  famille ,  ou  s'il  fait  partie  de  fes  biens  ad- 
ventices (2). 

Au  premier  cas ,  la  Prefcription  court  à  l'ordi- 
naire contre  le  fils  de  famille  ,  parce  que  dans  tout 


iV  li  fît  inchoau  ,  dormi-  tempore  pupiilans  .TUti-:  cjuo  ad 
pr^rcripiionem  jo  annorum,  (le  eciarn  non  currir ,  fci  dormic 
contv.T  f'ii-iorum  &:  prodigiim. 

(i)  Furioiuî  abfcntis  loco  eft.  L,  1:4    §,  1  ,  D.  de  rcguli» 


juns. 


[1]  Voyez  fur  certe  dift:n^'>ion  ,  ?cî  acticlçj  ADVENTICE  i 
PÉCULE  &  Pu;SSAr>CE  PATEK.NEilï. 


33<? 


PRESCRIPTION. 


ce  qui  concerne  Ion  pécule  caftrenfe  ou  quafi-caf- 
trenli,ileft  ablolument  libre  6c  indépendant  de 
fon  pèr^. 

Au  ieconcl  cas  ,  on  fous-diftingue  :  «u  le  père  a 
luiiihuit  &  la  pleine  adminiibation  des  biens  ad- 
ventices de  fon  fils  ;  ou  il  n'a  ni  l'un  ni  l'autre. 

Dans  la  première  hypothèfe  ,  la  Prelcription 
dort,  parce  que  le  père  a  dans  fa  main  toutes  les 
aCl;ons  avives  &  pafTives  du  fils ,  &  qu'il  ne  feroit 
pas  jufte  de  punir  ce  dernier  de  n'avoir  pas  ..gi 
dans  le  temps  qu'il  ne  le  pouvoit  pas. 

C'eft  ce  que  décident  la  loi  i  ,  §•  2  ,  au  code  ,  û'ct 
annuli  excepfione  ,   &  la  loi  4  ,  de  bonis  quce  libfris. 

Mais  ces  lois  ne  parlent  que  de  la  Prefcriprion 
temporelle  ^  faut  il  Cii  conclure  que  le  fils  de  fanfille 
eP.  fujet  à  la  Prefcription  de  trente  ans  ? 

Non.  D'abord  la  loi  première  du  titre  de  bénis 
muicrnis  &  m.nani  ^:ncris ,  porte  que  nulle  Prefcrip- 
tion ne  court  contre  le  fils  de  famille ,  &  ces  ter- 
nus  nulL  Prefcription  ,  paroiflent  trop  généraux, 
pour  qu'on  n'y  comprenne  pas  la  Prefcription  tren- 
tcnairc, 

Enfuitc  ,  dans  la  novelle  tz  ,  l'empereur  Jufii- 
nicu,  après  avoir  déclaré  que  les  gains  nuptiaux 
doivent  être  réfervés  aux  enfuis  du  premier  lit  , 
défend  ,  par  le  chapitre  24  ,  de  les  aliéner  ,  &  dit 
que  s'ils  l'ont  été  ,  les  enfans  &  leurs  héritiers  jjour- 
roiu  les  répéter  ,  fans  qu'on  puilTe  leur  oppofer 
d'autre  Prefcription  que  celle  de  trente  ans  ,  la- 
quelle encore  ne  courra  ,  lorfque  ces  enfans  au- 
ront été  en  puiffance  paternellç ,  que  du  jour  qu'ils 
feront  devenus  leurs  maîtres. 

Quoique  ce  texte  ne  parle  que  des  gains  nup- 
tiaux,  on  l'a  étendu  par  identité  de  raifon  ,  aux 
autres  biens  adventices.  La  glofe  en  rend  témoi 
gnage  ,  &  Pinellus  en  expliquant  l'authentique  rz;y7 
tricenntile,  nombre  i  ,  dit  que  c'eft  l'opinion  com- 
mune. 

Ainfi  (  conclud  Dunod  )  foit  parce  qu'il  eu  dé- 
fendu aux  pères  d'aliéner  fans  caufe  les  biens  ad- 
ventices de  leurs  enfans  ,  foit  pour  obvier  aux 
iTaides  qu'ils  pourroient  faire  ,  ayant  le  droit  d'ad- 
minidrer  fans  rendre  compte  ;  la  Prefcription  de 
dix  Si  vingt  ans  ne  peut  être  oppofée  aux  enfans 
de  famille  ;  &  celle  de  trente  ans  même  ne  court 
pas  contr'eux  ,  tant  qu'ils  font  fous  la  piiiffance  de 
leuis  afccndans  ,  parce  qu'ils  n'ont  pas  l'exercice 
des  a6^ions  néceffairçs  pour  conferver  ou  recou- 
vrer leurs  biens. 

Il  y  a  des  auteurs  qui  reflreignent  cette  propofi 
tion  au  cas  d'aliénations  faites  par  le  père  ,  Se  lorf- 
que l'adtion  que  le  fils  de  famille  pourroit  intenter  , 
fe  réfléchiroir  contre  lui  ;  ils  difent  que  dans  les 
autres  cas  ,  le  fils  de  famille  ayant  un  défenfeur  lé- 
gitime, &  dont  les  intérêts  ne  font  pas  contraires 
aux  ftcns  ,  rien  ne  peut  empèclier  la  Prefcription 
d'avoir  lieu.  Cela  e/l  d'autant  moins  douteux  ,  con- 
tinuent-ils ,  qifil  peut  recourir  à  la  juftice  pour  agir 
lui-même  ,  lorfqu'il  eft  intérÇiTé  à  le  faire  ,  &  que  , 


PRESCRIPTION. 

fon  père  refufc ,  fans  raifon,  d'agir  (1).  Eh!  né 
voyons  nous  pas,  par  la  loi  50  ,  V).  ad  Jcnatufcon- 
juliutn  Trebelliai.urn  ,  qu'il  peut  non-feulement  fe 
faire  reflituer ,  avant  le  temps  ,  le  fidéicommis  dont 
fon  père  dilîipe  les  biens  ,  mais  auffi  les  revendi- 
quer ,  quoique  fon  père  vive  encore  ,  fur  ceux  qui 
les  ont  acquis.  Enfin  ,  les  lois  du  code  qui  fufpen- 
dent  la  Prefcription  en  faveur  du  fils  de  famille  , 
forment  un  droit  nouveau  ;  il  faut  donc  les  ref- 
treindre  à  leur  cas  particulier ,  c'eft-à-dire  ,  au  cas 
de  l'aliénation  faite  par  le  père. 

Ainfi  raifonnent  M.  le  préfident  Favre  ,  en  fon 
code  ,  livre  2  ,  titre  25  ,  définition  6  ,  Pinellus  à 
l'endroit  déjà  cité  ,  nombre  44  ,  &  Brodeau  fur 
M.  Louet  ,  lettre  P  ,  §.  i  ,  nombre  6. 

Mais  ,  dit  Dunod,  partie  3  ,  chapitre  2  ,  quelque 
fpécieufe  que  foit  cette  opinion ,  le  fentiment  con- 
traire efi  le  plus  commun  &  le  mieux  fondé:  les 
raifons  qu'elle  a  pour  bafe  prouvent  trop  ;  car  il 
en  réfulteroit  que  le  fils  de  famille  pouvant  agir  , 
abfolument  parlant ,  pour  interrompre  la  Prefcrip- 
tion de  fon  bien  vendu  par  fon  père,  cette  Pref- 
cription devroit  courir  contre  lui  lorfqu'il  n'agiroit 
pas. 

Pourquoi  la  loi  fufpend-elle  la  Prefcription  ea 
faveur  du  fils  de  famille  .''  Ce  n'eft  point  parce  que 
l'aflion  qu'il  pourroit  exercer ,  fe  réfléchiroit  contre 
fon  père  :  elle  la  fufpend  en  général ,  notamment 
dans  le  §.  2  du  titre  de  annali  exception:  y  &  le  lé- 
gifiateur  en  rend  une  raifon  qui  s'applique  à  tous 
les  cas  ;  c'eft  qu'on  ne  peut  pas  imputer  une  négli- 
gence puniifable  à  l'enfant  de  famille  ,  lorfque  la 
loi  l'empêche  d'agir:  or  cet  empêchement,  il  le 
rencontre  toutes  les  fois  qu'il  eft  queftion  de  biens 
dont  fon  p^re  al'ufufruit;  la  loi  ne  veut  pas  qu'il 
agifte  à  cet  égard  ,  fi  ce  n'eft  par  le  miniftère  de  fon 
père ,  ou  de  fon  confentement  :  il  n'a  point  fes  titres 
en  mains  ;  il  ignore  prefque  toujours  fes  droits  ;ce 
n'eft  pas  lui  qui  a  choifi  (on  défenfeur  ,  la  loi  le  lui 
a  donné;  &  de  concert  avec  le  devoir  delà  nature, 
elle  exige  qu'il  fc  repofe  fur  fon  affe611on  &  fa  pru- 
dence ;  le  rel"pc61  qu'il  lui  doit ,  la  crainte  revéren- 
cielle  rempêchent  de  la  cenfurer ,  &  de  le  forcera 
agir  ou  à  l'autorifer  pour  le  faire  lui-même.  Enfin  , 
comme  le  dit  Cujas  (2)  &  Pinellus  lui-même  (3)  , 
pour  que  le  fils  de  famille  foit  cenfé  ne  pouvoir  pas 
agir  ,  il  fufiit  qu'il  ne  le  puiife  pas  fans  difficulté: 
l'autoriié  paternelle  le  gêne  ;  &  fa  volonté  eft  en- 
chaînée par  une  certaine  pudeur  (4). 

Ainfi  ,  de  quelque  efpèce  de  Prefcription  qu'il 
s'agifte,  foit  qu'elle  vienne  du  fait  du  père  ou  de  fa 
feule  négl'gence  ;   foit  qu'elle  ait  comrnencé  avec 

[1]  Loi  dernière  ,  an  code  ,  de  bonis  quxliberis, 

[al  Ad  1.  ulc.  C.  de  pignotaiit.  act. 

[îJ  Loc.  cit.  n.  41. 

[j.]  Satis  ett  ne  (îlius  dicatur  agçre  non  pofTe,  quod  non 
poHit  igguia.iter  Se  i^ne  diiîiculcate.  Premitur  enim  autori- 
ta:e  paciii  ;  culcii  verecundia;  ,  piopriani  voluntatem  dcpro- 
mcrc  non  audet  ;  &  le  pcctus  pudoiis  tacit  uc  aliqiiid  flicaïuc 
iieri  non  fçfle. 


PRESCRIPTION. 

ïe  fils  de  famille  ,  ou  avec  Ton  auteur  ;  foit  qu'elle 
ait  pour  objet  un  héritage  ou  une  aâion  ;  elle  doit 
être  en  fufpens  ,  tant  que  l'enfant  eft  fous  la  puif- 
(ance  de  («n  père. 

Ceft  ce  qu'ont  jugé  plufieurs  arrêts. 

Baffet,  tome  i  ,  livre  2  ,  titre  29,  chapitre  13  , 
&  Chorier  dans  fa  jurifprudencc  deGuypape,  page 
325  ,  en  rapportent  deux  du  parlement  de  Greno- 
ble des  13  mai  166 1  &  9  avril  1684»  qui  jugent 
formellemewt  que  la  Prefcription  même  de  trente 
ans  ne  court  point  contre  le  fils  de  famille  du  vivant 
du  père,  &  pendant  que  celui-ci  a  la  jouiffancc  de 
fcs  biens  adventices. 

Et  M.  de  Catelan  ,  livre  7  ,  chapitre  i  5  ,  en  rap- 
porte un  du  parlement  de  Touloufe  du  20  décem- 
bre 1656  ,  qui  décide  en  thèfe  «  que  la  Prefcrip- 
>)  tion  des  fommes  même  ne  court  pas  contre  le 
»  fils  de  famille,  quoique  la  Prefcription  ait  com- 
j>  mencé  contre  celui  à  qui  il  s'agit  de  fuccéder  ». 

<c  II  y  a  ,  continue  le  même  auteur  ,  un  autre 
»  arrêt  du  18  août  1694,  qui  a  jugé  que  la  Pref- 
3>  cription  d'une  fomme  ne  court  pas  contre  un  fils 
»  de  famille  ". 

M.  de  Catellan  ajoute  que  par  un  arrêt  interlo- 
cutoire du  5  mars  1677  ,  le  nicrae  parlement  a  ju- 
gé qu'en  fait  de  biens  dotaux  ,  la  Prefcription  qui 
a  commencé  contre  la  femme  avant  le  mariage  , 
&  a  continué  contr'elle  pendant  le  mariage  ,  n'eft 
pas  fufpendue  après  fa  moit  en  faveur  de  fes  en- 
fans  ,  quoique  pupilles  &  en  puiffance  de  père. 

Mais  cet  arrêt ,  diâé  par  un  motif  particulier  (1)  , 
n'cll  pas  contraire  à  l'opinion  adoptée  parles  deux 
précédens  ;  &  encore  ce  motif  a-t-il  trouvé  un  cen- 
feur  d'ans  Vede!  (2). 

La  Peyrere,  lettre  P,  nombre  73  ,  fait  mention 
d'un  arrêt  du  parlement  de  Bordeaux  du  28  fé- 
vrier 1674,  rendu  à  la  féconde  chambre  des  en- 
quêtes ,  la  grand'chambre  préalablement  conful- 
tcc  ,  qui  a  jugé  que  la  Prefcription  de  trente  ans 
n'avoit  pas  couru  contre  les  nommés  Perron  ,  frè- 
res, pendant  qu'ils  arcient  demeuré  fous  la  puif- 


(l)Ce  motif,  «lie  M.  de  Citcl!an  ,  «  fut  que  puifi^ue  la 
»  Prefcription  dki  fends  avoit  continué  contre  la  femoïc  pen- 
»>  dant  l'on  matiage  ,  quoiqu'eHc  ne  pik  pas  agir,  ayant  conf- 
»  titué  tous  fes  biens,  &  le  mari  continuant  de  jouir  des  mc- 
«  mes  biens  après  la  mort  de  fa  femme ,  en  vertu  du  même 
n  titre,  c'elt-à-dire,  du  contrat  de  mariage,  la  Prefcription 
»  dévoie  continuer  auffi  de  mcaie  après  le  maii  ige.  On  ajouta 
"  que  les  enfans  n'ctoient  pas  plus  favorables  que  la  mère  -. 
M  or,puifque  la  Prefcription  avait  continué  contre  la  mère 
»  pendant  le  mariage ,  quoiqu'elle  ne  pût  pas  agir,  elle  de- 
»  voit  aufli  continuer  contre  Cts  enfani ,  le  pcre  ayant  pu 
»»  agir  pour  lui  &:  pour  eu,\  ". 

(7)  "  Je  crois  ,  4it-il  ,  que  le  cours  de  la  Prefcription  ccm« 
s»  mencé  fur  la  tète  de    la  mère    demeure  fufpenJu  pendant 
»  ia  pupillarité  des  enfans  ;  car  la  loi  ficui:  ,  C.  de  Pr^fcrip- 
m  ti»ne  3  o  vel  40  anr.orum  fait  une  exception  à  cet  égard  pour 
>»*1Ç?-pupi!les,  quoiqu'ils  foient  fous  la  puillance  d'un  tuteur 
»  ;n  drdaranr  que  cette  Prefcription  de  trentt  ans,  qui  eft 
s»  réputée  Icngijpmi  temporis  .,  d;rt  pendant  leur  pupillarité 
a  car  alors ,  non  conjunguntur  temparg  ». 
Tiédie  XIIL 


PRESCRIPTION.        537 

fancedcleur  père,  quoiqu'on  leur  opposât  qu'ils 
éteient  majeurs  ,  établis  ,  nrariés ,  8c  qu'ils  avoient 
chacun  leur  habitation  léparée.  Il  s'agiflbit  unique- 
ment d'un  fupplément  de  légitime  du  chef  de  leur 
mère. 

Quand  il  s'agit  de  biens  dont  le  père  n'a  ni  l'ad- 
miniftration  ,  ni  l'ufufruit ,  ia  puiffance  paternelle 
ne  fait  aucun  obftacle  à  la  Prefcription.  La  raifon 
de  la  loi  cefTe  en  ce  cas  ;  l'enfant  de  famille  peut 
agir;  il  peut  empêcher  la  Prefcription  directement 
Si.  par  une  a£lion  qui  lui  eft  propre  ;  s'il  ne  le  fait 
pas ,  fa  négligence  n'a  point  d'excufe;  en  un  mot, 
il  rentre  dans  le  droit  commun. 

C'eft  l'avis  de  Balbus ,  dans  fon  traité  des  Pref- 
criptions  ,  i  ,  partie  6 ,  nombre  i  5  ;  de  Pinellus  ,  à 
l'endroit  cité,  nombre  33  ;  de  Duperrier ,  liv.  4, 
chap.  14  ;  de  Cambolas,  liv.  3  ,  chap.  i  ;  de  Dunod  , 
partie  3  ,  chap.  2  ;  de  Julien  ,  fur  les  ftatuts  de  Pro- 
vence ,  tome  2,  page  507,  &c. 

La  plupart  de  ces  auteurs  reHreignent  leur  doc- 
trine au  cas  où  il  s'agit  d'une  aftion  que  le  fils  de 
famille  doit  intenter  contre  un  tiers.  Il  en  feroit 
en  effet  tout  autrement,  fi  l'aftion  devoit  être  di- 
rigée contre  le  père  même;  la  Prefcription  alors 
ne  courroit  pas  en  faveur  de  celui-ci  contre  l'en- 
fant foiimis  à  fa  puiffance.  C'eft  ce  qui  a  été  jugé 
par  deux  arrêts  du  parlement  de  Provence  des  11 
février  1662,  &  27  novembre  1665  (i),  rappor- 
tés dans  le  recueil  de  Boniface  ,  tome  i ,  liv.  8 ,  ti- 
tre 2  ,  chap.  3. 

C'efl  aufTi  ce  que  décident  plufieurs  coutume» 
des  Pays-Bas  ,  notamment  CafTel  ,  articles  44  & 
240  ,  Bailleul ,  rubrique  21  ,  article  a ,  la  Gorgue  , 
article  47. 

Il  paroît  même  que  dans  ces  coutumes ,  on  ne 
doit  pas  difliiiguer  A  l'enfant  eft  en  puiflance  ou 
émancipé.  D'abord  ,  elles  difent  généralement  qu'il 
n'y  a  point  de  Prefcription  entre  le  père  &  les  en- 
fans; enfuite  elles  établiffent  la  même  cfeofe  à  l'é- 
gard de  la  mère.  Ces  deux  circonftanccs  réunies  , 
femblent  ne  laiiïer  aucun  doute  fur  l'intention  que 
nous  croyons  apperccvoir  dans  ces  lois. 

5".  La  Puissance  maritale  fufpend-elle  la 
Prefcription  ?  Voyez  l'article  Pwjffance  maritale. 
6°.  A  l'égard  de  l'Absence  ,  voyez  le  mot 

Abfent. 

fi]  Voici  comrnentraifoBnoit,  lors  du  fécond  arrêt ,  la  par- 
tie en  faveur  de  laquelle  il  a  été  rendu. 

«  Pour  ce  qui  eft  du  tiers  ,  l'enfant  de  famille  ne  peut 

»  point  excufer  fa  négligence,  s'il    n'a  pas  mis  es  caufe    une 

».  perfonne  à  laquelle  il  ne  doit  ni  refpecl  ni  dcfcrence  o'ieJ- 

B  conque  ,  &  contre   laquelle  le  père  ne  lui  peut  pas  refufer 

n  fa  perniiflion  &  fon  confentement  avec  tant  foir  peu  d'ap- 

»  paience  de  raifon  ;  mais  il  n'en  eft  pas  ainfi  ,  quawd  le  perc 

n  art  faifî  de  cette  portion  virile,   &  qu'il  faut  qu'un  enfant 

u  mette  fon  propre  l'ère  en  procès  ,  pour  le  dépouiller  d'une 

»  portion  de  fes  biens  :  le  rcfpea  ,  l'honneur  âc  l'cbaffince 

n  qu'un  enfant  doit  à  celui  qui  l'a  mis  au  monde  ,  lui  ôtent 

w  U  liberté  d'implotei:  la  juflicc  csntic  fon  propre  géniitwr», 

y  y 


33^  PRESCRIPTI  ON. 

7".  L'article  de  lIgnorance  parok ,  du  pre- 
mier coup-d'œil ,  n'être  fufceptible  d'aucune  dif- 
ficulté. La  loi  dernière,  au  code,  de  Prccpriptione 
iriijinCa  vel  quadraginta  annorum  ,  &  la  loi  unique  , 
de  ufucapione  transformaridâ ,  décident  expreflemcnt 
que  l'ignorance  n'arrête  pas  même  la  Prefcription 
de  dix  &  vingt  ans  (i). 

Mais  quoiqu'il  n'y  ait  aucun  texte  de  droit  qui 
déclare  rertituables  ceux  qui  ne  font  pas  informés 
de  la  Prefcription  qu'on  acquiert  contr'eux  ,  les 
dofteurs  ne  laifTent  pas  de  foutenir  qu'ils  peuvent 
être  reflitués  ,  &  ils  fe  fondent  fur  les  termes  de 
l'edit  du  Préteur  ,  repris  dans  la  loi  i  ,  in  quibui 
caujîs  majores ,  au  digefte  :  item  Jî  qua  alia  jujla 
cj/ifj  mihî  videbitur ,  in  integrum  rejlituam  (  de  mê- 
me ,  quand  il  fe  préfentcra  quelqu'autre  caufe  jufle, 
j'accorderai  la  reflitution  en  entier).  Suivant  eux  , 
celui  qui  eft  dans  une  ignorance  probable  de  la 
Prefcription  que  fait  courir  contre  lui  la  pofTef- 
flon  d'un  autre,  mérite  la  même  faveur  qu'un  ab- 
fent  ;  il  ert  comme  lui  ,  excufable  de  ne  pas  agir  ; 
comme  lui  ,  il  a  l'équité  en  fa  faveur ,  &  il  ne  doit 
pas  être  plus  que  lui  puni  comme  négligent ,  puif- 
qu'il  ne  l'efl  pas  en  effet. 

De  ce  principe  qu'ils  fuppofent,  ils  concluent 
que  l'ignorance  du  fait  d'autrui  eft  une  jufle  caufe 
de  reflitution  ;  que  cette  ignorance  efl  préfumée , 
quand  la  connoi^Tance  ne  Teft  pas ,  c'efl-à-dirc  , 
prefque  toujot^rs  ;  que  les  perfonnes  groflîères  & 
rufliques ,  les  femmes  &  les  foldats  qui  ne  con- 
lyjiffcnt  pas  les  lois  par  eux-mêmes,  font  reftitua- 
Èles  quand  ils  ont  omis  quelque  chofe  par  igno- 
rance du  droit,  &  que  tous  les  autres  indifiinc- 
tement  doivent  jouir  du  même  avantage,  quand  il 
s'agit  de  ne  pas  perdre  ,  de  damnu  vitjndo. 

Ils  font  enfiiite  pour  tout  cela  un  grand  nombre 
de  que/lions  ,  d'ampliations  &  de  limiiations.  Sans 
doute,  on  imagine  bien  que  le  droit  &  la  raifon 
ne  tiennent  pas  ,  dans  ce  cahos,  une  place  fort 
avantageufe;  les  erreurs,  les  abfurdité»  y  four- 
millent; &  fi  l'on  fait  une  attention  féneufe  aux 
inconvéniens  fans  nombre  que  produiroit  dans 
l'ordre  civil  ,  la  pratique  d'une  pareille  doflrine  , 
ils  achèvent  d'en  néceffuer  la  Profcription. 

Il  y  a ,  comme  nous  l'avons  vu ,  des  lois  qui  dé- 
cident expreffément  que  la  Prefcription  court  con- 
tre celui  qui  l'ignore  :  où  font  celles  qui  l'autori- 
fent  à  s'en  faire  relever?  Nulle  part  :  elles  permet- 
tent cependant  en  pluficurs  cas  la  reflitution  peur 
caufe  d'abfence.  Celle  qu'on  voudroit  accorder  fur 
le  feul  fondement  de  l'ignorance,  n'cft  donc  qu'une 
invention  des  douleurs.  Née  dans  la  pouflière  de 
l'école,  elle  doit  y  rcftir  enfcvclie. 

Mais  c'efl  trop  peu  que  d'invoquer  ici  le  filence 
delà  loi  :  elle  n'efi  pas  demeurée  muette,  elle  a 
parlé,  au  contraire,  &  de  la  manière  la  plus  ex- 
prefle.  Nous  ne  voulons  pas,  a  t-elle  dit,  qu'on 

(l)  Niillâ  fcientiâ  vel  ignorantiâ  f,ieflandâ  ;  ne  altéra 
iubiuùonis  incxciicabilis  otiauii  occafio. 


P  RESCRIPTION. 

mette  la  moindre  différence  entre  celui  qui  fait  & 
celui  qui  ignore  qu'on  prefcrit  contre  lui,  de  peur 

QUE  DE-LA  IL  NE  NAISSE  UNE  SECONDE  PÉPI- 
NliERE  DE  PROCÈS  INEXTRICABLE  :  nullâ  fcientiâ 
vel  ignoranliâ  fpeâandd ,  ne  nliera  dubitationis  inex- 
tricabiUs  oriatur  occafio.  Voilà  ce  qu'a  dit  la  loi  en 
traitant  de  la  Prefcription  de  dix  &  de  vingt  ans  ; 
&  que  n'auroit-elle  pas  dit  au  fujet  des  Prefcrip- 
tions  plus  longues  ?  C'efl  donc  éluder  fon  but,  fon 
objet  dired  &  formel ,  que  d'admettre  ,  en  faveur 
de  l'ignorance  ,  la  reflitution  en  entier  contre  la 
Prefcription.  C'efl  introduire  entre  celui  qui  ignore 
&  celui  qui  connoît,  une  différence  qu'elle  a  re- 
jetée ;  c'efi  retomber  par  une  voie  indireéie  dans 
le  labyrinthe  de  procès  &  de  difficultés  qu'elle  a 
voulu  éviter.  Difons  plus  ,  c'eft  faire  illufion  à 
l'établiffement  de  la  Prefcription  ,  &  la  rendre  inu- 
tile. Combien  de  fois,  en  effet,  n'arrive-t-il  pas 
qu'elle  court  contre  des  perfonnes  qui  l'ignorent? 
Il  eft  bien  rare  qu'un  homme  inflruit  de  fes  droits  , 
en  néglige  la  pourfuite  pendant  un  temps  AifH- 
fant  pour  les  prefcrire.  Comment  d'ailleius  prou- 
ver qu'il  en  a  eu  connoiffance  ?  Il  ne  manquera 
jamais  de  le  nier ,  &  ,  fuivant  les  doreurs,  c'eft 
fur  le  prefcrivant  qu'en  retombera  la  preuve  ;  car  , 
on  l'a  déjà  dit  ,  un  de  leurs  principes  eft  que  l'i- 
gnorance eft  toujours  préfumée  ,  ù  ce  n'eft  dans 
les  c.is  où  la  fcience  ne  l'eft  point  i  &  ils  ont  foin 
d'ajoluer  que  ces  cas  font  fort  rares. 

La  loi  unique,  au  code,  de  ufucapione  tr/insfor- 
manda  ,  n'eft  pas  moins  décrive  que  celle  dont 
nous  venons  de  parler.  Elle  nous  apprend  d'.i- 
bord  qu'avant  fa  promulgation,  les  immeubles  fe 
prefcrivoient  en  Italie,  par  une  poffelfion  de  deux 
années  ,  même  contre  les  ignorans  ,  nefcientibus 
doininif  ,  &c  qu'il  n'y  avoit  pour  ceux  ci  aucun 
moyen  de  revenir,  nullus  eis  refrvabatur  recurjus. 
Que  fait- elle  enfuite  ?  Elle  étend  à  dix  ans  le  terme 
que  l'ancienne  jurifprudence  fixoit  à  deux  an- 
nées ;  elle  le  double  en  faveur  des  abfens,  &  elle 
ne  parle  point  des  ignorans.  De-là  quelle  confé- 
quence  contre  le  fyfîême  ,  ou  plutô:  contre  les 
rêveries  des  dofteursl  La  loi  n'a  touché  à  l'ancien 
droit  que  pour  proroger  le  temps  de  la  Prefcrip- 
tion ,  &  accorder  un  privilège  à  l'abfence  :  donc  à 
l'égard  de  l'ignorant ,  elle  fait  courir  le  temps  qu'elle 
détermine  ,  comme  il  couroit  dans  l'ancien  droit; 
donc  elle  vent  que  ce  temps  coure  contre  lui  fans 
aucun  efpoir  de  reflitution  en  entier ,  nulius  re- 
fetvabatur  re^rcjfus  :  Eh  !  comment  pourroit-elle 
ne  pas  le  vouloir?  En  donnant  dix  années,  elle 
rend  l'ignorance  bien  moins  excufable  qu'elle  ne 
l'étoit  dans  l'ancien  droit,  qui  n'en  df  nnoit  que 
deux. 

Enfin  ,  la  loi  veut  que  la  Prefcription  donne 
une  sûreté  pleine  &  entière.  C'cft  le  langage  uni- 
foime  du  droit  civil  &  du  droit  canon  (i)  :  or, 

[  ]  L  is  Cicm  ?K  oiijn  s ,  C.  de  p  «Icri;  tl  ;ne  j  -  V.-J  40  an- 
n  m.!.  Loi  ieniure  ;  C.  de  fund,  patr.  chapitre  ad  autei , 
ixcrd.  de  priiCiipiicn.lu:. 


PRESCRIPTION. 

comment  auroit-on  cette  sûreté ,  fi  après  !a  Pref- 
Ciiption  acquife ,  on  pouvoir  encore  être  inquiété 
par  une  demande  en  rertitution  fondée  par  un  pré- 
texte d'ignorance? 

Il  ert  vrai  que  dans  les  textes  qui  h  promettent  , 
cette  sûreté ,  il  ne  s'agit  que  des  Prefcriptions  de 
trente  &.  de  quarante  ans.  Mais  \°  ,  ils  la  veu- 
lent du  moins  établir  dans  ces  Prefcriptions.  2°. 
Ils  ne  l'excluent  pas  de  celles  de  dix  &  de  vingt 
ans.  Ils  l'y  fuppofent  ,  au  contraire  ,  parce  qu'il 
y  a  identité  de  raifon  &  d'effet  ,  &  que  fi  l'on 
ne  veut  pas  tout  rendre  arbitraire  ,  il  faut  ou  l'ad- 
mettre ,  ou  la  rejeter  dans  toutes  fans  exception. 

Du  relte ,  c'eft  en  vain  qu'on  oppofe  l'édit  du 
Préteur  :  Si  qua  alla  mihï  jujîa  caufu  videbitur ,  in 
intigrum  reflituam.  Il  ne  faut  pas  féparer  ces  termes 
de  ceux  qui  les  fuivent,  quod  ejus  per  leges  Uce- 
bit(^  en  tant  que  les  lois  m'y  autoriferont  :)&  ceux- 
ci  marquent  évidemment  que  l'intention  du  pré- 
teur eft  de  ne  reftituer  que  dans  le  cas  où  la  loi 
le  permet. 

Ajoutons  que  dans  le  royaume  ,  la  jurifpru- 
dence  des  arrêts  a  conftamment  rejeté  la  refiitu- 
tion  pour  caufe  d'ignorance. 

M.  de  Saint-Maurice  ,  de  rejlitut'ionihus  in  inte- 
grum  ,  chapitre  iio  ,  cite  un  ancien  arrêt  du  par- 
lement de  Franche-Comté  qui  le  juge  ainfi. 

Dunod  ,  des  Prefcriptions  ,  partie  i ,  chap.  1 1  , 
en  rapporte  un  autre  du  21  décembre  1706 ,  qui 
confirme  cette  décifion.  Il  s'agiffoit  dans  l'un  & 
dans  l'autre  de  la  Prefcription  de  trente  ans,  la 
feule  admife  dans  le  comté  de  Bourgogne. 

M.  de  Catellan  ,  liv.  i  ,  chap.  13  ,  nous  en  four- 
nit un  femblable  ,  rendu  à  la  grand'chambre  du 
parlement  de  Touloufe.  Il  étoit  également  quef- 
tion  de  la  Prefcription  trentenaire. 

Ce  magiftrat  a  foin  de  nous  retracer  les  motifs 
qui,  dans  cette  affaire,  déterminèrent  fa  compa- 
gnie à  prononcer  de  la  forte.  «  Généralement , 
»>  dit-il ,  la  Prefcription  court  contre  toute  ferte 
ti  de  perfonnes  ;  il  n'y  a  d'excepté  que  ceux  qui 
«  n'ont  pas  d'afïion  ou  ceux  qui  l'ayant,  ne  font 
«  pas  capables  de  l'exercer  ;  mais  cette  incapa- 
»  cité  s'entend  de  l'incapacité  d'état  &  de  per- 
»  fonne,  non  d'une  incapacité  étrangère  &  acci- 
î>  dentelle  ,  telles  que  font  l'abfence  &  l'igno- 
»  rance.  Hors  la  faveur  perfonnelle  attachée  à  l'é- 
»>  tat,  tout  le  refte  cède  à  la  faveur  que  donne 
»  à  la  Prefcription  ,  toute  odieufe  qu'elle  peut 
V  être  ,  l'effet  cju'elle  produit ,  d'ôter  aux  poffef- 
5>  feurs  l'inquiétude  &  la  peine  d'une  incertitude 
«  perpétuelle  ». 

M.  de  Catellan  ajoute  que  par  un  autre  arrêt 
rendu  à  fon  rapport,  le  29  mai  1663  ,  il  a  été 
jugé  qu'il  ne  réfultoit  aucun  obflacle  contre  la 
Prefcription  ,  de  l'efpèce  d'ignorance  ,  ou  plutôt 
de  l'incertitude  qu'avoient  caufée ,  fur  les  droits 
d'un  héritier  ,  les  procès  qu'il  avoir  à  foutenir  pour 
fe  faire  adjuger  la  fucceffion.  On  prétendoit  qu'il 


PRESCRIPTION.        339 

n'avoit  pas  pu  agir  avant  que  fa  qualité  ne  fût  éta- 
blie &  déterminée  :  mais,  répondoit  le  prefcri- 
vant,  «  félon  la  maxime  générale  de  France,  le 
»  mort  faifit  le  vif.  Ainfi  le  vrai  héritier  avoit 
»  laélion  en  main  dés  la  mort.  Capable  d'agir  , 
»  n'en  étant  point  empêché  par  fon  état ,  la  Pref- 
»  cription  a  pu  courir  contre  lui  r>. 

Dans  le  journal  du  palais  de  la  même  cour  , 
tome  3  ,  page  i2S,on  trouve  un  autre  arrêt  du 
18  juin  1704  ,  qui  juge  «  qu'une  longue  abfence 
»  ni  l'ignorance  d'un  teftament  n'empêchent  pas 
»  la  Prefcription  de  courir  contre  un  majeur  de 
»  vingt-cinq  ans  ». 

8".  La  peste  &  la  guerre  fufpendent-elles  la 
Prefcription  .' 

La  coutume  de  Bouillon  a  adopté  l'afErmative. 
«  N'aura  lieu  Prefcription  en  temps  de  guerre  , 
»  ou  arrivant  coHtagion  ,  pour  laquelle  on  feroit 
»  contraint  quitter  le  lieu  ».  Ce  font  les  termes 
de  cette  loi  municipale  ,  chap.  23  ,  art.  4. 

La  coutume  de  BouUonnois  parle  également, 
art.  120,  que  de  la  Prefcription  de  vingt  ans  qui 
a  dans  fon  territoire  le  même  effet  que  produit 
ailleurs  la  Prefcription  trentenaire,  il  faut  déduire 
le  temps  d'hoflilité ,  qui  aurait  été  telle ,  que  durant 
icdle  on  n'aurait  pu  agir  ni  défendre. 

De  droit  commun  ,  il  y  a  un  cas  dans  lequel 
CCS  décifions  ne  peuvent  fouffrir  nulle  difficulté  ; 
c'eft  lorfque  ,  pendant  la  guerre,  celui  contre  le- 
quel on  prefcrit,eft  fujet  de  la  domination  enne- 
mie de  l'état  auquel  eft  foumis  le  prefcrivant. 
L'auteur  du  Précis  du  droit  belgique ,  part.  2  ,  tit,  10, 
§.  3  ,  dit  que  le  parlement  de  Flandres  l'a  ainfi 
jugé  par  arrêt  rendu  fur  la  fin  du  dernier  fiècîe  , 
entre  le  comte  de  Moucron  ,  &  le  baron  de 
Grimaldi. 

La  raifon  en  eft  fimple  :  c'eft  que,  fuivant  un 
autre  arrêt  de  la  même  cour,  du  28  juin  1704, 
rendu  d'après  la  réponfe  de  AI.  le  chancelier  ,  con- 
fulté  fur  la  quejîion,  «  pendant  la  guerre,  un  fujet 
»  d'une  domination  ennemie,  ne  peut  agir  contre 
»  un  fujet  du  roi  ».  Ce  font  les  termes  de  M.  le 
prêfident  des  Jaunaux  ,  tom.  3  ,  §.  62. 

A  l'exception  de  ce  cas,  ni  la  guerre,  ni  la  pefte, 
ni  aucune  autre  calamité  publique  ne  peuvent  fuf- 
pcndre  la  Prefcription  ,  parce  que  ,  comme  le  dit 
Dunod  ,  part,  i  ,  chap.  10 ,  «  elles  ne  font  pas  ex- 
»  ceptées  par  la  loi  civile  n. 

A  cette  raifon,  le  même  auteur  ajoute  l'autorité 
de  l'exemple  :  «  Quoique  la  guerre  &  la  pefte , 
»  dit-il ,  aient  fait  ceflêr  le  cours  de  la  juftice  pen- 
n  dant  quelques  années  du  dernier  fiècie  ,  dans 
))  plufieurs  tribunaux  du  comté  de  Bourgogne  , 
»  on  a  cru  qu'il  falloit  un  édit  exprès  pour  ar- 
»  rêter  la  Prefcription  pendant  ce  temps.  Car  nous 
»  en  avons  un  qui  porte  qu'aucune  Prefcription  , 
))  foit  de  droit  ou  de  fait ,  de  coutume  ou  d'or- 
»  donnance ,  n'a  couru  dans  le  comté  de  Bour- 
»  gogne,  depuis  le  aé  mai  1636,  jufqu'au  pre- 

y  V  ij 


340  PRESCRIPTION. 

»  mier  jour  de  l'an  1650  (1)  ». 

Le  parlement  de  Douai  a  également  jugé  par 
arrêt  du  ai  janvier  1694,  rapporté  dans  le  re- 
cueil de  M.  des  Jaunaux  ,  §•  i  5  ,  que  «la  conti- 
r>  nuation  des  guerres  qui  ont  régné  en  Flandres 
3>  depuis  1645  jufqu'en  1694,  n'avoit  pas  intcr- 
ï»  rompu  le  cours  de  la  Prefcription  ". 

Maillart ,  fur  la  coutume  d'Artois  ,  article  72  , 
paroît  d'un  fentiment  contraire.  Cependant  il  nous 
apprend  lui-même,  nombre  97,  98  &  99,  qu'on 
fuit  dans  cette  province  &  au  parlement  de  Paris  , 
la  règle  adoptée  par  cet  arrêt  (2). 

Le  parlement  d'Aix  a  jugé,  le  15  mars  1645  , 
dans  une  efpèce  rapportée  par  Boniface ,  tome  i  , 
livre  8 ,  titre  2  ,  chapitre  i  ,  qu'il  ne  devoit  être 
pris  aucun  égard  à  des  lettres  de  reftitution  en 
entier  ,  obtenues  contre  une  Prefcription  de  trente 
ans  &  quelques  mois,  fur  le  prétexte  que  de  cet 
cfpace  de  temps  ,  il  falloit  diftraire  deux  années , 
pendant  lefquelles  la  perte  avoit  ravagé  la  Pro- 
vence. 

On  trouve  cependant ,  dans  le  recueil  d'Albert , 
lettre  P,  §.  54,  un  arrêt  du  parlement  de  Tou- 
loufe  ,  qui  déduit  de  la  Prefcription  de  trente 
ans  ,  U  temps  de  pefle  &  de  guerre  arrivé  à  Montpel- 
lier en  1627. 

9*.  La  Condition  pendante  fufpend  la  Pref- 
cription ,  parce  que  tant  qu'elle  n'eft  pas  arrivée  , 
on  ne  peut  pas  agir,  &  que  nul  ne  prefcrit  contre 
celui  qui  n'a  point  d'a(îtion. 

C'eft  ce  que  décide  la  loi  chm  notijjîmi,  §.  illud , 
au  code  ,  de  Prœftriptione  triginta  vel  ^uadraginta 
annorum.  Voici  fes  termes  :  «  Il  eft  plus  que  ma- 
j»  nifcfte,  illud  autem  plufijuàm  manifeflum  efl  •,  que 
t>  dans  tous  les  contrats  où  il  fe  trouve  des  flipu- 
>»  lations  conditionnelles  ,  in  quibus  fub  aliquâ 
a»  conditione  ....  (lipulatïones  ....  ponuntur  ,  ce 
t>  n'eft  qu'après  l'événement  de  la  condition  que 

(.0  Suite  des  ancienaes  «rdonnances  Je  Franche-Comté, 
articles  89  ,  9»  &  91. 

(1)  Voici  fes  termes  :  «Encore  que  l'Artois  ait  fcrvi  Je 
31  théâtre  à  la  guerre  commencée  avec  l'Efpagne  ,  par  décla- 
m  ration  du  6  juillet  i6j  5  ,&  finie  par  la  paix  des  Pyrénées, 
a»  jjubliée  à  Saint-Omer  le  18  mars  ,  à  Lille  &  à  Arras,le< 
»  avril  l6io  ,  &  que  les  habitan»  de  cetre  province  ayent  ©b- 
3>  tenu  unatrctdu  confeil  d'état,  le  19  juillet  itfSi  ,  dont 
M  l'article  1 1  ,  aufli-bicn  que  l'article  1 1  de  la  déclaration  du 
n  roi  ,  datée  du  n  août  i65i,  regiftrée  au  parlement  le  7 
M  feptembre  fuivant,  &  au  confeil  d'Attoi s  le  17  mats  léiîi  , 
ai  leur  diminuent  les  arrérages  Je  rentes  ou  d'intérêts ,  échus 
M  avant  &  durant  cectc  guerre  ;  il  n'y  a  pas  eu  cependant 
»  Je  déclaration  qui  ait  décidé  que  la  Prefcription  y  avoit 
k  été  affbufie  durant  la  même  guerre. 

M  Cela  n'empêche  pas  que  la  Prefcription  n'ait  eu  cours , 
M  en  Artois ,  même  entre  ceux  de  même  parti  ,  &  entre  les 
«  habitans  de  Ja  même  Yille. 

»  C'eft  ce  qui  a  été  atteftépar  plufieurs  aôes  de  notoriété 
»»  du  confeil  d'Artois,  &.'  entr'autres,  des  1  mars  1*73  ,  1 
ao  juillet  1678,  premier  avril,  29  juillet  i^Sd  ,  ii  juin  168 j  , 
»•  II  juillet  i<J5  &c  1$  rnats  1688.  Ces  adcs  de  natoriété 
a»  ont  été  fuivis  d'une  infinité  d'arrêts  :  un  des  plus  técens  a 
»  été  rendu  à  la  première ,  au  rappçr{  de  M.  le  Yafleur ,  Je  & 
a»  fepti;mbi.ç  17.^ i  ". 


PRESCRIPTION. 

D  les  Prefcriptions  de  trente  &  de  quarante   an' 
»  commencent  à  courir  ,  poft  conditionis  eventum.. 
»  Prgfcriptiones  triginta  vel  quadraginta  annorum. .  * 
»  iniiium  accipiunt  n.\ 

Rien  n'eft  plus  précis  :  la  Prefcription  dort  tant 
que  la  condition  eft  en  fufpcns.  La  loi  remarque 
même  que  c'eft  une  vérité  plus  que  manifcftc , 
piufquàm  manifejtum  efl. 

D'autres  lois  encore  établirent  le  principe  gé- 
néral que  la  Prefcription  ne  peut  militer  contre 
quelqu'un,  finon  du  jour  qu'il  a  pu  agir  (1);  & 
de-là  eft  venue  la  maxime  ,  contra  non  valentem 
a  gère  non  curtit  Prccjcriptio.  Voyez  fous  les  mots 
Douaire  &  Gains  nuptiaux  ,  les  conféquences 
qui  dérivent  de  cette  maxime  ,  par  rapport  aux 
droits  de  furvie  des  veuves. 

10".  Le  DÉFAUT  d'échéance  du  temps  ,  dans 
les  obligations  à  jour ,  a-t-il  en  cette  matière ,  le 
même  effet  que  la  condition  pendante  ? 

Il  n'y  a  aucun  doute  fur  l'affirmative  par  rap- 
port au  cas  où  l'échéance  du  temps  eft  incertaine  , 
parce  que  le  jour  incertain,  difent  les  lois,  équi- 
vaut à  une  condition ,  dits  incercus  pra  conditione 
habeiur, 

La  même  chofe  a  lieu  fans  difficulté  quand  le 
temps  eft  certain ,  &  qu'il  s'agit  d'une  Prefcrip- 
tion oppofee  par  celui  avec  lequel  on  a  contradé. 
Par  exemple,  je  vous  ai  vendu  une  maifon ,  Si 
j'ai  bien  voulu  vous  accorder  trente-un  ans  ou 
plus  pour  m'en  payer  le  prix.  Il  eft  évident  que 
mon  aélion  contre  vous  ne  fera  point  prefcrite  par 
le  terme  de  trente  ans,  &  que  fi  vous  pouvez  ac- 
quérir par  Prefcription  la  décharge  du  prix  dont 
vous  «l'êtes  redevable,  ce  ne  pourra  être  que  du 
jour  de  l'échéance  du  payement.  C'eft  la  dirpofi- 
tion  de  la  loi  cùm  notijfimi  ,  au  code  ,  de  Fr^f- 
criptione  30  vel  40  annorum  ,  &  la  décifion  précife 
d'un  arrêt  de  la  chambre  de  l'édit  de  Caftres  du 
21  juin  1649  »  rapporté  par  Bonet ,  partie  2, 
§.  70. 

Il  a  même  été  jugé  que  fi  le  contrat  portoit  pîu- 
fieurs  ternies ,  &  divifoit  par  conféquent  la  dette 
en  divers  payemcns  partiels  ,  la  Prefcription  ne 
courroit  pas  du  jour  de  l'échéance  de  chaque 
terme,  &  n'auroit  lieu  qu'après  que  toute  la  dette 
Çc  trouveroit  échue.  Cet  arrêt  a  été  rendu  au  par- 
lement de  Touloufe  le  21  février  1671  . 

Mais  n'en  feroit-il  pas  différemment  dans  le  cas 
d'une  Prefcription  oppofée  par  un  tiers  }  ^ 

Par  exemple,  je  vous  ai  vendu  ma  maif»n  fous 


[1]  Apenifiîmà  definitione  farcimus  .  .. ,  nuJlam  tempora- 
lem  exceptionem  opponi ,  nitî  ex  qao  aûicnem  movere  p»- 
tuerunt.  ..  quis  enim  incufare  eos  poterit ,  fi  hoc  non  fecerint 
quod  . .  .  minime  adimplere  .. .  valebafit  ;  Lti  I  ,  $■  i  j  C.  de 
annali  exceptione. 

Ex  quo  ab  initie  competit&  femel  nata  eft.  Même  Ici ,  §.  i 
Qua;  ergo  anteà   non  motac  (unt  aftionts  ...  ex  quo  jure 
compctete  cœperunt.  Loi  3  ,  C.  de  ptaefcription  e  jv  Tel  4» 
anngtui». 


PRESCRIPTION. 

condition  de  pouvoir  la  reprendre  pour  le  même 
prix  dans  quarante  ans  ,  mais  non  auparavant  ; 
quelque  temps  après  ,  vous  l'avez  vendue  à  un 
ti«rs  purement,  fimplement  ,  &  comme  fi  elle 
vous  eût  appartenu  incommutablement.  Ce  tiers 
l'a  poffédée  fans  trouble  ni  interruption  pendant 
vingt  ou  trente  ans.  Pourrai-je ,  à  l'expiration  des 
40  ans  fixés  par  mon  contrat,  venir  l'évincer,  en 
lui  rendant  le  prix  de  la  première  vente  i' 

On  dira  pour  la  négative,  que  j'ai  pu  agir  avant 
les  quarante  ans,  non  pas  à  la  vérité  pour  exercer 
mon  droit  de  rachat  qui  n'étoit  pas  encore  ou- 
vert, mais  pour  en  dénoncer  l'exiftence  au  tiers- 
acquéreur.  Si  l'empêcher  de  prefcrire.  Qu'il  en 
eft  de  celui-ci  comme  du  détenteur  d'une  hypo- 
thèque afteâée  à  une  rente  conllituée  ;  qu'en  effet , 
tant  que  le  débiteur  principal  acquite  les  arrérages 
de  la  rente,  on  ne  peut  pas  agir  contre  ce  déten- 
teur ;  que  cependant  il  prcfcrit  la  liberté  &  la  pleine 
décharge  d«  fon  fonds,  fi  on  laiffe  écouler  un  cer- 
tain temps  fans  agir  centre  lui  en  déclaration  d'hy- 
pothèque (i)  ;  qu'il  doit  par  conféquent  en  être 
de  même  du  tiers  acquéreur  d'un  bien  vendu  à 
temps.  Qu'enfin  ,  l'achat  qu'il  a  fait  ,  eft  à  l'é- 
gard du  premier  vendeur  une  interverfion  de  ti- 
tre ,  &  qu'il  fcroit  ridicule  qu'un  propriétaire  à 
temps,  tel  qu'eft  celui  de  qui  il  a  acheté  ,  ne  pût 
pas  habiliter  fon  ayant-droit  à  prefcrire  ,  tandis 
qu'un  fermier ,  par  la  vente  qu'il  fait  d'une  pro- 
priété qui  ne  lui  appartient  ni  à  temps  ni  en  au- 
cune façon  ,  peut  mettre  fon  acheteur  dans  le  che- 
min de  la  Prefcription  ,  ainfi  qu'on  l'a  vu  plus 
haut ,  §.  6. 

Ces  raifons  font  fpécieufes ,  mais  elles  ne  paroif- 
fent  pas  fans  réplique. 

Il  eft  certain  que  ,  dans  l'efpèce  propofée  ,  le 
vendeur  à  temps  n'a  point  d'aélion  véritable  &  ac- 
tuelle, avant  l'expiration  des  quarante  ans.  La  vente 
qu'il  a  faite  ,  l'a  exproprié  pour  tout  ce  terme  :  il 
n'a,  quant  à  préfent ,  rien  à  réclamer  dans  le  fonds 
qu'il  a  aliéné  ;  que  demanderoit-il  donc  ? 

L'exemple  du  détenteur  d'un  bien  hypothéqué  à 
une  rente  dont  les  arrérages  font  couûamment  ac- 
quittés par  le  débiteur  principal ,  ne  prouve  rien  ; 
&  il  y  a  plufieurs  différences  entre  le  cas  qui  en  efl 
l'objet  &  celui  dont  il  s'agit. 

D'abord,  le  créancier  ,  dans  le  premier  cas  ,  a 
une  aâion  afluelle  ;  fa  dette  eft  échue  ;  elle  lui 
donne  le  droit  d'agir.  Dans  le  deuxième,  le  ven- 
deur n'a  rien  à  demander  :  fon  droit  eft  encore  dans 
l'avenir.  Enfuite  ,  dans  le  premier  cas  ,  le  tiers  dé- 
tenteur n'acquiert  pas  en  prefcrivant  ;  il  ne  fait  que 
fe  libérer;  &  on  fait  que  l'un  eft  infiniment  plus 
facile,  plus  favorable  que  l'autre. 

En  troifième  lieu,  il  y  a  une  loi  qui  autorife  le 
tiers  détenteur  à  prefcrire  l'aâion  hypothécaire  , 
lorfqu'on  laiffe  pafTer  un  certain  temps  fans  l'inquié- 
ter ,  &il  n'y  en  a  point  qui  lui  permette  de  prcf- 

£ij  Voyez  ]«  J.  i  flç  U  içQ>i9n  )  4ç  c«{  aiiiUÇi 


PRESCRIPTION.         341 

crîre  Tadlion  en  revendication  ,  lorfque  le  proprié- 
taire primitif  a  les  mains  liées  par  le  défaut  d'é- 
chéance du  temps  011  il  doit  reprendre  fa  propriété. 

En  quatrième  lieu  ,  dire  que  ce  propriétaire  pri- 
mitif peut  dénoncer  fon  droit  de  rachat  au  tiers- 
acquéreur  ,  c'eft  lui  fuggérer  une  précaution  ,  mais 
ce  n'eft  pas  lui  impofcr  un  devoir.  L'appelé  à  une 
fubftitution  pourroit  faire  des  dénonciations  fern- 
blables ,  lorfque  le  grevé  vend  le  bien  qu'il  eft 
cliargé  de  lui  reftituer  ,  on  ne  prefcrif  pourtant  pas 
contre  lui ,  lorfqu'il  ne  les  fait  pas. 

Ce  n'eft  pas  avec  plus  de  fondement  qu'on  op- 
pofe  l'exemple  de  l'intcrverfion  de  titre  qui  s'opère 
par  la  vente  qu'un  fermier  fait  de  la  propriété  du 
fonds  dont  il  a  la  jouifTance. 

Dans  ce  cas  ,  en  effet ,  le  véritable  propriétaire  a 
une  aélion  préfente  ,  a6l»elle  &  ouverte  :  rien  ne 
l'empêche  de  l'exercer  :  rien  par  conféquent  n'en 
peut  fufpendre  la  Prefcription.  Mais  dans  notre  ef- 
pèce  ,  encore  une  fois  ,  le  vendeur  ne  peut  pas  agir 
avant  le  laps  du  temps  pendant  lequel  il  s'cft  en- 
gagé de  ne  pas  racheter  la  chofe:  «n  «e  peut  donc 
pas  prefcrire  contre  lui  pendant  ce  temps. 

Ajoutons  que  tel  eft  le  vœu  de  l'équité.  Celui  qui 
acheté  un  bien  pour  un  certain  temps  ,  en  a  la 
pleine  &  entière  jouifTance:  il  peut  en  difpofer  pour 
tout  l'intervalle  de  temps  qu'embraffe  (on  acquifi- 
tion.  Son  vendeur  n'y  penfc  plus  jufqu'à  l'expira- 
tion du  terme  auquel  eft  limité  l'eftet  de  la  vente. 
Il  ne  confcrve  entre-temps  qu'une  poprlété  future  : 
tant  que  le  terme  n'eft  point  écoulé,  il  ne  peut  ni 
ne  doit  s'inquiéter  de  ce  que  devient  le  fonds  ,  ni 
en  quelles  mains  il  paffe.  Il  lui  fuffit  de  le  retrou- 
ver à  l'expiration  du  temps  pour  lequel  il  s'en  ex- 
proprie. S'il  le  voit  pafler  en  mains  tierces  ,  il  doit 
fuppofer  que  le  polTefteur  n'a  vendu  que  fa  pro- 
priété à  temps  ,  c'eft  en  effet  la  feule  chofe  que  ce- 
lui-ci peuttranfmcttre  fans  fraude,  &  la  fraude  ne 
fe  préfume  point. 

Enfin  ,  c'eft  ainfi  que  la  queftion  a  été  jugée  par 
un  arrêt  du  parlement  de  Flandres  du  13  janvier 
1700,  &par  une  fentence  de  la  gouvernance  de 
Douai  du  24  mars  1783. 

L'arrêt  eft  rapporté  par  M.  le  préfident  des  Jau- 
naux  ,  tome  2  ,  f.  278  :  quant  à  la  fentence  ,  en 
voici  l'efpèce. 

Le  13  août  1682  ,  Michel  Maroille  &  Jeanne 
Braffartfa  femme,  vendirent  à  Ifabeau  le  Febvre  , 
veuve  de  Jérôme  Lucas  ,  trois  quartiers  &  demi  de 
terre  à  labour ,  fiiués  dans  la  dépendance  de  Saint- 
Amand,  ville  du  Tournaifis  François,  ««  pourdef- 
»  dits  trois  quartiers  &  demi  de  terre  ,  jouir  par 
j>  ladite  le  Febvre,  fes  hoirs  &  ayaut-caufe  ,  le 
»  terme  &  efpace  de  quatre-vingt  dix-neuf  ans  , 
»  pour  après  ledit  terme  rentrer  par  les  ayant- 
»  caufedes  bailleurs  en  la  jouifTance  defdites  par- 
n  ties  de  biens  ,  en  rendant  le  prix  ». 

Le  4  feptembre  1781  ,  Marie-Louife  Maroille, 
héiitiçre  des  vendeurs ,  s'eft  préfentée  pour  faire 


341  PRESCRIPTION. 

le  rachat  de  ce  bien  ,  au  prix  porté  par  le  contrat 
du  13  août  1682. 

Le  bien  éroit  pafle  en  m?.ins  tierces  depuis  plus 
(de  quarante  ans.  On  lui  oppolala  Prefcription. 

Sa  feule  réponie  fut  qu'elle  n'avoit  pas  pu  agir 
avant  le  13  août  1781  ,  c'efl  à-dire,  dix-fcpt jours 
avant  la  prifentation  de  fa  requête. 

Sentence  des  prévôt  &  échevins  de  Saint- 
Amand  du  25  oâobre  1782,  qui  adjuge  à  la  de- 
mandereife  fes  fins  &  conclufions. 

Appela  la  gouvernance  de  Douai.  Par  le  juge- 
ment Cité  ,  rendu  fur  productions  nouvelles  ,  il  a 
été  dit  :  mal  appelé. 

L'affaire  a  été  enfuite  portée  au  parlement  de 
Flandres  ;  mais  elle  a  été  aflbupie  par  une  tran- 
faflion  avantaj^eufe  à  la  veuve  Maroille, 

11°.  L'incapacité  d'aliéner  ,  au  préjudice 
DU  SUCCESSEUR,  eft  cncore  une  des  caufes  qui 
fufpendcnt  la  Prefcription  ,  du  moins  pendant  la 
vie  de  l'incapable. 

La  raifon  en  eft  toujours  qu'on  ne  prefcrit  pas 
contre  celui  qui  n'a  point  d'aaion  ,  &  que  pendant 
la  vie  de  l'incapable ,  fon  fuccefleur  ne  peut  pas  agir. 

Ceci  s'éclaircira  par  des  exemples. 

Celui  qui  eft  grevé  de  fubflitution  ne  peut  pas 
aliéner  au  préjudice  des  perfonnes  appelées  après 
lui  aux  biens  fubftitués.  Si  cependant  il  aliène  de 
fait ,  le  tiers-acquéreur  ne  prefcrira  point  contre 
ces  perfonnes  ,  tant  que  la  fubftitution  ne  fera  pas 
ouverte ,  parce  qu'elles  ne  peuvent  pas  agir  aupa- 
ravant. C  eft  ce  que  nous  établirons  plus  particu- 
lièrement à  l'article  Substitution  fidéicommis- 

SAIRE. 

L'ancien  droit  des  fiefs  ,  qui  s'obferve  encore  en 
Allemagne  &  en  Alface,  nous  offre  un  autre  exem- 
ple de  la  vérité  du  principe  dont  il  s'agit. 

Suivant  ce  droit ,  un  vaffal  ne  peut  aliéner  fon 
fief  au  préjudice  des  agnats  que  la  loi  y  appelle 
après  lui  ;&  s'il  le  fait,  ils  peuvent  exercer  contre 
l'acquéreur  une  aélien  appelée  révocatoire. 

L'acquéreur  ne  peut  prefcrire  contre  cette  a<flion 
que  par  use  pofleiîîon  de  trente  années  ;  &  ,  comme 
l'obferve  l'auteur  du  Traité  du  droit  commun  des 
fiefs  ,  tome  2  ,  page  53  ,  «  11  eft  évident  que  cette 
«  Prefcription  ne  doit  commencer  à  courir  que  du 
«  jour  de  la  mort  du  vaffal  vendeur,  &  non  du 
M  jour  de  l'aliénation  ;  car  il  eft  très  polîîble  que 
ï»  le  vaffal  furvivc  de  trente  ans  à  l'aliénation  ;  &c 
j>  dans  ce  cas ,  le  droit  de  l'agnat  feroit  fruftatoire 
j)  &  illufoire  ». 

Antre  exemple.  Dans  la  plupart  des  coutumes 
de  la  Flandre  flamande  ,  dans  celles  d'Artois  ,  de 
Ponthieu  ,  de  Boulonnois  ,  il  efl  certains  biens 
qu'on  ne  peut  pas  aliéner  fans  le  confentement  de 
l'héritier  préfomptif  ,  à  moins  qu'on  n'en  rem- 
ploie le  prix  ,  ou  qu'on  ne  vende  par  néccljzté  ju- 
rée (i).  Lorfqu'on  a  fait  une  aliénation  au  mépris  de 
cette  défenfe  ,  l'aQicn  que  la  loi  donne  à  l'héritier 


I)  Voyez  rarùclc  NÉCESSITÉ  JURÉE, 


PRESCRIPTION. 

pour  la  faire  t évoquer,  ne  s'ouvre  qu'à  la  mort  de 
l'aliénant  ;  Ck.  par  cette  raifon  ,  ce  n'efl  que  du 
jour  de  cette  mort  que  l'acquéreur  peut  prefcrire 
contre  lui.  Duchefnes  fur  l'article  115  de  la  cou- 
tume de  Ponthieu,  afTure  qu'il  en  a  été  ainfi  jugé 
en  1576  (i). 

12°.  Pacte  de  réméré,  dans  un  contrat  de 
vente  peut-il ,  tant  qu'il  dure  ,  empêcher  l'acqué- 
reur de  prefcrire  ,  foit  contre  les  aéîions  refcifoires 
du  vendeur  ,  foit  contre  les  hypothèques  &  aiures 
droits  réels  des  perfonnes  tierces .''  Cette  queflion 
mérite  d'être  approfondie.  Examinons-la  d'abord 
relativement  aux  allions  refcifoires  des  vendeurs. 

Dans  l'exaiSitude  des  principes  ,  le  paâe  de  ré» 
méré  ne  devroit  pas  fufpendre  les  avions  refcifoi- 
res que  le  vendeur  peut  avoir  contre  l'aéie  de  vente. 
Il  n'empêche  pas ,  en  effet,  qwe  l'acquéreur  ne  foit 
propriétaire  ;  il  rend  feulement  fa  propriété  réfo- 
luble  (2)  ;  &  fi  la  faculté  d'en  opérer  la  réfolution 
concourt  dans  la  perfonne  du  vendeur  avec  celle 
de  faire  refcinder  le  contrat  pour  dol ,  violence  ou 
léfion  ,  on  ne  voit  pas  pourquoi  la  première  pro- 
iongcroit  le  temps  fixé  pour  l'exercice  de  la  fé- 
conde. Diflinftes  dans  leurs  caufes  ,  diftinéles  dans 
leurs  objets  ,  on  ne  peut  pas  les  faire  influer  refpec- 
tivement  l'une  fur  l'autre:  elles  doivent  agir  cha- 
cune féparément. 

C'efl  elfeâivement  ce  qu'on  juge  dans  plufieurs 
cours  fouverainss  du  royaume. 

M.  Maynard  ,  liv.  3  ,  chap.  68  ,  en  rapporte  un 
arrêt  du  parlement  de  Touloufe. 

Il  affure  au  même  endroit  que  c'efl  auffi  la  jurif- 
prudence  du  parlement  de  Guyenne.  M.  le  Feron 
fur  la  coutume  de  Bordeaux  ,  art.  273  ,  certifie  la 
même  chofe. 

Le  parlement  de  Normandie  a  également  adopte 
cette  opinion,  &  il  l'a  confacrée  fans  retour  par  l'art, 
iiode  f©n  règlement  de  1666. 

Mais  le  parlement  de  Paris  juge  différemment. 
Il  ne  fait  courir  le  terme  de  la  reflitution  que  du 
jour  de  la  faculté  de  réméré  expiré.  C'efl  ce  que 
prouvent  deux  arrêts  des  26  juillet  1 574  8c  2 1  juil- 
let 1601  ,  rapportés  par  M.  Leprêtre^  centurie  i  , 
chap.  3  4  ;  &  par  M.  Louet ,  lettre  R ,  §.  46.  Le  pre- 
mier a  été  rendu  à  la  quatrième  chambre  des 
enquêtes  ;  le  fécond  eft  intervenu  à  la  troifième  , 
fur  l'avis  de  toutes  les  autres. 

A  l'égard  des  tiers  ,  la  loi  2  ,  §.  r  ,  D.  de  in  diem 
addiaione,  décide  expreffément  que  l'acquéreur , 
fous  condition  réfolutoire,  peut  prefcrire  contr'eux, 
&  cela  par  la  raifon  déjà  avancée,  que  tant  que  la 

M)  ce  II  eft  parlé  ,  dit-il  ,  dans  un  ancien  nunuiciit  d  une 
»  fentence  àe  1^76 ,  qui  a  juge  ^ue  fa  Prefcription  ne  coure 
j»  pas  pendant  la  vie  de  celui  qui  a  vendu  fon  héritage  fans 
3»  obferver  la  folemnité  de  la  néceflité  jurée  ,  Se  qu'un  tel  ac- 
n  quércui' doit ,  pour  prefciire  ,  avoir  joui  vingt  ans  depuis 
»  la  mort  du  vendeur,  parce  que  le  titre  étant  nul  ,  il  ne 
»  peut  fervir  de  fondement  à  la  Prefcription  ,  &:  que  pen- 
n  dant  la  vie  du  vendeur  l'aifiion  n'elt  pas  ouverte  au  piolic 
»  de  fes  héritiers  ,  qui  peuvent  faire  cafîèr  fa  vente  ». 

Ci)  Loi  4  ,  §•  J  ;  D.  de  ij}  Htm  addiâienc. 


PRESCRIPTION. 

réfolutlon  n'eft  point  faite,  il  eft  vrai  proprié- 
taire  (i).  « 

Cette  décifion  s'applique  naturellement  à  l'ache- 
teur fous  fa^julté  de  rachat;  aulTi  a-t-il  été  jugé 
par  pluGeurs  arrêts  que  la  Prefcription  court  à  Ion 
profit  du  jour  de  (on  contrat ,  ÔC  qu'elle  n'eft  nulle- 
ment fufpendue  par  le  droit  que  le  vendeur  s'eft 
réfervé  de  le  réfoudre. 

Henrys,  liv.  4,  queftion  76,  en  rapporte  un 
du  parlement  de  Paris,  qui  confirme  une  fcntence 
dts  rc'quétes  du  palais  du  18  août  163 1  ;  &  il  entre 
dans  de  grands  détails  pour  le  juftifier. 

La  Peyrere,  lettre  P,  nombre  60,  édition  de 
1725  ,  nous  apprend  que  le  parlement  de  Bor- 
deaux avoit  jugé  le  contraire  le  13  juin  1671  (2)  ; 
mais  que  depuis,  il  s'eft  conformé,  par  arrêt  du  S 
août  1685  ,  au  fentiment  de  Henrys  ,  qui  fut  lu  fur 
le  bureau  à  la  grand'cliambre  :  la  qutiflion  avoit 
été  partagée  à    la  féconde  chambre  des  enquêtes. 

L'auteur  des  nouvelles  notes  fur  ce  recueil  ,  dit 
au  même  endroit  que  ce  fentiment  a  encore  éié 
fuivi  par  un  arrêt  rendu  fur  produélionà  la  grand'- 
chambre  le  10  juillet  1717. 

3".  Le  CONCOURS  d'une  action  avec  l'au- 
tre ne  doit  pas ,  d'après  ce  que  nous  venons 
d'établir,  empêcher  que  celle  ci  ne  fe  prefcrive 
pendant  qu'on  exerce  celle-là.  Nous  en  trouvons 
ia  preuve  &  l'exemple  dans  la  loi  14,  D.  de  bo- 
norum  pjjfjjîonibus.  Un  particulier  avoit  deux  ac- 
tions pour  fe  faire  adjuger  une  hérédité  ,  celle  de 
faux  contre  le  teftament  qu'on  lui  oppofoit  ,  & 
celle  qui  eft  connue  en  droit  fous  le  nom  de  bo- 
norum  poffiffio.  On  demandoit  fi  la  Prefcription  de 
la  féconde  avoit  pu  courir  pendant  que  l'héritier 
exerçoit  la  première  ,  &  fi  ,  en  conféquence  ,  après 
avoir  fuccombé  dans  l'une  ,  il  pouvoit  revenir  à 
l'dUtre  ?  Le  jurifconfulte  répondit  que  la  féconde 
aéiio.i  étoit  prefcrite  ,  Sc  le  texte  cité  érige  en  lot 
fa  décifion. 

Cujas  (i)  infère  de  là  qu'encore  que  deux  ac- 
tions (oirnt  incompatibles ,  il  faut  les  intenter 
toutes  deux ,  fi  on  ne  veut  pas  s'expofer  à  en  per- 
dre une  par  la  Prefcription. 

Mais  la  loi  conirà  mjjures  ,  au  code  ,  de  oficiofo 
teflamento  ,  ne  contrarie-t-elle  pas  cette  décifion  ? 
Elle  femble  dire  que  pendant  le  temps  que  le  fils 
cxhérédè  par  le  teftamentde  fon  père,  plaide  pour 


1 1  ]  JuVianui  fcrthit  hune  cui  rcs  in  diem  ^dliâa  efl  ,  &*  iifu- 
taptre  yoffc  ^  (y  frur]us  ,  b"  acccjjlones  lucrari  ,  (y  periculum 
ad  eum  pertinere  ,  fi  res  interient.  \  oyez  ce  qu'on  a  dit  à.  l'ar- 
ticle LoDs  ET  VENTES ,  iur  les  ventes  à  jour  5i  à  faculté  de 
lachac. 

fz]  L'airêt  qu'il  cite  fous  cette  iatc  ,  juge  ,  en  effet  ,  que 
.»  le  ti.  is-acquéreur  à  pa;\e  de  rachat  qui  eft  appelé  en  ga- 
»  rantie  pat  un  acquéreur  antaieur  qui  a  été  évincé  ou  alTi- 
3>  gné  en  a.Tiion  hypothécaiic ,  ne  peut  le  renvoyer  par  la 
»  Pr>;fcPj  fu-n  de  iix  ans  ,  à  compter  du  jour  île  fon  contrat 
»  d'acqiriition,  parce  qu'elle  ne  court  point  pendant  le  dé- 
3»  lai  du  r-.m.ré  ". 

Ci]  QucEltion  ,  Papinian.  lib.  3. 


PRESCRIPTION.  345 

faire  cafter  cet  iàe  comme  nul  dans  la  forme,  les 
cinq  ans  qui  lui  font  accordés  pour  intenter  fa 
plainte  d^i.ioficiojî'é  ,  ne  doivent  pas  courir. 

Mais  i'^.  Il  ne  feroit  pas  étonnant  qu'on  eût  in- 
troduit fur  ce  point  une  jurifprudence  particulière. 
La  plainte  d'inofiîciofité  eft  odieufe  :  elle  tend  à 
faire  juger  que  le  teftament  eft  l'ouvrage  d'une  ef- 
pèce  de  fureur  ou  de  dcmence  (i).  Le  légiflateur 
auroit  donc  pu  ,  fans  que  cela  tirât  à  conféquence  ♦ 
engager  les  enfans  à  prendre  d'autres  voies  contre 
l'exhérédation  dont  ils  font  frappés  ,  &  déclarer  , 
pour  les  déterminer  à  les  épuifer  toutes  ,  qu'elles 
fufpenderoient  la  Prefcription  de  la  plainte  d'inof- 
ficiofité,  2°.  Il  y  a  plus.  Cujas ,  à  l'endroit  cité  , 
prétend  que  fi  dans  l'efpèce  de  cette  loi  ,  il  n'y  a 
pas  lieu  à  la  Prefcription  contre  la  plainte  d'inoffî- 
ciofité  ,  c'eft  parce  que  le  fils  l'avoit  intentée  ea 
mê.Tje-teinps  que  la  demande  en  nullité  de  tefta- 
ment. Par-là  ,  dit  ce  jurifconfulte  ,  le  fils  avoit  con- 
fervé  (es  droits,  &  il  pouvoi:  après  avoir  été  dé- 
bouté d'une  de  fes  allions  ,  reprendre  l'autre  &  la 
pourfaivre. 

Cujas  erjfeigne  encore  la  même  chofe  fur  la  loi 
I  ,  au  code  ,  defurtis  &>  fervo  corrupto.  Lorfqu'on  a 
pour  le  même  objet ,  dit-il ,  deux  aélions  même 
contraires  &  incompatileles,  on  ne  doit  pas  laiftec 
de  les  cumuler  &  de  les  propofer  fubordinément  : 
fans  cela  ,  on  court  rifqui'd'en  perdre  une  :  car  la 
Prefcription  n'eft  pas  fufpendue  par  l'exercice  de 
l'autre. 

Le  recueil  de  Boniface ,  tomz  4 ,  livre  9  ,  titre  i , 
chapitre  12  ,  nous  fournir  deux  arrêts  fur  cette  ma- 
tière. 

Par  le  premier,  du  12  janvier  1634  ,ila  été  jugé 
qu'un  créancier  hypothécaire  à  qui  il  appartenoit 
deux  aélions  contre  un  tiers-acquéreur,  l'une  en 
droit  d'offiir  ,  l'autre  en  regr^s  ,  avoit  perdu  celle-ci 
par  la  Prefcription  pendant  qu'il  plaidoit  fur  celle-là. 

Le  fécond  arrêt  eft  de  1636  :  il  a  également  jugé 
que  l'aélion  en  regrès  s'étoit  prefcrite ,  pendant  que 
le  créancier  hypothécaire  qui  pouvoit  l'intenter 
avoit  agi  en  exhibition  de  collocation. 

14*^.  La  séparation  riE  l'usufruit  d'avec 
LA  PROPRIÉTÉ  cmpêche-t-elle  ,  tant  qu'elle  dure  , 
la  Prefcription  de  courir  contre  le  nu  propriétaire  ? 
Un  arrêt  du  parlement  de  Paris  du  4  juillet  1598, 
que  rapporte  Caror.das  ,  livre  ii,réponfe  37,  a 
jugé  que  non  ,  &  cela  ne  fouftre  aucune  difficulté. 

§.  "VllL  Des  perfonncs  incapables  de  prefcrïre. 


11  y  a  en  cette  matière  deux  fortes  d'incapacités  i 
l'une  abfolue  ,  l'autre  relative. 

L  Les  étrangers  non  naturalifés  font  abfolument 
incapables  de  prefcrire  contre  les  fujets  du  roi  , 


|'i]:!oc  co'ore  inofficiofo  teltamento  agitur,  quifî  non 
fanae  racnti?  fjevunt  ,  ut  teftanientum  ordinatent,  Ldï  2  ,  D, 
iç  inoSiciofo  teiUmeato, 


344  PRESCRIPTION. 

parce  que  la  Prefcriptioii  eft  une  manière  d'acqué- 
rir qui  appartient  entièrement  au  droit  civil.  La  loi 
des  douze  tables  l'avoit  ainfi  réglé  chez  les  romains. 
Aiverfhi  hojïes  aterria  auteritas  ejîo  (  contre  les 
étrangers,  le  droit  d'agir  eA  éternel  ).  Nous  tra- 
duifons  kûjles ,  par  étrangers  ,  parce  qu'en  effet  ces 
termes  étoient  fynonimes  dans  l'ancienne  latinité  , 
&  que  les  premiers  romains  nomBioient/7e/-(fue//ij  , 
l'ennemi  qu'ils  ont  depuis  défigné  par  la  qualifica- 
tion à^hoflis  (i). 

On  ne  trouve  point  d'autre  texte  dans  le  droit 
romain  ,  qui  déclare  les  étrangers  incapables  de 
prefcrirc.  Mais  les  loix  qui  décident  ,  d'une  part , 
que  la  Prefcriptlon  eft  un  bénéfice  du  droit  civil  , 
&  de  l'autre  que  les  étrangers  ne  jouifTent  pas  des 
avantages  accordés  par  ce  droit,  ne  permettent  pas 
de  douter  que  cette  incapacité  ait  rubfiftc  dans 
toute  fa  vigueur  depuis  la  rédaftion  des  douze  ta- 
bles, iufqu'au  temps  où  Juftinien  s'eft  occupé  de  'a 
compilation  du  corps  de  droit. 

EUefubfifte  encore  parmi  nous  ,  fuivant  Pothier , 
dans  ion  traité  des  Prelcriptions  ,  nombre  ?0. 

Mais  il  faut  bien  remarquer  qu'elle  n'a  pas  lieu 
par  rapport  à  la  Prefcription  immémoriale.  Comme 
celle-ci  dérive  du  droit  des  gens,  elle  doit  opérer 
en  faveur  des  étrangers  les  mcines  effets  que  s'ils 


etoient  reguicoies, 


11.  Il  y  a  des  gens  qui  font  en  général  capables 
de  prefcrirc,  mais  qui  telpedivemeni  à  certaines  cho- 
ies ou  à  certaines  perfonnes,  ne  peuvent  faire  au- 
cun ufage  de  ce  genre  de  capacité. 

Tels  font  le  fermier  ou  l'emphytéote  à  l'égard  de 
fon  bailleur,  le  vaiTal  à  l'égard  du  feigneur,  1  u- 
fufiuitier  à  l'égard  du  propriétaire. 

Tel  eft  encore  le  tuteur  à  l'égard  du  pupille  , 
dans  les  cas  où  on  peut  prefcrire  contre  celui-ci. 

Ainfi ,  quoique  les  Prefcriptions  ftatutaires  cou- 
rent régulièrement  contre  les  impubères  &  les  mi- 
neurs ,  leurs  tuteurs  ne  peuvent  pas  pour  cela 
j)refcrire  conrre  eux  dans  les  matières  qu'elles  ont 
pour  objet.  Voyez  l'article  Retrait  ligna.ger  , 
iefiion  6  ,  §•  3  ,  deuxième  qneftion  ,  nombre  7. 

On  doit  mettre  fur  la  même  ligne,  l'intendant 
à  l'égard  du  maître  dont  il  régit  les  affaires  ;  &  c'eft 
ce  que  font  en  effet  les  coutumes  de  Caffel  ,  article 
240  (2),  dp  Bailleul ,  rubrique  2  ,  article  2  ,  &  de 
la  Gorgue ,  article  47. 

[I ]  Hoftis  (  iicCicéron  ),  dti  «fficiis , /fi/re  i  ,  apiid  aiajo- 
jes  noiVros  ij  diccbacijr  qucm  u.inc  pecegtinuHi  ditimus  j  jn- 
dicant  XII  tabul.ï.,.  adverfùs  kejîem  arerud  autoricas  ejia. 

QjQs  nos  Ao/Jçj  appeilamus ,  cas  veceres  perduelUs  appçl- 
Jsbant  ,  per  eam  adjeclionem  indicaares  cura  cjuibusbçlîum 
elTet.  Lti  tJ4>  ^-  ^"  vtiUo.um  llgaific4tione, 
p]      VoJei  les  çer«ses  de  cet  article  : 

et  Mais  entre  le  pCce  &  les  enfans ,  enire  la  ix^ère  &ç  Ces  en- 
sj  fans  ,  entre  le  tuteur  &  les  mineurs  ,  il  n'y  a  point  de  te- 
»  neure  (  ou  Prelcription  )  ,  f^  long-temps  tjue  Icç  enfans  fpnt 
:>:  en  minorité,  ni  entre  le  proprii.taiie  &  le  fermier  ,  pen- 
«  dant  le  temps  du  bail  ;  ni  au/Ii  entre  un  adminillrateur  ou 
n  unprocureuL  ad  negetiu  coatte  fon  maître  ,  pendant  l'ad- 
t»  roiniftraticH  », 


PRESCRIPTION. 

Ceff  par  la  même  raifon  qu'un  arrêt  de  i6<^r  i 
rapporté  dans  le  commentaire  de  Boucheul  fur  la 
coutume  de  Poitou  ,  article  87  ,  nombre  i  "Ç ,  a  jugé 
que  le  procureur  d'office  d'un  feigneur  jufticier  ne 
peut  fe  prévaloir  de  la  Prefcription  des  rentes  dont 
fes  héritages  font  chargés  envers  celui-ci. 

On  trouve  encore  dans  la  pratique  des  terriers  , 
tome  5  ,  page  545  ,  un  arrêt  du  grand  confeil  du 
i^  feptembre  1738,  qui  a  décidé ,  entre  M.  de 
Montmorillon,  comte  de  Lyon,  prieur  du  Meu- 
ret-aux-Moines  ,  &  les  nemmés  Baraton  ,  que  le 
fermier  d'une  feigneurie  ni  fes  proches  parens  ne 
peuvent  prefcrire  les  droits  du  feigneur  pendant  la 
durée  du  bail. 

Section    II, 

Du  temps  requis  pour  prefcrire. 

Le  temps  fe  compte»  dans  les  Prefcriptîorts  ; 
comme  en  toute  autre  matière  ,  par  momens  , 
par  heures,  par  jours,  par  mois  &  par  années. 

Nous  parlerons  d'abord  des  Prcfcriptions par  m9' 
mens  O  par  heura. 

Enfuite,  des  Prefcriptions  par  jours. 

Puis,  d.'s  Prefcriptions  par  mois. 

Nous  entrerons  ,  après  cela  ,  dans  le  détail  des 
différentes  Prefcriptions  par, années.  Se  nous  les 
parcourrons  toutes  ,  depuis  celles  qui  n'ont  bc* 
foin  que  d'rn  an,  jufquà  celles  qu'on  n'acquiert 
que  par  un  fiècle. 

§.  I.  Des  Prefcriptions  par  momens  &  par  heures. — 
De  la  manière  de  compter  les  heures  en  matière  de 
Prefcription. 

I.  Il  y  a  des  Prefcriptions  d'un  moment. 

Ce  font  celles  qui ,  fuivant  le  droit  commua 
du  royaume  ,  ont  lieu  pour  les  dépenfes  faites 
par  affiette  dans  les  cabarets  om  les  jeux  de  paume, 

Ainfi ,  lorfqu'un  homme  qui  a  fait  des  dépenfes     > 
de  cette  nature  dans  un  cabaret  ,  en  fort  fans  ré- 
clamation de  la  part  du  cabarcticr  ^  celui-ci    n'a 
plus  d'aiiion  à  fa  charge  \  on  préfume  qu'il  a  été 
payé. 

Il  faut  donc  pour  arrêter  cette  efpèce  de  Pref- 
cription ,  que  le  cabaretier,  fur  le  refus  qui  lui 
el\  fait  du  payement  de  ce  qifil  a  fourni, s'op- 
pole  ,  à  la  fortie  de  la  perfonne  de  la  part  de  la- 
quelle il  éprouve  ce  refus  ,  &  qu'il  ait  recours 
au  juge. 

Cette  Prelcription  n'a  pas  lieu  dans  les  Pays- 
Bas.  Le  placard  de  1540  en  a  introduit  dans  ces 
provinces  une  autre  ,  dont  il  fera  quefiion  ci- 
après  ,  §.  5- 

II.  Il  eft  peu  de  Prefcriptions  dans  lefquelles 
on  confidère  les  heures.  Il  n'y  a  guères  que  deux 
cas  oii  il  peut  en  être  queflion. 

Le  premier  eft  celui  de  la  rcftitution  en  entier 
pour  caufe  de  minorité.  La  loi  3  ,  §.  4  ,  au  digefte , 
de  minoribus ,  dit  qif  alors  on  doit  compter  l'âge 
du  moment  précis  de  l^naiffance,  s'il  efl  connu^ 

Aioii , 


PRESCRIPTION. 

Ainfi ,  nn  enfant  nait  le  i  janvier  1785  ,  à  midi  : 
le  I  janvier  1810,  à  midi ,  il  fera  maieur.  Et  s'il 
a  fait,  pendant  fa  minorité,  im  contrat  qui  le 
lèle  ,  le  I  janvier  1810  à  midi,  les  dix  ans  qu'il 
aura  eus  pour  fc  pourvoir  en  refcifion  ,  feront 
écoulés. 

Le  fécond  cas  eft  relatif  aux  délais  qui  fe  comp- 
tent par  heures.  Il  y  en  a  des  exemples  amx  articles 
Inscription  de  faux  &RtTRAiT  lignager  , 
dans  la  première  addition  à  l'article  Contrat  ,  & 
dans  l'article  295  de  la  coutume  de  Bretagne  ,  qui , 
admettant  l'aélion  refcifoire  dans  les  conventions 
de  chofe  mobilière,  la  déclare  prefcrite  par  le  laps 
de  vingt-quatre  heures. 

Il  s'eft  élevé  à  ce  fujet,  dans  la  ville  d'Utrecht, 
une  queftion  finguliére  :  c'étoit  de  favoir  fi  une 
heure  efl  cenfée  écoulée  au  premier  coup  de  l'hor- 
loge qui  annonce  la  fuivante  ,  ou  s'il  faut  pour 
cela  que  tous  les  coups  foient  frappés.  Avant  de 
prononcer,  le  confeil  d'Utrecht  prit  l'avis  déplu- 
fleurs  mathérnaticiens  ,  &  d'après  leur  rapport  il 
intervint  arrêt  le  29  mars  1647  j  ^"  f^^vcur  du  pre- 
mier parti  (i). 

Il  eA  étonnant  qu'un  point  auflî  fimple  ait  fouf- 
fert  la  moindre  difficulté.  Penfer  autrement,  ce  fe- 
roit  vouloir  que  la  douzième  heure  fût  la  plus  lon- 
gue ,  &  celle  qui  la  fuit  la  plus  courte  :car  il  faut 
plus  de  temps  pour  annoncer  l'heure  de  midi  ', 
que  pour  annoncer  une  heure  qui  fuit  celle  de  midi. 

§.  II.  Des  Prefcrîptions  de  jours. — Comment  compie- 
t-on  les  jours  en  matière  de  Prefcriptien  ? 

Il  y  a  une  infinité  de  Prefcriptions  qui  s'opèrent 
par  le  laps  d'un  ou  de  plufieurs  jours. 

Par  exemple,  fuivant  la  loi  i  ,  Y),  de  glande  le- 
gendâ ,  le  propriétaire  n'a  que  trois  jours  pour  aller 
recueillir  dans  le  fonds  du  voifm ,  les  fruits  de  fon 
arbre  qui  y  font  tombés. 

Dans  la  coutume  de  Bouillon  ,  chapitre  23  ,  ar- 
ticle II,  les  injures  légères  &  proférées  dans  la 
chaleur  de  la  colère  ,  fc  prefcrivcnt  par  trois  jours , 
<4  lefqucls  paifiblement  écoulés  ,  n'en  fera  reçue  la 
»  pourfuite  ,  comme  préfumée  êtreremife  par  cha- 
»>  rite  chrétienne  ». 

La  coutume  de  Gorze  ,  titre  14  ,  article  49  ,  dé- 
clare l'aâion  d'injure,  foit  réelle,  foit  verbale  , 
foit  par  écrit,  périe  à  l'injurié  ou  ofinfé  ,  s'il  n'en 
a  rendu  plainte  dans  les  fept  jours  &  fept  nuits  , 
de  l'injure  dite  ,  reçue  ,  écrite  ,  ou  feue  Si.  connue 
par  le  rapport  d'un  tiers  ,  ou  autrerncnt. 

L'article  6  du  titre  18  de  la  coutume  de  Lor- 
raine dit  à-peu-près  la  même  chofe  ,  &  étend  fa 
difporition  à  toute  aftion  de  délit. 

Ceft  aufTi  ce  que  porte  la  coutume  d'Epinal  , 
titre   1 1  ,  articles  8  &  9  ,  fi  ce  n'eft  qu'à  l'égard 


PRESCRIPTION. 


345 


[i]  Abraham  i  Wefel ,  ai  navdlas    uhrajclli  çonjiituùonts  , 
art.  lii  ,  n.  7. 

Tom<  XIII, 


des  délits ,  elle  ne  parle  que  de  ceux  qui  ne  lu^" 
ritent  pas  peine  corporelle. 

Par  l'article  326  de  la  coutume  de  Sedan ,  l'ac- 
tion du  propriétaire  pour  revendiquer  ies  meubles 
vendus  fur  un  tiers  par  autorité  de  juftice  ,  eft  prei- 
crite  au  bout  de  huit  jours. 

Dans  la  coutume  de  Bayonne,  les  créanciers 
qui  ne  font  pas  fondés  en  ticre  public  ,  perdent  lei;r 
dette,  fi  dans  les  neuf  jours  du  décès  de  leur  dé- 
biteur, ils  n'en  font  pas  apparoir  à  fes  héritiers 
ou  lieutenans.  C'eft  dans  l'article  3  du  titre  i  3  que 
cette  difpofition  eft  confignée.  Une  chofe  remar- 
quable, c'eft  qu'elle  ne  frappe  que  fur  les  créan- 
ciers majeurs  &■  préfens.  L'article  fuivant  ajoute 
qu'à  l'égard  des  abfens  ,  les  neuf  jours  commen- 
cent à  courir  du  jour  de  leur  retour. 

Dans  le  reflbrt  du  parlement  de  Flandres,  l'ap- 
pel d'une  fentence  doit  être  interjeté  dans  les  dix 
jours,  à  compter  de  celui  où  elle  a  été  figiiifiée. 
Voyez  Appel. 

On  a  vu  aux  articles  Billet  au  porteur  , 
Change  ,  Protêt  5c  Rp.dhibitoire  ,  d'autres 
exemples  de  Prefcriptions  femblables. 

L'article  3  du  chapitre  112  des  chartes  générales 
du  Hainaut  ,  limite  à  quinze  jours  l'exercice  du 
retrait  débitai ,  &  ce  terme  commence  à  courir  du 
jour  de  l'exhibition  du  tranfporc  de  la  dette  ,  à 
celui  qui  en  eft  redevable. 

Par  l'article  10  du  chapitre  9  de  la  coutume  de 
Liège,  qui  fait  loi  dans  quelques  villes  &  villages 
du  reftbrt  du  parlement  de  Flandres  ,  celui  qui  a 
ouvert  &  exploité  une  mine  de  charbons  fur  le 
terrcin  d'autrui  ,  Vefpace  de  40  jours,  au  vu  & 
fçu  du  maître,  a,  par  cela  feul,  acquis  le  droit 
exclufif  de  l'exploitation  de  cette  mine,  &  il  nz 
refte  au  propriétaire  du  fonds  qu'une  aàion  peur 
demander  te  droit  de  terrjge  accoutumé. 

Dans  la  coutume  de  Metz,  titre  14,  article  20, 
les  injures  verbales  &  par  écrit  ,  fe  prefcrivent 
par  le  même  terme  de  40  jours. 

Les  lois  3  ,  D.  &  7  ,  C.  <^f  excufationibu!  ne 
donnent  que  cinquante  jours  aux  perfonnes  nom- 
mées tutrices  ou  curatrices  ,  pour  propofer  leurs 
excufes. 

Nous  ne  poufferons  pas  plus  loin  ce  détail  ;  il  fe- 
roit  iniîni. 

Mais  un  point  qui  mérite  un  examen  particulier  , 
c'eft  de  favoir  fi  pour  accomplir  la  Prefcription  ,  il 
faut  que  le  dernier  jour  du  terme  fixé  par  la  loi 
foit  entièrement  écoulé ,  ou  s'il  fuffit  qu'il  foit 
commencé  ? 

*  La  décifion  de  ce  doute  dépend  de  ceite  quef- 
tion vulgaire  :  la  Prefcription  fe  compte-t-elle  de  mo- 
ment à  moment  ou  Je  jour  à  jour  ?  Car  s'il  faut  comp- 
ter la  Prefcription  d'un  moment  à  l'autre ,  il  faut 
que  le  dernier  jour  du  terme  foit  entièrement 
paifé,  &  qu'il  ne  s'en  faille  pas  d'un  moment  ;  fi, 
au  contraire,  il  la  faut  compter  d'un  jour  à  l'au- 
tre ,  il  fuffit  que  le  dernier  jour  du  terme  feic  at- 
teint &  commencé. 

Xx 


34<^  PRESCRIPTION. 

En  cela ,  les  jurifconfultes  feinblent  avoir  va- 
rié ;  car  ,  finvant  la  loi  in  omnibus ,  D.  de  obliga- 
tiûnibus  &  jHionibus  ,  le  calcul  doit  être  {:t\t  de  mo- 
mento  in  momentum  ;  en  forte  que  le  dernier  jour 
foit  entièrement  paité,  pour  accomplir  la  Prefcrip- 
tion.  Au  contraire  ,  dans  la  loi  in  ufucapionibus  ,  & 
dans  la  loi  fuivante ,  ff.  de  ufucapionibus,  ainfi  que 
dans  la  loi  pénultième  de  diverfn  (S*  temporalibus  Fraf- 
criptiombus  ,  il  fafiit  que  le  dernier  jour  foit  com- 
mencé. 

Mais  Accurfe  ,  &  Cujas  après  lui ,  fur  la  loi  in 
omnibus,  ont  concilié  cette  dlverfitè  de  décifions, 
par  la  diftinfllon  qu'ils  ont  faite  des  aâions  réelles 
d'avec  les  perfonnelles  ;  dans  les  premières  ,  par 
exemple  ,  dans  la  revendication  ,  il  fuffit  pour  ac- 
complir la  Prefcription  de  dix  ou  de  vingt  ans  , 
que  le  dernier  jour  foit  commencé ,  parce  que  ce 
n'eft  pas  la  feule  négligence  du  demandeur  qui 
donne  la  force  à  cette  Prefcription,  mais  auffi  la 
poflcfiion  du  défendeur  ;  c'eft  de  ces  actions  réelles 
que  les  jurifconfultes  ont  parlé  dans  les  trois  der- 
nières lois  citées.  La  première  ,  au  contraire  ,  parle 
des  allions  perfonnelles  qui  fe  prefcrivent  feule- 
ment par  la  négligence  de  trente  ans  ,  &  cette 
négligence  n'a  pas  tant  de  force  que  la  poflcnîon  ; 
cela  eft  fi  vrai ,  qu'il  ne  faut  que  dix  ans  de  pof- 
feffion  contre  l'aélion  réelle  ,  avec  le  titre  &  la 
bonne  foi  ;  au  lieu  qu'il  en  fuit  trente  contre  les 
perfonnelles  qui  procèdent  des  promefles  Si  obli- 
gations ,  lefquelles  même  ,  avant  la  conflitution 
de  Théodofe  ,  étoient  imprefcripnbles.  Defpeiffcs 
en  a  dit  autant  après  Cujas  ,  tome  i  ,  titre  dis 
Prefcripiions  *, 

§.  III.  Des  Prefcriptions  d^un  ou  de  plu/leurs  mois. 

1°.  Suivant  le  droit  romain  ,  ceux  qui  étant  ap- 
pelés à  quelques  charges  publiques  ,  vouloient 
s'en  défendre  ,  étoient  obligés  de  faire  juger  leurs 
excufes  dans  deux  mois.  C'cft  ce  que  nous  ap- 
prend la  loi  i  ,  C.  de  temporibus  &  repurationibus 
apptllationum. 

2",  Par  une  déclaration  du  roi  publiée  au  par- 
fement  de  Befançon  ,  le  2S  juillet  1706  ,  les  éche- 
vins  S>C  autres  officiers  des  communautés  qui  veu- 
lent s'excufer  de  leurs  emplois ,  ont  un  mois  & 
demi  ,  ou  fix  femaints  après  qu'ils  font  élus  ,  pour 
faire  juger  leurs  excufes  en  première  inftaace. 

3^.  C'eft  aufli  le  t'emie  dans  lequel  la  coutume 
de  Montargis,  chapitre  18,  article  2,  veut  qu'on 
intente  l'adion  en  payement  de  journées  dou' 
vriers  ,  ou  de  louages  de  bertiaux. 

L'article  312  de  la  coutume  d'Orléans  porte  la 
même  chofe  pour  les  journées  d'ouvriers  feu- 
lement. 

4".  L'article  2  du  chapitre  34  des  chartes  géné- 
rales de  Hainaut  ,  oblige  la  veuve  ufufruitière  ou 
douairière  ,  de  faire  vifiter,  dans  deux  mois  après 
la  mort  de  fon  mari  ,  les  maifons  Se  héritages 
dont  la  jouiiTance  lui  eft  dévolue  par  droit  de 
furyie. 


PRESCRIPTION. 

5°.  La  faculté  a^coraée  à  un  héritier  prcfomptif 
de  faire  inventaire  avant  de  prendre  qualité,  fe 
prefcrit  par  trois  mois,  3  compter  du  jour  de 
l'ouverture  de  la  fuccefTion, 'Voyez  BiiNÉfice  d'in- 
ventaire &  HÉRITIER. 

6".  Les  articles  Concordat  germanique  , 
Patronage,  les  nomb-es  "V  ,  VI,  Vil  ik  VIII 
du  §.  2  de  la  feftion  VI  ■a  ^a^tic!e  Retrait  li- 
GNAGER  ,  ?)(.  le  dernier  paragraphe  de  la  fi.élion  3 
de  celui-ci ,  préfentent  plul'îcurs  autres  efpèces  de 
Prefcriptions  à  peu-près  de  la  même  longueur. 

j".  Dans  la  coutume  de  Sedan  ,  l'atlion  d'injure 
verbale  ne  dure  que  trois  mois.  C'eft  le  terme  au- 
quel l'a  réduite  l'article  318  de  cette  loi  munici- 
pale. 

8°.  La  coutume  de  Bouillon ,  titre  23  ,  article 
7,  n'accorde  que  trois  mois  au  propriétaire  de  la 
chofe  volée,  pour  la  revendiquer  fur  le  tiers-pof- 
feffcur  ;  mais  elle  ne  fait  courir  ce  terme  que  du 
jour  oii  le  propriétaire  a  eu  connoiffance  du  lieu 
où  étoit  la  chofe. 

9".  Aux  termes  de  la  loi  unique  ,  C.  de  novi  ope^ 
ris  muiatione ,  la  dénonciation  de  nouvel  œuvre  fur- 
foit  le  travail  du  bâtiment  qui  eu  cft  l'objet,  pendant 
un  efpace  de  trois  mois;  dans  cet  intervalle  ,  ce- 
lui qui  a  fait  la  dénonciation  ,  doit  faire  juger  le 
procès;  &  fi  les  trois  mois  pafles,  le  procès  n'efl 
pas  jugé  ,  le  bâtiment  peut  être  pourfuivi  fans 
caution. 

10".  Suivant  la  loi  19 ,  §.  dernier  ,  D.  de  adilt- 
lia  ediflo  ,  l'aOion  rédhibitoire  ne  fe  prefcrit  que 
par  fix  mois  ;  mais  Voyez  Rédhibitoire. 

11°.  Le  chapitre  117  des  chartes  générales  de 
Hainaut,  limite  pareillement  à  fix  mois,  l'aflion 
du  fermier  pour  demander  modération  à  fon  maî- 
tre, &  il  fait  courir  ce  terme  du  jour  de  l'échéance 
du  rendage. 

12°.  Il  y  a  une  autre  Prefcription  de  fix  mois  qui 
appartient  abColiiment  au  droit  françois ,  &  que  Tu- 
fage  a  rendu  très-familière.  C'eft  celle  qui  a  été 
introduite  par  l'article  68  de  l'ordonnance  de 
1512  (1)  ,  confirmée  par  la  coutume  de  Paris ,  & 
remife  en  vigueur  par  l'ordonnance  du  commerce 
de  1673- 

Ces  deux  dernières  lois  font  cependant  une  dif- 
tinflion  qui  n'eft  point  dans  la  première,  au  moins 
textuellement. 

L'article  125   de  la   coutume  de  Paris  accorde 


[ij  ofiJonnons  tjue  tous  dia^jie's  ,  apoihicaires ,  boulan- 
ge'rs  ,  pâcillîers ,  ferruriers ,  chauflelieis  ,  taverniers ,  coutu- 
liers  ,  cordonniers ,  lelliers  ,  bouchers,  o»  diihibuans  leurs 
denrées  Se  marchandifes  en  détail ,  demanderont  dorénavant , 
li  bon  leur  l'cnib'e,  le  payemeni  de  leurs  denrées,  ouvrages 
&  marchandifes  par  eux  fouiriies  dedans  Cix  mois ,  à  compter 
du  jour  auquel  ils  auiont  baille  ou  livré  la  première  denrée 
oucuvrage,  enfemble  qu  ils  auront  baillé  ou  livré  depuis 
iceluijour,  dedans  lix  mois  ;  &;  lefdits  lîx  mois  fiffés,  ne 
feront  plus  reçus  à  faite  v]Ueition  ni  demande  de  ce  qu'ils 
auront  fait  ,  fourni  ou  livre  dedans  iceux  fix  mois;  firor» 
qu'il  y  eût  atrèté  de  compte,  cédu.'e,  obligation  ,  ou  'inerpel- 
lauon  ça  foir.maiion  juJicialrs  dedans  le  tenips  deflus  dic> 


PRESCkiP  1  ION. 

Tin  an  aux  médecins  ,  chl'rurgitn^  &  apothicaires,  pOUf 
interner  leurs  aHions. 

L'article  12.7  donne  le  même  terme  aux  dra- 
piers ,  merciers ,  épiciers  ,  orfèvres  ,  6»  autres  mar- 
chands gro[jiers  ,  maçons,  charpentiers,  couvreurs  , 
barbiers  ,J'erviteurs  ,  laboureurs  ,  &  autres  mercenaires. 
L'article  126  étend  jufqu'à  une  année  l'ac- 
tion des  marchands ,  gens  de  métier ,  &  autres  ven- 
deurs de  mnrchandife  &  denrée  en  détail ,  comme  bou- 
langers ,  pâtijfiers ,  couturiers  ,  felUers  ,  butchers  , 
bourreliers ,  pajfementiers  ,  maréchaux  ,  rôtijfeurs  ,  ciii- 
Jïniers ,  &  autres  femblables. 

La  dirpofition  de  cet  article  &  celle  du  précé- 
dent fe  retrouve  dans  les  articles  7  &  8  du  ti- 
tre premier  de  l'ordonnance  de  1673.  ^"  voici 
les  termes  : 

«  Les  marchands  en  gros  &  en  détail ,  &  les 
M  maçons  ,  charpentiers  ,  couvreurs  ,  ferruriers  , 
j»  vitriers,  plombiers,  paveurs  &  autres  de  pa- 
»  reille  qualité,  feront  tenus  de  demander  paye- 
>>  ment  dans  l'an  après  la  délivrance. 

j)  L'aflion  fera  intentée  dans  fix  mois  pour  mar- 
y>  chandifes  &  denrées  vendues  en  détail  ,  par 
>»  boulangers  ,  pâtiffiers  ,  bouchers  ,  rôtiiïeurs  , 
7?  cuifmiers  ,  couturiers  ,  paflementiers  ,  felliers  , 
I»  bourreliers  &  autres  femblables  11. 

Ces  difpofitions  n'ont  eu  pendant  long-temps 
aucune  exécution  dans  le  reffort  du  parlement  de 
Touloufe.  Mais  un  arrêt  de  règlement  de  cette 
cour  du  II  feptembre  1733,  a  impofé  à  tons  fes 
jufticiables  la  nécefllté  de  s'y  conformer  (i). 

Du  refte  elles  paroiflent  du  premier  abord  fort 
fmguliércs.  Il  femble  que  les  aâions  qu'elles  ont 
pour  objet  devroient  durer  trente  ans  comme  les 
autres.  Mais  l'habitude  où  l'on  eft  prefque  uni- 
verfellement  de  payer  ces  fortes  de  chofes  fans  en 
tirer  quittance  ,&  la  crainte  que  des  artifans,  ou- 
vriers ou  détailleurs  peu  délicats,  ne  fe  fiiTent  payer 
dteux  fois  la  même  chofe,  ont  porté  les  lois  à  les 
obliger  de  fe  pourvoir  dans  des  termes  fort  courts. 

Aufîî  n'eft-ce  pas  une  Prefcription  proprement 
dite,  mais  une  préfomption  de  payement  qu'elles 
ont  voulu  introduire. 

De  là  ,  la  règle  établie  par  Mornac  fur  la  loi  38  , 
D.  de  jure  jurando  ,  par  du  Moulin  ,  de  ufuris ,  nom- 
bre 28,  par  Guérin  ,  Tourner,  Tronçon  &  Brodeart 
fur  l'article  126  de  la  coutume  de  Paris  ,  adoptée 
par  l'article  165  de  la  coutume  d'Orléans  ,  &  érigée 
en  loi  générale  par  l'article  10  du  titre  premier  de 
l'ordonnance  de  1673  '  ^^^  "  ^^s  marchands  &  ou- 
ï>  vriers  peuvent  déférer  le  ferment  à  ceux  auxquels 
>>  la  fournuure  aura  été  faite  ,  les  alTigner  Se  les 
»  faire  interroger  ;  &  à  l'égard  des  veuve  ,  tuteurs 
»  de  leurs  enfans ,  héritiers  &  ayant-caufe  ,  leur 
»  faire  déclarer  s'ils  favent  que  la  chofe  eft  due  , 
M  encore  que  l'année  ou  les  fix  mois  foient  ex- 
î>  pires  ». 


[1]  Jojrnal  du  palais  de  Touloufe  ,  corne  1,  page  lig. 


PRESCRIPTION.         347 

Une  autre  conféquence  du  même  principe,  c'ert 
qu'il  n'y  a  point  de  Prefcription  à  oppofer ,  «  lorf- 
)>  qu'avant  l'année  ou  les  fix  mois  il  y  a  un  compte 
»  arrêté  ,  fommation  ou  interpellation  judiciaire, 
»  cédule,  obligation  ou  contrat  ».  Ce  font  les  ter- 
mes de  l'article  9  du  titre  cité  de  l'ordonnance  de 
1673  ,  qui  ne  fait  en  ce  point  que  renouveler  les 
articles  1 26  &  1 27  de  la  coutume  de  Paris ,  &  l'ar- 
ticle 26^  de  la  coutume  d'Orléans. 

On  peut  encore  poufl'er  plus  loin  les  induflions 
du  motif  qui  a  fait  établir  la  Prefcription  dont  il 
s'agit ,  &  dire  que  ce  motif  ne  s'appliquant  qu'aux 
bourgeois  ,  on  ne  peut  pas  de  marchand  à  marchand 
prefcrire  dans  les  objets  en  queflion  ,  par  le  terme 
de  fix  mois  ou  d'un  an.  C'eft  en  effet  ce  que  dé- 
cident l'arricle  292  de  la  coutvms  de  Bretagne, 
l'article  201  de  la  coutume  de  Troies  ,  l'article  148 
de  la  coutume  de  Vitry ,  &  l'article  1 20  de  la  Cou- 
tume de  Chaumont  en  Baffigny. 

C'eft  même  ce  qu'ont  jugé  dans  les  coutumes  âe 
Normandie  ,  de  Paris  &  de  Ponthieu  ,  toutes  trois 
abfolument  maettes  à  cet  égard  ,  un  arrêt  du  parle- 
ment de  Rouen  du  5  février  1666,  rapporté  par 
Bafnage  ,  article  534  ,  un  autre  du  grand  confeil  du 
12  juillet  1672,  inléré  dans  le  journal  du  palais  ,  & 
un  troifième  du  parlement  de  Paris  du  25  janvier 
1706  ,  rapporté  par  Maillart  fur  la  coutume  d'Ar- 
tois, article  73. 

Enfin,  fuivantJouffe  fur  l'article  7  du  titre  i  de 
l'ordonnance  de  1673,  «on  obferve  dans  les  con- 
»  fulats  de  ne  point  admettre  cette  Prefcription 
»  entre  marchands  &  artifans  ou  ouvriers ,  pour 
i>  les  affaires  qu'ils  ont  les  uns  avec  les  autres  con- 
»  cernant  leur  commerce  »  ;  Se  il  cite  à  ce  fiijet  le 
traité  du  commerce  de  terre  &  de  mer  ,  tome  i  , 
page  183  ,  édition  de  1710, 

A  plus  forte  raifon  ,  (  comme  l'obferve  le  même 
auteur  )  ,  ne  doit-on  pas  faire  opérer  cette  Pref- 
cription contre  les  gens  d'églife  ,  bourgeois ,  labou- 
reurs ,  vignerons  &  autres  ,  pour  raifon  des  ventes 
de  bleds,  vins,  befliaux  &  autres  denrées  procé- 
dant de  leur  crii  :  cela  paroît  d'ailleurs  réfulter  des 
termes  mêmes  de  l'article  7  du  titre  i  de  l'ordon- 
nance de  1673  ,  qui,  en  ne  parlant  que  des  mar- 
chands ,  femble  exclure  les  autres. 

En  un  mot ,  *  puifque  la  fin  de  non-recevoir  eft 
uniquement  fondée  furlapréfomption  du  payement, 
il  s'enfuit  que  (i  le  juge  reconnoiffoit  que  le  défen- 
deur n'eût  pas  en  effet  payé  la  fomme  qui  lui  feroit 
demandée  ,  il  ne  devroit  pas  le  recevoir  à  fon  fer- 
ment ,  mais  le  condamner  à  la  payer.  C'eft  ce 
qu'on  remarque  dans  la  note  de  Dumoulin  fur  l'ar- 
ticle 313  de  l'ancienne  coutume  d'Orléans  ;  il  y 
propofe  l'efpèce  d'une  fille  de  treize  à  quatorze 
ans  ,  qui  ayant  été  chaffée  par  fa  mère  de  fa  mai- 
fon ,  s'étoit  retirée  chez  fon  oncle;  celui-ci  i'a- 
voit  nourrie  pendant  deux  ans  &  demi;  après  foa 
mariage  il  fut  queftion  de  favoir  fi  l'oncle  étoit  re- 
cevablc  à  lui  demander  fes  penfions  &  alimens  ; 

Xx  i  j 


m8         prescription. 

&  du  Moulin  décida  pour  l'affirmarive  (i)  *. 

La  Prefcription  de  fix  mois  ou  d  un  an  ,  a-t-elle 
lieu  lorfqu'il  y  a  eu  continuation  de  fournitures  ou 
d'ouvrages  ? 

L'article  9  du  titre  premier  de  l'ordonnance  de 
1673  '  ^-clare  cxprefiinicnt  qu'elle  a  lieu.  "  Vou- 
»  Ions  (  porte-t-il  )  le  contenu  es  deux  articles  ci- 
M  defTus  avoir  lieu  ,  encore  qu'il  y  eût  eu  cominua- 
«  tion  de  fourniture  ou  d'ouvrage  ...  ». 

Ainfi ,  dit  Joufle  d'après  cet  article  ,  u  un  mar- 
»  chand  qui  attendroit  à  former  fa  demande  pour 
»  raifon  de  marchandifes  qu'il  auroit  fournies  pen- 
»  dant  quatre  ou  cinq  ans  à  un  bourgeois ,  fur  le 
»  fondement  qu'il  y  auroit  eu  continuation  de 
»  fourniture, ne  feroitpas  fondé  en  cette  demande; 
«  le  débiteur  feroit  en  droit  de  lui  oppofer  la  tin 
»»  de  non-recevoir  pour  les  années  qui  ont  précédé 
M  la  dernière  ,  &  il  ne  feroit  adjugé  en  juflice  à  ce 
j)  marchand  que  ce  qu'il  auroit  vendu  ou  fourni 
■n  pendant  la  dernière  année,  au  cas  de  l'article  7  , 
M  ou  pendant  les  fix  derniers  mois  ,  au  cas  de  l'ar- 
»  ticle  8  ». 

C'eft  ce  qui  avoit  été  jugé  au  parlement  de  Bre- 
tagne long-temps  avant  l'ordonnance.  L'arrêt  eu.  du 
4  feptembre  1618  (2). 

*  Remarquons  cependant  que  cette  jurifprudence 
ne  doit  s'entendre  que  des  fournitures  &  ouvrages 
faits  en  diftcrens  temps.  Par  exemple,  un  charpen- 
tier fournit  des  matériaux  pour  un  bâtiment ,  &  il 
V  fait  travailler  de  fon  métier  pendant  deux  ans  ; 
on  ne  peut  pas  dire  ,  dans  ce  cas  ,  que  ce  qui  aura 
été  fourni  par-delà  l'année  ,  à  compter  du  jour  de  la 
demande  ,  foit  prefcrit,  parce  qu'en  ce  cas  la  der- 
n'ère  fourniture  fe  rapporte  à  la  première,  &rque, 
comme  toutes  les  fournitures  ont  été  faites  pour  la 
perfe6iion  &  l'accompliffement  de  l'ouvrage ,  on  ne 
doit  les  confidérer  que  comme  fi  elles  avoient  été 
faites  toutes  au  temps  de  la  dernière  fourniture.  Il 
en  eft  de  même  des  affillances  des  médecins  ,  & 
des  médicamens  fournis  par  les  chirurgiens  &  les 
apothicaires  *. 

La  circonflance  que  la  dette  du  marchand  fe 
trouve  annotée  fur  fon  livre  journal,  forme-telle 
nue  preuve  de  non  payement  alTez  forte  pour  em- 
pêcher la  Prefcription  de  fix  mois  ou  d'  un  an  }  Il  y 
a  dans  les  obfervations  de  Vedel  fur  Catellan  ,  livre 
4  ,  chapitre  26  ,  un  arrêt  du  parlement  de  Touloufe 
du  20  décembre  1707  ,  qui  juge  que  non,  &  dé- 
charge le  débiteur  en  affirmant  d'avoir  payé.  L'ar- 


11)   Nonobllance  Ijpfu  biennii    huji.'S  confuetuJinis  ,  vel 
conlHtutionumtegiaruni  ,  quae  non  exclitdiint  ïquitatemhu 
jus  cafùs. 

[;]  Cet  artct ,  dit  Hévin  fur  l'ariicle  2<i2  de  la  coutume  tîe 
BretaTie  ,  a  jugé  S'^^  "  quoiqu'il  y  ait  continuation  de  bail- 
M  Ice  ic  livraiion  de  maichandile  ,  &  qu'entre  chacune  H 
>•  vraifon  il  ne  fe  trouve  pas  an  &;  jour,  le  débiteur  étant  par 
M  après  fignifié  au  payement  du  tout,  ne  peut  néanmoins 
M  être  teru  ouM  ce  qui  a  cté  fourni  avant  l'an  &:  jour  précé- 
M  d)nc  l'aùiôn  ,  bien  Qu'il  fe  trouve  quelques  payemens  in- 
•*  dé  fiai  tue  Uk  faits  ». 


PRESCRIPTION. 

ticle  Taille  de  marchand  contient  une  décifion 
à-peu-près  femblable. 

On  trouve  dans  le  recueil  de  BafTet ,  tome  i  , 
livre  2  ,  titre  29  ,  chapitre  8  ,  deux  arrêts  dv  par- 
lement de  Grenoble  des  i<\  janvier  1618  èc  iç 
juin  1638  ,  par  lefquels  il  a  été  jugé  que  pour  faire 
opérer  contre  les  marcîiands  la  Prefcription  dont 
il  s'agit ,  «  il  fuffît  que  le  défendeur  jure  qu'il  ne 
)»  doit  rien,  après  quoi  la  preuve  n'eft  point  rece- 
w  vable  de  l'avoir  interpellé  ,  ou  qu'il  a  avoué  la 
>»  dette  extra-judiciairement  ». 

Autre  difficulté  :  la  penfion  d'un  écc>lier  ,  d'uti 
clerc  ,  ou  de  toute  autre  perfonne  qui  prend  fa 
nourriture  à  la  table  d'autrui ,  eft-elle  fu|ttte  à  la 
Prefcription  qui  nous  occupe  ici  ?  Il  a  été  jugé  pour 
l'affirmative  par  arrêt  du  23  mai  1612,  rapporte 
dans  le  commentaire  de  le  Maître  fur  la  coutume 
de  Paris  ,  titre  6  ,  feâion  3.  Mais,  comme  le  re- 
marquent les  auteurs  dont  Poulain  du  Parc  a  re- 
cueilli les  notes  fur  la  coutume  de  Bretagne,  arti- 
cle 292  ,  il  y  avoit  dans  l'efpèce  de  cet  arrêt ,  une 
circonflance  qui  empêche  qu'on  n'en  tire  des  con- 
féquences  certaines  ;  c'eft  que  le  principal  de  col- 
lège contre  lequel  il  a  été  rendu  ,  avoit  lai<îe  pal- 
ier près  de  dix  années  fans  former  fa  demande  , 
quafi  decennio  ,  dit  Mornac  fur  la  loi  i  ,  §.  dernier  , 
D.  de  eo  per  quem  faBum  erit. 

Mais  en  laiflant  cet  arrêt  à  l'écart,  quel  parti  de- 
vons-nous prendre  fur  la  queflion  f  Mcrnac  ,  à 
l'endroit  qui  vient  d'être  cité  ,  dit  que  les  penhons 
de  collège  font  fujettes  à  la  Prefcription  annale  , 
maiï  fi  un  particulier  prend  fa  nourriture  chez  au- 
trui ,  à  tant  par  mois ,  par  trimelire  ou  par  année  , 
cette  Prefcription  n'aura  pas  lieu. 

Brodeau  ,  fur  l'article  1 27  de  la  coutume  de  Pa- 
ris ,  penfe  de  même  ,  relativement  aux  penfions  de 
collège  ;  mais  il  ajoute  que  cette  décifion  doit  auiTi 
avoir  lieu  u  à  l'égard  des  nourrices  ,  des  procureurs 
»  auxquels  les  clercs  paient  penfion  ,  &  autres 
1)  femblables  perfonnes  n.  „ 

C'eft  également  l'opinion  de  le  Maître  ,  titre  des 
Prefcripiions ,  feilion  3  ,  &  de  Perrière  fur  la  cou» 
tume  de  Paris  ,  même  titre  ,  §.  2 ,  nombre  1 2. 

Trois  de  nos  coutumes  difent  fimplement  que 
les  nourritures  &  injlruHions  des  enfans  fe  prefcrivent 
par  une  année,  &  n'étendent  pas  leur  difpofition 
plus  loin.  Ce  font  Orléans  ,  article  265  ,  Bourbon- 
nois  ,  article   13  ,  &  Bar-le-Duc ,  article  114. 

Au  parlement  de  Bretagne  ,  on  juge  que  la  Pref- 
cription annale  n'a  pas  lieu  "  en  matière  de  pen- 
»  fion  64  nourriture  aux  hôtelleries  ».  C'eft,  dit 
Hévin  fur  l'article  292  de  la  coutume  de  cette  pro- 
vince ,  ce  qu'ont  jugé  deux  arrêts  de  1618  &  1619. 

L'Ordonnance  de  la  Marine ,  titre  des  Prefcrip- 
tion' ,  article  9  .  porte  que  l'aêlion  des  taverniers 
pour  la  nourriture  qu'ils  ont  fournie  aux  matelots  , 
par  ordre  des  maîtres  de  navire  ,  doit  être  intentée 
dans  l'an  &  jour ,  &  qu'après  ce  temps  elle  ne  fera 
plus  reçue  ,  à  moins  qu'il  n'y  ait  cédule,  obliga- 
tion ,  arrêté  de  compte,  ou  interpellation  judiciaire. 


PRESCRIPTION. 

Le  motif  qui  a  diéîé  cette  décifion ,  s'applique 
aufTi  bien  aux  autres  cas  qu'à  celui  fur  lequel  elle 
porte  nommément  :  fi  donc  le  légiilateur  n'a  pis 
cru  devoir  adapter  à  ce  cas  l'opinion  de  Mornac  & 
]a  jurifprudence  du  parlement  de  Bretagne,  il  fcm- 
ble  qu'elle  doit  être  entièrement  abandonnée. 

Nous  favons  bien  qu'on  ne  peut  pas  régulière- 
ment argumenter  d'une  loi  particulière  à  la  thèfe 
générale.  Mais  lorfqu'avec  la  difpofition  de  la  loi 
particulière  ,  viennent  concourir,  des  raifons  de 
droit  qui  s'appliquent  à  tous  les  cas ,  la  foiblefié  d: 
l'argument  qu'on  en  tire  femble  devoir  difparoîire. 

Un  remarquera  dans  les  paragraphes  5  ,  6  &  8  , 
qu'il  y  a  des  pays  oii  des  lois  antérieures  à  l'ordon- 
nance de  1673  ,  exigent  pour  prefcrire  les  objets 
dont  nous  parlons,  un  terme  plus  long  que  celle- 
ci.  11  s'agit  de  favoir  fi  les  premières  n'ont  pas 
été  abrogées  par  la  féconde  ?  Non  ,  répond  Joulte  : 
u  l'ordonnance  n'a  point  dérogé  à  cet  égard  aux 
7)  coutumes  qui  ont  des  difpofitions  contraires  , 
j>  comme  il  eft  aifé  de  le  voir  à  la  fin  de  cette  même 
»  ordonnance ,  à  la  différence  de  ce  qui  eft  mis  à 
M  la  fin  des  ordonnances  de  1667  ^  1670  ". 

En  terminant  ce  paragraphe  ,  nous  devons  aver- 
tir que  les  autres  auxquels  nous  venons  de  ren- 
voyer,  contiennent ,  par  rapport  aux  Prefcriptions 
qui  en  font  l'objet ,  un  grand  nombre  de  décifions 
qu'on  peut  appliquer  aux  différentes  queftions  trai- 
tées dans  celui  ci. 

§.  IV.  Des  Prefcriptions  annales. 

Une  des  Prefcriptions  les  plus  communes  en  ce 
genre  ,  eft  celle  de  l'aflion  en  Retrait  ligna- 
GER  ;  mais  comme  nous  en  avons  fuffilamment 
parlé  ailleurs ,  nous  nous  bornerons  ici  aux  autres. 

i°.lly  a  plufieurs  coutumes  dans  lefquelles  la 
faculté  de  rétablir  &  de  faire  relever  fans  la  per- 
jniflion  du  fouverain  ,  des  fourches  patibulaires  en- 
tièrement détruites  ,  fe  prefcrit  par  le  laps  d'un 
an  &  d'un  jour.  Voyez  Fourches  patibulaires. 

2.".  Dans  la  plupart  des  coutumes  de  main- 
morte,  l'homme  libre  devient  ferfpar  le  domicile 
qu'il  a  contraélé  pendant  l'an  &  un  jour  dans  un  lieu 
main-mortable.  C'eft  de  là  que  par  les  articles  3  & 
9  du  titre  15  delà  coutume  du  comté  de  Bourgo- 
gne ,  il  eft  dit  que  le  mari  de  franche  condition  qui 
va  demeurer  dans  la  maifon  de  main-morte  de  fa 
femme,  s'il  y  meurt  ,  eft  réputé  main-mortable, 
luiis  qu'il  peut  en  forrir,  quand  bon  lui  femble  , 
pendant  la  vie  de  fa  femme  ,  &  même  dans  l'an 
&  jour  après  qu'elle  eft  décédée  ,  &  qu'en  ce  cas  fa 
demeure  dans  la  maifon  de  main-morte  ne  nuit 
pas  à  fa  condition. 

3°.  Suivant  un  privilège  accordé  à  la  ville  de 
Befançon  par  les  empereurs  &  confirmé  par  un 
arrêt  du  parlement  de  Frp.nche-Comté  du  30  dé- 
cembre 1724  ,  l'j^i^ion  du  feigneur  pour  revendi- 
quer fan  fujet  main-:r.ortable  qui  s".{\  établi  dans 
cette  ville  ,  fs  prcicrit  par  U  deraeurç  qu'y  fait 


PRESCRIPTION. 


549 


celul-<i  pendant  un  an  &  un  jour.  Ce  temps  pafie  , 
le  feigreur  ne  peut  plus  l'obliger  3  en  forrir  ,  &c  les 
biens  que  cet  homme  laifle  ri  Befançon  &  dans  le 
territoire  de  cette  ville  ne  font  p:is  échûte  (1). 

4^".  L'aâion  en  complainte  eft  également  annale. 
Voyez  Complainte. 

5".  Les  articles  Champart  ,  Corvées  ,  Dîme  , 
Injure,  Interruption  d'isntance,  Suranna- 
TION  ,  le  paragraphe  précédent  &  le  dernier  de  la 
ieâion  3  de  cet  article  ,  nous  offrent  différentes  ef- 
pèces  de  Prefcriptions  femblables, 

6".  On  a  pareillement  vu  aux  articles  DÉshÉrï- 
TÀNCE ,  Entra VESTISSEMENT,  Maineté  Se  Rap- 
port A  LOI,  que  dans  les  coutumes  de  Hainaut, 
de  V^alenciennes  &  de  Cambrefis  ,  il  y  a  des  for- 
malités effentielles  à  remplir  dans  l'année  de  la 
mort  d'un  teftateur  ,  quand  on  veut  éviter  la  cadu- 
cité des  difpofitions  qu'il  a  faites  de  fes  immeubles. 

7°.  Suivant  l'article  18  du  chapitre  124  des  Char- 
tres générales  du  Hainaut  ,  le  feigneur  fuzerain 
prefcrit  par  un  an  &  un  jour  contre  la  faculté  accor- 
dée à  fon  valTal  d'aliéner  ,  fans  payer  de  lods  Se 
ventes  ,  le  fief  de  fa  mouvance  qui  lui  eft  échu  par 
droit  de  bâtardife  ,  &  qu'il  n'a  pas  encore  réuni  à  fa 
table. 

8".  L'article  291  de  la  coutume  de  Bretagne, 
foumet  à  la  même  Prefcription  les  amendes  qui  ap- 
partiennent au  feigneur /70«r  tore  fait  à  des  particu- 
liers. 

L'article  184  de  la  coutume  du  Franc  de  Eruge, 
dit  en  général  que  «  concernant  les  arsendes,  elles 
■'  feront  prefcrites  par  l'année  ».  C'eft  ce  que  porte 
aufli  la  coutume  de  Roufftlare,  titre  17,  article  3. 

9°.  L'article  292  de  la  coutume  de  Bretagne  , 
étend  cette  difpofition  à  L' aBïon  £ endommacrement  de 
bêtes  ,  &  elle  eft  en  cela  conforme  aux  coutumes  de 
Normandie,  article  531,  d'Orléans ,  arncles  151 
&  159  ,d'Etampcs,  article  179  , de  Metz,  titre  12  , 
article  13. 

L'article  11  du  titre  23  de  la  coutume  de  Bouil- 
lon déclare  prefcrits  par  le  même  terme  ,  tous  les 
«  méfus  qui  ne  mériteront  peines  corporelles  ». 

10".  Il  en  eft  de  même,  fuivant  l'article  i';2  de 
la  coiJtume  de  Bretagne ,  de  la  peine  encourue  par 
un  fujet  banier  pour  avoir  fait  moudre  fon  grain 
hors  de  la  banalité.  Cette  Prefcription  a  été  intro- 
duite en  Bretagne  par  uns  ordonnance  du  Duc 
Jean  V  de  1410. 

II".  Le  même  article  étend  cette  Prefcription  au 
«  payement  de  fouages  ,  tailles  ,  impôts  ,  billots  & 
»  autres  deniers  d'oflroi ,  taux,  guets,  aides  & 
»  impofitions  extraordinaires  ». 

1 2°.  Ce  même  texte ,  l'article  114  de  la  comnmc 
de  Bar-le-Duc  ,  &  l'article  13  de  la  coutume  de 
Bourbonnois  ,  affujetiftentà  la  Prefcription  annule 
les  falaires ,  gages  &  loyers  de  fervitoirs.  En  cela  , 
ils  dérogent  au  droit  commun  du  royaume  ,  aiufi 
qu'on  le  verra  ci-après  ,  ^.  VI. 


350  PRESCRIPTION. 

On  a  demandé  fi  cette  difpofition  pouvoît  être 
appliquée  à  l'adion  d'un  arpenteur  pour  les  falaires 
qui  lui  font  dus;  &  par  arrêt  du  ii  février  1658  , 
rapporté  dans  les  notes  d'Hévin  Air  cet  article  ,  le 
parlement  de  Bretagne  a  jugé  pour  l'affirmative. 

1 3°.  La  coutume  de  Bourbonnois  comprend  aufTi 
dans  cette  difpofition  les  <i  falaires  &  journées  d'a- 
«  vocats  ,  procureurs  &  fergens  ». 

On  a  vu  dans  le  §.  3  ,  que  la  coutume  de  Paris 
en  dit  autant  des  médecins  ,  chirurgiens  &  apothi- 
caires. 

On  a  mis  en  queflioH  s'il  en  étoit  de  même  des 
jiircs-crieurs  ,  lorfqu'il  leur  eft  dû  des  tentures  & 
des  frais  funéraires  ?  L'affirmative  a  été  prononcée 
par  un  arrêt  du  28  juillet  1693  qui  eft  rapporté  , 
dans  l'ordre  de  fa  date,  au  journal  des  audiences. 

14".  L'article  cité  de  la  coutume  de  Bourbon- 
nois,  aflujetit  encore  à  la  Prefcription  annale  l'ac- 
tion pour  louage  de  chevaux  &  autres  héies. 

15°.  Par  l'article  22  du  titre  19  de  l'ordonnance 
de  1667  ,  ceux  qui  ont  fait  établir  des  commifTaires 
&  des  gardiens,  font  obliges  de  faire  vider  leurs 
di(Térends&  les  oppofitions  dans  un  an,  à  compter 
du  jour  de  leur  cemmifl'ion  ;  autreracnr  les  coni- 
jniflaires  &  les  gardiens  doivent  être  déchargés  de 
plein  droit,  fans  qu'il  foit  befoin  d'obtenir  à  cet  effet 
aucune  ordonnance  de  juftice,  fi  ce  n'eft  que  le 
comniiiTaire  ou  gardien  foit  continué  par  le  juge  en 
connoiflance  de  caufe. 

Cette  difpofition  a  été  confirmée  par  un  arrêt  du 
parlement  de  Rouen  du  22  mai  173 1  ,  rapporté  à 
la  fin  du  texte  de  la  coutume  de  Normandie,  im- 
primé en  1753. 

16°.  Suivant  les  articles  1 1 1  5c  547  de  la  cou- 
tume de  Normandie,  les  faifies  -  arrêts  faites  en- 
tre les  mains  des  fermiers  d'un  débiteur ,  fur  Icf- 
quelles  il  n'y  a  point  eu  ,  dans  l'an  ,  de  défenfes ,  de 
la  part  du  ji^ge,  d'acquitter  les  faifies  réelles  faites 
après  l'année  de  la  fomniation  du  décret ,  font  pref- 
crites  &  comme  non  avenues. 

17".  Les  articles  6co  &  601  de  cette  coutume  , 
fûumettent  à  la  même  Prefcription  les  demandes 
en  reilltution  de  varech  ou  chofcs  gayves.  Voyez 
Gayves  &  Varech. 

18°.  Suivant  l'article  j6  de  la  coutume  de  Na- 
niur,qui  fait  loi  dans  qu«lques  cantons  du  refTort 
du  parlement  de  Flandres  ,  les  héritiers  acquièrent 
parle  terme  d'un  an  ,  à  compter  du  jour  du  décès 
de  celui  à  qui  ils  ont  fuccédé  ,  la  libération  des  det- 
tes dont  le  défunt  étoit  tenu.  Mais  pour  que  cette 
Prefcription  ait  lieu,  il  faut  que  les  parties  foient 
domiciliées  dans  le  comté  de  Namur. 

19".  Dans  la  coutume  de  Sedan  ,  article  327  ,  on 
acquiert  par  la  pofi'efi'ion  annale  avec  bonne  foi  , 
Vujucapion  des  meubles  vendus  publiquiment  en  foires 
ou  marchés^  lors  même  qu'on   prétend  qu'ils  ont  . 
été  volés.  Voyez  l'article  Vol. 

En  finiffant  ce  paragraphe  ,  nous  devons  faire  fur 
la  Prefcription  d'un  an  ,  une  obfervation  qui  s'ap- 
plique à  toutes  celles  d'un  temps  plus  coniidérable. 


PRESCRIPTION. 

C'ed  qu'en  cctic  mai iére,  le  dernier  jour  de  l'an- 
née eft  toujouis  la  veille  du  jour  femblable  à  celui 
par  lequel  elle  a  commencé.  Ainfi  la  Prefcription 
d'un  an  commence,  par  exemple,  le  premier  jan- 
vier 1785 ,  Se  elle  eft  clofe  le  3  i  décembre  fuivanr. 
Nous  avons  rapporté  fous  le  mot  retrait  ligna- 
GER  des  arrêts  qui  l'ont  ainfi  jugé  ;  &  Maillard  , 
article  72  ,  nombre  156,  en  cite  un  autre  qui  a  été 
rendu  dans  la  coutume  d'Artois  le  22  décembre 
1710(1). 

§.  V.  Des  Prefcrîptîons  biennales. 

1°.  Dans  le  droit  romain  ,  l'aélion  réfcifoire  qui 
étoit  fondée  fur  le  dol  ,  fe  prefcrivoit  par  le  laps 
de  deux  ans.  C'eft  ce  que  nous  apprend  la  loi  der- 
nière, au  code  ,  de  dolo.  Mais  dans  nos  moeurs  ,  il 
faut  dix  années  pour  la  prefcrire.  Voyez  Res- 
cision. 

2°.  En  maMère  criminelle,  il  ne  faut  que  deux 
ans  pour  périmer  une  inftance  ,  c'eft  la  difpofition 
de  Ja  loi  3  ,  au  code  ,  ut  intrà  certuin  tempus ,  & 
de  l'article  21  du  chapitre  107  des  chartes  géné- 
rales du  Hainaut. 

3".  L'article  3  du  chapitre  117  de  ces  dernières 
lois,  prive  de  tout  recours  en  indemnité,  le  fer- 
mier qui  a  laifle  écouler  deux  ans  fans  avertir  fon 
maître  de  ce  qui  manque  dans  fon  exploitation, 
pour  compléter  l'étendue  &  la  quantité  que  lui  at- 
tribue le  bail. 

4°.  Vexception  d'argent  non  compté,  quand  elle 
peut  avoir  lieu  ,  fe  prefcrit  aflez  régulièrement  par 
le  même  terme.  Voyez  Exception. 

5°.  La  déclaration  du  roi  du  20  janvier  1699, 
porte  que  deux  ans  après  l'expiration  d'un  bail 
général  des  fermes  de  fa  majefté,  on  ne  pourra  être 
recevable  en  aucune  demande  contre  les  fer- 
miers ,  pour  prétendues  reftitutions  de  droits  , 
loyer  de  bureaux  Se  greniers  ,  appointemens  de 
commis  &  vacations  d'officiers. 

Cette  déclaration  a  été  enregiftrée  au  parlement 
de  Paris ,  le  23  avril  ,  à  la  cour  des  aides  de  Paris , 
le  5  février  ,  &  à  celle  de  Rouen  ,  le  8  mai  de  la 
même  année. 

Il  ne  fera  pas  inutile  de  rappeler  ici  les  déci- 
fions ,  arrêts  &  réglemens  qui  l'ont  confirmée  ou 
interprétée. 

Les  18  oâobre  &  13  décembre  1735  ,  décifions 
du  confeil  contre  le  fieur  Grimaudet,  qui  deman- 
doit  reftitution  de  droits  du  centième  denier,  in- 
duement  payés  à  Rofperden  ,  dans  le  cours  du  bail 
fini  le  3 1  décembre  1732. 

Le  13  avril  1737  ,  décifion  femblable  contre 
François  Thurot ,  qui  prétendoit  fe  faire  reftituer  . 

(i)  «  Cet  arréc,  dit  M.->i]lard  j  a  entériné  des  Jeitres  cie  ref- 
»  titution  fignitiees  le  dernier  jour  des  vingt-cinq  ans,  par 
a  une  attcfienne  ,  nie  le  iz  février  i  «80,  qui  n'avoit  fait 
>•  fignifier  fa  refcifion  que  le  21  février  170^  ».  L'auteur 
ajoute  que  le  contraire  avoir  été  jugé  au  fiège  cchevinal  de 
Saini-Omer  le  ij  dc'csmbrc  1705  ,  &:  au  confeiJ  provincial 
d'Attgis  le  6  juillet  1706. 


PRESCRIPTION. 

un  droit  de  centième  denier  mal-à-propos  perçu 
en  1731  pour  un  retrait. 

Le  i()fei)tembri  1738,  bail  de  Forceyille  qui  , 
par  l'article  555  de  ies  diipolîtions ,  réitère  celles 
de  la  dJcUiration  de  161^9. 

Le  18  oaobte  1779  '  ^^'^^^  ^"  confeil  qui  déclare 
les  rellgieufes  de  l'union  chrétienne  de  Mantes  , 
nonrecevables  dans  leur  demande  en  reftitmion 
d'un  droit  d'amortiiTemcnr  payé  en  1732  pour  une 
acquifitioo  déclarée  nuUe. 

Le  19  mars  1743  ,  autre  arrêt  qui  déclare  le 
fieur  Bourbon-Vidard  non-recevable  dans  fa  de- 
mande en  reftitution  d'un  droit  de  centième  de- 
nier payé  à  Poitiers  en  1732,  pour  une  fuccel- 
fion  ouverte  avant  l'établillement  du  droit ,  faute 
par  lui  d'avoir  formé  fa  demande  dans  les  deux  an- 
nées qui  ont  fulvi  le  bail  du  fermier ,  par  lequel 
les  deniers  avoient  été  touchés. 

Le  17  décembre  1743  ,  décifion  du  confeil,  in- 
firmative  d'une  ordonnance  du  fubdélégué  de  l'in- 
tendance de  Bretagne,  qui  condamnoit  le  fermier 
du  bad  fini  en  173^  ,  à  leftituer  un  droit  mal  perçu 
en  1737  ,lou5  prétexte  que  la  déclaration  de  1699 
n'étoit  pas  exécutée ,  &  que  d'ailleurs  ce  fermier, 
agilTant  alors  pour  le  recouvrement  des  reftes  de 
fon  bail ,  étoit  fufceptible  des  a(^ions  paflives  , 
comme  il  exerçoit  les  aflives. 

Le  26  mars  1746  ,  autre  décifion  qui  déboute 
la  veuve  du  fieur  Billeton  de  fa  demande  en  reAi- 
tution  d'un  droit  de  centième  denier  payé  en  173a, 
dans  la  généralité  d'Orléans  ,  pour  des  biens  fitués 
dans  celle  de  Bourges.  Elle  paroiflfoit  cependant 
bien  favorable  ,  puifqu'elle  croit  a(5tuellement  pour- 
fuivie  par  le  fermier  du  lieu  de  la  fituation.  Mais  par 
la  feule  raifon  qu'elle  ne  s'étoit  pas  pourvue  dans 
les  deux  ans  fixés  par  la  déclaration  de  1699,  elle 
ne  fut  pas  écoutée. 

Le  3  juin  1747,  arrêt  du  confeil  qui  réforme 
une  ordonnance  de  l'intendant  de  Metz,  obtenue 
par  le  fieur  Michel  ,  &  ordonne  le  rétabliflfement 
de  droits  de  contrôle  Si  d'infinuation  mal  perçus 
en  1736,  que  le  fermier  avoit  été  obligé  de  ren- 
dre en  vertu  de  cette  ordonnance  ,  quoique  la  de- 
mande en  reftitution  n'eût  été  formée  qu'après  les 
deux  ans. 

Le  premier  oélobre  1748  ,  autre  arrêt  infirraa- 
tif  d'une  ordonnance  de  l'intendant  de  Bretagne  , 
rendue  en  faveur  du  marquis  de  Crenan  ,  qui  pré- 
tendoit  fe  faire  reitituer  des  droits  mal  perçus  en 
1731  ,  &  dont  il  n'avoit  formé  la  demande  qu'a- 
près le  délai  fixé  par  la  déclaration  de   1699. 

Le  13  avril  1751  ,  arrêt  de  règlement  par  l'ar- 
ticle 12  duquel  fa  majefié  ,  interprétant  en  tant 
que  de  befoin,  la  déclaration  du  20  janvier  1699  , 
ordonne  que  la  reftitution  des  droits  d'amortifie- 
ments  &  de  franc-fiefs  induemcnt  perçus  pendant 
le  cours  des  baux ,  ne  pourra  être  demandée  que 
dans  les  deux  années  qui  fuivront  la  fin  de  ces 
baux;  &  qu'à  l'égard  de  ceux  qui  feront  payés 
après  Us  baux  finis ,  foit  que  la  demande  en  ait  été 


PRESCRIPTIONT.         j^t 

faite  avant ,  ou  feulement  dans  les  troi?  années  ac- 
cordées aux  fermiers  pour  former  leurs  deman- 
des ,  la  Prefcription  de  deux  années  commencera 
à  courir  du  jour  du  payement. 

Le  9  mai  17^2,  arrêt  du  confeil  qui,  en  caf- 
fant  un  arrêt  du  parlement  de  Pau ,  du  27  fep- 
tembre  1751  ,  déclare  le  fieur  Cayla  non-receva- 
ble dans  fa  demande  en  reftitution  des  quatorze 
fous  pour  livre  appartenans  aux  fermiers  des  do- 
maines dans  les  lods  &  ventes  par  lui  payés  le 
3  décembre  1742  ,  au  receveur  général  des  do- 
maines &  bois  ,  pour  une  acquifition  du  2  no- 
vembre précédent,  &i  cela  parce  qu'il  ne  s'étoit 
pas  pourvu  dans  le  délai  prefcrit  par  la  déclaration 
de  1699.  Le  même  arrêt  porte  que  quant  aux  fix 
fous  pour  livre  de  ces  lods  &  ventes,  îa  refiitu- 
tion  en  fera  faite  au  fieur  Cayla ,  par  los  officiers 
du  domaine  qui  les  ont  reçus.  —  Dans  le  fait,  la 
vente  avoit  été  annuUée  par  arrêt  du  parlement  de 
Pau  du  9  mars  1746  ;  le  fieur  Cayla  n'avoit  for- 
mé fa  demande  en  refiitution  contre  le  receveur 
général  que  le  19  décembre  17^0,  &  par  l'arrêt 
qui  étoit  intervenu,  celui-ci  avoit  été  condamné  à 
rcllituer  la  totali:é  des  lods.  Le  receveur  général 
s'eft  pourvu  en  caflation,  &  par  l'arrêt  cité ,  rendu 
contradidoireraent  avec  le  fieur  Cayla  ,  il  a  été 
jugé  que  la  répétition  de  la  part  du  fermier  dans 
les  lods  étoit  prefcrite,  mais  que  cette  Prefcrip- 
tion ne  pouvoir  pas  être  invoquée  par  les  officiers 
du  domaine  ,  parce  que  la  déclaration  de  1699  ne 
concerne  que  les  fermiers  du  roi. 

Le  5  feptembre  1754,  décifion  du  confeil  qui 
infirme  une  ordonnance  de  l'intendant  d'Amiens  , 
par  laquelle  il  étoit  enjoint  de  reftituer  une  par- 
tie des  droits  perçus  pour  le  contrat  de  mariage 
d'un  fieur  Dubois  ,  notaire  ,  quoique  la  demande 
en  eut  été  formée  après  les  deux  ans  déterminés 
par  la  déclaration  de  1699. 

Le  14  juin  1755  ,  autre  décifion  qui  ,  fur  le 
même  fondement  ,  réforme  une  ordonnance  de 
l'intendant  de  Rouen ,  obtenue  par  Pierre  George  , 
pour  la  reftitution  d'un  droit  d'amortiiTeraent  payé 
en  1741. 

Le  7  oflobre  1755  ,  arrêt  du  confeil  qui  jugé 
la  même  chofe  qwe  celui  du  9  mai  1752.  La  de- 
moifelle  Ferrand  &  l'abbé  Bouille  dcmandoient 
la  rcflitution  des  lods  qu'ils  aToient  payés  le  30  août 
1729,  pour  une  acquifition  déclarée  nulle  par  arrêt 
du  parlement  de  Paris  du  28  avril  1734.  L'arrêt 
du  confeil  rendu  contradiiloirement  avec  Yvon  , 
ancien  fermier  des  domaines  ,  &  le  receveur  gé- 
néral des  domaines  de  la  généralité  de  Paris  ,  dé- 
clare non-recevable  la  demande  en  reftiturion  des 
quatorze  fous  pour  livre  de  ces  droits  ,  faute  par 
la  demoifelle  Ferrand  8c  l'abbé  Bouille  de  s'être 
pourvus  contre  le  fermier  des  domaines  qui  les 
a  reçus,  dans  les  deux  ans  après  l'arrêt  du  parle- 
ment de  Paris  du  28  avril  1734  ;  &  il  ordonne 
que  les  officiers  du  domaine  reftitueront  les  (ix. 
fous  pour  livre'qu'ils  ont  touches. 


351  PRESCRIPTION. 

Le  30  décembre  1756  ,  détifion  du  confeil  qui  , 
fans  avoir  égard  à  une  ordonnance  de  l'intendant 
de  Lyon,  juge  que  le  fieur  Deshayes  eft  non-re- 
cevable  à  répéter  ce  qu'il  avoir  payé  de  trop  en 
1745  ,  pour  le  droit  de  contrôle  d'un  atermoie- 
ment, faute  de  s'être  pourvu  dans  les  deux  an- 
nées qui  ont  fuivi  le  bail  dans  le  cours  duquel  cette 
perception  avoit  été  faite. 

Le  23  août  1757?  arrêt  du  confeil  qui  ordonne 
la  reftitution  de  droits  de  lods  &  ventes  ,  ôt  de 
rachat  anciennement  payés ,  quoique  la  répétition 
n'en  ait  été  formée  qu'après  les  deux  années  fixées 
par  la  déclaration  de  1699. 

Cet  arrêt  fort ,  comme  l'on  voit,  de  la  thèfe  gé- 
nérale. En  voici  l'efpéce. 

Par  contrai  de  ijzo  ,  il  fut  vendu  en  Bretagne 
une  terre  dont  les  lods  furent  payés,  le  premier 
mars  172 1  ,  à  Pilavoine,  fermier  général,  ou  prête- 
nom  de  la  compagnie  des  Indes  ,  fur  la  fuppofuion 
que  cette  terre  étoit  mouvante  du  roi.  L'acquéreur 
étant  mort  en  1736  ,  le  droit  de  rachat  fut  payé  à 
Colombat,  fermier  des  domaines  de  Bretagne,  le 
ja  feptembre  de  la  même  année.  Dans  la  fuite  , 
le  fieur  de  Monty  réclama  la  mouvance  de  la  terre  , 
avec  les  droits  qui  en  dépcndoient  ;  elle  lui  fut  ad- 
jugée par  arrêt  du  parlement  de  Rennes  du  prc- 
jnierjuin  1756,  conîirmatifd'une  fentence  du  pré- 
iidlal  de  la  même  ville  du  31  feptembre  1751.  Les 
chofes  en  cet  état,  le  fieur  Lirot  de  la  Patouliére 
a  demandé  la  reflitution  des  lods  &  du  rachat  payés 
au  domaine.  On  lui  a  oppofé  la  fin  de  non-rece- 
voir  qu'on  croyoit  réfulter  de  la  déclaration   de 
1699  ,  mais  il  a  répondu  que  cette  loi  nepouvoit 
pas  s'appliquerau  cas  dont  il  s'agiObit.  Le  règlement 
de   1751  ,  a-t-il   dit,  prouve  déjà  qu'elle  ne  doit 
pas  toujours  être  entendue  à  la  lettre  ,  il  a  excepté 
ée  la  difpofjtion  ,  le  cas  ©ù  le  droit  a  été  payé  à  un 
fermier ,  après  l'expiration  de  fon  bail  ;  &  il  ne  fait 
alors  courir  la  Prefcription  que  du  jour  du  paye- 
jnent.  Mais  à  cette  exception  ,  il  faut  en  ajouter 
une  autre  pour  les  droits  qui  ,  ayant  été  légitime- 
ment payés  ,  deviennent   fujets  à  reftitution  par 
ranéantiffement  de  la  caufe  qui  les  avoit  produits. 
Jufqu'à  cet  anéantifiement ,  la  partie  n'eft  pas  plus 
fondée  à  demander  la  reflitution,  qu'elle  ne  î'au- 
roit  été  à  refufer  le  payement  du  droit  lorfqu'il  a 
été  acquitté  ;  5(  cemrae  la  Prefcription  ne  court 
pas  contre  celui  qui  n'a  point  d'a<îllon  ouverte  ,  il 
eft  clair  que  les  deux  années  ne  courent  dans  cette 
efpècc  que  du  jour  où  la  partie  a  pu  régulièrement 
former  fa  demande  en  reftitution. 

Sur  ces  raifons  ,  l'arrêt  cité  a  condamné  Pi!a- 
voine  &  Colombat  ,  à  reflituer  les  droits  qu'ils 
avoient  reçus. 

Ainfi,  on  doit  tenir  pour  confiant  que  la  refli- 
tution doit  être  ordonnée  ,  même  après  les  deux 
ans  du  bail  fini  ,  pourvu  que  la  demande  en  ait 
été  formée  dans  les  deux  ans  du  jour  que  la  partie 
g  pu   valablement  agir. 

6'',  L'article  15  du  chapitre  11  de  la  coutume 


PRESCRIPTION. 

de  Berry ,  établit  une  Pretcnption  femblable  à  celle 
donc  nous  venons  de  parler;  mais  ce  n'eil:  pas  en 
faveur  des  fermiers.  Il  porte  que  "  le  fermier  des 
5)  exploits  &  amendes,  après  la  ferme  finie,  eft 
H  tenu  dans  deux  ans  faire  pourfuite  &  diligence 

V  de    recouvrer  les  amendes  ,  défauts  &  autres 

V  droits  étant  de  fa  ferme  ;  &  n'efl  recevable  à 
»  en  faire  demande  après  lefdics  deux  ans  pafi'es  , 
n  fi  ce  n'efl  qu'il  y  eût  fommation  ou  promeffe 
'»  de  payer,  dans  lefdirs  deux  ans  ". 

7''.  Il  a  été  introduit  une  Prefcription  célèbre 
contre  les  procureurs ,  par  l'article  176  de  l'ordon- 
nance d'Abbeville. 

Suivant  cette  loi  ,  les  procureurs  n'ont  qiïe  deux 
ans  pour  faire  la  demande  de  leurs  falaires. 

Bouchel  (i)  rapporte  un  arrêt  du  9  février  161 3, 
qui  juge,  eu  coniequence  ,  «  que  les  procureurs 
j>  font  recevables  à  demander  leurs  frais  &  fa- 
»  laires  ,  deux  ans  après  ^qu'ils  ont  été  révoqués  , 
»  ou  qu'ils  ont  ceffé  d'occuper  pour  les  parties  ». 
L'arrêt  du  parlement  de  Paris  du  28  m.irs  1692, 
tranche  ,  relativement  à  cette  matière ,  quelques 
queftions  fur  Icfquelles  les  opinions  des  praticiens 
étoient  partagées.  En  voici  les  termes  : 

u  Les  procureurs  ne  pourront  demander  le  paye- 
}»  ment  de  leurs  frais  ,  falaires  &  vacations ,  deux 
))  ans  après  qu'ils  auront  été  révoqués ,  ou  que  les 
»  parties  feront  décédées  ,  encore  qu'ils  aient  con- 
11  tinué  d'occuper  pour  les  mêmes  parties ,  ou 
1»  pour  les  héritiers  en  d'autres  affaires  (2). 

j)  Les  procureurs  ne  pourront  ,  dans  les  af- 
)»  faires  non  jugées  ,  demander  leurs  frais  ,  falaires 
j>  6c  vacations  pour  les  procédures  faites  au-delà 
»  des  fix  années  (3)  précédentes  immédiatement , 
»  encore  qu'ils  aient  toujours  continué  d'occuper, 
»>  à  moins  qu'ils  ne  les  aient  fait  arrêter  ou  re- 
M  connoître  parleurs  parties,  &  ce,  avec  calcul 
t)  de  la  fomme  à  laquelle  ils  montent ,  lorfqu'ils 
»  excéderont  celle  de  2000  livres  (4)  ". 

Aw  refle  ,  on  conçoit  aifément  que  la  Prefcrip- 
tion établie  ou  confirmée  par  ces  divers  régle- 
mens,  eft  de  la  même  nature  que  celle  dont  nous 
avons  parlé  d-ins  le  dernier  n°.  du  §.  3  ;  auffi  n'^ft- 
elle  ,  comme  celle-ci,  qu'une  préfomption  de  paye- 
ment. C'eft  ce  que  déclare  bien  nettement  l'or- 
donnance de  François  I  ,  donnée  pour  la  Pro- 
vence en  1535  ,  titre  d(s  procureurs,  art.  31.  (5) 
■ ^ ...  I   .  ~ 

(  1)  BiUliotbèque  civile  ,  vtrh.  procureur. 

(l)  Le  parlemcni  de  NoriHandie  a  étendu  ces  difpofitions 
i  fon  rclTorr  par  un  arrà  de  rég'ement  du  15  ducerabre  170;, 
article  15- 

(5)  L'articic  14 du  règlement  du  parlement  de  Normandie 
du  i^  décembre  r7«3  ,  porte  cinq  anrf'es  ,  au  lieu  de  fix. 

(41  En  Normandie,  il  fuâsc  que  les  frais  excèdent  1000  liv.; 
pour  que  les  procureurs  foient  afTujetis  à  ces  formalitét. 
Voyez  rarticlc  24  du  règlement  cité  dans  la  note  précédente. 

(f)  ce  Item  ,  (  y  cft-il  dit  ),  pour  ce  que  fouvente  fois  ad- 
»  vient  qu'après  le  trépas  des  procureurs  ,  les  héritiers  de- 
jj  mandent  grands  relies  &  falaires  ,&  aufli  les  héritiers  de- 
)3  mandent  ce  quia  été  payé  fouvente  fois  auxdits  procureurs  : 
H  Ypulons  fie  ordonnopj  que  dorénaYanc  lefdiis  procureurs.... 

M, 


PRESCRIPTION. 

M.  de  Catellan  ,  livre  7,  chapitre  25  ,  fait  en- 
tendre que  ,  de  fun  temps  ,  on  n'oblervoit  pas  au 
parlement  de  Touloule  la  dilpofition  des  ordon- 
nances qui  limitent  a  deux  ans  l'action  des  pro- 
cureurs pour  leurs  falaires  ,  &  il  rapporte  un  arrêt 
rendu  à  la  grand'chambre  le  17  décembre  1694, 
par  lequel  il  a  été  jugé  ««  que  les  frais  &  droits 
î)  d'un  procureur  pouvoient  être  demandés  après 
>•  dix  ans,  quoiqu'il  y  eût  plus  de  dix  ans  qu'il 
>»  n'avoir  pas  occupé  pour  cette  partis,  ni  rien  tait 
«  pour  elle,  Se  qu'il  ne  lui  eût  rien  demandé  pen- 
3>  dant  la  vie  ,  mais  à  fes  héritiers  )». 

8^.  Dans  la  coutume  de  levêché  de  Metz,  ti- 
tre 16  ,  article  8  ,  ik  dans  celle  de  Marfal  ,  ar- 
ticle 84,  on  prefcrit ,  par  le  terme  de  deux  ans, 
toute  aiiion  en  payement  de  marchandiles  ven- 
dues en  détail. 

9".  L^  coutume  de  Saint-Mihiel,  qui  borne  à  un 
an  la  Prel'cription  de  ces  objets  en  exige  deux 
pour  celle  des  «  deniers  dus  pour  nourriture  &i. 
j>  inflrudion  l'enfans,  ouvrages  d'artifans  &  mer- 
3>  cenaircs  ,  loyers  &  fervices  de  Serviteurs  & 
«  chambrières  ,  étant  (brtis  du  fervice  de  leurs 
»  maîtres  ou  maîtrelTes  ». 

10"  Le  placard  de  l'empereur  Charloé-Quint 
du  4  ot^lobre  154O  ,  a  introduit  dans  les  Fays- 
Bat  une  Prescription  femblabie  ,  mais  plus  gé- 
nérale. 

L'article  16  de  cette  loi  porte,  «  que  tous  fa- 
»  laires  d'avocats,  procureurs,  fecretaires  ,  mé- 
j>  decins  ,  chirurgiens  ,  apothicaires,  clercs  ou  no- 
j>  taires  ,  ou  autres  labouriers  ,  loyers  de  fervi- 
3»  teurs  &  fervantes ,  enfemble  le  prix  des  mar- 
3>  chandifes  vendues  à  détail  ;  payement  des  écots 
3)  accrus,  fe  devront  demander  juridiquement  en 
3»  dedans  deux  ans ,  du  jour  du  fervice  ou  labeur 
33  fait,  marchandife  livrée  ou  écot  accru,  fans, 
3)  après  ledit  temps  ,  en  pouvoir  faire  pourluite 
3»  judiciaire,  n'eft  qu'il  n'y  ait  cédule  ou  lettre  obli- 
»  gatoire  ,  en  vertu  de  laquelle  l'on  pourra  pour- 
3*  fuivre  telle  dette  en  dedans  dix  ans  contre  les 
3)  principaux  obligés  ;  mais  s'ils  vont  de  vie  à  tré- 
3>  pis ,  l'on  fera  tenu  de  faire  ladite  pourfuite  ju- 
3>  diciaire  contre  les  héritiers  ,  en  dedans  auiïi  deux 
3)  ans  du  trépas  dudit  obligé,  à  compter  du  jour 
3)  que  le  créditeur  aiira  eu  connoiffance  du  trépas 
N  de  ("on  débiteur  ,  &  après  non  ;  mais  après 
3>  l'expiration  dudit  temps  ,  telles  dettes  feront  ré- 
3»  putées  duement  acquittées,  &  pour  icelles  n'y 
33  aura  aflion  ». 

Cette  dilpofition  a  été  la  fource  d'une  fdule  de 
procès,  Iwr  lefquels  font  intervenus  des  décifîons 
&.  des  arrêts  qui  ont  en6n  donné  une  certaine  con- 
fiftence  à  la  manière  de  l'interpréter. 

On  a  d'abord  demandé  de  quel  jour  devoit  cou- 
rir la  Prefcnption  contre  un  procureur  ,  lorfqu'un 


M  ne  foieni  reçus  à  faire  Jemande  ,  mcmement  de  paravant 
>•  un  an  ou  deux  au  plus ,  fans  grande  Se  évidence  caufe  ou 
M  p.t'fomption  ■'. 

Tome  XUI^ 


PRESCRIPTION. 


353 


procès  duroit  plufieurs  années.  Cette  quefiion  a 
été  décidée  par  une  déclaration  du  14  février  1549» 
portant,  «  que  l'article  ci-de(Tus  mentionné  ne  (e 
»  doit  entendre  à  Teiîet  que  de  prefcrire  les  fa- 
'»  laires  des  avocats  ,  procureurs  &  autres  prati- 
"  ciens,  quand  tels  praticiens  continuent  leurs  fer- 
«  vices  après  les  deux  ans,  à  compter  du  jour  de 
"  la  prononciation  de  la  fentence  définitive  de 
M  chacun  procès  ;  par  laquelle  fentence  un  tel  pro- 
»  ces,  auquel  tels  praticiens  auroient  fervi  leurs 
»  maîtres ,  feroit  en  principal  &  tous  fes  membres 
V  décidé  &  terminé  '>. 

Cette  déclaration  n'a  été  rendue  que  pour  le 
comté  de  Flandres  ;  mais  on  la  fuit  dans  tous  les 
tribunaux  des  Pays  Bas.  Le  confeil  de  Brabant, 
entr'autres  ,  s'y  efl  conformé  par  deux  arrêts  des 
19  juillet  1706 ,  &  premier  février  1709  ,  rapportés 
dans  le  recueil  du  comte  de  Winantz. 

Voici  une  efpèce  à  laquelle  on  a  tenté  inutile- 
ment d'adapter  cette  décidrn  Un  procureur  inrtruit 
une  caufe  jufqu'à  l'ordonnance  de  fournir  ,  c'efl-à- 
dire  ,  de  mettre  les  produ(5hons  au  greffe  ou  entre 
les  mains  du  rapporteur  ;  deux  ans  ie  pafTent  fans 
que  l'ordonnance  s'exécute  :  le  procureur  demande 
fes  falaires  ;  on  lui  oppofe  la  Prefcriprion.  Il  ré- 
pond que  ,  par  la  déclaration  de  i  549  ,  la  Prefcrip- 
tion  ne  court  pas  tant  qu'il  n'y  a  point  de  juge- 
ment dértnitif.  On  revient  à  la  charge  ,  &  l'on  dit 
que  cette  déclaration  ne  peut  s'entendre  que  du 
cas  où  le  procureur  a  mis  la  caufe  en  état  ,  parce 
que  c'eft  le  feul  où  l'on  ne  peut  Ini  imputer  aucune 
négligence.  Par  arrêt  rendu  en  1691  ,  le  parlement 
de  Flandres  <«  a  jugé,  dit  M.  Follet,  que  les  fa- 
»  laires  étoient  prefcrits  :  une  caufe  n'eft  point  en 
33  état  d'être  jugée  par  l'ordonnance  de  rapporter 
■I)  les  pièces  ,  il  faut  que  l'ordonnance  ait  été  exé- 
»  cutce  ,  ou  du  moins  que  1  une  des  parties  ayant 
»  rapporté  fes  pièces ,  elle  ait  fait  forclore  l'autre 
')  de  rapporter  les  fiennes  j». 

On  voit  par-là  que  fi  le  procureur  dont  il  s'agif- 
foit  dans  cette  caufe,  eiJt  eu  mis  la  caufe  en  état , 
les  deux  ans  écoulés  depuis  ce  foumiffument ,  ùm 
qu'il  fiJt  intervenu  un  jugement ,  n'auroient  pas  for- 
mé de  Prefcription  contre  lui  ;  c'eft  en  effet  ce  qui 
a  été  jugé  par  arrêt  du  13  juin  1714,  rapporté  par 
M.  Desjaunaux  ,  tom.  4  ,  arrêt  194. 

Maillart ,  fur  l'article  73  de  la  coutume  d'Artois , 
nombre  54,  rapporte  un  arrêt  du  parlement  de 
Paris  du  6  feptembre  1700 ,  qui  a  jugé,  fur  l'appel 
d'une  fentence  du  confeil  provincial  d'Arras ,  que 
d'après  le  placard  de  1549,  un  procureur  de  ce 
dernier  tribunal  devoit  être  «  payé  des  falaires  ac- 
»  quis  par  fon  prédéceffeur  ,  pour  avoir  occupé 
33  dans  une  affaire  jugée  au  confeil  d'Artois,  le  2a 
3)  mars  1687,  en  partie  définitivement  &  en  partie 
13  interloquée  ;  quoique  le  prédécefleur  ne  fût  dé- 
»  cédé  que  le  26  feptembre  1691  ■  &  que  la  de- 
w  mande  en  frais  &  falaires  n'eût  été  formée  que 
»  le  I  5  janvier  1694  ». 

L'ufage  a  étendu  k  déclaration  de  i'î49  au-delà 

Xy 


354  PRESCRIPTION. 

de  fes  termes.  Les  deux  ans  ,  fuivant  cette  loi ,  com- 
mencent à  courir  du  jour  du  jugement  dérinitif  ren- 
du dans  chaque  procèsi  ainfi  elle  n'excepte  de  la  dif- 
po'àtion  du  placard  de  1540,  que  les  falaires  des 
caufes  qui  ont  duré  plus  de  deux  ans;  &.  la  conti- 
nuation des  fervices  du  procureur  dans  d'autres 
aftaires  ,  ne  doit  pas  empêcher  que  la  Prefcription 
n'ait  lieu  pour  celles  qui  ont  été  jugées  définitive- 
jTient  depuis  plus  de  deux  ans.  u  Néanmoins,  dit 
j»  M.  PoUet ,  on  en  juge  autrement  à  l'égard  des 
i>  procureurs  de  la  cour  ;  comme  on  a  toujours 
w  tenu  l'opinion  contraire  dans  les  fiéges  du  bail- 
î>  liage  &.  de  la  ville  de  Tournai ,  &  qu'elle  a  mé- 
3>  me  été  fuivie  par  quelques  arrêts  ,  il  ne  feroit 
3)  point  équitable  de  taire  valoir  la  Prefcription 
■}}  contr'eux.  La  jiiri(prudencc  contraire  ayant  fait 
3)  leur  confiance  ,  on  ne  peut  leur  imputer  à  né- 
»»  gligence  de  n'avoir  pas  fait  de  pourluites  pour 
Il  leurs  falaires  dans  les  deux  ans.  Arrêt  rendu  au 
M  rapport  de  M.  Delvigne ,  le  24  lanvier  1695  » 
»j  après  avoir  pris  l'avis  des  autres  chambres  ". 
C'cll  encore  un  des  points  juges  par  l'arrêt  <\v.  19 
juin  1714,  cité  plus  haut.  Telle  efl  aufli  la  juril 
prudence  du  confeil  de  Brabant  ,  cojnme  l'attefic 
M.  de  Wuiantz. 

Mais  fi  le  procureur  n'avoir  été  employé  dans 
une  caufe  diHérente  de  celle  dont  il  demande  les 
falaires,  que  deux  ans  après  le  jugement  qui  auroit 
terminé  cette  dernière,  la  Prefcription  lui  feroit  va- 
lablement oppofée  ,  parce  qu'en  ce  cas  il  n'y  au- 
roit pas  continuité  de  fervices  ,  &  que  l'aélion  pour 
la  première  caufe  fe  feroit  trouvée  éteinte  au  mo- 
ment où  il  auroit  été  chargé  de  la  féconde.  C'efl 
ce  qui  a  été  jugé  par  deux  arrêts  du  confeil  de  Bra- 
bant ,  cité  par  M.  de  "Winantz. 

La  Prefcription  ceffe  lorfque  les  falaires  ont  été 
demandés  en  juftice  dans  les  deux  ans  ,  &.  elle  ne 
tenait  pas  par  une  difcontinuation  même  triennale 
des  pourfuites  du  procureur  ,  à  moins  que  la  de- 
mande ne  foit  périmée.  C'efl  ce  qui  a  été  décidé  par 
un  arrêt  du  parlement  de  Flandres  du  19  mars 
1695  ,  inféré  dans  le  recueil  de  M.  Desjaunaux. 

Le  même  magiftrat  rapporte  un  arrêt  du  7  fé- 
vrier 1709,  qui  jugedeux  qneAions  importantes.  La 
première  ,  de  favoir  fi  un  procureur  eft  recevable 
à  demander  fes  falaires  après  les  deux  ans,  lorf- 
{jU'il  prouve  que  fon  client  les  a  reçus  de  la  partie 
condamnée  ,  comme  faifant  partie  de  fa  déclara- 
tion de  dépens;  la  féconde,  fi  les  débourfés  des 
procureurs  font  fujets  à  la  Prefcription  établie  par 
le  placard  de  1 540  ,  fur-tout  lorfqu'ils  font  faits  par 
petites  fommes  à  la  fois.  La  cour  a  prononcé  la 
négative  fur  l'une  &  fur  l'autre.  Ce  dernier  point 
;ivoit  encore  été  jugé  de  même  en  169 1  ,  comme 
on  le  voit  dans  le  recueil  de  M.  Dubois  d'Herma- 
ville,  page  188. 

U  n'y  a  pas  lieu  à  la  Prefcription  lorfque  le  pro- 
cureur eft  débiteur  de  fon  client  d'une  fomme  égale 
au  montant  de  fes  falaires  ;  &  fi  les  créances  respec- 
tives font  inégales ,  la  Prefcription  n'éteint  l'aition 


PRESCRIPTION. 

j  des  falaires  que  juqu'à  concurrence  de  ce  en  quoi 
elle  excède  les  prétentions  du  client.  Le  confeil  de 
Brabant  l'a  ainfi  ju?é  par  arrêt  du  17  juin  1706  ,  rap- 
porté par  M.  de  Winantz.  La  raifon  en  eft  ,  que  la 
compenfation  fe  confidère  comme  un  payement 
réel ,  &  que  par  conféquent  le  procureur  eft  cenfé 
avoir  payé  fon  créancier  du  montant  des  falaires 
que  celui-ci  lui  devoir. 

Le  placard  de  15 40  décide  ,  comme  on  l'a  vu, 
qu'après  les  deux  ans  ,  les  dettes  dont  il  parle  ,  /<.- 
ronc  réputées  duiment  acquittées  ,  6*  que  pour  icelles 
ny  aura  a^ïon.  Si  l'on  s'attachoit  ftridement  à  ces 
termes,  le  débiteur  ne  feroit  pas  obligé  de  jurer 
qu'il  a  payé  ,  quand  même  le  créancier  lui  défere- 
roit  le  ferment  à  ce  fujet;  &  c'eft  cequia  étc  jugé  par 
un  arrêt  du  confeil  de  Brabant  ,  cité  par  M.  de 
Wnnantz  :  mais  cet  arrêt  n'a  pafTé  que  de  neuf  voix 
fur  dix-fept  ;  &  le  parlement  de  Flandres  a  toujours 
jugé  autrement.  L'ufage  de  cette  cour  ,  dit  M.  Pol- 
let  ,  a  modéré  la  rigueur  du  placard  :  «  la  partie  eft 
))  obligée  de  jurer  qu'elle  a  p^tyé  les  falaires,  fi  le 
»  procureur  le  requiert  ». 

Il  ne  faut  cependant  pas  que  la  partie  Jure  d'a- 
voir payé  en  telles  efpèces  &  entre  les  inains  de 
telle  perfonne.  Un  arrêt  du  9  février  1699,  rap- 
porté par  M.  Desjaunaux  ,  a  admis  l'offre  d'affirmer 
qu'on  croit  de  bonne  foi  avoir  payé  ,  fans  qu'oa 
foit  obligé  à  rien  de  pkis. 

Mais,  fuivant  un  autre  arrêt  du  7  février  1709  , 
rapporté  par  le  même  auteur  ,  «  il  ne  fufiit  pas 
1)  qu'une  partie  qui  fe  prévaut  du  placard  de  1 5  40  , 
11  offre  d'affjrmer  qu'elle  allègue  ce  placard  de 
n  bonne  foi  ;  il  faut  qu'elle  affirme  qu'elle  croit  de 
11  bonne  foi  avoir  payé  rée!lcraei-:t  &  effeélivement 
H  fon  procureur  ». 

Le  recueil  de  M.  le  premier  préfident  de  Blye 
nous  offre  ,  page  391  ,  une  délibération  du  parle- 
ment de  Flandres  du  21  novembre  1678,  par  la- 
quelle il  «  a  été  arrêté  ,  après  avoir  confuiié  les 
»  chambres,  que  le  placard  de  l'an  i  54O  , touchant 
'1  la  Prefcription  biennale  des  honoraires  davo- 
■»  cats ,  falaires  de  procureurs  ,  &  autres  y  dcnom- 
»  mes  ,  ne  doit  pas  comprendre  les  honoraires  dus 
»  aux  confeillers  de  la  cour  pour  vacations  en  leur 
»  qvvalité  ». 

On  a  vu  ci-devant  que  le  plr.card  excepte  de  la 
Prefcription  biennale  le  cas  où  le  débiteur  s'eften- 
g-Hgé,  par  une  reconnoiffance  écrite,  à  payer  les 
(alaires  des  vacations  qui  ont  été  faites  pour  lui, 
ou  le  prix  des  marchandifes  qui  lui  ont  été  vendues 
en  détail  ,  &  qu'alors  le  créancier  eft  obligé  de 
pourjuivre  f.i  dette  en  dedans  dix  ans  ;  &  fi  le  débi- 
teur vient  à  mourir  ,  en  dedans  deux  ans  du  trépas  , 
à  compter  du  jour  qu^il  en  aura  eu  connniffance. 

Il  y  a  quelque  difficulté  fur  ce  point  par  rapport 
au  Hainaut.  L'article  5  du  chapitre  107  des  chartres 
générales  de  cette  province  ,  porte,  comme  le  pla- 
card de  1 540,  que  les  «  falaires  des  avocats  ,  clercs  , 
»  médecins  ,  chirurgiens,  ferviteurs  &  fervantes  , 
»  &  les  dettes  ducs  pour  marchandifes  vendues  à 


PRESCRIPTION. 

f>  détail ,  fe  devront  demander  en  dedans  deux'  ans  » 
>»  iuivant  les  falaires  &  labeurs  faits,  ik  les  fervi- 
«  teurs  &  lervantes  parties  de  leurs  maîtres,  & 
«  que  les  marchandifes  auront  été  délivrées  ,  à 
>•  peine  d'en  être  exclus  lefdits  deux  ans  pailés  ». 
Mais  ce  même  article  ne  s'explique  pas  avec  la 
même  étendue  que  le  placard  ,  relativement  au  cas 
où  il  y  a  une  promeffe  par  écrit  :  «  ne  foit,  porte- 
«  t-il ,  qu'il  y  eût  obligation,  cédule  ,  reconnoiffance 
»  ou  iommatioii  judiciaire  faite  en  dedans  lefdits 
»  deux  ans  ».  Oii  voit  que  Ls  logiflareurs  du  Hai- 
naut  n'ont  pas  déterminé  fi  dans  le  cas  qu'ils  excep- 
tent par  ces  termes  ,  il  y  a  lieu  à  la  Prefcription  de 
dix  ans ,  ou  à  la  même  que  pour  les  autres  obliga- 
tions perfonnelles. 

Voici  ce  que  dir  M-  Pollet  fur  cette  omiffion  : 
«  Il  faut  fe  fouvenir  que  la  coutume  du  Hainaut  a 
«  été  homologuée  depuis  l'éditde  1 5 40  ;  8c  comme 
«  elle  s'cft  contentée  d'adopter  la  Prefcription  de 
5>  deux  ans ,  on  doit  tenir  qu'elle  a  laUfe  les  cas 
î'  exceptés  fous  la  difpofition  de  l'article  4,  où 
»  elle  a  fixé  le  temps  requis  pour  prefcrirs  les 
"  aâious  perfonnelles.  Il  a  été  ainfi  jugé  par  arrêt 
"  rendu  au  rapport  de  M.  Cordouan'le  8  juillet 
«   1699  ". 

Une  ieule  réflexion  détruit  le  raifonnement  de 
ce  m.igiftrac  II  eft  de  principe,  que  les  lois  po^é 
rieures  ne  dérogent  aux  lois  antérieures  que  dans 
les  cas  où  elles  leur  f)nt  abfolument  contrairv.s; 
car  le  fjlence  de  celk^s-là  ne  peut  jamais  pafîer  pour 
une  abrogation  de  celles  ci  ,  &  on  doit  toujours 
adapter  aux  unes  toutes  les  difpûfition>  des  aut;es 
qui  fe  rapportent  à  des  cas  qu'elles  n'ont  ni  d;!cidés 
ni  prévus.  C'eft  ce  qu'explique  très-bien  Uomatdans 
fon  traité  des  lois  civdes,  &  c'eA  ce  qu'un  texte  in- 
finiment funple  décide  trés-clairement  :  t'o(îcrfores 
leges  (  dit  la  loi  28  ,  au  digefte  dt  l. gibus  )  ai  prio- 
res pertinent  ,nifi  contrjrix  Tint  u.  Les  lois  poftéiieu- 
ï>  res  fe  réfèrent  toujoi^rs  aux  lois  antérie  sres,  & 
ï>  s'inrerprérenr  par  elles  ,  à  moins  qu'elles  ne 
v  leur  (oient   contrpjres  ». 

Or,  l'article  5  du  chipitre  107  des  Chartres  du 
Hainaut ,  ne  déroge  point  exprefl^^ient  c;  a  difpo- 
fition du  placard  de  1540,  qui  foumetà  la  Pref- 
cription de  dix  ans  toute  obligation  par  écrit  eau- 
fée  pour  falaires  de  procureurs  ,  de  praticiens  , 
«i'ouvriers  ,  ou  pour  marchandifes  vendues  en  dé 
tail  :  on  ne  doit  donc  pas  regarder  cette  difpofition 
comme  abrogée  en  Hain.iut ,  8c  il  faut  nu  contraire 
conclure  de  là  qu'elle  y  fubfifte  dans  toute  fa 
force. 

Cette  conféquence  paroît  d';!Utant  plus  certaine  , 
que  l'article  11  du  chnpiire  6"'  des  Chartres  du  Hai- 
naut ordonne ,  au  fujet  des  avocars-procureurs  du 
confeil  fouverain  de  Mons,  qu'ils  "  devront  de- 
»  mander  judiciairement  l-urs  falaires  en  dedans 
j>  deu)i  ?ns  des  procès  finis  8c  terminés  par  fen- 
»  tence  du  juge,  ou  appointement  des  parties,  qui 
«  leur  feront  à  infinner,  fans  qu'après  ledit  temps 
»7  ils  puiffent  inHituer  pour  ce  regard  aucunes  ac- 


PRESCRIPTION.  3î5 

j  f)  tions  ;  ains  fe  tiendront  iceux  falaires  avoir  e;é 
'  »  payés,  ne  fût  que  leur  en  eût  été  pafié  pro- 
»  nieife  ,  cédule ,  ou  autre  reconnoilfance  par  écrit , 
»  auquel  cas  s'obfervera  l'ordonnance  de  l'an  1540, 
»  de  les  demander  en  dedans  dix  ans  contre  les 
»  obligés,  8c  après  leur  trépas  contre  les  héritiers 
v  en  dedans  deux  ans  dudit  trépas ,  fans  pouvoir 
»   par  après  y  être  reçus  ». 

11  n'en  faut  pas  davantage  fans  doute  pour  faire 
voir  ,  ou  que  M.  Pollet  a  manqué  à  fon  cxa6litude 
ordinaire,  en  rapportant  l'arrêt  dont  il  appuie  fou 
opinion,  ou  que  cet  arrêt  a  évidemment  mal  jugé. 

Nous  ne  dilfimulerons  pas  cependant  que  le  con- 
feil fouverain  de  Mons  par*ît  s'être  fait  une  jurif- 
prudence  confiante  de  rejeter,  par  rapport  à  fes 
avocats-procureurs  ,  toute  autre  Prefcription  que 
celle  quieftiîxée  en  génital  pour  les  actions  perfon- 
nelles. A  la  cour  de  Mons  (  dit  M.  K.  l'un  des  plus 
favans  magif-rats  de  ce  tribunal ,  dans  un  commen- 
taire manufcrit  qui  nous  a  é  é  communiqué  ),  «  à  la 
»  cour  de  Mons,  on  tient  les  falaires  d'avo-rats  feu- 
»  lement  prefcriptibies  par  le  terme  de  douze  ans 
»  qu;ind  ils  ne  font  point  taxés  ,  8c  de  vingt  un  ans 
»  quand  Us  le  font  ;>.  C'efl  en  effet  ce  qui  a  été  jugé 
dans  cette  cour  par  deux  arrêts  du  3  06!  >bre  1685, 
I  entre  M^  Dubray  &c  Jacques-Antoine  Duquefnes  , 
8c  du  2  <;  juin  1 704  ,  entre  les  exécuteurs  tefîament.  ?• 
res  de  M"^  HoUain  ,  8c  le  nommé  ^ikot.  Le  confeil 
ordinaire  d"  Hainaut  avoit  décidé  la  même  chofe 
pir  lentciicedu  3  oélobre  1695  ,  en  faveur  des  héri- 
tiers dî  M'  Brabanr. 

Ce  n'efl  pas  le  feul  point  dans  lequel  la  jurif- 
prudence  du  Hainaut  s'écarte  du  placard  de  1 540. 
Dans  le  commentaire  manufcrit  de  M.  K. ,  que 
nous  avons  déjà  cité,  il  efl  dit  que  les  gages  des 
domeîliques  ne  fe  prefcrivent  que  par  douze  ans  ; 
6c  la  rai  on  qu'on  en  donne  eft  que  ce  font  des 
■^etCis  u  connoî're,  c'cfl-à-dire ,  des  dettes  pour  lef- 
quelles  il  n'exifte  point  d'a<ftes  ,  8c  dont  nous  par- 
lerons ci-après  ,  §.  XIV. 

Cette  iurifprudence  eA  d'autant  plus  fingulière 
que  la  province  de  Hainaut  a  des  lois  qui  fixent 
même  à  un  terme  plus  court  que  le  placard  de 
1540  ,  la  Prefcription  des  gages  de  dome/liques. 
L'article  2  de  l'ordonnance  delà  cour  de  Mons  de 
14S8,  porte  que  les  domeftiques  ne  peuvent  plus 
demander  leurs  falaires  après  un  an. 

Nous  avons  remarqué  plus  haut  ,  §.  3  ,  qu'il  y 
avoit  des  doutes,  dans  l'intérieur  du  royaume,  fur 
la  queftion  de  favoir  fi  la  penfion  efl  fiijette  à  la 
Prefcription  d'un  an.  Il  n'y  a  pas  moins  de  diiHculté 
dans  les  Pays-Bas  ,  relativement  à  l'effet  que  otut 
produire  à  cet  égard  la  Prefcription  biennale  éta- 
blie par  le  placard  de  1540. 

Maillard,  fur  la  coutume  d'Artois ,  article  73, 
nombre  61  ,  femble  fuppofer  que  la  penfion  eft 
fou  nife  à  cette  Prefcription,  puifqu'il  dit  que  par 
un  arrêt  rendu  h  la  grand'chambre  du  parlement  de 
Paris  le  3  i  mai  1702  ,  il  a  été  décidé  u  que  les  deux 
»  années  ne  dévoient  commencer  que  du  dernier 

Yyij 


.^^  PRESCRIPTION. 

V  jour  de  la  penfion  fournie  à  un  particulier  ,  à 
»)  fa  femme  ou  à  fa  fille  ;  Se  que  pour  conflater  cette 
«  fourniture  ,  le  livre  journal  d'un  cabaretier  fai- 
3>  foit  foi  ». 

Mais  le  parlement  de  Flandres  a  ,)ufqii'à  préfent, 
jugé  le  contraire.  M.  Pollet  ,  partie  3  ,  §.  8i  ,  en  rap- 
porte un  arrêt  du  7  oilobre  1702  ,  qui  décide  que 
<c  la  penfion  pour  table  n'efl  pas  fujette  à  la  Pref- 
«  cription  de  deux  ans  ». 

C'ert  ce  que  vient  encore  de  juger  un  arrêt  du 
14  février  1784.  L'efpéce  en  efl  fimple.  Le  fieur 
Piette ,  fermier  à  Villerspol  ,  met  fon  fils  en  pen- 
fion chez  un  fieur  Bureau  ,  maître  d'école  à  Valen- 
ciennes.  Quelque-temps  après  ,  voulant  pafler  en 
fécondes  noces,  il  l'émancipé,  &  paye  tous  fes 
frais  de  nourriture  &£.  d'inftruftion  jufqu'à  ce  jour. 
Dans  cet  tiiat  .  te  fieur  Piette  fils  continue  de  de- 
meurer chez  le  fieur  Bureau  ,  en  qualité  de  penfion- 
naire  ,  8c  enfin  il  fe  ma-'ie.  Trois  ans  fepafl"ent  fms 
qu'on  l'inquiète  pour  le  payement  de  plufieurs  an- 
nées de  penfion  qu'il  doit.  11  meurt  au  bout  de  ce 
temps.  Sa  veuve  accepte  la  comriiunaute  Le  fieur 
Bureau  la  fait  affigner  en  condamnation  de  ce  qui 
lui  eft  dîi.  Elle  oppofe  ta  Prefcriptirn  biennale,  & 
cependant  met  en  caufc  le  fieur  Piette  père,  comme 
tenu,  fiiivant  elle ,  des  alimens  fournis  à  fon  fils 
avant  te  mariage  de  celui-ci.  Le  fieur  BurenulaifTe 
le  beau  père  îx  la  bru  difputer  entr'eux  à  qui  le 
payera  ,  &  il  fe  borne  à  foutenir ,  en  citant  l'arrêt 
rapporté  par  M.  Pollet  ,  que  la  penfion  pour  table 
nefi  pasjujetteau  placard  de  15 40 

Là-deffus  ,  fentence  des  prévôt  ,  jurés  Se  éche 
vins  de  Valenc'ennes  ,  qui  condamne  la  veuve  du 
fiewr  Piene  filr    &  décharge  le  fieur  Piette  père  ,  de 
la  demande  en  garantie  qu'elle  avoir  formée  con- 
tre lui. 

A')pel.  L'arrêt  cité  ,  rendu  à  la  première  cham- 
bre ,  au  rapport  de  M.  de  Francqueville  ,  a  con- 
firmé la  fentence  avec  amende  &  dépens. 

§.  VL  Des  Prefcriptions  de  trois  ans. 

i".  Régulièrement  les  inftances  civiles  fe  péri- 
ment par  une  celfation  abfoliie  de  pourfuites  pen- 
dant trois  ans.  Voyez  Péremption. 

2".  Le  payement  des  tailles  ,  des  impofitions  , 
des  arrérages  de  rentes  pendant  trois  années  con- 
fécutives  ,  établit  une  efpèce  de  Prefcription  contre 
la  demande  qui  pourroit  être  faite  pour  les  années 
précédentes.  Voyez  Quittance. 

On  juge  même  au  parlement  de  Grenoble  que 
les  arrérages  de  la  taille  royale  fe  prefcrivent,  dans 
le  vrai  fens  de  ce  terme  ,  par  le  laps  de  trois  ans  ; 
&  c'eft  en  quoi  ils  diflîerent  des  arrérages  de  la 
taille  né^ociale  ,  qui  ne  font  fujets  qu'à  la  Prefcrip- 
tion de  trente  ans.  Mais  fi  les  deux  tailles  étoient 
portées  dans  le  même  rôle,  la  Prefcription  de  trois 
ans  ce.Teroit ,  mè  ne  pour  la  taille  royale  ,  qui,  dans 
ce  cas,  participant  au  privilège  de  la  taille  négo- 
ciale,  ne  feroit ,  comme  celle  ci ,  prefcriptible  que 


PRESCRIPTION. 

par  trente  années.  C'eft  ce  qu'a  jugé  un  arrêt  du 
14  août  1670,  rendu  de  l'avis  des  chambres  ,  & 
rapporté  par  Chorier,  page  T13. 

3".  Le  terme  de  trois  ans  éteint  la  faculté  que  le 
droit  romain  accorde  àVhérit;er  (ien  de  répudier  la 
fuccefilon  de  (on  père  ,  aprè-i  l'avoir  acceptée  , 
même  en  majorité.  Voyez  HÉRITIER. 

4".  La  pofixfîion  triennale  efl  d'une  grande  ref- 
fource  &  d'un  ufage  très-fréquent  dans  les  bénéfi- 
ces. Voyez  ci-après ,  feélion  3  ,  &  l'article  Posses- 
sion. 

5".  La  coutume  deCambrefis,  ti're  17,  article  7, 
exige  trois  années  pour  la  Prefcription  ,  qui ,  dans 
les  autres  provinces  des  Pays-Bas ,  efi;  fixée  à  deux 
ans  par  le  placard  de  Charles-Quint  du  4  oflobre 
1^40,  rapporté  dans  le  §  précèdent  (i).  Et  0!«  ne 
peut  pas  dire  qu'il  y  foit  dérogé  parce  placard, 
puifque,  d'un  côté,  les  lois  de  l'empereur  Charles- 
Quint  n'ont  jamais  été  pi:b!'ccs  dans  le  Cambrefis  ; 
&  que  de  l'autre,  il  s'eil  écoulé  plus  de  trente  ans 
entre  l'émanation  du  placard  &  l'homologation  de 
la  coutume  .  d'où  il  fuit  que  ,  s'ilpnuvoit  être  quef- 
tion  en  ceci  de  dérogation,  ce  feroit  la  coutume 
qui  dérogeroit  au  placard  ,  par  la  règle,  po\l^rions 
leg'S  pot  ores  Junt  his  qitz  priores  funt  (2). 

6".  La  même  Prefcription  a  lieu  ,  dans  tous  les 
endroits  du  royaume  où  il  n'y  a  pas  de  lui  contraire 
ou  différente  ,  pour  les  gages  &  (ala:res  des  domef- 
tiques.  L  article  67  de  l'édit  du  inois  de  juin  15 10 
l'a  introdui  e,  &  rurae;e  t'a  confirmée. 

La  coutume  de  l'évéché  de  Metz  ,  titre  16  ,  arti- 
cle 9  .  dit  que  cette  Prefcription  ne  court  contre 
les  fetv'nevrs  àf  Cervantes  ,  qu'après  qu'ils  font  joriii 
du  fervice  de  leurs  rn.iitres. 

7".  Cette  coutume  comprend  auffi  dans  cette 
Prefcription  a  les  deniers  dus  pour  nourriture  & 
n  inftruilion  d'enfans  ,  &  apprentlflage  de  métiers». 

L'article  85  delà  coutume  de  Marfal  eft  ,  fur  ce 
point  comme  fur  le  précédent ,  conforme  à  celle 
de  t'évêché  de  Metz. 

8".  Suivant  le  droit  romain  ,  la  propriété  des 
meubles  corporels  fe  prefcrit  par  trois  ans  (3)  , 
même  contre  l'églifc  (4)  ,  pourvu  que  le  poffeifeur 
air  titre  &  bonne  foi. 

Cette  Prefcription  ,  s'il  faut  en  croire  Dunod  , 
e(l  communément  reçue  dans  le  royaume.  Mais  c'eft 
une  erreur. 


(ijiZet  .liticlt-  e!l  a'nlî  conçu  :  ce  MirchanJs  vendant  den- 
o  lées  à  détail ,  n  éJecir.s,  avocats  ,  procu  eu  s  ,  barbiers ,  or» 
ij  fcvres ,  apothicaiics  ,  maçons,  cl.aïji'er.tters ,  mai  ouvriers  , 
o  fervite  ..rs  ,  mel  hines  Si  autres  ii;ercenaire^  ,  ne  peuvent 
>3  faire  aaion  d;  îeiirs  d.nrtes  ,  icrvi  es  ^  talaires  ,  aprèt 
n  trois  ans ,  s'il  n  y  a  cédule  ,  leconnoiffJni-L  eu  ob'ig'tioH  , 
)j  que  le  n'cmanJeur  (e  viuiUe  a  lepJre  à  ferment  q^.  '  fcn- 
«  deur  :  auquel  cas ,  leJft  dfi  nieur  r.ra  tenu  foi  pu  ger  pat 
»   ferment  ■'. 

,1-)  loi  dernière  ,  D.  lU  -enfli-   ■'c^"'<'.vs  vfiînch'urrr. 

(}■)  Voyez  la  loi  unique,  C.  Je  ufuciv'wne  rri-ih  formaniâ  ^ 
&  le  paragraphe  jur<  •  in'i      •■  .\  /,,    ituie*  ,  à'  ufiic :p]onilus, 

(4  ■  Voyez  l'auihentique  quas  aàionm  ,  C  de  facrcfanglit 
tcclefiis. 


PRESCRIPTION. 

Nous  convenons  qu'elle  a  lieu  dans  la  coutume 
du  comté  de  Bouigogne,&  cela  parce  que  l'ar- 
ticle 1  du  litre  det  Picfcriptions ,  déclare  que  "  l'u- 
w  fucapiou  de  chofe  meuble  demeure  félon  l'or- 
M  doiinance  &  dKpofition  du  droit  écrit  >♦. 

Il  paroît  qu'elle  eftauffi  admlfe  dans  le  reffort  du 
parlement  de  Dijon  ;  c'eit  du  moins  l'avis  de  Ra- 
viot ,  qucftion  345  ,  nombre  35. 

Elle  l'cd  eg  ilement  en  Provence  (i). 
Il  y  a  même  plu  eurs  coutumes  qui  l'adoptent 
en  termes  exprès.  1  elles  font  Melun  ,  article  148  ; 
Amiens  ,  article  163  ;  Aiijou,  article  444  ;  Maine, 
article  434  \  Sedan  ,  3rt  cie  324;  Franc  de  Bruges  , 
article  18^;  Ecl<'0,  titre  8  ,  aiticle  2  ;  Bouchante, 
titre  15  ,  arfcie  3  ;  Rouffelare,  titre  17,  article  2  ; 
Gand  ,  rub>i  -ue  19  ,  article  2  ;  Courtrai ,  rubrique 
1 1  ,  a-t.clc  4  ;  XT^'aës  ,  rubrique  1 1  ,  article  3  ;  Lu- 
xcmb.^u.g  ù  TmonviJ  e,  titre  15  , article  2;Cler- 
mont    cliapiric  14     article  8. 

Mas  <\  y  a  en  revanche  bien  des  provinces  où 
elle  n'eft  p^s  en  ufage, 

La  cou'mre  d«.  Be-ry  ,  titre  des  Prefcnptïons  , 
articles  i  &  10,  &.  celie  d'Audemarde,  rubrique 
15  ,  article  2,  la  rejettent  formellement,  &  n'ad- 
mettent 'ue  la  Prefcription  trentenaire. 

Elle  cfl  également  profcrite  parles  coutumes  de 
Bretpgne  &  du  chef  lieu  de  Valenciennes.  Voyez 
ci  api  es,  §.  VI. I  &  XIII. 

On  ne  la  connoit  pas  non  plus  dans  le  reflbrt  du 
parlement  de  Touloufe.  Il  y  faut ,  dit  Serres  dans 
ies  institutions  au  droit  françois  ,  livre  2  ,  titre  6  ", 
■«<  il  y  faut  le  même  tem_js  pour  la  Prefcription  des 
»  m-  ubles  que  pour  la  Prefcription  des  immeu- 
»»  b!es  'j.  On  tiouve  la  même  affertion  dans  les  dé- 
cifio   s  de  Fromental .  article  Prc/crip  ion. 

C'efl  auffi  la  jurifprudence  du  parlement  de 
Bordeaux  ,  fuivant  le  témoignage  de  la  Peyrere  & 
de  (on  annotateur ,  lettre  P  ,  nombre  98. 

Enfin  ,  tel  eft  le  droit  cotnmun  des  pays  coutu- 
miers.  C'efl  ce  qu'attellent  Imbert  ,  dans  ion  enchi- 
ridion  ,  article  ujitcapion  ,8c  dans  fcs  inflitutes  fo- 
rcnj(s  ,  livre  i,  chapitre  35  ,  nombres  7  &  8.  M, 
Boyer  (Boerius),  d>lcifion  i82  ,  nombre  12:  Bu- 

fnion  ,  des  loiî  abrogées,  livre  i,  chapitre  104  ; 
ontanon  ,  fur  Mifuer  ,  titre  des  Prelcripiions  , 
nombre  10;  Ranchin  fur  le  chapitre  Riyntiu  , 
aux  mots  qnod  obilab.it,  nombre  'i2;&  pour  les 
Pays-Bas,  Zypœus ,  notiru  tw  s  belç^ici ,  inre  de 
Prxiaipnoinbus  ;  Pjul  Chriflin  ,  fur  la  coutume  de 
Mi-liiies ,  t;t  20  ,  ari.  1  ;  F;-anç  lis  Lihert-Oiriftin  , 
da-s  ion  comfiîtnratre  fur  Bugnion  ,  à  l'endroit  qui 
vient  d'être  cité. 

Et  ■  il  c^  qu'a  iugé  un  arrêt  de  la  grand'cham- 
bre  d>!  parlement  de  Paris  du  11  juillet  1738.  Voici 
le  fait. 


(l)  •  a  ,  u'ce  des  lettres  pa'entc  ^e  François  I'''  Au  i.j 
mai  1,17  ijuicoaiirii'.ent  une  otdonnanre  des  co.i  minai  .-i 
des  vt.f  d<i  i-r(iv:ncc  ,  pott.inr  c^ue  /  ..ccfpr>'o/2  d'  Fr  fc-^r  on 
fi-fli<vj  b'  poui  f.i...  nir,'}wCiieiife'on  laformt  b"  di.yoJitLn 
iv  droi;  àrit ,  je/on  /ejiiW  Itdit  pr.ys  ejl  régi  (s-  ^çuvtrné. 


PRESCRIPTION.  357 

En  1718  ,  le  fieur  de  Montargis  s'eft  rendu  ad- 
judicataire de  la  terre  du  Bouchet  qui  étoit  faific 
réellement  fur  le  fieur  Bofc.  Il  y  avoit  dans  le 
château  de  cette  terre  ,  une  galerie  où  étoient 
douze  bulfes  repréfentant  les  douze  empereurs  Ro- 
mains :  ils  n'étoient  point  incorporés  ni  attachés 
au  mur ,  m?.is  on  les  avoit  placés  fur  des  piédeftaux 
fcellés  a  chaux  &  à  ciment  fur  le  plancher. 

En  1736  ,  la  veuve  du  fieur  Bofc  a  prétendu  que 
ces  bufles  ne  faifoient  point  partie  de  la  terre  du 
Bouchet ,  &  les  a  fait  failir  comme  meubles  ,  en 
vertu  des  créances  qu'elle  avoit  fur  la  fucceifiou 
de  fon   mari. 

Sentence  des  requêtes  du  palais  du  5  avril  1737, 
qui  confirme  cette  iaifie  ,  bi.  ordonne  la  vente  des 
itatiies  ,  pour,  les  deniers  en  être  appliqués  au 
payement  des  créances  de  la  dame  Bufc. 

Appel  par  le  f/eur  de  Montargis.  II  foutenoit 
qu'en  fuppofant  ces  flatues  de  vrais  meubles,  ce 
qu'd  moit  fortement ,  il  fe  trouveroit  a  l'abri  de  la 
demande  de  la  dame  Bofc  ,  par  une  Prefcription 
fix  lois  réitérée,  puifqu'il  ne  faut,  difoit-il,  que 
trois  ans,  parmi  nous  comine  chez  les  Pv-omaiiis  , 
pour  prefcrire  des  effets  mobiliers.  C'eft,  ajoutoit- 
il  ,  une  maxime  qui  eft  at;eftée  par  Brodeau  fur 
la  coutume  de  Paris,  article  118,  nombre  2  ,  6c 
par  Dupleflîs  ,  traité  de  la  Prefcription  ,  livre  pre- 
mier, chapitre  i. 

La  dame  Bofc  répondoit  d'abord  que  les  flntues 
étoient  de  véritables  meubles,  &  elle  le  prouvoit  par 
la  loi  245  ,  D.  de  verborum  fi2;nificjtLone.  Elle  ob- 
fervoit  en'iuite  (  ce  font  les  termes  de  RoulTeau 
(le  la  Coinbe  ,  page  2^5  de  fon  recueil  d'arrêts  ), 
n  qu'en  France  on  ne  fuit  point  le  droit  Ro- 
"  main  ,  pour  la  Prefcription  des  meubles  par  trois 
)i  ans.  Dans  les  coutumes  muettes  (  continuoit- 
»  elle),  c'eft-à  dire  ,  dans  celles  qui  ne  parlent 
»>  point  de  la  Prefcription  de  meubles  ,  comme  la 
»  coutume  de  Paris,  les  meubles  ne  fe  prefcrivent 
u  que  par  trente  ans  ». 

Sur  ces  moyens  ,  par  un  premier  arrêt  du  ç 
■;uillet  1737  ,  il  a  été  ordonné  qu'il  en  feroic 
délibéré. 

Et  par  l'arrêt  définitif  du  11  juillet  1738,  rendu 
Air  ce  délibéré,  la  fentence  qui  avoit  rejeté  la 
Prefcription  ,  a  été  confirmée. 

9°.  11  a  été  rendu  pour  les  Pays-Bas  d'anciens 
édits  ou  placards,  qui  feumetient  à  la  Prefcription 
de  trois  ans  ,  les  arrérages  de  rentes  conflituêes. 
Voyez  l'addition  a  l'article  Rente. 

Les  aiticles  17  &  30  du  tùre  14  de  la  coutume 
de  Gorze  .  conti.nnent  la  même  difpofition  pour 
les  cir'-^rq^es  de  toutes  fortes  de  rentes  ik  prefta- 
tions  réelles  ou  perfonnelles. 

L:i  coutume  de  Marfal  ,  article  83  ,  &  celle  de 
l'évêché  de  Metz ,  tii.  1 6  ,  art.  7  ,  portent  anfli  que 
les  ar-'érages  de  cens  fe  prefcrivent  par  trois  ans. 

C'efï  également  la  dccifion  de  la  coutume  de 
Sole,  titre   28  ,   article  4. 

On  rapportera  ci-après,  fe^lion  lU    §.  I    dif- 


35» 


PRESCRIPTION. 


tiui51Ion  XI,  H'aiitres  difpofitions  femblables.  • 

io'\  il  y  a  un  règlement  du  parlement  de  Rouen, 
par  lequel  les  enchériïî'eurs  ,  après  trois  ans  ,  ne 
peuvent  être  pouriuivis  ,  en  vertu  des  inventaires 
&.  ventes  de  meubles,  à  moins  qu'il  n'y  ait  de  leur 
part  cédule  ou  olîligation  ;  &  par  deux  arrêts  des 
31  janvier  1660  &  21  mars  1662,  inférés  dans  le 
commentaire  de  Balnage  ,  article  534,  il  a  été 
>»  jugé  que  cela  nedevoitpas  s'entendre  de  la  fi- 
»  gnature  des  enchériiTeurs  fur  le  regiflre  du  fer- 
«  gent ,  mais  de  cédules  &  obligations  faites  fé- 
5>  parement  après  la  vente  ».  C'elt  ce  que  portent 
auffi  les  placités  de   1666  ,  art.  123. 

1 1°.  Par  un  arrêt  de  règlement  du  21  novembre 
1565  ,  rapporté  dans  le  recueil  de  le  Veft,  cha- 
pitre 226  ,  les  confeillers  au  parlement  ,  leurs 
veuves  &  leurs  héritiers  demeurent  déchargés  des 
procès  après  trois  ans  (i). 

Brodeau,  fur  I.ouet,  lettre  S,  §.21,  dit  que 
>»  le  même  a  été  jugé  par  airêts  au  profit  des  veu- 
»  ves  &c  héritiers  des  fcrgens  ,  &  luiilficrs  de  la 
«  cour  ,  chargés  de  procès  jugés  ou  indécis  ». 

L'article  102  de  la  coutume  de  Bretagne,  dé- 
cide la  même  chofe  par  rapport  aux  Procureurs. 

On  a  demandé  fi  cet  article  pouvoit  être  étendu 
aux  fergens  &  huiflîers.^  Un  arrêt  du  parlement 
jdc  Rennes  du  23  mars  1689  ,  rapporté  dans  le 
commentaire  de  Poulain  du  Parcq,  tome  i  ,  page 
380  ,  a  jugé  que  l'aétion  contre  un  fergent ,  pour 
lui  faire  r>.préfenter  des  pièces  dont  il  a  donné  ré- 
cépifle,  «  dure  trente  ans ,  ou  du  moins  fi  elle  ne 
«  dure  que  trois  ans  ,  à  l'exemple  de  ce  qui  eA 
«  ftatué  dans  cet  article  ,  à  l'égard  des  procureurs  , 
ï>  les  trois  ans  ne  commencent  à  courir  vue  du 
«  jour  du  décès  du  fergent,  ou  qu'il  s'efl  démis 
j)  de  fa  charge  ». 

Il  n'y  a  pas  autant  de  doute  relativement  aux 
greffiers.  Par  un  arrêt  dérèglement  du  28  février 
i6oa  ,  le  parlement  de  Bret.-;gne  a  décidé  que  la 
Prefcription  de  trois  ans  court  au  profit  des  pref- 
fiers  ,  comme  des  procureurs,  après  les  procès  ju- 
gés ;  Si  Devolant,  lettre  P  ,  chapitre  85  ,  rapporte 
un  arrêt  du  12  décembre  1680  ,  qui ,  d'après  ce  rè- 
glement ,  a  déchargé  un  greflier  qu'on  avoit  poiir- 
luivi  pour  la  repréfentation  d'un  procès  jugèjdepuis 
plus  de  trois  ans.  Mais  voyez  ci-après  ,  §.  8. 

l^".  La  coutume  de  Béarn ,  titre  des  Prejcriptïons , 
article  1 1  ,  déclare  les  honoraires  des  avocats  pref- 
ctits  par  trois  ans,  à  compter  du  jour  que  chaque 
procès  a  été  jugé  ou  terminé  par  tranfaâion. 

L'article  102  de  la  coutume  de  Bretagne  porte 
également  que  les  procureurs  «  ne  feront  reçus 
î>  après  trois  ans,  à  demander  leurs  falaires  ik 
î)  mifes  ». 

Cette  fin  de  non-recevoir  peut-elle  être  oppofée 
à  un  procureur  ,  lorfque  muni  des  pièces  ck  des 
procédures  de  fa  partie,  &  afiîgné  pour  les  ren- 

fi)  En  Normandie,  il  faut  cin-]  ans  pour  opcrer  cette  dé- 
thar^e.  Voyez  ci-apiès ,  J.  S. 


PRESCRIPTION. 

dre  ,  il  forme  une  demande  recenventionnelle  efi" 
payement  de  les  vacations  ?  L'ancienne  jurifpru- 
dence  du  parlement  de  Bretagne  étoit  bien  déter- 
minée poi:r  la  négative.  Les  auteurs  des  notes  fur 
la  coutume  de  cette  province  ,  recueillies  par  Pou- 
lain du  Parcq,  en  citent  trois  arrêts  des  21  novem- 
bre 1623  ,  4  feptembre  1631,  b^  21  (eptemhre 
1659  '  ^  '^^  ajoutent,  a  qu'il  y  a  tant  d'autres  ar- 
■>■>  rets  fur  cette  queftion ,  qu'elle  ne  reçoit  plus  de 
»  difuculté  ». 

Mais  Poulain  du  Parcq  nous  avertit  que  <t  la 
»  maxime  contante  efl  aujourd'hui  contraire  à 
»  ces  arrêts  ;  &  que  quoique  la  Prefcription 
»  foit  complette  contre  le  procureur  ,  on  ne  peut 
»  l'obliger  de  rendre  les  pièces  qu'en  lui  payant 
»  fes  avances  &  vacations  ». 

13°.  L'article  48  de  l'êdit  du  mois  de  juin  15 10 
ordonne,  "  que  défo:mais  les  grelliers  ne  pour- 
»  ront  demander  les  falaires  à  eux  dus  pour  les 
»  procès  par  eux  reçus  ,  finon  qu'ils  les  demandent 
»  trois  ans  après  lelciits  procès  finis  ». 

14".  Un  arrêt  de  règlement  du  parlement  de  Bre- 
tagne du  8  janvier  1629  ,  «  enjoint  aux  geôliers  des 
»  prifons  de  cette  province  de  marquer  fur  leurs 
»  papiers  les  fommes  de  deniers  qu'ils  reçoivent 
»  des  prifonniers  ou  de  leurs  cautions  &  procu- 
»  reurs,  pour  leur  dépenfe ,  &  ordonne  qu'ils  in- 
»  tenteront  leurs  aélions  pour  le  payement  de  la 
»  dcpenfe  des  prifonniers  non  payée  ,  trois  ans 
»  après  que  la  charge  defdits  prifonniers  aura  été 
»  mife  fur  ledit  papier ,  &  à  faute  de  ce  faire  , 
»  &  ledit  temps  pafle ,  qu'ils  n'y  feront  plus  re- 
j»  cevables  ». 

Un  autre  arrêt  de  la  même  cour  du  mois  d'o61o- 
bre  1640,  a  jugé  qu'un  «geôlier  n'efl  recevable 
»  à  demander  la  dèpenfe  après  trois  ans  ,  &  doit 
»  reprêfenter  la  décharge  pour  favoir  le  temps  ». 

Ces  deux  arrêts  font  rapportés  dans  le  recueil  cité 
de  Poulain  du  Parcq  ,  tome  premier ,  page  379. 

15°.  L'article  20  du  titre  ç  de  l'ordonnance  de 
1673,  foumet  à  la  Prefcription  triennale,  l'obliga- 
tion des  cautions  données  pour  révcnemcnt  des  tet' 
très  de  chane^e  :  cela  doit  s'entendre,  fuivant  Sa- 
vary  (1),  tant  des  cautions  données  pour  les  let- 
tres de  change  qui  ont  été  perdues  &  adirées  , 
que  de  celles  des  perfonnes  qui  y  ont  mis  leur 
aval. 

Au  rerte  ,  cette  difpofition  n'a  pas  lieu  pour  les 
billets  à  ordre,  même  entre  marchands:  c'eft  ce 
qui  a  été  jugé  formellement  par  arrêt  du  parle- 
ment de  Flandres  du  8  février  1764  :  les  par- 
ties étoient  le  nommé  Bachelart ,  &  la  veuve 
Machelart. 

16".  Par  l'article  21  du  titre  19  de  l'ordonnance 
de  1667  ,  «  ceux  qui  auront  fait  établir  un  fè- 
H  queflre  ,  feront  obligés  de  faire  vider  leurs  dif- 
»  férends ,  &  les  oppofitions  dans  trois  ans,  à 
»  compter  du  jour  de  l'établiffement  du  féqueflre  i 

(i)  Paifait  négociant ,  pariic  j  ,  livre  i  j  cha^icte  6, 


PRESCRIPTION. 

M  autrement  les  fequeftres  demeureront  décharges 
»  de  plein  droit,  fans  qu'il  foit  befoin  d'obtenir 
î>  aucune  décharge  ,  fi  ce  n'cl^  que  le  fequeftre 
«  fût  continué  par  le  juge  en  connoiiTance  de 
«  caufe  ». 

17".  11  y  a  une  coutume  qui  établit  une  Pref- 
cription  de  trois  ans  &  trois  jours.  C'cft  celle  de 
Gorze.  Elle  porte,  titre  14,  article  45,  que  les 
fcnfions  d'enfans,  les  frais  d'apprentifTage  de  mé- 
tier, les  falaires  d'ouvriers,  les  gages  de  domef- 
tiques  fc  prefcrivent  par  trois  ans  Ôc  trois  jours, 
à  moins  qu'il  n'y  ait  cédule  ,  obligation  ,  pro- 
iiiefTe  ,  arrêté  de  compte,  reconnoiflance ,  ou  au- 
tre founiiffion  de  payer. 

L'article  46  étend  cette  Prefcription  aux  ma- 
nœuvres ,  artifans,  &  marchands  dctailleurs.  Ils  ne 
peuvent  encre  préfens  (  dit  la  coutume  )  ,  intenter 
aHion  pour  leurs  ouvrages  ou  marchandifes ,  après 
trois  ans  &  trou  jours,  u  s'il  n'en  confie  par  écri- 
«  ture  privée  en  livre  rational ,  journal  ou  autre- 
«  ment  ». 

18".  Par  les  arrêts  du  confeil  des  22  août  17 19 
&  15  novembre  1723  ,  l'ancien  fermier  des  droits 
de  francs  fiefs,  d'amortiflement  &  de  nouvel  ac- 
quêt ,  n'a  que  trois  ans  après  fon  bail  expiré,  pour 
décerner  fes  contraintes  &  les  faire  fgnifier ,  afin 
de  le  conferver  les  droits  échus  pendant  fon  bail  ; 
faute  de  quoi  ,  ils  font  dévolus  au  fermier  fuc- 
ceflcur. 

Un  autre  arrêt  du  confeil  du  25  mars  173e  , 
ordonne  que  ,  conformément  à  ceux  dont  nous  ve- 
nons de  parler ,  les  fermiers  dont  les  baux  font 
finis  au  31  décembre  1732,  percevront  à  leur 
profit  tous  les  droits  d'amortiffement  &  francs- 
nefs  dont  ils  auront  formé  des  demandes  par  des 
exploits  en  bonne  forme  ,  fur  des  contraintes  vi- 
fées  par  les  intendans,  ou  dont  ils  fe  feront  afluré 
le  payement ,  foit  pendant  le  cours  de  leurs  baux  , 
foit  dans  les  trois  années  de  délai  après  leur  ex- 
piration ,  par  des  ailes  en  bonne  forme  ,  paffés  de- 
vant notaires.  Et  cela  ,  fans  difîinguer  fi  ces  droits 
ont  été  ouverts  &  font  échus  pendant  la  durée 
de  leurs  baux  ,  ou  s'ils  leur  ont  été  dévolus  ,  hiite 
par  les  fermiers  leurs  prédéceifeurs  ,  d'en  avoir  for- 
mé les  demandes  dans  les  délais  p.efcrits  par  les 
deux  arrêts  des  22  août  1719,  &  15  novembre 
1723. 

Cette  Prefcription  ne  peut  être  oppofée  que  de 
fermier  à  fermier.  Les  redevables  d'un  droit  vé- 
ritablement exis^ible  ,  ne  peuvent  ni  objefler  à  l'an- 
cien fermier  qu'il  n'a  pas  fait  les  diPgences  nécef- 
faires  pour  fe  le  conferver,  ni  prétendre  rjue  le 
fermier  aéluel  eft  non-recevable  ,  narce  que  l'an 
cien  a  agi  dan»  le  temps  utile.  C'eiï  ce  que  porte 
une  décifion  'u  confeil  du  21  feptembre  1743  , 
rendue  fu-  la  demande  en  refiiiurinn  ■^  un  droit 
payé  à  Culombat  ,  fermier  en  Btetagne,  que  la 
partie  foutenoit  avoir  été  confervé  par  fon  pré- 
décefleur. 


PRESCRIPTION. 


359 


§.  VII.  Des  Prefcriptions  de  quatre  ans. 

Nous  ne  trouvons  dans  le  droit  romain  &  dans 
nos  coutumes  ,  que  quatre  efpèces  de  Prefcriptions 
quadriennales. 

i'^.  Suivant  les  lois  2  &  3  ,  C.  tf?  quadrïtnnïi 
Prxfcripcione ,  lorfque  l'empereur  ou  l'impératrice 
avoient  aliéné  le  bien  d'autrui ,  celui  qui  l'avoit 
reçu  de  bonne  foi  ,  le  confervoit  ;  mais  le  pro- 
priétaire avoir  fon  recours  contre  le  prince  pour 
fon  dédommagement,  &  ce  recours  fe  prefcri- 
voit  par  quatre  ans. 

Cette  difpofition  n'a  pas  lieu  en  France  :  c'étoit 
un  privilège  fingulier  que  les  empereurs  s'étoient 
aîtribué;  nos  rois  n'oiit  pas  jugé  à  propos  de  s'en 
fiire  l'application  ,  &  il  n'y  a  pas  d'exemple  qu'il 
ait  été  mis  en  pratique  parmi  nous.  C'eil  ce  qu'at- 
teûent  Bacquet  ,  du  droit  de  déshérence  ,  cha- 
pitre 7  ,  nombre  20  ,  ainfi  que  Mornac  fur  le  titre 
cité,  &  fur  la  loi  dernière,  C. /I  advenus fifcum. 
Dunod  dit  la  mêmechofe,  partie  2,  chapitrée. 

Celui-ci  croit  pourtant  qu'  "  on  pourroit  y  ap- 
»  porter  une  exception  ,  dans  le  cas  des  ventes 
)'  folemnellement  faites  au  nom  du  roi,  &  dire 
"  que  les  créanciers  ou  propriétaires  qui  ne  s'y 
11  feroient  pas  oppofés  ,  ne  feroient  pas  receva- 
"  blés  à  les  conteftcr  après  quatre  ans  «.  Bacquet 
établit  la  même  doélrine,  &  cite  un  ancien  arrêt 
qui  femble  la  confirmer. 

2*^.  Les  biens  vacans  ,  lorfqu'ils  éto'ent  dé- 
noncés ,  6i  que  le  fifc  avoit  négligé  de  s'en  mettre 
en  portelfion  ,  pouvoicnt  être  prefcrits,  mime 
fins  titre  ,  par  quatre  ans  ;  mais  s'il  n'en  avoit  pas 
été  fait  de  dénonciation  ,  on  ne  pouvoit  les  pref- 
crire  que  par  dix  ans  avec  titre,  &  par  vingt  ans 
fans  titre  (i). 

La  formalité  de  la  dénonciation  n'eft  plus  en 
ufage  parmi  nous.  Le  fifc  efl  cenfè  prcfent  dans 
toutes  les  parties  du  royaume  ,  parce  que  dans 
toutes  il  y  a  des  prépofés  qui  veillent  à  fes  droits. 

Mais  ert-ce  à  dire  pour  cela  que  la  Prefcrip- 
tion de  quatre  ans,  dont  nous  parlons,  doit  avoir 
lieu  en  France  }  Les  fentimens  font  partagés  !à- 
defiiis.  Mornac,  d'Argentré  &  Bacquet,  aux  en- 
dioics  déjà  cités,  tiennent  la  négative.  D'autres, 
tels  que  le  Grand,  fur  l'article  128  de  la  cou- 
tume de  Troyes  ,  nombre  62  ,  M  le  Bret,  de  la 
Souveraineté,  livre  3  ,  chapitre  14  ,  ont  embraffé 
l'opinion  contraire.  Elle  peut  être  fondée  ,  dit 
Dunod  ,  «  fur  ce  que  la  c  ufe  du  fifc  n'efl  pa's  fa- 
«  vorable;  que  puifqu  ;1  profite  de  la  loi  romaine  qui 
»  lui  donne  les  biens  vacans,  ileftjufte  qu'il  fouffre 
)>  l'exception  que  cette  même  loi  apporte  en  fa- 
»  veur  du  poifeifeur  ;  que  ce  poffcficur  n'eft  pas 
)>  en  mauvaifefoi ,  tandis  que  le  Çik  n'ufe  pas 
n  de  fon  droit ,  le  bien  vacant  pouvant  être  re- 

^i  ,  oi  1  ,0  Jeçua  r.pr«,e,./;r.  l  oi  i  V  1  3  ,  o.  de.  jure 
lijci  Loi  I  ,'D.dt  dlveriii  temjjratih.  excq>'.  D'Argentré,  ac- 
ude  i<;tf  ,c:i.tpicre  19  ,  nombre  i+.  Le  Grand  fui  Troyçs, 
artick  H8  j  ECrobiç  Si.  ' 


3^0 


PRESCRIPTION. 


«  gardé  comme  abandonné  ,  &  devant  coder  au 
»  premier  qui  l'occupe  ;  qu'il  y  a  des  coutumes 
»  qui  le  décident  ainfi  ;  ai  que  la  loi  rcmaine 
«  donne  pouvoir  de  s'entremettre  dans  les  liéri- 
«  tages  qui  font  délaifTés  fans  culture  pendant 
»  trois  ans  ». 

On  auroit  de  la  peine  ,  malgré  ces  raifons ,  à 
faire  admettre  la  Prefcription  dont  il  s'agit ,  dans 
les  provinces  où  le  drou  romain  n'eft  confidéré 
que  comme  raifon  écrite.  Car  de  dire  que,  puifque 
le  fifc  profite  de  la  loi  romaine  ,  ptnir  prendre 
les  biens  vacans  ,  il  efl:  juftc  qu'il  foufFre  l'excep- 
tion qu'elle  met  à  fon  droit  en  faveur  du  poffef- 
feur  quadriennal ,  c'eft  partir  d'un  faux  principe 
&  fuppofer  la  chofe  qui  n'efi  pas.  En  effet ,  le  fitc 
n'a  pas  befoin  des  lois  romaines  pour  s'approprier 
les  biens  vacans  :  fon  droit  à  cet  égard  réfulte  de 
la  conftitution  même  de  l'ordre  locial.  Tout  ce 
qui  n'appartient  point  aux  particuliers,  appartient 
au  public  ;  c'eft  une  vérité  évidente  par  elle-mè- 
ine  :  &  comme  c'eft  le  prince  qui  repréfente  le  pu- 
blic dans  les  monarchies,  c'eA  à  lui  feul  auffi,  ou  aux 
leigneurs  qui  font  à  fes  droits  ,  que  doivent  être 
déi-érés  tous  les  biens  vacans.  Tels  font  ceux  des 
bâtards  après  leur  mort  ;  comaie  ils  ne  font  dans 
le  domaine  privé  de  perfonne  ,  ils  fe  réuniflent  de 
plein  droit  à  la  ieigneurie  publique  ,  faute  de  pro- 
priétaire particulier  qui  puific  les  recueillir. 

Ce  n'eft  donc  point  par  le  droit  romain  que  ces 
biens  font  acquis  au  fifc  ;  c'eft  uniquement  par 
voie  de  réunion  &  de  réverfion  ,  pour  ainfi  dire  , 
à  la  puilTancc  publique  ;  réunion  &  réverfion  fon- 
dée fur  la  mort  de  celui  qui  n'en  avoit  qu'une  pof- 
felTion  attachée  à  fa  perfonne,  &  non  pas  une  pro- 
priété tranfmifljble  à  fes  héritiers  ;  &  c'eft  ce  que 
les  douleurs  ont  très-bien  exprimé  par  un  terme 
barbare,  mais  énergique,  lorfqu'ils  ont  dit  que  le 
fifc  occupoit  les  biens  du  bâtard  ,  per  annihilationem 
perfonce  ,  c'eft-à-dire,  par  l'anéanti^ementd'un  pof- 
feffeur  ,  qui  ne  Jaifte  aucun  droit  après  lui,  en  forte 
qu'il  ne  refte  pas  même  la  moindre  trace  de  fa  pro- 
priété particulière. 

Ainfj  s'écroule  d'elle  -  même  la  raifon  fonda- 
jnentale  du  fyftême  qui  foumetà  la  Prefcription  de 
quatre  ans  les  biens  déférés  au  fifc  comme  vacans. 

Ce  fyftême  fembleroit  devoir  être  moins  accueil! 
dans  la  Franche  Comté  qu'ailleurs  ,  puifque  la  cou- 
tume de  cette  province  étend  exprefîément  à  trente 
années  toutes  les  Prefcriptions  du  droit  romain. 

Cependant  il  a  été  adopté  par  le  parlement  de 
Befançon  dans  fes  arrêts  de  règlement  des  28  août 
1692  &  18  aoiàt  1707  ,  faits  pour  les  arpentages 
généraux  des  territoires  qu'on  pratiquoit  alors  (i). 
Il  y  eft  dit  que  «  toute  pofleftion  moindre  de  quatre 
j>  ans  ne  peut  fervir  au  pofTefleur ,  quand  il  s'agit 
j)  de  le  déjeter  ;  &  que  s'il  n'y  a  pas  aflez  de  ter- 
»  res  dans  le  canton  qui  fera  arpenté,  pour  rem- 
»»  plir  les  droits  des  propriétaires  &  des  poflefîeurs , 

II]  Voyei  l'article  Arpentage. 


PRESCRIPTION. 

»  celui  dont  la  pofleftion  ne  fera  ni  précaire  ni  vio- 
»  lente,  au-deffiis  de  quatre  ans  ôc  au-delTous  de 
»  trente  ,  ne  pourra  être  déjeté  que  par  celui  qui 
»  aura  un  titre,  ou  qui  aura  été  poftefteur  de  plus 
»   de  trente  ans  ». 

11  fuit  de-là  ,  dit  Dunod  ,  que  les  feigneurs  hauts- 
jufticiersont  été  exclus  du  droit  de  fe  taire  adjuger 
comme  terres  vacantes  Si  en  déshérence  ,  celles 
qui  itoii^i-ic  poftedées  depuis  plus  de  quatre  ans. 
Les  motifs  de  cette  exclufion  font  fimples.  Lorfquc 
la  coutume  de  Franche- Comté  dit  que  les  héritages 
ne  peuvent  être  prefcrits  que  par  trente  ans  ,  elle 
ne  doit  être  entendue  que  d'une  propriété  certaine 
&  (ormée  ,  &  non  d'un  droit  auffi  fragile  que  celui 
du  fifc  aux  biens  vacans  ;  droit  qui  eli  cenfé  aban- 
donné quand  il  n'eft  pas  exercJ  dans  fon  temps  ; 
droit  qui  doit  céder  à  la  pofleffion  de  quatre  ans  ; 
droit  enfin  qu'on  peut  comparer  aux  aéVions  de 
commife  Ck  autres  peu  favorables  ,que  la  coutume 
n'eft  pas  cenfée  avoir  voulu  proroger  jufqu'à  trente 
ans. 

Mais  n'étendons  pas  trop  loin  les  conféquences 
des  arrêts  cités.  Il  en  réfulte  bien  qu'en  Franche- 
Comté  on  prcfcrir  par  quatre  ans  les  biens  vacans 
dont  le  domaine  n'entre  pas  de  plein  droit  dans  le 
patrimoine  du  fifc,  &  pour  lefquels  il  faut  que  le 
prince  ou  les  feigneurs  fe  pourvoient  par  aélion. 
Mais  il  en  eft  autrement  lorfqu'ils  font  acquis  au 
fifc  de  plein  droit,  comme  par  aubaine  ,  déshé- 
rence ,  bâtardife  ou  confifcation  :  on  ne  peut  pas 
dire  en  effet  que  les  réglemens  du  parlement  de 
Besançon  portent  fur  cette  dernière  hypothèfe,& 
il  y  a  tout  lieu  de  croire  qu'en  pareil  cas ,  cette  cour 
n'admettroit  contre  le  fifc  que  la  Prefcription  de 
trente  ans. 

3°'  Il  y  a  encore  dans  le  droit  romain  ,  une  autre 
Prefcription  de  quatre  ans.  C'eft  celle  qui  court  en 
matière  de  reftitution  en  entier.  Nous  en  parlerons 
plus  particulièrement  à  l'article  Rescision. 

4*^.  Dans  la  coutume  de  Hjinaut,  il  faut  quatre 
ans  pour  périmer  une  inftance  civile.  Voyez! addi- 
tion à  l'article  Péremption. 

§.  VIII.  Des  Prefcriptions  de  cinq  ans. 

Nous  avons  parlé  de  phifieurs  de  ces  Prefcrip- 
tions ,  fous  les  mots  Adultiire,  Arrérages, 
Bail  (partie  16  ),  Change,  Commise,  Con- 
tumace, Injure,  Inofficiosite,  Légitime, 
LÉGITIMITÉ, Profession  monastique.  Récla- 
mation ,  Record  de  loi  ,  Séparation  de 
biens  entre  l'héritier  et  les  créanciers  , 

TENEMENTDE  CINQANS,   &  V(EUX. 

Il  en  refte  encore  huit  autres  fur  lefquelles  il  eft 
important  de  dire  quelque  chofe. 

i".  Suivant  la  loi  3  ,  Q,.fimd]or  faâus ,  le  mineur 
n'a  que  cinq  ans,  après  fa  majorité  ,  pour  fe  plain- 
dre du  défaut  de  décret  du  juge  dans  l'aliénation  de 
fon  bien.  Mais  cette  efpèce  de  Prefcription  n'eft 
plus  reçue  dans  nos  Bioeurs  ;  il  faut  parmi  nous , 

une 


PRESCRIPTION. 

un  efpace  de  trente  ans  pour  opérer  l'eftet  qu'elle 
produifoit  chez  les  romains.  Voyez  Nullité  & 
Rescision. 

2°.  Suivant  les  anciennes  ordonnances  de  Fran- 
che Comté  ,  le  défaut  d'avoir  interjeté  un  appel 
dans  les  dix  jours  ne  pouvoit  être  réparé  que  par 
des  lettres  de  rertitution  obtenues  dans  les  cinq 
ans ,  terme  qui  néanmoins  ne  couroit  contre  les 
mineurs  ,  que  du  jour  de  leur  majorité. 

L'ordonnance  de  1667  a  prefcrit  fur  cette  ma- 
tière d'autres  délais  auxquels  on  doit  fe  conformer 
en  Franche  Comté.  Mais  il  rcfte  une  difficulté  au 
fujet  des  décrets  dans  lefquels  les  tribunaux  de  cette 
province  ont  confervé  leur  ancienne  procédure. 
£ft-on  encore  affujeti ,  comme  autrefois,  au  délai 
de  cinq  ans  pour  en  appeler  ;  ou  a-t-on  ,  concer- 
nant cette  matière,  tout  le  temps  que  l'ordonnance 
de  1667  accorde  pourles  appellations  indiftinéle- 


PRESCRIPTION. 


5(îf 


ment 


Dunod  répond  qu'il  y  a  là-defTus  des  arrêts  pour 
&  contre,  mais  que  par  le  dernier,  rendu  à  la 
chambre  des  enquêtes  du  parlement  de  Befançon  , 
le  13  mai  1724  ,  il  a  été  prononcé  fur  l'appel  d'un 
llécret  fans  avoir  égard  à  la  fin  de  non-recevoir  qu'on 
faifoit  réfulter  de  ce  que  cet  appel  n'avoit  pas  été 
interjeté  dans  les  cinq  ans. 

Cette  jurifprudence  (  continue  Dunod  )  ,  «  pa- 
»  roît  la  meilleure  ,  parce  que  l'appel  d'un  décret 
M  n'eft  pas  un  aâe  du  décret  même  :  c'eft  un  ade 
»  étranger  pour  lequel  notre  ancienne  ordonnance 
«  ne  nous  avoir  rien  prefcrit  de  particulier  en  ma- 
»  tière  de  décrets.  Il  n'y  a  aucune  raifon  qui  doive 
»  reftreindreles  apellations  dans  cette  matière  à  un 
»)  temps  moindre  que  celui  qui  eft  prefcrit  par  l'or- 
«  donnance  de  1667:  elle  pourvoit  furies  appella- 
»  lions  en  général ,  &  ne  nous  manque  point  fur 
»  les  appels  des  décrets  ,  pour  la  procédure  def- 
«  quels  nous  n'avons  dû  continuer  à  fuivre  nos 
«  anciennes  ordonnances  ,  qu'en  tant  que  les  nou- 
M  velles  n'y  ont  pas  pourvu  ». 

3°.  L'ordonnance  de  Philippe  II ,  roi  d'Efpagne, 
donnée  pour  la  Franche-Comté  en  1569,  déclare 
prefcriptibles  par  cinq  ans  les  aflions  des  mar- 
chands &  des  apothicaires  pour  leurs  fournitures  , 
&  celles  des  domeftiques  pour  leurs  falaires. 

Dunod  ,  partie  2  ,  chapitre  7  ,  prétend  que  cette 
Prcfcription  doit  être  réduite  à  fix  mois  &  à  un  an  , 
conformément  aux  articles  7  &  8  du  titre  premier 
de  l'ordonnance  de  1673  »  "  pa^ce  que,  dit-il,  elle 
f)  déroge  aux  lois  &  coutumes  contraires  ".  Mais 
on  a  vu  plus  haut ,  §.  3  ,  que  cette  dérogation 
n'eft  rien  moins  que- réelle;  &  nous  ne  compre- 
nons pas  pourquoi  l'ordonnance  de  i673auroiten 
Franche-Comté  une  vertu  dérogatoire  qu'elle  n'a 
ni  dans  la  coutume  d'Orléans,  ni  dans  les  provin- 
ces de  Flandres,  d'Artois  &  de  Hainaut  (1),  ni 
enfin  dans  la  coutume  de  Cambrefis  (2). 

(i)  Voyez  ci-devant,  §  .  f. 
(1)  Voyez  ci  devant  ,§.  6, 
Tome  XIII, 


Du  reAe  ,  les  principes  ,  qui  dans  l'intérieur  du 
royaume  régiffent  la  Prefcription  de  fix  mois  ou 
d'un  an  ,  gouvernent  pareillement  en  Franche- 
Comté  la  Prefcription  de  cinq  ans.  Ainfi,  de  même 
que  ,  comme  nous  l'avons  remarqué  ci-deflus  ,  §. 
3  ,  la  Prefcription  de  fix  mois  ou  d'un  an  ,  dans 
l'intérieur  du  royaume,  n'a  pas  lieu  de  marchand 
à  marchand  ,  de  même  ,  en  Franche-Comté  ,  un 
marchand  ne  peut  pas  prefcrire  contre  un  autre 
marchand  ,  par  le  feul  terme  de  cinq  années,  la 
libération  du  payement  des  livraifons  que  lui  a 
faites  celui-ci  à  titre  de  commerce  réciproque.  Le 
parlement  de  Befançon  l'a  ainfijugé  par  arrêt  rends 
à  la  grand'chambre  le  3  janvier  1726:  les  parties 
étoient  d'une  part,  les  héritiers  du  nommé  Labon- 
dance  ,  &  de  l'autre  ,  la  veuve  Jobard. 

Dunod ,  qui  rapporte  cet  arrêt ,  nous  apprend 
encore  que  ,  fuivant  la  jurifprudence  de  la  même 
cour ,  la  continuation  des  fervices  des  domeftiques 
interrompt  la  Prefcription  à  leur  égard. 

4".  Il  y  a  en  Franche-Comté  une  ordonnance  de 
16 12  qui  déclare  prefcrits  les  honoraires  d'avocats 
&  les  falaires  de  procureurs  qui  n'ont  pas  été  de- 
mandés dans  les  cinq  ans  après  que  le  procès  dans 
lequel  ils  ont  plaidé,  écrit  ou  occupé  ,  a  été  jugé 
ou  eft  tombé  en  interruption. 

La  Précaution  que  cette  loi  prend  de  faire  courir 
la  Prefcription  dont  il  s'agit  du  moment  où  chaque 
affaire  eft,  foit  jugée,  foit  interrompue,  eft  re- 
marquable :  il  en  réfulte  clairement  que  le  travail 
que  font  les  avocats  &  les  procureurs  dans  d'autres 
affaires  ,  n'interrompt  pas  cette  Prefcription. 

Dunod,  qui  fait  cette  obfervation,  ajoute  que 
«  Fontanella  témoigne  qu'on  le  pratique  de  la  forte 
ji  en  Catalogne ,  ou  il  y  a  une  ordonnance  fembla- 
»  ble  à  celle  de  Franche-Comté  ». 

Mais  Dunod  fe  trompe.  L'auteur  qu'il  cite  (i) 
ne  dit  rien  de  précis  fur  la  queftion.  Il  rapporte  feu- 
lement deux  arrêts  du  fênat  de  Barcelone  ,  qui  fe 
croifent  &  fe  contredifent  abfolument  à  cet  égard. 
Par  le  premier  ,  dont  on  ne  connoît  point  la  date  , 
il  a  été  jugé  que  la  continuation  de  fervice ,  quoi- 
qu'en  d'autres  affaires ,  interrompoit  la  Prefcription 
en  faveur  des  avocats  (2). 

Fontanella  nous  avertir  cependant  qu'il  ne  peut 
pas  garantir  la  vérité  de  cette  décifion  ,  parce  qu'il 
ne  la  connoît  que  par  ouï  dire  (3). 

Le  fécond  arrêt  qui  eft  intervenu  le  7  juin  1607  , 
a  donné  dans  l'extrémité  oppofée  :  il  a  décide  que 
quoiqu'une  affaire  eût  été  continuée  très- long- 
temps ,  l'avocat  qui  l'avoit  inftruite  ne  pouvoit 


^i)  Fontanella ,  de  ya6lis  nupdalibus  ,  cluufula  4,  ghjfa 
18,  pari  5,  n.  3J  tr/ey. 

(i\Adie  enim  cefTationis  &  non  anteà  ccnfuit  fenatus 
computanJum  efle  tempu! ,  taliter  quoi  Ci  per  mille  annos 
durafTet,  Je  continuatum  effet  fervitium,  mille  annaii  debc- 
rentur  procul  dubio. 

(;;  Decifionem  hanc  egO  nonviii  f  fed  ita  decifum  faiflc 
exticit  mihi  tclatuni. 

Z  z 


3^i 


PRESCRIP  TION. 


demander  que  les  honoraires  de  fon  travail  pen- 
dant les  cinq  dernières  années. 

De  ces  deux  jugemens  ,  Fontanella  paroîr  d'a- 
bord préférer  le  iecond  au  premier  (i).  Mais  il 
finit  par  laiffer  fon  lefleur  dans  Tirréfolution  :  tu 
cogita  ,  &  ,  (i  efl  pojjibïle  ,  in  favorem  ordinis  &  pro- 
fejjîonis  refolve. 

Voyez  au  furplus  ce  qu'on  a  dit  ci -devant  , 
§.   5. 

5°.  Il  eft  de  règle  dans  prefque  tous  les  tribu- 
naux du  royaume  ,  que  les  procureurs  ne  peu- 
vent plus  être  inquiétés  après  cinq  ans,  pour  les 
procès  jugés  ,  &.  après  dix  ans  ,  pour  ceux  qui  font 
iiuiécis. 

A  l'égard  de  leurs  héritiers  ,  on  ne  diflingue  pas 
fi  les  procès  font  jugés  ou  non  ;  &  ils  n'ont  be- 
foin  que  de  cinq  ans  pour  être  pleinement  dé- 
chargés. 

Voyez  à  ce  fujet  l'article  Procureur. 

La  loi  qui  a  établi  cette  Prefciiption  ,  n'a  pas 
été  publiée  dans  le  comté  de  Bourgogne.  Cepen- 
dant Dunod  croit  qu'elle  doit  y  avoir  lieu.  <'  Dans 
j»  le  cas,  dit-il,  où  les  avocats  &  les  procureurs 
y>  ne  font  plus  recevables  à  demander  leur  paye- 
»  ment  ,  il  paroît  jurte  qu'on  ne  puifTe  pas  non 
î)  plus  les  rechercher  pour  la  reftitution  des  pièces 
3>  qui  leur  ont  été  confiées.  Car  fi  le  laps  de  temps 
»  fait  prefumer  qu'ils  ont  été  payés,  il  doit  faire 
î>  préfumer  auffi  qu'ils  ont  rendu  les  pièces  ". 

Nous  avons  remarqué  plus  haut,  §.  6,  que  la 
coutume  de  Bretagne  a  introduit  pour  les  mêmes 
objets  une  Pi efcription  plus  courte,  &  que  la  ju- 
rifprudence  du  parlement  de  cette  province  l'a 
étendue  aux  greffiers. 

Le  parlement  de  Bordeaux  en  a  jugé  autrement 
par  rapport  à  la  Prefcription  dont  il  s'agit  ici.  La 
Peyrere  ,  lettre  P,  nombre  160,  après  avoir  dit 
que  les  avocats  &  les  procureurs  font  déchargés 
de  la  refiitution  des  pièces  de  procès  jugés  ,  après 
cinq  ans,  obferve  que  cette  «  décifion  n'a  pas  lieu 
j>  pour  les  grefiiers,  parce  qu'ils  font  dépofinùres 
>)  publics  :  ainfi  (  continue  t-il  )  ,  ils  iie  peuvent 
j>  jamais  prefcrire  "  ;  &  c'eft  ce  qu'ont  jugé  deux 
arrêts,  l'un  du  mois  de  juillet  1679,  contre  le 
greffier  de  Bazas  auquel  on  demandoit  un  compte 
qui  lui  avoit  été  remis  depuis  plus  de  trente  ans  ; 
&  l'autre  du  mois  d'août  1687  ,  conrre  les  héritiers 
dun  autre  greffier,  qui  furent  condamnés  après 
quarante  ans,  à  repréfenter  l'original  d'un  a6le. 

En  Normandie  ,  il  faut  cinq  ans  pour  décharger 


(i)  Nefcio  ,  iiic-i/ ,  an  pro  hae  opinione  faceret  coniîderai  t 
quôd  illud  idem  quod  Advocatos  &:  procuratores  al'egarc 
oportet  ,  &  probare  ut  inreicup.ioneiii  prajfcii^  tionis  (latu 
iar'2  probent ,  continuaticn.'ni  fclicis  litis,  eft  c,uod  eis  ma- 
ïis  Hocere  pctell  :  non  eniin  ell  vetilimile  quôd  tanto  ttni- 
pore  (ervierinc  fine  faJatio  :  negUgentia  enim  &  incuria  in 
petcndo  folùm  videtur  conliderjri  poil  litein  finiiain  ,  vel 
càm  ea  dcrelin^^uitur  ut  n  hil  in  eâ  dicatur  :  quia  tune  cùm 
advocati  &■  prùcuratces  n-jn  viJeanr  principalem  ,  non  ba- 
bcntccca'^cnem  petendi.  Seà  qUJnd»  eurrjç  ncgcuuni  ,  r/x 
•li  e*  negligçuti»  yçiiliniili»» 


PRESCRIPTION. 

un  rapporteur  des  pièces  d'un  procès  jugé  ,  &.  à  cet 
égard  la  condition  des  magifttats  eft  la  inême  que 
celle  des  avocats  &  des  procureurs  ;  cela  eft  ainfi 
réglé  par  l'arrêt  dû  parlement  de  Rouen  du  28  fé- 
vrier 1704. 

6".  Par  l'article  284  de  la  coutume  de  Bretagne, 
les  chofes  mobilières  font  prefcrites  après  cinq 
ans  ,  à  moins  qu'il  n'y  ait  a  obligation  ,  lettre  ,  ou 
»  promefte  par  écrit  11. 

j°.  Suivant  l'article  288  de  la  môme  coutume  , 
l'aflion  pour  crime  ,  lorfqu'elle  n'a  été  fuivie  ni 
de  plainte,  ni  d'information,  fe  prefcrit  par  cinq 
ans  ,  tant  contre  la  partie  publique  ,  que  contre  les 
parties  privées.  Voyez  ci-après,  §.  13. 

8°.  L'article  4  du  titre  commun  des  fermes  de 
l'ordonnance  du  22  juillet  168 1  ,  porte  que  les 
droits  des  fermiers  généraux  feront  prefcrits  par 
cinq  ans,  à  compter  du  jour  de  l'expiration  de 
leurs  baux.  Mais  cette  Prefcription  n'a  pas  lieu  , 
quand  le  roi  lui-même  eft  partie,  comme  exer- 
çant les  droits  des  fermiers  ,  fes  débiteurs. 

L'article  fuivant  ajoute  ,  que  ce  qui  eft  ordonné 
des  fermiers  -  généraux  aux  fous -fermiers,  aura 
aufii  lieu  des  fermiers  Ôc  fous  -  fermiers  à  leurs 
commis. 

§.  IX.  Des  Prefcnptiom  de  fix  ans. 

Ces  Prefcriptions  font  en  petit  nombre. 
i".  L'article  3  du  chapitre  21  des  chartes  géné- 
rales du  Hainaut ,  déclare  qu'on  prefcrit  par  fix 
ans  l'aflion  en  approuvandement  de  plein-e  affolure» 
Voyez  Affolure. 

2".  L'article  premier  du  chapitre  87  des  mêmes 
lois  ,  décide  que  ce  laps  de  temps  éteint  toute  pro- 
curation générale,  qui  n'a  pour  objet ,  que  de  dé- 
fendre à  une  demande  formée  en  juftice. 

3".  Elles  veulent  encore,  par  l'article  14  du 
chapitre  107  ,  que  l'aftion  en  redreflement  de 
compte  ,  pour  raifon  des  excès  ,  erreurs  ou  omif- 
fions  qui  s'y  font  gliftés,  f«it  intentée  dans  les 
fix  ans. 

4  ".  Et  par  l'article  1 5  du  même  chapitre  ,  elles 
donnent  fix  ans  à  l'abfent,  après  fon  retour,  peur 
faire  judiciairement  la  demande  des  fucceffions  Sc 
avions  mobilières  qui  lui  font  échues  pendant  fon 
abfence. 

5''.  La  Prelcription  la  plus  remarquable  qu'il  y  ait 
dans  ce  court  efpace  de  temps  ,  eft  celle  qui  a  lieu 
dans  le  chef-lieu  de  Mons. 

Il  fut  un  temps ,  où  dans  cette  partie  du  Hai- 
naut ,  une  année  fuffifoit  pour  prefcrire  les  m:iin- 
fermes.  Enfuite  la  coutume,  rédigée  en  1533,6x3 
le  terme  de  trois  ans. 

Mais  fur  les  repréfentations  des  échevins  de 
Mons  ,  que  ce  terme  étoit  trop  court ,  les  archi- 
ducs Albert  &  L'abelle  ,  ont  porté  ,  le  20  mars 
1606,  un  décret  dont  l'article  2  déclare  que  «»  d'ici 
»  en  avant  perfonne  ne  fe  . .  . .  pourra  vanter  de 
"  Prefcription ,  s'il  n'a  joui  &  pofTédé  à  jufte  titre 
n  &  de  bonne  fei ,  par  l'efpace  &  terme  de  ùx. 


PRESCRIPTION. 

»  ans  continuels  entre  préfens  contre  perfonne 
«  puiffante  de  fourfalre  &  aliéner  pour  toujours  ". 

6°.  On  a  vu  plus  haut  que  la  jurifprudence  du 
parlement  de  Paris  limite  à  deux  ans,  Taflion  des 
procureurs  pour  leurs  frais  &  falaires  ,  &  fait  cou- 
rir ce  terme  du  jour  que  les  parties  font  décédées  , 
ou  que  les  procureurs  ont  ceffé  d'occuper ,  foit 
par  révocation  ,  ou  autrement  :  mais  quand  il  ne 
fe  rencontre  aucune  de  ces  circonftances ,  la  Pref- 
cription  biennale  fait  place  à  celle  de  fix  ans.  Un 
arrêt  du  7  feptembre  1634,  «  ordonne  que  les 
i>  procureurs  feront  à  l'avenir  arrêter  leurs  frais  , 
>>  falaires  &  vacations  ,  par  leurs  parties  ,  dans  les 
i>  fix  ans  ,  du  jour  qu'ils  auront  commencé  d'oc- 
»  cuper,  ou  qu'ils  auront  fait  arrêter  les  comptes 
»  de  leurs  frais  ik  falaires,  ou  du  jour  qu'ils  au- 
«  ront  intenté  aflion  à  cet  effet,  nonobftant  qu'ils 
»  cufTent  continué  d'occuper  pour  les  mêmes  par- 
»  ties  ;  autrement  &  à  faute  de  ce  faire ,  ils  ne  fe- 
»  ront  point  recevables  à  prétendre  aucun  rem- 
»  bourfement  *. 

Ce  règlement  a  été  renouvelé  par  un  autre  du 
19  juin  1674,  rapporté  au  journal  des  audiences  , 
6c  par  l'arrêté  de  1692,  tranfcrit  ci-devant ,  §.  5. 

On  a  demandé  fi  les  honoraires  des  avocats 
étoient  fujets  à  cette  Prefcription  ?  Deux  arrêts  du 
parlement  de  Grenoble,  des  7  feptembre  1666  & 
13  juin  1668  ,  rapportés  par  Baffet ,  tome  2  , 
livre  2,  titre  4,  chapitre  3  ,  ont  jugé  qu'ils  ne  fe 
prefcrivoient  que  par  trente  ans.  On  a  remarqué 
plus  haut,  §.  5  ,  que  c'eft  auffi  la  jurifprudence 
du  confeil  fouverain  de  Mons  ,  quoique  la  cou- 
tume de  Hainautjà  laquelle  ce  tribunal  eft  fou- 
rnis ,  décide  formellement  le  contraire. 

§.  X.  Des  Prefcrlptions  de  fept  ans. 

1°.  Par  l'article  premier  du  chapitre  20  des  char- 
tes générales  de  Hainaut ,  le  droit  de  demander  le 
record  d'un  a6le ,  fe  prefcrit  par  fept  ans.  "Voyez 
Record  de  loi. 

2°.  La  coutume  de  Bayonne  admet  ,  en  plu- 
lieurs  cas  ,  une  Prefcription  femblable. 

L'article  premier  du  titre  13  porte  ,  que  le  tiers- 
pofrefTeur  prefcrit  par  fept  ans  l'aftion  hypothé- 
caire contre  le  créancier,  &  la  demande  en  re- 
vendication contre  le  propriétaire. 

L'article  5  déclare  qu'on  acquiert  par  la  même 
Prefcription  ,  le  droit  de  bâtir,  de  planter  des  vi- 
gnes ,  des  arbres  ,  ou  de  faire  toute  autre  chofe  fur 
le  terrein  d'autrui. 

L'article  7  ajoute  qu'au  botit  de  fept  ans,  le  te- 
nancier de  prinfieft^uïa  été  interpellé  cliaque  an- 
née par  fon  feigneur ,  de  payer  le  devoir  ,  &  n'en 
a  rien  fait ,  perd  le  domaine  utile  ,  &  que  le  fei- 
gneur peut  en  faire  la  réunion  à  fa  table. 

§.  XI.  De  la  Prefcription  de  huit  ans. 

L'article  241  de  la  coutume  de  Caflel ,  eft  peut- 
être  la  feule  loi  qui  parle  de  cette  Prefcription.  Il 


PRESCRIPTION.         î^3 

porte  que  ,  u  les  arrérages  de  rentes  ,  foit  radie- 
»  tables  ou  non  rachetables ,  foncières  ou  autres  , 
»  de  loyers  de  baux  de  fiefs  ,  d'héritages  rotures  & 
»  à  cens ,  au-de(Tus  de  fept  ans  ,  font  tenus  pour 
»  prefcrits  &  acquittés  ,  de  telle  manière  ,  que  fi 
)>  on  n'en  a  point  fait  la  demande  en  juftice  dans 
)>  la  huitième  année ,  après  qu'ils  font  échus ,  on 
)»  n'en  aura  plus  d'aftion  ». 

§.  XII.  De  la  Prefcription  de  neuf  ans. 

Par  l'article  1 1  du  titre  6  de  la  coutume  de  la 
ville  de  Lille  ,  «  tous  marcqs  (  c'eft-à-dire  ,  arréra- 
»  ges)  de  rente  ,  fe  peuvent  prefcrire  par  le  terme 
»  de  neuf  ans  ». 

§.  XIII.  De  la  Prefcription  de  dix  ans. 

II  faut,  fur  cette  matière,  diftinguer  les  a61ions 
réelles  ,  d'avec  les  perfonnelles  ou  mixtes.      ^ 

1°.  Régulièrement,  les  avions  réelles,  c'eft-a- 
dire ,  celles  qui  ont  pour  objet  la  revendication 
d'un  immeuble ,  ou  la  maintenue  dans  un  droit 
de  fcrvitude ,  fe  prefcrivent  par  dix  années  entre 
préfens. 

Cette  Prefcription  qui  exige  jufte  titre  &  bonne 
foi ,  eft  établie  par  la  loi  unique ,  C  de  ufucapwne 
transformandâ  ,  par  la  loi  2  ,  C  de  Pr<zfcripiione 
longi  lemporis  ,  &  parla  novelle  119. 

Elle  n'eft  pourtant  pas  obfervée  dans  tous  les 
pays  de  droit  écrit,  quoique  Dunod ,  partie  2  > 
chapitre  8  ,  aiïure  le  contraire. 

Chorier ,  dans  fa  jurifprudence  de  Guy-Pape  , 
page  333,  dit  que  le  parlement  de  Grenoble  ne 
reconnon  que  les  Prefcrlptions  de  trente  ans&  de 
quarante  ans. 

Et  il  ne  faut  pas  croire ,  fur  la  parole  de  Bre- 
tonnier  (i)  ,  que  cette  cour  foit  la  feule  qui  juge 
ainfi.  Serres  ,  dans  fesinftitutions  au  droit  françois  , 
livre  2  ,  titr«  6  ,  dit  que  ,  «  dans  les  pays  de  droit 
»  écrit  (  il  ne  veut  fans  doute  parler  que  du  reffbrt 
du  parlement  de  Touloufe  pour  lequel  il  écrit  fpé- 
cialement  )  ,  »  on  n'a  confervé  l'ufagc  de  la  Pref- 
»  cription  de  dix  ou  de  vingt  ans  ,  qu'à  l'égard 
11  des  hypothèques  des  créanciers,  dont  il  eft  parlé 
■n  dansf  le  titre  du  code  ,  fî  advershs  crcdirorem 
>»  Prcefcriptio  opponatur  »,  &  à  l'article  HYPO- 
THEQUE. 

Un  peu  plus  haut ,  le  même  auteur  avoit  dit  : 
a  Dans  les  pays  de  droit  écrit,  on  ne  peut  ac- 
jj  quérir  les  immeubles  non  plus  que  les  ir.eubles, 
)>  que  par  une  Prefcription  de  trente  ans,  qui  eft 

V  appelée  en  droit  Prcefcriprio  lonoijfimi  temporis  , 
M  parce  qu'on  a  cru  que  la  novelle  119,  chap.  7  ^ 
»  d'où  a  été    tirée  l'authentique   malx  fidei  ,  exi- 

V  geoit  encore  ,  indépendamment  du  titre  &  de  la 
)>  bonne  foi  du  poft'efteur,  que  le  véritable  prc- 

(I)  Qucftions  alphabéti(j«es,  verh.  PRESCRIPTION,  au 
coramencementt 

Zz  l  j 


364 


PRESCRIPTION. 


M  priétaire  eût  connu  le  droit  qu'il  avoit  fur  la 
j>  chofe  ,  ce  qui  ne  fe  préfume  jamais  ».  Voyez  ci- 
devant  ,  feiSion  I  ,  §.  ^. 

Nous  trouvons  la  même  do61rine  établie  au  par- 
lement de  Bordeaux.  «  Il  faut  remarquer  (  dit  l'an- 
»  notateur  de  la  Peyrere  ,  lettre  P  ,  nombre  83  )  , 

V  que  bien  que  par  le  droit,  la  Prefcription  de  dix 
«  ans  ou  vingt  ans  avoit  lieu  ,  tant  contre  le  pro- 
»>  priétaire  que  contre  le  créancier  ,  néanmoins  dans 
»  ce  parlement  ,  il  faut  trente  ans  contre  le  pro- 
«  priétaire  ,  fuivant  la  remarque  de  Bechet.  Voyez 
»  la  novelle  119,  chapitre  7  ,  où  il  eft  fait  des  dif- 
»>  tiutf^ions  que  nous  ne  fuivons  pas  ». 

Il  y  a  plus.  M.  Julien,  dans  fon  comhientaire  fur 
les  ftatuts  de  Provence,  tome  2  ,  page  516,  afliire 
prefque  h  même  chofe  ,  par  rapport  au  parlement 
d'Aix.  Il  cite,  à  la  vérité,  un  arrêt  du  27  juin  1673  > 
«  par  lequel  il  fut  jugé  que  la  revendication  étoit 
»  prefcrite  par  dix  ans  ,  parce  que  le  pofiefTenr 
M  étoit  en  bonne  foi,  &  le  propriétaire  préfumé 
»  avoir  fu  l'aliénation  ». 

Mais  voici  ce  qu'il  ajoute  auffitôt  : 

«  Duperrier ,  dans  fes  maximes  ,  titre  de  la  Pref- 
»  cription  de  dix  ans  ,  obferve  que  prefque  jamais 
»  la  Prefcription  de  dix  ou  de  vingt  ans  ne  fuffit  au 
y  poflelTeur  contre  la  revendication.  Mais  il  paroît 
>>  adopter  la  Prefcription  de  dix  &  de  vingt  ans  , 
ï>  lorfqu'il  s'agit  d'un  fécond  acquéreur,  qui  a  acquis 
■'■•  de  bonne  roi  d'un  premier  acquéreur.  —  Le  (en- 
j>  timent  qui  n'admet  pour  la  Prefcription  du  do- 
»»  m.iine  &  de  la  propriété  des  chofes  que  celle  de 

V  trente  ans  ,  foit  que  les  poiTeffeurs  aient  été  en 
j)  bonne  ou  mauvaife  foi,  paroîrplus  conforme  à  nos 
3>  ufages  &  à  nos  maximes.  Duperrier ,  au  lieu  cité , 
î)  dit  que  la  Prefcription  de  dix  ans  eu  prefque 
«  inutile  ,  à  la  réferve  de  l'adion  hypothécaire  & 
y>  du  regrès  )>. 

M.  Julien  cite  encore  ,  à  l'appui  de  ce  fentiment , 
l'ouvrage  manufcrit  d'un  célèbre  jurifconfulte  de 
même  nom  que  Iwi.  »»  M.  Julien  ,  dit  il ,  obferve  , 
»  dans  fes  mémoires ,  titre  Prœ/cript'u  ,  qu'indif- 
»  tinétement  la  revendication  ne  fe  prefcrit  que  par 
i>  trente  ans  ». 

On  voit  bien  par-là  que  Bretonnier  &  Dunod  fe 
font  trompés,  quand  ils  ont  avancé  que  la  Pref- 
cription de  dix  ans  entre  préfens  &  de  vingt  ans 
entre  abfens ,  s'obfervoit  dans  les  pays  de  droit 
écrit. 

A  l'égard  des  pays  coutumiers,  il  en  eft  où  on 
ne  connoît  pas  d'autre  Prefcription  ,  en  matière 
réelle  ,  que  celle  de  trente  ans.  Voyez  ci-après  , 

Il  en  eft  d'autres  où  les  coutumes  admettent  ex- 
preffément  la  Prefcription  de  dix  ans  entre  pré- 
fens &  de  vingt  ans  entre  abfens.  Telles  font  Pa- 
ris, article  113;  Calais,  article  20^  ;  Meaux  , 
article  80  ;  Baffigny  ,  article  171  ;  Verdun  ,  titre 
13  ,  article  i  ;  Blois  ,  article  192  ;  Grand  Perche  , 
article  20;  ;  Auxerre  ,  article  188  ;  Vitry-le-Fran- 
çoiSj  article  134  i  Mantes  ,  article  1083  Montforr, 


PRESCRIPTION. 

article  61  ;  Melun,  article  170  ;  Etampes  ,  article 
63  ;  Vermandois,  article  141  ,  &c.  Il  feroit  aufR 
long  qu'inutile  de  pou/Ter  plus  loin  cette  énuméra- 
tion. 

Mais  ce  qu'il  n'eft  pas  aufli  inutile  d'examiner, 
c'eft  de  favoir  fi  lorfqu'une  coutume  admet  cette 
Prefcription  ,  fans  fpécifier  fi  c'eft  contre  le  droit 
de  propriété  ou  contre  celui  d'hypothéqué  quelle 
la  fait  opérer  ,  on  doit  croire  qu'elle  les  y  afliijetit 
également  l'un  &  l'autre  ?  L'affirmative  a  été  pro- 
noncée au  parlement  de  Bordeaux  ,  par  arrêt  du 
25  février  1655  '  rendu  pour  la  coutume  de  Saint- 
Jean  d'Angély ,  &  rapporté  dans  le  recueil  de  la 
Peyrere  ,  lettre  P,  nombre  83.  Deux  raifons  ,  dit 
cet  auteur  ,  ont  déterminé  la  cour  à  juger  de  la 
forte:  la  première  ,  que  la  loi  ne  diftinguant  pas  , 
ce  n'eft  pas  au  juge  à  le  faire  :  la  féconde  ,  que  la 
difpofiiion  de  la  coutume  feroit  inutile  ,  fi  on  ne 
l'entcndoit  pas  de  la  Prefcription  de  la  propriété  , 
puifque  par  le  droit  romain  &  par  l'ufage  général 
du  royaume,  il  efl  affez  notoire  que  l'hypothèque 
fe  prefcrit  par  dix  ou  vingt  ans. 

Enfin  ,  il  y  a  des  coutumes  qui  admettent  la  Pref- 
cription de  dix  ans  pour  les  rotures  ,  &  ne  recon- 
noiffent  pour  les  fiefs  que  celle  de  trente  ans.  C'eft 
notamment  la  difpofition  expreft"e  de  la  coutume  de 
Bailleul,  rubrique  21  ,  article  1. 

II.  Palîons  maintenant  aux  aâions  perfonnelles 
ou  mixtes. 

1°.  Nous  avons  déjà  dit  que  le  tiers  détenteur 
prefcrivoit  contre  l'aflion  hypothécaire  ,  par  dix  ans 
entre  préfens  &  par  vingt  ans  entre  abfens;  mais 
fur  ce  point  voyez  l'article  Hypothizque. 

2°.  Les  avions  refcifoires  fe  prefcrivent  par  dix 
ans  indiftinélement.  C'eft  ce  que  décident  pour  l'in- 
térieur du  royaume  Tédit  de  Louis  XII  de  15 10, 
article  46,  &  celui  de  François  premier  de  1539, 
article  134  ;  pour  la  Provence  ,  ledit  de  François 
premier  de  153$,  titre  de  la  manière  qu'on  doit  pro- 
céder,  znide  30;  pour  les  Pays-Bas  ,  l'article  29 
de  l'édit  perpétuel  des  archiducs  Albert  &  Ifnbelle 
de  j6ii  ,  &  pour  la  Franche-Comté,  l'édit  de 
Louis  XIV  du  mois  de  Juillet  1707.  Voyez  Nul- 
lité Se  Rescision. 

3°.  Il  y  a  des  auteurs  qui  prétendent  &  des  tri- 
bunaux qui  jugent  que  la  promefte  de  la  dot  fe 
prefcrit  par  dix  ans.  Voyez  à  ce  fujet  l'article  DOT. 

4".  Par  l'article  31  du  règlement  des  criées  de 
Bourgogne  ,  les  chofes  promifes  par  contrat  de 
mariage  ou  léguées  par  teftament ,  ne  peuvent , 
après  dix  ans  ,  être  demandées  au  préjudice  des 
créanciers  fur  les  biens  qui  fe  difcutent  ;  mais  cette 
Prefcription  n'a  pas  lieu  en  faveur  des  débiteurs. 

5°.  La  plupart  des  dofteurs  qui  ont  commenté  la 
\o\  fi  major ,  ^ucodç  ,  ccmmuni  diviJtndo  ,  foutien- 
nent  que  le  partage  doit  être  préfumé  entre  cohéri- 
tiers ,  lorfqu'ils  ont  joui  divifémei^t  pendant  dix 
années  confécutives.  Cette  opinion  n'eft  pas  régu- 
lière :  l'aélion  en  partage  eft  mixte  ;  ainfi  elle  ne 
peur  être  prefcrite  que  par  trente  ans.  Le  feul  effet 


PRESCRIPTION. 

que  peut  opérer  la  jouiflance  divifée  pendant  dix 
ans  ,  eft  de  rendre  les  juges  moins  rigoureux  fur 
la  preuve  du  partage  ;  mais  pour  cela  ,  il  faut  que 
les  portions  foieni  à-peu-prés  égales. 

Du  refte  ,  on  conçoit  aifément  que ,  dans  ce  cas , 
la  préfomption  du  partage  eft  plus  facilement  ad- 
mife  entre  villageois  ,  artifans  &  gens  du  commun  , 
qui  ne  font  ordinairement  ni  aéles  ni  écrit  pour 
partager  leurs  biens  ,  qu'entre  tous  autres  (i). 

La  coutume  de  Bar  le-Duc  contient  une  difpofi- 
tion  fur  cette  matière:  «  fi  aucuns  héritiers  ,  (  dit- 
V  elle  ,  article  19  ),  divifent  enfemble  l'hérédité  à 
»  eux  échue  de  leurs  parens  ,  fans  en  rien  paffer  par 
>»  écrit  ,&  chacun  tient  fon  lot  &  part  6c  divis  par 
j)  dix  ans  continuels  ,  o:;  ne  peut  après  demander 
»  nouveau  partage  ". 

6°.  La  loi  6  ,  D.  ile  ufurisy  établit  que  le  payement 
des  intérêts  d'une  fomme  ,  continué  longo  tempore  , 
c'eft-à-dire,  pendant  dix  ans  (2),  fait  préfumer  la 
dette  de  cette  fomme  même. 

Ceft  ce  qui  réfulte  encore  de  la  loi  l'uibus ,  C.  de 
agricolis  6*  cenfiûs. 

De-là ,  du  Moulin  ,  de  ufuris  ,  queftion  20  ,  nom- 
bre aoé  ,  infère  que  la  preftation  des  arrérages 
d'une  rente  pendant  dix  années  confécutives  ,  fuffir , 
même  au  pétitoire  ,  pour  obliger  celui  qui  les  a 
acquîtes  à  en  continuer  le  payement ,  à  moins  qu'il 
ne  prouve  n'en  pas  être  tenu  (3). 

Pothier,  dans  fon  traité  du  contrat  de  conftitution  , 
nombre  1 57  ,  dit  que  cette  décifion  fouffe  dificulcé 
parmi  nous,  parce  que  ,  d'une  part ,  les  lois  fur 
lerquelles  on  la  fonde,  ne  forment  qu'un  droit  arbi- 
traire ,  &  que  de  l'autre ,  nous  ne  reconnoiffons 
dans  les  lois  romaines  d'autre  autorité  que  celle 
qu'elles  tirent  de  la  raifon  naturelle. 

Dunod,  partie  2  ,  chapitre  8,  tient  à-peu-près 
le  même  langage  ,  quoiqu'il  écrive  pour  la  cou- 
tume de  Franche-Comté,  à  laquelle  le  droit  ro- 
main fert  de  fupplément  :  «  cette  opinion  ,  (  ce  font 
»  fes  termes),  ne  peut  convenir  qu'aux  pays  qui 
j>  admettent  la  Prefcription  de  dix  ans  ,&  les  titres 
M  préfumés.  Nous  en  exigeons  de  vrais  &  de  véri- 
»  tables,  ou  tout  le  temps  que  notre  coutume  de- 
»  mande  pour  prefcrire  fans  titre  ». 

"Voyez  ci-après  ,  fe^lion  III ,  §.  2. 

7".  La  coutume  de  Bailleul  en  Flandres  ,  titre  21 , 
article  5  ,  porte  que  fi  un  créancier,  après  la  mort 
de  fon  débiteur  ,  laifle  palier  dix  ans  ,  à  compter 
du  jour  qu'il  en  a  eu  connoifiance  ,  fans  agir  contre 
les  héritiers ,  il  doit  être  déclaré  non  -  recevable. 


(l)  Voyez  le  Brun  ,  ëes  fucceffîons ,  ilvre  4  ,  chapitre  i. 

(i)  Dins  Je  droit  romain  ,  longum  cmpus  s'entend  prefijue 
toujours  de  dix  années.  Voyez  l'article  PUISSANCE  pater- 
KELIE. 

(3)  Voici  les  Termes  de  Dumoulin  :  Conftito  de  priflationi- 
bus  caufatis  ,  fufïîciunt  decem  continuorum  annorum  p:xl}i- 
tiones.  ..  adverte  tamen  diligenter...  quoi  nullus  ell  hoc  cafu 
prc-efcriptioni  locus  cuntrà  ipTuni  debitorem  ,  içd  benè  concrà 
lertiuni  creditorem;  fed  eft  hoc  cafu  legalis  dunuxat  prs- 
fuinpdo  lituli  (jiix  YstitAÛ  cedit ,  û  f  robçiut. 


PRESCRIPTION. 


365 


I  Ceft  ce  que  décide  aufîi  l'article  4S  de  la  coutume 
de  la  Gorgue. 

Quelques  auteurs  ,  qui  très-probablement  ne 
connoKToient  pas  ces  coutumes  ,  ont  avancé  quel- 
que chofe  de  femblable  à  leur  difpofuion.  Ils  o»t 
écrit  que  dix  ans  de  fdence  après  la  mort  d'un  dé- 
biteur ,  font  préfumer  le  payement  de  la  dette  ;  8c 
il  eft  vrai  qu'il  y  a  des  cas  où  cette  circonftance 
jointe  à  d'autres  adminicules  ,  peut  fuffire  pour 
faire  rejeter  la  demande  du  créancier  (i).  Mais  fi 
elle  opère  cet  effet ,  ce  n'eft  point  par  Prefcription  : 
elle  n'éteint  point  la  dette  ,  elle  en  fait  feulement 
préfumer  l'extindton  ,  &  cette  préfomption  céde- 
roit  fans  difficulté  à  la  moindre  preuve  du  con- 
traire. 

A  plus  forte  raifon,  n'y  auroit-il  point  de  Pref- 
cription ,  ni  même  de  préfomption  de  payement  , 
fi  le  débiteur  &  le  créancier  vivoient  encore  ,  & 
qu'il  n'exiftàt  de  l'un  à  l'autre  ni  a61e  ni  fait  avoué 
ou  prouvé  qui  piJt  tenir  lieu  de  quittance. 

C'eft  ce  qui  a  été  jugé  au  parlement  de  Flandres 
par  un  arrêt  du  24  novembre  1780  ,  dont  voici 
l'efpèce. 

En  1764,1e  fieur  le  Cocq ,  négociant  à  Lille, 
avoit  reconnu  ,  par  un  billet  fous  feing-privé  ,  que 
le  fieur  Wacrenier  &  la  demoifelle  de  Belquint  , 
frère  &  fœur ,  lui  avoient  fait  l'avance  d'une  fomme 
de  1800  livres  pour  leur  mife  dans  une  fociété  en 
commandite  qui  avoit  pour  objet  l'envoi  d'une 
caiiTe  de  bougies  dans  l'ifle  de  Saint-Domingue. 

Le  17  mars  1769,  le  fieur  le  Cocq  avoir  déli- 
vré au  fieur  Wacrenier  &3  la  demoi'elle  de  Belle- 
quint,  un  compte  duquel  il  réfultoit  que  l'entre- 
prife  n'avoir  pas  été  heureufe  ,  &.  qu'il  ne  devoit 
leur  revenir  que  996  livres. 

Au  bas  de  ce  compte ,  qui  n'étoit  figné  que  de 
lui  ,  le  fieur  le  Cocq  avoit  écrit  que  le  même  jour 
les  996  livres  avoient  été  remis  au  fieur  Wacrenier 
&  à  la  demoifelle  de  Bellequint.  Soit  par  inatten- 
tion ,  foit  parce  qu'ils  étoient  alors  étroitement  liés 
avec  le  fieur  le  Cocq  ,  ceux-ci  ont  reçu  ce  compte 
fans  proteftcr  contre  renonciation  qui  y  étoit  faite 
du  payement  de  leur  créance  ,  &  ils  l'ont  confervé 
pendant  plu';  de  dix  ans  ,  fans  faire  ,  au  moins  judi- 
ciairement ,  la  demande  de  la  fomme  qu'il  énon- 
çoit  être  payée. 

Enfin  ,  le  28  février  1780,  ils  ont  fait  afîigner  le 
fieur  le  Cocq  à  la  jurididlion  confulaire  de  Lille  , 
pour  voir  dire  qu'il  feroit  tenu  d'acquiter  le  folJe 
du  compte  qu'il  leur  avoit  délivré  en  1769. 

Le  fieur  le  Cocq  a  oppofé  1°.  le  laps  de  temps  ; 
2°.  le  filence  du  fieur  Wacrenier  &  de  la  demoifelle 
de  Bellequint ,  pendant  qu'ils  avoient  fous  les  yeux 
&  dans  les  mains ,  un  compte  qui  le  déclaroit  quitte 
envers  eux  ;  3".  fon  regiftre  journal  quifaifoit  men- 
tion du  payement. 

Nonobftant  ces  moyens ,  fentence  du  3  oâobre 


(i)  Voy;z  l'auiclc  lm)lCE. 


366 


PRESCRIPTION. 


1780  qui  conda'flne  le  fieur  le  Cocq  au  payement 
de  996  livres. 

Appel.  La  caufe  portée  à  l'audience ,  je  difois 
pour  établir  le  bien-jugé  de  la  fentence  ,  1°.  que  le 
laps  de  temps  étoit  infuifirant  pour  libérer  le  fieur 
le  Cocq  ,  puifque,  dans  la  coutume  de  Lille  ,  on  ne 
prefcrit  les  a6lions  perfonnelles  que  par  trente  ans  ; 
2".  que  le  filence  du  fieur  Wacrenier  &  de  la  de- 
moifelle  de  Bellequint  n'avoit  eu  d'autre  caufe  que 
leur  intime  liaifon  avec  le  fieur  le  Cocq,  &  la  cer- 
titude dans  laquelle  ils  avoient  toujours  été  qu'une 
énonciation  non  fignée  d'eux  ne  pouvoit  pas  leur 
préjudicier  ;  3°.  que  le  regiflre  dont  fe  prévaloir  le 
fieur  le  Cocq  n'étoit  point  journal ,  qu'il  ne  conte- 
roit  pas  la  date  du  payement  prétendu  fait,  &  qu'il 
étoit  rempli  d'inexaditudes  qui  lui  ôtoient  toute 
croyance. 

Sur  ces  raifons  ,  l'arrêt  cité  a  mis  l'appellation  au 
néant ,  &  a  condamne  le  fieur  le  Cocq  à  l'amende 
hc  aux  dépens. 

8°'  Dans  l'ancien  droit  romain  ,  les  teflamens  pé- 
ri^bient  &  devenoient  inutiles  par  l'écoulement  de 
dix  années  après  leur  date.  Mais  cette  efpèce  de 
Prefcription  a  été  abolie  par  Juflinien.  Voyez  la  loi 
27  ,  C  de  (ejltiinentis ,  &  l'article  Révocation  de 

TESTAMENT. 

9".  On  voit  à  l'article  Caution  ,  que  ,  fuivantla 
jurifprudence  la  plus  commune  ,  un  fidéjuiTeur 
peut ,  après  dix  ans ,  obliger  celui  qu'il  a  cautionné 
île  lui  rapporter  fa  décharge. 

10'.  Brodeau  fur  l'article  127  de  la  coutume  de 
Paris,  &  Perrière  fur  la  même  coutume,  titre  des 
Prefcriptions  ,  §.  2  ,  nombre  36  ,  difent  qu'après  dix 
ans  les  architeéles  font  déchargés  envers  les  parti- 
culiers de  la  garantie  des  gros  ouvrages.  Le  pre- 
mier de  ces  auteurs  affure  que  telle  eft  la  pratique 
du  châtelet,  &  il  cite  d'après  Pithou  un  ancien  ar- 
rêt qui  l'a  ainfi  jugé. 

On  ne  trouve  ,  dans  le  corps  de  droit,  aucune 
trace  de  cette  Prefcription.  Cependant  il  eft  vrai- 
femblable  qu'elle  nous  vient  de  quelqu'un  des  em- 
pereurs qui  ont  précédé  ou  fuivi  Juflinien  :  car  il  en 
eft  parlé  dans  l'abrégé  d'Harmenopule  ,  livre  3  , 
titre  8  ,  §.  dernier. 

Voyez  ci-après ,  §.  i  ^. 

1 1".  Le  fils  de  famille  prefcrit  contre  la  puifTance 
paternelle  ,  ou  ce  qui  eft  la  même  chofe  ,  acquiert 
l'émancipation  tacite  par  une  habitation  féparée 
pendant  dix  ans.  Voyez  Emancipation  &  Puis- 
sance paternelle. 

12°.  Après  dix  ans  ,  les  comptes  des  deniers  pu- 
blics qui  ont  été  clos  &  arrêtés,  ne  font  plus  fujets 
à  révifion  contre  les  héritiers  des  comptables.  C'eft 
ce  que  décide  la  loi  13  ,  §.  1  ,  de  diverfis  temporalï- 
bus  prœfcnpùonibus. 

1 3°.  Suivant  la  coutume  de  Bourgogne  ,  titre  de 
la  main^morte,  article  11  ,  le  feigneur  a  droit  de 
jouir  de  l'héritage  main-mortable  dont  le  pcfTeffeur 
eftabfent,  &  pour  la  culture  duquel  il  n'a  lailTé  per- 
sonne 3  ^  il  cette  jouilTançe  eft  continuée  pcnjant 


PRESCRIPTION. 

dix  ans ,  le  fonds  eft  acquis  au  feigneur. 

Il  y  a  quelque  chofe  de  femblable  dans  la  cou- 
tume de  Hainaut. 

Par  l'article  7  du  chapitre  130  de  cette  lo'i ,  l'ac- 
tion pour  retirer  des  mains  du  feigneur  les  biens 
vacans ,  ou  les  épaves  qu'il  s'eft  appropriés ,  ne 
dure  que  dix  ans. 

Et  fuivant  l'article  22  du  même  chapitre  ,  le  fei- 
gneur haut-jufticier  prefcrit  par  dix  ans  les  meu- 
bles dont  il  s'eft  emparé  après  la  raort  d'un  paf- 
fant  décédé  dans  fa  feigneurie. 

14°.  L'article  19  du  chapite  107  de  la  même  cou- 
tume ,  déclaré  les  délits  &  les  crimes  prefcrits  par 
le  laps  de  dix  ans;  mais  il  y  met  une  exception 
dont  il  fera  parlé  ci-après,  §.  17. 

La  coutume  de  Bretr.jne  ,  article  288  ,  contient 
la  même  difpofition  pour  les  crimes  contre  lef- 
quels  il  a  été  rendu  plainte  &  informé. 

Lorfque  la  plainte  n'a  point  été  fuivie  d'une  in- 
formation ,  il    ne  faut  que    cinq    ans  pour  pref- 
crire.  C'efl  ,  comme  on  l'a  vu  ci-devant ,  S.   8 
la  décifion  exprefle  du  mime  article. 

Un  monitoire  obtenu  &  fulminé  ne  peut  pas 
tenir  lieu  ,  dans  cette  matière  ,  d'une  information 
proprement  dite  ;  &  il  n'empêche  pas  la  Prefcrip- 
tion de  cinq  ans.  C/eft  ce  qui  a  été  jugé  par  arrêt 
du  parlement  de  Bretagne  du  21  février  1652, 
que  rapporte  Sauvageau  ,  liv.  i  ,  chap.  9. 

Le  même  auteur ,  liv.  i ,  chap.  88  ,  fait  men- 
tion d'un  arrêt  du  19  mai  1662,  par  lequel  il  a 
été  décidé  que  la  Prefcription  de  dix  ans  ,  lorfqu'il 
y  a  information  &  décret ,  commence  du  jour  du 
délit  commis  ,  &  non  pas  feulement  du  jour  que 
le  décret  a  été  porté. 

Faut-il  donc  dire  ,  que  fi  le  décret  étoit  donné 
le  dernier  jour  des  dix  ans ,  l'aflion  criminelle  fe- 
roit  prefcrite  de  plein  droit  }  Point  du  tout.  En 
ce  cas,  l'aflion  ayant  le  cara<flère  d'un  jugement 
interlocutoire  ,  en  nuroit  aufliî  les  effets ,  &  il  pro- 
longeroit  l'adion  pendant  trois  ans. 

C'efl  l'avis  de  Poulain  du  Parcq,  fur  l'art.  288 
de  la  toutumc  de  Bretagne  note  h. 

Ci  Je  penfe  (  ajoute  cet  auteur  )  qu'il  en  efl  de 
»  même  de  la  fentence  de  provifion  dont  l'effet 
M  cefle  par  la  Prefcription  du  crime  ,  fuivant  l'ar- 
»  rêt  du  20  mars  1665  ,  rapporté  dans  le  recueil 
Il  de  Sauvageau,  liv.  1,  chap.  123  ». 

Voyez  au  furplus  le  §.  8  de  la  fe61ion  3  de  cet 
article. 

15°.  Le  placard  du  4  0(5lobre  1540  ,  a  intro- 
duit dans  les  Pays-Bas  une  Prefcription  de  dix  ans, 
dont  il  a  été  parlé  ci-deffus  ,   §.  ^. 

16°.  On  a  auffi  vu  dans  le  §.  8  de  cette  feflion  , 
à  l'article  PROCUREUR ,  l'exemple  d'une  autrç 
Prefcription  de  dix  ans  ,  qui  a  pour  objet  la  rc- 
mife  des  facs  de  procès  indécis. 

En  Normandie  ,  cette  Prefcription  eft  auffi  né- 
ceifaire  aux  rapporteurs.  L'arrêt  de  règlement  du 
parlement  de  Rouen  du  28  février  1704  ,  y  ert 
formel, 


PRESCRIPTION. 

17*.  Dans  la  même  province,  après  dix  ans, 
l'aflion  pour  faire  révoquer  les  donations  faites 
contre  la  coutume,  eft  prefcrite  ;  mais  ce  terme 
ne  fe  compte  que  du  jour  de  la  majorité,  quand 
ceux  à  qui  l'action  eft  déférée  font  mineurs.  Ceft 
ce  que  porte  l'article  435   delà  coutume.  Voyez 

RÉSERVES    COUTUMIÈRES   &    SUBSTITUTION    FI- 
DÉICOMMISSAIRE. 

17°.  Dans  la  coutume  de  Valenciennes  ,  les 
meubles  fe  prefcrivent  par  dix  ans.  C'eft  la  difpo- 
fuion  exprefle  de  l'article  94  de  cette  loi  mu- 
nicipale. 

18".  Il  y  a  quelques  coutumes  de  nantiflement , 
dans  lefquelles  dix  ans  de  polTeffion  réelle  équi- 
poUent  aux  formalités  de  veft  &  déveft  ,  faifuie  & 
deflaiftne,  déshéritance  &.  adhéritance.  Voyez  Nan- 
tissement. 

§.  XIV.  De  la  Prefcr'iptïon  de  on^e  ans. 

Par  l'article  4  de  la  rubrique  21  delà  coutume 
de  Bailleul  le  débiteur  d'une  rente  qui  a  paffé 
onze  années  fans  en  payer  les  arrérages  ,  en  a 
prefcrit  une  ;  en  forte  *iue  ,  «  nul  ne  peut  (  dans 
3'  cette  coutume  )  ,  demander  les  arrérages  de 
»)  rentes  pour  plus  de  dix  années  dernières ,  . . .  . 
j>  &  le  débiteur  eu  tenu  quitte  de  tous  les  arréra- 
»  ges  antérieurs,  fauf  la  bonne  foi  )>. 

Ces  termes  ,  fan f  La  bonne  foi ,  prouvent  qu'on 
ne  d')it  pas  aiïimiler  cette  Prefcription  à  celle  de 
cinq  ans ,  dont  nous  avons  parlé  fous  le  mot  Ar- 
rérages. 

§.  XV.  De  la  Frefcription  de  dou^e  ans. 

Il  y  a  dans  la  coutume  générale  de  Hainaut  plu- 
fieurs  efpèces  de  cette  Prefcription. 

1°.  L'article  14  du  chapitre  107  porte  ,  que  l'ac- 
tion en  reddition  de  compte  fe  prefcrit  par  le  laps 
de  douze  ans  ,  depuis  la  geilion  expirée  (i). 

a".  Par  l'article  15  du  même  chapitre,  celui  qui 
prétend  avoir  droic  à  une  fucceiîîon  mobilière  , 
eft  tenu  d'agir  dans  le  terme  de  douze  ans  depuis 
la  mort  de  la  perfonne  à  qui  il  s'agit  de  fuccéder. 
Ce  terme  ne  court  point  contre  les  mineurs  8c 
les  abfens  ;  &  ces  derniers  ont  un  délai  de  fix 
ans ,  après  leur  retour  ,  pour  intenter  leur  action. 

■3/.  Suivant  l'article  4  ,  toute  obfervation  qui  ne 
réfulte  pas  d'un  afle  paffé  devant  notaires ,  ou 
fous  feing  privé ,  fe  prefcrit  par  le  laps  de  douze 
ans. 

(1)  C'eft  de  cette  difpofition  que  dérive  celle  du  chapitre 
3<;  de  la  coutume  du  het'  lieu  de  Mons:  «  quiconqje  vom 
30  droit  poutfuivre  leidites  perfonnes  de 'oi  pnur  avoir  compte 
a»  &  payement  dei'iits  hiens,  parlons  iV  gouverrifmens  heri 
»  tiers  &.'  meubliers  l'iceux  orphelins  &  pupilles ,  faire  le 
s»  poui-ront,&  devront  dedans  douze  ans  enfiiivjns  ,  eux 
»  venus  a  leur  âge  ,&  homme  francq  •»  ,  t'eft  à-dire,  éman- 
cipe. 

On  voit  bien  qu'il  s'a;;îc  là  Je  comptes  de  tutelle  que  les 
mayeuric  échcvins  des  villes  Se  villages  du  Hainaut  doivent 
rendre  atix  mineurs  tient  ils  font  ekefs-tuuurs.  Voyez  TU- 
TEUR EN  CHEF. 


PRESCRIPTION.  3^7 

Mais  cette  Prefcription  n'a  pas  lieu  contre  les 
mineurs  ,  ni  au  profit  des  abfens  qui  n'ont,  dans 
la  province  aucun  bien  fur  lequel  les  créanciers 
puiiTent  exercer  une  faifie.  C'efl  ce  que  décident 
l'article  cité,  &  l'art.  12  du  chap.  53. 

Par  arrêt  du  fouverain  chef  lieu  de  Mons  du 
17  octobre  1644 ,  il  a  été  jugé  ,  d'après  l'article  4 , 
que  l'aiHion  en  payement  d'un  droit  de  lods  & 
ventes  échu  &  ouvert,  fe  prefcrit  par  douze  ans. 

Un  autre  arrêt  rendu  au  confeil  fouverain  de 
la  même  ville  ,  le  22  mai  1720  ,  a  jugé  qu'il 
ne  faut  pareillement  que  douze  années  pour  pref- 
crire  les  vingtièmes  ,  maltotes  &  autres  fembla- 
bles  dettes,  a  compter  du  jour  de  leur  échéance. 
L'auteur  du  manufcrit  d'où  j'ai  extrait  cet  arrêt,  re- 
marque que  la  même  chofe  avoir  été  jugée  précé- 
demment à  l'échevinage  de  Mons  ,  entre  Jean 
Craveau  &  Louis  le  Gros.  Voyez  encore  ce  qu'on 
a  dit  ci-dcffus  ,  §.  5 ,  fur  la  Prefcription  des  gages 
des  domefliques. 

§.  XVI.  De  la  Prefcription  de  quinze  ans. 

1°.  La  Prefcription  de  quinze  ans  a  lieu  en  fa- 
veur des  architeétes  &  des  entrepreneurs  de  bâ- 
ti mens  ;  tk  fon  effet  eft  de  les  décharger  de  la  ga- 
rantie des  ouvrages  qu'ils  font,  non  pas  pour  les 
particuliers  (  car  ils  ne  font  tenus  envers  ceux-ci 
que  pendant  dix  ans),   mais  pour  le  public. 

Elle  a  été  introduite  par  la  loi  8  ,  au  code ,  de 
operibui  publicis  (1). 

2".  La  coutume  de  Bretagne  admet  une  autre 
Prefcription  de  quinze  ans  ,  dont  il  efl  parlé  à  l'ar- 
ticle Appropriance, 

§.  XVII.  Des  Prefcripiions  de  vingt  ans. 

1".  On  a  déjà  vu  que  par  les  lois  romaines  ; 
abrogées  à  cet  égard  dans  plufieurs  de  nos  pro- 
vinces ,  mais  adoptées  dans  beaucoup  d'autres,  la 
poffeffion  de  vingt  ans  ,  accompagnée  de  titre  & 
de  bonne  foi ,  opère,  entre  abfens  ,  une  pleine  & 
entière  Prefcription  ,  tant  contre  la  revendication 
des  immeubles  ,  que  contre  toute  autre  aftion  réelle 
ou  hypothécaire. 

2".  il  y  a  plufieurs  contumes  qui  exigent ,  pont 
prefcrire  entre  préfens  ,  le  même  efpaee  de  temps 
que  celui  qui  eft  requis  par  le  droit  romain  ,  dans  le 
cas  d'a'nfence. 

Telles  font  Cambrefis ,  titre  17,  article  i,  & 
Valenciennes  ,  article  93. 

Ce  qu'il  y  a  de  remarquable  dans  ces  coutumes  , 
relativement  à  cette  Prefcription .  c'eff  qu'elles  la 
font  réfulter  de  la  feule  poffelfion  paifijjle  &  de 

(1)  Voici  les  termes  de  cette  toi  : 

Omnes  quibus  vel  cura  mandata  fuerit  operum  publico- 
rum  ,  vel  pL-dmiaad  extruûiouem  folito  mo'C  crédita  ,  ufquc 
ad  annos  quindecim  ab  opère  peiteAo  cùm  luis  he'^.^ibus  te- 
neanrur  obnoxii  :  ita  ut  11  quid  viiii  m  «dificatione  trurà  prxC- 
titutum  tempus  pervenerit ,  de  eorum  patiimonio  (  excePiiî 
tamen  his  caùbus  qui  funt  fortuit!  )  reformetur. 


36g 


PRESCRIPTION. 


bonne  fol,  foit  qu'il  y  ait  titre  ou  non  (i). 

3°.  La  coutume  de  Ponthieu  ,  art.  115,  n'exige 
pareillement  que  vingt  ans  pour  prelcrirc  les 
allions  réelles  6c  foncières ,  ik  elle  ne  demande 
pas  non  plus  de  titre.  Mais  elle  diffère  des  cou- 
tumes de  Cambrefis  &  de  Valenciennes  ,  en  ce 
qu'elle  fait  opérer  cette  Prefcription  contre  les 
abfcns ,  auffi  bien  que  contre  les  préfens ,  &  qu'elle 
ne  parle  pas  de  la  bonne  foi. 

4*.  Dans  d'autres  coutumes  ,  la  Prefcription  de 
vingt  ans  a  le  même  effet  que  celle  de  trente  ans 
dans  le  droit  romain  ,  c'eft-à-dire  ,  qu'elle  y  éteint 
non-feulement  les  avions  réelles ,  mais  même  les 
perfonnelles.  Telles  font  Artois  ,  art.  72  ;  Douai , 
chap,  9  ,  art.  i  ;  gouvernance  de  Douai ,  chap.  14  , 
art.  I  ;  Orchies ,  chap.  8  ,  article  i  ;  Boulonnois  , 
arr.  1 20. 

Il  pareil  que  dans  la  première  de  ces  coutumes, 
cette  Prefcription  cfl:  très-ancienne.  On  la  voit 
atteftée  comme  notoire  ,  dans  une  enquête  par 
turbes ,  faite  à  Arras  le  10  mars  1491  ,  au  fujet 
de  la-  mouvance  de  la  châtellenie  d'Oify. 

5'.  La  loi  12  ,  C.  adlegem  Curneliam  de  /al/îs  ,  St 
le  chapitre  6  ,  aux  décrétaies  ,  de  txcepcionibus  , 
décident  que  les  crimes  fe  prefcrivent  par  vingt 
ans.  Voyez  ci  après  ,  feSion  3  ,  §.  8. 

6°.  On  a  vu  plus  haut,  §.  7  ,  que  le  droit  ro- 
main affujettit  encore  à  la  Prefcription  de  20  ans, 
les  b'rens  vacans  qui  ont  été  poifédés  fans  titre  , 
fans  avoir  été  préalablement  dénoncés  au  fifc. 

7°.  Suivant  les  coutumes  de  Bourgogne  &  de 
Franche-Comté  ,  lorfque  les  propriétaires  du  plain 
qui  touche  une  forêt  bannale,yont  laiffé  croître 
du  bois  pendant  vingt  ans,&.  qu'il  n'eft  pas  fé- 
paré  de  cette  forêt  par  des  bornes  ,  des  foffés  ou 
d'autres  marques  apparentes  ,  ce  plain  accroît  à 
la  forêt  ,  &  appartient  dès  -  lors  au  maître  de 
celle-ci. 

Cette  manière  d'acquérir ,  comme  le  remarque 
Dunod,  eft  injufte  &  contraire  à  tous  les  prin- 
cipes (2). 

8".  Les  fermiers  des  domaines  du  roi  ne  peu- 


(i)  Voici  ce  que  porte  la  première  àc  ces  coutumes  :  ce  Ce- 
M  lui  qui  jouit  d'un  hétitage  ,  rente  eu  autre  droit  réel  paifi- 
M  blement  &:  de  bonne  foi ,  à  titre  ou  fans  titre  ,  ou  demeure 
3»  paifible  d'aucune  charge  ou  redevance  annuelle  &c  réelle 
m  par  l'efpace  de  vingt  ans  continuels  &:  accomplis  entre  per- 
»  fonnes  préfentes  &  non  privilégiées  ,  il  a  acquis  par  ladite 
M  poffeilion  &  jcuiiïance  la  propriété  &  droit  de  la  chofe 
M  ainfi  pat  lui  pofiedée  », 

(2)  Si  on  dit  (  ce  font  les  teriMes  de  cet  auteur)  qu'elle 
»  vient  de  ce  que  les  racines  &  la  femence  des  arbres  de  la 
»•  foret  bannale  ,  fe  font  étendues  dans  les  fonds  voillns_,&  y 
M  ont  produit  de  nouveaux  arbres  ;  ils  doivent,  fuivant  les 
M  principes  ,  céder  au  fonds  dars  lequel  ils  font  crûs ,  bien 
«  loin  de  l'acquérir  au  maître  de  celui  dont  ils  viennent.  Ce 
»  n'efl  pas  non  plus  une  ailuvion  ,  qui  fe  fait  infenlîblement 
»j  d'une  tetre  dont  on  ne  peut  pas  connoître  le  maître  ,  & 
»  qui  forme  a  la  fuite  un  fonds  accefibire  &:  adjacent,  Ceft 
"  un  de  ces  droits  que  les  feigneurs  haui-julticiers  fe  font  at- 
"  tribué  ,dont  on  ne  peut  découvrit  une  julle  caufe,  ni  don- 
m  net  un«  bonne  laifon  ». 


PRESCRIPTION. 

vent  faire  remonter  au-delà  de  vingt  ans,  la  re- 
cherche des  droits  de  contrôle  ,  d'infmuation  ,  de 
centième  denier,  de  pctit-fcel  ,  d'amortiffement  Se 
franc  fief.  Après  ce  terme  ,  les  redevables  font 
quittes  envers  eux  ,  mais  ils  demeurent  obligés 
envers  le  roi,  contre  lequel  ces  droits,  quoique 
cafuels ,  ne  fe  prefcrivent  pas.  Ceft  ce  que  por- 
tent les  articles  529  &  535  du  bail  de  Forceville 
du  16  feptembre  1738;  l'article  3  des  lettres-pa- 
tentes du  22  août  1766 ,  portant  bail  àHenriet, 
&  l'article  5  du  réfultat  du  confeil  du  30  décem- 
bre 1761  ,  pour  le  bail  de  Prévôt. 

Les  droits  dus  pour  les  a£tes  fous  fignature  pri- 
vée ,  ne  font  point  compris  dans  les  limites  de 
cette  époque  de  vingt  ans.  Ceft  ce  qui  réfulte  de 
deux  décifions  du  confeil  des  17  novembre  1757, 
&  14  décembre  1758. 

Le  fieur  Dufour  avoir  vendu  en  1728,  par  afle 
devant  notaires  ,  des  biens  qui  lui  étoient  échus 
quelque  temps  auparavant  par  un  partage  fait  fous 
feing-privé.  Dans  les  vingt  ans  de  cette  vente  , 
mais  plus  de  vingt  ans  après  le  partage,  le  fermier 
lui  demande  les  droits  de  ce  dernier  adle.  Ordon- 
nance de  M.  l'intendant  de  la  Rochelle,  qui  décharge 
le  fieur  Dufour.  Appel  par  le  fermier.  La  décifion  ré- 
forme l'ordonnance  ,  &  condamne  le  fieur  Dufour 
au  payement  des  droits  ,  a  attendu,  y  eft  il  dit, 
»)  que  le  partage  eft  énoncé  dans  la  vente,  & 
)>  que  les  droits  en  ont  été  demandés  avant  les 
»j  vingt  années  du  jour  de  cette  vente  ». 

Le  féconde  décifion  condamne  la  dame  du  Mou- 
chet ,  veuve  du  fieur  Rofnivinen  de  Chamboy , 
à  repréfenter  le  partage  fait  entr'elle  &  les  cohé- 
ritiers des  biens  de  la  fucceffion  de  fon  père, 
mort  en  171 5  ,  &  à  en  payer  les  droits.  Elle  di- 
foit  que  c'éioit  une  ancienne  recherche  ,  prohibée 
par  les  réglemens;  mais  elle  n'a  pas  été  plus  écou- 
tée que  ne  l'avoit  été  le  fieur  Dufour  Tannés  pré- 
cédente. 

9°.  Il  y  a  deux  coutumes  qui  admettant,  à  l'e- 
xemple de  celles  d'Artois  &  de  Douai ,  la  Pref- 
cription de  vingt  ans  contre  les  aéKons  réelles  & 
perfonnelles  ,  exigent  vingt  jours  de  plus  pour  la 
compléter  :  ce  font  Metz  &  Gorze  (i). 


(i)  Voici  les  ttrmis  de  ces  coutumes  : 

t.  Celui  qui  a  pofTédé  liéritages ,  rentes  ou  autre»  immeu- 
ïj  blés  de  bonne  foi  ,  tant  par  lui  que  par  fes  prédéceffeurs  , 
»  eu  ceux  qu'il  repréfente  ,  par  l'efpace  de  vingt  ans  vingt 
»  jours  entre  préfens  ou  abfens  ,  âgés  &  non  privilégiés  ,  pai- 
«  fiblement  ic  fans  trouble  ,  acquiert  l'héritage  ou  rente  par 
«  Prefcription  ».  Coutume  de  Metz  ,  titre  14  ,  article  5. 

ce  Ce  qui  ell  prefcriptible  fe  prefcrit  entre  feculiers  par  !'ef- 
»  pace  de  vingt  ans  vingt  jours.  -—  Partant  ,  fi  quelqu'un  a 
M  pofledé  de  bonne  foi  par  lui  j  fes  auteurs  ,  prédécefleurs  ou 
»  autres  qu'il  repréfente  ,  ou  defquels  il  a  le  droit,  rentes, 
«  liéritages  ou  autres  immeubles ,  de  l'efpace  de  temps  paifi- 
j>  blement  Se  fans  ttouble,  entre  préfens  ou  abfens,  âgés  6c 
»  non  privi'égié.ç ,  au  vu  &:  fu  de  tous  ,  il  acquiert  Prefcrip- 
»  tion  ».  Coutume  de  Gorze  ,  titre  14  »  articles  i  &:  1. 

M  Toutes  aûions  perfonnelles,  réelles  ou  mixtes  font  pref- 
»  crites  ôc  éteintes  pat  vingt  ans  vir.gt  jouis,  s'il  n'y  a  pour- 

Mais 


PRESCRIPTION. 

Mais  un  point  dans  leciuel  ces  deux  coutumes 
diffèrent  encore  des  trois  autres ,  c'ert  qu'elles  font 
valoir  cette  Prefcription  même  contre  les  abfens  ; 
&  en  cela  elles  le  rapprochent  de  la  coutume  de 
Ponthieu. 

§.  XVII.  Di  la  Prefcription  dt  vingt-un  ans. 

Cette  Prefcription  n'efl  connue  que  dans  deux 
de  nos  coutumes,  celle  de  Hainaut  8i  celle  d  E- 
pinal. 

1°.  Les  chartes  générales  de  Hainaut  contiennent 
à  cet  égard  plufieuis  dirpcfitions  remarquables. 

L'article  13  du  chapitre  8  porte  que  pour  acquérir 
l'exemption  de  dîmes  laïcales ,  il  faut  une  poffef- 
fion  de  ne  point  payer  pendant  vingt  un  ans ,  & 
qu'elle  foit  précédée  d'un  refus.  Voyez  Dixmes. 

L'article  2  du  chapitre  9  exige  le  même  terme 
pour  ralfujétiffemcnt  d'une  terre  labourable  au 
droit  de  chanipart  ou  terrage.  Voyez  Champart. 

Aux  termes  de  l'article  10  du  chapitre  98,  un 
parent  prefcrit  par  vingt  un  ans  cO'.tre  tous  autres  pa- 
ren:  réfidens  au  pays,  la  fucceifion  d'une  perfonne 
décédée  ,  ou  dont  l'abfence  a  été  déclarée  judi- 
ciairement. 

L'article  i  du  chapitre  107  déclare  que  tous  les 
immeubles  &  droits  réels  fe  prefcrivent  par  vingt 
ans  entre  fécuhers  habiles  à  forfaire ,  c'cft  i-dire  , 
capables  d'aliéner  les  biens  qu'ils  laiflent  perdre  par 
la  Prefcription. 

L'article  4  du  même  chapitre  ajoute  qu'il  faut 
le  même  terme  pour  prefcrire  les  aftioui  perfon- 
nelles  qui  font  fondées  fur  contrats  authentiques 
ou  fous  feing-privé. 

L'article  10  porte  qu'un  feigneur  prefcrit  contre 
un  autre  feigneur  la  mouvance  &  le  tenement  d  un 
fief,  moyennant  une  poffeffion  de  vingt-un  ans  ik. 
trois  reliefs. 

L'article  19  demande  vingt-un  ans  pour  la  Pref- 
cription des  crimes  énormes  ,  c'eft-à-dire  ,  des  cri- 
mes pour  lefquels  les  habitans  du  pays  ne  jouirent 
p?,s  du  bénéfice  de  la  loi.  Voyez  Amener  a  loi 

&  MISE  EN  LOI. 

Le  réfultat  de  toutes  ces  difpofitions  efl  que  la 
Prefcription  de  vingt-un  ans  tient  lieu  de  ce  qu'on 
appelle  ailleurs  la  Prefcription  ordinaire  ,  &  même 
de  la  Prefcription  de  trente  ans,  ou  ,  comme  par- 
lent les  dofteursjds;  la  Prefcription  longijjlmi  icm- 
poris. 

a".  Quant  à  la  coutume  d'Epinal ,  elle  porte ,  ti- 
tre 1 1  ,  article  3  ,  que  la  Prefcription  de  vingt-un 
ans  eft  de  «telle  force,  que  quiconque  aura  pof- 
»  fédi  paifiblement  &  de  bonne  héritage.  .  par  ledit 
»?  temps ,  il  en  aura  acquis  la  propriété,  encore  qu'il 
j>  n'ait  titre  ,  &  feront  dorénavant  toutes  adlions 
»  tant  réelles  que  perfonnelles  indinin6>ement , 
«  preicrites  par  ledit  temps  de  vingt-un  ans  ». 


=•  fuite  fiiiHfantc  pour  interrompre  la  Prelciiption  «,  Cou- 
tume de  Metz,  titre  18  ,  article  8.  L,*article  ji  du  titre  I4  de 
la  coutume  d^Goize  ell  conçu  danj  les  mêmes  teciuesi 

T9mc  XII 


PRESCRIPTION.         ^6<) 

Au  furplus  ,  cette  Prefcription  n'a  lieu  ni  en 
Hainaut,  ni  à  Epinal  ,  contre  l'églife.  Voyez  ci- 
après  ,  feélion  3. 

§.  XVIII.  De  la  Prefcription  de  vingt-deux  ans. 

Nous  ne  connoiffons  qu'une  coutume  dans  la- 
quelle cette  Prefcription  efl  admife.  C'eft  celle  de 
Nanuir  ,  qui  fait  loi  dans  quelques  cantons  du  ref- 
fort  du  parlement  de  Flandres. 

Elle  porte,  article  33  ,  qu'après  avoir  pofledé 
quelques  bwns  réils  ,  per.dant  vingt-deux  ans  ,  entre 
préfcns  &  habiles  à  ,i^ir  ,  on  a  acquis  par  Prefcription 
le  droit  en  la  choje. 

L'article  34  déclare  que  dans  les  aclions  perfon- 
nelles il  n'y  a  point  de  Prefcription  ,  s'il  n  y  a  pof- 
j^ffion  dy.  trente  ans. 

Cependant  l'article  37  répute  nulles  &  de  nulle 
valeur  les  lettre,  &  titres  dont  on  a  ufc  par  Cc/pûce  de 
vingt-deux  ans  ;  Sc  il  en  donne  pour  exemple  les 
lettres  de  rente  fur  qu  Iquc  luriag:  ,  qui  font  dit- il  , 
tenues  pour  nulles  ,  fi  on  ne  fait  apparoir  du  paye- 
ment de  quelques  termes  échus  depuis  les  vingt- 
deux  années  précédentes. 

§.  XIX.  D:  la  Prefcription  de  trente  ans. 

Dans  le  droit  romain  ,  la  Prefcriotion  de  trene 
ans  a  deux  effets ,  l'un  par  rapport  aux  allions  per- 
fonnelles ,  &  l'autre  par  rappor   aux  aflions  réelles. 

D  abord  ,  elle  éteiut  les  allions  perlonnelles  : 
Pcrforia'es  utTionules  uUrà  triginta  arinorum  Jpatium 
mi/umè  rro  eidantur  ;  ce  font  les  termes  de  la  loi  32  , 
au  code  ,  dj  prcefcriptio'ie  30  vel  40  annurum. 

Il  en  ^ii  de  même  des  allions  mixres  ,  c"ciA-.Vdire, 
des  demandes  en  partage  ou  bornage,  &  de  la  pé- 
tition d'Iiérédité.  VL>yez  les  articles  Hérédité  6c 

bVCCESSlON. 

Ce  qu'il  faut  bien  remarquer  par  rapport  à  cette 
Prefcription  ,  c'crt  qu'elle  eit  régulièrement  la  feule 
qu'on  puiffe  oppofer  en  matière  de  dettes  &  de 
droits  paiTu's  ,  &c  par  cette  raifon  elle  efi:  d'une  né- 
ceffité  indifpenfable  pour  tous  les  cas  où  des  lois 
exprefTes  n  en  ont  pas  introduit  une  plus  courte. 

C'etl  en  quoi  ce  premier  effet  qu'elle  produit  , 
diffère  du  fécond. 

Car  dans  les  aâions  réelles, on  peut  fe  paffer  de 
la  Prefcription  de  trente  ans.  Celle  de  dix  ou  de 
vingt  ans  fufiit  toutes  les  fois  qu'il  fe  rencontre  jufte 
titre  ,  bonne  foi  dans  le  prefcrivant  ,  bonne  foi 
dans  fon  auteur ,  ou  ,  au  lieu  de  cette  dernière  con- 
dition ,  connoiffance  dans  le  propriétaire  de  l'alié- 
nation qui  a  été  faite  par  l'auteur  du  prefcrivant. 

Ce  n'eft  que  lorfqu  une  de  ces  conditions  man- 
que, que  la  Prefcription  de  trente  ans  efî  nécef- 
faire  pour  profcriro.  Voyez  ci-devant ,  feélion  i  , 
§.  1;  ,  &  le  §.  13  de  la  (eélii^n  préfente. 

À  l'égard  de  nos  coutumes,  elles  ont  pris  ,  par 
rapport  à  la  Prefcription  trentenaire  ,  des  partis 
fort  différens  les  uns  des  autres. 

On  a  vu  plus  haut ,  §.  16  &  17  ,  qu'il  y  en  a 
pUifieurs  dans  lefquelles  elle  eft  remplacée  relative- 

Aai 


37»  PRESCRIPTION. 

ment  aux  avions  performelles ,  par  la  Prefcrlptlon 
de  vingt  ou  de  vingt-iin  ans. 

On  a  également  remarqué  ,  (eâion  l  ,  §.  5  ,  qu'il 
y  en  a  d  autres  dans  Itlquelles  elle  n'a  lieu,  même 
en  matière  perfonn^Uc,  que  lorfqii'elle  eft  accom- 
pagnée de  bonne  foi. 

Mais  dans  prefque  toutes  les  autres  ,  elle  a  con- 
ferve  contre  les  aclions  perfonnelles  la  même 
force,  les  mêmes  effets  que  dans  le  droit  romain  ; 
&  il  n'y  peut  être  Aippléé  par  des  Prefcriptions  plus 
Courtes  ,  que  dans  les  cas  qu'ont  exprimés  formel- 
lement des  lois  particulières. 

En  matière  réelle ,  il  y  a  plus  de  variation. 

Un  grand  nombre  de  coutumes ,  à  la  tête  def- 
mielles  eft  celle  de  Paris  ,  admettent  à-la-fois  la 
Prefcription  de  dix  ou  vingt  ans  ,  &  la  Prefciiption 
trentenaire  ;  favoir ,  la  première  ,  quand  il  y  a  titre 
&  bonne  foi  ;  &  la  féconde  ,  quand  le  poflelTeur  ne 
peut  faire  apparoir  d'aucun  titre. 

Voici  ce  que  portent  à  ce  fujet  les  articles  113 
&  1 18  de  la  coutume  de  Paris. 

«4  Si  aucun  a  joui  &  pofTédé  héritage  ou  rente  à 
5»  jujîe  titre  &  de  bonne  foi....  par  dix  ans  entre  pré- 
3)  fens  &  vingt  ans  entre  abfens  ,  âgés  &  non  pri- 
3)  vilégiés  ,  il  acquiert  Prefcription  dudit  héritage 
»  ou  rente. 

»  Si  aucun  a  joui ,  ufé  &  pollédé  d'un  héritage 
j>  ou  rente  ,  ou  autre  chofe  prefcriptible  p^r  l'e/pace 
5>  de  trente  ans  continuellement....  fuppofé  qu'il  ne 
yi  fajfe  apparoir  de  titre ,  il  a  acquis  Prefcription  en- 
»j  tre  âgés  &  non  privilégiés  ». 

Alnfi  dans  cette  daiTe  de  coutumes  ,  comme  dans 
le  droit  romain  ,  le  feul  laps  de  trente  ans  fait  pré- 
fumer que  la  pofleffion  procède  d'un  jufte  titre  dont 
on  a  perdu  la  mémoire,  &  dont  l'ade  s'eft  égaré. 
Mais  que  feroit-ce  fi  le  titre  étoit  produit ,  &  qu'il 
im  vicieux  }  Voyez  ci-devant ,  fe^ion  i  ,  §^. 

D'autres  coutumes  ont  rejeté  la  Prefcription  de 
dix  ou  vmgt  ans  ,  &  y  ont  fubftltué  celle  de  trente. 
Mais  elles  ne  s'accordent  pas  toutes  fur  fes  condi- 
tions ni  fur  fes  effets. 

Les  unes ,  telles  que  la  chàtcllenie  de  Lille  ,  cha- 
pitre 17  ,  article  i  ,  &  la  ville  de  Lille  ,  chapitre  6  , 
article  i  ,  n'admettent  cette  Prefcription  quentn 
frêfens.  Mais  voyerce  que  nous  avons  dit  là-deiTus 
à  l'article  Absent. 

Les  autres  qui  forment  le  droit  commun  de  cette 
claffe  de  lois  municipales,  ne  mettent  dans  cette  ma- 
tière aucune  différence  entre  les  abfens  8c  les  pré- 
fens.  Telle  ell  Celle  de  Lorraine  ,  titre  iS  ,  article  i. 

Il  en  efl  qui  difent  fimplement  que  «  toutes  Pref- 
»  criptions  pour  acquérir  le  bien  d'autrui  ou  con- 
3>  ferver  le  (ita  ,  font  réduites  à  trente  ans  ».  Ainfî 
s'exprime  la  coutume  de  Saint-Mihiel  ,  titre  10  , 
article  I  ;  &.  ,  comme  on  voit ,  elle  ne  parle  ni  de 
titre  ,  ni  de  préfence  ;  ce  quieft  sûrement  une  mar- 
que qu'elle  s'en  rapporte  fur  ces  deux  points  au 
droit  commun. 

Il  faut  ranger  fur  la  même  ligne  la  coutume  de 
Bo  urbonnois ,  article  23  i  Nivernois  ,  chapitre  36  , 


PRESCRIPTION. 

article  1  ;  Berry  ,  titre  12,  article  i. 

Il  y  en  a  quelques-unes  qui  déclarent  formelle- 
ment qu'il  ne  faut  point  de  titre  pour  cette  Pref- 
cription ;  mais  elles  y  requièrent  la  bonne  foi.  Telle 
eft  celle  de  Lorraine  ,  titre  18,  article  1. 

D'autres  ne  parlent  point  de  bonne  foi ,  &  di- 
fent fimplement  qu'il  ne  faut  point  de  titre.  De 
cette  claffe  font  Montargis,  titre  1 7  ,  articles  i  &  4  ; 
Orléans ,  article  z6i. 

Enfin  ,  il  y  en  a  quelques-unes  dans  lefquellcs  on 
ne  prefcrit  pas  mên)e  par  trente  ans  ,  fans  le  con- 
cours de  la  bonne  fol  &  du  jufte  titre.  Voyez  la 
coutume  de  Bruxelles  ,  titre  des  Prefcriptions  ,  arti- 
cle premier ,  &  le  ftatut  fait  pour  la  même  ville  le 
31  avril  143  a. 

On  peut  voir  à  l'article  Teneure  quelles  font  fur 
cette  matière  les  difpofitions  de  la  coutume  de 
Caffe!. 

§.  XX.  De  la  Prefcription  de  quarante  ans, 

La  Prefcription  de  trente  ans  ,  qui  avoit  été  intro- 
duite'par  le  grand  Théodofc  ,  n'exerçant  pas  fort 
aâivité  fur  toutes  les  avions,  l'empereur  Anafîafe 
crut  devoir  faire  une  loi ,  par  laquelle  il  ordonna 
que  tout  ce  qui  ne  fe  trouvoit  pas  fournis  aux  Pref- 
criptions fixées  par  les  conftitutions  précédentes  ^ 
fcroit  prefcriptible  par  quarante  ans  ;  &  cela  fans 
diftiniSlion  des  droits  qui  appartiennent  au  public  , 
de  ceux  qui  regardent  les  particuliers  ;  fans  avoir 
égard  à  la  caufe  ni  à  l'origine  des  allions  ;  Qnf.n  fans 
confidérer  la  qualité  des  perfonnes ,  fût-il  même 
queflion  de  leur  état  (i). 

Si  on  veut  favoir  quels  font  les  droits  &  lej  ac- 
tions qui  ne  font  paflîbles  qae  de  ane  efpèce  de 
Prefcription,  il  faut  confulter  l'article  HYPOTHÈ- 
QUE ,  &  la  fedion  3  de  celui-ci. 

Il  y  a  d'ailleurs  trois  coutumes  qui  ne  recsnnolf- 
fent  pas  d'autre  Prefcription  que  celle  de  quarante 
ans.  Ce  font  celles  deLiège  (2)  ,  de  Luxembourg  (3) 
&  de  Thionville. 

Il  faut  y  joindre  celle  de  Bretagne  ,  mais  par 
rapport  aux  a^Sions  réelles  feulement.  Voyez  l'ar- 
ticle Appropriance,  §.  io,n.VII. 


(1)  Cette  ioi  eft  la  quatrième,  au  code  ,  di  Pr.rfcrij)none 
3^  vel  40  annorum. 

(i)  Voici  ce  que  porte  cette  coutume ,  chapitre  5  ,  atticies 

«  Pour  acquérir  par  Prcfctiption  qHelqiie  bien  iinmeublc  ," 
"  convient  l'âvoLr  poffédé  ,  à  lirre  de  bonne  foi  ,  l'efpace  de 
»  qiTirante  ans  entre  gens  capables  Se  idoines. 

»  Si  par  le  laps  de  quarante  ans  la  rente  n'éioit  payée  par 
»  aucuns,  tlle  eft  ablolument  prefcrite  avec  bonne  foi ,  5c 
«  entre  gens  capables  ic  idoines  ». 

(j)  Cette  coutume  Se  celle  de  Thionville  portent,  titre  if  ; 
ariicle  premier ,  «  qu"«n  Prefcription  de  biens  immeubles, 
u  foit  ffodaux  ou  autres,  eft  requife  pofleifion  de  quarante 
»  ans  ,  fan?  préjudice  toutefois  des  reliefs,  teilitutions  ei> 
«  entiîr ,  ou  autre  fembiablc  bénéfice  de  dioiç  dépçndajjt  àc 
i}  l'auioiltédu  ffiacc". 


PRESCRIPTION. 

§.  XXI.  De  la  Trefcription  de  quarante-un  ans. 

De  toutes  les  coutumes  de  France  ,  celle  de  Soles 
cft  la  feule  où  cette  Prefcription  foit  connue.  Elle 
déclare  ,  titre  i8  ,  article  premier,  que  quiconque 
a  poffédé  dans  le  pays  qu'elle  gouverne  un  bien  pa- 
poal  ou  conquêt ,  pendant  quarante-un  ans,  avec 
titre  ou  fans  titre  ,  paifiblement ,  en  a  tellement  ac- 
quis la  Prefcription  ,  qu'il  n'en  peut  plus  être  in- 
quiété. 

Le  même  article  ajoute  que  dans  le  pays  de 
Soles  ,  il  n'y  a  ,  en  matière  réelle ,  aucune  Prefcrip- 
tion moindre  de  quarante-un  ans. 

Enfin  (  conclut  la  coutume)  ,  cette  Prefcription 
ne  court  pas  contre  ceux  qui  ne  peuvent  pas  agir 
en  jugement. 

§.  XXII.  De  la  Prefcription  de  foixante  ans, 

La  coutume  d'Orléans  foumet  à  cette  Prefcrip- 
tion Taflion  qu'a  le  feigneur  pour  obliger  les  gens 
de  main-morte  de  mettre  hors  de  leurs  mains  les 
héritages  qu'ils  ont  acquis  dans  fa  feigneurie. 

§.  XXIII.  De  la  Prefcription  centenaire. 

De  toutes  les  Prefcriptions  qui  ont  un  terme  cer- 
tain ,  dit  Dunod  ,  la  plus  longue  eft  celle  de  cent 
ans. 

C'eft  la  faveur  des  perfonnes  contre  lefqiielles 
elle  court ,  qui  l'a  fait  porter  à  un  fi  long  terme. 

Les  objets  qui  peuvent  être  prefcrits  par  cent 
ans, &  qui  ne  peuvent  l'être  par  un  terme  moin- 
dre, font , 

1*.  Les  biens  appartenans  à  l'églifs  de  Rome. 
Voyez  ci-après  ,  feflion  3  ,  §.  i. 

2"*.  La  loi  23  ,  au  code  ,  de  facro  fanEIls  ecclefiis  , 
met  fur  la  même  ligne  Taftion  pour  exiger  ce  qui  a 
été  donné  ou  légué  n  l'effet  de  rac'heter  des  captifs;  Se 
Cujas  (i)  prétend  que  cette  difpofuion  n'ayant  pas 
été  nommément  révoquée  par  les  lois  poftérieures 
de  Juftinien  ,  elle  doit  encore  avoir  tout  (on  effet. 

3°.  Juftinien  a  auffi  prorogé  à  cent  ans  la  Pref- 
cription des  chofes  laiffées  à  titre  d'hérédité  ,  de 
donation  ,  de  legs  &  de  vente  ,  aux  communautés 
d'habitans  des  cités  ,  civitatibas. 

Là-deffus  ,  deux  queftions.  La  première  ,  {\  l'in- 
tention de  Juftinien  a  été  d'étendre  ce  privilège 
non-feulement  à  toutes  les  villes  ,  mais  m.ême  aux 
bourgs  &  aux  villages  ;  &  il  n'y  a  prefque  pas  un 
auteur  qui  n'adopte  l'affirmative. 

La  féconde  quellion  efi  de  favt>ir  fî  ce  privilège 
fubfifte  encore.  Quelques-uns  foutiennent  qu'oui  , 
&  fe  ibîvient  fur  ce  qu'il  n'en  a  point  été  fait  de  ré- 
vocation cxprefTe  (2). 

D'autics  eilimenc  qu'il  eft  révoqué  ,  quoique 
l'empereur  ne  l'ait  pis  dit  ,  parce  qu'il  y  avoir 
moins  de  caufe  pour  le  conferver  aux  v'iUes  , 
qu'aux  églifes  auxquelles  il  l'a  cné  par  fes  novelles 

(i    l?c  .  .i'fcript.  <ii  tci:n.  cap.  ^4,  &:  olT^cv.  5  ,  lia.  5. 
;2)  Loiirus  de  jure  uni/,  parc.  3  ,  cop,  17  ,  n.  12  iS:  fe^. 


PRESCRIPTION,        371 

HT  &  I31  ;  6f  que  la  raifon  qui  l'a  déterminé  à  le 
faire ,  milite  aufli-bien  contre  les  villes  que  contre 
les  églifes. 

«  Il  me  paroît ,  dit  Dunod ,  que  nous  avons  cm- 
»  braffe  cette  dernière  opinion  dans  l'ufage  ». 

Sur  les  autres  effets  de  la  Prefcription  cente- 
naire ,  voyez  le  §.  fuivant  &  la  feflion  3. 

§.  XXIV.  De  la  Prefcription  immémoriale, 

Y  a-t-il  de  la  différence  entre  la  Prefcription  cert- 
tcnaire  dont  nous  venons  de  parler ,  &  la  Prefcrip- 
tion immémoriale  ? 

Les  auteurs  font  partagés  fur  cette  queftion.  Les 
uns  confondent  l'une  &  l'autre  Prefcription;  d'au- 
tres les  diftinguent. 

Pour  nous  ,  voici  en  peu  de  mots  ce  que  nous 
penfons  à  cet  égard. 

Quand  une  loi  exige  cent  ans  pour  prefcrlre  ,  il 
eft  clair  qu'on  ne  peut  pas  être  cenfé  avoir  pref- 
crit,  fi  on  n'a  poffedé  pendant  cent  années  corn- 
plettes.  En  matière  de  Prefcription  ,  tout  eft  de  ri- 
gueur :  il  faut  entendre  les  expreffions  des  lois  dans 
leur  fens  naturel  &  littéral  ;  &  il  ne  peut  y  avoir  ni 
approximation  ni  équipoUence  dans  la  manière  de 
remplir  les  conditions  dont  elles  font  dépendre  la 
Prefcription. 

Mais  par  la  même  raifon  ,  quand  une  loi  parle 
de  poffeflion  immémoriale  ,  on  ne  peut  pas  dire 
qu'elle  exige  un  efpace  de  cent  ans ,  ni  même 
qu'elle  s'en  contente. 

Qu'eft-ce  en  effet  que  la  Prefcription  immémo- 
riale ^  «  On  peut  la  définir  ,  dit  Dunod  ,  une 
))  Picfcription  dont  aucun  homme  en  vie  n'a  vu 
»  le  commencement,  dont  il  tient  déjà  l'cxiftence 
»  de  fes  anciens  ,  &  dont  il  n'a.  rien  appris  ôe 
«  contraire  ,  de  quelqu'un  qui  l'ait  vu ,  ou  entendu 
j>   dire   de  ceux  qui  l'auroient  vu  m. 

La  Prefcription  immémoriale  n'a  doHc  pas  de 
temps  déterminé  par  la  loi.  Ainfi  ,  il  n'eft  pas  né- 
ceffaire  qu'elle  foit  précifément  de  cent  années  ; 
elle  peut  être  d'un  plus  grand  ou  d'un  moindre 
efpace  ,  fuivant  les  circonffinces. 

Peut-on  qualifier  d'immémoriale  ,  une  poffef- 
fion  qui  eff  prouvée  par  des  bornes  ,  par  des  inf- 
criptions,  par  des  a  fies  ,  p-ar  d'anciennes  énon- 
ciations  ,  mais  dont  le  commencement  efl  fixé  par 
ces  monumens  mêmes  .'' 

«  Oui,  répond  Dunod,  parce  que  toute  poA 
»  feffioa  a  un  commencement  .  Se  que  pour  être 
»  immémoriale ,  il  fuffit  que  ce  commencement 
j»  excède  la  mémoire  des  vivans  ,  foit  par  rapport 
»  à  ce  qu'il  ont  pu  voir  eux-mêmes  ,  foit  par  rnp- 
n  porta  ce  qu'ils  ont  appris  de  leurs  ancêtres»». 

j>  Mais  je  crois  (ajoute  le  même  auteur  )  qu'en 
;»  ce  cas  ,  il  faudroit  que  ce  commencement  fût 
w  au  moins  de  cent  années  ,  &  que  s'il  n'étoit  pas 
Il  fi  ancien  ,  la  poffefHon  ne  devroit  pas  être  ré- 
»  putée  immémoriale;  car  il  pourroit  facilement 
5)  fe  trouver  des  perfonnes  qui  aurolent  ouï  dire 
>;  à  d'autres ,  qu'elles  en  auroi^'it  ^^  o"  appris  l'o-: 

A  a  a  ij 


37^ 


PRESCRIPTION. 


V  rigine  »>.  C'eft  aiiffi  ce  qu'enfeigne  Molina  ,  de 
prima  gsniturâ ,  chap.  6. 

On  voit  aflez  par-là  de  quelle  manière  peut 
être  prouvée  une  pofleflion  immémoriale  ,  Si  ceû 
ce  que  la  loi  28  ,  au  dlgefle  ,  de  probationibus  ,  dl- 
lermine  avec  encore  plus  de  précifion  :  «  lorfquun 
î>  arbitre  ,  dit-elle  ,  eA  dans  le  cas  de  juger  fi  un 
«  ouvrage  exirte  dcpuii  un  temps  immémorial  , 
})  faut-il  qu  il  s'informe  fi  quelqu'un  fe  fouvient  du 
j>  temps  où  cet  ouvrage  a  été  fait  ?  Non.  Son  uni- 
«  que  foin  doit  être  de  conflater  que  perfonne 
3j  ne  fait,  ni  pour  l'avoir  vu,  ni  pour  l'avoir  ouï 
)>  dire  ,  quelle  eft  l'époque  de  ce  temps  ,  &  qu'il 
»  n'en  a  été  inftruit  d'aucun  autre  qui  l'ait  vu  ou 
j>  ou'i  dire  iu 

La  glofe  du  chapitre  i  ,  de  prtzfcripnonibus  in  G" , 
dit  à  peu-près  la  même  chofe  :  «  Pour  prouver  une 
rt  poiTeflîon  immémoriale  ,  les  témoins  doivent 
V)  dépofer  qu'ils  ont  vu  ou  ouï  dire  que  les  chofts 
j»  étoient  furie  pied  où  elles  font;  que  l'opinion 
3)  commune  efl,  &  a  toujours  été  telle  :  qu'il 
j>  n'exiflc  point  de  mémoire  du  contraire  ,  ni  du 
»  commencement  de  la  poflelîîon.  Et  fi  la  partie 
5>  advt.rfc  veut  détruire  cette  preuve  ,  il  faut  que 
j)  fes  témoins  difent  qu'en  tel  temps  ils  out  vu 
j»  des  a^les  contraires  ,  01:  qu'ils  on;  appris  de 
j>  leurs  ancêtres ,  qu'il  en  a  été  fait  autrefois  Dans 
3)  le  concours  des  deux  preuves,  on  préfère  celle 
î>  qui  efl  appuyée  lùr  des  témoins  plus  irrépro- 
3»  chables  ,  &  dont  les  dépofitions  font  plus  pér- 
ît tinentcs.  Ainfi  ,  les  témoins  qui  affureront  avoir 
•n  vu  ,  l'emporteront  fur  ceux  qui  n'attcfieront 
»  qu'une  fi  m  pie  négative  ». 

Covarruvius  donne  une  idée  encore  plus  pré- 
cife  de  cc;te  preuve.  Suivant  lui,  il  faut  i'',  que 
les  témoins  foient  âgés  de  cinquante  quatre  ans 
au  moins,  pour  qu'ils  puitfent  dépofer  de  ce  qu'ils 
ont  vu  depuis  quarante  ans;  2",  qu'ils  difent  avoir 
ouï  dire  de  leurs  ancêtres  ce  qu'ils  atteflent  ;  3", 
qu'on  puiffe  juger  parleurs  dépofitions,  que  c'eft 
une  opinion  ancieiine  6c  commune  ;  4"  ,  que  leurs 
ancêtres  n'aient  ni  vu  ,  ni  ouï  dire  le  contraire  (1). 

Dunod  tient  la  même  doflrine.  "Voici  fes  termes , 
partie  2,  chapitre  14  :  "  Il  faut,  pour  établir  la 
»  Prefcription  par  un  temps  immémorial  ,  prouver 
ï>  une  poffefTion  de  quarante  ans,  par  des  témoins 
3j  qui  l'aient  vti  ,  &  que  déjà  auparavant ,  l'en  di- 
»  foit  communément  que  la  choie  étoit  telle  ,  fans 

VI  avoir  rien  appris  de  contraire  de  ceux  qui  l'au- 
>j  roient  vu  '». 

Nous  trouvons  dans  les  obfervations  de  Vcdel , 
fur  M.  de  Catellan,  l'ivre  1,  chapitre  38  ,  un  arrêt 
du  parlement  de  Touloufe  du  3  juillet  1715,01!! 
juge,  conformément  à  ces  principes  ,  que  ,  a  pour 
»  la  preuve  par  témoins  de  la  poficfîïon  immé- 
»  morialc  ,   il  faut  que  les  témoins   dépofent  de 


(i)Covairuvias,  aà  cap.  pojj'eff.  part.  2  ,  $.  j  ,   n,  ?.   Voyez 
encore  Mynrynj.cre  ,  cUKiuic  i  ,  cb'erv,  jç.BaJbLis,  de  Pitef- 


PRESCRIPTION. 

>♦  v!fu  pendant  quarante  ans ,  &  avoir  appris  de 
')  leurs  ancêtres  la  pofleifion  antérieure  ». 

"Voilà  la  nature  de  la  pofTefilon  immémoriale  bien 
déterminée.  Maintenant ,  confidérons-en  les  effets. 

Il  y  a  dans  le  corps  du  droit  civil  différcns 
textes  qui  s'accordent  à  dire  qu'elle  tient  lieu  ,  non- 
feulement  de  titre  ,  mais  de  loi  même. 

Fctujlas  femper  pro  lege  hubetur  :  ce  fi^nt  les 
termes  de  la  loi  première  &  de  la  loi  2 ,  au  digefîe , 
de  aquâ  pluv'uî  arcendâ. 

Dudus  xiqucz  cujus  origo  memortam  excejjit  ,  jure 
conjlituti  loco  habetur.  (  Le  cours  d'eau  dont  l'ori- 
gine excède  la  mémoire  des  hommes  ,  efi  re- 
gardé comme  fondé  en  titre)  c'eft  ainfi  que  s'ex- 
prime la  loi  3  ,  §.  4  )  au  digefle  ,  de  aquû  quo- 
tidianâ. 

Le  droit  canonique  nous  offre  des  décifions  fem- 
blables  (i). 

Et  on  les  retrouve  dans  le  droit  coutumier.  La 
coutume  de  Bouillon  ,  chapitre  23  ,  article  5  ,  dit 
que  <«  poïTeffion  de  fi  long- temps  qu'il  n'y  a  mé- 
»  moire  au  contraire,  a  force  de  titre». 

C'efl  aufîî  la  doéfrine  des  plus  célèbres  inter- 
prêtes. Ils  vont  même  jufqu'à  dire  que  k  poffef- 
fion  immémoriale  n'cft  jamais  cenfée  exclue  par 
la  loi  qui  rejette  toute  Prefcription  ,  fi  elle  ne 
l'efi  nommément,  ou  s'il  n'y  a  pour  l'exclure  la 
même  raifon  que  pour  rejeter  la  Prefcription  d'un 
temps  plus  court  (1). 

Nos  livres  font  remplis  d'arrêts  qui  juflifient 
cette  doflrine. 

L'ancienne  coutume  de  Paris  portoit  fimplement 
que  les  fer\  iiudes  ne  pouvoient  être  acquifes  fans 
titre  ;  8c  parce  qu'elle  ii'excluoit  pas  expreïTément 
la  poïTelTion  immémoriale  ,  on  jugeoit ,  avant  la 
réformation  de  1580,  qu'on  y  pouvoit  prefcrire 
les  fervitudes  par  un  temps  excédent  la  mémoire 
des  hommes. 

C'eft  ce  qu'a  encore  jugé  dans  la  coutume  de 
Crefpy,  un  arrêc  du  ii  février  1650,  rapporté 
par  Brillon  ,  au  mot  Prefcription  ,  nombre  102. 

La  coutume  de  la  châtellenie  de  Lille  décide 
qu'an  ne    peut  pas    prefcrire  contre  la  faculté  de 


(l)rbijus  commune  ell  contratium,  vel  habetur  pri- 
fumptio  coniraria  ,  bona  Hdesnon  fufricii  ;  fed  eft  neceffarius 
tiiulus,  qui  pi'lleflori  tribuatcaufam  prxfcribendi  ;  nifi  tanti 
cstiïporis  allegetur  Prifcriptio  ,  cujus  contraiii  mempria  noa 
exifiat.  dd^iire  i  de  Pr^lcciptionibus  ,  in  6^, 

Priterea  cùm  pedagii  ,  gmdagia,  fallnatîa^ ,  tibi  legatus 
iruerdixeiit ,  duxiaius  declatandum  illa  cflV  quï  apparent 
iinperatorum  vel  regum,  vel  lateranenfis  concilii  Jargitionc 
concefTâ,  vel  «x  conruetudiiie  cujus  r.on  extat  menioria. 
Chapitre  zS  .  eux  décràules  ,  de  verborum  llgnihcatione. 

■  i)  Undf  nunqutm  cenjetur  txclvfa  ,  etium  per  Irgcri  prohi- 
hitivûm  ,  6*  per  unJve'J'pHa  ,  ncgativa  &■  gfminjra  verhi  , 
omnim  qu  -mcumquc  Prttcriptioticmexcludenria,  nifi  eademfit 
ratio  cxcl::p-or.ii.  Lu  Moulin,  fur  Paris,  §.  1 1  ,  glofe  11, 
au  mot  Prcicriptha',  noir.bre  i4.  Code  Fabcr  ,  livre  7,  titrç 
i3,déh"ninon  7.  Le  G  and  fur  Troyes,  article  ^l ,  glofe  j. 
Stockmanj  ,  d.cilions  85  &  S3.  Diiperrier  en  (es  dUiCiom  , 
livre  1 ,  «•  73. 


PRESCRIPTION. 

racheter  mort-gj^e  ;  Si  parce  qu'elle  ne  rejette  pas 
nommément  la  Prefcriprion  immémoriale  ,  il  a 
été  jugé  ,  par  arrêt  du  parlement  de  Flandres  du 
7  mai  1604  ,  confirmé  en  révifion  le  14  avril 
1707,  que  cette  Prefcription  n'eft  pas  exclue, 
relativement  à  refpèce  de  mort  gage  ,  qui  eft  tranf- 
lative  de  propriété,  &  ((u'cn  ne  peut  pas  ,  comme 
on  Ta  prouvé  ailleurs  (t),  qualifier  de  fimple  en- 
gagement (2). 

£n  un  mot ,  "  lorfque  la  poflefiîon  imménio- 
3>  riale,  dit  M.  d'iAgueiTeau  ,  eft  ailez  longue  pour 
'»  faire  préfiimer  un  julte  titre,  ce  n'elt  plus,  à 
»»  proprement  parler ,  en  vertu  de  la  Prefcription  , 
»  que  le  poffelTeur  peut  fe  promettre  une  vic- 
»  toire  afliirée  ;  c'eft  en  vertu  du  titre  que  la  pof- 
»'  fefîîon  fait  préfumer  ;  Si  dés  le  moment  que 
»  la  préfomption  du  titre  eu  une  fois  reçue  ,  toutes 
»  les  difficultés  qu'on  veut  agiter  fur  la  Pref- 
«  cription  ,  tombent  Se  s'évanouiflenr  d'el!es-mê- 
V  mes,  pour  céder  à  un  titre  jugement  préfumé  ». 

Voyez  encore  fur  la  Prefcription  immémoriale  , 
les  articles  Corvées  ,  Droits  honorifiques  , 
Moulin  &  Possession. 

Section    III. 

Des  principaux   oljets  fur    îefquds  roulent   les  quef- 
tions  de  prefcriptibilïté  &  de  Prejcription. 

Plufieurs  de  ces  obj?ts  font  difcutés  fous  les  mots 
Bannalité,  Corvées  ,  Dicage  ,  Dixme  ,  Eau  , 
ExEMPTio.v  ,  Fondation  ,  Four  ,  Garantie  , 
Hérédité  ,  Hypothèque  ,  Indemnité,  Lods 
ET  Ventes  ,  Malthe  ,  Moulin  ,  IIescîsion  , 
Servitude,  Substitution  fidéicommissaire  , 
Succession,  Wateringue,  &c, 

Nous  avons  auffi  traité  dans  le  cours  desderx 
premières  ferions  de  cet  article,  quantité  de  quei- 
tions  qui  pourroient  trouver  ici  place  ;  mais  fur 
lefquelles  nous  croyons  inutile  de   revenir. 

11  nous  refte  à  parler  ici,  1°.  de  la  Prefcription 
des  droits  de  fief,  de  cens  ,  de  feigneuric  &  de 
judice. 

2".  De  la  Prefcription  des  prédations  &  rede- 
vattces  annuelles. 

_  3".  De  la  Prefcription  entre  aflbciés,  co-héri- 
tiers  ou  autres  communiers  :  —  entre  riieritier 
&  le  légitimaire  ou  légataire  :  —  entre  le  dona- 
teur &  la  donataire. 

4^  De  la  Prefcription   des  biens  d'églife. 

5^  De  la  Ptef-ription  en  matière  biné/iciale. 

6".  De  la  Prefcription  contre  les  communautés 
laïques. 

^  7°.  De  la  Prefcription  de  nobleffe  ,  de  nom  & 
d'armcj. 

8°.  De  b  Prefcription  des  crimes. 
9°.  De  la  Prefciption  d'inftance. 


PRESCRIPTION. 


373 


(1)  \  oys-z  1  arcicle  MoKT  GAGE. 
(i)  Aifcts  de  M.  I  oiicc ,  partie  1  ; 


§■  i9' 


10".  Des  Prefcriptions  &  des  fins  de  non-rece- 
voir  en  matière  de  commerce  maritime. 

§.  I.  De  la  Prefcription  des  droits  de  fief  ^  de  cens , 
de  feigneuric  &  de  jujlice. 

La  matière  de  ce  paragraphe  efl  très-étendue. 
Nous  tacherons  de  la  développer  le  plus  claire- 
ment qu'il  fera  poflible  ,  &  pour  y  parvenir,  nous 
la  partagerons  en  treize  diflinélions.  Voici  Tor- 
dre dans  lequel  nous  nous  propofons  de  les  range?. 

I.  Idée  générale  de  la  Prefcription  en  matière 
féodale. 

II.  Le  vaHal  peut-il  prefcrire  contre  le  feigneur  ? 

III.  Le  feigneur  peut-il  prefcrire  contre  fon 
vaffal  ? 

IV.  Dans  les  coutumes  allodiales  ,  le  vaffal  ou 
cenfitaire  peut  il,  par  la  feule  ceffation  du  paye- 
ment du  cens  ou  de  la  Prefcription  de  la  foi-hom- 
mage ,  prefcrire  la  libération  de  la  diredle  ou  de  la 
mouvance  ,  &  convertir  fon  héritage  en  aleu  .'' 

V.  Des  coutumes  qui  portent  que  le  cens  fe 
prefcrit  par  le  laps  de  trente  ans.  Examen  de  cette 
difpofition.  —  Difcuflion  particulière  concernant 
les  rentes  feigneuriales  dues  fur  des  main-fermes, 
régis  parla  coutume  du  chef-lieu  de  Valenciennes. 

VI.  De  la  Prefcription  de  la  folidité  du  cens. 

VII.  De  la  Prefcription  de  la  quotité  du  cens  de 
la  part  du  cenfitaire. 

VIII.  De  la  Prefcription  de  la  quotité  du  cens 
de  la  part  du  feigneur. 

IX.  Ds  la  Prefcription  de  Tefpèce  du  cens. 

X.  De  la  Prefcription  de  l'obligation  de  porter 
le  cens. 

XL  De  la  Prefcription  des  arrérages  du  cens. 

XII.  De  la  Prefcription  de  feigneur  à  feigneur. 

XIII.  De  la  Prefcription  de  la  juflice. 

Distinction  I.   Idée  générale  de  U  Prefcription  en 
matière  féodale. 

*  La  Prelcrîptîort  a  été  long  temps  inconnue  dans 
les  matières  féodales  ;  cette  manière  d'acquérir  ne 
pouvoir  s'appliquer  à  des  propriétés  telles  qu'é« 
toient  les  fiefs  dans  leur  origine  :  lorfqu'ils  de- 
vinrent héièditaires  ,  vers  le  milieu  de  la  féconde 
race,  lorfqu'ils  pafsèrent  abfolument  dans  le  com- 
merce, dans  les  coinmencemens  de  la  troifème  , 
on  auroir  pu,  fans  inconvéniens,  les  foumettre 
aux  lois  ordinaires  de  la  Prefcription.  Cependant , 
on  ne  le  f  t  pas  ;  au  contraire  ,  il  s'établit  une  règle 
toute  oppolée  ;  le  lien  féodal  fut  regardé  comme 
inaltérable,  &  toute  Prefcription  fut  bannie  entre 
le  fe'gneur  &  le  vadal. 

Il  feroit  fans  doute  très-difficile  de  déterminer 
les  motifs  qui  conduifirent  nos  pères  à  une  maxime 
auffi  contraire  au  droit  commun  ;  il  efl  même  très- 
vraifemblable  qu'ils  ne  le  donnèrent  piis  la  peine 
de  rnifonner  fur  cet  objet;  ils  ne  firent  en  cela 
qu'obur  à  l'impulfion  que  le  fyftème  féodal  àoii-^ 


374  PRESCRIPTION. 

noit  à  tous  les  efprits  ,  &  cette  règle,  comme  tant 
fFautres  de  notre  droit  coutumier  ,  n'eft  que  le  pro- 
duit des  circonflances  ,  6c  le  réfultat  des  ufagcs 
&  des  préjugés  anciens. 

En  effet  fi  nous  jetons  les  yeux  fur  les  cou- 
tumes féodales  en  vigueur  depuis  le  dixième  juf- 
qu'au  treizième  fiécle,  nous  voyons  que  l'impref- 
criptibilité  des  ticfs  eft  une  fuite  néceffaire  de 
CCS  coutumes. 

Tout  le  monde  connoît  ces  guerres  continuelles 
qui  déchirèrent  û  long-temps  le  fein  malheureux 
de  la  France  ;  les  feigneurs ,  perpétuellement  en 
aimes  les  uns  contre  les  autres,  étoient  trop  in- 
tcreffes  à  conferver  leurs  vaflaux  ,  pour  les  perdre 
vn  feulj  inflant  de  vue  ;  &  ceux-ci,  expofés  fans 
cefie  à  l'oppreffion  de  cette  multitude  de  tyrans , 
avoient  trop  befoin  de  la  proteiflion  de  leurs  fei- 
gneurs, pour  fecouer  le  joug  de  la  dépendance 
f.odale.  Loin  que  le  fcigneur  &  le  vaffal  cherchaf- 
lent  alors  à  prefcrire  ,  l'un  la  propriété  du  fief 
fcrvant ,  l'autre  la  libération  des  devoirs  féodaux , 
il  étoit  très-commun  de  voir  les  propriétaires  des 
aïeux  en  transférer  la  dominité  direde  à  quelque 
fiigneur  puifîant ,  pour  les  tenir  d'eux  en  fief  ;  ik. 
les  feigneurs  fe  dépouiller  de  leurs  domaines, pour 
rnultiplier  le  nombre  de  leurs  vafTaux. 

Tous  les  fiefs  étoient  7\\ors  de  dunger '^  non-feu- 
lement les  acquéreurs,  mais  les  héritiers,  même 
ceux  en  ligne  dire£le ,  étoient  obligés  de  repren- 
dre le  fief  des  mains  du  feigneur;  s'ils  négligeoier.t 
cette  form.alité  ,  le  fief  tombon  en  commife  ;  êc 
les  feigneurs  avoient  trop  d'intérêt  à  avoir  des 
vafTaux  fidèles  ,  pour  ne  p.TS  exercer  rigoureufe- 
nent  leurs  droits  à  cet  égard.  Ainfi  l'intérêt  réci- 
proque du  feigneur  &.  du  valfal  les  rapprochant 
nécefTairement  à  chaque  mutation ,  &  dans  une 
infinité  d'autres  circonRances  ,  il  efl  fenfible  qu'ils 
ne  dévoient  pas  même  avoir  l'idée  de  prefcrire 
l'un  contre  l'autre. 

La  jurilprudence  étoit  alors  toute  en  procédés, 
Suivant  l'exprefTion  de  AI  mteftjuieu  ;  toutes  les  con- 
tef^ations  ,  principalement  celles  d'entre  les  pro- 
priétaires de  fiefs  ,  fe  réduifoient  à  des  démêlés  fur 
le  point  d'honneur.  Lorfqu'un  feigneur  prétcn- 
doit  que  tel  fief  relcvoit  de  lui ,  il  fommoit  le 
propriétaire  de  comparoir  à  la  cour  du  dominant; 
là ,  il  produifoit  des  témoins  ;  û  leur  dépofition 
étoit  défavorable  au  feigneur,  il  les  accufoit  d'être 
faux  &  menteurs  ;  il  échoyoit  alors  gjf^e  de  baiaillc , 
6c  l'adreffe  ou  la  force  décidoit  la  cpnteflation. 

C  efl  ce  que  nous  ramarquon?  fur-tout  dans  les 
jiflfes  de  Jérufaîcm  :  on  y  voit  que  ,  non-feu!e- 
jnent  entre  le  feigneur  &  le  vaiïal  ,  mais  même 
entre  celui-ci  &  des  tiers  ,  la  preuve  par  témoins 
décidoit  toujours  la  mouvance  féodale,  fanscon- 
(iderer  la   longueur  de  la  ponéfiion. 

Une  pareille  forme  de  procéder ,  qui  réduifoit 
tout  à  la  preuve  teflimonialg ,  au  combat,  en  un 
jTiot ,  à  une  efpèce  de  point  d'honneur,  devoit 
pécefTairement  éloigner  jufqu'à  i'idée  de  la  Pref- 


PRESCRIPTION. 

criptlon.  C'efl  ce  qui  arriva  effe6livement;  &  de 
là  cette  régie  fameufe  ,  le  feigneur  ne  peut  prefcrire 
contre  fon  vajj'al ,  Sic.  ;  non  pas  qu'on  trouve  cette 
règle  ,  comme  on  pourroir  le  croire  ,  dans  les 
monumens  qui  nous  refient  de  noire  ancienne 
jurifprudencei  il  n'en  efl  pas  dit  un  mot ,  aucune 
loi  ne  l'établit  :  elle  fut  le  produit  naturel  des  ufa- 
ges  féodaux  &  des  formalités  judiciaires  ;  lorfque 
ces  ufages  &  ces  foimalités  difparurent  ,,  la  règle 
refta,  parce  que  les  efprits  en  étoient  imbus;  &, 
coir.me  il  cÛ.  malheureufcment  arrivé  pour  toutes 
les  parties  de  notre  droit  coutumier,  la  loi  ne 
fuivit  point  la  révolution  des  mœurs  Ôc  les  pro- 
grés de  l'efprit  national. 

Tel  fut  létat   des  chofes  à  cet  égard  jufqu'au 
quatorzième  fiècle.   Vers  le  quinzième  ,    il  arriva 
de  grands    changemens  dans    les    tribunaux;   le 
droit  romain  s'introduifit  en   France  :   la    nation 
éioit  encore  trop  barbare  pour  l'adopter;  mais  il 
y  avoir  déjà  des  tiommes  affez  éclairés  pour  fen- 
tir  combien  ces   lois  étoient  fupérieures  à  celles 
qu'on  ^fuivoit  alors.    Tel  fut  S.  Louis,  le  modèle 
des  rois ,  le   premier  de   nos   légiflateurs,  depuis 
Charlemagne.  Il  fit  les  plus  grands    efibrts   pour 
propager  la  connoiflance  du  droit  romain.   Dans 
toutes  les  lois   qu'il    fit  publier,  il  l'adapta,  au- 
tant qu'il  fut  pofîible  ,  aux  mœurs  du  temps;  il 
abolit  enfin  dans  tous  fes  domaines  le  combat  ju- 
diciaire ,   pour  y  fubflituer  la  jurifprudence  ro- 
maine. Un  exemple  fi  fage  trouva  des  imitateurs  , 
&   les   établiiTemens  furent    fucceflivement  rtçus 
dans  les  cours  des  barons,  par  l'afcendant  infail- 
lible de  la  raifon  fur  l'ignorance  &  l'eueur. 

Le  combat  judiciaire  une  fois  aboli  ,  il  fallut 
chercher  de  nouveaux  moyens  de  fixer  les  pro- 
priétés féodales.  On  trouva  dans  \i  droit  romain 
les  lois  concernant  la  Prefcription  ,  peut-être  les 
plus  fages  qui  foient  renfermées  dans  ce  beau 
fyfîême  de  légifiation.  Les  jurifconfultes  du  temps 
s'emprefTèrert  de  les  adopter;  il  paroît  même  qu'ils 
ne  crurent  pas  devoir  fe  permettre  de  les  alté- 
rer par  le  mélange  des  ufages  nationaux  :  il  y 
a  un  chapitre  très-long  fur  cet  objet  dans  les  con- 
feils  de  Pierre  de  Fontaine  ,  &  l'on  n'y  lit  pas 
un   mot  qui  ne  foit  tiré  du  droit  romain. 

Dans  un  temps  où  l'on  écrivolt  peu  ,  oii  les 
titres  d'invefliture  étoient  à  peine  connus,  on  dc- 
voit  s'empreffer  d'appliquer  à  la  matière  féodale, 
les  lois  concernant  la  Prefcription  ;  c'eft  ce  qui 
arriva  efîeélivement. 

On  commença  d'abord  par  autoriferla  Prefcrip- 
tion delà  train-morte;  on  en  trouve  une  difpo- 
fiîion  précife  dans  les  établi/Temens  ;  &  la  ma- 
nière dont  elle  efl  conçue  ne  permet  pas  de  dou- 
ter que  cette  innovation  ne  fût  l'effet  des  nou- 
velles connoifTances  puifées  dans  les  lois  ro- 
romaines. 

»  Longue  tenue  de  vingt  ans  de  ferf  contre 
>»  feignor  ,  &  raefmement  en  franchife,  ne  peut 
37  être   brifé  félon    droit  écrit  en  le  digefte  ,  6ç 


PRESCRIPTION. 

»  pour  ce  meffire  li  roi  défend  les  nouvelles 
j)  avoueries  connues  &  loyaument  prouvées  », 
a*,  part.  cA.   31. 

Cette  première  exception  une  fois  admife ,  cha- 
cun fe  crut  en  droit  d'en  établir  de  nouvelles  ; 
&  les  jurifconlultes  des  quatorzième  &  quinzième 
fjècles  attaquèrent  à  l'envi  la  règle  de  l'impicf- 
criptibiiité  des  fiefs.  Cependant  par  une  efpèce 
de  vénération  pour  les  anciens  ufages  ,  en  alté- 
rant cette  règle  par  les  exceptions  qu'on  ne  cef- 
foit  d'y  apporter  ,  on  la  citoit  ,  on  paroifToit  la 
refpefler ,  &  même  nous  la  trouvons ,  dans  les 
anciennes  rédadlions  des  coutumes  ,  conçue  dans 
les  termes  les  plus  abfolus.  C'eft  ce  qu'on  voit 
notamment  dans  celle  de  Paris  rédigée  en   15 10. 

Telle  étojt  la  difpofition  des  efprits  ,  lorfqiie 
Dumoulin  écrivit  fon  traité  des  fi«fs;  il  commença 
par  établir  ,  comme  les  autres ,  la  maxime ,  le  fei- 
gneur  &vj(fiil  ne  peuvent  prefcrire  l'un  contre  l'au- 
tre. Mais  il  eft  clair  qu'en  cela  il  ne  faifoit  que 
plier  fous  l'ancien  préjugé  ;  car  les  ralfons  qu'il 
en  donne  n'étoient  certainement  pas  iLiffifantes 
pour  déterminer  un  jugement  auffi  rigoureux. 
Aufïi ,  après  avoir  rendu  cette  efpèce  ci'hommage 
au  texte  de  la  coutume  fur  laquelle  il  écrivoit , 
fait-il  les  plus  grands  efforts  pout  en  relTerrer  les 
effets  dans  les   bornes  les  plus  étroite*. 

Il  décide,  i".  que  la  poffefllon  centenaire  n'eft 
pas  comprife  dans  la  prohibition  de  la  coutume  ; 
2".  que  le  feigneur  peut  prefcrire  la  propriété  du 
fief  de  fon  vaiïal  ,  s'il  le  poffède  jure  piena  pro- 
prietatis  ;  3°  qu'on  peut ,  par  la  voie  de  la  pref- 
cription,  changer  la  nature  de  la  tenure  féodale; 
par  exemple,  la  rente  cenfuelle;  4".  que  le  fei- 
gneur &  le  valTal  peuvent,  par  la  même  voie, 
acquérir  l'un  contre  l'autre  la  féodalité  fur  des  hé- 
ritages libres;  5°.  qu'un  tiers  petit  priver  le  fei- 
gneur de  fa  mouvance  ,  fi  elle  lui  eft  reportée 
par  le  vaiTal  pendant  le  temps  néceffaire  pour  pref- 
crire ;  6".  que  tous  les  droits  échus  fe  prefcrivent 
par  trente  ans.  Enfin  il  établit  pour  maxime,  que 
cette  prohibition  de  la  coutume  doit  s'entendre 
dans  le  fcns  le  plus  étroit.  Et  ità  intelligo  con- 
fuitudlnan  noflrum  ,  ut  excludat  folàm  mcram  Pref- 
criptïonem  y  non  aiLiem  ut  excludat  prxfiimptionem  rc- 
fuUantem.  ex  Pnefcriptione  ,  Jîvè  Prcefcriptionem  cum 
allee;a.tior.e  tituli ,  tjuanJo  non  confiât  de  contrario. 
C'eft  ainfi  qu'il  s'exprime  fur  l'art.  7,  nombre -17. 

Dumoulin  va  même  plus  loin  que  ceux  qui 
l'avoicnt  précédé.  Les  auteurs  avoient  établi, 
cprnme  une  règle  féodale  ,  que  dans  cette  ma- 
tière on  ne  pouvoit  prefcrire  que  par  une  pof- 
felîîon  de  trente  ans.  Cette  opinion  qu'on  trouve 
dans  les  fendilles  Allemands  &.  Italiens,  comme 
dans  les  François  ,  étoit  fondée  fur  une  erreur 
pnipable  :  le  lien  féodal ,  difoit-on  ,  affeifîe  la  per- 
ibnne  plus  que  la  chofe  ;  or  ,  en  matière  perfon- 
nells  ,  on  ne  prefcrit  que  par  trente  ans  ;  la  Pref- 
cription  trentenaire  eft  donc  la  feule  admifliblc 
dans  la  matière  féodale.  Dumoulin  s'éleva  avec 


PRESCRIPTION. 


375 


force  contre  cette  opinion,  &  fit  voir  que  dans 
les  fiefs  la  fervitude  frappe  fur  la  chofe,  &  non  fur 
la  perfonnc  ,  &  conféquemment  qu'il  eft  des  cas 
où  la  Prefcription  de  dix  ans  peut  avoir  lieu  dans 
cette  matière  ;  c'eft  ce  que  d'Argentré  a  fort  bien 
xcm2Lr(]\.\é  y  Non  perfona  perfonœ  ,  fed  res  rei  fubjl- 
citur  ,  dit-il,  fur  l'article  181  de  la  coutume  de 
Bretagne. 

En  1580  ,  on  procéda  à  une  nouvelle  réforma- 
tion de  la  coutume  de  Paris.  Les  commiffaires , 
éclairés  par  les  ouvrages  de  Dumoulin ,  modifiè- 
rent l'ancienne  règle  de  fimprefcriptibilité  des  fiefs, 
&  fubftituèrent  à  l'article  7  de  l'ancienne  cou- 
tume ,  le  douzième  de  la  nouvelle  ,  qui  porte  : 
a  Le  feigneur  té®dal  ne  peut  prefcrire  contre  fon 
»  vaflal  le  fief  fur  lui  faifi,  ou  mis  en  fa  main 
»  par  faute  d'hommes  ,  droits  &  devoirs  non  faits, 
»  ou  dénombrement  non  baillés;  ni  le  valLl  U 
»  foi  qu'il  doit  à  fon  feigneur,  par  quelque  tctn;?* 
»  qu'il  en  ait  joui ,  encore  que  ce  fût  par  cent 
»  ans  &  plus.  Toutefois  les  profits  de  fiefs  échus 
j>  ne  fe  prefcrivent  par  trente  ans  ,  s'il  n'y  a  faifie 
»  ou  inftaace  pour  raifon  d'iccux  ». 

Cet  article  .« ,  comme  l'on  voit ,  deux  parties; 
la  première  concerne  la  Prefcription  du  fief;  la 
féconde,  la  Prefcription  des  droits  féodaux  échus, 

A  l'égard  de  la  Prefcription  du  fief,  cet  article 
renferme  deux  difpofitions  bien  différente?.  La 
première  concerne  le  feigneur  ;  la  féconde  ,  le 
vaflal. 

Le  feigneur  féodal  ne  peut  prefcrire  contre  fon  vaffal  ^ 
telle  étoit  la  difpofuion  de  l'ancienne  coutume. 
La  nouvelle  zjoinc  ,  le  fief  Jur  lui  faif ,  ou  mis  en 
fa  main  par  faute  d'hommes  ,  &c.  Il  réfultc  de  la 
manière  dont  cet  article  eft  conçu,  que  la  pro- 
hibition de  prefcrire  fe  réduit,  à  l'égard  du  fei- 
gneur ,  au  feul  cas  de  la  faifie  féodale  ;  &  que  dans 
tous  les  autres,  il  peut  prefcrire  contre  fon  vaftal  , 
fuivant  les  lois  ordinaires  de  la  Prefcription. 

Si  l'on  examine  même  le  motif  de  cette  difpo- 
fition ,  on  verra  qu'elle  n'cft  rien  moins  qti'une 
règle  féodale;  que  cette  prohibition  n'a  rien  de 
commun  avec  la  nature  des  fiefs,  &  qu'elle  au- 
roit  lieu,  quand  même  elle  ne  fcroit  pas  exprimée 
dans  la  coutume.  Quel  eft  en  effet  le  motif  df; 
cette  difpofition  ?  C'eft  parce  que  le  feigneur  qui 
a  faifi  le  fief  de  fon  vaffal  ,  n'en  ;ouiî  qu'à  titre 
précaire,  que  comme  dépofitaire  de  juftice.  Or, 
c'eft  une  règle  de  droit  commun  ,  que  le  dépofi- 
taire ne  peut  acquérir  !a  propriété  du  dépôt'  par 
la  feule  poffefrion  ,  quelque  longue  qu'elle  puaTe 
être. 

La  féconde  difpofition  de  îa  première  partie  de 
cet  article  eft  conçue  en  terrnes  bien  différens  ;  ell« 
met  le  vaffal  dans  l'impofiibîlité  -ibfolue  de  pref- 
crire la  foi  qu'il  doit  à  fon  feigneur,  quand  nîême 
il  auroit  été  plus  de  cent  ans  fans  la  lui  porter. 
Si  l'on  examine  encore  de  près  cette  difpofition, 
on  verra  qu'elle  n'appartient  pas  pius  que  la  pre- 
mière à  la  matière  féodalv' ,  ou  du  mow5  qu'en  n'a 


37(?  PRESCRIPTION. 

fait ,  en  l'y  appliquant ,  que  raifonner  d'après  le 
droit  commun.  En  effet,  fe  font  dit  nos  anciens 
feudiAcs ,  c'eil  une  règle  de  droit  que  la  poffef- 
fion  continue  toujours  de  la  manière  dont  elle  a 
commencé  ;  or,  le  vaffal  ayant  commencé  de  pof- 
féder  à  la  charge  de  porter  la  foi ,  fa  pcflefTion 
eft  donc  cenfée  continuer  fous  cette  même  condi- 
tion. 

Distinction  H.  Le  v^ijfal peut-ïl  prefcrire  contre 
fon  feigneur  ? 

Nemo  potefî  mutare  fibi  caufam  pojfejjlonïs.  Pour 
prefcrire  ,  il  faut  po/Téder  anima  domini  (  en  efprit 
de  propriétaire).  Voilà  les  principes  qui  dominent 
cette  matière  ;  ils  font ,  comme  perfonne  ne  l'i- 
gnore ,  tirés  des  lois  romaines  (i)  ,  quoique  les 
jurifconlultes  qui  les  ont  établis  n'aient  point 
eu  les  fiefs  en  vue;  cependant  les  feudifles  les  ont 
appliqués  à  la  matière  féodale  ,  6c  en  ont  fait  la  bafe 
de  leurs  décifions.  Telle  eft  en  effet  la  fageffe  & 
la  fécondité  de  ces  principes  ,  que  c'eft  d'eux  qu'on 
va  voir  fortir  toutes  les  conféqucnces  qui  vont 
être  développées. 

Si  perfonne  ne  peut  de  lui-même  changer  la  caufe 
de  fa  poffeffioii  ,  par  quelque  efpace  de  temps  que 
le  vaffal  ait  ceffé  de  rendre  la  foi  ,  il  ne  peut  donc 
tirer  avantage  de  cette  ceffation  ,  &  fa  poffeffion  eft 
cenfée  continuer  comme   elle  a   commencé. 

a  Par  cette  raifon  ,  le  vaffal  ne  prefcrit  jamais 
ï»  pour  la  foi  qu'il  ne  rend  pas  ,  parce  qu'il  n'a  ja- 
M  mais  eu  intention  de  pofféder  fon  fief  ,  que 
«  chargé  de  foi  &  hommage  ,  &  qu'il  ne  peut  aller 
j>  direélement  contre  fou  titre  :  nemo  pouil  fibi  mu- 
«  tare  caujam  pojfeffionis  ».  C'eft  la  remarque  de 
M.  le  Camus  fur  l'article  12  de  Paris. 

u  Cette  décifion  eft  Fondée  fur  ce  que  la  poffef- 
«  fion  du  vaffal  n'eft  que  précaire  ;  qu'il  ne  ceffe 
»  pas  d'être  vaffal ,  &  obligé  au  fervicc  ,  quoiqu'il 
»  ne  le  faffe  pas  ;  qu'il  ne  peut  pas  feul,  &  de  hii- 
»  même  ,  changer  la  caufe  de  la  poffeffion  ;  &  que 
«  fa  féodalité,  qui  eft  de  l'effence  du  fief ,  mnin- 
j>  tient  la  poffeflion  refpeélive  du  feigneur  &  du 
î>  vjffal  ,  tandis  qu'elle  n'eft  pas  interrompue  par 
ji  quelque  a6le  contraire  ».  Ainfi  ra-ifonne  Dunod , 
traité  de  la  Prejcription  ,  titre  de  la  Prefcription  des 

Cette  décifion  étant  univerfellement  adoptée,  je 
ne  l'apiJuyerai  pas  d'un  plus  grand  nombre  d'auto- 
rités ;  on  en  trouvera  tant  qu'on  voudra  dans  tous 
les  auteurs  qui  ont  écrit  fur  la  matière  féodale. 

L'hc  itier  &  le  défunt  n'étant,  aux  yeux  delà 
loi ,  qu'un  feul  individu,  la  poffeffion  de  l'un  paffe 
dans  la  perfonne  de  l'autre  ,  avec  tous  fes  vices  & 
toutes  fes  qualités.  Ainfi,  celui  qui  a  recueilli  un 
fief  dans  la  fucceffion  de  fon  auteur,  eft  toujours 
ceiifé  \e  pofféder  comme  fief,  &  il  ne  peut  prefcrire 
la  libération  de  la  féodalité  ,  par  quelque  efpace  de 


(OYoyezci-d,vain,fedioni, 


PRESCRIPTION. 

temps  qu'il  ait  ceflé  de  rendre  la  foi.  Cette  décifion 
eft  celle  de  tous  les  feudiftes  (1). 

Et  même  dans  les  coutumes  qui  admettent  le 
franc-aleu  fans  titre  ,  le  fief  une  fois  établi ,  le  vaffal 
ne  peut  prétendre  avoir  prefcrit  la  libération  de  la 
féodalité  ,  fût-ce  par  l'efpace  de  cent  ans  *. 

L'églife  n'eft  pas  plus  privilégiée  en  cette  ma- 
tière,  que  les  particuliers.  C'eft  ce  que  juftifient 
d'fférens  arrêts  rapportés  à  l'article  Franche-Au- 

MÔNE. 

Auffi  a-t-il  été  jugé  par  arrêt  du  parlement  de 
Flandres ,  rendu  en  1770  ,  au  rapport  de  M.  l'Abbé 
de  Calonne  ,  que  les  chapelains  de  la  collégiale  de 
Saint-Pierre  de  Douai ,  étoient  tenus  de  porter  la 
foi  &  de  payer  le  relief  au  marquis  de  Traifnel  , 
pour  un  (icf  qu'ils  pofsèdent  dans  fa  mouvance  à 
Monchecourt  ,  quoiqu'il  y  eût  plus  de  deux  fiècles 
qu'ils  n'euffent  pas  rempli  ces  devoirs. 

La  même  chofe  a  été  jugée,  &  à  peu-près  dans 
les  même:»  circonftances  ,  par  \\r\  autre  arrêt  du  13 
avril  1776.  Il  s'agiffoit  encore  d'un  fief  tenu  du 
marquis  de  Traifnel  :  les  prévôt  ,  doyen  &  chanoi- 
nes de  la  collégiale  de  Saint-Pierre  de  Douai, étoient 
depuis  long-temps  en  pofft.flion  de  ne  pas  remplir 
envers  le  feigneur,  les  devoirs  de  vaffalité  que 
leur  impofoit  ce  fief.  Le  Marquis  de  Traifnel  le  fit 
faifir ,  faute  de  foi-hommage;  &  par  l'arrêt  cité, 
fa  faifie  fut  décrétée  avec  dépens. 

Il  y  a  pourtant  une  coutume  qui  femble  s'écarter 
de  cette  jurifprudence  ;  c'eft  celle  de  la  châtellenie 
de  Lille  :  "  Un  feigneur  ,  à  caufe  de  fa  feigneurie 
»  (  dit-elle,  titrepremier,  article  75  ) ,  nepeut  pref- 
»  crire  contre  ion  homme  féodal  ou  rentier  ;  mais 
»  au  contraire,  un  vaffal  ou  rentier  peut  prefcrire 
n  contre  tel  feigneur  ». 

On  dira  ,  fans  doute  ,  que  le  fécond  membre  de 
cette  difpoGtion  .  ne  peut  être  entendu  que  des  pro- 
fits de  fief  qui  font  échus  ,  &  qu'on  ne  doit  pas  l'ap- 
pliquer au  fond  même  des  droits  féodaux  ,  encore 
moins  à  la  mouvance  ou  tenure,foit  féodale,  fuit 
cenfuelle. 

Cette  interprétation  paroît  en  effet  d'autant  plus 
naturelle  ,  que  le  décret  d'homologation  de  la  cou- 
tume de  la  châtellenie  de  Lille,  veut  expreffément 


(i)"Tancaue  le  f^  cl-' fers  venu  c'e  main  à  autre  par  héré" 
»  dite  ,  il  me  fembli;  qu^il  n'y  a  nucune  raiion  d'admettre  une 
>t  Prefcription  centenaire  pour  libérer  Je  pofleireur  du  droit 
»i  de  féodalité  ,  même  parce  que  l'héritier  eft  tenu  perfcnnel- 
»  lementdcs  faits  &  des  vices  perfonnels  de  fon  auteur; 
"  ainfi  la  poflelïîon  ,  connue  elle  éroit  qualifiée  en  la  per- 
»  fonne  de  l'aïeul  ou  bifaïeul  ,  aura  dû  fe  continuer  en  la 
»  même  qualitç  tt  mains  des  defcendans  ou  autres  héiiàets 
•»  collatéraux  ,  d'une  petfonne  à  autre,  mêniement  qi<and  les 
"  niurations  d'homme  au  fief  ont  été  fans  profic  ,  &:  n'y 
"  cchet  que  le  devoir  de  la  bouche  &  des  mains  ;  car  la 
"  bonté  &  courtoilîe  du  feigneur  féodal  ,  qui  n'a  voulu  re- 
»  chercher  fon  vaffal  à  chaque  mutation  ,  pour  gagner  les 
M  fruits  ,  ne  doit  être  rétorquée  contre  lui  pour  lui  apporter 
»  domni.ige  ".  Coquille  fur  l'art,  ij  Ju  titre  des  fiefs  de  U 
coutuujc  de  Nivernoii, 


qu'elle 


PRESCRIPTION. 

qu'elle  folt  expliquée  ,  &  qu'il  y  foit  fuppléé  par  le 
droit  commun. 

Mais ,  d'un  autre  côté ,  fi  vous  confidérez  que 
par  l'article  74  du  même  titre,  la  coutume  permet 
au  vaffal  de  s'affranchir  du  cens  par  la  Prefcription 
de  foixante  ans,  il  paroitra  bien  difficile  de  réduire 
à  de  fimples  arrérages  ,  Si  à  des  profits  échus ,  la  fa- 
culté que  l'article  75  accorde  au  vaflal  de  prefcrire 
contre  fon  feigncur.  Le  premier  de  ces  deux  arti- 
cles femble  découvrir  refprit  de  la  coutume  ;  & 
pulfqu'il  y  eft  queftion  du  fond  d'un  droit  qu'il  dé- 
clare prelcriptible  ,on  ne  voit  pas  trop  comment  il 
pourroit  ne  pas  réfulter  la  même  prefcriptibilité  des 
termes  employés  par  le  fécond. 

L'auteur  anonyme  des  notes  fur  le  premier  titre 
de  cette  coutume  ,  imprimées  à  Lille  en  1774,  ne 
paroît  pas  avoir  beaucoup  réfléchi  à  ces  difficultés. 
Cependant  il  propofe  unQ  àïÛiniYion  qui ,  fans  re- 
mettre au  niveau  du  droit  commun  la  difpofuion 
dont  il  s'agit ,  en  affoiblit  beaucoup  le  fens  littéral. 
.Voici  comment  il  s'explique  : 

«  Le  vafTal  ou  rentier ,  peut ,  en  vertu  de  cet  ar- 
>»  ticle  ,  prefcrire  tous  les  droits  uiiUs  qu'il  doit  à  fbn 
»>  feigneur  pour  raifon  de  fon  héritage.  Ces  droits 
3>  peuvent  être  remis  par  un  feigneur  ;  pourquoi  ne 
»  pourroient-i's  pas  l'êire  par  la  Prefcription  ?  On 
M  peut  être  feigneur  d'un  héritage  fans  lods  &  ven- 

V  tes  ,  -fans  relief,  &c.  —  Entre  les  droits  féodaux  , 
î»  il  en  eft  qui  ne  confiflent  qu'en  p  ofits  ,  &  la  foi- 
>j  hommage  ,  le  rapport  ou  d'nombrement ,  &  le 
»)  fervicc  en  cour,  qui  fonr  tous  droits  révéren- 
»  tiels  ,  efîentiellement  attachés  à  la  feigneurie  ,  & 
^>  qui  en  marquent  la  fupériorité  ;  ces  droits  font  im  • 
ï)  prefcriptibles;  &  ce  feroit  détruire  la  feigneurie  , 
5)  que  de  les  féparer  parce  qu'il  n'en  reHeroitau- 
>»  cune  marque.  —  Mais  quant  aux  profits  l'éodai.x 
»  qui  peuvent  être  féparés  de  la  feigneurie  fans  la 

V  détruire ,  on  peut  d'autant  plus  facilement  les 
«  prefcrire ,  que  ,  fuivant  nos  mœurs,  ils  ne  font 
»>  pas  de  l'effence  du  fief  ». 

Un  peu  plus  bas  ,  l'auteur  ajoute  :  «  C'eft  d'après 
«  ces  principes,  que  les  droits  utilcr.  dus  au  fci- 
3»  gneur  de  Tenipleuve  ,  ont  été  dccbiés  piefcrits 
«  par  fentence  du  bailliage  de  Lille  ,  du  ^^  décem 
«  bre  1759,  cfs  le  feigneur  de  Templeuve-en- 
■»■>  Dofïémer,  &  les  dnme  abeffe  &  religieufes  de 
ï»  Sainte-Elizabcth  de  la  ville  du  Quefnoy  ». 

On  ne  voit  pas  dans  ce  paffage  ,  quelle  étoit  l'ef- 
pècc  de  la  fentence  qui  y  efl  citée  :  mais  des  recher- 
ches particulières  nous  en  ont  infVuit  ;  &  nousfa- 
vons  qu'elle  a  adopté  dans  fesdeux  points  la  doiSlrinc 
de  rauteurcité;<'eA-;:-dire,  qu'elle  a  jugé  des  profit  s 
de  fief  prefcriptibles  ,  mcme  pour  le  fond  des  droit?  ; 
mais  qu'à  l'égrad  des  attributs  rcvéïentuls  ,  elle  a 
maintenu  l'imprefcriptibilité  établie  par  le  droit  com- 
iniin. 

Il  s'agKToit  du  fief  de  Landas  ,  acquis  depuis  très- 
îong  temps  parles  religieufes  de  Sainte  tlizabeth, 
d.  amorti  fons  la  condition  qu'elles  le  poirédcroient 
avec  toutes  fes  charges. 
7omt  Xiii, 


PRESCRIPTION.        377 

Depuis  un  efpace  temps  plus  que  fufHfant  pou'' 
prefcrire  un  droit  ordinaire,  les  religieufes  n'avoien' 
ni  prêté  foi  &  hommage  ,  ni  fait  le  fervice  des 
plaids  (i)  ,  ni  délivré  de  dénombremens  ,  ni  fourni 
d'homme  vivant  &  mourant ,  ni  payé  de  relief,  ni 
enfin  acquitté  le  droit  d'indemnité. 

Le  fieur  des  Maifieres  ,  feigneur  de  Templeuvc- 
en-DofTemer ,  &  en  cette  qualité  ,  dominant  du  fief 
de  Landas  ,  l'a  fait  faifir  par  plainte  à  loi  ,  pour 
obliger  les  religieufes  à  fatisfaire  à  ces  dvfférens 
droits. 

Celles-ci  ont  allégué  la  Prefcription  ;  &  le  bail- 
liage de  Lille  a  prononcé  en  ces  termes  : 

«  Nous ,  fur  ce  coiffures  de  notre  conjureur  or- 
"  dinaire  ,  tout  confidéré  ,  avons  déclaré  les  oppo- 
"  fautes  fbumifes  aux  foi  &  hommage,  rapport  & 
"  dénombrement  demandé*  par  ledit  fei2,neur  de 
»  Templeuve  ,  à  caufe  de  leur  fîef  de  Landas  ; 
"  leur  ordonnons  de  dénommer  à  cet  effet  feule- 
'»  ment  un  homn:c  vivant  &  mourant ,  &  un  ref- 
» /7o/)y7Wc(2)  pour  fervir  àla  cour  dudit  feigneur; 
»  décrétons  ,  fuivant  ce  ,  lefditcs  plaintes  &  fai- 
"  fies  ;  &  pour  le  fiirplus  des  demandes  ,  avons 
»  déclaré  le  fieur  Defmaificres  non  fondé  dans  les 
»  droits  d'indemnité  &  relief  par  lui  pràendus  ; 
»  révoquons  à  Cet  égard  lefdites  plaintes  &  faifie». 
"  Condamnons  les  oppofantes  à  trois  cinquièmes 
»  des  dépens  ,  &  ledit  fieur  Defmaifieres  aux  deux 
»  autres  ". 

Ainfile  bailliage  de  Lille  a  jugé  que  les  droits 
efTentiellement  récognitifs  de  la  vafTalité  ne  poù- 
voient  pas  être  prefcrits,  mais  que  le  relief  &  l'in- 
demnité étoient  prefcriptibles. 

En  prenant  cette  décifion  pour  règle ,  l'auteur 
des  notes  fur  le  titre  premier  de  la  coutume  de  la 
châtellenie  de  Lille  ,  a  donc  eu  raifon  de  propofer , 
pour  l'interpréra-iondc  l'article  75,  la  diflinétion 
rappelée  ci-defîus. 

Cependant ,  pourquoi  diftinguer  quand  la  cou- 
tome  ne  le  fait  pas  ;  &  fi  on  fait  tant  que  de  vou- 
loir diftinguer,  pourquoi  ne  pas  le  faire  confor- 
mément  aux  principes  du  droit  commun  ? 

Ainfi  ,  de  deux  chofes  l'une  :  ou  il  faut  dire  que 
la  coutume  de  la  châtellenie  de  Lille  permet  de 
prefcrire  jufqu'à  la  foi-hommage  ,  ce  qui  ne  paroit 
pas  même  propofable  ,  ou  qu'elle  n'admet  ni  la 
Prefcription  du  relief ,  ni  celle  des  lods  &  ventes  , 
&  que  fa  difpofition  doit  être  reflreinte  aux  profits 
échus  ,  aux  droits  cafuels  &  aux  arrérages. 

C'eft  en  effet  ce  qui  a  été  décidé  dans  l'affaire  du 
feigneur  de  Tcmpleuve-en-DofTemer  &  de  l'ab- 
baye de  Sainte-Elifabeth.  Car  (  &  c'efl  unecirccnf- 
tance  qui  n'auroit  pas  dû  échapper  a  l'anonyme 
ciré  )  ,  le  feigneur  de  Templeuve  ne  s'en  eft  pas 
tenu  à  la  fentence  du  bailliage  de  Lille  ;  il  en  a 
interjeté  appel  au  parlement  de  Flandres,  &  voici 


<i)  Voyez  Homme  de  fitf. 

(ù  Cç  Riot  cft  cncoie  e-xf  licjuc  à  l'atticle  Homme  DE  riEE. 

*  B  b  b 


378  PRESCRIPTION. 

l'arrêt  qui  y  eA  intervenu  le  l6  décembre  1763  , 
au  rapport  de  ÎVi.  Je  trancqueville. 

«  La  ccur  a  mis  &  met  l'appellation  &  la  fen- 
j»  tence  dont  ;'.  été  appelé  au  néant ,  en  ce  que  par 
»>  icelle  ledit  Defmaifitrcs  a  été  débouté  du  droit 
it  du  relief  du  fîet  de  Landas  dont  s'agit  au  procès  ; 
«  émendant  quant  à  ce,  déclare  lefdites  abbefle 
«  &  religieufes  lujettes  au  droit  de  relief  toutes  les 
«»  fois  qu'elles  le  feront  à  la  foi  &  hommage  en- 
j>  vers  le  leigneur  de  Templeuve  pour  raifon  dudit 
»>  fief  de  Landas,  ladite  fentcnce  au  réfidu  fortif- 
î>  fant  effet.  Condamne  ledit  Defmaifieres  en  cinq 
«  fixièmes  des  dépens  de  la  caufe  d'appel  ». 

Ainfi ,  il  eft  décidé  que  dans  la  coutume  de  la 
châtellenie  de  Lille ,  la  foi-hommage  &  le  relief 
font  aulîi  imprefcriptibles  l'une  que  l'autre  ;  mais 
que  l'indemnité  peut  s'y  prefcrire.  Voyez  fur  ce 
dernier  point ,  l'article  Indemnité, 

Voilà  donc  la  coutume  de  la  châtellenie  de  Lille 
replacée  fur  la  ligne  du  droit  commun;  tant  il  eft 
vrai  de  dire  qu'il  n'y  a  point  de  maxime  à  laquelle 
nous  tenons  davantage  que  celle  qui  empêche  le 
vaffal  de  prefcrire  contre  fon  feigneur. 

De  l'explication  que  nous  avons  donnée  de  cette 
maxime,  il  réfulte  clairement  qu'on  ne  peut  pas 
en  inférer  qu'un  feigneur  efl  en  droit  de  revendi- 
quer ,  comme  appartenant  à  fon  domaine  ,  ce  qui  , 
dansles  poflefTxons  de  fes  vaflaux  excède,  depuis  un 
temps  fuffifant  pour  prefcrire  ,  la  quantité  de  terres 
déterminée  par  leurs  titres. 

Mais  ce  droit  en  eft-il  pour  cela  moins  réel  ?  Ne 
peut-il  pas  être  juftifié  par  d'autres  principes  que 
la  règle  dont  il  s'agit  ?  Voyez  là-defTus  l'article 
Terrier. 

A  l'égard  des  droits  extraordinaires  que  les  fei- 
gneurs  ont  impofés  à  leurs  vaflaux  ou  cenfitaires 
dans  les  baux  à  fief  ou  à  cens  ,  il  n'efl  pas  douteux 
qu'ils  ne  participent  au  privilège  de  l'imprefcripri- 
bilité  ,  lorfqu'ils  ont  pour  objet  la  reconnoifTance  ' 
de  la  mouvance  eu  de  la  direéîe. 

Sur  ce  fondement  ,  dit  la  Peyrere ,  lettre  P  , 
nombre  88,  il  a  ci!i  jugé  au  parlement  de  Bor- 
deaux, par  arrêt  du  19  août  1680,  qu'un  droit  de 
corvée  Âipulé  par  un  bail  à  ûef  ne  pouvolt  pas  être 
prefcrit  même  par  cent  ans.  «  La  cour  fe  fonda  fur 
j;  cette  raifon ,  que  la  corvée  étoit  ét.-iblie  fur  le 
ïi  titre ,  &  par  conféquent  de  l'tfience  du  bail  à 
«  fief  ,  contre  lequel  le  tenancier  ne  peut  prefcrire , 
»  lui  étant  commun  avec  le  feigneur  ». 

Le  même  principe  a  diéîé  un  autre  arrêt  du  lo 
juin  1644,  que  la  Peyrere  nous  retrace  fous  le 
nombre  100  delà  lettre  citée.  En  1 42 1  ,  le  feigneur 
du  Breuil  avoit  inféodé  à  (qs  habitans  divers  héri- 
tages plantés  de  bois  ,  fous  la  réferve  d'un  droit  de 
chauffage  pour  lui  &  les  fiens  à  perpétuiré.  Ses  fuc- 
ce^îeurs  avoient  négligé  ce  droit  ;  le  fieur  Dupuy 
voulut  en  jouir.  On  luioppofa  la  Prefcription  im- 
mé  moriale  ;  mais  par  l'arrêt  dont  il  s'agit ,  «  il  fut 
»  j  ugé  (jue  la  réferve  du  droit  de  chauffage  étoit  de 


PRESCRIPTION. 

>j  l'efTence  du  bail  à  fief,  &  conféqueiument  im- 
>»  prefcriptible  ». 

Lorfqu'un  feigneur  a  aliéné  ,  foit  par  vente,  foit 
par  donation  ,  le  droit  qui  formoit  dans  fa  main  le 
figne  récognitif  de  la  mouvance  ou  de  la  direfle  , 
peut-on  le  prefcrire  contre  fon  acheteur  ou  fon 
donataire  ?  Oui ,  parce  qu'alors  ce  droit  n'eft  plus 
un  acceffoirc  de  la  feigneurie,  &  fe  trouve  réduit 
à  la  qunlité  de  finiple  redevance  foncière.  On  a  pu 
le  transférer  fans  le  domaine  direél,  il  peut  donc 
aufli  s'éteindre  fans  lui. 

C'efl  l'avis  deCancerius,  variarum  re/olutionum , 
livre  I ,  chapitre  1 2 ,  nombre  i  î  ;  de  Dunod ,  traité 
des  Prefcriptions  ,  partie  3  ,  chapitre  10  ,  pag.  366 , 
8c  d'Kcvin  dans  fa  confultation  4. 

C'eft  ce  qu'établit  aiifli  Poubin  du  Parcq  fur  la 
coutume  de  Bretagne  ,  article  294  ,  note  f  :  «  on  ne 
»  peut  pas  dire  (  ce  font  fes  teimes  )  que  la  mou- 
»  vance  foit  diviféc  (  par  l'aliénation  que  fait  le  (ei- 
»  gneur  d'une  rente  féodale  ).  Le  feigneur  n'au- 
j»  reit  pas  même  eu  le  droit  de  faire  cette  divifion  , 
»  fuivaut  l'article  348  de  la  coutume.  La  preftation 
»  a  été  feulement  féparée  de  la  féodalité ,  qui  eft 
»  demeurée  entière  au  feigneur;  de  forte  qu'il  n'y 
»  a  aucun  lien  de  foi  entre  fon  vaffal  &  le  proprié- 
»  taire  de  la  rente. 

»  Cette  maxime  (  ajoute-t-il  )  a  été  confirmée  par 
n  arrêt  du  mois  de  juin  1742,  au  rapport  de  M. 
»  d'Eftreans  ,  doyen  du  parlement  (  de  Bretagne  )  , 
»  entre  le  fieur  le  Coniac  de  la  Longrais  8c  le  fieur 
»  Drouet  de  la  NoëSeiche,  Le  procès  avoit  été 
»  partagé  à  la  grand'chambre.  11  hit  départi  à  la 
»  féconde  des  enquêtes  ,  &  la  Prefcription  fut  ju- 
»  gée  contre  la  rente  comme  foncière  ». 

Distinction  IIL  De  la  Prefcription  dû  feigneur 
contre  jon  vajjal ,  cenfitaire  ou  ctiiphyicote. 

*  Le  feigneur  ne  peut  prefcrire  contre  fon  v.'Jfal. 
Telle  étoit  la  difpofition  de  l'ancienne  coutume  de 
Paris.  Les  réformateurs  ont  ajouté,  le  fief  fur  li4 
jaifî  ,  ou  mis  en  fa  main  par  faute  d'homme  ,  droits 
&  devoirs  non  faits  ,  ou  dénombrement  non  badlè. 
Il  réfiilte  de  cette  féconde  difpofition  ,  que  la  rè- 
gle générale,  établie  par  l'ancienne  coutume,  eft 
aujourd  hui  reflreinte  au  feul  cas  oii  le  feigneur 
jouit  du  fief  de  fon  vafial ,  en  vertu  de  la  faifie  féo- 
dale; &  que  dans  tout  autre  cas ,  il  peut  uferdu 
droit  commun,  &  prefcrire  cortme  un  tiers  pour- 
roit  le  faire. 

Telle  eft  en  effet  l'interprétation  que  les  au- 
teurs ont  donnée  à  cette  nouvelle  difpofition  de 
la  coutume. 

L'ancienne  coutume,  qui  rejetoit  indéfiniment 
la  Prefcription  entre  le  feigneur  &  le  vaffal  de  la 
chofe  tenue  en  fief,  eft  reftreinte  par  cet  article, 
à  l'égard  du  feigneur ,  au  feul  cas  de  la  faifie  féo- 
dale. «  De  forte  qu'aux  autres  cas  non  exprimés , 
»  qui  n'ont  rien  de  privilégié,  auxquels  le  fei- 
»  gneur  ne  pofsède  point  en  vertu  d'une  faifie  féo- 


PR  ESCRIPTION. 

j»  dale ,  la  Prefcription  ordinaire  &  coutumière  a   ! 
«  lieu  de  la  part  du  feigaeur  contre  le  vallal  m. 
Brpdcau  ,fur  i\irf.  12  de  la  coutume  de  Paris. 

a  Toute  Prefcription  entre  le  feigneur  &  le  vaf- 
«  fal  n'eft  point  prohibée,  quand  il  ne  pofsède 
•»  point  jure  feudi  ,fed  dorninii  ».  Balnage  ,/«/•  fj/'r. 
116  de  la  coutume  de  Normandie. 

«  Si  lepoireHeur  du  û:t  dominant  jouit  du  fief 
»)  fervant  en  qualité  de  propriétaire,  &  non  com- 
5>  me  feigneur  direil,  il  peut  le  prefcrire  ,  comme 
j>  feroit  tout  autre  propriétaire  ».  Dunod ,  traité 
de  la  Prejcription   des  fiefs  *. 

Duperrier  atrefte  h  même  chofe  pour  la  Pro- 
vence. "  Selon  les  maximes  du  droit  écrit  (dit  il 
»  dans  fes  décifions .,  tom.  2  ,  livre  i ,  nombre  73  ) , 
»  le  feigneur  direâ ,  par  la  Prefcription  de  trente 
ï»  ans,  acquiert  le  domaine  utile,  fi  durant  cet 
M  efp.Tce  de  temps  il  a  poiïedé  le  fonds  en  qua- 
w  lité  de  propiiétaire  ,  &  non  de  feigneur  di- 
»  re6l  (  I  )  ». 

*  L'héritier  de  celui  qui  a  faifi  féodalement  le 
fief  de  fon  vnjfàl,  ne  peur  en  prefcrire  la  pro- 
priété par  quelque  efpace  de  temps  qu'il  en  ait 
joui ,  quand  même  il  auroii  ignoré  la  caufe  de  la 
porteffion  de  fon  auteur.  C'eft  la  décifion  de  tous 
les  feuditles  ,  &  elle  efl  fondée  fur  le  principe  que 
la  pofTsffion  du  défuiu  fe  continue  dans  la  perfonne 
de  fon  héritier,  avec  tous  fes  vices  &  toutes  fes 
qualités. 

Ainfi,  quand  on  demandera  fi  l'héritier  du  fei- 
gneur ,  qui  jouiiToit  par  faifie  féodrJ.e  d'un  fief  mou- 
vant de  lui ,  peut ,  après  que  la  fuccelfion  lui  efi 
échue  ,  prefcrire  ce  fief,  on  dira  fort  bien  que 
non  ,  quoiqu'il  ait  joui  ,  dans  la  perfuafion  que  le 
bien  appartenoit  véritablement  à  celui  dont  il  eft 
héritier.  La  raifon  en  eil  que  ,  qu.tmvis  htzres  pof- 
fideat  anima  domini ,  néanmoins  il  ne  prefcrira  pas  , 
parce  que  non  potefi  (ihi  mutare  caufam  po(feJJîonis. 
(  M.  le  Camus,  objervations  fur  l'article  iz  de 
Paris.  ) 

Ainfi ,  un  vaffal  peut  toujours  revendiquer  la 
propriété  de  fon  fict ,  quand  il  peut  prouver  que 
c'eft  une  faifie  féodale  qui  l'a  fait  pa^fer  dans  la 
main  de  fon  fe-gneur.  Mais  ciî-ce  au  vaifal  à  éta- 
blir l'exifit-nce  de  cette  faifie ,  ou  le  feigneur  eft- 
il  obligé  de  prouver  qu'il  pofsède  ce  fief  à  tout 
autre  titre  ?  Les  auteurs  décident  que  cette  preuve 
efià  la  charge  du  va/îal ,  *  &  c'efi  la  conféquence 
de  deux  maximes  triviales  du  droit  romain  :  l'une, 
que  c'eft  au  demandeur  à  prouver ,  ejus  eft  pro- 
bare  qui  dicit ,  non  qui  negat  (t)  i  l'autre ,  que  dans 
le  doute  ,  la  caufe  du  polTelieur  efi  toujours  la 
plus  favorable. 

"  a  Quand  le  vafTal  demande  à  fon  feigneur  la 

(l  (Jw;.-  ?ucf  (!'•  aioutc  :  «  Nonobilaai  !a  maxime  des  pays 
M  costumiers,  où  'c  l'eigneur  ne  prrfcrit  jamais  contre  fon 
k>  vaflal  «.  Mais  cette  maxime  ne  contrarie  nullement  Ja 
dofkiinede  Duperrier. 

(i)  Loi't,  D.  de probationlhuJ, 


PRESCRîPTlCî^r.        37^ 

»  reflitutîon  d'un  héritage  ,  comme  le  pofledant 
»  en  vertu  d'une  faifie  féodale ,  il  efi  tenu  de  la 
»  juftifier  ,  encote  même  qu'il  fît  voir,  par  des 
»  titres  ,  qu'il  eiit  appartenu  à  fes  prédécefieurs  ; 
»  car  le  feigneur  peut  avoir  pofiedé  à  autre  titre  », 
Balnagc  ,  y«r  rarticL  wj  de  Normandie. 

«  Le  vafi"al  qui,  nonobfiant  la  Prefcription,  veut 
»  rentrer  dans  fon  fief,  doit  prouver  que  le  fci- 
)>  gneur  en  a  joui  jure  feudi ,  &  non  pas  ut  ex- 
))  ir.ineus  ;  autrement ,  il  ne  feroit  pas  reçu  en 
»  fon  aélion  après  une  longue  ponefiîon ,  qui  fait 
»  préfumer  un  titre  particulier ,  &  qui  doit  afi^u- 
»  rer  le  droit  du  feieneur  :  non  tàm  vi  Prafcrio- 
»  tionis ,  quàm  vi  prccfumptionis  ».  Boucheul,/wr 
Poitou,  art.  8ç,  n° .  \\. 

Mais  cette  faifie  une  fois  prouvée,  le  feigneur 
efi  préfunié  pofiéder  en  vertu  de  ce  titre  précaire, 
parce  que  la  pofi!efi!îon  efi:  toujours  cenfée  conti- 
nuer comme  elle  a  commencé.  Dans  ce  cas,  il  ne 
pourra  donc  s'aider  de  la  pofieflion ,  qu'en  prou- 
vant qu'il  en  a  changé  la  caufe  (i). 

Lorfqu'un  vaflal  parvient  à  prouver  que  fon  fief 
a  été  faifi  féodalement  ,  le  feigneur  ni  fes  héri- 
tiers,  ne  peuvent  donc  prétendre  en  avoir  pref- 
crit  la  propriété,  quoique  ce  fief  i'oit  en  leur  pof- 
fcflîon  depuis  un  temps  immémorial  :  en  eft-il  de 
même  de  l'acquéreur }  Non  ;  quoiqu'il  tienne  fon 
droit  d'une  perfonne  incapable  d'ufer  de  la  Pref- 
cription, il  n'en  efi  pas  moins  habile  à  prefcrire  , 
parce  que  fon  titre  intervertit  fuffifamment  la  pof- 
feflîon  de  fon  vendeur. 

«  Si  un  tiers  avoir  pofiTédé  le  fief  pendant  la  fal- 
»>  fie  féodale,  il  pourroit  le  prefcrire  ,  quand  mê- 
»  me  il  le  tiendroit  du  feigneur  à  titre  particu- 
»  lier ,  pourvu  qu'il  l'eiàt  acquis  de  bonne  foi  ». 
Dunod  ,  traité  de  la  Prefcription  ,  titre  de  la  Pref- 
cription des  fiefs. 

«  Quand  le  feigneur  a  mis  le  fief  en  fa  main, 
»  &  qu'après  en  avoir  joui,  il  le  vend  ou  en  dif- 
»  pofe  à  titre  particulier,  alors  le  fuccefleur  igno- 
»  rant  la  caufe  de  polTcder  de  celui  qui  lui  vend  , 
»  ayant  par  devers  lui  un  jufte  titre,  pofjîdet  ani- 
n  nio  domirii  ex  causa  nova  pujjtdindi  ;  &  c'efl 
»>  pour  cela  qu'il  prefcrit  par  dix  &  vingt  ans  ». 
M.  le  Camus,  obfervations  fur  l'art.  12  de  la  cou- 
tume de  Paris. 

Ferricre ,  fur  l'article  1 2  de  la  coutume  de  Paris  , 
glofe  I  ,  examine,  comme  M.  le  Cnmt:$ ,  la  quef- 
tion  de  favoir  fi  ,  dans  ce  cas  ,  le  laps  de  dix  ans 
fuffit  pour  confommer  la  Prefcription  de  l'acqué- 
reur ;  de  il  décide ,  comme  lui ,  que  ce  temps  eft 
fuffifant.  Voici  les  raifons  qu'il  en  donne. 

«  L'art.  113  porte  généralem.nt  &  indifiinfle- 


(i)  C'ejl  h  décijïon  de  Dumoulin.  Tenebirur  igiiui  dominus 
poflii^ens  ,  lioc  calu  probare....  poûeilionem  iliain  feuJat*- 
li.iiii  ,  (ive  jute  &  potellatc-t'cudali  obtentam  .intetvetfam;  Se 
inc'.'ptum  eire,  rem  pol^dcri  pieno  &;  ptoprio  jure  poffiden- 
tis  tanqu.\m  1  on  feudalem.  Sur  L'urticlty  de  l^ancimm  au-, 
tume  (fe  Ptfrij  j  n°.  IV  ,  in  fine. 

Bbb  ij 


38< 


PRESCRIPTION. 


3>  ment ,  que  tout  poffefleur  de  bonne  foi  prefcrît 

«  par  dix  ou  vinet  ans  l'héritage  qu'il  a  acquis  ; 

M  &  pour   cette  Prefcription  ,  trois   chofes  font 

j>  feulement  requifes  :  la  bonne   foi  de  l'acqué- 

j)  reur,  le  titre,  &  la  poffeffion  continuée  pen- 

I)  dant  dix  ou  vingt  ans  ;  6i  partant ,  ces  trois  condi- 
»  lions  fe  rencontrant  en  la  perfonne  de  celui  qui 

V  auroit  acquis  du  feigneur  un    fief  qu'il   auroit 

«  faifi  ,  il  pourroit  foutenir  qu'il  en  auroit  acquis 

y)  le  domaine  par  la  Prefcription  ». 

Distinction  IV.  Dans  les  coutumes  alloJlales  ,  le 
vjffal  ou  ctnfitaïre  ,  ipar  la  feule  ctjfation  du  paye- 
ment du  cens  ou  de  la  prejlalion  de  fui  &  hom- 
mage ,  peut-il  prcfcrire  la  libération  de  la  direde 
ou  de  la  mouvance  ,  &  transformer  fon  héritage 
en  aleu  ? 

I.  Nous  penfons  que  la  négative  eft  fans  diffi- 
culté ,  à  l'égard  du  preneur  ,  8c  de  fes  héritiers  ou 
repréfentans  à  titre  univerfel. 

Pour  peu  qu'on  examine  un  bail  à  fief,  un  bail 
à  cens  ,  on  voit  que  les  parties  contraÂantes  fe 
dié^ent  une  loi,  en  vertu  de  laquelle  le  balllei;r 
demeure  propriétaire  à  toujours  d'une  portion  de 
l'héritage  qu'il  concède  pour  faire  ufage  de  fa  pro- 
priété ,  toutes  les  fois  que  le  preneur  &  fes  fuc- 
ceffeurs  mettront  hors  de  leurs  mains  l'héritage 
par  vente  &•  autre  aliénation. 

Régulièrement  cette  portion  de  propriété ,  rc- 
fervée  lors  du  bail  ,  cft  le  quint  du  montant  de 
l'héritage  baillé  à  fief;  le  douzième  de  l'héritage 
concédé  à  cens;  le  tiers  du  montaat  de  l'héritage 
baillé  à  bordelage.  Or  ,  fi  le  preneur  ou  fes  fuc- 
cefleurs  pouvoient  prefcrire  à  leur  profit ,  &  s'ap- 

Î)roprier  pour  eux-mêmes  ,  dans  le  filence  &  dans 
es  ténèbres  ,  cette  portion  de  l'héritage  que  le 
bailleur  s'eft  réfervée  ,  &  dont  la  propriété  n'a 
point  été  aliénée  pat  lui  ,  ce  feroit  innover ,  chan- 
ger la  nature  &  les  conditions  du  contrat,  trans- 
former un  bail  à  fief  ou  à  cens  en  un  contrat  tranf- 
iatif  tout-à-la-fois  de  la  propriété  direfle,  &  im- 
pofer  filence  au  titre  commun  ,  lorfqu'il  dépofe  & 

au'il  crie  hautement  contre  l'ufurpation  de  l'une 
es  deux  parties  fur  l'autre  ;  tandis  qu'il  n'a  été 
écrit  &  que  les  reconnoiflances  qui  en  font  l'image, 
ne  l'ont  renouvelé  que  pour  qu'il  formât  une  fé- 
paration  &  une  barrière  perpétuelle  entre  les  droits 
du  bailleur  &  ceux  du  preneur;  ce  feroit  autorifer 
le  détenteur  à  prefcrire  contre  fon  propre  titre  > 
&  à  violer  la  foi  du  dépôt  qui  lui  eft  confié  ,  en 
dépouillant  le  bailleur  de  fes  droits,  dans  le  temps 
même  que  la  loi  décide  qu'il  eft  le  procureur 
du  feigneur  ,  &  qu'il  eft  établi  par  elle  pour  les 
confcrver. 

Dans  ces  contrats ,  il  fe  forme  une  corrélation 
mutuelle  ,  durable  &  perpétuelle  entre  les  deux 
perfonnes  qui  contraflent,  laquelle  empêche  que 
ni  le  bailleur  ni  le  preneur  puiffent ,  féparément 
l'un  de  l'autre  ^  fana  le  concQii|s  des  deux  en< 


PRESCRIPTION. 

femble  ,  rien  changer  à  la  convention  faite  par  la 
reunion  de  leurs  volontés  &  à  leurs  obligations 
réciproques  &c  corrélatives.  Le  bailleur  ne  peut  pas 
prétendre  les  profits  des  mutatio.is  fur  un  pied  p!us 
fort  que  celui  qui  eft  fixé  par  la  coutume  ou  par  le 
bail  ,  augmenter  à  fon  gré  le  canon  annuel ,  furchar- 
ger  le  preneur ,  ou  ajouter  à  fes  engagemens.  Le 
preneur  ne  peut  pas,  de  fon  côté  ,  refufer  au  bail- 
leur ce  qu'il  lui  a  promis  :  l'un  ne  fauroit  innover 
ou  prefcrire  au  détriment  de  l'aiitre  ,  ni  faire  cefier 
par  fa  feuL-  volonté  ce  qui  eft  établi  &  appuyé 
fur  les  deux  volontés  enfemble.  u  Feudum  conjll- 
»  tuitur  deflinativne  patrani  &  cinntis  fimul ,  non  al- 
n  terius  eorum  tarJÙm  ,  quia  non  dependet  à  volon- 
»  tate  unius  ,  fcd  duorum  ,  6»  à  vero  contracta  ultro 

»   citroque  oblig^itorio non  iicet  alierutri  quid- 

)>  quam  immutare  aut  derorare  ».  La  raifon  de  ce 
principe  fe  préfente  d'elle-même  ;  c'eft  que  le 
contrat  eft  réciproque-perpétuel  ;  &  que,  comme 
on  l'a  vu  plus  haut ,  feélion  i ,  fi  l'un  des  contrac- 
tans  exécute  fes  engageiTiens  ,  l'autre  ne  faurort 
prefcrire  la  libération  des  fiens  :  moins  encore  , 
fi  ce  qu'il  voudroit  prefcrire  eft  de  l'elTence  dti 
contrat.  Car  ce  qui  eft  de  reffence  des  contrats  , 
n'eft  point  fujet  à  la  Prefcription,  fuivant  la  loi  , 
non  diibnim  5  ,  au  code,  de  legibus ,  dit  Coquille. 

Ainfi  ,  puifque  le  bail  à  fief,  à  cens  ou  à  borde- 
lage ,  eft  un  contrat  réciproque-perpétuel  ;  puifque 
la  reconnoiiTance  ,  le  payement  des  profits  ,  la  fer- 
vice  annuel  de  la  preftation  ,  la  retenue  ,  la  com- 
mife ,  la  réverfion  ,  l'entretien  de  l'aftiette  en  bon 
état,  font  de  la  propre  cftence  de  ce  contrat;  tant 
que  le  bailleur  exécute  de  fa  part  ce  à  quoi  il  s'eft 
engagé  par  le  bail ,  qui  eft  de  faire  valoir  &  main- 
tenir la  conceflien  ,  de  ne  pas  troubler  le  preneur 
dans  fa  jouiftance  paifible  ,  de  ne  lui  point  de- 
mander de  plus  forts  droits  que  ceux  qui  ont  été 
convenus  ,  le  preneur  ou  détenteur  n'cft  pas  en 
droit  de  méprifer  fes  promeffes  ;  il  ne  peut  pas 
prefcrire  la  difpenfe  &  la  liberté  des  devoirs  qui 
lui  ont  été  impofés  ,  &  auxquels  il  s'eft  fournis 
par  le  bail  ;  ils  font  efTentiellement  &  infépara- 
blement  attachés  à  fa  jouiftance.  Le  titre  commun 
les  lui  rappelle ,  &  l  en  avertit  fans  celfe.  Et  ne 
voit-on  pas  qu'il  y  auroit  une  injuftice  &  iine  iti- 
conféquence  manifefte,  que  le  détenteur  put  c:n« 
ferver  l'héritage,  &  ne  plus  reconnoître  le  h  ùl- 
leur,en  s'érigeant  lui-même  en  feigneur  direct  & 
en  feigneur  utile  ,  au  mépris  du  contrat  commun  , 
à  l'infu  &  au  détriment  de  fon  corrélatif  ^ 

On  remarque  dans  ces  mêmes  contrats  utie  au- 
tre fingularité  ;  c'eft  que  1  héritage  concédé  à  fief, 
à  cens ,  à  bordelage  ,  à  rente ,  devient ,  par  la  con- 
ceflîon  même  ,  commun  &  indivis  entre  le  bail- 
leur &  le  preneur;  car  il  en  rélulte  une  feigneurie 
direfte  d'un  côté  ,  &  de  l'autre  une  feigneurie 
utile  ,  qui ,  l'une  Se  l'autre  ,  ont  1-eur  affeâation 
fur  le  même  héritage.  La  direfle  appartient  au  bail- 
leur ;  ce  qui  le  fait  nommer  feigneur  direH  ,  ou  fim- 
plement  feigneur  ;  &  l'utile  au  preneur  ou  détea- 


PRESCRIPTION. 

teur;  d'où  il  eft  appelle /êig-rziar  utile.  Ces  deux 
feigneurs,  dired  6c  utile,  potsèdenc  donc  par  in- 
divis ener'euîf  l'héntage  concédé  fous  un  devoir 
quelconque  ;  cela  eli  fi  certain  ,  que  ,  lors  des  mu- 
tations, ils  en  partagent  'e  prix  félon  la  proportion 
analogue  au  genre  ae  tenure  fîipulé  par  le  bail ,  & 
que  riiéritage  ne  peut  recevoir  des  améliorations  , 
ni  foutfrir  des  déterioraticns  &  fon  éclipfe  totale  , 
qu'ils  n'y  aient  l'un  6i  l'autre  intérêt.  Or,  c'eft  un 
point  de  droit ,  que  la  communauté  ,  ou  indi  vifion  , 
met  obibcle  à  ia  Prefcriptton  d'un  des  communs 
fur  l'autre. 

D'ailleurs  ,  le  preneur  ou  détenteur  n'ayant  pour 
fa  portion  indivife  dans  l'héritage  féodal  ,  cenfuel 
ou  bordelier,  que  la  feigneurie  ou  propriété  utile  , 
il  efl  certain  qu'il  eft  inhabile  à  acquérir  ,  par  la 
voie  de  la  Prefcription  ,  la  feigneurie  ou  propriété 
direék,  qui  eft  la  portion  indivife  du  bailleur.  En 
eftet ,  pour  prefcrire  le  droit  d'autrui ,  &  l'ajouter 
au  nôtre  ,  il  faut  l'avoir  poiTédé  ,  pendant  le  temps 
iixé  par  la  loi ,  aniiuo  domini  ,  c'eft-à-dire  ,  avec 
l'intention  iU  de  la  manière  nèceffaire  pour  en  ac- 
quérir la  propriété.  Il  faut  fe  croire  ,  de  bonne  foi  , 
propriétaire  de  la  chofe  pofTédée  ,  ou  au  moins 
avoir  envie  de  le  devenir,  &  fe  conduire  exté- 
rieurement de  façon  à  en  perfuader  les  autres.  Mais, 
indépendamment  de  ce  que  dès  le  premier  inftant 
de  poircffion  de  la  portion  du  feigneur ,  8c  fans 
attendre  les  trente  années,  le  bail  feroit  réduit  au 
n'>n-ètre,  fi  la  propriété  utile  &  la  propriété  di- 
reéte  fe  trouvoient  réunies  dans  la  perfonne  du  dé- 
tenteur, ce  qui  rendioii  inutile  le  cours  d'un  plus 
lon^  temps,  il  n'efl  pas  facile  de  concevoir  com 
ment  le  bailleur  ou  le  preneur  pourroient  publi 
quernent  poiî'éder  ,  anima  domini ,  l'un  la  propriété 
directe ,  à  la  faveur  de  l'utile  ,  &  l'autre  la  pro- 
priété utile,  à  la  faveur  de  la  direde,  fur  un  même 
héritage  fujet  indivifément  à  ces  deux  feigneuries. 
Le  leigneur  u.ile  pourroit-il  montrer  un  afle  ca 
pable  de  juftifier  que  ,  pendant  une  feule  minute 
de  trente  années ,  il  a ,  au  vu  8i.  fu  ,  &  fans  contra 
diflion  du  feigneiu  direâ,  exercé  fur  lui-même  les 
droits  de  feigneurie  direfte  ?  Le  feigneur  direift  , 
de  fon  côté  ,  n'aura  pas  joui  corporellement  de 
l'héritage.  Dans  quel  fens  l'un  ou  l'autre  préten- 
dront-ils avoir  rempli  la  condition  fans  laquelle 
ils  n'auront  pu  prefcrire  .'' 

Il  eft  doue  plus  vrai  de  dire  que  le  titre  commun  , 
la  railon  lii  !a  règ'e  obligent  refpeftivement  le  fei- 
gneur direft  Se  le  feigneur  utile  à  pofl'èder  l'un  pour 
l'autre  ,  fans  leur  permettre  de  fe  nuire ,  &  faiis 
qu'ils  puiflent  le  faire;  que  le  déte  iteur  n'eft  pas 
plus  habile  à  prefcrire  la  feigneurie  dire'5ie  contre 
fon  feigneur  direâ,que  ne  le  feroit  un  fermiers 
prefcrire  la  propriété  de  fon  maître;  que  le  titre 
du  détenteur  n'eft  qu'un  titre  précaire  ,  parce  qu'il 
pofsède  fous  la  propriété  direâe  du  bailleur  ,  & 
aux  conditions  qui  font  de  l'elTence  du  traité  ré- 
ciproque-perpétuel ;  que  la  qualité  à'uiile ,  jointe 
à  fa  dénomination ,  dcfd^rnur,  dénote  fon  impro- 


PRESCRIPTION,         3^1 

priété;  que  la  véritable  proprl'îté  eft  toujours  ré- 
fidente  dans  la  perfonne  du  feigneur  direâ;que  le 
feigneur  utile  n'a  pas  pu  la  prefcrire  ,  p^rce  qu'il 
ne  l'a  jamais  poffedeé  ;  &  qu'il  ne  la  prefttiroir 
pas  ,  comme  difent  les  Feudiftes  ,  eiiam  per  mdu 
annos  ,  rébus  fie  jlantibus  &'  nih'U  excrinfecus  adve- 


nunte. 


Nous  avons  dit  ci-devant,  diftinàlion  i,  que  Du- 
moulin, fur  l'ancienne  coutume  de  Paris  ,  n'alloit 
par  aulll  loin  ,  &  que,  fuivant  lui,  la  pcffelTioti 
centenaire  fuffifoir  pour  inettre  le  vaifal  ou  le  cen- 
fitaire  en  pleine  liberté.  C'eft,  efi  c^tt  ^  ce  qu'il 
établit  fur  le  §.  12,  au  mot  Prefcription^  nombre 
14(1).  Telle  eft  auffi  la  décifion  de  François  Dua- 
ren  r2),&Ciijas  l'a  adoptée  dans  fa  confultation  54. 

Elle  a  mk.ir\c  été  reçue  dans  une  de  nos  provin- 
ces ,  le  Dauphiné.  M.  Expilly,  avocat-général  au 
p^Trlement  de  Grenoble,  établit  dans  fon  plaidoyer 
27,nombres  10  &  21,  que  la  jurifprudence  de  cette 
cour  a  admis  la  Prefcription  centenaire  en  faveur 
du  vaftal  contre  ion  feigneur.  M.  de  Salvaing  , 
chapitre  13  ,  attefte  aiifti  cet  ufage  ,  &  après  l'avoir 
prouvé  par  une  tranfaélion  du  17  Juillet  1Ç26, 
par  un  arrêt  d'expédient  du  8  août  1 570 ,  &  par  un 
autre  rendu  contradifloirement  le  premier  février 
1634;  il  répond  à  quelques  arrêts  modernes  dont 
certains  novateurs  vouloient  mal-à-propos  fe  pré- 
valoir pour  renverfer  cette  jurifprudence. 

Da.ns  le  chapitre  fuivant ,  le  même  magiftrat  aC- 
fure  encore,  comme  une  maxime  conftante  en  Dau- 
phiné,» que  l'emphiréote  prefcrit  contre  le  fei- 
»  gneur- direift  ,  par  l'efpace  de  cent  ans  ;  ea 
»  forte  quelelT)nd  emphitéotique  reprend  fa  coH- 
II  dition  naturelle  ,  fans  être  fujet  au  droit  de  cens 
Il  &  lods,  tant  pour  l'avenir  que  pour  le  pafle  >».' 
C'eft  ,  ajoutc-tiî ,  ce  qui  a  été  jugé  par  arrêt  du  4 
août  1633  ,  nonobftant  «  la  faveur  de  l'églife  ,  l'é- 
»  dit  de  Melun  &  la  preuve  de  l'enlèvement  &  in- 
j»  cendie  des  papiers ,  pendant  les  troubles  de  la 
Il  religion  ". 

M.  Expilly ,  chapitre  183  ,  rapporte  fix  autres 
arrêts  du  même  parlement ,  «  par  lefquels ,  dit-il  , 
»  les  feigncurs  direéls  ont  été  déboutés   de  leur      " 
»  demande  tendant  à  reconnoître, payer  les  lods 


(l'i  Vo'icï  fiS  termes  : 

Teriiô,  Hinito  textum  noftrum  (&  hsc  eft  fola  propria  Se 
adxquata  limitatio  ,  catetx  potiùs  fuac  dedarationcs  )  ,  uc 
non  procfdat  in  Prxfcriptione  centum  annorum  ùve  temporis 
iminemorialis;  fiquidem  hujulmodi  Pra:fccipiio  babet  viin 
coniiirun"  (  l.  hoc  jure  ,  §.  duclus  aqva  ,  D.  de  aqui  çuoti— 
dimi  ■).  UnJé  nunquatu  cenfetur  exelula  eciam  pet  legetn 
probibitivam,  &  per  univerfalia  negativa  &:  geininata  verba 
oninem  quamcumquc  Prxfcripiionem  excludentia. 

(i)In  confuetudines  feudales  ,  cap,  16.  Voici  fes  termiM  : 
Prarcerfà  ,  nec  loquimur  de  Prïfcriptione  centum  annorum  , 
qui  poffeffio  ell  immemorabilis,  cùmiiuer  valTallum  &  domi- 
num  Prïfctiptionem  vetari  dicimus  ;  n  que  hïc  Praefciiptio 
untjuam  excluditur  his  vei'bis  ,  Préffcriptione  nonohfianti  , . ,  . 
t.iîis  enim  comuecado  habetur  pro  i  ado  ,  &  packum  valerct  il 
conveniflec  intet  dçnaiauin  &  vaflalJuii)  ,  ùç  hoc  jure  noa 
uteientur. 


jSz  PRESCRIPTION. 

»  &  ari-éra?*"*  ^  ^  à  continuer  à  l'avenir ,  &  ce  par 
»  fin  'J-  non-r:cevo)r  résultant  de  la  prefcrlption 
„  centenaire  ».  Le  premier  de  ces  arrcts  eù.  du  5  fé- 
vrier i6i6  ;  le  lecond  ,  du  23  feprembre  1621  ;  le 
troiuème  ,  du  9  Juillet  1622;  le  quitrième  du  20 
décembre  162-5  ;  le  cinquième  eft  rapporté  {"ans 
tiare  :  le  dernier  a  été  rendu  le  28  mai   1630. 

Mais  cette  lurifprudence  eft  abl'olument  particu- 
lière au  parlenienr  du  Datiphini.  Par-tout  ailleurs 
où  le  franc-aleu  le  préfume  lans  titre  ,  on  tient 
pour  maxime  que  la  Pr;lcripcion  ne  produit  pas, 
en  cette  matière,  plus  dciîet  que  celle  de  trente 
ans. 

Voici  d'abord  quelques  arrèis  qui  établiffent  cette 
maxime  relativement  aux  fiels. 

M.  de  Catellan  ,  livre  3  ,  chapitre  29  ,  en  rap- 
porte deux  du  parlement  de  Touloufe  rie*  19  jinl- 
1er  1655  8c  20  décembre  1675.  D^ns  l'cipèce  qu'ds 
ont  jugée,  il  y  avoit  une  poïTeifion  de  plus  de 
deux  fiecles  en  faveur  du  vafial  contre  Ton  ("uze- 
rain  ;  néanmoins  le  fermier  a  été  condamné  à  ren- 
dre au  fécond  la  foi  &  hommage. 

Dunod  ,  pi!  tie  3  ,  chapitre  9,  dit  que  par  arrêt  du 
parlement  de  Befançon  ,  du  22  mars  1709  ,  "  le 
5)  feigneur  de  Marigna  fut  admis  au  droit  de  retrait 
ï>  féodal,  contre  la  dame  de  Chambérie,  fur  une 
:>  acquifition  par  elle  laite  ,  de  fonds  qui  étoient 
V  du  fief  de  la  terre  de  Marigna,  mais  pour  lef- 
>»  quels  on  n'avoit  point  fait  de  devoirs  ,  depuis 
»  l'an  1423.  La  Prefcripnon  ayant  été  l'exception 
H  de  cette  Dame,  il  n'y  a  pas  lieu  de  douter  que 
>»  la  queflion  n'ait  été  décidée  », 

l,a  ([ueftion  a  été  jugée  plus  fouyeni  pour  la  di- 
reéle  ccnfuelle. 

On  verra  ci-après,  qu'un  arrêt  du  parlement  de 
Touloufe  du  10  février  1694,  a  condamné  un  cen- 
fitaire  à  rcconnoitre  fon  feigneur  ,  quoiqu'il  fe  pré- 
valût d'une  polll-nion  de  francbife  continuée  pen- 
dant plus  de  cent  ans. 

LaPeyrere,  lettre  P.  nombre  55  ,  attefte  que 
c'eft  auftl  la  jurifprudence  du  parlement  de  Bor- 
deaux. 

Duperrier  qui  a  écrit  dans  le  refTort  de  celui  de 
Provence  ,  dit  qu'on  n'en  doute  plus  ni  à  l'école 
ni  au  palais. 

Dunod,  partie  3  ,  chapitre  i  ,  rend  le  même 
témoignage  des  maximes  fuivies  dans  la  Franclie- 
Comtéi  après  avoir  développé  toutes  les  raifons 
qui  lui  paroilToIent  s'oppofer  à  la  prefcrlption  ,  il 
en  conclut  "  que  le  cens  en  direéle  emphitéotique 
»  ou  feigneuriale ,  eft  imprefcriptible  dans  le  coin- 
i>  té  de  Bourgogne,  par  celui  qui  i'aconftiruéou  re- 
«  connu,  ou  auquel  il  a  été  dénoncé  dans  l'acqui- 
j.  fition  qifil  a  faite  de  l'héritage  ,  &  par  leurs  hé- 
i>  tltlers.  AuiTi,  contlnue-t-il,  eft-ce  l'opinion  com- 
»  inune  de  notre  barreau,  &  je  ne  vois  plus  per- 
j>  fonne  qui  la  révoque  en  doute  ». 

Le  parlement  de  Dijon  juge  également  que  le 
cens  f'igneurhle{{  imprefcriptible  ,  même  par  cent 
'^cs.  C'eft  une  vérité  dont  neus  nous  conyaincions 


PRESCRIPTION. 

aifément  en  parcourant  les  auteurs  qui  ont  écrit 
dans  le  reliort  de  cette  cour. 

Bouvot ,  tome  2  ,  au  mot  cens  ,  queflion  9 ,  rap- 
porte une  efpéce  dans  laquelle  il  étoit  queiiion  de 
favoir  «  û  la  cenfe  qui  n'a  ni  juftice  ni  juridiflion, 
»  pourroit  être  preltrite  ,  du  moins  par  cent  ans; 
»  ou  fi  portant  lods,  Ôc  la  propriété  direâe  étant 
!j  retenue,  on  ne  la  pourroit  prefcrire  ».  Il  obferve 
enluite  dans  le  fait  du  procès  ,  que  le  cens  »  étoit 
»  tenu  en  fief,  démembré  de  la  juAice  :  c'eft  pour- 
»  quelle  ténementier,  nonobftant  la  prefcrlption 
»  allcguée  ,  fut  condamné  a  payer  ladite  cenfe,  par 
»  arrêt  du  29  Janvier   1607  ». 

Menelet ,  cité  par  l'aïueur  des  notes  fur  les  ob- 
fervations  ajoutées  par  Raviot,  aux  arrêts  de  Per- 
ricr(i),  dit ,  en  citant  le  regiJlre  des  délibérations 
iccrettes  du  parlement  de  Dijon,  que  «  le  22  août 
i>  1662  ,  la  cour  attefia  qu  un  cens  étant  en  juf- 
»  tice  eccléfiaftique  ou  féculière  eft  imprefcriptible 
»  par  quelque  laps  de  temps  que  ce  foit. 

Les  fuvans  &  judicieux  cenfeurs  (2)  qui  ont  ac- 
compagné de  leurs  obfervations  critiques  le  com- 
mentaire de  Taifind  fur  la  coutume  de  Bour- 
gogne ,  donné  au  public  en  1698  ,  s'expriment 
ainfi  à  la  page  818  :  <c  il  eft  important  de  remar- 
»  quer  qu'en  Bourgogne  un  cens  dépendant  d'un  ' 
»  fief  fans  juilice  ,  eft  jugé  feigneunal  Si  irapref- 
»  criptiblc  ». 

L'auteur  des  notes  fur  Raviot  (3)  cite  encore 
«  pOMr  l'imprefcriptibiliié  ,  un  arrêt  de  1611  ,  au 
»  profit  de  l'abbaye  de  la  Fertè  ,  &  un  autre  de 
>'  1675.  Ls  font ,  dit-Il , dans  le  cas  d'un  cens  noble 
»  dépendant  de  fief  émané  de  la  juHice  ». 

Il  ajoute  «  qu'un  autre  arrêt  rendu  le  18  août 
»  175 1,  pour  l'abbaye  de  Lanchaze  de  Charon  , 
»  au  rapport  de  M.  de  Cottin  de  Joncy  ,  a  jugé 

»  l'imprefcriptibilité d'un  cens  noble  &   en 

n  fief,  réputé  de  la  dotation  même  de  l'abbaye,  par 
»  les  anciens  comtes  deCharolois,  fouverains  du 
)»  pays  ». 

Mais ,  cette  jurifprudence  a-t-elle  lieu  pour  le 
cens  emphiteotique  non  feigneurial  .'' 

On  a  pu  remarquer  dans  tout  ce  qui  précède, 
que  ni  les  auteurs  ,  ni  les  arrêts  ne  font ,  là  dclTus  , 
aucune  diftinyion  ;  & ,  en  effet  ,  il  paroît  par  la 
loi ,  cùm  notiffimi ,  §.  6 ,  au  code  de  Pnrfcriptione 
30  vel  40  annorum,  que  le  cens  purement  emphi- 
théotique  éto'it  même  chez  les  romains  à  l'abri  de 
la  prefcrlption  foit  de  40  ans,  foit  d'un  plus  long 
terme. 

C'eft  aufli  la  jurifprudence  confiante  des  pays 
de  cenfive  :  «  le  cens  emphiteotique ,  dit  un  au- 
»  tcur  déjà  cité  (4)  ,  y  eft  imprefcriptible  :  on  le 
w  répute  émané  du  feigneur  qui  a  la  juftice  dans 

(l)  Tome  2  ,juppum€ntt:uK  iiotet,  page  10  ,  col.  i  ,  n°.  ig. 

(i)  M.  l'avccat  gcntral  Durand,  M.  Jciianniiii  &  il.  Mori« 
fot  >  avocars. 

(  j  )  Lof.  fîf- page  1 1  ,  col.  i  ,  n*,  i  î . 

(4»  Notes  iur  Raviot,  tome  2.  ,  à  la  fia  »  fuite  du  fupplo» 
ment,  page  i5,  col,  1 ,  a".  4. 


PRESCRIPTION. 

M  le  territoire  ;  c'eft  pourquoi  il  en  confcrve  les 
«  prérogatives  ». 

On  juge  de  même  dans  tous  les  pays  de  franc- 
aleu  (  excepté  ceux  qui  reflbrnfTcnt  au  parlement  de 
Bourgogne);  mais  psr  une  autre  raifon  ,  c'efl-à- 
dirc  ,  daprcs  la  loi  romaine  que  nous  venons  d'in- 
diqtier. 

M.  le  prcfident  Favre  s'eft  élevé  contre  cette 
jurifprudence.  Ce  qu'il  en  dit  dans  ion  code  ,  liv. 
7,  tit.  13  ,  dtrinition  19,  mérite  dette  lu  d'un 
bout  à  l'autre.  On  ne  doit,  fuivam  lui ,  &  tuivant 
l'annotateur  de  Raviot ,  appliquer  la  loi  ciim  notïj- 
Jimi ,  avec  le  privilège  d  imprefcriptibiiité  ,  qu'au 
cens  public  du  au  louverain  :  comme  les  droits  lei- 
gneuriaux,  continue-t-il,  émanent  de  cette  fource, 
nous  railbnnons  de  m^;ne  à  l'égard  du  cens  en 
fief.  Mais  le  cens  privé  n'e/t  que  le  prix  d'une 
vente  d'héritage  de  particulier  ;  la  leparation  de 
la  propriété  direéle  &.  de  la  propriété  utile ,  qui 
fait  le  motif  du  doute  ,  n'eft  que  !  efl'et  d'une  con- 
vention entre  le  vendeur  &  l'acquéreur,  &  toute 
convention,  entre  particuliers  ,  eft  régulièrement 
prcfcrlptible.  La  pre  cnption  ordinaire  devroit 
même  fuffire  ici  Mais  par  une  efpèce  de  p-ijjc- 
droit ,  fone  fur  la  conlidération  de  cette  propriété 
direéle  retenue,  on  peut  la  proroger  ju! qu'à  cent 
ans,  terme  de  i'impreicripribiliré  imparfaite  ;  &  c'eft 
ainfi  qu'on  le  juge  au  fénat  de  Chambéry. 

Les  pays  de  BrcfTe,  de  Biigey,  de  Gex  &  de 
Valromey  qui  ont  été  détachés  de  la  Savoye,  fous 
Henri  IV  ,  ont  conlervé  fur  ce  point  les  maximes 
que  les  arrêts  de  cc  fénat  y  avoient  introduites. 

On  prétendit,  vers  le  milieu  du  dernier  fiecle , 
que  cet  ulage  étoit  changé  ,  &  que  la  prefcription 
centenaire  n  y  étolt  plus  admife  conue  le  cens  em- 
phitéotique.  On  oiirit  même  d'en  faire  preuve.  Lé 
parlement  de  Dijnn  ne  s'arrêta  point  à  cette  offre: 
par  arrêt  du  z  mars  1676,  il  déchargea  un  fieur 
Alabe  d'un  cens  emphitéotique  ,  «  par  le  motif  de 
»»  la  prefcription  centenaire  (i)  ». 

Cet  arrêt  fut  cafté  au  confeil ,  le  6  mars  1678  , 
&  i(  il  fut  ordonné  de  fuivre  l'ancien  ufage  pour 
i>  la  Lrefle,  ûuvant  lequel  le  cens  emphitéotique 
n  étoit  imprefcriptiblc   (i)  ». 

La  queftion  fe  repréfcnta  au  parlement  de  Dijon 
en  1679;  par  arrêt  ciu  24  juillet,  la  cour,  en  Sui- 
vant lefprit  de  l'arrêt  rendu  au  confeU  l'anné  pré- 
ccdeurc  ,  ordonna  ,  avant  faire  droit,  qu'il  feroit 
fait* preuve  de  l  ufage  delà  Brefie,  touchant  la  pref- 
criptibilite  ou  imprefcriptibiiité  du  cens  emphitéotique 
non  feigneurial. 

On  ignore  fi  cette  preuve  fut  faite.  Mais  le  16 
mai  1691,  il  intervint ,  au  confeil  même,  un  ar- 
rêt pai  lequel  fa  majefté  reçut  lesfyndics  des  pays 
de  Breile  6i  de  Bugey  oppofans  à  i'atrét  du  con- 
feil du  6  mai  1678  ,  &  ordonna   l'exécution  de 


(i)  Taifand  fur  la  coutume  de  Bourgu^jne  .  titre  11  ,  arti- 
cle I  ,  :)ote  I.  Raviot  fur  Penicr,  (]ueltioii  338,  nombre  12, 


PRESCRIPTION.  383 

l'arrêt  du  parlement  de  Dijon   du   2  mars  1676. 

Par-là  les  anciens  ufages  de  Savoye  ont  été  af- 
fermis ,  &  pour  ainfi  dire  ,  confacrés  dans  la  Brefle 
&  le  Bugey. 

On  a  fait  plus.  On  a  étendu  cet  ufage  à  tout 
le  duché  de  Bourgogne. 

A  la  vérité,  l'article  113  des  faA/Vr/ dreffes  en 
1569  pour  la  réformation  de  la  coutume  de  cette 
province,  portent  que  U  cenfe  (niphréotique  ou  fci- 
gneuriale  ne  fe  peut  prcfcrire.  Mais  il  y  a  toute  ap- 
parence qu'on  a  voulu  dire  emphiiéocique  &  fti- 
gneuriiile  :  la  disjon6)ive  s'employe  fouvent  pour 
la  conjonflive.  D'ailleurs  le  doute  eft  levé  par  M. 
le  préfident  Bégat ,  l'un  des  principaux  rédaâeurs 
des  cahiers  :  ce  magiflrat  ne  rcconnoit  de  cei:s  im- 
prefcriptible,  qu'autant  qu'il  ei\  annexé  à  la  juftice 
fur  le  territoire  (i). 

Auffi  Bouvot,  dans  fon  commentaire  fur  la  cou- 
tume ,  page  529  ,  après  avoir  obfervé  que  la  cenfc 
fàgneuriale  ne  peut  fe  prefcrire  ,  finon  du  jour  de  la 
contradiction ,  finit  en  ces  termes  :  »  Par  arrêt  donné 
»  au  parlement  de  Dijon  le  24  février  i  582  ,  il  {\it 
»  dit  que  la  cenfe  en  emphycéofc  ;  eft  prefcrite  par 
j>  le  laps  de  cent  ans  ». 

Bernard  Martin  ,  avocat  célèbre  du  parlement 
de  Dijon  ,  mort  en  1639  ,  s'explique  à-p.ni-près  de 
même  dans  les  mémoires  nianufcrits  qu'il  a  laifies 
fur  la  jurifprudence  de  cette  cour  ;  &  il  cite  un  ar- 
rêt rendu  de  fon  temps  en  faveur  de  la  même  opi- 
nion (2). 

Raviot  fur  Perier,  queftion  338,  nombre  21  , 
rapporte  un  arrêt  du  21  mai  '653  ,  par  lequel  , 
avant  faire  droit  fur  l'appel  d'une  fentence  de  la 
chancellerie  d'Autun,  qui  condamnoit  provifoire- 
ment  un  particulier  au  payement  d'un  cens  emphi* 
téotique  en  roture  ,  le  parlement  de  Dijon  a  or- 
donné que  l'intimé  feroit  preuve  ,  «  tant  par  titres 
»  que  par  témoins,  que  depuis  cent  ans  jufqu'aiors  , 
M  la  redevance  avoir  été  payée  ». .  . . 

Dans  le  vu  de  l'arrêt  du  confeil ,  rendu  pour  la 
Breflé  &  le  Bugey,  le  16  Mai  1691  ,  on  remarque 
une  «  production  nouvelle  de  deux  arrêts  du  par- 
»  Icment  de  Dijon  ,  des  S  août  1668  ,  &  15  mai 
»  1675  ,  fervant  à  juftifier  qu'il  a  fait  diftinétion  des 
»  cens  qui  font  unis  aux  juftices  ,  &  de  ceux  qui 
»  n'y  font  pas  unis,  non-feulement  dans  le  pays 
»  de  Breffe ,  mais  encore  dans  l'Autunois  ,  &c.  ». 


(i)5i  cen/ui  dtletur  in  rtcegnitionem  fuperiorhaùs  ,  hoc 
efl...  ,  domino  junsdii-Àion'u....  ,  non  potefi  u'iicapi.  Voyez  l'é- 
dition de  la  coutume  de  Bourgogne  de  17 17  ,  page  477. 

(a)  Voici  Ces  termes  :  ce  Encore  taiton  irois  ilivers  degrés 
a  au  palais,  entre  les  ceiifes  ;^  lavoir  :  celles  dues  en  juliice 
.»  ô:  feigueurie  :  celles  dues  à  ii:;e  d'einfliytéole  ,  &:  les  !):.-.- 
«  pies  cenfesdcs  rentes  foncicics  :  pour  dire  que  les  prem'è- 
o  res  ne  font  nullement  prefcriptibles ,  parce  oiie  debemur  in 
a  fi^numjuperioritcitis  fe*  reverentia.  Les  autres  font  pref- 
o  criptiblcs  ,  mais  non  par  un  moiudre  temps  de  cent  ans; 
«  parce  que  i(:i'£7itiirin  recognhionem  dominii  dlreai,  Ainli 
■>  juge  au  ijppirt  de  feu  M.  Milieres.  Les  autres  prefcriptib'es 
.j  par  trente  ou  quarante  ans ,  edam  guoadjus  ipfum  ctnjùi , 
n  /(U  rediîûifundiarii. 


384 


PRESCRIPTION. 


En  1692,  il  parut  une  déclaration  du  roi,  con- 
cernant le  franc-aleu.  Les  remontrances  que  les 
états  de  Bourgogne  firent  à  ce  fujet ,  Se  que  Taifand 
nous  a  confervées  dans  fon  conimenraire  ,  page 
150 ,  confirment  la  maxime  établie  par  les  arrêts 
dont  on  vient  de  rendre  compte  :  a  Si  tous  les  hé- 
î>  ritages  (  y  eft-il  dit  )  ,  dévoient  reconnoître  une 
»»  dire.iie  ,  ce  droit  feroit  imprefcriptible  ,  parce 
»♦  qu'on  ne  peut  jamais  prefcrire  contre  le  droit 
»»  cojnmun  j>.  Le  rédufleur  cite  l'exemple  de  la 
main-morte  ;  puis  il  continue  ainfi  :  u  On  juge  tout 
»>  différemment  la  queftion  fur  la  Prefcription  de  la 
«  direéîe  :  on  a  décidé  par  les  arrêts  du  parlement 
fi  de  Dijon  ,  que  par  la  Prefcription  de  cent  ans  , 
»)  le  cens  s'éteignoit ,  &  que  les  affignaux  repre- 
»  noient  ,  après  un  fi  long  filence  ,  leur  liberté  na- 
9»  turelle  ;  ce  qui  Aippoie  néceiTairement  que  le 
î)  franc-aleu  efl  reçu  en  Bourgogne  ». 

On  trouve  la  même  doctrine  dans  les  inftitutes 
coutumièresqui  parurent  en  1697,  avec  des  noies 
de  M.  l'avocat-général  Durand  (1). 

Ce  magiflrat ,  &  les  deux  jurifconfultes  nommés 
avec  lui  en  1698  pour  reviiér  le  commentaire  de 
Taifand,  alTurent ,  à  l'endroit  cité  plus  haut,  que 
«  les  cens  emphytéotiques ,  qui  ne  dépendent  ni  de 
»  fief  ni  de  juftice ,  font  jugés  prefcriptibles ,  au 
w  duché  de  Bourgogne  ,  par  cent  ans  ». 

Davot  ,  qui  eft  mort  en  1743  ,  après  avoir  été 
long-temps  chargé  des  plus  grandes  afiaires  de 
cette  province  ,  enfeigne  ablolument  la  même 
chofe  dans  (on  traité  des  cens  ,  articles  3  &  53  , 
tome  3  ,  pages  a  6c  30. 

L'auteur  des  notes  fur  Ravlot ,  cite  encore  pour 
cette  opinion ,  les  manufcrits  de  Menelet.  11  fait 
voir  enfuite  qu'elle  a  été  pleinemant  adoptée  par 
M.  le  préfident  Bouhier  ;  &  il  finit  en  citant  trois 
arrêts  du  parlem  nt  de  Dijon  ,  des  16  avril  171  ^  , 
13  mai  1746,  &  22  avril  1750,  par  lefquels  il  a 
encore  été  jugé  en  faveur  de  la  prefcriptibilité  du 
cens  purement  emphytéotique.  Il  remarque  fur  le 
dernier  de  ces  arrêts,  que  certains  critiques  l'a- 
voient  prétendu  étranger  à  la  queftion  ,  fous  pré- 
texte qu'il  ne  s'y  agiffoit  que  d'une  rente  foncurc  ; 
mais  ,  dit-il ,  «  j'ai  vérifié  fur  les  regiftres  qu'il  s'agif- 
»j  foit  effé^llvement  d'un  cens  portant  lods  ;  je  m'en 
5)  fuis  aufTi  convaincu  par  les  écritures  de  l'avocat 
M  de  l'une  des  parties  »• 

Cet  arrêt  d'ailleurs  eft  encore  rapporté  par  Da- 
vot.  tome  3  ,  page  530. 

Tel  eft  donc  ,  en  dernière  analyfe  ,  l'état  de  no- 
tre jurifprudence  fur  la  Prefcription  de  la  mou- 
vance ,  de  la  foi-hommage  ,  de  la  direéle  &  du  cens. 
Cette  Prefcription  n'eft  admife  de  b  part  des  pre- 
miers vaflaux  ou  preneurs  &  de  leurs  héritiers ,  que 
dans  deux  parlemens ,  celui  de  Grenoble  &  celui 
de  Dijon  ;  mais  à  Grenoble  ,  on  prefcrii  la  mou- 
vance féodale  &  la  dire£le  feigneuriaje  comme  la 
d'ireiE^e  emphytéotique  &  le  cens  qui  la  caraftérife  ; 

(Dl'jge  }5i  ,  cjinon  de  »7iî' 


PRESCRIPTION. 

au  lieu  qu'à  Dijon  ,  la  Prefcription  de  cent  atîs 
n'a  de  prile  que  fur  ces  deux  derniers  objefs 

II.  *  A  l'égard  des  tiers  qui  ne  font  pas  les  héritiers 
du  premier  preneur  ,  qui  ne  le  repréfentent  pas  à 
titre  univerfel  ,  qui  ont  acquis  franchement  ,  li- 
brement ,  &  pour  poiTéder  en  aleu  ,  differeriS  au- 
teurs penfent  qu'ils  peuvent  prefcrire  la  libération 
du  cens  par  le  laps  de  trente  ans.  Cela  doit  être  , 
dit-on  y  puifque  leur  poffeflion  n'a  rien  de  com- 
mun avec  celle  de  leur  vendeur;  que  le  contrat 
d'acquifnion  fait  leur  titre  ;  que  ce  titre  leur  dit  que 
rhêritage  qu'ils  acquièrent  eft  allodial;  &  que  la 
coutume  territoriale  confirme  cette  afiértion  *. 

Dunod  ,  partie  3  ,  chapitre  10,  la  met  dans  un 
nouveau  jour. 

Elle  eft  fondée  ,  dit-il ,  fur  la  loi  dernière  ,  de 
fundis  patrimonialibus  ,  8c  fur  la  loi  dernière  ,  de 
fundis  rei  privata  ,  au  code  ,  «  qui  décident  qu'en- 
I)  core  que  les  fonds  du  prince  ne  doivent  pas  être 
»  tenus  exeinpts  du  cens  ,  fi  néanmoins  ils  fontac- 
»  quis  avec  cette  exemption ,  l'acquéreur  en  fera 
»»  quitte  après  quarante  ans. 

})  Les  raifons  qui  empêchent  le  cenfjtaire  de  pref- 
»  crire  lui-même,  ccffent  dans  le  cas  du  tiers- 
»  acquéreur.  La  caufe  de  la  pofTeffion  eft  changée 
»  par  fon  titre ,  &  celle  du  Seigneur  eft  intervertie 
j>  par  la  nouvelle  acquifition  ,  re  alisri  venditâ ,  &> 
n  traditâ,  inleivertitnr  pojfejjîo.  Le  plein  domaine 
»  eft  vendu  ,  le  tiers-acquéreur  a  intention  de  le 
»  pofleder  ,  &  il  le  pofsède  en  effet ,  puifqu'il  ne  le 
»  reconnoit  pas  dans  un  autre;  il  peut  par  confé- 
j>  quent  le  prefcrire.  Celui  qui  vend  le  bien  d'au- 
»  trui ,  met  l'acheteur  en  état  de  l'acquérir  par  la 
»  Prefcription.  Le  cenfitairc  peut  donner  à  plus 
i>  forte  raifon  cet  avantage  ,  puifque  plufieurs  au- 
»  teurs  prétendent  que  la  poffeffion  du  maître  lui 
>»  étant  confiée  ,  comme  au  fermier,  au  fils  de  fa- 
»  mille  &  à  l'efclave  ,  il  peut  en  difpofer.  Enfin  , 
■)■>  le  feigneur  doit  s'imputer  de  n'avoir  pas  agi  dans 
M  le  cas  d'un  changement  de  main  ,  qu'il  n'a  pas 
M  probablement  ignpré  ,  &  qui  donnoii  ouveriurç 
»  aux  droits  de  lods  &  de  retenue  en  fa  faveur  :  fa 
»  négligence  eft  aufli  puniffable  que  caile  de  tout 
n  autre  propriétaire  ». 

Voilà  ce  qu'tnfcignent  Dunod  8c  quelques  au- 
tres auteurs,  Voyons  ce  que  décident  les  coutu- 
mes ,  &  à  leur  défaut ,  les  arrêts. 

La  coutume  de  Berry  ,  titre  \t ,  article  14, 'ré- 
pute  le  tiers-acquéreur  habile  à  prefcrire  ;  elle 
n'exige  pas  pour  cet  effet,  qu'il  commence  par  con- 
tredire le  droit  &  en  refufer  le  payement  ;  mais 
elle  veut ,  ou  que  le  feigneur  foit  averti  du  chan- 
gement de  main  ,  ou  que  le  vendeur  ,  fon  premier 
cenfitalrc  ,  ait  ceffè  de  lui  payer  les  arrérages  cou- 
rans.  Du  refte ,  il  eft  indifférent  que  le  feigneur  ait 
fu  ou  ignoré  que  le  tiers-acquéreur  n'étoit  point 
chargé  du  cens  par  fon  contrat  d'acquifition  (i). 

(1)  Vo'ic'x  hs  ttrmes  it  la  coutume  :  '■  Le  nouvel  acquéreur 
d'aucun  Jittitagc  charge  de  cent  ou  tçmc  fopcicre  ,  rc  pref- 

Lc 


PRESCRIPTION. 

Le  parlement  de  Provence  n'exige  pas  les  mêmes 
conditions  ,  &  il  juge  ,  du  moins  à  l'égard  des  fei- 
gneiirs  qui  n'onr  que  des  direâes  particulières  ,  que 
le  cens  eft  prefcriptible  par  trente  ans ,  de  la  part  du 
tiers-acquéreur  auquel  l'héritage  a  été  tranfporcé 
comme  libre  &  allodial.  Boniface  ,  tome  4  ,  livre  9  , 
titre  I  ,  chapitre  5  ,  nombre  4  ,  cite  trois  arrêts  de 

1624  ,  1649  ^  ^^5  '  '  ^"^  ^'°'"  ^'"'''  décidé. 

Mais  lancieniic  jurifprudence  de  cette  cour  étoit 
ditïerente.  Quand  un  tiers  ,  dit  Duperrier ,  tome  i  , 
livrez,  quertion  7  ,  acquéroit  comme  franc,  un 
fonds  fujet  à  une  directe  ik  à  une  cenfive,  l'interver- 
fion  ne  pouvoit  être  faite  par  l'empliytéote  en 
l'abfence  du  feigneur. 

Le  même  auteur ,  en  parlant  de  la  nouvelle  jurif- 
prudence  ,  paroît  pencher  pour  l'ancienne  ,  comme 
plus  équitable  ,  &.  fondée  fur  les  vrai>  principes. 
«  Le  Parle/nent  de  ce  piys  ,  dit-  il ,  par  fcs  derniers 
»'  Arrêts,  femble  avoir  autorifé  cette  erreur,  con- 
w  tre  la  doélrine  des  arrêts  anciens,  qui  avoient 
»>  toujours  rejeté  l'interverfion  faite  par  l'emphy- 
«  téote  en  l'abfence  du  feigneur  direél  ,  qui  n'en 
»  avoit  point  eu  connoiiïance  ,  &  même  par  arrêt 
»>  donné  au  rapport  de  M.  de  Guérin  ,  6c  par  un 
».  autre  rendu  à  l'audience  oii  j'étois  préfent  ". . .  . 

A  l'égard  des  feigneurs  qui  ont  une  dired^e  uni- 
verfelle  ,  le  parlement  de  Provence  exige  ,  pour 
former  une  interverfion  véritable  en  faveur  du 
tiers-acquéreur  du  fonds  cenfucl  ou  emphytéoti- 
que ,  qu'ils  aient  eu  connoiffance  de  la  ftipulation 
de  franchife  inférée  dans  le  contrat  de  celui-ci.  C'eft 
ce  que  nous  apprend  un  aâe  de  notoriété,  donné 
au  parquet  d'Aix  le  17  juillet  1698,  Il  eft  conçu  en 
ces  termes:  «  Attcftons  que,  félon  l'ufage  ,  les 
»  afles  paffés  par  un  vaflal  en  l'abfence  du  feigneur 
»  fondé  en  toute  juftice  haute,  moyenne  &  balîe  , 
«  &  toute  dire<^e  univerfelle,  ne  donnent  cours  à 
3»  aucune  interverfion  ni  Prefcription  des  droits 
j)  feigneuriaux,  de  juflicc  ou  direfte  univerfelle  ,  fi 
»  le  valfal  ou  l'emphytéote  ne  prouve  que  le  fei- 
})  gneur  a  eu  connoiffance  des  ades,  &  que  depuis 
»i  la  notice  ,  il  ne  fe  fait  paffè  un  tems  capable  pour 
»  acquérir  la  Prefcription  contre  le  feigneur  defdits 
Y)  droits  directs  &  autres  droits  feigneuriaux  ». 

,Au  f'.irplus  ,  le  parlement  de  Provence  n'admet 
point  d'interverfion  fans  déclaration  exprefTe  de 
franchife  :  lorfqu'il  n'y  a  dans  le  contrat  du  tiers- 
jcquére-jr,  qu'une  réticence  fur  l'affuictiffement  à 
la  mouvance,  l'interverfion  n'a  pas  li^u.  C'eft  l'ef- 
pèce  &  la  décifion  d'un  Arrêt  du  30  Juin  1675  5  '"^P" 


cric  iedit  cens  ou  rente  à  ]'encontte  du  feigneur  auquel  il  elt 
dû,  tant  qu'iceiui  feignenr  efl  payé  de  fon  cens  ou  rente  p^r 
l'incien  ("e'gnf^uc  utile  de  l'hcriuge  qiii  a  icelui  aliéné  :  mais 
feulement  commencera  la  Prefcription  du  {oiir  que  lancien 
feigneur  unie -iudit  h-iitage  chargé  de  rente  ou  cens,  <]ui  a 
jcclui  aliéné  ,  a  ira  ceffé  de  faire  &  continuer  le  payement 
dcfdjts  cens  ou  ren'c  :  lî  ce  n'ell  qu'au  précédent ,  1?  feigneur 
cenlîer  eût  éré  lue.iient  averti  de  ladite  aliénations:  poCTef- 
fioB  de  l'acquéietir  ■.  auquel  cas  commencera  la  Prefcription 
de  liberté ,  à  cou'-ir  du  temps  de  la  fciencc  du  fç igneur  », 
Tomt  XIII, 


PRESCRIPTION.        385 

porté  par  Boniùce  ,  tome  4  ,  livre  9  ,  titre  1  ,  cha- 
pitre I. 

Par  la  même  raifon  ,  la  claufe/M/zc ,  /?  franc  ,  fer- 
vite ,  fijervite ,  OU  autres  fcmblables ,  qui  laiffent 
l'acquéreur  dans  l'incertitude  de  la  franchife,  eft 
incapable  d'opérer  l'interverfion.  C'eii  ce  qu'a  jugé 
un  arrct  du  19  novembre  1644,  cité  par  Pafiour 
dans  fon  trr.ité  de  feudis,\\\rc  2  ,  titre  17,  nombre  2. 

Le  parlement  de  Dijon  diftingue  tout  différem- 
ment ;  &  l'or;  a  vu  plus  haut  les  principaux  fonde- 
mens  de  la  diftinilion  qu'il  fait. 

Suivant  les  maximes  de  cette  cour,  ou  le  csr.s 
eft  fimplement  emphytéotique  ,  ou  il  eft  fpécial 
avec  juftice  ,  ou  il  eft  fpécial  fans  juftice. 

Lorfqu'il  eft  fimplement  emphytéotique  ,  il  n'y  a 
nul  doute  qu'il  ne  foit  prefcriptible  de  la  part  d'un 
tiers-acquéreur  ,  puifquc  le  premier  preneur  li.i- 
luéme  ,  &  fes  héritiers  ,  peuvent  le  prefcriie  par  le 
laps  de  cent  ans. 

La  feule  difficulté  qu'il  puiffe  y  avoir  à  cet  égard, 
eft  furl'efpace  de  temps  que  doit  embraffer  la  pof- 
feffion  du  tiers-acquéreur  pour  opérer  fa  lihéra-- 
tion.  L'ancienne  jurifprudence  n'exieeou  que  trente 
ans.  Chevanncs  ,  page  40'';  ùe  fon  comincn(?.ire  , 
rapporte  deux  arrêts  des  8  janvier  161 5  ,  &  1 1  mars 
1627  »  P3f  lefquels  il  fut  jugé  que  la  cenfe  fans  juf- 
:ice  ^quoiqu  emphytéotique  ,  &  portant  lods  ,  fe  prcf- 
crit  par  le  tiers-acquéreur  par  trente  ans.  Mais  depuis , 
on  a  jugé  conftamment  qu'il  falloit  une  polTtfTioii 
centenaire  :  en  cela  ,  dit  l'auteur  des  notes  fur  Ra- 
viot  (i)  ,  «  On  crut  devoir  ufer  de  quelque  lempé- 
j>  rament,  ou  fi  l'on  veut ,  de  quelque  indulgence  , 
n  en  faveur  de  la  propriété  direiïle  que  retenoit  le 
»  vendeur,  quoiqu'elle  tijt  purement  privée,  & 
»  que  ce  fût  feulement  le  prix  d'une  vente  entre 
it  particuliers  ». 

Lorfque  le  cens  eft  à-la-fois  fpécial  ,  &  que  le 
feigneur  à  qui  il  appartient  a  la  juftice  fur  le  fonds  , 
le  parlement  de  Bourgogne  n'admet  aucune  Pref- 
cription en  faveur  du  tiers  acquéreur. 

Mais  s'il  eft  fpécial  fans  juftice,  on  dlflingue  les 
pays  de  Breffe  8c  Bugey  ,  d'avec  le  du(.hé  de  Bour- 
gogne. Ecoutons  là-deffus  les  trois  cenfeurs  du  com- 
mentaire de  Taifand,  à  l'endroit  déjà  cité  :  u  Le 
5)  parlement  de  Dijon  a  jugé,  a  l'égard  de  la  Breîîe, 
»  que  les  cens  emphytéotiques  qui  dépendent  d'un 
»  fief  fans  juftice  ,  font  prelcriptibles  par  cent  ans, 
)>  par  un  tiers-acquéreur.  Mais  il  eft  important  de 
»  remarquer  qu'en  Bourgogne  ,  un  cens  dépendant 
)>  d'un  fief  fans  juftice,  eft  jugé  feigneurial  &  i:n- 
■>■)  prefcriptible  ,  même  par  un  tiers-acqu-éreur.  Il 
)?  n'y  a  que  les  cens  emphytéotiques  qui  ne  dépen- 
7)  dent  ni  de  fief  ni  de  juftice  ,  qu'on  juge  prefcrip- 
»  tibles  au  duché  de  Bourgogne ,  par  cent  ans  ,  par 
»  un  tiers  acquéreur  >». 

L'affertion  de  ces  jurifconfultes  ,  par  rapport  à  la 
Breffe  ,  mérite  que  nous  nous  y  arrêtions  un  inftant. 
Ils  l'rppuyent  fur  la  jilrifprudence  du  parlement  de 


^0  Tomt  1  jàla  hn,page  15»  ,  ii°.  13. 


Ccc 


386 


PRESCRIPTION. 


Dijor  ;  &  en  efter ,  nous  trouvons  dans  le  com- 
mentaire de  Taiiand ,  titre  ii  ,  article  i  ,  note  i  , 
nn  rrr^-t  du  ï'\  mars  1672  ,  qui  le  décide  ainfi  for- 
mellemcPit  (i  ). 

Ilcftvrai  que  cet  arrêt  a  été  enfle  au  confeil  le 
25  iuiilct  1676;  mais  le  16  mai  i6qi  ,  furlesrepié- 
fcntaiions  des  fyndics  des  pays  de  Brefle  &  de  Cu- 
gey  ,  le  confeil  a  rétra(5lé  le  jugement  de  caiïation  , 
&  a  ordonné  que  l'arrêt  du  parlement  de  Dijon  fe- 
roit  exécuté  fclon  fa  forme  &  teneur. 

Au  parlement  de  Franche-Comté  ,  on  fait  moins 
de  dirtindtions  :  on  y  juge  en  général,  que  le  tiers- 
acquéreur  auquel  le  cens  n'a  pas  été  dénoncé  ,  & 
qui  n'en  a  pas  eu  connoiflance ,  en  prefcrit  l'exemp- 
tion par  la  poiTeiTion  paifible  de  quarante  ans. 

Plufieurs  particuliers  avoient  acheté  des  héritages 
chargés  d'un  cens  indirect,  portant  lods,  amende 
&  droit  de  retenue  ;  mais  on  ne  leur  avoit  pas  dé- 
noncé cette  charge.  Quelques-uns  d'entr'eux  l'a- 
voient  reconnue  &  payée  ,  tantôt  en  totalité  ,  tan- 
tôt en  partie.  Les  autres  n'avoient  ni  reconnu  ni 
payé  ,  &  on  avoit  laifle  pafTer  quarante  ans  fans  les 
inquiétef  ;  anrès  ce  tems  ,  ceux-ci  affignés  pour 
payer  Se  reconnoître  ,  propoferent  la  Prefcription 
du  droit,  &  par  arrêt  du  27  o61obre  1607,  ils  ga- 
gnèrent leur  caufe  (2). 

Il  eft  vrai  que  le  cens  n'étoit  pas  feigneurial  & 
tenu  en  fief;  mais  cette  circonflanceeft  indifférente 
pour  la  Prefcription  ,  parce  qu'on  ne  fait  à  cet 
égard  aucune  diflinélion  entre  le  cens  feigneurial 
Si.  le  cens  empliytèotique.  Cinfin  nofler,  dit  encore 
M.  Grivel ,  nihil  fcrèJiftjt  nb  emphyteufi  ;  quo  fit 
ut  chm  nidli  contra^ui  ntii^is  accédât,  omnes  fcrc  quef- 
tiones  qux  in  nofïro  cenfu  cadere  poffunt  ,  d-termi- 
nantur  per  Uges  juris  empJiyteutici.  On  juge  en  effet 
dans  le  comté  de  Bourgogne  ,  que  le  tiers-acqué- 
reur de  bonne  foi,  prefcrit  indiftinflement  ,  par 
quarante  années  ,  l'exemption  du  cens  emphytéo- 
tique &  du  cens  feigneurial.  Ceft  ce  qu"ont  at- 
tefté  l'ordre  des  avocars  8c  enfuite  le  parquet  de 
Befançon  ,  par  deux  a61es  de  notoriété  des  6  fé- 
vrier &  24  mars  1714. 

Il  a  été  aufli  jugé  par  arrêt  de  la  même  cour  du 
2,1  mars  1720  ,  que  le  tiers-acquereur  d'un  fief 
qualifié  d'allodialité,  peut  en  prefcrire  la  féoda- 
lité ,  &  le  convertir  en  véritable  aleu  ,  fans  dé- 
négation ,  fans  contradl6tion  ,  Si  fans  autre  inter- 
verfion  de  titre  que  fon  contrat. 

Mais  ni  cette  jurifprudence ,  ni  celle  du  parle- 


(i)  \  oici  .e  J.'.poiiiit  dr  CCI  ariit:  «  La  cour  a  mis  &;  met 
»  l'appel  a  'on  &  ce  dont  eil  appel  au  néant ,  &  par  nouveau 
«  juE,ement,  fan-  s'arrèier  à  U  preuve  ijpportêe  par  l'intima- 
M  de  l'ufance  pa  lui  all.guce  qu'en  lîrcfl'e  les  cens'emphytco- 
X,  t'u^uei  ùf  dépefidans  des  JJefs  fuis  juflice  ne  font  fujets  à  la 
M  T  rcTcrip  ion  de  cent  ans  ,  même  par  les  Murs  acquértihrs,  a 
»»  dtclar.- &  déclare  les  hhicages  pofledts  par  les  jppelans  , 
M  dont  eux  ni  leurs  auteurs  n'ont  lien  payé  depuis  cent  ans 
M  d  char.,,  s  d  s  iVivis  prétendus  par  l'intimé  ». 

(2)  I  u^icavii  fimuis  (  dit  M.  Grivel  ,  dcnfton  J4J  )  ,  non 
tanim  l\'.:f  atwivm  ab  .m;  uo  iiio  cenlu  effe  prarfcriptam  , 
leà  &:  )tt:i  iifum  ditedi  dominii. 


PRESCRIPTION. 

mentd'Aix ,  ne  font  fuivies  dans  les  autres  pays  de 
droit  écrit. 

M.  de  Salvaing  ,  chapitre  14  ,  dit  que  «  l'ufage 
)î  du  Daiiphiné  ne  met  point  de  diftinftion  pour 
»  ce  regard  ,  entre  l'héritier  du  reccimoifiant  & 
»  le  tiers-poffeffeur  lu  Ce  n'eft  pas  que  le  tiers- 
pofTefleur ,  dans  cette  province  ,  ne  puiffe  jamais 
prefcrire  ;  mais  il  ne  le  fait  que  de  la  manière 
dont  pourioit  le  fùre  le  cenfitaire  primitif  &  {^s 
héritiers,  c'efi-à-dire,  comme  on  l'a  vu  plus  haut, 
par  le  laps  de  cent  ans. 

Au  parlement  de  Touloufe ,  l'exemption  delà 
directe  6.:  du  cens,  ne  peut  être  prefcrite  en  au- 
cun temps  parle  tiers-polTefleur,  quoiqu'il  ait  ac- 
quis l'héritage  comme  franc ,  &  qu'il  en  ait  joui  fous 
cette  qualité. 

M.  de  Catellan  ,  livre  3,  chapitre  29,  nous  re- 
trace un  arrêt  du  19  juillet  1655,  confirmé  par  un 
autre  rendu  à  (on  rapport,  le  20  décembre  1675  » 
qui  a  jugé  que  «  le  vafial  ou  emphytéote  ne  peut 
')  jamais  prefcrire  la  mouvance  contre  fon  fei- 
"  gneur  ,  quoique  le  vaffal  ou  emphytéote  ,  ou 
»  l'es  auteurs  ,  aient  acheté  la  terre  franche  & 
>»  quitte  de  toute  redevance  ,  &  l'aient  enfuite 
»  pofledée  en  cette  qualité  pendant  plus  de  deux 
»  fiêcles  )>. 

L'auteur  ajoute  qu'il  a  été  rendu  un  pareil  ar- 
rêt à  lagrand'chambrc,  le  10 février  1694, en  voici 
l'efpèce  :  une  métairie  fituée  en  Guyenne,  dans  U 
directe  de  Sainte- Lieurade  ,  avoit  été  comprife 
fous  la  qualité  il'allodiale  ,  dans  un  partage  fait 
entre  deux  fœurs  en  1582.  Celle  i\ts  co-parta- 
geantes  à  qui  elle  étoit  échue  ,  l'avoit  aliénée  avec 
la  même  qualité  ,  &  le  tiers-acquéreur  l'avoit  «  pof- 
»  fedée  comme  telle  pendant  plus  d'un  fiècle  , 
»  fans  aucune  demande  de  la  part  du  feigneur  ». 
Nonobftant  ces  circonftances  ,  le  poifefleur  fut  con- 
damné à  reconnoître  le  feigneur  direfl ,  6c  à  lui 
payer  les  droits  de  cenfive. 

Que  faut- il  donc  faire,  fuivant  la  jurifpru- 
dence du  parlement  de  Touloufe  ,  pour  pouvoir 
prefcrire  centre  la  mouvance  &  la  dire^e  d'un 
feigneur  ?  Il  faut  la  nier  expreflement ,  contra- 
di(5ïoirement  &  en  juftice.  Les  arrêts  des  19  juillet 
1655  ,  Se  20  décembre  1675  ,  dit  M.  de  Catellan  , 
ont  encore  jugé  «  que  la  dénégation  de  la  mou- 
»  vance  néceffaire  pour  l'interverfion  de  pofief- 
))  fion  &  pour  la  Prefcription  de  la  liberté  ,  doit 
5)  être  exprefle  ,  &  faite  en  jugement  ou  dans  le 
»  procès  intenté  u.  Dans  le  fait,  ce  qu'on  pré- 
tendoit  faire  paffer  pour  un  afle  d'iaterverfion  , 
étoit  une  réponfe  donnée  en  r4'?9  ,  à  la  demande 
du  feigneur  en  preftation  de  fcs  droits  ,  Se  par 
laquelle  le  vaffal  avoit  déclaré  qu'il  iroit  trouver 
fon  feigneur  ,  qu'il  conféreroit  avec  lui ,  S;  qu'il 
fe  foumettroit  à  tout  ce  qui  feroit  conflaté  par  des 
titres  légitimes. 

Il  y  a  encore  un  arrêt  de  1679  ,  continue  M.  de 
Catellr.n  ,  u  qui  a  ji  gé  conformément  à  cette 
V  décifion ,  que  la  dénégation  faite  en  juilice ,  de- 


PRESCRIPTION. 

w  voît  être  précife  &  formelle  ».  Un  emphytéote 
avoit  été  arfîgné  pour  reconnoître  la  diredle  de 
fon  feigneur.  Il  avoit  répondu  qu'il  ne  s'y  refu- 
foit  pas  ,  mais  qu'il  falloit  pour'cela  que  le  fei- 
gneur lui  exhibât  fes  titres  ;  &  il  avoit  proteAé  de 
tous  dépens  ,  dommages  &  intérêts  ».  Trente  ans 
»  s'étoient  écoulés  depuis  cet  afle  &  cette  ré- 
5>  panfe  ;  il  fut  néanmoins  jugé  qu'il  n'y  avoit 
j)  point  d'interverfion  de  poiTeffion  ». 

DiSTIMCTION  V.  Des  coutumes  qui  portent  que.  le 
cens  fe  prcf:rit  parle  laps  de  trente  ans.  Examen 
de  cette  dijpofition. —  DïfcuJJion  particulicre  fur 
les  rentes  feigteuriales  dues  Jur  des  m.iin-ftrincs  , 
régis  par  La  coutume   du  chef-lieu  de  f^alencicnnes. 

*  On  vienc  de  voir  que  la  nature  du  bail  à  cens 
s'oppofe  à  ce  que  le  tenancier  prcfcrive  la  libé- 
ration du  cens ,  même  dans  les  coutumes  allo- 
diales.  Cependant  il  y  a  des  coutumes  qui  difent 
que  le  c-  ns  le  prefcrit  par  trente  ans;  nous  nous 
propofons  d'exammer  l'étendue  de  cette  difpofi- 
tion  :  doit-on  l'appliquer  au  droit  du  cens  en  lui- 
même  ,  ou  feulement  aux  arrérages  échus }  * 

D'autres  coutumes  ne  parlent  pas  nommément 
de  cens  ,  mais  de  rentes  feigneuriales.  Doit-on  ref- 
treindre  leurs  difpofitions  aux  rentes  qui  ne  repré- 
fentent  pas  le  cens,  &  ne  conflituent  pas  le  fjgne 
récognitif  de   la   feigneurie  .'' 

*  Les  coutumes  dans  léfquelles  ces  queftions  fe 
préfentent  ,  font  Auvergne  ,  Bourbonnois  ,  la 
Marche  ,  Anjou  ,  Maine  ,  Tourraine  ,  Loudunois  , 
Nivernois  ,  Artois  ,  Canibreûs  ,  Lille  ,  Hainaut , 
Valenciennes  ,  Metz,  évcché  de  Metz,  Marfal  & 
Gorz?.  Voici  les  termes  des  huit  premières. 

CourboKiîois,  Cens  portant  direôle  feif;neurie ,  font 
prejcriptibles  par  Cefpace  de  trente  années  ,  excepté 
par  celtii  qui  a  reconnu.  Art.  ii\  arrérages  de  cens 
Çf  autres  devoirs,  portant  direâe  feigneur ie ,  fe pref- 
crivent  par  dix  ans. 

Auvergne.  Droits  &  allions  ,  tens  &  autres  droits 
fe  prefcrivent ,  s'acquièrent  &  fe  perdent  par  le  laps  & 
l'efpace  de  trente  années.  Tu.  17  ,  art.  2  ;  les  arrérages 
du  cens  ni  fe  peuvent  demander  que  des  trois  dernières 
années. 

Anjou.  Le  fujet  ne  peut  prefcrire  ni  acquérir  l'héri- 
tage ,  rentes  ,  devoirs  &  autres  droits  de  fon  feigneur ., 
ni  exemption  contre  lui  de  fes  droits  ou  devoirs  dus 
fur  l'héritage  &  chijes  immeubles  ,  tenus  de  lui  par  te- 
nement  moindre  de  trente  ans.  A't.  440. 

Maint.  Art.  45 1  ,  conçu  dans  les  mêmes  termes. 

Touraine.  Cens  6*  rentes  fe  pref.rivent  par  trente 
ans.  Art.  209. 

Loudunois.  Cens  &  rentes  foncières  ne  feront  pref- 
criptibles  par  moindre  temps  que  de  trente  ans.  Cha- 
pitre 20  ,  art.  3. 

La  Marche.  Cens  ,  rentes  &  devoirs  quelconques , 
prefcripiibles,  fe  prefcrivent  fans  titre  par  trente  ans 
continus  6*  accomplis.  Art.  89. 

Nivernois.  Cens,  lods  ù  ventes ,  &•  autres  droits  ap- 
partenarti  au  feigneur  Ctnfur ,  forit  prefcripiibles  par 


PRESCRIPTION. 


387 


Prefcrîptîon  coutumière  ,  qui  efl  de  30  ans. 

Telles  font  les  coutumes  qui  ont  des  difpofitions 
fur  la  prefcriptibihté  du  cens;  toutes  ,  comme  on 
voit,  ont  une  régie  communs  , cens  fe  prefcrit  par 
trente  ans.  Mais  il  en  eft  deux  qui  vont  plus  loin  , 
&  qui  ajoutent  :  les  arrérages  du  cens  fe  pref- 
crivent par  dix  ans  ,  Bourbonnais  ;  par  trois  ans  , 
Auvergne. 

Les  deux  efpèces  de  Prefcriptions  que  ces  coii- 
nimes  établirent ,  la  précifion  avec  laquelle  elles 
dillinguent  le  cens,  ik  les  arrérages  du  cens  ,  ne 
permettent  pas  d'élever  le  moindre  doute  fur  leur 
véritable  efprit  :  puifqu'elles  difent  que  le»  arré- 
rages du  cens  fe  prefcrivent  par  dix  ans  &  par 
irois  ans,  les  articles  qui  portent  que  le  cens  efl 
prefcriptible  par  trente  années  ,  doivent  néceffai- 
remcnt  s'appliquer  au  fond  même  du  droit.  II  efl 
impoflible  de  les  entendre  différemment  ;  cela  eft 
contre  les  principes  :  n'importe;  la  loi  eu  écrite, 
elle  eft  claire,  elle  efl  impérieufe,  6c  l'on  doit  y 
déférer.  * 

En  efl-il  de  même  de  la  coutume  de  la  Marche.' 
Guyot  prétend  que  non.  «  Je  tiens,  dit-il ,  que  le 
n  terme  cens  ne  doit  pas  s'entendre  du  cens  em- 
»  portant  dire^le  feigneurie  ,  par  deux  raifons  ; 
»  i".  le  cens  emportant  dired^e  feigneurie  ,  efl  de 
»  fa  nature  &  de  droit  commun  imprefcriptible 
)?  en  pays  de  coutume  ,  même  en  pays  de  droit 
»  écrit.  2".  L'article  95  dit  que  le  droit  defiefen: 
»  imprefcriptible  :  or ,  le  cens  emportant  directe 
»  feigneurie  ,  efl  un  droit  de  fief;  combien  de  fiefs 
»  qui  ne  confjilent  qu'en  cenflves  »  ! 

Ces  raifqns  font  bien  foibles.  D'abord,  fi  la  cou- 
tume de  la  Marche  déclare  le  cens  prefcriptible, 
que  peut  le  droit  commun  contre  fa  difpofition  ? 
En  fécond  lieu  ,  l'article  95  dit  feulement  que  le 
droit  de  fil' f,  c'efl  à-dire,  la  féodalité,  la  foi  hom- 
mage, ne  fe  peut  prefriie  contre  le  feigneur  par  h 
vaffdl  :  ainfi  la  f'eule  conféquence  qui  en  réfulte,' 
eft  que  le  feigneur  auquel  appartient  le  dreit  de 
cens,  &  dans  les  mains  de  qui  ce  droit  forme  un 
fîef ,  ne  peut  pas  en  prefcrire  la  tenure  contre  {on. 
fuzerain  ;  &  afTurément  cela  ne  conclut  rien  du 
cenfitaire  an  feigneur  cenfjcr. 

Du  refle  ,  il  efl  impolTible  de  limiter  aux  arré- 
rages du  cens,  la  difpofition  de  l'article  91  de  la 
coutume  de  la  Marche.  En  voici  les  termes  :  «  tous 
»  droits ,  aâlons  &  autres  cîiofes  corporelles  ou 
»  incorporelles,  cens,  rentes  &  devoirs  quelconques 
)>  pretcriptibles  ,  fe  prcfcriveiu  ,  acquièrent  et 
V  PERDENT  ,  etiam  fans  titre  ,  par  l'el'pace  de  trente 
»  ans  ....  contre  les  lais ,  &  quarante  ans  contre 
»  l'églife  ".  Ces  mots,  acquièrent  6»  perdent,  ne 
font  pas  équivoques  :  le  premier  ne  peut  certai- 
nement s'entendre  que  du  fond  du  droit.  Il  en  efl 
donc  de  même  du  fécond. 

La  réflexion  que  fait  la  cnutume  h  la  fin  du 
même  article  ,  fenible  ajouter  à  l'évidence  de  cette 
interprétation  :  u  Si.  tient  lieu  ladite  Prefcnptioa 
H  de  i-itre  ^  droit  confiuué  ,   6*  a  vigueur  de  temps 

C  c  c  ij 


3 


88 


PRESCRIPTION. 


>i  immémorial.  »  Si  un  feigneur  faifolt  à  fon  cen- 
fitrire  la  remife  du  droit  de  cens  auquel  celui-ci 
ell  tenu  à  fon  égard  ,  très-sûrement  le  cenTuaire 
en  feroit  valablement  décharge.  Eli  bien  l  la  cou- 
tume nous  dit  que  cette  remife  eft  préfumée  par  le 
laps  de  trente  ans  :  la  pcfreffion  qui  a  duré  pen- 
dant ce  temps,  eft  ,  à  fes  yeux,  un  tiire^un  droit 
conflitué.  Elle  doit  donc  opérer  en  faveur  du  cen- 
fitaire  ,  le  même  effet  qu'une  décharge  exprefle  & 
formelle  de  la  part  du  feigneur. 

Mais  ne  précipitons  pas  notre  jugement ,  &  pre- 
nions garde  que  Guyot ,  avec  fes  mauvaifes  raifons , 
ij'ait  rencontré  le  véritable  efprit  de  la  coutume. 

D'abord  ,  quels  font  les  droits ,  les  cens  ,  les  de- 
voirs que  l'article  91  foumet  à  la  prefcription  de 
trente  ans  ?  Ce  ne  font  pas  tous  les  droits ,  tous  les 
cens ,  tous  les  devoirs  ,  mais  feulement  les  droite  ,  les 
cens  ,  les  dvoirs  c\u\  ,  par  leur  nature,  font  PRES- 
CRIPTIBLES. Or,  comment  faurons  nous  fi  le  cens 
emportant  direâe  feigneurialc ,  eft  dans  la  clafte  des 
cens  qui  peuvent  être  prefcrits?La  coutume  n'en 
dit  rien  :  elle  s'en  réfère  donc  au  droit  commun  ; 
c'eli  donc  comme  fi  elle  le  dcclaroit  imprefcripti- 
h\^;  file  le  tire  donc,  par  une  exception  tacite, 
de  la  fplièie  de  prefcriptibilité  qu'elle  établit. 

Ce  n'eft  pas  tout.  L'article  92  nous  annonce  que 
«  celui  qui  tient  héritage  en  condition  de  fervitudo 
5)  ou  de  main-morte,  peut  bien  prefcrire  contre  le 
}>  feigneur  de  qui  il  tient ,  les  devoirs  de  rente  or- 
>>  dinaire  ,  mais  non  pas  les  corvées.  ..&  autres 
}>  droits  de  fervitude ,  finon  depuis  le  tems  de  con- 
3)   tradiélion   )». 

Remarquons  ces  termes.  Le  tenancier  main-mor- 
table  prefci  it  bien  contre  fon  feigneur  les  redevan- 
ces &  preftations  qui  font  étiang.-res  à  la  nature  du 
bien  qu'il  polsède  ;  mais  pour  celles  qui  appartien- 
nent à  la  nature  de  ce  bien,  &  qui  forment  des 
droits  de  fcrvitudc ^  point  de  prefcription  ,  s'il  n'y  a 
refus  ,  contradidlion  ,  interverfion  de  titre. 

Partons  de  In.  Le  cens  eft  à  l'hcrirage  cenfuel ,  ce 
qu'eft  le  droit  de  fervitude  a  l'héritage  main-morts- 
ble.  Or,  le  tenancier  d'un  fonds  main-mortable, 
ne  peut,  par  la  feule  ceftation  de  payement,  ac- 
quérir la  libération  du  droit  de  fervitude.  Donc  ,  le 
cenfuaire  ne  peut  pas  non  plus  ,  en  ceffant  de  payer , 
prefcrire  l'extindion  du  cens  dont  fon  héritage  eft 
chargé. 

Ajoutons  encore  que  la  coutume  de  la  Marche 
eft  ,  fuivant  l'expreftïon  de  le  Brun,  une  de  celles 
qui  frayent  le  p'iis  avec  le  droit  romain.  Or,  la  loi 
cnm  notijjirni  ,  §.  6  ,  au  code  de  Prxfcriptione  triginta 
vel  quadraginta  annorum  ,  rapportée  ci -après  »  §.  2  , 
décide  très-clairement  que  le  cens  récognitif  du  do- 
maine direâ  ,  ne  fe  prefcrit  ni  par  quarante  ans , 
ni  par  quelque  terme  que  ce  foit. 

On  obju^era  peut-être  que  la  coutume  d'Auver- 
gne fe  fert ,  dans  l'article  2  du  chapitre  17 ,  des  mê- 
mes termes  que  ceux  qui  font  employés  par  l'article 
91  de  la  coutume  de  la  Marche,  &  que  cependant, 
tout  le  monde  convient  que  dans  la  première  ,  ces 


PRESCRIPTION. 

tern'.e".    emportent  la  prefcriptibilité  du  cens  fei- 
gneurial. 

Mais  quelle  différence  entre  le  génie  de  la  cou- 
tume d'Auvergne  &  celui  de  la  coutume  de  la 
M  irche  ,   par  rapport  à  la  Prefcription  des  droits 


n 


tigneunaux 


> 


La  coutume  de  la  Marche ,  comme  on  vient  de^le 
voir  ,  déclare  imprefcriptibles  les  droits  de  corvée  ^ 
6c  tous  autres  devoirs  récognitifs  de  la  fervitude  ou 
main-morte.  Celle  d'Auvergne  ,  au  contraire,  veut 
chapitre  17  ,  articles  15  &  16,  qu'on  puifTe  pref- 
crire par  trente  ans  ,  le  «  droit  de  taille  ,  charrois, 
»  corvées  &  manoeuvres  certains  dûs  fur  hérita- 
»  ges  i>  ;  &  elle  n'en  excepte  que  le  cas  oîi  ce 
droit  eft  exigible  à  volonté,  parce  qu'alors  il  eft 
purement  facultatif.  De  cette  feule  différence  ,  il 
réfulte  que  ce  n'eft  pas  le  même  efprit  qui  a  pré- 
fidé  à  la  rédaOion  des  deux  coutumes  ;  tk  dès  lors  ,  il 
feroit  inconfequent  d'argumenter  dans  l'une  de  U 
manière  dont  l'autre  eft  mterprétéc. 

*  A  regard  des  coutumes  d'Anjou  ,  du  Maine  , 
de  Lodunois  &  de  Nivernois .  la  queftion  ne  fouf- 
fre  nulle  difbculté.  On  y  tient  que  les  feuls  arré- 
rages du  cens  font  fujets  à  la  Prefcription. 

Cependant  elles  difent  de  la  manière  la  plus  ab- 
folue  ,  cens  e(l  prefcrivtibie  par  trente  ans  ;  mais  elles 
ne  diftinguent  pas  le  droit  de  cens,  des  arrérages  ; 
5c  comme  le  mot  cens  eft  une  expreftïon  générique , 
qui  peut  égalernent  s'adapter  à  cclui-là  &  à  ceux-ci  , 
dans  le  doute,  on  interroge  les  principes  ;  leur  ré- 
ponfe  fait  la  loi;  en  confequence  ,  on  concentre 
lur  les  arrérages  la  Prescription  établie  par  la  cou- 
tume. Cela  eft  aulTi  jufte  que  raifonnnble  ;  juflc  , 
en  ce  que  déclarer  prefcriptib!e  un  droit  que  le 
titre  de  fon  établiffement  frappe  de  l'imprefcripti- 
bilité  ,  c'eft  violer  la  loi  des  propriétés;  raiforna- 
bie  ,  en  ce  qu'on  ne  doit  jamais  fuppofer  que  les 
rédaéleurs  d'une  courume  aient  eu  l'intention  de 
s'écarter  des  faines  maximes. 

Nous  difons  que  dans  ces  coutumes  ,  malgré  le 
texte  qui  porte  ,  cens  eft  prtfciiptible  ,  les  arrérages 
jouiffent  feuls  du  privilège  de  la  Prefcription  :  en 
vuci  la  preuve. 

Après  avoir  rapporté  l'article  de  la  coutume  de 

Tours  ,  tranfcrit  plus  haut,   Pallu,  commentateur 

le  cette  coutume,  continue  en  ces  termes:"  Le 

■>  préfent  article  ne  s'entend  du  chef-cens.  ..  mar- 

j  ))  que  ou  fymbole  de  la  feigneurie  qui  eft  impref- 

[  ;)  criptible  ,  quoique  le  terme  de  cens  y  foit  com- 

j   •■>  pr;s  ,   qui  ne  doit  s'appliquer  par  notre  article 

))  qu'au  cens  ioncier ,  ou  rentes  foncières  ».  * 

C'eft  auffi  le  fentiment  de  Brèche,  titre  1  ,  arti- 
cle 3  ,  &  titre  18  ,  article  1. 

iM.  Cottereau  atteftela  même  chofe  dans  fon  droit 
général  de  le  France ,  6»  particniter  des  coutumes  de 
Toiiraine  6"  de  Lodunois  ,  ouvrage  auflî  eftimé  que 
digne  de  l'être  ,  &  qui  ,  n'?yanr  paru  qu'en  1778  , 
nous  offre  sûrement  l'état  a£luel  de  la  jurifprudencc 
obfervée  dans  ces  deux  provinces.  Voici  comment 
il  s'explique  ,  nombre  7133  :  ««  Le  cens  dont  font 


PRESCRIPTION. 

»  mention  hs  articles  209  de  Tours  ,  &  103  de 
n  Loudun  ,  n'ell  que  le  :;ns  forici.r,  le  Air  cens... 
j)  la  rente  foncière...  il  n'y  a  que  la  quotité  du 
»  cens  qui  (oit  prefcriptible  >n 

Nous  devons  cependant  convenir  que  plufieurs 
o:n  interpiété  différemment  ces  deux  coutumes. 
Dupineau  ,  dans  Tes  oblervations  fur  la  coutume 
d  Anjou,  ariieli  440  ,  de  Salvaing  ,  chapitre  13  , 
Auroux  ,  fur  la  coutume  de  Bourbonnois  ,  page 
47,  FreminviUe ,  pratiq.ie  des  terriers  ,  tome  1  , 
p:îge  562  ,  les  rangent  au  nombre  de  celles  qui  dé- 
clarent le  cens  prefcriptible  par  trente  ans.  Mais  , 
comme  l'obferve  M.  Cottereau  ,  en  citant  Boullai  , 
auteur  d'un  commeuraire  manufcrit  fur  la  première 
de  ces  lois  municipales  ,  «  l'utage  eu  contraire  ,  & 
j»  l'on  fuit  la  même  chofe  à  Loudun  >». 

D'ailleurs,  ni  Dupineau  ,  ni  M.  de  Saivsing  ,  ni 
Auroux  ,  ni  FreminviUe  ne  vivoient  fous  l'empire 
de  ces  deux  coutumes  ;  ils  ne  pouvoient  donc  guè- 
res  en  faifir  l'efprit  ,  encore  moins  favoir  de 
quelle  manière  l'ufage  les  avoir  interprétées  ;  & 
n'ayant  probablement  jeté  fur  leurs  dipofitions 
qu'un  coup  dœi!  rapide,  eft-il  étonnant  qu'ils  aient 
été  fédaits  par  le  Icus  littéral  qu'elles  préfcntent  du 
premier  abord  ? 

Ajoutons,  &  cette  obfervation  pour  être  fingu- 
lière  j  n'en  e(l  peut-être  pas  moins  vraie  ,  que  de 
ces  quatre  auteurs  ,  peut-être  n'y  en  a-t-11  qu'un 
feul  qui  ait  lu  ces  difpofitions  :  car  on  fait  iufqu'où 
va  malheureufement  la  facilité  de  certains  jurifcon- 
fultes  à  copier  fur  pa;ole  tout  ce  qu'un  autre  a 
cité  avant  eux  de  lois ,  de  coutumes ,  d'arrcts  ,  d'au- 
torités quelconques.  C'efl  un  défaut  dont  les  plus 
célèbres  &  les  plus  judicieux  ne  font  pas  exempts. 
Ré^ie  générale  ,  ne  citez  rien  fans  a\'oir  vérifié. 

Peut  être  nous  dira-t-on  que  du  moins  Sainfon 
n'éroit  pas  étr:inger  à  la  Touraine ,  &  que  cet  auteur 
embr.iiTe  l'opinion  de  ceux  qui  y  regardent  le  cens 
comme  prefcriptible.  Le  fait  eft  vrai;  mais  la  ré- 
ponfe  efi  fimp'e  :  écoutons  encore  M.  Cottereau. 

«  Il  faut  avouer  que  c'efl  une  grande  négligence 
î>  de  la  part  des  réformateurs  de  la  coutume  de 
j>  Tours  ,  de  n'avoir  pas  en  1559,  levé  le  doute 
»  auquel  d*  nnoit  lieu  l'article  209  ,  après  avoir  vu 
)»  Sainfon  &  Brèche  partagés  fur  fon  interpréta- 
»  tion  ,  l'un  jugeant  le  cens  prefcriptible,  &  l'autre 

V  le  confidérant  comme  imprefcriptible.  —  Brèche 
w  avoue  que  jjlufieurs  tcnoicnt  pour  le  fentiment 
j>  qu'embra(Te  Sainfon  :  il  devoir  prévaloir  ,  étant 

V  fondé  fur  les  termes  même  de  la  coutume;  Sain- 
«  fon  qui  avoit  alFifté  à  la  rtformarion  faite  en 
1)  1507,  étoit  cenfé  en  connoitre  l'efprit. — Un 
j>  changement  dans  l'article  209  ,  1ers  de  la  réfor 
»  mation  faire  en  1559  ,  étoit  bien  néceflaire  : 
»>  Brèche  lui-même  ,  qui  y  étoit  préfcnt ,  auroit  dîi 
»  le  provoquer.  Dès  qu'on  a  laine  l'article  tel  qu'il 
}?  étoit,  il  fembleque,  rejetant  l'interprétation  de 
n  Brèche  ,  on  a  voulu  que  l'article  n'eût  pas  d'autre 
»  fens  que  celui  qu'il  préfente.  —  (  Mais  )  l'u- 
y  fage  ,  qui  du  temps  de  Brèche  ,  n'étoit  pas  conf- 


PRESCRÎPTION. 


389 


y>  tant ,  puifqu'd  n'entraînoit  pas  tous  les  fuffrages  » 
»  a  acquis  djpuis  un  tel  d^gré  de  certitude  ,  que 
)>  perfonne  ne  fait  difficulté  de  le  fuivre ,  contre 
i>  Icis  termes  de  la  coutume  ». . . . 

*  Pocquet  de  Livonierc  rend  îe  même  témoi- 
gnage à  l'égard  des  coutumes  d'Anjou  ik  du  Maine  : 
il  e;i  a;.>puie  même  rinterprération  fur  l'autorité  de 
la  chofe  jugée  (i)  *. 

Et  11  ne  faut  pas  croire  que  la  jurifprudence  foit 
cl.angée  fur  ce  point  dans  l'une  ou  dans  l'autre 
c  lUtume.  M.  Olivier  de  Saint-Vaafl  qui  les  a  com- 
TA  ntées  toutes  deux  en  «779  ,  n'auroit  pas  m.anqué 
ci  -  nous  avertir  d'une  révolution  aufïi  remarqua- 
!  ij  ;  &  loin  de  la  lailTer  même  foupçonner,  il  éta- 
li  r  le  contraire  de  la^manière  la  plus  précife  (2). 

*  On  retrouve  la  même  décifion  dans  le  com- 
n  ..araire  de  Coquille  fur  l'article  22  du  titre  des 
Cens  de  la  coutume  de  Nivernois  (3). 


(l)  *  Voici  l'es  termes  :  «  Parce  que  I.i  mouvance  eft  irapref- 
ciiptible  entre  le  ieigneur  Ô:  le  fujec,  on  a  jugé  ,  dit  cet  au- 
teur ,  que  le  cens ,  qui  cft  la  marque  de  la  dcpendaace  du 
fujec ,  devoit  être  de  même  nature,  &:  pateilleme.it  im- 
prefcriptible. Brodeau  ,  fur  l'article  45 1  de  la  coutum?  du 
Maine  ,  en  rapporte  un  arrêt  du  mois  de  mai  i  jSj  ,  après 
enquêtes  par  turbes  en  la  ville  du  Mans  -,  Se  la  m;me  chofe 
fe  trouve  jugte  en  la  coutume  d'Anjou  ,  par  un  arrêt  du 
Il  Dfiars  1667  J  rapporte  au  journal  des  audiences  ,  tome 
J  ,  liv.  I,  chap.  10;  en  forte  qu'on  y  tient  aujourd'hui 
pour  indubitable  ,  que  le  cens  eit  inrn-efcriptible,  fuivanc 
le  fentiment  de  M.  du  Pinau  en  fes  obfervaiions  fur  ledit 
article  440  de  la  coucume  d'Anjou  ».  * 
(i)  Voici  coiiDneni  il  s'expli  jue  fur  l'article  4f  i  de  I.i  cou- 
rue du  Maine  : 

«  Pour  expliquer  cet  article,  il  faut  faire  une  diilinclioa 
entre  les  droits  féodaux  qui  font  de  l'efTence  !k  de  la  na- 
ture du  lîef ,  &  ceux  q'ii  ne  font  que  des  accidens  de  fief; 
ces  premiers  font  imprefcriptibles ,  mais  le  valFal  peut  p:  ef- 
ctire  les  féconds  ;  aiafi  ,  la  mouvance ,  la  directe  ,  la  i'ji  ic 
hcmmage  ,  le  retrait  féodal ,  la  faifi;  féodale  ,  la  commifc, 
le  droit  de  ]ods  &:  ventes  ,  de  rachat,  de  relief  de  fe.wice  , 
des  cens  &"  rentes  Jeigmurïjles  qui  en  tiennent  lieu  .,  fonc 
à  toujours  imprefcriptibles  ;  &  le  valfal  &:  le  cenfitaite  , 
même  le  tie;s  acquireur  ,  ne  peut  s'en  e.xempter  ,  par  quel- 
que laps  de  temps  que  ce  foie,  fans  pouvoir  être  reçus  â 
prouver  que  leurs  auteurs  n'en  ont  point  pay' ,  &:  que  lis 
feigneurs  ne  les  ont  point  exigés  depuis  deux  ou  Crois  ficelés  : 
le  feigneut  ne  pouvant  jamais  perdre  fon  dioit  dedie^ile 
fur  fes  fujets,  tant  qu'il  n'y  a  point  de  Prefcripiion  de  la 
part  d'un  autre  feigneur  :  ne  pourront  le  forc'ore  non  plus 
,  d'ufer  de  retrait ,  de  faille  féodale  ,  de  commife  ,  quoiqu'il 
I  n'ait  pas  ufé  de  cette  faculté  de  temps  immémorial  ,  étans 
cenfé  avoir  remis  les  arrérages  des  rentes  féodales  qui  en 
.  tiennent  lieu  ,  ainll  que  les  lods  &:  ventes  &  rachat  échus  , 
lotfqu'il  ne  les  a  pas  demandés. 

w  11  y  a  donc  une  dilTerence  totale  entre  le  droit  en  foi ,  & 
les  profits  qui  en  font  échus;  jamais  le  fujet  ne  peut  pref- 
i  ctire  le  droit  de  payer  les  lods  oc  ventes  ,  rachats  Se  cms 
,  dont  il  efl  tenu  ;  mais  il  peut  par  trente  ans  s'exempter  de 
1  payer  les  lods  &c  ventes  ,  les  rachats  5c  arrérages  de  cens  & 
I  de  tentes  féodales  qui  en  tiennent  lieu  ,  qui  font  dus  6c 
I  échus  ■'. 
(5)  c<  Le  mot  cens  mis  dans  cet  article  ,  dit-il  ,  a  fait  croire 

>  à  plufieurs  gens  de  pratii]ue,  non  afTez  favans ,  que  la  fei- 

>  gneurie  directe  cenfueile  fe  prefctit  par  la  ceiïation  de 
1  payet  durant  trente  ans  ,  qui  me  fembîe  être  opinion  erro- 
»  née  J  pour  cç  «jue  le  mot  cens,  en  cet  accicle,  s'cntçnd 


390  PRESCRIPTION. 

Telle  eft  donc  la  règle  en  cette  mar'rére  ,  règle 
coniacrée  par  le  double  fiifFrage  des  arrêts  &  des 
jiirifcojifidtes,  Si  qui  reçoit,  de  fa  conformité  avec 
les  vrais  principes  ,  une  fanaion  inaltérable.  Pour 
que  le  ten.^ncier  piiiiTe  prefcriie  à  perpétuité  la  li- 
béiMtion  du  cens»  il  ne  luffit  pas  que  la  coutume 
'dife  en  termes  vagues  &  généraux  ,  que  le  cens  ei\ 
prcfcriptible  ,  il  faut  qu'elle  porte  la  précifion  beau- 
coup plus  loin  ;  il  faut  qu'elle  s'exprime  de  ma- 
ir.ere  qu'il  foit  impailible  de  concentrer  fa  difpoiî- 
tion  fur  les  feuls  arrérages  ^. 

La  coutume  d'Artois  a  une  dlfpofition  à-peu- 
près  femblable  à  cçUes  que  nous  venons  de  tranf- 
crire, 

La  qucftion  de  favoir  fi  le  fond  du  droit  de  cens 
y  ert  prefcriptible  p.ir  le  cenfitaire  contre  le  fei- 
gneur,  mériteroit  feule  une  dilfertatlon  très-éren- 
due.  Ce_  que  nous  allons  en  dire  n'ed  que  l'efprit 
des  raifons  qu'on  employé  pour  Se  contre. 

Les  articles  3  i  &  72  de  la  coutume  font  le  fiege 
delà  matière.  Le  premier  dit  ,  que  »  le  vaiîal  ne 
>»  peut  prelcrire  contre  fon  feigneur  acquiution  de 
»  droit  e/i  ce  qui  concerne  la  hauteur  de  la  juflice  & 
»  feigneiirif,  mais  qu'il  peut  prefcrire  entant  que 
w  touche  rentes,  reJcvunces  owfervicudes  >».  L'article 
72  porte  ,  que  "quiconque  demeure  paifible  pof- 
•)■>  felTcur  d'aucune  charge  ou  redevance  annuelle  , 
«  réelle  ou  perfonnclle  ,  par  vingt  ans  entre  pré- 
»  fens  &  âgés,  &  par  trente  ans  entre  abfens,  il 
j>  acquiert  le  droit  de  la  chofe ,  tellement  que  nul, 
j?  après  le  dit  temps  ,  n'efl  recevabie  à  faire  pour- 
j>  fuite  contre  tel  pofTelTtiir  i\ 

Toute  la  difficulté  fe  réduit,  comme  l'on  voit, 
à  fr. voir  fj  ces  mots  de  l'article  31,  renies ,  rede- 
vances ou  firvitudes ,  doivent  s'entendre  du  cens 
en)portant  direfle  feigneurie,ou  s'il  faut  en  borner 
la  fignificatlon  aux  rentes ,  redevances  &  fervitu- 
des,  qui  ,  quoique  dues  an  feigneur  ,  ne  font  ce- 
pendant pas  de  l'eOence  de  la  feigneurie. 

Maillart  tient  la  première  opinion  ,  &  la  con- 
firme par  dijux  fcntcnces  du  confeil  d'Artois  ,  des 
5  novembre  16S7  &  12  juin  1698,  qui  ont  ,jdit-il , 
«  déclaré  des  feigneurs  non  recevables  dans  leur 
)i  demande  à  fin  de  payement  de  rentes  feigneu- 
»  riales  qu'ils  julîifioient  par  titres  ,  inais  auxquels 
»  on  oppofoit  la  Prefcription  ".  Il  ajoute  ,  que 
«  par  arrêt  rendu  au  rapport  de?  M.  de  la  Mouche  , 
»  le  5  juillet  1696  ,  coniirmatif  des  fentences  ren- 
u  dues  au  balliage  d'Arras  le  11  feptembre  1692  , 
>i  ik  au  confeil  d'Artois  le  8  mai  1694  ,  deux 
V  pièces  d'héritage  ,  qui  ne  dévoient  ni  cens  ni 

M  Jej  atccta^es  <lucens;  &:  ainlî  eft  ententlu  ci-deffus  es  ar- 
^  cicîe;  1 1  &:  is  ,  &:  le  eçut  recueinir  des  mots  fuivans  ,  6" 
5»  iîuîrej  drpin,  qui  déuicncrenr  q'ie  I4  Prelcnp:ion  s'entend 
»  des  droiij  adjacens  &  cai'uc'Jj,  &  ncn  du  cevs  en  loi  •  en 
"  le  met  atf"«  rappo  te  ckofes  lemblables.  L.  jl  fwin'v'.. 
^  juaSlci  glojj.  C.di  ie.-vis  fugir.  Oi;tie  fe  peut  &  doit  dire 
»  que  par  !a 'cliIï  ceiTancn  du  payement  des  aticrages  ,  le 
>>  IciiTieur  ccnliev  ne  perd  la  ^'Oir^ffion  qu'il  a  de  la  rçdc- 
ïi  y^ucç  j  4mîi  la  î^lliug^  p.ç  cduTefas  Iç  grçutjJç  >^^ 


P  RESCRIPTIO  N. 

»  rentes  ,  ont  été  déchargées  du  terrage  feigneu- 
»  rial  prétendu  deflus  &  juftifié  par  d'anciens  ti- 
»  très ,  auxquels  la  Prefcription  étoit  oppofée  )>. 

D'un  autre  côté  ,jBrimel  dans  fes  obfcrvations 
fur  la  même  coutume  ,  foutient  que  le  cens  n'eft 
pas  moins  imprefcriptlble  en  Artois  qu'à  Paris;  & 
fon  opinion  ,  conforme  à  celle  qu'avoir  enfeignée 
avan^kii  Baudoin  d'Arras,  eft  appuyée  fur  des 
raifons  auxquelles  il  paroît  difficile  de  répondre. 

La  prefcriptihilité  du  cens  efl  contre  le  droit  com- 
mun ;  on  ne  pourroit  donc  l'admettre,  en  Artois, 
qu'en  conféquence  d'une  dlfpofition  expreffe  de 
la  coutume  ;  car  les  exceptions  viux  maximes  géné- 
rales doivent  être  claires  &  formelles.  Or,  ni  l'art. 
51  ,  ni  l'art.  72  ,  ne  mettent  expreffément  le  cens 
au  rang  des  chofes  prefcriptibles. 

Il  y  a  plus  ;  l'art.  31  même  en  établit  l'impref- 
criptibilité.  Il  porte  ,  que  le  vaffàl  ne  peut  prefcrire 
contre  fon  feigneur  acquifition  de  droit  en  ce  qui 
concerne  îa  hauteur  de  la  jujlice  &  feigneurie  d'iceliii. 
Que  veulent  dire  ces  expreffions  ,  fi  elles  n'em- 
braflènt  pas  les  droits  qui  constituent  l'elTcnce 
même,  de  la  feigneurie  ?  Or,  quel  droit  efi  le  plus 
elfentiei  à  la  feigneurie  que  le  fond  ménne  du  cens, 
puifque  fi  l'héritage  en  efi  une  fois  affranchi ,  il 
devient  allodial  ? 

Il  faut  même  remarquer  que  cette  partie  de  l'arr, 
31  eft  une  fuite  Se  n'eiï  établie  que  par  réciprocité 
lie  l'article  précédent.  C'efl  ce  que  fait  entendre 
Yiidvcrhc parcillcmint  ,  qui  la  commence,  Or,  l'ar- 
ticle 30  porte,  que  »>  le  feigneur  ne  peut  jamais 
»  prefcrire  l'héritage  de  fon  vafTal  par  la  longue 
>;  jouillance  &c  que  icelui  vailal ,  noiiob/îant  le  laps 
i>  de  temps,  demeure  entier  à  relever ,  droiturer 
>j  ou  fràre  fes  devoirs  au  regard  d'icelui  {on  fei- 
)j  gneur».  Si  le  feigneur  ne  peut  prefcrire  contre 
fon  vaiTal  l'héritage  tenu  de  lui,  quoique  ce  vafTal 
néglige  de  le  relever  Se  de  payer  les  droits  fei- 
gneuriaux  pendant  le  temps  requis  pour  la  pref- 
cription ,  il  faut ,  par  réciprocité  de  raifon  ,  que  le 
vaflal  à  fon  tour  ne  puilfe  pas  fe  libérer  par  la  Pref- 
cription ,  des  droits  dont  fon  héritage  efl  chargé  ea 
reconnoilfancc  de  fa  feigneurie.  Sans  cela  ,  il  n'y 
auroit  plus  entre  le  feigneur  &  le  vafTal  cette  éga- 
lité d'impuifTance  que  le  mot  pareillement  fuppofe 
entr'eux  au  fujet  de  la  prçfcripiion. 

Maillard  répond  que  le  fervicede-s  plaids  &  la 
nécelTué  de  la  déclaration  au  terrier ,  font  les  feuls 
droits  véritablement  conllitutlfs  de  la  feigneurie, 
lefquels  étant  imprefcriptibles ,  confervent  fuffifam- 
ment  la  fupériorité  du  feigneur  Si  la  dépendance 
du  cenfitaire. 

Mais  cette  propofitton  heurte  de  front  la  doc-» 
trine  de  Dumoulin  &  de  tous  les  feudifles,  qui  re-< 
gardent  le  cens  comme  l'i-mage  du  domaine  di- 
reéf,  Ôc  la  conftitution  même  de  In  feigneiirie.  D'aiU 
leurs  ,  le  fervice  des  plaids  Se  la  déclaration  au  ter-f 
rier' ne  font  que  les  fuites  de  la  qualité  de  cenfi- 
fairçs,  S^  la  prcfçriptibilité  du  cens  les  détruiroit, 


PRESCRIPTION. 

Comme  l'extinflion  de  la  canfe  produit  nécefTaire- 
ment  l'extinfîion  des  effets. 

Les  Jiigemens  fur  lefquels  Maillart  appuie  fon 
opinion  ,  ne  font  guère  plus  concluans  que  Ces  rai- 
fons.c'elUe  queBrunel  a  très-bien  démontré,  (i). 

Depuis  que  Brunel  a  écrit,  on  a  réformé  en  Ar- 
tois deux  coutumes  locales  ,  d'une  manière  qui  con- 
firme  de  plus  en  plus  le  parti  de  l'imprefcriptibi- 
litèducens.  Ce  font  celles  du  baillage  d'Aire,  art. 
17  ,  &  du  bailliage  de  Saint-Omer ,  art.  9.  Voici  ce 
qu'elles  portent  :  «  Le  vaiïal  ou  fujet  ne  peut  pref- 
»)  crire  contre  fon  feigneur  acquifition  de  droits  en 
»»  ce  qui  concerne  la  jwftice  ou  feigneurie,  ni  le 
»  fond  de  la  renteou  reconnoiflance  atinuclle  due 
î>  audit  feigneur  à  caufe  de  fon  fief  ou  tenement  , 
«  fauf  la  quotité  ou  preflation  d'arrérages,  que  le 
»  vaflal  eu  tenancier  peut  prefcrire  ,  contre  les  âgés 
j>  &  non  privilégiés ,  par  vingt  ans  contre  les  laïcs, 
3)  Se  quarante  ans  contre  les  gens  d'églife  «. 

Le  procès-verbal  de  la  première  de  ces  courû- 
mes nous  apprend  que  la  jurifprudence  du  con- 
feil  d'Artois  étoit  alors  (  en  1739  )  conforme  à  cette 
difpofition  locale;  «  Le  cens,  de  fa  nature  ,  y  c(ï- 
»)  il  dit,  ne  devant  pas  être  féparé  des  droits  de 
j)  hauteur  &  feigneurie  ,  le  confeil  provincial  juge 
»  que  le  cens  n'eft  pas  plus  prefcriptible  que  les 
«  droits  attachés  à  la  hauteur  defdites  feigneuries  ". 

Il  paroît  cependant  que,  quelques  années  après 
l'homologation  de  ces  coutumes  ,  le  confeil  d'Ar- 
tois s'eft  départi  de  fon  ancienne  jurifprudence, 
&  a  pris  pour  marque  conftitutive  de  la  direéte  cen- 
fuelle,  le  droit  de  relief  au  quel   les  héritages  cot- 

(l)  et  Ils  ne  peuvent ,  dit  cet  auteur,  avoir  cté  rendus  qu'à 
ïj  l'cgard  de  fimples  rentes  feigneuri.îles  non  primitives ,  & 
»  de  tenage  non  feigucuiial  &:  non  tenant  lieu  de  cens  ;  car 
»  plufieurs  jugemens  rendus  en  cette  ccu-ume  prouvent  le 
»>  contraire  de  ce  qu'il  avance.  11  y  en  a  un  ,  entre  autres  , 
«  rendu  au  confeil  d'Artois  le  I5  novembre  JC^y  ,  au  profit 
aj  du  comte  de  Tiesurepaire  ,  contre  Chrétien  du  Parque  ,  qui 
55  a  jugé  qu'un  droit  de  terrage  ,  du  fur  un  fonds  qui  ne  de- 
»  viiit  pointd'autres  rentes  ,  étoit  rtputé  feigneurial ,  &:  con- 
»  nqiicmnient  tenoit  lieu  de  ch;f  cens,  P\;  comme  tel  iut 
»  jugé  imprefcriptible.  Il  y  a  un  autre  jugement  audit  con- 
»  feii,  du  ^  njarî  1700,  rendu  tn;re  les  abbé  &  religieux  de 
M  Marchiennes  &  \'i  fieur  Thomas-Albert  de  Pre'ud'homme 
M  d  Haiily  ,  qui  condamne  ce  dernier,  comme  propriétaire 
»  de  la  terre  &  feigneurie  d'Auchy  ,  au  payement  de  la  re- 
M  devance  d'un  chape:)  par  an....  laquelle  avoir  été  llipulce 
»»  par  conceflîon  &:  accord  de  certain  droit  de  ch.ifTe  &:  de 
»  péclie  fur  un  terrain  dont  lefdiTs  lîeii's  de  ^Tarrhiennes 
33  ctoient  feigneurs ,  ce  qui  la  rcndoit  feipne ur  ale^  &  par 
M  conléquent  imprefcriptible,  quoiquil  y  eût  plus  de  qua- 
ï>  rante  ans  qu'ils  ne  l'avcient  perçue...  P.it  fentence  du  cor- 
x>  feil  d'Artois  du  15  juillet  1  ('95  ,  confirmée  par  arrêt  du  par- 
»3  lerncnc  de  Paris  ,  à  l'expédient ,  le  l'îj.invier  1657^  entre 
M  le  fleur  Paul  Gutrard  ,  frigneur  d'î-Iouvin  ,  d'une  part. 
»  Alexandre  de  Bret  &:  Antoinette  de  Crc  ix  ,  fa  femme, 
5j  d'autre  part;  ces  d-rniers  Ont  été  condamnés  à  reconnoîcre 
»  &  payer  Je:  rentes  feigneuiiales  prétendues  fur  leci:  fieur 
»  Guérird  ,  fur  deux  manoirs  à  eux  appartcnan-,  tenus  en 
«  cotterie  de  fa  feigneurie  d'Houvin  ,  nonobllant  que  dans 
w  l'inllance  enfuitè  d'appointé  lient  à  véii'^er ,  lefJits  de  Bret 
3>  &  fa  femme  aient  perlîllé  àfpuctnir  que  ces  rentes  étaient 
51  pcefcrites  «, 


PRESCRIPTION,        391 

tiers  ou  roturiers  font  afTujetis  par  la  coutume  gé- 
néral de  la  province.  C'eft  ce  qui  réfulte  d'une 
fentence  rendue  le  a  avril  1754,  entre  les  annon- 
ciades  de  Béthune  &les  héritiers  du  feigneur  de 
la  FoiTe  ;  &  par  laquelle ,  «  attendu  que  dans  cette 
»  province  les  cotteries  ou  rotures  font  fujettes, 
»  ainfi  que  les  fiefs  ,  au  droit  de  relief  ,  lequel 
5>  Concerne  la  hauteur  de  la  juflice  &  feigneu- 
5)  rie  V,  la  rente  dont  il  s'agiffoit  a  été  déclarée  pref- 
critc. 

Par  une  autre  fentence  rendue  l'année  fuivante 
entre  le  feigneur  de  Fouquières ,  6c  les  maïeur  &. 
échevins  deBétlume  ,  une  rente  f^igncuriale  a  été 
déclarée  imprefcriptible  ,«  attendu  que  cette  rente 
»  étoit  la  feule  marque  de  la  ftigneurie  ,  &  qu'à 
»)  caufe  d'icelle  il  n'étoit  dû  aucun  droit  de  relief 
»  établi  furies  cotteries  par  la  coutum;  d'Artois  «. 

On  trouvera  ci-aprés  deux  autres  fentences  f!u 
même  fiège,  qui  ont  confirmé  cette  jurifprudence. 

Mais  eft-il  poffible  que  le  droit  de  relief  foit , 
dans  la  coutume  d'Artois  plutôt  que  dans  les  autres 
du  royaume  ,  une  marque  diflinéHve  delà  directe 
cenfuelle.''  Ce  droit  iiourroir-il  rcpréfenter  le  do- 
maine direct  que  le  fei[;neur  a  voulu  fe  conferver 
fur  l'héritage  qu'il  a  cédé ,  &  dont  il  n'a  pas  voulu 
perdre  entièrement  la  propriété  } 

Qu'eft-ce  que  le  droit  de  relief  .'^C'eft  «ne  finance 
par  laquelle  l'héritier  du  dernier  valfal  ou  cenfitiiire 
rachète  l'héritage  qui  a  été  donné  à  fon  auteur  ,  foit 
à  fief,  foit  à  cens  ,  &  qui ,  par  la  m.ort  de  celui  ci , 
retournoit  de  plein  droit  au  feigneur  (i).  Le  relief 
n'ert  donc,  comme  le  retrait  &  le  quint  ,  qu'un 
droit  utile,  qu'un  profit  du  fief:  ce  droit  dépend  à 
la  vérité  de  la  feigneurie  ;  mais  la  feigneurie  peni 
fubfiHer  fans  lui:  fi  elle  n'en  étoit  pas  indépen- 
dante, il  faudroit  dire  qu'elle  s'anéantiroit  par  le 
changement  de  propriétaires  ,  Ôt  îie  fe  formeroit 
de  nouveau  que  par  le  rachat  que  feroient  leurs 
fucceffeurs  ,  que  par  le  relief  qu'ils  payeroient  , 
que  par  les  lods  &  ventes  qu'ils  acouitteroient;  ce- 
pendant on  n'a  jamais  douté  qu'une  feigneurie  une 
fois  établie,  il  n'y  eût  impoffibilité  de  la  faire  ceffer 
un  inftant. 

Les  fiefs  en  Anoisnefont  pas  moins  fujets  à  la 
foi  Gi  hommage  que  dans  tout  le  royaume  ;  l'article 
37  de  la  coutume  les  y  foumet  précifément.  Pour- 
roit-on  raifonnablement  donner  au  relief  la  préfé- 
rence fur  la  foi  &  hommage  ,  &  le  reprjfenrer 
comme  la  marque  conllitutive  de  la  feigneurie  féo- 
dale ^  Un  pareil  raifonnement  révolteroit  le  bon 
fens  &  renverferoit  tous  les  principes.  Ne  feroir-ce 
pas  une  erreur  fcmblable  de  prétendre  que  le  re- 
lief auquell'article  20  foumet  les  héritages  cotiiers, 
conf^itue  la  feigneurie  cenfiiello?  M'en  feroit-ce 
pas  même  une  plus  grande  de  vouloir  mettre  à  cet 
égard  une  différence  entre  le  relief  ccnfutl  &  le 
relief  féo'lal  }  Le  cens  efi  pour  les  rotures  ,  ce 
qu'eft  pour  les  fiefs  la  foi  &  hommage  ;  il  n'eA  pas 

,    (i)Guyot,  traité  des  fiefs,,  tome  2  j  page  71  ,  n,  }. 


591 


PRESCRIPTION. 


feulement  un  droit  utile  &  pécuniaire ,  il  ciï  en  mê- 
me-temps honorable  Si  révértntiel  ;  c'eft  la  qualité; 
que  lui  ont  donnée  tous  les  f>.nulifles.  Pocquet  fie 
Livoniere  ,  liv.  6 ,  chap.  i  ,  led.  z  ,  dit  que  le  cens 
eu  une  reconnoifîance  delà  lujétion  du  cenfuaiie 
&  de  la  fupcriorité  du  feigncur  ;  il  eft  donc  à  la  fei- 
gneurie  ctnliielle  par  rapport  au  feigneur  &  au 
cenfuaiie  ,  ce  que  la  foi  &  hommage  en  au  fief  par 
rapport  au  feigneur  &  au  vaffal,  C'efl  la  conlé- 
quence  qu'en  tirent  tous  les  auteurs  qui  ont  traité 
cette  matière  ,  &  entre  autres  Brodeau  (i)  ,  Du- 
plefTis  (2.)  ,  Denifart  (3)  &  Pothier  (.;). 

Loin  que  le  relief  foit  un  droit  honorifique  &  ré- 
vérentiel,  &  qu'il  conflitue  proprement  lafeigneu- 
rie  ,  Dumoulin  ,  8c  après  lui  tous  les  feudiftes ,  ne 
le  regardent  que  comme  un  accidrnt  onéreux  & 
vine  (ervitude  odieufe  (^).  Il  ne  peut  donc  être 
cenfé  compris  dans  la  première  j.»artie  de  l'article 
31  de  la  couti.ine  d'Artois ,  ni  p.ir  conféquent  être 
confidére  con-me  un  droit  concernant  la  juflice  & 
fcigneuTu  ;ilefï,au  contraire,  nommément  exprimé 
dans  la  féconde  partie  du  même  article  parle  mot 
fervitude  ,  qui  lui  eft  propre. 

Il  y  a  d'ailleurs  dans  la  province  d'Artois  une 
raifon  particulière  qui  empêche  que  le  cens  n'y  foit 
Ir.bordonné  au  relief,  &:  que  le  payement  de  ce 
dernier  droit  n'y  pafTe  pour  la  marque  de  la  fupé- 
Tiorité  du  feigneur;  c'eft  que  les  coutumes d'Hefdin 
&  de  SaintPol  font  connoitre  évidemment  que  le 
relief  eft  tout-à-fait  dépendant  du  cens  (6)  ,  6c  que 
par  conféquent  il  ne  feroit  point  dû  de  droit  de 
relief  dans  ces  coutumes  pour  les  héritages  qui  ne 
feroient  point  chargés  de  cens  ,  ou  fi  le  cens  pou- 
voit  y  être  prefcrit. 

On  voit  j)ar-là  combien  étolt  peu  [udicieufe  la 
rouvelle  jurifprudence  qui  avoit  pris  racine  ,  en 
1754,  an  confeil  d'Artois  ;  auffi  le  parlement  de 
Paris  s'efi-il  emprefîé  de  la  réformer.  L'abbaye  de 
faint-Pierre-lès- Gand  prétendoit  contre  différens 
particuliers  de  Harne  un  droit  de  champart,  tenant 
lieu  de  cens  ^  rente  feigneuriale.  On  lui  oppoff  it 
la  Prefcription  ;  &.  dans  le  fait  elle  avoit  contre  elle 
une  pofleffion  immémoriale.  Le  confeil  d'Artois  In 
débouta  ;  mais  fur  l'appel ,  arrêt  intervint  le  5  mai 
1759  ,  qui  infirma  la  fentence  &  condamna  au 
payement  du  cens  les  pofiefileurs  des  héritages  ai\Q 
les  moines  de  Gand  vouioient  y  a/Tujétir.  On  fe 
pourvut  au  confeil  contre  cet  arrêt  ;  mais  la  re- 
quête en  caffarion  fut  rejefée. 

Le  baron  de  Stockem  ,  le  comte  de  Monceau  , 
le  baron  de  Caupin  ,  les  dames  de  Mezieres  leurs 
époufes,  &  le  fieur  Vandergrat,  grand  bailli  de 


(l)  Sur  Paris  ,  tic.  des  cenfivef  £3*  droits  fàgneunaux. 
{;)  Des  f-'efs  ,  liv.  9  ,  f.liap.  ^  ;  du  cens,  Jiy,  i  ,  chap,  r. 

(3)  Article  Cens  ,  n.  4. 

(4)  Traité  des  ccnlives  ,  (t(\.  i  ,  paraj;.  ^. 

(O  Diimoit  in  fur  Paris,  citre  I  ,  paiag.   1,  gl,   i  ,  n,  21  ; 
Gtyot,  du  relief ,  chap.  5. 

^6)  Hcrdin  ,  art  xj  j  Saint-Pol  ^  cit.  a,  a:t,  S. 


PRESCRIPTION. 

Tournai ,  propriétaires  de  la  feigneuric  du  Plantin  ^ 
près  de  Lillers  ,  ont  fait  afTignetjle  5  février  1760, 
la.  veuve  de  Jacques  Dupuich ,   en  payement  de 
relief  &  d'arrérages  de  cens  dus  pour  trois  corps 
de  terre  qu'elle  tenoit  de  cette  feigneurie.  Cette 
vtuve  a  (outenu ,  par  requête  du  28  mars  de  la 
même  année  ,  qu'il  y  avoit  plus  de  vingt  uns  qu'elle 
n'avoit  rien  payé  de  ce  qu'on  lui  demandoit  ;  que 
le  ceas  n'étoit  pas  exempt  en  Artois  ,  comme  à  Pa- 
ris ,  des  atteintes  de  la  Prefcription  ;  qu'il  s'y  pref- 
crivoit  au  contraire  par  vingt  ans;  &  qu'ai  nu  elle 
devoit  être  renvoyée  de  la  demande  formée  à  fa 
charge.  Par  une  autre  requête  du  16  janvier  1762  , 
Antoine-François  Dupirich  ,  fon  fils,  qui  avoit  re- 
pris l'inftance  à  caufe  du  décès  de  fa  mère  ,  a  fait 
afllgner  en   garantie  Jean-Baptifte  Pigouche ,  an- 
cien occupent  de  fes  terres,  fur  le  motif  qu'il  étoit 
chargé  ,  par  fes  baux  ,  d'en  acquiter  les  rentes.  La 
caufe  portée  en  cet  état  à  l'audience  du    confeil 
d'Artois  ,  il  y  a  été  rendu,  le  16  juillet   1762  ,  un 
jugement  qui  a  déclaré  les  rentes  dont  il  s'agiffoit 
'    prcfcrites ,  tant  pour  le  fonds  que  pour  les  arréra- 
ges ;  a  condamné  Dupuich,  (uivant  fes  offres,   à 
payer  le  relief  ûu  par  la  mort  de  fa  mère  ,  6c  à 
faire  les  autres  devoirs  de  vaflalité;  a  mis  les  parties 
hors  de  cour  fur  les  autres   demandes  ,  &  a  con- 
damné le  baron  de  Stockem  &  conforts  aux  dépens. 
Sur  l'appel  au  parlement  &  l'appointement  au  con- 
feil,  qui  y  ert  intervenu  ,  le  baron  de  Stockem  & 
conforts  ont  établi  que  les  héritages  dont  il  s'agif- 
foit  étoient  mouvans  de   la  feigneurie  du  Plantin  , 
&  chargés   de  rentes  cenfives  ;  que    la  coutume 
d'Artois ,  loin  de  favorifer  la  Prefcription  de  ces 
fortes  de  rentes  ,  annouçoit ,  par  la  première  partie 
de  l'article  3 1  ,  qu'elle  les  regardoit ,  avec  les  autres 
coutumes  ,  comme  imprefcriptibles;  &  par  arrêt  du 
29  août  1769  ,  la  fentence  du  confeil  d'Artois  a  été 
infirmée;  les  apptlans  ont  été  déchargés  des  con- 
damnations  prononcées  contre   eux  ;  Dupuich  a    - 
été  condamné  à  leur  payer  les  arrérages  échus  des 
cens  8c  rentes  fcigneuriales  dus  fur  les  héritages 
qu'il  tenoit  de  la  feigneurie   du  Plantin,  &  à  les 
continuer  à  l'avenir  ;  à  payer  la  fomme  de  6s  liv. 
pour  le  relief  cû  p.ir  le  décès  de  Jofepli  Sennebœuf 
fon  ayeul  maternel ,  &  à  faire  à  la  feigneurie  tous 
les  autres  devoirs    portés  dans   le  dénombrement 
du  21  oétobre  1718.  Larrét  acte  déclaré  commun 
avec  Jean-Baptifte  Pigouche  ,  &  Dupuich  a  été 
condamné  avec  lui  aux  dépens  des  caufes  princi- 
pales ,  d'appel  &  demandes. 

Cette  juriîprudence  s'applique  comme  d'elle- 
même,  à  la  coutume  du  Cambrefis.  L'article  7  du 
titre  1  de  cette  loi  municipale  porte,  comme  l'ar- 
ticle 31  de  la  même  coutume  d'Artois,  que  «  le 
n  vafi'al  ne  peut  prefcrire  contre  fon  feigneur  le 
»■  droit  de  fief,  en  ce  qu'il  concerne  la  fupériorité, 
»  mais  en  tant  qu'il  tombe  en  rente  ou  redevance, 
»  le  valTal  peut  prefcrire  comte  le  feigneur  ".  L'ar- 
ticle  I   du  titre  17  dit ,  comme  l'article  72  de  la 

coutume  d'Artois,  «  que  celui  ^uj demeute 

»  paifible 


PRESCRIPTION. 

»J  palfible  d'aucune  charge  ou  redevance  annuelle 
»  &  rcelle  par  refpace  de  vingt  ans  continuels  Se 
«  accomplis  entre  perfonnes  préfentes  ik  fion  pri- 
»»  vilégiées,ila  acquis  par  ladite  pofltlficn  ^  jouif- 
»>  fance  la  propriété  &  droit  de  la  chofe  ainli  par 
î>  lui  poffédée  ». 

M.  Desjaunaux,  à  l'exemple  de  Maillart ,  penfe 
que  cls  termes  de  l'article  6j  ,  rente  ou  redevance  , 
doivent  s'entendre  même  du  cens  einportp.nt  la 
direfle  fcigneurie  ;  mais  les  mêmes  raifons  qui  ont 
fait  rejeter  le  fentiment  de  Maillart  pour  la  cou- 
tume d'Artois ,  doivent  également  faire  profcrire  ce 
lui  de  iM.  Desjaunaux  pour  la  coutume  du  Cambre- 
fis.  Or>  ne  voit  en  effet  dans  aucun  texte  de  cette 
dernière  coutume  que  le  cens  foit  expreffément 
rangé  au  rang  des  chofes  prefcriptibles;  l'art.  67 
fuftu  feul  pour  en  démontrer  rimprelcriptibitité  , 
puifqu'il  y  eft  dit  que  le  vjfj'al  ne  peut  prejcrire  contre 
fon  J'eigneur  .  ...  en  ce  qui  concerne  la  fupériorité. 

Il  faut  dire  la  même  chofe  de  la  coutume  de 
la  gouvernance  de  Douai.  «Un  feigneur  (porte- 
i-elle  ,  titre  i  ,  article  22),  «ne  peut  prefcrire 
«  contre  fon  vaffal ,  ni  le  vaffal  contre  (on  fei- 
"  gneur,  autant  qu'il  touche  fa  juridiaion  &  fei- 
«  gneurie  ;  mais  au  regard  des  rentes  &  paye- 
5'  ment  de  relief,  un  vaiïal  peut  prefcrire  contre 
»  fon  feigneur  ». 

Il  eft  clair  que  ces  mots  payement  de  relief,  ne 
peuvent  s'entendre  que  du  relief  échu  ,  &  il  y  au- 
roit  de  Tinconféquence  à  en  conclure  que  la  cou- 
tume afrujetiit  le  fond  du  droit  de  relief  à  la  Pref- 
cnption.  Or,  ces  mots  ne  forment  qu'un  même 
corps  de  phrafe  avec  ce  que  dit  la  coutume  tou- 
chant les  rentes.  Sa  difpofition  concernant  les  rentes, 
ne  peut  donc  s'entendre  que  des  arrérages  de  ces 
redevances. 

Il  n'en  eft  pas  de  même  dans  la  coutume  de  la 
châtelîenie  de  Lille.  L'article  74  du  titre  premier 
de  cette  loi ,  décide  que  ,  «  la  totalité  d'une  rente 
«  feigneuriale  ne  fe  peut  prefcrire  en  moindre 
»  temps  que  foixante  ans  ,  mais  bien  la  portion 
»  d'icelle,  ou  forme  de  payement,  à  laquelle  Pref- 
j)  cription  ne  faudra  que  trente  ans  ».  Cette  dif- 
pofition n'eft  ni  obfcure,  ni  équivoque  :  elle  fou- 
inet  la  totalité  de  la  rente  feigneuriale  à  la  Prefcrip- 
tion  de  foixante  ans  ;  ce  mot  totalité  tranche  tous 
les  doutes;  &  ce  qu'il  n'efl  pas  inutile  de  remar- 
quer ,  les  articles  4?  ,  46,  74  &  pkifieurs  autres  , 
froixyent  que  la  coutume  n'appelle  rente  feigneu- 
riale, que  ce  qu'on  entend  ailleurs  par  cens  propre- 
ment dit  (i). 

Quelques  uns  ont  cru  lire  la  même  décifion 
dans  la  coutume  du  chef-lieu  de  Valenciennes. 
"Voyons  fi  les  termes  de  cette  loi  font  aifez  précis 


(i)O'olcrvez  que  ladifpûfiiion  de  c.-ue  coutu.ne  ne  tait 
pa5  loi  dans  tout  Ion  terriroire,  La  coutumede  la  ville  de  Lille 
y  déroge,  en  décarant,  chapine  (î  ,  article  7,  «  qu'on  ne 
-  peut  preîcrire  la  totalité  de  la  rente  feigneuriale  ,  mais 
»  /'cuJement  p,  nion  d'icelic  ou  focme  de  payement  », 

Tome  XIJl. 


PRESCRIPTION.  593 

pour  qu'on  les  interprète  dans  un  fens  auiïi  con- 
traire au  droit  commun. 

Elle  déclare  d'abord  ,  article  49  ,  que  pour  droits 
fctgncuriaux  non  payés  ,  ceux  à  qui  ils  (om  dus  doi- 
vent être  mis  en  poflefi'ion  des  héritages  qui  en 
font  chargés  ,  pour  les  tenir  par  loi  (i)  ,  &  s'en 
approprier  les  fruits  jufqu'à  concurrence  dcfJits 
dr.'ics  ,  le  tout  ne  foit  quil  y  ait  Prefcription  au 
contraire, 

AiTurément ,  il  n'y  a  là  rien  qui  frappe  nommé- 
ment &  direéîement  fur  le  fond  des  droits  jào^neu- 
riaux  ,  rien  par  conféquent  qui  oblige  de  croire 
que  l'inrention  de  la  coutume  foit  de  rendre  le 
fond  de  ces  droits  paiïible  de  Prefcription  de  la 
part  des  vaflaux  ou  cenfitaires. 

L'article  93  eft-il  plus  décifif  ?  Voici  ce  qu'il 
porte  :  «  Quiconque  aura  joui  &  pofTédé  paifible- 
»  ment  &  de  bonne  foi,  à  titre  ou  fans  titre  ,  de 
»  quelque  héritage  ou  rente  tenue  pour  immeu- 
»  blc  ,  de  quelque  fervitude  ou  autre  droit  réel , 
»  ou  Jera  demtwè  paifible  de  quelque  Jervitude  , 
»  charge  ou  redevance  par  l'efpace  de  vingt  ans  cn- 
»  tre  préfens,  &  trente  ans  enrre  abfens  ,  tel  pof- 
)»  fefieur  acquiert  par  Prefcription  la  propriété  de 
»  la  chofe  ,  &  le  droit  ou  décharge  de  la  Jervitude  , 
»   contre  qui  que  ce  foit  ». 

Un  inot  répond  à  toutes  les  indu6ïions  qu'on 
veut  tirer  de  cet  article  :  c'eft  qu'il  ne  parle  pas 
exprelTément  des  rentes  reprérent:itive<.  de  la  di- 
reîle  ,  &  récognitives  de  la  fcigneurie.  Les  termes 
fervitude  ,  chjrs^e  ,  redevance  ,  contre  qui  que  ce  foit , 
font  bien  généraux  fans  doute  ;  mais  pour  faire 
cellér  la  règle  qui  établit  l'imprefcriptibilité  du 
cens,  il  faut  une  dérogation  fpéciale  ,  parce  qu'elle 
tient,  comme  on  l'a  vu. plus  haut,  à  la  fubdance 
de  la  tenure  cenfuelle. 

D'ailleurs  eft-ce  dans  la  coutume  du  chef-lien 
de  Valenciennes  que  nous  devons  chercher  la  rè- 
(o\m\on  du  point  de  favoir  fi  le  cens  dii  par  les 
main-fermes  de  cette  partie  du  Hainruit,  eft  ou 
n'eft  pas  prefcriptible.  N'oublions  pas  ce  qui  eli 
établi  fous  les  mots  Hainaut  &  Val£ncie~^nes  , 
que  cette  coutume  n'a  aucun  empire  fur  les  fiefs  , 
ni  par  conféquent  fur  les  droits  qui  en  dépendent. 
Or  bien  sûrement,  le  cens  ,  quoique  dii  par  un 
héritage  tenu  en  main-ferme  ,  eft  un  droit  féodal , 
un  attribut  de  fief,  une  portion  incorporelle  de 
la  fcigneurie  à  qui  il  appartient;  &  cela  eA  (i  vrai 
qu'elle  ne  fe  partage  pas  en  fuccefllon  comme  les 
rotures. 

Il  ne  refte  par  conféquent  qu'à  favoir  ce  que 
règlent  fur  cette  matière  les  lois  qui  ,  dans  le 
Hainaut ,  gouvernent  les  fiefs  Si  les  droits  f.odaux. 
Ces  lois  font  les  chartes  générales ,  &  voici  ce 
qu'elles  portent,  chap.  107,  an.  8  &  12. 

«  Les  tenans  fiefs  ne  fe  pourront  aider  de  Pref- 
»  cription  contre  les  feigneurs  defquels  ils  tien- 


Ci)  Voyez  Tenus  PAR  toi. 


Ddd 


594  PRESCRIPTION. 

j>  dront  leurs  fiefs  regardant  le  tenement  d*îceux 
j>  par  faute  de  relief. 

))  En  matière  de  droits  feigneuriaux  ,  n'y  aura 
3)  Prefcription  de  rhérltier  doyant  le  droit  contre 
>»  fon  feigneur  ". 

Ces  difpofitions  ,  on  le  voit  clairement ,  font 
décifjves  contre  le  fyflème  de  la  prefcriptibilité 
du  cens. 

Auffi  ce  fyftême  a-t-il  été  profcrit  hautement  par 
deux  arrêts  rècens  du  parlement  de  Flandres. 

Le  premier  a  été  rendu  entre  le  duc  d'Arem- 
berg  &  le  prince  de  Montmorency.  Le  prince 
de  Montmorency  pofsède  dans  la  feigneurie  de 
Walers  ,  appartenante  au  duc  d'Aremberg,  &  fi- 
luée  fous  le  chef-lieu  de  Valencicnnes ,  deux  men- 
caudécs  de  terre  main  fermes  ,  que  d'anciens  car- 
tulaires  prouvoient  être  chargées  envers  le  fei- 
gneur ,  de  vingt-deux  fous  de  rente  annuelle.  En 
1756,  le  duc  d'Aremberg  a  fait  a  jour  ^i)  fur  ces 
deux  mencaudées  ,  pour  avoir  payement  des  ar- 
rérages de  cette  rente.  Le  prince  de  Montmorency 
eft  venu  foutenir  qu'il  y  avoit  près  de  deux  ficelés 
qu'elle  n'avoir  pas  été  payée,  &  qu'en  confé- 
quence  elle  étoit  prefcrite.  Le  duc  d'Aremberg  a 
p:étendu,  de  ion  côté,  que  cette  redevance  avoit 
été  conftamment  acquitée  jufqu'en  1702  ;  mais 
d'abord  il  ne  l'a  pas  prouvé  bien  clairement;  en- 
fuite  ,  depuis  1702  jufqu'en  17^6,  il  y  avoit  en- 
core plus  de  temps  qu'il  n'en  eut  fallu  pour  pref- 
crire  ,  s'il  eût  pu  y  avoir  lieu  à  la  Prefcription. 

Toute  la  conteflation  s'efl  donc  trouvée  réduite 
au  point  de  favoir  fi  dans  le  chef-lieu  de  Valen- 
ciennes ,  les  rentes  feigncutiales  dues  fur  main- 
fermes  font  prefcriptibles.  Nous  voyons  par  les 
mémoires  qui  ont  été  imprimés  dans  cette  affaire  , 
qu'il  n'a  été  rien  néglige  de  la  part  du  prince  de 
Montmorency  pour  établir  l'affirmative;  ik  en  ef- 
fet ,  elle  a  été  adoptée  par  fentence  des  Prévôt,  jurés 
&  échevins  de  Valenciennes  du  18  février  1761. 
Mais  fur  l'appel  qui  en  a  et'  iiuerjeté  au  parle- 
ment de  Flandres  ,  arrêt  efl  intervenu  le  17  avril 
1766  ,  au  rapport  de  M.  Lamoral ,  qui  a  mis  l'ap- 
pellation &  ce  au  néant,  émendant,a  déclaré  que 
la  rente  fcigneuriale  dont  il  s'agiffoit ,  n'étoit  pas 
prefcrite ,  &  a  condamné  le  prince  de  Montmo- 
rency à  la  payer  avec  dépens. 

Le  fécond  arrêt  n'eft  pas  moins  précis.  L'abbaye 
de  Saint-Ainnnd  jouit  de  différentes  preftations  fei- 
gneuriales  à  Ecaupcnt ,  village  du  chef  lieu  de  Va- 
lenciennes Le  presbytère  ,  entr'autres  héritages  , 
eft  chargé  envers  elle  d'un  huiteux  d'avoine  ,  d'un 
chs'pon,  d'une  poule  &  d'une  corvée  ,  le  tout  for- 
mant un  cens  récognitif  de  la  feigneurie  j  en  1768  , 
il  étoit  dû  à  l'abbaye  de  Saint- Amand  cent  dix  an- 
nées d'arrérages  de  cette  redevance.  Elle  n'en  a 
demandé  que  vingt-une  ,  &  pour  en  obtenir  le 
payement ,  elle  a  fait  pratiquer  un  ajour  fur  le  pref- 

(i)  ■  c:me..e  I  receler,  vjui  e\\  en  ufage  Jans  je  chef-lieu 
4e  Valeacicnnes.  Yoysi  Adjour  éc  Ajour. 


P  RE  S  C  R I  P  T I  O  N. 

bytère.  Le  fieur  Colmont ,  curé  de  la  parollTe  d'E- 
caupont ,  a  oppofé  à  ces  pourfuites  différens  moyens 
parmi  lefquels  on  remarquoit  la  Prefcription.  Sa 
défenfe  a  d'abord  été  accueillie.  Les  prévôt,  ju- 
rés &  échevins  de  Valenciennes  ,  par  fentence 
du  2  mai  1774  ,  ont  débouté  les  religieux  de  Saint- 
Amand.  Mais  ceux-ci  en  ayant  appelé  au  parle- 
ment de  Flandres,  &  le  procès  ayant  été  diftri- 
bué  à  M.  Hennet,  la  cour ,  par  arrêt  du  4  janvier 
1776,  a  infirmé  la  fentence  5i  condamné  le  fieur 
Colmont  au  payement  de  la  redevance. 

PalTons  à  la  coutume  de  Metz.  Elle  porte  ,  titre 
14,  article  7,  que  les  «  droitures  feigneuriales  , 
')  réelles  ou  perfonnelles  ,  ne  fe  prelcrivent  par 
»  les  fujets  ou  redevables  d'icelles ,  au  préjudice 
»  des  feigneurs  ,  que  par  difcontinuation  de  paye- 
»  ment  pendant  quarante  ans,  mais  quant  aux  ar- 
rérages ,  &c.  ».  Cette  difpofition  efl  trop  claire  pour 
qu'elle  puifle  occafionner  le  moindre  doute.  Il  efl 
évident  qu'elle  rend  le  cens  prefcriptible.  Il  faut 
ranger  la  coutume  de  Metz  dans  la  même  claffe  que 
celles  d'Auvergne,  de  Eourbonnois  &  de  la  châtel- 
Icnie  de  Lille. 

Les  coutumes  de  Marfal ,  de  l'évêché  ^2  Metz  & 
de  Gorze  ,  ont  fur  cette  matière  une  difpoftion 
tout-à-fait  particulière  à  leurs  territoires.  Elles  déci- 
dent ,  article  83  ,  titre  16 ,  article  7  ,  &  titre  14  , 
article  16  &  17,  que  le  «  droit  de  cens  ne  fe  pref- 
»  crit,  par  le  détenteur  de  l'héritage  contre  le  fei- 
»  gneur  cenfier  ,  que  par  temps  immémorial  j\ 

*  Distinction  VÏ.  De  la  Pnfcription  de  U  foliditi 

du  cens. 

Le  cens  eft  une  charge  réelle ,  hypothécaire  & 
indivifible  ;  lorfque  l'héritage  ou  le  territoire  qui 
en  efl  grevé  vient  à  être  parragé  entre  plufieurs  co- 
propriétaires ,  chacun  d'eux  en  efl  tenu  folidaire- 
ment ,  6c  chaque  partie  du  tout  eft  affeélée  au  paye- 
ment de  la  totalité  du  cens.  Le  cens  ,  en  un  mot , 
efl  tôt  us  in  qualibn  parte.  Cette  folidité  eA  fort 
onéreufe  aux  tenanciers  ;  peuvent-ils  en  prefcrite 
la  libération } 

M.  le  Camus  dans  fes  obfervations  fur  l'article  124 
de  la  coutume  de  Paris,  prétend  que  la  folidité  du 
cens  eft  imprefcriptible  :  «  on  a  agité  ,  dit-il ,  une 
»  qucftion;  favoir,  fi  le  cens  payé  par  parcelles  pen- 
»  dant  plufieurs  années,  c'eft-à-dire  ,  trente  ans, 
»  fe  divife;  la  plus  commune  opinion  eft  qu'il  ne 
)»  fe  divife  point,  parce  que  le  titre  primordial  em- 
>»  pêche  toutes  fortes  de  Prefcriptions  contre  les 
»  feigneurs  ,  hors  la  quotité  &  les  arrérages  du 
»  cens  ,  ma^is  qu'on  ne  peut  pas  malgré  lui  par- 
»  tager  le  cens  en  plufieurs  parties  ,  pourvu  qu'il 
»  juftifie  par  quelque  titre  ,  quelque  ancien  qu'il 
»  foit ,  qu'autrefois  il   n'étoit  pas  divife  ». 

Loifeau  tient  au  contraire,  que  fi  les  tenanciers 
ont  payé  divifément  pendant  l'efpace  de  trente 
ans  ,  ils  ont  prefcrit  la  libération  de  la  folidité. 

a  Le  détenteur  ne  peut  être  convenu  folidai- 
j)  rement ,  fi  par  l'efpace  de  trente  ans ,  il  a  payé 


PRESCRIPTION. 

w  feulement  à  proportion  de  ce  qu'il  détient  ;  car  , 
»  tout  ainfi  que  la  quotité  du  cens  ,  la  folidité  ci\ 
»  prefcriptible  »  ;  î/u  déguerpijfcment ,  livre  2  ,  cha- 
pitre dernier.  Perrière  e/l  de  même  avis  fur  le 
titre  des  cens,  §.  i  ,  n".  20.  Cette  opinion  eft  fon- 
dée fur  la  maxime  que  ,  de  droit  commun  ,  cens  c(î 
■  indivifible  ;  maxime  inférée  par  Loifel  dans  fes  inf- 
titutes  couriimieres  ,  livre  4  ,  titre  2  ,  &  qui  a  pour 
bafe  la  loi  3  ,  C.  û'e  collatione  fundorum  patrimj- 
nialium.  Cette  loi  porte  :  Omnes  qui  pa'.r'htT&nijles 
fundos,five  communtler five  ex  afje  retinent ,  pro  lus 
conven'undi  fuiit  ad  univerforum  munerum  ad  eofdcm 
fitndos  peninentium  pro  rata  portione. 

Avant  ces  auteurs  ,  Dumoulin  avoit  ouvert  une 
opinion  différente  :  il  eftime  que  lorfque  le  feigneur 
a  reçu  divifément  la  preftation  folidaire  ,  ne  iùt-ce 
qu'une  feule  fois  ,  il  eft  privé  par-là  de  l'exiger  <t 
l'avenir  folidairement,  pourvu  qu'il  ait  reçu  de  ce 
cenfitaire  ,  pour  fa  part ,  &  fauf  proteftatlon  (i). 

Dunod  s'eft  rangé  du  parti  de  Dumoulin,  u  Je 
»  crois  ,  dit  il ,  que  le  laps  de  temps  n'eft  pas  né- 
»  ceffaire  ,  parce  que  la  folidité  n'eft  pas  de  l'el- 
»  fonce  du  cens  ,  &  qu'elle  ne  fe  perd  pûs  au  cas 
»  que  l'on  propofe  ,  par  la  Prefcription  ,  mais  par 
»  la  volonté  du  feigneur  qui  la  divifc  ,  &  qui  peut 
»>  être  connue  fans  le  fecours  du  temps, par  des 
»  conjediures,  &  par  la  manière  dont  il  s'eft  expli- 
»  que  dans  fes  quittances  ;  en  un  mot,  dès  qu'il 
»>  paroît  que  le  feigneur  a  quitté  un  de  fes  cen- 
>»  fitaires  de  la  folidité  ,  il  ne  peut  plus  la  préten- 
»  drc  contre  aucun  des  autres.  Le  parlement  de 
»  Bcfançon  l'a  ainfi  jugé  le  4  feptembre  1729  ; 
j>  des  Prefcrîptions  ,  partie  3  ,  chapitre  10   w. 

Ces  trois  avis  partagent  les  auteurs  ;  le  pre- 
mier a  pour  bafe  un  principe  évidemment  faux  ; 
le  titre  empêche  toute  efpèce  de  Prefcription  ,  excepté  la 
quotité  &  les  arrérages  du  cens.  Tout  eft  prefcriptible  , 
excepté  ce  qui  eft  de  la  nature  de  la  mouvance 
r  féodale  &  cenfuelle  :  on  n'a  jamais  porté  plus 
loin  le  fyftême  de  l'imprefcriptibilité.  Or  ,  qu'eft- 
ce  que  la  folidité  fait  à  la  nature  de  la  mouvance  } 
Que  le  cens  foit  folidaire  ou  non  ,  en  eft-il  moins 
récognitif  de  la  feigneurie  ? 

La  féconde  opinion  eft  dans  les  principes  féo- 
daux ,  mais  elle  choque  ceux  qui  doivent  régir 
les  contrats.  Un  feigneur  a  inconteftablement  le 
droit  de  renoncer  à  la  folidité  ,  dès  qu'il  réfulte 
des  termes  dont  il  s'eft  fervi  dans  l'acquittement, 
que  telle  a  été  fa  volonté  ;  pourquoi  cette  volonté 
auroit-elle  befoin  d'être  confirmée  par  la  poffcflîon 
trentenaire  .-'  La  décifion  de  Dumoulin  eft  donc 
plus  équitable.  Cette  décifion  eft  également  con- 
forme à  la  nature  des  cens  &  aux  difpofitions  des 
loix  romaines.  Le  cens  eft  une  preftation  puremenj. 


(i)  Voici  fes  tcrrrus  :  Verum  ell  qoôd  ex  qiio   tiominus  fe 
mel  fcienter  pai  ter»  cenfûs  ab  uno  ex  pofTelloribus  jiro  parte  , 
feu  porcione    (uâ  &   fine  proteftadone   recepit,    ex  eo  ipfo 
cenfetur  Hivilîfff,  feu   aivilionem  approballc  etiam  re'peiiu 
hypothecis  &  in  tmiuum. 


PRESCRIPTION. 


595 


réelle  ;  la  charge  porte  direflemcnt  fiu-  la  chofe  i 
&  ce  n'eft  que  par  contre-coup  que  la  perfonne  eft 
obligée.  Res  rci  ,non  perfona  perforiez  fubjicitur:  c'eft  , 
comme  on  l'a  déjà  vu  ,  l'expreflion  de  d'Argen- 
tré  ;  enforte  que  le  tenancier  n'eft  obligé  qu'à  rai- 
fon  de  ce  qu'il  poftede  :  de  la  dérive  la  confé- 
quence  ,  que  la  nature  du  cens  eft  d'èrre  divifiblc 
Comme  les  héritages  fur  lefquels  il  eft  afïïs. 

Les  lois  romaines  décident  très  -  expreftement 
que  la  divifion  s'opère  de  plein  droit  ,  fi  le  créan- 
cier admet  un  de-",  co-obligés  à  payer  la  partie  de 
la  dette  dont  il  eft  tenu  pro  portione  fud,  &  fans  au- 
cune  réferve  (i). 

Et  les  motifs  de  cette  jurifprudence  font  très- 
bien  développés  par  Bacquet  ,  traité  des  droits  de 
juf'ice,  chapitre  21  ,  n''.  245  (7). 

Remarquons  cependant  la  réflexion  de  Perrière  : 
«  Néanmoins  ,  dit-il ,  fi  la  quittance  ne  portoit  ces 
^y  mots  ,  pour  la  part  6*  portion  ,  encore  que  le 
»  créancier  confefTât  purement  &  fimplement  avoir 
)>  reçu  telle  fomme  ,  qui  feroit  la  part  Se  por- 
»  tion  de  celui  qui  la  payeroit ,  toutefois  la  rente 
»  ne  feroit  pas  préfumée  être  divifée,  tant  à  l'égard 
)>  de  celui  qui  auroit  payé  ,  que  de  fes  co  obligés  ». 
Sur  l'article  i  du  titre  des  cenfives  ,  §.  i  ,  n°.  21. 

Distinction  VIL  De  la  Prefcription  de  la  quotité 
du  cens  ,  de  la  part  du  cenfitairc. 

Si  le  cenfitaire  a  payé  le  cens  à  une  quotité  moin- 
dre que  celle  qui  eft  portée  dans  les  titres  ,  pendant 
trente  ans,  à  un  feigneur  laïque  ,  ou  pendant  quarante 
àjl'églife  ,  il  a  prefcrit  la  libération  du  furplus  ;  ainfi , 
pour  me  fervir  des  termes  de  la  coutume  de  Mon- 
targis,iroi;f  cenfuels  font prefcriptibles  A  TANTO  (3). 
Cette  décifion  eft  de  droit  commun  ;  elle  eft  écrite 
dans  beaucoup  de  coutumes,  Paris  ,  Nivernois  , 
Auvergne  ,  Bei  ry  ,  Lille  ,  Péronne  ,  &c.  * 

C'eft  aulTi  ce  qu'ont  jugé  deux  arrêts  du  parle- 
ment de  Touloufe  ;run  de  1652  ,  Si  l'autre  du  mois 
d'août  1663.  Ils  font  tous  deux  rapportés  dans  le 

(1)  Si  ciedi tores  velhos  ex  parte  debiti  admillde  ,  iiiieiu- 
quam  vertrum  pro  fiiâ  perfonà  folventem  probaveiiiis,  aditus 
rector  provincisB  ,  pro  fuâ  gravitare  ,  ne  alter  pro  j^Ueto  exi- 
gatur  ,  ptovidebit.  Lq'i  i  8  ,  C.  de  pailb's.  ^ 

(2)  «  La  laifon  peut  être,  dit  il,  que  le  crrancier,  en  dccha  - 
»  géant  un  des  débiteurs  folidairement  oMif.c  ,  a  ctc  à  cha- 
M  cun  des  autres  dcbiteuis  &  co  obligés  le  recours  folidaire  ; 
J3  partant  eft  raifonnable  que  la  dette  foit  diviïee  entre  tous 
«  les  débiteurs  d'icelle  ,  &  qu'ils  foient  de  même  condition, 
o  luivant  l'obligation  par  tcu;  enfemblcment  paflee  ;  joint 
j>  que  la  loi  prclume  que  le  créancier  ,  lequel  a  décha-gé  ua 
jj  des  débiteurs  de  la  folidité  d'obligation  ,  par  la  réception 
■>  de  fa  paît  &  portion  ,  a  eu  vouloir  &z  que  fon  intention  a 
>>  été  faire  le  fembhble  pour  le  regard  àzs  autres  coobligés  «. 
On  trouve  cette  déc. lion  dans  les  auteurs  les  plus  refpecta- 
bles,  PaElum  tacitum  divifionis  ,  dit  Bartole  ,  uni  ex  dchitori- 
bus  in  foliiumobligat'sfadum  co'teris ,  etiam  ahfzmihus  (f 
i^ncirantilus  ,  prodeji.  L'opinion  de  Eartole,  ajoute  Racquer, 
eft  fuivie  tant  au  palais  qu'au  chàc<let,  tam  inftmpUci  iibito^ 
qu.im  âiinuo.  loco  cit. 

(3)Çhap.  J7jau.  5.  ^  ,  ,  .. 

Ddd  ij 


39^  PRESCRIPTION. 

recueil  d'Albert ,  article  Prefcnpûon. 

*  Mais  pour  que  le  vaffal  puifle  ainfi  prefcrire  la 
libération  du  furplus  de  ce  qu'il  a  payé  ,  il  faut  le 
concours  de  deux  circonftances  ;  la  première  ,  que 
les  preftatioiis  aient  été  uniformes  pendant  le  temps 
néceffaire  pour  la  Prefcription  ;  la  deuxième  ,  que 
ces  preftations  aient  été  faites /«i  nornine  tothis.  On 
irouve  ces  deux  règles  écrites,  l'une  dans  la  cou- 
tume de  Nivernois  ,  6c  l'autre  dans  Dumoulin  :  <t  Le 
«  fe  gneur  utile  ,  comme  cenfier  ,  bordelier  ou 
»>  rentier,  qui  a  payé  partie  de  la  redevance  par 
3>  lui  due  pour  payement  uniforme  par  trente 
j)  ans ,  a  acquis  la  liberté  du  furplus  d'icelle  rede- 
»  vance  "•  (Nivernois,  chapitre  36,  article  2). 
La  quotité  du  «ens  fe  peut  prefcrire  par  trente 
ans  ,  Jïlicet  qiiando  le  cenfitaire  jolvit  fub  nomine 
totius  ,  tanquâm  non  plus  debens  ;jeciis  fi  fub  comme- 
mordtione  majoris  cen/iîf ,  quia  tune  tocus  confervatur. 
(  Dumoulin  ,  fur  l'article  6  du  chapitre  17  de  la  cou- 
tume d'Auvergne  ).  * 

Pour  établir  en  cette  matière  qu'on  a  prefcrit  , 
eft-il  néceffaire  d'avoir  des  quittances  de  trente 
ans  ?  Non  ;  il  fuffit  d'en  avoir  quelques-unes  du 
commencement ,  &  quelques  autres  de  la  fin  de 
cet  efpace  de  temps  ,  parce  qu'elles  en  font  préfu- 
mer  de  femblables  pour  les  années  intermédiaires. 

Mais  de  qui  doivent  être  ces  quittances  ?  Si  elles 
font  du  fermier  ou  du  receveur  de  la  feigneurie  , 
peut-on  les  oppofer  au  feigneur  ?  Et  quand  elles 
embraffent  dans  ce  cas  un  cercle  de  trente  années  , 
peuvent-elles  élever  une  barrière  contre  la  demande 
de  celui  ci  en  payement  de  la  totaliré  du  cens  ? 

Valin  ,  fur  l'article  5  de  la  coutume  de  la  Ro- 
chelle, nombres  134  &  135  ,  fait  une  diftinflion 
qui  mérite  d'être  remarquée. 

Il  convient  que  le  receveur  eft  en  cette  partie 
l'homme  &  le  repréfentant  du  feigneur  ,  que  le 
feigneur  doit  répondre  de  fes  faits,  &  que  par  con- 
féquent ,  fa  négligence  doit  préjudicier  au  feigneur , 
fuivant  la  règle  ,  qui  per  alium  facit  perfe  ipjum  fa- 
ccre  videtur  ;  (  ce  qu'on  fait  par  le  miniflère  d'au- 
trui ,  on  eft  cenfé  le  faire  foi-même  ). 

A  l'égard  du  fermier ,  continue-t-il  ,  on  pourroit 
croire  du  premier  abord  ,  que  fes  quittances  duffent 
engager  le  feigneur  ,  fur-tout  fi  elles  font  relatives 
au  cueilleret  qui  lui  a  été  remis  pour  faire  fa  per- 
ception. D'ailleurs,  il  eft  des  terres  qui  font  per- 
pétuellement en  ferme  ;  &  de  cette  manière  ,  l'état 
des  cenfitaites  ne  feroit  jamais  affuré ,  fi  les  quit- 
tances du  fermier  ne  valoient  pas  autant  que  celles 
du  feigneur  ou  du  receveur. 

Cependant  Valin  décide  le  contraire ,  «  par  1* 
»  raifon  que  le  fermier  n'eft  pas  partie  capable  pour 
»  engager  le  Seigneur,  &  préjudicier  à  fes  droits  ». 
11  feroit  inutile  de  crier  à  l'inconvénient.  Quel  tort 
fait-on  au  tenancier  , en  l'aftreignantà  payer  le  cens 
fur  le  pied  de  fon  véritable  taux  ?  Si  le  feigneur 
n'avoit  pas  de  titres  pour  conftater  l'erreur  des 
quittances  de  fon  fermier  ,  à  la  bonne  heure  ;  faute 
de  preuve  du  contraire  de  ce  qu'elles  énoncent , 


PRESCRIPTION. 

elles  fcroîent  cenfées  faites  fur  le  pied  de  la  confti- 
tution  primitive  du  cens.  Mais  dans  notre  hypo- 
thefe  ,  on  ne  voit  pas  que  les  quittances  de  fon  fer-, 
mier  puiffent  faire  rejeter  fa  demande. 

Remarquez ,  au  furplus ,  que  les  quittances  ,  pour 
opérer  la  Prefcription  de  la  quotité  du  cens  ,  doi- 
vent être  pures  &  fimples  ,  non  équivoques,  pour 
un  cens  déterminé  &  fans  réferve.  Ainfi  les  quit- 
tances indiquent-elles  ,  tant  de  cens  dû  fur  une 
métairie  &  fes  dépendances  ,  fans  déterminer  la 
quantité  des  terres  ou  des  vignes  ?  En  ce  cas  ,  point 
de  prefcription ,  à  moins  que  cette  quantité  ne  foit 
conftatée  par  un  aêie  avoué  du  feigneur  ,  ou  fait 
avec  lui.  On  en  fent  la  raifon  ;  c'eft  que  la  mé- 
tairie ayant  pu  être  augmentée  par  des  acquifitions 
nouvelles ,  &  tenues  fecrettes ,  il  feroit  poflîble 
qu'il  y  eût  des  articles  pour  lefquels  il  ne  feroit 
payé  aucun  cens  au  feigneur.  a  C'eft,  dit  Valin, 
»  à  l'endroit  cité  ,  nombre  136,  c'eft  un  des  points 
î»  décidés  par  l'arrêt  rendu  au  grand  confeil  le  30 
))  mars  1748,  au  profit  du  chapitre  de  Saint-Mar- 
)>  tial  de  Limoges  ,  comme  feigneur  du  prieuré 
»  d'Afnay  ,  contre  M""  Jean-Baptifte  Griffon  , 
V  avocat  à  la  fénéchauffêe  de  la  Rochelle  ». 

Autre  queftion.  Dans  les  coutuines  qui  déter- 
minent elles-mêmes  la  quotité  du  cens  ,  comme  le 
fait  celle  de  Touraine,  article  5  ,  la  feule  ceffation 
de  payement  pendant  trcntes  années  confécutives  , 
fuffit-elle  pour  réduire  au  taux  qu'elles  fixent ,  un 
cens  que  des  titres  particuliers  portent  à  un  taux 
plus  confidérable  ? 

Les  avis  font  partagés  fur  cette  queftion.  Brillon  ,  - 
zu.  mot  cens  y  nombre  74,  édition  de  1727,  dit, 
en  citant  un  arrêt  du  mois  de  février  1692  ,  rendu 
dans  la  coutume  d'Anjou ,  que  «  la  quotité  da 
»  cens  eft  prefcriptible  ,  fans  qu'il  foit  befoin  d'ac- 
i>  tes  contraires.  Il  fuffit  (ajoute-t-il ,  &  c'eft  ce 
»  qu'a  jugé  l'arrêt),  que  depuis  trente  ans  on 
»  n'ait  payé  aucun  cens  ,  pour  autorifer  le  cenfi'  <-■ 
j>  taire  à  prétendre  qu'il  ne  doit  que  le  moindre 
»  cens  dû  par  les  héritages  voifins  dépendans  du 
)>  même  feigneur  ». 

Ce  fentiment  eft  aufti  celui  de  Bouault,  dans 
les  notes  manufcrites  qu'il  a  laiffées  fur  la  coutume 
de  Touraine.  On  a  foutenu  la  même  chofe  dans 
un  mémoire  imprimé  en  1747,  &  l'on  y  a  avancé 
que  c'étoit  l'opinion  de  Pallu,  page  12.  «  La  note 
»  marginale  (y  eft-il  dit)  affure  la  réfolution  né- 
»  gative  à  l'avantage  du  cenfitaire.  L'apoftille  de 
n  Dumoulin  rapponée  par  Pallu,  ne  peut  s'appli- 
»  quer ,  dans  nos  moeurs ,  que  lorfqu'il  s'agit  de 
»  prefcrire  contre  le  cens  que  la  coutume  fixe; 
»  prefcription  dont  le  texte  de  l'article  5  parle  ex- 
»  clufivement,  &  à  laquelle  fe  rapporte  la  réflexion 
)»  féparée  de  Pallu  ». 

M.  Cottereau  (i)  a  prévu  la  queftion,  mais  il 
ne  l'a  pas  décidée.  Rendre  compte  des  raifons  qui 
peuvent  être  employées  pour  l'une  &  l'autre  opi- 

(i)  Droit  général  de  la  ïiaace ,  &c.  nombre  745  8. 


PRESCRIPTION. 

rion  ,  c'eft  à  quoi  il  s'eft  modeftement  borné.  Voici 
d'abord  ce  qu'il  dit  en  faveur  de  la  prcfcription. 

«I  Le  chef  -  cens  ,  le  cens  fixé  par  l'article  5 
«  de  la  coutume  de  Tours  ,  eft  imprefcriptible 
»  comme  la  loi  même  qui  l'établit;  mais  le  cens 
»  foncier,  la  rente  cenfiielle  ,  en  ce  qu'elle  excède 
»  le  cens  coutumier  ,  n'eft  qu'un  fur-cens  qui, 
j»  procédant  du  fait  de  l'homme,  peut  s'éteindre 
«  par  la  prefcription  ....  Il  y  a ,  ce  femble  ,  une 
»  différence  entre  la  coutume  de  Tours  &  celle 
»  de  Paris.  La  coutume  de  Paris  déclare  tout  cens 
»  imprefcriptible  :  par  cette  difpofition  générale  , 
»  le  cens  qu'un  feignenr  juflifie  parle  rapport  d'un 
j)  titre,  s'être  réfervé  ,  eft  à  couvert  de  la  pref- 
'  »  cription ,  à  quelque  fomme  qu'il  monte  ,  à  moins 
»  que  des  quittances  depuis  trente  ans  d'un  moin- 
5)  dre  cens  ne  faffent  préiumei  une  dérogation  à  ce 
'>  titre.  La  loi  ne  diftinguant  point,  accorde  le  pri- 
»  vilè^e  de  l'imprefcriptibilité  à  toute  convention 
'»  portant  établiffement  d'un  cens.  Difons  mieux, 
j)  elle  ne  reconnoit  que  le  cens  conventionnel, 
»  auquel  elle  attache  une  prérogative  fingulière. 
»  Au  contraire,  la  coutume  de  Tours  paroît  dif- 
«  tinguerle  cens  coutumier  &  le  cens  convention- 
»  nel  :  elle  lai  (Te  celui-ci  fournis  à  la  règle  géné- 
})  raie  des  prefcriptions  auxquelles  font  fujcttes  les 
M  conventions  ordinaires;  Scelle  ne  s'occupe  que 
>»  de  celui-là,  le  feul  qu'elle  prend  foin  de  con- 
î)  ferver  ,  parceque  c'efl  fon  ouvrage ,  le  feul  qui , 
I)  dans  fon  efprir,  eft  imprefcriptible  ,  avantage 
j>  dont  jouifTcnt  tous  les  droits  qu'elle  établit  »>. 

D'un  autre  côté  ,  M.  Cottereau  rapporte  des  au- 
torités &  des  raifons  qui  combattent  avantageufe- 
ment  cette  opinion.'Il  cite  Baudoin  &  Bernard,  dans 
leurs  notes  manufcrites  fur  la  coutume  de  Tours. 
Voici  les  termes  de  ce  dernier  :  »  Il  faut  prou- 
»  ver  pzr  une  fuite  de  quittances  pendant  trente 
3'  ans ,  qu'on  eft  en  poffeftion  de  payer  un  moin- 
»  dre  devoir.  .Oppofer  la  Prefcription  en  cette 
»  matière ,  c'eft  mettre  en  fait  la  poireffion  tren- 
»  tenaire  de  payer  un  moindre  devoir;  &  c'eft  à 
>»  celui  qui  allègue  le  fait  de  pofTeffion ,  à  le  prou- 
»  ver  par  le  rapport  de  fes  quittances  ». 

A  cette  raifon  qui  paroît  fans  réplique,  M.  Cot- 
tereau joint  une  réflexion  également  décifive.  »  On 
i>  peut  ajouter,  dit-il ,  que  le  cenfitaire  doit  prouver 
«  la  coutume  où  il  eft  de  payer  moins  que  ce  que 
î)  le  feigneur  demande  ,  parce  qu'il  paroît  que  ce 
»  n'eft  que  dans  le  cas  de  cette  coutume  que  l'art. 
»  5  de  Tours  décide  que  le  cenfiiaire  a  prefcrit  ». 

*  Distinction  Vliï.  De  la  prefcription  de  la  quotité 
du  cens  y   de  la  pan  du  feigneur. 

Le  feigneur  qui  a  perçu  d'autres  &  de  plus  grands 
droits  que  ceux  qui  font  établis  par  fes  titres  ,  a- 
t-il  acquis  par-là  le  droit  de  continuer  à  l'avenir 
cette  exa(^ion  ?  Non. 

La  quotité  des  droits  feigneuriaux  une  fois  dé- 
terminée ,  il  n'eft  plus  au  pouvoir  du  feigneur  de 


PRESCRIPTION. 


397 


l'augmenter;  les  déclarations  contraires,  la  polltl- 
fion  même  la  plus  longue  ;  tout  eft  nul ,  tout  eft 
regardé  comme  l'ouvrage  de  la  furprife  ou  de  la 
force: il  falloit  bien  que  les  lois  élevaffent  cette 
banièie  entre  les  tenanciers  &  les  feigneurs  ;  il  eft 
fi  facile  à  ces  derniers  d'abufer  de  l'ignorance  des 
habitans  des  campagnes ,  &  de  l'afccndant  qu'ils  ont 
fur  eux  (1)  ! 

On  dit  que  la  repréfentation  des  titres  détruit 
tout  l'eflét  de  la  pofteftîon  du  feigneur  ,  quand 
même  cette  polTelTion  feroit  appuyée  fur  des 
déclarations  émanées  des  cenfitaires.  C'eft  en  eftct 
la  décifion  de  Dumoulin  (2). 

Mais  il  apporte  une  rcllrittion  à  cette  règle  (3)  ; 
il  penfe  que  fi  la  polTefllon  du  feigneur  remonte  au- 
delà  de  cent  ans  ,  elle  forme  en  fa  faveur  un  titre, 
en  vertu  duquel  il  peut  exiger  tous  les  droits  qu'il 
a  perçus  pendant  un  auflî  long  efpace  de  temps  : 
Q^uia  ex  fubfecuti  tanti  temporis  iifu  ac  patientiâ  prct- 
jumitur  id  oneris  légitimé  fuijp  impojîium.  Cette  dé- 
cifion eft  conféquente  à  celle  que  l'auteur  tient 
dans  tous  fes  ouvrages,  que  la  pofTeflîon  centi.- 
naire  eft  un  véritable  titre  ,  kabet  vim  tiiuli.  Cette 
maxime  eft  yraie,  à  bien  des  égards.  Je  crois  cepen- 
dant qu'elle  ne  doit  ici  produire  tout  fon  effet  que 
lorfqu'on  peut  préfumer  l'exiftence  d'un  titre  anté- 
rieur &  légitime  :  mais  fi  les  tenanciers  ne  jouiflênt 
que  des  objets  concédés  par  le  titre  primitif,  con  - 
ment  préfumer  qu'ils  fe  foient  volontairement  & 
Sciemment  grevés  de  preftations  plus  onéreufcs 
que  celles  que  porte  titre  ;  s'ils  l'ont  fait ,  c'eft  un 
effet  fanscaufe,  une  furprife  de  la  part  du  fei- 
gneur ;  s'ils  ne  l'ont  pas  fait ,  c'eft  une  ufurpation. 
Si  cependant  des  circonftances  très-fortes  ,  comme 
une  nouvelle  conceft'ion ,  par  exemple,  rendoient 
très-vraifembldble  l'cxiftence  d'un  titre  légitime  , 
poftérieur  au  premier ,  alors  la  pofteftion  cente- 
naire ,  jointe  à  cette  préfomption  ,  pourroit  fup- 
pléer  à  ce  titre  ,  &  c'eft  dans  ce  cas-là  feulement 
que  j'admettrois  la  reftriélion  de  Dumoulin.  «  Son 
»  opinion  ,  dit  Dunod,  pourroit  être  foutenue  dans 
»  le  cas  où  les  circonftances  détermineroient  à 
M  croire  qu'il  y  a  eu  une  jufte  caufe  d'augmenter  le 


(1  )  Il  y  a  fur  cela  un  trèi-heau  paffagt  de  Dumoulin.  Dotni- 
Bus  non  poterie  pr^rctibere  jus  ipfum  cecipiendi  rel  exigenJi 
aliquid  ia  fututum  ,  ratione  feudi ,  quod  non  (ît  debitum  per 
confuetudinem  ,  vel  quod  per  conditutionem  fcudi  appiiea 
indcbitum  ,  undè  II  appaieat  de  originali  conceflione  feudi , 
vel  aiio  jufio  ticulo  ex  fpcciali  paclo  feudum  cfle  vel  fuifle 
liberum  à  rclcvamentis  ;  eciam  li  patronus  pofteà  probec  fc 
exegiffc  relevanienla  contingentiaper  fpadum  50,43,  vel 
So  annorum  ;  puto  quod  non  prodefi.  lîbi  pro  future  tcm- 
porc,  fed  quôd  etiam  tcnebitur  reftituerc  quar  petcepit  i  }o 
annis  fuprà.  Sur  l'anciennt  (outume  de  Paris ,  $.  7  ,  n°.  1  <. 

(2)  Recognitio  tanquàm  erronea  céda:  veritati  prioiis  in- 
veftitura:,  vclconce/Tionis,  ca  probata,  quia  lîrapJex  recogni- 
tio vel  renovatio  non  dïfponit  nec  immuta:  lla:um  rei  undc 
probaca  ptima  inveftitura  ,  ei  ftatus  ,  ei  recogniiio  fequens  , 
tamquàm  erioBca  &:  quatcnùs  comtatia  &  rcjici;ur.  Coutume 
,  de  Paris,  §.  çi  ,  ^^  10. 

(})  Sut  l'aaicle  7,  n".  iS» 


39^?  PRESCRIPTION. 

>'  cens  V.  Traité  des  Prefcriptions ,  part.  3  ,  cha- 
pitre 10. 

Distinction  IX.  De  la  Prefcription  de  Vcfpcce  du 

cens. 

Le  cenfitaire  qui  depuis  trente  ans  paye  en  de- 
niers un  cens  conflitiié  originairement  en  grains  , 
peut-il  être  contraint  à  payer  dans  la  fuite ,  confor- 
mément au  titre  originaire  ?  Prefque  tous  les  au- 
teurs  qui  ont  écrit  lur  les  cenlives  ,  ont  traite  cette 
queftion.  La  plupart  diftinguent  le  tiers-acquéreur  , 
de  l'héritier  ou  repréfentant  du  premier  cenfitaire, 
C  eft  ce  que  remarque  Dunod  dans  fon  traité  des 
Prefcriptions  ,  partie  3,  chapitre  10:  «  Prefque 
«  tous  les  nuteurs  ,  dit-il,  eftiment  qu'il  n'y  a  pas 
»  lieu  à  la  Prefcription,  parce  que  ,  difent-ils,  elle 
>'  détruiroit  le  cens  ,  en  détruifant  fon  efpèce  &  fa 
î»  qualité,  à  moins  que  ce  ne  fût  en  faveur  d'un 
>»  tiers-acquéreur  auquel  on  auroit  donne  une  qua- 
»  litéou  une  efpèce  difl'érentc  du  titre  primitif, 
»'  qui  pofTéderoit  en  vertu  d'un  titre  nouveau  ,  & 
»  qui  feroit  en  bonne  foi  ». 

Le  tiers  acquéreur  peut  donc  prefcrire  l'efpéce 
du  cens  ;  encore  faut-il  qu'il  trouve  dans  fon  con- 
trat un  fondement  à  cette  Prefcription.  A  l'égard 
des  autres  tenanciers  ,  la  poflelTion  la  plus  longue 
efl  infuffifante  pour  convertir  le  cens  d'une  efpèce 
dans  une  autre  ;  &  fi-tôt  que  le  titre  efl:  rcpréfentc  , 
il  faut  qu'ils  fe  conforment  à  fes  di(pofiiions.  Telle 
eft  l'opinion  régnante  ;  elle  eft  très-ancienne ,  &  on 
la  trouve  par-tout  :  eft-il  donc  permis  de  la  difcu- 
ter?  Pourquoi  non  ?  Les  jurifconfultes  feroient-ils 
les  feuls  condamnés  à  fe  traîner  fur  les  idées  les 
uns  des  autres  ? 

Si  on  examine  les  motifs  qui  ont  décidé  les  au- 
teurs ,  on  voit  qu'ils  fe  fondent  finguliérement  fur 
trois  arrêts  du  parlement  de  Paris  ;  le  premier  qui  a 
été  rendu  le  24  mai  1 581  ,  en  faveur  du  roi  de 
Navarre  ,  en  qualité  de  comte  de  Marie  en  Ver- 
mandois  ,  a  condamné  un  tenancier  à  donner  au 
feigneur  de  Marie  une  poule  par  année,  coofor- 
jnément  au  titre  primitif,  quoique  ce  tenancier  iùt 
en  poffefnon  depuis  foixante  ans  de  ne  payer  que 
cinq  fous.  Cet  arrêt  efl  le  premier  que  je  connoifle 
fur  cette  queftion  ;  Chopin  le  rapporte  fur  la  cou- 
tume d'Anjou  ,  partie  2  ,  chapitre  i ,  titre  i  ,  n".  4. 
C'eft  d'apiès  lui  que  tous  les  auteurs  le  citent  ;  mais 
on  ne  voit  nulle  part  ni  l'efpéce,  ni  les  moyens  des 
parties  ,  ni  les  motifs  fur  lefquels  il  a  été  rendu. 
Comment  affeoir  une  décifion  fur  une  pareille  au- 
torité ?  qui  fait  s'il  n'efl  pas  le  réfultat  de  quelques 
circonflances  de  fait .''  Il  n'efl  rendu  que  contre  un 
particulier  ;  peut-être  l'univerfalité  pnyoit-elle  la 
preftation  en  efpèce.  Si  cela  étoit ,  l'arrêt  n'auroit 
jugé  autre  choi!c  ,  fmon  que  la  pofleOlon  d'un  droit 
univerfel  fur  la  plus  grande  partie  le  c«nferve  fur 
tous.  Enfin  ,  de  quelque  manière  que  ce  foit  ,  il  eft 
très-poflible  que  Cet  arrêt  n'ait  pas  jugé  la  quef- 
tion.  Commençons  donc  par  l'écarter. 

Les  deux  autres  font  rapportés  par  Mornac ,  fur 


PRESCRIPTION. 

le  digefte  ,  titre  de  contrahendâ  emptione.  Le  premier 
efl  du  29  décembre  16 11  ;  &  le  fécond  du  8  mars 
1612.  Cet  auteur  nous  a  tranfmis  quelque  chofe  du 
fait  &  des  moyens  fur  lefquels  ces  arrêts  ont  été 
rendus.  On  voit  que  celui  de  1612  n'cft  nullement 
dans  l'efpéce  ;  il  s'agiiToit ,  non  d'un  cens ,  mais 
d'une  redevance  de  cinquante  livres  de  cire  dues 
par  un  évêque  à  fa  cathédrale  ,  redevance  que  l'é- 
véque  avoir  convertie  en  une  preflation  de  liuit 
livres  en  argent ,  &  qu'il  fut  contraint  de  payer  en 
cire  ,  conformément  au  titre  de  fondation.  Quelle 
conféquence  peut-on  tirer  pour  la  cenfive  d'un  pa- 
reil arrêt  }  Cependant  quantité  d'auteurs  le  rap- 
portent comme  ayant  jugé  une  qucflion  cenfuelle. 
Quelle  confiance  peut-on  après  cela  leur  accorder? 

Refle  donc  uniquement  l'arrêt  du  26  décembre 
1611.  Mornac  nous  a  confervé  les  moyens  du  fei- 
gneur ;  le  principal  étoit  tiré  de  la  loi  in  vendiiioni- 
bus  ,  au  digefle  ,  de  contrahendâ  emptione.  Cette  loi 
porte  offeélivement  :  Nihil  faut  error  nominis  cbn 
de  corpore  confiai.  (  L'erreur  de  nom  ne  fait  rien  , 
lorfqu'il  confie  du  corps  ).  On  a. conclu  de-là,  que 
lorfqu'un  feigneur  avoit  reçu  par  erreur  une  pref- 
tation  pour  une  autre,  cette  erreur  ne  devoit  avoir 
aucune  influence  ,  quand  le  corps  &  l'efpéce  de 
la  preflation  étoient  déterminés  par  le  titre  ;  mais 
il  ne  faut  que  jeter  les  yeux  fur  l'efpéce  de  cette 
loi ,  pour  fentir  qu'elle  ne  peut  avoir  aucune  appli- 
cation au  cas  dont  il  s'agit.  Le  jurifcor,fuIte  (iip- 
pofe  qu'un  objet  a  été  vendu  fous  une  autre  dé- 
nomination que  celle  qui  lui  appartient  ;  &  il 
décide  que  la  vente  efî  valable,  lorfque  l'erreur 
tombe  uniquement  fur  le  mot ,  &  non  fur  la  chofe  ; 
c'efl-à  dire,  lorfque  le  vendeur  reçoit  ce  qu'il  en- 
tendoit  réellement  acquérir.  Si  in  nomine  di(fen' 
tiamus  ,  veriitn  de  corpore  confiât  ,  venditio  valet. 
Telle  efl  la  lettre  de  cette  loi  ;  qu'elle  analogie  a- 
t-elle  avec  notre  objet?  Certainement  le  jurifcnn- 
fulte  n'entendoit  pas  décider  une  queflion  dePref^ 
cripiion  ,  encore  moins  une  queflion  de  mouvance. 
Comment  donc  ces  hommes  éclairés  ont -ils  pu 
donner  dans  une  pareille  méprife  ?  La  chofe  efl 
fort  fimple.  Après  dix  fiècles  d'oubli ,  le  droit  ro- 
main reparut  en  Europe  comme  une  efpèce  de 
météore  ;  la  lumière  qu'il  répandit  fixa  tous  les  re- 
gards ;  on  l'avoit  négligé  avec  la  plus  étrange  barba' 
rie  ;  on  l'étudia  avec  i;ne  forte  d'e^nthoufiafme,  & 
on  crut  y  voir  la  décifion  de  tous  les  cas  pofiibles. 
Voilà  la  marche  de  l'efprit  humain  ;  le  premier  pas 
qu'il  fait  après  être  forti  d'un  extrême  ,  efl  prefque 
toujours  pour  fe  jeter  dans  un  autre. 

Tels  font  les  trois  arrêts  qu'on  trouve  cités  par- 
tout comme  le  fondement  de  la  jurifprudence  ac- 
tuelle: le  premier  ne  prouve  rien;  le  fécond  n'efl 
pas  dans  l'efpéce ,  &  le  dernier  porte  fur  une 
équivoque. 

Les  auteurs  qui  n'ont  pas  voulu  paroître  plier 
uniquement  fous  l'autorité  de  la  jurifprudence  , 
ont  raifonné  fur  cette  queflion  ;  &  voici  à  quoi  fe 
léduit  leur  raifonnement  :  Cette  Prefcription  ne  peut 


PRESCRIPTION. 

pas  avoir  Heu,  parce  quelle  détruirait  le  cens  en  dè- 
truifant  [on  efpèce  &  fa  qualité.  On  convient  qu'il 
faudroft  rejeter  une  Prei'cription  qui  détruiroit  le 
cens  ;  mais  eft-ce  là  TcfTet  dont  il  s'agit  ?  qu  o- 
père-t-elle  ?  Rien  autre  chofe  qu'une  lunple  con- 
verfion,  qui  n'influe  en  aucune  manière  fur  la  na- 
ture des  chofes ,  puirqu'avant  comme  après  cette 
converrion,  il  exifte  toujours  un  cens  ayant ,  com- 
me l'ancien,  efpèce  &  qualité.  Mais  lailTons  cette 
difcuffion  critique  ,  &  cherchons  dans  les  lois  féo- 
dales la  décifion  de  notre  difficulté. 

Les  droits  féodaux  font  de  trois  fortes ,  les  ef- 
fentiels  ,  les   naturels  ,  &  les  accidentels  ;  on  dif- 
tingue  pareillement  dans  une  mouvance  cenfuelle, 
ce  qui  eft  de  fon  eifence  ,  ce  qui  ei\  de  fa  nature, 
&  ce  qui  ne  lui  eft  qu  accidentel.  La  rétention  du 
domaine  direèl  eft  la  feule  chofe  qui  foit  de  l'ef- 
fence  de  cette  mouvance  ,  elle  peut  exifter  fans 
aucune  preftation  qui  en  foit  récognitive  ;  il  y  en 
a  des  exemples  :  ainfi  un  fief  peut  être  affranchi 
du  quint,  du  relief,  même  de  la  préfentation  de 
•la  foi  au  dominant  ;  mais  cette  efpèce   de  mou- 
vance a  paru  trop  niétaphyfique  ,  on  a  cru  devoir 
y  attacher  des  preftations  réelles.  Les  coutumes 
admettent  ou  fuppofent  ces  preflations;  elles  font 
de  la  nature  de  la  mouvance;  &  le  feigneur  peut 
les  exiger  fans  autres  titres  que  la  coutume  &  lexif 
tence  de  fa  directe;  mais  quelle  que  foit  cette  pref- 
tation ,  en  efpèces  ou  en  argent,  confidérable  ou 
de  la  plus  mince  valeur,  elle  remplit  également 
le  vœu  de  la  loi  ;  elle  veut  bien ,  cette  loi ,  fe  char- 
ger d'établir  &  de  conferver  une  redevance  réco- 
gnitive ,  un  cens  ,  en  un  mot ,  mais  non  pas  tel  ou 
tel  cens;  la  forme,  la  quotité,  l'efpèce  de  cette 
prédation  ,  tout  cela  eft  donc  purement  acciden- 
tel ;  ainfi  la  rétention  du  domaine  dire61   forme 
l'effence  de  la  mouvance  cenfuelle.  Le  cens  eft  la 
feule  chofe  qui  dérive  de  la  nature  de  cette  mou- 
Yance  ;  mais  l'efpèce  du  cens  eft  purement  acci- 
dentelle ,  &  ne  dérive  que  des  conventions.  Or , 
c'eft    un  prmcipe  inconteftable  que   ce  qui  n'eft 
qu'accidentel  &  conventionnel ,  eft  fujet  à  la  Pref- 
cription. 

Encore  un  mot  ;  les  auteurs  tiennent  tous  que 
le  tenancier  peut  prefcrire  la  quotité  du  cens  ;  mais 
cette  diminution  ne  détruit-elle  pas  bien  davan- 
tage le  cens ,  que  fa  converfion  d'une  efpèce  en 
une  autre  ?  La  plupart  de  ces  mêmes  auteurs  ad- 
mettent la  Prefcription  de  l'efpèce  en  faveur  du 
tiers  acquéreur  ;  ils  fie  regardent  donc  pas  l'ef- 
pèce même  comme  formant  la  fubftance  de  la 
prcftation.  * 

A  ces  raifons,  fe  joint  l'autorité  d'une  de  nos 
lois  municipales.  La  coutume  de  Clermont  en  Ar- 
gonne  ,  chapitre  14  ,  article  7,  décide  exprcffé- 
nient  que  la  qualité  du  cens  peut  fe  prefcrire  (i). 


(I)  Voici  Tes  termes  :  «  Le  premier  cens  ()ue  )e  feigneur 
»  conftitue  fur  fon  héiitage  eft  imprefcriptible  à  jamais  ; 
»  uuis  la  fjualité  Judi(  cens  5c  arrérages  d'icelui  fe  peuvent 


PRESCRIPTION. 


399 


Distinction  X.  De  la  Prefcription  de  f obligation 
de  porter  le  cens, 

*  Cens  efl  portable  &  non  requérahle  ;  c'eft  une  ma- 
xime du  droit  commun.  Le  feigneur  qui  a  eu  la 
facilité  d'envoyer  chercher  le  cens  pendant  trente 
ans,  a-t-il  perdu  le  droit  d'exiger  qu'on  le  lui  ap- 
porte chez  lui  ?  Ricard  ,  fur  l'article  35  de  la  cou- 
tume de  Paris  ,  rapporte  un  arrêt  du  24  mai  1 586  , 
rendu  à  la  troifjéme  chambre  des  enquêtes,  «  qui 
»  a  jugé  que  le  droit  de  faire  porter  par  les  tenan- 
'>  ciers,  à  la  maifon  du  feigneur ,  le  cens  qu'ils 
»  lui  doivent  ,  ne  peut  être  prefcrit  par  quel- 
»  que  temps  que  le  tenancier  ait  payé  en  fa  mai- 
»  ion  M.  Je  crois  cet  arrêt  dans  les  vrais  principes; 
le  cens  eft  une  preftation  tout-à-la-fois  utile  &  ho- 
norifique; ce  double  caraflère  en  forme  l'efTence  , 
6c  l'obligation  de  porter  le  cens  confthue ,  au  moins 
en  plus  grande  partie,  cet  honorifique.  Prefcrire 
contre  cette  obligation  ,  ce  iéroit  donc  dénaturer 
la  chofe  &  convertir  le  cens  en  redevance  fon- 
cière ;  converfion  que  la  feule  Prefcription  ne  peut 
pas  opérer ,  parce  que  la  nature  de  la  ceniive  ré- 
clame perpétuellement  *. 

Plufieurs  Feudifles  ,  &  notamment  Pocquet  de 
Livonière  ,  page  537  ,  citent ,  pour  appuyer  cette 
jurifprudencc,  un  arrêt  rapporté  au  journal  du  pa- 
lais ,  fous  la  date  du  7  aoîit  1682.  Mais  s'ils  avoient 
pris  la  peine  de  lire  dans  ce  journal  même  ,  ils  au> 
roient  iénti  qu'il  ne  peut  pas  avoir  jugé  la  quef- 
tion.  D'un  côté  ,  le  feigneur  prouvoit  qu'il  ne  pou- 
voit  y  avoir  contre  lui  que  vingt-quatre  ans  de 
poiTeliion  utile.  DeJ'autre,  la  conteflafion  éroit 
dans  la  coutume  d'Auvergne  :  or ,  cette  loi  décla- 
rant le  fonds  même  du  droit  de  cens  prefcriptible 
par  trente  ans  ,  il  ne  pouvoir  y  avoir  de  doute 
fur  la  prefcriptibilité  de  la  manière  de  le  payer. 

*  Distinction  XI.  De  la  Prefcription  des  arrérages 
du  cens  &  des  droits  échus. 

Dans  l'article  7  de  l'ancienne  coutume  de  Paris  , 
il  n'étoit  pas  parlé  des  droits  &  profits  féodaux  (fus 
par  le  vafTal  ;  il  étoit  feulement  dit  que  la  Pref- 
cription n'avoit  pas  lieu  entre  le  feigneur  &.  le 
vaffal  ;  mais  les  réformateurs  de  la  coutume  trou- 
vèrent à  propos  de  mettre  à  la  fin  de  l'article  lî 
de  la  nouvelle ,  que  les  profits  de  fiefs  échus  fe 
prefcrivent  contre  le  feigneur  par  trente  ans. 

11  y  eut  fur  ce  point  des  conteftations  dans  l'af- 
femblée  des  états.  Les  eccléfiafliques  requéroient 
qu'au  lieu  de  trente  ans ,  il  fût  mis  quarante  ans 
pour  l'églife,  comme  il  s'obfervoit  avant  la  réfor- 
raation.  Les  religieux  de  Saint- Denis  en  France  & 
les  chevaliers  de  Malihe  ou  de  faint  Jean  de  Jéru- 
falcm  ,  remontrèrent  que  par  privilège  fpécial  , 
confirmé  par  les  papes  &  par  les  arrêts  de  la  cour , 

îj  prefcrire  par  trente  ans ,  conmie   aufii  tous  auuei  cens  le 
n  furcens  depuis  le  premigi  cens  », 


400  PRESCRIPTION. 

on  ne  pouvoir  poinr  prefcrire  contre  ciix  ,  même 
par  cerit  années.  La  nobleiTe  &  le  tiers-état  foiitin- 
rent ,  au  contraire  ,  que  la  Prescription  de  trente 
ans  devoir  avoir  lieu  en  ce  cas  contre  toute  per- 
fonne  fans  diftintStion.  Enfin  le  procureur  du  roi 
prorefta  que  cet  article  ne  pourroit  nuire  ni  préju- 
dicier  aux  droits  du  roi. 

Cependant  ces  profits  fe  prefcrivent  par  trente 
ans  contre  Téglife. 

Bacquet ,  dans  fon  traité  du  droit  de  déshérence , 
remarque  une  ientence  des  requêtes  du  palais  du 
9  mars  158c  ,  qui  l'a  jugé  ainfi  contre  les  religieux  , 
prieur  &  couvent  de  laint  Martin-des-champs  ,  au 
profit  de  Nr  Louis  Bernage  ,  avocat  au  parle- 
ment ,  qui  fut  renvoyé  abfous  de  la  demande  à  lui 
faite  pour  le  payement , des  lods  &  ventes  d'une 
maifon  par  lui  acquife  dans  la  cenfive  des  reli- 
gieux ,  avec  condamnation  de  dépens  ,  parce  qu'il 
y  avoit  plus  de  trente  ans  que  l'acquifuion  étoic 
faite. 

Ce  même  auteur  remarque  une  fentcnce  du  pré- 
vôt de  Paris  ,  par  laquelle  il  fut  juge  que  ks  reli- 
gieux ne  pouvoient  demander  que  vingt  neuf  an- 
nées d'arrérages  des  rentes  ,  &  un  arréc  donné  à 
l'audience,  entre  Mathurin  Cordac,  appelant  d'une 
fcntence  donnée  par  le  juge  de  Loudun  le  22  juin 
1571  ,  d'une  part;  &  les  religieufcs ,  abbeiTe  & 
couvent  de  Poitiers ,  intimés  ,  d'autre.  * 

M.  Olivier  de  Saint-Vaaft  ,  fur  les  coutumes  du 
Maine  &  d'Anjou,  tome  4  ,  page  237,  fait  men- 
tion d"une  fentcnce  de  la  fénéchauftée  du  Mans 
du  23  juin  1700,  qui  a  décidé  la  même  chofe  con- 
tre les  religieux  du  Perray-Neuf. 

•  La  raifon  en  eft  ,  que  ce  font  des  fruits  féparés 
du  fonds ,  &  qui ,  par  conféquent ,  n'en  font  point 
partie  *,  quarum  obventionum  ,  fc'dicet  cundiSio  ex 
lege  municïpali ,  &  ea  propter  illis  prefcnbhur  [patio 
30  annorum ,  ut  in  omnibus perfonahbus  ubtina.  L. 
ficut,  C.  de  Prtfcript.  30  vel  40,  annor .  ^-àxio^Q  , 
fur  la  loi  malc  agiiur ,  au  même  titre ,  ajoute  que 
ces  droits  appartiennent  non  à  l'églife  ,  mais  aux 
bénéficiers  &  titulaires  des  bénéfices;  ainfi  il  ne 
s'agit  pas  de  l'intérêt  de  l'églife.  Il  eA  iuftc  qwe  les 
titula'ires  fcrîent  punis  de  leur  négligence  ,  s'ils 
n'ont  pas  exigé  les  droits  &  profits  cafuels  qui 
leur  étoientdus  durant  ua  temps  auffi  confidérable 
que  celui  de  trente  ans. 

n  Les  droits  féodaux  qui  font  échus  fe  prcfcri- 
j>  vent  par  trente  ans  contre  le  feigneur,  même 
»)  contre  l'églife  ,  à  moins  qu'il  n'y  ait  faifie  ou 
»  inftance  pour  raifon  d'iceux  >n  Ce  font  les  ter- 
mes de  Billecocq  ,  des  fiefs  ,  liv.  4  ,  chap.  70. 

C'eft  donc  un  principe  certain  que  les  droits 
féodaux  échus  fe  prefcrivenr  par  trente  ans  ,  même 
contre  l'églife.  Mais  la  même  Prefcription  a-t-el!e 
lieu  contre  le  roi  ? 

Dumoulin  tient  l'affirmative ,  &  fon  opinion  a 
été  fuivie  par  les  modernes. 

M  A  l'égard  des  lods  &  ventes  ,  quints ,  rc- 
V  quints,  reliefs  &  autres  profits  dus  au  roi,  à 


PRESCRIPTION. 

«  caufe  des  vendltions  ,  aliénations  &  mutations 
»>  de  fiefs  mouvant  de  fa  couronne  ,  patrimoine 
»i  8c  autres  héritages  tenus  en  cenfive  de  fa  ma- 
»  jefté  ;  &  tient-on  que  tels  droits  fe  prefcrivent 
»  contre  le  roi,  &  pareillement  contre  les  perfonnes 
')  eccléfiaftiques  par  trente  ans  ?  »  Bacquet ,  du 
droit  de  déshérence  ,  chapitre  7  n". 

»  On  tient  que  cette  Prefcription  de  trente  ans 
»  a  lieu ,  même  contre  le  roi  i>.  Duplefiîs  fur  Paris , 
»  du  franc- al  eu  ,  livre  2  ,  chapitre  i. 

«  Cette  Prefcription  a  aiifli  lieu  contre  le  roi , 
»  Billecocq  ,  des  fief , ,  livre  4  ,  chapitre  70  ,  parce 
»  qu'il  ufe  du  d. oit  commun  à  cet  égard  n.  Bro- 
deau  ,  fur  l'article  1 2  de  la  coutume  dt  Paris ,  n".  12. 

A-t-elle  lieu  contre  les  mineurs.^  Dumoulin  ef- 
time  que  non;  voyez  les  raifons  qu'il  en  donne, 
§■  7  de  l'ancienne  coutume  de  Paris,  n°.  41.  Bille- 
cocq fe  range  de  fon  parti  (i).«  Profits  de  fiefs  fe 
»'  prefcrivent  par  trente  ans  entre  majeurs  »,  dit 
Brodeau  (2).  D'où  il  réfulte  ,  fuivant  cet  auteur, 
que  cette  IVefcription  ne  court  point  contre  les  mi- 
neurs. C'eft  ce  qu'enfeigne  pareillement  Dupleflis  , 
dufranc-alcu,  livre  2  ,  chapitre  i. 

L'opinion  contraire  a  trouvé  des  partifans. 

"  Néanmoins,  parce  que  la  coutume  parle  géné- 
"  ralement  &  établit  une  Prefcription  ftatutaire  , 
)'  il  eft  certain  que  les  mineurs  ne  font  pas  excep- 
»  tés  ,  &  qu'après  trente  ans  ils  ne  font  plus  en 
"  état  d'exercer  le  retrait  féodal  ,  demander  les 
M  ventes  &  honneurs,  quoique  le  contrat  ne  leur 
»  ait  pas  été  exhibé  ».  Ainfi  parle  Boucheul  fur 
l'article  26  de  la  coutume  de  Poitou  ,  n°,  28.  «  Il 
»  cite  Thevenot ,  Lelet ,  Confiant  &  Filleau  fur  cet 
«  article ,  &  un  arrêt  du  parlement  de  Bordeaux  de 
»  l'an  1599»  remarqué  par  Automne  en  fa  confé- 
»  rence  fur  la  loi  5  ,  C.  in  quib.  cauf.  in  iniegr. 
»  refît  t.  »  *. 

On  peut  y  ajouter  un  Arrêt  du  parlement  de 
Touloufe  du  7  juillet  1583,  rapporté  par  M.  May- 
nard  ,  livre  4  ,  chapitre  46. 

En  parlant  ,  comme  nous  l'avons  fait  jufqu'ici , 
de  la  Prefcription  de  trente  ans,  nous  avons  eu 
en  vue  le  droit  le  plus  général  de  la  France  ;&  en 
effet  nous  avons  établi  à  l'article  arrérages  que  la 
difpofition  de  l'ordonnance  de  Louis  XII  de  1 5 10  , 
n'a  pas  lieu  relativement  aux  cens  &  rentes  fei- 
gneuriales. 

Mais  il  y  a  bien  des  coutumes  Se  des  provinces 
où  les  arrérages  de  ces  objets  font  fournis  à  une 
Prefcription  plus  courte. 

Nous  ne  parlons  pas  des  coutumes  qui,  mécon- 
noilTant  la  Prefcription  trentenaire,  y  ont  fubftitue 
léeile  de  vingt  ou  de  vingt-un  ans.  On  fent  bien 
que  dans  leur  territoire ,  les  arrérages  de  cens  ne 
peuvent  être  plus  privilégiés  que  les  allions  per- 
fonnelles  fondées  fiir  des  contrats.  Auffi  y  tienç- 
on  pour  maxime  qu'ils  font  fournis  à  la  Prefcription 


(i)  Loco  citaco. 
(.:J  Loco  çiuto. 


ordinaire 


PRESCRIPTION. 

ordinaire  :  la  coiuiime  de  la  gouvernance  deOouai 
en  contient  même  une  dirpofuion  exjjrefle  (i). 

Mais  il  y  a  des  coutumes  qui  ont  établi  pour  les 
arrérages  de  cens  ik  de  redevances  feigneuriales  , 
des  Prefcriptions  tout-à-fait  particulières. 

Celle  de  Bourbonnois,  article  18,  décide  que 
les  u  arrérages  de  cens  &  autres  deniers  portant  di- 
»>  re61e  feigneurie ,  fe  prefcrivcnt  par  dix  ans  ». 
La  coutume  de  Metz  ,  titre  1 4  ,  article  7  ,dit  à-peu- 
près  la  même  chofe  :  «  Quant  aux  arrérages  defdi- 
»  tes  rentes  &  droitures  feigneuriales  ,  ils  ne  pour- 
«  ront  être  demandés  que  de  dix  ans  ». 

Dans  la  coutume  de  Saint-Mihiel,  «  les  arréra- 
«  ges  de  cens....  ne  peuvent  être  demandés  de  plus 
»  que  des  cinq  dernières  années  v.  C'eft  la  difpo- 
fulon  de  l'article  11  du  titre  10  de  cette  loi.  On  la 
retrouve  dans  la  coutume  de  Berry  ,  titre  12 ,  arti- 
cle 8  ,  mais  avec  une  exception  :  fans  toutefois  y 
comprendre  les  arrérages  du  cens  dû  au  roi. 

Les  anciennes  ordonnances  de  Franche-Comté 
aflujettiffent  également  à  la  Prefcripiion  quinquen- 
nale ,  les  arrérages  des  cens  &  redevances  récogni- 
tives de  la  dircÔe. 

<t  J'ai  vu  prétendre  ,  dit  Dunod  ,  partie  3  ,  cha- 
«  pitre  10,  que  cette  Prefcription  étoit  interrom- 
i>  pue  par  des  billets  affiches ,  ou  des  proclamations 
>»  faites  à  l'iffue  de  la  mefle  paroiffiale  ,  pour  les 
»  cens  dûs  aux  feigneurs.  Mais  ce  devoir  que  le 
»  cenfitaire  peut  ignorer ,  n'cft  pas  fuffifant  pour  le 
n  mettre  en  demeure  ,  &  notre  ordonnance  de- 
»  mande  une  interpellation  judicitlle  ou  extra- 
î)  judicielle  ,  qui  doit  être  faite  à  la  perfonne  du 
»  débiteur  ».  C'eft  auffi  ce  qu'enfeignent  Soia  ,  un- 
ies ftatuts  de  Savoie,  glofe  iket jure  ,  nombre  7  ; 
Collet  fur  les  mêmes  lois,  livre  3  ,  fedlion  i,  re- 
marque 3  ,  &  Revel  remarque  51. 

Suivant  la  coutume  delà  Marche,  article  177  , 
le  feigneur  ne  peut  demander  que  quatre  années 
d'arrérages  de  cens. 

Enfin  il  y  a  des  coutumes  qui  déclarent  les  arré- 
rages Je  cens  prefcriptibles  par  trois  ans.  A  celles 
que  nous  avons  citées  plus  haut ,  fedion  2  ,  §.  6  , 
il  faut  ajouter  celles  de  Normandie  ,  &  de  la  châ- 
tellenie  de  Lille  (2). 

La  première  ,  après  avoir  décidé  par  l'article  21  , 
que  les  arrérages  des  rentes  feigneuriales  dues  aux 
hauts  jufticiers ,  ne  fe  prefcrivent  que  par  trente 
ans ,  &  que  par  conféquent  on  peut  en  exiger  vingr- 

(1-)  Voici  ce  qu'elle  porte  ,  ritre  I  ,  article  19  :  «  qu'il  eft 
M  permis  auxdics  feigneurs  vicomtiers  ,  par  faute  de  rentes 
»  non  paycet  &cjujqud  dix-neuf  années  i' arrérages  inclufi,'e- 
M  mfnc,  faire  faiûr  les  hétitages  d'eux  tenu;  ».  On  apperi^oic 
aif.-ment  pourquoi  cette  coutume  ne  permet  pas  aux  feigneurs 
d'exiger  plus  de  dix-neuf  annû-es  d'a;rér.ipcs.  C'eft  qu'après 
vingt  ans,  il  y  a  toujours  une  année  prcfcrite,  &  qu'ainfi  il 
re  peut  jamais  en  être  dû  plus  de  dix-neuf. 

(i)  Nous  pourrions  dire,  foi;î  /ci  P;ys-Bas,  lî   on   de  voit 
avoir   égard  au  placard  de  Ph'rppc  II  ,   roi  d'Efpagae  ,  de 
1^71,   rapoorté   dans  l'addition  à  l'article    Rbnte.  Mais, 
comme  on  Je  verra  an  même  endroit ,  la  dirpcfition  d;  ce  pla 
card  e;^  touil-'c'e  daui  une  défuctaJe  géntraJc. 

itiinc  xni. 


PRESCRIPTION. 


401 


neuf  années  ,  ajoute,  article  31 ,  que  les  bas-jufii- 
ciers  n'en  peuvent  demander  quir  trois  ans  ,  à  moins 
qu'il  nappa-oijfe  de  la  preinicre  fiefe ,  par  générale  hy- 
pothèque (i). 

On  a  demandé  ,  d'après  cette  difpofitlon  ,  fi 
l'aîné  d'un  tenement  qui  a  acquitté  tant  pour  lui 
que  pour  fes  puines  ,  plus  de  trois  années  d'une 
rente  qu'ils  dévoient  folidairement  avec  lui,  au 
feigneur  bas-jufticier  de  qui  relevoit  leur  héritage  , 
pouvoir  les  pourfuivre  pour  le  rembourfement  de 
tout  ce  qu'il  avoit  payé  pour  eux,  ou  s'ils  pouvoicnt 
luioppofer  la  Prefcription  triennale.''  Deux  arrêts  du 
parlement  de  Normandie  des  16  juillet   1654  (2) 

(  r  )  et  Ces  paroles  (  que  ncus  avons  niifes  en  italique  )  fonc 
»  ici ,  dit  Bafnage  ,  employées  fort  mal-à-propos ,  &  il  eît 
»  mal  aifé  de  leur  donner  un  fens  raifonnable.  S'il  ell  nccef- 
u  faire  que  la  première  fîeffe  contienne  une  générale  hypo- 
>•  thèque  pour  donner  droit  au  feignetirde  demander  plus  de 
»  trois  années  ,  il  s'enfuivra  par  la  même  railon  qu'on  pourra 
»j  aulli  demander  plus  tie  trois  années  d'une  rente  foncière  , 
»  Ictfque  Je  bail  à  rente  ne  contiendra  point  la  claufe  d'une 
3>  hypothèque  générale  ,  cette  paûion  n'étant  pas  moins  rc- 
»  quife  pour  les  rentes  foncières  que  pour  les  feigneuriales  , 
>•  puifqu'elles  or  t  un  même  principe  ,  &;  qu'elle*  font  créées 
»  pour  le  bail  à  rente  ou  fieffé  d'hciitage  ;  la  feule  différence 
»  confiftant  en  ce  point  ,  qu'il  n'y  a  que  celui  qui  a  droit  de 
"  hef  qui  puiffe  créer  une  rente  feigneuriale.  Et  c'eft  pour- 
M  quoi  Godefroi  fur  cet  article,  dit  qu'en  contéquence  de 
»  ces  paroles ,  s'il  n'apparoit  de  la  pren-ière  fieffé  par  gérerait 
»  hypiithîque  ,  il  avoir  toujours  cru  qu'on  ne  pouvoit  deman- 
»  der  plus  de  trois  années  d'arrérjges  d'une  tente  foncière, 
"  &:  toutefois  il  eft  d'un  ufage  certain  &  notoire  qu'on  peuc 
>t  en  demander  jufqu'à  vingt-neuf  années.  Il  eft  bien  vrai 
•1  que  quand  il  s'agit  du  dcguerpifTement  d'un  héritage,  le 
»  preneur  n'y  eft  point  re(,u  ,  quand  par  Ja  fieffé  ou  bail  â 
»>  renre  ,  il  y  a  une  obligation  &  une  hypothèque  générale 
•j  fur  tous  lej  biens.  C'eft  en  ce  cas  que  cette  claule  peut  va- 
M  loir  &  opérer,  mais  ce  ne  doit  point  être  en  vertu  de  cette 
n  c'iâufe  que  le  feigneur  adroit  de  demanJer  vingt-neuf  an- 
"  nées  ;  car  la  générale  hypothèque  ne  fait  rien  pour  le  nom- 
•  bre  d'années,  &  le  défaut  de  cette  ftipulation  n'a  point  été 
n  auffi  le  motif  qui  a  porté  nrs  légiilateu.s  à  réduire  &  liaii- 
•»  ter  à  trois  années  la  demande  des  arrérages  des  rentes  fei- 
»  gneuriales:  i's  ont  eu  ceté^ard,  que  les  rentes  feigneu- 
>3  riales  étant  fouvent  de  peu  de  confcquence  ,  il  feioittrop 
«  in;ommode  à  un  vaffai  de  conferver  ff  j  quitanccj  dutauc 
>•  tant  d'années  ;  que  d'ailleurs  les  feigneurs  ,  1;  plus  fou- 
»  vent ,  n'en  donnent  point  ,  &  qu'ils  fe  contentent  d'cm- 
»  ployer  les  payemens  fur  leurs  journaux;  &:  enlin  ,  que  le 
»  feigneur  ayant  fa  jufticc  &:  (e%  plaids  de  gage-pleige  qu'il 
"  fait  tçnirexpreflcment  pour  le  payement  de  fes  rentes ,  &: 
»  poiivant  même  punir  par  amendes  ceux  qui  n'y  viennent 
»  point ,  ou  qui  ne  payent  point  leurs  rentes ,  on  ne  préfume 
»  pas  qu'il  ait  négligé  fi  longtemps  de  s'en  faire  payer,  Se 
»  par  conféquent  il  etoit  raifonnable  de  limiter  le  temps  de 
»  cette  aûion,  pour  ne  leur  donner  pas  un  moyen  de  faire 
M  de  la  vexation  à  leurs  vaflaux  «. 

(1)  Voici  T'-foèce  de  cet  arrêt ,  telle  que  la  rapporte  Baf- 
nage ,  article  51. 

«  M'  Pierre  Dufour ,  avocat  .i  Caujebec  ,  avoit  payé  toutes 
»  les  rentes  d'une  aîncfTe  dont  i!  étoit  le  chef,  ou  pour  ufef 
»  du  terme  de  Normandie  ,  le  porteur  en  tvjne  ;  il  en  avoit 
>•  arrêté  les  comptes  avec  le  feigneur ,  mais  en  l'abf.-nce  des 
a  puîné*.  Dufour  ayant  demandé  à  Fierté  leMoyne,  cura- 
»  teur  de  Raulin  le  Maffon  ,  vingt-neuf  aniues  par  récom- 
»  penfe  ,  on  maintint  contre  lui  que  n'agifl'ant  qu'au  droit 
1*  du  feigneur ,  il  ne  pouvtfiit  demander  ^Iw.  de  trois  années. 

Ëe  c 


401  PRESCRIPTION. 

&  14  mal  1675  (i)  ,  ont  jugé  pour  ce  dernier  parti. 

A  l'égard  de  la  coutume  de  la  châtelleHie  de 
Liile ,  voici  comment  elle  s'explique  ,  titre  pre- 
mier, article  47:  «  Quand  un  feigneur...  procède 
j>  par  plainte  à  loi  &  laifie  d'héritages... ,  pour  avoir 
H  payement  de  plufieurs  années  de  rentes  feigneu- 
V  riales  excédant  trois  années,  l'héritier,  s'il  con- 
3)  dut  à  ces  fins,  fait  à  déclarer  quitte  en  payant 
3)  feulement  lefdites  trois  années  dues,  au  jour  de 
j)  ladite  plainte  ". 

Cet  article  a  donné  lieu  à  plufieurs  queftions  fur 
lefquelles  il  ne  fera  pas  inutile  de  nous  arrêter  un 
inftanr. 

Par  qui  la  Prefcription  dont  il  s'agit  peut-elle  être 
oppoféc  ?  Par  Vhér'nier  ,  répond  la  coutume  ,  c'efi- 
à-dire  ,  par  le  propriétaire  du  fonds  :  car  ,  dans  le 
langage  de  cette  loi ,  as  deux  expreffions  font  (y- 
Bonimes.  Elles  le  font  également  dans  plufieurs  au- 
tres coutumes.  Voyez  l  article  Héritier. 

Mais  ce  mot  hérïtitr  eft  il  abfolument  reftriiflif , 
&  ,  en  conféquence  ,  doit-on  faire  ceflfer  la  Prefcrip- 
tion de  trois  ans  ,  lorfqu'elle  efl:  oppofée  par  des 
créanciers  dans  une  difcufïïon  de  biens .''  L'affirma- 
tive a  été  adoptée  par  une  ancienne  fentencc  de  li 
gouvernance  de  Lille,  dontileft  fait  mention  dans 
un  commentaire  manufcrit  que  j'ai  fous  les  yeux. 
M.  PoUet ,  partie  2  ,  §  10,  nous  apprend  même 
que  telle  étoit  encore  de  fon  temps  l'opinion  com 
inune  des  praticiens.  Mais  ,  comme  il  le  remarque 
très-bien  ,  c'ert  une  erreur  infoutenable.  «  On  fent , 
»  dit  il ,  pourquoi  la  coutume  a  einployé  le  mot 
1»  hir'itier.  Comme  elle  traite  de  la  plainte  &  faifie 
3)  du  fond  ,  elle  ne  doit  regarder  pour  oppofant  'nie 
»  l'hiritier  ou  détenteur  du  fond  ».  Voyez  al?  fur- 
plus  le  §.  4  de  la  feéiion  i  de  cet  article. 

Lorfque  le  feigneur  ,  au  lieu  de  prendre  la  voie 
de  plainte  &  de  faifie  ,  vient  former  une  oppofition 
à  fin  de  conferver  ,  fur   des  deniers  confignés  foit 

ï>  Oufour  prctendoit  qu'à  Ion  égard  ce  n'âoic  qu'une  rent>; 
»3  foncière  ,  comme  li  l'aîné  avoit  rehaillé  en  fiefteà  Tes  puînés 
M  une  portion  de:  fon  tenciiient.  Par  arrêt  du  i  é  juillet  i  6  j  4. , 
»  Jes  puîn's  f"u;enc  condamnés  feu.'ctuenc  au  paye;iicnt  do 
»  irois  aiiuces ,  laiit'audi:  Oufour  j  faire  apparoir  de  diligen- 
»  ces  bonnes  &  valables,  &  d'adtc  judiciaire,  auquel  cas  le 
a»  puîné  ilcoit  àès  à  préfent  condamr.'î  à  Ta  rccoinpenfe  ». 

(i)  Cet  arrêt ,  dit  Bafnage  à  l'endroit  ciré  ,  a  été  rendu  en- 
tre Nicolas  de  Grieu  ,  appelant ,  Se  Simon  le  Cordier  ,  in- 
tirT.;.  '.c  (îeuî  le  Coidicr  avoit  fait  condamner  l'appelant  en 
fa  récompenle  de  plulîeiirs  années  de  rentes  feigneuriales  qu'il 
avoir  payées  comme  aîn';  au  feigneur  féodal.  De  Grieu,  pour 
moyc'.is  d'appel  ,  s'aidoit  de  l'arrêt  de  Dufour,  qu'à  propre- 
ment paiJer  le  iburenant  ne  doit  rien  au  feigneur,  parce 
«qu'ils  Ibnt  tenus  de  payer  aux  mains  de  l'aîné,  autrement  on 
rendroit  cet  article  iliufoirc:  le  feigneur  bailleroit  une  quit- 
tance à  l'aîné,  pour  avoir  un  iHoyen  de  demander  plus  de 
trois  années  au  puînc  Gréard  pour  l'intimé  convenott  que  la 
queliion  avoit  été  décilce  par  l'arrêt;  mais  il  demandoit  à 
prouv.rfj'ie  l'appelant  lui  avoit  promis  diverfes  fois  de  le 
payer,  Piulîeurs  ne  turi:nt  pas  d'avis  de  recevoir  cette  preuve  , 
&  que  l'aîn;  n'étoir  point  recevable  à  demander  plus  de  tiois 
»'inées  fans  diligences  va  ables  ;  il  fut  dit  néanmoins  avant 
«jue  de  faire  droit  fur  l'appel ,  que  riiuimé  fcroit  la  preuve 
.^  fon  fait. 


PRESCRIPTION. 

par  lin  acheteur  qui  a  obtenu  des  lettres  de  pur- 
ge (i)  ,  foit  par  un  adjudicataire  fur  décret  forcé, 
peut-on  exciper  contre  lui  de  la  Prefcription  éta- 
blie dans  l'article  47  de  la  coutume ,  5c  le  réduire  , 
en  conféquence  ,  a  trois  années  d'arrè.ages  ? 

M.  Pollet ,  à  l'endroit  cité  ,  dit  avoir  vu  loutenir 
oc  pratiquer  la  négative.  "  On  prétend  (  ce  font 
"  fes  termes),  que  l'exception  portée  par  cet  sr- 
"  ticle  ,  a  feulement  lieu  lorfque  le  feigneur  s'eft 
»  pourvu  par  la  voie  de  plainte  &  de  faifie  ». 

Mais,  cortinue-t-il ,  »  cette  reflridion  cft  con- 
»  traire  à  l'efpritde  la  coutume.  Selon  l'article  48 
»  le  feigneur  ne  peut  pourfuivre  les  a;rérages  de 
»  la  rente  feigneuriale  que  par  aélion  réelle  fur  le 
»  fond  qui  en  eft  chargé.  Elle  ordonne  par  l'arti^ 
»  cle  47  ,  qu«  tous  les  arrérages  antérieurs  aux 
»  trois  dernières  années  feront  prefcrits.  N'eft-ce 
»  pas  la  rendre  abfurde  que  de  vouloir  que  la 
'»  Prefcription  ne  puifie  avoir  lieu  ,  quand  le  fei- 
»  gneur  agit  par  une  voie  qui  ne  lui  eft  pas  per- 
»   mifc  ï)  ? 

Ce  ne  font  point  l'i  les  feules  erreurs  que  l'aveu- 
gle routine  des  praticiens  a  apportées  dans  l'inter- 
prétation de  notre  article. 

On  a  pràendu  que  nonobftant  l'offre  faite  avant 
la  plainte  &  faifie  ,  de  payer  les  trois  dernières  an- 
nées ,  le  feigneur  à  qui  il  en  feroit  diJ  davantage  , 
demeureroit  en  droit  de  fe  pourvoir  contre  fon 
cenfjtaire,  &  que  celui-ci  ne  pourroit  profiter  de 
la  Prefcription  dont  il  exciperoit ,  qu'en  payant  les 
frais  des  pourfuites  poHérieures  à  fon  offre. 

"  Cette  opinion  ,  dit  M.  Pollet  ,  choque  toutis 
»  les  règles  de  la  juftice  ,  de  l'équité  &  du  bon  fens. 
-  »  La  Prefcription  des  années  antérieures  aux  trois 
»  dernières ,  e(l  encourue  du  moment  que  la  der- 
»  nière  des  trois  eft  échue ,  8c  ne  dépend  point  de 
»  la  plainte.  Pourquoi  le  débiteur  ne  pourroit-il  pas 
»  s'en  fervir  avant  la  plainte .''  L'offre  du  payement, 
>»  refufèe  par  le  feigneur  ,1e  conftitue  en  défaut  i 
»  &  il  feroit  injuHe  de  lui  conferver  le  droit  de 
»  caufer  au  débiteur  les  frais  d'une  plainte  &  d'une 
»  faifie  ,  par  lefquelles  il  ne  pourroit  obtenir  que 
»  ce  qu'il  auroit  rcfufé. 

»  La  qiiedion  a  été  jugée  contre  le  feigneur  par 
»  arrct  rendu  au  rapport  de  M.  de  Flines  du  Trof- 
»  noy  le  28  avril  1702,  entre  M^  Jean  Delemer, 
»  curé  du  village  de  Gondecour  ,  appelant  du 
n  bailliage  de  Lille  .  &  Martin  Warefquiel  fieur 
»  Defcaudeliers  ,  intimé  ». 

Autre  erreur.  On  tenoit  autrefois  ,  il  a  même 
été  jugé  par  une  fentence  de  la  gouvernance  de 
Lille  de  1602,  &  quelques  praticiens  ,  dit  M.  VoV 
let ,  tiennent  encore  aujourd'hui  ,  que  fi  le  cenfi- 
taire  dénie  la  rente  dont  le  feigneur  pourfuit  le 
payement ,  il  ne  p^vit  pas  invoquer  fubfidiairement 
la  Prefcription  triennale.  On  prétend  jufiifier  cette 
opinion  par  la  loi  cùm  de  indebito  ,  qui  eft  la  25^  , 
D.  de  probationibus  ,  8c  on  afiure  qu'elle  a  été  adop- 

(i)  Voyez  FURCE. 


PRESCRIPTION. 

tée  par  un  arrêt  du  psrlcment  de  Flandres  du  24 
décembre  1704  ,  rendu  au  rapport  do  M.  Hanecart. 

Voila  des  aurorircs  graves  ,  en  apparence  :  mais 
M.  Follet  les  renverfe  en  peu  de  mots  : 

"  On  fait,  dit-il ,  une  mauvalfe  application  de  la 
»>  loi  càin  de  indebico.  Cette  loi  porte ,  que  lorfque 
n  celui  de  qui  on  répète  une  Tomme  de  deniers  ou 
w  autre  ciiole  comme  payée  indûment ,  nie  de  l'a- 
»  voir  reçue  ,  &  que  le  demandeur  prouve  l'avoir 
J>  payôe  ,  le  défendeur  doit  être  chargé  de  prouver 
"  qu'elle  lui  étoit  due.  C'eA  un  principe  du  droit, 
"  que  le  demandeur  doit  faire  preuve  des  faits  fur 
»>  lefquels  il  fonde  fes  conclufions.  L^  difpofition 
"  de  la  loi  cîim  de  indebïto  en  efl  une  exception  , 
"  en  haine  de  celui  qui  nie  calomnieufement  fon 
»  propre  fait  ;  &  il  n'eft  pas  permis  d'étendre  à 
»  d'autres  cas  les  exceptions  introduites  contre  les 
'»  principes  du  droit  (i).  Il  y  a  aulTi  cette  diffé- 
»>  rence ,  qu'il  fe  peut  que  celui  qui  nie  que  fon 
»>  héritage  foit  chargé  de  la  rente  ,  ne  le  nie  pas 
»  calomnieufement. 

»  Pour  ce  qui  touche  l'arrêt  rendu  au  rapport  de 
•>•>  M,  Hennecart,  j'ai  appris  de' lui-même  que  la 
»  cour  n'a  point  décidé  la  queflion  ,  &  que  le  pro- 
»>  ces  a  été  jugé  par  d'autres  moyens.  Elle  avoit 
»  même  été  décidée  au  contraire  par  un  autre  arrêt 
»>  rendu  ,  au  rapport  de  M.  de  Ruffy  le  30  oflobre 
>»  1702  ,  entre  le  baron  de  Portes,  appelant  du 
n  bailliage  de  Lille,  &  le  fieur  Stappart,  intimé  ». 

Remarquez  au  furplus,  qu'il  y  a  dans  le  reffoit 
de  la  coutume  de  la  châtellenie  de  Lille  ,  un  ar- 
rondiffement  particulier  où  les  arrérages  des  rentes 
felgneuriales  font  affranchies  de  la  Prefcription  de 
trois  ans.  C'eft  de  la  coutume  du  chapitre  de 
Saint-Priat  de  Seclin  que  nous  votilons  parler  :  elle 
décide,  article  6,  «qu'en  l'échevinage  de  l'égtife 
«  de  Saint-Priat  &  es  feigneuries  particulières  , 
I)  iceux  feigneurs  peuvent  pourfuivre  leurs  rentes 
«  pour  toutes  années  &  termes  qui  en  peuvent  être 
»»  dus  ,  &  doivent  être  payés  de  toutes  arrérages  , 
»  jaçoit  qu'ils  excèdent  trois  ans  ».  Cette  coutume 
lecale ,  rédigée  comme  celle  de  la  châtellenie  de 
Lille  en  1565,  n'a  reçu  aucune  atteinte  par  le  pla- 
card de  1571  ,  &  depuis, comme  avant  ce  placard  , 
on  y  a  toujours  tenu  pour  conftanr ,  que  les  rentes 
feigneuriales  n'étoient  pas  fujettes  à  la  Prefcription 
de  trois  ans.  C  eft  même  ce  qui  a  été  jugé  formel- 
lement par  arrêt  du  j)arlement  de  Flandres  du  13 
janvier  1779  ,  au  rapport  de  M.  de  Francqueville 
de  Courlon  ,  infirmatif  d'une  fentence  de  la  gou- 
vernance de  Lille  du  25  novembre  1774.  Les  par- 
ties étoient  le  chapitre  de  Saint- Piat,  &  Pierre 
Fourrière,  laboureur  à  Avelin. . 

Nous  examinerons  à  l'article  terrier  ,  fi  des  lettres 
de  terrier  peuvent  mettre  un  feigneur  à  l'abri  de  la 
Prefcription  ,  lorfqu'il  ne  s'agit  que  d'arrérages  de 
cens. 

(i)  .  quod  verô  ï 4  fF.  d?  legibus.  Foyi^  a' Saudc  fur  la  Zuj 
quôd  contra,  14I  ,fF,  de  rcgulis  jutis. 


PRESCRIPTION. 


40) 


*  Distinction  XIL  De  la  Prefcription  di  Ji-jneur 

àfei^riiur, 

La  Prefcription  des  droits  fe'gneuriaux  n'efl:  pro- 
hibée qu'entre  les  deux  corréif  tif> ,  le  feigneur  & 
le  vadal  :  à  l'égard  de  toute  autre  perfcnne  on  fuit 
le  droit  commi;n  (i).  De-là  réfulte  la  conféquence 
que  deux  feigneurs  voifins  ,  n'étant  point  récipro- 
quement dans  la  dépendance  féodale,  peuvent  pref- 
crire  l'un  contre  l'autre  par  les  règles  ordinaires  de 
la  Prefcription  ;  en  forte  que  fi  l'un  d  eux  a  perçu 
publiquement  «Se  pendant  le  laps  de  trente  ans,  un 
cens  appartenant  à  l'autre  ,  il  en  eft  devenu  par-là 
propriétaire  inconteflable  ;  fa  poiTefTion  lui  a  tram" 
fêré  la  mouvance  de  l'héritier  cenfuel  (2). 

Tel  eft,  quoi  qu'aient  dit  Dupleftls  &  quelques 
autres,  le  véritable  fensde  l'article  123  de  la  cou- 
tume de  Paris;  cet  article  porte  :  Cens  portant  di- 
rcélejcigneurie  efl  prefcriptible  par  feif^neur  contre  fei- 
gneur ,  &  fe  peut  prefcrire  par  trente  ans  contre  âgés  & 
nort  privilégiés  ,  &  par  quarante  ans  contre  VigUfe  ,  s  il 
n'y  a  titre  ou  reconnoiffance  dudit  cens  ,  ou  que  le  dc- 
tempieur  ait  acquis  l'héritage  à  la  charge  dudit  cens. 
C'eft  cette  dernière  difpofition  qui  a  égaré  Dii- 
pleflis  ;  cet  auteur  a  cru  y  voir  un  obftacle  infur- 
montable  à  la  Prefcription  ,  toutes  les  fois  que  le 
feigneur  pouvoir  repréfenter  titre  ou  reconnoiiTanca 
du  cens.  Mais  comment  cet  auteur  nes'eftilpas 
apperçu  qu'il  choquoit  les  principes  de  la  matière 
les  plus  direcis  ?  Qui  a  jamais  dit  en  effet  qu'un  titra 
fût  un  obftacle  à  la  Prefcription  trentenaii  e }  N'eft- 
ce  pas  au  contraire  pour  anéantir  le  titre  ,  que 
cette  efpèce  de  Prefcription  a  été  introduite  :  ces 
derniers  mots  de  l'article  123  ne  fignifient  donc 
rien  autre  chofe  ,  finon  qu'une  reconnoiftance  du 
cenfitaire  interrompt  la  poft'effion  du  feigneur  prcf- 
crivant ,  de  manière  que  fi  le  temps  néceffaire  pour 
prefcrire  n'eft  pas  écoulé  à  l'époque  de  cette  re- 
connoiflance ,  il  faut  encore  ,  à  compter  de  cette 
époque  ,  une  pofleirion  trentenaire  pour  accomplir 
la  Prefcription. 

Ce  qui  a  donné  lieu  à  cette  opinion  finguliêre, 
&c  à  plufieurs  autres  interprétations  non  moins  bi- 
zarres que  la  coutume  de  Paris  a  reçues  fur  ce  point, 
eft  la  grande  incertitude  des  termes  trop  values 
&  trop  généraux  dans  lefquels  larticle  1.^3  a  été 
conçu. 

En  effet,  fi  l'on  parcourt  les  premiers  inter- 
prètes de  la  coutume  fur  cet  article  ,  on  reconnaî- 
tra qu'ils  l'ont  tous  entendu  d'une  manière  difté- 


Qi)  Ubicumi.]ue  hnius  niodi  correlativa  oppoâtio  repeti- 
tur.numquam  liibebit  locum  pi^fcriptio  ;  ali^jtjuin  libéré 
prïfciibitur  ,  &  lie  débet  intelligi  noltra  conùiecudo,  (nniii- 
ter  &  AiiteliaBenfis  &  cœtera;  confuetudines  huju';  regni  quE 
in  hoc  confo:mantur.  A\n(i  i'exprjm:  Dumoulin  fur  Varticiz  7 
delà  coutume  de  Paris,  n°.i{. 

{i)  C'ejl  encore  U  dcc'fion  de  Dumoulin  à  l'endroir  chc. 
Diio  patroni  five  duo  domini  diredti  ejurdem  feudi  pcfTunt 
alcer  contra  alcerum  foli^uin  feuium  li/e  folidum  direâiim 
jus  &  dotninium  feudaleprarciibcndoacquirere. 

Eeeij 


404  PRESCRIPTION. 

rente  ;  chacun  d'eux  en  a  pofé  l'erpèce  fuivant  fa 
prévention  ou  fes  conjectures  ;  fouvent  plus  heu- 
reux à  combattre  les  interprétations  des  autres  , 
qu'à  établir  la  fienne.  Ainfi ,  la  plus  jufte  confé- 
t^uence  qu'on  puiiTe  tirer  de  ce  combat  d'opi- 
nions ,  eft  que  cet  article  de  la  coutume  de  Paris , 
comme  plufieurs  autres  ,  a  été  fort  mal  rédige  , 
&  que  ,  fans  s'arrêter  à  une  décifion  fi  vague  & 
fi  peu  déterminée  ,  il  faut  recourir  en  ce  cas  aux 
règles  générales  du  droit  commun. 

Si  l'on  ne  le  contente  pas  de  cette  première  ré- 
flexion ,  &  ii  l'on  veut  abfolument  pénétrer  le  véri- 
table fens  de  cet  article  ,  on  en  trouvera  l'interpré- 
tation la  plus  naturelle  dans  les  commentaires  de 
Joly  &  de  Brodeau  ,  ou  ,  pour  remonter  encore 
plus  haut,  dans  les  principes  généraux  établis  par 
Dumoulin  fur  le  feptième  article  de  l'ancienne  cou- 
tume de  Paris. 

Or,  quel  eft,  fuivant  ces  deux  commentateurs  , 
le  fens  de  l'exception  établie  par  la  coutume  ,  lorf- 
qu'elle  marque  que  la  Prefcription  de  trente  ans  , 
qui  a  lieu  de  feigneur  à  feigneur  en  matière  de 
cenfive  ,  ceffe  toutes  les  fois  qu'i/  y  a  titre  ou  n- 
connoijfance  ?  Elle  veiu  dire  ,  que  quoiqu'un  des 
feigncurs  ait  été  en  poflefllon  de  toutes  les  mar- 
ques de  fuzeraineté  pendant  l'efpace  de  temps  ré- 
glé par  la  coutume  ,  ôc  qu'ainfi  il  femblc  qu  il  ne 
lui  manque  rien  pour  avoir  acquis  la  Prefcrip- 
tion ,  fi  néanmoins  pendant  ce  même  temps  l'au- 
tre feigneur  a  été  reconnu  par  le  même  vaflal  , 
ou  s'il  y  a  eu  quelqu'autre  ture  entre  ce  vaiïal  & 
lui  qui  ait  confervé  fes  droits  ,  la  Prefcription  eft 
AifTlfamment  interrompue,  &  la  poireffion  du  pre- 
inier  feigneur  lui  devient  inutile. 

Tel  a  donc  été  l'efprit  des  réformateurs  de  la 
coutume  i  ils  ont  cru  que,  pour  acqi;érir  un  nou- 
veau vaftal  par  la  voie  de  la  Prefcription  ,  il  ne 
fuftlfoit  pas  d'avoir  poftedé  ,  pour  ainfi  dire,  ce 
vaiTal  par  diiférens  adies  de  féodalité  exercés  pen- 
dant trente  années  ,  mais  qu'il  falloit  encore  qu  au- 
cun autre  feigneur  ne  l'eût  poffédé  ;  en  forte  que 
deux  conditions  doivent  toujours  concourir  en 
cette  matière  ,  défaut  de  poffeffion  de  la  part  d'un 
des  feigneurs  ,  Ôc  podeflion  réelle  &  aâuelle  de  la 
part  de  l'autre. 

C'eft  non  feulement  le  meilleur  fens  ,  mais  l'u- 
nique fens  raifonnable  qu'on  puiffe  donner  à  cet 
article. 

Autrement,  &  fi  on  l'entendoit  comme  Du- 
pleffis  ,  il  s'enfuivroit  de  cet  étrange  principe  ,  que 
jamais  la  Prefcripuon  n'auroit  lieu  ,  à  proprement 
parler,  en  m.uiè  e  de  mouvance  féodale. 

Car  fi  elle  n'a  lieu  que  lorfque  le  feigneur  auquel 
on  l'oppofe  ,  n'a  ni  titre  ni  reconnoifTance  de  fon 
côté,  il  eft  ^jvident  qu'elle  eft  abfolument  inutile  à 
celui  qui  la  lui  cppofe  ;  en  effet  ,  pourquoi  op- 
poferoit-il  l.i  Prefcription  à  un  feigneur  qui  n'a  ni 
titre,  ni  reconnoiftance  en  fa  faveur,  &  qui,  par 
conféqiient,  n',i  aucun  droit  contre  lequel  on  ait 
eu  befoin  du  fecours  de  la  poiTciHon .''  Au  con- 


PRESCRIPTiON. 

traire  ,  bien  loin  que  la  Pre  cription  cède,  lorfque 
!e  feigneur  qui  la  combat ,  allègue  des  titres  &  des 
rcconnoif.ances  en  fa  faveur,  c'eft  précifément  dans 
ce  cas-là  que  la  Prefcription  devient  néceffaire  aa 
pofléffcur. 

Ainfi ,  ou  la  coutume  n'a  aucun  fens  raifonnable , 
ou  les  reconnoidances  &  les  titres  dont  elle  parle 
ne  peuvent  être  que  ceux  qui  ont  été  donnés  à  un 
des  deux  feigneurs  ,  pendant  que  la  Prefcription 
fembloit  courir  en  faveur  de  l'autre. 

Aufti  ,  quelque  diverfité  de  fentimens  qu'il  y 
ait  eu  fur  ce  lujet  entre  les  premiers  commen- 
tateurs de  la  coutume ,  les  opinions  fe  réunilTent 
à  préfent  en  faveur  de  l'interprétation  naturelle 
que  Brodeau  a  donnée  à  cet  article.  Les  derniers 
interprètes  la  fuivent  tous  ;  &.  c'tft  une  maxime 
certaine  de  notre  jurifprudence  ,  non  fcuLment 
que  la  mouvance  ik  la  direéle  peuvent  fe  pref- 
crire  entre  deux  Seigneurs ,  mais  qu'il  n'y  a  que 
les  reconnoifl'ances  données  pendant  le  cours  de  la 
Prelcription  ,  qui  aient  la  force  d'en  arrêter  le  cours 
&  d'en  empêcher  l'accomplilfement.  * 

Nous  difons  h'mouvance  &  la  dluEte  ^  car  quoi- 
que l'article  123  de  la  coutume  de  Paris  ne  parle 
nommément  que  de  celle-ci ,  il  n'en  eft  pas  moins 
V  rai  qu'on  ne  doit  mettre ,  à  cet  égard ,  aucune  uiffé- 
rence  entre  les  fiefs  &.  les  cenfives. 

Auftî  atil  été  jugé  ,  comme  nous  rapprenons 
d'Auzanet  fur  cet  article  ,  qu'un  feigneur  avoit  pu 
prefcrire  contre  un  autre  feigneur  la  mouvance 
d'un  fi-jf;  l'arrêt  a  été  rendu  le  1 5  décembre  164}  , 
à  la  troifième  chambre  des  enquêtes  ,  Si  pro- 
noncé le  lendemain. 

Le  parlement  de  Paris  n'a  fait  en  cela  que  fe 
conformer  à  l'ef'prit  général  des  coutumes,  ôc  à 
la  jurifprudence  des  arrêts  des  autres  tribunaux. 

Mais  c'eft  une  queftion ,  fi  l'on  doit  juger  de 
même  entre  un  fuzerain  &  fon  vaftal ,  &  fi  en  con- 
féqiience  le  premier  eftincapable  de  prefcrire  contre 
le  fécond  la  mouvance  d'un  arrière-Heh 

La  coutume  de  Bretagne,  article  294,  décide 
pour  l'affirmative  ,  &  fa  difpofition,  quoiqu'un  peu 
obfcure,  forme  une  maxime  très-conftanie  dans 
cette  province.  Poulain  du  Parcq  qui  la  combat, 
en  convient  lui-même  ;  &  il  rapporte  un  aéle  de 
notoriété  du  8  juillet  1737  ,  par  lequel  il  eft  atteftè 
«  que  le  lien  de  féodalité ,  qui  eft  entre  le  fei- 
»  gneur  &  le  vaifal ,  empêche  qu'il  puifl'e  y  avoir 
•)i  aucune  Prefcription  entr'eux  pour  ce  qui  con- 
rt  cerne  les  droits  &  devoirs  de  fief,  ôi.  que  cette 
j>  loi  eft  réciproque  &  également  au  profit  du 
n  feigneur  &  du  vaffal. 

w  Qu'il  réfulte  de  ce  principe  que  le  fe'gneur 
■H  ne  peut  prefcrire  contre  fon  vaftal  les  mou- 
11  vances  de  ce  vaft'al  ,  comme  le  vaflal  ne  peut 
17  prefcrire   les  mouvances  de  fon  feigneur. 

»  Que  fi  l'arriére-vaftal  a  rendu  des  aveux  au  fei- 
!>  gneur  fupérieur  ,  ces  aveux  rendus  fans  la  par- 
»  ticipation  du  feigneur  proche  ,  font  des  titres 
»  étrangers  6c  inutiles  à  fou  égard ,  &  incapables 


PRESCRIPTION. 

«  de  lui  faire  perdre  fa  mouvance  ,  lorfqu'il  en 
»>  eft  duement  inféodé  par  les  titres  primordiaux 
r>  de  rinféodation,  ou  par  les  aveux  qu'il  a  ren- 
»  dus  au  fupérieur  qui  eft  fon  feigneur  proche  ». 

Mais  que  doit-on  décider  hors  de  cette  coutume  ? 

Guyot  ,  dans  fes  differtations  fur  les  matières 
féodaLis ,  tom.  2  ,  pag.  26,  rejette  également  la  Pref- 
cription  ,  par  la  raifon  ,  dit- il  ,  que  c'eil  le  cas  de 
la  règle  qui  empêche  le  feigneur  &  le  vaffal  de 
prelcrire  l'un  contre  l'autre. 

Mais  on  répond  ,  Ô''  il  a  été  établi  ci  deffus  , 
difttnâion  III,  que  il  cette  règle  fait  obftacle  à  la 
Prefcriprion  ,  ce  n'eft  que  relativement  à  ce  que 
le  feigneur  détient  par  puiflance  de  fief.  D'ailleurs 
en  prefcrivant ,  dans  notre  efpèce  ,  contre  fon  val- 
fal  ,  le  feigneur  fuzerain  ne  fait  que  rapprocher 
les  chofes  de  leur  premier  être ,  &  ce  retour  ell 
favorable. 

Il  ne  paroît  y  avoir  dans  la  jurifprudence  des 
arrêts  ni  incertitude  ,  ni  variation  fur  ce  point  : 
dans  tous  les  temos,  on  a  jugé  que  le  roi  même 
pouvoir  prefcrire  contre  fon  vaffal  immédiat  ,  la 
mouvance  d'un  arrière-fief. 

M.  de  Salvaing  qui  traite  parfaitement  la  quef- 
tion  dans  le  chapitre  16  de  fon  traité  de  l'ufage  des 
fiefs  ,  rapporte  un  arrêt  du  parlement  de  Pans  qui 
l'a  ainfi  décidé  au  fiijet  d'une  arrière-mouvance 
du  duché  d'Orléans  (i)  ;  &  nous  voyons  dans  les 
réponfes  de  Carondas,  livre  2,  chapitre  2,  que 
cet  arrêt  a  été  rendu  à  la  première  chambre  des 
enquêtes,  le   28   juin   1578. 

M.  de  Salvaing  nous  apprend  encore  qu'il  exifle 
deux  arrêts  femblablej  du  parlement  de  Touloufe  , 
l'un  qu'il  ne  date  point,  &  l'autre  du  28  juillet  1 644. 

M.  de  Catellan  ,  livre  3  ,  chapitre  29 ,  cite  un 
troifième  arrêt  de  la  même  cour  du  18  juillet  1652, 
qui  confirme  encore  cette  opinion. 

Mais  ne  faut-il  pas  en  excepter  le  cas ,  où  c'eft 
contre  l'églife  que  le  roi  a  poffedé  la  mouvance 
d'un  arrière-fief  de  la  couronne  ?  le  roi  peut-il 
prefcrire  contre  l'églife  ,  tandis  qu'il  en  efl  le  pro- 
tefleur  né  ,  &  le  gardien  fuprème  ? 

Nous  ne  connoiiTons  que  trois  arrêts  fur  cette 
queftion  ;  les  deux  premiers  font  du  parlement 
de  Touloufe,  &  tous  deux  contre  le  parti  de  la 
Prefcription.  Le  premier  avoir  pour  objet  la  terre 
de  Caftelnau  de  Monratié  :  le  fécond  ,  qui  eft  du 

[i]  Voici  Je  quelle  manicre  s'explique  ce  magiilrat  :  te  Le 
a»  feigneur  de  Voinvillc  avoit  faic  failir  féoJalemeat  le  fei- 
M  gneur  de  la  Rouflîere  ,&:  foutenu  contre  lui  qu'il  étoit  de 
M  fa  mouvance  ,  pour  la  preuve  de  quoi  il  rapporroic  le; 
»  aveux  donnés  par  les  prédécelfeurs  aux  ducs  d'Urltans,  il 
••  yavoitplujde  deux  cents  ans  ,  dans  lelquels  aveux  le  fei- 
■  gneur  de  la  Roufiîere  étoit  compris  entre  les  vaflaux.  Celui- 
»  ci  répondoit  que  fes  prédécefTeurs  aymt  fait  la  foi  &  liom- 
»  raag;  au  roi  depuis  cent  ans ,  il  étoit  devenu  valTal  de  fa 
»  ffia;e!lé.  Le  feigneur  de  Poinville  tépliquoit,  qu'étant  vaf- 
»  fal  du  roi,  la  Prel'cription  n'avoit  pu  courir  contre  lui.  M. 
»  le  duc  d'Orléans  8c  M.  le  procureur  général  du  roi  étant 
»  intervenus  en  la  caitfe,  foutinrenr  que  le  roi  avoit  pu  prel- 
w  ciicc  la  raouvance.  Ce  (][i)i  fut  ;ugé  de  la  force  «. 


PRESCRIPTION.        4û> 

20  décembre  1675  ,  concernoit  la  Baronie  de 
Vabres.  On  peut  en  voir  l'efpèce  dans  le  recueil 
de  M.  de  Catellan  ,  à  l'endroit  ciié. 

Mais  fi  l'on  pèfe  les  raifons  fur  lefquelles  ce 
magidrat  en  fonde  la  décifion  ,  ofons  le  dire  ,  on 
les  trouvera  en  partie  trés-foibles  ,  &  en  partie 
ridicules.  'Voici  comment  il  s'exprime  :  «  Il  n'eft 
»  rien  de  fi  fort  que  les  liens  par  lefquels  le  roi 
»  tient  à  l'églife  ;  elle  a  droit  fur  fa  prote£}ion  com- 
»  me  fujette,  comme  valTale  &  comme  églife; 
»  le  triple  lien  ejl  diffiàie  à  rompre,  fuivant  l'ex- 
»  preiïion  de  Fecriturc;  la  proteélion  que  le  roi 
»  doit  à  l'églife  en  cette  qualité,  eft  un  devoir  plus 
»  religieux  encore  que  tous  les  autres.  Toutes  ces 
»  raifons  empêchent  qu'il  ne  prefcrive  l'arriére- 
s)  fief  fur  elle  ;  il  n'en  taut  pas  moins  pour  ôter 
5j  au  roi  un  droit  commun  6(.  ordinaire». 

Ainfi  parle  M.  de  Caiellan  ,  Se  ,  comme  l'on 
voit,  fon  raifonnemeni  ell,  à  certains  égards,  digne 
de  fervir  de  pendant  à  lidée  de  Brodcau  qui  pré- 
tend quelque  part  que  les  fieFs  de  dignité  font 
inipartageabks  ,  parce  que  la  couronne  que  por- 
tent dans  leurs  armoiries  les  fcigneurs  titrés,  efl 
le  fymbole  de  la  fainte  Trinité  qui  efl  une. 

Ces  manières  de  parler  pouvoient  éblouir  dans 
des  temps  ou  toute  l'étude  du  droit  confifioit  à  fe 
traîner  fervilement  fur  les  idées  des  autres  ;  mais 
aujourd'hui  que  l'efprit  de  critique  a  fait  briller 
fon  flambeau  dans  la  jurifprudence  ,  de  pareilles 
idées  ne  feroient  sijrement  plus  fortune  ;  &  fi 
notre  queftion  fe  repréfentoit ,  l'opinion  de  M. 
de  Catellan  auroit  fans  doute  le  fort  qu'a  eu 
celle  de  Brodeau  à  la  grand'chambre  du  parle- 
ment de  Paris  le  ç  février  1778  (i). 

Du  relie  ,  Vedel  dans  fes  obfervations  fur  les  ar- 
rêts du  magiflrat  cité  ,  fait  très  bien  fentir  l'er- 
reur de  ceux  dont  nous  avons  parlé  d'après  celui-ci. 
«  Il  me  femble,  dit-il  ,  que  le  roi  peut  prefcrire 
»  par  le  laps  de  40  ans  »  ;  &  il  en  donne  la  raifon, 
«  Toutes  les  feigncuries  émanant  originairement 
»  du  roi ,  S>(.  l'églife  ne  les  polTédant  que  par  con- 
»  ceffion  ,  c'eft  remettre  les  chofes  dans  leur  pre- 
»  mier  état ,  que  de  faire  rentrer  en  la  main  du 
M  roi  par  la  voie  de  la  Prefcription,  la  mouvance 
»  de  l'arrière-fief  ;  &  cela  efl  en  foi  favorable  (2). 
—  La  proteiftion  que  le  roi  «  doit  à  l'églife  ne 
»  l'empêche  pas  d'ufer  du  droit  commun  ,  &  de 
»  pouvoir  prefcrire  contr'elle  pour  une  chofe  pu- 
»  rement  temporelle  ,  &  pour  l'intérêt  particulier 
»  de  fon  domaine.  —  Cette  proteftion  confiée  à 
»  prêter  fon  bras  &  fa  puilTance  à  l'églife  pour 
»  en  faire  exécuter  les  lois.  C'efi  dans  ce  fens  qu© 
n  les  anciens  pères  donnèrent  au  grand  Conftantin 
»  le  nom  d'évèque  extérieur  de  l'églife ,  &  que 
j»  le   fix'ème   concile  de  Paris  dit  que  les  princes 

[_  ]   ■  oyiri  Liol  1  iME  .  icctiob  9  ,  §.  1. 

Il  Res  en'm  fjrilè  rei/ftkur  ad  nrurd'-'i  Juam.  Cap,  ab 
exorlio  ,  di'tinrt.  jj  Glofe  de  la  pr.igma;ique  ,  in  pramio ,  aa 
mot  univerjïs,  Haanniuï,  de  refigiiécionibus ,  livre  6  ,  tiirç  5  , 
nambie  10, 


4o6 


PRESCRIPTION. 


»  du  fiècie  ii;nncnt  quelquefois  au  dedans  de  Te- 
17  glife  le  jvremicr  rang  de  la  puiilance  qu'ils  ont, 
j>  afin  de  munir  la  difcipline  ecclcfiaftique  par  cctce 
»  puifi'r.iicc  ,  fuivant  Toliervation  de  M.  Talon, 
>5  traite  i^e  l'autorité  Jcs  rois  ,  dans  fadminifl-ation 
3j  de  L'é^iijt,  p.'ge  112;  mais  la  protection  qu'ils 
>»  doivent  à  Icglife  ne  va  p;.s  iufqu'à  dépouiller 
»  leur  domaine  en  fa  faveur;  &  l'eglife  n'a  point 
»  à  fe  plaindre  fi  le  roi  ufe  du  droit  que  la  Pref- 
»  cription  lui  acquiert ,  puKqu'en  cela  il  n'a  pas 
»  plus  de  privilège  qu'un  particulier  qui  peut  pref- 
î>  dire  contre  l'eglife  ». 

Auflî  en  a-t-il  été  jugé  de  la  forte,  par  le  troi- 
fiéme  ariét  que  nous  avons  annoncé.  Il  a  été  rendu 
au  parlement  de  Bordeaux  le  8  février  1691 ,  en- 
tre le  fermier  des  domaines  &  les  bénédiflins 
d'Aixe  (1). 

H  relie  à  favoir  comment  s'opère  la  Prefcrip- 
tion  d'une  mouvance  féodale.  On  doit  preflenrir 
qu'elle  n'eft  pas  aufli  facile  que  celle  d'une  direfte 
cenfuelle  :  le  cens ,  en  effet  ,  fe  prefcrit  tous  les 
ans  :  par  conféquent  chaque  année  le  prefcrivant 
fait  un  ade  de  poffelTion  qui  avertit  fuliifamment 
le  véritable  feigneur ,  &  l'expofe  juftement  au  re- 
proche de  négligence  s'il  n'agit  pour  arrêter  la 
Prefcription.  Mais  à  l'égard  des  fiefs,  les  occa- 
fions  d'exercer  la  fuzeraineté  font  plus  rares  :  il  faut 
ou  un  décès  ou  une  mutation  par  aéle  entre-vifs  , 
&  l'un  ou  l'autre  n'arrivent  pas  fréquemment. 

Trois  de  nos  coutumes  ont  prévu  cette  dif- 
ficulté. 

Celle  de  Nivernois  ,  titre  des  fiefs,  article   1?, 

(l)  Voici  coinintiitca  arrzt  ifi  rappurt: par  lu  r'eyrere  ,  ic- 
tre  P  ,  nombre  S .4  : 

«  Le  fieuc  deVaillac  vendit  à  la  dame  de  Gieulat  une  nié- 
33  tairie  de  Campai^nac  dépendante  de  la  terre  de  Cafianeuil , 
n  excnipre  de  caille  &:  noble.  Le  lyndic  de.";  béncdidins  de  l'ab- 
M  baye  d'Aixe,  fe  prétendant'' feigneur  direft  &  foncier  de 
M  ceite  métairie  ,  en  conféquence  d'une  baillette  (^  ou  bail  .1 
»•  cens  )  de  I4<;i  ,  fait  aftion  à  la  dame  de  Cieulat  pour  payer 
M  les  lods  &  ver.t  -s  de  la  métairie  en  qucftion  ;  le  fermier  du 
«domaine  intervint  en  cette  inlcance  ,&  prétendit  que  le 
n  roi  devoir  avoir  ces  lods  &  ventes  ;  parce  que  la  métairie 
M  de  Campaignac  étoit  tenue  par  M.  de  Vaillac  en  avricre 
»  fief  du  roi ,  pour  laquelle  il  avoit  été  rendu  fcpt  diveis  hom- 
M  mages  ;  au  lieu  que  de  la  part  des  bénédictins,  leur  titre 
Dj  étoit  dénué  de  poffeffion  ,  n'y  ayant  jamais  eu  d'adion  con  - 
s»  lie  ie  tenancier  pour  le  payement  de  la  rente  ,  ni  dans  les 
»  diverfes  ouvertures  de  fief  pour  les  lods  &:  ventes  :  de  forte 
«  que  le  roi  fe  trouvoic  en  pofle/Tîon  par  les  divers  hommage:. 
M  qu'il  avoit  reçu  s, au  lieu  que  le  titre  àes  bénédiflins  n'étoic 
M  fuivi  d'aucune  pofleilion  :  le  fermier  du  doinaine  rapportoit 
35  de  plus  pour  piouver  la  nobilité  de  cette  métairie,  un  certi 
»•>  ficat  des  jurais  de  Cafianeuil ,  qui  prouvoit  que  depuis  plus 
»  décent  ans  la  métairie  de  Campaignac  n'avoit  point  été 
M  encadafkrée  au  rôle  des  tailles.  Par  arrêt  du  8  février  iSj  i  , 
m  donné  au  rapport  de  M.  de  Mofnier  ,  les  lods  &:  ventes  fu- 
irent adjugés  au  roi.  [e  motif  de  l'arrêt  fut  qu'en  concouis 
«  du  roi  &  d'un  feigneur  quel  qu'il  foie  ,  la  Prefcription  de 
M  voit  faire  décider  le  droit  en  faveur  de  la  poffedîon  ;  &  dans 
»  l'hypothéfe  ,  comme  le  roi  avoit  été  en  pofTeffion  par  ]es 
s«  hommages  qui  lui  avoient  éié  rendus ,  &;  que  les  béné^ic- 
»  tins  deltfur  part  n'avoient  point  d'ade  polîefloire  en  leur 
M  faveur,  le  ferniiet  du  doHuioe  obtint  gain  de  caufc,  avec 
M  dépens  », 


PRESCRIPTION. 

porte  que  pour  prefcrire  la  mouvance  d'im  fief, 
de  feigneur  à  feigneur,  il  faut  le  pofleder  trer.te 
ans  ,  contre  i!n  laïque  ,  &  quarante  ans  contre 
l'eglife  ,  «i  &  qu'il  y  ait  eu  deux  diverfes  ouvertures 
»  avec  faifies  réelles  duement  notifiées  ». 

La  coiuume  de  Berry  dit  la  même  chofe  ,  ti- 
tre des  Prefcrip'.ions  ,  article  9  ,  Sc  elle  ajoute  que 
la  Prefcription  commence  à  courir  du  jour  de 
l'exploitation  de  la  première,  faifie  féodale. 

Les  chartes  générales  de  Hainaut ,  chap.  107, 
art.  10,  déclarent  la  mouvance  prefcrite,  lorfque 
pendant  vingt-une  années  ,  terme  auquel  efl  ré- 
duite en  cette  province  la  Prefcription  que  le  droit 
commun  fixe  à  trente  ans  ,  la  foi-hommage  a  été 
rendue  trois  fois  de  fuite  à  un  feigneur  qui  n'eft  pas 
fuzerain  du  fief  fervant,  mais  fe  prétend  tel. 

Ces  di(pofitions  ,  quoique  différentes,  ont  pour- 
tant un  même  principe ,  &  ce  principe  eft  établi 
ci  deffus  ,  fnflion  1  ,  §.  5.  La  poffeffion  d'une 
chofe  incorporelle  (avons -nous  dit  en  cet  en- 
droit), ne  fe  perd  que  quand  l'ancien  poffeffeur  a  fu 
qu'un  autre  jouiffoit  ,  &  qu'il  l'a  toléré  :  il  faut 
donc  dans  notre  efpèce  ,  que  le  feigneur  domi- 
nant ait  (u  qu'un  autre  a  interverti  fa  poffeffion 
en  l'ufurpant  ;  &  cette  connoiffance  ne  peut  fe 
préfui-îier,  qu  après  un  certain  nombre  d'adcs  de 
iuzeraineté  .  exercés  par  l'ulurpateur. 

Mais  y  a  t-il  fur  cette  matière  une  règle  certaine 
&  capable  de  fuppléer  au  filence  de  la  plupart  de 
nos  coutumes  ?  Non ,  mais  les  auteurs  font  une 
diftinétion  qui  peut  en  tenir  lieu. 

Si  le  prefcrivant,  dit  M.  de  Salvaing,  chap.  16  , 
n'eff  entré  en  poffeffion  que  par  des  ades  de  foi- 
hommage  fans  profit,  il  ne  peut  acquérir  ia  mou- 
vance c]ue  par  le  laps  de  cent  ans.  Mais  s'il  y  a  eu 
des  mutations  utiles  ,  &  qu'il  en  ait  reçu  les  droits  , 
la  Prefcription  eft  confommée  après  trente  ans. 

Dunod  établit  la  même  do&ine  ,  partie  3  ,  cha- 
pitre 9  :  «  Lorfque  les  fiefs ,  dit- il ,  ne  font  pas  de 
)'  profit ,  mais  d'honneur  fimplement  ,  ou  qu'il  n'eft 
>'  point  arrivé  de  mutation  utile,  les  feigneurs  ne 
n  font  pas  exaéls  à  fe  faire  rendre  les  devoirs  quand 
»  il  ne  leur  en  arrive  rien  :  il  ne  feroit  pas  jufte  de 
>'  les  priver  de  leur  droit ,  fur  ce  que  le  vartal  au- 
■n  roit  reconnu  un  autre  feigneur  ,&  qu'il  lui  au- 
)'  roit  fait  les  foi  &  hommage  ,  parce  que  ces  afles 
ji  font  réputés  clandellins  à  leur  égard,  à  moins 
»  qu'il  n'y  ait  \\x\  temps  immémorial  ;  car  en  ce  cas 
))  la  négligence  du  feigneur  feroit  trop  gvoffière 
»  pour  mériter  de  l'indulgence  ,  &  pour  qu'on 
»  piJt  croire  qu"il  a  ignoré  la  poffcfficn  d'un  au- 
»  tre  qui  fe  feroit  fait  rendre  plufieurs  fois  les  de- 
V  voirs  de  fief  pendant  ce  temps.  Mais  s  il  eft  ar- 
»  rivé  des  mutations  qui  aient  donné  lieu  à  la  per- 
)j  ception  de  quelques  droits  utiles  ,  &  de  telle  va- 
•>  leur  que  le  feigneur  dominant  ait  dû  le  favoir  en 
»  homme  prudent  &  attentif  à  fes  affaires  ,  la  Pref- 
)»  cription  de  trente  ans  peut  fufnre  en  ce  cas ,  & 
î)  commencer  depuis  la  première  mutation,  même 
»  quand  il  n'y  en  âuroit  qu'une  ,   parce  que  celui 


PRESCRIP  TIO  N. 

V  qui  en  a  perçu  les  droits  s'cft  mis  en  poflefHon  > 
jj  6i.  que  l'ancien  leigneur  en  a  eu  une  connoiiiance 
j»  probable  &  préfumée  ". 

Nous  avons  dit  plus  haut  que  dan-;  les  cenfives 
laPrefcripiion  s'opère  par  le  fciil  tait  de  la  percep- 
tion de  la  redevance  cenluelle  pendant  trente  ans. 
Il  en  a  cependant  été  jugé  autrement  par  arrêt  du 
parlement  de  Touloufe  du  5  février  1667,  rendu 
après  partage.  «  Le  plus  grand  nombre  des  juges  , 

V  dit  M.  de  Catellan  ,  livre  3  ,  chapitre  2  ,  crut 
»  qu'il  ne  futîiioit  pas  (  à  celui  qui  prétendoit  avoir 
»  prefcrit  un  droit  de  direfle  ,  )  de  rapporter  de 
jj  fimples  aftes  pofieiToires  de  la  rente ,  comme  des 
>>  quittances  publiques  Si  autres  femblables  ;  mais 
i>  qu'il  devoit  juftiher  ("a  pofftflîon  par  des  recon- 
I)  noiiTances;  autrement ,  comme  les  feigneurs  né- 
j>  gligent  Couvent  la  levée  annuelle  des  rentes  qui 
«  ibut  modiques ,  il  feroit  très-aifè  aux  emphytéotes 
»  de  changer  de  feigneur  en  payant  la  rente  à  un 
»  autre  ». 

On  voit  que  M.  de  Catellan  prend  ici  le  vrai 
contre-pied  de  la  dofltine  des  autres  auteurs.  Sui- 
vant lui,  il  faut,  pour  prefcrire  un  droit  de  direfle, 
rapporter  des  reconnoijfjnces  ,  c'eft-à-dire  ,  des  a(5hs 
qui  ne  coûtent  rien  aux  cenfiralres ,  des  a^^es  palIés 
la  plupart  du  temps  dans  le  fecret ,  des  afles  par 
conféquent  que  le  véritable  feigneur  peut  aifément 
ignorer  ;  &  des  perceptions  continuées  pendant 
trente  ans ,  des  payemens  faits  entre  les  mains  d'un 
tiers  au  préjudice  de  celui  qui  devoit  les  recevoir 
&  qui  n'a  point  pu  ne  pas  s'appercevoir  de  leur 
ceffation  ,  font  des  ailles  impuiffans  pour  opérer  la 
Prefcription  d'un  feigneur  à  l'autre.  Il  faut  l'avouer  , 
cette  doârine  a  quelque  cliofe  d'étrange. 

Aufli  n'a-t-elle  pas  éiéle  feul  fondement  de  l'ar- 
rêt cité.  Ce  qui  l'a  principalement  déterminé  ,  c'eft 
que  ,  par  la  jurifprudence  qui  régnoit  alors  à  Tou- 
loufe,  un  feigneur  ne  pouvoit  pas,  de  lui  à  fes  te- 
nanciers, établir  fon  droit  de  directe  fans  recon- 
noiflance,  &  qu'il  n'y  pouvoit  pas  être  fuppléè  par 
la  preuve  de  la  perception  d'un  cens  pendant  trente 
ans.  On  a  conclu  delà  que  dans  l'efpèce  qui  fc  pré- 
fentoit ,  le  poifeiTeur  trentenaire  ne  pouvoit  pas 
avoir  prefcrit  contre  le  feigneur  véritable  ,  parce 
que  (  ce  font  les  termes  de  M.  de  Catellan  ),«  c'eût 
«  été  établir  en  fa  faveur  une  direé^ité  fur  la  fimple 
>»  pofleffion  ,  ce  qui  ne  fe  peut  en  Languedoc  ,  où 
»  tout  demandeur  en  féodale  doit  avoir  du  moins 
»  une  reconnoiflance  avec  des  adminicules  u. 

Là-dcfTiiS  deux  obfervations. 

La  première  ,  qu'il  ne  paroit  pas  jiifte  d'argu- 
menter ici  de  feigneur  à  feigneur  ,  comme  on  le 
fait  du  feigneur  au  tenancier.  Qu'entre  ceux-ci,  il 
faille  une  reconnoifiance  ,  dans  un  pays  de  franc- 
aleu  ,  pour  transformer  une  terre  allodiale  en  cen- 
five ,  on  le  conçoit  aiTez.  Mais  que  la  cenfive  une 
fnis  établie,  on  exige  entre  deux  feigneurs  qui  fe 
la  difputent,  les  mêmes  conditions  pour  la  pref- 
crire ,  que  s'il  s'agiffoit  de  la  créer  ,  c'eft  aller  trop 
loin  ;  c'eft  appliqu'^r  une  maxime  introduite  par  la 


PRESCRIPTION.  407 

feule  faveur  de  la  liberté  naturelle  ,  à  un  cas  dans 
lequel  ce  motif  ne  fe  rencontre  nullement. 

La  féconde  obfervation  eu  encore  plus  décifive 
contre  le  parti  adopté  par  l'arrêt.  C'eft  que  le  par- 
lement de  Touloufe  paroît  aujourd'hui  fe  relâcher 
fur  la  nécefTué  des  reconnoiffances  pour  établir, 
même  du  feigneur  au  tenancier,  l'afîerviflémenr  du 
tonds  de  celui  ci.  Voyez  les  notes  de  Sudre  fur 
Boutaric,  ir^iiié  des  droits  fàgnewiaux  ,  chapitre  i  , 
nombre  40  ,  &  Vedel  fiir  M.  de  Catellan  à  l'endroit 
cité. 

On  voit  même  par  un  arrêt  rapporté  dans  les 
notes  de  Ferrieres  fur  Guy-Pape,  queftion  582  , 
que  telle  étoit  la  jurifprudence  de  cette  cour  dans 
le  feizième  fiècle. 

*  Distinction  XIII.  Prefcription  de  lajuflicc. 

Les  juftices  fe  prefcriventde  feigneur  à  feigneur  : 
une  pofTeiîion  trentenaire  confomme  cette  Pref- 
cription. 

Mais  faut-il  que  cette  pofTeffion  foit  parvenue  à 
la  connoifiance  du  feigneur  contra  lequel  on  pres- 
crit .''  Ce  qui  pourroit  rendre  cette  queftion  problé- 
matique, (dit  M  le  préfident  Bouhier  dans  fcs 
obfervations  fur  la  coutume  de  Bourgogne  )  ,  c'eft 
une  conftitution  des  empereurs  (i)  ,  qui  femble  dé- 
cider que  la  fervitude  aqucz  ducendx  ne  peut  erre 
acquife  fur  le  bien  d'autrui  par  une  fmipte  poftef- 
ûon  fans  titre  ,  à  moins  que  le  propriétaire  n'en  ait 
eu  connoiftance  ,  ee  fciente  ;  or  ,  la  fervitude  eft  un 
droit  incorporel  comme  la  juridi61ion. 

Mais  d'habiles  jurifconfultes  (2)  ont  très-bien 
fait  voir  que  ces  mots  eo  fciente  n'avoienr  été  mis 
dans  cette  conftitution,  que  pou.- donner  fimple- 
ment  à  entendre  que  ce  qui  avoit  été  fait  ne  s'êtoit 
point  fait  en  fecret  :  Ut  inteUigeremus ,  clam  ab  eo 
mhnwe  aquam  dedu^am  ejfe  &  animo  ccland-.  Or  cela 
eft  d'autant  plus  applicable  au  fait  dont  il  s'agit ,  que 
les  droits  de  juftice  ne  pouvant  s'exercer  que  par  un 
établiftemcnt  d'officiers  ,  par  des  jugemens  publics , 
&  même  le  plus  fouvent  par  l'ércâion  des  fourches 
patibulaires,  des  piloris,  des  carcans  8c  autres  mar- 
ques apparentes  ,  le  véritable  feigneur  ne  fauroit  en 
prétendre  caufe  d'ignorance  :  &  ,  comme  dit  Co" 
quille  (3)  ,  il  fuftit ,  en  ce  cas  ,  de  la  connoiftance 
vraifeniblable  du  feigneur  contre  qui  la  Prefcriptioa 
a  couru. 

La  pofl*eflion  étant  donc  un  moyen  d'acquérir  le 
droit  de  juftice  ,  il  n'eft  plus  queft'on  que  de  favoir 
fi  elle  peut  être  prouvée  par  témoins  auftî-bien  que 
par  ticres.  Bacquet  (4)  ,  qui  s'efl  propofé  cette  diffi- 
culté ,  convient  que  par  \\n  ancien  arrêt  du  parle- 
ment de  Paris  de  l'an  1388,  il  fut  décidé  que   h 


[  I  ]  L.  1  ,  cod,  dffervit.  t"  flquti. 

[2I  Fdchince,  controvcr.  l.  K  ,cap.  ii;  Dionyf.  Gjr/io/re- 
:!us  ,  loco  ciraro  ,  p.  2:3  &  i^o. 

[3]  Co>quilîe  fur  Nivern.  ch.ip.  i ,  art.  IS. 
[4]  Bacquet,  des  droits  de  juftice,  chap,  j. 


4oS  PRESCRIPTION. 

feule  preuve  par  icmoins  ne  ruffiCoit  pas  en  pareil 
cas.  Après  quoi  ,  il  en  rapporte  un  autre  du  1 1  mai 
1574,  qui  ordonna  que  la  poireffion  du  droit  de 
juftice  feroit  prouvée  ,  tant  par  écrit  que  par  té- 
moins. 

Loifeau  (i)  ,  qui  a  agité  la  même  queftion  ,  fem- 
ble  le  contredire  ,  fur  le  fondement  de  l'article  54 
de  l'ordonnance  de  Moulins  ,  par  lequel  eft  rejetée 
la  preuve  par  témoins  pour  toutes  les  chofes  qui 
excédent  la  valeur  de  cent  livres  ;  il  ajoute  ,  que 
s'il  fe  trouve  quelques  arrêts  qui  aient  admis  en  ce 
cas  la  preuve  teftimoniale  ,  c'a  été  après  la  repré  • 
Tentation  des  titres  ,  pour  fuppléer  ce  qu'ils  pou- 
voient  avoir  de  défeftueux  par  la  preuve  vocale  , 
&  fur-tout  pour  vérifier  la  continuation  de  l'exer- 
cice. 

Mais  il  s'eft  trompé  à  cet  égard  ;  car  ,  par  les  ter- 
mes de  l'arrêt  de  1574  ,  il  paroît  que  la  preuve 
par  titres  fut  ordonnée  en  même  -  temps  que  la 
preuve  par  témoins  ;  &  on  ne  peut  alléguer  l'arrêt 
de  1388  comme  contraire  ,  puifqu'il  fut  rendu  dans 
un  cas  ©il  on  ne  fe  prévaloir  que  d'une  preuve  vo- 
cale ,  qui  n'êtoit  foutenue  d'aucun  afle  par  écrit  *. 

C'eft  probablement  dans  la  même  efpèce  qu'a 
été  rendu  au  parlement  de  Touloufe  l'arrêt  du  18 
juillet  1652,  qui  fe  trouve  dans  le  recueil  de  M. 
de  Catellan  ,  livre  3,  chapitre  2,  &  par  lequel, 
fuivant  ce  magiftrat,  il  a  été  jugé  que  «la  juftice 
»  ne  peut  être  prouvée  que  par  aftes  &  non  par 
»  témoins  w. 

*  ce  Pour  moi,  dit  M.  le  préfident  Bouhier  ,  je 
j»  tiens,  que  quoique  la  preuve  par  titres,  comme 
»  les  jugemens,  regiftres  des  greffes ,  aétes  de  foi 
»  hommage,  dénombremens ,  Se  autres  pareils, 
n  foit  la  meilleure  de  toutes  ,  cependant  comme 
j)  il  eft  quequefois  difficile  d'en  rapporter  fuffifam- 
»  ment  pour  prouver  une  poffefiîon  ,  fur-tout  pour 
»>  de  fort  petites  juftices  ,  où  il  fe  préfente  rare- 
>»  ment  des  occafions  d'en  exercer  les  droits  ,  on 
J»  peut  très-bien  admettre  la  preuve  à  la  forme  de 
M  l'arrêt  de  1574,  auquel  je  ne  fâche  pas  qu'il  y 
»)  en  ait  au  contraire. 

»  Je  croirois  même  volontiers  ,  avec  nos  au- 
>»  teurs  (2)  ,  ajoute  ce  favant  magiftrat,  que  fi  la 
3>  perte  des  regiftres  de  la  juftice  contentieufe , 
î>  loit  par  un  incendie ,  foit  par  quelqu'autre  cas 
■»  fortuit ,  étoit  duement  conftatée  ,  il  y  auroit  de 
M  la  juftice  d'accorder  la  preuve  par  témoins  ,  dans 
»  l'impoffibilité  de  vérifier  la  poffeffion  par  titres  ; 
;>  c'eft  une  exception  à  l'ordonnance  de  Moulins  , 
V  dont  tout  le  monde  demeure  d'accord  (3)  if. 

On  convient  d'ailleurs  (4)  que  fi  les  marques 
vifjbles  de  la  haute  juftice ,  telles  que  les  fourches 


[i]  Loifeau  ,  des  feigneur,  chap.  ^ ,  n"'  S<j  ,  66  ;  Se  après 
lui  Perrier  fur  notre  coutume,  obfervat.  2,11.4, 

[2J  Le  fcholiafte  de  Franc.  Perrier  ,  ^^j^fl.  ifç.n"  iS  ; 
Nie.  Pertier,  fur  notre  ccutume,  obferv.  1,  n".  4. 

[ji  Boiceau  ?c  Danty  ,de  la  preme  par  rénaoins,  chap.  i  j. 

[4]  Dupineau,  notes  f^r  Anjou  >  art,  j. 


PRESCRIPTION. 

patibulaires ,  le  pilori ,  le  carcan ,  ou  autres  ,  avoîetl  ^ 
été  détruites  ,  foit  par  le  tenips  ,  foit  par  quelques 
autres  accidens  ,  on  pourroit  prouver  qu'elles  ont 
été  vues.  A  plus  forte  raifon  ,  fi  elles  fubfiftoient 
encore  ,  feroient-elles  préfumer  le  droit  de  juf- 
tice (i).  * 

Il  en  eft  autrement  des  afles  de  foi  &  hommage. 
Quand  ils  ne  font  pas  accompagnés  d'autres  preu- 
ves ,  ils  ne  peuvent  pas  établir  le  droit  de  juftice, 
même  contre  le  feigneur  fuzerain  qui  les  a  reçus. 
Bacquet  dit  le  contraire  ,  mais  fa  doflrine  a  été 
profcrite  par  un  arrêt  du  parlement  de  Touloufe 
que  M.  de  Catelan  nous  a  confervé  dans  le  cha- 
pitre 2  du  livre  3  de  fon  recueil  (2). 

Mais  le  même  feigneur  contre  qui  cet  arrêt  avoit 
été  rendu  en  forme  interlocutoire  ,  ayant  produit , 
par  la  fuite  ,  des  aveux  &  dénombremens  fervis 
au  roi  en  conféquence  des  hommages  ,  il  inter- 
vint le  26  février  1677  ,  un  arrêt  définitif,  par 
lequel  il  fut  maintenu  contre  fa  majefté  dans  le 
droit  de  juftice  qui  lui  étoit  contefté  par  M.  le  pro- 
cureur-général. 

H  avoit  cependant  contre  lui  une  circonftance 
très-forte  ,8c  de  laquelle  naiftoit  dans  cette  affaire 
une  féconde  queftion  qui  trouve  naturellement  ici 
fa  place.  C'eft  qu'il  n'avoit  en  fa  faveur  aucun  afîe 
poj/ijjoire  du  droit  qifil  réclamoit.  Jamais  ,  ni  lui , 
ni  fes  auteurs  n'avoient  établi  déjuges;  &  la  juf- 
tice avoit  toujours  été  adminiftrée  dans  fon  en- 
clave ,  par  les  ofliciers  du  fiége  royal  de  Rhodez. 
On  prétendoit  que  du  moins  le  roi  avoit  par-là 
prefcrit  contre  lui.  Mais  il  pouvoir  répondre  que  , 
d'une  part ,  les  aflcs  de  foi-hommage ,  &  les  dé- 
nombremens toujours  reçus  fans  blâme ,  avoient 
confervé  fon  droit;  que  de  l'autre,  les  juges  du 
fouverain  n'ayant  exercé  la  juftice  dans  fa  terre 
qu'à  titre  de  prévention  ,  ils  ne  pouvoient  pas  l'avoir 
dépouillé  du  droit  de  la  faire  rendre  lui-même  par 
fes  propres  juges  ;  qu'en  déc'der  autrement,  c'eût 
été  étendre  l'effet  de  leur  pofl"eirion  au-delà  de  fon 
principe,  de  fa  caufe  &  de  fes  motifs. 

*  Il  refte  fur  cela  une  dernière  queftion  ;  favoir, 
fi  l'exercice  de  la  juridiélion  ,  dans  une  partie  des 
droits  qui  en  dépendent ,  fuffit  pour  prefcrire  la 
totale  juftice.  Par  exemple,  une  perfonne  prouve 
fort  bien  qu'elle  a  pofledé  le  droit  de  moyenne 
juftice  pendant  un  temps  fuftîfant  pour  prefcrire  ; 
pourra-ton  en  induire  qu'elle  a  pareillement  ac- 
quis par  Prefcription  la  haute  juftice  ou  la  bafle  ? 
Et  de  même ,  fi  elle  n'a  prouvé  que  fa  poffefTion  de 
la  haute  ou  de  la  ba»Tc  ? 

Les  auteurs  (3)  qui  ont  traité  cette  queftion  pa- 

[13  Bocrius  ,  dccif.   iix,n".  z;. 

[ij  «  Le  fieur  Rodât,  pour  prouver  contre  le  roi  que  !a  juf- 
»  tice  d'un  certain  lieu  lui  appartcnoir ,  rcmettoic  divers  hom- 
»  mages  par  lui  faits  au  roi  de  cette  julHce  ;  on  trouva  que 
«  celane  fuSfortpas,  &  il  fut  ordonné  qu'il  rapporteroit  de 
J)   plus  fufËfans  titres  >j. 

[^]  ChafTencuz  ,  in  cmf.  Burg.tuhr.  i ,  gl.  i  ,n.  ulr.  &  gl. 
i,n".  IXJiBalbus,  dfiPr-ts/cMpf,  part.  i,que(t.  1,0".  ai. 

roiftent 


PRESCRIPTION. 

roî/Tent  la  refondre  fort  bien  par  cette  diflinfl'nn  ; 
ou  il  y  a  vin  avure  feigneur  qui  a  toujours  joi  i 
des  autres  juflices  ,  ouil  n'y  en  a  point.  P.ins  ce 
dernier  cas,  celui  qui  a  exercé  tranquillement  les 
droits  d'une  efpèce  de  juflicc  ,  eft  préfumé  les 
avoir  toutes  :  mais  il  en  efl  autrement ,  fi  quel- 
qu  autre  feigneur  eft  en  polîeflîon  des  autres  ef- 
pèces,  quand  même  il  n'en  repréfenteroit  qu'un 
a6te  ;  car  les  auteurs  nous  donnent  pour  maxime  , 
que  per  unum  nElum  fingularetn  retinsinr  cjuafi  pof- 
fejjio  totius  juris  in  univerfo.  Voyez  ci-devant,  fec- 
tion   I. 

§.  II.  De  la  Prefcnptïon  des  rentes  ,  redevances  & 
prejîaiions  annuelles. 

La  Prefcription  peut  avoir,  en  cette  matière  , 
comme  en  plufieurs  autres  ,  deux  effets  diffé- 
rens  :  ou  elle  acquiert  un  droit  à  celui  qui  ne 
l'avoit  pas,  ou  elle  en  décharge  celui  qui  y  étoit 
aflujetti. 

De  cette  différence,  naît  la  divifion  de  ce  pa- 
ragraphe en  deux  diftinâions. 

Distinction  I.  De  la  Prefcription  conjîdérée 
comme  moy:n  d^ acquérir  une  renie ,  une  redevance 
ou  une  prejlation  annuelle. 

Il  n'y  a  rien  de  particulier  fur  cette  matière  , 
lorfqu'une  rente  n'eA  pas  conteftée  dans  fon  exif- 
tencc  ,  c'eft-à-dire  ,  lorfqu'il  eft  avoué  qu'elle  eft 
due  par  une  perfonne  ou  par  un  fonds  ,  &  qu'il 
ne  s'agit  que  de  favoir  à  qui  elle  appartient  & 
par  qui  elle  doit  être  perçue.  Il  ne  faut  alors  con- 
sulter, en  fait  de  Prefcription  ,  que  les  règles  gé- 
nérales &  les  principes  communs  à  tous  les  ob- 
jets  prefcriptibles. 

Mais  s'il  eft  queftion  de  créer  la  rente  ou  re- 
devance ,  il  y  a  plus  de  difficulté. 

On  a  vu  ci-devant,  feflion  2  ,  §.  13,  que  fui- 
vant  l'opinion  commune  des  docteurs  ,  dix  années 
de  preftation  d'une  rente  ou  redevance ,  fuffifent 
pour  faire  préfumer  que  cette  preftation  a  été  faite 
en  vertu  d'un  titre  ,  pour  obliger  en  conféquence  , 
celui  qui  a  payé  pendant  ce  temps ,  à  continuer 
de  le  faire  à  l'avenir. 

Mais  on  exige  pour  cela  le  concours  de  quatre 
conditions. 

La  première,  que  la  preftation  ait  été  uniforme, 
foit  pour  la  quantité,  foit  pour  la  qualité. 

La  féconde  ,  qu'elle  ait  été  payée  chaque  année  , 
ou  du  moins  en  plufieurs  fois. 

La  troifième ,  que  les  payemens  foient  prouvés 
réellement,  &  qu'ils  ne  foient  pas  établis  fur  de 
fimples  préfomptions  ;  comme  lorfque  du  paye- 
ment des  trois  dernières  années,  on  induit  le  paye- 
ment des  années  précédentes. 

La  quatrième  ,  que  les  payemens  aient  été  faits 
pour  la  même  caufe  ,  &  fe  réfèrent  à  un  titre  , 
qui ,  quoiqu'il  ne  paroiffe  pas ,  foit  certain  ,  dé- 
T»me  XIII. 


PRESCRIPTION.        4^9 

terminé,  capable  de  produire  la  rente  ,  &.  ne  foit 
pas  combattu  par  le  droit  commun  ou  par  quelque 
forte  préfomption. 

Quand  toutes  ces  circonftances  fe  rencontrent, 
la  rente  eft  regardée  comme  valablement  créée  , 
&  après  dix  ans  on  a  acquis  le  droit  de  la  faire 
continuer. 

Mais,  comme  nous  l'avons  obfervé  dans  le  §.13 
de  la  feftion  2  ,  cette  règle  ne  peut  pas  avoir  lieu 
dans  les  coiituir.es  qui  ont  étendu  au-delà  de  dix 
ans  le  terme  de  la  Prefcription  ordinaire  ;  ou  du 
moins ,  il  faut  pour  y  acquérir  une  rente  dans  les 
circonftances  que  nous  venons  de  décrire  ,  en 
avoir  reçu  le  payement  pendant  tout  le  temps  par 
lequel  on  prefcrit  dans  leur  territoire. 

Encore  a-t-on  quelquefois  douté  fi  cette  ma- 
nière de  devenir  créancier  pouvoit  y  avoir  lieu. 
Mais  la  queftion  a  été  jugée  pour  l'affirmative  ,  par 
un  arrêt  du  parlement  de  Bordeaux  du  12  mars 
1726,  infirmatif  d'une  fentence  du  fiége  royal  de 
Saint-Jean-d'Angely  ;  il  eft  rapporté  dans  le  com- 
mentaire de  Valin  fur  la  coutume  de  la  llochelle, 
article  ^7,  nombre  I  ^.  (1) 

Covarruvias  (2)  admet  auflî  cette  opinion  ;  rnais 
il  la  limite  par  une  exception  remarquable.  C'eft 
que  fi  le  droit  eft  prétendu  par  un  feigneur  contre 
ion  fujet ,  il  fa«t  une  poffeffion  immrmoriale  ou 
quarante  ans  avec  un  titre  ,  parce  que,  dit  il  ,  les 
feigneurs  font  dans  l'habitude  d'extorquer  de  leurs 
fiijets  tout  ce  qu'ils  peuvent,  &:  que  la  poffeflioa 
immémoriale,  ou  celle  de  quarante  ans  avec  uii 
titre  ,  peut  feule  effacer  la  préfomption  qui  réfulte 
de  cette  habitude. 

«  Il  eft  de  la  prudence  du  juge  ,  dit  Dunod  (3)  , 
»  de  faire  l'application  de  cette  doflrine  ,  fuivant 
»  les  circonftances  ». 

Les  rédafteurs  des  chartes  générales  de  Hainaut 
ont  été  plus  favorables  aux  feigneurs.  On  a  vu  à 
l'article  Champ  ART  ,  que  la  redevance  foncière  , 
connue  fous  ce  nom,  s'établit  dans  cette  province 
par  la  feule  poffeffion  de  vingt-un  ans. 

Il  en  a  été  jugé  autrement  dans  d'autres  cou- 
tumes. 

Delgorgue  en  fes  additions  au  commentaire  de 
Duchefne  fur  la  coutume  de  Ponthieu  ,  article  115, 
dit  «  qu'on  n'acquiert  pas  ,  même  par  la  Prefcrip- 
i>  tion  de  trente  ans,  le  droit  d'exiger  un  fur  cens 
»  ou  champart  ,  &  qu'il  faut  un  titre  ».  C'cft  , 
ajoute-t-il ,  ce  quia  été  jugé  dans  cette  coutume, 
par  deulc  fentences  de  la  fénèchauffée  d'Abbeville 
de  1649  ^  ^^5  3  '  ^  P^''  ^*^'^''  arrêts  des  23  avril 

(l)  Voici  comment  s'explique  cet  auteur:  «  Mais  favoir  fi 
"  celui  qui  auroit  été  fervi  d'une  rente  durant  trente  ans  , 
M  pourvoit  fe  prévaloir  de  fa  poffefTion  pour  le  fai.c  continuer 
«  la  rente  fans  avoir  befoin  d'en  tapn prier  le  titre;  c'ell- 
M  à-dire  ,  fi  cette  jouiflance  de  trente  ans  opéreroit  la  Pref- 
.>  cription  en  (a  faveur  ôc  vaudroit  titre  î  Jugé  pour  l'affitma- 
"  tive  ,  &.'c.  ». 

(1)  Ad  cap.  pcfieflbr.  part.  X  ,  §.4,  qua:ft.  10. 

(3)  Des  Prefcriptions ,  partie  j  ,  chapitre  7. 

^  Fff 


410  PRESCRIPTION. 

1663  &  18  août  16S1  ,  confirmatif  de  deux  autres 
fcntences  du  mcnie  fiége. 

Il  cite  encore  ,  pour  confirmer  cette  décifion  ,  un 
arrêt  du  premier  leptembre  1658  ,  infirmatif  d'une 
fentence  du  bailliage  d'Amiens  ,  qui  avolt  admis 
l'appointement  de  preuve  de  la  poflefTion. 

On  peut  auffi  voir  fur  cette  matière  les  articles 
Corvée  &  Taille  seigneuriale. 

Brillon  ,  au  mot  Prejcriptior-rcme  ,  'cite  un  anét 
du  parlement  de  Paris  du  28  juillet  1725  ,  qui  va 
plus  loin.  Il  juge  que  u  la  preflation  d'une  rente 
»  (même  de  particulier  à  particulier),  pendant 
>»  près  de  cent  années  ,  n'acquiert  pas  le  droit  de 
"  la  prérendre  toujours  ,  quand  il  efl  évident  que 
»  la  prédation  a  été  faite  fans  caufe  &  par  er- 
»   reur  v. 

Cet  arrêt  juge  encore  ,  «  qu'en  ce  cas,  on  ne 
'>  peut  pas  demander  la  reftitution  des  arrérages 
»>  payés  ,  même  de  ceux  dont  l'aâion  n'eft  pas 
»  prefcrite  ,  à  caufe  de  la  bonne  foi  du  ceifionnairj 
»  de  la  rente,  qui  a  reçu;  &  parce  que  celui  qm 
')  a  payé  volontairement,  eft  en  faute  de  n'avoir 
»  pas  reclamé  pluiôt,on  peut  croire  qu'il  a  payé 
»)  par  libéralité  w. 

Distinction  II.  De  la  Prtfcripùon  confiJérée  com- 
me moyen  d'éteindre  les  renier  ,  redevances  iS*  pnf- 
taùons  qui  nemporient  f.'as  la  direde  fei^rneune. 

Deux  queftions  principales  font  toute  la  matière 
de  cette  diftin<îîion. 

i".  La  feule  celfation  de  payement  peut-elle 
donner  lieu  à  la  Prefcription  en  faveur  des  re- 
devables des  rentes  &  preftations  dont  il  s'a^^it  ? 

2°.  Le  tiers-acquéreur  d'un  fonds  hypothéqué 
ou  affecté  à  iinz  rente  ou  preftailon  de  cette  na- 
ture, peut-il  prefcrire  pendant  que  le  créancier  cft 
payé,  ï'oit  par  le  débiteur,  foit  (quand  le  fonds 
ert  divifc  en  plufieurs  parties  également  aliénées  ) 
par  un  autre  tiers  détenteur? 

Examinons  chacune  de  ces  queftions  :  il  en  eft 
peu  d'aufli  importantes  Se  qui  fe  préfentent  auffi 
fréquemment  dans  les  tribunaux. 

I.  La  première  eft  hériiTée  de  difficultés  ;  &  il  en 
eft  peu  ,  dans  toute  la  jurifprudence  ,  fur  laquelle 
les  opinions ,  les  ufages  &  les  arrêts  foient  auffi 
variés. 

Deux  lois  romaines  ont  été,  par  leur  oppofi- 
tion  apparente,  la  caufe  de  cette  diverfité  d'avis. 

Suivant  la  loi  eos  qui ,  au  code  ,  de  ufaris  ,  on  ne 
peut  plus  agir  pour  les  intérêt?  d'un  capital  de  de- 
niers donnés  en  prêt,  lorfque  ce  capital  eft  pref- 
crit ,  foit  par  trente,  foit  par  quarante  ans  ;  &  ce 
feroit  en  vain  que  pour  fonder  une  aflion  à  cet 
égard  ,  on  objeéleroit  que  les  intérêts  des  années 
les  moin'^  reculées  ne  font  pas  échus  depuis  un 
temps  fuffifant  pour  la  Prefcription  ;  car  ,  a'ciue  le 
légitlateur  ,  quand   l'a^lion    pour   le  principal  eft 


PRESCRIPTION. 

éteinte  ,  la  demande  des  intérêts  n'eft  plus  rece- 
vable  (1). 

Vciîa  la  bafe  fur  laquelle  pofe  l'opinion  de  ceux 
qui  regardent  le  fond  des  droits  dont  il  s'agit , 
comme  piefcriptible  de  la  part  des  débiteurs  6c  re- 
devables. 

Il  n'eft  pas  difficile  de  fentir  qu'ils  font  de  ce 
texte  une  application  vicieufe.  La  loi  fuppofe  un 
capital  prefcrit  ;  elle  ne  s'inquiète  pas  de  lavoir 
comment  il  a  pu  fe  prefcrire,  parce  que  dans  le 
fait  il  étoit  exigible  ,  &  par  conféqueut  fufcepti- 
ble  de  Prefcription  ,  mais  elle  fe  fixe  aux  arréra- 
ges :  elle  demande  s'ils  font  compris  dans  la  Pref- 
cription du  capital  ;  elle  décide  qu'oui,  &  elle  ne 
dit  rien  de  plus.  En  quoi  cette  tiécifion  peut-elle 
influer  fur  la  queftion  qui  fe  préfcn.e  à  réfoudre  ? 
Nous  ne  demandons  pas  fi  après  la  Prefcription  du 
fond  d'un  droit  confinant  en  pre/l."rio;iS  ,  on  peut 
encore  exiger  les  arrérages  échus  ava,!t  qus  cette 
Prefcription  ne  (bit  encourue,  l'cul  ers  où  on  pour-- 
roit  appliquer  la  loi  cirte;  iDais  nous  demandons  fi 
cette  Prefcription  peut  avoir  lieu  ,  &  par  confé- 
queut nous  mettons  en  querUon  ce  qui  dans  i'ef- 
pèce  de  la  loi  efl  fuppofé. 

Il  leroit  inutile  de  dire  quQ  cette  fuppofition  elle- 
même  eft  une  preuve  de  la  prefciipribilité  du  tond 
du  droit.  Car  ,  nous  l'avons  dé)à  reinarqué ,  Il  la  loi 
fuppofe  le  capital  prefcrit ,  c'efl  parce  que  dans  le 
rai:  il  étoit  exigible  ;  c'eft  parce  que  pouvant  faire 
la  matière  d'une  a6tion  ,  celui  qui  en  étoit  créancier 
ne  pouvoir  pas  invoquer  en  fa  faveur  la  maxime  , 
contra  nonvaUntcmiigire  non  currit  Prccfcriptio, 

Mais  dans  notre  liypothèfe  tout  eft  bien  diffèi-ent. 
C'cll  ou  une  redevance  qui  n'a  point  de  capital  dé- 
terminé ,  ou  une  prédation  manuelle  qui  n'a  point 
de  prix,  ou  une  rente  du  principal  de  laquelle  on 
ne  peur  exiger  le  rembourfement.  Le  créancier  de 
l'un  on  de  l'autre  de  ces  obji:;ts  n'a  point  d'atlion 
pour  le  fonds  du  droit  :  il  ne  peut  demander  que 
des  arrérages.  Ainfi  point  de  comparnifon  entre 
notre  efpèce  &  celle  de  la  loi  ^•t'i'  qui;  &  fi  la  Pref- 
cription peut  avoir  lieu  dans  la  première,  h  coup 
stjr  ce  n'eft  pas  de  la  décifion  donnée  par  cette  loi 
à  la  féconde  qu'elle  dérive. 

L'autre  texte  du  droit  romain  dont  nous  avons 
parlé  ,  efl  le  §.  6  de  la  loi  ciun  notiffimi ,  au  code  ,  de 
Prœfcripiione  triointu  annorum  :  c'eft  de  ce  texte  que 
font  paitis  les  auteurs  qui ,  contraires  aux  partifans 
du  fyrtême  de  la  prefcriptibilité  ,  enfeignent  que 
nulle  Prefcription  ne  peut  éteindre  le  fond  d'un 
droit  confluant  en  preftations  ou  redevances  an- 

(l)  Loi  >]Lii  principal!  aLtione  per  t.vceptioneiii  irigjïit.i  vei 
oiialraginM  annorum,  live  peifonali  ,  five  hypothecaiiâ  ceci- 
derunc  ,  jubemus  non  pofTc  fuper  ufiuis  vel  frudibus  prïcctiti 
tempoiis  alii-uam  moveie  cjujellionem  ,  diccndo  ex  iistlem 
teniporibus  e.is  velle  fibi  perio'vi  ,  cjui  non  ad  tri^inta  vcl 
quadragirta  pnteritos  annos  rtfetuntur,  alTèrcndo  lînguiis 
înnis  earum  ailiones  nafci  :  principali  enim  artione  non 
fui  (îilente  ,  fatis  fupervacuum  e(l  fupt:  uTuris  vel  fruilibuî 
a  Jhuc  juJicem  cognolcere. 


PRESCRIPTION. 

nuelles.  Voici  mot  pour  mor  ce  qu'il  porte  ;  nous 
ne  hiifons  que  le  traduire  : 

«  Dans  les  promeires  ,  legs  ou  autres  obligations 
»  qui  ont  pour  objet  une  preflation  à  faire  tous  les 
»  ans  ,  tous  les  mois  ,  ou  dans  tout  autre  temps 
5)  déterminé,  il  eft  évident  que  les  Prefcripiions 
»  dont  il  a  été  parié  jufqu'à  préfent  doivent  courir 
»  non  du  jour  d'une  obligation  de  cette  nature, 
»  mais  du  commencement  de  chaque  année  ,  de 
»  chaqiie  mois ,  ou  de  tout  autre  temps  marqué. 
}>  De  manière  ,  par  exemple  ,  qu'il  n'cfl  jamais 
«  permis  à  celui  qui  a  pofledé  par  droit  d'emphy- 
«  téofe  ,  loit  pendant  quarante  ans  ,  foit  pendant 
j>  un  autre  temps  quelconque,  de  dire  que  par  le 
»>  laps  de  ce  temps  il  a  acquis  le  domaine  de  la 
>»  chofe  (i)  ". 

Ce  texte  paroit  établir  l'imprefcriptibilité  des  pref- 
tations  annuelles.  Chaque  année  produit  à  cet  égard 
une  nouvelle  obligation  ,  6i  par  conféquent  une 
nouvelle  action  :  ainu  ,  quelqu'efpace  de  temps 
qu'il  fe  foit  écoulé  entre  la  dernière  prédation  du 
droit ,  8c  le  moment  où  le  créancier  commence 
d'agir  ,  il  ne  peut  jamais  y  avoir  de  prefcrit  qu'un 
certain  nombre  d'années. 

Ce  qui  lève  toute  équivoque  ,  c'eft  l'exemple 
que  la  loi  donne  de  l'emphytéote.  On  convient 
que  celui-ci  ne  pouvant  jamais  prelcrire  le  domaine 
direfl  ,  ne  peut  jamais  ,  par  la  même  raifon  ,  pref- 
crire  la  libération  du  cens  qui  en  eft  récognitif.  Il 
faut  donc  qu'il  en  foit  de  même  des  autres  prefla- 
tions  annuelles  :  car  l'exemple  que  propofe  le  lé- 
gi/lateur,  établit  une  parfaite  fimilitude  entre  le 
cas  fur  lequel  il  porte  ,  &  les  autres  efpèces  ren- 
fermées dans  la  loi. 

Ainfi ,  d'un  côté ,  la  loi  eos  cjui  ne  juflifie  pas  ,  ne 
rend  pas  même  plaufible  le  fyflême  de  la  prefcrip- 
tibilité  des  preflations  annuelles  ;  de  l'autre  ,  la  loi 
cùm  noùjjimi  ,  démontre  qu'elles  ne  font  pafTibles 
de  Prefcription  que  pour  les  arrérages  échus. 

L'imprefcriptibilité  de  ces  prédations  ne  peut 
donc  pas  être  un  problême  dans  le  droit  romain. 
C'étoit  l'opinion  de  Martin  ,  ancien  glofTateur  ;  & 
quoiqu'il  ait  trouvé  un  puiffant  antagonifte  dans  la 
perfonne  du  doâeur  Bulgare ,  fon  contemporain, 
il  n'a  pas  laifle  d'être  fuivi  par  le  plus  grand  nombre 
des  interprètes. 

Dunod  ,  qui  le  combat ,  prétend  qu'il  n'a  pas  eu 
le  mime  fuccès  dans  les  tribunaux  :  il  aflure  que 
l'opinion  de  Bulgare  ,  "  plus  fimple  &  plus  con- 
>>  forme  à  l'efprit  général  des  lois  ,  en  matière  de 


(l)  In  his  etiam  promiffîonibus,  vel  legatis  vel  aliis  obli- 
gationibus ,  qux  dationem  per  fingulos  annos  ,  vel  menfes  , 
aut  ali.juod  (ingulare  tempus  continent  ,  rempora'nieinorata- 
rum  Pra:fcriptionum  non  ab  cxordio  talis  obligationis  ^  Ted 
ab  initio  ciijufque  anni  ,  vel  menfis,  ve!  alteiiiis  fingulaiis 
temporis  coniputari  manifeftuni  en:;nulU  fcilicet  dandâJi- 
centiâ  vel  ci  ijui  jure  emphyreutico  rem  al i.juain  per  qu.idra- 
ginca  vel  t|iiorcum>]ue  alios  annos  retinuerit  ,  diccndi  ex 
iraafaao  tçmpore  douiinium  lîbi  in  iifdciii  rébus  (ju^eiituin 
«ffe. 


PRESCRIPTION.  4fi 

»  Prefcription  ,  Ta  emporté  dans  la  fuite  "  ;  &  il 
finit  par  dire  avec  d'Argentré  ,  fur  l'article  272 
de  l'ancienne  coutume  de  Bretagne,  que  «  l'ufage 
n  univerfcl  a  fournis  à  la  Prefcription  les  rentes 
"  conflituées  à  prix  d'argent ,  quoique  le  capital 
»  n'en  foit  pas  exigible  ». 

Cet  ufage  ,  s'il  eit  auflî  réel  que  le  Tuppcfent  ces 
deux  auteurs  ,  ne  peut  que  mériter  nos  applaudif- 
femens.  11  déroge  aux  lois  romaines  ;  mais  ces  lois 
font  elles  bien  judicieufcs  ,  lorfqu'elles  affimilent  , 
par  rapporr  a  la  prefcriptibilité  ,  une  fimple  prefîa- 
tion  annuelle  à  une  redevance  emphytéotique  ^ 
Quelle  diftance  entre  le  débiteur  d'une  rente  ordi- 
naire ,  &  l'emphytéote  qui  poflede  le  bien  d'autrui , 
fans  avoir ,  fans  qu'il  foit  même  pofTible  qu'il  ait 
jamais  l'efprit  de  propriétaire  !  le  moyen  de  com- 
parer un  redevable  qui  ne  détient  rien  à  autrui  , 
qui  ^^ofCcùi  unimo  domini  les  biens  qu'il  peut  avoir 
affeélés  à  fa  redevance,  qui  enfin  n'ell  tenu  qu  à 
une  charge  purement  accidentelle  à  fon  fonds ,  & 
une  perfonne  qui  a  en  dépôt  l'héritage  de  fon  fei- 
gneur  direél ,  qui  n'e/I  obligé ,  comme  on  l'a  établi 
ci-devant,  §.  1  que  parce  qu'elle  eft  afTociée  dans 
la  propriété  de  celui-ci  ,  &  dans  qui,  pour  tout 
dire  en  un  mot  ,  raffujettiflement  à  la  redevance 
emphytéotique  eft  la  caufe  finale  de  fa  joulifance  « 
le  prix  de  l'abandon  qui  lui  en  a  été  fait  ,  la  condi- 
tion//-Te  ^ua /10/2  de  fon  affociation  au  domaine  du 
feigneur  direél  } 

Ajoutous  encore''que  le  fyfléme  illimité  du  droit 
écrit  peut  nous  jeter,  par  rapport  aux  rentes  conf- 
tituées   qiie  les  romains  ne  connoilToient  point  , 
daiTS  des  inconvéniens  fans  nombre  8t  des  embar- 
ras effrayans.  Mes  ancêtres  ont  conditué  une  rente 
dont  on  retrouve  aujourd'hui  le  titre.  Il  y   a  qua- 
rante ,  foixante  ,  cent  ans  qu  il  n'en  a  été  pay^   au- 
cune efpéce  d'arrérages.  Viendra  t-on  malgré  un 
aufîi  long  efpace  de  temps  ,  foutenir  que  je   dois 
pafler  titrt;  nouvel ,  &  acquitter  Ls  arrérages  nwn 
prefcrits  ?  Mais  ,  d'un  côré  ,  il  eft  poflible  ([ue  mon 
aïeul,   que  mon    père  ait  rembourfé   le  capital  , 
&  que  la  quittance  de  rembourfcment  ait  été  dé- 
vorée par  un  incendie  ,  minée  par  le  temps  ,  per- 
due par  inadvertance.  D'un  auire  côté  ,  il  n'eft  point 
vraifemblable  qu'on  n'eût  pas  .pourfuivi  mon  père 
ou  mon  aieul ,  fi  on  ne  les  eût  pas  cru  libérés.  Fau- 
dra-til  donc  que  la  découverte  d'un   titre  ignoré 
pendant  un  fi  grand  nombre  d'années  ,    impofe 
filence  à  toutes  les  précomptions  qui  parlent  en  ma 
faveur  ;&  mon  adverfaire,  qui  ne  fait  pas  mieux 
que  moi  quelles  innovations  a  pu  éprouver  ce  titre 
avant  qu'il  ne  tombât  dans  (es  mains,  triomphern-t  il 
des  invraifemblances    les  plus    palpables  ,  tandis 
que  ,  fuivant  le  cri  de  toutes  les  lois ,  la  pofTelTlon 
de  trente  ou  de  quarante  ans  fait  en  général  re- 
garder comme  vrai  tout  ce  qui  eft  pofTible  ? 

Ces  confidérations ,  on  le  fait ,  ne  peuvent  s'appli- 
1  quer  qu'aux  preflations  rachetables  ,  c'eft-à-dire  , 

Iou  aux  rentes  conflituées  à  prix  d'argent,  ou  aux 
rentes  foncières  dues  par  des  maifons  de  villes. 

Fftji 


411 


PRESCRIPTION.      ' 


Mais  à  l'égard  des  autres  ,  il  exifle  des  principes  , 
comme  nous  l'avons  dit  ;  quoique  rejetès  par  le 
droit  romain,  ils  méritent  afiez l'aveu  de  la  railbn  , 
pour  ]u(ï\ficr  Vu/age  univerfel  que  d'Argentré  fup- 
pofe  établi  en  faveur  de  la  prefcriptibilité  de  cts 
preftations  (i). 

Refte  à  favoir  fi  cet  ufage  exifte  en  effet,  tant  par 
rapport  aux  rentes  rachetables  que  relativement 
aux  autres  redevances  ? 

Pour  nous  en  alTurer ,  il  n'y  a  que  deux  fources  à 
confulter,  nos  coutumes  &  les  décifions  des  tribu- 
naux établis  pour  nous  ju^er. 

Tomes  nos  coutumes  n  ont  pas,à  beaucoup  près, 
rlccidé  ni  même  prévu  la  queftion.  Voici  celles  qui 
prononcent  en  faveur  de  la  prefcriptibilité  des  pref- 
tations  dont  il  s'agit, 

I5f)uIounois  ,  article  120;  Artois,  article  72; 
Bailleul  ,  rubrique  21  ,  article  3  ;  Valenciennes  , 
article  93  ;  Cambrefis  ,  titre  17  ,  article  i  ;  Namnr , 
article  37  ;  Lieee  (2)  ,  chapitre  9  ,  article  3  ;  Met  '. , 
titre  14  ,  article  9  ;  Reims  ,  articles  300  &  381  ; 
Scnlis,  articles  190  &  191  ;  Clcrmont  en  Argonne, 
chapitre  14,  articles  4&  7  ;  chàttllcnic  de  Lille, 
chapitre  17  ,  article  2  ;  ville  de  Lille  ,  chapitre  6  , 
-.Article  1  ;  gouvernance  de  Douai  ,  chapitre  14,  ar- 
ticle I  ;  ville  de  Douai  ,  chapitre  9  ,  article  i  ; 
O  rchics  ,  chapitre  8  ,  article  1  ;  la  Gorgue  ,  article 
43  ;  Lo  rpine  ,  titre  18  ,  article  2;  Gorze,  titre  14, 
article  32  ;  Ponthieu  ,  article  115;  Grand'Perche  , 
article  2 1  3  i  Orléans  ,  article  309  ;  Montargis  ,  cha- 
p  trc  I  7  ,  article  4  ;  la  Marche,  article  91  ;  Auver- 
gne, chapitre  17,  article  2. 

Il  faut  ajouter  à  ces  coutumes  vne  ordonnnnce 
de  1^64  qui  d\  particulière  à  la  Franche-Comté  : 
elle  porte  félon  Dunod  ,  partis  3  ,  chapitre  7  ,  que 
((  toutes  rentes  &  redevances  annuelles  confeflees 
»  &  reconnues  par  écrit  ,  &  portant  hypothèque  , 
«  feront  prefcrites  par  quarante  ans,  au  cas  que  Je 
j)  payement  n'en  ait  été  fait  pir  ks  principaux  dc- 
»  biteiirs  ,  héritiers,  ou  tenementiers  (détenteurs  ) 
„  des  aiTignaux  »  ,  ou  hypothèques  fpéciales  (3). 

Voilà  aflnrément  un  enfemble  refpeAible  de  dé- 
cidions en  faveur  de  la  prefcriptibilité  des  rentes  , 
redevances  &  prédations  annuelles  qui  n'ont  pas 
pour  objet  la  reconnoiflance  de  la  direOe  feigneurie. 
Mais  le  fentinient  contraire  a  auiïi  trouvé  des  par- 
tifans  parmi  les  réda(fleurs  de  nos  coutumes.  Il  y 


(i)  Voici  la  termes  de  d'^-'gtntré.  Generali  obfervaiione 
regni  F'anciï,  una  pro  omnibus  omnium  annorum  prxitatio- 
nituJ  Pi'ï^'ctipt'O  fiiHîcit  ;  &  hoc  juie  utiiiiur  : /ur /' :/r/<:/e 
171  rft  l'anc'ennt  coutume  de  Bretagne  ,  aux  mots,  qui  n'é- 
chcenc d'an  en  an  ,  nomfcre  j. 

(a)  La  dirpoiîùon  de  cette  coutume  eft  iîngulière  :  elle 
exige  quarante  ans  &  lonne  foi  pour  qu'on  puiffe  prefcrire  ]a 
libération  dune  rente  :  encore  taut-il  que  ce  foit  emr)  gens 
ca)  J'iesb-  idoines.  _ 

(O  Et  ex  liisceffat  apud  nos  (  dit  M.  Gnvel ,  décijîon  124)  , 
quxitio  illa  antiqua  &:   perplexa  in  quâ  doûores  mitiHcè  va- 
riant,  an   Icilicetin    hujufnio-ii  ff^'t^tionibus  annuis  unius 
cuiufqueanai   propria    lequiratur    PraEictiptio  ;  &:  quot   funt    J 
aoui ,  lot  rc>iuira.ntui;  Ptxfcripiiones  jo  vd  ^o  annerui»,  { 


PRESCRIPTION. 

en  a  plufieurs  qui, ou  n'admettent  pas  la  Prefcrîp.; 
tion  en  cette  matière  ,  ou  ,  ce  qui  revient  au  même  , 
ne  i'ïïdiuettent  qu'à  l'aide  d'une  conttadidion  préa- 
lable Ôc  ftiffifante  pour  former  une  interverfion  de 
titre  ,  ou  enHn  déclarent  qu'il  n'y  a  li;  u  contre  les 
droits  dont  il  s'agit ,  qu'à  la  Piifcription  immémo- 
riale. Tranfcrivons  ici  leurs  termes. 

«  Droit  de  tailles,  corvées,  charrois  &  autres 
»  redevances  &  prcftations  perfonnelles  ,  comme  fem- 
»  blablement  droit  de  cens  &  rente  annuelle...  ne  fe 
»  peuvent  prefcrire  par  le  fujet  ou  débiteurs  cowr,-? 
»  les  feigneurs  ou  crèancien  ,  finon  par  efp?.ce  de 
»  temps  immémorial ,  ou  bien  par  refpace  de  trente 
»  ans  ,  après  la  contradiction  par  eux  faite  de  fatis- 
»  faire  auxdites  preftations  ».  Saint- Mihicl  ,  titre 
10,  articles  7  &  8. 

"  Droit  de...  &  rente  annuelle...  ne  fe  peut  pref- 
>'  crire  par  les  fujets  ou  débiteur  contre  leur  fei- 
"  gneur  créancier  ,  finon  par  laps  de  temps  immé- 
»  morial,  ou  bien  par  l'efpace  de  vingt  ans  vingt 
»  jours  (i)  après  le  refus  ou  contradiâion  par  eux 
'>  faite  de  fatisfaireà  telles  prelhtions  ou  redevan- 
"  ces  ».  Gorze,  titre  14  ,  articles  27  &  28. 

"  Droit  de  taille  es  quatre  cas  ,  de  charrois  & 
"  manœuvres  ,  &  de  tailles  perfonnelles  nefe  pref- 
>♦  crivent ,  fmon  depuis  la  contradiélion  ».  Bour- 
n  bonnois ,  article  29  (2). 

La  coutume  d'Auvergne  décide  la  même  chofe 
par  rapport  au  droit  de  taille  aux  quatre  cas  ;  mais  à 
1  égard  des  autres  preftations  ,  elle  diftingue  celles 
qui  font  déterminées  d'avec  celles  qui  font  exigi- 
bles à  merci  &  volonté.  Les  premières  fe  prefcrivent 
par  trente  ans.  Les  fécondes  ne  peuvent  être  pref- 
crites qu'au  moyen  d'une  coniradiâion  préalable. 
Voyez  ci-devant,  §.  1 ,  diftinflion  V. 

Alais  que  décident  les  arrêts  ,  foit  dans  les  cou- 
tumes muettes ,  foit  dans  les  pays  de  droit  écrit  ? 

An  parlement  de  Paris  ,  on  n'a  jamais  douté  que 
la  Preicription  ne  pût  éteindre  une  rente  confti- 
tiiée,  une  redevance  foncière,  en  un  mot,  une 
preflatlon  quelconque,  pourvu  qu'elle  n'emportât 
point  la  feigneurie  direfle. 

Au  parlement  de  Touloufe  ,  on  fait  des  à'ifWnc- 
tions  qui  ne  paroiffent  avoir  d'autre  fource  que  des 
idées  purement  arbitraires. 

M.  d'Olive  ,  livre  i  ,  chapitre  6  ,  dit  que  «  les 
»  arrêts  de  ce  parlement  ont  confidéré  les  pen/îons 
V  obituaires  comme  des  rentes  foncières ,  pour  les 
■n  déclarer  non  -  feulement  imprefcriptibles  ,  mais 
>)  pour  faire  auffi  que  les  arrérages  en  foient  dus 
M  depuis  vingt-neufans  avant  l'introdudion  de  l'inf- 
n  tance  ".  C'eft ,  continue- t-il  ,  ce  qui  a  été  jugé 
notamment  par  arrêt  du  7  juillet  1633. 

fi)  Voyez  ci-clevant,  fedion  1,  j.  des  Prefcriptions  de 
vingt  ans,  à  la  h"n. 

(a)  Cette  difpoffticn  eft  d'autjnt  plus  extraordinaire  dans 
la  courume  de  Bourbonnois  ,  que  le  cens  s'y  prcfcrit  haï 
trente  ans,  fans  qu'il  (bit  beibin  de  contradidioa. 

Voycï  ci'devaut,  §.  i  >  diftinâion  Y. 


PRESCRIPTION. 

Dans  les  notes  fur  ce  chapitre,  M.  d'Olive  di*^ 
que  cette  iurilprudence  a  été  introduite  par  efprit 
de  religion  ,  pietjùs  ïniuitu  ;  &  il  rapporte  un  arre^ 
du  7  jîinvier  1637,  rendu  dans  une  efpècc  "  où  1 
»  s'agifToit  d'une  rente  obiruaire  établie  ^ar  con- 
>)  trat ,  qiii  fut  jugée  imprefcriptible  ». 

Plus  bas  ,  il  nous  apprend  que  par  un  autre  arrcr 
rendu  à  fon  rapport  le  3  i  août  1639  ,  «  il  a  été  jugé 
>'  que  non  (culement  la  penfion  obituaire  que  le 
»  londatcur  a  aflignée  (ur  certains  fonds  eft  impref 
"  criptible  &  palîc  pour  rente  foncière  ,  mais  auili 
n  celle  que  les  héritiers  du  fondateur  ,  l'obituaire 
"  &  les  patrons  ont  aiîîgnèe  fur  un  fond  ,  à  raifon 
>»  delafoinme  prôvcnue  de  la  vente  d'une  maifon 
"  de  la  fondation  v. 

11  dit  encore  qu'un  arrêt  du  4  avril  1642  ,  rendu 
après  partage ,  a  décidé"  que  la  rente  obitu.rire 
»  n'eîi  pas  prefcriptible  ,  encore  que  par  uneciaule 
»  exprefle  de  la  fondation  elle  foit  rachetabie  m. 

Dans  un  autre  endroit  (  livre  2  ,  chapitre  21  )  , 
M.  d'Oli'.'e  examine  fi  les  rentes  conftituées  à  pnx 
d'argent  ur  un  fonds  allodial,  font  prefcriptibles  , 
lovfqu'elles  font  conçues  en  forme  d'emphytéofe  ? 
La  négative  paroitroit  ne  devoir  loufirir  nulle  dif- 
ficulté. Cependant ,  notre  auteur  prétend  que  le 
parti  de  l'imprefcriptibiliié  a  été  adopté  par  im  arrêt 
du  x8  août  1634.  Mais  DefpeifTes  qui  dit  avoir  vu 
cet  arrêt ,  allure  qu'il  a  décidé  tout  le  contraire. 

M.  d'Olive  dit  encore  que  par  deux  autres  arrêts 
des  30  mars  1640  Se  27  juin  1641  ,  de  pareilles  ren- 
tes ont  été  déclarées  imprefcriptibles  ;  mais  il  a  foin 
d'avertir  que  dans  l'efpéce  du  fécond  ,  il  y  avoit 
des  circonrtances  fuffifantes  pour  établir  une  tradi- 
tion de  fonds  de  la  part  du  créancier  de  la  rente  , 
ce  qui  la  rendoit  vraiment  emphytéotique. 

Enfin,  il  dit  que  la  jurifprudence  a  été  fixée  en 
faveur  de  la  prefcriptibilité  par  deux  arrêts  très-pré- 
cis ,  l'un  de  1641  ,  &  l'autre  du  mois  de  juin  1644  : 
nous  devons  ajouter  ,  &  par  un  troifième  du  29 
août  1657,  rapporté  par  Albert ,  au  mot  rentes  , 
§.  I.  _ 

Ce  qu'a  écrit  fur  cette  matière  M.  de  Catellan  , 
livre  I ,  chapitre  7,  ne  fait  que  confirmer  les  affer- 
tions  de  M.  d'Olive. 

Il  commence  par  annoncer  qu'il  a  été  un  temps 
ou  les  chambres  du  parlement  de  Touloufe  étoient 
partagées  fur  la  queflion  de  favoir  fi  «  les  fonda- 
»  tions  qui  regardent  le  fervice  divin  Se  les  fer- 
»)  vices  pour  les  morts  font  imprefcriptibles ,  foit 
j)  qu'elles  proviennent  de  tefiament  ou  de  con- 
»  trat  ». 

Et  il  ajoute,  qu'après  de  longues  difputes  fur 
les  opinions  de  Martin  &  de  Bulgare  ,  «  la  fa- 
w  veur  de  l'églife  &  des  fondations  pieufes  a  en- 
j>  fin  réuni  les  efprits  ,  &  qu'on  juge  conilammcnt 
}>  &  indifiiniflement  dans  toutes  les  chambres  que 
M  les  rentes  obituaires  ou  autres  en  faveur  de  l'é- 
»  glife  font  imprefcriptibles  m. 

Après  ce  début ,  M.  de  Catellan  paffe  à  la  quef- 
tion  déjà  traitée  par   M.  d'Olive,  fi  la  faculté  de 


PRESCRIPTION.  413 

rachat,  appofée  à  une  rente  conftituée  par  libéra- 
lité au  profit  de  l'églife,  rend  cette  rente  pafTible 
de  Prefcription  ,  ou  plutôt  fi  elle  en  fait  préfumer 
le  rembourfenient ,  lorfqu'il  s'eft  écoulé  quarante 
ans  fans  que  les  arrérages  en  aient  été  pr.yés. 

Après  avoir  dit  que  fur  cette  quefiion  ks  av'S 
lont  affez  partagés  ,  il  rapporte  un  arrêt  du  19 
août  1665  ,  par  lequel  la  Prefcription  a  été  ad- 
mife.  Mais  dans  l'efpece  jugée  par  cet  arrêt ,  il  re- 
marque trois  circontlances  particulières,  i".  Lap« 
de  plus  de  trois  fiècles  :  a",  opulence  des  débitcnts 
de  ia  rente,  ce  qui  rendoit  le  rachat  très-vrai(em- 
blable  :  3°.  piljagc  de  leur  maifon  dans  un  te;rps 
de  guerre  ,  d'où  l'on  pouvoir  conclure  que  l'ac'e 
de  rembourfenient  av-oit  été  égaré  ou  brûlé.  Et 
avec  cela,  l'avis  qui  forma  l'arrêt,  ne  l'emporta 
que  de  deux  voix  fur  le  parti  contraire. 

Excepté  ce  cas,  continue  M.  de  Catellan,  j'ai 
toujours  vu  juger  en  faveur  de  l'imprefcriptibilité, 
nonobfiant  le  paéle  de  rachat.  Telle  eft  notam- 
ment la  dêcifion  d'un  arrêt  du  14  mai  1667. 

On  a  élevé,  nous  dit  encore  le  même  magif- 
trat ,  une  autre  queftion  ,  par  rapport  a  l'imprcf- 
criptibilité  des  rentes  obituaires. 

Il  s'agiiToit  de  favoir  fi  ce  privilège  eft  limité 
à  l'aiRion  perfonnelle  qui  peut  être  exercée  par 
l'églife  contre  les  héritiers  ,  ou  s'il  s'étend  jufqu'à 
l'adion  hypothécaire  ,  &  fi  en  conféquence  un 
tiers-acquéreur  eft  hors  d'état  de  prefcrire  la  liLé- 
ration  de  la  rente  pour  laquelle  fon  héritage  eft 
afl'eélé  envers  l'églife.  Ce  dernier  parti ,  repond 
M.  de  Catellan  ,  u  a  été  précifément  adopté  à  m.ca 
)>  rapport ,  fuivant  l'avis  de  Perrière  ,  furies  quei- 
j>  tions  432  &  576  de  Guy-Pape,  dans  la   car.fe 

V  de  Maifier ,  acquéreur  d'une  rente  fur  le  village 
ij  delaValete,  hypothéquée  pour  une  rente  obi- 
»  tuaire  ". 

J'ai  auflî  vu  (  c'eft  encore  M.  de  Catellan  qui 
parle)  ,  j'ai  auifi  vu  «  juger  avec  moins  de  diîii- 
3)  culte,  à  la  féconde  chambre  .des  enquêtes  ,  ati 
)>  mois  de  mai  1665  ,  que  le  laps  de  plus  de  cer.-t 
»  ans  ne  faifoit  pas  que  le  tiers-poilefieur  pût  pref- 
»  crire  la  rente  établie  fur  fon  fonds  »,  11  y  avoir 
cependant  une  circonftance  bien  favorable  à  la 
caufe  :  c'eft  que  par  l'afle  de  fondation,  les  hé- 
ritiers &  ayans-caufe  du  fondateur  avoient  la  li- 
berté de  décharger  l'héritage  aft'eélé  à  la  rente  , 
en  la  transférant  iur  un  autre.  Le  tiers-pofiefl'eur 
foutenoit  que  le  laps  de  temps  devoit  faire  préfu- 
mer cette  tranflation  ;  mais  il  ne  fut  pas  écouté. 

"Vedel  dans  fes  obfervations  fur  M.  de  Catellan  , 
dit  qu'  «  on  peut  ajouter  aux  arrêts  qui  ont  ju^é 

V  la  rente  obituaire  imprefcriptibie  ,  fur  la  térc 
»  des  tiers  -  acquéreurs  du  fonds  affujetti  à  la 
»  rente,  un  arrêt  rendu  le  12  avril  1718  n.  En 
effet  ,  dans  l'efpècc  de  cet  arrêt,  le  marquis  de 
Cafielnau  contre  qui  il  a  été  rena|ii>,  avoit  en  (a 
faveur,  une  jouifi"ance  paifible  de  148  ans,  fans 
acquitter  la  rente  :  il  n'y  avoit  aucun  fervice  an- 
nexé 3  cette  redevance i  elle  avoit  d'ailleurs  éié 


414  PRESCR  IP  nON. 

tranfporice  Air  deux  différens  héiitnges ,  dont  les 
polVeireurs  l'avoient  payée  régulièrement.  Maigre 
tes  circonftances  ,  le  marquis  de  Callelnau  tut 
condamné. 

Mais  le  parlement  de  Touloufe  regarde-t-il  com- 
me imprelcriptiblcs  les  rentes  conltituees  à  prix 
d'argent?  Non,  il  reftreint  ce  privilège  aux  rentes 
qui  ont  été  données  ou  léguées  à  l'éghfe  ;  Se  dans 
le  cas  même  où  c'cft  au  profit  de  l'églifc  qu'a  été 
pafté  le  contrat  de  conititurion  à  prix  d'argent , 
il  juge  que  la  rente  eu.  paflible  de  Prefcription. 
Ceil  ,  dit  M.  de  Catellan  ,  "  ce  que  j'ai  vu  juger 
j)  à  mon  rapport  le  12  juin  166^  ,  après  partage 
j>  porté  de  la  première  chambre  des  enquêtes  à 
j>  la   féconde  ». 

Les  arrêts  de  1634  ,  1641  ,  1644  &  1*^57  ,  rap- 
pelés ci  deiTus  ,  ajoutent  à  la  vérité  de  cette  alTer- 
tion ,  un  nouveau  degré  d'évidence. 

Voilà  tout  ce  qu'ont  écrit,  fur  la  Prefcription 
des  rentes  ,  MM.  d'Olive  ik  de  Catellan  ;  c'e(t- 
à  dire,  deux  des  plus  favans  magidrats  qui  aient  il- 
luftré  le  parlement  de  Languedoc.  Joignons -y 
deux  décifions  que  renferme  lur  la  même  matière  , 
le  journal  du  palais  de  Touloufe. 

Le  chapitre  200  du  tome  3  ,  nous  préfente  un 
arrêt  du  12  feptembre  1712,  qui  juge  a  que  le 
j>  privilège  de  l'imprefcriptibilité  accordé  aux  ren- 
«  tes  obituaires  contre  les  poiTcffeurs  des  biens 
j)  du  fondateur,  n'eft  pas  accordé  de  même  contre 
5>  les  poiTelTeurs ,  non  des  biens  du  fondateur ,  mal;, 
«  des  biens  de  fes  héritiers  >». 

Dans  le  tome  4,  chapitre  96,  eft  un  autre  arrêt 
du  24  mars  1719,  par  lequel  il  a  été  décidé  que 
((  la  rente  qu'une  églife  fait  à  une  autre  ,  fe  prcf- 
j>  crit  ,  fi  elle  n'eft  foncière  ,  ni  obituaire  ,  ni  éta- 
»  blie  en  figne  de  fupériorité  ".  Voyez  ci-après  , 
§.   IV. 

Le  parlement  de  Dauphiné   étendoit  autrefois 
à  tous  les  genres  de  preftations  annuelles  ,  la  feule 
cfpèce  d'imprefcriptibilité  qu'il  admet  dans  la  féo 
dalité  &  la  direâe  (1). 

Il  les  affranchiffoit  de  toute  Prefcription  au- 
defibus  de  cent  ans.  C'eft  ce  qu'attefte  Guy-Pape , 
queftion  406. 

Mais  M.  de  Salvaing  nous  apprend  dans  fon  traité 
de  l'ufage  des  fiefs  ,  chapitre  78  ,  qu'à  l'inAant 
où  il  livroit  cet  ouvrage  à  l'impreflion  ,  c'eft-à- 
dire  ,  en  1668,  il  y  avoir  quarante  ans  que  la  ju- 
rifprudence  du  palais  étoit  changée  fur  ce  point. 
Depuis  ce  temps ,  dit-il  ,  «  le  parlement  a  jugé 
j)  conflammcnt  que  toutes  preftations  annuelles  , 
M  autres  que  les  direéies ,  fe  prefcrivent  par  qua- 
«  rante  ans,  comme  n'étant  confidérées  que  pour 
j)  fimples  hypothèques  ». 

Ce  magiftrat  ajoute  qu'il  a  cependant  vu  douter 
fi  cette  jurifprudence  ne  devoit  pas  être  reflreinte 
aux  rentes  c<ii>ftituées ,  ou  fi  on  pouvoit  aufli  l'ap- 
pliquer aux  rentes  foncières  :  mais,  continue- t-il  , 

(i)  Voycï  ci  devant  ,'j.  i  ,  dilHni^ion  4. 


PRESCRIPTION. 

ce  àoutG  a  été  levé  en  faveur  du  fécond  parti  , 
par  un  arrêt  du  28  juin  1645  ,  rendu  de  l'avis  des 
chambres. 

BalTet  rapporte  aufli  cet  arrêt ,  livre  2  ,  titre  39  , 
chapitre  2  ,  &  il  obferve  qu'il  a  pafTé  de  vingt-fix 
voix  contre  dix. 

Chorier  ,  jurifprudence  de  Guy-Pape  ,  page  35  » 
en  rapporte  un  autre  du  29  juillet  1639  ,  qui  juge  , 
de  l'avis  de  toutes  les  chambres  ,  que  les  tiers- 
poflefleurs  d'un  bien  fujet  à  une  rente  anniver- 
saire ,  en  prefcrivent  l'exemption  contre  l'églife 
par  quarante  ans.  En  cela,  le  parlement  de  Gre- 
noble s'écarte  de  la  jurifprudence  du  parlement 
de  Touloufe,  &  en  même  temps,  comme  on  le 
verra  ci-après  ,  de  celle  du  parlement  de  Bordeaux. 
Mais  il  eft  d'accord  avec  les  vrais  principes. 

Le  parlement  de  Bordeaux  juge  de  même  par 
rapport  aux  rentes  coiifîituées  :  il  les  regarde  com- 
me prefcriptibles  par  trente  ans  :  c'cft  ce  qu'nttefte 
l'annotateur  de  la  Peyrere  ,  lettre  P ,  nombres  57 
&.  71. 

Mais  à  l'égard  des  rentes. que  les  habitans  de  la 
Guyenne  nomment  fondicres  ,  &  qui  répondent  à 
ce  qu'on  appelle  ailleurs  rentes  foncières  ou  rentes 
de  bail  d'liérii,ige  ,  le  parlement  de  Bordeaux  les 
juge  imprefcriptibles  comme  le  cens.  La  Peyrere  , 
leure  P,  nombre  55  ,  en  rapjjorte  un  arrêt  du  26 
juin  1643  ,  &  (on  annotateur  ajoute  que  «  cet  arrêt 
)>  a  été  fuivi  d'une  infinité  ^'autres  arrêts  fembla- 
»  blés  ,  qui  ont  jugé  que  les  rentes  fondières  font 

)>  imprefcriptibles ,  &  même  que  le  dé- 

»  cret  ne  les  purge  pas  ».  Plus  bas,  nombre  57, 
note  c,  il  prétend  qu'  «  en  ce  point ,  la  jutifpru- 
»  dence  de  fon  pays  eft  plus  conforme  au  droit, 
T>  en  ce  que  (fuivant  lui  )  la  raifon  de  la  loi  6  , 
»  C.  de  Prxfcriptione  30  val  40  annonim  ,  a  égals- 
')  ment  lieu  à  l'égard  de  celui  qui  tient  un  hcri- 
»>  tage  au  devoir  ,  c'eft-à-dire,  moyennant  la  recon- 
M   noiflance  d'une  rente  fecjnde  n. 

Du  refte,  le  parlement  de  Bordeaux  accorde, 
comme  celui  de  Touloufe,  le  privilège  de  l'im- 
prefcriptibilité aux  rentes  obituaires.  C'elt  ce  qu  a 
jugé  ,  même  contre  un  tiers-acquéreur  des  biens 
aheélês  à  la  fondation  ,  un  arrêt  du  2^  févriar 
169'),  rapporté  dans  le  recueil  de  la  Peyrere, 
lettre  R  ,  nombre  102. 

Le  parlement  d'Aix,  eft,  de  tous  les  tribunaux  du 
royaume,  celui  qui  eft  le  moins  favorable  à  la 
Prefcription  des  preftations  annuelles. 

Tous  les  auteurs  de  fon  reîTort  conviennent  de 
l'imprefcriptibilité  de  celles  qui  n'ont  point  de  ca- 
pital déterminé  ;  &  il  ne  refte  de  difHculté  enrr'eux 
que  pour  les  autres. 

Paftour  ,  traité  ùc^  fiefs  ,  livre  3  ,  titre  5  ,  nom- 
bre 4  ,  foutient  qu'elles  font  prefciptibles  ;  & 
M.  de  Bèfieux,  livre  8,  chapitre  4  ,  §.  3  ,  rapporte 
un  arrêt  du  27  mars  1713  ,  qui  l'a  ainfi  jugé.  Il 
s'agilToit  d'une  rente  confiiruée  en  1641  ,  pour 
prix  d'un  héritage  vendu  ,  &  dont  on  n'avoit  de- 
mandé payement  que  7oans  après. C'étoitcoiurc  un 


PRESCRIPTION. 

tiers-acquéreur  que  les  pourfuites  étoient  dirigées  ; 
mais  il  paroîc  que  cette  circonllance  n'a  point  in- 
flué fur  le  jugement  de  l'affaire  ;  M.  de  Bézieux 
n'en  dit  pas  le  mot  dans  les  uiotits  dont  il  rend 
compte,  &.  il  devoir  les  connoirrc,  puilqu'i!  ùoii 
préfident  de  la  chambre  par  laquelle  l'arrêt  a  été 
rendu. 

L'opinion  contraire  eft  foutenue  par  Duperrier , 
rom.  1  ,  queftion  i  a  ,&  dans  Tes  maximes  ,  titre  de  la 
Prefcriptiun  d'.s  prtjldiions  annuelles,  W  eftime  qu'en 
bonne  jurifprudence,  les  rentes  conftituées  à  prix 
d'argent  ne  font  point  fujcttes  à   la  Prefcriprion 
par  la  feule  ceflntion  du  payement  pendant  trente 
ans  ;  &  la  raifon  en  eti  qu'il  n'cft  point  dû  de  prin- 
cipal, qu'il  eft  aliéné  ,  que   le  créancier  ne  peut 
de  nander  chaque  anné;.-  que  la  renie  échue  ,  qu  ainh 
1  aiTtion   pour  les  éciiéanccs  à  venir   fubfiile  tou- 
jours. Ce  fentiment  a  enfin  prévalu.  Il  a  crè  juge 
par  plufieurs  arrêts  ,  dit  M.Julien  ,  dans  fon  com- 
mentaire  fur  les  ftatuts    de   Provence  ,  tome  2  , 
P3g-  511  .  «  que  la  Prefcriprion  de  trente  ans  ne 
»  pouvoit   pas  être  oppofée  en   cette  matière.  Il 
»  y  en  a  un  arrêt  d'audience  du  22  décembre  1726  , 
»  un  autre  du   23   mai    173'),  au  rapport  de  M. 
"  de  Beauval  ;  un  autre  du   29  janvier  1738,  au 
>>  rapport  de  M.  de  Gras;  &  le  quarrième,  pro- 
»'  nonce  par  M.  le  premier  préfident  de  la  Tour , 
»  à  l'audience  du  20  novembre   1744  ». 

Ces  arrêts  l'ont  aufii  rapportés  pnr  laTouloubre 
dans  fes  notes  furies  a<îîes  de  notoriété  de  MM.  les 
gens  du  roi  du  parlement  d'Aix. 

Il  a  été  rendu  un  arrêt  femblable  au  parlement 
de  Bretagne  ,  le  7  janvier  1627,  en  faveur  6Qi 
augudins  de  Carhaix.  On  le  trouve  dans  le  plai- 
doyer 121  de  Frain. 

Mais  dès  le  26  octobre  de  la  même  année,  ce 
tribunal  a  jugé  le  contraire,  en  confirmant  fur  re- 
quête civile  (i)  ,  un  arrêt  du  4  juillet  1625  ,  par 
lequel  on  avoit  déclaré  prefcrite  ,  par  ceflation  de 
payement  ,  une  rente  qui  fùfoit  partie  de  la  do- 
tation de  l'abbaye  de  Prières. 

On  trouve  ces  arrêts  dans  le  commentaire  fur 
la  coutume  de  Bretagne  ,  publié  par  Poulain  du 
Parcq,  article  280,  nombre  y. 

Chapel,  chapirre  153  ,  en  rapporte  un  autre  du 
î8  décembre  1628,  qui  juge  également  en  faveur 
de  la  Prefcripiion  ,  &  cela  contre  l'hôpital  de 
Ploè'rmel. 

Frain,  à  l'endroit  cité,  nous  en  fournit  un  du 
4  juillet  1631  ,  qui  décide  encore  qu'en  fait  de 
prejîation  ou  rente  annuelle  ,  la  Prefcriprion  com- 
mence du  jour  de  la  ceflation  de  payement,  même 
contre  l'églife,  &  qu'il  n'eft  pas  befoin  de  déné- 
gation du  droit  pour  y  donner  lieu.  La  contefta- 
tion  étoit  entre  les  chartreux  de  Nantes  &  le  nom- 
mé d'Aubron. 


[_i]  On  fait  que  dtv.s  ce  temps-la  les  requêtes   civiles  fe  ju- 
geoicnc  pat  le  iiKtite  Ju  fond. 


PRESCRIPTION.  4M 

«  Cette  maxime,  dit  Poulain  du  Parcq  (i),  a 
»  été  encore  confirmée  par  arrêt  du  20  juillet 
»  »^9i  ,  entre  M.  le  duc  &  madame  la  duche/Te 
»  de  Coillin  ,  ôi  dom  Jean  Poirier,  prieur  de 
»  Chateia;idren  ".  11  s'agiiloit  d'une  rente  de  fon- 
dation (i). 

Le  par  lenient  de  Douai  juge  comme  celui  d'Aix , 
pour  la  partie  de  fon  refiort  qui  eft  régie  par  les 
charres  générales  de  Hainaut.  Ce  n'eft  pas  que  cette 
coutume  ait  des  difpofitions  expre/fes  pour  l'im- 
prefcriptibilité  des  rentes  conftituées;  mais  les  an- 
ciens praticiens  du  pays  ont  cru  trouver  dans  ces 
lois  quelques  termes  qui  conduifoient  à  cette  opi- 
nion ;  ils  l'ont  adoptée  ,  &  de  la  réunion  de  leurs 
fiulrôges  fur  ce  point  ,  s'eft  formée  la  maxime  , 
devenue  proverbe  en  Hainaut ,  que  non  payer  reruc 
ncn^sndrc  Prejcilpcion.  Le  parlement  de  Douai  a 
trouvé  cette  jurifprudence  établie  par  différens  ar- 
rêts du    conieil  fouverain  de   Mons  ,  lorfquil  a 
été  lubrogé  à    ce  tribunal    pour  le  Hainaut  fran- 
çois  ,  &.  il  s'y  ell  conformé.  M.  le  préfident  Des- 
jaunaux  ,tome  3  5  §•   16,  en  rapporte  un  arrêt  du 
17  juillet  1702,   par  lequel  il   fut   jugé  qu'yen 
»  Hainaut    les  rentes    perfonnelles  ,  comme    les 
»  réelles  ou  hypothéquées,  ne  fe  prefcrivent  point 
'>  pour  les  principaux  deniers,  faute  d'en  payer 
»  les  cours  pendant   trente  ,  mê.aie  quarante   ou 
»  cinquante  ans  ". 

Ce  qu'il  y  a  de  furprenant  ,  c'eft  que  dans 
la  même  province,  le  terrage  ,  quand  il  ne  tient 
pas  lieu  de  cens  ,  fe  prefcrit  par  vingt-un  ans  , 
même  fans  ccntradiftion  ni  refus  préalable.  C'efl 
ce  qu'on  a  établi  fous  le  mot  Champart.  D'où 
peut  donc  venir  une  différence  aulîi  marquée 
entre  l'une  &.  l'autre  efpéce  de  preflation  }  Et 
puifquc  les  chartes  générales  déclarent  prefcrip- 
tible  tout  terrage  qui  n'eft  point  récognitif  de 
la  direi51e  feigneurle  ,  pourquoi  ne  pas  ejivifager 
du  même  œil  les  rentes  conftltuées .'' 

Au  Parlement  de  Dijon,  la  jurifprudence  a  tou- 
jours été  confiante  en  faveur  de  la  prefcriptibi- 
lité  des  prefîations  qui  ne  caraélérifent  pas  la  di- 
reéle  feigneurle. 

Le  procès-verbal  des  cahiers  drefies  "en  1569  , 
pour  la  reformation  de  la  coutume  de  Bourgogne  , 
fait  mention  d'un  arrêt  de  l'an  1566,  qui  juge  que 
les  cens  fonciers   &•  renies  /impies   ,    dans  Icfquels 


[i]  lof.cj'r.  arrêt  j. 

[1]  Voici  le  dirpofuif  i^e  l'arrêt, 

c.  La  cour  avant  faire  droitdans  l'appel  de  la  fenttncedu  if 
«  juil'et  l<5/o,  ordonne  que  ledit  Cadean  ,  failanr  pour  Jedir 
.3  roirier,  prieur  titulaire  de  piisuré  de  ChatelanHren  ,  in- 
»  formera  tant  par  aftes  que  pir  témo-^ns  j  que  ledit  Poiiier 
r>  &  Tes  prcdéceffeurs  on'  été  feryis  ô:  p»y-«  ,  depuis  les  43 
»  an';  derniers,  delaren?  de  «juarame- quatre  hoiilcaux  de 
M  froment  qu'il  prétend  lui  être  due  fur  les  terres  de  Plon- 
„  balance,  Kity  &  Peros  ;  comme  aulli  que  lefdits  du  Cam- 
„  b<  tu-  &  du  Hilgouet  fa  ferr,rae  infonDcront  du  contraire  , 
»  par  le^  mêmes  voies  ,  devant  les  jiges  royaux  de  Sair.t- 
»  B'ieux,  dépens  réfcryés  .>. 


4^S  p  rf:scrïption. 

il  n')^  a  aucune  réfcrve  de  lods  ,  de  retrait  fel- 
gneuria! ,  ni  de  domaine  direfl  ,  fe  peuvent  du 
tout  prcjcrire  ,  tant  pour  te  principal  que  pour  les 
arrét.igcs. 

Raviot  ,  fur  Perrier ,  qiieftion  338,  nombre  19  , 
dit  qiie  par  un  autre  arrêt  du  12  juillet  1567  , 
trouvé  dans  les  nianufcrits  de  M.  Colin  ,  confeil- 
1er  au  même  parlement:  «  Les  religieufes  de  Prâ- 
î»  ion,  ayant  demandé  au  ficur  Brocard  un  cens 
»  qui  n'étoit  ni  feigneurial  ,  ni  emphytéotique  , 
5»  &  n'ayant  pu  justifier  d'aucun  payement  pen- 
3)  dant  quarante  années  ,  furent  déboutées  par  la 
îi  Prefcription  "  ;  &  il  ajoute  ,  d'après  les  mêmes 
nianufcrits,  que  M.  Colin  étoit  l'un  des  juges. 

Bouvot ,  tome  2  ,  article  Prefcription  ,  quefiion 
3  ,  cite  UI1  autre  arrêt  de  la  même  cour  du  4  août 
1607,  qui  juge  également  que  a  la  rente  volante 
3>  eft  prefcrite  par  trente  ans ,  faute  de  demande 
«  &  de  pourhiites  ».  Un  autre  arrêt  du  mois  de 
juillet  1623,  qu'on  trouve  dans  la  queflion  2  du 
même  article  ,  a  jugé,  u  qu'une  rente  léguée  à  l'é- 
'>  glife  &  afTignée  ,  peut  fe  prefcrire  par  trente 
y>  années  ».  (i) 

11  y  a  encore  dans  le  journal  du  palais ,  un  ar- 
rêt de  la  même  cour  du  23  mars  1672,  qui  dé- 
cide qu'une  rente  fimple  foncière  fe  prefcrit  par 
trente  ans. 

On  a  cependant  admis  au  parlement  de  Dijon  , 
la  maxime  des  parlemens  de  Touloufe  &  de  Bor- 
deaux ,  que  les  prédations  dues  à  l'églife  pour  fer- 
vices  ,  font  imprefcriptibles  de  la  part  des  fon- 
dateurs &  de  leurs  héritiers, 

«  Les  fervlces  qui  fc  font  tous  les  jours  (  dit 
ïj  Raviot,  quertion  345,  nombre  26),  font  des 
5>  aifles  qui  exécutent,  en  quelque  forte,  la  con- 
>»  vention  ou  le  titre  ,  &  qui ,  par  conféquent , 
j>  s'oppofent  à  la  Prefcription  ». 

On  a  même  foutenu,  lors  d'un  arrêt  du  16  juin 
1665  ,  que  ce  privilège  d'imprefcriptibilité  s'étend 
aux  oblations  en  grains  que  les  paroi/Tiens  (ont 
tenus,  en  certains  endroits,  de  faire  à  leur  curé  , 
pour  le  pain  ,  le  vin  &  le  luminaire  qu'il  fournit 
à  l'églife  :  dans  cette  efpèce  ,  deux  particuliers 
vouloient  fe  fouftrairc  au  payement  de  la  rede- 
vance en  nature  ,  &.  prétendoient  ne  payer  que 
cinq  fous  ,  comme  ils  avoient  fait  depuis  un  temps 
immémorial,  iTans  en  connoître  ,  difoientils  ,  la 
caufe.  Le  curé  leur  répondoit.  Vous  n'avez  pas  pu 
prefcrir-' le  fond  du  droit,  parce  que  tout  ce  qui 
eu  dû  à  l'églife  pour  caufe  de  fondation  &  de 
fervice ,  eft  imprefcriptible  :  à  l'égard  du  paye- 
ment en  nature  ,  les  principes  veulent  qu'il  foit 
toujours  exigible,  quoique  pendant  long-temps, 
il  y  ait  été  fubftitué  un  payement  en  argent.  — 
L'arrêt  cité  donna  gain  de  caufe  au  curé. 

Mais  le  parlement  de  Dijon  ne  va  pas,  en  ma- 
tière de  fondations  ,  auffi  loin  que  ceux  de  Tou- 


(1)  Pourquoi  tiente  ans  contre  l'églile  ?  Voyez   ci  après , 
§.  4,  dilHiidlion  I. 


PRESCRIPTION. 

loufc  &  de  Bordeaux  :  à  l'evemple  Gu  parlement  d 
Dauphiné,  il  juge  qu'un  tiiirs-polfeiTeur  peut  pref- 
crire une  rente  obituaire.  Raviot  ,  à  l'endroit  mdi" 
qué  ci-deffus  ,  nombre  27,  en  rapporte  deux  arrêts 
des  7  juin  1666  &  premier  mars  1667. 

Voilà  quelle  eft  fur  cette  matière  la  jurifpru- 
dence  des  différens  tribunaux  du  royaume;  il  n'y 
règne  pas  ,  comme  on  voit  ,  cette  uniformité  que 
fuppofe  d'Argentré  ,  lorfqu'il  dit  que  l'ufage  géné- 
ral de  la  France  a  prononcé  en  faveur  de  ia  pref- 
criptibilité  des  preftations  annuelles  non  portant 
direéle  feigneurie  ;  mais  du  moins  il  rèfulte  des  dé- 
tails danslefquels  nous  fonimes  entrés  ,  que  cette 
opinion  a  pour  elle  la  pluralité  des  coutumes  & 
àes  arrêts  ;  noHS  aurions  même  pu  y  a/ourer  le  fuf- 
frage  de  deux  cours  fouveraines  étrangères  ,  à  la 
vérité ,  mais  voifmes  des  états  du  roi  ,  &.  toutes 
deux  compofées  ,  depuis  long- temps,  des  plus  pro- 
fonds jurifconfultes.  L'une  ell  le  fénat  de  Catalo- 
gne (i)  ,  l'i-futre  leconfeil  fouverain  deBrabanr(2). 

Au  refte  ,  il  eft  un  cas  où  ceux  même  qui  tien- 
nent le  parti  de  rimprefcriptibilité  ,  rendent  hom- 
mage à  cette  jurifprudence.  C'cft  lorfque  la  contef- 
tation  cft  entre  le  créancier  &  un  tiers-acquéreur 
du  bien  affeéié  à  la  preftation  annuelle.  On  a  vu 
plus  haut  que  les  parlemens  de  Touloufe  &  de  Bor- 
deaux ne  permettent  pas  à  celui-ci  de  prefcrire 
contre  l'églife  ;  mais  c'efl  une  maxime  abfolument 
particulière  à  ces  deux  cours  ;  &  par-tout  ailleurs , 
il  pa/Te  pour  indubitable  qu'en  faveur  du  tiers- 
acquéreur  qui  n'a  point  reconnu  la  rente  ,  la  Pref- 
cription opère  contre  tous  indiliinéiement.  C'eft 
même  la  difpofition  expreOe  de  plufieurs  coutu- 
mes, notamment  de  celles  d'Etampes  ,  articles  63 
6c  64  ;  de  Montfort  ,  article  62  ;  de  Mantes  ,  arti- 
cles 108  &  109  ;  de  Melun  ,  article  170  ;  Verman- 
dois,  article  142;  de  Reims  ,  articles  380  ,  381  6c 
384  ;  de  Senlis ,  article  193  ;  de  Clermont  en  Beau- 
voifis  ,  article  69  ;  de  Valois  ;  article  1 23  ;  de  Sedan  , 
article  309,  &c. 

IL  Mais  c'eft  une  queftion  fi  ce  tiers-acquéreur 
peut  prefcrire  ,  taudis  que  le  débiteur  de  la  rente 
continue  de  la  payer  .'' 

Il  y  a  là-defTus  un  grand  conflit  d'opinions  & 
d'autorités.  On  dit  en  faveur  du  tiers-polTe/Ieur , 
qu'il  a  tout  ce  qui  cft  requis  pour  acquérir  la  Pref- 
cription ;  que  s'il  a  pu  prefcrire  le  fonds  même  , 
il  a  dû  ,  à  plus  forte  raifon  ,  prefcrire  l'exemption 

Ci)  Cancei'ius  ,  vûrf.e  rfyj/arionej  ,  Jivre  i  ,  chapitre  I  î  ; 
nombre  40, 

(î)  Fuie  hœc  quûndarn  controverfîa  celebrii  inter  priniot 
juiis  nortri  proccres  Martinum  &:  Bulgarum  ,  iiio  negante 
Prjrfcriptioneni  habere  locum  prxtcrqiiàm  in  penfionibus  cef- 
fis  antè  annos  triginta  ;  quod  quas  citrà  cefferunt  dici  non  pof- 
funt  per  cricennium  negleûx  fuilFe,  quia  à  cricennio  nondiim 
na;a;.  — -  Sed  in  foro  jam  pridem  obtinuit  bulgari  opinio  peri- 
mens  ex  hpfu  triginta  annorum  fortem  unà  cùm  penfionibus 

omnibus plcrari-.ue  confueiudines  belgii  iianc  opinionem 

expreHîra  ftabiliverunc ,  et  Constanter  ITA  JUDicavI- 
MUS.  (  M.  S:ochm,ins  j  confeiller  au  confcil/ouverain  de  Bra- 
hiin: ,  4-cijîon  S 1  }. 

quand 


PRESCRIPTION. 

quand  il  a  ignoré  la  charge  ,  Se  qu'on  ne  lui  en  a 
pas  demandé  le  payement;  que  ,  ("iiivant  les  lois 
romaines  ,  le  tiers-polTefieiir  avec  titre  &  bonne 
roi,  prefcrit  contre  Taâion  hypothécaire  par  diï 
&  vingt  ans ,  &  fans  titre  par  trente  années  (i)  ; 
qu'il  ert  jufte  de  mettre  à  couvert  des  rentes  ceux 
qui  ne  les  ont  pas  conftituées ,  &  de  ne  les  pas 
lailTer  expofés  à  des  recherches  perpétuelles  ;  enfin 
que  c'eft  à  celui  à  qui  elles  font  dues  de  s'imputer 
de  n'avoir  pas  interrompu  la  Prefcription  pir 
une  demande  en  déclaration  d'Iiypothéque,  On 
peut  d'ailleurs  employer  pour  ce  parti  la  loi  29  , 
t).  qiiïbus  modis  ujufruElus  amiiiatur  (^2) 

Les  partifans  de  l'opinion  contraire  répondent 
que  celui  à  qui  le  cens  ou  la  rente  font  dus,  en 
retient  la  poilelllon  fur  les  fonds  qui  y  font  affeélés 
ou  hypothéqués,  quoique  pofledés  par  un  tiers, 
tandis  qu'on  les  lui  paye  :  que  cela  réfulte  de  la  loi 
31  ,  §.  I  ,  au  digefle  de  acquirendâ  ,  vd  arnhtendâ 
po£~ef:oni(-^)  ;  que  la  Prefcription  eft  interrompue 
même  à  l'égard  du  tiers  ,  par  les  payemens  que  fait 
ie  débiteur  ,  parce  qu'ils  empêchent  la  Prefcription 
de  l'aâion  hypothécaire  (4)  ;  qu'an  ne  peut  pas  im- 
puter au  créancier  ,  s'il  n'agit  pas  contre  le  tiers- 
poffefleur,  parce  qu'il  n'a  ni  droit  ni  prétexte  de  le 
faire,  tandis  qu"il  e'A  payé  par  le  débiteur;  que 
l'aiîion  en  déclaration  d'hypothèque  efl  incon- 
nue dans  le  droit  romain  ,  qui  veut  au  contraire 
qu'on  difcute  le  débiteur  &  fes  cautions  ,  avant 
de  recourir  à  la  chofe  hypothéquée,  &  que  cette 
aiSion  ne  peut  être  exercée  que  dans  les  lieux  où 
elle  a  été  introduite  par  l'ufage,  ou  par  les  ordon- 
nances ;  que  le  titre  ,  &  la  bonne  foi  du  tiers- 
acquéreur  n'opèrent  pas  contre  le  créancier  qui  na 
rien  k  fe^  reprocher;  que  les  loix  qui  difcnt  qu'il 
prefcrit  l'hypothèque  ,  doivent  être  entendues  du 
cas  où  elle  n'eft  pas  confervée  pa4-  des  payemens  ; 
enfin  ,  que  deux  perfonnes  ne  pouvant  pofTéder 
folidairement  la  même  chofe,  le  tiers-acquéreur  ne 
peut  pasêtre  cenfé  jouir  de  l'exemption,  tandis 
que  le  créancier  poffede  la  rente  par  le  payement 
qu'il  reçoit. 

C'eft  ainfî  que  raifonnent,  avec  Dunod  (^),  tous 
les  antagoniiles  de  la  Prefcription  dans  le  cas  dont 
il  s'agit  ;  &  ,  comme  l'on  voit ,  ils  conviennent 
du  moins  que  leur  fentiment  eft  infoutenable  dans 
les  pays  où  eft  établi  l'ufage  des  demandes  en  dé- 
claration d'hypothèque.  En  effet ,  comme  l'obferve 


PRESCRIPTION. 


417, 


(l)Loi  cùm  notiffiini,C.  de  rrxferipdone   jo  vcl  40   in- 
noium. 

(ti  Pomponiiis  quzrit  fi  fundum  à  me  proprietarins  con- 
duxîrit,  eum.^ue  fundini  vendiJri't  Seio  ,  non  acdudo  uOi- 
fïutiu  ,  an  ukimfruclum  per  emptorem  retineam  ?  6c  ai:  :  li- 
•cetpropiietaiiiis  m.hi  p.enâonem  lolverit ,  umen  ulunitruc- 
luiii  ainicti:  cjina  non  meo  nomJne,  fed  fuo  fruitus   eft  emptoi. 

(5^  Si  conJ;ictor  rem  vendidir ,  &  c.im  ab  emptoie  con- 
dux-it,  &.-  unique  meiccdfs  pra:ditK,  piioc  locator  pollcdio- 
nem  per  c  in:!ij:h'one;n  retinet. 

(4)  Loi  deiniiie,  C.  <^<î  a'^niVi  exception!. 

(si  \^':sP<er:  ip'ionj ,  p.ucic  }  ,  chapitrer. 
Tome  XIII. 


M.  Pothier,  partie  i  ,  chapitre  premier,  de  dire 
que  «  le  créancier  ne  peut  point  ngir  contre  le 
"  tiers-détenteur  pour  le  payement  de  la  rente, 
»  pendant  que  le  débiteur  la  lui  paye  exaâenient 
»  chaque  année;  cette  raifon  cû  bonne  pour  ce 
»  qui  regarde  la  rente  ;  mais  pour  ce  qui  concerns 
»  1  hypothèque ,  rien  n'empêche  le  créancier  de 
»  fe  pourvoir  contre  le  tiers-détenteur  ,  pour  en 
j>  avoir  un  titre  contre  lui ,  &  arrêter  le  cours  de 
»   la  Prefcription  ». 

Difons  même  qu'on  doit  juger  ainfi  par-tout , 
parce  que  par-tout  il  doit  être  permis  à  un  créan- 
cier d'agir  en  reconnoiffance  &  en  titre  nouvel 
contre  le  détenteur  d'un  bien  hypothéqué  a  fa 
créance:  que  les  loix  romaines  ne  le  permettent 
pas  expreifément  ,  foit  ;  mais  le  défendent-elles  ? 
Non  sûrement.  Or,  en  fait  d'adlions  ,  &  fur-tout 
d'aâions  confervatoires ,  les  plus  favorables  de  tou- 
tes ,  on  peut  bien  regarder  ccmime  pcrmifes  celles 
qui  ne  font  pas  défendues.  Il  feroit  étrange  que 
des  loix  ,  qui  nous  recommandent  avec  tant  de 
foin  de  veiller  à  nos  droits  ,  qui  nous  difent  par- 
tout qu'elles  favorifent  la  vigilance  {jura  vigilan- 
tïbus  fuhven'iunt  )  ,  ferina/Tent  la  bouche  à  un  créan- 
cier dont  l'hypothèque  eft  tranfportée  en  main 
tierce,  fous  prétexte  que  fon  débiteur  le  paye  exac- 
tement, &  n'a  pas  encore  maiiitefté  une  impuif- 
fance  de  continuer  ,  qui  éclatera  peut-être  d'un 
moment  à  l'autre.  Or,  fi  ce  créancier  peut  agir, 
pourquoi  ne  pourroit-on  pas  prefcrire  contre  lui  ? 
A-t-on  oublié  que  par  les  loix  du  code  de  Prxfcrip- 
tione  tri^inta  vd  i]u.tdrz(^inia  annorum  ,  il  n'y  a  d'af- 
franchi/Tenient  de  la  Prefcription  de  trente  ou  qua- 
rante ans  ,  que  les  allions  &  les  droits  (ur  lefqucls 
le  légiflateur  a  déclaré  lui-même  qu'elle  n'auroit 
aucune  prife  .'' 

Qu'importe  que  le  débiteur  cont'nuc  de  pnyer 
la  rente  ,  pendant  que  le  tiers-acquéreur  jouit  li- 
brement de  l'hypothèque  ,  Se  ne  paye  rien  .'  Le 
fait  du  premier  eft  étranger  au  fécond;  il  ne  peut 
nuire  ni  profiter  à  celui-ci  ,  parce  qu'il  n'y  a  en- 
tr'eux  aucune  de  ces  relations  qui  identifient ,  par 
exemple,  l'héritier  avec  la  perfonne  doiu  il  recueille 
la  fucceffion.  Une  fois  l'aliénation  confommée ,  l'ac- 
quéreur poffede  en  fon  nom  (.-"-o/uo),  il  n'a  plus 
rien  de  commun  avec  fon  vendeur  ;  &  tout  ce  que 
le  vendeur  peut  faire  ou  ne  pas  faire ,  foit  pour  ag- 
graver, foit  pour  améliorer  fa  condition  ,  ei^  pour 
lui  la  chofe  la  plus  indifférente.  M.  le  Préfident 
Favre  l'a  très-bien  démontré,  en  expliquant,  dans 
fes  rationa'ia ,  la  loi  29  ,  quibus  mod'n  ufiixfr^tlus 
amittatur ,  qui  a  beaucoup  d'analogie  à  notre  ef- 
pece  ;  &  ce  qifil  dit  à  ce  fujet,  reçoit  ici  une  ap- 
plication exacte  (1). 

(1)  l'haie!  les  u  rijiii  d;  ce ^rand  m  tilrat  :  M^r.  lani  eniin 
i|U'd  fruituarius  fcLcrit  iriipicienduni  e.t ,  ut  11  u:jif  u'.mii  non 
amitieiet  ,  qu  im  q'iid  emptor  ,  u;  iiûuiiUuctuin  libi  :-C";Mire- 
ret  ;  ciim  amiilio  ulusfiuOûs  lucro  eju:  S:  enio'umïntù  cedar. 
Qui  i  enim  refert  eniptoiis  ar  fruLtuiiius  pçnlîoneni  .i  p'o- 
priecario  exegeiit,  an  non  exe^e.it?  An  iox\.c  i.npuiaLimui 

Ggg 


4iS 


PRESCRIPTION. 


La  loi  32  ,  <^e  acqu'irendâ  poffejjione ,  contredit  ù 
pen  fa  do^lrine ,  que  malgré  le  défir  qu'il  feinble 
toujours  avoir  de  mettre  les  textes  du  droit  ro- 
main en  oppofition  les  uns  avec  les  autres  ,  il  ne 
dit  pns  le  mot  de  celle-ci ,  dans  le  commentaire 
de  cette  loi.  Aufli  que  décide-t-elle  ?  Préclfémcnt 
que  fi  mon  locataire  vend  le  bien  qu'il  tient  de 
moi  à  bail ,  5c  qu'il  continue  de  le  tenir  de  Ton  ache- 
teur, au  même  titre,  ma  poffeffion  ne  fera  point 
intervertie,  dès  qu'il  ne  cefTe  pas  de  métayer  les- 
loyers.  Sans  doute  ,  dans  ce  cas  ,  je  refte  poffelTeur, 
&.  l'on  ne  prefcrit  pas  contre  moi  ;  mais  quelle  en 
elt  la  raifon  ?  C'efi  qu'il  n'y  a  eu  dans  la  détention 
que  le  locataire  fait  en  mon  nom  du  bien  dont 
jï  lui  ai  paffè  bail  ,  aucun  changement  extérieur 
Ôi.  capable  de  m'apprendre  qu'il  avoit  tianfporté 
à  i\n  tiers  ce  qui  ne  lui  appartenoit  pas  ;  que  par 
conféquent  la  polTeflion  civile  réfide  toujours  dans 
mes  mains,  iîi  que  l'acquéreur  n'ayant  pour  lui 
qu'une  jouilTance  clande(line ,  il  n'eft  pas  poffible 
qu'il  prefcrive  contre  moi. 

Ici ,  l'efpèce  ert  bien  diflérente  :  votre  débiteur  a 
aliéné  l'hypothèque  qu'il  vous  avoit  donnée.  Cette 
aliénation  n'a  pas  été  couverte  des  ombres  du  myf 
fère  ,  ni  voilée  par  un  bail  ;  du  moins  on  le  fup- 
pofe  ainfi.  Rien  ne  vous  a  donc  empêché  d'en  être 
jnftruit  :  fi  vous  ne  l'avez  pas  été  ,  c'efi  ou  une 
faute  ,  ou  un  accident  que  vous  ne  pouvez  imputer 
qu'à  vous  même  ou  à  votre  mauvais  fort. 

Efi-il  plus  exa6t  d'objefter,  d'après  la  loi  der- 
nière ,  au  code  ,  de  annali  exception:  ,  que  les  paye- 
mens  faits  par  le  débiteur  empêchent  le  tiers  déten- 
teur deprei'crire  l'aflion  hypothécaire  ?  Non  ,  cette 
loi  déicide  feulement  que  celui  qui  a  contre  une 
même  perfonne  deux  aérions  ,  l'une  perfonnelle  , 
l'autre  hypothécaire  ,  efi  cenfé  les  exercer  toutes 
deux,  lorfqu'il  attaque  cette  perfonne  pour  toutes 
les  prétentions  qu'il  a  contre  elle  ,  &  qu'en  ce  cas 
la  Prefcription  de  l'une  efi  aulfi  bien  interrompue 
que  celle  de  l'autre.  Décifion  vraie  ,  fiinple  &  in- 
conteftable  ,  mais  qui  n'a  pas  le  moindre  rapport 
avec  notre  quefiion, 

C'efi  encore  un  bien  mauvais  fophifme  de  dire 
que  deux  perfonnes  ne  pouvant  pofTêder  folidaiie- 
ment  la  même  chofe  ,  il  efi  impofiible  que  le  tiers- 
détenteur  poiTède  l'exemption  de  la  rente  ,  tandis 
que  le  créancier  jouit  de  cette  rente  par  les  paye- 
mens  que  lui  en  fait  le  débiteur  qui  y  efi  obligé 
perfonnellement. 

Efi-ce  donc  pofl"éder  une  rente  que  de  ne  point 
la  payer  ?  La  pofi"eiiîon  qui  par  fa  nature  efi  afiive  , 
&  qui  fuppofe  une  afiion  continuelle  de  la  part  de 
celui  fur  la  tête  duquel  elle  réfide  ,  pourroit  elle  fe 


ei  cuod  paflus  Tt  penlionem  à  proocierario  folv'.  ,  cjuim  pro- 
hibere  n;  folveretiK  ,  etiamlî  niaximè  voluilTet  ,  non  tamen 
poiuilllic  i  at  è  concrario  ioipvitari  ali>]ua  negligentia  porelt  ci 
quoqiie  fruduirio  qui  penlioneiTi  à  prop-ieca.io  eodenitjue 
foncfailoie  percepit,  -or  empioiis  poffeliioaeiii  non  iiitcrpcl- 
l»veii(  t  ^<^* 


PRESCRIPTION. 

trouver  là  où  il  n'y  a  qu'un  défaut  d'uâion  ,  Si  t 
s'il  efi  permis  de  s'exprimer  de  la  forte  .  qu'une  lié- 
gation  de  pourfuites  qui ,  fi  elles  exifioient ,  fc- 
roieni  purement  T'^^^'^s  pour  le  tiers-ditenteur. 

Tous  les  pofi'cfi^eurs  de  dixmes  doivent  contribuer 
à  l'entretien  des  églifes,  jufqu'à  une  certaine  coti- 
currence.  Celui  qui  a  prefcrit  l'exemption  de  la 
dixme  ,  comme  on  peut  le  faire  en  quelqties  pays 
(1),  entre  t  il  pour  cela  dans  la  contribution  aux 
charges  déciinalcs  ? 

D'ailleurs,  quand  on  dit  que  deux  perfonnes  ne 
peuvent  pas  pon"éder  folidairement  une  chofe,  cela 
s'entend  d'une  pofi!'eflion  du  même  genre.  Rica 
n'empêche  quejene  polséde  d'une  manière,  un  droit 
ou  un  bien  que  vous  polfédez  d'une  autre  manière. 
Ainfi,  quand  on  reconnoîtroi:  dans  le  tiers-déten- 
teur dont  nous  parlons  ,un  pofilefl^sur  proprement 
dit,  qu'y  gagneroient  les  adverfaires  !  A  coup  fur, 
fa  pofiélTion  feroit  d'un  genre  différent  de  celle  du 
créancier:  dés-lors ,  l'une  ne  feroit  pas  obflacle  à 
l'autre. 

Une  dernière  confidération  bien  capable  de  dé- 
terminer ceux  qui  pourroient  encore  balancer  fur 
la  quefiion  ,  c'efi ,  comme  l'obferve  M.  PoUet , 
que  «  la  condition  des  acquéreurs  feroit  bien  mal- 
»  heureufe  ,  fi  après  une  poflelfion  de  trente  ou 
5)  quarante  ans  ,  ou  même  davantage  ,  car  la  raifort 
»  ejuon  apporte  pour  empêcher  la  Prefcription  ,  ne 
»  JoL'ff're  prcfjnc  point  de  bornes  ,  ils  pouvoient  en- 
»  core  être  évincés  ». 

Au  furplus,  qu'efi-il  befoin  de  tant  difi*erter  fur 
cette  quefiion  ^  Il  n'efi  piefque  pas  de  pays  où 
elle  ne  foit  décidée  d'une  manière  ou  d'une  autre, 
foit  par  la  coutume  ,  foit  par  la  jurifprudence  des 
arrêts  ;  &  probabletnent ,  tous  les  argumens  pofiî- 
blts  feront  aufiî  impuifians  contre  celle-ci  que 
contre  celle-là. 

Voyons  donc  d'abord  quel  parti  ont  pris  là- 
dfP'US  nos  coutumes. 

Celle  de  Paris  ,  article  115,  déclare  que  la  Pref- 
cription a  lieu  en  faveur  du  tiers-acquéreur  des 
biens  hypothéqués  à  une  rente,  encore  que  cette 
rente  foit  payée  par  le  débiteur  ou  par  tout  autre. 

Cependant,  ajoute  la  Coutume,  fi  le  débiteur 
étoit  toujours  demeuré  en  pofi^sfiîon  de  l'héritage  , 
à  titre  de  bail ,  de  confiitution  ,  de  précaire ,  d'ufu- 
fruit,  ou  autre  femblable,  il  n'y  auroit  point  de 
Prefcription  ,  parce  que  le  créancier  auroit  eu  un 
jufie  fujet  d'ignorer  l'aliénation  ;  exception  très- 
jufie ,  ik  calquée  ,  comme  l'on  voit,  fur  la  loi  32  , 
§.  I  ,  D.  de  accjuirendâ  poffeffione. 

Ces  difpofitions  méritent  d'autant  plus  d'égards  , 
qu'elles  ont  été  ajoutées  à  l'ancienne  coutume  , 
lors  de  la  réformation  de  1580. 

On  les  retrouve  d'ailleurs  dans  plufienrs  autres 
coutumes  ,  notamment  dans  celle  de  Calais ,  ar- 
ticle  207. 

Mais  l'opinion  contraire  a  été  adoptée  par  les 

j        (i)  Voyez  l'ariicle  DlXME. 


PRESCRIPTION. 

coutumes  de  Berry  ,  titre  12  ,  article  14  »  de  Ni- 
vernois ,  chapitre  36  ,  atticle  6  ,  da  Bourbonnois  , 
article  32,  d'Auxerre  ,  article  187,  de  Licge  , 
ch.ipitre  9  ,  article  1. 

Il  exifte  dans  le  comté  de  Bourgogne  une  loi 
femblable  ;  une  ordonnance  de  Philippe  II ,  roi 
d'Efpagne ,  de  1564,  qui  porte,  «  que  toutes  ren- 
>>  tes  St  redevances  annuelles  ,  confcffées  Se  re- 
>»  connues  par  écrit ,  ik  portant  hypothèque  ,  fe- 
»>  ront  prefcrites  par  quarante  ans  ,  au  as  que  le 
»  pjytmtnl  nen  ait  pas  été  fait  par  les  principaux 
»  débiteurs  ,  héritiers  ou  tenementicrs  des  ajjlgnaux  ». 
Tels  font  les  termes  dans  lefquels  Dunod  rend 
compte  de  cette  loi  ;  &  comme  il  l'obfcrve  très- 
bien  ,  u  elle  femble  fuppofer  que  tandis  que  la 
»  rente  eft  payée  ,  elle  ne  fe  preicrit  pas  même  par 
«  le  tiers -pofîeneur  j>. 

Parcourons  maintenant  la  chaîne  des  arrêts  ren- 
dus fur  cette  matière  ,  dans  les  coutumes  qui  ne  s'en 
font  pas  occupées  fpécialemenr. 

Ceux  du  parlement  de  Paris  doivent  être  diflin- 
gués  par  trois  époques  différentes  ;  l'une  ,  qui  a 
précédé  la  première  rédaélion  de  la  coutume  de  la 
capitale  ;  l'autre  ,  qui  embraffe  tout  le  temps  écoulé 
depuis  1510  jufqu'en  1580,  date  de  la  réformation 
la  plus  moderne  de  cette  loi  ;  &  la  troifième  ,  à  la- 
quelle fe  rapportent  tous  les  arrêts  poftérieurs  à 
cette  réformation. 

La  première  époque  nous  fournit  un  arrêt  con- 
forme au  fentiment  de  Dunod  ,  Si  par  cooféquent 
oppofé  au  nôtre.  Il  eft  rapporté  parmi  les  décifions 
de  Jean  des  Mares  ,  article  -^op;  &  il  contient  un 
détail  curieux  des  moyens  des  parties. 

Dans  la  féconde  époque  ,  la  Jurifprudence  a 
varié. 

Brodeau  furLouet,  lettre  P ,  §.  a  ,  dit  que  par 
arrêt  du  13  février  1  543  ,confirmatif  d'une  fentence 
du  châtelet  du  21  mars  IÇ42  ,  François  Vaudour  a 
été  condamné  ,  comme  détenteur  d'une  partie  d'hé- 
ri'tage  afFeâé  à  une  rente  foncière  defept  feptiers  de 
grain  ,  à  payer  &  continuer  cette  rente  ,  quoiqu'il 
eût  joui  de  bonne-foi ,  fans  trouble  ,  &  pendant 

tlus  de  trente  ans,  depuis  fon  contrat  d'acquifition. 
unique  motif  de  l'arrêt ,  ajoute  Brodeau  ,  a  été 
que  le  bailleur  de  fonds  «  avoit  toujours  été  payé 
3>  des  arrérages  de  fa  rente  par  les  héritiers  du  pre- 
3»  neur  ;  &  que  pendant  ce  temps  ,  la  Prefcrip- 
«  tion  n'avoit  pu   courir  contre  lui  ». 

Mais  par  un  autre  arrêt  du  mois  de  février  1 549  , 
rapporté  d'après  Papon  &  Carondas  ,  dans  le  com- 
mentaire de  Perrière  ,  article  115,  glofe  unique  , 
nombre  2  ,  il  a  été  jugé  que  le  tiers-détenteur  pou- 
voir acquérir  la  libération  de  la  rente  par  le  feul 
laps  de  dix  ans  ,  quoique  le  débiteur  principal  en 
eiît  toujours  continué  le  payement. 

La  même  année  ,  le  2  avril,  il  a  été  rendu  con- 
tre les  héritiers  de  François  de  Noyon  ,  un  arrêt 
exaéiemcnt  femblable.  Il  eft  rapporté  par  le  Veft  , 

S-J9- 

Carondas  6c  Ferritre  font  mention  d'un  qua- 


PRESCRIPTION.        419 

trième  arrêt  du  5  juillet  1568  ,  qui  a  été  plus  loin  ; 
il  a  rejeté  les  lettres  de  reiUrution  en  entier  qu'un 
créancier  avoit  obtenues  du  prince  pour  fe  faire  re- 
lever d'une  Prefcription  de  cette  efpece  ,  fous  pré- 
texte qu'il  avoit  ignoré  raliénation  &  le  change- 
nîent  de  main. 

Mais  ,  quelque  temps  après  ,  le  15  Mars  1 573  » 
le  parlement  de  Paris  en  a  rendu  un  autre  ,  qui  a 
fans  doute  donné  lieu  ,  en  1780,  à  la  reftriftionqui 
terminerarilcle  1 1  5  de  la  nouvelle  coutume.  Cet  ar- 
rêt, dont  nous  devons  encore  la  confervation  r.  Ca- 
rondas ,  a  jugé  qu'un  mari,  donataire  de  fa  femme 
par  a6te  duement  infinué  ,  n'avoit  pas  prefcrit  , 
par  le  laps  de  quinze  ans  ,  l'exemption  de  la  rente 
à  laquelle  le  bien  donné  étoit  aflFeélé  envers  un 
créancier  de  la  donatrice  ;  &  la  ra  fon  en  a  été  ,  que 
le  créancier  avoit  eu  une  jufte  caufe  d'ignorer  le 
changement  de  main  qui  étoit  furvenu  ,  pirce  que 
le  mari  avoit  conftamment  demeuré  avec  fa  femme  , 
outre  qu'en  qualité  de  chef  de  la  communauté  ,  il 
avoit  droit  de  jouir  de  tous  les  biens  qu'elle  poffé- 
doit. 

A  l'égard  des  arrêts  poftérieurs  à  la  réformation 
de  1580,  on  devine  bien  qu'ils  ont  invariablement 
étendu  aux  coutumes  muettes  la  difpofition  de 
l'article  1 15. 

Brillon  ,  article  Prefcriptien  ,  nombre  10^  ,  en 
a  remarqué  un  du  2^  o61obre  i^f  2. 

Le  recueil  de  Papon  ,  &;  l.i  bibliothèque  civile 
de  Bouchel  nous  en  fournirent  dcMX  qui  jugent 
contre  la  Prefcription  ;  mais  c'eftdans  des  cas  par- 
ticuliers. 

Par  le  premier  ,  du  28  février  1 592  ,  il  a  été  jugé 
que  celui  qui  a  promis  de  payer  une  rente  en  cas 
qu'elle  ceflat  de  l'être  par  le  débiteur  ,  ne  peut 
pas  en  prefcrire  l'exemption  ,  tant  qu'elle  eft  payée 
par  celui-ci  (i). 

Le  fécond  eft  intervenu  dans  l'efpèce  fuivante. 
Le  fieur  de  l'Ifle-Baraton  conftitue  une  rente  de 
cent  livres  au  profit  du  chapitre  d'Angers.  Enfuitc  , 
il  vend  fa  terre  au  fieur  de  la  Joufteliniere,qui,  dans 
les  cinq  ans  ,  eft  afllgné  en  reconnoiiïnnce  de  la 
rente.  Il  confent  une  Sentence,  portant  qu'il  ne 
pourra  prefcrire.  Le  chapitre  continue  pendant 
foixante  ans  d'être  payé  parle  fieur  de  llflc-Bnra- 
ton  &  fes  héritiers.  Ce  tems  écoulé  ,  ceux  ci  m.in- 
quent  au  payement  :  le  Chapitre  recourt  fur  le  fieur 
de  la  Jouffeliniere,  qui  fe  défetid  par  la  Prefcrip- 
tion. Par  arrêt  du  20  Janvier  1600,  cette  excep- 
tion eft  rejetée  ,  &  le  fieur  de  la  Joufl'eliniere  eft 
condaniné  à  continuer  la  rente  (2). 

Ces  décifions  ne  frappent ,  comme  l'on  voit ,  que 
fur  des  époques  particulières  :  aufiî  n'ont-el!es  porté 
aucune  atteinte  à  la  jurifprudence  du  parlement  de 
Paris  fur  notre  queftion. 

M.  Maynard,  livre 7  ,  chapitre  ()i  ,  dit  qu'après 
beaucoup  de  variations  ,  le  parlement  de  Touloufe 


■  )  Pjpon  ,  livre  1 1 ,  litte  «  j  ,  nombre  V 
^i)  Boucnel,  vab.  Prcfctipton,, 

Gggij 


4io 


PRESCRIPTION. 


s'eft  enfin  déterminé  pour  la  môme  jiirifprudence  , 
&  le  prouve  par  un  arrêt  de  l'année  1587. 

11  en  a  été  rendu  un  femblable  au  parlement  de 
Grenoble  le  10  décembre  1641. 

La  même  jiirifprudence  eft  établie  au  parlement 
d'Aix  ;  &  quoique  le  favant  &  fubtil  Dnperrier  ait 
fait  tous  fes  efforts  pour  la  renverfer  (i)  ,  il  n'a  pu 
y  parvenir.  Lui-même  ,  tome  2  ,  lettre  P  ,  nombre 
40,  rapporte  deux  arrêts  qui  la  confirment  de  la 
manière  la  inoins  équivoque  :  le  premier  eft  du  20 
mai  1636  ;  le  fécond  ,  du  4  mars  1640.  M.  Julien  , 
dans  fon  commentaire  fur  les  ftatuts  ,  tome  2  ,  page 
565  ,  en  cite  un  troifieme  du  1 1  Mars  1671  ;  &  il 
ajoute  :  «  C'eft  la  iurifpriidence  que  nous  fiiivons  ; 
»  les  inconvéniens  feroient  trop  grands  ,  &  les  ac- 
»  quéreurs  toujours  incertains  dans  leur  poffeirion  , 
))  il  la  Prefcription  n'avoit  pas  lieu  dans  ce  cas  ». 

Le  parlement  de  Dijon  a  confacré  la  même  opi- 
nion par  pkifieurs  arrêts.  Dunod  ,  partie  3  ,  chapitre 
7,  dit  que  M.  le  préfident  Bouhier  a  bien  voulu 
lui  en  communiquer  deux  ,  "  par  lefquels  il  a  été 
»'  jugé  en  ce  parlement,  que  le  tiers-pofieileur  pref- 
»  crit  l'exemption  du  cens  foncier ,  quoique  le 
J>  débiteur  principal  en  fafle  le  payement.  Le  pie- 
J>  mier  a  été  rendu  au  rapport  de  ce  favant  &  il- 
»  luftre  magifirat ,  le  17  Janvier  1696  ,  au  profit 
»  de  Jean  Quillai:d  &  conforts  ,  contre  François 
j>  Pinot;  &  le  fécond ,  le  14  Juin  1709,  aii  rnp- 
ï>  port  de  M.  Perard  de  la  Vaivre  ,  pour  Charles 
>»  Guiard  ,  contre  l'abbé  de  Sainte-Marguerite  ». 
On  nous  a  a(Tiiré  que  ces  arrêts  font  encore  rap- 
portés, mais  avec  plus  de  détail,  dans  une  dif- 
fertation  de  M.  Bouhier  même  ,  qui  eft  copiée  aux 
folios  i7&.fuivans  du  tome  3  des  manufcrits  de 
iW.  Menelet ,  dépofés  à  la  bibliothèque  de  l'uni- 
verfitê  de  Dijon. 

C'eft  aufii  la  Jurifprudence  du  parlement  de  Flan- 
dres. M.  PoUet ,  pnrtie  i  ,  chapitre  premier  ,  en 
rapporte  cinq  arrêts. 

Le  premier  a  été  rendu  à  la  féconde  chambre, 
le  I  février  1690:  par  cet  arrêt,  dit  le  magiftrat 
cité  ,  «  il  a  été  jugé  tout  (Tune  voix  pour  la  Pref- 
«  criptibn  ,  après  qu'on  eut  confuhé  les  autref  cham- 
•n  bres  ,  fur  ce  qui  avoit  été  jugé  auparavant  pour 
j>  la  Flandre  flamande  ». 

Le  fécond  arrêt  eft  de  la  même  chambre  ,  Si^du 
3  du  même  mois.  Il  intéreffoit  ,  comme  le  précé- 
dent ,  des  parties  domiciliées  dans  la  Flandre  fla- 
inande> 

Le  trolfiéme  ,  du-  19  décembre  ii'^9')  ,  eft  inter- 
venu à  la  première  chambre  ,  iur  l'appel  d'une 
fentence  des  échevins  de  Valenciennes. 

Le  quatrième  a  encore  été  rendu  à  la  féconde, 
le  21  mars  1696  ,  entre  le  fieur  d'Agjirfart ,  ap- 
pelant de  la  gouvernance  de  Lille  ,  &  le  feig -eur 
d'Harencourt.  Il  eft  auft"i  rapporté  par  M.  le  préfident 
des  Jaunaux,  terne  i  ,  §.  99, 

Le  cinquème  arrêt,  qui  eft  du  23   juin   1703  , 


PRESCRIPTION. 

a  infirmé  une  fentence  du  bailliage  d'Ipres  ,  qui 
avoit  rejeté  la  Prefcription.  Il  mérite  d'autant  plus 
d'attention  ,  qii^  la  partie  contre  laquelle  il  a  pro- 
noncé ,  produifoit  ,  pour  foutenir  fon  fyftême  , 
plufieurs  fentences  ,  tant  du  confeil  provincial  de 
Flandres  ,  que  des  fieges  qui  y  reftbrtiftent  ,  & 
qu'elle  ofTroit  de  faire  preuve  que  c'étoit  un  ufagc 
confiant  d;ins  la  Flanï^ire  flamande.  El'e  citoit  même 
en  fa  faveur  un  arrêt  du  mois  de  février  1671  ,  rap- 
porté par  M.  de  Flines ,  ciauG  fon  commentaire  ma- 
nufcrit  fur  la  coutume  de  Tournay  ,  ti:  re  des  hypo- 
ih'^Ljues,  verfet  hypothecx  non  piafcrihaur.  Mais  la 
jurifprudence  étoit  trop  bien  établie  par  les  quatre 
arrêts  précédens,  pour  qu'il  fût  poiïiblc  de  l'ébran- 
ler :  le  parti  de  la  Prefcription  a  encore  iriomphé. 

On  a  vu  plus  haut ,  qii?  le  parlement  de  Be- 
fançon  eft  forcé  par  une  ordonnance  de  1564, 
qui  eft  particulière  à  fon  refiort,  de  juger  tout  dif- 
féremment. 

Cependant  Dunod  penfe  «  qu'on  doit  en  excep- 
'»  ter  les  cens  fonciers  &  les  rentes  fpécialement 
»  aftjgnées  ».  Il  faut  voir  dans  le  texte  même  de 
cet  auteur  les  raifons  fur  lefquelîes  il  établit  cette 
différence  (1). 

Jetons  un  coup-d'œil  fur  quelques-uns  des  tri- 
bunaux voifins  de'  la  France  ,  &  voyons  coznment 
ils  jugent  notre  queftion. 

Le  confeil  provincial  de  Hollande  a  décidé  le  ç 
feptembre  1581  ,  que  la  continuation  du  payement 
de  la  rente  par  le  débiteur  principal  ,  n'empêchoit 
pas  la  Prefcription  de  courir  ea  faveur  du  tiers- 
poffeffeur  (2). 

Le  confeil  fouverain  de  Brahant  a  embrafie  l'o- 
pinion contraire  le  26  août  164'-.  L'arrêt  eft  rap- 
porté par  M.  Stockmans  ,  confeiller  à  ce  tribunal , 
décifion  83. 

M.  le  préfident  Favre  en  difcutar.f  ce  point  dans 
fon  code  ,  livre  7 ,  titre  1 3  ,  définition  1 9  ,  iiombre 
13  ,  ne  nous  apprend  pas  comment  on  la  juge  au 


(i)  Voici  ces  raifons  telles  qu'il  les  expofe  : 
.c  Je  conclus  de  l'orclonpance  de  1^64  ,&  de  ce  que  les 
»  affignaiions  en  déclaration  d'hypothèque  ne  font  pas  en 
.5  ufjge  parmi  nous ,  que  nous  avons  reçu  l'opinion  qui  tient 
M  que  tandis  que  le  créancier  eft  payé  de  la  rente,  la  Pref- 
y  ciiption  ne  court  pas  contre  lui  en  faveur  du  tiers-acque- 
,>  reur  ;  mais  je  crois  qu'on  en  doit  excepter  les  cens  foncieus 
:  &:  les  rentes  fpécialement  affignée^ ,  parce  qu'il  n'eft  pas 
o  probable  que  !;;  crtau  Jei  ait  ignoré  l'alicnation  Se  le  chan- 
.,  nement  de  m.iin  de  fes  alfignaux,  S<  qu'il  a  pu  agir  fur 
,i  iceax  ,  foit  en  demandant  le  renouve!Iemer\t  de  fes  titres  , 
,1  loit  en  fe  pourvoyant  furies  héritages  tenus  par  les  tiers- 
»  polTcffeurs,  puifqu'il  peut  le  faire  lans  difcuC.ion  ;  il  n'en 
.1  efl  pas  connue  des  héritages  qui  ne  lui  font  hypothéquîs 
»  qu'en  général  ,  fur  lefquels  il  ne  peutai;ir  qu'après  unedif- 
»  culTion  préalable  Hc  contre  les  polTeiTeurs  defquels  il  n'a 
»  point  d'a(flion  ;  il  ignore  niêivie  fouvent  qu  ils  forent  alie- 
»  nés  &  pofltdéspar  des  tieif.  Rien  n'eil  plus  gênant  que  d'o- 
.,  bliçer  un  créancier  à  veiller  fur  les  aliénations  que  fait  ua 
.j  dj''iieur;&  il  me  paroît  que  la  liberté  ducomnjefce  fouSte 
„  de-,  adtions  CI.  dcclaraiicn  d'hypothèque  ». 

(j.)  DecilicncscuriacHoIlamlKT  jf'^^e'M' 


*  PRESCRIPTION. 

fënat  de  Chambéry  ;  mais  il  la  décide  lui-même  en 
faveur  de  la  Prefcription. 

Enfin,  on  peut  due  que  c'eft  le  parti  le  plus  gé- 
néralement adopté. 

Une  queftion  qui  a  beaucoup  de  rapport  avec 
celle  qu'on  vient  d'agiter  ,  eft  de  favoir  fi  dans  le 
temps  que  l'un  des  co-détentcurs  partiels  d  un  héri- 
tage paye  les  rentes  6c  prédations  dont  il  eft  chargé 
folidairement,  l'autre  peut  prefcrire  l'exemption  ? 

Le  cas  s'eft  présenté  au  parlement  de  Franche- 
Comté  le  27  oâobre  1607.  Il  ne  s'agiffoit  pas  d'une 
rente  conftituée  ou  foncière  ,  mais  d'un  cens  em- 
ph)^éotique  ,  qui  dans  cette  province  fe  prefcrit , 
comme  on  l'a  vu  plus  haut,  par  le  tiers-acquéreur 
auquel  il  n'a  été  rien  demandé  pendant  quarante 
ans. 

On  difoit  contre  la  Prefcription  ,  que  le  cens  eft 
de  fa  nature  individu  &  folidaire  ;  qu'ainfi  on  de- 
voit  confidérer  comme  co-oblij^és  tous  les  co-por- 
tionnaires  d'un  héritage  chargé  d'un  cens  ;  qu'il 
failoit  donc  leur  appliquer  la  loi  dernière  ,  au  code  , 
de  duohus  rcii  ,  fuivant  hciuelle  les  payemens  faits 
par  l'un  des  co-obligcs  empêchent  la  Prefcription  de 
courir  en  faveur  des  autres  ;  S>L  qu'en  tout  cas  ,  le 
feigneur  dire^l  avoit  confervé  fapoffeiïion  relative- 
ment à  chacun  d'eux,  par  les  arrérages  qu'il  avoit 
reçus  de  quelques-uns. 

Mais  ces  raifons  ,;dit  M.  Grivel  (  décifion  141  )  , 
n  ont  fait  aucune  impreffion  fur  les  juges,  &  il  a 
été  décidé  que  la  Prefcription  avoit  libère  ceux  des 
co  détenteurs  qui  n'avoient  rien  payé. 

Trois  grands  motifs  ont  difté  cet  arrêt:  i".  l'in- 
convénient qu'il  y  auroic  à  faire  revivre,  après  qua- 
rante ans  ,  &  contre  un  tiers-acquéreur ,  une  charge 
dont  il  a  cté  exempt  pendant  tout  cet  intervalle  ; 
a°.  la  négligence  du  feigneur  qui  ayaHt  pu  fe  faire 
payer  ou  paiTer  titre  nouvel  par  chacun  des  por- 
tionnaires  ,  ne  l'avoit  point  fait  ;  3°.  l'impuiffance 
où  avoient  été  ceux  des  co  détenteurs  qui  avoient 
payé,  de  nuire  ni  de  prejudicicr  par  leur  fait  ,  à 
ceux  qu'on  laifibit  tranquilles  (1). 

Le  cas  des  co-obligés  dont  parle  la  loi  dernière  , 
au  code  ,  de  duobits  reis ,  eft  bien  différent.  Dans 
cette  elpéce  ,  chaque  co-débiteur  peut  s'imputer 
d'avoir  aifocié  tel  ou  tel  à  fon  obligation  ;  il  favoit 
où  il  devoit  favoir  ,  lorfqifil  a  contraélé ,  que  le 
fait  de  fon  co- débiteur  feroit  regardé  comme  le 
fien  propre  ,  &  que  celui  qui  pourroir  lui  préjudi- 
cier  étant  fait  par  lui-même  ,  lui  préjudicieroit  éga- 
lement étant  fait  par  fon  codébiteur  (2).  Mais  ici , 
aucun  des  co  détenteurs  n'eft  obligé  perfonnelle- 
ment:  c'eft  l'héritage  feul  qui  doit  :  il  ne  fe  ren- 
contre dnr.c  pas  de  co-débiteur  qui,  par  fon  fait, 
puifîé  nuire  à  fes  co-obligés  ;  &  dès-lors  comment 


[1'  ''ci  i;uer ,-! "os  .iifla  aiiis  nec  piodeiïe  nec  nocere  deliet , 
loi  I  C.  >■(■:  7,ir.  ,7/.  ai!.  &  non  débet  efle  in  poieftatealtciius 
cond  .,6-i.'.-i  -(.sm.  dereiiorem  facere  me  iavi:o  ,  infcio  &: 
igno-.in.    .  ■         vtl ,  'oc.  cir.  J 

[:]  5.  Ur .  :.ut.  dcjcd.t.  L.  fi  Turus ,  D.  defidijujforibus. 


PRESCRIPTION.        411 

les  payemens  de  l'un  empêcheroient-ils  les  autres 
de  prefcrire  ? 

C'eft  ainfi  que  raifonne  M.  Grivel,  &,  comme 
on  voit ,  tout  ce  qu'il  dit  s'applique  naturellement 
aux  rentes  foncières  ,  &  même  aux  rentes  confti- 
tuées  à  prix  d'argent  dont  les  hypothèques  font 
paflées  en  mains  tierces. 

Aullî  voyons-nous  que  le  parlement  deParisa 
rendu  pour  ces  deux  efpèces  de  preftations ,  plu- 
fieurs  arrêts  conformes  à  celui  du  parlement  de 
Franche- Comté  du  27  o6fobre  1607, 

M.  Louet ,  lettre  P,  §.  2  ,  en  rapporte  deux  , 
l'un  qu'il  ne  date  point ,  mais  qui  a  été  rendu  dans 
fa  chambre  ;  l'autre  du  6  oétobre  1 587.  Et  il  remar- 
que ,  comme  le  fait  auffi  Brodeau  en  citant  un  arrêt 
du  5  mai  1625  ,  qu'il  en  eft  autrement  à  l'égard  de 
deux  co-obligés. 

Bafnage ,  article  5  2 1  ,  dit  qu'on  juge  de  même  en 
Normandie  ,  quand  il  eft  queftion  de  rentes  confti- 
tuées  ;  mais  qu'à  l'égard  des  renies  foncières,  on 
tient  dans  cette  province  que  le  tiers-détenteur 
d'une  partie  de  l'héritage  ne  peut  pas  les  prefcrire  , 
tant  qu'elles  icr.t  payées  par  fes  co-portionnaires  ; 
&  il  le   prouve  par  un  arrêt  du  20  décembre  168 1 . 

Nous  devons  pourtant  remarquer  que  dans  l'ef- 
péce  fur  laquelle  a  été  rendu  cet  arrêt ,  il  fé  trou- 
voit  des  particularités  très-défavorables  à  celui  qui 
prètendoit  avoir  prefcrit.  Mais  M.  de  la  Quefnerie 
dans  fes  notes  fur  Bafnage  lève  ,  par  un  arrêt  beau- 
coup plus  récent  ,  tous  les  doutes  qu'on  pourroit 
avoir  fur  la  réalité  de  cette  jurifprudence.  «  L'a 
»  même  chofe  ,  dit-il,  a  été  jugée  depuis  par  arrêt 
"  rendu  au  rapport  de  M.  du  Bosguerard,  le  22 
"  mars  1754,  dont  voici  l'efpèce  :  Geffroy  leBu- 
»  gle  fîefTa  (c'eft-à-dire  bailla  àrente)  le  10  oSo- 
»  bre  1678,  à  Jean  le  Bugle  ,  fon  frère  ,  plufieurs 
"  héritages  pour  9  livres  de  rente  foncière  ,  perpé- 
"  tuelle  &  irracquitable.  Jeanne  le  Bugle,  fille  & 
»  héritière  de  Gefîroy  ,  vendit  en  1693  ,  cette 
V  rente  au  nominé  Defrues.  Le  14  oâobre  1698  , 
»  Simon  le  Bugle  ,  fils  &  héritier  de  Jean  le  Bugle, 
»  fieffataire  ,  vendit  au  nomme  Guérin  une  partie 
»  des  héritages  fieffés.  Defrues  fe  fît  payer  de  la 
»  rente  de  9  livres  par  les  héritiers  de  Jean  le 
n  Bugle  ,  fieffataire  ,  jufqu'en  1746  ,  que  pour 
5>  éviter  aux  frais  d'envoi  en  pofTefTion  des  fonds 
»  affeélès  à  la  rente  de  9  livres  ,  les  héritiers  de 
»  Jean  le  Bugle  firent  remife  à  Defrues  de  la  tota- 
5)  lité  des  fonds  contenus  au  contrat  de  fiche  du 
j>  10  oéfobre  1678.  Guérin  ,  qui  avoit  acquis  dès 
»  le  14  octobre  169S,  une  partie  des  héritages  af- 
"  feélés  à  la  rente  de  9  livres  ,  ik  qui  en  avoit  joui 
»  paifiblement  jufqu'à  ce  jour,  refufa  d'en  aban- 
»  donner  la  propriété  ,  poft'cftîon  &  jouiffance  ; 
"  mais  il  y  fut  condamné  par  l'arrêt.  Il  lui  fut  ce- 
»  pendant  permis  de  fe  faire  envoyer  en  poiTefîion 
»  de  la  totalité  des  fonds  itieiuionnés  au  contrat  de 
»  fieffé,  en  payant  les  arrérages  échus  de  la  rente 
»  de  9  livres ,  &  en  fe  charg-eant  de  la  continuer  à 
))  l'avenir  )f. 


411 


TRESOR  IPTION. 


s,  III.  De  la  Pi'tf  ration  entre  alfocics ,  co-hJritlers 
ou  autres  commu  -  r\  —  Entre  ihérnier  6*  Le  Icç- 
timaire  ou  légMa  ■.  —  Entre  le  donneur  6*  le  do- 
nataire. 

Ce  paragraphe  a  ,  comme  o.i  voit  ,  différens  ob- 
jets qu'il  eft  à  propos  de  difcuter  réparément, 

I.  De  la  Prejcription  entre  ûjfaciés. 

M.  de  Catellan  ,  livre  7  ,  chnpitre  8  ,  rapporte 
un  arrêt  du  parlement  de  Touloufe  du  %  janvier 
1669  ,  par  lequel  il  fut  jugé  que  de  deux  feigneurs 
qui  avoient  originairement  des  rentes  par  indivis  , 
1  un  d'eux  n'avoir  pas  pu  prefcrlre  ces  rentes  contre 
l'antre  ,  quoiqu'il  en  eût  joui  en  totalité  pendant 
deux  fiècles.  «  La  bonne  foi  de  la  fociété  (  dit  à  ce 
«  fujet  M.  de  Catell.m  )  ,  l'union  qui  eft  entre  les 
>'  afTociés  ,  &  qui  les  fait  veiller  l'un  pour  l'autre  , 
■>}  s'oppofent  à  cette  Prefcription  »».  Vedcl  en  donne 
une  raifon  plus  fatisfaifantç  pour  les  jurifconfultes. 
Le  co-propriétaire  par  indivis  ,  dit-il,  pofiede  tant 
en  fon  nom  qu'en  celui  de  fon  communier  ;  cette 
poflefTion  eft  folidaire  cntr'eux  :  ,ille  n'cA  divilée 
que  par  leur  concours  dans  les  portions  ,  fuivant  la 
loi  8  ,  au  digeHe  ,  de  le(;aiis  3"  ;  or  il  eft  dccidi  par 
la  loi  1 1  ,  au  digcfle  ,  de  diverfis  temporjlihus  Pr(cf- 
criftion.bui  ,  &  par  le  chapitre  17  ,  aux  décrétales  , 
de  Prccf.riptio-iihui  ,  qu'on  ne  peut  jamais  prefcrire 
ce  qu'on  poflede  au  nom  d'autrui. 

La  Peyrere  ,  lettre  P,  nombre  Sj ,  prétend  au 
contraire  que  la  Prefcription  peut  avoir  lieu  entre 
co-poflefTeurs  d'un  même  fonds  ,  &  il  rapporte  un 
arrot  du  parlement  deBordeaux  qui  le  juge  ainfi  (1), 

M.  Julien  ,  dans  fon  commentaire  fur  les  Aatiits 
de  Provence  ,  tome  2 ,  page  514,  edaye  de  conci- 
lier cet  arrêt  avec  la  décifton  établie  par  le  préco- 
dent. "  La  Prefcription  ,  dit  il  ,  ne  court  pas  entre 
3>  aflbciés  tant  que  la  fociété  dure  &  qu'ils  pofTè- 
>»  dent  en  nom  commun.  La  Prefcription  ne  com- 
3>  mence  tju'après  la  fociété  finie  ,  comme  l'a  re- 
>»  marqué  Feliciiis  dans  fon  traité  ^/e/jc/Vr^r^,  cha- 
3»  pitre  31  ,  nombre  75.  Toutefois  fi  l'afibcié  a  pof- 
j>  iédé  en  (on  propre  nom  ,  la  Prefcription  peut 
j7  avoir  lieu  dans  ce  cas,  comme  il  fut  jugé  par  l'ar- 
«  rêt  rapporté  par  la  Peyrere..,.  5>. 

Nous  ne  voyons  pas  en  effet  ce  qu'on   pourroit 

[j]  Voici  les  teiiriCi  de  cec  auteur: 

«<  On  peut  prefciire  contre  fon  confort  :  ainfi  jugé  par  l'ar- 
tt  rêt  luivant. 

"  l'iufieurs  frères  partagent  riicridité  de  leur  père,  &:ii  eft 
M  llipiilé  qu'ils  jouiront  en  commun  de  certains  biens  qui  ne 
3>  fe  pouvoient  divifer  conimodemenr.  Pans  la  fuite  l'aînî 
»  feul  en  jouit  cinquante-un  ans.  Chiquet  pout  les  frcres  qui 
M  avoient  fait  l'atiion  en  partage  apr<  s  cinquante- un  ans  , 
M  dit  que  l'ainé  n'a  pu  prefcire  centre  !on  titre  ,  qui2  jocius 
M  rtm  communcm  contriffocium  n.ir  --rtiefcribit.  Hugon  lépond 
»  pour  l'aînc  que  11  maxime  a  Hju  çuanda  focius  n(^mine  com. 
»  muiA  pcjjliet  ,  fecùs  fi  nomme  proprio  ,  L.  J'r.-ns  cqmmu- 
>>  nis  ,  jf.  communi  dividunio.  La  cour  ,  prélîdunr  M.  de  Pon- 
»>  tac  ,  jugea  qu'il  y  ivoic  T'rct'cription  ,  &mit  les  paiti-s  hors 
f>  de  cour  &  deproccs  (urlss  conclulions  en  partage  •>. 


PRESCRIPTION. 

oppofer  de  raifonnable  à  cet  arrêt.  Dans  un  efpac* 
de  trente  ans ,  qui  eu  le  terme  fixé  pour  la  Pref- 
cription de  l'adion  en  partage  ,  n'a-t-il  pas  pu  arri- 
ver que  mon  anbcié  m'ait  vendu  ou  donné  la  por- 
tion ?  Or  ,  on  l'a  déjà  dit ,  la  polTelTion  trentenaire 
fait  préfumer  tout  ce  qui  eft  poflible.  J'ai  joui  feut 
&  Ibus  mon  feul  nom  ,  au  vu  &  fu  de  mon  affocié  : 
celui-ci  ne  s'eft  pas  plaint;  il  a  donc  reconnu  qu'il 
ne  pouvoit  pas  fe  plaindre.  Son  filence  établit  donc 
en  ma  faveur  une  préfomption  de  titre  ,  &  après 
trente  ans  cette  préfomption  a  une  force  qui  exclut 
toute  preuve  contraire. 

C'eft  ce  que  décide  la  coutume  de  Metz  ,  titre 
14  ,  article  14. 

Celle  de  Lorraine,  titre  18,  article  3  ,  approuve 
cette  décifion,  mais  elle  y  met  une  condition  fort 
fage.  Pour  qu'un  par/hnn^ir  ,  dit  elle  ,  prefcrive 
contre  celui  qui  e(l  affocié  à  fa  propriété ,  il  faut 
qu'il  ait  poffédé  en  fon  nom  privé,  ik  de  Jon  droit 
particulier. 

Cette  condition  eft  aulïï  requife  de  droit  com- 
mun. Un  arrêt  du  parlement  de  Languedoc  du  3 
Septembre  1705,  rapporté  au  journal  du  palais  de 
cette  cour ,  tome  3  ,§.  96,  page  117,  a  jugéuqu'ahn 
»  qu'un  affocié  pût  prefcrire  contre  l'autre  ,  il  ne 
'»  fufîifoit  pas  qu'il  pcffédât  feid  ,  m  qu'il  fît  des 
i>  payemens  de  fcs  deniers  ,  parce  que  ce  qu'il  fait 
')  eft  cenfé  fait  pour  la  fociété;  mais  qu'il  falloit 
'>  qu'il  parût  qu'il  avoit  prétendu  jouir  nomine pro- 
»  prio  11. 

Au  refie ,  il  n'y  a  aucun  doute  que  dans  le  cas 
d'une  fucceffion  déférée  à  plufieurs  &  appréhendée 
par  quelques-uns  feulement,  ceux  qui  en  ont 
joui  pendant  trente  ans  après  leur  appréhenfion  , 
ne  puiffcnt  oppofer  la  Prefcription  aux  autres. 

Maillart  fur  l'article  72  de  la  coutume  d'Artois, 
nombre  159  ,  rapporte  un  arrêt  du  parlement  de 
Paris  du  17  mai  1735  '  9"^^  '''  l^S*^  ainfi.  Voici 
comment  il  en  exprimq  la  déçifion  :  «  Le  co  hcrl- 
»  tier  qui  jouit  de  tous  les  biens  de  la  fucceffion 
»  commune,  ou  de  plus  grande  part  qu'il  ne  lui 
»  en  appartient  ah  inttflat ,  peut  oppofer  la  Pref- 
»  cription  au  cohéritier,  puifque  fa  qualité  d'héri- 
»  tier  lui  donne  la  capacité  de  pofféder  la  totalité  , 
»  jufqu'à  ce  qu'il  fe  préfente  un  cohéritier  dans 
»  les  temps  utiles  ". 

Le  journal  du  palais  de  Toaloufe  ,  tom.e  2  ,  page 
première  du  fupplément,  nous  fournit  un  arrêt  du 
parlement  de  Languedoc  du  mois  de  juillet  1742  , 
qui  décide  pareillement  que  «  la  Prefcription  de 
j>  trente  ans  a  lieu  pour  un  co-héritier  contre  fon 
»  co  héritier  ».  Dans  le  fait ,  il  n'y  avoit  de  la  part 
de  celui-ci  aucune  preuve  qu'il  eût  accepté  la  fuc- 
ceffion ;  &  on  difoit  que  ("on  défaut  d'acceptation 
joint  au  laps  de  temps ,  faifoit  préfumer  une  renon- 
ciation par  le  moyen  de  laquelle  tout  acçroiffoit  à 
(on  co-héritier. 

L'ancienne  coutume  de  Bretagne  ,  article  225, 
avoit  adopte  l'opinion  contraire.  Mais  d'Argentré 
la  trouvoit  iî  déraifonnable,  qu'il  s'efforçoit  de  la 


PRESCRIPTION. 

plier  à  nos  principes  :  fuivant  lui ,  toutes  les  fois  i 
qu'il  y  avoit  lieu  ,  après  un  certain  temps  ,  de  pré- 
himer  que  les  partages  avoient  été  faits  ,  il  falloir 
admettre  cette  préfomption ,   &  lui  donner  tout 
fon  effet. 

Mais  l'article  iSz  de  la  nouvelle  coutume  a  fait 
celTer  le  befoin  de  ces  interprétations  arbiirairea , 
es  rtatuant  que  la  Prefcription  auroit  lieu  même  con- 
tre les  jrères  &  faurs  pour  Uiir  partage. 

llya  cependant  quelques  coutumes  qui  en  dif- 
pofent  autrement.  Celle  de  Normandie  ,  article 
529,  porte  qu'entre  co  héritiers  la  Prefcription  qua- 
dragénaire n'a  point  lieu  avant  le  partage  ,  &  que 
ni  les  aînés  ni  les  puînés  ne  peuvent  s'en  prévaloir 
pour  fe  difpenfer  de  partager  ce  qu'ils  ont  hérité 
en  commun. 

Bafnage  fait  plufieurs  obfervations  importantes 
fur  cet  article. 

11  remarque  d'abord  que  la  difpofition  n'eft  pas 
bornée  aux  fucceffions  direfles,  5c  qu'elle  s'appli- 
que également  aux  collatérales. 

Il  dit  enfuite  qu'on  ne  doit  pas  l'étendre  aux 
biens  que  des  co-héritiers  ont  omis  de  partager  , 
parce  que  ,  pour  empêcher  la  Prefcription  ,  il  fuffit 
qu'il  y  ait  eu  des  partages  faits:  en  effet,  la  cou- 
tume ne  l'exclut  (\v\  avant  le  partage  ,  &  lorfqu'on 
voudrcit  s'en  faire  un  ûuq pour  ernpéiher  L'aEl.orï  de 
partage. 

L'auteur  ajoute,  &  il  prouve  par  deux  arrêts  du 
parlement  de  Normandie  de  l'année  1606  &  du 
mois  de  mars  1657,  que  la  Prefcription  immémo- 
riale iSc  centenaire  n'eft  pas  exclue  par  la  cou- 
tume, &  qu'on  ne  peut  pas  étendre  jufques-là  une 
difpofition  qui  ne  porte  cxpreffément  que  fur  la 
Prejcription  quarantenaire. 

La  coutume  de  Gorze  ,  titre  14  ,  article  23  ,  dé- 
cide, comme  celle  de  Normandie  ,  qu'entre  frères 
ik.  fœurs  &  leurs  repréfentans  ,  «  nulle  longue  le- 
»  rîue  ne  nuit ,  quant  au  fait  de  leurs  partages  », 

Mais  cette  difpofition  paroît  limitée  aux  fuccef- 
fions direfles  ;  &  elle  n'a  pas  lieu  entre  fimples  af- 
fociés.  C'eft  ce  qu'annoncent  les  termes  ée  frères  & 
Jceurs;  &  cela  réûtlte  de  la  combinaifon  de  l'article 
que  nous  venons  de  citer  avec  les  trois  fuivans. 

L'article  24  porte  que  tant  qu'une  chofe  tenue 
en  indivis  eft  poffedée  en  nom  commun  ,  nul  ne 
peut  prefcrire  le  droit  de  fon  co-portionnaire  ,  foit 
au  pofleflbire  ,  foit  au  pétitoire. 

L'article  25  ajoute  que  cène  imprefcriptibilité  a 
lieu  entre  comparfonniers  INDIFFÉREMMENT. 

Mais  l'article  26  en  excepte  le  cas  où  l'un  des 
co-propriétaires^y'oui  des  parts  de  fcs  CO  HÉRITIERS 
paifiblement  ,  fans  conirafie  ,  à  leur  vu  &  /«  ,  par 
vingt  ans.  .. 

Dans  la  coutume  de  Bordeaux ,  lorfqu'il  y  a , 
fuivant  l'article  80,  plufieurs  frères  ,  confins  ger- 
mains ,  ou  remués  de  germairjs  qui  ont  leurs  biens  en 
commun  ,  &  qu'un  feul  d'entr'eux  les  poiTéde  tous , 
les  autres  font  cenfcs  pofleder  par  lui ,  ik  il  ne  peut 
prefcrire  contre  ceux  qui  ne  jouifTent  de  rien. 


PRESCRIPTION.  4^5 

La  coutume  locale  de  Saint-Sever,  thre  7  ,  arti- 
cle 3  ,  porte  également  que  dts  frères  ou  defcenia-is 
dont  les  biens  font  en  commun  ,  ne  peuxi^nt  pref- 
crire lis  uns  contre  les  autres  ,  foit  en  abfence,  foir 
en  prcfence,  à  moins  qu'ils  n'aient  fait  un  partage. 

Au  fu rplus  ,  il  eft  univerfellement  avoué  que  le 
tiers  à  qui  un  communier  ,  quel  qu'il  foit,  a  vendu 
ou  transféré  à  tout  autre  titre  de  propriété  ,  la  tota- 
lité du  bien  qu'il  tenoit  par  indivis  ,  peut  prefcrire 
contre  les  conforts  de  fon  auteur.  M.  de  Catellan, 
livre  7  ,  chapitre  8 ,  en  cite  un  arrêt  du  parlement 
de  Touloufe  ,  rendu  à  fon  rapport  le  4  juillet  1663. 

IL  De  la  Prefcription  entre  rhcriiier  &  le  ligitimaire 
ou  légataire. 

Nous  avons  parlé  à  l'article  LÉGITIME  ,  fe^'on 
5  ,  §.  6  ,  de  la  Prefcription  que  Théritier  peut  oppo- 
fer  à  la  demande  d'une  portion  légitimaire  ,  &  d^ 
moyens  par  Icfquels  cette  Prefcription  peut  être 
écartée. 

Nous  y  avons  dit,  entr'autres  chofss  ,  que  tant 
que  le  légitimaire  eft  neurrî  dans  la  maifon  &  fur 
les  biens  de  la  fuccefTion  fur  laquelle  il  a  une  légi- 
time à  prendre  ,  nulle  Prefcription  ne  peut  courir 
contre  lui. 

Cette  maxime  a  aufTi  lieu  entre  l'héritier  &  le 
l^'gataire. 

Boniface  ,  tome  4  ,  livre  9  ,  titre  i  ,  chapitre  17  , 
rapporte  un  arrêt  du  parlement  d'Aix  du  24  janvier 
1664,  par  lequel  il  fut  ji^gé  que  la  Prefcription 
n'avoit  point  couru  contre  un  frère  légataire  de 
6ooo  livres ,  &  ne  pouvoir  être  oppofèeà  fon  héri- 
tier, quoiqu'il  fe  fût  écoulé  plus  de  trente  ans  de- 
puis le  jugement  qui  avoit  ordonné  la  délivrance 
de  fon  legs.  La  raifon  de  décider  ainfi  fut  que  dans 
cet  intervalle  ,  il  avoit  été  nourri  fur  les  biens  du 
père. 

M,  Julien  dans  (on  commentaire  fur  les  ftatuts 
de  Provence  ,  tome  2  ,  pages  982  &  983  ,  dit  que 
la  même  chofe  fut  encore  jugée  au  parlement  d'Aix 
par  arrêt  du  1  3  juin  173  i. 

Il  y  a  dans  le  recueil  de  la  Peyrere ,  lettre  L  , 
nombre  73  ,  un  arrêt  du  parlement  de  Bordent  x 
du  2 1  mars  1 673  ,  qui  paroit  contraire  à  cette  juri:- 
prudence  ;  il  déclare  un  légitimaire  non  recevable  , 
pour  n'avoir  pas  formé  fa  demande  dans  les  trente 
ans ,  "  quoiqu'il  eût  été  nourri  dans  la  maifon  de 
»  fon  frère  ». 

L'annotateur  de  la  Peyrere  a  cru  concilier  cet 
arrêt  avec  ceux  dont  nous  avons  parlé,  en  di- 
fant  qu'on  auroit  jugé  autrement  fi  le  légataire 
eût  été  nourri  «  fur  les  biens  de  l'hérédité  patei  - 
j>  nelle  »  :  mais  n'eft-ce  pas  dans  cette  efpèce  même 
que  l'arrêt  a  été  rendu  .^  Le  frère  qui  avoit  nourri  le 
légitimaire  dans  fa  maifon  ,  étoit  héritier  inftittié  du 
père  commun.  C'étoit  donc  fur  les  biens  de  V hérédité 
paternelle  qu'avoient  été  prifes  les  nourritures  ;  ou 
du  moins  ils  y  avoient  ccntribué  avec  les  autres 
biens  qui  pouvoient  appartenir  à  l'héritier. 


414 


PR  ES.CRIPTÏ  ON. 


111.  De  la   Pr:fcr'iption  entre  le  donateur  &  le  dona- 
taire, 

Loifqu'un  donataire  ,  par  complaifance  pour  Ton 
bienfaiteur  ,  l'a  laiffé  jouir^pendant  trente  ans  de  la 
chofe  que  celui  ci  lui  avoir  donnée,  peut-on  lui 
cppoltr  la  Prefcripcion  ,  ik  par  ce  moyen  anéantir 
la  libéralité  qui  lui  a  été  faite  ? 

Il  paroîtdu  premier  coup  d'œil  qu'on  ne  le  peut 
pas  ,  &  qu'il  y  a  une  certaine  équité  qui  réclame 
en  faveur  du  donataire. 

Mais  qu'efl-ce  que  cette  équité  arbitraire  auprès 
de  la  loi  .''  La  véritable  juflice  uc  peut  pas  s'écarter 
aTnû  des  règles  générales.  La  polleffion  de  trente 
ans  ,  nous  ne  l'avons  déjà  que  trop  répété  ,  fait 
préfumer  tout  ce  qui  eft  poiTible  &  néceffaire  pour 
la  maintenir  8c  la  faire  répéter.  Or  dans  un  inter- 
valle aulfi  long,  n'a-t  il  pas  pu  arr'iver  que  le  do- 
rntcur  Si  le  donataire  aient ,  d'un  commun  accord  , 
réfilié  la  donation  ?  Seroit  -  il  d'ailleurs  extraordi- 
naire que  cette  donation  eût  été  feinte  &  fimulée 
dans  Ion  principe  ?  Enfin  le  donataire  doit  s'impu- 
ter fa  négligence  :  il  a  dû  favoir  qu'il  n'y  a  que  des 
privilèges  exprés  qui  puilTent  faire  celfer  la  Pref- 
ciiption  (le  trente  ans  ,  &  qu'il  n'en  exifte  aucun 
en  laveur  des  donations. 

C'eft  précifément  ce  qui  a  été  jugé  au  parlement 
de  T()ulo\i'e  par  arrêt  du  lo  juin  1667,  rendu  au 
rapport  do  M.  de  Catellan ,  ik  recueilli  parce  ma- 
giflrat  livre  7  ,  chapitre  17.  Le  donataire  l'a  atta- 
qué par  la  voie  de  requête  civile  ,  mais  il  a  été  dé- 
bouté. 

§.  IV.  De  la  Prefer'iptlcn  contre  régllfe. 

Nous  avons  ici  huit  objets  à  difcuter. 

1*^.  Combien  de  temps  faut-il  en  général  pour 
acquérir  par  Prefcriprion  contre  l'églife  ? 

2°.  Doit-on  compter  dans  cette  Prefcription  le 
temps  qu'a  vécu  le  bénéficier  qui  a  aliéné ,  &  celui 
durant  lequel  le  bénéfice  a  été  vacant ,  ou  tenu  en 
confidence  .' 

3°.  En  quels  cas  &  par  quel  temps  peut-il  y  avoir 
lieu  à  la  Prefcription  des  biens  d'églife  qui  ont  été 
aliénés  indiîement  .•* 

4".  Quels  font  les  conditions  &  les  effets  de  la 
Prefcription  contre  l'églife  ,  lorfqu'elle  n'a  pour 
objet  que  la  libération  des  dettes  ,  des  droits  & 
des  preftations  qui  lui  font  dus  .'' 

5".  L'églife  jouit- elle  de  fon  privilège, en  matière 
de  Prefcription  ,  lorfqu'elle  fuccède  à  un  laie  contre 
lequel  la  Prefcription  a  commencé  de  courir. 

6".  Pour  prefcrire  d  églife  à  églife,  la  bonne  foi 
eft-clle  nècenaire.  Si  en  cas  qu'elle  le  foit  ,  peut-on 
la  prèfumer  quand  il  y  a  un  titre  contraire  à  la  pof- 
felfion  .'' 

7".  L'églife  peut-elle  être  reftltuèe  contre  la  Pref- 
cription .'' 

8".  Le  bénéficier  qui  a  laifTé  prefcrire  les  biens 
de  l'églife  par  fa  faute ,  en  ell-il  rclponfable  envers 
içs  fucceff&urs  ? 


PRESCRIPTION. 

Distinction  I.  Combien  de  t <.mp s  faut-il ,  en  géné- 
ral ,  pour  prefcrire  contre  l'églife  ? 

Suivant  la  loi  «r  irifer,  au  code,  de  facrofanflis 
eccle/îis  ,  faite  par  l'empereur  Jufiinien  en  526  , 
toute  prefcription  étoit  inutile  contre  l'églife  fi  elle 
n  etoit  de  cent  ans. 

Mais  par  le  chapitre  6  de  la  novelle  13  i  faite  en 
541  ,  le  même  empereur  abrogea  cette  loi  ;  &  dé- 
clara 1°.  que  dans  les  matières  où  les  particuliers 
font  fujets  à  la  Prefcription  de  dix,  de  vingt  ou  de 
trente  ans ,  il  pourroit  être  prefcrit  contre  l'églife 
par  quarante  ans  ;  2°.  que  les  Prefcriptions  de  trois 
Si  de  quatre  ans  auroient  contre  elle  le  même  ef- 
fet que  contre  lesfimples  citoyens  ;  3°.  que  l'églife 
de  Rome  jouiroit  feule  du  privilège  de  n'être  fou- 
mife  qu'à  la  Prefcription  centenaire. 

Les  conflitutions  canoniques  font  conformes  à 
cette  difpofition.  Elle  eft  adoptée  notamment  par  le 
canon  1 5  ,  §.  6  ,  caufe  1 6  ,  queflion  3  ;  par  le  canon 
3  ,  caufe  16,  quefiion  4  ;  8c  par  les  chapitres  4  & 
8  ,  aux  décrétales  ,  de  Prcefcriptiombus. 

Nous  voyons  d'ailleurs  dans  les  capitulaires  de 
Charlemagne  ,  que  la  rcduflion  de  la  Prefcription 
contre  l'églife  ,  au  ternie  de  quarante  ans  ,  ètoit 
fuivie  en  France,  même  fous  la  féconde  race  de 
nos  rois  (i). 

Le  Pape  Urbain  VIII  a  tenté  en  1641  d'étendre  le 
privilège  dtt  faint  fiège  à  toutes  les  églifes.  Suivant 
la  bulle  qu'il  a  publiée  à  cet  effet,  elles  ne  font  fu- 
jcttes  ,  pour  les  chofes  &  les  droits  qui  leur  rropar- 
tiennent ,  qu'à  la  Prefcription  centenaire  ou  immé- 
moriale (2). 

Mais  cette  bulle  n'a  point  été  reçue  en  France, 
&  nous  tenons  pour  maxime  que  la  Prefcription  de 
quarante  ans  a  lieu  contre  l'églife. 

C'eft  même  ce  que  décident  pluficurs  de  nos 
coutumes  ,  notamment  celles  de  Verm.nndois ,  ar- 
ticle 142;  de  Châlons  ,  article  147  ;  de  Chaulny, 
article  63  ;  de  Bouillon  ,  chapitre  23  ,  article  8  ;  de 
Clermont  en  Beauvoifis ,  chapitre  14  ,  article  i  ; 
d'Artois ,  article  72  ;  de  Blois  ,  titre  des  Prefcrip- 
tions ,  article  i  ,  &c. 

La  coutume  de  la  gouvernance  de  Douai ,  cha- 
pitre 10,  article  1  ,  contient  la  même  difpofition; 
mais  parce  que  cette  coutume  n'eft  pas  homolo- 
guée, on  a  prétendu  depuis  peu  qu'elle  ne  devoit 
})as  être  fuivie  en  ce  point,  &  qu'il  falloit  ,/Jans 
fon  territoire  ,  cent  ans  pour  prefcrire  contre  l'e- 

(l)  Ne  Jecem  anni,  neque  vicînnii  vel  triginra  annorum 
Prxfcripcio  reli^ioiîs  doiiiùnis  ooponanir,  ità  lola  cjuarlr.iginti 


cccleiîas  lola  cîntenaria  &:  imuiemorabiiis  PreCcripcio  acf- 
i-.iitîitur  ,  exclula  qu.Tduincjue  a!ià  ininoiis  t;mporis  Pi.-cfcrip- 
t'.one  ,  jiixta  bull.iiii  Uibani  VIIT  ,  editam  de  anno  lé"4i 
(  Urceolui ,  de  tr^uiaitionibus ,  ju<r/7.  7^  ,  n.  ii  ), 

glife 


PRESCRIPTION. 

glife.  Voici  refpèce  dans  laquelle  ce  lyMéme  a  été 
Ibutenu. 

Le  26  août  1698  ,  le  prince  de  Raches  vendit  , 
par  le  miniftère  du  bénéficier  de  la  chapelle  de 
Saint-Léonard,  fon  fondé  de  pouvoir,  un  héritage 
rie  fept  bonniers  &  demi  ,  à  Jeanne  -  Françoife 
Delcourt ,  veuve  de  Pierre  Defcarpenteries. 

Le  6  mars  1753,  le  fieur  Defcarpenteries,  cha- 
noine de  la  collégiale  de  Saint-Amé  de  Douai  , 
héritier  médiat  de  la  demoifelle  Delcourt  ,  légua 
cet  héritage  à  la  demoifelle  de  Camnfel  ,  qui  le 
tranfmit  à  la  dame  de  Vaumor  ,  époufe  du  fieur 
de  Lenfernat. 

Le  24  janvier  1766,  ceux-ci  vendirent  le  même 
héritage  au  fieur  Chaffart. 

Le  30  novembre  1780,  le  fieur  Obrien  ,  titu- 
laire athiel  de  la  chapelle  de  Saint-Léonard  ,  a 
revendiqué  cet  héritage  ,  comme  faifant  partie  de 
la  dotation  de  fon  bénéfice. 

11  a  fondé  fa  demande  fur  différens  cartulaires 
de  la  principauté  de  Radies,  dont  le  plus  ancien 
étoit  de  1532  (i). 

Le  fieur  Chaffart  a  afligné  en  garantie  les  fieurs 
de  Lenfernat,  héritiers  de  fes  vendeurs. 

Ceux-ci  font  venus  foutenir  que  depuis  le  26 
août  1698  ,  date  de  la  vente  faire  à  leurs  auteurs 
par  le  prince  de  Raches ,  il  s'étoit  écoulé  deux  fois 
plus  de  temps  qu'il  n'en  falloit  pour  acquérir  la 
Prefcription  contre  l'églife. 

Le  fieur  Obrien  a  oppofé  à  ce  moyen  différentes 
réponfes ,  dont  une  feule  a  touché  les  premiers 
juges ,  fuivant  ce  qute  j'ai  appris  de  l'un  d'eux  ,  le 
jour  du  jugement  de  cette  affaire.  Elle  confifioit 
à  dire  que  pour  prefcrire  contre  l'églife ,  même 
dans  le  cas  où  l'aliénation  de  fes  biens  eft  faite  , 
fans  aucune  forme  à  la  vérité  ,  mais  par  un  tiers  , 
tel  qu'étoit  en  16981e  prince  de  Raches,  il  étoit 
hefoin  d'une  poffeifion  paifible  &  continuelle  de 
cent  ans. 

Ce  moyen  ,  foiblement  combattu  ,  a  d'abord 
fait  pancher  la  balance  en  faveur  du  fieur  Obrien. 
Par  fentence  rendue  à  la  gouvernance  de  Douai , 
le  28  mai  1782,  le  fieur  Chaffart  a  été  condamné 
au  délaiffement  des  fept  bonniers  &  demi,  &  les 
fieurs  de  Lenfernat  chargés  de  le  garantir  &  in- 
demnifer. 

M:iis  fur  l'appel ,  le  fyftème  du  bénéficier  s'eff 
écroulé  ,  comme  de  lui-même  ;  &  à  peine  a-til 
ofé  le  faire  reparoître  :  par  arrêt  du  23  décembre 
1783  ,  rendu  à  la  troifiéme    chambre  ,    au  rap- 

(i)  On  y  lifoiten  etFcc  ce  qui  fuit:  «  S'enl'uivent  autres 
M  certes  leantcs  au  terroir  de  Landas  ,  en  mafle  (ept  bonniers 
w  &  demi  ,  lefdites  terres  appartenantes  à  la  chapelle  M. 
»  Saint  Léonard  audir  Rachss  :  mais  pour  le  prélenc,  mon- 
M  dit  leigneur  prend  les  profits  &:  levées  ,  en  payant  les  raef- 
»  fes  de  la  ch.ipeile  ;  mais  fimondit  feigneiir  étoit  refufant 
>»  de  payer  leldites  meffes ,  le  chapelain  dudit  Saint-Léonard 
30  peut,  pouira  &  doit  avoir  les  profits  &  revenus  defdires 
»  terres ,  en  difant  chacune  femaine  deux  melîes  j  defquslJes 
w  terres  la  déclaration  s'enfuid,.  », 

Tomt  Xin, 


PRESCRIPTION.         4M 

port  de  M.  Bergerant  ,  le  parlement  de  Flandres 
a  mis  l'appellation  &  ce  au  néant,  émendant,^a 
débouté  le  fieur  Obrien  de  fa  demande  ,  &  1  a 
condamné  à  tous  les  dépens. 

En  Normandie ,  le  clergé  a  prétendu  ,  lors  de 
la  rédadlion  de  la  coutume  ,  qu'il  n'étoit  pas  fujet 
à  la  Prefcription  de  quarante  ans.  Mais  ©n  n'eut 
aucun  égard  à  (on  oppofition ,  &  l'on  arrêta  pu- 
rement &  fimpleraent  par  l'article  521  ,  que  la 
<«  Prefcription  de  quarante  ans  vaut  titre  en  toute 
»  juftice  ,  pour  quelque  chofe  que  ce  fait ,  excepte  le 
)>  droit  de  patronage  des  églifes  ".Cette  difpofition 
étoit  bien  générale  :  cependant  elle  ne  fit  pas  en- 
core taire  les  eccléfiaftiques  ;  ils  prétendirent  n'y 
être  pas  compris  ;  &  il  a  fallu,  pour  leur  impo- 
fer  filence,  que  le  parlement  de  Rouen  les  af- 
fiijettît  nommément  à  la  Prefcription  quadragé- 
naire, C'eft  ce  qu'il  a  fait  par  l'article  117  des  pla- 
cités  de  1666. 

Il  y  a  cependant  en  France  des  corps  ecclé- 
fiaftiques qui  prétendent  n'être  fujets  qu'à  la  Pref- 
cription centenaire. 

Un  des  mieux  fondés  de  tous  ,  c'efi  l'abbaye  de 
Gorze(i);mais  fon  privilège  nepeut  avoir  lieu  que 
dans  le  territoire  de  la  coutume  qui  l'établit,  &  il 
eft  limité  à  l'ancien  domaine  de  ce  monaffère. 

Les  religieux  de  Saint-Denis  ont  obtenu  du  roi 
Henri  III,  en  décembre  1577,  des  lettres-pa- 
tentes qui  les  exemptent  de  toute  Prefcription  , 
excepté  de  celle  de  cent  ans.  Elles  ont  été  enre- 
gifirées  au  parlement  de  Paris  le  17  mars  1 578.  (2) 

Les  chevaliers  de  Malthe  portent  leurs  préten- 
tions plus  loin  ;  ils  foutiennent  ,  comme  on  l'a  vu 
ci-devant,  §.  I,  diftinaion  XI,  qu'ils  font  exempts 
même  de  la  Prefcription  centenaire.  Voyez  l'ar- 
ticle Malthe. 

Les  religieux  de  la  Mercy  ont  voulu  s'afiimller  , 
fur  cette  matière,  aux  chevaliers  de  Malthe.  Mais 
un  arrêt  du  parlement  deTouloufe  du  22  janvier 
1673  ,  a  décidé  qu'on  pouvoit  prefcrire  contr'eux 
par  le  laps  de  quarante  ans. 

D'autres  communautés  eccléfiaftiques  ont  pré- 
tendu qu'il  fuffifoit  qu'elles  fuffent  foumifes^ immé- 
diatement au  faint-fiége,  pour  qu'on  ne  pût  pref- 
crire contr'elles  par  un  temps  moindre  de  cent  ans. 
Mais  ce  fyftême  a  été  profcrit  au  parlement  de 
Grenoble  par  un  arrêt  du  5  fepteinbre  1469  ,  qu'on 
trouve  dans  le  recueil  de  Guy-Pape  ,  quellions  36 
&416, 

La  même  chofe  a  été  jugée  au  grand  confeil  par 
un  arrêt  plus  récent. 


(l)  "  Touchant  l'ancien  domaine  de  l'abbaye  de  Gorze  , 
<j  bénéfices  en  dépendans  ou  motivans  ,  appelés  vulgaire- 
»  ment  le  patrimoine  de  Sainte  -  tjor{;onne ,  il  elï  e!lim« 
>j  d  ancienneté  â  l'inftar  du  pat  imcine  Saint  Pierre  ,  ou  do- 
>3  maine  papal,  contre  lequel  Prefcription  ne  court  que  de 
"  cent  ans  &:  joui  ".Coutume  de  Gor^e  ,  chapitre  i+,  articles 

(  1)  Voyez,  au  greffe  le  3'  vol.  des  ordonnances  Je  Hcnij 
III,  toi.  ijj. 

Hhh 


4i6  PRESCRIPTION. 

Dans  le  fait,  M.  le  cardinal  de  Bouillon  ,  en 
qucilité  d'abbè  &  de  chef  de  l'ordre  de  Cluny  , 
avoit  obtenu  unefentence  qui  condamnoit  le  fieur 
de  Vaux  ,  propriétaire  du  fîef  du  Puy  Gérard,  en 
Courbonnois  ,  à  reconnoîcre  fa  dirodte  ,  à  payer 
les  droits,  8cc.  Le  fieur  de  Vaux  en  avoit  appelé  , 
ik  il  fe  fondoit  fur  l'article  23  de  la  coutume  de 
Bourbonnois  ,  aux  termes  duquel  le  cens  eft  pref- 
criptiblc  par  quarante  ans  contre  l'églife. 

M.  le  cardinal  de  Bouillon  répondoit  ,  1°.  que  la 
Prefcription  avoit  été  interrompue  par  des  paye- 
mens  annotés  fur  le  regiflre  d'un  des  fermiers.  2°. 
Que  lc3  anciens  privilèges  de  l'ordre  le  mettoient  à 
l'abri  de  toute  Prefcripùon.  3°.  Que  les  lettres-pa- 
tentes obtenues  par  l'abbaye  de  Cluny,  pour  la 
rénovation  de  fon  terrier  ,  confirmoient  expreffé- 
ment  ces  privilèges. 

Après  les  plaidoieriesdes  parties  ,  M.  Benoît  de 
Saint-Port,  avocat-général,  a  dit  qu'on  avoit  fait 
une  critique  inutile  de  l'adminiftration  des  an- 
ciens abbés  de  Cluny  ,  &  que  cela  ne  pouvoit 
pas  empêcher  le  cours  de  la  Prefcription  en  fa- 
veur des  (ujets  du  roi,  que  leur  bonne  foi ,  jointe 
à  une  longue  poffeffion  ,  met  en  sûreté  ;  que  la 
coutume  de  Bourbonnois  étoit  précife,  &  que  le 
temps  requis  par  fa  dilpofuion  étoit  plus  qu'ccoulé. 
Qu  à  l'égard  des  chapitres  généraux  qu'on  avoit 
eues  ,  ils  ne  pouvoicnt  avoir  d'exécution  que  dans 
l'oidre,  &  qu'ils  étoient  fans  application  à  l'égard 
des  autres  perfonnes.  Enfin  ,  que  la  claufe  appofée 
aux  leares-patentes  étoit  une  claufe  inutile  ,  une 
claule  inférée  par  furprife  ou  par  faveur,  &  qui 
ne  figninoit  abfolument  rien.  Qiie  fi  l'intention 
du  roi  avoit  été  d  affranchir  l'ordre  de  Cluny  de 
la  loi  des  Prefcriptions,  l'on  n'auroit  pas  manqué 
de  mettre,  nonobjlant  tomes  coutumes  à  ce  contraires  ; 
que  ce  qui  avoit  empêché  d'inférer  ces  mots  ,  étoit 
fans  doute  la  difficulté  de  les  faire  paffer. 

Sur  ces  raifons,  arrêt  du  28  février  1708,  qui 
infirme  lafentcnce  ,  &  faifant  dépendre  le  fort  de 
la  caufe  du  fait  d'interruption  allégué  par  M.  l'abbé 
de  Cluny,  ordonne  qu'il  fera  informé  pour  favoir 
quel  étoit  le  fermier  en  1702  ,compenfe  la  moitié 
des  dépens  ,  &  réferve  le  furplus. 

On  a  donc  jugé  que  l'ordre  de  Cluny  eft  fujet , 
comme  les  autres  gens  de  main-morte  eccléfiaf- 
tiques  ,  à  la  Prefcription  de  quarante  ans. 

Quoique  cette  Prefcription  foit  parmi  nous  de 
droit  commun,  &  qu.'elle  paroiffe  autorifée,  tant 
par  l'article  26  de  l'édit  de  février  1580,  que  par 
l'article  49  de  l'édit  de  1695  ,  il  ne  laifte  pas  d'exif- 
ter  un  certain  nombre  de  coutumes  dans  lefquelles 
on  prefcrit  contre  l'églife  par  un  moindre  temps. 

Ces  coutumes  font  de  deux  fortes  :  les  unes  dif- 
tinguent  les  biens  qui  compofent  l'ancien  domaine 
d.i  corps  eccléfiaftique ,  du  bénéfice  ou  de  l'éta- 
b  ii-Tement  pieux  contre  lequel  il  s'agit  de  pref- 
crire ,  d'avec  ceux  qu'il  a  acquis  par  la  fuite  :  les 
autres  ne  font  aucune  diftinéiion. 
La  première  elaffe  comprend  les  coutumes  du 


PRESCRIPTION. 

Maine  ,  d'Anjou  ,  de  Loudun  ,  de  Metz  &  de 
Gorze. 

Par  l'article  459  de  la  coutume  du  Maine,  il 
faut  quarante  ans  pour  prefcrire  l'ancien  domaine 
de  l'églife  ;  mais  à  1  égard  de  tout  ce  qu'elle  a  acquis 
dans  les  quarante  ans  qui  ont  précédé  la  rcdaftiotî 
de  cette  coutume ,  on  prefcrit  contre  elle  parle 
même  temps  que  contre  les  laïcs  ,  c'eft-à-dire , 
par  cinq  ,  dix  ,  vingt  ou  trente  ans  ,  (uivant  les  cir- 
conflances. 

L'article  448  de  la  coutume  d'An)ou  porte  la 
même  chofe  ,  fi  ce  n'eft  qu'il  fixe  à  trente  ans  l'ef- 
pace  de  temps  que  l'églife  doit  avoir  pofTédé  avant 
la  réda61ion  de  cette  loi ,  pour  qu'un  bien  foit  cenfé 
taire  partie  de  fon  ancien  domaine. 

Mais  à  ce  point,  les  articles  431  &  447  con- 
tredifent  formellement  l'article  448  ;  ils  exigent 
quarante  ans  comme  la  coutume  d'Anjou;  &  c'eft 
ce  qui  fait  croire  que  dans  l'article  448  ,  le  mot 
trente  a  été  fubftitué  par  erreur  au  mot  quarûnte. 

Tel  eft  aufli  l'efprit  de  la  coutume  de  Loudun. 
Cela  réfulte  des  articles  7  &  9  du  chapitre  20  de 
cette  loi. 

A  l'égard  des  coutumes  de  Metz  8i  de  Gorze, 
elles  portent,  chapitre  14,  article  16,  &  chapitre  14, 
articles  i,  &  6  ,  qu'  «  on  prefcrit  contre  l'églife 
»  pour  chofe  dépendante  de  l'ancien  domaine  d'i- 
»  celle  par  quarante  ans ,  &  pour  les  biens  d'autre 
"   qualité,  par  v':nzt  uns  vingt  jours  v. 

Ces  coutumes  ont,  comme  l'on  voit ,  rejeté  la 
•-loflrine  de  d'Argcn'ré  (i)  ,  ou  plutôt  de  tousles 
auteurs,  qui  ne  mettent  aucune  différence,  par 
rapport  à  la  nécefhté  du  terme  de  quarante  aiis 
pour  prefcrire  contre  l'églife  ,  entre  l'ancien  &  le 
nouveau  donia-nc  de  celle-ci. 

Les  coutumes  de  la  féconde  claffe  fixent  indif- 
linâement  à  trente  années  l'efpace  de  temps  qu'il 
faut  ,  dans  leurs  relTorts  ,  pour  acquérir  la  Pref- 
cription dont  il  s'agit.  Ces  coutumes  font,  Berry, 
titre  12  ,  article  1  ,  &  Hainaut ,  chapure  107, 
article  i. 

Mais  il  y  en  a  plufieurs  autres  dans  lefquelles 
on  fuit  la  même  jurifprudence  ,  quoiqu'elle  n'y 
foit  pas  nommément  adoptée  par  leurs  difpofitions. 

Telle  eft  d'abord  celle  d'Auvergne.  Lors  de  fa 
rédaiHion  ,  le  clergé  de  cette  province  fit  des  pro- 
teftations  contre  dilîérens  articles  ,  &  notamment 
contre  celui  qui  n'admet  qu'une  Prefcription  de 
trente  ans  ,  en  tant  qu'on  voudroit  l'étendre  contre 
l'églife.  M.r.s  du  Moulin  (2)  nous  apprend  que  ces 
proteftations  ont  été  jugées  inutiles  ,  &  que  le 
clergé  eft  fournis  aux  articles  qui  en  font  l'objet. 
C'eft  ,  continue-i-il,  ce  qui  a  été  expreft^èm.ait  dé- 
cidé par  un  arrêt  dont  M.  l'avocat- général  de 
Riant  a  attefté  l'exiftence  &  détaillé  l'efpèce  ,  ea 


(i);uirlanicle  266  de  la  coutume  de  B.etagne  ,  chapitre 
îo,  nombre  4- 

(i)Coutunùer  général  de  Richebourg,  tojie  4,pagciij 
DCte  a. 


PRESCRIPTION. 

portant  la  parole  à  l'audience  du  2- juillet  15  H. 

Touffaint  Chauvelin  fur  la  mé<ns  coutume , 
titre  17,  article  premier,  affuie  également  que  dans 
cette  province  l'églife  efl  fujette  à  la  Prcfcrioticn 
de  trente  ans  ,  &  il  en  cite  un  arrêt  du  7  feptcn.- 
bre  1624  ,  rendu  à  la  quatrième  chambre  des 
enquêtes,  au  rapport  de  M.  le  Nain,  contre  le 
chapitre  de  Laniac. 

La  même  année  ,  il  eft  intervenu  à  la  grand- 
chambre  ,  au  rapport  de  M.  Boucher ,  un  autre 
arrêt  qui  a  jugé  que  cette  Prefcription  couroit  en 
Auvergne  ,  même  contre  l'ordre  de  Malihe  ;  & 
Brodeau  ,  dit  en  le  rapportant  dans  fa  note  fur 
l'article  cité,  que  cela  étoit  déjà  décidé  pur  d'autres 
anciens  arrêts. 

Cet  auteur  cite  encore  ,  fur  l'article  2  ,  un  ar- 
rêt du  7  février  1643  ,  qui  juge  que  la  Prefcription 
du  cens  par  trente  ans  ,  a  Heu  au  pays  couramier 
d'Auvergne  ,  même  contre  fêglife.  Il  ajoure  qu'il 
avoit  été  rendu  précédemment  divers  arrêts  feni- 
blables. 

Et  au  vrai ,  il  auroit  été  difficile  de  jucer  au- 
trement :  la  coutume  annonce  elle-même  très- 
clairement  qu'elle  regarde  les  biens  d'églife  comme 
prefcriptibles  par  trente  ans  ,  lorfque  ,  par  l'ar- 
ticle 18  du  chapitre  cité  ,  elle  déclare  que  cet 
cfpace  de  temps  luffit  pour  prefcrire  la  quotité  de 
la  dîme  &  la  manière  de  la  percevoir ,  foit  contie 
le  curé  ou  vicaire ,  foit  contre  tout  autre  déci- 
mateur 

L'ufage  de  l'Auvergne  à  cet  égard  ,  eft  très- 
ancien.  Mafuer  ,  ce  praticien  fi  inftruit  de  la  jurii- 
prudence  de  cette  prorince,  attcfte  ,  dans  (3. prati- 
que, ùtre  21,  nombre  7,  qu'on  le  tenoit  ainfi  de  fon 
temps;  Se  Brodeau  fur  l'article  123  de  la  coutume 
de  Paris ,  nombre  4  ,  en  attribue  l'origine  à  la  fa- 
veur que  le  code  Théodofien  avoit  acquife  chez 
les  Vifigoihs  ,  fous  la  domination  delquels  étoit 
l'Auvergne,  avant  la  conquête  qu'en  fit  Clovis(i). 
Le  clergé  d'Auvergne  fit  ,  en  1641  ,  tous  les 
efforts  imaginables  pour  changer  cet  ufage.  Louis 
XIII  ,  cédant  à  fes  inftances ,  lui  accorda,  le  24 
juillet ,  une  déclaration  portant  «  que  les  dî:ues , 
«  les  cens  &  rentes  eccléfiaftiques  ,  ou  autres  do- 


(1)  Voici  les  termes  de  Brodeau  :  «  Depuis  Théodofe  Je 
M  jeune  juiqu'à  Juftinien  ,  la  Prefcription  de  treme  ans  a  eu 
«  lieu  contre  l'églile  ,  auiP,  bien  que  contre  les  pcrlonnes 
M  laïques,  &c  celle  de  quarante  ans  depuis  Juftinim  ,  le  code 
•  ducjuel  n'ayant  point  tté  reçu  en  Eipagne,  ni  aux  autres 
»  provinces  circonvoifines  qui  ctoient  fous  h  domination  des 
M  Goths  ,  mais  celui  de  Théodofe,  fuivant  la  conlHtution 
M  d'Alaric,  roides  Goths,  c'c(t-à-dire  ,  des  Vidgoths  ..  ,  il  ne 
s»  faut  pas  s'étonner  (i  quelques  canons,  qui  font  lirés  dfs 
»  conciles  d'Efpagne  ,  font  mention  de  la  Prefcription  de 
M   trcnt-  ans  contre  IVgiife,  quoiqu'ils  foient  pollkieurs  au 

»    teiiips  de  Jultmifn &  de  là  vhm  que  par  Ja  coutume 

»  d'Auvergne,  la  Prefcription  unifortiie  de  trente  ans  a  lieu 
»  contre  l'îglife  en  choies  prefcriptibles  ,  même  contre  les 
*•  chevaliers  deMalthe,  nonob(tant  leurs  privilèges  ,  fuivant 
»»  les  arrêts  de  la  cour  ;  car  cette  province  qui  a  été  fous  la 
H  d«miuation  des  Goths  ,  a  fuivi  les  lois  de  Théodofe  ». 


PRESCRIPTIOlSr.        417 

i>  traînes  &  revenus  des  provinces  du  haut  Se  bas 
»  Auvergne  ,  auront  le  même  cours  &  le  même 
>i  temp,  ordonné  parle  droit  Si  les  conftitutions 
»>  eccléilafliques  obfervées  dans  les  autres  diocèfes 
»  du   royaume  ,  nonobftant  ce  qui  eft  fiatué  &: 
»  porté  par  cette  coutume ,  à  laquelle  pour  ce  re- 
»  gard  feulement ,  &  fans  tirer  à  conféquence  ,  il 
»  cft  dérogé  ".  Mais  cette  déclaration  n'ayant  pas 
été  enregiUrée  (i)  ,  on  a  continué  en  Auvergne 
d'admettre  contre  l'églife  la  Prefcription  de  trente 
ans;  c'eft  ce  que  prouve  l'arrêt  de  1643,  ^  ^^ 
qu'atte/le  Prohetdans  fon  commentaire  fur  la  cou- 
tume de  c,;tte  province,  titre  17,  article  1,2, 
4  &  18. 

Nous  trouvons  le  même  ufage  établi  dans  le 
duché  de  Bourgogne.  On  y  regarde  comme  fai- 
fant  au/Ti  bien  la  loi  aux  gens  d'églife  qu'aux  fé- 
culiers,  l'arficle  de  la  coutume  qui  réduit  à  trente 
ans  toutes  les  PrefcriptioHs  du  droit  civil  ;  & 
Taifand  ,  titre  14  ,  article  i  ,  nombre  10,  dit 
qu'on  n'y  doute  nullement  «  que  les  eccléfiafti- 
»  ques  ne  peuvent  plus,  depuis  le  confentement 
»  qu'ils  ont  donné  à  cet  article ,  fe  prévaloir  de 
»  leur  privilège  ».  C'eft  ,  continue  le  même  au- 
teur, ce  qu'a  jugé  un  arrêt  du  14  février  1636. 

Bouvot ,  fur  le  même  article  de  la  coutume  da 
Bourgogne ,  cite  deux  autres  arrêts  qui  avoient 
précédemment  décidé  la  même  chofe  ;  l'un  eft  du 
6  juillet  1587,   l'autre  du  14  aoijt  1607. 

Et  dans  ces  arrêts  ,  tome  2  ,  article  Prefcription  y 
queftion  2 ,  il  en  rapporte  encore  un  qu'il  date 
du  mois  de  juillet  1623. 

La  raifon  qu'il  donne  de  cette  jurifprudence  , 
eft  que  la  coutume  a  été  faite  du  confentement 
des  trois  ordres,  &  que  par  conléquent  elle  lie 
les  gens  d'églife  comme  les  autres. 

Raviot  ,  fiir  Perler,  queAion  226  ,  nombre  S , 
rapiorte  deux  autres  arrêts  qui  jugent  abfohîment 
de  même.  Lun  eft  du  1 1  août  1644  ,  &  l'autre  ,  du 
21  août  172.5.  Il  s'efforce  pourtant  dans  fes  rc- 
ponfes  aux  notes  de  Bannelier  fur  cet  endroit ,  de 
faire  voir  que  cette  jurifprudence  n'eft  pas  exaéle. 
iVlciis  il  convient  qu'elle  exifte  ;  &  Bannelier  dit 
qu'elle  forjne  une  maxime  en  Bourgogne. 

Denlfart ,  au  mot  Prefcription  ,  nous  fournit 
une  autre  preuve  de  cette  vérité.  C'eft  un  ade  de 
notoriété  du  6  décembre  1698  ,  par  lequel  les 
avocats  au  parlement  de  Dijon  atteilent  que  «  par 
»  une  exception  à  la  règle  générale ,  la  Pref- 
«  cription  de  trente  ans  eft  admife  dans  le  ref- 
»  fort  de  ce  parlement  contre  les  eccléfiâfiiques , 
•>■>  de  même  qu'à  l'égard  de  toute  autre  perfonne  ". 

La  coutume  de  Touraine  paroît  devoir  admettre 
la  mêirie  interprétation. 

Lorfqu'il  fut  queftion  de  travailler  pour  la  pre- 
mière fois  à  la  réformation  de  cette  loi  municipale  , 


(!)  Voyez  dans  les  mémoires  du  clergé,  le  procts  verba:  de 
raffeniblée  de  I645. 

Hhhij 


^ig  PRESCRIPTION. 

le  roi  donna  ,  le  a  juin  1 506  ,  des  lettres-patentes 
danslefquelles  il  eu  dit  que,  fi  fur  quelques  uns  des 
articles  de  la  rédadllon  projerée  ,  il  furvient  des 
oppofitions  ,  elles  feront  «  rapportées  pardevant 
5>  les  gens  de  parlement ,  pour  par  eux  en  ordon- 
»  ner  comme  de  raifon  ;  &  quant  aux  autres  arti- 
î>  clés  defdites  coutumes  qui  feront  accordés  , 
«  iceux  feront  obfervcs  comme  loi...  déclarant 
î)  tous  les  fujets  defdlts  bailliages  &  fénéchaulTées  , 
«  être  fujets  es  coutumes  arrêtées  ». 

D'après  ces  lettres  patentes  ,  il  eft  clair  que  le 
clergé  ,  en  ne  s'oppofant  pas  à  l'article  209  qui  éta- 
blit indéfiniment  la  Prefcription  trentenaire  ,  s'efl 
fdumis  virtuellement  à  fa  difpofition. 

On  dira  peut-être  qu'il  a  proteflé  en  général 
contre  tout  ce  qui  pourroit  être  ftatué  au  préjudice 
tle  fes  privilèges,  immunités,  libertés  6i  préémi- 
nences. 

Mais  i""  une  proteftation  auiïl  vague  peut-elle 
être  regardée  comme  une  oppofition  à  l'article 
209?  Les  lettres-patentes  de  1506  déclarent  que 
tous  les  articles  auxquels  on  ne  fe  fera  pas  oppof^  , 
fiioni  obj'crvés  comme  loi,...  par  lous  les  fiijeis  de  la 
Touraine  •,  &  qu'on  y  prenne  bien  girdc  ,  c'ei^ 
comme  fi  elles  annonçoient  que  pour  faire  ceffer 
tel  article  que  ce  foit ,  il  faut  une  oppofition  exprefle 
&  fpéciale:  en  effet  ,  wne  loi  ne  peut  pas  demeurer 
dans  l'incertitude  ,  elle  ne  peut  pas  refter  indéter- 
minée ,i\  c(\  de  fon  elîence  d'être  connue  ,  &  fuf- 
ceptible  d'une  application  fixe  Se  arTurée  :  ainfi , 
dire  que  les  articles  auxquels  il  n'aura  pas  vté  formé 
oppofition,  feront  obfervcs  comme  loi,  c'eft-à-dire 
qu'on  n'admettra  que  des  oppofitions  direéîes  & 
formelles. 

1^.  Le  procureur  du  roi  a  répondu  à  la  protefta- 
tion  du  clergé  ,  quoique  vague  &  générale  ;  & 
comme  le  clergé  ne  s'eft  pas  mis  depuis  en  peine 
de  la  rapporter p.irdevers'^ Us  g^ns  de  parlement,  il  eft 
évident   qu'elle  doit  être  confidérée  comme  non 

avenue. 

Il  faut  pourtant  convenir  que  les  deux  commen- 
tateurs de  cette  première  rédaélion  ,  Sainfon  & 
Brèche,  ont  été  divifés  fur  la  queflion  de  favoir  fi 
le  clergé  étoit  compris  dans  l'article  209.  Sainfon, 
titre  18,  article  2  ,  foutenoit  la  négative  ;  Brèche  , 
même  titre  6c  même  article  ,  enfeignoit  le  contraire. 

Mais  entre  ces  deux  interprètes .  la  préférence 
n'e/î  pas  difficile  à  régler.  Bernard  ,  décédé  doyen 
du  barreau  de  Tours  en  176']  ,  &  de  qui  nous 
avons  des  obfervatlons  manufcrites  fur  la  jurifpru- 
dence  de  fa  province  ,  dit  en  parlant  du  commen- 
t.iire  de  Sainfon  ,  qu'on  ne  doit  pas  donner  ce  nom 
il  à  quelques  notes  noyées  dans  un  fatras  de  ci- 
j»  tations  où  on  fe  perd  ».  Brèche  n'en  parle  qu'une 
feule  fois  dans  tout  fon  ouvrage  &  c'ert  pour  lui  dire 
de  groiïes  injures  (1).  Sans  doute  ,  il  auroit  ufé  de 


(1)  Failur.i  fané   &  Heliriim  fomnium   hoc  Joco  prcfcrt  bo- 
nus ille  vir    Joannes  Sainfon  ,  tir.  ij  ,  art.  25, 


PRESCRIPTION. 

plus  de  ménagement  envers  ùa  auteur  qui  eût  été 
tant  foit  peu  eftimé. 

Ce  qui  b'eft  paffé  à  la  féconde  réfotmation  de  la 
coutume  en  1559,  confirme  bien  tout  ce  que  nous 
dilons.  Il  y  avoit  alors  fix  ans  que  Brèche  avoit 
fait  paroitre  fon  commentaire  ,  &  non  feulement 
cet  ouvrage  avoit  été  accueilli  du  public  ,  mais  il 
avoit  valu  à  (on  auteur  l'honneur  d'être  appelé  à 
la  réformation  de  la  loi  qu'il  avoit  interprétée.  Que 
de  raifons  pour  exciter  le  clergé  a  demander  qu'on 
inférât  dans  l'article  209  l'exception  que  Sainfon 
avoit  tenté  d'y  mettre.  Se  que  Brèche  a-^oit  reje- 
tée !  cependant  le  clergé  garde  le  filcnce  :  :!  biffe 
pafTer  1  article  fans  oppofition  ,  fans  proteflation  ;  Sc 
par  conféquent  il  s'y  loumct. 

En  effet ,  qu'on  y  faffe  bien  attention.  Pour  adop- 
ter le  fyftême  de  Sainfon,  il  auroit  fallu  modifier 
l'article  209  par  une  exception  qui  fe  trouve  dans 
les  rédaélions  ou  réformations  d'un  très  -  grand 
nombre  d'autres  coutumes  :  on  ne  l'a  point  fait  ;  on 
a  laiffé  l'article  tel  qu'il  avoit  été  rédigé  en  i^oy. 
On  y  a  donc  compris  les  eccléfiaftiques  :  CAr ,  en- 
core une  fois,  il  on  ne  voiiloit  pas  les  y  compren- 
dre ,  il  étoit  indifpenfable  de  les  exclure. 

Ce  n'eft  pas  tout.  Le  clergé  renouvela  en  i'i'^<) 
les  mêmes  prote:lations  générales  qu'il  avoit  faites 
en  11ÇO7.  Que  fit  le  procureur  du  roi  ?  Il  requit 
que  le  clergé  ,  pour  les  biens  qu'il  pofîêde  en  Tou- 
raine ,  fût  déclaré  fujet  à  la  coutume  ,  telle  qu  elle 
feroit  arrêtée.  Elle  le  fut  en  effet ,  fans  que  le  clergé 
eût  dans  l'article  209  propofé  aucun  changeaient, 
aucune  modification  ;&  cela  fait  ,  les  coinmin;:j\.'S 
ordonnèrent  que  la  coutume  feroit  obfervéi  comme 
loi  tant  par  les  comparans  que  par  les  défailhns ,  foit 
f;cns  d'cgUfe  ,  de  nohlcjfe  ou  du  tiers- état.  Si  on  ne 
voit  point  en  cela  une  preuve  évidente  £c  fans  ré- 
plique de  l'affujettiffement  de  l'églife  à  la  Prefcrip- 
tion de  trente  ans,  qu'entend-on  donc  pur  prcuvs 
&  par  évidence  ? 

il  y  a  plus  encore.  Le  clergé  demandclt  par  fes 
proîeflations  qu'il  ne  fût  apporté  aucun  change- 
ment dwxcowrK/nfj  ci-devant  accordées,  jugemens  & 
arrêts  donnés  à  fon  profit ,  à  moins  c^ue  cela  ne  fe  fit 
par  le  vœu  unanime  des  trois  ordres.  Il  confentoit 
donc  que  la  coutume  demeurât  à  fon  égard  telle 
qu'elle  avoit  été  rédigée  en  1507,  fi  ce  ri'efl  dans 
les  points  auxquels  il  avoit  pu  y  être  dérogé  de- 
puis ,  foit  par  des  lois ,  foit  par  des  arrêts  ?  Or  où 
font  les  lois  qui ,  dans  l'intervalle  de  1 507  à  ^i  5  59  , 
ont  excepté  le  clergé  de  la  difpofition  de  l'article 
209  }  où  font  les  arrêts  qui  ont  jugé  qu'il  n'ètoit 
pas  compris  dans  cette  difpofition  }  Il  n'en^  exifte 
p.TS  l'ombre.  Donc  en  demandant  qu'il  ne  fût  rieiî 
change  aux  coutumes  ci-de-.ant  accordées  ,\q  cierge 
a  demandé  que  l'article  209  fut  exécuté  envers  lui 
comme  envers  les  particuliers. 

Au  furplus  ,  fi  cet  article  laiiToit  des  doutes  fur  h 
queftion  ,  quel  feroit  l'interprète  qu'il  faudroit  con- 
fulrer  pour  les  éclaircir.'  Sans  doute  ce  feroit  l'u- 
fage  :  opiifna  eiùm   legum  interprss  ejl   corifueiudo  , 


PRESCRIPTION. 

fl'ufage  eft  le  meilleur  interprète  des  lois), dit 
1  empereur  Juftinien  ,  au  digelle  ,  titre  de  le^ihus. 
Or  dans  tous  les  temps,  la  Prefcription  de  trente 
ans  a  été  reçue  en  Touraine  contre  le  clergé  ,  & 
jamais  on  n'a  exigé  celle  de  quarante  ans. 

Cet  ufage  remonte  très-probablement  à  la  même 
époque  que  celui  dont  nous  parlions  tout-à-l'heDre 
relativement  à  l'Auvergne  :  la  Touraine  a  été  , 
comme  cette  province,  tous  la  domination  desVi- 
figoths.  Ils  y  ont  apporté  ,  comme  dans  l'Auver- 
gne ,  le  code  Théodofien  auquel  ils  éioient  fort 
attachés  ;  &  la  Prefcription  de  trente  ans  admife 
par  une  loi  de  ce  code  contre  l'églife  ,  a  du  s'éta- 
blir &  fe  conferver  en  Touraine  avec  la  même  fa- 
cilité qu'elle  scd  établie  &  maintenue  dans  l'Au- 
vergne. 

Ce  qu'il  y  a  de  certain  ,  c'eft  que  depuis  la  ré- 
formation de  1559»  tous  ceux  qui  Oiit  écrit  fur  la 
coutume  lui  ont  donné  uniformément  l'interpré- 
tation que  nous  croyons  devoir  lui  donner  encore  , 
&  en  ont  coniîamment  atteflé  fufage. 

Boullai,  juge-prévôt  de  Loches,  dans  fes  notes 
imprimées  en  i6i(y  ,  dit  ,  page  205  ,  que  le  clergé 
nûnobftnnt  fes  proteftations ,  eft  fournis  à  toutes  les 
difpofitions  de  la  coutume  de  Tours ,  mime  à  l'ar- 
ticle 208  qui  établit  une  Prefcription  de  cinq  ans. 

Le  même  auteur  dans  le  commentaire  manufcrit 
qu'il  a  laiffé  fur  la  même  coutume  ,  met  en  principe 
que  l^égllfe  ne  peut  être  rejlituée  contre  la  Prefcription 
d^  trente  ans, 

Pallu  5  confeiller  &  avocat  du  roi  au  fiège  de 
Tours ,  s'exprime  ainfi  à  la  page  308  de  fon  com- 
mentaire, imprimé  pour  la  première  fois  en  1661  : 
««  Cette  coutume  ayant  été  arrêtée  avec  le  clergé, 
»  nonobAant  fes  proteftations  qui  font  demeurées 
•»'  fans  effet ,  on  a  toujours  tenu  que  la  Prefcrip- 
»  tion  de  l'article  2.09  devoir  avoir  lieu  contre  fé- 
»  glife  ;  ce  qui  a  été  jugé  à  ce  fiège  ,  il  y  a  plus  de 
»  vingt  ans  ,  contre  le  chapitre  de  Mézieres  >», 

M''  Dubois  ,  père  &  fils  ,  avocats  célèbres  à 
Tours,  &  décédés  l'un  en  1683,  &  l'autre  en  1736  , 
affiirent  également  dans  leurs  notes  manufcrites  , 
qu'on  n'admet  en  Touraine  que  la  Prefcription  de 
trente  ans  coiître  l'églife. 

M"^  Bouault ,  décédé  en  1739  ,  doyen  du  même 
barreau  ,  après  avoir  dit  dans  fes  notes  ,  que  Pallu  , 
page  171  ,  femble  exempter  de  la  Prefcription  de 
trente  ans  les  anciens  domaines  de  l'églife  ,  ajoute 
que  cela  n'efl  pas  fuivi. 

M*"  Bernard  qui  a  exercé  la  profefTion  d'avocat 
au  fiège  de  Tours  pendant  près  de  cinquante  ans  , 
tient  le  même  langage  dans  fon  commentaire  ma- 
nufcrit :  il  n'y  a  ,  dit-il ,  que  les  articles  105  &  108 
»  qui  étendent  à  quarante  ans  le  temps  de  faire 
«  injonflion  à  lamain-mcrte  de  vider  fes  mains; 
«  mais  c'efl  contre  l'églife  ,  &  non  en  fa  faveur  , 
»  que  cette  Prefcription  a  été  portée  à  quarante 
j>  ans  ». 

M*  Dubrementel,  qui  a  fourni  la  même  carrière 
que  M"  Bernard  ,  &  pendant  le  même  efpacc  de  j 


PRESCRIPTION.  419 

temps,  a  décidé  ,  le  15  février  1742,  qu'on  pref- 
crivoit  par  trente  ans  contre  l'églife  en  Touraine. 

Le  favant  6c  judicieux  auteur  du  droit  général  de 
la  Fr.ince  &  particulier  de  la  Touraine,  confirme  tOUS 
ces  témoignages  par  celui  de  fon  père  ,  mort  en 
1775  ,  après  avoir  été  pendant  cinquante  ans  l'ora- 
cle de  fa  province,  «  Le  père  de  l'auteur  (  dit-il  , 
»  nombre  7105),  a  fouvent  atteflé  l'ufage  &  na 
M  s'en  eft  jamais  écarté. 

»  Ou  tient  fi  unanimement  (  ajoutc-t-il  )  au  bar- 
"  reau  de  Tours  la  Prefcription  de  trente  ans  con- 
"  tre  lèglifc  ,  qu'un  jeune  avocat  ayant  donné  .  il 
»  y  a  environ  vingt-cinq  ans  ,  une  confultation 
»  contraire,  il  la  retira  ,  à  la  foUicitation  de  fes 
"  confrères,  qui  lui  rcpréfentèrent  avec  amitié  les 
»  fuites  de  l'erreur  dans  laquelle  il  induifoit  le 
»  client  qui  avoit  eu  recours  à  lui». 

M.  Cottcreau  ajoute  que  cet  ufage  a  encore  été 
certilié  le  17  décembre  1777  ,  par  une  confultation 
fignée  de  (juatorze  avocats  de  Tours. 

"On  cite  peu  de  jugemeiis  (  continue  ce  jnrif- 
»■  confuhe  )  ,  parce  que  la  queftion  ,  toutes  les  fois 
»  qu'elle  sefl  préfentée  ,  étant  réfoliie  de  la  même 
»  manière  dans  les  confultaiions  ,  on  a  rarement 
n   hafardé  de  la  propofer  en  juflice  ". 

Cependant  on  remarque  cinq  efpèces  notables 
dans  lefqiielles  elle  a  été  formellement  décidée. 

La  première  efl  celle  dont  Pallu  fait  mention 
dans  le  paiiage  rapporté  ci-defTus. 

Voici  la  féconde  ,  c'efi:  M.  Cottereau  qui  en  rend 
compte  :  ^  Pierre  Guyot  ayant  été  affigné  par  le 
»  ficur  Archambault  ,  curé  de  Neuvi  ,  à  raifon 
»  dune  rente  de  vingt  fous  due  à  la  cure  fur  un 
»  arpent  de  terre  ,  a  été  renvoyé  de  la  demande  par 
)>  une  fentence  du  juge  de  Neuvi  du  7  juillet  1727  , 
n  au  moyen  de  la  Prejcription  de  trente  ans  ,  &  elle  a 
»  été  confirmée  au  fiège  de  Tours  le  5  mai  1733  ". 

La  troillème  efpèce  nous  efl  encore  retracée  par 
M.  Cottereau (i)  :  a  Le  fiège  de  Châtillon,  dit- il  , 
1)  a  rendu  le  5  fcptembre  1770,  une  fentence  qui 
11  prouve  qu'il  admet  la  Prefcription  de  trente  ans 
»  contre  l'églife.  Il  y  en  a  eu  appel  ,  mais...  (  on  a 
»  enfuite  )  acquiefcé  à  la  fentence  ». 

La  quatrième  efpèce  s'efl  préfentée  à  l'audience 
du  même  fiège  le  7  feptembre  1776.  Lorfqu'on  y 
propofa  ,  dit  M.  Cottereau  ,  la  queftion  de  favoir 
s'il  faut  quarante  ans  pour  prefcrire  en  Touraine 
contre  l'é^lile  ,  "le  chef  du  fiège  en  témoigna  de 
»  létonnement,  parce  qu'il  y  avoit  nombre  d'an- 
»  nées  que  le  fiège  ,  dit-il  à  haute  voix  ,  avoit  dé- 
»  clarc  que  la  Prefcription  de  quarante  ans  n'étoit 
»  point  reçue.  Mais  on  pronofa  une  autre  queftion  , 
11  fi  un  acquéreur  qui  éioit  locataire  lors  de  (on 
»  acquifition  ,  avoit  pu  prefcrire.  Voici  les  circonf- 
»  ces  de  l'affaire. 

»  Le  fieur  Laurence  donna  à  rente ,  le  17  juia 
))  1733  ,  au  fieur  Croix,  uncmaifon  fituée  à  Tours, 
»  qu'il  occupoit  à  titre  de  loyer  ;  quelques  jours 

(i)  Tortie  1 ,  additions  2c  correfticns ,  page  13. 


4?o 


PRESCRIPTION. 


»  après  ,  !e  fseur  Croix  fît  infiiuier  Ton  contrat  Sr 
«  prit  pofîelîîon. 

i>  Le  chapitre  de  Saint-Gntien  obtint  ,  le  6  fep- 
>»  ten)l»re  1735,  contre  le  fjeiir  Laurence,  un  ju- 
>)  gement  qu'il  lui  fit  fignirier  le  8  mai  1736  ,  au 
«  domicile  du  fieur  Croix  ,  fon  locataire  &  nnt'ur  , 
>»  portoit  l'exploit  de  fignification.  Ce  jugement 
Il  condamnoit  à  réformer  une  déclaration  on  la 
»  maifon  étoit  dite  n'être  chargée  que  du  cens  , 
i>  fans  faire  mention  d'une  rente  de  4  liv.  10  fous 
>»  &  d'une  aufe  de  3  liv.  18  fous  6  deniers. 

»  £n  1743  ,  le  fieur  Croix  ,  aâionné  pour  exhi- 
5»  ber  fon  contrat  3c  pour  payer  les  ventes  ,  fatislît 
j>  a  l'un  &à  l'autre. 

j)  Le  22  mai  1767,1e  chapitre  de  Saint-Gatien 
«  demanda  vingt-neuf  années  d'arrérages  des  deux 
I'  rentes,  au  fils  du  fieur  Croix  ,  qui  appelle  en  g;i- 
•>■>  rantie  l'héritier  du  fieur  Laurence;  &  le  7  fep- 
jj  tembre  1776  ,  le  fiège  de  Tours  déclara  le  cliapi- 
11  tre  de  Saint-Gatien  non-recevable  dans  fa  dc- 
»  mande  ". 

Le  chapitre  fe  prévaloit  cependant  du  l'uffnge-de 
Sainfon.  Il  y  joignoit  même  un  arrêt  du  28  août 
1739  ;  &  comme  il  avoit ,  pendant  Tinilruâion  ,  dé- 
couvert dans  fes  archives  un  autre  arrêt  du  19  mars 
1752,  il  effayoit  également  de  s'en  appuyer. 

Mais  l'opinion  de  Sainfon  étoit  abandonnée  de- 
puis trop  long  temps  pour  qu'on  piu  fe  flatter  d'y 
ramener  le  fioge  de  Tours:  &  à  l'égard  des  deux 
arrêts  par  lefquels  on  prétendoit  la  juflifier  ,  M. 
Cottereau  prouve  très-bien  qu'ils  n'ont  pas  même 
touché  la  queftion. 

La  cinquième  efpèce  a  été  jugée  par  arrêt.  Il  s'a- 
giffoit  d'un  droit  de  dixme  qui  étoit  contefté  entre 
le  prieur  de  Channay  &  le  curé  de  Courcelles.  Le 
premier  foutenoit  &  prouvoit  en  effet  que  depuis 
trente  ans  il  étoit  en  poffefllon  de  ce  droit ,  à  l'exclu- 
fion  du  curé.  Il  ajoutoit  qu'en  Touraine  cet  efpace 
de  temps  fuffit  pour  prefcrire  contre  l'églife  ;  & 
c'eft  ce  qu'a  décide  le  fiège  de  Tours  par  fentence 
du  6  feptembre  1774.  Le  curé  de  Courcelles  en  a 
appelé  ,  mais  par  arrêt  du  23  janvier  1778,  la  cour 
a  mis  l'appellation  au  néant  avec  amende  &  dépens. 

Remarquez,  avec  le  même  jurifconfulte  ,  <«  une 
ji  chofe  qui  eft  peut-être  unique  en  fait  d'ufage  : 
M  c'eft  que  1".  l'unanimité  des  jurifconfultes  a  été  fi 
j)  parfaite  pendant  deux  fiècles  ,  qu'on  s'en  trouve 
jj  pas  un  feul  qui  n'ait  tenu  le  même  langage  que 
3>  les  autres  fur  le  point  dont  il  s'agit;  ^° .  les  agens 
j)  du  chapitre  de  Saint-Gatien  ,  malgré  toutos  leurs 
5)  recherches  ,  n'ont  pu  découvrir  un  feul  arrêt ,  un 
«  feul  jugement ,  même  un  feul  fait  ,  qui  contredife 
j>  l'ufage  qu'on  leur  a  oppofé.  Un  fait  ,  un  juge- 
j)  ment  un  arrêt  ne  feroient  pas  capables  d'affoiblir 
j>  l'ufage,  mais  lorfqu'il  ne  s'en  trouve  point,  de 
«  querpoids  l'ufage  n'eft-il  pas  »  > 

Mais  voici  une  objei^ion  qui  ,  fans  être  comme 
les  précédentes ,  particulière  à  la  coutume  de  Tou- 
raine, s'étend  à  celles  de  Berry,  d'Auvergne  &  de 


PRESCRIPTION. 

Bourgogne  (1).  Elle  confiée  à  dire  que  par  l'article 
26  de  l'édit  de  1580  ,  &  l'article  49  de  l'édit  de 
1695  ,  on  ne  peut  alléguer  contre  l'églife  d'autre 
Prejcription  que  celle  de  dro'u  ;  que  la  Prefcription 
de  droit  eft  de  quarante  ans  ;  &  que  puifque  ces  lois 
font  poftérieures  aux  rédactions  des  coutumes  ci- 
tées ,  on  ne  peut  plus  dans  leur  rcflbrt  admettre 
contre  l'églife  la  Prefcription  de  trente  ans. 

A  cela  plufieurs  réponfes. 

1°.  La  Prefcription  de  trente  ans  eft,  dans  les 
coutumes  dont  il  s'agit,  la  Prefcription  de  droit  pour 
les  eccléfiaftiques  comme  pour  les  laies. 

2".  Les  édits  de  1580  &  1695  ne  contiennent 
aucune  claufe  dérog.-itoire  aux  coutumes  on  ufages 
qui  admettent  une  Prefcription  au-deftbus  de  qua- 
rante ans. 

3".  Il  y  a  d'ancitns  ufpgesqui,  quoique  contrai- 
res aux  difpofitions  de  l'édit  de  1695  ,  fe  font  ccn- 
fervés  depuis  (2). 

4".  Depuis  l'édit  de  15S0,  il  a  été  rendu  en 
1587,  1607,  1623  ,  1624  ,  1636,  1643  ^  ï^>44  » 
des  arrêts  qui  ont  maintenu  ,  comme  on  l'a  remar- 
qué plus  haut ,  la  Prefcription  de  trente  ans  contre 
l'églife  ,  dans  les  coutumes  d'Auvergne  &  de  Bour- 


gogne. 


5".  La  déclaration  de  Louis  XIII  de  1641  prouve 
bien  qu'à  cette  époque  on  ne  foupçonnoit  pas  que 
l'édit  de  1580  ciàt  dérogé  à  cet  ufage  dans  l'Aii- 
vergne. 

6".  Si,  lors  de  l'émanation  de  l'édit  de  1695  , 
on  eût  vu  dans  l'article  qu'il  contient  fur  la  Pref- 
cription de  droit ,  une  dérogation  aux  coutumes  qui 
permettent  de  prefcrire  par  trente  ans  contre  l'é- 
glife ,  on  n'auroit  pas,  trois  ans  après ,  certifié  , 
par  un  aéle  de  notoriété,  la  continuation  de  cette 
jurifprudence  dans  le  reflbrt  du  parlement  de  Di- 
jon; &  fi  cette  dérogation  n'a  pas  été  apperçue 
alors,  comment  l'admettre  aujourd'hui  contre  l'o- 
pinion &  la  pratique  de  près  d'un  fiécle?  On  ne 
fait  donc  pas  atteiîtion  qu'un  ufage  conftammcnt 
obfcrvé  pendant  un  aufti  long  intervalle  de  temps, 
eft  lui-même  une  loi,&  qu'on  ne  peut  pas  cher- 
cher dans  une  fource  plus  sûre  ,  l'explication  des 
ordonnances  &  édits  qui  l'ont  précède! 

Mais  c'eft  aHez  nous  arrêter  au  temps  qui,  en 
thèfe  générale,  eft  néceftaire  dans  chaque  cou- 
tume ou  province  ,  pour  prefcrire  contre  l'églife. 
De'ceudons  dans  les  queilions  fecondaires  aux- 
quelles cet  objet  important  peut  donner  lieu. 

Distinction  II.  Du  itemps  qui  doit  être  déduit  de 

la  Prefcription  contre  Céglife. 

D'abord  ,  quand  il  s  agit  de  favoir  fi  on  a  pref- 


(i)  Nous  n'ajourons  f  25  à  cette  liTrcij  coiiriiine  de  H.ii- 
naiic],  parce  que  ni  ledit  de  i,Sj  ni  ctJui  de  irtgç  n'ont 
force  de  loi  dins  cette  p  ovlnce. 

(i)  Mémoires  i^j  tlcr^;  ,  tome  7  ,  psg''  4 '4.  Jun'prudence 
cinonii]iie  de  Roufitau  de  Ja  Cûiubt  ,  au  tnoUQiiftJfeur  ,  n. 
î,7&  M- 


PRESCRIPTION. 

Ci'it  en  vertu  d'une  aliénation  faite  fans  niceflTué , 
■f^.is  caufe  ,  ou  fans  formalités  ,  par  le  muiaire  d'un 
bénéfice  ,  doit-on  compter  pour  la  Prelcription  , 
tout  le  temps  qu'a  vécu  le  beneticier  ,  aj.rés  avoir 
aliéné  ? 

La  négative  eft  adoptée  par  une  de  nos  cou- 
tumes ,  cci\  celle  de  Gorze  ,  titre  14  ,  articles  5  &.  y. 

C'eft  ce  que  décide  aufTi  le  canon//  jacer dotes  , 
caufe  i6,quc;flion  3  ,  dans  le  décret  de  Gratien. 
Dumoulin  dans  fes  notes  fur  ce  canon  &  lur  Ale- 
xandre, tome  3  ,  confeil  9  ,  vers  la  tin  ,  dit  qu  on 
le  pratiquoit  ainfi  de  Ion  temps  -./èrv^tur  in  praxi. 
Mornac  ,  fur  la  loi  16  ,  au  code  ,  de  /acro  fanais  ec- 
clejiis ,  alfure  la  même  chofe:  tel  eft  ,  dit-il ,  le  droit 
dont  nous  ufons  conftamment  :  co  que  jure  perpé- 
tua utimur. 

M.  Louet,  lettre  P,  §.  i  ,  rapporte  trois  arrêts 
conformes  à  cette  doflnne  :  le  premier ,  du  i  fé- 
vrier 1531;  le  fécond,  de  l'année  1 5.43  i  le  troi- 
fième  ,  du  17  feptembre  1594-  11  remarque  même 
que  celui-ci  a  été  rendu  à  fon  rapport. 

Le  magiftrat  à  qui  nous  devons  le  journal  du 
palais  de  T'oiiloufe  ,  dit,  tome  5,  P^iG'^  *'+'  >  ^^ 
rapportant  un  arrct  du  28  août  1699  ,  lors  duquel 
cette  quellion  étoit  agitée,  que  tous  les  juges  Ibnt 
convenus  dans  les  opinions ,  "  que  cette  maxime  , 
»  la  Frejcrïpiion  ne  couri  pas  contre  Cégiije ,  p<.nJ.int 
j>  qu'elle  ejl  privée  Je  Jon  défeiifeur  légitime  ,  eft  gé- 
»  néralemeni  reçue  pour  tous  les  bénéfices ,  & 
>'  que  ce  défenfeur  efl  le  titulaire.  Car  (ajoute-t-il)  , 
»  quoique  l'évêque  ou  le  promoteur  puiffent  re- 
»  lever  les  droits  de  l'églife  ,  cependant,  comme 
«  ils  ne  peuvent  connoure  les  droits  de  tous  les 
»  bénéfices  ,  ni  même  toutes  les  chapellenies ,  il 
V  n'efl  pas  difficile  qu'on  en  ufurpe  les  biens,  ou 
»  même  qu'on  fupprime  des  chapellenies ,  fans 
»  qu'ils  en  aient  connoilTance  ». 

Guy  Pape  ,  queftion  150,  8f  Chorier  ,  livre  i  , 
feflion  6,  article  i  ,  attefleiu,  en  citant  un  arrêt 
du  16  février  1458  ,  que  c'eft  auffi  la  jurifpru- 
dence  du  parlement  de  Grenoble. 

C'eft  pareillement  celle  du  parlement  de  Fran- 
che-Comté, comme  le  prouve  un  arrêt  du  4  mai 
1728,  qui  eft  rapporté  par  Dunod  ,  traité  de  la 
Prefcription  des  biens  d'églife,  pag,  28. 

Au  furplus  ,  les  raifons  fur  lefquelles  cet  auteur 
appuie  cetre  jurifprudence,  doivent  la  faire  recevoir 
par  tout  fans  nulle  difticulté  :«  quoique  celui  quia 
3J  mal  aliéné,  dit-il,  ait  pu  agir  lui-même  ,  il  y  au- 
»  roit  du  danger  à  faire  courir  la  Prefcription  de 
ji  fon  temps  :  il  faudroit  qu'il  vînt  contre  ion  pro- 
«  pre  fait  ,  &  il  a  ordinairement  de  la  répugnance 
j>  &  de  la  pudeur  à  le  faire.  Il  y  a  même  fou- 
w  vent  des  vues  d'intérêt  ou  de  faveur  dans  les 
»  bénériciers  qui  font  des  aliénations  préjudicia- 
»  blesj  &  quand  il  n'y  en  auroit  point  eu,  celui 
«  qui  a  fait  l'aliénation  fe  feroit  fouvent  une  peine 
»  d  avouer  fa  faute  bi  fa  mauvaife  adminiftration  : 
»  il  craindroit  peut-être  aufti  de  s'expofer  à  quel 
w  que  reftitution  d'argent  qu'il  auroit  reçu  ,  &.  à 


PRESCRIPTION.         431 

«  des  dommages  &  intérêts.  11  efl  donc  jufte  de 
»  fuppofer  pour  règle  générale  ,  que  la  Prefcrip- 
■)■>  tion  ne  court  p:.s  de  fon  temps  ,  quand  l'églife 
M  a  été  léféc  ,  &.  que  les  principales  folemnités 
î>  ont  été  omifes  ,  parce  qu'elle  n'cfl  pas  valable- 
»  ment  défendue  ". 

Mais  du  moins  la  Prefcription  courra-t-elle  da 
jour  mîme  de  fon  décès,  ou  dormira  t-elle  en- 
core jufqu'à  ce  qu'il  ait  un  fuccelTeuri' 

La  coutume  de  Gorze,  à  l'endroit  cité,  fe  dé- 
termine pour  le  premier  parti. 

Mais  elle  eft  en  cela  contraire  aux  déclfions  du 
droit  canonique  (1), 

M.  de  C.^tellaii  ,  livre  i  ,  chapitre  35  ,  dit  que 
dans  une  ati.Hire  jugée  de  fon  temps  au  parlement 
de  Touloufe  ,  ces  décifions  ont  beaucoup  influé 
dans  les  motiis  de  larrêtqui  a  rejeté  la  Prefcrip- 
tion dont  on  vouloir  fe  prévaloir  contre  le  titu- 
laire d'une  chapelle. 

Dunod  ,  traité  des  Prefcriptions ,  partie  i  ,  cha- 
pitre 10  ,  ne  critique  pas  cette  jurifprudence.  mais 
il  la  modifie  :  «  les  bénéfices,  dit-il,  auxquels  on 
»  établit  des  économes  pendant  la  vacance ,  pa- 
»  roiffent  n'être  pas  dans  ce  cas ,  parce  qu'ils  ont 
»  des  défenfeurs  ».  Mais  en  parlant  ainfi ,  Dunod 
ne  tait  pas  attention  que  par  une  déclaration  du 
20  février  1725  ,  enrtgiftrée  le  16  mars  fuivant  , 
il  eu  défendu  aux  économes-fequeftres  d'intenter 
aucun  procès  pendant  la  vacance  des  bénéfices  , 
avec  ordre  de  faire  leulement  les  diliger.ces  né- 
ceflaircs  pour  le  recouvrement  des  droits,  fruits 
ti.  revenus  dont  le  dernier  titulaire  étoit  actuelle- 
ment en  poffeliion  lors  de  fon  décès  ;  &  furfit  à 
tous  procès  intentés  jutqu'à  ce  qu'il  y  ait  un  ti- 
tulaire nouveau. 

Aulîl  eft-il  dit  exprefTément  par  cette  déclara- 
tion ,  que  la  Prefcription  ne  court  point  contre 
les  églifes  dont  les  bénéfices  ibnt  en  économat. 

Mais  la  diipofuion  n'a  point  lieu  ,  lorlque  l'éco- 
nomat eft  établi  pour  un  temps  illimité.  C'eft  ce  qui 
réfuhe  d'un  arrêt  du  confeil  du    14  mai  177^. 

Obfervez ,  au  furplus  ,  qu'en  cette  matière  on  af- 
fimile  la  polTeftion  d'un  coniidentiaire  à  une  va- 
cance véritable.  Ainfi  on  ne  prefcrit  pas  contre  un 
bénéfice  pendant  qu'il  eft  tenu  en  confidence.  C'eft 
ce  qui  a  été  jugé  au  parlement  de  Bordeaux  par 
deux  arrêts  ,  l'un  du  6  juillet  1680  ,  inféré  dans  le 
recueil  de  la  Peyrere  ,  lettre  P  ,  nombre  6 1  ,  &  l'au- 
tre ,  du  18  mars  1681 ,  rapporté  au  même  endroit , 
nombre  69. 

Distinction  Ilî.  En  quels  cas  &  par  quel  temps 
peut-il  y  avoir  Lieu  à  la  Prefcription  des  biens  d'é' 
glije  qui  ont  été  aliénés  induanent? 

Si  l'aliénation  faite  par  un  étranger  ,  qiii  a  vendu 
comme  fien  ,  ce  qui  appartenr)it  a  l'glife  ,  en  forte 

(^i)  Chitines  de  quand  S<  ex  tranfmijj'd,  aux  dtcrctalcs  d^ 
Pjve/wiprionii'uj. 


45i  PRESCRIPTION. 

que  lacquéreiir  ait  cru  acheter  un  bien  bique  , 
il  n'eft  point  douteux  qu'il  ne  puiiTe  y  avoir  lieu 
à  la  Prefcrijjtion  ordinaire  ,  Prefcription  qui  eft  , 
comme  on  l'a  vu  ci-devant  ,  de  quarante  ans  dans 
le  droit  commun,  de  trente  ans  dans  les  coutumes 
de  Berry  ,  de  Touraine  ,  d'Auvergne  ,  de  Bour- 
gogne ,  de  Hainaut ,  &c.  &  de  vingt  ans  vingt 
jours  dans  celles  de  Metz  &  de  Gorze  pour  les 
nouveaux  acquêts.  C'eit  i'crpèce  &  l,i  décifion  pré- 
cife  de  l'ai  rèt  du  parlement  de  Flandres  du  23  dé- 
cembre 17S3  ,  dont  il  a  été  rendu  compte  ci-def- 
fus  ;  &  il  paroît  plus  régulier  qu'un  arrêt  du  par- 
lement deTouloule,  du  mois  de  décembre  1691, 
par  lequel  M.  de  Catellan  ,  livre  1  ,  chapitre  35  , 
dit  avoir  été  jugé  a  que  la  Prefcription  du  bien 
»  d'cglile  ne  court  point ,  quand  c'eft  un  laïque 
»)  qui  a  fait  Taliénation  ". 

Mais  fi  l'aliénation  a  été  faite  par  Tufiifruiiier 
ou  l'adminiflrateur  du  bien  eccléfiartique  ,  &  que 
par  conféquenr  l'acquéreur  ait  eu  en  achetant  , 
pleine  connoiiTance  de  la  nature  de  ce  bien  ,  peut- 
il  y  avoir  lieu  à  la  Prefcription  contre  un  titre 
nul;  &  en  cas  que  cela  foit  pofTible  ,  le  terme 
ordinaire  de  quarante  ou  de  trente  ans,  fuivant 
les   coutumes  ,   ert-il  fuffifant  pour   prefcrire  ? 

L'affirmative  eft  aiTez  généralement  adoptée  par 
les  douleurs  ultramontains.  Ils  donnent  à  la  Pref- 
cription de  quarante  ans  la  vertu  de  purifier  les 
aliénations  de  tout  défaut  de  caufe  ou  de  forme  , 
&  il  paroîr  qu'ils  ne  t'ont  à  ce  fujet  aucune  dif- 
tini^ion.  Témoin  Rédoan,  dans  Ton  traire  ^/e  relias 
ecclefix,  non  aUenandis  ,  queftion  3  ,  chapitre  3  , 
nombre   12.  (i) 

Parmi  nous  ,  on  diftingue  communément  en- 
tre le  tiers  poflefTeur  &  celui  dans  les  mains  du- 
quel le  bien  de  l'églife  a  été  transféré  immédiate- 
ment ,  au  moyen  du  contrat  qu'il  a  fait  avec  le 
bénéficier  ou   l'adminifirateur. 

1°,  11  eft  confiant  aujourd'hui  que  le  tiers-pof- 
fefleur  qui  a  titre  &  bonne  foi,  prefcrit  par  la 
poflelTion  paifible  de  quarante  ans.  C'eft  ce  qu'é- 
tablit Guéretfurles  arrêts  de  M.  le  Prêtre,  cen- 
turie I  ,  chapitre  4  ,  &  ce  que  décide  M.  le  pre- 
mier préfident  de  Lamoignon  ,  dans  fes  arrêtés  , 
titre  des  Prefcriptions  ,   art.   42. 

Il  y  a  d'ailleurs  une  foule  d'arrêts  qui  le  ju- 
gent ainfi. 

M.  de  Catellan,  livre  i  ,  chapitre  35  ,  nous  en 
retrace  un  du  parlement  de  Touloufe,  qu'il  date 
du  28  août  1674. 

Bafi'et,  tome  1  ,  livre  2,  titre  29,  chapitre  i  , 
rous  en  fournit  deux  autres,  rendus  au  parlement 
de  Greaoble  le  14  décembre  1653  ,  ik  le  14  mars 

M.  le  préfident  de  Befieux ,  livre  i  ,  titre  2  , 


(i)  Quxdam  ,  iit-i/,  non  poffunt  alienacx  nia  ùib  ceità 
foima  ,  puto  cùm  dcçreto  ;  &  tucc  Przfcrijuio  hjbec  vim  de- 
cieti  ,  &  tes  ecclefix  prilctibuntuc  &:  pra;fLiibi  poflunt  fpacio 
cuadi'aginta  annoitiin  ,  niù  rçi  tcmana:  ecdeiii-,^ 


PRESCRIPTION. 

chapitre  "4  ,  §•  5  &  6  ,  en  rapporte  deux  rendu* 
à  l'audience  de  la  grand'chambre  du  parlement 
d'Aix  ;  le  premier,  le  1 1  mars  1700  ,  furies  conclu* 
fions  «de  M.  l'avocat-général  de  Pioléne;  le  fé- 
cond ,  le  20  février  1702  ,  fur  les  conclufions  de 
M.  l'avocat-général  deGaufridy  (i). 

M.  de  Béiieux  ajoute  que  la  même  chofe  a  été 
jugée  à  la  chambre  des  enquêtes  oîi  il  préfidoit , 
par  arrêt  rendu  au  rapport  de  M.  Ballon  ,  entre 
le  nommé  Gardin   6c  les  dominicains  de  Toulon. 

C'eft  auffi  ce  qu'avoit  jugé  précédemment  un 
arrêt  du  10  juin  1667,  qui  eft  rapporté  par  Bo- 
niface  ,  tome    i  ,  livre ,  i  ,  titre  23  ,  chapitre  i. 

Mais  fi  le  tiers-acquéreur  n'eft  pas  de  bonne  foi , 
&  que  par  exemple  ,  il  foit  inftruit  par  fon  titre 
d'acquifition  de  la  nullité  du  contrat  fait  primiti- 
vement entre  l'églife  &  fon  vendeur  ;  dans  ce  cas , 
il  n'y  a  ,  par  rapport  à  la  Prefcription,  aucune  dif- 
férence entre  fa  condition  &.  celle  du  vendeur 
même.  C'efl  ce  que  prouve  l'arrêt  du  parlement 
de  Paris  du  11  décembre  1646,  que  nous  rappor- 
terons dans  l'inftant. 

Et  ce  n'eff  pas  la  feule  exception  que  fouflre  ia 
règle  générale  qui  vient  d'être  établie  :  le  parle- 
ment de  Touloufe  en  admet  encore  une  lorfqii'il 
s'agit  d'une  aliénation  faite  par  léglife  pour  le 
p;iyement  d'une  taxe  impofée  par  le  prince  :  alors , 
6c  fur-tout  fi  l'aliénation  eff  confinérabie  ,  il  per- 
met aux  ecclêfiafliques  de  retirer  leurs  biens ,  mê- 
me fur  les  tiers-acquéreurs,  en  rembourfant  le 
prix  qu'ils  en  ont  reçu  ;  &  ceux-ci  ne  font  pas  ad- 
mis à  alléguer  la  Prefcription  ,  fîit-elle  centenaire. 
C'eft  l'obicrvation  de  Graverol  fur  la  Pv.ocheflavin, 
livre  I  ,  titre  2  ,  article  5  ;  il  la  juftifie  d'ailleurs 
par  des  arrêts.  Vedel ,  fur  Catellan  ,  livre  i  ,  cha- 
pitre 35,  dit  la  même  chofe.  "Voyez  fur  cette  ma- 
tière l'article  Aliénation  des  biens  d'église. 

2".  Mais  que  faut-il  décider,  lorfque  le  bien  efl 
enco'e  dans  les  mains  de  celui  qui  a  acquis  im- 
médiatement de  l'églife  ,  ou  dans  celles  de  fes 
héritiers  } 

Si  le  titre  de  l'acquifition  n'étoit  pas  repréfenté, 
Il  chofe  feroit  très-fimple.  La  poiretfion  de  qua- 
rante ans  feroit  préfiimer  que  ce  titre  a  été,  dans 
le  temps  du  comrîit ,  revêtu  de  toutes  les  formes, 
&  accompagné  de  toutes  les  conditions  requifes 
pour  la  faire  valoir;  &  l'églife  feroit  non-rece- 
vable  à  inquiéter  l'acquéreur  ou  ceux  qui  le  re- 
prêfentent. 

La  difHculté  efî  de  favoir  s'il  peut  y  avoir  lieu 
à  la  Prefcription,  &  par  quel  temps,  lorfque  le 
titre  paroît ,  &  que  ce  titre  eft  vicieux  ,  foit  parce 
qu'il  en  réfulte  que    l'aliénation  a  été  faite    fans 


(i)  Voici  ce  qu'a  dit  alors  ce  magilitat  :«  Quoique  la  iii- 
3j  rilprudence  des  arrêts  ait  varié  pendant  un  temps  fui-  cette 
.j  matière  j  il  elt  prélenremcnr  conitarjc  &■  certain  qu'avec  Ja 
n  pofTeiIion  de  quarante  ans  le  tiers-poffcireur  cil  à  couvert 
.1  de  tojtes  recherches,  quand  mène  le  titre  du  premier  ac- 
ij  quéreut  feroit  nul  &  vicieux  », 

caufe  I 


PRESCRIPTION. 

caufe  ,  foit. parce  qu'il  démontre  que  les  formalités 
piincipales  n'ont  pas  été  obfervées  ? 

L'opinion  la  plus  commune  ,  du  moins  à  Paris  , 
eit  que  ni  dans  l'un  ni  dans  1  autre  cas ,  il  n'y  a 
lieu  à  la  Prefcription  de  40  ans.  Mais  peut-être  de- 
vons-nous regarder  comme  la  plus  judicieufe  ,  celle 
qui  admet  cette  Prefcripiion. 

En  effet,  que  s'agit  il  de  prefcrire  ?  Rien  autre 
choie  que  des  nullités  ou  une  léfion. 

Or,  d'un  côté  ,  pouiquoi  les  nullités  ne  fereient- 
clles  pas  prefcriptibles  ?  Elles  ne  dérivent  pas  d'une 
caufe  publique,  mais  d'un  privilège;  elles  ne  font 
pas  ablblues ,  mais  fimples  &  refpedlives  ;  en  un 
mot ,  on  ne  peut  pas  mieux  les  comparer  qu'aux 
«léfauts  de  formalitcs  dans  l'aliénation  du  bien  des 
mineurs  ,  déiaiit  qui  très-sûrement  (e  couvre  par 
la  Prefcription.  D'ailleurs  ,  puiCque  le  bien  de  l'é- 
glife  peut  être  prefcr;t  fans  t.tre  par  quarante  an- 
nées ,  pourquoi  les  nullités  du  titre  ne  pourroient- 
elles  pas  être  effacées  par  le  même  temps  ?  On 
objeâera  la  maxime  triviale  &  fi  fouvent  mal  ap- 
pliquée ,  melius  efl  jutri  habcre  iuulum  quàm  h^b-.rt 
vniojum  :  mràs  voyez  ce  que  nous  en  avons  dit 
ci-devant ,  ,<eflion  i ,  §.  6. 

P'i—  autre  côté,  la  léfion  n'efl  oour  l'églife 
qu'un  remède  ordinaire  :  &  de  même  qu'elle  ne 
peut  pas  la  propofer  ,  fans  prendre  la  voie  de  refîi- 
lution  en  entier  ,  de  même  il  ne  doit  pas  lui  être 
permis  de  le  faire  ,  après  que  le  temps  déterminé 
pour  la  Prefcription  de  fes  droits  efl  écoulé. 

Ce  qu'il  y  a  de  remarquable,  c'efî  que  tel  efl 
lefprit  du  droit  canonique.  Le  canon  fi /acer^otts 
qui  efl  tiré  du  neuvième  concile  de  Tolède  ,  eft 
dans  l'efpéce  d'une  aliénation  injufie  &  vicjei;fe 
faite  par  le  prélat  ou  bénéficier  d'une  églife.  Ce 
canon  décide  qu'alors  la  Prefcription  ne  doit  cou- 
rir que  du  jour  du  décès  de  celui  qui  a  aliéné.  Il 
luppofe  donc  ,  ou  plutôt  il  décide  que  les  vices 
de  cette  aliénation  font  prefcriptibles.  Or  quel  efl, 
aux  termes  vlu  droit  canonique  ,  le  temps  nécef- 
faire  pour  prefcrire  contre  le  clergé  ?  Nous  l'avons 
dit  plus  haut  :  c'efl  40  ans.  Donc  l'^églife  elle-même 
a  reconnu  que  les  titres  vicieux  ne  pouvoient  pas 
triompher  ,  en  fa  fiveur  ,  de  la  Prefcription  de 
quarante  ans.  Donc  c'efl  lui  accorder  plus  qu'elle 
n'exigeoit  dans  le  principe ,  que  de  vouloir  exemp- 
ter de  cette  Prefcription  les  biens  qu'elle  a  aliénés  , 
quoique  (ans  caufe  ou  fans  formalités. 

Mats  voyons  comment  on  juge  la  queflion  dans 
les  différens  parlemens  du  royaume. 

Il  y  en  a  trois  qji  font  connus  pour  admettre  la 
Prefcription  dont  il  s  agit. 

_  Le  premier  efl  celui  deTouloufe.  Anciennement , 
il  ne  recevoir  pas  même  relativement  à  cette  matière 
la  Prefcription  de  cent  ans.  Ceft  ce  que  prouve  un 
arrêt  du  9  juin  1666 ,  rapporté  par  M.  de  Catellan  , 
livre  I  ,  chapitre  35.  Ce  magiflrat  obferve  à  ce  fu- 
jet  qu'en  jugennt  de  la  foue  ,  fa  compagnie  étoit 
«  plus  favorable  à  l'églife  ,  que  les  lois  de  l'églife 

»  même ,  (puifque  )  par  le  ç^non  fi  hardous  L 

Tome  XllI.  * 


PRESCRIPTION.       435 

"  on  peut  prefcrire  contre  l'églife  avec  un  titre 
"  vicieux,  avec  cette  feule  modification,  que  la 
»  Prefcription  commence  (feulement)  à  courir 
'>  du  temps  de  la  mort  du  prélat  qui  a  mal  aliéné  ». 
Mais  cette  jurifprudence  efl  changée  depuis  quel- 
que temps ,  ik  elle  efl  aujourd'hui  conforme  à  la 
règle  établie  par  le  canon  cité.  C'efl  ce  qu'obferve 
Graverol  fur  la  Rocheflavin  ,  livre  i  ,  titre  10  : 
«  Aujourd'hui ,  dit-il,  foit  qu'il  s'agiffe  d'une  vente 
»  ou  d'une  infeodation  ,  le  parlement  s'y  prend 
»  d'une  autre  manière,  &  s'arrête  à  la  Prefcrip- 
»  tion  de  quarante  ans  ,  quand  même  il  y  auroit 
»  à  dire  au  titre  ,  &  qu'il  ne  feroit  pas  revêtu  des 
»  folemnités  requifes  par  le  droit,  à  compter  néan- 
"  moins  du  jour  du  décès  de  l'eccléfiaflique  qui 
»  a  mal  aliéné  ;  mais  il  faut  que  les  quarante  ans 
»  foient  utiles  »  ;  &  il  rapporte  plufieurs  arrêts  qui 
juflifient  fon  affertion. 

C'efl  ce  qu'attelle  aufTi  Vedel  fur  Catellan  ,  à 
l'endroit  qu'on  vient  d'indiquer  :  Après  avoir  rendu 
compte  des  difpofitions  du  canon  fi  facerdotes  ,  il 
ajoute  :  <c  Voilà  la  régie  adoptée  par  la  nouvella 
"  jurifprudence  de  ce  parlement ,  qui  l'applique  à 
"  toute  efpèce  d'aliénation  particulière  des  biens 
'»  eccléfiaftiques  ». 

Il  paroît  parles  arrêts  que  rapporte  Chorier, 
dans  la  jurifprudence  de  Guy  Pape ,  livre  5  ,  fec- 
tion  5,  article  7,  qu'on  juge  de  même  au  parle-, 
ment  de  Grenoble. 

Diinod  prouve  que  cette  maxime  efl  également 
obfervée    par  le  parlement  de   Befançon. 

Elle  l'efl  aifTi  dans  les  Pays-Bas.  Du  moins  , 
nous  trouvons  dan>.  le  recueil  de  M.  du  Laury  , 
§.  70  .  un  arrêt  rlu  grand  confeil  de  Malines  du 
15  feptembre  1618,  qui  décide  qu'après  quatre- 
vingts  ans  ,  l  éghfe  ne  peut  pas  revenir  contre  l'a- 
liénation qu'elle  .1  faite  ,  quoiqu'elle  en  rapporte 
le  titre,  &  qu'd  n'y  foit  fait  aucune  mention  des 
formalités  ,  même  le<  plus  effentielles  ,  qui  auroient 
dû  précéder  iSc  accompagner  l'acle. 

Le  parlement  de  Paris  a  fur  ce  point,  des  prin- 
cipes tous  diiférens. 

On  trouve  dans  le  recueil  de  Filleau  ,  partie  i, 
titre  I  ,  chapitre  41  ,  un  arrêt  du  6  mai  1623  , 
par  lequel  cette  cour  a  entériné  des  lettres  de  ref'- 
cifion  prifes  en  1620 ,  par  l'abbaya  de  Saint-Martin- 
de-Plein-Pied,  contre  des  aliénations  qu'elle  avcit 
faites  en  1526,  1527  &  1573. 

Bardet  tome  2  ,  livre  7  ,  chapitre  36  ,  en  rap- 
porte un  autre  du  23  juillet  1638,  qui  rejette  la 
Prefcription  oppef'ée  par  les  héritiers  d'un  acqué- 
reur ,  en  faveur  defquels  il  y  avoit  une  pofî'ef- 
fion  de  plus  de  60  ans. 

Le  4  décembre  i64'5  ,  troifiéme  arrêt,  rapporté 
au  journal  des  audiences  ,  qui  déclare  nul  un  bail 
à  rente  f.tit  en  1590  par  le  chapitre  de  Saint-Pierre 
de  Soiifons,  quoique  le  preneur  fe  prévalût  d'une 
poffefTion  paifible  6i  confiante  de  cinquante  qua- 
tre .''.ns. 

Heurys,  tome  1  ,  livre  i  ,  queflion  Si  ,  nous 

Iii 


434 


PRESCRIPTION. 


en  a  confcrvé  un  quatrième  du  19  février  1658, 
qui  cafTe  une  aliénation  faite  par  le  chapitre  de 
Saint-Gerand  d'Aurillac  ,  nonobflant  le  laps  de 
^8  ans. 

BriUon  ,  au  mot  aliénation  des  biens  d'églife  , 
en  rappeik  un  cinquième  du  20  juin  1716  ,  qui , 
ronobflant  une  poffeflion  de  quatre-vingt  ans  , 
condamne  les  religieux  de  l'abbaye  de  Saint  Mcf- 
min  ,  à  délaifTer  à  leur  abbé  commendaiaire  une 
niaifon  qui  leur  avoii  été  en  partie  vendue,  & 
en  partie  donnée  en  1622,  par  l'un  des  prédécef- 
feurs  de  celui  ci. 

Nous  pouvons  ,  nous  devons  même  joindre  à 
ces  arrêts  celui  qui  eft  rapporté  au  journal  des  au- 
diences ,  fous  la  date  du  11  décembre  1646,  & 
par  lequel  un  bnil  à  furcens  du  26  mai  1569,  a 
été  déclaré  nul  ,  quoiqu'il  n'eût  été  attaqué  que  le 
ç  janvier  1643.  C'étoit  'pourtant  im  tiers-acquéreur 
qui ,  dans  l'eTpèce  ,  oppôfoit  la  Prefcriplion  ;  mais , 
en  achetant ,  il  avoit  eu  connoiiïance  du  vice  de 
l'aliénation  primitive  ,  &  dès-lers  on  devoit  pronon- 
cer à  fon  égard  ,  comme  on  l'eût  fait  contre  ce- 
lui qui  avoit  traité  direiSement  avec  l'églife. 

Mais  le  parlement  de  Paris  étoit  autrefois  divifé 
fur  la  queftion  de  favoir  fi  du  moins  la  Prefcription 
de  cent  ans  ne  pouvoit  pas  ,  concernant  cette  ma- 
tière, prévaloir  à  un  titre  vicieux. 

La  grand'chambre  jugeoit  que  non  ;  Filleau ,  par- 
tie I  ,  titre  I  ,  chapitre  42,  en  rapporte  un  arrêt 
du  13  mai  1622,  rendu  dans  une  cfpèce  où  il  y 
avoit  une  poiTelTion  de  cent  quarante  ans. 

Cette  jurisprudence  fut  d'abord  iuivie  par  les 
chambres  des  enquêtes. 

Les  4  OiTcobre  16 14  8c  ^  juin  1615  ,  deux  ar- 
rêts de  la  féconde  ont  cafie  ,  après  175  ans  do  pof- 
feflion ,  des  baux  à  vie  des  preneurs  &  de  leurs 
deicendans  à  l'infini  ,  faits  par  une  communauté 
eccléfiaftique  ,  fans  nécciîlté  prouvée  ,  fans  avan- 
tage évident,  &  fans  aucune  folemnité.  ils  font 
rapportés  par  Filleau  ,  partie  i  ,  titre  1  ,  cha- 
pitre 39. 

La  quatrième  avoit  pareillement  admis  par  arrêt 
du  28  juin  161  3  ,  rendu  de  l'avis  des  autres  cham- 
bres, uns  demande  en  nullité  d'aliénation,  for- 
mée après  133  ans  de  polTeffion  paifible.  (1) 

Mais  Auzanet ,  dans  fes  m.émoires  ,  page  66  , 
&  fur  la  coutume  de  Paris ,  article  118,  nous  ap- 
prend que  de  fon  temps,  les  chambres  des  en- 
quêtes avojent  abandonné  la  jurifprudence  de  la 
grand'chambre  ,  &  jugeoient  conflamment  que 
dans  le  cas  même  d'un  titre  nul  &.  vicieux  ,  lac- 
quéreur  &  fcs  héritiers  prefcrivoient  le  domaine 
de  l'églife  par  cent  ans. 

Leurs  raiions  en  étoient  que  ,  par  une  déclaration 
du  mois  de  mars  1666,  le  roi  avoit  exclu,  après 
cet)t  ans  ,  les  béréîciers  de  la  faculté  de  rentrer 
dans  les  biens  aliénés  pour  caufe  de  fubvention  ; 
ijue  le  défaut  de  caufe  fuffifante  &de  formalités  , 

(0  Filltau,  ifcif'.  chapit  64:. 


PRESCRIPTION. 

ne  forme  pas  dans  l'acquéreur  une  mauvaife  foi 
pofitive,&  qui  tenant  du  dol  ,  l'exclue  à  jamais 
du  droit  de  prefcrire  ;  que  cependant  il  ne  doit 
pas  avoir  l'avantage  de  la  Prefcription  ordinaire, 
parce  que  quand  l'aliénation  eft  défendue  par  la 
loi ,  on  ne  peut  prefcrire  que  par  cent  ans  ,  fui- 
vantla  décifion  du  Sexte,  chapitre  i  ,  de  Prafcrip- 
tionihus;  &  que  l'aliénation  des  biens  d'églife  faite 
fans  caufe  fuffifante  ,  &  fans  les  formalités  re- 
quifes ,  eft  un  abus  qui  ne  peut  être  couvert  pnr 
un  temps  au-deflbus  de  celui  qui  a  les  avantages 
de  la  poireflîon  imméinoriale. 

Mais  ces  raifons  ont  perdu  tout  leur  crédit ,  & 
les  chambres  des  enquêtes  jugent  aujourd'hui  com- 
me la  grand'chambre  ,  que  la  Prefcriptio;i  cente- 
naire eft  infufHfante  pour  mettre  à  l'abri  des  re- 
cherches de  l'églife  .  une  aliénation  dent  le  titre 
vicieux  eft  repréfenté. 

La  première  &  la  troifiéme  chambre  des  en- 
quêtes viennent  de  rendre  à  ce  fujet  deux  arrêts 
très-remarquables.  Voici  l'efpèce  du  premier. 

Le  2  avril    1611,   Antoine  Roze  ,   évêque   de 

Clermont,  &  abbé  de  Saiut-Mel'inin,  vendit ,  en 

cette  dernière  qualité ,  à  Claude  Fumet  «  le  droit  de 

î>  cliâtellenie  ,  droit  de  ju'lice  haute  .  moyenne  & 

»)  baiTe  ,  de  l'abbaye  de  S:ùntMermin  ,  fur  la  pa- 

»  roifle  de  Saint-Avit  de  Maizieres  ,  la  dîme  de 

«  tous  les  grains  ,  vins  ,  laines ,  charnages,  pois , 

-^  chanvres  de  cette  paroiffc  ;  le  droit  de  patronage 

))  &  de  préfentation  à  la  cure  de  Maizieres ,  les 

»  cenfives  dépendantes  tant  du  Baulin  ,  que  de  la 

»  grange  des  Muids  ,  que  l'abbé  de  Saint-Mefmin 

»  avoit  à  prendre  au-dedans  de  l'étendue  delapa* 

j)  roiife  de  Maizieres,  fur  les  maiforî',-  ,  terres,  prés, 

V  bois  ,   builTons,  vignes  ,  bruyères,  étangs  ,  & 

w  généralement  tous  droits  de  juftice,  feigneurie  , 

»  châtelleuie  ,  cenfives  ,  dixmcs ,  mefures ,  patro- 

»  nage  &  autres  droits  feigneuriaux  ,  fans  toutefois 

y>  comprendre  dans  cette  vente  les  droits  de  juf- 

>j  tice  ,  dixmes  &  cenfives  appartenans  à  Jacques 

»  Duchon  ,   feigneur  de  Maizieres  ,  fur  plufieurs 

»  héritages  &  territoire  de  la  paroifte  ,  fe  refervant 

)»   néanmoins  le  fleur  Roze  le  droit  de  juftice  ,  de 

M  dixmes,  de  cens,  de  profits  cenfuels  ,  fur  le  lieu 

),  &.  métairie  de  Baulin  ,  terres  ,  prés,  bois,  étangs 

»  en  provenant  ,  tant  &  fi  longuement  qu'ils  de- 

»  meureroient  entre  les  mains  des  abbés  de  Saint- 

j,  Mefmin  ;  à  la  charge  par  Fumet  de  payer  fur  la 

»  dixme  à  lui  vendue  dix  muids  une  mine  un  boif- 

»  feau  de  bled-feigle  chacun  an  ,  au  curé  de  Mai- 

»  zieres  pour  fon  gros  ;  plus  de  payer  la  fomme 

»  de  3000  livres  pour  être  employée  aux  repara- 

»  lions  à  faire  à  la  maifon  abbatiale  démolie  &  en 

„  ruine  ,  Si  que  le  feur  Roze  veut  faire  rebâtir  , 

»  félon  les  baux  qui  en  feront   faits  au  rabais,  vi- 

„  fitc  préalablement  faite  defditcs  réparations  par 

„  le  lieutenant  général  du  bailliage  d'Orléans  ,  ou 

))  autre  juge   royal ,  par  l'autorité  &  en  vertu  des 

H  lettres- patentes  du  roi  ,  à  eux  adreffantes  ,  du  6 

))  avril  161 1  ». 


P  RESCRIPTION. 

Le  14  mal  de  la  même  année  161 1  ,  le  fieur  Roze 
procéda  au  bail  au  rabais  des  réparations  de  fon 
abbaye  pardevant  le  juge  feigneurial  de  Saint-Mef- 
mln  celles  furent  portées  à  la  fomme  de  3C50  l;v. 
&  adjugées  au  nommé  Dumeau,  maitre  couvreur 
à  Orléans,  quoique  le  procès-verbal  du  lieutenant 
général  d'Orléans  ne  les  eût  fixées  qn'à  la  fomme 
de  1388  livres. 

Le  2t  feptembre  fuivant,  le  fieur  Duchon  de 
Maizieres  cédant ,  dit  l'aâe  ,  aux  prières  &  inftan- 
ces  du  ri>!ur  Roze  ,  retira  &  acheta  du  fieur  Fumet 
les  droits  que  celui-ci  lui  avoit  cèdes  par  l'aile  du 
2  avril,  aux  mêmes  claufes  &  conditions  :  le  fieur 
Roze  intervint  dans  cet  ade  ,  pour  promettre  & 
s'obliger  envers  le  fieur  Maiz-eres,  fes  héritiers  & 
ayant-caufe  ,  de  le  garantir  &  défendre  de  tous 
troubles  &  empèchemens  qiielconques  ,  &  pour 
plus  grande  sûreté  céda  ,  quitta  ,  tranfporta  &  dé- 
lailTa  la  fomme  de  1700  livres  à  prendre  par  le  fieur 
Maizieres  fur  le  plus  clair  &  apparent  revenu  de 
Saint- Mefmin  ,  en  deux  termes  à  un  an  de  diftance. 

Le  rapprochement  de  ces  deux  a61es  &  ce  qu'ils 
contiennent,  montroientclairement  l'avantage  con- 
fidérable  que  l'abbé  de  Saint- Mefmin  avoit  voulu 
faire  au  fieur  Duchon  ,  prefque  fans  bourfe  déliée 
delà  part  de  ce  dernier,  qui  acquéroit  pour  rien 
des  droits  immenfes  ;  h  léfion  énorme  que  l'ab- 
baye foulTroit  de  ces  adles  étoit  palpable.  H;ureu- 
fement ,  pour  les  fuccelTeurs  du  fieur  Roze  ,  ces 
aéles  n'ont  été  revêtus  d'aucune  des  formalités  re- 
quifes  pour  leur  validité  ;  formalités  qui  feules  au- 
roient  pu  leur  donner  le  fceau  de  l'irrévocabilité  : 
auffi  les  différens  fuccefleurs  abbés  commendataires 
de  l'abbaye  de  Saint-Mefmin  fe  font  ils  portés  à 
faire  refcinder  des  adles  auffi  préjudiciables  aux  in- 
térêts de  leur  bénéfice.  Daniel  de  Vaffan  ,  premier 
fuccefTeur  du  fieur  Roze  en  1618  ;  Charles  de  Vaf- 
fan ,  fécond  fuccefleur  en  1641  ;  Nicolas  de  Ga- 
doin  en  1686  i  l'abbé  de  Chepy  ,  en  1720;  l'abbé 
de  Colbert  ,  en  1769  ;  enfin  en  1775  l'abbé  de  Raf- 
tignac  ,  partie  en  la  caufe  ,  fe  font  tous  élevés  con- 
tre des  aifles  dcfiruéleurs  de  leurs  droits  ;  &  ce  que 
les  premiers  n'ont  pu  faire,  ou  à  caufe  de  leur 
mort ,  ou  pour  d'autres  raifons  ,  le  dernier,  l'abbé  de 
Rafiignac  ,  a  eu  la  fatisfaéllon  de  le  voir  terminer 
à  l'avantage  de  fon  abbaye. 

L'affaire  a  été  développée  dans  des  mémoires  très- 
approfondis  qui  ont  éré  imprimés  pour  l'abbé  de 
Saint-Mefmin.  Celui  du  fieur  le  Neir  de  Maizieres 
a  éré  fait  par  M.  Laget  Bardelin. 

Une  des  fins  de  noii-recevoir  qu'on  oppofoit  à 
l'abbé  de  Saint-Mefmin  dans  le  mémoire  de  M.  La- 
get ,  étoit  que  le  fieur  Duchon  ayant  payé  en  1706  , 
pour  les  objets  aliénés  à  fon  auteur  en  161 1  ,  la 
taxe  ordonnée  par  la  déclaration  du  roi  du  18  juil- 
let 1702,  éto.it  à  l'abri  de  toute  éviflion  ,  aux  ter- 
mes de  cette  loi ,  qui  déclare  propriétaires  incom- 
mutables  ,  les  détenteurs  des  biens  d'églife  aliénés 
depuis  1556,3»  moyen  du  payement  de  la  taxe. 

L'abbé  de  Saint-Mefmin  a  répondu  &  démontré 


PRESCRIPTION. 


4M 


d'une  manière  aufli  lumineufe  que  folide  ,  que  la 
déclaration  de  1702  n'a  point  pour  objet ,  quant  au 
point  dont  il  s'agit,  les  biens  d'églife  aliénés  hois 
des  cas  de  ^ihvemiDn  ;  qu'elle  n'eft  applicable  qu'aux 
biens  aliénés  pour  les  befoins  de  l'état  en  vertu  des 
bulles  des  papes ,  &  par  l'amtorité  des  rois. 

Ce  point  de  droit  public  intérefibit  le  clergé  de 
France  en  général  ;  aufiî  les  agens  généraux  de  ce 
corps  ont-ils  accordé  leurs  bons  offices  à  l'abbé  de 
Saint-Mefmin  ,  principalement  pour  prévenir  l'abus 
qu'on  vouloir  faire  de  la  déclaration  de  1702  ,  par 
l'extenfion  qu'on  cherchoir  à  lui  donner  dans  le  mé- 
moire du  fieur  le  Noir  de  Maizieres. 

Enfin  ,  après  la  difculTion  la  plus  approfondie  , 
arrêt  eft  intervenu  le  11  mai  1784,  au  rapport  de 
M.  Lambert,    qui,  «t  fans  s'arrêter  ni  avoir  égard 
»  aux  demandes,  non  plus  qu'aux  fins  de  non  rc- 
»  cevoir  du  fieur  de   Maizieres  ,  6c  des  héritiers 
"  Duchon  dont  ils  font  déboutés,  reçoit  les  prieur 
»  8c  religieux  de  Saint-Mefmin  ,  tiers  oppofans  aux 
»  fentences  des  requêtes  du  palais  ,  des  28  juin  & 
»  31  août    1624,  à  l'arrêt  confirmatif  d'icelles,  du 
»  29  avril  1625  ,  rendu  entre  Daniel   de   Vafian  , 
"  lors  titulaire  de  ladite  abbaye,  &  le  fieur  Du- 
»  chon;  faifant  droit  fur  ladi'e  oppofition  ,  déclare 
»  les  procédures  fur  lefquelles  lefdites  fentences  8c 
»  arrêts  ont  été  rendus  ,  nuls  &  de  nul  effet  ;  en  ce 
"  qui  touche  l'appel  de  la  fentence  des  requêtes  du 
»  palais  de  1692  ,  ayant  aucunement  égard  aux  re- 
»  quêtes  &  demandes  de  l'abbé  de  Saint-Mefmin  , 
»  fans  s'arrêter  à  celle  de  fes  parties  adverfes  ,  non 
"    plus  qu'à  leurs  fins  de  non-recevoir  dont  elles 
»  font  déboutées  ,  a  mis  &  met  l'appellation  &  ce 
"  dont  efi  appel  au  néant  ;  émendant  ,  décharge 
"  l'abbé  de  Saint  Mefmin  des  condamnations  con- 
»  tre  lui  prononcées  par  ladite  fentence  ;  au  prin- 
"  cipal  déclare  nul  &  de  nul    effiït  le  contrat  de 
'>  vente  &  l'aâe  paffés  les  2  avril  &  22  feptembre 
"    161 1  ;  condamne  le  détenteur  aftuel  des    objets 
"  dont  eft  quefiion  à  s'en  défifier  au  profit  de  l'abbé 
'»  de  Saint-  Mefmin  ;  condamne  l'abbé  de  Rafii- 
»  gnac  ,  fuivant  fes  offres ,  à  rembourfer  les  '^oco 
»  liv. ,  prix  de  l'aliénation  de   1611  ;  &  condamne 
»  le  fieur  de  Maizieres  &  les  héritiers  Duchon  ,  à 
»  tous  les  dépens  envers  les  abbé,  prieur  &  reli- 
»  gieux  de  Saint  Mefmin  ». 

Le  fécond  arrêt  qui  a  été  rendu  le  27  du  même 
mois  ,  au  rapport  de  M.  Clément  de  Givri  ,  a  con- 
firmé une  fentence  du  juge  de  Montbrifon  ,  du  21 
avril  1779,  qui  avoit  déclaré  nul  Se  de  nul  effet  le 
contrat  de  vente  paffé  par  le  chapitre  de  la  même 
ville  ,à  noble  Pierre  de  la  Mure  ,  confeiller  d'état  pour 
le  roi  au  pays  de  Fore:!(^,\e  16  avril  1619  ,  d'une  di- 
recte ,  8c  de  partie  de  la  haute  juflice  de  Magnieux- 
Haute-Rive  ,  ainfi  que  tous  les  afles  approbatifs 
fubféquens,  &  avoit  condamné  le  poffefieur  de 
cette  direâe  8c  de  cette  portion  de  juftice  ,  à  les  dé- 
laiffer  au  chapitre  de  Montbrifon  ,  en  rembour- 
fant  par  ce  chapitre  tout  ce  qu'il  avoit  reçu  pour 

liij 


4i6  PRESCRIPTION. 

prix  principal  ,  les  frais  Si  loyaux  -  coûts  de  la 
vente,  &c. 

Voici  comment  le  défenfeiir  des  clîanoines  ter- 
niinoit  Ton  mémoire  :  "  Il  cÛ  impoflible  qu'il  y  ait 
w  Prefcription  dans  refpèce  ,  puifque  les  objets 
»)  aliénés  font  toujours  reftés  dans  les  mains  de  l'ac- 
î)  quéreur  ou  de  Tes  héritiers,  jufqu'à  ces  derniers 
»  temps  ;  que  le  tiers-acquéreur  puifTe  prefcrire  , 
)>  même  contre  l'églife  ,  par  une  pofîeflîon  paifiMe 
s>  de  quarante  années ,  cela  peut  être  lorfque  fon 
}»  titre  ne  lui  préfente  aucune  trace  des  nullités 
3>  du  titre  primitif;  il  eft  alors  fuppofé  de  bonne 
5?  foi ,  &  il  prefcrit.  Mais  il  n'en  eft  pas  de  même 
«  de  la  part  de  celui  qui  eft  partie  dans  le  titre  nul , 
J7  ni  de  la  part  defes  héritiers  ,  parce  que  le  fonde- 
•»  nient  de  leur  pofVcffion  eft  vicieux;  leur  titre  ré- 
:■>  clame  perpétuellement  contr'eux  ;  &  c'eft  le  cas 
ti  d'appliquer  la  maxime  fi  triviale  ,  meliiis  e(l  non 
î>  fiahere  tiiulum  ,  quant  habere  viiiofurn.  La  terre 
3>  vendue  étant  toujours  reftée  dans  les  mains  du 
3)  premier  acquéreur  ou  de  fcs  héritiers ,  Si.  le  tiers- 
s)  acquéreur  n'étant  pas  propriétaire  depuis  c;ua- 
»  rante  années,  il  ne  peut  y  avoir  lieu  à  la  Prcf- 
«  cription  >». 

Il  paroîr  que  le  giand  confcil  fuit  depuis  long- 
temps la  même  jurifprudence.  Il  y  a  dans  le  joiirnnl 
du  palais  un  arrCt  du  20  mars  1674,  par  lequel, 
fur  une  demande  formée  en  1672  feulement,  ce 
tribunal  a  déclaré  nulles  différentes  aliénations  de 
biens  eccléfiafliques  dont  la  plus  récente  étoit  de 

1571- 

Les  héritiers  de  l'acquéreur  fe  retranchoient  , 
comme  on  le  devine  bien  ,  fur  la  Prefcription  cen  - 
tenairc:  ils  invoquoient  la  déclaration  du  mois  de 
mars  1666,  &  un  arrêt  du  grand  confcil  même  par 
lequel  les  habitans  d'Argenteuil  avoient  été  main- 
tenus contre  le  cardinal  de  Retz  ,  dans  leur  poffcf- 
fion  immémoriale  de  ne  payer  la  dixme  que  par 
abonnement. 

Le  célèbre  Vaillant  écrivoit  dans  cette  affaire 
î30ur  l'eccléfiaftique  qui  réclamoit  contre  lesaliéna- 
rions  faites  par  fes  prédéceffeurs. 

Il  foutenoit  d'abord  que  les  héritiers  de  l'acqué- 
reur ne  pouvoient  pas  oppofer  la  Prelcription  cen- 
tenaire, parce  qu'aux  termes  de  l'article  26  de  Tédit 
cle  février  1580,  rapporté  ci-deflus  ,  il  falloit  dé- 
duire de  leur  poiïeffion  tout  le  temps  qui  avoit 
couru  jufqu'à  cette  époque. 

Il  répondoit  à  la  déclaration  de  1 666 ,  qu'elle  n'a- 
voit  pour  objet  que  les  aliénations  faites  pour  caufe 
de  fubvention;  qu'aucun  des  contrats  des  défendeurs 
n'étoit  de  cette  qualité  ;  &  que  fi  dans  quelques- 
uns  la  caufe  de  fubvention  étoit  exprimée,  on  y 
voyoit  en  même-temps  qu'elle  étoit  fuppofée. 

  rée,ard  de  l'arrêt  rendu  contre  le  cardinal  de 
Retz,  ii  l'écartoit  par  la  diAinélion  commutje  en- 
tre celui  qui  pofiede  depuis  un  temps  immémo- 
rial ,  fans  que  le  titre  de  fa  pofleflion  foit  repréfemé  , 
&  celui  contre  lequel  on  produit  un  litre  prfmordial 
dont  le  vice  eft  frappant.  L'arrêt  qu'on  oppcfe ,  di-; 


PRESCRIPTION. 

foit-11 ,  eft  dans  la  première  efpèce.  Mais  pour  la 
féconde  ,  u  nous  avons  un  arrêt  tout  récent  du 
»  grand  confeil  ,  rendu  au  profit  de  M.  lévêque 
M  de  Saint-Pons  ,qui,  s'êiant  pourvu  contre  des 
»  contrats  d'aliénations  faits  par  fes  prédécefleurs 
'»  depuis  plus  de  cent  ans,  les  a  fait  caffer,  &  a 
»  fait  entériner  les  lettres  de  refcifion  par  lui  obte- 
»  nues  contre  ces  contrats  nuls  &  vicieux  m. 

Le  Parlenient  d'Aix  fuit  une  jurifprudence  toute 
différente.  A  l'exemple  de  ce  que  jugeoient  autre- 
fois les  chambres  des  enquêtes  du  parlement  de 
Paris  ,  il  admet  la  Prefcription  centenaire  ,  mais  il 
rejette  celle  de  quarante  ans.  «  On  y  jugeconftam- 
»  ment ,  dit  M.  Julien  (t)  ,  que  la  nullité  de  l'alié- 
"  nation  d'un  bien  d'êglife  par  le  défaut  de  forme  , 
"  eft  couverte  par  le  laps  de  cent  ans ,  &  ne  peut 
»  être  couverte  par  un  moindre  efpace  de  temps  ". 
L'auteur  cite  à  ce  fujet  un  arrêt  de  règlement  rendu 
le2y  novembre  1604, dans  la caufedu  doyen  ducha- 
pitre  de  Gap  ,  &  prononcé  par  M.  le  premier  pré- 
fident  du  Vair.  Cet  arrêt,  dit-il,  "fit  la  diftinÂion 
»  des  baux  emphytêotiqiies  où  les  formes  n'avoient 
»  pas  été  obfervêes  ,qui  avoient  été  faits  depuis 
V  cent  ans  ou  plus  ,  &  de  ceux  qui  avoient  été 
»  faits  dans  le  cours  des  cent  dernières  années.  Les 
»  premiers  furent  maintenus ,  les  féconds  furent 
»  déclarés  nuls  ;  &  depuis ,  le  parlement  l'a  tou- 
»;  jours  jugé  de  la  même  manière  ". 

On  trouve  en  effet  dans  le  commentaire  de 
Mourgues  fur  les  ftatiits  de  Provence  ,  page  40S  , 
quatre  arrêts  des  9  avril  1612,  7  janvier  ik  13  juin 
1619  ,  &  du  mois  de  mai  1626  ,  qui  ont  confirmé  , 
à  caufe  du  laps  de  cent  ans,  les  aliénations  nulles 
&  vicieufes  contre  lefquelles  l'églife  réclamoit. 

Boniface  ,  tome  i  ,  livre  2  ,  titre  6  ,  chapitre  i  , 
en  rapporte  un  du  16  Juin  165-3  '  ^"^  ^  déclaré  nul 
un  bail  emphytéotique  fait  fans  jufte  caufe ,  &  fans 
formalités  ,  près  de  quatre-vingt  ans  auparavant. 

Le  lendemain  20,  dit  le  même  auteur  ,  un  arrêt 
rendu  en  faveur  des  carmes  d'Aix  ,  contre  les  péni- 
tens  blancs  ,  a  caffé  un  femblable  bail ,  qui  étoit  ce- 
pendant foutenu  par  uns  poiTeftion  de  90  ans. 

Boniface  ajoute  que,  précédemment ,  le  19  jan- 
vier 1643  ,  un  autre  arrêt  avoit  caffé  ,  après  80 
ans  ,  une  emphytéofe  accordée  par  un  bénéficier  à 
fon  aïeul ,  fans  les  formalités  requifcs. 

Il  y  en  a  encore  un  ,  continue-t-il ,  du  24  mai 
1647  »  q"'  ^  '^^^^  ""  ^<^s  ^^  ^^  même  efpèce,  fait 
54  ans  avant  la  demaiî-de  en  refcifion  ,  &  confirmé 
par  une  tranfaâlon  pafTée  43  ans  avant  cette  même 
demande. 

On  a  tenté  de  faire  adopter  par  ce  parlement, 
une  diftinâion  qui  eft  ,  dans  cette  matière  im  vrai 
paradoxe.  On  a  prétendu  qu'il  falloit  mettre  urre 
différence  entre  les  aliénations  faites  d'églifc  à 
églife  ;  &  celles  qui  étoient  faites  par  l'églife  au  pro- 
fit de  perfonnes    laïques.  On  convenoit    bien  qu'à 


(i)  Coramenwite  fur  Jes  llatuu  de  Piovcwce,   tome  i, 
page  518. 


PRESCRIPTION. 

l'égatd  de  celles-ci ,  il  falloit  cent  ans  ;  mais  on  fou- 
tenoit  que  relativement  à  celles-là,  40  ans  fiiffifoient 
pour  en  prefcrire  la  nullité. 

Mais  cette  diftinc^ion  a  été  rejetéeparun  arrêt 
du  30  juin  1760,  rendu  en  faveur  de  l'abbefTe  de 
Saiut-Honorat  de  Tarafcon  ,  contre  les  Urfulines  de 
la  même  ville.  Dans  cette  eipèce  ,  il  y  avoit  en  fa- 
veur des  Ufulines ,  une  pofîelîion  de  plus  de  90 
ans.  Cependant,  il  a  été  jugé  qu'elles  n'avoicni 
point  prcTcrit  (i). 

M.  de  Cormis  ,  tome  1  ,  col.  174  ,  chapitre  68  , 
fait  mention  de  divers  arrêts  plus  anciens,  qui  ont 
décidé  la  même  chofe  entre  l'abbé  &  les  religieux 
de  Montmajour.  C'efl  auffi  ,  comme  on  l'a  vu  plus 
haut  ,  ce  qu'a  jugé  l'arrêt  du  parlement  de  Paris  du 
20  juin  1716  ,  rendu  entre  l'abbé  &  les  religieux  de 
Saint-Mefmin.  On  en  trouvera  ci-après  un  lembla- 
ble  du  parlement  de  Metz,  du  1;  juillet  1713. 

Le  parlement  de  Normandie  paroît  avoir  fur 
cette  matière  ,  la  même  jurifprudence  que  celui 
d'Aix.  C'eft  ce  qui  réfulte  de  difTérens  arrêts  rap- 
portés par  Bafnage ,  dans  fon  commentaire  fur  la 
coutume  de  cette  province  ,  article  521. 

Il  y  en  a  un  du  29  mai  1 564  ,  par  lequel ,  dit  Cet 
auteur,  <i  il  fut  jugé  pour  le  curé  de  Saint-Sauveur 
5>  de  Caen  ,  contre  les  Croifiers  de  la  même 
S)  ville  ,  qu'après  cent  quatre-vingt  dix  ans  de  pof- 
»>  feffion  »  ,  ceux-ci  n'étoient  point  reccvables  à 
revendiquer  leur  bien  ,  fur  le  prétexte  de  défaut  de 
folemnités.  On  leur  objeéloit  qu'après  un  fi  long 
temps  on  devoit  préfumer  que  toutes  les  formalités 
néceffaires  avoient  été  renplies  ,  &  qu'il  étoii 
poffible  que  les  pièces  juftificatives  en  fufîent  per- 
dues. 

D'autres  arrêts  des  premier  mars  1605,  4  aoijt 
1606 ,  30  janvier  1607  &  21  juin  1657,  ont  jugé 
que  la  poffeffion  de  quarante  ans  eft  infu/fifante 
pour  couvrir,  en  faveur  de  celui  qui  a  traité  avec 
î'églife  ,  ou  de  fes  héritiers  ,  les  nullités  de  l'alié- 
nation dont  le  titre  eft  repréfenté. 

C'eft  ce  que  décident  encore  deux  arrêts  rendus 
depuis  la  publication  du  commentaire  de  Bafnage. 

Le  19  novembre  1606  ,  le  fieur  de  Macarany  , 
chanoine  &  chancelier  de  I'églife  métropolitaine 
de  Rouen,  autorifé  par  un  a<^e  capiiulaire  ,  fieffa 
plufieurs  héritages  au  nommé  Langlois  ,  pour  1 10  1. 
de  rente  foncière.  On  n'obfcrva  concernant  cet  a6te 
aucune  des  formalités  prefcrices  pour  la  validité  de 
l'aliénation  des  biens  eccléfiafliques. 

Le  fieur  de  Macarany  mourut  en  1699.  Le  fieur 
Routier ,  fon  fucceffeur  ,  confeniir  à  l'exécution  de 
la  fieffé  :  il  y  ajouta  même  la  ceflîon  d'ime  demi- 
acre  de  terre  ;  &  jufqu'en  1753  pcrfonne  ne  fon- 
gea  à  inquiéter  Langlois  ni  fes  héritiers. 

Mais  à  cette  époque  ,  le  fieur  de  Gouy  qui  de- 
puis deux  ans  étoit  pourvu  du  bénéfice  de  chance- 


PRESCRIPTION. 


4^7 


(  1)  Commentaire  de  M.  Julien  fur  les  ftaçiws  de  Provence , 
touic  j,  pagejjo. 


lier  de  I'églife  de  Rouen  ,  affigna  les  héritiers  Lan- 
glois pour  lui  remettre  les  fonds  fieffés  par  le  fieur 
de  Macarany  ,  attendu  qu'ils  avoient  été  aliénés 
induement ,  fans  néceflité  ,  fans  befoin  ,  fans  for- 
malités ,  &  pour  un  prix  bien  au-delfous  dj  leur 
valeur. 

Les  héritiers  du  fieffataire  fe  retranchèrent  fur 
leur  pofleflîon  de  cinquante  quatre  ans. 

Le  fieur  de  Gouy  convint  que  cette  pofle-fiîon 
auroit  pu  les  mettre  à  couvert ,  fi  le  titre  n'en  eût 
pas  été  repréfenté  ;  mais  que  ce  titre  étant  produit , 
il  ne  pouvoit  y  avoir  lieu  à  la  Prefcription  de  qua- 
rante ans. 

Et  en  effet,  par  arrêt  du  19  juin  1755,  rendu 
fur  les  conclufions  de  M.  l'avocat  général  de  Bel- 
bœuf,  le  contrat  de  f.ciÏQ  fait  au  nommé  Langlois 
fut  déclaré  nul,  &  le  fieur  de  Gouy  fut  renvoyé 
en  poffeflion  des  biens  aliénés  par  cet  aifle. 

Le  fécond  arrêt  n'efi  pas  moins  précis  :  par  con- 
trat du  18  décembre  1700,  les  religieufes  de  l'ab- 
baye de  Saint-Léger  de  Préaux  vendirent  au  fieur 
Fribois  de  Beneauville  la  terre  Se  feigncmle  de 
Billy,  confinante  dans  le  patronage  de  la  paroi/Te  ," 
un  domaine  de  foixante  acres  de  terre ,  un  droit  de 
dixme  &  des  rentes  feigneuriales. 

Cette  aliénation  fut  faite  pour  6co  livres,  paya- 
bles deux  années  après  le  contrat,  en  donnant  rem- 
placement,  &  100  livres  devin.  Le  capital  ne  fut 
point  payé  Si  l'acquéreur  en  fi:  la  rente. 

Du  refie,on  n'obtint,  pour  faire  cette  aliéna- 
tion ,  ni  permiffion  de  l'évéque ,  ni  lettres-pareorts 
du  roi  ;  point  d'information  Je  commodo  &  incorn' 
modo  ;  point  d'affiches ,  point  de  publication  :  rn 
un  mot,  toutes  les  folemnités  reqiiifes  en  fuit  d  a^ 
liénation  de  biens  eccléfiafliques  ,  furent  négligées. 

En  1719  ,  les  religieufes  de  Préaux  réclamèrent 
contre  le  contrat  de  1700;  elles  en  articulèrent  la 
léfion  &  la  nullité.  Le  fieur  Fribois  offrit  une  aug- 
mentation de  prix  ,  à  condition  qu'on  obfervero'^it 
les  formalités  néceffaires  pour  mettre  ce  contrat  ù 
l'abri  de  toute  contefi;ition. 

Cette  affaire  n'eut  pas  de  fuite.  Le  fieur  Fribois 
mourut  :  fes  enfans  firent  aux  religieufes,  le  19  dé- 
cembre 1729  ,  un  billet  par  lequel  ils  reconnoif- 
foient  u  être  obligés  à  la  faifance  &  continuation  de 
)>  400  livres  de  rente  foncière  ,  pour  &  au  lieu  de 
»  300  livres  portées  au  contrat  de  fieffé  du  18  dc- 
M  cembre  1700,1e  préfent  avec  ledit  contrat  ne 
»  valant  que  pourun.feul  &  même,  &  ce  pour 
»  caufe  de  fieffé  d  héritages  fitués  en  la  parciffe  do 
»  Billy  -.K 

Ce  billet  ne  fut  pas  revêtu  de  plus  de  formalités 
que  ne  l'avoit  été  le  contrat  de  1700. 

Le  18  décembre  1773  •>  ^^s  religieufes  de  Préaux 
demandèrent  la  nullité  des  deux  a^Ses  ,  &  appre- 
nant que  les  biens  étoient  dans  la  poffeffion  du  fieur 
des  Auîhieux  ,  qui  avoit  époufé  la  fille  du  fieur  Fri- 
bois l'aîné  ,  elles  le  firent  affigner  au  bailliage  de 
Caen  pour  fe  voir  condamner  à  les  leur  délaiffer. 


458 


PRESCRIPTION. 


oC  ficurdcs  Authieux  commença  p,ir 'lemander 
du  temps  pour  rechercher  (es  titres  ;  enfuite  ,  il  mit 
le  fieur  Fribois  de  Beneauville  en  caufe,  &  dans 
une  requête  qu'il  prélenta  à  cet  effet  le  24  mars 
1774  ,  il  expofa  que  les  religieules  de  Préaux  le 
pourfuivoient  pour  rentrer  en  porTeirinn  des  ob- 
>>  jets  fuués  fur  la  paroilTe  de  Billy  ,  qu'elles  avoient 
ï>  vendus  en  1700  au  fieur  Fribois  »>. 

Enfuite  ,  il  voulut  méconnoître  le  titre  dont  il 
avoit  avoué  l'exirtence  par  cette  requête  :  il  fe  ren- 
ferma dans  fa  poffeflion  de  foixantetreize  ans  ,  & 
prétendit  que  dans  tous  les  cas  on  prefcrit  par  qua- 
rante ans  ,  même  contre  les  nullités  d'une  aliéna- 
tion faite  par  l'églife. 

Les  religieufes  de  Préaux  invoquoient  les  arrêts 
de  1605 ,  1606,  1607  ,  1657  &  1755  ,  dont  nous 
avons  rendu  compte  ;  &  pour  en  démontrer  la  juftc 
application  à  leur  caufe  ,  elles  produifoient  le  con- 
trat de  1700  &  le  billet  de  1720. 

Cependant  les  officiers  du  bailliage  de  Caen  les 
déclarèrent  non-recevables. 

Sur  l'appel ,  la  caufe  fut  plaidée  par  MM.  Thoi:- 
ret ,  le  Danois  &  Thi^iilen.  Après  une  difcuflîon 
digne  à  tous  égards  de  l'importance  de  l'objet  liti- 
gieux ,  il  intervint  arrêt  à  la  grand'chambre  ,  le 
18  novembre  1776  ,  fvir  les  conclufions  de  M.  de 
Grécourt,  avocat  général  ,  par  lequel  la  fentence 
fut  infirmée  ,  le  contrat  de  1700  caffé  avec  tout  ce 
qui  s'en  étoit  enfuivi  ,  les  religieufes  de  Préaux 
réintégrées  dans  leur  bien  ,  &  les  fieurs  Fribois 
condamnés  aux  dépens. 

Le  parlement  de  Metz  a  rendu  le  5  juillet  171 3  , 
un  arrêt  qui  prouve  la  conformité  qu'il  y  a  fur  cette 
matière,  entre  fa  jurifprudence  &  celle  du  parle- 
ment de  Normandie.  11  s'agiffoit  de  favoir  ,  dit  Au- 
geard  ,  tome  2  ,  §.  139,"  fi  un  abbé  peut ,  après 
»  foixante-dix  ans,  attaquer  un  contrat  en  forme 
j»  de  tranfaftion  ,  portant  aliénation  d'une  partie 
i>  des  biens  de  la  menfe  abbatiale  ,  paffé  par  un 
«  de  fes  prédéceffeurs  au  profit  des  religieux  de 
»  fon  abbaye  ,  &  homologué  par  arrêt  ,  fur  le  fon- 
j)  dément  de  la  léfion  ,  &  du  défaut  de  formalités , 
«  de  néceffité  &  d'utilité  ».  L'arrêt  a  adopté  1  affir- 
mative. 

A  l'égard  du  parlement  de  Dijon  ,  nous  ne 
voyons  pas  qu'il  ait  jamais  eu  .i  prononcer  fur  des 
aliénations  vicieufes  ,  mais  couvertes  par  une  pof- 
feiTion  de  quarante  ans.  Le  feul  arrêt  que  nous 
trouvons  de  cette  cour  fur  cette  matière  ,  eff  dans 
le  cas  d'une  pofTeffion  centenaire  ;  &  il  juge  , 
comme  on  le  fait  à  y\ix  &  à  Rouen  ,  qu'elle  fiiffit 
pour  mettre  l'acquéreur  à  l'abri  de  toutes  recher- 
ches. 

Après  avoir  confidéré  la  Prefcription  comme  un 
moyen  d'acquérir  les  biens  des  eccléfiafttiques  , 
il  faut  examiner  quels  font  fes  effets  contr'eux  , 
lorfqu'clle  ne  tend  qu'à  nous  libérer  envers  eux. 


PRESCRIPTION. 

DtSTINCTION  IV.  Quels  font  les  effets  de  In  Pref- 
cription contre  rcgiije  ,  lorJquelU  na.  pour  objet 
que  la  libération  des  dettes  ,  des  droits  &  des  pref- 
tations  qui  lui  font  dûs  ? 

La  règle  générale  eft  que  ces  droits  ne  fe  per- 
dent que  par  quarante  ans.  Ils  font  comptés  au 
nombre  des  biens  de  Féglifc,  &  elle  en  a  une  ef- 
péce  de  poffeffion  ;  elle  doit  donc  jouir  à  cet  égard  , 
des  mêmes  privilèges  que  pour  les  biens  qu'elle 
pofsède  proprement  &  véritablement  ;  mais  qua- 
rante ans  fiiffiront  pour  les  prefcrire.  C'eft  la  dif- 
polition  de  la  novelle  131,  rappellée  ci-deffus, 
diitinâion  I,  du  chapitre  20,  aux  décrétales  ,  de 
cenfibus  ;  &  d'une  foule  d'autres  textes,  tant  du 
droit  canon  que  de  nos  coutumes. 

Sur  ce  principe  ,  dit  Dunod  ,  par  arrêt  rendu 
au  parlement  de  Befançon  le  27  février  J709  , 
"  le  droit  qu'avoit  le  religieux  infirmier  de  Saiut- 
»  Claude  ,  comme  dépendant  de  fon  office  ,  de 
»  fe  faire  donner  les  langues  &  les  filets  des  co- 
»  chons  qu'on  tuoit  à  la  boucherie  publique  de 
n  cette  ville  ,  fut  jugé  prefcrit  ,  parce  qu'il  y  avoit 
j>  quarante  ans  qu  il  n'en  avoit  pas  ufé  ». 

Cette  maxime  reçoit  cependant  plufieurs  excep- 
tions, les  unes  en  faveur  de  réglife,  les  autres  à 
fon  dcfavantage. 

1".  On  a  vu  |)lus  haut ,  diflinflion  I  ,  que  d'ffô- 
rentes  coutumes  ont  allongé  ou  abrtgé  le  terme  de 
quarante  ans.  Leurs  difpofitionsne  s'appliqueni  pas 
moins  aux  droits  incorporels  de  l'églife,  qu'à  fes 
biens  immeubles. 

2°.  L'églij'e  n'eft  privilégiée  que  pour  le  fond  de 
fes  droits.  Quand  il  ne  s'agit  que  d'arrérages  échus, 
elle  fuit  les  mêmes  règles  que  les  particuliers.  Voyez 
le  §.  I  de  cette  feflion. 

3°.  Nous  avons  remarqué  dans  le  §.  2  de  la  mê- 
me feâioH ,  que  le  parlement  de  Touloufe  n'ad- 
met aucune  Prefcription  ,  pas  même  celle  de  cent 
ans ,  contre  les  rentes  &  redevances  annuelles  dues 
à  l'églife  pour  obits  ou  autres  fondations. 

Mais  il  faut  remarquer  que  par  la  jurifprudence 
de  la  même  cour,  le  fonds  affigné  pour  dire  des 
meffes  à  perpétuité,  eft  fujet  à  la  Prefcription  en- 
tre les  mains  d'un  tiers-acquéreur  qui  l'a  pofîèdé 
pendant  quarante  ans  fans  rien  payer.  C'ert  ce  que 
prouvent  d'ev.x  arrêts  des  13  juillet  164';  ,  &  29 
mai  1646  ,  rapportés  par  Albert  ,  au  mot  penjïon  , 
article  6. 

On  en  trouve  un  femblable  du  20  acût  1726, 
dans  le  journal  du  palais  de  Touloufe,  tome  4, 
§.  258  ,  page  364.  Il  a  été  rendu ,  dit  le  rédafleur, 
u  fur  le  fondement  que  les  fonds  donnés  à  l'é- 
»  glife  (  même  à  la  charge  de  fervice  )  ,  font  fu- 
•>■>  jets  à  Prefcription  ,  &  que  tout  ce  qui  eft  exi- 
»  gible  eft  prefcriptible.  Les  rentes  obituaires  font 
»  mifes  de  niveau  avec  les  rentes  feigneuriales,  & 
»  ne  font  pas  fujettes  à  Prefcription  par  notre 
n  ufage  ;  mais  cela  ne  s'étend  pas  aux  fonds  mê- 
w  mes  ,  parce  qu'il  eff  de  l'intérêt  public  ,  pour  le 


PRESCRIPTION. 

«  repos  des  familles  ,  qu'on  ne  piiifle  pas  être 
»  troublé  dans  fes  polTeffions  après  un  certain 
>>  temps  ". 

Le  parlement  de  Touloufe  n'étend  pas  non  plus 
aux  legs  de  fommes  à  une  fois  payer ,  quoique  faits 
avec  charge  de  fervices  perpétuels,  le  privilège 
d'imprefcriptibilité  qu'il  accorde  aux  rentes  obi- 
tuaires.  C'eft  qui  réinlte  d'un  arrêt  du  23  août 
1668  ,  rendu  entre  les  carmes  de  Nîmes ,  &.  le  ba 
ron  d'Aubaix,  faifant  profeffion  de  la  religion  pré- 
tendue réformée.  11  eil  rapporté  par  Graverol  (ur 
la  Rocheflavin  ,  livre  6  ,  titre  72. 

4"^.  Suivant  un  arrêt  rendu  au  parlement  de  Bor- 
deaux le  4  août  170S,  confirmatif  d'une  fentence 
des  requêtes  du  palais  de  la  même  ville,  «  les  re 
»  devances  que  font  certains  prieurés  à  des  ab- 
»  bayes  dont  ils  ont  été  démembrés,  ne  font  point 
»  fujettes  à  la  Prefcription  »  ,  même  immémo- 
riale,  parce  qu'elles  ont  pour  objet  la  reconnoif- 
fance  de  la  fupériorité.  C  eft  ce  qu'attefle  l'auteur 
du  journal  du  palais  de  Touloufe  ,  tome  3  ,  §.  139  , 
page  322.  _ 

Il  a  été  jugé  quelque  chofe  de  femblable  ,  com- 
me on  le  voit  dans  le  m^me  voL.me  ,  §.  182, 
page  41 3  ,  par  un  arrêt  du  parlement  de  Languedoc 
du  17  juillet  171 1.  Le  fieur  Pcyret  ,  abbé  de  Saint- 
Pierre-dela-Tour  dans  la  ville  du  Pny  ,  &  en  cette 
qualité,  patron  d'office  de  facriilain  dune  des  égli- 
fes  paroiiiiales  du  même  lieu  ,  demandoit  au  pour- 
vu (le  cet  office  une  redevance  annuelle  de  40  li- 
vres de  l're.  Il  rapportoit  d'anciennes  reconnoif- 
fances  qui  prouvoient  clairement  qu'elle  étoir  due, 
mais  il  étoit  obligé  de  convenir  qu'elle  n'avoit 
pas  été  payée  depuis  1632  jufqu'au  jour  de  la  de- 
mande formée  en  1687.  Le  facri(tain  prétendoit  ne 
pas  devoir  cette  preftation  ,  &  en  tout  cas  il  fou- 
tenoit  qu'elle  étoit  prefcrite.  Il  fe  prévaloit  beau- 
coup de  ce  qu'il  ne  paroiffoit ,  par  aucun  titre, 
qu'elle  eût  été  impofée  lors  de  l'infiitutio*  de  la 
facriflie. 

Par  l'arrêt  cité  ,  rf/z/u  hautement  6»  Je  on^evoix 
contre  trois,  il  a  été  jugé  que  le  facriftain  devoir 
cette  rente  ,  que  la  grande  quantité  de  reconnoif- 
fances  &  le  droit  de  patronage  qui  n'étoit  pas  con- 
tefté  au  fieur  Pcyret ,  fuffifoient  pour  faire  préft> 
mer  qu'elle  avoir  été  établie  avec  l'office  de  fa- 
criflain  ,  en  figne  de  fubjeâion  ;  Se  que  dés-là  elle 
étoit  imprefcriptible. 

Cette  matière  eft  aufTi  traitée  dans  le  journal  Ju 
grand  confeil,  publié  en   1764. 

On  y  demande ,  partie  2  ,  §.  9  ,  fi  une  rede- 
vance due  par  un  bénéfice  ,  en  /igné  de  fupériorité , 
au  chef-lieu  dont  il  dépend,  peut  fe  prefcrire  par 
quelque  laps  de  temps  que  ce  foit  ?  Et  l'on  ré- 
pond que  par  arrêt  rendu  le  23  mai  1761  ,  le  grand 
confeil  a  condamné  la  partie  qwi  prétendoit  ne 
pas  devoir  la  redevance,  à  payer  les  arrér;  ,;es  de 
vingt-neuf  années .  &  à  en  palier  titre  nouvel  ix 
reconnoiffance  dans  un  mois  ,  finon  que  Tarrét 
e.T  tiendroit  lieu.  La  raifon  de  décider  a  été,   dit 


prescriptio;n.      459 

M.^  Moufiier ,  que  les  redevances  dues  par  les  bt  - 
néficiers  inférieurs,  à  ceux  dont  ils  relèvent ,  fort 
regardées  comme  un  véritable  cens,  qui  eft  de  fa 
nature ,  imprefcriptible. 

Le  §.  20  du  même  recueil  préfente  encore  cette 
queftion.  Une  rente  due  à  une  abbaye  en  figne 
de  fupériorité,  eft-elle  imprefcriptible?  L'arrêt  du 
8  août  1761  condamne  !e  refufant  à  payer  à 
l'abbé  la  rente  dont  il  s'agit ,  &  à  pa/Ter  titre  nou- 
vel ,  parce  que  ,  dit  M,  Mouffier  ,  quand  il  e(l  éta- 
bli qu'une  redevance  eft  due  in  /ignurn  fiipenoii- 
tatis  ,  elle  n'eft  fujette  à  aucune  Prefcription. 

C'eft  ce  que  décide  encore  un  arrêt  du  22  du 
même  mois ,  qu'on  trouve  dans  le  §.  23. 

5°.  L'aébon  hypothécaire  fe  prefcrit  elle  conrre 
réglifepar  le  même  terme  que  contre  les  particu- 
liers? Voyez  Hypothèque. 

6".  Lesaélions  courtes,  c"e(1-à-dire,  qui  n'ont  pas 
la  durée  de  celles  que  le  droit  romain  appeloit  iani;i 
temporis  ,  &  font  par  conféquent  au-delfous  de  dix 
ans  ,  ne  font  pas  prorogées  à  quarante  ans  en  fa- 
veur de  l'églife  :  elles  fe  prefcrivent  à  fon  égard  par 
le  même  temps  que  contre  les  féculiers.  C'e(l  ce 
qu'étabbifent  Gonzalés  fur  le  chapitre  4  ,  aux  décré- 
tales  ,  de  Prœfciptionibus  ,  nombre  5  ;  Covarru- 
vias  fur  le  chapitre  p^\IT''j[f^''  ,  partie  2  ,  §.  2  ,  nom- 
bre ^  ,  &  Diuiod  ,  traité  de  la  Prefcription  des  biens 
d'églife,  page  31. 

Partons  aux  queftions  particulières  que  font  naî- 
tre les  divers  genres  de  Prefcriptions  établies  con- 
tre l'églife. 

Distinction  V.  Du  cas  où  l'ég.'ife  fuccède  à  un 
Laïque  contre  lequel  la  Prefcription  a  commencé  ce 
courir, 

Lorfque  l'églife  fuccède  à  un  laïque  contre  le- 
quel la'Prefcription  a  commencé,  cette  Prefcrip- 
tion fera-t-elle  prorogée  à  quarante  ans ,  comme  fi 
elle  avoir  commencé  6c  couru  fans  dif..ontinu<'.- 
îlon  contre  l'églife  ? 

Les  auteurs  des  notes  fur  Dupleffis,  de  la  Prei- 
cripuon  ,  livre  i  ,  chapitre  4  ,  rappellent  différentes 
opinions  des  anciens  gloffateurs  fur  cette  queftion  ; 
c<  ils  paroiiTent  fe  ranger  du  parti  de  ceux  qui 
tiennent  que  l'églife  eft  foumifc  à  la  Prefcription 
telle  qu'elle  eft  établie  centre  le  laïque,  pour  le 
temps  qui  a  couru  contre  lui  ;  mais  qu'elle  ufe  de 
fon  privilège  poi'r  celui  qui  refte  à  courir  con- 
tr'elle.  Ainli ,  félon  ces  auteurs  ,  dans  le  cas  d'ime 
Prefcription  de  dix  ans  qui  a  couru  pendant  cinq 
ans  contre  le  laïque  auquel  l'églife  a  fuccédé  ,  elle 
n'en  aura  plus  que  vmgt. 

On  a  tenté  en  1665  <^'^  ^^'''^  adopter  cette  opi- 
nion au  parlement  de  Touloufe  ;  mais  elle  y  a  été 
rejerée  par  arrêt  du  mois  de  mai  ,  après  partage. 

L'année  fuivante,  un  arrêt  du  9  août  a  jugé  de 
même  ,  avec  moins  de  dijji:ulté  &  fans  parta->e.  Ce 
font  les  termes  de  M.  de  Cateliau ,  livre  i  ,  cha- 

Ce  magiftrat  cite  encore  un  arré    du  28  juillet 


440  PRESCRIPTION. 

1665  ,  qui  décide,  u  que  l'églife  ayant  le  droit 
j>  du  créancier  d'un  vendeur  fous  faculté  de  ra- 
>»  chat ,  peut  ufer  de  cette  faculté  durant  quarante 
ïj  ans  ,  à  compter  du  jour  de  la  vente  ».  On  ob- 
jeâoit  qu'agiffant  du  chef  dn  débiteur  ,  ex  per- 
Jond  débitons  ,  elle  devoir  fouffrir  toutes  les  excep- 
tions auxquelles  il  auroit  été  lui-même  fujet  ; 
qu'elle  ne  faifoit  qu'exercer  l'at^ion  d'un  particu- 
lier ;  &  que  cette  aélion  ne  pouvoit  pas  avoir  ac- 
quis par  la  ceffion  qu'on  lui  en  avoir  faite,  un 
privilège  qu'elle  n'avoit  point  primitivement  ; 
qu'en  un  mot  ,  le  débiteur  étoit  cenfé  agir  par 
l'organe  de  l'églife,  &  par  conféquent  qu'il  ne 
devoit  pas  proriter  d'un  avantage  perfonnel  à  l'é- 
glife même.  Mais  <'  on  crut ,  dit  M.  de  Catellan  , 
i)  que  l'églife  ,  au  moyen  de  la  ceirion  qui  lui 
5)  avoit  été  faite  par  le  créancier  du  vendeur , 
j)  étant  devenue  créancière  de  celui-ci  avant  le 
M  temps  de  la  faculté  de  rachat  expirée  contre  le 
»  cédant ,  elle  avoit  trouvé  cette  faculté  dans  les 
j»  biens  de  fon  débiteur;  qu'ainfi  cette  même  fa- 
»  culte  lui  ayant  été  dès-lors  hypothéquée  pour 
j>  fa  dette,  elle  devoit  avoir ,  comme  tout  ce  qui 
«  appartient  à  l'églife  ,  le  privilège  de  ne  pouvoir 
jj  être  prefcrite  contr'elle  que  par  quarante  ans  ". 

Distinction  VI.  Pour  Pnfcrire  d'églife  à  égl'ife  , 
U  bonne  foi  eft-elle  nécejfairc ,  &  en  cas  qutllc 
le  foit ,  peut-elle  fe  préjuincr ,  quand  il  y  a  un  titre 
contraire  à  la  pojjejjion  ? 

Cette  queftion  s'eft  préfentée  plufisurs  fois  au 
parlement  de  Touloufe. 

Par  un  ancien  partage  homologué  en  cette  cour 
fous  le  règne  de  François  I  ,  le  collège  d'Auch 
devoit  avoir  fix  neuvièmes  de  la  dîme  de  la  pa- 
roiffc  de  Sarragachies  ,  &  le  reliant  appartenoit  à  la 
fabrique  de  l'églife  du  même  lieu.  En  1699,  le 
collège  d'Auch  s'eft  plaint  de  ce  que  la  fabrique 
avoit  ,  au  mépris  de  cet  a61e  ,  ufurpé  fui  lui  un 
de  fes  fix  neuvièmes  de  dîme  ,  &  il  a  demandé 
qu'elle  fût  condamnée  à  lui  délaiffer.  Les  marguil- 
liers  ont  répondu  qu'ils  étoient  depuis  plus  de 
quarante  ans  en  pofielTion  de  quatre  dixièmes  ;  ils 
l'ont  prouvé  par  des  baux  ,  &  ils  ont  offert  d'y 
ajouter  la  preuve  tefîimoniale  la  plus  complette. 
Mais  par  arrêt  du  7  février  1702  ,  le  parlement 
de  Touloufe  ,  fans  avoir  égard  à  cette  ofire  ,  a  ad- 
jugé au^  collège  d'Auch  ;les  conclufions  de  fa  re- 
quête ,  fur  le  motif"  que  les  marguilliers  n'avoient 
j)  pu  prefcrire  au  préjudice  du  partage  &  de  i'ar- 
«  rét  (qui  en  avoit  prononcé  l'homologation), 
j>  attendu  que  la  feule  pofTeffion  fans  bonne  foi 
»j  ne  peut  pas  opérer  la  Prefcription  d'èglile  à 
«  églife  ,  &  qu'il  ne  peut  y  avoir  de  bonne  foi 
»)  quand  il  y  a  un  titre  contraire  >?.  Ce  font  les 
termes  du  magifliat  qui  a  donné  au  public  le 
journal  du  palais  de  Touloufe  ,  tome  3  ,  §.   CX. 

Et  il  ne  fe  borne  point-là  :  il  rr.pporte  au  même 
fiidroit  une  autre  efpèce  dans  laquelle  la  queftion 


PRESCRIPTION, 

a  été  beaucoup  plus  approfondie. 

Une  fentence  des  requêtes  du  palais  de  Tou- 
loufe de  l'année  1632  avoit  condamné  le  fieur  de 
Barras  ,  chevalier  Ue  Malthe  &  commandeur  de 
Salés,  à  payer  la  dîme  au  curé  de  Saint- Juft ,  fur 
le  pied  du  dix-feptième  ;  &  elle  avoit  été  confir- 
mée par  arrêt  en  1634. 

Le  16  juillet  1704,  le  curé  de  Saint-Jufl  a  fait 
afTigner  le  commandeur  de  Salés  ,  aux  requêtes 
du  palais  ,  pour  voir  ordonner  l'exécution  de  cette 
fentence  &  de  cet  arrêt. 

La  réponfe  du  commandeur  a  été  qu'il  étoit 
depuis  plus  de  quarante  ans  en  pofTefTion  paifi- 
ble  Se  continuelle  de  ne  payer  la  dîme  qu'au  cin- 
quantième ;  qu'il  ne  paroifîljit  pas  que  l'arrêt  de 
1634  eût  prononcé  ce  que  lui  faifoit  dire  le  curé; 
(k  qu'au  demeurant ,  la  dilpofition  en  étoit  pref- 
crite. 

Sur  cela  ,  fentence  du  15  feptembre  1705,  qui  ad- 
met le  commandeur  à  faire  preuve  de  fa  pofléirion 
qu.irantenaire. 

Appel  par  le  curé,  &  dinribution  du  procès  au 
magiltrat  d'après  qui  nous  parlons  ici. 

«  En  jugeant  les  griefs,  dit-il,  nous  avons  été 
»  partagés.  Mon  avis  a  été  de  réformer;  ce  fai- 
»  iant  ,  maintenir  le  curé  dans  le  droit  de  pren- 
»  dre  la  dîme  à  la  quote  du  dix-feptième;  parce 
»  que  d'un  côté  il  nous  a  paru  fufîiiamment  prou- 
»  vé  que  le  jugement  de  1632  avoit  condamné 
»  le  commandeur  à  payer  la  dîme  au  dlx-fep- 
)»  tième  ,  &  que  de  l'autre  ,  nous  avons  cru  qu'il 
»  n'avoit  pu  prefcrire  contre  le  titre  ;  car  comme 
»  membre  d'un  corps  eccléfiaf^ique,  il  n'a  pu  pref- 
»  crire  contre  une  autre  églife  (ans  bonne  foi, 
»  &  il  n'a  pu  avoir  de  bonne  foi  ,  tandis  qu'il  y  a 
"  eu  un  titre  qui  décidoit  contre  lui  ». 

Ici  ,  le  magiflrat  cité  rend  compte  des  raifons 
qu'oppofoit  le  compartiteur  à  ces  motifs.  Il  pré- 
tendoit  que  par  l'ufage  du  parlement  de  Tou- 
loufe ,  la  feule  pofTeffion  de  quarante  ans  fuffifoit 
à  une  églife  pour  prefcrire  contre  une  autre  ,  quoi- 
qu'il n'y  eût  pas  de  bonne  foi.  Il  ajoutoit  que  dans 
le  cas  où  la  pofTefiîon  de  quaraiite  ans  s'accom- 
plit fur  la  tète  de  plufieurs  perfonnes  qui  fe  font 
fuccédées  les  unes  aux  autres ,  on  ne  pouvoit  pas 
oppofèr  de  mauvaife  foi ,  parce  qu'un  bénéficier 
n'ell  pas  cenfé  avoir  connoiiTance  du  titre  de  fon 
prédécefTeur. 

Sur  ces  raifons  refpeciives  ,  le  partage  a  été 
porté  de  la  granë'chambre  à  la  première  des  en- 
quêtes ;  mais  les  opinions  ne  s'y  font  pas  nneux 
accordées.  Enfin  ,  l'affaire  portée  à  la  deuxième 
chambre  ,  arrêt  qui  juge  ,  prefque  tout  d'une  voix  , 
contre  la  Prefcription  ,  &.  par  conféquent  fuivant 
l'avis  du  rapporteur. 

"  On  y  a  établi  (dit  ce  magiflrat),  comme  une 
T)  maxime  confiante,  que  pour  prefcrire  d'églife  à 
n  églife  ,  il  faut  bonne  foi.  On  a  dit  qu  a  la  vé- 
»  rite  on  s'eft  départi  de  la  dlfpofition  du  droit  ca- 
)?  noniquc  qui ,  avec  la  bonne  fgi ,  veut  encore 

»  un 


PRESCRIPTION. 

»  un  titre  (i);  qu'on  s'eû  départi  encore  dela^jn-  i 
i>  rifprudence  autorifée  par  les  arrêts  de  Cambcas , 
>»  livre  2,  chapitre  6  ,  qui  veut  auffi  titre  &  bonne 
«  foi  ,  parce  que  la  bonne  toi  avec  une  poffcflion 
»  de  quarante  années  fait  préfumer  un  titre  ;  mais 
»  qu'on  demande  au  moins  la  bonne  foi ,  fuivant 
»  l'intention  des  canons,  quand  c'eft  d'églife  à 
J>  églife  ;  car  il  feroit  fort  extraordinaire  que  l'e- 
}>  glife  dont  les  lois  font  fi  févères  pour  refufer 
M  la  Prefcription  à  ceux  qui  n'ont  pas  la  bonne 
»  foi ,  pût  elle-même  être  difpenféc  de  bonne  foi 
«  quand  elle  veut  acquérir  la  Prefcription  ». 

Distinction  Vil.  LégUfe  peut-dU  être  reflituéc 
contre  la  Prefcription  ? 

Il  n'y  a  aucune  loi  qui  lui  accorde  ce  privilège  ; 
mais  on  dit  qu'elle  efl  comparée  aux  mineurs  , 
nommément  quant  à  la  reftitution  en  entier  (2)  ; 
ëc  que  les  mineurs  peuvent  fe  faire  reftituer  con- 
tre la  Prefcription  même  de  quarante  ans  ;  d  ou 
l'on  conclut,  quaprès  la  Prefcription,  elle  a  quatre 
ans  ,  fuivant  le  droit  romain ,  &  dix  ans  ,  félon  nos 
ordonnances  ,  pour  s'en  faire  relever  par  lettres 
du  prince. 

Mais  Decius  (3)  ,  Socin  (4)  ,  Alexandre  (5)  , 
du  Moulin  (6)  &  d'autres  foutiennent  que  la  Pref- 
cription de  quarante  ans  devant  donner  la  plus  en- 
tière sûreté  ,  pUnijJîmjm  fecuritatem ,  elle  ne  peut 
pas  être  effacée  par  la  reftitution  ,  même  en  faveur 
des  mineurs. 

u  Cette  opinion  ,  dit  Dunod  ,  me  paroît  fuivie 
«  dans  l'ufage  contre  l'égiife  ». 

Nous  devons  cependant  obferver  que  l'article 
a  du  titre  12  de  la  coutume  de  Berry  ,  femble  la 
profcrire  (7).  Mais  auffi  cette  coutume  limite  à 
trente  ans  le  temps  nécifTaire  pour  acquérir  la 
Prefcription  contre  l'égiife.  La  faculté  qu'elle  ac- 
corde aux  eccléfiaftiqiies  de  fe  faire  relever,  ne 
fait  donc  que  la  rapprocher,  dans  l'exécution,  des 
termes  du  droit  commun. 

Distinction  VIÎI.  Le  bénéficier  qui  a  L'tjfé  pref- 

crire  les  biens  de  t'cglife  ,  par  fj  faute  ,  en  efl-il  ref- 
ponfisble  envers  fes  fuccefjeurs  ? 

Sans  doute  ;  fouffrir  qu'on  prefcrive  contre  nous , 
dit  une  loi  citée  dans  le  §.  2  de  la  feflion  i  de  cet 
article,  c'eft  aliéner.  Il  ne  faut  donc  pas  s'étonner 
que  M.  le  premier  préfident  de  Larnoignon  ,  titre 
des   aHions  perfonneÙes  &  hypothécaires  ,  article  74  , 

(I)  Chap.  //  dilgenti  ,  aux  dtc.eues,  de  PrajC'-iptionibus. 

(i)  Chapitre  i  &  3  ,  de  refiiru-wnihus  in  inte^rum  ,  &  cha 
pitre  8  ,  de  re  judicad,  aux  décrétaies. 

(»)  Confil.  29  &  ^4- 

(4)  Conlil.  I<6,  n.  2^  ,  lib,  2. 

(0  Confil.  151  &  Kîj.lib.  1, 

(é)  Confil.  ig, 

(7)  «  Toutefois  par  laiiite  coutume   n'a  été  entendu  êfe 
»  dtrogé  au  bénéfice  fpcciai  des  églifes  &  mineurs  de  reili- 
»  tution  en  entier  ,  es  cas  efquels  il  doit  avoir  lieu  ,  s'ils  en 
=0  font  relevés  par  bénéfice  du  priacc  &  par  lettres   royaux 
»  en  la  manière  accoutumée  ». 

Toy^t  XIII. 


PRESCRIPTION.         44» 

afTujeftine  les  biens  de  ce  bénéficier  aune  hypo- 
thèque tacite  &  légale  pour  le  rétablifiement  des 
biens  qu'il  a  lailTés  perdre  ,  &  qu'il  la  fafle  re- 
monter à  la  date  de  fa  prife  de  poncffion. 

Sa  décifion  eft  d'ailleurs  conforme  à  un  arrêt 
du  parlement  de  Franche  Comté  du  mois  de  juillet 
1689,  rendu  contre  les  héritiers  du  fieur  Gui- 
bourg  ,  chanoine  de  la  métropole  de  Befançon  (i). 

§.  V.  De  la    Prefcription  en   matière   benéficiale. 

Il  y  a  deux  chofes  à  confidérer  dans  ce  genre  de 
Prefcription,  le  droit  des  coUateurs  &c  celui  des 
pourvus  de  bénéfices. 

r.  On  a  parlé  fous  les  mots  Concordat  ger- 
AîANiQUE,  Flandres,  Franche-Comté,  Pa- 
tronage &  autres,  des  conditions  nécefTaires  pour 
prefcrire  le  droit  de  nommer  à  un  bénéfice. 

Je  n'ajouterai  à  ces  détails  ,  qu'un  arrêt  que  j'ai 
vu  rendre  à  la  grand'chambre  du  parlement  de 
Paris  le  9  juillet  1777. 

M.  l'évéque  d'Uzês  fe  prétendoit  coUateur  libre 
d'une  cure  dont  un  feigneur  laïc  foutenoit  avoir  la 
préfentation.  Ce  dernier  ne  rapportoit  point  de  ti- 
tre primitif  de  fon  droit  de  patronage  ,  mais  il 
avoit  quantité  d'a6les  po{reftbires,&  ils  étoient  fou- 
tsnus  par  diverfes  reconnoiftances  des  vicaires  géné- 
raux de  l'évéque.  Cependant  la  chaine  de  ces  aftes 
ne  defcendoit  que  jufqu'à  l'année  1596.  A  cette 
époque  ,  l'évéque  avoit  donné  comme  collateur 
libre  ,  des  provifions  à  un  fujet  déjà  pourvu  fur  la 
préfentation  du  feigneur ,  &  déjà  en  poiTeftion.  De- 
puis, le  bénéfice  n'avoitplus  été  conféré  ni  par  le 
feigneur  ,  ni  par  l'évéque.  Il  avoit  toujours  été 
réfigné  en  cour  de  Rome  fans  le  confenrement  du 
premier, •&  le  fécond  avoit  toujours  donné  fon 
vifi  aux  provifions  émanées  du  faint-fiège. 

Sur  l'allégation  &  la  preuve  de  ces  f?.irs  ref- 
peétifs,  le  premier  juge  prononça  contre  M,  l'é- 
vc;que  d'Uzès. 

Sur  l'appel  M.  l'avocat-général  Séguier  a  dit  que 
ie  droit  du  patron  étoit  fulfifamment  établi  parles 
aifles  de    pofTefl'ion  produits  dans  la  caufe  :   que  la 
feule  queftion  à  juger  étoit  de  favoir  s'il  n'en  avoit 
pr>s  été  dépouillé  par  la  Prefcription  :  qu'à  cet  égard 
il  falloit  d'abord  convenir  que  la  collation  faite  en 
1^96  par  l'évéque  ne  pouvoit  être  d'aucun  effet, 
puifqu'elle  n'avoit  rien  ajouté  au  droit  du  curé  qui 
déjà  avoit  pris    pofleffion  en  vertu  du  titre  qu'il 
tenoit  du  feigneur  ;  que  les  vifa  accordés  par  l'é- 
véque,  fur  des  provifions  de  cour  de  Rome,  n'é- 
toient  pas  de  vraies  collations,  &  ne  pouvoient 
pas  être  confidérés  de  la  part  de  l'évéque  comme 
des  a£les  pofiefibires  ;  que  l'ufage  de  réfigner  la  cure 
fans  le  confentement  du  patron  laïc,  étoit  un  abus 
qui  ne  pouvoit  former  de  titre  ,  ni  au  faint-fiège 
pour  foutenir  que  ce  bénéfice  fût  fujet  aux  réfigna- 
tions  ,  ni  à  l'évéque  pour  l'affranchir  du    droit  de 


(1)  Dunod  ,  de  Ja  Prefcription  dss  biens  d'cp'iir  ,  rag^-  )•. 

Kkk 


V 


44X  PRESCRIPTION. 

patronage  ,  &  s'ériger  en  coUateur  libre. 

Par  ces  confidérations,  M.  Tavocat-général  a  con- 
clu à  la  confirmatiou  de  la  fentence ,  Ôc  l'arrêt  cité 
a  fiiivi  de  point  en  point  fes  conclufions. 

II.  La  Prefcription  confidjrée  par  rapport  aux 
pourvus  de  bénéfices  ,  donne  lieu  à  plufieurs  Quef- 
tions  importantes.  Voyez  DévolutAIRE  ,  Poj- 
SESSION,   RÉGALE  &    UNION. 

§.  VI  De  Ij  Prefci'iption   contre  Us  communautés 
laïques. 

Combien  de  temps  faut  il  pour  prefcrire  contre 
les  gens  de  main-morte  laïques  ? 

On  convient  aflez  qu'il  faut  quarante  ans  dans 
les  coutumes  où  il  eil  dit  indiftin(Semcnt  que  cet 
cfpace  de  temps  eft  requis  pour  prefcrire  comte  ;  ;i- 
vilégics.  La  généralité  de  ces  termes  fait  préfumer 
qu'en  les  employant ,  leur  intention  a  été  de  ren- 
dre commun  à  tous  les  gens  de  main  morte ,  un 
privilège  que  le  droit  romain  ,  confidéré  dans 
ion  dernier  état,  paroiffoit  limiter  à  Téglife. 

Toute  coutume  à  part ,  &  en  théfe  générale , 
trente  ans  fuffifent.  Les  communautés  laïques  jouif- 
fent  bien  des  privilèges  des  mineurs,  mais  on  ne 
voit  nulle  part  qu'elles  en  aient  de  plus  étendus  : 
or,  en  terme  de  droit  les  mineurs  font  fournis  à 
la  Prefcription  trtntenaire. 

On  voit  par  le  journal  du  parlement  de  Tou- 
loufe,  que  la  queflion  s'eft  préfentée  plufieurs  fois 
dans  cette  cour. 

Le  30  août  1720  il  s'eft  agi  de  régler,  par  un 
interlocutoire,  l'efpace  de  temps  que  devoit  em- 
brafl'er  la  preuve  d'une  pofTeflîon  oppofée  par  une 
communauté  ,  à  une  autre,  relativement  à  un 
droit  d'ufage.  Le  magiftrat  qui  a  rédigé  le  recueil 
d'après  lequel  nous  parlons  ,  dit  qu'il  j>  y  a  eu 
j)  plufieurs  voix  à  n'ordonner  que  la  preuve  de 
j>  trente  années  de  jouiflance  ,  &  que  cependant 
»  on  a  jugé  à  la  pluralité  ,  qifil  falloit  quarante 
ij  ans  (i)  ». 

Mais  peu  de  temps  après  ,  dans  une  efpece  fem- 
blable,  l'opinion  contraire  a  prévalu.  >»  On  a  or- 
î)  donné  que  la  communauté  de  Cers  prouveront 
»  contre  la  communauté  de  Villeneuve,  que  dans 
ï>  l'efpace  de  trente  années  ,  avant  l'introduélion 
>7  de  l'inftance,  elle  avoit  joui  du  droit  »  de  com- 
pafcuité  dont  il  s'agiflbit  (2).  L'arrêt  a  été  rendu 
le  5    juin  1723. 

Cette  difficulté  a  encore  été  agitée  le  17  juin 
1732  ,  entre  un  commandeur  de  Malthe  &  la  com- 
munauté des  babitans  de  Saint- Vincent.  »  Le  plus 
J7  grand  nombre  des  avis  auroit  été  pour  dire  qu'il 
M  ne  faut  que  trente  années  pour  prefcrire  contre 
î»  une  communauté  d'habitans  »  ;  mais  l'affaire  a 
été  jugée  d'après  un  autre  moyen  (3). 


(.i)Tome4,  §.117,  F^ge  I57. 
(5)  Tome  ij§.  ;6j  ,  page  17t. 


PRESCRl  PTION. 

Enfin  ,  le  19  juin  1738  ,  il  a  été  décidé  en  termes 
précis  «  que  la  prefcription  de  trente  ans  a  lieu 
»  contre  les  communautés  laïques  (i)  ».  ■; 

L'auteur  du  journal  ajoute  que  cette  opinion  eft 
conforme  à  une  déclaration  du  mois  d'avril  1686, 
donnée  pour  confirmer ,  moyennant  finance,  les 
poirefléurs  des  terres  défrichées  dans  les  marais  & 
garrigues  du  Languedoc  ,  qui  font  fous  la  baute- 
juftice  du  roi.  Par  cette  loi  ,  en  effet,  le  fouveraiii 
déclare  ne  pas  entendre  empêcher  que  les  com- 
munautés qui  n'auront  pas  fuffifament  de  pâtura- 
ges ,  ne  puiffent  obliger  ceux  par  lefquels  ont  été 
faits  depuis  trcnieans  ries  Ouvertures  &  défrichemens 
dans  les  garrigues ,  de  les  réduire  en  nature  d'ufage 
&  de  biens  communaux. 

Il  paioît  que  c'eft  auifi  la  jurifprudence  du  par- 
lement d'Aix.  Il  a  même  jugé  par  arrêt  du  20  jan- 
vier 1559,  que  la  Prefcription  de  trente  ans  a  lieu 
contre  les  confréries  pieules  (2)  ,  quoique  ropinicn 
commime  des  dodeurs  étende  à  ces  corps  tous  les 
privilèges  de  l'églife,  du  moins  lorfqu  ils  font  due- 
ment  autorifés  (3). 

Peut-on  prefcrire  contre  une  communauté  laï- 
que, la  propritté  d'un  bien  ,  ou  un  droit  qui  en 
fait  partie ,   nonobfiant  le  vice  de  l'aéle  d'aliéna- 


tion r 


On  a  vu,  plus  haut  ,  combien  il  y  a  d'avis  & 
d'arrcts  divers  fur  cette  queftion  ,  relativement  à 
l'églife  ;  &  fans  doute  que  chaque  parlement  la  dé- 
cideroit,  à  l'égard  des  communautés  fcculieres  fui- 
vant  les  principes  qu'il  s'eft  faits ,  par  rapport  aux 
gens  de  main  morte  eccléfiaftiques. 

Auffi  le  parlement  de  î'ouloufe  ,  qui  juge  aftuel- 
lement  que  la  poffeffion  quarantenaire  purge,en  fa- 
veur du  premier  acquéreur ,  tous  les  vices  de  l'a- 
liénation des  biens  de  l'églife,  ne  fait-il  nulle  dif- 
ficulté de  prononcer  de  même  à  l'égard  des  com- 
munautés laïques.  C'eft  ce  que  prouve  enir'autres, 
un  arrêt  du  4  février  1724,  rendu  en  faveur  de 
deux  particuliers ,  qui  prétendoient  couvrir ,  par 
une  poffeffion  de  91  ans,  le  défaut  abfolu  de  for- 
malité d'un  a61e  par  lequel  on  avoit  concédé  un 
droit  d'ufage  dans  les  montagnes  d'une  paroiffe. 
Ils  convenoient,dit  l'auteur  du  journal  du  palais 
de  Touloufe,  tome  4,  §.  196,  page  259  ;  «  ils  con- 
»  venoient  tacitement  du  vice  de  laéle,  mais  ils 
»  foutenoient  que  la  feule  poffeffion  paifible  pen- 
»  dant  un  auffi  longtemps  leur  fufflfoit ,  ne  s'a- 
»  giffant  pas  de  biens  qui  de  leur  nature ,  fuilent 
)»  inaliénables,  comme  feroient  des  communaux, 
T)  &  que  les  communautés  laïques  ne  peuvent  pas 
ri  prétendre  plus  d'avantage  en  ce  point,  que  l'é- 
»  glife  contre  laquelle  on  prefcrit  par  quarante 
>»  ans  ».  C'eft  ,  en  effet ,  ce  qu'a  jugé  l'arrêt  cité. 


(i)  Tome  i  ,$.  ?79  ,  page  14^. 

(i)Oiuvres  de  Duperner ,  tome  i,   aux  arcêts  de  M.  de 
Thoron  ,  foni.  9}. 
(O  Dunod  ,  de  l'aliénation  &  de  la  Prefcription  des  biens 

,   d'égliic,fage  i, 

t 


PRESCRIPTION. 

§.  VII.  De  la  Prefcripdon  de  U  nobUjfe ,  de  nom  & 
d'armes. 

A  l'article  Noblesse  nous  avons  parlé  de  la  Pref- 
cription,  fuivant  le  rapport  qu'elle  a  avec  cette 
matière. 

Les  mêmes  principes  doivent  régler  celle  des 
noms  &  des  armes  de  famille. 

Il  efl  confiant ,  en  effet ,  que  ces  objets  font  hors 
du  commerce;  inceffibles  fans  l'autorité  du  prince, 
ils  ne  peuvent  pas  être  prefcrits  ,  parce  qu'on  ne 
peut  prefcrirc  que  ce  qui  peut  être  acquis.  Ajou- 
tons que  par  les  lois  romaines  (i)  ,  le  temps  leul 
ne  fuffit  pas  pour  chang,er  l'état  6c  la  qualité  des 
perlonnes. 

Mais  il  efl  bien  différent  d'ufurper  par  la  Pref 
cription  le  nom  &  les  armes  dun  autre  ,  ou  de  les 
pofféder,  fait  depuis  autant  de  temps  que  lui,  foit 
au  moins  depuis  un  temps  immémorial.  Dans  ce 
cas,  en  effet,  l'une  des  deux  familles  ne  peut  pas 
exiger  que  l'autre  rapporte  le  titre  fondamental  de 
fa  potTcffion  ;  ou  plutôt  la  poffcfiton  même  forme 
le  titre  de  celle-ci.  C'eft  ce  que  Dumoulin  ex 
prime  par  cet  axiome  û  connu  ,  en  parlant  de  la 
poffeffion  ancienne  :  vm  s-abet  conjUiuti  ,  non  di.- 
citw  Prajcrirti-j  ,  fid  thulus. 

Si  une  poifeiliou  de  cent  ans  ne  fiilîfoit  pas  dans 
cette  matière,  une  poffeirion  de  500  ans,  môme 
de  1000  ans  pourroit  donc  être  é2,ali.m;i)r  infiffi 
fiante,  dans  le  cas  où  quelqtfun  prouveroit  qu  il 
portoit  tel  nom  &  telles  armes  cisquanre  ans 
avant  un  autre,  il  y  a  1050  ans  !  Cier  homme  ie- 
roit  donc  en  droit  de  les  lui  faire  ab,ind()iM-r  ! 
Etl-i!  rien  de  plus  infenfé  .-'  Voili  pourraiir  tù  crni- 
duit  l'abus  des  régies  &  des  p-incipes  ,  oui  condiii- 
loit  le  mépris  de  la  poffeffion  centenaire. 

Vous  aviez,  il  y  a  cent  ans,  autant  d'inrjrét  que 
vous  pouvez  en  avoir  aujourd  liui  ,'(  mo  deman- 
der par  quelle  raifon  je  portois  les  mêmes  ar  nés 
que  vous  ;  vous  n'avez  pas  réclamé.  Si  votre  ulerce 
n'a  rien  ajouté  au  titre  de  ma  polTeffion  ,  au  moins 
en  a-t  il  été,  de  votre  part,  une  rcconnoiffince, 
un  aveu  ,  une  approbation. 'Vous  êtes  donc  par  vo- 
tre propre  fait  ,  no.',  rccevnble  daii';  la  demande 
par  laquelle  vous  attaquez  ma  pofiefTion  ancienne. 
Si  la  poffelTion  centenaire  tient  lieu  de  titre  en 
matière  de  nobleiTe,  à  plu,  {one.  raifon,  doit- elle 
CD  être  un  en  matière   de  nom  &  d'armoiries. 

Il  y  a  fans  doute  plus  d'un  exemple  de  confef- 
tarion  fur  ces  sb.iets.  Nous  n'en  citerons  qu'un, 
mais  il  eff  récent ,  &  l'efpèce  eft  précife. 

M.  Bigot,  préfident  à  mortier  au  parlement  de 
Rouen  ,  d'une  ancienne  nobleffe ,  originaire  de  Ver- 
neuil  en  Perche,  traduifit ,  en  1769,  aux  requêtes 
de  ce  parlement,  M.  Bigot  de  Sainte  Croix,  qui 
venoit  d')^  éire  reçu  ,  en  qualité  de  nréfident  ,  & 
dont  le  père  &  l'aïeul  avoient  exercé  la  profefTioir 


PRESCRIPTION.  445 

d'avocat  avec  diitinclion ,  l'un  à  Paris  ,  l'autre  à 
Rcuen. 

Le  préfident  à  mortier  prétendoit  que  le  préfi- 
dent aux  requêtes  n'étoit  point  fon  parent,  &  que 
s'il  portoit  les  mêmes  armes  ,  ce  ne  pouvoit  être 
que  par  ufurpation  ;  il  demandoit  qu'il  lui  fût  fait 
défenfes  de  les  porter  davantage.  Il  prenoit  même 
des  conlufions  précifes  ,  pour  que  M.  de  Sainte- 
Croix  fût  tenu  de  reconnoître ,  &  de  déclarer  en 
jufiice  qu'il  n'étoit  pas  fon   parent. 

x^L  de  Sainte-croix  commençoit  p?.r  écarter  la 
queflion  de  parenté  ;  &  il  foutenoit  que  le  préfi- 
dent à  mortier  dcvoit  être  non  recevablc  dans  cette 
dem:inde,  parce  qu'il  n'y  avoit  ni  intérêt  de  for- 
tune ,  ni  intérêt  d'honneur.  Je  ne  fais  valoir  con- 
tre vous  ,  difoit-il ,  aucun  droit  fucceffif:  je  ne  vous 
demande  point  de  p.Trt.ige  :  par  conféquent  point 
d'intérêt  de  fortune.  Je  ne  fuis  pas  ,  à\\n  autre  côté, 
d'un  état  à  vous  faire  rougir  d'avoir  avec  moi  quel- 
que lien  de  parenté.  Notre  origine  mutuelle  eft  con- 
nue ;  on  y  voit  des  rapports  ,  des  rapprochemens  , 
&  dés-lors  point  d'intérêt  d'honneur. 

A  l'égard  des  armoiries,  M.  de  Ste-Croix  le  renfer- 
moit  dans  la  poffeffion.  Les  armes  qu'on  lui  ddputoit 
lui  avoientét  j  tranfmifes  par  fon  père,  qui  les  avoit 
portées  aiiifi  que  lui,  au  vu  &  fu  ( ce  font  fes  ter- 
mes), du  préfident  à  mortier.  Son  père  les  tenoit 
tic  Ion  aïeul  ,  &  la  poffeffion  de  fon  aïeul  étoit  la 
contii  nation  de  celle  de  fon  bifaieul  &  de  fon 
trif.ïciîl.  Ce  dernier  avoit  eu  pour  frère  Claude 
B.got  ,  g*-and  prieur  de  l'abbaye  de  la  Sainte  Tri- 
nité HU-Mout-Sainte  Catherine  ,  près  la  ville  de 
RoL;en.  Lu  1671 ,  il  avoit  fait  une  donation  à  l'hô- 
tel-dieu  de  cette  ville.  Pour  perpétuer  la  mémoire 
''e  cette  libéralité  ,  qui  étoit  confidérahle  ,  on  avoit 
écvé  dans  l'éslife  de  la  Madeleine  à  Rouen  ,  un 
monimient  fur  lequel  on  avoit  pofé  les  armes  du 
{"<  Tidateur.  il  y  avoit  dix  ans  en  1769  c\\.'^e  ce  monu- 
ment étoit  détruit  ,  &  M.  Bigot  de  Sainte-Croix 
c'emandoit  à  faire  preuve  p.ir  enquête  que  ce  mo- 
nur.ent  étoit  décoré  de  fes  armes. 

Il  perdit  fon  procès  aux  requêtes  .  &  il  le  gsgna 
d'une  voix  unanime  à  la  grand'cb.ambre  ,  oii  ,  par 
un  arrêt  du  14  août  1771  ,  M.  le  préfident  Bigot 
fut  déclaré  purement  &  fimplcment  non-recevable 
dans  fes  demandes,  &.  condamné  aux  dépens  (i). 

§.  VIII.  Ve  la  Pcfcription  des  crimes. 
La  brièveté  delà  vie  de  l'iiomme  ,  les  remords 


(0  Loi  i  ,C,it  rci  dominic.  Loi  y  ,  D.  dcdicurijnibus. 


(^i)  Cec  arrct  m'ayant  pallj  p.ir  les  iiuins  ,  j'en  ai  re.enu  le 
dilpoiiiif  ;  le  voici:  f  La  ccu.' ,  panics  ouies  ,  f.nlant  dioit 
.1  lur  le  ilclibtri  ,  ians  avoi  cgaid  .-i  .'a  recjucte  verbale  île  la 
o  panie  de  Perchcl  (  .N(.  Bigc>t  ,  prrfi  !ent  a  Mortier  1  ,  faifant 
»  droit  fur  l'appel  vie  la  p.ii.ie  de  Lignières,(  M.  Eigot  de 
11  Sainte- Crcix  )  a  mis  &  met  l'appel  aion  &.'  c«  dont  ell  ap- 
jj  p.;l  au  niant,  corrigeant  &  rifoimaiic,  adi'clari'&:  déclare 
11  11  lartie  de  Perihel  non  reccvaMe  lanr  iur  la  demande 
u  principale  v|iie  fur  fa  demande  incidente  ;  a  condamné  ôc 
),  con:îarnne  ladite  panie  de  Perche!  aux  dépens  des  caufes 
.,  principale  &  d'appel  envers  la  partie  de  1  l'irniercs  -j. 

Kkkij 


444  PRESCRIPTION. 

&  les  craintes  qui  font  le  premier  fupplice  d'un 
coupable,  le  danger  de  perdre  la  trace  des  preuves 
de  la  juftification  d'un  accufc  ,  toutes  ces  confidé- 
rations  ont  engagé  les  légiiïateurs  romains  à  met- 
tre en  principe  que  tout  crime  fe  prefcrit  par  vingt 
ans  ,  à  compter  du  jour  qu'il  a  été  commis.  C'ell 
ce  que  paroît  infinuer  la  loi  3  ,  au  digefle  ,  de  re- 
tjulrendis  vel  abjentibus  damnandis  ;  mais  la  loi  12  , 
au  code  ,  ad  le^em  cornclLim  de  f. il  fi  s  ,  lève  tous  les 
doutes  ,  &  établit  cela  très-clairement. 

Le  droit  canonique  a  adopté  cette  Prefcription  , 
comme  on  le  voit  dans  le  chapitre  6  ,  aux  décréta- 
Ics  ,  de  exceptionibiis. 

On  a  remarqué  dans  le  §.  13  de  la  feflion  2  ,  que 
les  coutumes  de  Bretagne  &  de  Hainaut  l'ont  ré- 
duite à  dix  ans. 

Mais  dans  toutes  les  autres  provinces  du  Royau- 
me ,  on  l'a  reçue ,  fans  héfiter ,  telle  qu'elle  étoit 
réglée  parle  droit  romain. 

On  a  prétendu  autrefois  qu'elle  devoit  être  éten- 
due à  trente  ans  dans  les  coutu«mes  qui  difent  , 
comme  celle  de  Bourgogne,  titre  14,  article  i  , 
<iue  «  toutes  les  Prelcriptions  font  uniformes  & 
^»  réduites  à  trente  années  »  ;  mais  ce  fyftèmea  été 
profcrit  par  un  arrêt  du  parlement  de  Dijon  du  22 
décembre  1593  .  rapporté  dans  le  commentaire  de 
Taifand  fur  la  coutume  qu'on  vient  de  citer  ,  titre 
14  ,  article  i  ,  note  5. 

£t  ce  n'eft  pas  feulement  dans  les  tribunaux  fé- 
culiers  que  cette  Prefcription  eft  en  vigueur  :  elle 
foit  également  la  loi  aux  juges  ectlifiaftiques. 

Fevretjdans  fon  traité  de  l'abus,  livre  8,  chapitre 
3  ,  nombre  15  ,  obferve  que  fi  les  ofKciaux  n'a- 
voient  point  égard  à  la  fin  de  non  recevoir  qu'elle 
produit  ,  il  y  auroit  lieu  d'appeler  de  leur  fentcnce 
comme  d'abus  ,  parce  qu'elle  porteroit  atteinte  à 
un  point  de  jurifprudence  établi  par  l'un  &  l'autre 
droit ,  &•  confacré  par  les  arrêts  de  toutes  les  cours 
fouveraiues  du  royaume. 

D'Héricourt ,  lois  eccléfiaftiqucs  ,  partie  i  ,  cha- 
pitre 24  ,  n®mbre  44  ,  attefte  aufîi  que  la  Prefcrip- 
tion de  vingt  ans  eft  admife  dans  les  tribunaux 
cccléfiaAiques  ,  comme  dans  les  féculiers  ,  pour 
toute  forte  de  crimes.  11  ajoute  feulement  que  dans 
le  cas  ou  les  clercs  ont  encouru  une  cenfure  pour 
un  crime  contre  lequel  les  canons  ont  déclaré  que 
cette  peinje  auroit  lieu  de  plein  droit ,  ils  doivent 
fe  faire  aïTfoudre  même  après  les  vingt  ans  que  le 
crime  a  été  commis  ,  quoiqu'on  ne  puiffe  faire  au- 
cune procédure  contr'eux  pour  raifon  de  ce  délit , 
qui  en  couvert  par  la  Prefcription. 

Y  a  t-il  des  crimes  fur  lefquels  cette  Prefcription 
n'a  point  de  prife  } 

Il  paroît  que  dans  le  droit  romain  ils  y  étoient 
tous  fujets.  Le  k\oi  ferè{^  prefque  )  dont  fe  fert  la 
loi  12  ,  au  code  ,  nd  legem  corneliarn  de  falfis  ,  ne 
fignifie  pas  que  le  légiflateur  a  voulu  affranchir  de 
la  Prefcription  dé  vingt  ans  ,  la  pourfuite  de  quel- 
ques crimes.  Le  véritable  fens  de  ce  terme  eft  qu'il 
y  a  des  ttimes  à  l'égard  défqueJs  des  lois  particu- 


PRESCRIPTION. 

Hères  ont  introduit  des  Prefcr  piions  plus  courtes. 
En  effet ,  on  a  vu  plus  haut ,  feftion  2  ,  §.  2  ,  4  & 
5  ,  qu'il  ne  faut  pas ,  à  beaucoup  près ,  vingt  ans 
pour  prefcrire  l'injure  ,  l'adultère  &  le  péculat. 

Parmi  nous,  il  y  a  quelques  crimes  exceptés  de 
la  Prefcription  de  vingt  ans. 

Tel  eft  d'abord  le  duel.  L'article  35  de  l'édit  du 
mois  d'août  1679  P^i'fe  que  ce  crime  «  ne  pourra 
»  être  éteint  ni  par  la  moit,  ni  par  aucune  Pref- 
"  cription  de  vingt  ou  de  trente  ans ,  ni  aucune 
)>  autre,  à  moins  qu'il  n'y  ait  ni  exécution,  ni 
"  condamnation,  ni  plainte  ,  &  pourra  être  pour- 
))  fuivi ,  ïïprès  quelque  laps  de  temps  que  ce  foit, 
»  contre  la  perfonne  ou  centre  fa  mémoire  ». 

Cet  article  ajoute  ,  que  ceux  qui  fe  trouve- 
ront coupables  de  duel  depuis  l'édit  de  1651,  pour- 
ront être  recherchés  pour  te<;  autres  crimes  par  eux 
commis  auparavant  ou  ckpuis  ,  nonobflant  la  Pref- 
cription de  vingt  ou  de  trente  ans  ,  pourvu  que  le 
procès  leur  foit  fait  en  même-temps  pour  crime  de 
duel  &  par  les  mêmes  juges  ,  S>L  qu'ils  en  demeu- 
rent convaincus. 

D'où  il  faut  conclure  ,  1°.  que  s'il  n'y  a  eu  ni 
plainte  ,  ni  condamnation  potir  crime  de  duel  pen- 
dant vingt  ans,  on  peut,  après  ce  délai,  oppofer 
la  Prefcription  ,  comme  pour  tous  les  autres  cri- 
mes :  2".  que  la  conviélion  de  l'accufé  pour  crime 
de  duel ,  empêche  la  Prefcription  des  autres  crimes 
qu'il  peut  avoir  commis,  foit  avant  ou  après  l'ac- 
cufation  pour  duel ,  pourvu  que  le  procès  lui  foit 
fait  en  même-temps  ck  par  les  mêmes  juges,  pour 
crime  de  duel,  c'eft  à-dire,  que  les  autres  crimes 
doivent  être  joints  &  pourfuivis  en  même-temps 
que  le  crime  de  duel,  fans  quoi  les  autres  crimes 
fcroient  prefcrits  par  l'efpace  de  vingt  ans ,  &  l'ac- 
cufé ne  pourroit  plus  être  pourfuivi  pour  raifon 
de  ces  crimes. 

Suivant  quelques  auteurs ,  le  crime  de  lèfe-majef- 
té  eft  encore  excepté  de  toute  Prefcription  ;  &  cette 
exception  a  lieu  foit  qu'il  y  ait  eu  plainte  ou  con- 
damnation, ou  qu'il  n'y  en  ait  pas  eu,  parce  que  l'ac- 
tion de  ce  crime  eft  imprefcriptible.  Quand  il  s'a- 
git de  venger  la  majefté  du  prince  offenfé,  difent 
ces  auteurs ,  on  paffe  par-deffus  toutes  les  règles  , 
jufque-là,  que  fi  le  coupable  vient  à  mourir  peii- 
dant  l'inftruâion  de  la  procédure  ,  ou  qu'il  foit 
mort  depuis  long-temps  ,  on  fait  le  procès  au  ca- 
davre ,  s'il  exifte  ;  ou  s'il  n'exifte  plus ,  on  le  fait 
à  fa  mémoire,  que  l'on  condamne  pour  crime  de 
lèfe-majefté.  * 

M.  de  Catellan  ,  livre  7,  chapitre  i  .  nous  ap- 
prend que  cette  opinion  fut  approuvée  par  la 
grand'chambre  du  parlement  de  Touloufe ,  loi^s 
d'un  arrêt  du  24  avril  1668.  Il  s'agiffoit  de  favoir 
fi  alors  le  crime  de  duel  étoit  prefcriptible  :  «  On 
»  jugea ,  dit  le  magiftrat  cité ,  qu'il  falloit  laiffer 
»  au  crime  de  lèfe-majefté  au  premier  chef  ,  le 
»  droit  fingulier  d'être  excepté  de  toute  Prefcrip- 
»  tion  ,  ce  qui  eft  en  effet  extrêmement  juffe  ;  car 
y  puifque  nulle  Prefcription  hc  met  à  couvert  les 


PRESCRIPTION. 

n  ufurpateurs  du  domaine  des  rois ,  il  feroit  bien 
»  plus  mal-à-propos  qu'aucune  Prefcription  put 
>»  mettre  à  couvert  les  coupables  des  crimes  qui 
»  les  regardent  ». 

Albert,  au  mot  Prefcription,  nous  donne  quel- 
que chofe  de  plus  précis  fur  ce  point.  Il  alïïire 
que  par  un  arrêt  général  de  1608  ,  le  parlement  de 
louloufe  a  excepté  de  toute  Prefcription  le  cri- 
me de  lèfe-raajefié. 

Taifand ,  fur  la  coutume  de  Bourgogne  ,  titre 
4  ,  article  i  ,  nombre  5  ,  dit  pareillement  que  dans 
cette  province,  on  excepte  de  la  Prefcription  de 
vin^t  ans  le  crime  de  lije-majejlé  divine  &  humaine  : 
mais  il  ne  cite  aucune  autorité,  aucun  arrêt,  au- 
cun fait,  qui  juflifient  fon  afleriion. 

Et  Diwod  (i)  foutienr  ,  avec  phifieurs  jurif- 
confultes,  que  tout  ufage  à  part,  on  ne  doit  pss 
excepter  ce  critne  de  la  Prefcription  de  vingt  ans, 
parce  que  les  ordonnances  du  royaume  ne  la  font 
cefler  que  par  rapport  au  duel. 

La  maxime  qui  permet  de  pourfuivre  le  crime 
de  lèfe-majeûè  après  la  mort  du  coupable,  ell  ici 
indifférente.  Car  (Si  c'efl:  une  obfervation  que 
fait  Brodeau  fur  Louct  ,  lettre  C,  §.  47,  nom- 
bre 4),  de  ce  que  certaines  lois  déclarent  que  quel- 
ques crimes  ne  s'éteignent  point  par  la  mort  de 
l'accufé ,  il  ne  s'enfuit  nullement  que  le  droit  de 
les  pourfuivre  puifle  durer  pins  de  vingt  années. 
Il  en  efl  de  cela  comme  des  allions  civiles  que  le 
droit  romain  qualifie  de  perpétuelles  (2)  ,  &  qu'il 
ioumet  cependant  à  la  Prefcription  de  trente  ans. 

On  a  prétendu  dans  le  dernier  fiècle  que  la  Pref- 
cription de  vingt  ans  ne  devoir  pas  arrêter  la  pour- 
fuite  du  crime  d'un  particulier  qui  s'étoit  travefti 
en  conferteur  pour  furprendre  ,  par  ce  déguife- 
ment  facrilége ,  la  bonne  foi  d'une  perfonne  du 
fexe  ,  de  qui  il  avoir  enfuite  extorqué  une  do- 
nation. 

Mais  par  arrêt  du  parlement  de  Provence  du  15 
mars  1653,  l'adion  criminelle  fut  déclarée  pref- 
crite,  &  «  le  premier  préfident  avertit  les  avocats 
»  qu'ils  n'eulTent  plus  à  mettre  en  doute  que  les 
i>  crimes  ne  foient  prefcrits  par  le  laps  de  vingt 
»  ans  '>.  Ce  font  les  termes  de  Boniface  ,  tome  a  , 
partie  3  ,  livre   1  ,  titre  15  ,  chapitre  i. 

On  a  auffi  voulu  excepter  le  parricide  ,  &  cela 
d'après  la  loi  dernière,  ad  legern  pomponiam  de  par- 
ricidis ,  qui  dit  que  l'accufation  de  ce  crime  eft 
recevable  à  toujours  ,  accufatio  parricidii  femper 
permitiitur.  Mais  le  parlement  de  Paris  n'a  pas  cru 
que  ce  texte  fût  affez  formel  pour  établir  une  pa- 
reille exception  ,  &  par  arrêt  du  18  décembre 
1^99,  rapporté  dans  les  obfcrvations  de  Brodeau 
fur  Louet ,  lettre  C  ,  §.  47  ,  il  a  été  jugé  que  le 
parricide  étoit  fujet  à  la  même  Pref-.iption  que 
ies  autres  crimes. 


(I  )  Des  Prefcriprions  ,  partie  X  ,  chapi  t       . 
(!■)  Voyez  le  titre  des  iniliiutes ,  de  pergicuis  6*  umporal'i- 
I>ui  a^ion'ibds. 


PRESCRIPTION.        44S 

Le  parlement  de  Bordeaux  a  jugé  de  même 
par  un  arrêt  du  18  août  1668  ,  qu'on  trouvera 
ci-aprés. 

On  fent  bien ,  d'après  cela  ,  que  le  crime  d'in- 
cendie ne  peut  pas  non  plus  être  privilégié.  Aufli 
Papon  ,  livre  24  ,  titre  1 1 ,  nombre  i  ,  rapporte 
un  arrêt  du  parlement  de  Paris  du  2  décembre 
1518,  qui  a  renvoyé  une  femme  accufée  de  ce  cri- 
me ,  quoiqu'elle  s'en  confelTiu  coupable. 

Il  eft  vrai  que  par  un  arrêt  du  parlement  de  Bor- 
deaux du  mois  d'août  1688,  un  particulier  a  été 
admis,  après  plus  de  vingt  ai-is ,  à  prouver  que 
fa  maifon  avoir  été  incendiée  par  le  fait  d'un  au- 
tre. Mais,  comme  l'obferve  la  Peyrère  en  le  rap- 
portant ,  lettre  P  ,  nombre  C6  ,  c'eft  que  dans  ce 
cas  il  n'y  avoir  point  de  délit,  &  qu'on  n'articu- 
loit  contre  l'incendiaire  qu'une  fimple  faute. 

On  exceptoit  anciennement  de  la  Prefcription 
de  vingt  ans  ,  le  cnme  de  fuppofition  de  part. 
Mais  un  arrêt  du  parlement  de  Paris  du  26  mars 
1665  ,  rapporté  par  Soefve ,  a  profcrit  cette  mau- 
vaife  jurifprudence. 

L'arrêt  général  du  parlement  de  Touloufe  dont 
nous  avons  déjà  parlé  ,  n'affranchit  pas  leulement 
de  la  Prefcription  le  crime  de  lèze  -  majefté  ,  il 
étend  la  même  exception  aux  autres  crimes  atro- 
ces ,  tels  que  l'ndultère  qualifié;  &  l'on  trouve 
dans  le  recueil  d'Albert,  à  l'endroit  cité,  un  ar- 
rêt du  21  mars  1657,  par  lequel  cette  cour  a  pro- 
noncé fur  une  accufation  intentée  contre  une 
f^mme  d'avoir  fait  tuer  fon  mari  vingt-lept  ans  au- 
paravant,  &  d'en  avoir  époufé  le  meurtrier  douze 
ans  après.  11  y  avoit  pourtant  une  circonflance 
bien  forte  en  fa  faveur  ;  on  n''avoit  informé  que 
vingt-quatre  ans  après  le  crime  commis. 

Mais  on  fent  bien  qu'une  pareille  jurifprudence 
efî  trop  contraire  aux  principes  pour  fubfiicer  long- 
temps dans  le  tribunal  qui  l'a  admife  ,  &  à  plus 
forte  raifon,  pour  fervir  d'exemple  aux  autres 
cours. 

Les  crimes  qui  font  demeurés  cachés  &  fans 
pourfuites  ,  fe  prefcrivent  ils  comme  ceux  qui  ont 
été  connus  &.  pourfuivis?  pourquoi  non  ?  Le  cou- 
pable des  uns  cfl ,  comme  celui  des  autres ,  expofé 
aux  agitations  &  aux  craintes  que  la  loi  regarde  , 
après  vingt  ans,  comme  une  expiation  fuffifante 
du  crime.  Il  y  a  d'ailleur«  même  danger  pour  1  al- 
tération ou  la  perte  totale  des  preuves  qui  peu- 
vent établir  l'innocence  de  l'accufé.  Ainfi  ,  quoi 
qu'en  difent  quelques  anciens  doflevirs  cités  par 
Boniface  a  l'endroit  indiqué  ci-après,  on  ne  doit 
pas  difluiguer  (i). 

Et  dans  le  fait  ,  les  arrêts  n'ont  pas  diftingué 
non  plus.  Poulain  du  Parcq ,  fur  l'article  288  de 
la  coutume  de  Bretagne,  en  rapporte  un  du  par- 
lement de  Rennes  du   15   janvier  1614,  quia  dé- 


(l) 'louflcau  de  la  Combe,  matières  criminelles  ,  partie 
3,  chapitre  i  ,  fct^ion  5  ,  nombre  4.  Dunwi,  des  Ptefciip- 
tions  ,  pattie  : ,  chapitre  3. 


4|.<;  PRESCRIPTION. 

cliré  la  Prefcription  acquifc  en  faveur  d'un  ac- 
culé ,  quoiqu'on  fourim  qu2  (on  crime  n'étoit 
connu  que  depuis  peu  ,  &  que  le  temps  ne  de- 
voir courir  que  du  jour  de  la  connoilTance  du  dé- 
lit &.  de  fon  auteur.  Il  ajoute  que  la  même  chofe 
avoir  éré  jugée  pvcriédemmenr  par  un  ariéc  rendu 
en  faveur  d'un  {jour  de  Grillemonr. 

iVl.  de  Catellan  ,  livre  7  ,  chapirre  i  ,  rapporte 
un  arrêr  du  pnrlemer.r  de  Touloufe  du  ii  mars 
J699  ,  qui  a  admis  la  Prefcription  de  vingr  ans  en 
faveur  d'un  curé  accufè  d'avoir  enlevé  quelques 
fenillets  de  fon  regiftre  baptiftaire  ,  ce  qu'on  n'a- 
voir découvert  que  long-temps  après. 

Le  recueil  de  Eoniface  ,  tome  2  ,  partie  3  ,  livre 
I  ,  titre  15  ,  chapitre  2  ,  nous  en  fournit  un  autre 
du  30  mai  1664,  par  lequel  le  parlement  de  Pro- 
vence a  jugé  que  la  Prefcription  du  crime  de  faux 
comniençoit  du  jour  qu'il  avoir  été  commis  ,  & 
non  du  jour  qu'on  en   avoir  eu  connoiflance. 

Mais  prenons  garde  d'étendre  ce  dernier  arrêt  hors 
de  fon  efpèce.  Il  ne  s'y  agifibit  que  d'une  accufation 
en  faux  principal  ;  &  pnr  ce;re  raifon  ,  elle  a  été 
déclarée  prefcrite.  Mais  ,  (ans  doute  ,  on  auroit  jugé 
bien  différemment,  s'il  eût  éré  queftion  d'une  inl- 
cription  en  faux  incident.  Cette  aéiion  ,  en  efiet , 
n'eft  jamais  intentée  que  par  forme  d'exception  ; 
or  ,  il  eft  de  principe  que  toute  exception  doit  du- 
rer autant  que  l'aclion  principale  contre  laquelle 
elle  eft  de  nature  à  être  propoCée  (i)  ;  il  ne  peut 
donc  pas  y  avoir  de  remps  limité  pour  s'infcrire  in- 
cidemment en  faux  :  cette  faculté  n'a  point  d'autres 
bornes  que  le  temps  réglé  pour  faire  ufage  de  la 
pièce  prétendue  fauffe.  Tant  qu'il  fera  permis  de 
produire  cette  pièce  en  jufiice  ,  il  le  fera  également 
de  l'arguer  de  faux,  &  de  la  faiie  rejeter  du  pro- 
cès. Autrement,  il  faudroit  dire  que  le  teitips  peiu 
changer  le  faux  en  vrai  ,  ce  qui  feroit  abfurdc. 
Enfin  ,  c'eft  ce  qui  a  été  jugé  par  arrêt  du  premier 
feptembre  1629  ,  rapporté  dans  les  obfcrvaiions  de 
Brode.ai  fur  Louet ,  lettre  C,  §.  47  ,  nombre  9. 

Mais  du  moins  dans  ce  cas  ,  la  Prefcription  de 
vingt  ans  n'a-t  elle  pas  lieu  pour  la  punition  du 
crime  ? 

Sans  doute,  elle  a  lieu  ;  &  cela  ne  fouffre  nulle 
difficulté  ,  lorfque  ce  n'c/I  ni  par  les  auteurs  du 
faux,  ni  par  leurs  complices,  qu'eft  faite  la  pro- 
duélion  de  la  pièce  faufie. 

Dans  le  cas  contraire  même  ,  Dunod  ,  partie  2  , 
chapitre  9,  paroît  décider  que  la  Prefcription  doit 
les  menre  à  couvert  de  la  peine  qu'ils  ont  méritée 
C'efî  aufCi  le  fenriment  de  Rou/Teau  de  la  Combe  , 
dans  fes  maiiéres  criminelles,  partie  i  .chapitre  2, 
feâion  2  ,  noi7:bre  18.  Mais  ils  font  contredits  par 
M.  Julien  dans  fon  commentaire  furies  fîatuts  de 
Provence  ,  tome  2,  page  591.  «  Si  celui  qui  fefert 
i)  de  la  pièce  fauffe ,  dit-il ,  en  a  été  l'auteur ,  ou  s'il 
«  en  connoit  la  fauaeté,  ne  doit-on  pas  dire  que 

(i)Cui  lemporalia  funt  adagendiimpctjctua  luntadexci- 
pienduni. 


PRESCRIPTION. 

»  la  produflion  tx  l'ufage  qu'il  fait  de  la  pièce  faufTe 
"  eft  un  nouveau  crime  ,  la  continuation  ou  plutôt 
»  la  confommation  du  crime  de  faux  pour  laquelle 
»  il  doit  être  puni .''  Pourquoi  le  crime  d'apoilafie 
»  n'eft-il  prefcrir  par  aucun  temps,  fuivant  la  loi 
»  4  ,  au  code  ,  de  apofljjis  ?  C'eft  parce  qu'il  fe  re- 
"  nouvelle  ik  fe  réitère  tous  les  jours ,  tant  que  le 
»  coupable  perfidie  dans  fon  apofltafie  ». 

Que  doit-on  dkider  relativement  à  la  fimonie  ? 
Deux  anciens  arrêts  ont  jugé  que  non-feulement 
elle  admet  la  Prefcription  de  vingt  ans  ,  mais  même 
qu'après  dix  ans  de  poiTeflion  paifible  ,  le  bénéfi- 
cier fimoniaque  eft  à  couvert  de  toute  recherche. 
Le  premier  de  ces  arrêts  a  été  rendu  au  parlement 
de  Paris  le  4  mars  1574  (i)  ;  le  fécond,  au  parle- 
ment de  Grenoble  le  13  mai  1609  (2). 

Depuis,  la  queflion  s'eft  repréfentée  dans  une 
efpèce  où  il  y  avoit  en  faveur  du  fimoniaque  &  de 
fon  réfignataire  ,  une  poffelfion  de  vingt-un  ans; 
par  arrêt  du  parlement  de  Paris  du  1 5  février  1655, 
rapporté  au  journal  des  audiences ,  il  a  été  jugé  que 
le  crime  n'étoit  pas  prefcrit  ,  &  le  réfignataire"  a  été 
évincé  par  un  dévoluraire. 

Vedel  fur  Catellan  ,  livre  premier,  chapitre  31, 
dit  qu'il  penchcroit  volontiers  j)Our  ce  dernier  pré- 
jugé. L'intérêt  de  l'églife  ,  (  obferve-t-il  ),  exige 
qu  un  crime  qui  fait  tant  de  ravages   dans  fon  fein, 
ne  puiffe  être  couvert  par  aucun  laps  de  temps. 

C'eft  aufii  l'opinion  de  M.  .^ulicn  ,  à  l'endroit 
déjà  cité  :  a  La  fimonie,  dit-il ,  n'ell  point  couverte 
"  par  la  paifible  pcffenion  de  plus  de  viiigt  ans,  & 
»  le  bénéfice  peut  être  imphré  par  dévolut  ,  tant 
»  que  le  fimoniaque  en  a  la  poffefiion  ,  comme  l'a 
»  remarqué  l'auteur  des  notes  fur  les  définirions 
"  ihi  droit  canonique  ,  titre  de  Lt  funonie  ,  nombre 
»  12,  page  838.  La  raifon  en  efl  que  la  fimonie  fe 
5>  continue  pendant  tout  le  temps  de  la  poffeifion 
»  fimoniaqua  ». 

Lîunod,  partie  2,  chapitre  9,  adopte  le  même 
fentiment ,  &  l'établit  fur  les  mêmes  raifons. 

Il  faut  en  dire  autant  de  l'ufure.  On  trouve  dans 
le  journal  des  audiences  un  arrêt  du  22  juillet 
171 -;  ,  par  lequel  il  a  été  jugé  que  ce  crime  ert 
imorefcriptible  ,  &  en  coniequ'ence  que  des  inté- 
rêts uuiraires  qui  avoientété  payés  volontairement 
pendant  quarante  années  ,  dévoient  être  reAitués 
par  l'attion  appelée  en  droit  cmdiFùo  indebiti, 

Lerédaéteur  du  journal  des  audiences  nous  ap- 
prend, à  cette  occaiion  ,  que  la  même  chofe  avoit 
été  jugée  par  wnu  arrêt  en  forme  de  réglemeiit,  du 
»  7  juillet  1707  ,  au  profit  dii  fieur  Rohatdt,  doyen 
»  de  la  nation  de  Picardie  ,  contre  le  fieur  de  (re- 
»  quet  ,  confeiller  au  préfidial  d'Amiens  ,  quoique 
»  l'obligation  contre  laquelle  le  fieur  Rohauit  ré- 
»'  clamoit ,  fut  du  29  oâohre  1647  ,  &  qu'elle  eût 
Y)  été  approuvée  &.  reconnue  par  difi'erens  actes 
»  fubféquens  ». 

(i)  Carondas,  d.Tns  fe^  obfervacions ,  vtrh.  béncfice. 
(ij  Baflct  f  tom;  i  ,  liyre  6,  titre  if  »  chapitre  i. 


PRESCRIPTION. 

Brodeau  fur  Louet ,  lettre  T ,  §.  6 ,  en  cite  deux 
beaucoup  plus  anciens ,  auxquels  il  femble  attri- 
buer la  même  décifion  ;  mais  il  n'en  préciCe  pas 
allez  l'eTpèce  pour  qu'on  puiffe  en  faire  une  appli- 
cation sûre. 

Remarquons  au  furplus  que  par  les  arrêts  de 
1655  ,  de  1707  &  de  1713  dont  il  vient  d'être  pnrle , 
il  n'a  été  pr-ononcé  aucune  peine  ,  foit  contre  le  G- 
moniaque,  foit  contre  les  ufuriers.  Ainfi  le  parle- 
ment de  Paris  femble  avoir  jugé  dans  ces  efpeces, 
que  la  peine  peut  être  prefcrite  ,  fans  que  l'intérêt 
civil  le  foir. 

En  eft-il  de  même  dans  les  autres  crimes?  On 
convient  bien  que  les  confifcations,  les  répara 
lions  civiles  ,  les  dominnges-iniéréts  qui  s'adjugent 
par  manière  de  peine,  fe  prefcrivent  avec  le  crime 
dont  ils  réfultent  ,  parce  que  ce  font  des  accef- 
foirtS  qui  ne  peuvent  pas  furvivre  à  leur  principal. 

AulTi  la  Peyrere  ,  lettre  P.  nombre  67  ,  rapporte 
un  arrêt  du  Parlement  de  Bordeaux  ,  du  16  juillet 
1666  ,  qui  décide  que  par  la  Prelcription  de  vingt 
ans  ,  l'accufé  eft  déchargé  ,  non-feulement  de  la 
peine  corporelle  ,  mais  encore  des  amendes  &  des 
dépens  auxquels  il  a  été  condamné  par  un  juge- 
ment de  contumace  non  exécuté  en  effigie.  C'ert 
ce  qui  a  encore  été  jugé  ,  fuivant  le  même  auteur  , 
nombre  66  ,  par  un  arrêt  du  18  Août  i663  ,  dans 
le  cas  d'un  parricide  pour  lequel  on  demandoit  des 
dommages-intérêts  après  les  vingt  ans  de  la  con- 
damnation par  contumace  non  exécutée.  On  pré- 
lendoit  que  l'aiiion  pour  les  dommages  -  intérêts 
duroit  trente  ans  ;  mais  le  parlement  de  Bordeaux 
décida  ,  comme  dans  l'eipece  précédente,  que  le 
principal  étant  prefcrit ,  l'acce/foire  l'étoit  auflî. 

■C'efîce  qu'ont  encore  décidé  deux  arrêts  du  par- 
lement de  Paris  ,  des  7  août  1681  ,  &  6  Juillet 
1703  ,  qu'on  trouve  dans  le  dictionnaire  des  arrêts  , 
au  mot  Prefcription  ,  nombres  3  ^  8f  36. 

Mais  la  difficulté  eft  de  favoir ,  fi  l'on  doit  ap- 
pliquer la  même  règle  au  cas  où  les  dommages- 
intérêts  forment  un  capital  par  eux-mêmes ,  comme 
lorfqu'ils  naiffent  d'un  fait  dont  le  criminel  a  pro- 
fité ,  &  pour  lequel  on  auroit  contre  lui  une  ac- 
tion perfonnclle  ;  d'un  vol ,  par  exemple,  ou  d'une 
wfurpation  violente  .'' 

Cette  queftion  a  finguliérement  partagé  les  opi- 
nions des  do61eurs  &  les  décinons  des  tribunaux. 

On  dit  pour  l'affirmative,  qu'on  ne  peut  repérer 
ces  chofes  du  criminel,  fans  le  convaincre,  &  qu'il 
feroit  abfurde  de  pouvoir  prouver  le  crime  fans  le 
punir;  qu'il  réfulteroit  de  cette  preuve  une  infamfe  , 
&  que  ce  feroit  une  peine  qu'il  n'eft  plus  permis 
d'infliger  ;  enfin ,  |ue  la  Prefcription  de  vingt  ans 
faifant  préfumer  l'mnocence  en  matière  criminelle  , 
comme  celle  de  trente  ans  fait  préfumer  le  titre 
&  la  bonn:  foi  en  matière  civile,  il  en  réfulte  une 
préfomptiony«r/i  6*  de  jure ,  qui  exclut  toute  preuve 
contraire. 

Cette  opinion  (répond  Dunod ,  partie  2,  cha- 
pitie  9  )  ,  «t  cette  opiiiioti  efl  contre  les  principes 


PRESCRIPTION.  447 

»  du  droit,  qui  donne  une  aélion  principale  qu'on 
'>  peut  exercer  pendant  trente  ans  par  Ja  voie  ci- 
»  vile ,  pour  répéter  ce  qui  a  été  volé  ou  ufurpé. 
»  Ce  n'eft  pas  le  crime  qu'on  pourfuit  ,  ni  la 
1)  peine  du  crime  qu'on  demande  ,  c'eft  la  refti- 
»  tution  de  fou  bien.  La  loi  dit  à  la  vérité  ,-qu'après 
»  vingt  ans  ,  le  criminel  fera  à  couvert  de  la  peine  ; 
»  mais  ce  n'eft  que  par  une  fin  de  non-recevoir , 
»  qui  ne  le  décharge  pas  de  rendre  ce  qui  ne  lui 
»  appartient  pas.  Il  ne  doit  pas  être  de  meilleure 
î>  condition  que  ceux  qui  fe  lont  emparés  du  bien 
»  d'autrui,  fans  commettre  un  crime  pnniiTable; 
"  &  c'efl  afitz  pour  lui  d'éviter  la  punition  qu'il 
)»  méritoit.  C'elt  une  grâce  que  la  loi  lui  fait,  qui 
"  ne  doit  pas  tourner  au  préjudice  de  la  partie  in- 
>»  tére;îée  ,  m  être  étendue  au-delà  de  la  difpofjtion 
"  6c  des  vues  de  la  loi.  La  mort  ,  qui  éteindroit  le 
>»  crime,  n'empêcheroit  pas  la  demande  en  refti- 
»  tution  de  la  chofe  volée.  Il  n'y  a  point  d'ab- 
V  liirdit:  qu'il  foit  prouvé  fans  qu'on  puilTeU;  punir , 
)>  lorfque  la  loi  en  a  remis  la  peine;  tout  comme 
»  il  n'y  en  a  point  à  laifTer  impunis  ceux  auxquels  le 
"  prince  a  tait  grâce  ,  quoique  leurs  crimes  ioient 
>y  prouvés.  La  preuve  qui  ne  tend  pas  à  la  puni- 
»  tion  du  crime,  peut  toujours  être  faite;  la  ien- 
)»  teuce  qui  fuivra  ,  n'emportera  pas  une  infamie 
»  de  droit  ;  elle  n'impofera  par  confêquent  aucune 
n  peine  ". 

Il  feroit  trop  long  de  rappeler  les  noms  Se  les 
textes  des  auteurs  qui  ont  pris  parti  entre  ces  deux 
opinions.  Contentons-nous  de  parcourir  les  arréis 
qui  les  ont  refpeétivement  adoptées  ou  profciites. 

Le  parlement  de  Paris  jugeoit  autrefois  que  la 
prefcription  de  l'adion  criminelle  n'éteignoit  pas 
l'ai^ion  civile.  Brodeau  ,  lettre  C  ,  §,  47  ,  rapporte 
un  arrêt  du  21  mars  i')'j2  ,qui,  en  déclarant  pref- 
crit par  vingt  ans ,  le  crime  de  vol  dont  une  partie 
étoif  accufée  ,  renvoyé  devant  le  {/remier  juge  poiir 
procéder  à  fins  civiles  fur  la  répétition  des  choies 
volées  .  &  il  ajoute  qu'il  en  exifle  plufieurs  autres 
fembiables. 

Mais  cette  jurifprudence  a  été  changée  par  un 
arrêt  du  27  janvier  1596,  rapporté  dans  les  œuvres 
de  M.  Servin  ,  tome  2  ,  article  70.  11  a  été  fuivt 
d  un  autre  du  22  janvier  1600  ,  lors  duquel  M.  le 
premier  préfident  avertit  les  avocats  de  ne  plus 
mettre  cette  maxime  en  problême.  C'efI  ce  que 
nous  apprenons  par  les  obfervations  de  M.  le  Prê- 
tre. Serpillon  ,  dans  Ion  code  criminel,  page  829  , 
en  cite  un  femblable  du  6  juillet  1603.  Il  y  en  a  en- 
core un  du  II  février  1604,  qui  efl  rapporté  par 
M.  Louet;  &  depuis  on  a  tenu  confîamment  que 
la  peine  du  vol  Si.  la  reftitution  de  la  chofe  fe  pref- 
crivert  en  même-temps. 

Que  juge  là-defTus  le  parlement  de  Touloufe  ? 
S'il  en  faut  croire  M.  de  Catellan  ,  livre  7  ,  chapitre 
I  ,  on  tient  d.ins  cette  cour  que  "  le  crime  n'eft  pas 
„ 'feulement  éteint  par  la  Prefcription  quant  à  la 
,,  peuie ,  mais  qu'il  l'ed  quaût  à  fe*  autres  luîtes  & 


44^ 


PRESCRIPTION. 


«  aux  dommages-intérêts  ,  parce  que  toute  la  dette 
j»  eft  préfumée  payée  ». 

Mais  ilparoît  que  cela  doit  être  entendu  dans  le 
fcns  de  Dunod.Car  l'oblervateurde  M.  de  Catellan 
remarque  un  arrêt  du  parlement  de  Touloufe  du 
14  août  1691  ,  par  lequel  il  a  été  décidé  que  «  quoi- 
j>  que  l'aé^ion  en  dommages-intérêts  comme  accel- 
»  foire  de  la  peine  due  au  crime  ,  foit  prefcrite  par 
«  le  laps  de  vingt  ans ,  il  n'en  eft  pas  de  même  de 
j>  l'aflion  qui  tend  à  la  reftitution  des  cliofes  déro- 
j>  bées...  Le  motif  de  cet  arrêt  (  continuet-il  ),  fut 
»  pris  de  la  difpofition  des  lois  qui  veulent  que 
«  quoique  le  crime  de  vol  foit  éteint  quant  à  la 
5»  peine  ,  il  vait  lieu  à  la  reflitution  des  objets  vo- 
>'  lés  (i)...  L'a£tion  en  reftitution  du  vol  n'eftpas 
«  proprement  accelToire  de  TaiSlion  pénale,  puif- 
j>  qu'on  aie  choix  de  l'une  ou  de  l'autre,  &  qu'on 
«  peut  laifler  la  criminelle  &  prendre  la  civile  >?. 

L'auteur  du  journal  du  parlement  de  Touloufe  , 
tome  I  ,§.  141 ,  page  327,  fait  auffi  mention  de 
cet  arrêt ,  &il  ajoute  que  depuis  il  en  eft  intervenu 
deux  femblables  ,  le  premier  du  7  mai  i6')'y  ,  &  le 
fécond  du  22  juillet  1709.  «  Il  a  paflé  (  dit- il  en 
>»  rendant  compte  des  circonftances  de  celui-ci  ), 
li  à  confirmer  la  fentcnce  qui  avoit  jugé  que  la 
>»  reflitution  des  chofes  volées  n'étoit  pas  prefcrite. 
î>  On  s'eft  déterminé  fur  les  principes  du  droit 
>»  écrit ,  qui  diAinguent  l'aflion  appelée  condiâio 
ï»  funi ,  de  l'ailion  pénale.  On  a  trouvé  que  dans 
«  l'ufage  du  royaume,  ces  deux  adtions  étoient 
3>  tellement  diflinctes,  que  dans  tous  les  procès 
5)  criminels  le  procureur  du  roi  ou  fifcal  peut  feul 
«  conclure  à  la  peine  ,  &  la  partie  aux  intérêts  ci- 
j>  vils  ». 

Le  parlement  de  Dijon  paroît  avoir  toujours 
conformé  fa  jurifprudence  à  ces  principes.  Par  un 
arrêt  du  16  janvier  1666,  il  a  jugé  »  que  dans  le 
>»  cas  de  meurtre  où  le  crime  ne  peut  être  féparé 
r*  des  réparations  civiles  ;  ces  réparations  font  pref- 
»  criptiblcs  par  le  même  temps  que  le  crime  ». 
C'efl  ce  qu'atteftent  Serpillon  dans  fon  code  crimi- 
nel, page  83  I,  8c  Taifand,  fur  la  coutume  de  Bour- 
gogne ,  titre   14,  article  premier. 

Mais  dans  les  cas  oii,  comme  le  dit  Dunod  ,  les 
dommages-intérêts  forment  par  eux-méines  un  prin- 
cipal ,  le  parlement  de  Dijon  ne  les  juge  prefcrip- 
tibles  que  par  trente  ans.  Raviot,  fur  Perier  ,  quef- 
tien  iio,  nombre  10,  en  rapporte  un  arrêt  du  8 
janvier  1673.  I^  ^"  ^  ^^^  rendu  un  femblable  le 
ji  juillet  1694:  la  partie  contre  laquelle  il  avoit 
prononcé,  en  a  pourfuivi  la  caffation  au  confti!  ; 
mais  la  requête  ayant  été  cominuniquée,  &  les 
moyens  qu'elle  contenoit,  réfutés,  arrêt  cfl  inter- 
venu le  2  mars  1695  ,  par  lequel  le  roi  étant  en  (on 
fonfeila  ordonné  que  celui  du  parlement  de  Dijon 

(  1  )  AûJoncs  f  X  deliiftis  defcendentes  adveifus  hcredes  dan- 
mr  ,  quarenùs  ad  eos  pervenit.  (  Loi  in  hi-redem  ,  P.  de  do!o 
malo  ).  Quia  tiirpia  lucra  hœredibus  extorquenda  funt,  licet 
ciimina  extinguantur  (  Loi  5  ,  P.  de  çalumniacoribus  ). 


PR  ESCRIPTION. 

feroît  exécuté  félon  fa  forme  &  teneur  (i).  On  a 
(uivi  en  cela,  les  principes  de  droit  romain  qui  fait 
loi  en  Bourgogne  dans  le  filence  de  la  coutume. 

Le  grand-confeil  en  a  décidé  de  même  par  ar- 
têt  rendu  le  30  aoijt  1677.  On  le  trouve  dans  le 
diâionairede  Brillon  ,  au  mot  Prefcription,  nom- 
bre 33. 

Le  parlement  d'Aix  a  adopté  la  dernière  jurif- 
prudence du  parlemenr  de  Paris. M.  Jullien  ,  à  l'en- 
droit déjà  cité  de  fon  commentaire  des  ftatuts  de 
Provence  ,  page  594  ,  en  rapporte  deux  arrêts  des 
25  février  i66a  &  30  mai  1664.  Boniface,  tome  2, 
partie  3,  livre  2,  titre  15  ,  chapitre  3  ,  nous  en 
retrace  un  femblable  du   22  mars  1645. 

C'ell  aufli  la  jurifprudence  du  parlement  de 
Rouen.  Bafnage  ,  article  143  ,  en  rapporte  un  arrêt 
du  22  avril  167 1 ,  qui ,  après  vingt  ans  ,  décharge 
un  voleur  de  chevaux  &  de  la  peine  &  de  la  ref- 
titution à  laquelle  il  avoit  été  condamné  par  une 
fentence,  dont  fa  fuite  avoit  empêché  qu'on  ne 
jugeât  l'appel. 

Mais,  comme  le  remarque  le  même  autenr  lorf- 
que  la  condamnation  des  rntérêts  civils  eA  en  der- 
nier reflbrt ,  elle  ne  fe  prefcrit  que  par  trente  ans  ; 
c'eA  ce  que  le  parlement  de  Rouen  a  décidé  par 
a  rrét  du  26  juin   1662. 

Voyons  maintenant  s'il  y  a  des  caufes  qui  peu- 
vent (ufpcndre,  interrompre  ou  eiîipêcher  la  prel- 
cription  dont  il  s'agit,  &  quelles  font  ces  caufes  ? 

1°.  On  a  vu  plus  haut,  liv.  i,  §.  7,  qu'il  ne  fautpns 
mettre  au  nombre  de  ces  caufes  la  minorité  de  la 
partie  intéreflee  à  rendre  plainte. 

2°.  Il  en  eA  de  même  de  la  guerre  &  des  troubles 
qui  agitent  l'état;  &  ce  qu'il  n'eA  pas  indiftêrent 
de  remarquer,  c'eA  que  quand  il  intervient,  au 
retour  de  la  paix  ,  un  édit  ou  une  déclaration  qui 
compte  pour  rien  ,  en  fait  de  Prefcription  ,  tout 
le  temps  qu'ont  duré  les  hoAilités,  on  ne  com- 
prend pas  les  aftions  criminelles  dans  la  dirpofi- 
tion  de  ces  lois.  Brodeau  ,  lettre  C  ,  §.  47  ,  dit  que 
par  l'arrêt  du  18  décembre  1599,  déjà  cité  plus 
haut,  &  par  un  autre  du  27  juillet  i6io,(t  il  tut 
»  jugé  que  la  Prefcription  avoit  couru  pendant 
»  les  troubles  ,  même  entre  perfonnes  de  divers 
»  partis,  l'article  59  de  ledit  de  Nantes  ne  s'en- 
M  tendant  que  des  Prefcriptions  en  matière  civile, 
»  &  non  en  matière  criminelle  ». 

3".  Les  pourfuites  qui  tendent  à  la  découverte 
&  à  la  punition  du  crime  ,  interrompent-elles  la 
Prefcriprion  .''  Il  eft  certain  que  la  plainte ,  l'infor- 
mation, le  décret  même ,  quand  il  n'eA  pas  exé- 
cuté, ne  produifent  aucune  interruption.  Brodeau 
fur  Louct ,  lettre  C  ,  §.  47  ,  r^ipporte  un  arrêt  du 
10  février  1607  ,  qui  l'a  ainfi  jugé,  dans  l'cfpèce 
d'un  crime  commis  en  1586,  fnivi  aii(îî-tot  d'une 
information  qui  avoit  été  décrétée.  Si.  pour  lequel 
on  avoit  encore  informé  en  1605  &  1606. 

(1)  Tail'and  fui  la  coutume  de  Boui^ogne  ,  titte  i  4  ,  arti- 
cle I  ,  note  5. 


PRESCRIPTION. 

On  trouve  anfli  dans  le  journal  des  audiences 
un  arrêt  du  6  juillet  1703  ,  qui  décide  que  «  la 
»i  Prefcription  du  crime  par  le  laps  de  20  ans  ne 
H  peut  être  interrompue  ....  par  une  fimple  pro- 
»  cédure  faite  pendant  le  cours  de  vingt  ans  ". 

Nous  pouvons  encore  appliquer  ici  un  arrêt  du 
parlement  de  Bordeaux  du  mois  d'août  1668  ,  qui 
a  jugé  u  que  la  Prefcription  commence  du  jour 
»»  du  crime  commis  ».  C'eft  ce  qu'attefte  l'anno- 
tateur de  la  Peyrere  ,  lettre  P  ,  nombre  67, 

Telle  eft  auifi  la  jurifprudence  du  parlement  de 
Touloufe.  Vedel  fur  Catellan  ,  livre  2  ,  chapitre 
69,  en  rapporte  un  arrêt  du  3  février  171a,  qui 
juge  que  u  la  Prefcription  de  vingt  ans  concernant 
»  les  crimes  commis,  ne  lailTe  pas  de  courir  & 
M  de  s'accomplir,  quoique  pendant  les  vingt  années 
»)  il  ait  été  fait  des  pourfuites  contre  le  prévenu  , 
»  Si.  qu'il  ait  été  même  rendu  un  arrêt  por- 
»  tant  que  les  recolleniens  vaudront  confronta- 
>»  tion  M.  (i) 

En  eft-il  de  même  d'un  décret  qui  a  été  exécuté  ^ 
Brcdeau  ,  à  l'endroit  que  nous  venons  de  citer , 
embrafle  U  négative  :  il  prétend  que  dans  ce  cas  , 
l'adion  criminelle  cft  perpétuée  jufqu'à  trente  ans  ; 
&  il  eft  fuivi  par  Taifand  fur  la  coutume  de  Bour 
gogne  ,  titre  14  ,  article  i  ,  note  5  ;  &  par  Baflet , 
tome  X  ,  livre  2  ,  titre  29  ,  chapitre  5  ,  &c. 
::  Il  paroît  bien  difficile  d'admettre  cette  opinion. 
Qu'eft-ce  qu'un  décret?  Un  fimple  interlocutoire  , 
un  afte  de  pure  inftrudion  :  exécuté  ou  non  exé- 
cuté ,  il  ne  change  point  de  nature  :  il  n'eft  lui- 
même  qu'une  procédure  imparfaite  ;  &  fous  cci 
afpeét  ,  il  ne  peut  rien  opérer  contre  la  Pref- 
cription. 

Cela  paroît  d'autant  moins  douteux  ,  que  par 
un  arrêt  du  parlement  de  Paris  du  20  décembre 
1613  ,  il  a  été  jugé  que  la  Prefcription  de  vingt 
ans  devoir  avoir  lieu  en  faveur  d'un  fratricide  . 
quoique  celui-ci  eût  été  non-feulement  décrété  & 
emprifonné  ,  mais  même  condamné  à  la  queftion  , 
&  qu'il  fe  fût  évadé  avant  de  fubir  cette  dure 
épreuve  (2). 

Auflî  trouvons-nous  dans  le  commentaire  de 
B.ifnage  fur  la  coutume  de  Normandie  ,  article 
143  ,  un  arrêt  du  parlement  de  Rouen  du  8  juin 
1660,  qui  juge  formellement  que  l'exécution  d'un 
décret  de  prife  de  corps  n'interrompt  pas  la 
Prefcription  de  vingt  ans. 

(O"  1 .1  railbn  déteniiinante  de  cet  arrêt  ,  dit  le  mcme  au 
»  ttur,  futquc  quoiqu'en  iratièrc  civile  les  pourfuites  em- 
»  pèchent  toute  péremption  d'inftance,  il  n'en  eft  pas  de 
=  nierac  en  matière  de  crimes  ,  dans  lefquels  la  Prefcription 
>»  cft  fans  doute  plus  Favorable,  puifqu'elle  tend  à  mettre  le 
'»  coupable  à  l'abti  de  la  peine  ,  &  qu'il  eft  de  maxime  ,  que 
»  pieii.e  moUienJr  funt  poilus  qu.im  exdfpemnda ,  kg.  4,1  ,  f . 
n  de  pœn.  Que  d'ailleurs  cette  Prefcription  de  vingt  ans  eii 
»  introduite  en  faveur  de  l'innocence  pour  laquelle  la  loi 
«  penche  toujours,  fuivanc  l'orateur  lOmain  en  l'oraifon  , 
"  pro  Mureena  ,  homines  in  capitispinçulis  ttUm  alienijfimii 
»  favent  ■». 

1)  Brodeau  .  loc.  cit. 

Tome  Xlllt 


PRESCRIPTION,  449 

Un  autre  arrêt  de  la  même  cour  dli  2î  avril 
1671  ,  a  encore  admis  cette  Frefcption  en  faveur 
d'un  accufé  qui  s'êtolt  échappé  dans  le  tetîips 
qu'on  le  conduifoit  pour  faire  juger  1  appel  d'une 
fentence  par  laquelle  il  étoit  condamné  au  f)uet. 

Enfin  ,.le  jugement  même  par  contumace  ,  quoi- 
que définitif,  ne  fuffit  pas  pour  interrompre  la 
Prefcription  ,  &  il  n'y  a  qu'une  exécution  par 
effigie  qui  puiffe  étendre  à  trente  ans  la  durée  de 
l'aflion  criminelle. 

Brodeau ,  à  l'endroit  indiqué  ci-defTus  ,  nous 
retrace  un  arrêt  du  4  mars  1623  ,  qui  déclare  pref- 
crite  une  accufation  dont  l'objet  étoit  un  crime 
commis  en  1594  ,  SiC.  qu'avoit  fuivi  en  1604, 
une  fentence  de  condamnation  par  contumace 
qu'qn  avoir  laiffée  fans  exécution. 

Le  journal  des  .  audiences  nous  offre  un  arrêt 
femblable  du  22  mars    1653. 

Il  en  a  été  rendu  un  pareil  à  Rennes  le  3  juillet- 
1664,  Il  eft  rapporté  par  Hévin,  fur  l'article  288 
de  la  coutume  de  Bretagne. 

Le  parlement  de  Provence  a  jugé  de  même  par 
arrêt  du  il  mai  1735.  André  Perreimond  avoit 
été  accufé  par  le  procureur  jurididionnel  du  lien 
de  Valauris  ,  de  crime  de  vol  avec  effradion  ,  & 
il  étoit  intervenu  une  fentence  par  contumace  le 
27o6lobre  17 14,  qui  le  condamnoit  à  la  mort.  Plus 
de  20  ans  après  le  crime  commis,  ôc  20  ans  moins 
deux  jours  après  cette  fentence,  Perreimond  étant 
détenu  dans  les  prifons  d'Aix,  fur  une  accufation 
de  contrebande  doit  il  fut  abfous  ,  le  procureur- 
général  le  fit  recommander  par  afte  du  26  octo- 
bre 1734,  8c  il  fut  en  confcquence  renvoyé  de- 
vant le  juge  de  Valauris  ,  qui  le  condamna  une 
féconde  fois  à  la  mort.  Il  interjeta  appel  de  la  fen- 
tence &  préfenta  une  requête  en  caffation  de  la 
procédure.  La  caufe  portée  à  l'audience ,  fon  dc- 
fenfeur  foutint  que  la  condamnation  par  contu- 
mace n'ayant  point  été  exécutée  ,  il  n'en  étoit  ré- 
fulté  aucune  interruption  ,  8c  qu'ainfi  l'aâion  cri- 
minelle étoit  prefcrite.  En  efîet ,  par  l'arrêt  cité  ,  la 
cour  déclara  le  crime  prefcrit  8c  l'accufation  non- 
recevable.  C'eft  à  M.  Julien  que  nous  femmes  re- 
devables de  la  confervation  de  cet  arrêt  :  il  le  rap- 
porte dans  fon  commentaire  fur  les  ftatuts  de  Pro- 
vence ,  tome  2  ,  page  589. 

La  Peyrere  ,  lettre  P  .  nombre  66  Sc6j  ,  en  cite 
trois  du  parlement  de  Borde:jux  des  28  avril  1664  , 
16  juillet  16668c  18  août  1668,  qui  ont  jugé  iden- 
tiquement la  même  chofe. 

Un  autre  arrêt  de  la  même  cour  du  20  août  1701 
a  été  plus  loin  :  il  a  jugé  qu'un  homme  condamné  à 
mort  par  un  jugement  de  contumace  qui  étoit  de- 
meuré fans  exécution  ,  s'étant  marié  pendant  les 
vingt  ans  ,  fon  mariage  devoir ,  après  ce  terme  , 
jouir  des  effets  civils  ,  parce  qu'au  moyen  de  l'inexé- 
cution de  la  fentence  ,  on  ne  pouvoit  pas  dire  qu'il 
eût  jamais  été  mort  civilement. 

Cet  arrêt  eft  encore  rapporté  par  la  Peyrere  , 
mais   dans   un  autre   encroit  que  les  précédens. 

LU 


450  PRESCRIPTION. 

C'eft  fous  la  lettre  C,  nombre   187,  édition  de 
1706. 

L'additionnaire  de  cet  auteur  prétend  ,  fous  la 
lettre  P ,  nombre  Cj  ,  qu'il  en  {"eroit  différemment , 
li  A  la  circon'lance  d'une  condamnation  par  contu- 
mace non  exicutée ,  lé  joignoit  celle  du  bris  de 
prifon  ;  Si  il  rapporte  un  arrêt  du  même  parlement 
de  1690  ,  qui  a  jugé  qu'en  ce  cas  il  n'y  a  point  lieu 
à  la  prcl'ctiption  de  vingt  ans,  parce  que  le  coupa- 
ble ne  doit  point  tirer  avantage  de  fon  évafion  ,  & 
qu'jl  eA  develiu  ,  par  fa  capnrc  ,  un  p;ag:  di  iufticc. 
Mais  ,  comme  Tobierve  Dunod  ,  partie  2,  cha- 
pitre 9  ,'Cette  décifjon^paroit  lubtiU  &•  riçoureufc, 

il  y  a  encore  bien. plus  tic  âibtilité  &  de  rigueur 
dans  un  autre  arrêt  du  même  parlement  que  rap- 
porte pareillement  l'annotateur  delà  Peyrere^Sc 
4ju'il  date  du  17  août  1690.  Selon  ce  jugement  ^  '1 
fuflit  qu'on  ait  été  arrêté  &  mis  fous  la  garde  d'un 
huirtîer ,  avant  l'expiration  de  vingt,  axis  ,  pour 
qvfon  ne  puiffe  plus  invoquer  k  Prefcr^ption  rê"-' 
lultante  de  ce  terme.    .  '  ■'■ 

Lorfque  la  fentence  par  contumaceaété  exécu- 
tée en  enlgie ,  nill  douté  que  la  Prefcription  de 
vingt  ans  ne  doive  ceffer.  L'accufateur  ayant  fait 
exécuter  la  fentence  autant  qu'il  dépëndoit  de  lui, 
on  ne  peut  lui  rien  imputer ,  &.  la  diligence  "qu'il  a 
faite  perpétue  fon  a£lion  jufqu'à  trente  ans.  C'eft 
ce  qui  a  été  jugé  par  pluiisurs  arrêts.  Brodeau  fui* 
Louet ,  lettre  C  ,  §,  47  ,  ea  J'apporte  undu  19  mars 
1642  ,  dansTclpêce  iluquel  il  y'avoit  trcnie-un  ans 
que  le  crime  avoir  étfé  commis,  &  vingt-huit  ans 
que  l'exécution  avoit  été  faite  par  effigie  :  la  cour 
a  juge  que  la  Prefcription  n'étoit  pas  acquife  ,  & 
i'accufê  a  été  renvoyé  devant  le  premier  juge  pour 
fubir  toute  la  riguetir  del'inAruiftion  criminelle. 

C'eft  ce  qu'ont  encore  jugé  deux  arrêts  des  21 
feptembre  1624  tk  6  avril  1625  :  ils  font  rapportés 
par  Bafnage  ,  fur  l'article  143  de  la  cou.ume  de 
Normandie. 

Le  même  auteur  en  cite  un  femblable  rendu  au 
parlement  de  Rouen  le  27  juillet  1645. 

La  Peyrcre  ,  lettre  P  ,  nombre  67,  afliire  que  la 
jurifprudence  eft  la  même  fur  ce  point  au  parle- 
ment de  Bordeaux  :  "  nous  pratiquons,  dit-il ,  que 
M  quand  il  y  a  eu  exécution  en  effigie  ,  il  faut  trente 
■>■>  ans  ». 

Dans  les  cas  où  il  n'y  a  pas  lieu  à  cette  manière 
d'exécuter,  la  fignification  de  la  fentence  produit 
le  même  effet.  «  il  a  été  jugé  au  parlement  de  Bor- 
M  deaux  en  1703  ,  dit  l'additionnaire  de  l'auteur 
«  cité  ,  que  quand  il  y  a  eu  fentence  de  banniffe- 
»  ment  fignifiée,  il  faut  trente  ans  pour  prefcrire  '>. 
Mais  de  quel  moment  doit  courir  la  Prefcription 
de  trente  ans  ,  qui ,  fuivant  ce  qu'on  vient  d'établir , 
eft  la  feule  admifc  dans  le  cas  de  l'exécution  en 
effigie  ,  ou  de  la  fignification  q.ui  en  tient  lieu  } 

Puifque  la  Prefcription  de  vingt  ans  fe  compte 
du  jour  du  crime,  il  fembleroit ,  au  premier  abord, 
qu'il  en  dût  être  de  même  d^;  celle  de  trente  ans, 
qui  j  dans  le  cas  propofé,  en  prend  la  place. 


PRESCRIPTION. 

Cependant  il  eft  reconnu  généralement  que  cette 
dernière  Prefcription  ne  commence  à  courir  que  du 
jour  de  l'exécution.  Pourquoi  cela  ?  C'eft  ,  répond 
M.  Julien  dans  l'ouvrage  déjà  cité  ,  page  594, 
«  parce  que  les  jugemens  définitifs  forment  une 

'  Il  obligation  contre  la  partie  condamnée ,  &.  que  de 
"  cette  obligation  il  naît  une  aâion  perfonnelle  qui 
»   dure  trente  ans  ». 

-Cette  Prefcription,  dit  encore  le  même  auteur, 
«  n'a  lieu  que  du  jour  de  l'exécution  ,  parce  que  ce 
»  n'efi:  que  de  ce  jour  que  le  jugement  acquiert  la 
w  publicité,  &  elt  cenfé  avoir  été  prononcé  à  l'ac- 
»  eu  fê  «. 

Il  en  feroit  de  même  ,  fuivant  de  la  Combe  ,  fi 
la  fentence  étant  contradiftoire  ,  le  condamné  s'é- 
loit  enfuite  évadé.  On  a  cependant  prétendu  que 
dans  ce  cas  il  ne  pouvoit  pas  y  avoir  de  Prefcrip- 
tian  ;  mais  le  contraire  a  été  formellement  décidé 
parua-  arrêt  du  10  avril  i6i.ç.  L'efpèce  en  eft  très- 
particulière.  Un  homme  condamné  à  mort  pour  un 
crime  capital  ,éft  renvoyé  .fur  les  lieux  pour  être 
exécuté  ;  pendant  qu'on  le  conduifoit  au  fupplice  , 

;il  trouve  lié)  moyen  de  s'évader.  Quarante  ans 
après  ,  il  eft  repris.  Le  juge  du  lieu  ,  à  la  requête 
des  perfonnes  inréreffées  dans  l'affaire  ,  informe  de 
(i  fuite  ,  à  l'effet  de  mettre  à  exécution  l'arrêt  rendu 

^quarante  ans  auparavant;  l'appel   de  cette  pvocé- 

'dure  ayant  été  porté  à  la  Tournellc  ,  M.  l'avocat 
général  le  Bretm  voir  que  la  Prefcription  de  trente 
ans  avoit  fuffi  pour  anéantir  &  la  condamnation 
prononcée  contre  cet  homme  ,  &  fon  êvafion  pof- 
térieure  dont  on  prétendoit  lui  faire  un  nouveau 
crime.  "  Car,  dit  ce  magifîrat,  Ci  en  matière  civile 
»  l'aêlion  ex  judicaio  ie  prefcrit  par  trente  ans  y 
»  pourquoi  ne  fcroit-on  pas  le  femblable  en  ma- 
»  tière  criminelle  ,  qui  eft  de  bien  plus  grande  im- 
»  portance  ,  attendu  la  maxime  générale  qui  veut 
V  qu'en  telles  affaires  la  Prefcription  de  vingt  ans 
»  fuffife  »  .'  C'efl  pourquoi  fes  concUiiions  turent 
h  ce  qu'on  mît  l'appellation  &  ce  au  néant ,  &  à  ce 
que  les  prifons  fuffent  ouvertes  à  l'appelant.  Ceft 
auffi  ce  qui  fut  jugé  par  l'arrêt.  Il  a  été  recueilli  par 
M.  le  Bret  lui-même  ,  au  nombre  de  fes  d ';cifions 
notables ,  livre  6  ,  décifion  3. 

Quels  font  les  effets  de  cette  Prefcription  .?  Cette 
queftion  eu  de  la  plus  grande  importance  :  elle  mé- 
rite d'être  approfondie. 

D'abord  ,  la  Prefcription  a-t-elle  un  effet  re- 
troa(aif  en  faveur  du  condamné  par  contumace,  & 

.  rhabilite-t-elle  à  recueillir  les  fucceffions  qui  lui 
font  échues  avant  l'expiration  de  trente  ans  ? 

Il  y  a  quatre  arrêts  pour  la  négative  :  l'un  du  par- 
lement de  Paris  du  15  mai  1665  (i)  ;  l'autre  du 
parlement  de  Bordeaux  du  28  août  1669  (2)  ;  le 
troifiême  du  parlement  de  Toulonfe  du  14  février 
1681  (3);  le  quatrième  ,  du  parlement  de  Dijon 


[1]  Soefve,  tonne  a,  centurie  j. 

[1]  La  l'ey-ete  ,  lettre  S  ,  noiubve  m, 

Cj]  CatclJan  ,  livte  i,  cbapitie  «£. 


::i^ 


PRESCRIPTION. 

du  9  août  1686  (t).  Le  premier  eft  même  d'autant 
plus  remarquable  ,  qu'il  érend  l'incapacité  du  crimi- 
nel jufqu'aux  enfans  nés  après  Ta  condamnation. 

Et  il  ne  faut  pas  croire  que  ces  arrêts  foient  ton- 
trariés  par  celui  du  parlement  de  Bretagne  du  3 
juillet  1664  ,  quicft  rapporté  dans  les  notes -d'Hé- 
vin  fur  l'article  288  de  la  coutume  de  cette  pro- 
vince ,  ni  par  celui  du  parlement  de  Bordeaux  du 
16  juillet  1666  qu'on  trouve  dans  la  Peyrere  ,  lettre 
P  ,  nombre  67.  Car  s'ils  ont  admis  des  condamnés 
par  contumace  à  recueillir  des  Cucceflions  échues 
avant  Si  après  leur  condamnation  ,  mais  antérieure- 
ment à  l'époque  oi4  la  Prefcription  avoit  étéacquife, 
c'eft  parce  qu'il  n'y  avoit  eu  contr'eux  aucune  exé- 
cution ni  par  effieie  ni  autrement. 

On  fent  la  diftérence  de  cette  hypothèfe  d'avec 
la  précédente  :  &  Poulain  du  Parcq  l'êxpofe  très- 
bien  dans  fa  note  fur  le  paffage  cité  d'Hévin.  a  Par 
«  l'article  28,  dit-il,  du  titre  des\difj.uti  &  contumaces 
«  de  l'ordonnance  de  1670,  les  cinq  ans  de  la  contu- 
i)  mace  ne  commencent  que  du  jour  de  l'exécutiun 
»>  des  jugemens  de  condamnation.  Ainfi  ce  délai 
»  ne  peut  courir  pendant  que  le  jugement  n'eft  pas 
1»  efRgié  ;  &  la  Pvef:riptlon  de  vingt  ans  tvirvenant 
«  avant  que  les  cinq  ans  de  la  contumace  aient 
>»  commencé  de  courir,  l'accufé  n'a  pas  perdu  ,  un 
V  Iciil  moment,  fon  état  de  citoyen.  On  ne  peut 
»  donc  pas  l'en   priver ,  lorfque  le  jugement'nou 
3>  exécuté  eu  éteint  par  la  Prefcription.  —  Au  con- 
»  traire,  quand   le  jugement  de  contumace  a  été 
»   exécuté  par  effigie  ou  par  tableau  ,  la  privation 
j>  du  droit  de  citoyen  ,  &  de  tous  les  effets  civils , 
ï»  a  fon  exécution.   Ainfi  dans  cette  partie  on  ne 
"  peut  pas  douter  que  le  jugement  n'ait  toujours 
»  fubfifté,  parce  que  la  Prefcription  contre  un  ju- 
I»  gement  n'a  pu  courir  pendant  qu'il  a  eu  fon  exé- 
M  cution.  La  peine  capitale  prononcée  par  le  même 
«  jugement  n'ayant  point    eu  d'exécution    par  la 
»  fuite  de  l'accufé,  il  eft  évident  que  cette  partie 
n  du  jugement  a  été  fujette  à  la  Prefcription  ,  fans 
>>   que  cette  Prefcription  ait  pu  s'étendre  à  la  priva- 
"  tion  des  effets  civils  &  du  droit  de  citoyen  ,  !a- 
V  quelle  a  toujours  eu  entière  exécution  pendant 
M  que  la  Prefcription  couroit  contre  ta  peine  ».  ' 

Mais  que  déciderons-nous  par  rapport  aux  fiic- 
ceffions  échius  après  que  la  Prefcription  de  trente 
-ans  eft  entièrement  acquife  &  confommée  >  Voici 
une  efpèce  célèbre  dans  laquelle  cette  queftion  a 
été  traitée  avec  profondeur  Si  jugée  avec  éclat. 

Du  mariage  de  Louis  Tillette  ,  chevalier ,  fei- 
gneur  d'Acbeux  ,  &  de  Marguerite  Fleurton  ,  font 
wés  plufieurs  enfans. 

François  Tillette  d'Acheux ,  qui  étoit  l'aîné  ,  fut 
condamné  à  mort  par  fentence  de  contumace  ren- 


[1]  Râviot ,  queilicn  18^.  Cet  airêt  eft  dans  l'erpcçe  d'un 
fidtjcciMinis  qui  s'ctoit  ouvert  .iprès  I.i  condamnation  car  con- 
tumace. On  a  iuE;;c]U(:  le  coupable  avoiî  fait  p!»c;  au  d.-gré 
fuiv.inr,  Se  que  la  l'refcriptioH  de  fon  crime  n'Avoir  point 
nl'effet  rctroaiiif. 


'  p:re'SCript.[ON.       451 

ih\z  au  bailliage  d'Amiens  le  29  niii  16S8;  &  le 
3  juillet  fuivant,  cette  fenTeace^,£^t  excquàei  païf 
effigie.  -,  a'  'i  ;'  k  c    ■      '  /  ' 

Trente  ans  après  cette  condamnation  ,  François 
Tillette  d'Acheux  ayant  prefcrit  la  peine  ,  revitit 
dans  le  pays  ,  6c  chercha  à  s'y  marier. 

Le  fieur  de  la  Boiffiere  ,  l'un  de  fes  frères, forma 
oppofition  à  fes  bans;  mais  une  fenrence  de  la  fé- 
ncchauflée  ordonna  qu'il  feroit  paffé  outre  h  la  cé- 
lébration dn  mariige  ,  &  fur  l'appel  qu'en  inter- 
jeta le  fieur  de  la  Boiffiere  ,  elle  fut  confirmée 
avec  amende  &  dépens  par  arrêt  du  i3aoi!iti720. 
Cet  arrêt  n'évcit  pas  ,  dans  le  fieur  d'Acheux, 
une  preuve  de  Textiné^ion  de  la  mort  civile.  Auflî 
ayant  voulu  faire  valoir  la  Prefcription  pour  fe 
mettre  en  poffeffion  des  biens  de  fa  mère  &.  de  fes 
frères  décédés  poflérieurement  à  l'époque  oii  elle 
s'étoit  trouvée  acquife  ,  le  fieur  de  la  Boiffiere  qui 
avoit  le  droit  d'aineffe  ,.a  foutenn  qu'il  étoit  norj- 
recevable  comme  mort  civilement  ;  &  le  fieiir 
d'Acheux  a  été  en  effet  déclaré  tel  par  fentence  da 
bailliage  d'Amiens  du  9  février   1735. 

Le  ficur  d'Acheux  a  interjette  appel  de  cette  fen- 
tence ;  &  il  s'ed  efforcé  de  faire  voir  que  la  mort 
civile  doit  fe  prefcrire  par  trente  ans. 

«  Il  faut ,  difoit-il  ,  diltinguer  deux,  fones  d'inté- 
rêts ,  l  intérêt  particulier  &  l'intéiût  public.  L'inté- 
rêt particulier  eff  la  réparation  due  à  l'offenfé  ;  l'in- 
térêt public  eft  la  punition  du  coup.ible,  &  quoique 
la  punition  ne  foit  pas  exécutée  par  la  faite  de  l'ac- 
cufé ,  la  partie  publique  ne  laine  pas  d'être  fatis- 
faite. 

1)  Quelque  part  que  foit  l'accufé ,  on  fe  repré- 
fente  fes  inquiétudes  &  fes  allarmes  ;  on  fo  fait 
une  image  de  fa  mifere  &  de  fes  peines  ;  on  ne 
doute  pas  que  fa  confcience  &  fes  remords  ne  le 
jugent  &  ne  l'exécutent  fans  ceffe  ,  s'il  eft  crimi- 
nel ;  &  on  conçoit  qu'un  homme  ainfi  agité  eu  , 
en  quelque  manière,  plus  à  plaindre  de  voir  jour 
ik  nuit  le  glaive  de  la  juflice  fufoendu  fur  fa  tète, 
que  fi  un  prompt  fupplice  avoit  mis  fin  àfes  jours 
malheureux. 

)»  Cet  état  eft  fi  terrible  aux  yeux  de  la  raifon  & 
de  l'humanité,  qu'on  a  cru  devoir  le  limiter  à  vingt 
ans  ;  &  fi  alors  le  condamné  à  mort  efl  à  l'abri  de 
la  peine  ,  ce  n'eft  pas  pour  avoir  eu  le  bonheur  de 
furvivre  vingt  ans  à  fon  criitic  .  c'eft  au  contraire 
pour  avoir  eu  le   malheur  d'er.   fupporrer  le  pc'ds 
en  foi-méme  pendant  un  fi  long  temps.  On  pré- 
fume qu'une  h  longue  pénitence  l'a  fuiiifamment 
corrigé.  Cette  préfomption  e^  fi  jufte  ,  que-  l'églifc 
même,  dans  fa  plus^grande  févérité,  n'itrjpofoit  aux 
homicides  volontaires  qu'une  excommunication  de 
la  même  durée  ,  après  laquelle  elle  les  rérabliffoit 
dans    la  communion    comme    purifiés.    Combien 
donc  une  expiation  de  trente  années  doit  elle  pa- 
roître  fufiifante .-'  Quoi  qu'il  en  foit ,  il  cft  certain 
qu'après    un  tel    la^s  de  temps,  le  condamné  k 
mort  n'a  plus  rien  à  craindre  ni  de  la  partie  civile 
ni  du  miniiière  public.  ,  j 

Lllij 


451  PRESCRIPTION. 

»  Ces  deux  intérêts  étant  enfin  appaifés  &  fatîf- 
faits  ,  quelle  apparence  qu'il  y  ait  encore  quelque 
peine  à  fubir  par  le  condamné  à  mort  ainfi  reftitué 
à  la  vie  ?  En  vain  voudroit-on  fuppofer  qu'il  de- 
meure perpéïuellement  dans  les  liens  de  la  mort 
civile.  Cette  idée  ne  peut  être  accueillie  que  de 
ceux  qui  font  plus  prêts  a  décider  qu'à  raifonner  , 
&  qui  croyent  que  plus  leur  décifion  eft  rigou- 
reufe  ,  plus  elle  doit  paroître  grave  &  réfléchie. 

»  En  effet ,  qu'eft  ce  que  la  mort  civile  ?  Pour  ne 
point  parler  de  celle  des  religieux  dont  il  ne  s'agit 
pas  ici ,  la  mort  civile  eft  l'état  de  ceux  qui  (ont 
condamnés  à  la  mort  ou  à  d'autres  peines  qui  em- 
portent la  confifcation  des  biens;  état  qui  les  rend 
incapables  d'efter  en  jugement ,  de  contraQer,  de 
fuccéder,  de  tefter  ;  incapables,  en  un  mot,  de  tous 
les  aâes  de  la  fociété  civile  (i).  Mais  cet  état ,  il 
a  fa  caufe  :  c'eft  la  condamnation  qui  elle  même  le 
produit ,  ou  le  crime  du  condamné,  s'il  eft  con- 
vaincu dans  les  formes,  ou  fa  contumace,  fi  fon 
procès  lui  a  été  fait  par  défaut.  Dans  ce  dernier 
cas  qui  eft  notre  efpèce  ,  la  loi  veut  que  fi  le  con- 
damné ne  fe  repréfcnte  point  dans  les  cinq  ans  du 
jour  de  l'exécution  figurative  ,  il  foit  réputé  mort 
civilement  dès  ce  même  jour  ;  &  pourquoi  ?  Ceft 
qu'après  les  cinq  ans  ,  la  condamnation  eft  réputée 
contradidloire  ,  &  que  le  condamné  étant  regardé 
comme  mort  à  la  nature,  il  feroit  abfurde  de  ne  le 
pas  regarder  comme  mort  à  la  fociété.  Il  eft  donc 
évident  que  la  mort  civile  en  foi  n'eft  autre  chofe 
qu'une  ûdlion  :  ici,  même  ,  elle  n'eft  qu'un  fécond 
degré  de  fidion. 

»  Or  tout  l'effet  qu'on  peut  attribuer  à  une  fic- 
tion ,  doit  affurément  fe  borner  a  celui  de  la  vérité  ; 
cette  propofition  fera  d'autant  moins  conteftée  , 
qu'il  eft  certain  en  droit  que  la  mort  civile  n'équi- 
pole  point  à  la  mort  naturelle  ;  ce  qui  eft  fi  vrai  , 
qu'elle  ne  fait  point  ouverture  au  douaire  (2)  ; 
ainft  dès  que  le  condamné  ctf^e  d'être  regardé 
comme  mort  à  la  nature,  il  eft  d'une  conféquence 
nécefiaire  qu'il  renait  à  la  fociété.  S'il  peut  en  toute 
sûreté  paroitre  parmi  les  citoyens  ;  fi  fon  crime  eft 
prefcrit  &  fa  condamnation  anéantie  ;  fi  ni  partie 
publique  ,  ni  partie  privée  ne  peut  plus  l'inquiéter  , 
il  eft  donc  lui-même  au  nombre  des  citoyens  ,  &  i{ 
en  peut  faire  tous  les  aâes  du  jour  qu'il  y  eft  réin- 
tégré ;  ou  bien  il  faudroit  dire  que  la  fiétion  eft  plus 
puiffante  que  la  vérité  dont  elle  n'eft  que  l'ombre; 
que  l'effet  fubfifte  après  la  ceffation  de  la  caufe;  que 
le  plus  ne  renferme  pas  le  moins;  &  qu'enfin  ,  le 
condamné  quia  prefcrit  contre  fa  condamnation, 
eft  toujours  néanmoins  fous  le  joug  de  celte  con- 
damnation ,  quoique  prefcrite.  Tant  d'abfurdités 
peuvent-elles  entrer  dans  un  efprit  raifonnabie  ? 

»  Il  n'y  a  que  l'imprefcriptibilité  du  crime   qui 
tend  la  mort  civile  imprefcriprible.  Ccftune  excep- 


f  il  Domat,  lois  civiles,  livre  pttJimin.  tit.  z. ,  (eâion  2  ^ 


a.  i  i^' 


^li  Voyez,  fur  cstte  aff«:ào0,rartitcfe  DoVAiRE, 


.  :i 


PRESCRIPTION 

tion  qui  confirme  la  règle  générale  ,  ou  plutôt  c'eft 
une  féconde  règle  qui  n'eft   qu'une  fuite  &  une 
conféquence  de  la  première  ;  ainf;  les  condamnés 
pour  crime  de  lèfe-niajefté  demeurent  perpétuelle- 
ment dans  la  mort  civile  ,  parce  que  ce  crime  ,  le 
plus  énorme  de  tous  ,  eft  imprefcripril  le  de  fa  na- 
ture: mais  comme  c'eft  le  feul  de  cett-.;  efpèce  ,  il 
eft  certain  que  le  condamné  pour  tout  autre  délit, 
peut  efpérer  que  le  temps  le  fera  rentrer  en  grâce 
avec  la  loi  ;  c'eft  pourquoi  le  condamné  à  mort 
pour  crime  même  de  parricide  n'eft  pas  privé  de 
cette  efpérance.  Si  après  qu'il  a  prefcrit  contre  fa 
condamnation  ,  il  demeure  déchu  du  droit  de  fnc- 
céder  ,  ce  n'eft  point  qu'il  foit  incapable  des  effets 
civils  en  général ,  mais  c'eft  qu'il  eft  indigne  d'exer- 
cer celui  ci  fpécialement ,  ÔC  de  participer  jamais 
au  bien  d'une  famille  dans  laquelle  il  a  dérangé  l'or- 
dre de  fuccéder  ;  car  au  furphis  on  n'a  jamais  con- 
tefté   qu'il   ne  piàt  contraâer  ik  faire  tous  les  au- 
tres afles  de  citoyen. 

«  Quand  on  veut  approfondir  les  caufes  de 
»>  ces  différences  ,  on  découvre  bientôt  qu'elles 
i>  fondées  fur  de  grandes  raifons. 

»  Les  hommes  naiffent  à  leurs  familles,  qui 
w  elles-mêmes  font  à  l'état  ;  Si.  de  même  que 
"  chaque  famille  a  fon  chef,  de  même  toutes  les 
»  familles  enfemble  reconnoiffent  un  chef  com- 
»  mun  dans  la  perfonne  du  fouvcrain  qui  eft  le 
"  père  de  tous.  Ainfi,  quiconque  oferoit  attenter 
»>  à  la  perfonne  facrée  du  légitime  fouverain  ,  com- 
»  mettroit  celui  de  tous  les  crimes  qui  a  le  plus 
i>  d'étendue  dans  fes  effets  ,  8c  qui  par  confé- 
»  quent  doit  être  le  plus  févèremenr  puni  :  d'un 
))  côté  comme  le  coupable  jette  le  trouble  dans 
>f  tout  l'état,  il  eft  jufte  que  jamais  l'état  ne  lui 
»  ferve  d'afyle  ;  c'eft  un  monftre  qui  n'a  plus  de 
n  patrie  ,  contre  qui  tous  les  fouverains  doivent 
)»  s'armer ,  Si.  pour  qui  l'univers  entier  ne  doit  plus 
))  être  qu'un  précipice  :  d'un  autre  côté  ,  comme 
»  le  fouverain,  en  tant  que  fouverain,  ne  meurt 
»  jamais  ,  Se  qu'il  n'y  a  point  de  Prefcription 
»  contre  lui ,  il  eft  naturel  que  les  coupables  du 
n  crime  de  lèze  majefté  trouvent  en  lui  un  éter- 
»  nel  vengeur.  Ce  font  là  les  caufes  de  l'impref- 
»  criptibilté  de  ce  crime. 

»  Il  n'en  eft  pas  de  même  du  crime  de  parricide; 
»  à  la  vérité,  ce  mot  feul  fait  horreur,  mais  en- 
»  fin  le  coupable  de  ce  forfait  atroce  ne  répand 
»  le  deuil  que  dans  fa  propre  famille.  Qu'il  en 
»  (oit  donc  à  jamais  retranché  ,  que  jamais  il  n'y 
'X  fuccède  ;  qu'il  ne  puiFe  même  demander  ni  re» 
')  cevoir  des  alimens  de  fis  proches  ;  que  par-là, 
»  il  foit  forcé  ,  s'il  fe  p:ut  ,  de  venir  tendre  la 
"  gorge  au  couteau  de  l'exécuteur  :  tout  cela  eft 
n  jufte.  Mais  [  uifque  la  loi  lui  fait  grâce  après 
»  trente  ans  ;  ]  u  fqii'alors  il  peut  reparoitre  im- 
»  punément  dans  la  fociété  civile;  pulfqu'il  faut 
)>  qu'il  vive  enfin  ,  ce  feroit  une  abfurdité  de  pré- 
)>  tendre  qu'il  lui  fiit  interdit  d'agir  &  de  contra6}er 
))  comme  les  autres  citoyens  :  voilà  pourquoi  il 


PRESCRIPTION. 

«  eft  en  effet  capable  de  contrafler  , 'encore  qu'il 
»  foit  indigTe  de  fuccéder  ;  Con  indignité  à  cet 
»  égard  ,  n'étant  point  une  indignité  ablolue  ,  mais 
»>  feulement  une  indignité  relative. 

"  Par  une  fuite  de  ce  raifonnement ,  le  condamne 
>»  qui  eft  dans  le  cas  au  Heur  d'Acheux  ,  peut  non- 
*»  feulement  contraâer  ,  mais  fuccéder  après  la 
»>  Prefcription  :  ajoutons  qu'il  eft  du  bien  public 
»  que  cela  foit  ainfi ,  parce  qu  il  (erolt  très  dan- 
>'  gereux  pour  la  fociété  d'y  lailîer  rentrer  des 
>»  hommes  à  qui  toutes  les  voies  pour  fubfifter 
»  feroient  fermées  ;  &  elles  le  feroient  pour  ces 
»  derniers  ,  fi  dépouillés  de  tout  bien  par  leur 
»  condamnation,  &  déchus  encore  de  ceux  aux- 
>»  quels  ils  auroient  pu  fuccéder  depuis  trente  ans  , 
»>  ils  demeuroient  privés  de  l'efpérance  de  toute 
>'  fucceffion  future  ,  &  de  l'exercice  des  autres 
»»  effets  civils.  Par-là  ,  des  vieillards  ordinaire- 
*>  ment  fans  vigueur  &  fans  talens,  après  avoir 
»  paffé  la  meilleure  partie  de  leurs  jours  dans  la 
n  misère  &  dans  l'obfcurité  ,  fe  verroient  fans 
»»  moyen  de  s'en  procurer ,  &  ce  qui  feroit  plus 
»'  trifte  encore  ,  fans  a(^ion  pour  demander  en  juf- 
»'  tice  le  pain  qu'ils  pourroient  gagner  ,  s'il  leur 
»  étoit  retenu  :  car  la  privation  des  effets  civils 
»  iroit  jufques  là  (i).  Qu'elle  fituation  affreufe  ! 
M  L'efclavage  fi  peu  connu  &  fi  abhorré  dans  nos 
n  mœurs  eft  bien  moins  dur,  puifqu'il  fuppofe  un 
j»  patron  chargé  du  foin  de  nourrir  &  de  défendre 
>»  fon  efclave  ;  &  ici  l'homme  feroit  tellement 
j)  dégradé,  qu'il  ne  lui  feroit  pas  même  permis  de 
»>  fe  plaindre  de  l'injuAice  des  autres  hommes.  La 
M  fragilité  humaine  pourroit-elle  tenir  contre  de 
»  telles  épreuves  .•'  de  quelle  grâce  l'homme  ré- 
«  duit  à  cet  état  n'auroit-il  pas  befoin  pour  ré- 
)>  fifter  aux  tentations  dont  il  deviendroit  la  proie  ? 
V  La  plus  forte  feroit  fans  doute  de  tourner  fes 
»  mains  contre  lui-mèm.e  pour  s'arracher  une  vie 
»  qui  feroit  tout  fon  malheur.  Seroitil  donc  éton- 
»>  nant  qu'une  réfolution  plus  lâche  encore  lui  fit 
«  tenter  quelqu'aâion  plus  contraire  à  l'ordre  pu- 
ï)  blic  ?  Ne  croiroit-on  pas  que  1?.  loi  veuille  expo- 
ji  fer  des  hommes  ,  dont  le  falut  lui  eff  cher,  à  de 
j>  ù  grands  dangers  :  la  loi  eft  fage  ;  &  puifqu'elle 
«  permet  aux  condamnés  à  mort  de  reparoître 
»)  après  un  certain  temps  parmi  les  citoyens  ,  di- 
«  fons  avec  confiance  que  fon  intention  eft  qu'ils 
«  en  puiffént  faire  tous  les  a^tes  ;  autrement  la 
M  vie  qu'elle  leur  laiffe  feroit  plutôt  un  dernier 
»  trait  de  colère  qu'un  don  de  fa  miféricorde  ;  ce 
Il  ne  feroit  qu'un  fardeau  dont  elle  voudroit  les 
3)  accabler, 
.     ))  Telles  font  les  véritables  idées  qu'il  faut  fe 


[i]  Faufle  maxime.  La  mort  civile  ne  peut  pas  empêcher 
l'exercice  des  adions  qui  naiflent  du  droit  des  gens.  Voilà 
pourquoi  un  atrêi  du  parlement  de  Dijon  du  ai  février  îf  8+, 
rappoitc  par  Perrier  ,  ijueftion  J^C,  a  juge  que  le  comte  de 
BulTeuil,  trente  trois  ans  nprès  l'cxicmion  Fgurative  d'un  ar- 
rêt qui  l'avoi:  cond.ininc  à  mott ,  pouvoir  cRcr  en  jugemeci 
lans  ccrc  adîfté  d'un  eu  atcur  au:t  caulcs. 


PRESCRIPTION.        453 

»  former  fur  la  iwort  civile  &  fur  les  différentes 
M  mefures  de  peine  qui  appartiennent  à  chaque 
»  différent  degré  de  crime. 

A  ces  raifonnemens  ,  le  fieur  d'Acheux  ajou- 
toit  l'autorité  de  M.  le  Bret ,  de  M.  Bifnon  ,  &  fur- 
tout  celle  de  M.  Talon  ^  il  citoit  un  plaidoyer  de 
ce  magiftrat  dans  une  caufe  jugée  par  arrêt  du  1 1 
mars  1632,  fur  la  queftion  de  favoir  (i  un  condamné 
à  mort  par  un  jugement  exécuté  en  effigie,  étoit 
recevable  après  trente  ans  à  demander  partage 
dans  la  fucceliion  de  fon  père  &  de  fa  mère  ; 
ik  il  obfervoit  que  fi  M.  Taloii  avoit  conclu,  & 
l'arrêt  jugé  contre  ce  particulier ,  c'étoit  parce 
qu'antérieurement  à  fa  condamnation  ,  il  avoit 
tait  profeffion  dans  un  couvent. 

«(  Mais  (  continuoit  le  défenfeur  du  fieur  d'A- 
»  cheux  )  qu'eft-il  befoin  de  chercher  des  préju- 
»  gés  fi  loin  quand  nous  en  avons  un  infiniment 
>»  décifif  dans  l'efpèce  préfente  .''  c'eft  l'arrêt  de  la 
"  cour  du  13  aoiùt  1720,  qui  a  confirmé  les  fcn- 
"  tences  de  la  fénéchauffée  de  Ponthieu  ,  lef- 
>»  quelles  fans  avoir  égard  aux  oppofitions  for- 
"  mées  par  le  fieur  de  la  Boifïïère  au  mariage  du 
"  fieur  d'Acheux  ,  ont  ordonné  qu'il  feroit  paflé 
»  outre  à  la  proclamation  des  bans  ,  &  à  la  célé- 
"  bration  de  ce  mariage  :  c'eft  donc  chofe  jugée 
»  avec  le  fieur  de  la  Boiffière  lui-même,  que  la 
"  Prefcription  de  trente  ans  a  réintégré  le  fieur 
»  d'Acheux,  fon  frère,  dans  tous  les  droits  de 
i>  cité  ;  car  le  mariage  eft  affurément  l'aéle  le  plus 
»  refpeéîable  de  la  fociété  civile. 

»  En  un  mot,  la  Prefcription  dont  il  s'agit  efl 
"  tout-à-la-fois  fi  certaine  ôc  fi  efficace  ,  qu'il  n'eft 
"  point  d'ufage  en  chancellerie  d'accorder  en  ce 
"  cas  aucune  lettre  d'abolition  ,  de  réhabilita- 
»  tion  ni  autres  ;  attendu  que  le  laps  de  30  ans 
»  éteint  la  condamnation  du  crime  avec  tout  ce 
»  qui  en  dépend  ,  &  que  les  lettres  du  prince  ne 
»  pourroient  produire  plus  d'effet  que  cette  giace 
»  légale  :  c'eft  ce  qui  eft  attefié  par  les  fecré- 
'»  taires  du  roi  les  plus  employés  du  grand  collège. 

»  On  oppofe  que  la  Prefcription  pour  acquérir 
"  des  droits  civils,  fuppoferoit  dans  celui  qui  la 
'»  prétend,  une  habilité  à  acquérir  &  une  capa- 
»  cité  de  pofféder  ces  mêmes  droits;  car,  dit  on, 
»  nulle  Prefcription  fans  poffelTion;  or,  le  con- 
»  damné  à  mort  loin  qu'il  ait  une  poffefiion  dcS 
n  droits  civils,  eft  au  contraire  dans  une  incapa- 
»  cité  abfolue  d'en  pofféder  aucun  :  donc  il  ne 
)»   peut  les  acquérir  par  la  Prefcription. 

»  On  répond  que  cette  Prefcription  n'eft  pas  tant 
)>  une  acquifition  qu'une  libération  d'une  choie 
»  onéreufe  dont  on  eft  chargé.  Ce  n'eft  pas  [irei- 
»  crire  un  tel  droit  ,  mais  c'eft  prefcrire  une  telle 
»  charge,  une  telle  fervitude. 

)j  Le  fieur  d  Acheux  chargé  d'une  condamna- 
»  tion  de  mort,  a  prefcrit  contre  elle  par  l'cf- 
»  pace  de  30  ans,  en  ne  la  point  exécutant. 

«  Or,  dès  l'inftant  que  fa  mort  civile  a  ccffê  par 
j)   la  Prefcription  ,  dès  cet  inftant  même  il  a  été 


AU 


PRESCRIPTION. 


»  rendu  à  la  vie  civilo  ,  car  il  n'y  a  point  de  milieu 
j>  entre  ces  deux  états.  Ai.'ifi  ,  en  rentrant  clans 
»  la  vie  civile,  il  a  repris  tous  les  droits  qui  en 
»  font  inféparables  ;  &  voilà  ce  qui  fait  voir  que 
n  pour  les  recouvrer,  il  n'a  point  été  nécelTaire 
»  qu'il  en  eût  auparavant  ni  la  pofleffion  ,  ni  mê- 
»»  nie   la  capacité. 

>•  En  effet ,  cette  incapacité  ne  peut  fe  divifer 
M  de  la  mort  civile  parce  qu'elle  n'en  eft  qu'une 
>i  dépendance  ,  6c  qu'elle  fait  même  partie  de  la 
«  peine  du  condamné  à  mort  :  ainfi  vouloir  que 
«  la  privation  dci  effets  civils  rubfi^c  après  qu'il 
î>  à  été  prefcrit  contre  la  mort  civile  ,  c'eft  ad- 
>»  mettre  l'effet  après  la  ceffation  de  la  caufe  ;  c'eft 
»  dire  que  le  condamné  à  mort  eft  encore  fujet 
"  à  la  peine,  en  avouant  qu'il  a  prefcrit  contre 
»  la  peine  :  contradiflion  qui  eft  le  comble  de 
»  l'abfurdité.  De  deux  chofes  l'une,  ou  la  peine 
î»  eft  éteinte,  ou  elle  ne  l'eft  pas.  Au  premier  cas  , 
«  tout  ce  qui  eft  peine  eft  évanoui  ;  au  fécond 
»  c^'.s  ,  ce  qui  eft  peine  doit  encore  être  fubi.  Il 
■>■>  faut  donc  que  le  ficur  de  la  BoiiTiere  ,  pour 
»  réuffir  dans  fa  prétention,  nous  ùlTe  voir  que 
M  (on  frère  eft  encore  efclave  ûj  la  peine  ,  manci- 
»  p^itiis  ca'nifrci ,  comme  parlent  les  criminaliftes  ; 
>i  fi  fin  fyftème  ne  va  pas  jufques-là,  il  ne  mène 
»)  à  rien  ;  s'il  va- là  ,  qu'il  en  tire  lui-même  la  con- 
»>  (équenco  ». 

Tels  étoient ,  en  fubftance  ,  les  moyens  du  fieur 
d'Acheux. 

M.  Sicand  ,   défcnfeur  du  fieur  de  la  Boiftiere  , 

-les  a  réfutés  ,  i".  par  les  ordonnances  du  royaume  , 

a",   par  les  difpofitious  du  droit   romain  ,   y\  par 

la   jurjfprudence  des  arrêts,  4".  par  le  fuffrage  de 

MM.  les  avocats-généraux  &   des  auteurs. 

<i  r®.  L'ancien  ufage  du  royaume  (difoit-il), 
j)  expliqué  dans  les  capitulaires  de  Charlemagne, 
«  n'éioit  pas  de  condamner  à  mort  par  contu- 
>)  mace  ;  en  banniffoit  feulement  l'accufé  ,  on  fai- 
yi  fou  une  annotation  de  fes  biens  ;  &  s'il  laiffoit 
r  pafltr  l'année  de  cette  annotation  fans  fe  pré- 
»>  ienter,  &  fe  juftifîer,  fes  biens  étoient  confif- 
n  qués   fans  retour. 

>7  Lorfquil  a  été  introduit  de  condamner  à  mort 
V  par  contumace,  on  a  confervé  pendant  long- 
ï)  temps  l'ufage  de  ne  donner  qu'un  an  au  condam- 
v>  né  pour  fe  repréfenter  ;  après  quoi  ,  en  quel- 
5>  que  tetrps  que  le  condamné  fe  préfentât,  quoi- 
»  qu'il  parvînt  à  fe  juftifîer,  il  ])erdoit  les  fruits 
s»  de  fes  biens  qui  avoient  été  fiilis^  &  s'il  étoit 
SI  pris  au  lieu  de  fe  préfenter,on  l'exécutoit  fans 
»  nouvelle  procédure. 

j>  Par  l'article  28  de  l'ordonnance  de  Moulins 
î)  du  mois  de  février  1566,  au  lieu  d'un  an  ,  on 
M  a  accordé  cinq  ans  aux  condamnés  par  connt- 
5>  mace  pour  fe  repréfenter  ,  à  compter  du  jour  de 
jj  la  condamnation  ;  mais  faute  par  eux  de  fe  re- 
3»  préfenter  ,  on  a  ordonné  qu'ils  perdroient ,  non- 
s)  feulement  les  fruits  de  leur  héritage ,  fulvant 
»  ces  ancieniïgs  ordonn.inces  ,  mais  auffi  la  pro- 


PRESCRIPTION. 

»»  prîèté  de  tous  leurs  biens  adjugés  par  juftice ," 
»  (ans  pouvoir  être  répités  ni  du  roi ,  ni  des  fei- 
"  gneurs  hauts-jufticiers  ,  ni  des  parties  civiles. 
»  11  a  néanmoins  été  réfervé  au  roi  de  les  rece- 
i>  voir  à  efter  à  droit,  &  fe  purger  après  les  cinq 
»  ans  ,  &  même  de  leur  remettre  la  rigueur  de 
»  cette  ordonnance. 

»»  M'  René  Chopin  dit  ,  fur  la  coutume  d'An- 
»  jou,  livre  3  ,  chapitre  2  ,  titre  5  ,  nombre  22  , 
»  que  cet  article  de  l'ordonnance  de  Moulins  étoit 
»  obfervé  étroitement  au  palais,  &  qu'en  confé- 
»  quence  les  condamnas  a  mort  par  contumace, 
»  n'étoient  pas  rétablis  dans  leurs  biens  après  les 
»  cinq  ans  ,  encore  qu'ils  fe  repréfentaffent  &  fe 
n  foiiiniflent  à  prouver  leur  innocence  ,  ainfi 
»  qu'on  le  voit  par  l'exemple  d'un  arrêt  prononcé 
»  à  l'audience  de  la  tournelle  le  14  juillet  1582. 

1»  En  mettant  les  condamnés  dans  la  néceffité 
»  d'avoir  recours  au  prince  afin  d'avoir  des  lettres 
»  pour  efter  à  droit,  ik  fe  purger  après  les  cinq 
»  ans  ,  l'ordonnance  de  Moulins  décide  qu'ils  font 
»  morts  civilement.  Cette  faculté  ,  dit  Bornier  fur 
»  l'article  29  du  titre  17  de  l'ordonnance  de  1670  , 
»  ne  pouvait  leur  revenir  que  par  la  grâce  du  prince  ^ 
"  d'autant  qu'ils  avoient  perdu  la  vu  civili ,  qui  en 
"   ctoit  le  principe. 

»  On  regardoit  en  effet  les  condamnés  à  mort 
»  par  contumace  ,  comme  étant  morts  civilement, 
"  s'ils  ne  s'éroient  pas  repréicntés  dans  les  cinq 
'»  ans  ,  Se  ils  n'avoient  après  cela  que  deux  moyens 
»  pour  revenir  à  la  vie  civile  ;  l'un  étoit  de  de- 
)>  mander  au  roi  des  lettres  pour  eiler  à  droit ,  &  fe 
»  purger ,  s'ils  étoient  innocens  ;  cx  l'autre  étoit 
w  d'obtenir,  s'ils  étoient  coupables  ,  des  leitres 
i>  de  grâce ,  qui  les  remiffeni  dans  leur  premier 
»  état. 

»  C'eft  ce  que  la  déclaration  du  26  novembre 
I'  1639  fait  connoitre  clairement  en  prononçant, 
»  par  l'article  6  ,  l'incapacité  de  fuccéder  contre 
»  les  enfans  procréés  par  ceux  qui  fe  marient , 
I)  après  avoir  été  condamnés  à  mort,  même  par 
»  défaut.  Si  avant  leur  décès  ,  ils  nont  été  remis 
>'  au  premier  état  ,  fnivant  Us  voies  prefcrites  par  les 
■>■>   ordonnances. 

»  De  ce  qu'en  haine  du  crime,  &  à  caufe  de 
)'  l'infamie  que  la  condamnation  produit ,  la  dé- 
»  claration  de  1639  frappe  les  enfans  des  per- 
"  fonnes  condamnées  à  mort ,  jufqu'à  leur  faire 
"  iupporter  une  partie  de  la  mort  civile  ,  quoi- 
"  qu'ils  foient  innocens  ;  il  s'enfuit  qu'elle  re- 
»  garde  les  perfonnes  condamnées  à  mort ,  com- 
»  me  étant  dans  l'état  de  mort  civile,  &  incapa- 
)>  bîes  de  toute  fucceftion  à  caufe  de  leur  con- 
n  damnation. 

"  Ces  termes,  avant  leur  décès  ,  embraffent  toute 
»  la  vie  des  condamnes  ,  &  il  en  réfiitte  qu'ils 
»  reftent  morts  civilement  pendant  toute  leur  vie , 
»  quelque  longue  qu'elle  foit  ,  à  moins  qu'ils 
)>  n'aient  été  remis  au  premier  état ,  de  la  manière 
)»  dont  la  déclaration  le  prefcrit. 


PRESCRIPTION. 

>»  Il  ne  peut  y  avoir  d'équivoque  fur  ce  que  h 
î»  déclaration  exige ,  pour  qae  ces  condamnés 
î>  foient  remis  en  leur  premier  état  ,  parce  qu'elle 
»  dit  précifément  que  ce  doit  être  fuivant  les  voies 
»  pre/crites  par  les  ordonnances.  De-là  il  fuit  que 
«  c'eft  dans  les  ordonnances  uniquement  qu'il 
»  tant  prendre  les  moyens  de  cette  reftitution. 

n  Les  moyens  qu'on  trouve  dans  les  ordon- 
nances pour  remettre  les  condamnés  à  mon  dans 
leur  premier  état  ^  c'eft  de  fe  repréienter  dans  les 
cinq  ans,  &  fe  juriifîer.  C'eft  de  prendre  après 
les  cinq  ans  des  lettres  pour  efter  à  droit,  &  fe 
purger.  C'eft  d'obtenir  quand  ils  font  coupables, 
des  lettres  de  pardon  ,  de  rémifiîon  ou  d'aboli- 
tion, félon  la  nature  du  crime,  avec  reftitution 
en  leur  premier  état. 

n  On  ne  trouve  point  dans  les  ordor.nances  que 
la  Prefcription  de  30  ans  piiiïïe  produire  cet  eff^t, 
&.  on  ne  peut  imaginer  qu'elle  le  produife.  Pre- 
nîièrement,  ce  n'eft  pas  une  déclaration  d'inno- 
cence ,  un  moyen  de  fe  juftifier ,  une  juftitication  , 
une  abfohnion;  c'eft  feulement  comme  on  l'expli- 
qua en  1665  ,  dans  la  caiife  de  la  Morineau  rap- 
portée au  journal  des  audiences  ,  une  exception  , 
un  afToupilfement  des  lois  ,  une  exemption  de  la 
peine  de  mort ,  -un  paffr-ge  de  l'appréhenfion  de 
mort  à  l'allurance  delà  vie,  un  afyle ,  im  bou- 
clier qui  met  à  couvert  de  toutes  les  attaques,  de 
toutes  les  prifes ,  de  tous  les  foudres  que  la  jafiice 
lève,  &  lance  fur  les  têtes  criminelles. 
^  "  Secondement ,  il  ne  feroit  pas  excufable  de 
comparer  la  Prefcription  de  30  ans  à  une  grâce 
telle  que  le  prince  peut  l'accorder  en  vertu  de  fa 
pleine  puiiïance  ,  puifqu'on  ne  peut  dire  qu'elle 
elTace  l'infamie  ,  qu'elle  procure  aux  condamnés 
la  reftitution  des  biens  qui  ont  été  confifqués ,  & 
des  amendes  qui  ont  été  perçues;  qu'elle  les  faOe 
rentrer  dans  les  fucceftions  directes  ou  collaté- 
rales qui  ont  paffé  à  d'autres  fujets  pendant  les 
30  ans. 

»  Si  la  Prefcription  de  30  ans  ne  peut  remettre 
les  condamnés  à  mort  dans  leur  premier  état,  ils'en- 
{îi\t\  aux  termes  de  la  déclaration  de  16391  qu'elle 
ne  peut  les  reftituer  à  la  vie  civile,  i^  qu'ainfi , 
nonobiïant  cette  Prefcriptioh  ,  'il-s  réfterit  ,  péri- 
mant toute  leur  vie,  dans  l'état  de  mort  civile,  à 
moins  q\i'ils  n'aient  été  juftifiés ,  ou  aient  obtenu 
des  lettres  du  prince,  pour  être  remis  dans  leur 
premier  état. 

V  L'ordonnance  de  1670  ne  permet  pas  d'en 
douter.  Jufques-là,  il  s'êtoit  levé  beaucoup  de  dif- 
puteS  fur  l'étendue  &  les  effets  de  la  mort  civile 
des  condamnés  à  mort.  L'article'  29  du  titre  27  de 
l'ordonnance  de  1670  ,  a  fait  une  loi  générale  qui 
eft  de  réputer  mort  civilement  du  jour  de  l'exé- 
cution de  la  ferftence,  celui  qui  aura  été  condamné 
à  mort  par  contumace ,  &  qui  décédera  après  les 
cinq  ans  fans  s'être  repréfenté. 

1)  L'ordonnance  dit  celui  tfui  décédera'.  Se  par-là,  , 
«lie  embraffe,  comme  la  déclaration  de  1639  ,  la  ' 


PRESCRIPTION.  455 

vie  entière  des  condamnés  ,  quelque  longue  qu'elle 
puifte  être  ;  ainfi  dans  le  cas  où  les  condamnés 
ne  fe  repréfentent  pas  dans  les  cinq  ans  ,  ils  de- 
meurent morts  civilement  pendant  toute  leur  vie, 

»  Tout  eft  confommè  ,  dit  un  critriinallfte  mo- 
derne (i)  par  le  défaut  de  repréfentation  des 
condamnés  pendant  les  cinq  ans. 

j)  C'eft  ce  qui  fait  que  dans  ce  cas  l'ordonnance 
refufe  à  la  veuve,  aux  enfans  ,  aux  héritiers  du 
condamné  ,  la  faculté  de  fe  pourvoir  de  plein  droit 
en  juftice,  pour  purger  la  mémoire  du  condamné 
(  article  2  ,  titre  27  ). 

»  C'eft  ce  qui  fait  que  par  l'article  28  du  titre  17, 
après  ce  délai  de  cinq  ans,  les  fentences  de  mon 
font  réputées  contracli^îoires  ,  ik  il  eft  ordonné 
qu'elles  vaudront  comme  arrêt  ;  elles  doivent  par 
conféquent  avoir  perpétuellement  leur  exécution 
pour  la  mort  civile  ,  à  moins  qu'il  n'y  ait  quel- 
qu'exception. 
)>  C'en  eft  une  de  fc  juftifier:  &  c'eft  pour  cela  que 
p.;r  l'article  28  du  titre  17  ,  le  roi  ,  fuivant  l'ordon- 
nance de  Moulins  ,  s'eft  réfervé  la  faculté  de  re- 
cevoir les  condamnés  par  contumace  à  efler  à  droit 
après  les  cinq  ans  ,  en  leur  accordant  des  lettres 
pour  fe  purger. 

Les  condamnés  à  mort  peuvent  aufti  ,  fuivant  le 
titre  16  de  l'ordonnance  de  1670  ,  avoir  recours  à 
la  clémence  du  roi  pour  obtenir  des  lettres  de  par- 
don ,  de  rémiliion  ou  d'abolition  ,  qui  les  remettent 
dans   leur  premier  état. 

■>■)  A  l'exception  de  ces  deux  cas,  c'eft-à-dire,  à  moins 
que  les  condanmés  à  mort  n'ayenr  éic  juftifiés  fur 
des  lettres  d'ellerà  droit ,  ou  qu'ils  n'ayent  été  remis 
dans  leur  premier  état  par  des  lettres  du  prince,  s'ils  • 
décèdent  fans  s'être  repréfentés  pendant  les  cinq  - 
ans  de  la  contumace  ,  il  faut  dire  qu'ils  font  reftés 
pendant  toute  leur  vie  dans  l'état  de  mort  civile. 

V  La  Prefcription  de  trente  ans  ne  pouvant 
comme  on  vient  de  l'expliquer  ,  fervir  de  juftiHca- 
tion ,  ou  être  comparée  à  la  grâce  du  prince,  il 
s'enfuit  qu'elle  ne  peut  rendre  aux  condamnés  à 
m^rt  la  vie  civile  qu'ils  ont  perdue,  faute  de  s'être 
repréfentés  dans  les  cinq  ans  de  la  contumace. 

n  Comment  cette  Prefcription  pourrojt-elle  ren- 
dre la  vie  civile  ,  lôrfque  dans  les  cas  où  U  n'y  a 
pas  de  condamnation  à  mort ,  après  que  le  con- 
damné a  fatisfait  à  la  peine  ,  l'i  a  befoin  de  lettres 
de  réliabilitation  en  fes  biens  &  bonne  renommée. 

»  Il  en  a  ^e/oi/z ,  ditBornier  fur  l'article  5  du  titre 
'  16  ,■  après  avoir  fatisfait  à  la  peine  ,  pour  effacer  la- 
note  d:- infamie  ,  6*  4.' incapacité  d'agir  civilement  qui 
lui  refte.  La  fatisfaélion  pour  la  peine  ,de  quelque 
façori'  qu'elle -foit  fàltdV'paf"  exécution  réelle  ou 
par  Prefcription  ,'n'ôte  donc  ni  l'infamie  ni  l'inca- 
pacité d'agir  civilement  ;  eiles  reftenr  après  cette 
fatisfaftion ,  &  il  n'y  a  que  le  prince  qui  puifte  les 
eftacer. 

)»  L'application  de  ces  principes  à  l'efpèce  pré- 


[i]OraB<au,pag«  1^6. 


j-utq  i^oj  ^n* 


4^6  PRESCRIPTION. 

fente  eft  renfilile.  Il  n'y  a  |)<s  ici  à  (iifp.i)ter  ,  pour 
favoir  fi  la  Piefcription  de  trente  ans  a  remis  le  fieur 
d'Acheux  dans  le  premier  étar. 

»  Il  ne  s'eft  pas  repréfenté  pendant  les  cinq  ans 
pour  fe  jufiifîer  ,  &  par-là  il  doit  être  réputé  mort 
civilement  du  jour  de  l'exécution  de  la  fentence  de 
1688.  Après  les  cinq  ans,  il  n'a  pas  demandé  des 
lettres  d'efler  à  droit  pour  fe  purger  ;  il  ne  rapporte 
point  de  lettres  du  prince  qui  l'ayent  remis  en  fon 
premier  état  ;  il  ne  peut  dire  par  conféquent  qu'il 
Ibitdans  fon  premier  état  ;  il  n'y  eft  pas  effeélive- 


ment. 


i>  Pourroit-on  en  douter ,  lorfque  de  fon  aveu 
fait  dans  fa  requête  du  3  i  janvier  1735  ,  &  fur  l'ap- 
pel de  la  fentence  du  9  février  dont  il  s'agit ,  il  eu 
refté  pendant  trente  ans  dans  l'état  de  mort  civile  ; 
que  cette  incapacité  lui  a  fait  perdre  la  fucceflion 
de  fon  père  &  d'une  tante  qvii  font  décédés  dans 
les  trente  ans.  Il  ne  peut  d'ailleurs  prétendre  que 
l'infamie  réfuhante  de  la  fentence  de  1688,  foi t  ef- 
facée, la  nature  de  fa  condamnation  oblige  même 
d'obferver  qu'il  y  a  d'autres  taches  fubfiiiantes. 

»  Donc  aux  termes  de  l'ordonnance  de  Moulins, 
de  la  déclarationde  i63Q,&  l'ordonnancede  1670, 
il  eft  aéluellement  dans  Térat  de  mort  civile  ,  quoi- 
qu'il fe  foit  libéré  de  la  peine  de  mort  par  la  Pref- 
cription  de  trente  ans.  Donc  il  a  été  jugement  dé- 
claré non-recevable  dans  la  demande  qu'il  a  formée 
au  bailliage  d'Amiens,  pour  être  admis  au  partage 
des  biens  de  fa  mère  &  de  fes  frères  &  fœurs  qui 
font  décédés  depuis  trente  ans  ,  après  la  fentence 
de  i688. 

»  2°.  C'efl  dans  le  droit  romain  que  le  fieur 
d'Acheux  cherche  le  fonds  de  la  Prefcription  qu'il 
oppofe  ,  &  il  argumente  de  ce  qu'à  l'exemple  des 
Grecs,  on  y  a  reçu  la  Prefcription  de  vingt  ans 
contre  le  crime ,  &  la  Prefcription  de  trente  ans  con- 
tre la  condamnation.  Il  cite  Démoflhenes  pour  les 
Grecs ,  Cicéron  pour  les  Romains  ;  il  fait  aufli  quel- 
ques raifonnemens  fur  la  loi  quatrela,  au  code,  ad 
U^cm  Corneliam  de  falfis  ,  fur  la  loi  troifiéme,  au 
code  ,  dt  Pra/criptionil/us  30  vel  40  annorum. 

»  A  juger  du  fentiment  de  Démofthenes  &  de 
Cicéron  ,  par  le  rapport  qu'en  a  fait  le  fieur  d'A- 
cheux ,  11  ne  peut  en  tirer  aucun  avantage ,  parce 
que  l'un  auroit  parlé  du  malheur,  des  remords, 
des  inquiétudes  ,  du  défefpoir  qui  accompagnent 
l'accufé  Ad^ns  fa  fuite  ,  l'autre  auroit  parlé  du  cas  où 
il  ejl  queflion  de  la  sûreté  de  la  vie  :  ces  idées  ne  s'ap- 
pliquent qu'à  la  peine  de  la  moi  t  naturelle  dont  il 
ne  s'agit  pas  ;  elles  ne  décident  rien  pour  la  mort 
civile  dont  il  s'agit  uniquement. 

»  La  loi  quctrela  ne  peut  fervir  au.  fieur  d'A- 
cheux ,  parce  qu'tUe  n'a  lieu  que  pour  les  fimples 
aéiions  criminelles  ,  dont  l'extinsflion  qui  fe  fait  par 
la  Prefcription  de  vingt  ans ,  laiffe  l'accufé  au  même 
état  qu'il  étoit  avant  le  crime  ;  il  n'en  eft  pas  de 
inêiae lorfqu'il  eft  intervenu  un. jugement  définitif 
qui  a  été  exécuté  par  effigie  ;  alors  il  faut  trente 
»nspourprefcrire,  &  cette  Prefcription  n'éteint  ni 


PRESCRIPTION. 

le  crime  ni  le  jugement.  "Voyons  ce  qu'elle  peut 
opérer  dans  le  droit  romain  pour  les  condamna- 
tions que  le  jugement  prononce  ,  ou  pour  les  effets 
qu'il  produit. 

M  II  eft  de  principe  dans  le  droit  romain,  &  ce 
principe  eft  reçu  chez  toutes  les  nations,  que  pour 
s'affranchir  d'un  droit  pajfif  ^  d'une  telle  charge,  d'une 
re//<yerv//«^e,  par  la  Prefcription  de  trente  ans,  il 
faut  en  avoir  poffédé  la  libération  pendant  trente 
ans.  Le  fieur  d'Acheux  convient  que  par  la  fen- 
tence de  1688  ,  il  eft  tombé  dans  l'état  de  mort  ci- 
vile, qne  pendant  les  trente  ans  il  n'en  a  pas  pof- 
fédé  la  libération.  Delà  il  fuit  qu'il  ne  s'en  eft  pas 
affranchi  par  le  laps  de  ces  trente  ans. 

»  Il  dit  qu'il  n'a  pas  exécuté  fa  condamnation 
pendant  trente  ans  ,  &  il  prétend  que  par-là  il  s'eft 
libéré,  non-feulement  de  la  mort  naturelle,  mais 
auftî  de  la  mort  civile. 

>»  La  maxime  du  droit  romain  ,  tantum  prxfcriptum 
quantum  pojjiffum  (autant  prefcrtt  que  poffédé  )  , 
qu'on  fuit  en  France  &  chez  toutes  les  nations ,  fert 
de  folution  à  cet  argument.  Il  eft  vrai  que  le  fieur 
d'Acheux  n'a  pas  exécuté  fa  condamnation  pour  la 
peine  de  mort  naturelle  pendant  trente  ans  ;  voilà 
ce  qui  fait  qu'il  s'en  eft  affranchi  à  perpétuité  par 
la  Prefcription  de  trente  ans  ;  mais  il  a  perpétuelle- 
ment exécuté  fa  condamnation  pour  la  mort  civile 
pendant  les  trente  ans;  c'eft  ce  qui  fait  que  cette 
Prefcription  ne  peut  lui  fervir  pour  l'affranchir  de 
la  mort  civile. 

>»  Le  droit  romain  fournit  d'autres  argumens 
auxquels  il  n'eft  pas  poftîblc  de  réfifter.  Il  eft  dé- 
cidé par  la  loi  29  ,^  de  pcenis  ,  que  le  condamné  à 
mort  perd  la  vie  civile  à  l'inftant  de  fa  condamna- 
tion ,  &  que  cette  peine  précède  la  mort  naturelle  , 
quelquefois  pendant  long-temps  (i). 

Delà  il  fuit  que  la  peine  de  mort  naturelle  & 
celle  de  la  mort  civile,  font  deux  fortes  de  peines 
diftinguées,  dont  l'une  peut  fubfifter  fans  l'autre  , 
quoiqu'elles  ayent  le  même  principe  :  par  une  fuite 
néceffaire  ,  l'homme  condamné  à  mort  peut  pref- 
crire  contre  la  mort  naturelle  fans  prefcrire  contre; 
la  mort  civile. 

»  D'Argeniré  ,  dans  fa  première  confultatîon  , 
applique  cetic  loi  aux  fentences  de  mort  rendues 
par  contumace  ,  qui,  fuivant  notre  ufage  ,  s'exécu- 
tent par  effigie,  &  il  dit  que  , quoique  les  condam* 
nés  ne  meurent  pas  ,  ils  font  tenus  pour  morts , 
efclaves  delà  peiqe,  incapables  de  tous  effets  civils , 
de  tous  droits,  de  tous  honneurs  ;  que  cette  peine 
eft  perpétuelle  ,  qu'elle  eft  immuable  ,  qu'elle  fuit 
les  condamnés  en  tous  lieux  ,  à  moins  qu'ils  ne  fe 
juftifientounefoient  reftitués  par  lettres  du  prince. 

»  Par  la  loi  première  ,  au  digefte  ,  de  bonorum 
pojfejfione  eontrà   tabulas,  paragraphes   8   &9,on 

[l]  Qui  uhimo  fupplicîo  damnancur,  flatim,  &  civitatem  , 
&:  libettitem  amitcunt  ,  itaqiie  hic  cafus  prœoccupat  mortem 
èi.  noa  nuniuain  longuni  tem^ui  occupjt. 

voit 


PRESCRIPTION. 

'<>«>ît  que  chez  les  romains  les  condamnés  aux  mi- 
res ou  fettLement  à  la  déportation, avoicnt  bc(oin 
<!e  la  reAitution  du  prince  ,  pour  jouir  des  effets 
de  la  vie  civile,  ^i  rtjlttutifint. 

•>■>  Aux  termes  de  la  loi  3  ,  au  code  ,  de  gemrali 
aboiuioïc,  l'indulgence  du  prince  n'affranciiilToit 
que  de  la  peine,  ixsnx  <;r.iiijin  fasit ,  ce  qui  s'en- 
tend ,  fuivant  D(^nis  Godefroy  ,  de  la  peine  corpo- 
relle (  pan-im  carpjrulem  )  ,  de  la  il  fuit  que  les  au- 
tres peines  reftoient  fur  les  condamnés  :  la  loi  le 
décide  formellement,  en  difant  que  la  peine  d'in- 
famie n'eft  pas  effacée  ,  nec  infamiam  criminis  loLiit. 
Elle  dit  même  que  l'indulgence  du  prince  note  les 
condamnés  ,  i^uos  libérât ,  notât. 

>»  Il  eA  certain  néanmoins  que  parmi  les  romains , 
le  prince  pouvoit  reftituer  les  condamnés  en  entier; 
cela  efl  établi  par  la  loi  première ,  au  code  ,  de  j'cn- 
tentiam  pajjîs  6*  Tejïitutis  ;  mais  pour  qu'un  con- 
damné fût  reftitué  en  entier  ,  il  falloit ,  fuivant  cette 
même  loi  ,que  le  prince  eût  parlé  en  ces  termes: 
Honorihui  6»  ordini  tuo  ,  6*  omnibus  cateris  te  rejïituo. 
(  je  vous  reflitue  dans  vos  honneurs  ,  dans  votre 
rang  ,  &  à  tous  effets  ).  11  eft  dit  dans  la  loi  5  ,  au 
xnême  titre,  que  le  condamné  aux  mines  ne  pou- 
voir obtenir  la  reflitution  de  fes  biens  qui  avoient 
été  juftement  confifqués,  à  moins  que  le  prince  ne 
la  lui  eût  accordée  fjjécialemenr,  nifi fpeciale benefi- 
cmm  fttper  hoc  f ne  rit  impetratum. 

»  Le  fieur  d'Acheux  ne  s'étant  pas  juftifié,  & 
n'ayant  pas  obtenu  des  lettres  du  roi  pour  être  ré- 
tabli dans  l'état  dont  il  jouiffoit  avant  la  fentence 
de  16S8,  il  s'enfuit,  à  raifonnerde  fa  fituation  par 
les  difpofitions  du  droit  romain  ,  que  pour  être  li- 
béré de  la  peine  de  mort  naturelle  par  la  Prefcrip- 
tion  de  trente  ans  ,  il  ne  left  pas  des  autres  peines 
^ue  fon  crime  a  produites  ,  fmguliérement  de  la 
mort  civile. 

3°.  Après  ces  détails ,  M.  Sicaud  paffc  à  la  ju- 
rifprudence  des  arrêts,  &  fait  voir  que  celui  du 
15  mars  1665  rappelé  ci-deffiis  ,  a  décidé  la  quef- 
tion ,  quoique  pour  une  fucccllion  échue  avant  la 
la  Prefcription  acquife,  puifqu'il  a  jugi  que  cette 
Prefcription  n'efface  point  la  mort  civile  ,  &  ne 
produit  que  l'impunité  du  crime. 

Le  ficur  d'Acheux,  (  continuoit  M.  Sicaud  ), 
veut  que  tout  foit  éteint  par  la  Prefcription  ,  6c 
les  peines,  &  la  fentence  &  le  crime;  par  les 
arrêts ,  il  eft  décidé  que  la  fentence  fubfifte  &  doit 
fubfifter  à  perpétuité  ;  que  le  crime  ne  pourroit 
être  aboli  que  par  des  lettres  du  prince  ,  &  que  n'y 
ayant  pas  de  lettres  du  prince,  la  mort  civile, 
l'iafamie  ,  la  flétriffurc  fubfiftent.  L'arrêt  même 
du  II  mars  i6}2  qu'il  cite,  en  eft  une  preuve, 
puifque  ,  lors  de  cet  arrêt ,  M.  le  premier-préfident 
étant  aux  opinions,  demanda  fi  le  condamné  avoit 
obtenu  des  lettres  ;  à  quoi  fon  Avocat  ayant  ré- 
pondu que  non,  il  fut  déclaré  non  -  recevable  à 
recueillir  les  fuccefiions  de  fes  parens  décédés 
après  les  trente  ans. 
4".  M.  Sicaud  fait  voir  enfuite  que  pour  bien 
Tt>me  XIII. 


PRESCRIPTION. 


45T 


entew^rc  les  fentimens  de  Meflieurs  lôs  avocats- 
généraux  ,  Servin  &c  le  Bret,  qu'oppofe  le  fieur 
d'Acheux  j  il  faut  obferver  que  dans  une  fentence 
de  condamnation  à  mort ,  il  y  a  la  peine  de  mort , 
la  confii'cation ,  l'amende,  les  intérêrs  civils,  les 
dépens ,  l'incapacité  des  eiiets  civils ,  &  l'inlanùc 
qui  en  réfultent. 

«  Comme  ce  font  direrfes  peines  jugées  telles, 
dont  l'une  peut  fubfifter  fans  l'autre  ,  il  faut  dire 
qu'on  peut  s'affranchir  des  unes  par  la  Prefcription 
de  trente  ans  fans  fe  libérer  des  autres ,  &  que  cela 
dépend  de  l'exécution  ,  ou  inexécution  ;  il  faut  dire 
en  conféquence  : 

Premièrement ,  que  tout  ce  qiîe  le  condamné 
à  mort  n'exécute  pas  pendant  trente  ans,  &  tout 
ce  qui  n'eft  pas  confervé  par  des  pourfultes ,  peut- 
être  éteint  par  la  Prefcription. 

Secondement,  que  tout  ce  qu'il  exécute  pen- 
dant les  trente  ans,  ou  qui  eft  confervé  par  des 
pourfuitcs,  ou  des  minorités,  ne  laiff:  pas  de  fub- 
fifter,  pendant  les  trente  ans  qu'il  exécurc  la  mort 
civile  :  donc  il  n'en  acquiert  pas  la  libération  par 
la  Prefcription  de  trente  ans ,  qui  le  libère  des 
peines  corporelles. 

M.  Sicaud  montre  après  cela  que  Barder  ne  rip- 
porte  pas  fidellement  le  fentiment  de  M.  Talon 
dans  la  caufe  jugée  en  1732;  qtte  fon  erreur  eft 
prouvée  pir  l'arrêt  dont  le  ft;,'ur  de  la  BoifTiere 
avoit  levé  un*  expédition  ;  que  d'ailleurs  dans  Bar- 
det  même  ,&  dans  la  caufe  de  Guerou  ,  jugée  pat* 
arrêt  du  23  Juillet  1626  ,  M.  Talon  dit  que  le  con* 
damné  demeure  perpétuellement  incupuble  des  effets 
civils  ,  s'il  ri\jl   entièrement  refiitué  6*  pjyi. 

»  A  ces  hommes  illuftres  ,  il  faut  joindre  M  l'a- 
vocat général  le  Nain  ,  dont  les  vertus  de  tout 
genre  ont  fait  l'objet  de  notre  amour  &  de  notre 
refpefl.  Qui  pourroit  avoir  oublié  l'attention  qu'il 
avoit  d'initruire  le  barreau  fur-tout  ce  qui  pouvoit 
regarder  l'intérêt  public  .''  Il  le  fit  dans  iiTie  cauf« 
jugée  par  arrêt  du  25  inars  1709  ,  rapporté  au 
journal  des  audiences. 

<c  11  s'agWlbit  de  la  capacité  des  cnfans  d'uit 
homme  condamné  à  more  qui  s'étoit  marié  danj 
les  cinq  années  de  la  contumace.  Se  étoit  décédé 
fans  s'être  repréfenté  dans  les  cinq  ans. 

«  Deux  queftions  furent  propofées  entre  plu- 
fieurs  autres;  l'une  étoit  de  fçavoir  fi  les  enfans 
font  incapables  de  fucceftlon  collatérale  ,  ainfi  que 
de  la  fucceftlon  de  leur  père  condamné  .''  Nulle 
différence  dit  M.  le  Nain  dans  le  principe  ,  parce 
qu'un  condamné  à  mort  qui  décède  apiès  les  cinq 
ans,  perd  le  droit  de  cité  ;  &  l'ordonnance  de  1639 
dit,   toutes  fuccejjlons. 

«  Une  féconde  queftion  fut  de  fçavoir,  fi  pour 
affurer  leur  état ,  les  enfans  pouvoient  prefcrire  le 
crime  de  leur  père  par  trente  ans.  M.  le  Nain  dit 
que  fi  la  Prefcription  de  trente  ans  avoit  été  ac- 
quife parle  défunt,  la  queftion  feroit  plus  difficile, 
quoiqu'on  pût  dire ,  que  fi  on  prefcrit  la  peine  du  cri» 
rne  ,  on  ne  prefcrit  point  pour  acquérir  le  droit  de  cité» 

M  m  m 


•45S 


PRESCRIPTION. 


«  M.  de  Catellan ,  tom.  i,  livre  2,jBhapitre 
68  ,  dit  que  rabfolutlon  du  condamne  à  Mbn  a  un 
cfFet  retrc)a(5^if  pour  les  fuccelTions  échues  pendant 
la  contumace;  mais  lorfqu'il  demande  fi  la  Pref- 
crlption  de  trente  ans  aura  le  même  efïet ,  il  réibut 
le  contraire  ,  &  les  raifons  qu'il  en  rend  font,  que 
la  Prefcription  de  trente  ans  eu.  une  exception  que 
le  temps  fournit  au  prévenu,  pour  le  mettre  à  cou- 
yei't  de  touto  pourfuite  ;  que  ce  n'efl  pas  une 
innocence  jufliHce,que  c'eft  un  payement  de  la 
peine  due  au  crime,  lequel  ci}  préfumc  fait  par 
les  craintes  Si  les  inquiétudes  du  prévenu  pendant 
les  îrcn:e  ans.  Il  le  compare  à  celui  qui  prefcrh 
ii'it  créance  ordinaire.Towit's  Qcs  raifons  concourent 
à  décider  que  le  condamné  à  mort  eft  incapable  des 
fuccenions  échues  depuis  la  Prefcription  de  trente 
ans;  Se  elles  confirment  une  partie  des  moyens 
du  fieiir  de  la  Boifllere. 

»  Le  Brun  dans  le  traité  des  rucccfTions  ,  livre  i , 
chapitre  2  ,  feâion  3  ,  diftinâion  3  ,  nombre  1 1  , 
Bafnage  fur  l'article  13a  de  la  coutume  de  Nor- 
mandie, &  Domat,  partie  2,  livre  1  ,  titre  1,  feélion 
2  ,  article  36,  font  du  même  fentîment. 

»  On  trouve  dans  les  ordonnances  ,  &  dans 
toutes  les  loix  la  nécefTité  d'en  conferver  la  vi- 
gueur, l'inconvénient  de  remettre  pleinement  les 
condamnés  à  mort  dans  leur  premier  état  apiès 
trente  ans;  rutiliié  de  laifîcr  les  familles  dans  l'ordre 
tic  fuccéder  où  elles  fe  trouvent  a ;/iès  trente  ans  ; 
chacune  de  ces  raifons  &  toutes  cnfemble ,  peu- 
vent avoir  produit  depuis  quelque  temps  l'ufage 
de  ne  point  accorder  de  lettres  après  trente  ans. 

"  C'eA  pour  le  fieur  d'AcIieu-f  une  refiburce 
inutile  d'alléguer  cet  ufage,  puifqu'U  ne  peut  en 
réfulrer  autre  chofe  ,finon  qu'on  doit  le  juger  dans 
l'état  où  il  fe  trouve.  AviT(  termes  de  l'ordonnance 
de  1670,  il  eft  afluellement  dans  l'état  de  mort 
civile,  pour  ne  s'être  pasreprcfentée  pendant  les 
cinq  ans  de  la  contumace;  il  eil  par  conTéqucnt 
incapal)le  de  toute  Aicceffion  ». 

Telle  éfoit  la  défcnfe  du  ficnr  de  la  JRoiiîîcre. 
Elle  étoit  trop  viifiorieufe  pour  ne  pas  emporter  tous 
ks  fuiTrages  ;  &  en  effet ,  par  arré:  du  6  mars  1738, 
rendu  à  la  grrind'clîambre  au  rapport  d'im  magif- 
trat  célèbre,  M,  Severt ,  la  fentence  du  bailliage 
d'Amiens  a  été  coniirraée  avec  amende  &  dé- 
pens, (i) 

[ij  M.  Richer  ,  dans  fcn  tiaité  Jt-  la  movt  civile,  pag.  54^, 
applaudit  avec  rai:on  à  !a  ju'.lice  t<  à  l'txaAitude  de  cette  Jé- 
ci.'iou.  Mais  i!  foutient  que  la  jurifprudence  du  parlement  de 
Totiroffs  y  efl  contraire.  Voyons  comment  il  Je  prouve. 

1!  y  en  3  ,  flit-il  ,  trois  arictj.  «  Le  premier,  qui  eft  du   i« 
»  juillet  166$  ,  paroît  d'abord  avoir  jugé  contre  notre   Centi 
»  lïicnr  :  mais  la  condamnation  n'avoit  poinc  éct  exécutée  par 
=0   tiïn^.ic  ;  a.iiilî  il  n'y  avoi;  point  de  mort  civile. 

»  Le  fécond,  qui  eft  du  iS  août  166^  ,  a  jugé  précifément 
»  contre  noire  fentîment ,  puifqu'il  a  décidé  que  la  Prefcrip 
»  iroB.  acqvîf-  par  ua  condamné  à  more,  ne  le  rend  paj ,  i 
a>  cii   v-ra'i  ,-ïSïyi!c  à  fe  fïiie   adjageir   1«    fucteCîîons   échue; 
»  pti«ilittt  irsurc  ans  :  nais  (jo'jptcs  ce  teccp*  exp 


ia  rrelcrip- 
:nd  paj ,  iJ    { 
ons   échue»    f 
pire  j  il  ac-    j 


PRESCRIPT  1  ON. 

Il  paroît  que  le  fieur  d'Acheux  avoit  preffcntî 
cet  arrêt.  Car  ,  dans  l'intervalle  de  rinftru£\ion  au 
jugement  ,  il  avuit  pris  une  voie  qui  ouvroit  une 
queAion  nouvelle.  Le  4  avril  1737  ,  il  s'étoit  conf- 
titué  prifonnier  à  la  conciergerie  du  palais ,  pour 
purger  la  contumace. 

On  comprend  en  effet  que  s'il  étoit  parvenu  à 

»  quicrt  la  capacité  de  recueillit  ctUes  qui  font  échues  de» 
"   puis, 

M  Le  troificme  ,  qui  eft  du  i  )  août  ij}  i  ,  efl  pareillement 
«  contre  notre  opinion.  Ainû  il  faut  tenir  pour  confiant  que 
»  la  jutifprudencc  du  parlement  de  Touloufe  tft  contre 
M  nous  ». 

Cela  n'eft  pourtant  pas  auiTi  confiant  que  M.  Rither  l'a- 
vance. 

D'abord  ,  des  ttois  arrêts  for  lefquels  il  s'appuie  ,  les  deux 
premiers  ne  font  pas  du  parlement  de  Touloufe  ;  mais  de 
celui  de  Bordeaux  :  on  les  trouve  l'un  &:  l'autre  d^ns  Je  re- 
cueil de  la  Peyterc  ,  lettre  P  ,  nombre  iy  ^  &i  lettre  S ,  nom- 
bre m. 

Enfuite  ,  le  fécond  arrêt  ne  paroît  pas  ruême  avoir  jugé  ce 
que  lui  prête  M.  Richer.  Ecoutons  la  Peyrere  :  «  Arrêt  du  iS 
M  août   t(^$ -,  au  rapport  de  M.  de  Baiatet ,  à.  h  féconde 
»  des  enquêtes  :  Matiin  Moreau  ayant  été  condamr.é  .i  fouf- 
»  frir  niorc  pat  défaut  ,    pour  raifon  d'un  meurtre,  et  exc- 
»  cuié  enettigie,   vient  apics  trente  ans,  Se  demande  à  fes 
»  frètes  la  poition  en  la  fuccellîon  de  fes  pê;e  &  mère  ,  qui 
»  fui  ctoit  échue  pendant  fa  contumace:  jugé  qu'il  ne  r"ii- 
•>  voit  avoit  part  aux   fucceifions  échues  pendant  fa  contu- 
••  mace  ,  ains  feulement  à  celles   qui  lui  pourtoient  échoir 
«  depuis  les  trente  ans  «.  Ce:  arrêt  a-t  il  vraiment  décidé  que 
M  an  in  Moreau  avoit  droit  aux   fucceflions  çui  lui  pourruiinr 
(choir  depuii   les  trente  ans  ?  Il  ell  difticile  de  fe  leperfuader. 
Que  demandoii  Martin  Moreau  >  De^  fucccjfîons  échues  fen- 
dant fa  contumace  >  la  fucceflicn  de  fes  père  (y  mcre ,  rien  ^e 
p!u5.  Les  juges  n'ont  c'onc  pas  pu  étendre  leurdécilîon  à  des 
objets  qui  n'éroient  pas  conteitcs.  Peut-être  n'ont  ils  fait  que 
réierver  à  Martin  Moreau  Je  droit  de  faire  valoir  fes  préten- 
tions furies  fucceJlîcns  <;ui  s'ouvrirci.'nt  à  l'avenir,  Jes  dé- 
fenfcs  &  exceptions  de  fes  adverfaircs  fauves  ;  peut-être  auHi 
laPeyiere,en  employant  les  mots,  ains  feulement  a:ixfuc- 
cejfions  qui  lui  pourraient  échoir  depuis  les  trrnte  ans  ,  n'a-tii, 
voulu  que  donner  fa  propre  opinion  fttr  un  peint  qu'il  n'a- 
voit  probablement  pas  examiné.  Ce  qui  fortifie  notre  conjec- 
ture ,  c'eit  que  dans  un  autre  endroit,   fous  le  a°.  6j  de  la 
lettre  P  ,  il  parle  encore  de  cet  arrêt ,  &  n'en  fait  tomber  la 
déei/îon  que  fur  les  fucccfllcns  échues  avant  les  trente  ant. 
Voiri   fes  termes  :  "  La  Pre'cripiion  de  vingt  ou  trente  ans 
•>  acquife  par  un  condamne  ,  ne  le   rend  pas  habile  à  repren- 
«  dre  Jcs  fucceflijns  tchues  pendant  ledit  temps   de  vingt  ou 
»  trente  ans.  Ainfi  jugé  par  a:rêr  du  iS  août  if^C^  ». 

En  voilà  ceitainemcnt  plus  qu'it  n'en  faut  pour  élever  dani 
tout  efprit  raifonnable  ,  les  doutes  les  mieux  fondés  fut  la  vé- 
ritable décilion  de  cet  arrêt,  &:  empêcher  qu'on  ne  l'employé 
comme  autorité  fur  la  queflion  qui  nous  occupe  :  du  nioiri» 
faudroicil  ,  avant  d'en  faire  ufage  ,  le  véiiher  fur  les  regif- 
très  du  parlement  de  Bordeaux. 

KeJîe  r^trci  du  parlement  de  Touloufe  du  ij  août  173  r. 
Mais  1°.   M.  Richer  n'en  irvfJique  point  l'efpèce  ;   il  ne  dit 
pas  mérue  de  qui  il  la  tient ,  &  une  chofc  certaine  ,  c'ei^qu'il 
n'eft  rapporté  dans  aucun  des  recueils  d'airêts  qu'on  a  de  ce 
parlement.  1°.  Nous  le  trouvons  cité  dans  les  mémoires  taitj 
en  17^7  pour  Je  iieui:  d'Acheux,  mais  il  n'y  eft  préfenté  que 
tomme  ayant  jugé  qu'aprls  vingt  ans  le  crime  b"  Ls  a^'wnf 
pécuniaires  font  éj^alement  prefcrits,   5".  Enfin  ,  ce  feul  arrêt 
quel  qu'il  foit ,  ne  peut  pas  former  une  jurifbradencs  conf- 
iante; &C  dès-là,  il  n'eftpaj  vrai,  comme  l'aHure  M.  Richer  » 
qu'iJ  foit  fi>njîû7ir  i-juc  le  parlement  de  Touloufe  atc  fur  notre 
«juçiHon  de»  tnA.'dn.es  cppÇ'fscià  celk»  doparlenacnidePaiiA. 


PRESCRIPTION. 

fe  juflilîer  ,  fa  mort  civile  n'aurolt  plus  fubfifté  ,  Sc 
il  n'auroit  plus  eu  befoiii  de  tirer  avantage  de  la 
Prefcription  de  Ton  crime. 

Cette  voie  extraordinaire  ne  rencostra  d'abord 
aucun  obftacîe.  Dès  le  lendemain  ç  ,  il  obtint  un 
arrêt  fur  requête,  qui  ordonna  qu'il  fcroit  tranf- 
féré  dans  les  prifons. d'Amiens  pour  être  fait  droit 
fur  fa  demande. 

Les  juges  d'Amiens  l'admirent  effeflivement  à 
purger  la  contumace  ,  Sc  lui  firent  fubir  interroga- 
toire. Quelque  jours  après,  ils  d-clarèrent  nulle 
l'information  fur  laquelle  il  avoir  été  condamné  , 
&  ordonnèrent  qu'on  informât  de  nouveau. 

Le  fieur  d'Acheux  appela  de  la  féconde  partie 
de  cette  fentence  ,  6c  fur  fon  appel ,  il  intima 
M.  le  procureur-général. 

De  fon  coté  ,  M.  le  procureur  -  général  forma 
oppcfition  à  l'arrêt  du  5  avril  1737,  qui  avoir  ren- 
voyé le  fieur  d'Acheux  au  bailliage  d'Amiens,  Si. 
il  fe  rendit  appelant  de  tout  ce  qui  avoit  été  fait 
dans  ce   fiège  d'après  ce  même  arrêt. 

La  caufe  portée  à  l'audience  de  la  Tournelle, 
il  fut  queftion  de  favoir  fi  la  Prefcription  de  trente 
ans  qui  avoit  mis  la  partie  publique  dans  l'impuif- 
fance  de  faire  aucime  pourfuite  contre  le  fieur 
d'Acheux  ,  devoir  par  réciprocité  empêcher  le  fieur 
d'Acheux  de  faire  preuve  de  (on  innocence,  &  fi 
la  (ociété  avoit  prefcrit  contre  lui  fon  incapacité, 
comme  il  avoit  prefcrit  contr'ellc  fon  impunif.é.  Le 
niiniftère  public  foutenoit  l'affirmative  fur  l'un  & 
l'autre  point. 

Pour  tâcher ,  au  contraire,  d'établir  la  négative, 
M.  Simon  de  Mofa  ,  dét^'enfeur  du  fieur  d'Acheux  , 
diflinguoit  les  deux  difpofitions  de  la  fentence  du 
bailliage  d'Amiens  ,  dont  étoit  appel. 

<«  La  première  difpofition  (  difoit-il  )  qui  dé- 
clare l'information  nulle  ,  eft  jufte. 

'>  Une  information  dans  laquelle  le  greffier  n'a 
point  figné  les  dépofitions  des  témoins  ,  &  où  les 
témoins  ne  font  point  interpellés  de  déclarer  s'ils 
font  parens  ,  alliés  ,  ferviteurs,  ou  domefliques  des 
parties,  qÛ  nulle  ,  &  ne  peut  être  regardée  comme 
une  information.  Perfonne  n'ignore  que  toute  for- 
maliré  en  matière  criminelle  ell  de  rigueur ,  ik  que 
la  nullité  de  la  procédure  eft  de  droit ,  s'il  y  en 
a  quelqu'une  qui  n'ait  pas  été  obfervée,  foit  que 
l'ordonnance  l'ait  prononcée  ou  non. 

»  Ce  qui  rend  un  criminel  digne  de  mort,  c'eft 
qu'il  a,  pour  ainfi  dire,  contracté  avec  la  loi,  & 
qu'il  s'eft  foumis ,  dès  qu'elle  a  été  publiée,  à  toutes 
les  peines  qu'elle   prononce. 

»  Mais  la  loi  s'eil  auffi  impofé  les  conditions 
fous  lefquelles  elle  le  condamnera  ;  ces  conditions 
font  les  formalités. 

>»  Et  ces  formnliîés  font  encore  plus  de  rigueur 
en  matière  d'abfence  ,  que  lorfquc  l'accufé  eA  pré- 
fent  ;  pourquoi  ?  Parce  qu'étanr  préfent  ,  il  peut 
fe  d;;fendre;  il  faut  donc  lui  remplacer,  fi  on  peut, 
cet  avantage. 
»  Si  ces  formalités  e/TentielIes  manquent ,  il  n'y 


PRESCRIPTION.         459 

a  point  d'acle  ,  point  de  procédure,  point  de  ju~ 
giment.    Il  exlfte  un    être  phyfique  ,  un  parche' 
min  ,  mais  fans  force  &    fans    vertu  ,  incapable 
de   produire  aucun  effet  ;  tout  eft  nul  de    plein 
droit. 

»  Le  rien  ne  produit  rien  ,  ce  qui  eft  nul  n'a 
point  d'effet;  il  n'y  a  donc  ni  condamnation ,  ni 
peine  de  la  condamnation  :  la  loi  n'en  a  point  pro- 
noncée, au  contraire  elle  ne  l'a  pu  ,  puifqu'elle  n'en 
prononce  que  dans  le  cas  d'une  procédure  vala- 
ble. Elle  feroit  donc  en  contradiclion  avec  elle- 
même  ,  ainfi  il  n'y  a  ni  contumace  ,  ni  mort  civile. 
Qu'on  ne  dife  pas  que  c'eft  fubtilitè  toute  pure, 
c;'.la  eft  incontellable  ,  ces  principes  font  écrits 
dans  l'ordonnance. 

j»  Il  ne  refte  donc  plus  qu'une  jîlainte  rendue  il 
y  a  près  de  cinquante  ans,  plainte  ifolée  qui  ne 
peut  être  le  fondement  d'aucune  in/lruiition  ;  elle 
eft  prefcrite  ;'le  miniflère  public,  les  parties  ci- 
viles, tous  font  fans  aélion  pour  pourfuivre  la 
vengeance  du  crime  qu'on  fuppofe. 

»  Il  eft  donc  contre  la  règle  &  contre  les  prin- 
cipes d'avoir  ordonné  qu'il  feroit  fait  une  nou- 
velle information. 

»  On  doit  accorder  au  fieur  d'Acheux  la  li- 
berté qu'il  demandoit  ;  Si  en  effet  dès  qu'un  hom- 
me eft  innocent,  rien  n'eff  plus  jufle  que  la  de- 
mande qu'il  forme  pour  être  mis  en  liberté  ;  com- 
me, aucontraire,  rien  n'eft  plus  injurte  que  de  ne 
pas  la  lui  accorder:  or  le  fieur  d'Acheux  eu  innocent 
du  délit  porté  dans  la  plainte  de  1688  ,  ill'eft  à  fes 
yeux  ,  si  dans  l'intérieur  de  fa  confcience  qui  ne 
lui  reproche  rien;  il  l'eft  aux  yeux  de  lajuflice, 
dés  qu'il  n'y  a  point  de  charge  contre  lui  qui  puiffe 
le  faire  regarder  comme  coupable. 

3>  Il  n'y  a  point  de  milieu  entre  être  innocent  & 
être  coupable;  pour  être  coupable,  il  faut  qu'il 
foit  convaincu  par  des  charges  :  or  ici  il  n'y  a. 
point  de  charges,  l'information  eft  nulle,  elle  ne 
peut  faire  preuve,  elle  ne  peut  le  charger;  la 
conféquence  néceffaire  eft  qu'il  eu  innocent  ;  la 
preuve  complette  de  fon  innocence  conHfte  en 
cela  même  ,  (ju'il  n'y  a  point  de  preuves  qu'il  foit 
coupable  ;  l'innocence  elt  toujours  préfumée  quand 
il  n'y  a  point  de  preuve  de  délit  :  n'y  a-t-il  pas 
de  l'injurtice,  de  l'inhumanité  à  ne  pas  accorder 
la  liberté  à  un  innocent,  à  un  homme  contre  le- 
quel il  n'y  a  Se  ne  peut  y  avoir  aucune  preuve  qu'il 
foit  coupable  } 

)»  Mais,  dit-on,  le  fieur  d'Acheux  n'eft  plus  à 
temps  pour  fe  repréfenter  ik  fe  mettre  en  prifon  , 
en  conformité  de  l'anicle  18  du  titre  17  de  l'or- 
donnance de  1670  :  il  a  laiiTé  écouler  plus  de  trente 
ans  depuis  la  fentence  de  contumace  Si  de  fon 
exécution  :  il  a  bien  prefcrit  contre  la  peine  qui 
eft  prononcée,  mais  la  fentence  a,  par  le  mên;e 
laps  de  temps  ,  prefcrit  contre  lui  la  mort  civile 
qui  éroit  attachée  n  la  peine  :  il  n'a  plus  d'être 
civil  pour  efter  à  droit ,  il  ne  l'a  pu  que  dans  les 
cinq  ans  du  jugement  de  contumace,  ou  du  molus 

Mmmij 


46o  PRESCRIPTION. 

il  a  diJ  Ce  préfenter  dans  les  trente  anj. 

»  Qu'il  foit  permis  de  dire  que  ces  propofuions 
font  contraires  à  l'humanité.  Y  auroit-il  donc  un 
temps  où  l'innocent  injuftement  condamné  ne  fe- 
roit  plus  r«cevable  à  juftifier  fon  innocence  ? 
Nous  voyons  que  parmi  les  romains  ,  il  n'y  avoit 
jamais  de  Prefcription  en  matière  criminelle  con- 
tre les  accufés ,  Si  qu'au  contraire  la  Prefcription 
ctoit  ouverte  aux  accufés  contre  la  peine  &  la 
pourfuite  du  crime.  Nos  lois  éclairées  par  la  re- 
ligion feroient-elles  donc  moins  juftes  que  celles 
qu'on  a  faites  dans  les  ténèbres  du  paganifme  ? 
Non  ,  &  il  ne  fera  pas  difficile  de  s'en  convaincre. 

»  Premièrement  ;  par  l'arrêt  de  la  cour  du  5 
juin  1737,  qui  a  ordonné  fur  la  requête  même 
du  fieur  d'AcIieitx ,  qu'il  feroit  transféré  dans  les 
prifons  d'Amiens  :  c'eft  une  approbation  mani- 
fcfte  de  la  démarche  du  fieur  d'Achcux  ,  Se  une 
reconnoiffance  de  l'effet  qu'elle  devoir  avoir.  Car 
fi  en  fe  rcpréfentant ,  il  n'avoit  pas  anéanti  toute 
la  contumace  ,  s'il  n'eût  pas  été  à  temps  pour  leffa 
cer  par  la  repréfentation  de  fa  pcrfonne  ,  on  n'au- 
Toit  pas  ordonné  qu'il  feroit  transféré  dans  les  pri- 
fons d'Amiens  ;  ce  n'étoit  sûrement  pas  pour  la 
vindifle  publique  ;  il  n'y  a  plus  de  vindiéle  pu- 
blique ,  lorfqu'un  efpace  de  trente  ans  a  cou- 
vert un  jugement  de  condamnation  exécuté.  Ce 
ne  pouvoit  donc  être  que  pour  donner  à  un  ci- 
toyen ,  à  un  gentilhomme  ,  le  moyen  de  fe  juf- 
tiner  aux  yeux  de  la  juftice,  d'un  crime  dont  il 
avoit  été  calomnieufcmeni  accufé  ;  pour  le  mettre 
à  portée  de  fe  maintenir  dans  un  état  entier  ,  au- 
quel la  fentence  de  contumace  ne  peut  donner 
atteinte.  Or  ,  puifqu'il  ne  pouvoit  fe  maintenir 
dans  cet  état ,  fans  détruire  Se  la  fentence  &  toute 
la  procédure  de  contumace  ,  l'arrêt  de  la  cour , 
en  ordonnant  qu'il  feroit  transféré  dans  les  pri- 
fons d'Amiens  (  ce  qu'il  n'a  pu  faire  que  dans  la 
vue  de  lui  procurer  le  moyen  de  fe  juftifier),  a 
«donc  reconnu  que  la  repréfentation  de  fa  per- 
fonne  détruifoit  &  anéantinoit  la  fentence  de  con- 
tumace ,  &  toute  la  procédure  qui  avoit  été  faite 
depuis  ce  décret, 

w  Le  miniftère  public  parfaitement  inftruît  des 
règles  &  des  principes  ,  a  été  partie  dans  cet  arrêt  ; 
c'eft  fur  fes  conclufions  qu'il  a  été  rendu  :  il  a 
reconnu  de  même  par  l'arrêt,  que  la  fentence  de 
contumace  étoit  effacée  par  la  repréfentation  de 
la  perfonne  du  fieur  d'Acheux  ,  lorfqu'il  fe  re- 
mettoit  dans  les  prifons  du  juge  qui  avoit  jugé  la 
contumace,  puifqu'il  a  donné  fes  conclufions  pour 
le  faire  transférer  dans  les  prifons  d'Amiens.  Par 
quelle  fatalité  ce  miniftère  public  toujours  un  en 
foi  Se  indivifible  ,  ]X)urroit-il  fe  trouver  contraire 
à  lui-même  ,  jufqu'au  point  de  faire  entendre  que 
le  laps  de  trente  ans  depuis  la  fentence  empêche  le 
fieur  d'Acheux  de  purger  la  contumace  ? 

i>  Comment  d'un  côté  ayant  requis  que  le  fieur 
«l'Acheux  qui  s'étoic  remis  dans  les  prifons  de  la 


PRESCRIPTION. 

conciergerie,  fût  transféré  dans  celles  d'Amiens  ; 
ce  qui  ne  pouvoit  être  que  pour  purger  la  contu- 
mace,  pourroit-il  dire  d'un  autre  côté  qu'il  n'étoit 
plus  à  temps  pour  la  purger  ,  &  qu'elle  étoit  ac- 
quife  par  le  laps  de  trente  années  ? 

»»  En  fécond  lieu ,  il  ne  faut  que  lire  l'ordon- 
nance de  1670  ,  pour  connoître  qu'il  n'y  a  point  de 
temps  fixe  après  lequel  l'accufé  ne  puiffe  plus  pur- 
ger la  contumace  en  fe  remettant  en  état.  L'article 
18  du  titre  17  ,  porte  cxpmffémem,  fi  U  comumjx  ej{ 
arrêté  prifonnier ,  ou  fe  repréfenle  après  le  jugement ,  ou 
rnéme  après  les  cinq  années  dans  les  prifons  du  juge 
qui  Caura  condamné  ,  les  défauts  &>  contumaces  fennt 
mis  au  néant  en  venu  de  notre  préftnfe  ordonnance  ,  S-c, 

»»  Ces  termes,  ou  même  après  les  cinq  années  ,  ne 
reçoivent  aucune  reftriélion  ;  ils  font  même  expri- 
més dans  l'ordor.nance  ,  à  l'effet  exprès  que  les  ac- 
cufés aient  à  perpétuité  une  porte  ouverte  pour 
juftiF.er  leur  innocence. 

»>  Qu'on  ne  dife  point  que  les  accufés  n'ont  cette 
reffource  que  pendant  les  cinq  ans  qui  fuivent  le 
jugement  de  contumace  ,  &  qu'après  les  cinq  ans 
ils  ont  befoin  de  lettres  du  prince  pour  efler  à 
droit,  fuivant  l'article  28  du  même  titre  17  de  l'or- 
donnance ;  ce  feroit  une  fauffe  application  de  cet 
article  ,  qui  ne  parle  que  des  condamnations  pécu- 
niaires ,  amendes  &  contifcations  ,  &  nullement 
des  peines  publiques  contre  lefquelles  l'article  18 
admet  toujours  le  retour  en  faveur  des  contumax 
qui  fe  repréfentent  pour  anéantir,  par  leur  repré- 
fentation ,  toute  la  contumace.  L'article  28  porte 
que  fi  le  contumax  ne  fe  repréfente  dans  les  cinq 
ans  ,  les  condamnations  pécuniaires,  amendes  & 
confifcations  font  réputées  contradifloires  ,  fi  le 
contumax  n'obtient  des  lettres  du  prince  pour  cflef 
à  droit. 

»  Ces  lettres  ne  font  néceffaires  &  n'ont  d'effee 
que  pour  anéantir  les  condamnations  pécuniaires  > 
amendes  &  confifcations  prononcées  ,  mais  non 
pas  pour  anéantir  le  jugement  de  contumace  :  fi  le 
contumax  veut  recouvrer  fes  biens  ,  meubles  & 
immeubles  confifqués ,  il  ne  le  pourra  pas,  par  le 
feul  effet  de  la  repréfentation  de  fa  perfonne,  & 
par  le  feul  effet  de  l'anéantiffement  du  jugement 
de  contumace  ,  il  a  befoin  des  lettres  du  prince 
pour  efier  à  droit  ;  mais  s'il  ne  veut  qu'effacer  le 
jugement  de  contumace  ,  fans  toucher  aux  con- 
damnations pécuniaires  ,  amendes  &  confifcations  , 
il  ne  faut  confulter  que  l'article  18  ,  qui  ne  fait  au- 
cune différence  entre  les  cinq  ans  &  le  temps  pofié- 
rieur  pour  être  reçu  à  fe  repréfenter  &  à  purger  I» 
contumace  par  fa  repréfentation.  Il  eft  recevable 
même  après  les  cinq  ans  à  fe  repréfenter  ,  fans 
qu'il  lui  foit  enjoint  d'obtenir  des  lettres  du  prince 
pour  efier  à  droit  :  il  lui  fuffit  de  fe  repréfenter 
pour  anéantir  tout  défaut  &  contumace  ,  fant 
qu'il  y  ait  aucune  condition  fans  laquelle  la  con- 
tumace ne  feroit  point  effacée. 

»  Cet  article  &  l'arrêt  de  la  cour  du  ç  juin  1757.. 
répondent  parfaitement  à  cette  prétendue  Prefcrip 


PRESCRIPTION. 

tîon  acquife  par  le  laps  de  trente  années  depuis  le 
jugement  de  contumace  contre  l'accufé  condamne  ; 
pinlqu'il  n'y  a  point  de  temps  préfix  au-delà  du- 
quel IViCcuré  ne  fait  plus  en  état  de  Te  repréfen- 
tcr,&  de  meure  au  néant  \cs  défauts  &  la  contu- 
mace ;&  l'arrêt  de  la  cour  reconnoît  qu'il  a  cette 
faculté  ,  &  qu'elle  n'a  jamais  pu  être  prefcrite  con- 
tre lui  ,  en  cela  même  qu'il  ordonne  qu'il  fera 
transféré  dans  les  prifons  d'Amiens. 

»  L'ordonnance  ne  fait  point  de  différence  pour 
la  repréfentation  ,  foit  avant  ,  feit  après  les  cinq 
ans  i  elle  n'en  fait  point  après  les  cinq  ans  dans 
aucune  époque:  parles  termes  après  Us  cinq  ans  , 
elle  comprend  tout  le  terme  de  la  vie  de  l'accufé 
(ans  aucune  reftri^lion, 

"  Et  quelles  feroient  les  conféquences  d'un  prin- 
cipe contraire  ?  Si  la  Prcfcription  excluoit  le  con- 
tumax  de  (c  repréfenter  après  les  trente  ans  ;  s'il 
étoit  vrai  que  la  condamnation  exécutée  par  effigie 
eût  acquis  la  force  de  chofe  jugée  contre  laquelle 
on  ne  pût  revenir,  le  public  auroit  donc  acquis 
contre  le  condamné  une  Prefcription  trcntenaire  , 
pour  le  forcer  de  demeurer  irrévocablenient/frvwj 
pa-nx;  le  condamné  auroit  donc  acquis  lui-même 
le  non  erre  par  Prefcription  ,  quelqu'innocent  qu'il 
ait  pu  être  dans  le  principe.  Il  fera  donc  déterminé 
qv.'il  doit  demeurer  à  perpétuité  condamné  comme 
coupable:  il  pouvoit  ,  avant  l'expiration  des  trente 
ans  ,  manifefter  viâorieufement  fon  innocQ/ice  ,  & 
fe  reftituer  à  la  vie  civile  en  fe  repréfentant.  L'expi- 
ration des  trente  ans  aura  donc  rendu  fa  condam- 
tion  à  mort  irrévocable.  11  y  aura  donc  un  temps 
au-delà  duquel  l'innocent  ne  pourra  plus  élever  fa  ! 
voix  pour  manifï-rter  fon  innocejice.  Qui  o(c  pro- 
poler  un  principe  dont  on  tire  des  conféquences  fi 
contraires  à  toute  humanité,  à  toute  jurtice  ?  L'in- 
nocence ne  fera-t-elle  plus  recevableà  fe  purger 
d'une  accufation  calomnieufc  }  Cela  choque  la  rai- 
fon  &  le  bon  fens. 

»  Et  d'ailleurs  quelle  Prefcription  pourroit  avoir 
acquife  une  fcntence  de  condamnation  formée  fur 
une  information  nulle  ?  A-ton  pu  afleoirune  con- 
damnation fur  une  telle  information  ^  La  condam- 
nation n'efl  elle  pas  nulle  dés  fon  principe ,  en  cela 
niêmc  qu'il  y  a  défaut  de  preuves  .?(  La  nullité  de 
l'information  n'opère-t  elle  pas  le  même  effet  que 
fi  jamais  il  n'y  avoit  eu  d'information  ).  Or,  fi  la 
condamnation  eft  nulle  dès  fon  principe  ,  elle  n'a 
pu  acquérir  parle  laps  de  trente  ans  un  degré  de 
force  &  de  validité  qu'elle  n'avoit  pas. 

>»  Ajoutons  même  que  l'allégation  qu'un  accufé 
fait  de  fon  innocence,  eft  une  exception  contre 
l'action  qu'on  veut  faire  naître  contre  lui  du  crime. 
Or,  l'exception  ,  dans  le  principe  de  droit ,  n'eft  ja- 
mais fujette  à  Prefcription  ,  quod  temporale  ejl  ,id 
tf^cndum  ,  perpauum  tfl  ai  excipicn.ium  :  d'où  il  fuit 
que  jamais  on  ne  peut  oppofer  au  fieur  d'Achetix 
aucune  Prefcription  pour  l'empêcher  de  montrer 
(on  innocence  ;  que  par  conféquent  on  ne  peut  lui 


PRESCRIPTION. 


461 


JnterJire  ,  par  le  moyen  de  la  Prefcription  ,  la  fa- 
culte  de  fe  repréfei  ter  à  cet  ertet ,  ik  de  purger  fa 
contumace  par  fa  repréfentation. 

»  Dire  qu'après  trente  ans  l'accufé  n'a  plus  d'être 
ci%'il  peur  eHer  à  droit,  &  que  par  conféquent  il. 
ne  peut  pas  fe  repréfenter ,  c'eA  vouloir  abufcr  des 
termes  ,  Se  chercher  à  s'abufer  foi-même  :  le  con- 
tumax  ,  pendant  les  cinq  ans  après  le  jugement,  a- 
t  il  moins  perdu  l'être  civil  ?  N'eft-il  pas  mort  civi-- 
lemcnt  par  1  exécution  du  jugement ,  de  même  que' 
s'il  y  en  avoit  trente  que  le  jugement  eût  été  rendu  ? 
Acquiert-il  un  degré  de  mort  plus  ineffaçable  après 
le   laps  de   trente  ans  ?  Efl  il  plus  mort  qu'il  ne 
l'éioit  auparavant  ? 

»  L'incopvcnient  d'ouvrir  une  voie  aux  crimi- 
nels peur  éviter  la  rigueur  des  lois  ,  toutes  les  fois 
qu'ils  trouveront  moyen  de  laiffer  écouler  trente 
ans,  fans  porter  la  peine  de  leur  crime  ,  ne  mérite 
ici  aucune  attention;  fi  le  fyflémedu  fieur  d'Acheux 
ouvre  une  voie  aux  coupables  pour  éluder  la  puni- 
tion ,  le  fyfféme  contraire  accableroit  l'innocence 
en  l'empêchant  de  fe  jiiflifier. 

Or  ,  il  n'y  a  perfonne  qui  ne  fente  au  fond  de 
fon  cœur,  combien  il  feroit  iiijurte  de  fermer  à  l'in- 
nocent condamné  la  voie  de  fe  juftifier;  quelle 
honte  feroit- ce  pou.r  l'humanité  ,  û  les  lois  avoient 
fixé  un  délai  au-delà  duquel  fes  plaintes  6c  fa  jufti- 
fication  feroient  inutiles  &  rejetées  ! 

j>  La  crainte  de  fauver  un  coupable  ne  doit  ja- 
mais l'emporter  fur  le  devoir  d'écouter  linnocent 
dans  fa  juflification. 

»  Le  fieur  d'Acheux  fe  repréfente  pour  fe  ju/li- 
fier  de  l'accufation  calomnieufe  d'un  crime  pour 
lequel  il  a  été  condamné  fur  une  procédure  nulle  ; 
fa  voix  fera-t-elle  étouffée  ,  parce  qu'il  n'eft  plus 
dans  les  cinq  ans  ,  parce  qu'il  n'eft  plus  dans  les 
trente  ans  depuis  le  jugement  ?  On  ofe  dire  qu'une 
pareille  propofition  bleffe  la  religion  ,  révulte  la 
nature  &  l'humanité. 

))  On  fait  au  fieur  d'Acheux  une  autre  objciîlion 
pour  foutenir  qu'il  ne  peut  pas  fe  repréfenter.  On 
lui  dit  qu'il  ne  peut  pas  fe  repréfenter  devant  ua 
juge  qui  ne  peut  ici  le  condamner  ni  l'abfoudre; 
que  le  juge  ne  le  peut  condamner  à  caufe  de  la 
Prefcription,  &  qu'il  ne  peut  l'abfoudre,  parce  que, 
fuivant  la  maxime  de  droit ,  celui  qui  ne  peut  con- 
damner ,  ne  peut  pas  abfoudre. 

»  Il  ne  faut  que  préfenter  la  maxime  de  droit 
telle  qu'elle  eft  pour  répondre  à  cette  ohje£lion  ; 
c'eft  la  loi  37  ,^  de  diverjîs  regulis  juris.  Elle  ne  dit 
point,  qui  condemnare  pottjï ,  ahjolvere  non  poiefl  ; 
mais,  riemo  qui  condemiare  potefl ,  abfolverenan  potejî. 
La  véritable  traduflion  de  cette  loi,  eft  que  quicon- 
que a  le  pouvoir  de  condamner,  doit  néceffaire- 
ment  avoir  le  pouvoir  d'abfo'idre  :  or ,  il  eft  conf- 
iant que  le  juge  devant  lequel  le  fieur  d'Acheux  fe 
repréfente  a  le  pouvoir  de  con-lamner,  &.  par  con- 
féquent qu'il  a  auffi  celui  d'abfoudrt.  Il  eO  vrai  que 
ce  ju^e  ne  peut  pas  condamner  le  fieur  d'Acheux  à 


4^1 


PRESCRIPTION. 


cauie  delà  Prcfcription  ;  mais  il  ne  s'enfuit  pns 
qu'il  n'ait  pas  dans  (on  miiiiftère  le  pouvoir  de  le 
condamner,  s'il  y  avoir  des  preuves  contre  li;i. 
Ceu  fur  le  pouvoir  en  général  feulement  que 
frappe  la  maxime  de  droit ,  &  non  pas  fur  ce  que 
le  juge  ne  peut  faire  relativement  à  un  tel  cas. 

"  Par  exemple  ,  un  juge  qui  a  le  pouvoir  de  con- 
damner &  d'abfcudre  ,  ne  peut  pas  condamner  ,  s'il 
ny  a  point  de  preuve.  Il  feroit  ridicule  de  dire 
fju  en  ce  crîS  il  ne  peut  pas  :;bfoudre ,  parce  qu'il 
eu  vrai  de  dire  qu'il  auroit  le  pouvoir  de  condam- 
rer,  s'il  y  avoir  des  preuves  fuftîfantes.  lien  cft 
de  même  lorfque  le  juge  ne  peut  pas  condamner  à 
cauîe  de  la  Frcfcriprion  il  ne  s'enfuit  pas  qu'il 
n'ait  pas  le  pouvoir  d'abfoudre  ;  de  ce  que  la  Pref- 
cription  l'empcclie  d'exercer  le  pouvoir  de  con- 
damner ,  il  ne  s'enfuit  pas  qu'il  n'ait  pas  ce  pouvoir, 
parce  qu'il  l'auroit  ,  ceiTant  la  Prefcription  ;  c'eft  là 
procifément  le  cas  d'appliquer  la  maxime  de  droit , 
ncmo  qui  condcmnarc  petcjl ,  u^Jolvcre  non  polcjl  ;  puif- 
que  le  juge  auroit  le  pouvoir  de  condamner  cefîant 
la  Prcfcription  ,  il  ne  peut  pas  ne  pas  avoir  le  pou- 
voir d'abfoudre. 

»  Ainfj,  on  ne  peut  pas  dire  que  le  fieur  d'A- 
cheux  fe  repréfcnte  devant  un  juge  qui  ne  peut  ni 
le  condamner,  ni  rabfoudre  ;  le  juge  a  confiam- 
jnenr  le  pouvoir  de  le  condamner,  &  il  le  pourroir , 
cefTanr  la  Prefcription  ;  par  conféquent  il  a  le  pou- 
voir de  l'abfoudrc  ;  d'où  il  fuir  que  la  propofjtion 
qui  lui  efl  oppofée  ne  peut  proiluire  aucune  in- 
duâion  qui  le  rende  non-recevable  à  fe  repréfenter 
pour  purger  la  contumace, 

>»  Dès  qu'il  lui  eft  permis  de  fe  repréfenter ,  il 
fuit  néce(rairrment  qu'en  fe  repréfentant,  il  anéan- 
tit toute  la  procédure  de  contumace  ;  qu'il  n'auroit 
plus  contre  lui  que  l'information  décrétée  ,  fi  elle 
étoit  valable  ,  &  que  l'information  étant  radicale- 
ment nulle,  il  eft  néceffaircment  innocent,  par  ce- 
la' même  qu'il  n'y  a  point  de  preuve  qu'il  foit  cou- 
pable. 

n  On  ne  peut  s'attacher  à  aucune  préfomption 
pour  laifTer  même  le  moindre  fcupçon  contre  lui  ; 
ce  n'eft  point  par  des  préfomprions  qu'on  peut  atta- 
quer l'mnocence  d'un  citoyen,  il  faut  des  preuves, 
&  des  preuves  démonftratives  ,  juridiques ,  &  faites 
dans  les  formes  prefcrites  par  les  ordonnances  ;  fi 
les  preuves  n'cxiftent  point  ,  fi  elles  ne  font  vala- 
bles ,  \çi  préfomptions  ne  peuvent  être  qu'en  fa- 
veur de  fon  innocence.  On  n'a  pas  befoin  de  prou- 
ver qu'on  eft  innocent ,  &  au  contraire ,  il  faut 
qu'il  foit  prouvé  clairement  qu'on  ert  coupable  ; 
combien  ne  doit-on  donc  pas  être  furpris  que  le 
xninifiére  public  ,  obligé  par  état  à  ne  connoitrc  de 
coupable  qu'autant  que  la  preuve  efl  m..Tnifef}e& 
t\Vi.Q  les  informations  font  valables  &  concluantes  , 
ait  néanmoins  voulu  faire  tomber  furie  fieur  d'A- 
cheux  la  préfomption  du  crime,  en  conféquence 
d'une  information  radicalement  nulle  ?  La  f^ vérité 
de  fon  miniRère  ne  peut  pas  l'autorifer  à  cela. 
«  Le  miniftère  public,  comme  le  juge  ,  ne  peut 


PRESCRIPTION. 

Ifi  préfumer  qu'innocent ,  dès  qu'il  n'efl  pa?  prouvé 
qu'il  eft  coupable:  or, dans  l'efpèce  prélente,  nulle 
preuve  que  le  fieur  d'Acheux  foit  coupable  ;  l'in- 
formation faite  en  i68i^  eft  nulle  ,  &  doit  être  re- 
gardée comme  n'ayant  j"m..i5  exifté  :  la  confé- 
quence néceftaire  eft  qu'il  eft  innocent  ;  donc  point 
de  préfomption  qu'il  foit  coupable  :  le  crime  ne  fe 
préfume  point  ;  on  n'eft  point  coupable  s'il  n'eft 
prouvé  qu'on  l'eft  ;  le  corps  du  délit  aura  beau  être 
certain,  s'il  n'y  a  point  de  preuve  contre  quel- 
qu'un ,  il  ne  peut  y  avoir  d'imputation  de  crime  : 
tout  fe  réunit  alors  pour  juftiner  linnocence. 

•>i  On  ne  doit  point  être  étonné  que  le  fieur 
d'Acheux  ,  quoiqu'alfuré  de  fon  innocence,  s'op- 
pofe  à  la  nouvelle  information  qui  eft  ordonnée  par 
la  fentence  du  juge  d'Amiens. 

•n  S'il  s'étoit  trouvé  vis-à-vis  d'une  information 
valable  fur  laquelle  on  l'auroit  décrété ,  il  auroit  eu 
un  intérêt  fenfible  de  taire  voir  la  îaulieté  des  de- . 
pofitions  des  témoins  ,  6i.  de  moptr?r  (on  inno- 
cence dans  un  interrogatoire  où  il  auroit  renverfé 
ces  dépofitions  :  c'eût  été  le  parti  qu'il  auroit  pris, 
fi  l'information  eût  été  valable. 

»  Mais  l'information  étant  nlille,  il  n'y  a  plus  de 
dépofuion  contre  lui  :  pourquoi  voudroiton  l'obli- 
ger de  fe  faire  un  nouveau  fantôme  pour  le  com- 
battre? Urie  information  valable  ,  quoique  prefcrire 
&  impulftante  pour  lui  faire  fiibir  la  peine  du  crime , 
ei't  été  i^n  monument  qu'il  auroit  eu  intérêt  de  dé- 
truire ;  un  honnête  homme,  &.  fur-tout  wn  gentil* 
homme,  doit  effacer  les  imprefllons  qu'on  pour- 
roit  prendre  contre  lui  par  l'imputation  qui  lui  eft 
faite  ù\\n  crime,  quoiqu  il  ne  foit  plus  permis  d'en 
faire  la  recherche;  mais  une  information  nulle,  & 
déclarée  telle  par  les  premiers  ji'ges,  n'eft  rien; 
c'eft  comme  s'il  n'y  en  avoir  point  eu  ;&  n'y  en 
ayant  point ,  ce  feroit  un  aéle  illufolre  que  de  de- 
mander qu'on  fit  la  preuve  de  faits  énoncés  dans 
une  plainte  rendue  il  y  a  près  de  cinquante  ans , 
puifque  le  fieur  d'Acheux  feroit  fans  aélion  pour  en 
demander  la  réparation,  comme  le  minifîère  pu-, 
blic  &  les  parties  civiks  ,  s'il  y  en  avoir ,  feroient 
fans  aflion  pour  en  pourfuivre  la  vengeance. 

jj  D'ailleurs  y  a-r-il  perfonnc  au  monde  qui  vou- 
lût rifquer  l'intégrité  de  fon  état  &  fa  réputation 
fur  wne  information  de  faits,  dont  il  faudroit  que 
des  témoins  euftent  gardé  la  mémoire  préfente  de- 
puis cinquante  ans  pour  en  pouvoir  dépofer  fidè- 
lement. 

5)  Le  fieur  d'Acheux  n'ayant  contre  lui  qu'une 
plainte  fiérile,  anéantie  par  kh  laps  de  temps  auffi 
long  ;  plainte  deftiiuce  de  toutes  preuves  dès  (oa 
principe,  la  préfomption  de  Çon  innocence  lui  eft 
irrévocablement  acqnife  après  un  aufîi  long- temps; 
il  eft  à  l'abri  non-feulement  des  peines,  mais  même 
de  tout  reproche. 

))  Il  ne  doit  pas,  pour  conferver  l'intégrité  de 
fon  état  qu'une  information  nulle  &  une  contu- 
mace anéantie  n'ont  pu  troubler,  eftiiyer  les  lon- 
gueurs d'une  nouvelle  inftruélion ,  ^ans  les  horreurs  ' 


PRESCRIPTION. 

d'une  prlfon ,  où,  accablé  d'infirmités  &  d'années, 
}\  hifîeroit  en  mourant  cette  intégrité  d'érar  à  (a 
famille  ,  fans  en  avoir  recuilli  lui  même  le  fruit  ; 
il  n'a  déjà  que  trop  foi;fFerr ,  par  le  dérangement  de 
fa  fortune,  pour  u.t  crime  imaginaire  ,  dont  il  ne 
fut  jamais  auteur  ni  complice. 

"  Il  c(ï  temps  de  le  rendre  à  fa  famille,  à  lui- 
même.  On  Ole  dire  que  iétat  déplorable  dans  le- 
quel il  eu  ,  l'exige  de  la  jiiilice;  gémiffant  en  pri- 
fon  à  l'âge  de  foixante-d.x-liuit  ans,  fans  aucun 
décret  qui  fubfifte  contre  lui,  fans  aucune  preuve 
qui  puifTe  détruire  la  préfomption  de  fon  innocen- 
ce ,  il  a  droit  d'efpérer  que  la  cour  le  tirera  d'une 
fituation  auili  trifte  Si  auilvcruelle  ». 

Telle  a  été  la  défenfe  du  fieur  d'Acheux.  M.  l'A- 
vocat général  d'AguefiéaU  ,  fon  feul  adver.aire  , 
a  établi  en  premier  lieu  ,  que  quand  il  s'^giiToit  de 
l'intérêt  public  ,  M.  le  procureur  général  éroit  tou- 
jours en  droit  de  former  oppofition  aux  arrêts  con- 
tradifloires  rendus  avec  lui ,  6i  qu'il  ne  pouvoit  être 
queftion  en  pareil  cas  que  de  favoir  fi  les  moyens 
d'opnofuion  étoient  juftes. 

Il  a  établi  en  fécond  lieu  que  les  condamnés  par 
contumace,  aux  termes  de  l'article  29  du  titre  1 7  de 
l'ordonnance  de  1670  ,  étant  réputés  morts  civile- 
ment du  jour  de  l'exécution  figurative  de  la  fen- 
tence  ,  lorfqu'ils  ne  s'étoient  point  confiitués  pri- 
fonniers,  on  qu'ils  ne  s'étoient  pas  repréfeniés  dans 
les  cinq  ans  de  la  contumace  ,  ne  pouvoient  après 
ce  temps,  fuivant  les  articles  18  oc  28  du  même 
titre,  fe  préient.r  pour  fe  purger  fans  avoir  des 
ktrrcs  (.lu  prince. 

Troifiémement ,  11  a  prouvé  que  les  condamnes 
par  contumace  ne  pouvoient,  après  les  trente  ans , 
è're  admis  à  purger  la  contumace,  par  la  raifon 
qu'on  ne  peut  les  condamner  au  moyen  de  laPref- 
cription  de  l'accufarioc!  acqutfe  parle  laps  de  trente 
ans,&  qu'en  tout  temps  M.  le  procureur  général 
s'oppoferoit  à  ce  qu'im  condamné  à  mort  renonçât 
à  cette  Prefcription ,  parce'  qu'il  n'eft  pas  le  maître 
de  fa  vie,  nerno  .ntdicur  perire  volcns. 

Eh  !  comment  (a  ajouté  M.  l'Avocat  général  )  , 
concevoir  qu'il  peut  ,  après  ce  temps,  fe  repréien- 
ter  ?  S'il  le  pev.t ,  il  faut  l'envifager  comme  inno- 
cent ou  comme  coupable.  Point  de  milieu. 

S'il  eft  innocent,  il  femble  d'abord  qtf on  doive 
fe  porter  avec  empreffement  à  l'abfoudre.  Cepen- 
dant pour  pouvoir  l'abfoudre  il  faut  qu'on  puifle 
le  condamner  s'il  eft  coupable.  Il  faut  qu'il  y  ait 
réciprocité  :  autrement,  tout  l'avantage   fercit  de 
fon  côté  :  or,  il  n'efl  pas  pofTible  qu'on  ne  puifle 
ie  jirgcr  que  dans  le  cas  qu'il  ieroit  innocent.  De- 
là ,  la  maxime  cjuï  non  potcfl  condemnnre  non  potefî 
abfolvere  :  la  réponfe  qu'on  y  a  faite  eft  plus  fubtile 
que  folide.  Pour  entendre  cette  max'tme  dans  fon 
véritable  fens  ,  il  faut  précifément  qu'un  juge  ait  le 
pouvoir  ,   dans  la  mémeaccufation  ,  d'abfoudreou 
de  condamner  l'accufé.  C'efl  dans  ce  point  qu'on 
doit  fe  renfermer.  Il  tant  que  les  pouvoirs  d'abfou- 
dre  ou  de  condamner  ioientc^aux  départ  &  d'au- 


PRESCRIPTION.       463 

tre  ;  &  qu'il  n'y  ait  que  l'innocence  qui  empêche 
de  condamner  ,  &  le  crime  d'abfoudre.  Examinons 
donc  ce  qui  pourra  arriver  s'il  eft  criminel ,  &  c'efl 
cette  dernière  hypothéfe  qui  doit  décider. 

S'il  efl  coupable  ,  en  fe  repréfcntant ,  il  fait  tom- 
ber la  contumace  ,  aux  termes  de  l'ordonnance  , 
Se  ,  à  caufe  de  la  Prefcription  ,  on  ne  peut  pronon- 
cer contre  lui  aucune  peine.  Il  n'eft  pas  en  ion  pou- 
voir de  renoncer  à  cette  Prefcription  ;  il  eft  cepen- 
dant coupable  ,  &  on  ne  peut  pas  le  condamner. 

Ainfi,  tju'il  fi'it  criminel  ou  non,  il  faudroit  tou- 
jours l'abloudre.  De-là,  quelles  conféquences,  pnif- 
quc  l'accufé  fera  toujours  sîjr  de  tout  anéantir  au 
bout  de  trente  ans, 

M.  l'avocat  générjl  a  ajotttè  que  la  mort  civile 
n'eft  pas  une  fiction  ,  une  peine  comminatoire  , 
que  c'étoii  la  mort  naturelle  exécutée  autant  qu'elfe 
pc/uvoit  l'être. 

D'après  ces  confidéraMons ,  arrêt  du  7  fcptembre 
1737  ,  qui  reçoit  M.  le  procureur  général  oppoia;-!! 
à  l'arrêt  fur  requête  du  <  juin  ,  Si  appelant  de  tout 
ce  qui  a  été  fait  en  execunon  de  cet  arrct  an  bail- 
liage d'Amiens  ;  faifant  dro;:  fur  le  tout ,  fans  s'ar- 
rêter à  l'appel  du  fieur  d'Acheux  ,  évoque  le  pzin- 
c  pal,  &  y  faifant  droit,  déclare  le  fieur  d'Acheux 
non-recevable  dans  fa  demande  à  fin  de  purger  la 
C'jntiiniace  ,  &  en  conféquence  ordonne  que  les 
piifoiis  lui  feront  ouvertes. 

Il  rcile  fur  toute  la  matière  que  nous  venons  de 
traiter ,  une  diificulté  très-importante  ;  c'efi  de  fa- 
voir  s'il  faut  que  les  vingt  ou  trente  ansfoient  com- 
plets ,  pour  que  les  Prelcriptlons  dont  nous  avons 
,  parlé  aient  lieu  ,  ou  s  il  luftit  que  le  premier  jour 
de  la  vingtième  ou  trentième  année  foit  com- 
mencé .'' 

Vedel  fur  Catellan  ,  livre  7  ,  chapitre  i  ,  cm- 
brafîè  le  premier  parri  ,  mais  fans  examen  ,  f<ns 
dilcudion,  &  fur  le  feul  fondement  d'un  axiome 
de  droit  qui  ne  p  :ut  être  appliqué  qu'à  un  petit 
nombre  de  cai  (î). 

Aiifii  Raviot  ,  quefîion  256,  nombre  50,  rap- 
porte un  arrêt  du  parlement  de  Dijon  du  25  juin 
1670,  qui  juge  formellement  le  contraire.  C'efl 
même  ce  qu'avoir  précédemment  cnfeigné  Julius 
Clarns,  queft.  52  ,  nombre  3;  &  Seipillon  ,  dans 
fon  code  ciiminel  ,  page  S28  ,  dit  que  c'efl  la  ju- 
rijprudence  desarrê's  nouviLiux. 

§.  IX.  De  la  Prejcription  des  inflûnces  &  des  ji^f^t' 

ui^ns. 

I.  On  ne  doit  pas  confondre  ,  en  fait  d'inflaBcei  ^ 
la  Prefcription  avec  la  péremption. 

Une  inilance  efl  périmée  ,  de  droit  commarr  ^ 
par  le  laps  de  trois  ans  ;  &  dms  la  coutume  de 
Hainaut ,  par  le  terme  de  quatre  années. 


li^Annvs  înctptus  Imherur  pro-  ecmplero.  Vcyez  fttr  ce: 
a.f'one  Voac  ,  lu  Jl;5ciV'; ,  titre  de  1ht  fi:  cempora  ib%i-  fxtep- 
l'jn'.txu:,  5.  DunoJ  >  dis  Frf/ci  ; ;.■:);- nj  pwtie  i,  cbapûee 
ci.-rnuu 


4^4 


PRESCRIPTION 


Mais  elle  n'eft  prefcrite  qu'après  une  ceflaîîon 
de  procédures  pendant  tout  le  temps  requis  ,  foit 

far  le  droit  civil  ,  ioit  par  les  coutumes  ,  pour  la 
refcription  des  actions  perfonnclle'). 
Nous  ne  nous  arrêterons  pas  ici  aux  rèi;les  qui 
gouvernent  h  nuitière  dcj  pcrcnintions  d  infla.'i- 
tes  :  elles  font  détaillées  l'on»  le  m;;t  PePvEMPTION". 
Quant  à  la  Prefcription  ,  elle  s'encourt  par  !e 
terme  dont  ou  vient  de  parler ,  dans  les  cas  &  dans 
les  li-:ux  où  le  laps  de  trois  Se  de  quatre  ans  n'opère 
point  de  péremption. 

Ainfi  quoique  le  parlement  de  Flandres  n'ad- 
mette point  de  péremption  , il  ne  Inifl^e  pas.  comme 
tous  les  autres  tribunaux  ,  de  recevoir  la  Prefcrip- 
tion dinftance  &  de  lui  donner  tout  fon  efiet. 
Voyez  l'ÉREMPTlON. 

Autre  exemple.  La  mort  de  l'une  des  parties  ou 
d'un  de  leurs  procureurs  empêche  la  péremption. 
C'cpendant  il  cl\  certain  que  la  Prefcription  d'inf- 
tance  a  litu  dans  ce  cas. 

Mais  de  là  n;iît  une  qnef^ion.  La  Prefcription 
doit-elle  courir  du  jour  de  la  dernière  procédure, 
ou  feulement  de  celui  oii  la  péremption  a  été  inter- 
rompue? On  a  quelquefois  voulu  foutenir  ce  der- 
nier parti.  Mais  (  comme  l'obferve  M.Julien  dans 
(on  commentaire  fur  les  ftatuts  de  Provence,  tome 
S  ,  page  Co'^  )  ,  «  1(^  fentijnerii  comrairc  cl\  mieux 
»i  fondé.  On  ne  doit  pas  confondre  la  Prefcription 
»i  avec  la  péremption  d'inHanc;?.  La  panie  qui  , 
»)  après  la  dernière  procéduie,  demeure  trente  ans 
i>  dans  Tinafiion  ,  eft  ccnfée  avoir  abandonné  fon 
»  droit  ;  après  trente  ans  ,  tout  eft  péri  &  prefciit , 
»)  dit  Brodeau  fur  Louet ,  lettre  P  ,  fommaire  lO  , 
a>  nombre3.  Les  aflignations,  les  jiigemens,  tout 
i>  fe  prefcrit  par  trente  ans  ,  indépendamment  du 
»  décès  des  parties  ».  M.  Julien  ajoute  qu'il  en  a 
été  ainfi  jugé  par  un  arrêt  de  la  cour  des  aides  de 
Provence  du  6  février  1737  ,  &  par  un  autre  du 
parlement  d'Aix  du  22  avril  1761.  Voici  fomment 
il  rapporte  l'efpèce  de  celui-ci. 

Il  La  mère  de  la  demoifelle  Bernard  avoir  intro- 
»  dnit  une  inftance  .TU  fiége  de  Toulon,  dont  la 
»  dernière  procédure  étoit  du  14  juillet  1724.  Cette 
»  mère  étant  décedée  le  5  juin  1726  ,  la  fille  vînt  , 
»>  le  5  mai  1756  ,  demander  la  reprife  de  cette  pré- 
»)  tendue  inftance.  C'étoit  après  plus  de  trente  ans  , 

V  à  compter  du  jour  delà  dernière  procédure  du 
r  14  juillet  1724,  &  après  vingt-neuf  ans  &  onze 
j>  mois,  à  compter  du  jour  du  décès  de  la  partie. 
»  L'arrêt,  en  confirmant  la  fentence  du  lieutenant 
M  de  Toulon  ,  qui  avoit  débouté  la  demoifelle  Bcr- 
»  nardde  fa  demande  en  reprife  d  infiance  ,  jugea 
i>  que  tout  étoit  prefcrit ,  parce  qu'il  falloit  comp- 
>i  ter  les  trente  ans  du  jour  de  la  dernière  procé- 

V  dure  &  non  du  jour  du  décès  de  la  partie  ». 
Cette  quçftion  ne  peut  jamais  fe  préfenter  dans 

les  tribunaux  qui  n'admettent  point  du  tout  la  pé- 
remption. Mii>  en  voici  une  a^irre  qui  peut  s'élever 
dans  toutes  k=  ju:jdivTiQU5po(riblts.  Après  qu'une 


PRESCRIPTION. 

inflnnce  eA  prcfente  ,  le  droit  comefté  par  cet  inf- 
tance  peut  il  n'ctre  pas  prtferit  r 

Ouï  ,  il  eft  pofhble  que  ce  droit  ne  foit  point 
palTihle  de  Prefcriprion.  11  peut  aulîi  arriver  ni;e  des 
circonHances  particulières  qui  n'ont  pas  pu  tmoê- 
cher  rinftance  de  fc  prefcrire  ,  aient  néanmoins 
ccnfervé  le  fond  du  droit.  Enfin  ,  la  Prefcription  de 
l'itifiance  n'anéantit  par  elle-même  que  l'infranctf. 
fit  celui  qui  l'a  lallTe  encourir .  demeure  toujouis 
maître  d'intenter  une  nouvelle  aftion  pour  fiire 
décider  fi  l'objet  litigieux  ert  prefcrit  ou  ne  1  efl  yns. 

C'qO.  ce  qu'a  jugé  un  arrêt  du  parlement'  de 
Franche  -  Comté  ,  du  4  feptembre  1703,  rendu 
entre  le  fieur  Lengroignet  &.  les  habitans  du  Val 
de  Montmariin.  «  Par  cet  arrêt,  dit  Dunod  ,  (i) 
»  l'infunce  fm  jugée  périe  (  dans  un  cas  où  il  y 
avoit  celfation  de  procédures  depuis  trente  ans  )  , 
«  &  cepend.mt  les  aélions  lefervces  au  fieur 
»  Lengroignet  ,  pour  fe  pourvoir  de  nouveau  », 

Il  en  a  été  ji:gé  de  même  au  parlement  de  FJnn- 
dre,  par  arrêt  du  20  juillet  1758  ,  entre  les  prévôt, 
doyen  &  chapitre  de  laiut  Gery  de  Cambrai , 
demandeurs  en  reprife  d'une  infiance  commencée 
Cil  16S9  '  <^'i'""^  P^rt  ;  &  M.  l'arche véqwe  de  Cam- 
brai ,  demadeur  en  renvoi  pardevanr  fes  bailli  Sc 
hommes  de  riefs  ,  d'autrejpart  ;  le  difpofitifde  cet 
airêt  eft  ainfi  conçu  :  «  La  cour  déboute  Icfdits  pré» 
»  vôt ,  tloyen  &  chanoines  de  leur  demande  en  re« 
»  prife  d'erremens  de  l'in/laiice  en  laquelle  eRin- 
>»  tervenu  l'arrêt  du  28  oâobre  i68^  ,  bqnelle  la 
»  cour  déclare  éteinte  tk  prefcrite  ;  les  déboute 
»  en  confequence  de  l'évocation  par  eux  requife 
»  de  l'inflauce  pendante  pardevant  les  bailli  & 
I»  hommes  de  fiefs  de  l'archevêché  de  Cambrai, 
»  dont  s'agit  au  procès,  faufauxdits  prévôt,  doyen 
»  &.  chanoines  à  oppofer  pardevant  lefdits  bailli 
»  &  hommes  de  fjefs  ,  tant  contre  ladite  faifie  que 
»  contre  la  bannalité  prétendue  par  ledit  arche- 
M  vêque  ,  tels  moyens  qu'ils  aviferont  bons  être  ». 

On  voit  par  ces  derniers  termes  ,  que  la  cour 
a  voulu  faire  entendre  que  quoique  l'inflance  éle- 
vée fur  la  bannalité  fiJt  prefcrite,  le  droit  de 
contefter  de  nouveau  cette  fervitudc  ne  l'éioit 
pas, 

11  ef^  conftant  qu'un  procès  inflruit  &  diflribué 
à  un  rapporteur  en  CQur  fouveraine  ,  n'eft  pas  fiijet 
à  laîpércmption  ;  mais  fe  prefcrit-il ,  fi  on  le  laifîe 
fans  pourfuite  pendant  trente  ans  .-' 

Boniface  ,  tome  4,  livre  9,  titre  i,  chapitre  18, 
dit  que  cette  quertion  s'eft  préfentêe  de  fon  temps 
au  parlement  d'Aix  ,  mais  que  les  partie?  y  ont 
trouvé  refpei51ivement  des  doutes, qui  lèsent  po^ 
tées  à  trnnfiger. 

M.  Julien  ,  fur  les  flatuts  de  Provence ,  pré- 
tend que  ces  doutes  n'ètoient  que  de  vains  fera- 
pules  de  la  part  de  celui  qui  alléguoit  la  Prefcription. 
Si  les  .arrêts  fe  prefcrivent ,  dit-il ,  lorfqu'on  les 


[l]  Des  PtefLii^iioni,  P»riiçi  »  çha^hiç  il. 


l?iO(9 


PRESCRIPTION. 

laifTe  pendant  trente  ans  fans  fuite  &  fans  éxe- 
cution ,  comment  puurroit-il  en  être  autrement  des 
infiances  ? 

Mais  on  répond  à  cela,  que  la  Prefcription  ne 
doit  pas  courir  contre  ceux  à  qui  l'on  ne  peut  im- 
puter aucune  négligence.  Que  le  refpeâ  dû  aux 
magifirats  fouveraiiis  ne  permet  pas  aut  pajtics  de 
leur  faire  des  fommaîioiis  déjuger;  que  dès-li , 
il  n'eft  pas  naturel  de  leur  oppofer  le  défaut  d'un 
jugement  qu'il  n'a  pas  été  en  leur  pouvoir  de  fo 
procurer;  en.*in  ,  qu^n  pareil  cas  ,  la  loi  préfume 
toujours  que  fi  un  procès  cPi  demeuré  indécis  pen- 
dant un  auifi  long  efpace  de  temps,  c'eft  que  des 
occupations  plus  importantes  n'ont  pas  permis  à 
la  cour  de  le  juger. 

Ces  raifons  Oiir  déterminé  la  jurifprudence  du 
parlement  de  Paris  en  faveurde  l'opinion  qu'elles 
•appuient.  C'efl  ce  que  prouvent  deux  arrêts,  l'un 
du  14  aoiJt  1649,  ''endu,  de  l'avis  de  toutes  les 
chambres,  l'autre  du  3  juillet  1760,  au  rapport  de 
M,  l'abbé  de  Malézieux. 

Il  y  avoit  dans  l'efpèce  du  fécond ,  une  parti- 
cularité remarquable.  Le  procès  n'avoit  été  redif- 
tiibuéque  plus  de  quarante  ans  après  que  le  rap- 
porteur étoit  monté  à  la  grand'charabre ,  Se  Ton 
prétendolt  en  conclure  que  les  motifs  qui  font 
celTerla  Prefcription,  ne  pouvoient  pas  s'appliquer 
à  cette  efpèce ,  parce  qu'il  y  a  eu  de  la  négligence 
de  la  pa-tde  ceux  qui  n'avoient  pas  demandé  u.t 
autre  rapporteur.  Mais  la  cour  ne  s'ert  pas  arrêtée  à 
cette  circonftance. 

II.  Nous  avons  déjà  dit  que  les  arrêts  &.  à  plus 
forte  raifon  les  fentences  fe  prefcrivent. 

Il  eft  en  effet  de  principe  que  fi  celui  qui  a 
obtenu  un  jugement ,  lainbit  padér  tout  le  temps 
de  la  Prefcription  ordinaire  fans  y  donner  fuite , 
c«  jugement  n'auroit  plus  d'effet ,  &  l'aâion  qui 
en  réfultoit  &  qu'on  appelle  en  droit  jud'ican  ou 
de  jugé,  feroit  prefcrite ,  parce  qu'étant  perfon- 
nelle  ,  &  dérivant  du  quifî-contrat  formé  en  juOice  , 
(i)  elle  ne  peut  être  ni  tWxne  autre  natttre ,  ni 
plus  privilégiée  que  fi  elle  venoit  d'un  contrat 
proprement  dit.  (2) 

Cette  vérité  a  été  reconnue  même  par  les  rédac- 
teurs des  chartes  générales  de  Haynaut.  L'article  1 2 
du  chapitre  5  3  Ibumet  les  arrêts  à  la  Prefcription 
de  vingt-un  ans ,  qui  dans  cette  province  tient 
lieu  de  la  Prefcription  trentenaire. 

Le  journal  du  parlement  de  Touloufe  ,  tomç  3  , 
§.  91,  nous  retrace  un  autre  arrêt  de  la  même 
cour  ^  du  16  juillet  1705,  qui  juge  «  que  quoi- 
>»  qu'une  fentence  n'ait  jamais  été  fignifiée,  ce- 
>»  pendant  fi  on  a  demeuré  trente  ans  fans  l'exé- 
»»  cuter,  la  Prefcription  peut  être  oppofée,  parce 
>'  que  l'exécution  des  fentences  &  des  arrêts  peut 


PRESCRIPTION. 


465 


fidio. 


(i)  In  judicio  qu'f,  contrakimus.  Loi   3  ,  §.2    D,  de  pe- 


(i)  r.oi  mVes ,  $  Jernier,  D.  ii  rejudicjcà. 


»  être  prefcrite  ,  &  l'aélion  qu'ils  donnent  ne  dure 
que  trente  ans  ». 

Mais  quand  le  jngetrient  a  été  fignifié,  la  Pref- 
cription court-elle  du  jour  du  jugement  même, 
ou  i'culement  de  celui  de  la  figniiicatioa  qui  en  a 
été  faite  .'' 

Cette  queftion  a  été  traitée  au  parlement  de  Tou- 
loufe ,  dans  une  cfpece  que  rapporte  M.  de  Catel- 
lan  ,  livre  7,  chapitre  25.  Il  s'agiffoit  d'une  fomme 
pour  laquelle  le  créancier  avoit  obtenu  un  jugement 
par  défaut.  Le  débiteur  contre  lequel  il  vouloir  raire 
exécuter  ce  jugement,  fe  prévaloit  du  défaut  da 
pourfuites  pendant  trente  ans  ,  à  compter  du  jour 
que  la  condamnation  avoit  été  prononcée.  Le 
créancier  répondoit  que  la  Prefcription  avoit  été 
interrompue  par  la  fignification  du  jugement,  & 
que  les  trente  ans  n'auroient  pu  courir  que  du  jour 
de  cette   fignification. 

Ces  raifons  refpeiflives  ont  occafionné  un  par- 
tage à  la  grand'chambre.  Mais  l'affaire  ayant  été 
portée  à  la  prem'ére  des  enquêtes ,  il  y  eA  iiiter- 
venu  arrêt  le  10  mai  1662  ,  en  faveur  de  la  partie 
qui  alléguoit  la  Prefcription. 

«  On  crut ,  dit  M.  de  Catellan  ,  que  les  pour- 
j»  fuites  finiffoienr  au  jugement  de  condamnation  , 
5>  &  que  la  fignification  ne  devoit  pns  être  com- 
)>  prlfe  parmi  les  pourfuites,  mais  rcgr.rdée  comme 
»  une  fimple  notification  duji.gement,  néceffaire 
)»  au  créancier  pour  mettre  le  jugement  à  cxécu- 
')  tion  ,  &  compter  le  temps  que  le  créancier  peut 
»  avoir  pour  y  former  oppofitlon  », 

Mais  la  quefiion  s'étant  repréfentée  depu's  ,  le 
parlement  de  Touloufe  l'a  décidée  autrement  L'ar- 
îét  eff  Av.  3  feptembre  1720.  En  voici  l'efpèce  : 

Un  jugement  du  13  juillet  1678  ,  qui  n'avoit  c'té 
fignifié  que  le  9  oétobre  fuivant,  avoit  conclnmré 
les  confuls  de  la  ville  de  Foix  à  payer  dans  fix 
ans  une  fomme  de  i^  00  livres.  Les  fix  ans  écoulés  , 
le  créancier  garda  !e  filcnce  ,  jufqu'au  25  feptembrcî 
1714  ,  qu'il  fit  figniher  de  nouveau  le  lugemenr , 
avec  fommation  de. payer.  Les  confidsdeFois  allé' 
guerent  la  Prefcription. 

On  convenoit ,  dit  l'auteur  du  joiirnal  du  palais 
de  Touloufe,  tome  4  ,  §.  1 18  ,  page  158  ,  on  coit- 
venoit  que  les  irente  années  pour  prefcrire  ne 
dévoient  être  comptées  qu'après  l'échéance  des  fix 
ans  de  délai.  Mais  la  quelHon  étoit  s'il  falloit  comp- 
ter du  jour  de  la  condamnation  ,  ou  de  la  fignifi- 
cation. Au  premier  cas  ,  la  Prefcription  étoit  com- 
plette  ;  r.u  fécond,  il  y  inanquoit  treize  jours. 

<c  Le  plus  grand  nombre  des  j-uges  (  continua 
le  magifirat  cité,  qui  étoit  rapporteur  de  l'affaire  )  , 
«  ont  cru  que  les  trente  ans  ne  dévoient  être 
»  comptés  que  du  jour  de  la  fignification  ,  par  cette 
»  raifon  que  les  délais  accordés  par  lescondamna- 
»  lions  contre  les  débiteurs  ne  courent  que  du  jour 
»  de  la  fignification,  comme  il  efi  porté  par  l'ordon* 
»  nance  de  1667,  titre  de  l'exécution  des  juge-» 
»  inei\s ,  articles  i ,  1.2&  17,  &  que  les  délais  doir 

Nnn 


^66 


PRESCRIPTION. 


M  vent  être    communs    contre  le  débiteur  &  le 
»  créancier  ». 

On  aiiroit  pu  ajouter ,  ce  femble  ,  que  la  figni- 
ficition  d'un  jugement  eft  un  commencement  d'exc- 
c.inon  ,  &  qu'elle  doit  par  coniéquent  interrf)mpre 
la  Prelcription  ,  &  que  fi  le  débiteur  peut  encore 
prefcrire,,  ce  n'eft  que  du  jour  de  Tinterruptio;]  , 
parce  qu'elle  le  reporte,  comme  nous  l'avons  dit 
plus  haut,  fcflion  i  ,  §.  7,  au  même  point  que 
s  il  n'avoit  pas  encore  commencé  de  prefcrire. 

§.  X.  Des  Prefcr'iptiom  (V  fins  Je  non  -  recevoir ,  ert 
mattire  de  commtrce  mtritïme. 

Cette  matière  eft  traitée  dans  le  titre  12  du  livre 
premier  de  l'ordonnance  de  la  Marine  ,  du  mois 
d'août    1681. 

L'article  premier  porte  que  les  m.iîtres  &  patrons 
ne  pourront  par  quelque  temps  que  ce  foit  prefcrire 
le  vaifl^eau  contre  les  propriétaires  qui  les  auront 
établis.  Cette  décifion  eft  fondée  fur  ce  qu'on 
ne  peut  prefcrire  qu'en  podédant  de  bonne  foi  , 
nom/ne  proprlo  &  animo  domïn'i  ;  ce  qu'on  ne  peut 
fuppofer  dans  le  maître  ou  capitame  de  navire 
qui  n'en  elî  que  le  gardien  ou  le  dcpofuairc. 

Suivant  l'article  2  ,  les  maîtres  &  patrons  ne 
peuvent  former  aucune  <lemande  pour  leur  fret , 
ni  les  ofiiciers  ,  matelots  &  autres  gens  de  l'équi- 
page pour  leurs  giges  &  loyer,  un  an  après  le 
voyage  fini. 

Quoique  le  léginateur  n'ait  parlé  dans  cet  ar- 
ticle que  des  maîtres  ou  capitaines,  on  doit  en 
étendre  les  difpofitions  au  propriétaire  ou  arma- 
teur du  navire  ,  attendu  que  c'efl  à  lui  que  le  fret 
appartient  réellement ,  &  que  fi  le  capitaine  ert 
autorifé  à  en  pourfuivre  le  recouvrement,  c*eft 
comme  procureur  né  du  propriétaire  ,  &  comme 
reprcfentant  celui-ci  de  \i  même  manière  qii'il  l'a 
repréfenté  en  flipulant  &  réglant  le  fret  ,  foit  par 
la  charte  partie  ou  pnr  les  connoiffemens. 

Avant  l'ordonnance  dont  nous  parlons ,  on  ju- 
geoit  au  parlement  de  Touloufe    que  l'adion  en 
payementdu  fretduroit  trois  ans ,  comme  le  prouve 
un  arrêt  du  i:ifeptembre  1672,  rapporté  par  Gra 
verol  fur   la  Roche  Flavin. 

Ceux  qui  ont  fourni  le  bois  &  les  autres  chofes 
néceffaires  à  la  conftruflion,  équipement  ,  &  avi- 
taillement  dôs  vaifleaux ,  les  charpentiers,  calfa- 
teurs,  &  autres  ouvriers  employés  à  la  fabrique  & 
radoub  ne  peuvent  former  aucune  demande  pour 
le  prix  de  leurs  marchandifes  ,  ni  pour  leurs  peines 
&  falaires  après  un  an  à  compter,  à  l'égard  des 
marchands,  depuis  le  jour  delà  délivrance  de  leurs 
marchandifes  ,  &  à  l'égard  des  ouvriers,  depuis  le 
jour  que  leurs  ouvrages  ont  été  reçus.  Telles  font 
les   difpofitions  de  l'article  3. 

Et  l'article  4  établit  une  pareille  Prefcription  en 
faveur  des  maîtres,  patrons  ou  capitaines:  on  ne 
doit  recevoir  aucune   aiiion    contr'eux    en  AkXi' 


PRESCRIPTION. 

vrance  de  marchandifes  cha  gces  dans  leur  vaiïïèau, 
un  an  après  le  voyage  accompli. 

Comme  il  efl  intérefiant ,  peur  la  sûreté  &  l'aéli- 
vité  du   commerce,  que  l'ailion  en  payement  du 
dommage  arrivé  à  la  marchandife  ou  au  vailTeau 
n'ait  qu'une  durée  fort  courte  ,  l'article  ç  a  ordonné 
que  le   marchand   ne  pourroit  former  aucune  de- 
mande contre  le  maître  ni  contre  fes  a(Tureurs  pour 
dommage  arri\é   à  fcs  marcliandiies   lorfqu'il  les 
auroir   reçues  fans  proteH^iion  ,  ni  le  maître  à  in- 
tenter aucur^e  a<ftion  pour  avaries  contre  le  mar- 
chand ,   après  qu'il  auroit  reçu  fon  fret  fans  avoir 
proteflé  de  fa  part.  Et  par  l'article  6  ,  le  Icg-flateur 
a  voulu  que  les  proteftations  ne  produififlent  aucun 
effet,  fi ,  dans  le  mois  ,  elles  n'étoient  fuivies  d'une 
ùcmdLnàc  en  juftice. 

Ces  difpofitions  ont  été  employées  avec  fuccés 
à  la  défenfe  de  deux  affûteurs  dans  l'efpèce  fiii- 
vante : 

Le  navire  le  comte  i' Arto'n  portoît  des  marchandi- 
fes affurées  par  les  fteurs  Pollet  &  Herrewin  ;  il  en 
contenoit  auiîî  beaucoup  d'autres.  Le  22  mars  1771, 
il  échoua  à  l'entrée  du  port  de  Dunkerque.  Les  ha- 
bitans  de  cette  ville  s  cmpreffèrent  déporter  àz% 
fecours  ;  ils  prêtèrent  leurs  voitures  &  leurs  che- 
vaux pour  tranfporter  les  marchandifes ,  qui  fu- 
rent toutes  retirées  du  navire.  Mais  il  y  en  eut  d'a- 
variées ;  &  fans  aucune  proteftation  contre  les  affu- 
reurs  pour  ce  dommage ,  le  fieur  Devlnk  fit  tranf^ 
porter  la  plus  grande  partie  de  fes  marchandifes 
dans  fes  magnfms,;  il  en  fît  tranfporter  auffi  dans 
les  magafins  de  l'amirauté  ;  &  il  a  prétendu  qu'il 
avoit  fait  avertir  fes  affureurs  de  l'échouement, 
par  un  courtier  auquel  ils  avoient  promis  de  payer 
la  perte  ,  en  fe  regardant  comme  bien  avertis. 

Le    procureur   du  roi  de  l'amirauté ,  chargé  de 
faire  vendre  les  marchandifes  ,  les  fit  annoncer ,  8c 
la  vente  fe  fît  publiquement.  Toutes  ces  opérations 
entraînèrent  des  délais,  &  ce  ne  fut  que  le  24  juillet» 
que  le  greffier  de   l'amirauté  rendit  fon  compte» 
d'où  il  refulta  que  la  perte  étoit  de  46  I.  14  f.  3  d. 
pour  cent.  Le  fieur  Devink  préfcnta  le  fien  à  diffé- 
rents affureurs  qui  l'approuvèrent,  &  payèrent  le 
montant  àQ%  avaries.  Il  n'en  fut  pas  de  même  des 
fieurs  Pollet  &  Herrewin.  Ils  ne  voulurent  point 
approuver  le  compte  du  fieur  Devink;  les  co-affu- 
reurs  avoient  fait  ce  qu'ils  avoient  voulu  ;  leurs 
arrangemens  étoient  étrangers  aux  fieurs  Pollet  8c 
Herrewin  ;  le  délai  fatal  étoit  expiré  ;  ils  foutinrent 
le  fieur  Devinck  non-recevable.  Traduits  à  l'ami- 
rauté ,  leurs  moyens  ont  été  fondés  fiir  le  défaut 
de  protefiations  &  de  demande  régulière  dans  le 
temps  fixé  par  l'ordonnance;  ceux  du  fieur  De- 
vinck ,  fur  la  promeffe  faite  au  courtier,  &  Air  l'ufa- 
ge.  Sentence  de  ramhauté  de  Dunkerque ,  qui  a  con- 
damné le  fieurs  Pollet  &  Herrewin  à  payer  le  mantanc 
des  avaries ,  6»  aux  dépens. 

Sur  l'appel  au  parlement  de  Paris ,  les  fieurs  Pol- 
let &c  Herrewin  ,  ont  oppofé  au  fieur  Devinck  les 


PRESCRIPTION. 

Prefcriptlons  &  fins  de  non-recevoir ,  établies  par 
les  articles  5  &  6. 

Les  moyens  du  fieur  Devinck  ont  été,  comme 
en  caufe  principale,  que  les  autres  affûteurs  n'a- 
voi^nt  fait  aucune  difficulté  de  lui  payer  le  montant 
des  avaries  que  fes  marchandifes  avoient  fouffertes , 
quoiqu'ils  n'euffent  été  avertis  que  verbalement , 
ou  par  lettres  ;  que  le  fieur  Devinck  n'avoit  point 
reçu  fes  marchandifes;  qu'il  les  avait  fait  tranfporter 
dans  les  magafins  de  l'amirauté  ;  qu'elles  y  avoient 
été  vendues  ,  à  la  requête  du  minidère  public  ,  aux 
rifques  des  affureurs  appelés  à  la  vente;  &  que  , 
par  cette  raifon  ,  il  avoit  dû  être  difpenfé  de  faire 
des  proteflations  par  écrit,  &  de  former  une  de- 
mande qui  n'en  étoit  que  la  fuite. 

Il  infifloit  fur  l'avertiffement  donné  aux  fieurs 
Pollct  &  Herrewin  ;  c'eft ,  difoit  il  ,  le  courtier 
Thevenet  ,  qu"on  doit  regarder  comme  un  homme 
public,  qui  leur  a  donné  connoiffance  de  l'échoue- 
nient  du  navire  ;  &  ce  courtier ,  digne  de  foi  ,  en  a 
doiiné  fon  certificat  ;  enfin  ,  le  fieur  Devinck  rap- 
portoit  d'autres  certificats  de  négocians  &de  cour- 
tiers ,  qui  atteftoient  que  l'ufage  étoit  de  n'exiger 
aucune  formalité  de  la  part  de  l'affuré,  lorfque  les 
aiTureurs  étoient  avertis  du  malheur  arrivé  au 
navire. 

Mais  comme  la  loi  eft  toujours  fupérieure  aux 
confidérations  ,  &  que  les  formalités  prefcrites  par 
l'ordonnance  avoient  été  conflamnient  négligées 
dans  cette  affaire,  le  parlement,  par  fon  arrêt  du 
27  juillet  1779  ,  a  prononcé  ce  qui  fuit. 

»  Notredite  cour  faifant  droit  fur  le  tout ,  met 
»  l'appellation  &  ce  dont  a  été  appelé  au  néant; 
o>  émendant ,  fans  s'arrêter  aux  requêtes  dudit  De- 
»'  vinck  ,  dont  il  eft  débouté,  ayant  aucunement 
»  égard  à  celles  defdits  Herrewin  &  PoUet,  con- 
J)  damne  ledit  Devinck  à  payer;  favoir  ,  audit  Pol- 
»  let  la  fomme  420  liv.  ,  &  audit  Herrewin  celle 
»  de  175  liv.  pour  la  prime  de  trois  &  demi  pour 
»  cent,  convenue  fur  la  fomme  de  12000  livres 
»  à  l'égard  dudit  Pollet ,  &  celle  de  5000  livres  à 
"  l'égard  dudit  Herrewin  ,  fuivant  la  police  d'affu- 
»  rance  du  30  janvier  1777  ,  par  r&anpTt  aux  mar- 
»  chandifes  de  café  ,  indigo  &  aurres^niargées  au 
»>  Cap  François  ,  pour  le  port  de  la  ville  de  Dun- 
.»  kerque ,  à  bord  du  navire  le  Comte  d" Artois....  , 
>'  avec  les  intérêts....  En  conféquence ,  condamné 
>»  ledit  Devinck  &  par  corps  ,  à  rendre  &  reflituer 
J»  auxdits  Pollet  &  Herrewin  ,  dans  trois  jours....  , 
»'  la  fomme  de  7700  livres  12  fous  par  eux  confi- 
»  gnée  ,  comme  contraints  ,  au  greffe  de  l'amirauté 
J>  de  Dunkerque....  ,  pour  le  montant  des  con- 
»  damnations  contre  eux  prononcées  par  la  îsn- 
V  tence  du  16  mars  1778,  avec  les  intérêts  de  la- 
«  dite  fomme  ,  à  compter  du  jour  de  la  configna- 
«  tion  jufqu'au  parfait  rembourfement.  Sur  le  fur- 
»  plus  des  demandes,  fins  &  conclufions  ,  merles 
>»  parties  hors  de  cour,  &  condamne  ledit  De- 
ï>  vinck  en  tous  les  dépens  des  caufes  principales , 
«  d'appel  Se  demandes..,. 


PRÉSÉANCE. 


467 


Après  la  délivrance  des  marchandifes ,  le  maître 
ou  capitaine  ne  peut  alléguer  d'autres  cas  fortuits 
que  ceux  qui  font  mentionnés  dans  fon  rapport. 
Article  7. 

Toute  demande  pour  raifon  d'abordage  doit  , 
fuivant  l'article  8,  être  formée  vingt-quatre  heures 
après  le  dommage  reçu  ,  fi  l'accident  arrive  dans  un 
port ,  havre  ou  autre  lieu  où  le  maître  puiffe  agir. 

La  Prefcription  qui  s'obtient  en  fi  peu  de  temps 
efl  fondée  fur  ce  que  les  accidens  maritimes  étant 
îrés-fréquens  ,  il  pourroitfc  f^ire  qu'un  navire  après 
avoir  été  abordé  par  un  autre,  fouffrît  dans  un  in- 
tervalle affez  court ,  d'autres  avaries  dont  on  diffi- 
muleroit  la  caufe  pour  les  faire  regarder  comme  un 
effet  ou  une  fuite  naturelle  de  l'abordage. 

Lorfque  des  taverniers  ont  fourni  de  la  nourri- 
ture aux  matelots  par  l'ordre  du  maître  ou  capi- 
taine ,  il  faut  qu'ils  demandent  leur  payement  dans 
l'an  &  jour  ,  finon  ils  ne  doivent  plus  être  reçus  à 
former  cette  demande.  C'eft  ce  qui  réfuhe  de  l'ar- 
ticle 9. 

Et  l'article  10  porte  que  les  Prefcriptlons  éta- 
blies par  les  articles  précédens  ne  doivent  point 
avoir  lieu  lorfqu'il  y  a  cédule  ,  obligation  ,  arrêté 
de  compte  ou  interpellation  judiciaire. 

(  Cet  article  ejl  de  M.  Mer  LIN  ,  avocat  au  parle- 
ment de  Flandres  &  fecrétaire  du  roi,  excepté  cjue  le 
dernier  paragraphe  de  la  fcâion  3  appartient  à  l'édi' 
teur ,  &  tout  ce  qui  fe  trouve  entre  des  ajlériques  ap- 
partient à  M.  H..,. ,  avocat  au  parlement  ). 

PRÉSÉANCE.  On  entend  par  ce  mot,  le  droit 
de  fe  placer  dans  un  ordre  ou  dans  un  ran^^  plus 
honorable  qu'un  autre. 

Les  hommes  ,  trop  fouvent  aveuglés  par  l'or- 
gueil ou  la  vanité,  font  fi  portés  à  fe  croire  fupé- 
rieursà  ceux  auxquels  ils  font  inférieurs  en  dignité 
6i  en  mérite ,  qu'il  a  été  néceffaire  d'affigner  les  dif- 
férences qu'établiffent  entre  eux  le  pouvoir,  les 
charges  &  la  profeffion  qu'ils  exercent. 

Ce  n'a  pas  été  fans  difficulté  &  fans  de  fortes  ré- 
clamations qu'on  eft  parvenu  à  régler  ces  Préféan- 
ces.  Nous  nous  bornerons  à  indiquer  ici  celles  qui 
ont  été  fixées  par  l'ufage  ,  par  les  ordonnances  ou 
les  arrêts. 

L'ufage  général  du  royaume  eft  de  regarder 
comme  la  première  place  celle  qui  eft  à  main  droite. 
Ainfi ,  par  exemple,  fi  le  lieu  d'affemblée  efl  une 
cglife  ,  ce  fera  la  place  à  droite  en  entrant  au  chœur 
parla  porte  de  la  nef ,  qui  fera  la  plus  honorable. 
De  même  dans  les  marches ,  le  corps  qui  va  à  la 
droite  de  l'autre  indique  fa  Préféance. 

Préféance  du  clergé.  Il  eft  de  principe  qu'après  le 
roi  &  les  princes  de  fon  fang  ,  le  clergé  eft ,  dans 
notre  monarchie,  reconnu  pour  le  premier  corps,  Se 
celui  qui  doit  précéder  tous  les  autres  ;  c'eft  lui  qui 
occupe  le  premier  rang  dans  les  affemblées  des  états. 

La  raifon  de  cette  prééminence  ,  fuivant  Domat , 

eft  "  que  les  eccléfiafliques  font  les  miniftres    de 

)>  JéfusC-hrift .  les  difpenfateurs  des  myftères   de 

n  la  religion;  c'eft  cette  importance  &  cette  éléva- 

Nn  nij 


4^8 


PRÉSÉANCE. 


îi  tion  d'un  mlnidère  fi  augufte  ,  qui  donnent  à  cet 
»  ordre,  au-deùus  de  tous  les  autres  qui  ne  regar- 
j)  dent  que  le  temporel ,  un  rang  diftingué ,  à  pro- 
5)  portion  de  leurs  différences  ;  Si  quoique  tous 
j)  ceux  qui  font  de  ce  corps  ne  foient  pas  élevés 
»  au  miniRère  facré  de  ces  premières  fonétioir-  , 
>j  toutes  celles  qu'ils  exercent  fe  rapportante  cette 
i)  adminirtration  de  l'églife  ,  l'ordre  du  clergé  a  fa 
3»  dignité  au-deffus  de  toutes  celles  des  autres  or- 
5)  dres  les  plus  élevés  ».  Cette  règle  n'eft  pas  aufli 
générale  que  Domat  le  prétend  î,  &  elle  foufTre 
beaucoup  d'exceptions  &  de  diftinflions. 

Par  l'article  45  des  lettres-patentes  du  mois  d'a- 
vril 1695 ,  le  clergé  eft  qualifié  le  premier  corps  du 
royaume  -yle  parlement  de  Bordeaux  a  rendu  hom- 
mage à  cette  loi,  en  déclarant  ,  par  afle  du  15 
juillet  1630,  «  que  les  préfidens  &  confeillers  de 
3)  ladite  cour  n'ont  jamais  prétendu  aucune  Pré- 
»  féance  fur  les  çyêques  ». 

Mais  à  l'égard  du  fécond  ordre  du  clergé  ,  non- 
feulement  les  ofliciers  des  cours  fouveraines..  mais 
fouvent  ceux  des  juridiétions  inférieures ,  ont  pré- 
rendu  le  précéder;  &  ce  font  ces  préteniions  qui 
ont  fait  naitrc  la  multitude  de  réglemcns  dont  nous 
devons  rendre  compte. 

Un  arrêt  du  confcil  d'état  du  4  janvier  16:9  ' 
porte,  aue  le  parlement  de  Touloufe  allant  en 
corps  à  1  églife  métropolitaine  ,  prendra  féance  en 
la  première  chaire  attenant  celle  de  rarc/ievéijue  ,  & 
aux  fuivantes  ;  8c  qu'en  toutes  autres  affemblces  8c 
cérémonies  ,  les  archevêques  qui  s'y  trouveront 
en  camail  &  en  rochet  précéderont  les  préfidens 
&  confeillers, 

Prèféance  des  cours  fouveraines  fur  les  chapitres. 
La  cour  des  comptes ,  celle  des  aides  &  finances  de 
Montpellier  ,  cft  en  poffefTion  de  précéder  le  cha- 
pitre &c  la  cathédrale  de  cette  ville,  dans  les  céré- 
monies où  ces  corps  fe  trouvent.  H  paroît  qu'on  a 
voulu  faire  exception  en  faveur  des  chapitres  no- 
bles ,  &  accorder  à  ceux-ci  la  Prcféance  même  fur 
les  cours  fouveraines  ;  car  l'édit  de  création  de  la 
cour  des  niounoies  à  Lyon  ,  en  ordonnant  qu'elle 
précéderoit  toutes  les  autres  compagnies,  ainfi  que 
tous  les  chapitres  de  la  même  ville,  a  néanmoins 
excepré  le»  chapitre  &  comtes  de  Lyon  ,  à  l'égard 
defquels  le  légiflateur  entend  quil  ne  foit  rien  innové. 
Pré  féance  d.-s  chajitrcs  fur  les  officiers  des  jujlices 
ir.férl'ures.  Les  mêmes  lettres-patentes  qui  accor- 
dent la  Prèféance  aux  magiftrats  des  cours  fupé- 
rieures  fur  les  chapitres  ordinaires  ,  rendent  à  ceux- 
ci  la  fupérioiité  fur  les  officiers  desjuftices  inférieu- 
res ,  car  le  !:r!;inateur  déchire  vouloir  que  a  les 
j>  corps  des  chapitres  des  églifes  cathédrales  pré- 
•)}  cè-icnt  en  t^^us  les  lieux  ceux  des  bailliages  & 
■)■>  f  èges  préfidira'.x  ». 

Il  Veut  aiin*!  que  ceux  qui  font  «  titulaires  des 

"  dignités  djfJits  chapitres  précèdent  les  préfidens 

V  des  préfidiaux ,  les  licutenans  gén  Vaux  ,  &  les 

»  Vic-.itenn.'is  criminels  &  particuliers  defdits  fiéges  o. 

£iifiu  il  veut  c^ue  les  chanoines  précèdent  les 


PRÉSÉANCE. 

confeillers  &  tous  les  autres  officiers  «  des  ftiémes 
■>■>  fièges ,  &.  que  même  les  laies  ,  dont  on  eft  obligé 
»  de  fe  fervir  en  certain  tçmps  pour  aider  au  fcr- 
■>■>  vice  divin,  y  reçoivent  pendant  ce  temps  les 
»  honneurs  de  l'églife ,  préferablement  à  tous  les 
w  autres  laïcs  ». 

Leroi  de  Lo^embrune  rapporte  un  arrêt  du  con- 
fcil du  27  janvier  1667,  iur  l'article  9  de  la  cou- 
tume de  Boulonnais  ,  par  lequel  «  le  préfident-lieu- 
»  tenant  général  de  Boulonnois  Se  le  lieutenant 
M  criminel  du  même  f.ègeont  été  maintenus  dans  la 
»  poffeffion  de  prendre  place  dans  les  hautes  flal- 
».'  les  du  chœur  ,  du  côié  gauche  de  réglife  cathé- 
M  drale  de  Boulogne  ,  entre  les  dignitaires,  au- 
»  deffus  des  chanoines  ;  favoir  ,  le  prcfident-lieu- 
)»  teiwnt  général  entre  le  chantre  &  le  pénitencier , 
j)  &  le  lieutenant  criminel  entre  le  pénitencier  & 
»  les  chanoines  ,  pourvu  qu'ils  fufient  en  robe  de 
»  magiflrature  ». 

Ces  modifications  ,  au  lieu  de  fatisfaire  les  diSe- 
rens  corps  &  de  prévenir  les  diffentions  de  la  va.- 
nité  ,  n'ont  fait  au  contraire  que  les  multiplier. 

En  1740,  M.  le  àuc  d'Orléans  ayant  paHé  à 
Amiens  ,  le  corps  de  la  ville  &  le  chapitre  fe  rendi- 
rent au  même  infiant  dans  la  maifon  où  ce  prii^ce 
s'éteit  arrêté  ,  pour  le  complimenter.  Le  doyen  du 
chapitre  s'éioit  déjà  avancé,  avoit  fait  fa  révérence 
&  le  difpofoit  à  porter  la  parole  ,  lorfque  l'inten- 
dant de  la  province  appela  le  premier  échevin  ,  & 
lui  dit  que  c'étoit  à  lui  de  parler  le  premier:  le 
chapitie  s'en  plaignit  ;  mais  ,  nonobflant  fes  obfer- 
vations  ,  l'honneur  de  haranguer  le  premier  fut 
défcré  au  corps  de  ville. 

Les  agens  du  clergé  difent ,  dans  leur  rapport  de 
1745, que  M, de  Saint-Florentin  ,  alors  minif.re  , 
écrivit  que  le  roi  avoit  défapprouvé  la  conduite  des 
maire  &  échevins. 

Il  réfulte  de  ce  que  nous  venons  de  dire ,  que 
quoiqu'en  général  le  clergé  foit  regardé  comme  le 
premier  coxps  de  la  monarchie  ,  il  y  a  bien  des  cas 
particuliers  où  les  la'ics  ,  revêtus  en  dignités  ,  ont 
le  pas  ou  la  place  au-dedus  des  ecclcfiaftiques  ;  il 
y  a  même  tout  lieu  de  croire  que  les  lettres-paten- 
tes de  1695  n'accordant  la  Prèféance  fur  les  bail- 
liages &  fiègcs  préfidiaux  ,  qu'aux  chapitres  des 
églifes  cathédrales,  ceux  des  églifes  collégiales  ne 
pourroient  s'en  faire  un  titre  pour  prétendre  le 
même  honneur  fur  les  officiers  des  bailliages.  Et  en 
effet,  comme  l'obferve  Denifart,  fi  le  légifateur 
efit  entendu  accorder  indiftinélement  à  tous  les 
'chapitres  le  pas  fi'.r  les  of.'^ci-îrs  de  iuflice  ,  il  n'eût 
pas  employé  dans  l'édit  la  rtflriélion  de  ch-.pitre 
des  églifes  carhéùrales. 

Au  furplus  ,  c'cfl  bien  moins  pnr  leurs  dignités 
oue  par  leurs  venus,  que  lis  eccléfiafiiques  doi- 
vent ambitionner  les  Préféances  &.  les  diflinélions  ; 
toutes  les  fois  que  des  membres  du  c'crgé  ont  une 
loi  pofitive  en  leur  faveur  ,  il  leur  eft  fans  doute 
permis  de  la  faire  valoir  &  de  fe  maintenir  dans 
les  honneurs  quî  le  légiflateur  leur  a  accordes  j 


PRÉSÉANCE. 

mais  comme  la  modertie  eil  la  venu  qui  leurfied 
ie  mieux  ,  ils  doivent  éviter  de  parcître  jaloux  d'u- 
furper  les  premières  places  ,  parce  qu'une  v?nité 
trop  apparente  choque  les  autres  corps ,  Si  occa- 
fionne  des  fcandales  qui  nuilent  à  la  religion  &  à 
fes  minières. 

C'étoit  avec  raifon  que  M.  l'avocat  général  Gil- 
bert de  Voifin  ,  portant  la  parole  dans  une  contef- 
tation  qui  s'étoit  élevte  entre  le  fjège  préfidial  & 
ie  chapitre  de  Viny  ,  relativement  à  la  Prcféance  , 
difcit  (I  que  Icrfqu  il  s'agifîbit  de  la  Préfèai-.ce  des 
5'  diirjreus  corps  de  chaque  ordre  ,  un  corps  laïc 
«  pouvoir  avoir  la  Prél'éance  fur  un  corps  ecciéfiaf- 
>?  tique  ,  fuivant  que  différentes  confidérations 
»>  rendoient  l'un  ou  l'autre  plus  ou  moins  reconi- 
j>  mandables  ».  Conformément  a  cette  opinion  ,  le 
parlement  rendit,  le  12  jtiin  1731  ,  un  arrêt  par 
lequel  il  jugea  que  dans  tous  les  cas  où  il  ne  s'agi- 
roit  pas  de  fonctions  eccléfiaHiqucs  ,  le  préfidial 
précédcroit  le  chapitre  ,  foit  de  corps  à  corps  ,  foit 
de  députés  à  députis. 

Nous  avons  parlé  des  Vrèféances  entre  les  ec- 
clcfiafliques  tk  les  KVics  ;  mais  il  en  eft  de  panicu- 
liéres  à  l'ordre  du  clergé  ,  ce  qui  réfultent ,  foit  de 
la  dignité  de  leurs  fondions  ,  comme  quand  ils 
font  cardinaux  ,  patriarches,  archevêques,  évo- 
ques, abbcs  comme ndataires  ;foit  de  leurs  avance- 
Kiens  dans  les  ordres  facrés,  comme  s'ils, font  prê- 
tres, diacres,  fous-diacres  ;  ou  de  leurs  minifléres  de 
payeurs  ,  archidiacres  ,  doyens  ruraux  ,  curés  ;  ou 
des  qualités  de  leurs  bénéfices  ,  comme  chanoines 
d'églife  cathédrale  ou  de  collégiale:  toutes  ces  nuan- 
ces dans  les  titres  ,  dans  les  dignités ,  donnent  lieu 
à  des  Préféances  qui  font  confacrécs  par  l'ufage. 

Il  efr  e{r.;ntiei  d'oblerverqueles  perfonncs  pour- 
vues de  dignités  ou  de  charges  auxquelles  la  Pré- 
féance  eft  accordée  fur  d'autres  ,  ne  peuvent  l'exi- 
ger que  lo-.fqu'elles  font  revêtues  des  marques  de 
leurs  fondions.  Ced  ce  qui  fut  expofé  avec  beau- 
coup de  jufteffe  ,  en  1761  ,  par  M.  de  Saint-Far- 
geau  ,  dont  les  conclufions  furent  fuivics  par  l'arrêt 
du  19  décembre  rendu  en  faveur  du  lieutenant 
criminel  de  Saumur  contre  le  lieutenant  général 
d'épée  au  même  fiége.  Cet  arrêt  prononçoit ,  que 
<1uoique  le  lieutenant  général  d'épée  eût  la  Pré- 
{é:ucc  fur  les  officiers  de  ce  fiège  après  le  lieute- 
nant général  de  robe  longue,  a  il  ne  pourroit  néan- 
»  moins  la  prétendre  lorfqu'il  feroit  vêtu  en  per- 
»  fonne  privée,  &  que L-s  autres  oilklers  feroient 
3)  revêtus  de  l'habit  de  magiurat  ». 

Prcféancc  du  parlemen:  fur  la  co::r  Jes  a'id^s  L'arti- 
cle 48  de  la  déclaration  du  24  août  1734  ,  con;e- 
iiani  réglenicnr  entre  le  parlement  (S;  ia  cour  cfes 
aides  de  Bordeaux  ,  pot  te  ,  que  «  dans  toutes  les 
»  riffemblées  particulières  où  il  fe  trouvera  des  of- 
î)  ficicrs  dus  dcwx  cours  ,  le  premier  préridtnt  de 
j)  la  coîir  des  aides  aura  le  pas  ,  le  rang  &  la  (êance 
Ti  immédiatement  après  le  uernier  des  prcfjdens  du 
j>  parlement ,  &  av;;nr  le  doyen  des  confei:!e!S  de 
»  hdi:c  cour,  &  tous  les  coiifcillers  de  la  grand'- 


P  RÉSÉANCE. 


4^9 


n  chambre,  préfidcns  &  confeillers  des  requêtes  ; 
»  &.  à  l'égard  des  autres  préfidens  de  ladite  cour 
3)  des  aides ,  ils  auront  le  pas ,  le  rang  &  la  féance 
j>  iinmédiatement  ap:és  lefdits  préfidens  aux  en- 
5)  quêtes  &  confeillers  de  grand'chambre,  &  avant 
"  le  doyen  6c  tous  les  coiifeilicrs  des  enquêtes  ;  6c 
»  pour  ce  qui  concerne  les  confeillers  de  ladite 
»  ceur  des  aides,  ils  n'auront  rang  &  féance  qu'a- 
»   prés  le  dernier  des  confeillers  du  parlement  ". 

Préféance  du  fcncch.il  fur  It  prclîdul.  Il  feroit 
peut-être  à  defirer  qu'il  y  eût  une  déclaration  dont 
les  articles  fixafTent  clairement  le  rang  que  doi- 
vent occuper  les  membres  des  diflérens  corps  « 
cela  préviendroit  beaucoup  de  conteftations.  En 
1747  ,  il  s'en  éleva  une  entre  le  comte  de  Mou- 
chy  ,  fénéchal  &  gouverneur  de  Ponthicu  ,  &  le 
lieutenant  général  au  préfidial  &  à  la  fénéchauffée 
d'Abbeville  ;  l'arrêt  qui  fut  rendu  à  ce  fujet  an 
confeil,  &  qui  e(l  du  28  août  1747, ordonna»  qus 
)>  dans  toutes  les  affemblées  ,  ctrémonies  &  ré- 
))  jouiflances  publiques  ,  M.  de  IMouchy  ,  en  fa 
»  qualité  de  fénéchal  ,  aiiroit  la  Préféance  fur  le 
»  préfidial  ,  &  marcheroit  à  la  droite  du  prcftdent 
)?  fin-  la  même  ligne  ». 

Le  même  arrêt  décida  »  que  ledit  fîenr  de  Mou- 
»  chy  feroit  averti  par  le  greffier  diidit  fiége  ,  des 
»  ordres  qui  auroienr  été  donnés  pour  lefdites  cé- 
»  rémonies  &  réjouifîances  publiques  ,lorfque  le- 
»  dit  fénéchal  feroit  prélent  en  ladite  ville  m. 

La  jurifprudence  des  arrêts  eft  en  contradi(îîion 
avec  les  opinions  les  plus  forrcm?nt  établies.  Nous 
venons  de  voir  que  quoiqu'il  fût  généralement  reçu 
que  le  clergé  étoit  le  premier  des  ordres  des  états  , 
il  y  avoit  plufieurs  réglemens  qui  donncicnt  la 
Préiéance  à  de  fimples  laies ,  particulièrement  aux 
officiers  des  cours  fouveraines. 

11  eft  également  reçu  dan?  rojHnion  publique, 
qu'après  le  clergé ,  c'eft  l'ordre  militaire  qui  a  le 
pas  fur  les  autres  corps  :  on  va  voir  que  cette 
maxime  fouftVe  encore  beaucoup  d'exceptions. 

Prif:ance  dei  ofjlàcr.s  de  juflice  qui  'jûui(fent  de  la. 
nobLJfe  ,  far  les  gentilshommes  iiiiiitaires.  D'abord  , 
il  eft  de  principe  que  ceux  qui  poiTédent  des  offi- 
ces qui  anoblift'ent  ,  ort  la  Préféance  fur  les  gen- 
tilshommes. La  raifnn  qu'on  doc  ne  de  cette  fupé- 
riorité  ,  eft  que  les  premiers  étant  anoblis  par  iecr 
charge,  font  cenfés  égaux  aux  gentilshommes,  & 
qu'ils  or.t  de  plus  l'honneur  d'être  officiers  du  roi  , 
d'être  revêtus  de  la  pulfTance  publique  ,  &  de  rem- 
]^Hr  une  fonélion  que  les  fimples  gentilshommes 
n'ont  pas. 

Loifeau  ,  dans  Ton  traité  des  ordres  ,  établit  cette 
opip.ion.  Ce  qui  parnît  plus  étonnant  ,  c'eft  que 
les  confeillers  eu  préfidial  de  Va-ux  obtinrent ,  ie 
îO  février  1740,  lai  arrêt  du  grand  confeil,  qui 
jugea  qu'un  de  leurs  membres  devoit  avoir  la  Pré- 
f-ance  fur  Jc  ficiir  (!<u  Vaucel,  écuyer  ,  &  de  plus 
chevi.lier  de  fairt  Louis.  Cet  arrêt  "  niaii")tint  tous 
3)  les  olTicicrs  ce  fi-'ge  dans  le  droit  &  poirefîîcn  de 


470 


PRÉSÉANCE. 


M  précéder  les  fimples  gentilshommes  ,  tant  en 
>>  corps  (jiic  de  particulier  à  particulier ,  en  tou- 
j>  tes  affemblées  &  cérémonies  publiques  ou  par- 
y»  ticulières,  lorsqu'ils  feroient  en  habits  dkens  , 
«  c*eft-à-dire  dans  l'habit  qui  diftingue  les  gens  de 
»  robe  ». 

Le  grand  confeil  ordonna  ,  par  arrêt  du  21  jan- 
vier 1739  '  ^'^'^  '^^  tréforiers  de  France  précéde- 
roient  les  gardes  du  corps. 

Prèféance  des  fecrétaires  du  roi.  Il  n'eft  pas  inutile 
de  citer  ici  un  autre  arrêt  du  24  décembre  1749, 
également  rendu  par  le  grand  conlcil  en  faveur  des 
fecrétaires  du  roi.  Cet  arrêt  a  jugé  que  «  le  fieur  de 
»j  la  Hogue  auroit  laPréféance  en  toutes  les  affem- 
»>  blées  publiques  &  particulières  ,  proceffions  & 
«  autres  cérémonies ,  acant  le  vicomte,  le  lieute- 
»  nant  généri.1  de  police  &  officiers  de  la  vicomte 
»>  de  Granville  ,  s'ils  n'étoient  en  corps  de  compa- 
»  gnie  ».  Le  même  arrêt  ajoute  ,  "  que  les  mêmes 
«  officiers  ne  feront  réputés  être  en  corps  &  ordre 
»  de  cérémonie  ,  que  lorfque  s'érant  aftemblés  au 
i>  lieu  où  fe  tient  la  juridiihon  ,  ils  en  feront  par- 
»  ti#  en  corps  &  ordre  de  cérémonie  ,  précédés 
w  parles  huifîltrs  du  fiège  ,  pour  fe  rendre  au  lieu 
n  de  la  procefllon  ou  affemblée  ». 

Le  même  arrêt  a  encore  ordonné  que  le  fieur 
de  la  Hogue  (c  opineroit  &C  figneroit  avant  les 
»  prêtres  habitués  en  fa  paioiiTe  ,  en  toutes  les 
»  affemblées  de  la  paroifle  ,  pour  affaires  de  la 
»  fabrique  ,  éledion  de  marguilliers  ,  de  fyndic  ou 
»»  facriftain  ». 

n  Mais  dans  la  concurrence  d'un  fecrétaire  du 
«  roi  avec  un  feigneur  haut  jiiflicier  ,  la  Préféance 
»  &  les  droits  honorifiques  ont  été  accordés  au 
»  feigneur  haut-jufticier  par  arrêt  rendu  au  grand 
ï>  confeil  le  7  mars  1730  ». 

Préféance  des  gentilshommes  fur  les  oflcters  des 
hauts-jujliciers.  Il  s'éleva  une  queflion  qui  fut  jugée 
en  1685  ^"  confeil  ;  il  s'agiffoit  de  favoir  qui  de- 
voit  avoir  le  pas  ,  dans  les  cérémonies  publiques, 
ou  des  gentilshommes  ,  ou  des  officiers  des  fci- 
gneurs  hauts-jufticiers  du  Bas  Poitou  :  il  fut  dé- 
cidé ,  »  que  les  gentilshommes  auroient  toute  l'an- 
»i  née  les  Préféances  au-defTus  des  fénéchaux  & 
«  juges  des  feigneurs  hauts-'jufliciers ,  dans  les  pro- 
«  ccffions ,  offrandes  ,  diflributions  de  pain  béni 
»>  &  autres  honneurs  de  l'églife,  affemblées  &  cé- 
«  rémonies  publiques ,  à  la  réferve  (éulement  des 
>)  jours  de  fêtes  des  patrons  defdites  paroiffes  , 
»  auxquels  jours  lefdits  fénéchaux  &  juges  def- 
«  dits  feigneurs  auroient  la  même  Préféance  fur 
»  les  gentilshommes  ». 

Gerjs  du  roi.  Toutes  les  fois  que  les  gens  du 
roi  font  en  marche,  le  premier  avocat-général  a 
le  pas  fur  le  proeureur-général ,  qui  précède  Jes 
autres  avocats-généraux.  Un  arrêt  de  règlement  du 
parlement  du  7  feptembre  1712,  rendu  pour  la 
fénéchauffée  de  Château  du  Loir,  marque  le  rang 


PRÉSÉANCE. 

\  que  doivent  tenir,  foit  au  parquet,  foit  à  l'au- 
dience ,  foit  dans  les  cérémoies  ,  tout  ce  qui  com- 
pofe  le  miniftère  public. 

Préjéiince  des  avocats  fur  les  médecins  &  anciens 
marguilliers.  LaPréféance  a  été  accordée  aux  avo- 
cats de  Saumur  fur  les  médecins  ,  par  arrêt  rendu 
à  la  grand'chambre  ,  conformément  aux  conclu- 
fions  de  M.  le  procureur-général,  le  premier  juil- 
let 1723. 

Ils  ont  obtenu  sufîï  la  Préféance  fur  les  anciens 
marguilliers  comptables  d'une  paroiffe  de  Paris  , 
par  arrêt  du  15  juin  1688. 

Un  arrêt  du  confeil  du  21  février  1683  ,  ordonne 
que  les  avocats  au  confeil  &  ceux  du  parlement  gar- 
deront entr'eux  ,  dans  les  affemblées  générales  & 
particulières ,  confultations ,  arbitrages  ,  &  ailleurs , 
le  rang  &  la  Préféance  ,  fuivant  la  date  de  leurs 
matricules.  Quoique  cet  arrêt  ait  été  confirmé  par 
une  déclaration  du  6  février  1709,  regifirée  au 
parlement,  néanmoins  la  différence  du  travailla 
délicateffe  des  principes  fur  les  honoraires  ,  ne  per- 
mettent pas  aux  avocats  du  parlement  ds  laiiTer 
marcher  fur  la  même  ligne  les  avocats  du  confeil. 

Un  arrêt  rendu  le  12  juillet  1730,  fur  les  con- 
clufions  de  M.  Gilbert,  a  prononcé  que  le  prévôt  de 
Rofai  en  Brie  ,  quoique  juge  de  feigneur,  précé- 
deroit  les  marguilliers  aux  proceffions  publiques. 

Le  famedi  3  mars  1742 ,  la  cour ,  par  arrêt  rendu 
fur  les  conclufions  de  M.  l'avocat  général  d  Or- 
meffon,  a  encore  jugé  que  les  officiers  d'un  bail- 
liage précédcrolent  les  anciens  marguilliers,  aux  pro- 
cellions  &  autres  cérémonies  publiques  de  l'églife. 

Préféanct  des  ji'ges  hauts-jufliciers  fur  les  échevins 
des  mêmes  lieux.  Plufieurs  autres  arrêts  donnent  la 
Préféance  aux  juges  fur  les  officiers  municipaux. 
On  trouve  dans  le  code  des  curés  ,  tome  3  ,  un  ar- 
rêt rendu  au  parlement  deTouloufe  ,  par  lecjuel  il 
efl  ordonné  que  les  juges  des  terres  dépendantes 
de  l'abbaye  de  Saint-Sernin  ,  précéderont  les  con- 
fuls  ,  ce  qui  fignifie  échevins  ,  &  autres  particuliers  , 
dans  l'églife  ,  aux  proceffions,  affemblées  générnles 
Se  particulières  ,  &  autres  endroits  ;  qu'ils  préfidi.- 
ront  auxdites  affemblées  ,  &  allumeront  les  feux 
de  joie.  Fait  défenfes  aux  confuls  de  convoquer 
aucune  affemblée  des  communautés,  fans  y  appe- 
ler les  juges  ou  lieutenans  poi:r  y  préfider. 

Le  même  parlement  a  rendu  un  autre  arrêt  le 
27  janvier  1756  ,  par  lequel  en  déclarant  communs 
avec  le  marquis  d'Aramont,  des  arrêts  de  règle- 
ment des  23  juillet  1746  ,  10  &  27  juillet  1747  ,  il 
a  ordonné  que  les  baillis  ,  juges,  leurs  lieutenans 
&  procureurs  jurididionnaires  des  feigneuries  ap- 
partenantes audit  fieur  marquis  d'Aramont ,  joui- 
toiem  du  droit  de  précéder  les  confuls  dcfdiies 
terres  ,  dans  toutes  les  affemblées  générales  ou  par- 
ticulières ;  de  préfider  ,  d'aller  les  premiers  à  l'of- 
frandre  après  le  marquis  d'Aramont.  Mais  cette 
jurifprudence  n'eft  pas  la  mèn'e  dans  tous  les  par- 
lemens  i  celui  de  Provence  a  au  contraire  rendu  un 


PRÉSÉANCE. 

arrêt  en  faveur  des  confuls  de  Pélifanneî  ,  le  19 

février  1727  ,  par  lequel  il  a  maintenu  ces  corifiils 
dans  le  droit  d  avoir  la  Préféance  fur  les  oiticlors 
de  l'abbé  de  Montmajoiir.  il  eil  vrai  que  les  con- 
fuls de  Pélifannes  font  lelcjneurs  hauts  juihciers  du 
lieu  ,  &  qu'ils  avoient  pour  eux  la  poffelîlon  imnié 
moriale- 11  y  a  d'autant  plus  lieu  de  croire  que  ce 
furent  ces  confidératious  qui  dcterminèrent  le  par- 
lement de  Provence  à  rendre  cet  arrêt ,  qu'il  avoir , 
cil  16185  accordé  la  Préféance  aux  juges  ordinai- 
res fur  les  confuls. 

Avant  rétabliflement  d'un  préfidail ,  créé  à  Be- 
fançon  au  mois  de  feptenibre  1696,  il  avoit  été 
ordonné  par  lettres-patentes  du  mois  de  feptembre 
1677  »  ^  F'^r  arrêt  du  confeil  du  20  oélobre  1678  , 
que  les  vicomte,  maïeur  ,  échevins,  Si.  autres  of- 
ficiers du  niagiflrat ,  auroient  rang  Se  féance  avant 
les  olHciers  du  bailliage.  Mais  depuis  l'érc^lion  du 
préhdial  ,  il  a  été  rendu  au  confeil  un  arrêt  contra- 
dictoire le  10  juin  1698  ,  qui  donne  le  pas  au  pre- 
mier officier  du  préfidial  fur  celui  du  magiflrat. 

Préjéa'.ce  du  chàtelec  de  Paris  fur  le  corps  de  v.lle. 
Lo;  fqne  le  tribunal  du  châtclet  afliftc  en  corps  à  la 
publication  de  la  paix  ,  M.  le  lieutenant  de  Police  , 
ik  les  confcillers  qui  l'accompagnent ,  ont  la  droite 
furies  officiers  de  la  ville. 

Au  fuvplus  ,  cette  quellionaété  fi  pofitivement 
jugée  au  confeil  du  roi  ,  qu'elle  ne  peut  plus  faire 
de  doute. 

Un  arrêt  rendu  entre  les  officiers  de  la  fênéchauf- 
fèe  &  fiège  préfidial  de  Clermont ,  Ôc  les  maire  , 
échevins  ^  procureur  du  roi  de  la  même  ville,  a 
ordonné  «qu'aux  proceffions  &  cérémonies  publi- 
"  ques  ,  les  officiers  du  préfidial  ,  tant  en  corps 
»  qu'en  particulier  ,  précederjierit  les  maire  ,  éche- 
»  vins  6'  autres  officiers  de  ville  ». 

Malgré  le  dégoût  qui  doit  naître  de  cette  multi- 
tude de  citations  d'atréis  ,  nous  croyons  devoir  ne 
pas  omettre  les  principaux  ,  pour  apprendre  à  ceux 
qui  feroient  tentés  de  réclamer  d'injufles  Préféan- 
ces  ,  le  fort  auquel  ils  doivent  s'attendre. 

Préféance  du  prcfi  H-il  jur  la  prévôté.  Un  arrêt  du 
9  aoiàr  16^6  ,  ordonne  que  les  confeillers  du  préfi- 
dial du  Mans  précéderont  les  préfidens  au  fié^^e  de 
la  prévôté  de  la  même  ville  ,  en  toute  affemblée 
publique  &  particulière. 

Le  prévôt  d'Abbeville  &  celui  de  Crefpy  ont 
eiTii)  é  le  même  jugement  ,  l'un  en  1627  ,  &c  1  autre 
en  1635. 

Un  règlement  dn  13  août  1698  a  aufïï  ordonné 
que  le  prévôt  d'Avalon  n'auroit  de  rang  &  féance 
dans  les  afTemblées  publiques,  qu'après  les  confeil- 
lers du  bailliage  de  la  même  ville;  il  efi  vrai  qu'il 
a  obtenu  par  le  même  règlement  un  dédommage- 
ment ,  car  il  lui  accorde  la  Préféance  fur  l'avocat 
&  le  procureur  du  roi  du  même  bailliage. 

Préfiance  de  la  juflice  royale  fur  la.  jujlice  feigneu- 
ri-fle.  Quand  ,  dans  une  même  ville  ,  il  y  a  une  juf- 
tice  royale  &  une  juftice  de  feigneur  ayant  haute 
juftice,  la  Préféance  appartient  aux  juges  royaux  , 


PRÉSÉANCE.  471 

même  dans  le  territoire  de  la  jufiice  feigneuriale.  Le 
parlement  l'a  ainfi  jugé  contre  le  bailli  Se  l'évéque  de 
Langrcs  ,  en  faveur  des  officiers  de  la  juflice  royale 
de  ctite  ville.  Il  pamit  qu'il  a  été  tait  une  exception 
contre  les  éluS;,  en  faveur  desjugeshauts-jufiiciers; 
du  moins  ceux  du  duché  de  Mazarin  ,  &  le  féné- 
chal  de  l'évéque  de  Limoges  ,  ont  obtenu  la  Pré- 
féance fur  les  officiers  de  l'eleftion. 

Préféance  des  élus  fur  les  officiers  de  la  maitrift 
des  eaux  &  forêts  ,  accordée  &  refufée.  Ces  derniers 
ont ,  dans  quelques  villes  du  royaume  ,  obtenu  la 
Préféance  fur  les  officiers  des  eaux  &  forêts  ;  mais 
ceux-ci  ont  ,  à  leur  tour  ,  fait  juger  quelquefois 
qu'ils  dévoient  précéder  les  officiers  de  l'éleélion 
ë:  ceux  du  grenier  à  fcl  :  ils  peuvent  faire  valoir  ua 
arrêt  rendu  au  confeil  le  6  oétobre  1738  ,  pour  la 
maitrife  d'Angers,  &  un  fécond  ,  du  14  août  1741  , 
pour  celle  de  Tours  Ce  qui  établit  principalement 
la  Préféance  à  l'égard  de  ces  corps,  c'efi  la  poîfeffior. 

Préjé.ince  des  trcforicrs  de  France  fur  les  o^ciers 
des  préfîdiaux.  En  général  ,  il  efi  de  principe  ,  que 
la  juridiélion  ordinaire  doit  avoir  la  Préféance  {"ur 
la  juridiélion  extraordinaire  ,  &  que  le  juge  du  lieu 
doit  avoir  le  pas  fur  un  autre  juge  qui  n'efi  pas  fon 
fupérieur.  C'eft  d'après  es  principes,  que  le  parle- 
lucnt  a  donné  la  Préféance  au  préfidial  de  Ca en  fur 
les  tréforiers  de  Fiance  ,  par  arrêt  du  24  juillet 
1652.  Cependant  le  confeil  privé  ayant  égard  ,  foit 
aux  privilèges  attribués  aux  tréforiers  de  France  , 
foit  à  la  pofiéffion  fondée  fur  un  édit  du  mois  d'a- 
vril 1604  ,  &  fur  un  arrêt  contradictoire  du  24 
février  1691  ,  a  accordé  la  Préféance  au  bures»"" 
des  finances  de  Bordeaux  fur  les  officiers  de  la 
fénéchaufiée  &  préfidial  de  la  même  ville  :  les 
tréforiers  de  France  d'Amiens  &  de  Soiiîbns  , 
jouiiTent  de  la  même  Préféance. 

Préféance  des  jti^es  des  bailliages  fur  le  prévôt  de 
la  m  ir échauffée.  Le  parlement  a  jugé  ,  par  arrt't 
rendu  fur  les  conclufions  de  M.  Joly  de  Fleury  ,  !e 
7  avril  1702  ,  entre  les  officiers  du  bailliage  de 
Mont-fort  la-Maury  ,  &  le  prévôt  de  ta  maréchauf- 
fée  du  même  lieu  ,  «  que  dans  les  afiemblées  où 
»  les  officiers  du  bailliajîe  fe  trouveroienr  en- 
)>  voyés ,  ils  auroient  la  droite ,  &  que  le  prévôt  Je 
Il  la  maréchaufl!ee  feroit  au  côté  gauche  du  bail- 
"  liage  &  dans  une  ligne  parallèle  à  celle  du  'lieu- 
»  tenant  gênerai  ;  pareillement  que  les  officiers 
j)  dudit  bailliage  auroient  rang  &  féance  dans  l'é- 
»  glife  fur  le  banc  qui  efl  à  droite  ,  dans  les  céré- 
»  monies  où  ils  affifieroient  en  corps ,  &  le  pré- 
j>  vôt  fur  le  banc  qui  eft  à  la  gauche,  &  que, 
»  lorfque  le  bailliage  ne  feroit  pointcn  corps  dans 
»  l'églife  ,  le  prévôt  de  la  maréchaufiTée  auroit  rang 
»  &  féance  fur  l'un  des  bancs  avant  le  premier 
i>  confeiller  dudit  bailliage  ;  &  quand  lefdits  offi- 
)>  ciers  &  le  prévôt  de  la  maréchaufiTée  feroient 
»  obligés  de  défiler  dans  le  cours  des  procefiî^ons 
w  &  autres  afTemblées  ,  même  lorfqne  dans  l'é- 
•n  glife  ils  iroient  à  rofrr;i»ide  ,  tous  les  officievs  dn 


47i  PRESEANCE. 

j»  bailliage  paffcioieiît  avant  ic  prévôt  de  la  mare' 
s?  cliaiifiee  ". 

Preféancc  des  g.trde^  de  V hôtel  (ur  les  officiers  d'une 
juflicî  fei-^ncnriale.  Par  arrit  r^nJu  contradifloire- 
msnt  au  grand  conleil ,  le  5  mais  1716  ,  entre  àti'^ 
gardes  de  la.  prévôté  de  rhôicl  .  &  les  offi:icrs  de 
fa  juAice  rsigneuriaie  de  Doukvaat.la  Prélcance 
a  été  accordée  aux  gardes  de  la  prévôté  de  rhôicl. 

Préféance  de:,  conjuls  /ur  les  noi^tires.  Les  juges* 
confuls  du  Mans  ,  tant  anciens  qu'en  exercice  , 
ont  obtenu,  par  arrêt  du  27  juin  1746,  la  Pré- 
féance  fur  les  notaires. 

Les  confuls  d'Abbeviîle  avoicnt  reçu,  le  16  oc- 
tobre 1743  ,  la  nicrne  cliftinfiion. 

Ceux  d'AmieTis ,  tant  anciens  /.nren  exercice  ,  & 
ceux  de  Montanban  ,  jouiiTent  de  cette  fupérioiité. 
Mais  coinme  il  n'y  a  rien  de  fi  incertain  &  de  û 
contradictoire  que  les  jiigemens  des  hoiniries,  les 
notaires  d'A*i'icns  om  fait  juger,  en  1762  ,  qu'ils 
dévoient  avoir  la  Piéféance  fur  les  confuls  qui 
n'étoient  plus  en  exercice. 

Préfiiincc  des  o^^'urs  mun'c'ip.Mix  fur  les  jugci 
corj'uls.  Un  autre  arrêt  rendu  le  21  juin  1759  ,  & 
d'après  les  conc'.ufions  de  M.  l'avocat  général  Se- 
guier  ,  ordonna  que  les  ofnciers  municipaux  au 
foient  11  Préféance  Air  l;s  jugesconfuls  de  la  ville 
<lo  l^iâloîis  ,  dans  toii'es  les  r-Hemblées.  L'auteur 
de  la  coiledion  de  jurifprudence  ,  qui  rapporte  ce-t 
arrêt,  prétend  que  le  motif  qui  !'a  diélé,  e/i  que 
les  juges  coîifiils  font  des  ji'g'-'s  d'aitribution  qui 
n'ont  point  detùritoire. 

Les  nn;»  &  préféance  des  oïïicier:,  royaux,  maire 
Si  conful  de  La'iguedoc,  ont  été  réglés  par  un  arrêt 
cUi  confeildu  \o  mai  1,701  ,  contenant  fept  articles  ; 
tnî  autre  nrré'dti  confei!  du  12  juin  2702,  a  de- 
puis ordonné  Que  le  règlement  de  1701  feroit  exé- 
cuté entre  les  oSciers  des  fei^niurs  Se  les  mjire 
6c  confuls. 

L'article  6  de  l'édit  du  mois  de  janvier  1718  , 
portant  éfabii'fement  (^^[^■z  juridiélion  confulaire 
à  V'alc-nciennea  ,  orâoniie  qu'entre  les  perfonncs 
convoquées  pour  l'éleâion  des  juge  8c  confuls  , 
la  Préféance  fera  donnée  aux  anciens  juges,  puis 
aux  ancieiis  ccnfuis  ,  tniuite  aux  fecrctaires  du 
foi,  puis  aux  gradués,  &  enfin  à  l'âge. 

Vrép.ancc  du  iieuienmi  ciimiml  de  ri^be- courre  fur 
/e  prévôt  des  rnarèdijux  de  Fra^ice.  Le  liei;;enanî  cri- 
minel de  rcbe-courte  a  la  Préféance  fur  le  prévôt 
des  marécha'.ix  de  France  ;  cela  a  été  jugé  ainfi 
|)ar  arrêt  du  2-7  rM\  i-/ k,. 

11  y  a  pourtant  iine  circonflance  ^  mais  c'efî  la 
feule  dans  laquelle  le  prévôt  des  maréchaux  de 
France  précède  même  les  bailliage':;  elle  a  lieu  qua.id 
les  gouverneurs,  lieutenans  généraux  des  provin- 
ces ,  lieutenans  de  roi  Se  commandans  ,  fe  trou- 
vent aux  cérémonies  publiques;  alors  les  lieute- 
nans des  mi.réchaux  de  France  peuvent  prendre 
i^cunce  après  les  gouverneurs  Se  commandans  , 
avj/it  Jes  oiiiçiers  de^  t)ai]iii;§es  &  préiîdiaux,  con? 


PRÉSÉANCE. 

formcment  à  l'édit  du  mois  de  mars  1693  ,  8c  à  la 
déclaration  du  20  judlet  1694. 

Cornmijj aires  &  i^rc/pers  du  chd-:/cr,  I!  a  été  ju^é 
p:ir  un  arrêt  provifoire  du  az  mai  17  13  ,  entre  !.s 
commiilaires  Si  le  greffier  en  clîef  du  chateiet,  qui 
fe  difpuroient  la  Prcfeance  ,  que  le  greffier  en  chef 
auroit  féance  entre  les  commilTiiires  ;  en  forte  qu'il 
y  auroit  toujours  un  nombre  égal  de  commiiTaires 
avant  &  après  lui. 

Hu[j]îers  au  parlement  6*  procureurs.  Un  arrêt  dil 
confeil  du  \6  avril  i  747,  a  ordonné  que  le  premief 
huiffier  au  parlement  de  Grenoble  p;écéderoit  le 
doyen  des  procureurs  dans  toutes  les  afiembléeS: 
générales  Se  particulières,  &  que  les  autres  procu- 
rems  &  luiiffiersau  parlement  marcheroient  par  or- 
dre de  leur  réception. 

La  cliarge  ilont  on  efl  revêtu  ne  donne  pns 
la  Préféance  dans  un  lien  eii  on  ne  l'exerce  point. 
Cela  a  été  jugé  par  arrêt  du  27  août  176"', 
contre  le  fieur  Chcvery,  préfident  au  grenier  à 
fcl  de  Provins  ,  qui  prétcndoit  ,  à  ce  titre  ,  avoir 
des  diflinéVions  &  la  Préféance  dans  l'églife  pa- 
roiffiale  d'un  village  où  il  po/Tédoit  quelques  fonds 
roturiers. 

La  Préféance  n'a  lieu  que  dans  les  cérémonies 
publiques  ou  dans  les  a/Tembléçs,  Si  elle  ne  pci;r 
être  réclamée  dans  les  cérémonies  particulières  oit 
les  individus  font  indiAinéicment  invités  ,  telles 
que  les  célébrations  de  ménages  ,  ou  les  cnter- 
reinens. 

Nous  n'avons  jufqn'à  préfent  confédéré  que  les 
Préfjanccs  particulières  ;  mais  il  en  eft  de  plus, 
étendues  Se  qui  fcmblent  réfuler  plus  dans  fopi- 
nion  que  dans  le  fait;  ce  font  celies  de  ia  niif- 
fance  ,  des  grands  emplois.  Ainfi ,  quoique  les 
bommes  cjui  dcfcendent  des  maifons  illuflres ,  qui 
porteur  wn  grand  nom  ,  qui  ont  des  décorations  , 
ne  puiflc-nt  Das  toujours  exiger  rigoureufement  la 
?rélé;ince  dans  les  cérémonies  publiques  ;  ce- 
p^-ndant  iw.c  rzKon  éclairée  s'empreile  de  la  leur 
a;corder. 

Malgré  ce  qu'on  vient  de  lire  ,  &  tous  les  ar- 
rêts que  nous  avons  rapportés,  on  n'en  doit  pas 
nioins  adopter  les  idées  fages  de  Domat,  qui  pré- 
tend que  de  tous  les  ordres  la:que<> ,  le  premier  efl 
celui  de  la  profefàon  des  armes  ,  dont  l'ufage  fait 
la  gloire  du  prince  Se  la  furçté  publique  :  le  roi 
c:î  le  chef  de  ce  corps;  il  a  pour  membres  les 
princes  du  fang  ,  les  officiers  de  la  couronne,  les 
gouverneurs  des  provinces ,  Se  toutes  les  perfonnes 
les  plus  illufircs  par  leur  naifTance. 

Le  fécond  ordre  des  laïques  ,  ajoute  le  même 
auteur  ,  eft  celui  des  miniftres  Se  de  ceux  que 
le  prince  honore  d'une  place  dans  (on  conieil 
fecret. 

Le  troifième  de  ces  ordres  eft  celui  des  perfonnes 

qnl  exercent  les  fonélions    de'l'adminiftration  de 

la  juftice  ,  foit  au  confeil  des  parties  ,  foit  dans  les 

diverfes  compagnies  de  juftice. 

Le  quatrième  ordre  eft  celui  des  officiers  dont 

les 


PRÉSÉANCE. 

les  profedions  regardent  les  finances,  ou  qui  font 
relatives  à  Tordre  des  deniers  publics. 

Il  placé  dans  le  cinquième  ordre  ceux  qui  pro- 
fèrent les  fcienees  ou  les  arts  libéraux. 

Il  met  dans  le  fixième  les  marchands  &  tous  ceux 
qui  exercent  une  efpèce  de  commerce. 

Le  feptième ,  eft  rempli  par  les  ouvriers ,  les 
artifans. 

Il  range  dans  le  huitième  les  cultivateurs  &  les 
pafteurs  ,  qui,  par  l'importance  &.  la  néceflîté  de 
leurs  travaux  ,  fi  précieux  à  la  fociété,  devroient 
être  placés  les  premiers  ,  fi  leur  ignorance  &  leur 
groffièreté  ne  les  mettoient  au  deffous  des  autres 
hommes. 

Après  ces  divifions ,  Domnt  obferve  judicieufe- 
nient  que  les  rangs  des  clafles  ne  fe  règlent  pas 
tous  par  les  rangs  de  l'ordre.  «  Ainfi  ,  par  exem- 
»»  pie  ,  le  rang  des  premiers  officiers  qui  ont  la 
»  direflion  des  finances ,  cft  au-delTus  de  plufieurs 
V  officiers  de  juftice  ;  mais  l'effet  de  la  diftinâion 
»  des  ordres ,  pour  ce  qui  regarde  les  rangs ,  eft 
»  que  les  premiers  d'un'ordre  qui  eft  au-delTus  d'un 
»  autre  ,  ont  leurs  places  au-deilus  des  premiers  de 
5»  l'ordre  qui  eft  au-defibus.  Ainfi  les  premiers  offi- 
>♦  ciers  ue  juftice  ont  leur  rang  au-deffus  des  pre- 
»  miers  officiers  des  finances   5>. 

La  volonté  feule  du  prince  peut  établir  des 
Préléances  ;  il  en  efl  d'autres  qui  ne  font  point 
arbitraires,  telles  que  celle  d'un  chancelier ,  que 
fa  dignité  élève  au  -  defius  de  tous  les  officiers 
qui  font  employés  dans  l'adminifiration  de  la 
juftice. 

Dans  le  même  ordre  ,  les  parlemens  ont  la 
Préféance  fur  toutes  les  autres  compagnies  ;  les 
préfidens  fur  tous  les  fimples  confeillers.  L'an- 
cienneté de  réception  établit  enfuite  les  Préféances 
entre  les  officiers  revêtus  de  la  même  charge. 

Autrefois  l'âge  étoit  une  raifon  de  Préféance  ; 
les  vieillards  avoient  des  droits  aux  premières  pla- 
ces ;  mais  aujourd'hui  le  vieux  militaire  eft  précédé 
par  un  jeune  homme  favorifé  de  la  fortune.  L'an- 
cien magiftrat  marche  après  un  jeune  préfident. 
Depuis  que  tout  fe  donne  aux  richefies ,  &  rien 
à  l'expérience,  la  vieillefie  n'a  plus  de  dédommage- 
ment à  efp:rcr  fur  la  terre.  Combien  il  feroit  à  fou- 
liaiter  qu'une  bonne  réputation,  que  la  vertu,  que  le 
fa%oir,  fuifent  des  titres  de  Préféances  !  Mais  elles 
feroient  une  fource  d'inimitiés  &  de  jaloufies  ;  car 
tous  les  hommes  prétendent  à  l'honneur  de  la  vertu 
&  du  favoir  ,  au  milieu  même  du  vice  &  de  l'igno- 
rance. 

Domat  voudroit  qu'on  accordât  la  Préféance  aux 
pères  de  f-^mille  qui  ont  le  plus  d'enfans  :  cette  idée 
eft  celle  d'un  bon  citoyen ,  qui  fent  combien  il  im- 
porte à  Is  profpérité  d'un  royaume,  que  la  popu- 
lation y  foit  encouragée  ,  &  qu'on  accorde  des 
honneurs  à  ceux  qui  donnent  des  foldats  &  des 
cultivateurs  à  la  patrie.  (  Article  de  M,  DE  la 
Croix  ^  avocat  au  parlement). 
Tome  XIIL 


PRÉSÉANCE. 


475 


ADDITION  à  l'article  PRÉSÉANCE. 

On  peut  élever  des  doutes  fur  le  point  de  favoir 
quel  rang  occupoit  le  clergé  dans  ces  anciennes 
alfemblées  nommét^s  Champ  de  mars  y  puis  Champ 
dt  mai.  S'il  eft  vrai ,  comme  le  prétendent  quelques 
auteurs,  qu'il  n'y  figuroit  que  comme  repréfen- 
tant  le  peuple,  fans  doute  la  noblelTe  avoit  la 
Préféance. 

Quoi  qifil  en  foit ,  paftbns  à  des  temps  moins 
reculés ,  &.  voyons  le  rang  des  difterens  ordres  dans 
les  états  généraux  Se  particuliers. 

Il  paroît,  à  partir  de  quelques  anciens  monu- 
mens,  que  fous  le  règne  de  Philippe  Augufte  les 
notables  des  principales  villes  furent  quelquefois 
appelés  dans  les  aftemblées  générales.  Si  l'on  en 
croit  un  ancien  hiftorien  ,  faint  Louis  convoqua 
pareillement  à  l'alTemblée  générale  qui  fe  tint  à 
Paris  en  1241  ,  les  députés  des  meilleures  villes  du 
royaume,  avec  les  prélats  &  ics  barons. 

Mais  le  tiers-état  n'avoit  point  encore  été  con- 
voqué en  France  avec  tant  d'éclat  qu'il  le  fut  à 
l'occafion  du  fameux  démêlé  de  Philippe  le  Bel  & 
de  Boniface  VIH.  Le  roi ,  qui  r.e  vouloit  rien  né- 
gliger pour  maintenir  les  droits  de  fa  couronne 
contre  un  pape  qui  entreprenoit  d'étendre  fon  au- 
torité dans  le  royaume  fur  le  temporel ,  crut  qu'il 
falloit  intérefter  tous  fes  fujets  dans  fa  querelle, 
par  l'union  folemnelle  de  tous  les  ordres  de  létat  : 
il  convoqua  donc  à  Paris  les  prélats  &  les  barons, 
&  avec  eux  le  fécond  ordre  du  clergé,  les  uni- 
verfités  ,  &  les  députés  des  principales  villes,  qui 
eurent  voix  délibérative  dans  les  deux  afTeniblées 
de  130a  &  de  1303.  Les  états  généraux,  alors  corn- 
pofés  des  trois  ordres ,  du  clergé  ,  de  la  nobleile  , 
6c  du  tiers-état,  confcrvérent  cette  forme  fous  les 
règnes  fuivans. 

Aufl'i-tôt  après  la  mort  de  .Tean  ,  fils  pofthun-e 
de  Louis  Hutin,  qui  ne  vécut  que  huit  jours,  les 
prélats  &  les  feigneurs ,  avec  les  Parifiens  &  l'uni- 
verfité  ,  reconinirent  pour  roi  Philippe  le  Long, 
à  l'exclufion  de  fa  nièce ,  fille  du  premier  lit  de  ce 
méme  Louis;  &,  pour  rendre  la  chofe  plus  au- 
tiientique  ,  Philippe  convoqua  en  même  temps  les 
trois  ordres  à  Paris. 

Le  clergé,  qui  eut  la  Préféance  dans  ces  états , 
l'eut  auffi  dans  d'autres  très-célébres  ,  tenus  de 
même  à  Paris  après  la  mort  de  Charles  le  Bel  , 
ou  Philippe  de  Valois  fut  reconnu  ,  fuivp.nt  la 
loi  falique  ,  pour  Théritier  préfomptif  de  la  cou- 
ronne. Il  obtint  d'abord  la  régence,  à  l'exclufioa 
d'Edouard ,  roi  d'Angleterre  ,  &  fut  déclaré  roi 
quelques  mois  après,  lorfque  la  reine  accoucha  d'une 
fille. 

Les  trois  états  furent  aiïemblés  jufqu'à  trois  fois 
pendant  la  prifon  du  roi  Jean ,  &  le  clergé  y  eur 
la  Préféance;  mais,  fous  Charles  VI,  les  ducs 
d'Anjou  ,  de  Berry  ,  de  Bourgogne  &  de  Bour- 
bon ,  oncles  du  roi ,  &  en  poffeffion  de  toute  l'au- 
torité ,  furent  nommés  les  premiers  dans  pUificurs 

Oo  o 


474 


PRÉSÉANCE. 


aétes  ,  Si  commencèrent  k  prendre  féance  au  deffiis 
des  prélats  dans  les  conf^ils  &  dans  les  autres  af- 
feniblées.  A  leur  exemple  ,  les  princes  du  fang 
prirent  ordinaiiement  dans  la  fuite  le  premier 
rang,  comme  un  droit  attaché  à  leur  naiiTance. 
Citte  dirtini^ion  ,  fi  légitime  pour  des  princes  qui 
peuvent  devenir  nos  rois  ,  n'a  jamais  fait  de  con- 
fsiquence  pour  d'autres  ,  &  les  députés  de  l'égliie 
n'en  n'ont  pas  moins  confervé  leur  Préféance  fur 
les  députés  laïques  ,  dans  les  états  généraux  tk  dans 
lesaffemblées  des  notables.  En  voici  quelques  exem- 
ples tirés  du  cérémonial  françois  ,  où  même  les 
cardinaux  confervent  encore  cet  avantage  fur  les 
princes  du  fang. 

£n  Caffimblte  des  états  généraux  de  France ,  tenue 
à  Tours  Jjus  Louis  XI ,  en  mil  quatre  cent  (ùixante- 
fept  :  «  Audit  premier  parquet  ctoit  le  roi  en  une 
«  haute  chaife ,  &  aux  deux  côtés  du  roi  il  y  avoit 
«  deux  chaifes  à  dos ,  loin  de  la  fienne  chacune 
»  de  fept  à  huit  pieds,  l'une  à  dextre  &  l'autre  à 
»  fentjîre  ,  toutes  deux  couvertes  de  riches  draps 
T)  d'or ,  fur  velours  cramoifi  ;  efquelles  chailés 
«  étoient  ,  c'efl  à  favoi'r  ,  en  celle  de  main  dextre 
»  le  cardiiial  de  Sainte-Sufanne  ,évcque  d'Angers , 
ï»  paré  d'une  grande  chape  cardinale  ;  en  celle  de 
»•  mdixn  fineflre ,  le  roi  de  Jérufalem  &  de  .Sicile, 
»>  duc  d'Anjou  ,  vêtu  d'une  robe  de  velours  cen- 
5)  drée  ,  fourrée  de  m;irti  c.  Et  enfuite  ,  pag.  2S0  : 
î>  Sur  les  matières  propofées  ,  de  par  le  roi  ,  par 
ji  la  bouche  de  M.  le  chancelier  ,  en  la  préfcnce 
})  de  très-haut  &  très  puidant  prince  le  roi  de  Jé- 
«  falem  &  de  Sicile  ,  duc  d'Anjou  ;  &  très-ré- 
5)  vérend  père  en  dieu,  &  très-redouté  feigneur, 
j>  M.  le  cardinal;  de  mes  très-redoutés  feigneurs, 
r  melTeigneurs  du  fang;  de  très-révérends  &  ré- 
«  vérends  pères  en  dieu  ,  meflîeurs  les  patriar- 
«  ches,  archevêques,  évèques  ,  pairs  de  France 
«  eccléfiaUiques  ,  &  autres  prélats  &  gens  d'églife  , 
55  de  meffieurs  les  nobles  &  gens  de  cités  &  bonnes 
»  villes,  faifant  &  repréfentant  les  trois  états  gé- 
j>  nèrauxde  ce  royaume,  &  efquelles  chofes  le  roi 
3>  a  deinandé  à  mefdits  feigneurs  leur  bons  avis  8i. 
n  confeil ,  &c  ". 

On  voit  que  dans  ces  états,  ainfi  que  dans  ceux  de 
Tours  &  d'Orléans,  de  1483  ,  1506,  &  Mf^o,  ks 
cardinaux  avoient  les  premières  places  ;  l'élévation 
où  ils  fe  trouvèrent  dansl'églife,  fous  le  pontixïcar 
d'Innocent  IV  &  de  Boniface  VIÎI,  leur  avoit  donné 
une  grande  confidération  en  France  fous  le  règne 
de  faint  Louis  &  de  Philippe  le  Bel.  Ils  prenoient 
par-tout  le  premier  rang  ;  mais  aux  états  qui  [fu- 
rent tenus  à  Saint  Germain-en-Laye  en  1561  ,  & 
qui  n'étoient  que  la  continuation  de  ceux  d'Or- 
léans ,  les  princes  du  fang  ne  voulurent  plus  fouf- 
frir  que  les  cardinaux  fuffent  affis  au-deffus  d'eux, 
&  le  cardinal  de  Bourbon  ,  qui  fe  mit  au-defTus 
du  prince  de  Condé  ,  fon  frère ,  déclara  que  c'étoit 
comme  fon}  aîné  ,  &  non  pas  comme  cardinal;  les 
cardinaux  de  Chàtillon  &  d'Armagnac  fe  placèrent 
après  ks  autres  princês  du  tang.  Et  charles  IX , 


PRÉSÉANCE; 

tenant  depuis  ion  lit  de  juftice  en  1563,  au  par* 
lement  de  Rouen,  où  il  fut  déclaré  majeur.  M, 
le  duc  d'Orléans  &  les  princes  du  fang  eurent  la 
droite,  5i  les  cardmaiix  de  Chàtillon  &  de  Guife 
la  gauche.  Enfin  ,  Henri  III  ordonna,  par  un  édit 
exprès  ,  que  les  princes  du  fdug  auroicnt  par-tout 
la  Préféance  fur  toutes  fortes  de  perfunnes  ;  &  c'efh 
ainfi  qu'on  l'a  toujours  obfervé  depuis  ,  comme  on 
l'obferva  d'abord  aux  états  de  Blois  où  cet  édit  fur 
fait, mais  où  la  Préiéance  d;s  princes  du  fang  n'em- 
pêcha pas  que  les  eccléfiafliques  ne  l'enlTent  fur  les 
autres  députés. 

A  l'égard  des  états  particuliers  des  provinces  , 
on  fait  qu'en  Bretagne  les  commillaires  du  roi  af- 
fiftent  à  l'ouverture  des  états.  Le  "ouverneur  de 
la  province  ,  comme  premier  commiHaire  &  repré- 
fentant la  perfonne  du  roi,  y  rient  la  première 
place.  A  la  féconde  féance  ,  l'intendant ,  qui  efl 
le  fécond  commiiTaire,  fait  les  propofitions  &  les 
demandes.  Après  quoi,  les  commilTaires,  même  le 
gouverneur,  fe  retirent  &  ne  reviennent  ordinai- 
rement que  pour  la  concliifion  des  états. 

Le  clergé,  précédé  par  l'évéque  du  diocèfe  où 
on  tient  les  états,  eft  à  la  droite  du  trône  :  la  no- 
blelTe  efl  à  gauche  ,  ayant  à  fa  tête  alternativement 
les  ducs  de  Rohan  &.  de  la  Trémouille ,  comme^ 
premiers  barons  de  Bretagne.  Le  tiers-état  ert  placé 
plus  bas. 

L'évéque,  qui  eflà  la  tête  du  clergé,  préfide  aux 
érars,  propofe  les  affaires,  &  conclut ,  après  avoir 
pris  l'avis  du  tiers-états  &  de  la  nobleffe. 

Il  en  efl  à  peu  près  de  même  dans  les  autres  pro- 
vinces d'états.  L'archevêque  de  Narbonne  efl  pré- 
fident  né  des  états  de  Languedoc,  &  l'évéque  d"Au- 
tun  des  états  de  Bourgogne. 

Du  ran^y  de  MM  les  duc'>  ^  pairs  entr'eux.  Le 
rang  des  pairs  de  France  fe  règle,  non  par  la  date 
de  leur  réception  au  parlement ,  mais  par  celle  des 
lettres  d'éreétion  de  chaque  pairie.  À  cet  égard 
point  de  difficulté. 

Mais  il  peut  y  en  avoir  beaucoup  fur  le  point  de 
favoir,  fi  ,  lorfqu'une  pairie  ert:  érigée  pour  les  hoirs, 
tant  mâles  que  femelles,  celui  qui  époufe  l'héri- 
tière de  cette  pairie ,  avec  permifTion  &  déclaration 
du  roi  qu'il  continue  la  pairie  en  fa  perfonne,  pren- 
dra féance  au  parlement ,  du  jour  des  lettres  d'érec- 
tion ou  du  jour  de  fa  réception. 

Sans  nous  livrer  à  des  diflertations  qui  nous  me- 
neroient  beaucoup  trop  loin  ,  nous  nous  contente- 
rons de  rapporter  un  arrêt  qui  paroît  avoir  jugé 
cette  importante  queftion.  Voici  d'abord  les  détails 
de  l'efpéce  fur  laquelle  il  efl  iitervenu. 

Philippe  de  Bourgogne  ,  comte  de  Nevers  ,  laifTa 
deux  tnfans,  Charles  &  Jean.  C'efl  en  faveur  de 
Charles ,  qui  étoit  l'aîné  ,  &  de  fes  defcendans  ,, 
que  la  terre  &  feigneurie  de  Nevers ,  qui  n'étoil 
qu'un  comté  ,  fut  érigée  en  pairie  par  le  roi  Char- 
les Vn  en  1459.  ^"  "^  remonte  pas  plus  haut ,. 
parce  que  les  précédentes  éreélions  en  pairie  da 
mênié  comté  ,.  font  inutiles  à  renurq^ucr. 


PRÉSÉANCE. 

Charles  de  Nevers  étant  mort  fans  enfans ,  Jean , 
fon  frère  puîné  ,  lui  fuccéda  au  comté  ,  Si  le  roi 
Louis  XI  continua  la  pairie  en  fa  faveur  Si  pour  fes 
defcendnns.  Jean  ne  lailîa  que  deux  filles,  Ifabelle 
&.  Charlo  te  ;  Ifabelle  fut  mariée  à  Jean  de  Clèves, 
auquel  le  Comté  fut  tranfmis  fans  diiîîculté  ,  6c  il  en 
fit  riiommage  au  roi.  De  leur  mariage  eft  defcendu 
Engilbert  de  Clè»es ,  qui  fut  comte  de  Nevers  ,  du 
chet  d'Ifabelle  de  Nevers  fa  mère  :  le  roi  Louis  XII 
lui  accorda  ,  en  1505  ,  des  lettres  de  continuation 
pour  lui  Si  pour  fes  defcendans  mâles. 

Engilbert  eut  pour  fils  Charles  de  Nevers  ,  qui 
époula  Marie  d'Albrct  fa  oufmc  :  de  ce  mariage 
vint  un  enfant  mâle ,  nommé  François.  Marie  d'Al 
bret,  après  la  m.ort  deCh.T-les  de  Nevers,  fon  mari, 
eut  le  bail  ck  la  garde  noble  de  François  fon  (ils, 
6c  en  15  21  elle  obtint  des  lettres  pour  la  jouif- 
fance  de  la  pairie  pendant  la  garde.  Ainfi  la  pal<ie 
a  toujours  fubfjrté  depuis  les  lettres  de  i  505. 

La  garde  finie ,  Marie  d'Albret ,  fage  &  pleine  de 
prévoyance  ,  pour  ne  plus  tomber  dans  les  fâcheux 
inconvenieus  de  l'extinilion  de  la  pairie  par  le  dé- 
faut de  mâles,  &  afin  de  donner  un  nouveau  lufire 
a  cette  terre,  d'une  très-grande  étendue  ,  demanda 
au  roi  François  I  la  grâce  d-  vouloir  ériger  le  comté 
en  duché,  ik  de  l'étendre  à  tous  les  defcendans  , 
tant  màLs  que  femelles;  ce  que  le  roi  lui  accorda 
par  fes  lettres  de  i  5^18  ,  à  caufe  des  grands  &  im- 
portants fervices  rendus  à  1  état  par  la  maifon  de 
Nevers.  Ces  lettres  portent ,  que  l'éredion  ,  ou  plu- 
tôt que  le  changement  du  comté  en  duché  eft  fait 
au  profit  de  Marie  d'Albret,  de  François  de  Clè- 
ves ,  &  de  lei'rs  defcendans  ,  tant  mâles  que,  femel- 
les ,  fucceûeirs  Si  ayans-caufes.  Dans  le  dil'pofi- 
lif ,  il  n  cil'  point  parlé  de  la  pairie  ,  par  une  raifon 
nécelTaire  à  obferver:  c'eft  que  la  pairie,  qui  avoir 
été  érigée  par  Louis  XII ,  en  1  505  ,  pour  Engilbert , 
comte  de  Nevers ,  Si  pour  fes  defcendans  ,  fubfif- 
toit  encore,  puifque  François  de  Nevers  ,  petit-fils 
d'Engilbert,  étoit  vivant.  Les  letiresde  1538,  qui 
n'étoient  que  pour  changer  le  comté  en  duché  , 
n'ont  point  dérogé  à  h  pairie  ,  qui  n'éroit  pas 
éte.'nte  ,  y  ayant  des  defcendans  mâles  d'Engilbert , 
qui  la  foutsnoient  &  l'avoient  continuée  avec  le 
fief  dans  la  fe'gneitrie  del-Jevers.  Tout  le  change- 
ment qui  s'ell  fait  dans  cette  dignité  ,  a  donc  été  , 
que  la  pairie  ,  qui  étoit  jointe  a  un  comté  ,  a  été 
unie  à  un  duché  dont  elle  a  emprunté  les  condi- 
tions &c  les  prérogatives  ,  Si  particulièrement  celle, 
de  pafler  aux  defcendans,  de  quelque  fexe  qu'ils 
fuflent,  même  aux  fuccelTeurs  Si  ayant-caufss.  Il 
s'efi  fait  par  ce  moyen  une  union  de  l'un  avec 
l'autre  ,  fans  toutefois  que  la  pairie ,  réunie  avec  le 
nouveau  duché,  ait  perdu  la  prérogative  Si  l'an- 
cienneté de  fa  création ,  ces  lettres  de  1538  ayant 
confervé  la  nature  &  la  qualité  de  chacune  de  ces 
deux  dignités.  En  voici  les  termes  :  ConJIdérjnt  que 
notredit  confia  de  \evers  &  Jes  jucceffeurs  ont  tenu  €> 
pojjéde  Icfdiii  pjys  &  comté  de  Nivers  ,  comme  en- 
ton  jaii  d«  préjiiii  noircdicc  çoujïne  Mûrie  /Aib'et  , 


PRÉSÉANCE. 


475 


pjr  concejfion  de  nous  faite  ,  en  dro.t  &  préroguive 
de  pairie  ,  ayant  fervi  aux  f acres  des  rois  &  couronne- 
ment de  nous  &  nos  prédéccfftnrs  ;  nous  ,  de  notre  pro- 
pre mouvement  &  pleine  pui^dnce  ,  &c.  avons  icelni 
pays  &  comté  de  isivernois ,  créé  ,  &  érigé  ,  créons  6* 
érigeons  par  ces  prcfcaes  ,  en  titre ,  nom  ,  honneur , 
prérogative  ,  pouvoir  &  prééminence  de  duché  ,  pour 
tenir  &  pojfeder  audit  titre  &  prérogative  deauche, 
de  nous  &  de  notre  couronne  par  une  feule  foi  &  hom- 
mage ,  par  notre  coufme,  fes- hoir ^  ,  mâles  &  femelles^ 
fucceffeurs  &  ayant- cauje  ,  propriétaires  dudit  P'tys 
quils  tiennent  &  pofsèdent  ores  &  pour  C avenir  ,  en  ti- 
tre, droit  &  prérogative  de  pairie  fous  le  refjort  de  no- 
tredite  cour  de  parlement. 

Ces  mots  ,  que  nous  avons  créé €•  créons  en  titre  en 
dignité  de  duché,  fans  ajouter  celui  de  pairie,  pré- 
fuppofent ,  dit  Coquille  ,  que  l'ancienne  pairie  fub- 
fifte  comme  elle  étoit  auparavant ,  Si  que  la  créa- 
tion nouvelle  n'efi  que  pour  le  duché  feulement. 
L'union  qui  eft  faite  pour  l'ancienne  pairie  au  nou- 
veau duché,  n'eftque  pour  tenir  l'un  Si  l'autre  à  une 
feule  foi  Si  hommage  ,  comme  les  lettres  le  décla- 
rent ;  mais  elles  ne  changent  point  la  qualité  de  la 
pairie,  parce  que,  comme  remarquent  les  doc- 
teurs. Si  principalement  Dumoulin  ,  les  unions  qui 
fe  font  par  le  fait  de  Ihomme,  confervent  les  cho- 
fes  unies  dans  leur  nature  Si  leur  ancien  établifte- 
ment.  Aulfi  la  dernière  elaufe  des  lettres  ,  pow  jouir 
ores  &  à  l^avenir  du  droit  de  pairie  ,  confirme  la  pré» 
rogative  de  la  pairie  ,  comme  elle  etoit  dans  le 
temps  .procèdent;  ores  &  à  l'avenir  fignifiant  le 
temps  pafte  Si  celui  de  l'avenir. 

Depuis  ces  lettres  de  1538,  Marie  d'Albret  étant 
morte,  François  de  Nevers  recueillit  la  fucceffion. 
Si  fit  la  foi  6l  l'hommage  au  roi  du  duché  Si  de  I3 
pairie  :  il  laifia  cinq  enfans  ;  favoir  ,  deux  mâles  & 
trois  femelles;  les  mâles  font  François  II  Si  Jac- 
ques de  Nevers;  les  iilics,  Henriette,  C^atherine 
Si  iMarie  :  ce  François  II  a  fait  l'hommage  de  l'un 
Si  de  l'autre.  Si  ,  étant  décède  en  1562  fansUaifter 
d'enfnns ,  Jacques  fon  frcre  ,  a  fticcédé  an  duché  à 
la  pairie.  Après  le  décès  de  Jacques,  aufil  mort  fans 
enfans,  Henriette,  fa  fœur  aînée,  a  été  faifie  du 
duché  Si  de  la  pairie. 

En  1566,  Henriette  ayant  époufé  Louis  de  Gon- 
zague,  elle  lui  porta  le  duché  a^ec  la  dignité  de  la 
pairie  ,  6(.  la  même  année  Charles  IX  liù  accorda 
des  lettres  d'agrément  Si  de  continuation  du  duché 
Si  de  la  pairie  ,  de  la  manière  qu'Henriette  de  Ne- 
vers en  jouilToir.  On  peut  dire,  avec  vraifem- 
blance,  que  ce  font  les  premières  lettres  qui  aient 
été  données  aux  maris  des  ducheftes  ;  car ,  dans 
tous  les  fièclcs .  la  foi  Si  hommage  du  mari  fufh- 
foit,  la  tranfmiflion  de  la  pairie  fe  faifant  de  plein 
droit  en  vertu  du  mariage  ,  fans  être  obligé  de  pren- 
dre des  lettres  particulières  ,  qu'on  jugeoit  alors 
inutiles. 

Louis  de  Gonzaguc  n'eut  pas  plutôt  ces  lettres, 
que  M.  le  duc  de  Montmorency  ,  dont  la  pairie 
n'étoiî  que  de  155 1  ,  s'oppofa  à  leurentéiineinent 

O  o  o  ij 


476  PRÉSÉANCE. 

&  à  la  réception  de  Louis  de  Gonzague  au  parle- 
ment ,  prétendant  qu'il  ne  pouvoit  prendre  le  rang 
&  la  féance  que  du  temps  des  lettres  de  1 5  56  ,  &c 
non  des  premières  éreâions,  pas  même  de  1 505  & 
de  1538.  Louis  de  Gonzague,  au  contraire,  la  pré- 
tcndoit,  ou  de  l'année  1505,  que  la  pairie  avoir 
été  érigée  en  faveur  el'Engilbert ,  ou  de  1538  ,  que 
le  comté  avoit  été  créé  en  duché.  Après  une  plai- 
doirie folemnelle  ,  la  caufe  fut  appointée  par  arrêt 
de 1S64. 

Dix  ans  après ,  M.  le  duc  d'Aumale  forma  la  mê- 
me conteftation  pour  la  féance;  ce  qui  put  y  don- 
ner occafion  ,  fut  la  cérémonie  du  baptême  du  fils 
de  M.  de  Nangis  ,  où  M.  le  duc  d'Aumale  ,  dont  la 
pairie  étoit  de  i  547,  voulut  prendre  le  pas  fur  M. 
le  duc  de  Nevers.  Le  prétexte  de  fa  Préfcance  fut , 
que  lui ,  duc  d'Aumale  ,  étoit  duc  de  fon  chef  j  au 
lien  que  M.  de  Nevers  ne  l'étoit  que  du  chef  de  fa 
femme.  M.  le  duc  de  Nevers  remontra  ,  en  préfen- 
ce  du  roi ,  que  le  rang  des  pairies  ne  fe  régloit  pas 
par  le  temps  des  mariages  de  ceux  qui  en  éioient 
revêtus,  mais  par  celui  des  éreâions  ;  qu'il  y  avoit 
plufieurs  exemples  en  faveur  des  maris  faits  ducs 
ik  pairs  par  leurs  femmes,  &  qu'ainfi  la  pairie  de 
Nevers  étant  de  Tannée  1505,  &  le  duché  de  1538, 
il  devoit  précéder  M.  le  duc  d'Aumale,  dont  la 
pairie  n'étoit  que  de  1547.  Sur  ces  raifons ,  foute- 
nues  de  plufieurs  exemples,  le  roi  jugea  en  faveur 
de  M    le  duc  de  Nevers. 

Quelque  temps  après,  s'étant  fait  une  pareille 
cérémonie  au  Louvre  pour  le  baptême  du  fils  de 
M.  de  Clermont  d'Entragues  ,  M.  le  duc  ti'Aumale  , 
fe  prévalant  de  l'abfence  de  M.  le  duc  de  Nevers , 
prit  la  place  qui  appartenoit  à  ce  duc.  M.  le  duc  de 
Nevers  arriva  pendant  la  célébration  du  baptême, 
ti  ,  voyant  que  M.  le  duc  d'Aumale  avoit  pris  fa 
place  j  il  eut  la  difcrction  de  fe  retirer  ,  afin  de  ne 
pas  troubler  la  cérémonie  en  prélence  du  roi  ;  mais 
en  même-temps  il  prit  la  précaution  de  donner  fa 
requête  au  roi  ,  par  laquelle  il  conclut  à  ce  que  le 
rang  lui  fût  donné  au-deffus  de  M.  le  duc  d'Au- 
male, en  tous  lieux  &  en  tous  endroits  du  royau- 
me. Cette  requête  fut  renvoyée  au  parlement ,  feiil 
jurfe  de  ces  difTérends  de  Préféance  entre  les  ducs 
&  pairs.  La  caufe  fut  folemnellement  plaidie. 

M.  Marion  ,  alors  avocat  de^  parties  ,  &  depuis 
avocat  général ,  foutenoit  la  Préféance  de  M.  de 
Nevers  par  trois  moyens  principaux  ;  le  premier 
étoit  fondé  fur  l'antiquité  de  la  pairie  ,  l'autre  fur  la 
force  &  l'effet  de  la  tranfnii/Tion  des  droits  de  la 
même  pairie  qu'Henriette  de  Clèves  avoit  apportée 
à  M  de  Nevers  fon  mari  ;  le  troifième  fur  les  let- 
tres de  1566,  par  lefquell.s  le  roi  avoit  agréé  le 
mariage  de  Louis  de  Gonzague  avec  Henriette, 
duchefie  de  Nevers  ,  &  avoit  continué  la  pairie  en 
faveur  du  inari ,  pour  en  jouir  de  même  qu'Hen- 
riette auroit  fait  fi  elle  n'avoit  point  été  mariée. 

Il  faifoit  remonter  l'ancienneté  de  la  pairie  juf- 
qiren  1359  ,  q"e  Charles  VU  avoit  élevé  la  terre 
^e  Nevers  à  cette  dignité  en  faveur  de  Cbaries  de 


PRÉSÉANCE. 

Nevers.  Si  on  ne  vouloir  pas  sarrèter  à  cette  érec- 
tion ,  il  diloit  qu'il  falloii  toujours  remonter  ou  à 
1464  ,  que  Louis  XI  avoit  continué  la  pairie  en  fa- 
veur de  Jean  ,  comte  de  Nevers  ,  frère  de  Charles , 
ou  à  1505,  que  Louis  XII  l'avoit  renouvelée  pour 
Engilbert  de  Clèves,  &:  que  le  plus  bas  qu'on  pût 
detcendre  étoit  l'année  1 538  ,  dans  laquelle  le  roi 
François  premier  avoit  changé  le  comté  en  duché 
p»ur  François  de  «Clèves  &  pour  tous  fes  defcen- 
dans.  Il  ajûutoit  que  ,•  fuivant  l'ufage  certain  delà 
France,  le  rang  &  la  Préféance  fe  règlent  par  l'an- 
tiquité des  pairies  i  que  la  femme  qui  eft  duchcffe 
&  paire,  tranfmet  la  pairie  à  fon  mari  ,  pour  la 
polTéder  avec  les  prérogatives  de  la  féance  , 
que  le  temps  des  éreé^ions  donne  aux  poiTefTeurs 
ou  propriétaires  du  duché;  que  le  mariage  ne  fait 
point  de  changement  dans  les  fiefs  de  dignité ,  par- 
ce qve  les  deux  conjoints  ne  faifant  qu'une  même 
perfonne,  ils  fc  communiquent  l'un  à  l'autre  tout 
ce  qu'ils  avoient  de  propre  avant  leur  union  ;  enfin  , 
que  par  les  lettres  de  1 566  ,  le  roi ,  qui  eft  le  dif- 
penfareur  fouverain  de  ces  offices  ,  avoit  approuvé 
le  mariage  de  M.  de  Nevers,  &  lui  avoit  continué 
les  droits  de  cette  pairie,  fuivant  les  ancienne» 
éreâions. 

Le  defcnfeur  de  M.  le  duc  d'Aumale  foutenoit, 
au  contraire  ,  qu'on  ne  pouvoit  pas  faire  renionier 
le  droit  de  la  pairie  de  Nevers  aux  éreflions  de 
14^9,  1464  &  1505  ,  parce  que  cette  pairie  avoit 
été  éteinte  en  1538,  lorfque  le  comté  de  Nevers 
avoit  été  fupprime  pour  en  faire  un  duché  ;  que 
les  lettres  de  1538  avoienr  feulement  érigé  la  fei- 
gneurie  de  Nevers  en  duché,  fans  en  renouveler 
la  pairie,  dont  il  n'eft  rien  dit  dans  ces  lettres; 
après  tout,  ajoutoit-il,  quand  on  voudroit  fuppofer 
que  la  pairie  tût  été  renouvelée  par  les  lettres  de 
1538,  Louis  de  Gonzague  étant  étranger  à  la  mai- 
fon  de  Nevers  ,  il  ne  peut ,  au  plus ,  avoir  fon  rarng 
que  de  l'année  1566,  qui  eft  le  temps  des  lettres 
que  le  roi  lui  avoit  accordées  pour  être  reçu  &  pour 
prêter  le  ferment. 

Ce  qui  embarrafla  le  plus  les  magiftrats  dans  cette 
affaire ,  fut  de  favoir  de  quel  temps  on  fixeroit  1  inf- 
titution  de  la  pairie  de  Ntvers;  fi  ce  feroit  de  l'année 
1505  ou  de  l'année  1  î3&' ,  car,  en  la  fixant  à  l'année 
1538  ,  on  préji:dicioit  à  M.  le  duc  de  Nevers  tn  fa- 
veur des  autres  ducs  &  pairs  qui  pouvoient  a\  oir 
des  pairies  érigées  avant  1538,  &  pofîérieurtment 
à  I50<;  :aufii,  pour  ne  ritn  préjuger  fur  l'antiquité  de 
la  pairie  ,  &c  ne  point  préjudicier  aux  droits  de  M.  le 
duc  de  Nevers  ,  le  parlement  prit  le  tempérament 
de  donner  indéfiniment  la  Préféance  à  M.  le  duc  de 
Nevers  ,  fans  déterminer  laquelle  de  ces  deux  érec- 
tions prévaudroit.  Comme  il  n'y  avoir  aucune  difS- 
cu'té  ,  dans  cette  incertitude  de  l'une  ou  de  l'aune 
éreâion  ,  de  donner  la  Préféance  à  M.  le  duc  cie 
Nevers  ,  parce  que  le  duché  d'Aumab  n'avoit  été 
érigé  qu'en  1 547,  la  cour  ordonna  fimplemert  eue 
le  duc  de  Nt\crs  précéderoit  le  duc  d'Aumal?. 
Voici  les  termes  de  rarrét  ;  «  Sans  s'arrêter  à  la 


PRÉSÉANCE. 

i>  grandeur  des  maifons ,  mérites  ik  fervices  ren- 
>»  dus ,  tant  par  les  parties  que  par  leurs  predécef- 
«  fenrs  ,  aux  rois  &  à  la  couronne  ,  &  faas  toucher 
î>  aux  droits  &.  prérogatives  de  la  pairie  ,  la  cour  a 
«  ordonné  que  le  duc  de  Nivernois  précédera  en 
»  tous  lieux  &  endroits  de  ce  royaume  le  duc 
»  d'Aumale  ». 

De  la  Préfcance  entre  les  propriétaires  du  fi^f-,  6* 
les  ofic'te's  de  cour  Jouveraine  donucUus  dans  lu  même 
paroijje.  On  peut  voir  à  l'article  droits  honorifiques  , 
ce  qui  concerne  les  feigneurs  hauts-jufticiers  &  les 
patrons.  Nous  ne  parlons  ici  que  des  fimplespro- 
pri<étaires  du  fief,  en  concurrence  avec  des  perlon- 
res  conftituées  en  dignité ,  tels  que  des  officiers  de 
cour  fouveraine.  Nous  penfons  que  les  feigneurs 
de  fief,  gentilshommes  ou  roturiers  ,  doivent  les 
précéder. 

En  matière  de  droits  honorifiques  ou  de  Pré- 
feance  attachés  à  des  fiefs  ou  à  des  jufiices  ,  ce  n'eft 
point  la  dignité  des  perfonnes  que  l'on  confidére  ; 
il  s'agit  d'un  droit  réel  ,&  non  pas  d'un  droit  per- 
fonnel ,  ou  du  moins  on  n'a  recours  à  U  qualité  des 
perronnci  ,  qu'après  qu'on  a  totalement  épuifé  la 
réalité.  C'eft  une  maxime  établie  par  Maréchal. 

Cet  auteur  décide  dans  le  chapitre  premier  des 
droits  honorifiques. 

i".  Qu'entre  feigneurs,  c'eft  celui  qui  a  le  fief 
le  plus  noble  ù  qui  h  Préféance  efi:  duc. 

2°.  Que  ceux  qui  ont  des  fiefs ,  précèdent  ceux 
qui  n'en  ont  point. 

3°.  Que  même  les  gentilshommes  qui  n'ont  que 
de  fimplcs  rotures,  précèdent  dans  l'églife ,  ceux 
qui  n'ont  aucun  domaine  ,  pour  la  raifon  que  ceux 
qui  ont  des  domaines ,  même  en  roture  ,  payent  la 
dîme  &  contribuent  à  l'entretien  &  aux  réparations 
de  l'égUfe. 

4°.  Que  quand  les  chofes  font  dans  une  parfaite 
égalité  ,  alors  on  a  recours  à  la  qualité  des  perfon- 
nes ;  par  exemple  ,  fi  un  gentilhomme  acquiert 
cjuelque  grand  honneur,  il  eft  en  droit  de  précéder 
les  autres. 

C'eft  une  maxime  tellement  certaine  ,  qu'il  rap- 
porte l'exemple  du  Maréchal  deTavannes,  qui, 
dans  fa  terre  d'Arc  fur-Thille  ,  fut  précédé  à  l'of- 
frande par  un  gentilhomme  ,  co-feigneur  aveclui, 
quoique  la  portion  du  maréchal  deTavannes  fût 
beaucoup  plus  confidérable  ,  mais  parce  qu'elle  re- 
levoit  de  celle  qui  appartenoit  au  gentilhomme  , 
qui  en  fit  des  excufes  au  maréchal  de  Tavannes  , 
auquel  le  gentilhomme  avoua  devoir  toutes  fortes 
d'nonneurs  ,  mais  n'avoir  pu  abandonner  les  droits 
attachés  à  fa  terre. 

Il  ei\  vrai  que  Maréchal  rapporte  encore  l'exem- 
ple d'un  gentilhomme  qui  avoir  un  fief,  &  avoit 
djféré  à  un  feigneur  dont  le  fief  étoit  moins  noble  , 
parce  qu'il  étoit  chevalier  des  ordres  du  roi  ;  mais 
avec  déclaration  de  fa  part,  que  telle  déférence 
d'honneur  par  lui  acceptée ,  ne  feroir  qu-e  pour  fa 
jKrfonne  feulement  ,  &  ne  paffiroit  point  à  fes 
ûiccefleurs.   Ces  exemples  fmtjulicrs  ne  peuvent 


PRÉSÉANCE. 


477 


point  être  tirés  à  conféquence  ;  bien  loin  qu'ils  puif- 
ient  détuire  le  principe  ,  ils  l'établiiTent. 

On  objecle  i".  pour  établir  que  les  officiers  des 
cours  fouveraines  doivent  avoir  la  Préléance  fitr 
les  fiiupies  feigneurs  ,  que  les  honneurs  ne  font 
dus  de  droit  qu'aux  patrons  &  aux  feigneurs  liauts- 
j^jfticiers  ,  (k.  tout  au  plus  qu'aux  feigneurs  du  fief 
fur  lequel  l'églife  eft  bâtie  ;  2".  que  fi  d'autres  en 
jouiiîeiit ,  ce  n'efi  que  par  bienféance  ;  parconfé- 
quent,  qu'à  leur  égard  ce  font  les  qualités  les  plu» 
honorables  qui  méritent  la  Préféance. 

On  convient,  qu'a  la  rigueur,  les  véritables 
droits  honorifiques  ,  appelés  g.-.mds  honneurs  ,  n'ap- 
partiennent qu'aux  patrons  &  aux  feigneurs  hauts- 
juiliciers.  Tels  font  les  droits  de  litre  en  dedans  8c 
au  dehors  de  l'églife,  la  nomination  aux  prières 
nominales,  l'encens;  mais  à  l'égard  des  moindres 
honneurs  ,  l'oftVande  ,  le  pain- béni ,  le  pas  à  la  pro- 
celfion  ,  ils  appartiennent  aux  feigneurs  de  fief  La 
diftinélion  du  droit ,  à  la  rigueur,  k  l'égard  des  pa- 
trons &  hauts-jufticiers  ,  Si  du  droit  de  bienféance 
à  l'égard  des  autres  ,  n'a  rien  de  décifif.  Dans  l'ori- 
gine ,  on  peut  dire  que  le  droit  même  du  patron  .Jc 
du  feigneurhaut-jufticicr  tû.  une  dérogation  à  l'an- 
c.en  droit,  fuivant  lequ-el  on  ne  devroit  faire  au- 
cune diftinftion  dans  l'érlife  ,  où  tous  les  honmics 
devroient  être  égaux  ;  mais  l'ufige  contraire  a  pré- 
valu ,  ÔC  a  [orme  un  autre  droit  en  faveur  du  pa- 
tron ,  &  enûiite  du  feigneur  haut-jufticier.  A  l'es? rud 
du  feigneur  du  fief  fur  lequel  l'églife  eft  bâtie,  i'oti 
droit  ne  peut  être  regardé  que  comme  un  droit  de 
bicnféarke  :  il  ne  laifle  pas  que  d'en  jouir,  &.  ce 
àro'it  appelé  Je  ûicz/féance ,  eft  devenu,  p.-rl'ufagc  , 
un  droit  commun;  de-là  ,  on  ne  peut  pas  jufiemeuc 
tirer  la  conféquence  que  ce  foient  les  qualités  per- 
fonnellts  qui  puiflént  opérer  la  diflin(Hion  ;  il  s'en- 
fuivroit  qu'entre  un  gentilhomme  fans  fief,  revêtu 
de  quelque  grade,  ik  un  gentilhomme  poiTédanr 
lief ,  on  auroit  décidé  que  le  premier  devoir  avoir 
la  Préféance  ;  ce  qui  feroit  certain  fi  les  qualités 
perfonnelles  décidoient.  Si  c'eft  un  fimplc  droit  ds 
h'.'nféance  qui  ne  foit  pas  devenu  droit  commun  , 
il  faut  encore  conclure  qu'un  roturier  poftedant  un 
fief  dans  la  paroifle  ne  doit  point  l'emporter  fur  le 
gentilhomme  qui  n'a  pas  de  fief;  même  un  anobli 
ayant  un  fief  devroit  céder  à  un  gentilhomme  fans 
fief.  Ces  diftinâions  perfonnelles  feroient  la  four- 
ce  d'une  infinité  de  conteftations;  les  gentilshom- 
mes difputeroient  entr'eux  ,  fur  l'ancienneté  de 
leur  nobleffe.  Au  lieu  que  quand  ils  s'agit  d'un 
droit  réel ,  on  cède  avec  beaucoup  plus  de  iacilité  , 
&  on  ne  croit  pas  valoir  moins  que  celui  à  qui  on 
cède. 

Ainfi  le  droit  de  bienféance  ne  doit  pas  moins 
être  obfervé ,  &  les  ufages  qui  ont  leur  fourcs  dans 
la  bienféance  ne  doivent  pas  être  re/etés;  autre- 
ment tout  feroit  arbitraire. 

Le  privilège  de  MM.  les  ofEciers  de  cour  fouve- 
raine ,  ne  çonfifte  pa-;  à  dépouiller  Icà  rci'4,ne!!r5  de 
hefsj.des  droits  &  des  Préféances  dont  ik  l'ont  en 


478  PRÉSÉANCE. 

po/Teffion.  Maréchal ,  dans  fon  traité  des  droits  ho- 
norifiques,  ne  le  décide  pis.  Voici  les  propres 
termes  de  cet  aiiteiir  :  Pour  ce  qui  cfl  des  fc.znces  des 
cjficiers  enti'cux  ,  de  ceux  qui  n'ont  de  prééminence 
qu'à  caufe  de  Lurs  cha:?,cs  ,  hs  officiers  royaux  fa 
vcnc  cntreux  leurs  rangs  ^  qui  font  Li  plupart  rédés 
par  quantité  d'arrêts. 

Cela  ne  s'applique  donc  qu'aux  officiers  entre 
eux  ,  qui  n'ont  de  prééminente  qu'à  caufe  de  leurs 
charges. 

Maréchal  ajoute  :  Quant  à  leurrangfur  les  oificiers 
fubalternçs ,  MM.  des  corps  &  compagnies  fcuvcrai- 
lies  ,  comme  des  parlenicns  ,  grand' corifeil ,  chambrç 
des  comptes  ,  cours  des  aides  JefiudUs  dignités  anc- 
bhffcnt ,  outre  que  plnfieurs  font  gentilshommes  & 
nobles  de  race ,  précèdent ,  &  il  faut  que  tous  autres 
officiers  inférieurs  leur  cèdent ,  mém:  dans  les  églifes 
ijui^  ne  font  point  royales  ,  &  dans  toutes  fortes  de 
villes  ,  bourgs  6'  paroljfes  ,  nonohjlant  quelles  n'ap- 
partiennent point  immédiatement  au  roi. 

Il  efi  donc  évident  que  Maréchal  ne  décide  point 
la  conteflation  cn:ic  un  officier  de  cour  ibuvcraine 
&  un  feigneur  de  fief. 

Un  confeiller  clerc  ,  qui  fe  trouve  être  le  plus  an- 
cien ^peut-il  préfider  le  tribunal  dorU  il  ejl  membre  ? 
Cette  queflion  s'cft  élevée  fur  la  fin  du  dernier 
fiecle,  entre,  le  fieur  Petir-Pied ,  confeiller  clerc 
au  châtelct  ,  &  les  confti'lcrs  laies  de  ce  tribunal. 
L'arrêt  qui  juge  cette  queftion  çit  conçu  en  ces 
termes  : 

M  Le  roi  en  fon  confcil,  faifant  droit  furl'inrtan- 
»  ce  ,  a  maintenu  &  gardé  ,  maintient  &  garde  ledit 
»  ficnr  Petit-Pied  au  droit  de  préfidcr  ëi  faire  les 
5)  fonclions  de  doyen  ,  tant  à  l'audience  qu'a  la 
il  c!:ambre  au  confeil  dudit  châtelct  de  Paris  Ck;  au- 
I)  très  lieux  où  îa  compagnie  fera  airimbiée,  lorf- 
»  qi;'i!  fe  trouvera  le  plus  ancien  officier  ,  fuivant 
})  l'ordre  de  fa  réception  ,  tout  ainfi  que  le  peuvent 
ji  faire  les  atitres  confcillers  du  cliâtelet;  &  Icrf- 
»  que  la  colonne  où  ledit  fieur  Petit  Pied  fe  trou- 
»  vera  difliibué,  fera  de  fervice  au  criminel  ,  il  ne 
3)  pourra  peint  afTifler  à  l'audience  civile  ,  mais  ainf- 
j;  fera  aux  rapports  &  jugeniens  des  procé<;  dans 
>!  la  chambre  criminelle  ,  &  y  aura  voix  délibéra- 
3)  tive  ;  pouria  même  y  rapporter  6c  ypréfjder, 
»  lorfqu'il  fe  trouvera  le  plus  ancien  ;  fans  néan- 
»  moins  que  ledit  fieur  Petit  Pied  puiffie  prétendre 
ti  aucune  part  dans  les  épicts  des  procès  qui  fe- 
11  ront  )iip,és  dans  la  chambre  criminelle;  dépens 
j)  compenfcs.  Fait  au  confeil  privé  du  roi,  tenu 
n  à  Saint-Germain-cn-Lnye,  le  17  mars  168233. 

Cet  arrêt  jue,e  la  queftion  de  la  manière  la  plus 
formelle  ;  cependant  il  faut  convenir  qu'il  s'écarte 
de  ce  qui  fe  praùque  dans  la  plupart  des  préfidiaux. 
En  effet  ,  le  châtelct  produifit  ur\  grand  nombre 
d'aftes  qui  atteftoiçnt  l'ufage  contraire. 

De  la  Préfêance  des  officiers  des  prifiiaux.  Les 
préîldiaux,  dans  les  cérémonies  publiques  ,  ont  le 
fang  au-den"us  des  mairçs  ,  gouveineurs  &  éche- 


PRÉSÉANCE. 

vins  de  ville.  (  Lettres  Patentes  du  ii  mai  1557, 
rendues  en  faveur  des  préfidiaux  du  royaume. 
Voyez  Joly  ,  tome  2  ,  pag.  1849  ). 

11  y  a  eu  depuis  plufieurs  arrêts  &  règlemens  ren- 
dus en  conformité  ;  er.tr'autres  : 

Un  arrêt  du  7  avril  1564  ,  rendu  en  faveur  des 
officiers  de  Bordeaux,  contre  les  maire  &  jurats 
de  la  même  ville.  (  Voyez  Joly  ,  ibid.  ). 

Autre  arrètduSjain  1581  ,  en  faveur  des  of- 
ficiers du  préfidial  d?  Tulle,  contre  les  maire  & 
confu is  de  la  même  ville.  (  Joly  ,  ibid.  ) 

Aiitre  du  ir  mars  1609  ,  rendu  en  faveur  des 
officiels  du  préfidial  de  Touloufe ,  contre  les  C3^ 
pltouls  (  i oXy  fibid.  page  1850  )  ,  confirmé  par  ar- 
rêt ilu  confeil  du  10  décembre  de  la  même  année  , 
rapporté  par  Cliewi ,  tome  2  .  page  1097. 

Autre  arrêt  du  parlement  de  Paris  du  16  mars 
1598,  rendu  en  faveur  des  olîrcitrs  du  préfidial 
d'Amiens,  contre  les  maire  &  échevins  de  ladite 
ville.  (  Chenu  ,  tome  r  ,  titre  38  ,  chapitre  172  ). 

Autre  du  ii  février  1606,  en  faveur  des  off.- 
ciers  du  bailliage  de  Chaumont  en  Baffigny  ,  con- 
tre les  maire  6c  échevins  de  ladite  ville.  (  Chenu  , 
tome  2,  pnge  1099  ), 

Autre  arrêt  du  confeil  du  3  mai  1609  ,  rendu  en 
faveur  des  officiers  du  préfidial  d'Auxerre,  contre 
les  maire  &  échevins  de  la  même  ville  (  rapporté 
dans  le  recueil  des  arrêta  d'Augeard  ,  tome  1  )  , 
qui  porte  ,  «  que  dans  les  procefiions  Se  cérémo- 
"  nies  publiques ,  les  officiers  du  préfidial  &  ceux 
»  de  1  hôtel-de-ville  marcheront  fur  deux  lignes  ; 
»  (avoir  ,les  offi.ciers  du  préfidial  toujours  à  droite, 
»  tk  ceux  de  l'hAtel-de-ville  toujours  à  gauche  , 
3»  ians  le  çroifer  ni  s'entrecouper  33,  (Voyez  auffi 
l'article  r 3  de  la  déclaration  du  19  août  1702,  & 
l'article  37  de  l'édit  du  mois  de  décembre  1706  , 
fervant  de  règlement  pour  les  rangs  des  maires  ijc 
échevins ). 

Les  officiers  des  préfidiaux  ont  même  été  main- 
tenus dans  cette  Préiéance  ,  contre  le.s  gouver- 
neurs &  autres  officiers  municipaux  des  villes, 
(  Ainfi  jugé  pour  Rennes  par  arrêt  du  parlement 
de  Bretagi^e  du  18  décembre  1/^37  ,  confirmé  par 
arrêt  du  confeil  du  3  mai   1639). 

Autre  arrêt  du  parlement  de  Bordeaux  du  13 
mai  175  I  ,  au  profit  des  officiers  du  préfidial  de 
Tulle  ,  qui  leur  donne  la  Préfêance  ,  tant  en  corps 
qu'en  particulier,  contre  le  fieur  de  Laccmbe, 
gouverneur  de  ladite  ville  &  communauté  de 
Tulle  ,  &  fait  défenfes  ,  tant  audit  fieur  de  La- 
combe,  qu'à  tous  autres  ofiicicrs  municipaux  de 
ladite  ville  de  Tulle  ,  de  troubler  les  officiers  du 
préfidial  ,  tant  en  corps  qu'en  particulier  ,  dans 
iefdits  honneurs,  rang  6c  Préfêance. 

La  même  Préfêance  a  été  réglée  pour  les  offi- 
ciers des  préfidiaux  ,  contre  les  lieutenans  des  ma- 
réchaux de  France  ,  par  arrêt  du  confeil  du  2  mai 
1749,  rendu  en  faveur  des  officiers  du  préfidial 
(Je  Chaînas  6i  des  autres  préfidiaux  du  royaume. 


PRÉSÉANCE. 

Cet  arrêt  fait  cléfenlts  aux  lieutenans  des  maré- 
chaux de  Fr-.iiice  de  troubler  les  officiers  des  préfi- 
diaux  ,  bailliages  &  autres  fièges  royaux  ,  dans  le 
droit  de  Préléance  dans  coûtes  les  cérémonies  pu- 
bliques,  fauf  dans  le  cas  OLi  les  gouverneurs,  lieu- 
tenans généraux  des  provinces ,  lieutenans  de  roi 
&  commandans  fe  trouveront  &  aflifleront  auxdi- 
tes  cérémonies  publiques  ,  auquel  cas  feulement  lef- 
diis  lieutenans  des  niaré».[uux  de  Fiance  pourront 
prendre  rang  &  leance  iniinédiatement  api  es  lifJits 
lieutenans  généraux  ,  lieutenans  de  roi  &  com- 
mandans ,  Se  avant  lefdits  officiers  des  bailliiges  & 
fièges  préfidiaux  ,  conformément  aux  édits  des  mois 
de  mars  1693  '  -°  î^i^^'^^  1694  ,  Si. novembre  1707. 

2°.  Les  préfidiaux  ont  la  Préféance  ,  en  toute 
affemblce  publique  ,  fur  I.s  tréforiers  de  France 
des  bureaux  des  finances  ;  ainfi  jugé  peur  la  vills 
de  Lyon  par  arrcr  du  confeil  du  2  décembre  1622  , 
rapporté  par  Henrys,  tome  2  ,  page  150  de  l'édi- 
tion de  1708. 

Autre  artèt  du  16  avril  1680,  pour  Amiens, 
rendu  connnun  pour  Orléans  ,  par  arrêt  du  confeil 
du  II  oéiobre  1684  ,  tous  les  deux  rapportés  auflî 
par  Kenrys  ,  ibidem  ^  page  151  &  158  ;  &  pour 
Riom,  autre  arrêt  du  confeil  du  30  décembre  1681. 

3  ".  Les  préfidiaux  ont  la  Préféance  fur  les  fecré- 
taircs  du  roi ,  tant  fur  ceux  du  çrand  co  lé''e  ,  aue 
lur  ceux  des  cours  ;  ainfi  juge  par  arrêt  du  grand 
confeil  du  28  juin  1618,  qui  ordonne  qu'en  tou- 
te alTemblée  générale  &  publique  le  corps  du  pié- 
fidial  de  Troies  précédera  les  fecrétaires  du  roi. 

JJem  ,  pour  Riom  ,  par  arrêt  du  grand  confeil  du 
31  janvier  1651. 

Idem  ,  pour  Nantes ,  par  arrêt  du  confeil  du  4 
février  1687  ,  rapporté  dans  l'hifîoire  de  la  chancel- 
lerie ,  tome  2  ,  page  155. 

4".  Les  lieutenans,  confeillers  ,  avocats  &  pro- 
cureurs (hi  roi  des  fièges  préfidiaux  ,  ont  la  Pré- 
féance,  même  de  particulier  à  particulier,  fur  les 
gentilshommes  ,  en  toute  afiemblée  publique  & 
particulière.  (Voyez  Maréchal  dans  fon  traité  des 
droits  honorifiques,  tome  i  ,  page  195  de  l'édition 
de  1697).  Il  y  a  un  très -grand  nombre  de  ré- 
glemens,&  entre  autres  un  arrêt  du  grand  con- 
feil ,  du  10  février  1740  ,  rendu  en  faveur  des 
officiers  du  préfidial  d'Evreux  ,  qui  donne  à  ces 
officiers  la  Préféance  fur  les  gentilshommes  en 
toute  afi^emblée  publique  &  particulière  ,  tant  en 
corps,  que  de  particulier  à  particulier,  dans  re- 
tendue des  ville  &  fauxbourgs d'Evreux,  lorfqu'ils 
feront  en  habit  décent. 

')''.  Les  préfidiaux  ont  auffi  la  Préféance  fur  les 
«niverfités  ;  ainfi  jugé  par  arrêt  du  parlement  de 
Toulouie  du  26  août  1603  ,  qui  porte  ,  que  "  le 
»  préfidial  de  Cahors  aura  le  pas  fur  l'univerfiré 
V  dudi:  lieu  aux  proceffions  ».  (  Vojez  Dcfcor- 
biac  ,  tit.  6  .  chap.  23  ,  page.  257). 

6°.  Ancientiement  les  préfidiaux  ,  d-e  corps  -à 
corps  ,  &  de  député  à  député  ,  avoient  la  Préféance 
âiries  chapitres  des  cathédrales  hors  de  leu.'-s  fonc- 


PRÉSEANCE.  470 

tiens  eccléfiafiiques ,  ëd  en  toute  airenibîée  pi:Mi- 
que  &  particulière  ;  favoir,  les  pr^fidens,  lieute- 
nans généraux  ,  criminels  &  particidiers  ,  fur  les  di- 
gnitaires. Scies  confeillers  fur  les  chanoines  def- 
dites  églifcs  ;  ainfi  jugé  par  arrêt  du  confeil  du  \z 
mai  1671  ,  pour  le  préfidial  de  Bazas  ;  &  par  arrêt 
du  ^rand  confeil  du  28  avril  1679,  «"endu  pour  le 
préfidial  d'Evreux  ,  rapporté  au  fécond  tome  du 
journal  du  palais  ,  page  32  de  l'édition  in-folio. 

Autre  arrêt  du  confeil  du  ii  avril  1692  ,  qui 
renferme  une  femblable  difpc.fition  en  faveur  du 
préfidial  de  Langres  ,  contre  le  chapitre  de  la  ca- 
thédrale de  la  même  ville. 

Mais  l'article  45  de  l'édit  du  moisd'avril  1695, 
touchantjla  juridiflion  eccUfiafiique  ,  a  changé  ce 
droit  &  cetufiige.  Sa  majeflé  veiit ,  par  cet  article  , 
que  les  corps  des  églifcs  cathédrales  précèdent  en 
tous  lieux  ceux  des  bailliages  Si.  fièges  préfidiaux  ; 
que  ceux  qui  font  titulaires  defdits  chapitres  ptécè- 
dent  les  prefidens  des  préfidiaux  ,  les  lieutenans  gé- 
néraux si  les  lieutenans  particuliers  defdits  f  ègcs  ; 
Se  que  les  chanoines  précèdent  les  confeillers  St 
autres  officiers  des  mêmes  fièges. 

A  l'égard  des  autres  chapitres  ,  même  royaux  , 
comme  ledit  n'en  parle  pas  ,  les  chofes  font  ref- 
tées  à  cet  égard  dans  l'ancien  état;  c'efl- à-dite  , 
que  les  officiers  des  préfidiaux  d«>ivent  les  pré- 
céder ,  lorfqu'ils  ne  font  aucune  fonâion  ecclé- 
fiafiique  ;  ce  qui  réfulte  des  téglemens  ci-delTus 
rapportés. 

Du  rang  des  commiffahes  au  chîtelet  de  Paris  , 
notiimment  du  point  de  favoir  s'ils  ont  la  Préféance 
fur  lis  fuhflituts  de  Al.  le  procureur  du  roi.  Cette 
quefiion  de  Préféance  entre  les  co.r.milîaires  8i  les 
fubfiituts  de  M.  le  procureur  du  roi,  efi  aélucllc' 
ment  pendante  au  parlement.  M.  Mouricaut,  avo- 
cat des  commiflaires  ,  a  mis  dans  leur  défenfe  la  fo- 
lidité ,  l'érudition  Sc  la  bonne  logique  qui  carac- 
térifent  tous  fes  écrits.  Voyez  la  notice  de  fon  mé- 
moire ;  on  y  verra  des  détails  trés-intéreifans  fur 
l'origine,  le  rang  oC  les  prérogatives  de  tous  les 
commiiïaires  en  titre  d'office. 

Les  fondions  des  commliTaires  au  châtelet  font 
prcfque  toutes  ,  fous  quelque  point  de  vue  qu'on 
les  envifage  ,  efTentiellement  partie  de  celles  de 
la  magiflrature  :  dans  tous  les  tribunaux  où  il 
n'y  a  point  de  commiffiiires  en  titre  d'office  ,  ce 
font  les  juges  eux  -  mêmes  qui  rempUiîcnt  ces 
fondions. 

Long  temps  les  commiffaires  jugèrent  avec  le 
chef  du  tribunal  ;  mais  leurs  occupations  s'étanc 
multipliées  ,  on  crut  devoir  les  y  confacrer  fans- 
r^ferve.  G'efi  dans  cette  vue  fans  doute  que,  par 
l'art.  8  de  l'ordcnnancc  de  réformation  du  châtclet 
du  mois  de  février  1327,  Philippe  de  Valois  dé- 
fendit aux  commifiaires  examinateurs  ,  dont  il 
porta  le  nombre  à  douze,  de  fiéger  déformais 
avec  le  prévôt,  ('^'oyez  Joly ,  liv.  3  ,  tit.  25 ,  n". 
3.  )  Cette  difpqfiiion  a  été  renouvelée  par  l'article 
premier  du  tiers  dus  exanù.iuieurs  ,  de  l'ordonaucc 


■«» 


48o 


PR  È  SE  ANGE. 


àc  ;4'5    (  Voy£z3o!y  ;  liv.  3  ,  n".  6  ,  tit.  7.)  * 

Le  nombre  des  commilIa:ics  enquêteurs  ou  exa^ 
minateurs  a  été  depuis  fucceirivement  augmenté  , 
&  leurs  tonâions  ont  été  détaillées  par  une  mul- 
titude de  réjilemens.  Il  fuflîra  de  te  rixer  fur  ceux 
qni  ont  déterminé  leurs  prérogatives,  &  notam- 
ment leur  rang. 

Nous  obferverons  à  cet  effet,  que  par  édit  du 
mois  de  février  1514,  François  premier  avoit  créé 
des  offices  d'enquêteurs  &  examinateurs  dans  celles 
des  juridiâions  royales  où  il  n'y  en  avoit  point 
encore  d'établis,  à  teh  droits  ,  autorités  y  préroga- 
tives ,  faîdires  &  émolumens  quavoient  accoutun.é 
avoir  &  ufer  Us  examinateurs  6»  enquêteurs  du  chà- 
telet  de  Pans  (  Voyez  Joly ,  liv.  3  ,  tir.  16  ,  n".  i  )  ; 
que  cet  établiltement  occafionna  une  multitude  de 
démêlés  ,  &.  que,  pour  les  terminer  définitive- 
ment, Henri  III  donna  au  mois  de  mai  1583  ,  un 
nouvel  édit  ,  par  l'article  dix-fept  duquel  if  s'ex- 
prime en  ces  termes  remarquables  :  «  Et  pour- 
»  voyant  auxdits  commiiLires  enquêteurs,  jur  le 
>»  rano  qu'ils  doivent  avoir  &  tenir  &  leur  appar- 
I»  tieiît  ;  attendu  que  leur j dits  états  font  en  iiombn  , 
»  &  des  plus  importuns  de  la  judicature  après  aux 
»  de  nos  jugis,  &  que  pou?  le  fait  de  Icurfdits 
»  offices ,  il  efl;  befoin  qu'ils  fe  trouvent  fowvent 
»  es  auditoires  de  nofdirs  juges,  ou  ailleurs  par- 
»  devers  eux  en  leur  chsmbre  du  confeil ,  pour 
>>  leur  rapport,  ou  infor.'ner  des  cas  qui  fe  pré- 
«  featent ,  o\i  les  fatisfaire  fur  aucuns  points  des 
»  afles  efquels  ils  auroient  vaqué  &  befoigné  , 
3)  dont  nofdits  juges  poiirroient  être  en  doute  ; 
»  voulant  auflî  quilsfoiini  reconnus  félon  leur  qua- 

V  lité  &  dignité  -de  leurfJiit  t/^ces ,  nous  avons,  con- 
»  formiment  à  aucuns  arrêts  de  notredite  cour  du 
»  parUmi:nt  de  Paris  ,  ordonné  &c  ordonnons  , 
»  qu'iccux  commifuires  enquêteurs  aient  entrée  & 
»  féance  ,  à  [avoir  aux  auditoires  &  fié^^es  de  nofdits 
M  jw^es  durant  la  plaidoirie,  6*  en  leur  clurnbre  du 
>»  confeil  durant  quils  auront  à  y  être  pour  le  fait 
»  de  leur  rapport,  6*  non  autrement,  &  ce  irnmédia- 
I?  tement  auprès  de  nos  avocats  &  procureurs  en 
w  chacun  defdirs  fiéges  ,  ou  ailleurs  qu'il  fera  avifé 
n  par  nofdits  juges,  pour  le  plus  jionorable  ,  félon 
»  la  qualité  defdirs  offices  defdits  commiflaires 
I)  enquêteurs;  &  en  tous  lieux  &  ajpmblécs  publiques 
j>  &  folemnciles  ,  qu'ils  puiffent  aller  &  maichtr  in- 
n  diflinlîement  après  nofdits  officiers  ,  &  privati- 
»  vement  à  tous  autres  nos  officiers  &  autres  quel- 
j»  conques.  Mandons  à  tous  chacuns  nos  juges  , 
»  leurs  iicntenans  &  confeillers ,  défigner  aux- 
j>  dits  coir.miiTaires  §c  enauéteurs  ledit  lieu  & 
n  phce  de  lei:r  féance,  ainfi  que  dit  efl,  &  d'i- 
3>  celui,  tnremble  de  celui  d'être,  aller  &  mar- 
»?   cher  tf '""f-.   nofdits  officiers  en  tous  lieux  &  ^ffi^ni' 

V  blées  publiques;  laiiter  jouir  &  ufer  pleinement 
»  &  paifiblement ,  fans  leur  faire ,  mettre  ,  or- 
j)  donner  ni  permettre  qu'il  leur  foit  fait,  mis, 
»  ni  donné  aucun  trouble,  des  lourbiers ,  ou  em- 
M  pêchcment  contraire  ». 


PRÉSÉANCE. 

Rien  ne  fauroit  être  plus  précis  &  plus  formel 
que  cette  loi.  Or,  elle  ne  faifoit  qu'appliquer  aux 
commiffaires  des  juridi6Hons  de  province  ,  les 
fonctions  &  les  prérogatives  dont  ceux  du  châtelet 
de  Paris  étoient ,  comme  dit  le  préambule  de  cette 
loi ,  en  paifible  jouiffance;  partout  ,  l'édit  rappelle 
que  les  premiers  font  établis  à  finflar  des  féconds. 
Ceux-ci  avoient  donc  le  droit  attribué  à  ceux-là, 
de  fîégcr  &  de  marcher  immédiatement  après  les  avo- 
cats &  procureur  du  roi  du  châtelet.  On  en  voit  la 
preuve  dans  un  arrêt  de  la  cour,  rendu  le  27  jan- 
vier 1589,  entre  les  commiffaires  au  châtelet  ,  les 
confeillers  &  les  procureurs  du  même  fiége  ,  re- 
lativement à  leurs  fon<5tions  :  le  plaidoyer  de  l'a- 
vocat des  commiffaires  efl  rapporté  dans  Je  préam- 
bule de  cet  arrêt  ;  on  y  voit  qu'il  reclama  fans 
contradiflion  ,  comme  un  de  leurs  privilèges  an- 
tiques ,  celui  d'avoir  le  plus  prochain  ficge  &  rang 
après  les  ju^es.  (Voyez  Joly  ,  titre  29  ,  n*^.  68.  ) 

Le  nombre  de  ces  ofîiciers  ,  tant  à  Paris  que 
dans  les  provinces  ,  fut  augmenté  par  un  autre 
édit  de  Henri  111 ,  du  mois  de  juin  1586.  (Voyez 
Joly,  tit.  17,  n".  2.)  Ce  prince,  il  efl  vrai,  au 
mois  de  mai  1588  ,  fupprima  tous  ceux  qu'il  avoit 
créés;  mais  Henri  IV  les  rétablit  par  un  édit  du 
mcls  de  mars  1596.  (  Voyez  Joly,  n°.  2.  )  Et  par 
anét  de  fon  confeil  du  11  avril  1709,  il  déclara 
de  nouveau,  que  tous  les  enquêteurs  &  examina- 
teurs attachés  aux  juridictions  de  province  ,  de 
quelque  création  qu'ils  fuffent ,  étoient  s  Yinflar 
des  commijfdires  examinateurs  du  châtelet  de  Paris  , 
6"  pour  jouir  de  pareils  droits  ,  fondions  ,  autorité^ 
prérogatives  &  prééminences ,  ainfî  qu'en  jou!(foient 
Ufjits  commiffaires  au  châtelet.  (  Voyez  Joly,  tir, 
15,  n".  14.)  L'édit  de  1583  ,  qui  contient  J'énu- 
mcration  de  ces  prérogatives  &  prééminences ,  & 
notamment  celle  <fu  ransr,  eft  donc  certainement 
un  titre  co^nmun  a  tous. 

Les  commiffaires  y  ont  été  maintenus  par  plu- 
fieuis  arrêts  ,  notamment  par  ceux  des  1 5  j.in- 
vier  1^)06,  17  oflobre  1609,  16  janvier  1627, 
22  juin  1630  ,  &  21  août  1660. 

Le  premier,  cité  par  Lamarre  dans  fon  traire 
de  la  police  ,  liv.  i  ,  tit.  1 1  ,  chap.  9  ,  &  par  Jouffe 
dans  ion  traité  des  fondions  des  commiffaires  , 
chap.  6  ,  fut  rendu  entre  M.  de  Lefloc,  commif- 
faircexaminateur  à  iVlonrdidier ,  8:  le  (iibilitr.tdu 
procureur  <lu  roi  au  même  fiége.  11  ordonna  qu'<7« 
fié^e  &•  en  t.ute  autre  ajfcmklee  le  couimi£âire  auroit 
la   Piéjéance  fur  le  fubjliiut. 

Le  fécond"  arrêt ,  rapporté  par  Joly  ,  tit.  T4  , 
n'*.  43  ,  fut  rendu  entre  M''  Servant,  fubflitiu  du 
procureur  du  roi  .tu  bailliage  de  Bourges  ,  &  M* 
Amignon  ,  enquêteur  au  même  ficge.  Les  titres 
refpeâifs  furent  produits  &  amplem.cnt  difcutés  au 
procès  :  \r'  Amignon  y  citoit  l'édit  de  J583  ,  &c 
de  plus  un  arrêt  de  la  cour  du  1 1  janvier  1603, 
par  lequel  défenfes  avoient  été  fsites  au  fubf.itut 
du  procureur  du  roi  aux  eaux  &  lorêts  de  Biois, 
de  prendre  Jéance  4U  côté  dudii  procureur  du  roi.  Il 

fut 


PRÉSÉANCE. 

fut  ordonné  ,  entre  autres  cliofes  ,  cmfannimtnt 
aux  édus  de  création  ,  arrecs  &  rsoUrnens  fur  le  fj.it  , 
que  le  fubl'litut  précideroit  le  commiiraire  ,  (n  fab- 
jence  du  procureur  tiu  roi feuleirunt. 

Le  iroifièine  arrêt  ,  cité  par  Lamarre  &  par 
Jouife ,  aux  en'lroits  précédemment  indiqués  d'a- 
près Filleau  ,  tom.  a,  part.  3,  tit.  3  ,  fut  rendu 
entre  l?s  oiHcicrs  de  h  prévôté  de  Coiffy  ,  &  le 
cominiffaire  -  examinateur  du  même  fiége.  Il  or- 
donna qu'en  toute  aiiemblée  publique  6c  en  tous 
lieux,  le  commiffaire  auroit  rang  &  {"éance  immé- 
Jiaicment  ayrès  le  procureur  du  roi. 

Le  quanièine,  rapporté  par  JoufTe  dans  le  re- 
cueil qui  i'ult  fon  traité,  fut  rendu  entre  les  corn- 
miiTaires  examinateurs  de  la  (énéchauiTée  du  Mans, 
&  les  autres  officiers  du  fiége.  Il  ordonna  ,  entre 
autres  chofes,  que  les  commiflaires  auraient  entrée 
Cf'  feance  aux  auditoires  &  fi^ges  des  ju^es ,  durant 
la  pldidoicrii  ,  6"  à  la  ckambre  du  conjeil  ,  durant 
qu  ils  auraient  à  y  être  pour  le  fait  de  leurs  rapports  , 
&  en  loui  lieux  &  nffemh'ée  pul>Uque  6*  folem- 
nelle  ,  immédiatement  avant  les  avocat  &  pro- 
cureur du  roi. 

Le  cinquième  &  dernier  ,  cité  par  Lamarre  & 
Jouile  ,  aux  endroits  précédemment  iudi([ues,  fut 
rendu  par  la  cour  ,  &  ordonna  qu'a  l'entrée  du  roi 
&  de  la  reine  ,  &  en  toute  autre  cérémonie  ,  les 
commiiTaires  marcheroient  immédiatement  avant  les 
avocat  &  procureur  du  roi. 

Ce  droit  leur  fut  enfin  confi'mc  de  nouveau 
par  redit  du  mois  d'oftobre  1693  ,  par  lequel 
Louis  XIV  ayant  réfolu  de  Jupprimer  tous  Us  '■jfi^-- 
d  enquêteurs  &  commiffliires  ~  examinateurs  qui  rie  je 
trouvaient  pas  remplis  ni  exerces  ,  d'en  créer  de  n  ni- 
veaux dans  Us  mêmes  lieux  ,  &>  de  ne  point  Ijijj'cr 
de  différence  (  ce  font  les  termes  du  préambule  ) 
entre  eux  qui  en  faifoient  ailuellement  les  fondions  , 
eti  créa  en  effet  un  nombre  déterminé  dans  chaque 
fiége.  Parmi  les  prérogatives  que  l'édit  leur  con- 
firma ,  fe  trouve  celle  du  rang  ,  en  ces  termes  : 
«  Auront  entrée  &  féance  aux  auditoires  Se  fiéges 
«  de  nos  juges  durant  la  plaidoierie,  &  en  leur 
«  chambre  du  confeil ,  autant  qu'ils  auront  affaire 
j>  pour  ie  fait  de  leurs  affaires  ,  &  non  autrement , 
»  6»  ce  auprès  de  nos  avocats  &  procureurs  ,  &  pa- 
»  reillement  en  tous  autres  lieux  &  aff^mbl'.cs 
»  publiques  &  folemnelles  ».  (Voyez  le  recueil 
qui  fuit  le  traité  de  Jouffe.  ) 

Préfé^nce  entre  les  procureurs  &  les  notaires.  Les 
procureurs  &  les  notaires  font  divi  es  fur  le  p';i  n 
de  favoir  auquel  des  deux  corps  appartient  la 
Préféance. 

Dcnifart,  dans  fa  colleiSion  de  jurifpradence , 
a  foutenu  avec  beaucoup  de  chaleur  la  caufe  des 
procureurs. 

Un  notaire  ,  auffi  inftniit  qu'attaché  à  (on  état , 
a  réfuté  Denifart  dans  une  petite  brochure  impri- 
mée en  1768. 

Comme  l'ouvrage  de  Denifart  eû  très-répaîTc'u, 
&i  la  brochure  rrès-rare,  nous  allons  en  prélenier 
Tome  Xlîl^ 


A'i 


PRÉSÉANCE. 

nn  extrait,  afin  que  chacun  foit  à  portée  de  con- 
noître  les  moyens  qui  militent  en  faveur  des  deiix 
corps. 

Denifart ,  dit  l'auteur  de    la  réfutation  ,  prend 
fon  texte  de  ce  que  dit  Langlois  dans  fon  traité  (ur 
les  droits  &  fondions  des  notaires  ;  cet  auteur  y 
avance,  qu'en  toutes  cérémonies,  afles  publics  & 
affemblées,  les  notaires  ont  le  rang  &  la  Préféance 
fur  lés  procureurs;  il  cite  dix  arrêts  qui  l'ont  jugé 
ainfi.  Mais,  obferve  Denifart,  Langlois  étoit  no- 
taire lui-même  ;  il  n'efl  donc  pas  étonnant  qu'il 
ait  parlé  fi  :-ffirmativetiient  fur  une  queîHon  quon 
doit  au    moins    regarder  comme    problématique. 
Voici  ce  qu'd  juge  à  propos  de  fuppléer  à  ce  que 
dit  Langlois.  «Ce  qui  ell  jugé,  dit-il,    en  ma- 
)>  tière  de  Préféance  ,  entre  certains  officiers  d'un 
»  fiége  ,  ne  doit  pas  influer  contre  les  pourvus 
n  des  mêmes  offices  dans   un  autre  fiége,  parce 
)>  que  dans  cette  matière  c'efl  la  poffeffion  &  l'u- 
»  fage  qui  déterminent;  d'ailleurs  les  arrêts  cités 
»  par  Langlois   ne    regardent  pas  les  procureurs 
»  des  cours  fupérieures  ,  qui  ont  toujours   eu  la 
11  Préféance   fur    les   notaires  ,    à    l'exception  de 
n  ceux    du  parlement  de  Dijon    -.   La  confufion 
qui  règne  dans  cette  réfutation,  fait  affez  voir  que   " 
Denifart   n'étoit   pas  à   fon  aife  quand  il  l'a  ha- 
fard.e;  il  auroit  fagement  fait  de  ne  pas  l'entre- 
prendre, puifqu'il  n  .iVoit  pas  de  meilleurs  moyess 
pour  détruire  ce  que  Langlois  n'avoit  avancé  que 
fur    des    autorites.    Quelle  forme  de    raifonner  , 
en  effet ,  que  celle  de  dire  ,  la  queftion  que  vous 
décidez    efl  problématique  ,  ik   enfuite    de  lever 
tout   doute  bi   de   ioutenir  l'affirmative  ,  au  moins 
pour   les    pri;eurei;rs   des    cours  fouveraines  r   Et 
comment  établit-il  la  Préféance  qu'il  donne  gra- 
tuitement à  ceux-ci  en  y  renonçant  pour  lui-même  ? 
C'efï  en  piéfentant  un  arrêt  dsi  parlement  de  Di- 
jon ,  qui  accorde  cette  même  Préfénnce  aux  r;o- 
t^ires,  en  la  refufa.it  aux  procureurs,  &  en  ci- 
tant un   autre  arrêt  du  parlement    de  Touloufe  , 
'jni  la  donne  aux  procureurs.  Imaginera-t-on  qu'on 
puiffe  foiider  un  droit  commun  Se  général  fur  deux 
r.61es  abfolument  contradiéloires ,  Si  conclure  de 
là  que  les  procmeurs  ont  toujours  eu  la  Préféance 
fur  les  notaires }  S'il  eût  raifonné  plus  jufle  ,  il  au- 
ro'it  pu  fe  fcrvir  de  ces  deux  arrêts,  pour  établir, 
comme  il  l'avoit  avancé  ,  que  !a  queflion  éroitpro- 
blémitique.  Peur  moi  ,  je  crois  conclure  plus  juffe  , 
en  difant ,  d'ap-ob  les  faits  avancés  par  Denifart, 
qu'il  ell  conrt.',nt ,  d'après  lui-même,  que  les  nc- 
;  aires  ont  la  Préfé.Jnce  fur  ks   procureurs  au  châ- 
t.let  &i.  ceux  des  juftices   inférieures  :  les   arrêts 
cl.és  par  Langlois  en  font  une  preuve  qu'il  n'a  pu 
coniredire  par  aucune  autorité,  &  qu'ils    l'ont, 
ma'g'ê  Denifart ,  iv.x  les  procureurs  des  cours  fcu- 
vcaines  :  mais  il  f  ut  nous  entendre  fur  l'efpêce 
de  cette  P'-éiéance  ,  &   examiner  le    cas  où  elle 
peut    avoir    lieu.  Ce  ne.  peut  être   que  dans  une 
céré:non:e   Ou  affembléo    publique  ,  où    les   nota- 
bles du  lieu  feroient  appelés  ;  car  ,  à   raifon  de 

Ppp 


4^1 


PRÉSÉANCE. 


leurs  offices  ,  les  procureurs  des  coûts  fouveraînes 
ns  peuvent  jamais  fe  trouver  en  concurrence  avec 
les  notaires  ,  qui  ne  tiennent  point  au  tribunal 
dont  ils  font  ,  &  qui  ,  fous  ce  point  de  vue  ,  n'ont 
jamais  occafion  de  difputer  de  rang  &  de  Pré- 
l.:ance  avec  eux.  Or,  dans  une  affemblce  ou  céré- 
monie publique  ,  où  les  notaires  ik  procureurs  fe- 
loient  appelés  comme  notables  ,  &  fe  trouveroient 
par  conléquent  réunis  avec  le  corps  municipal  , 
les  notaires  auroicnt  indubitablement  la  Préieance  , 
puifqu'ils  lont  admis  aux  charges  municipales  ,  & 
que  les  procureurs  ne  le  font  pas  ;  c'eft  un  fait 
trop  notoire  ,  d'après  ce  que  nous  avons  déjà  dit 
à  ce  fujet ,  pour  nous  y  arrêter  plus  long-temps. 
Ou  je  ne  m'y  cannois  pas,  ou  voilà  le  feul  trait 
qui  puifle  bien  caraélérifer  le  droit  de  Préféance 
entre  les  notaires  6i  les  procureurs. 

Préieance  entre  les  divers  officiers  municipaux 
d'une  ville.  Quq\  rang  doivent  prendre  ces  officiers 
entr'eux  ?  Doit  -  on  ,  pour  le  régler,  confjdérer 
l'ordre  d'ancienneté,  ou  feulement  la  place  à  la- 
quelle ils  ont  été  élu-  ? 

Cette  queliion  a  mlritéen  1768  une  aiteniion 
parii'ml.ére  de  la  part  de  M.  le  procureur-général 
^du   parlement  dt.  T"ulôufe. 

Ce  ■>!  g'.-lrat  r.  reprcfenté  à  fa  compagnie  "  que 
«  le  roi  .lynu  voidu  rendre  aux  habiians  des  villes 
>;  ik  bourgs  la  liberté  de  choifir  leurs  officiers  mu- 
j)  nicipaux  bi  de  participer  chsci.'n  en  quelque  façon 
»  à  i'adminiftration  qui  doit  être  fai;e  dts  I:  iens  de 
»  la  communauté,  auroit  fixé  par  fonéuit  du  mois 
•>•)  de  mai  1765,  le  nombre  d'officiers  mu;  icipaux  , 
»  de  confeillers  de  ville  &  de  notables  qu'il  t<i  né- 
w  ceffairc  d'appeler  aux  affemblées  de  ville  ,  pnur 
j)  former  le  confeil  qui  doit  en  diriger  l'admiiiiltra- 
i>  tion;  que  le  roi  veut  par  ledit  édit,  que  les  écbevins 
î)  exercent  leurs  fondions  deux  années  ,  de  telle 
>»  iorte  cependant  qu'il  y  en  ait  toujours  deux  an- 
5)  ciens  8c  deux  nouveaux  dans  les  villes  ,  où  il  y 
7j  en  a  quatre  ,  &  un  ancien  &.  un  nouveau  dans 
>j  les  Villes  où  il  n'y  en  a  que  deux  ,  ou  un  feul  tous 
j»  les  ans  ;  qu'à  l'égard  des  confeillers  de  ville  , 
i>  il  en  fera  changé  un  tous  les  ans  ,  enforte  qu'un 
»  confeilier  de  ville  ne  puifîe  l'être  plus  de  fix  ans  , 
«  dans  les  villes  où  il  y  a  fix  confeillers  de  ville; 
n  plus  de  quatre  ,  dans  celles  où  il  n'y  en  a  que 
»  quatre  ,  &  plus  de  trois  ,  dans  celles  où  il  n'y  en 
»  a  que  trois;  &  voulant  prévenir  les  conteflaiions 
ï)  furies  rangs  &  Préféances  dans  les  affemblées, 
»  l'article  40  dudit  édit  fixe  'a  pwfition  des  places 
»  des  vocaux  dans  lefdites  a(îemblées,  que  fa  ma- 
M  jcfté  fuppofe  devoir  former  un  quarré  ;  à  raifon 
V  de  quoi  le  roi  veut  que  ks  officiers  municipaux 
»7  fe  placent  de  fuite  enre.->ible  ,  au  côté  qui  eft 
T)  resardé  comme  le  prem-cr  ;  que  les  officiers  des 
n  jundii5}ions  qui  ont  voix  &  féances  auxdites  af- 
»  femblées,  fe  placent  dans  le  côté  vis-à-vis  des 
73  officiers  municipaux;  que  dans  celui  à  la  droite 
5>  des  officiers  municioaux  ,  foient  plac.s  les  ecclé- 
»  fiaftiques,  les   nobles, -ceux  qui  exercent   dtfS 


PRÉSÉANCE. 

»  profeflîons  libres  ,  des  arts  libéraux,  &  que  tous 
v>  les  autres  notables  fe  rangent  dans  le  côté  fur  la 
»  gauche  des  Oiticiers  municipaux. 

»  Que  dans  l'exécution  ,  ce  fage  arrangement 
»  n'a  point  demandé  de  plus  grande  expacation 
»  dans  le  plus  grand  nombre  des  villes  du  royaume, 
»  où  l'on  a  fuivi  la  maxime  générale .  que  parmi 
»  les  officiers  qui  rempliffent  des  places  égales 
n  par  elles-mêmes,  l'ancienneté  don  donner  la 
»  Préféar.ce  ;  maxime  fuivant  laquelle  l'échevin  , 
»  ou  les  échevins  de  la  féconde  anné^,  ont  tou- 
j>  jours  pris  ,  quels  qu'ils  fufTent,  la  Préféance  fur 
"  celui  eu  ceux  qui  n'étoicnt  échevins  que  d.;  la 
i>  première  annéii  ;  mais  qvi'.l  n'en  a  pas  été  de 
»  même  dans  les  villes  vx  bourgs  des  provinces 
»  du  reiT'  rt  de  :::  cour;  'nu  d.ns  ces  v;lles  iSc 
»  bourgs  jÙ  il  ■(  .;  ,  foit  q-..  tre,  foirdeax  échevuis  , 
)'  e^  peri  ;nne  'uns  claff;  un  peu  ph)s  relevée 
'    que  le;    aut >.»,   n'orit    p. -s  voulu    ar.-.epter  les 

places  qui  les  iaifoisiu  {!!;',er  p>^ur  un  t,:npsau- 
'>  deilous  des  p-ïriuiines  A  wa  ét<,t  intéiicir,  ou 
•>  s'ils  ont  été  furcés  dclc3a;jepier,ils  felont  '/ofli- 
»  ném.  ni  dupenfés  de  parcirre  dans  aucnr.e  af- 
»  fem'.iée  du  conlcil  de  ville  ;  que  cetrc  ciihiculté 
'»  de  Préféance  a  éloigné  du  confeil  des  villes 
»»  les  principaux  habitans  ;  qu'elle  efl  devemie  en- 
»  core  bien  plus  grande  daui  les  proceffionî  Sc 
»  marches  publiques  ,  où  un  échevin  d'une  con- 
)»  dition  rélvivée  n'a  pas  voulu  céder  le  pas  au 
»  nouvel  échevin  ,  quoique  plus  ancien  ,  mais  d'un 
»  état  inférieur  ;  (jue  la  même  difctiffion  s'eit  éle- 
j>  vée ,  mémo  entre  les  confeiilers  de  ViUe  ,  aux 
j>  proceffions  &  autres  cérémonies  publiques,  où 
»  les  uns  ont  prétendu  prendre  leur  rang  fuivant 
»  leur  ancienneté  ,  ISi  les  autres  ,  luivant  !:nir  état. 

))  Qu";  quelques  repréfentatior  ",  qu'ait  pu  faire 
1)  à  cetégud  le  procureur-général  du  roi  ,  aux  dif- 
»  fcrens  échevins  &  confeillers  Je  ville  qui  lui 
»  ont  porté  des  plaintes  à  ce  fui  et ,  ou  qu'il  a  fu 
»  s'cloigner  des  confeils  de  vilie  par  cette  pri' 
»  meur,'i\  n'a  pu  rcuffr  à  vaincre  leur  prcjugé  , 
"  dans  leqnel  ils  font  encore  plus  confirmés  par 
n  l'ufage  aiuorifé  par  le  roi  dans  le  Languedoc, 
n  de  faire  des  écliellcs  de  chifles  pour  le  choix 
5>  des  confuls  &  pour  celui  des  cor'eillers  de  ville; 
j»  échelles  qui  fixent  le  rang  de  chaque  confeilier 
»  de  ville  des  différentes  clafles  ;  que  la  répugnance 
»  qu'ont  les  échevins  &  confeillers  de  ville  d'une 
M  claffe  fupérieurc  ,  a  ne  preidre  que  les  dernières 
»  places  la  preraière  anné'  ,  pour  ne  parvenir  que 
»  la  féconde  année  à  la  .jfemière  place,  fi  c'eft 
')  un  échevin  ,  ou  la  fiXieme  ,  quatriéire  ,  ou  troi- 
»  fième  ,  fi  c'eft  un  '-on'eiller  de  ville,  n  eil  pas 
»  feulement  fondée  fur  l'exemple  de  ce  qui  fe  pra- 
»  tique  en  Languedoc  ,  mai->  encore  lur  l'uf'ge 
5>  qui  fe  pratiquoit  dans  Ci  s  m.'n  es  provinces  avant 
»  redit  de  176^  ;  que  ceirc  répugnance  prefquin- 
î>  vincible  devient  tous  lo^  iouvs  plus  n'-éju'diciable 
»"  au  bien  des  villes  &  bourgs  don:  l'admindha- 
»  lion  e(l  abandonnée  par  les  habitans   des  pre- 


PRÉSÉANCE. 

♦»  mières  claiTes,  &  feroit  livrée  dans  peu  d'années 
»  à  ceux  qui  font  les  moins  en  état  de  les  .é^ir  ; 
«  c'eft-à-dire  ,  aux  habitans  de  la  dernière  claiîe , 
»>  qui  ne  voient  perfonne  au-deflbus  d'eux. 

n  Que  ledit  de  1765  n'ayant  point  prononcé 
■n  fur  le  rang  &  Prèféincc  des  échevins  entr'eux  , 
»  ni  fur  celle  des  confeillers  de  ville,  également 
»  entr'eux  ,  dans  les  proceffions  &  autres  céré- 
»»  monies  publiques,  il  eft  de  la  fageiTe  de  la  cour 
T)  de  ùippléer  au  Hlence  de  Tédit  à  cet  égard,  par 
»  un  arrêt  de  règlement  qui  puifle  ranimer  le  zèle 
»>  des  bons  citoyens,  ralenti  &  prefqu'étouffè  par 
i>  le  dégoût  que  le  préjugé  &  l'habitude  leur  font 
M  trouver  à  ne  fiéger  dans  une  aifemblée  de  ville  , 
i>  quoi  [ue  moins  anciens,  qu  après  des  officiers 
«  plus  anciens,  mais  qui  fe  trouvent  dans  un  état 
»  inférieur  ». 

D'après  ces  confidérations ,  le  parlement  de  Tou 
loufe  a  rendu  le  2  mars  i-jf.S  ,  un  arrêt  qui  ,  "  fai- 
»  fant  droit  fur  les  requifinons  -Ju  procnreur-gé- 
ï)  néral  du  Roi,  a  ordoniié  Ck  ordonne  qu'à  l'ave- 
«  nir  ,  lors  de  l'éleé^ion  dos  nouveaux  échtvins 
»  &  confeillers  de  ville,  qui  fe  fera  dan-  les  villes  5; 
>)  bourgs  des  pro^'inces  du  reifort  de  \a  cour  .  fins 
M  exception,  les  fujets  nouveaux  élus  pre- ■-'roMt 
»  la  même  place  ,  rang  &  fiance.  f)it  aux  a  !  m 
»  blées  de  ville  ,  foit  dans  les  proceflî^ns  &  >  j- 
j>  rémonies  publiques ,  qu'occupoit  celui  ou  ce  ix 
«  auxquels  ils  fuccéderont  ».  * 

De  Li  PréftJnce  entre  pliifï<:urs  échevi'is  élus  en 
viême  temps,  A  Paris  ,  la  pluralité  des  voix  donn; 
cette  Préféance. 

Loifeau  s'élève  contre  est  ufage  ,  qu'il  dit  être 
jgénéral  en  France.  Voici  fes  termes  : 

u  Quelle  apparence  y  a-t  il ,  fi  en  même  temps 
j>  un  juge  &  \\n  procureur  de  fon  fiége  font  faits 
»  échevins,  que  le  procureur  précède  fon  juger 
j>  Eft-ce  pas  directement  contre  la  loi  2  di  .i:by: 
»  Jcrihendo  ,  difant  que  qui  d'ign'r.ates  principis  jn 
»  d'icia  confecuti  funt ,  dnttire  ûcbent  cos  ,  qui  tan- 
3)  thm  municipalibus  honor'ibu-  fuifli  funi  ;  &  contre 
«  la  loi  6  ,  C.  de  advjca  t.  diverf.  juL,  qin  dirque 
w  qui  principi  digni  v'ifi  funt  ,  mnl<h  rnigif  fuir  i,, 
j»  anterioribus  adjuvandi  ;  &  de  fat,  la  loi  i  de 
»  a'bo  fc-ib.  ,  dit  que  in  a  bo  fcribendo  dignitates 
j»  fpcB.indiZ  junt.  Or  ,  efl  il  en  tout  cas  que  celui 
j>  qui  a  deux  dignités  ,  l'une  du  roi  ,  l'autre  de 
»  la  ville  ,  doit  devancer  celui  qui  n'a  que  c-lle 
»  de  la  ville  ,  qui  eu  la  moindre.  Même  il  y  a 
i>  décifîon  expreffe  en  la  loi"  i  ,  de  conj'ii.  Itb.  12  , 
»  C.  que  celui  ^jui  a  été  conful  le  dernier ,  étant 
»  praticien  ,  doit  préc'der  les  autres  qui  ont  été 
»  confuls  devant  lui ,  Se  qui  ne  font  pas  praticiens, 
»  à  caufe  de  la  rencontre  des  deux  dignités  de 
»  coniul  8c  de  pratici.;n. 

»  Aufîî  cette  \o\Jpuril,  qui  préfère  celui  qui  a 
n  eu  plus  de  voix,  ajoute  notamment  fon  ex':  j- 
«  tion  ,  nijî  privile^iis  ceffantibus  cczteris  :  or  ,  ces 
«  privilèges  ou  préférences ,  font  celles  qui  fort 
»  défjgnées  par  la  loi  l  &  2  de  albo  fciibendo  ',  à 


PRÉSÉANCE.  4^5 

)>  favoir  ,  que  ceux  là  doivent  précéder  qui  ont 
»  une  plus  grande  dignité  ,  notamment  les  oiTiciers 
)>  du  prince.  Concluons  donc  ,  &  félon  la  difpo- 
»  fition  du  droit  romain  ,  &  félon  l'équité  &  toute 
n  apparence,  qu'entre  les  échevins  ,  ceux  qui  font 
»  officier»;  du  roi ,  ou  ont  d'autre  notable  dignité 
»  &(.  rang  établi  par  deffiis  les  autres ,  les  doivent 
»  précéder, ores  que  les  autres  ayenteu  plus  de  voix 
»  en  l'éleéVion  ;  mais  ceflanttoures  [jrérogatives  d'nil- 
5,  leurs  ,  c'eft  fans  doute  que  ceux  qui  ont  plus  de 
J,  voix  doivent  marcher  les  premiers  ». 

Dans  la  ville  de  Lyon  ,  c'efl  le  q'jartier  qui 
donne  le  rang.  Les  échevins  donuciliés  au-delà  de 
la  rivière  de  Saône  ,  où  eft  bâti  l'hôtel  de  ville  , 
ont  la  Préféance  fur  les  autres:  fi  les  deux  élus 
font  du  même  quartier,  le  gradué  précède  le  mar- 
chand. 

Préféance  des  gouverneurs  fur  les  chanoines  des 
és;lifes  Cathédrales.  Lorfque  le  gouverneur  d'une 
province  ou  dune  ville  épifcopale  ert  dans  l'églife 
cathédrale  ,  il  a  la  Pré^-^ance  fur  les  chanoines  ; 
il  a  le  drou  d'être  cncerifé  avant  eux  ,  &  immé- 
diatement après  l'évêque  C  efl  la  décifion  dun  ar- 
rêt du  confeil  d'état  du  roi  ,  entre  le  comte  du 
Bar.  gouverneur  de  B  anvais ,  l'évêque  &  le  cha- 
p.trs  de  cetre  vi'l  .  Voii  le  difi^ofitif  de  cet  arrêt  : 

«  Le  roi  étant  en  fon  confci  a  ordonné  &  or- 
"  .Jv."in.  ,  \'"ut  ôc  entcn  J  ,  que  lo'fque  le  ficur  du 
•>  B  M  fe  (ri  u"e  1  la  place  qu'il  doit  avoît-  dans 
'•  !  cv2ur  de  1  idiie  ég'ife  ca'hédrale,  &  tju'd  a 
■  t-.'jjout,  eue  !i'f[u'à  pr  fent  aux  jours  de  céré- 
"  m^iniesdc  dimanches  &  rètes  folemnelles&  nori 
■1  folcmnelles  (ù  00  encenfera  ,  il  fera  encerfé  im- 
»  m'.diuemini  an  è,  1  évèque  ,  &  en  fon  abfence, 
')  après  Ij  d'/en  d  icelle  ;  &  ce  ,  en  la  même  forme 
;>  &  manière  qne  l'on  aura  encenfè  ledit  évéque  & 
»  doyen  avant  ledit  fieur  du  Bar  :  enjomt  fa  ma- 
»  jcfté  aux  uns  &  aux  autres  obf  rver  &  exécuter 
»  pnn£luel!ement  le  préfent  arrêt  fervant  de  régle- 
1)  ment,  leiuel  fera  cnregiflré  par-tout  où  il  ap- 
»  pa't'endra  ,  afin  d'y  avoir  recours  en  cas  de 
»   beîoir:, 

»  Fait  au  confeil  d'état  du  roi  ,  fa  majefté  y 
»  étant,  tenu  à  Saint-Germain  en-Laye  le  vingt- 
)j  huitième  juur  de  janvier  1678  ». 

Lor;quit  sc.ève  entre  dei  curés  ure  di^culté  fur  Lt 
Prèjéince  dans  les  procefions  publiques  ,  Cévê-Mie  tn 
perfonne  peut  les  dé.iJer  prw'foi-ement.  En  163*), 
cette  qufcition  fut  portée  au  Parlement  fur  un  ap- 
pel comme  dabus,  interjeté  par  quelques-uns  des 
curés  de  la  ville  d'Amiens,  d'une  ordonnance  pro- 
vif^ire  rendue  par  l'évêque  en  perfonne  ,  fur  le 
ranJ,  qu'ils  dévoient  occuper  entr'eux. 

LeU'  moyen  d'abus  confiloit  à  dire,  que  quoi- 
que les  (ei;>neurs  hauts-jufiiciers  ayent  toute  juf- 
tice,  ils  ne  peuvent  néanmoins  l'exercer  eux-mê- 
mes ,  &.  font  obligés  de  commettre  ,  prépofer  & 
{  inrtituer  des  juges  &  autres  officiers  pour  rendre  la 
'•  jul\ice  aux  fujets  d;  -ni  ;  de  même  ,  quoique  les 
{  évîques  ayent  Icui  /^ndiilioa  eccléfiaflicnie,  néau- 

P  p  p  ij 


4^4 


PRÉSÉANCE. 


moins  ils  n'ont  pas  le  pouvoir  &  la  liberté  de  l'exer- 
cer en  perfonne  ,  mais  ils  font  obligés  d'y  commet- 
tre (Si  inftituer  des  officiaux  ,  des  promoteurs  &  au- 
tres officiers. 

M.  l'avocat-général  Talon  dit,  a  que  la  compa- 
»  railbn  des  évéques  avec  les  feigneurs  laies  tou- 
«  chant  la  jurididion  ,  n'eft  pas  univerfellcment 
5»  véritable  ,  puifque  la  connoifTance  des  procès 
y>  eft  abfoUiment  &  univerfellement  interdite  aux 
»  feigneurs  laïcs  ;  au  lieu  que  l'interdiélion  faite 
»  aux  évèques  ncft  point  pour  ce  qui  concerne  la 
«  police  de  l'cglife ,  le  culte  &  le  fervice  divin  , 
»  touchant  lefquels  il  eft  certain  qu'ils  peuvent 
})  prendre  connoiflance  des  caufes ,  &  ordonn.i 
3»  ce  qu'ils  eftiment  à  propos  ;  ce  qu'ils  font  &  pra- 
>»  tiquent  ordinairement  pendant  le  cours  de  leurs 
«  vifites.  Par  cette  raifon  ,  l'ordonnance  veut  que 
«  les  appellations  comme  d'abus  ,  quoiqu'ordir,,,- 
«  reinent  fufpenfives  &  dévolutivcs ,  ne  puifPint 
>»  néanmoins  empêcher  &  arrêter  l'exécution  des 
n  jugemens  &  ordonnances  qui  concernent  le 
>i  culte  divin  &  la  police  de  l'églife  ,  parce  qu'en 
«  telles  matières  il  v  a  du  plril  dans  le  retardement. 
j)  M.  l  évéque  d  Amiens  a  pris  ui;e  connoiiTance  de 
»  la  cuuie  ,  le  j'ius  foniïnaireine.'U  c-j'u'il  fe  peut; 
V  il  n'y  a  eu  aucun  demandeur  ni  détendeur  ;  l'or- 
»  donnancfe  a  été  rendue  fur  la  fnuple  requête  du 
w  promoteur  ,&  félon  que  la  matière  a  requis  de 
*  la  promptitude  ik  de  la  célérité.  Il  n'y  a  point 
»  d'apparence  d'établir  un  moyen  d'abus  fur  ce 
}>  que  M.  l'évéque  d'Amiens  lui  -  même  en  per- 
)?  fonne  a  pris  connoiffance  de  la  caufe  ,  &  a 
«  rendu  ce  jugement  qui  n'eil  que  momentané,  & 
j)  en  attendant  que  les  parties  puifTcnt  repréfenter 
î»  leurs  droits  de  part  &  d'autre  au  principal,  tou- 
j»  chant  lequel  elles  font  contrràres  en  leurs  faits. 
j)  Par  cette  raifon  ,  il  y  a  lieu  de  les  renvoyer  par- 
»  devant  l'ofiîcial  d'Amiens  ,  6c  fur  l'appel ,  les 
»  mettre  hors  de  cour  &  de  procès  >^ 

La  cour  ,  fur  l'appel  comme  d'abus  ,  mit  les  par- 
ties hors  de  cour  &  de  procès ,  &  les  renvoya  par- 
dtvant  l'official  d'Amiens,  pour  contefter  fur  le 
principal,  le  lundi  dernier  jour  de  janvier  1636. 

Les  albés  commendat dires  ont-ils  la  Préféance  fur 
les  dit^rJ:  ai  restes  £glif<^s  cathédrales  ?  Cette  qucftion 
s'éleva  dans  le  dernier  fiècle  entre  l'abbé  comnien- 
dataire  de  l'abbaye  de  faint  Denis  de  la  ville  ùc 
Reims,  &  le  prévôt  de  l'églife  métropolitaine  de 
h  même  ville  :  la  queftion  portée  à  la  grand'- 
chambre  du  parlement,  M.  l'avocat  général  Talon 
dit  :  Que  la  queftion  de  Préféance  &  d'honneur 
dont  il  s'agit  entre  les  parties  ,  doit  être  décidée 
ou  parTotigine  &  l'antiquité  de  leurs  qualités,  ou 
bien  par  la  conftdération  de  ce  qu'elles  font  &  de 
ce  qu'elles  font  à  préfent.  Si  on  remonte  à  l'origine 


&  à  l'antiquité,  il  n'y  a  aucun  doute  que  les  pré- 
vôts, doyens  &  autres  dignités  des  églifes  cathé- 
drales né  foient  plus  anciens  que  les  abbés.  Nul 
doute  pareillement  que  dans  cette  antiquité  & 
dans  cette  première  origine ,  la  fonction  des  digni-  J 


PRÉSÉANCE. 

tés  des  églifes  cathédrales  ;;"ait  été  plus  noble  qu€ 
celle  des  abbés,  non  feulement  parce  que  les  digni- 
tés des  églifes  cathédrales  ,  de  tout  temps,  oiu  eu 
l'ordre  de  piétrife  annexé  ,  au  lieu  que  les  abbés 
n'étoient  que  ftmples  religieux  non  clercs  ,  &  per- 
fonncs  purement  laïques;  mais  de  plui,  parce  que  les 
dignités  des  églifes  cathédrales  participent  en  quel- 
que façon  à  la  dignité  des  évéques  ;  lefquels  ,  com- 
me il  eft  notoire  dans  cette  première  origine,  prè- 
pofoient  &  commettoient  des  prêtres  pour  admi- 
niftrer  les  facremens  aux  religieux  qui  étoient  per- 
fonnes  puremciit  laïques  ,  &  non  point  promus  an 
facerdocc;  ni  ii  la  cléricature  ,  mais  qui  fe  retiroient 
hors  di:  monde  pour  rtire  plus  facilement  péni- 
tence. (.  -S  prêtres  ainli  prépofés  avoient  ioin  ,  tant 
du  fpir:  uel  que  du  temporel  des  religieux;  pour 
leur  dii-'.;61ion  ,  on  pvJpofadans  la  fuite  des  abbés 
qui  nv'j.:nmoins  n'ôtOi.nt  pomt  prêtres  dans  leur 
premioie  inftirution.  Remontant  dans  cette  anti- 
quité ,  &  s'arrêtant  à  cette  fburce  &  à  ce  premier 
état  ,  la  caufe  de  l'intimé  fe  trouve  infaillible  ; 
mai:.,  d'autre  part,  confidérant  l'état  des  chofes 
préfentes  ,  il  v  a  beaucoup  à  redire.  Les  abbés, 
dans  la  fucceffion  des  temps ,  ont  été  non-feule- 
ment faits  prêtres  ,  mais  de  plus  ont  été  élevés  à  de 
grandes  dignités  ,  qui  étoient  des  premières  de  l'é- 
glife ;on  leur  â  donné  de  grands  privilèges  ,  pou- 
voirs,  prééminences  &  autorités,  comme  de  por- 
ter les  habits  pontificaux  ,  de  conférer  les  ordres 
facrés  &  autres  femblables  :  a  cela  on  peut  ajouter 
l'éclat  &  la  fplendewr  des  dignités  fcculières  8c 
temporelles  ;  car  la  plupart  des  abbés  pofsèdentde 
grandes  terres  &  feigneuries;  quelques-uns  même 
font  princes,  comme  en  Allemagne  :  enfin  ,  ordinai- 
rement ce  font  des  perfonnes  qui  ont  des  qualités 
relevées  ,  tant  par  leur  naiftance  que  par  leur  mé- 
rite particulier  ,  ce  qui  rend  la  queftion  fort  diftïcile 
à  juger  en  la  thèfe.  En  1614  ,  lors  de  la  convoca- 
tion des  états  de  cette  ville  de  Paris ,  pareille  quef- 
tion fe  préfenta  ;  M.  l'évéque  de  Chartres  ,  lors 
en  qualité  d'abbé  de  Bourgueil,  porta  la  parole 
pour  tous  les  abbés  de  France  ,  &  M.  de  la  Soulzay , 
doyen  de  fainte  Croix  d'Orléans  ,  pour  toutes  les 
dignités  des  églifes  cathédrales.  La  décifion  fut  que 
les  abbés ,  chefs  d'ordre  ,  auroient  la  Préféance  ,  & 
que  tous  les  autres  abbés  &  dignités  des  églifes 
cathédrales  prendroient  place  comme  ils  fe  ren- 
contreroient  ,  fans  obferver  aucun  rang  ni  aucun 
ordre  :  cet  exemple  peut  être  confidérable.  En  l'hy- 
pothêfe  de  la  caufe  ,  il  ne  s'agit  point  des  fondions 
de  l'une  ni  de  l'autre  des  panies ,  mais  d'une  aflem- 
blée  convoquée  pour  donner  ordre  à  quelques  au- 
mônes: en  telles  matières,  les  plus  riches  font  les 
plus  intéreffés  ,  &  par  conféquent  les  abb/'s.  Pour 
ce  fujet  les  fupéiieurs  des  ordres  mendians  ne  fe 
trouvent  point  en  telles  aftcmblées  ,  quoiqu'ils 
foient  perfonnes  de  probité  &  d'érudition.  Lc^  qua- 
lités de  l'appelant  le  rendent  recommandable  ;  il 
eft  iftu  d'une  fort  illuftre  fr.mille  ,  il  eft  premier 
auiïiônier  de  k  reine  ,  &.  abbé  de  faim  Denis  de 


PRÉSÉANCE. 

Reims,  ancienne  abbaye:  par  toutes  ces  confidé- 
rations  il  doit  avoir  ia  Freféance. 

La  cour  ,  fur  l'appel  ,  appointa  les  parties  au 
confeil,  &  fur  le  principal  qu'elle  évoqua  en  droit 
êc  joint,  le  mardi  vingtième  jour  de  décembre 
1639  ,  M.  le  pi'ernier  Préfident  le  Jwy  prononçant  ; 
lequel  après  la  prononciation  dit  aux  parties  qu'el- 
les dévoient  s'accorder  de  leur  di^érend,  &  en 
croire  des  hommes  fages. 

PrêtentUn  des  ^énovéfains.  Les  chanoines  régu- 
liers de  fainte  Geneviève  ,  établis  à  Châteaudun  , 
pi-étendoient  que  par  un  privilège  particulier  à 
leur  régime,  ils  dévoient  être  convoqués  aux  af- 
femblèes  municipales.  Se  même  avoir  la  Préfeance 
dans  ces  aflemblées  fur  tous  les  eccléfiaftiques  de 
la  ville  ,  notammem  fur  les  chapitres  féculitrs. 

L'affaire  portée  au  parlement  ,  le  corps  muni- 
cipal a  déclaré  qu'il  s'en  rapportoit  à  la  prudence 
de  la  cour.  Les  chanoines  fécullers  ont  cru  devoir 
oppofer  une  réfiftance  plus  ferme  ;  ils  ont  foutenu 
le  procès  ,  &  l'affaire  a  été  appointée  au  rapport  de 
M.  Lelébyre  d'Amecourt. 

M.  Barré  ,  défenfeur  du  chapitre ,  a  fait  impri- 
mer un  mémoire,  dans  lequel  il  démontre  que  les 
religieux,  quels  qu'ils  foient,  font  abl'olumenr  in- 
capables de  toute  efpéce  d'adminirtration  munici- 
pale,  &  que,  loin  de  pouvoir  prétendre  à  la  Pré- 
feance dans  ces  aflemblées,  ils  n'ont  ],'as  même  le 
droit  d'y  figurer.  Ce  mémoire  lolidt-menr  raifonné  , 
ne  lalffe  rien  à  defirer  fur  cette  queftion  :  nous  / 
allons  en  prcfenter  une  courte  analyfe. 

Soit  que  l'on  confidère  les  religieux  &  les  moi- 
nes comme  corps  ou  comme  particuliers  ,  on  trou- 
\  cra  toujours  ,  qu'étrangers  à  la  fociétc  mimicipale , 
à  la  ville  au  milieu  de  laquelle  le  hafard  du  mo- 
ment les  a  jetés  ,  ils  n'y  ont  point  pris  naiflance  , 
&  en  tout  cas  ils  y  ont  renoncé.  Ayant  également 
pour  domicile  toutes  les  maifons  de  leur  ordre,  ce 
n'efl  pas  mèms  leur  choix  qui  les  établit  dans  celles 
où  ils  fe  trouvent  pour  l'indarît  ;  la  volonté  de 
leurs  fupérieurs  ,  qui  les  y  a  colloques  ,  les  tranf- 
portc-ra  bientôt  ailleurs  :  détachés  de  toute  rela- 
tion avec  le  fiècle ,  ils  ne  font  d'aucune  tribu  ;  ils 
ne  font  à:ins  aucune  des  clafles  de  citoyens;  ils 
n'appartiennent  qii'à  la  fociété  monaftique  ,  pour 
la(|Uf  lie  ils  oit  facrifîé  toute  liaifon  avec  le  monde , 
même  celle  du  fang  ;  incapables  de  tous  effets  ci- 
vils ,  ils  le  font  également  de  tous  honneurs  exté- 
rieurs ,  l'efpoir  d"y  prétendre  feroit'même  abfolu- 
ment  contraire  au  dépouillement  qu'ils  ont  fait  de 
toute  ambition  ;  ils  n'ont  donc  aucun  des  titres  qui 
conftituent  le  citoyen. 

Que  fera-ce  fi  on  revient  fur  l'examen  des  dif- 
pofitions,  que  nous  avons  démontrées  néceffaires 
dans  quiconque  prétend  avoir  entrée  aux  affem- 
blces  mun  cipales } 

Comment  ua  religieux  pourroit-il  y  apporter  un 
intérêt  réel  pour  la  chofe  publique?  11  fait  profef- 


P  RÉSÉANCE. 


4S5 


fion  au  contraire  ;  il  a  fait  vœu  folemnel  d'un  déta- 
chement des  chofss  du  monàe. 

Les  religieux  de  l'ordre  de  faint  Auguflin  ne  font 
pas  moins ,  que  tout  autre ,  les  trois  vœux  fous  lef- 
quels  eft  comprife  cette  abnégation  totale,  Si  des 
chofes  mondaines,  &  même  de  toute  liaifon  à  la 
vie  civile.  Ils  ne  pourroient  conferver,  fans  s'écar- 
ter de  leur  inftitut,  ce  zèle  pour  une  adminidration 
temporelle,  qui,  le  plus  fouvent  même,  fe  porte 
fur  des  chofes  abfolument  étrangères  aux  idées 
religieufcs  ,  dont  ils  font  cenfés  ne  fe  diftraire 
jamais. 

Ont-ils  plus  la  connoiffance  de  la  chofe  munici- 
pale.'^ Mais  feul  ,  &  ne  tenant  à  rien,  dans  un  pays 
où  il  ne  réfide  peut-être  que  depuis  quelques  mo- 
mens  ,  le  religieux  ne  fait  pas  même  la  nomencla- 
ture de  ceux  qui  !  habitent.  Comment  difcerneroit- 
i!  celui  dont  la  capacité  pourroit  déterminer  fon 
choix  ?  Il  ne  connoît  aucune  des  reffourccs  loca- 
les du  pays  i  comment  pourroit-il  en  faire  l'appli- 
cation ? 

Apportera-til  au  moins  cette  liberté  d'opinion  fi 
défnable,  &  dont  le  défaut  eft  un  obftacle  perpé- 
tuel au  bien  public  ^  Non  ;  le  dépouillement  de 
toute  volonté,  l'obéiffance  aveugle  aux  fupérieurs, 
efl  l'un  de  fes  vœux  ,  &  c'e(t  celui  dont  l'autorité 
monaftique  a  fu  le  mieux  conferver  l'exécution. 

Cela  eft  vrai ,  fur-tout  pour  les  religieux  génové- 
fains ,  <iont  les  conftitutions  portent  une  prohibition 
expreffe  de  ftabilité  &  de  permanence  dans  leur 
monaflère  ,  &  détèrent  expreffément  toute  autorité 
au  régime  général  de  la  congrégation. 

Comment  pourroit-on  méconnoitre  que  l'efprit 
&  la  lettre  de  ces  conftitutions  les  écartent  de  toute 
occupation  mondaine  ,  &  par  conféquent  de  tout 
emploi  civil ,  quand  elles  ont  porté  la  prévoyance 
jufqu'à  leur  interdire  même  ,  &  pour  bonnes  caiifes  , 
eiVil  dit ,  de  s'occuper  d^im  leurs  entretiens  fa-niliert^  ~ 
de  tout  ce  qui  s'appelle  ajjemblées  ,  charges  publi- 
(Jllcf  ,  &c. 

Caveant  optimls  de  caujîs  in  familiaribus  colle- 
qu'ils  ne  fermonss  habeantur  de  concionibus  aliifque 
muniis. 

Ce  texe  n'eft  pas  même  le  feul  qui  leur  interdife 
l'ambition  des  honneurs  ;  il  en  eft  un  autre  qui 
exige  d'eux  le  vœu  de  defirer  aucun  bénéfice  ni  di- 
gnité, foit  relatif  à  la  religion,  foit  d'un  autre 
genre. 

Monfantur   novitii  de  vofy  ficiendo  ,   (lûtim  pofl 

emiffam  pr,feJJionern de  niimquam  ambiendis  be- 

nefichs  uilis  &  pnelaturis  tam  intra  quàm  extra  reli- 
gionem. 

Quoi  !  des  gens  à  qui  il  eft  Interdit  de  s'occuper 
cntr'i.i'.x  de  toit  emploi  public  ;  des  gens  qui  par 
conféquent  n^  peuvent  pas  recevoir  .  non-ieule- 
lement  de  la  fociété,  mais  même  de  leurs  confrè- 
res ,  aucun  éclairciffcment  fur  l'objet  &  la  nature 
d'aucune  charge  ni  d'aucun  emploi  ,  pourroient 
avoir  un  député  dans  l'atÙTiiniftration ,  &  feroient 
capables  ,  chacun  en  particulier ,  de  le  devenir  l 


486 


PRÉSÉANCE 


Des  gens  qui  ont  fait  ferment  de  n'ambitionner 
jamais  aucune  dignité  acroient  recevables  à  fe  pré- 
fentcrdaiis  une  alîémblée  qui  n'a  d  autre  objet  que 
l'adniiniUration  civile,  &  Ci.ia  pour  y  difputcr  le 
premier  rang  au  corps  principal  tics  citoyens  ! 
Cette  prétention  eft  direflement  comb;ttcue  pai  les 
termes»  mêmes  de  leur  inlHtution  ,  qui  les  confa- 
crent  exclufivement  à  la  vie  contemplative. 

Arrêt  du  21  août  178 1  ,  qui ,  faifant  droit  fur  les 
conclufious  de  M.,  le  procureur  général ,  fait  dei'en- 
i'es  auxdits  génovèfains  ,  i.omme  réguliers  ,  de  fe  pié- 
fcntcr  aux  affcmblées  municipales. 

Cet  arrêt  eft  remarquable,  en  ce  que  ce  n'efl  pas 
fur  la  demande  du  chapitre  de  Chateaudun  qu'il 
prononce  ,  mais  uniquement  fur  les  conclulîons  de 
iM.  le  procureur  général. 

^  Addition  de  M.  H  *** ,  avocat  au  parlement ,  ex- 
cepti  que  ce  ijui  ejl  entre  des  ajlériques  appartient  à 
M.  MERLjy  ,  avocùt ,  &c. 

PRLSENCK,  C'eft  le  privilège  qu'accordent ,  en 
certains  cas ,  les  lois  de  l'eglife  aux  chanoines  ab- 
fcns  ,  de  pouvoir  toucher  les  revenus  de  leur  pré- 
bende ,  comme  s'il  étoient  préfcns. 

On  ne  peut  regarder  comme  abuflve  cette  dif- 
penie  ,  en  vertu  de  laquelle  un  chanoine  qui  n'af- 
iifle  point  ei\  réputé  préfent;  il  cft  certain  nombre 
de  cas  dans  lefquels  elle  elt  indifpenfable  ,  &  ou  le 
bien  de  Icglife  exige  qu'elle  l'accorde. 

Les  affaires  des  églifcs  particulières  ont  toujours 
demandé  qu'elles  eulTent  des  clercs  dans  les  capi- 
tales ,  à  la  cour  des  princes,  ou  employés  à  l'ad- 
miniftrarion  de  leurs  biens  ,  &  par  coniéqnent  qui 
fufrcnr  exempts  de  réfidence.  Av.mt  que  les  biens 
de  l'égtife  cenaffent  d'être  adminiOrcs  en  commun, 
ces  clercs  éioient  entretenus  par  une  penfion  pro- 
portionn  '^e  à  leur  rang  dans  l'r  clergé  ,  &  au  fervice 
qu'ils  rendoient  à  1'  glife.  Les  bénéfices  fe  font  for- 
més ,  tout  eft  devenu  cure  ou  prébende  ;  il  ne  refte 
plus  aiici'.ne  portion  des  biens  de  l'eglife  qui  foit 
adniiniilrée  en  cmimiin  :  elle  ne  ;^eut  donnera  ces 
clercs  ,  chargéi  de  la  pourfiiiie  des  affaires  d'uue 
églife  ,  ou  pi  cwolés  au  gouver.i ccient  de  fes  biens  , 
des  cures  ruù  demandent  la  plus  exafte  réfidence 
de  la  part  du  pafteur  ;  au  lieu  que  la  cathédrale  n'en 
eft  pas  moins  bien  defTervie,  parce  qu'un  ou  deux 
chanoines  fc  trouvent  abfens ,  &  qu'on  peut  con- 
fidérer  fa  menfa  comme  un  fonds  qui  refte  à  l'egli- 
fe ,  pour  pourvoir  à  la  fubfiAance  de  ceux  qui  la 
gouverr  :u  ,  &  qui  font  employés,  foit  dans  l'en- 
droit même,  foit  ailleurs ,  pour  fon  fervice.  Les 
prébendes  font  donc  le  feul  moyen  qui  lui  relie 
p(  nr  procurer  la  fubfifîance  des  clercs  qu'elle  eft 
obligée  d'exempter  de  la  réfidence.  L'ufage  de  ré- 
puter  p-éfens  les  chanoines  abfens ,  dans  certaines 
circonilancts  n'a  donc  rien  de  contraire  aux  rè- 
gles de  Icgife  ,  &  d'oppofé  à  la  difcipline  même 
des  temps  'es  plus  parfaits.  Examinons  quels  font 
les  d  fférents  cas  d-ns  lefquels  cet  ufage  a  lieu. 

En  général ,  on  peut  rapporter  parmi  nous  ceux 


PRÉSENCE. 

qui  font  tenus  préfens,  à  cinq  claffes  principales  ; 
à  ceux  qui  font  dans  l'impolTibilité  d'aflîfter  à  l'offi- 
ce ;  a  ceux  qui  font  employés  par  l'évéque  6c  pour 
le  bien  fpiritucl  du  diocëfe  ;  à  ceux  qui  font  abfens 
pour  caui'e  d'études  ;  à  ceux  qui  fonr  employés 
aux  affaires  temporelles  de  l'eglife  ,  &  enfin  à  ceux 
qui  font  au  fervice  des  princes  ou  de  l'état. 

1°.  Les  premiers  de  ceux  que  la  néceffité  exemp- 
te de  l'airiftHiice  à  l'office,  lont ,  fans  contredit  , 
les  chanoines  malades.  Il  y  a  pour  eux  une  vérita- 
ble impoffibilité  d'y  affiiler.  C'eft  dans  l'état  de 
maladie  qu'ils  ont  plus  bcfoin  que  l'eglife  leur  ac- 
corde leur  fiibfirtance  ordinaire  ;  autrement  ,  elle 
les  traiteroit  plus  mal  qu'un  maître  n'a  coutume  de 
traiter  fes  fervueurs  ,  qu  il  n'abandonne  point  dans 
leur  maladie.  AulTi  ,  dans  le  temps  même  où  tlle 
exigeoit  des  chanoines  l'affiftance  la  plus  rigoureu- 
fe  ,  Itsa-t  elle  tenus  préfeus  ,  non-feulement  quant 
aux  gros  fruits  ,  mais  quant  aux  diftributions.  Le 
cardmal  Odon  ,  fgat  d'Innocent  IV,  dans  les  ré- 
glemens  qu'il  donna  en  1245  ^"  chapitre  de  Paris, 
déclara  que  les  malades  dévoient  percevoir  les  dif- 
tributions  en  entier.  Infirmi  6*  cegri  qui  refident  ^  dif- 
tnbutionei  intègre  per.ipiant  ,  quod  rolumus  etiam 
otferv.iri  erga  eos  qui  fjriguine  muniti  fucrint  6" potio- 
mm  hauferint. 

Le  droit  des  décrétales  décide  expreffément 
qu'on  doit  tenir  préfens  les  chanoines  malades-  C.ip. 
ad  iiuduntiam  15,  tx'.rà  de  cUricis  non  reJïJent.  li 
veut  que  les  malades  ne  foient  pas  privés  des  diftri- 
butions.  Manualia  bénéficia  ,  Jive  vitîualia  de  ipfi 
exigaitaie,  qux  eccltfwe  poieft  accedere ,  fraternitas 
tua  prxbest  agrotanti.  Cap.  i  ,  extra  de  clericis  ccgro- 
tant.  Le  titre  de  la  pragmatique,  quo  tempore  quif- 
qtie  debeat  ejji  in  choro ,  qui  eft  du  concile  de  Bafte  , 
déclare  qu'on  tiendra  préfent  celui  qui  eft  dans 
l'impoffibilité  d'affifter  ,  necejjltatc  cogente  ;  expref- 
fions  qui,  félon  Guymier,  doivent  particulière- 
ment s'entendre  de  l'état  de  m.aladie. 

La  difcipline  moderne  de  l'eglife  de  France  eft 
confiante  fur  cet  article.  Les  conciles  de  Bordeaux, 
en  1582  ,  de  Bourges  ,en  1584,  &d'Aixen  1585, 
veulent  non-feulement  que  les  malades  perçoivent 
le  gros  de  leurs  bénéfices  ,  mais  qu'on  leur  accorda 
les  diftriburions  quotidiennes.  C'eft  auflî  le  fenti- 
ment  de  tous  les  auteurs  &  de  tous  les  canoniftes. 

Cependant  on  trouve  un  arrêt  du  parlement  de 
Paris  du  8  août  1628,  qui  paroît  n'avoir  pas  jugé 
conformément  à  ces  principes.  Le  chapitre  d'An- 
goulême  avoit  privé  de  fes  diftributions  un  cha- 
noine ,  qu'une  maladie  empéchoit  de  réfider  de- 
puis deux  ans  ;  le  chanoine  rapportoit  des  certifi- 
cats authentiques  de  fon  état ,  en  forte  qu'il  ne  pou- 
voit  y  avoir  aucun  doute  à  ce  fujet.  \\  appela  de 
l'ordonnance  capitulaire  qui  l'avoit  privé  de  fes  dif- 
tributions ,  &c  elle  fut  confimée  ;  mais  il  faut  faire 
attention  que  l'eglife  d'Angoulême  avoit  un  ancien 
ufa'^e  qui  privoit  des  diftributions  ceux  que  la  mala- 
die empéchoit  d'affifter.  La  feule  chofe  qu'il  faut 
conclure  de  cet  arrêt ,  c'eft  donc  que  les  anciens 


PRÉSENCE. 

ufages  des  chapitres  doivent  fervir  de  fègle  en  ce 
point  ;  nuis  il  n'en  eft  pas  moins  vrai  de  dire , 
qu'où  il  n'y  a  point  de  ces  ufages  anciens  &  bien 
conitans,  les  diftributions  quotidiennes  doivent 
être  données  aux  malades. 

Sous  le  nom  de  mjUdes ,  on  n'entend  point  feu- 
lement ceux  que  leurs  maladies  retiennent  au  lu  , 
mais  encore  les  aveugles,  ceux  qui  font  attaques 
de  la  gravelle  ,  de  la  goutte  ;  en  un  mot ,  tous  ceux 
qui  ne  peuvent  aflifler  au  chœur  pour  railon  d'in- 
firmité. C'ed  pourquoi  le  parlement  de  Touloufe  , 
par  fon  arrêt  du  ii  février  1696  ,  rapporté  par  Ca- 
tellan  ,  livre  i  ,  chap.  51,3  condamné  le  chapitre 
d'Alby  à  tenir  préfeni  un  chanoine  aveugle.  Il  faut 
suffi  mettre  au  nombre  des  malades  les  infenlés  : 
la  folie  efl  une  véritable  maladie  ,  qui  ne  rend  pas 
moins  digne  de  compaiîîon  celui  qu'elle  attaque, 
ni  moins  incapable  d'exercer  toutes  fo.tes  de  fonc- 
tions que  les  autres  efpéces  de  maladies 

Les  chapitres  n'ont  pas  coutume  d'exempter  to- 
talement de  1  afll.iance  à  l'office  les  chanoines  dont 
le  grand  âge  ou  les  longs  fervices  méritent  quelque 
confidération  ;  mais  un  grand  nombre  IcS  exemp- 
tent de  la  pointe  pour  quelque  olUce  particulier. 
A  Noyon  ,  les  chanoines  fcxagénaires  ,  qui  ont 
quinze  ans  de  fervicc  ,  font  difpeniés,  non  pas  de 
l'office  du  jour ,  mais  des  matines  feulement  ,  par 
tm  flatut  du  21  décembre  1558.  L'églife  de  Paris 
exempte  nulTi  de  l'afriftance  à  matines  les  jubilés 
qui  ont  cinquante  ans  de  canonicar.  Les  cours  ont 
eu  quelquefois  occafion  de  prononcer  furces  difpen- 
fes  6:  fur  les  iiatuts  qui  les  autorifent ,  &  elles  ne  les 
ont  point  improuvés.  L'éditeur  des  mémoires  du 
clergé,  tom^  2  ,  page  1199,  rapporte  un  arr>;r  du 
par'ement  d'A'x  ,  qui  juge  que  le  chapitre  de  Taraf- 
conn'avoit  pu  révoquer  la  dilpenfe  d'affifter  aux 
matiîjes,  aux  proceffions  Sv  aux  obits  ,  qu  il  avoir 
accord.^e  à  un  chanoine  de  foixante-dix  ans  ,  &  de 
cinquante  quatre  ans  de  canocicat.  Un  arrêt  du 
confeil  du  roi  ,  du  28  janvier  1730  ,  porte  :  »  que 
«  conformément  aux  anciens  ftatuts  ,  les  tréfo'  ler , 
5>  chantres  &  chanoines  fexagénaires  ,  pourront 
»  être  difpeiif.  s  d  affilier  à  matines  ,&  cepo.idant 
«  recevoir  les  diftributions  qui  fe  payent  punr  ledit 
V  office  ,  comme  s'ils  avoicnt  été  préfens  '). 

Si  l'ufage  de  1  églife  eft  de  tenir  préfens  ceux  que 
la  maladie  ou  le  grand  âge  empêcb  nt  d'affiiler  à 
l'office ,  elle  eu  bien  éloignée  dacrorder  cetre 
grâce  à  ceux  que  la  crainte  d'une  maladre  conra- 
gienfe,  de  la  perte,  par  exemple  ,  engage  à  s'ab- 
fenter  de  leur  églife.  La  crainte  de  la  maladie  n'eft 
point  un  véritable  empêchemct.t  ;  c'c(l 'a  maladie 
feule  qui  met  dans  l'impoffihilité  d'alfirter.  D'ail- 
leurs ,  1  églife,  bien  loin  de  leur  être  ùvorab'e 
dans  un  pareil  cas  ,  ne  peut '7Ue  co'ulamn'.r  leur 
lâcheté.  Le*  chanoines,  à  la  v  rite  ,  ne  font  point 
ob'igés  or  linairt-ment  de  prêcher .  de  confciTer  , 
d'ar'miniftrer  le  viatiaue  aux  malades  ;  mais  les 
temps  de  calamité  &  de  cont.igion  font  des  rirconf- 
tances  particulières ,  où  tous  ceux  qui  font  honorés 


PRÉSENCE. 


487 


du  caraélère  de  la  prêtrife  ,  font  obligés  de  voler  au 
fecours  des  peuples.  L'arrct  que  le  parlement  de 
Grenoble  a  rendu  le  12  mai  1585,  par  lequel  il  a  ju- 
gé que  les  diAributlons  n'éioieni  pas  tliics  aux abfens 
pour  caufc  de  peile  ,  tfl  donc  dans  les  vraies  vues 
de  leglife,  Si  entièrement  conforme  à  fon  efprir. 

L'impcffibilité  d'affifler  eft  auffi  une  raifon  puur 
tenir  prélent  celui  qui  eft  excommunié  ou  prifon- 
nier ,  fans  y  avoir  donné  lieu  par  fa  mauvaiie  con- 
duite ;  il  doit  percevoir  non-feulement  le  gros  de 
fon  bénéfice,  mais  encore  les  diftriburion« ,  parce 
qu'il  ne  tient  point  à  lui  qu'il  u'affifte  à  l'office  :  il 
faut  cependant  1  uppofor  qu'il  y  aftiftoit  aLparavant  ; 
carfi  avant  fon  excommunication  ou  fon  emprifon- 
nement  il  n'étoit  pas  exaét,  on  ne  peut  pas  préfu- 
mer que  la  raifon  pour  laquelle  il  n'affifte  pas  ,  eft: 
rimpolîibilité  de  le  faire.  R.;cn  ne  luieit  dû  au  con- 
traire ,  s'il  a  mérité  lexconimunication  ou  l'empri- 
fonnement  ;  &(.  de-là  il  fuit ,  que  pour  lui  ad/ugcr 
les  fruits  de  fon  bénéfice  ,  il  faut  attendre  l'événe- 
ment de  l'aftaire  qu'il  s'eft  attirée  :  s'il  eft  condamné 
comme  coupable  ,  il  doit  perdre  les  fruits  ;  il  les  ga- 
gne ,  s'il  eft  renvoyé  abfous.  Ceft  ce  qui  a  été  jugé 
far  arrêt  du  parlement  de  Touloufe  du  9  janvier 
1672,  rendu  toutes  les  chambres  aftemblées.  Un 
chanoine  de  (^aftres,  nommé  de  Savignac  .  avoit 
été  interdit  ;  il  en  appela  comme  d'abus  ,  &  fur  cet 
appel  comme  d'abus  ,  iiuervint  un  premier  arrêt 
qui  leva  l'on  interdit,  Sccondamiiu  le  chapitre  .'i  lui 
payer  fon  gros  en  entier.  Il  prétendit  qu'on  dcvoit 
lui  donner  les  diftributions  manuelles  ;  le  chapitre 
s'y  op|)ofa  ;  ôc  c'eft  fur  cette  nouvelle  conteftaiion 
que  tut  rendu  l'arrêt  du  9  janvier  1672  ,  qui  lui  ac- 
corda routes  les  rétribtirions  de  fon  bénérice  pen- 
dant le  tenipf.  de  fon  interdiélion. 

C'eft  toujours  par  une  ùme  de  la  même  raifon  , 
que  les  chanoines  qui  plaident  contre  leur  chapitre 
font  tenus  préfens;  les  arrêts  qui  leur  onraccordé 
le  gros  de  leur  bénéfice  &  les  diftributions  ,  fort 
nombreux:  nous  citerons  enrr'autres  un  premier 
arrêt  rendu  au  parlement  de  Paris  le  20  mai  1669  , 
pour  IcS  chanoines  dits  à  l'autel  Notre  i3ame,dans 
i'églite  cathédrale  de  Saint  Etienne  dépens  ,  qui  a 
ducrtcment  juge  que  les  chanoines  abfens  pour  pro- 
cès contre  leurs  chapitres,  font  tenus  préfens,  & 
qu'ils  doivent  jouir  de  tous  les  fruits  de  leurs  pré- 
bendes. Un  autre  arrêt  du  parlement  de  Paris ,  ren- 
du a  la  grand'chambre  le  11  juillet  1^)72,  pour 
l'églife  de  Saint  Pierre  de  Màcon  ,  ordonne  que  le 
fieur  d.;  I-  P^ypc  de  'Veftrieu  ,  chanoine,  appelant 
coinme  d'  bu-,  de  trois  conclufions  capitulaires 
contraires  aux  règU.s  de  réglife  ,  feroit  tenu  pré- 
frn'  ,  à  l  tffit  de  percevoir  les  revenus  de  fon  bé- 
néfice, même  toutes  les  d!ftributi'>ns  inanueUes , 
pendant  tout  le  temps  qu'il  avoit  été  abfent  pour 
la  pourfuite  de  ce  procès.  Erfin  ,  un  troifième  arrêt 
du  5  août  1705  ,  rendu  aufli  à  la  grand'chambre 
du  parlement  de  Pari*.  ,  entre  le  chapitre  de  Mt  ux 
tk  les  grands  cr.apelains  hauts  vicaires  de  la  menae 
églife,  a  ordonné  que  le  fieur  Fouillon  feroit  payé 


4SS 


PRÉSENCE. 


de  rabfence  de  dix  jours  employés  par  lui  à  la  fol- 
licitation  du  piocès  pendant  à  la  quatrième  cham- 
bre, eiiiembie  des  abfences  qu'il  avoit  faites  à  la 
loUicitation  de  la  pretente  inllance. 

Mais  pour  que  les  chanoines  plaidant  contre  leurs 
chapitres  l'oient  difpcnfés  de  rélider  &  gagnent  les 
fruits  de  leurs  prébendes,  il  faut  que  les  procès 
qu'ils  intentent  foient  pour  caufe  légitime  ,  ou  que 
ceux  que  leur  chapitre  leur  fufciie  toient  injufles  ; 
autrement  ce  feroit  une  faute  de  leur  part  qu'il  fau- 
droit  attribuera  l'impolTibilité  où  ils  font  de  réfider. 
Or ,  il  n'y  a  ,  dit  Fagnan  ,  que  ceux  qui  ne  fe  feront 
point  mis  ,  par  leur  mauvaife  conduite  ,  dans  l'im- 
pofîibilité  de  réfider,  qui  doivent  être  tenus  pré- 
fens.  Fer  quem  non  flat  quomï-:hs  non  re/IJeat  in  fuo 
hcneficto  ,  nullum  ,  ob  non  refideniiam  ,  dstrimentum 
Jentire  débet.  Fagnaji  fur  le  chapitre  cjuLi  nonnuUi  , 
extra  ,  de  clericis  non  re/ï.enteniibus.  C'eft  ce  qui  a 
été  jugé  par  un  grand  nombre  d'arrêts  qu'H  feroit 
trop  long  de  rapporter. 

On  trouve  cependant  un  arrêt  du  parlement 
ri'Aix  du  19  juin  163 1 ,  qui  adjuge  les  diilributions 
au  fleur  Bremon  ,  chanoine  de  Forcalquier,  qui 
aveit  plaidé  contre  fon  chapitre  ,  pendant  tout  le 
temps  de  ion  abfence,  quoiqu'il  eût  perdu  fa  caufe. 
La  raifon  qui  engagea  le  parlement  à  prononcer 
ainfi ,  c'eft  qu'il  avoir  la  poflefiion  immémoriale  , 
que  les  titres  étoient  douteux  ,  &.  qu'il  ne  parut 
pas  qu'il  s'étoit  engagé  légèrement  dans  l'aflaire 
&  par  efprit  de  chicane.- Cet  arrêt  eft  rapporté  par 
Boniface,  t.  1  ,  liv.  2  ,  tit.   8,chap   3. 

Pour  paiferà  ceux  qui  font  réputés  préfens,  parce 
qu'ils  font  employés  par  l'évêque,  ou  pour  le  bien 
fpirituel  du  diocèfe,  nous  commencerons  par  les 
évêques  eux-mèn^es  ,  qui  perçoivent  toujours  les 
diftributions  quotidiennes,  lorfqu'ils  font  chanoines 
dans  leur  églife.  En  effet,  s'ils  réfident  dans  leur 
diocèfe  î  ils  doivent  être  difpenfés  d'affilier  à  l'of- 
fice ,  parce  que  le  gouvernement  de  leur  dio- 
cèfe ert  ccvXè  ne  point  leur  en  laifTer  le  temps  ; 
èc  s'ils  font  abfcns  ,  on  ne  peut  pas  prouver  quils 
le  font  autrement  que  pour  caufe  légitime.  L'auteur 
des  mém.oi^s  Ùà  clergé  rapporte,  tom.  2  ,  p.  935  , 
un  arrêt  du  ç  ;flement  de  Touloufe  du  18  juillet 
1602,  qui  e(t  exprés  fur  cet  article.  Il  porte,  que 
31  M.  d'Elbene  ,  évéque  d'Alby,  fera  tenu  préfent , 
»  tant  qu'il  fera  fa  réfidence  aâuelle  dans  la  ville 
a>  d'Alby  &  dans  fon  diocèfe,  ou  qu'il  en  fera  ab- 
«  fent  pour  caufe  légitime,  fans  qu'il  puifTe  être 
j»  fujetà  la  pointe  &  privé  de  fes  fruits,  fous  quel- 
j>  que  prétexte  que  ce  foit ,  autre  que  fa  non-ré- 
it  fidence  dans  le  diocèfe  ,  à  la  charge  néanmoins 
«  d'affilier  aux  heurts  canoniales, lorfque  les^ccu- 
ï»  pations  de  fa  charge  épifcopale  le  permettront  >». 

L'u(age  de  l'églife  permet  a  l'évêque  de  pren- 
dre à  fa  fuite  des  dignités  ou  chanoines  de  fon 
églife  à  fon  choix  ,  &.  veut  qu'ils  foient  réputés 
préfens  ,  même  à  l'edet  de  percevoir  les  diftribu- 
tions quotidiennes.  Le  concile  de  Rouen  tenu  en 
158»  ,  lit.  de  epifcop  &capit,  §,  14;  celui  d'Aix  de 


PRÉSENCE. 

Iijg3,tître  de  canonicu  ,  ne  font  mention  que  de 
deux  dignités  ou  chanouies  que  l«s  évêques  peu- 
vent prendre  a  leur  fuite.  Fevret  penfe  que  l'évê- 
que n'en  peut  prendre  que  deux.  La  Glofe  ,  fur  le 
chapitre  Jii  auuientïam ,  iç  ,  extra,  de  clericis  non 
rejidentibus  ,  n'étend  point  ce  nombre  au-delà  ;  & 
comme  nous  n'avons  aucun  canon  ,  aucune  or- 
donnance ,  aucun  ufage  même  qui  permette  à  l'é- 
vêque d  en  prendre  à  fa  fuite  un  plus  grand  nom- 
bre ;  que  les  a;rérs  qui  ont  ftatué  quelque  choit  k 
ce  fujet  ne  ion;  aulfi  mention  que  de  deux  dignités 
ou  chanoines  ,  il  tant  en  conclure  que  le  nombre 
de  ceux  à  qui  l'évêque  peut  accorder  les  lettres 
qu'on  appelle  d:  cornitatu  ,  ne  doit  pas  excéder  ce- 
lui de  deux. 

Mais  les  évêques  peuvent-ils  prendre  à  leur  fuite 
telles  dignités  de  leur  églife  qu'ils  jugent  à  propos  , 
&  ces  dignités  font-elles  toujours  réputées  pré- 
fentes i  On  peut  dire  en  général  ,  que  l'évêque  eft 
libre  de  choifir  entre  toutes  les  dignités  &  chanoi- 
nes de  fon  églife.  S'il  y  avoit  quelque  exception  à 
faire  à  ce  fujet ,  ce  feroit  certainement  à  l'égard  du 
théologal.  Cependant  M.  l'archevêque  d'Aufch 
ayant  pris  le  théologal  de  fon  églife  pour  être  de 
fa  fuite,  le  cliapitre  prétendit  être  en  droit  de  lui 
refufer  les  fruits  de  la  théologale.  Appel  au  parle- 
ment de  Touloufe  de  ce  refus  de  la  part  du  théolo- 
gal ;  fur  l'appel ,  le  fyndic  du  chapitre  fut  condamné 
à  les  lui  délivter  ,  Se  l'archevêque  d'Aufch  fut 
maintenu  en  poife/Tion  de  connoître  desempêche- 
mens  légitimes  ,  en  cas  d'abfence  du  théologal ,  & 
de  fubftituer  des  prédicateurs  à  fa  place.  Albert, 
qui  rapporte  ce  premier  arrêt,  lettre  O  ,  article  8, 
obferve  encore  que  la  même  chofe  a  été  jugée  en 
faveur  de  M.  l'évêque  de  Caftres  en  163.4. 

Il  eft  vrai  que  nous  trouvons  des  arrêts  qui  fem- 
blent  contraires  à  cette  règle  générale.  M.  de 
Vieuxpont ,  évêque  de  Meaux  ,  avoit  donné  des 
lettres  de  comitatu  au  fieur  Chevalier  ,  chanoine  , 
&  en  même  temps  chancelier  de  Meaux  ,  &  en 
cette  qualité  chargé  d'enfeigner  le  chant  à  ceux  qui 
font  le  fervice  ordinaire  dans  l'églife  cathédrale. 
Le  chapitre  fit  refus  de  lui  donner  les  fruits  de 
la  chanc«.llerie.  Sur  la  conteftation  qui  s'engagea  à 
ce  f^ijet,  intervint  arrêt  du  parlement  de  Paris  If  6 
février  1706,  qui  jugea  que  les  fruits  delà  pré- 
bende échus  pendant  l'abfence  du  fieur  Chevalier  , 
lui  feroient  rendus  ,  &  qu'il  perdroit  ceux  de  la 
chancellerie.  Mais  des  arrêts  ifolés  ne  peuvent  ja- 
mais rien  établir  de  contraire  à  une  règle  générais  , 
lorfqu'elle  eft  fondée  en  motifs  &  confirmée  par 
une  fuite  d'arrêts  peu  interrompue,  parce  qu'ils 
font  prcfque  toujours  l'effet  de  circonftnnccs  &  de 
confidérations  particulières  qui  ont  déterminé  les 
juges  dans  le  temps  ,  &  qu'il  eft  impcfilble  à<t  con- 
noitre  dans  la  fuite.  Concluons  donc  que  ,  généra- 
lement parlant,  les  évêques  peuvent  prendre  ,  pour 
être  de  leur  fuite  ,  telles  dignités  que  bon  leur  fcm- 
ble  ,  parce  que  l'évidente  utiliré  du  diocèfe  doit 
l'emporter  fur  l'utilité  particulière  de  la  cathédrale  , 

& 


PRÉSENCE. 

(&  que  c'eA  à  eux  de  connoitre  q^iand  cette  évidente 
utilité  de  leur  églitc  deriiande  qu'un  chanoiae  ou 
une  dignité  Toit  exemptée  de  la  rélidence. 

Nous  venons  de  voir  que  les  évêques  peuvent 
prendre  pour  commenfaux  deux  chanoines  ou  di- 
gnités de  leur  églife  cathédrale  ;  ont-ils  le  même 
droit  par  rapport  aux  chanoines  des  églifts  collé- 
giales ds  leur  diocèfe  ?  Les  canoniftes  ont  été  par- 
tagés fur  cette  queftion  :  Dumoulin  ,  dans  la  note 
fur  le  chapitre  ad  tiuiïent.  cxt.  de  ckrlcis  non  rcfi- 
dcm.  tient  la  négative  ,  &  en  fait  une  exception  de 
]a  règle  contenue  dans  cette  décrétale  :fcciis ,  dit-il , 
de  cunonïcis  alterius  collcgii  dicec^/îs.  Il  a  été  fuivi 
par  Fevret  &  par  pluaeurs  antres.  Mais  le  chapitre 
de  cccteris  ,J,de  clericis  non  refident.  ,  efl  conçu  en 
tcr;-ncs  généraux  ,  &  paroi:  comprendre  les  clia- 
.iiçines  de  toutes  les  églifes  du  diocèfe.  C'eft  ainfi 
.que   la  plupart  des  canoniftes   anciens  l'ont  en- 
tendu ;  entre  autres  ,  de  Selve,  de  beneficiis  ,  part. 
4  ,  quizfl.  6  ,  §.  1 2.  D  ailleurs ,  la  raifon  qui  fait  ré- 
futer préfens  les  chanoines  de  la  cathédrale  que 
l'évèque   prend  à  fa  fuite  ,.  doit  faire  accorder  le 
même  privilège  à  ceux  des  collégiales  ,  fi  l'évèque 
juge  à  propos  de  leur  donner  de  préférence  des 
lettres  de  comhatu.  On  ne  tient  préfens  les  chanoi- 
nes des  cathédrales  qui  font  de  la  fuite  de  l'évèque  , 
que  parce  qu'ils  doivent  être  utiles  au  diocéic  ;  fi 
les  chanoines  de  collégiales  que  l'évèque  choifit  , 
dévoient  lui  être  plus  utiles  ,  parce  qu'ils  font  plu^ 
éclairés  ,    plus  inflruiis  dans   les  affaires  &  dans 
les  différentes  parties  du  gouvernement  cccléfiafli- 
que,  pourquoi  ne  jouiroient-ils  pas  du  même  pri- 
vilège ? 

Au  refte ,  ©n  peut  dire  qu'il  ne  refte  plus  de  dif- 
ficulté à  ce  fujet.  Il  y  a  long-temps  que  les  arrêts 
ont  jugé  que  les  chanoines  des  collégiales  ,  qui 
font  de  la  fuite  de  l'évèque  ,  doivent  être  réputés 
préfens  ,  comme  ceux  des  cathédrales.  Par  arrêt 
du  confeil  du  22  décembre  1648  ,  il  a  été  jugé  que 
le  ficar  Dutour ,  chanoine  de  l'églife  cathédrale  de 
Soiffons  &  de  l'églife  collégiale  de  S.  Pierre  de  la 
jTiéme  ville  ,  percevroit  les  fruits  de  fa  prébende 
dans  l'églife  de  S.  Pierre  ,  pendant  qu'il  feroit  ab- 
fent  à  la  fuite  de  M.  l'évèque  de  Soi/Tons.  La  même 
chofeaété  jugée,  le  11  mai  1656,  en  faveur  d'un 
chanoine  de  l'églife  collégiale  de  S.  Vaaft  ,  dio- 
cèfe de  Soiflbns  ,  qui  étoit  aulîi  chanoine  de  l'é- 
glife cathédrale.  Il  eft  certain  que  la  caufe  de  ces 
chanoines  n'eût  pas  été  moins  favorable  ,  s'ils 
n'euffent  été  chanoines  que  de  collégiales  ,  &  qu'il 
tant  conclure  de  ces  arrêts  ,  que  le  parlement  a  dé- 
cidé que  les  chanoines  de  collégiales  doivent  être 
tenus  préfens  ,  lorfqu'ils  font  à  la  fuite  de  leur 
évèque. 

Les  chanoines  </e  comhatu  (ont ,  par  rapport  aux 
diftributions  quotidiennes  ,  abfolument  dans  le  cas 
de  tous  les  autres  privilégiés  ,  c'eft-à-dire  ,  qu'ils 
ne  peuvent  en  être  privés:  il  y  a  là-deïïijs  un  fi 
grand  nombre  d'arrêts  ,  qu'il  n'efi  point  permis 
d'en  dou'.er. 

Tont  JIJI. 


PRÉSENCE.  4^9 

L'arrêt  du  6  février  1606  ,  que  nous  avons  rap- 
porté plus  haut ,  ordonne  que  les  deux   chanoines 
qui  feront  à  la  fuite  de  M.  l'évèque  de  Meaux  ,  (e 
ront  réputés  préfens  pour  tous  les  fruits  de  leiir» 
prébendes,  de  même  que  les  sutres  privilégiés. 

On  trouve  un  arrêt  du  19  mars  161 1,  qui  juge 
qu'un  chanoine  de  Noyon  ,  qui  étoit  à  la  fuite  de 
lèvêque ,  feroit  payé  des  fruits  &  revenus  de  fa 
prébende  ,  tant  en  deniers  que  chapons. 

Il  y  a  plufieurs  arrêts  du  confeil  d'état  des  26  jan- 
vier 1644  ',  contre  le  chapitre  d'Amiens,  &  7.7 
oélobre  1661  ,  contre  le  chapitre  de  Soiffons  ;  de' 
l'an  1661  ,  contre  le  chapitre  de  Rouen  ,  &  du  6 
août  1677  ,  contre  le  chapitre  de  Lifieux  ,  qui  ont 
adjugé  les  diftributions  quotidiennes  aux  chanoi- 
nes employés  par  les  évêques.  Par  un  autre  arrêt 
du  parlement  de  Paris  du  1 1  juillet  1650  ,  il  a  été 
jugé  que  les  deux  chanoines  que  M.  l'archevêque 
de  Reims  a  droit  de  nommer  pour  être  de  fa  fuite  , 
feroient  tenus  préfens,  &  jouiroient  de  tous  les 
fruits  &  revenus  de  leurs  prébendes:  cet  arrêt  eft 
rapporté  aux  nouveaux  mémoires  du  clergé  ,  tome 
2  ,  col.  981. 

Mais  on  peut  demander  fi  ,  ayant  été  choi- 
fis  pour  être  de  la  fuite  de  l'évèque  avant  d'avoir 
fait  leur  rtage  ,  ils  doivent  percevoir  leurs  diitribu- 
tions.  Cette  queilion  ne  peut  pas  faire  de  difficulté  ; 
on  ne  doit  faire  à  ce  fujet  aucune  différence  entre 
eux  &  les  autres  privilégiés  :  d'ailleurs  ,  prefque 
tous  les  arrêts  qui  ont  eu  occafion  de  prononcer  fur 
cet  article,  les  leur  attribuent. 

Chopin  en  rapporte  un  du  18  juin  1587,  par 
lequel  un  chanoine  de  Noyon  ,  qui  étoit  à  la  fuite 
de  fon  évêque  ,  a  été  maintenu  en  poffeffion  des 
fruits  de  fa  prébende,  quoiqu'il  n'eût  pas  fait  fon 
ftage.  Monafl.  liv.  2  ,  tit.  33  ,  n".  15. 

Le  fieur  Marchand  ,  chanoine  de  l'églife  de  Cou- 
tances ,  qui  étoit  à  la  fuite  de  fon  évêque,  n'avoir 
point  fait  fon  flage  ,  &  le  chapitre  demandoit  qu'il 
fût ,  tant  pour  le  paffé  que  pour  l'avenir,  privé  de 
tous  privilèges  &  franchifes  ,  fuivant  l'ufage  de 
cette  églife,  jufqu'à  ce  qu'il  l'eût  accompli.  Il  ac- 
cordoit  au  fieur  Marchand  les  gros  fruits  de  fa  pré- 
bende ,  &  les  diftributions  qui  lui  étoient  dues 
pour  les  offices  auxquels  il  avoit  aflîfté.  Le  fieur 
Marchand  demandoit  au  contraire  que  le  chapitre 
fût  condamné  à  lui  faire  payer  toutes  les  diftribu- 
tions  quotidiennes  ,  depuis  qu'il  éroità  la  fuite  de 
M.  l'évèque  de  Coutances  ,  fuivant  les  conftitu- 
tions  canoniques.  L'arrêt  qui  intervint  au  parle- 
ment de  Paris  le  28  mai  1650,  fur  leurs  demandes 
refpeélives  ,  ordonne  que  le  fieur  Marchand  jouira 
de  fes  diftribntions  pour  le  temps  qu'il  a  été  à  la 
fuite  de  M.  de  Matignon  ,  évèque  de  Coutances  . 
comme  s'il   eût  été  préfent  au  fervice   de  ladite 
églife  ,  à  la  réferve  de  celles  qui  fe  diftribuent  ma- 
nuellement; condamne  le  chapitre  à  lui  payer  ou 
faire  payer  par  fes  receveurs  tous  les  deniers  qui 
lui  feront   dus  pour  lefdites  diftributions  ;  à  cette 
fin  ,  feront  les  rôles  &  regiftres  defdites  diftribu- 

Qqq 


49© 


PRÉSENCE. 


tions   prélcntés  :  cet  arrêt   eft  rapporté  aux  nou- 
veaux mémoires  du  clergé  ,  tome  2  ,  col.  979. 

Si ,  félon  les  règles  canoniques ,  les  chanoines 
qui  font  in  comhatu  font  réputés  préfens,  les  grands 
vicaires ,  officiaux  ,  promoteurs  &  archidiacres  doi- 
vent l'être  ,  à  bien  plus  forte  raifon  ,  lorfqu'ils  font 
occupés  pour  le  bien  du  diocèfe.  Les  fervices  qu'ils 
rendent  à  l'évêque  font  plus  importans  que  ceux 
qu'il  tire  d'un  fimple  aumônier  ou  d'un  fecrétaire  , 
à  qui  il  accorde  fouvent  des  lettres  de  comhatu. 
Leurs  fervices  ne  fe  bornent  point  à  la  perfonne 
de  l'évêque  ;  ils  regardent  l'églife  plutôt  que  l'évê- 
que même  ,  pnifqu'ils  font  fes  coadjiueurs  dans  le 
gouvernement  général  de  fon  diocèfe.  Or  .  par 
cela  même  ils  en  ont  moins  de  temps  pour  ailiitcr 
à  l'office,  &  ils  en  ont  plus  de  raifons  pour  être 
difpenfés  d'y  affifter. 

Ce  privilège  des  grands  vicaires  ,  officiaux,  pro- 
moteurs 8c  archidiacres ,  a  été  autorifé  par  une 
déclaration  exprefle  de  l'afTemblée  générale  du 
clergé  ,  convoquée  en  1635.  L'afTemblée  y  décide, 
entre  autres  chofes  ,  que  les  vicaires  généraux  , 
officiaux  ,  promoteurs ,  faifant  la  vifite  des  diocéfes 
ou  autres  fondions  de  leurs  charges  ,  dedans  ou 
dehors  iceux  ,  les  archidiacres  qui  ont  droit  de  vi- 
fue  la  faifant  dans  leur  détroit  &  étendue  de  juii- 
didtion  ,  &  généralement  tous  ceux  qui  feront  em- 
ployés par  les  évêques  ou  chapitres  pour  le  bien 
5c  affaires  de  leur  diocèfe  ou  chapitres ,  jouiront 
<le  tous  les  revenus  de  leurs  dignités  ,  offices  & 
prébendes  ,  tant  du  gros  que  des  difliibutions  ma- 
nuelles Se  journalières  ,  coinme  s'ils  étoient  pré- 
fens à  l'églife ,  tant  qu'ils  feront  actuellement  fer- 
vans  &  employés  aux  chofes  ci-deifus.  L'exécution 
de  cette  dclaration  a  été  ordonnée  par  un  arrêt  du 
confeil  d'état  du  23  février  1636. 

Le  même  privilège  a  été  confirmé  par  plufieurs  ar- 
rêts, parmi  lefquels  il  nous  fuffira  de  citer  celui  du 
ceufei!  privé  du  26  janvier  1644  ,  portant  rég'emetit 
fur  piuheurs  chefs  entre  l'éveqiie  d'Aïuiens  &  fes 
grands  vicaires  d'une  part  ;  ik  le  chapitre  d'A- 
miens ,  de  l'autre  :  cet  arrêt  décide  qu'î)utre  les 
deuxch.Tiioines  qui  font  à  la  fuite  de  Tévèque  ,  fon 
grand  vicaire  8c  fon  officiai  feront  tenus  préfens  en 
i^ous  fruits  8c  diflributions  de  leurs  prébendes  , 
&  exempts  de  la  pointe ,  lorfqif  il  >  hvont  oc- 
cupés aiix  Fonilions  de  leurs  charges  8c  aux  art'aires 
év.  diccê/e. 

On  demande  fi ,  lorfqn'il  y  a  plufieurs  grands 
vicaires  dans  un  diocèfe  ,  ils  doivent  tous  être 
tenus  préfens.  La  réponfe  qu'on  peut  faire  à 
cette  qiieftion  ,  c'eit  qu'il  faut  fuivre  à  ;cet  égard 
l'ufage  des  églifes  ;  que  fi  une  églife  a  coutume 
de  n'en  exempter  (ju'un  de  l'affiftance  à  l'office  ,  il 
n'y  a  qu'un  grand  vicaire  qui  puiffe  demander  .î 
être  réputé  préienr.  Dans  les  chapitres  ,  au  con- 
îraite  ,  où  Tufr-gc  cft  d'accorder  ce  privilège  à  deux 
ou  trois  grands  vicaires  ,  il  y  en  a  deux  ou  troi;^ 
qui  peuvent  prétendre  à  l'exemption;  autrem-stu 
il  pourtoit  en  arriver  quelque  incouvéniem  ,  fiir- 


PRÉSENCE. 

tout  aujourd'hui  où  les.êvêques  fe  font  mis  tîans 
Tul^age  de  prendre  un  très-grand  nombre  de  grands 
vicaires.  En  effet,  fi  dans  un  chapitre  peu  nom- 
breux ,  où  l'évêque  auroit  cinq  ou  fix  grands 
vicaires  ,  tous  dévoient  être  réputés  préfens  ,  l'é- 
glife pourroit  n'être  pas  fuffifamment  deffervie. 

Ordinairement  les  grands  vicaires  .officiaux,  pro- 
moteurs, font  tenus  d'avertir  le  pointeur,  pour  être 
tenus  prélens.  C'eft  ce  qui  a  été  jup,è  par  les  arrêts 
du  confeil  d'état  ,  rendus  les  18  janvier  1727,  18 
mars  1736  ,  &  27  feptembre  de  la  mèms  année, 
au  profit  des  évêques  d'Orléans  èi.  de  Rreiix  en 
Languedoc,  qui  portent,  que  les  grands  vicaires, 
ofKciaux  8c  pron}OteufS  feront  aveitir  le  pointeur , 
fans  que  néanmoins  ni  lui,  ni  les  autres  puiifent 
prendre  connoiffance  des  caufes  de  leur  abfence. 
Cependant  ceux  de  Rheims  ont  été  difpenfts  de 
l'avertir,  par   l'arrêt  du  11  avril  1723,  &   il  fuftit 
qu'ils  faffent  ime  fois   apparoir  au  chapitre  capi- 
tulairement  aiTemblê,  de  leurs  lettres  &  de  leurs 
qualités.  Il  y  a  lieu  de  croire  que  le  motif  de  cet  ar- 
rêt a  été,  que  telêtoit  l'ufage  de  l'églife  de  Rheims; 
car  ,  comme  nous  l'avons  déjà  obfervé  ,  c'efl  l'u- 
fage qui  fait  prefquetoujours  la  règle  en  toutes  ces 
matières. 

Il  faut  rapporter  à  la  clalTe  de  ceux  qui  font 
employés  pour  le  bien  fpirituel  du  diocèfe,  les 
théologaux,  les  pénitenciers,  les  curés  qui  font_^ 
en  même-temps  chanoines  de  leurs  églifes  ,  8c  les 
dignités  &C  chanoines  que  les  évêques  emploient 
aux  miffions  ,  prédications  SiC  autres  fanélions  du 
minîftère  de  leur  diocèfe.  Grégoire  ,XIII  &(.  le 
conciJc  de  Cologne,  de  l'an  1549  ,  n'accordent 
les  diflributions  aux  théologaux  que  pour  le  jour 
qu'ils  font  leurs  leçons  ou  leurs  fermons ,  &  tcuc 
au  plus  la  veille,  à  la  charge  encore  d'nffiAer  à 
la  grand'meffe  du  chœur.  Le  concile  de  Bâle  , 
dontle  décret  a  été  inféré  dans  la  pragmatique  ,  an 
titre  de  collationibus  ,  Se  le  concordat  leur  font  plus 
favorables  ;  ils  leur  accordent ,  lorfqu'ils  s'acquittent 
de  leurs  obligations  ,  tous  les  fruits  de  leurs  pré- 
bendes ,  comme  aux  chanoines  qui  ont  affiflé  le 
plus  exaéîement.  L'art.  8  de  l'ordonnance  d'Or- 
léans ,  8c  les  art,  33  8c  34  de  celle  de  Blois,  y 
font  conformes.  Le  concile  de  Rouen  en  1581, 
tit.  de  epifcop.  &  capit.  n".  37 ,  8c  celui  d'Aix  en 
1585  ,  les  tiennent  préfens  ,  mais  à  condition  feu- 
lement que  hors  le  temps  des  leçons  &  de  la  pré- 
dication, ils  defferviront  l'églife  comme  les  autres 
chanoines.  Eâ  tamen  lege  &>  conditione  ,  ut  ipjd  non 
dffuïat  extra  pradicationis  &  leHionis  tempora ,  ec- 
clefiœ  chm  aliis  canonicis  dej]en''ire. 

'Voici  qu'elle  efl  l'étendue  du  privilège  des  théo- 
logaux; ils  doivent  percevoir,  non-feulement  le» 
gros  fruits  ,  mais  les  diflributions  quotidiennes 
8c  les  obits.  C'efl  ce  qui  a  été  jugé  par  plufieurs 
arrêts  ,  entre  autres  par  un  arrêt  du  parlement 
de  Touloufe  du  3  décembre  1676  ,  rapporté  par 
Caiellan  ,  liv.  premier  ,  cbap.  59  ;  St.  par  un  autre 


PRÉSENCE. 

àrrit  An  4  Janvier   1723  ,   contre  le  chapitre    de 
Rheims. 

Quelques  chapitres  ,  Si  entre  antres  celiîi  de 
Laon ,  ont  autrefois  entrepris  de  refufer  des  va- 
cances à  leurs  théologaux  ;  mais  ils  ont  toujours 
été  condamnés  fur  ce  point.  On  a  jugé  que  ies 
théologaux  n'avoient  pas  moins  bei'oin  de  va- 
cances que  les  autres  chanoines,  foit  pour  fe  dé- 
lafTer  de  leur  travail  ,  Toit  pour  vaquer  à  leurs 
affaires  particulières  ,  foit  enfin  pour  fe  prépa- 
rer aux  fermons  &  aux  autres  ofEces  de  l'année 
fuivame. 

Au  refte  ,  ce  privilège  celle  pour  les  tlîéolo- 
gaux  qui  ne  rempliffent  point  les  devoirs  de  leur 
place  ;  ainfi  dès  qu'ils  fe  déchargent  fur  d'autres , 
foit  pour  les  leçons ,  foit  pour  la  prédication  , 
les  chapitres  ne  font  phis  obligés  de  les  tenir 
préfens. 

Les  pénitenciers  jouiflent  aufli  en  France  ,  com- 
me ailleurs,  de  ce  privilège;  ils  font  tenus  pré- 
fens, mais  feulement  pendant  qu'ils  entendent  les 
conteffions  :  ils  gagnent  alors  les  diftributions  & 
le  gros.  C'eft  la  décifion  exprefle  du  concile  de 
Trente  ,  feff.  24  ,  c.  8. 

Les  curés  qui  ont  des  prébendes  annexées  à  leurs 
cures  dans  les  églifes  cathédrales  ou  collégiales  , 
ne  font  pas,  pour  l'ordinaire  ,  traités  moins  favo- 
rablement. On  peut  voir  au  journal  des  audiences 
l'arrêt  du  7  juin  1681 ,  en  faveur  du  curé  de  fnint 
Venant  de  Tours  ,  qui  ordonne  ,  qu'en  cas  d'ab- 
fence  aux  anniverfaires  &  autres  fondations  faites 
au  profit  du  chapitre  ,  il  fera  cru  fur  la  fimple  dé- 
claration quil  fera  qu'il  étoit  employé  aux  fonc- 
tions de  fon  miniilère,  fans  être  obligé  d'en  rap- 
porter d'autres  preuves.  On  trouve  encore  au  jour- 
nal du  palais  ,  tome  i  ,  page  1 94  ,  un  arrêt  du  par- 
lement de  Bordeaux  rendu  le  26  mars  1672  ,  en 
faveur  du  fieur  Layet  ,  chanoine  &  curé  de  l'e- 
glife  carhédrale  de  Bayonne,  par  lequel  ce  curé 
&  fes  vicaires  prébendes  font  réputés  préfens  aux 
offices  du  chœur  ,  pendant  tout  le  temps  qu'ils 
lont  occupés  aux  fonctions  curiales  ;  &  Gibert 
fûutient  que  le  privilège  des  curés-chanoines  n'e/l 
pas  moins  favorable  que  celui  des  théologaux  ,  & 
veut  qu'ils  en  jouiflcnt,  non-feulement  pour  le 
temps  où  Us  font  occupés  à  l'adminiflration  des 
iacremens ,  mais  encore  lorfqu'ils  préparent  leurs 
proues  ,  Se  lorfqu'ils  prennent  un  temps  raifon- 
jîable  pour  fe  délaflér  de  leurs  fatigues. 

Nous  difons  '.}ue  le  privilège  d'être  tenus  pré- 
fens ei\  accordé  pour  l'ordinaire  aux  curés-cha- 
noines, parce  qu'encore  qu'ils  en  joui/Tent  pref- 
cjue  dans  toutes  les  églifes  ,  qu'il  foit  très-conforme 
à  l'efpritdi  l'églife,  6c  qu'il  feroit  bien  qu'il  leur 
iùt  accordé  partout;  il  y  a  cependant  quelques 
églifes  où  ils  ne  font  point  exempts  :  ainfi  c'eft 
la  coutume  des  Ueux  ,  les  ftatuts  du  chapitre  Se  les 
ordonnances  du  diocèfe  qui  doivent  fervir  de  loi 
Air  cette   matière. 

Enfin  les  chapitres  font  tenus  de  réputer  pié- 


PRÈSENCE. 


491 


fens  les  dignités  &  chanoines  employés  par  l'é- 
vêque  aux  millions  &  prédications  dans   le  dio- 
cèfe ,  mais  ce  n'eft  qu'à  certaines  conditions  que 
ces  dignités  &  chanoines  peuvent  jouir  de  ce  pri- 
vilège. Us  doivent  apporter  des  certificats  des  cures 
<k  des   marguiiîiers  des  paroilTes  ;  ils  ne  peuvent 
y  être  employés  qu'au  nombre  de  quinze  en  mê- 
me temps  ;  favoir  ,  trois   pour  les    prédications  » 
iSc  douze  pour  les  millions  :  avant  de  partir ,  ils 
font  tenus  d'en  donner  avis  au  chapitre,  (k  il  faiic 
qu'il  relie  dins  l'églife  un  nombre  fuiîif.int  d'autres; 
dignités  ,  chanoines  &  autres  eccléfiaftiques  pré- 
fens ,   pour  faire  le  fervicc  accoutumé.   C'efl:  ce 
qu'ordonne  un  arrêt  du  confeil  du  roi  ,  rendu  le 
30  oiîobre  1640,  pour  le  chapitre  de  Chartres, 
qui  décide  que  les  dignités  8c  chanoines  de  la  ca- 
thédrale ,  lorfqu'ils  feront  employés  aux  miffions 
dans  le  diocèfe  ,  avec  pouvoir  &  commilîion  de 
l'évêque  ,  ou  à  prêcher  les    avants ,   carêmes  & 
odavos  du  faint  facrement  ,  ils  jouiront  de  tout  le 
revenu  de  leurs  prébendes  ,  tant  en   gros  fruits 
qu'en  diftributions  manuelles  &  quotidiennes,  pen- 
dant qu'ils  y  feront  occupés.  Il  fuit  Je  cet  7trrê: ,  que 
ce  privilège  ne  regarde  que  ceux  qui  travaillent 
dans  leur  propre  diocèfe ,  fous  les  ordres  de  l'é- 
vêque ;  &  que  fi  un  chanoine  alloit,  de  fon  pro- 
pre mouvement ,   prêcher  ailleurs    des  avents   & 
des   carêmes  ,   il   ne   pourroit  en  jouir    légitime- 
ment, quand  même  ion  chapitre  le   lui  petmet- 
troit. 

La  troifième  clafTe  des  privilégiés  efl  compofée 
de  ceux  qui  font  abfens  pour  caufe  d'études  ,  ik: 
elle  comprend  les  profelTeurs  &c  les  étudians  dans 
les  univerfités.  Innocent  ÎII  avoit  accordé  ,  poiir 
quelques  années  feulement ,  à  quelques  perfonnes 
d'une  fcience  diftinguée  ,  le  privilège  de  perce- 
voir tous  les  fruits  de  leurs  bénéfices ,  comme  s'ils 
avoient  exadlement  afliflé.  Sa  lettre  au  chapitre 
&  à  l'archevêque  de  Sens,  nous  apprend  qu'il  l'a- 
voir accordé  en  particulier  à  un  doj^in  de  cer:e 
églife  qui  enfeignoit  la  théologie  dans  l'univerfité 
de  Paris.  Honoré  III  ,  (on  fiicce/Ieur  ,  l'étendit 
depuis  à  tous  les  profeffcurs,  pour  tout  le  tem nr, 
qii  ils  enfeigneroient  ,  &  à  tous  les  étudians  en 
théologie,  pour  cinq  ans  feulement,  par  une  dé- 
crétale  qui  commence  par  ces  mots  :  Tuiz  fratc-- 
nitati  ,  au  titre  de  clericis  non  rcjldentïbus.  Docenus 
in  thcoloçici  facultate  dum  in  jchoV's  docuerint ,  rr> 
Jludentcs  in  ip.uî  intègre  per  annos  quhique  perapuint 
de  licenti.î  fcdis  apofloUaz  pioventas  prcebendarwa 
&  beneficiorum  fuontm  ,  nonobfiante  aliquA  aliâ  cor.- 
fuetudine  vel  Jl.uuto,  atm  denario  fraudari  non  de- 
beant  in  vineâ  domini  opérantes.  Cette  décrctale  a 
été  depuis  confirmée  par  le  concile  de  Trente, 
(^(f.  de  la  réformation  ,  cap.  1". ,  oli  il  dit  :  Doce-itc) 
fcripturam/acram,  dum  publiée  in  fcholis  docucnnt  ^ 
6»  fcliolares  qui  in  ipfis  fchoUs  Jlude.1i ,  privïlegii's 
omnibus  de  perceptione  fruSiu.um  prccbcr.darum  &  be- 
ncfid^run piorum  in  ab/entiâ  à  jure  commuai  cm- 
cejjis  plenc  ^audeant  &  fruantw. 


492 


PR  RSENCE. 


La  textes  que  nous  venons  de  rapporter  ne 
conceriient  ,  à  la  vérité  ,  que  les  profetTeurs  & 
l«s  étudians  en  théologie  ;  mais  les  fuccefTeurs 
d  Honoré  III  avoient  accordé  la  même  grâce  aux 
profefleurs  déroutes  les  autres  facultés.  Jean  XXII , 
dans  la  bulle  que  rapporte  Chopin  ,  liv.  de  po- 
litid  3  ,  tii.  4  ,  n.  ult.  l'accorde  généralement  & 
fans  diftinflirfn  à  tous  les  maîtres  &  régens  de 
runiver/ité  de  Paris.  Vobis  indulgcmus ,  ydh-'û  ,  ut 
univerfi  magijlri  prafentes  &  futuri  in  jludio  vsflro 
.-lihi  jludentes  ,  frutluf  ,  redditus  &  proventus  om- 
nium heneficiorum  qua  obtinent ,  ctiamjî  dignitates  , 
perfonatus  vel  u£icia  exïjlant ,  dummodb  hujufmodi 
dignitates  in  cathedralibus  majores  pofl  pontificalem 
&  in  collegialis  ecclejîis  principales  non  fint ,  cum 
cnini  integritate  iifque  ad  quinquennium  percipere  li- 
bère valeant  quotidianis  dijlributionibus  duntaxat 
tx'.eptis.  Charles  V  ,  dans  fes  lettres-patentes  du 
mois  de  mars  1366,  fuppofe  que  le  privilège  ac- 
cordé ici  pour  cinq  ans  feulement ,  avoir  été  éten- 
du par  d'autres  bulles  jufqu'à  feptj  ce  qu'il  con- 
firme par  fon  autorité  royale. 

Toutes  ces  bulles  ne  donnoient  point  à  per- 
pétuité aux  profeffeurs  le  droit  d'être  tenus  pré- 
fens  dans  leurs  bénéftces  ;  mais  l'ufage  y  fuppléa  , 
&.  tous  les  profefleurs  de  1  univerfité  de  Paris  , 
même  ceux  de  la  faculté  des  arts,  ont  joui  au- 
trefois de  ce  privilège. 

Aujourd'hui  il  n'y  a  plus  que  les  profefleurs  de 
théologie  qui  foient  en  poffeflîon  de  percevoir 
les  fruits  de  leurs  bénéfices  fans  réfiderdans  leurs 
o^^lifes.  "  On  ne  voit  point ,  dit  l'éditeur  des  mé- 
•ji  moires  du  clergé,  que  les  profeffeurs  des  autres 
7>  facultés  fe  prévalent  aujourdhui  des  privilèges 
»  qui  leur  ont  été  accordés  autrefois  ;  &  s'ils  le 
»  faifoient ,  leur  prétention  paroîtroit  extraordi- 
5)  naire  ».  Les  arrêts  maintiennent  dans  ce  droit 
ceiix  de  la  faculté  de  théologie  de  Paris.  Nous  en 
avons  un  du  4  juillet  1736,  rendu  au  parlement 
de  Rouen  pour  un  pvofeffeur  en  théologie  de  l'u- 
iiiverfité  de  Caen,  qui  ctoit  en  méinetemps  cha- 
noine de  la  cathédrale  de  Bayeux,  Cependant  on 
ne  pourroit  pas  aflurcr  que  les  profeffeurs  en  théo- 
logie de  toutes  les  univerfués  du  royaume  y  fe- 
roTent  maintenus ïparce  qu'il  y  :i  plufieurs  dç  ces 
univerfités  qui  femblent  aujourd'hui  en  avoir  perdu 
la  poffeffion.  Au  relie  ,  félon  la  jurifprudence  ac- 
tuelle du  royaume  ,  les  profeffeurs  en  théologie 
qui  jouiffent  du  privilège  d'être  tenus  préfens,  en 
jouiffent  avec  la  rrénie  étendue  que  tous  les  au- 
tres privilégiés  ;  c'eft-à-dire  ,  qu'ils  perçoivent  les 
diftributions  ordinaires  ,  &  que  s'il  y  en  a  quel- 
ques-unes qu'en  ne  leur  accorde  point,  c'eft  que 
les  autres  privilégiés  en  font  également  pvivés. 

A  l'égard  des  écoliers  qui  étudient  dans  les  uni- 
verfr.és  ,  leur  privilège  n'eff  pas  auffi  étendu  ;  on 
ne  leur  accorde  que  les  gros  fruits.  Louet  &  Bro- 
deau  rapportent  plufieurs  arrêts  qui  ont  confirme 
cet  ufaee,  &■  il  n'y  a  aucun  ciiapitre  dans, le  royau- 
me qul^leHr  accorde  les  diftril3^fions. 


PRÉSENCE. 

Nju5  avons  vu  que  les  papes  ne  leur  accor- 
doient  autrefois  le  droit  de  toucher  les  gros  fruits 
de  leurs  prébendes  que  pour  cinq  ans  ;  que  Charles 
V  avoit  étendu  ce  temps  jufqu'à  fept  années.  Au- 
jourd'hui il  n'y  a  point  d'autre  temps  déterminé 
pour  le  privilège  des  chanoines  étudians  ,  que  ce-i 
lui  du  cours  de  leurs  études  ;  &,  ce  ne  font  pas 
ieuiement  les  étudians  en  théologie  qui  en  jouif- 
fent ,  il  eft  accordé  à  tous  ceux  qui  étudient  en 
philofophie  &  ^ans  les  humanités. 

Ils  doivent  demander  à  leur  chapitre  permiffion 
pour  aller  aux  écoles  publiques.  Il  eft  du  bon  ordre 
qu'ils  n'entreprennent  point  un  cours  d'étude  fans 
avoir  demandé  l'avis  du  chapitre  ,  &  fans  avoir 
obtenu  fa  permiffion.  Rebuffe  dit ,  à  la  vérité  ,  que 
ce  n'efl  point  la  coutume  de  France  que  les  cha- 
noines fèculiers  demandent  cette  permiffion  ;  & 
Brodeau  fur  Louet ,  lettre  E,  cite  un  arrêt  du  par- 
lement de  Paris  du  6  mai  1577  ,  qui  l'a  ainii  jugé 
contre  le  chapitre  de  Nevers  ,  en  faveur  du  fieur 
Albin  ,  chanoine  de  cette  églife  :  mais  il  y  a  lieu 
de  croire  que  le  parlement  n'a  difpenfé  le  ficur 
Albin  d'obtenir  la  permiffion  du  chapitre  ,  que 
parce  qu'il  l'avoit  déjà  demandée  &  qu'il  en  avoit 
effuyé  un  refus.  Or ,  il  eft  certain  que  fi  les  jeunes 
chanoines  font  obligés  de  demander  la  permiffion 
du  chapitre ,  le  chapitre ,  de  fon  côté  ,  ne  doit 
pas  la  refufer  à  ceux  qui  ont  les  taléns  néceffaires , 
&  que,  dans  le  cas  de  refus  injufte  de  la  part  du 
chapitre  ,  ceux-ci  peuvent  ufer  du  privilège  que 
les  lois  leur  donnent. 

PluGeurs  conciles  avoient  décidé  que  les  cha- 
noines ne  pourroient  aller  étudier  dans  les  écoles 
publiques  ,    lorfqu'ils    auroient    atteint   l'âge    de 
trente  ans;  d'autres,  que,  fuppofé  qu'ils  fuffent 
en    cours  d'étude ,  ils  cefferoient  à  cet  âge  d'être 
tenus  préfens  ,  quoiqu'ils  ne   fuffent  pas  obligés 
de   le  difcontinuer.  Chopin  ,    liv.  de  facrâ  polir. 
tir.  3   ,  n.  18  ,  écrit  que    par  un  ftatut    iolemnel 
de  l'églife  collégiale  de  faint  Grégoire  de   Ven- 
dôme du  18  janvier  1376  ,  confit mé  par  arrêt  du 
parlement  du  %j  février  fuivant  ,  il  a  été  ordonne 
que  les  jeunes  chanoines  &  les  nouveaux  chape- 
lains de  cette  églife   iroient  étudier   aux  univer- 
fités, pour  fe  rendre  capables  de  fervir  utilement 
l'églife,   jufqu'à  l'âge   de  vingt-quatre  ans,  pen- 
dant lequel  temps  ils  percevroient  feulemerit  Is 
gros  Si  moitic  des  difiributions  de  leurs  bénéfices. 
Mais  la   jurifprudcnce  n'a   point   déterminé  le 
temps  ,  paffé  Lquel  les  chanoines  ne  pourroient 
plus  aller  étudier  dans  les  univerfités  ;  &  le  h.en 
de  l'églife  demandoit  qu'on  n'étabht  point   à   ce 
fujet  de    règle  générale  ,  parce  qu'un    chanoine 
qui  n'aura  penfé  que  très-tard  à  commencer  fon 
cours  d'études ,  peut  dans  la  fuite  lui  être  encore 
très-utile. 

Les  chanoines  étudians  peuvent  exiger  d'être 
tenus  préfens,  quand  ils  n'auroicnt  point  tait  leur 
ftagc  ;  n-.ais  ils  n  en  font  point  exempts  pour  cela  , 
.le  ""temps .  n'eu  eft  que  différé.  C'eil  ce  qui  a  été 


PRÉSENCE. 

jugé  pat  arrêt  du  parlement  de  Paris  ,  du  ai  mai 
1583.  Par  cet  arrêt,  il  a  été  ordonné  qu'un  cha- 
noine de  iaint  Pierre  de  Laon  ,  nommé  Loifel  , 
étudiant  dans  l'univerfité  de  Paris ,  percevroit  le 
gros  de  fa  prébende,  tant  qu'il  feroit  écolier,  quoi- 
qu'il n'eut  pas  fau  Ion  ftage.  Louet,  qui  rapporte 
cet  arrêt,  obferve  qu'il  n'en  faut  pas  inférer  que 
les  chanoines  étudians  font  difpenfés  du  ftage  dans 
les  églifes  où  il  eft  établi  par  un  ftatut  particulier  ; 
ôc  que  tout  ce  qu'on  en  doit  conclure,  c'eft  que 
robligation  d'y  fatisfaire  eft  feulement  différce 
après  la  fin  des  études. 

On  ne  peut  jouir  du  privilège  d'être  tenu  pré- 
fent  pour  raifon  d'études ,  fans  avoir  pris  poifef- 
fion  perfonnelle. 

Nous  n'avons  point  de  conciles  ni  d'ordonnances 
qui  aient  déterminé  quel  peut  être  le  nombre  des 
chanoines  étudians  dans  un  chapitre,  comme  nous 
en  avons  qui  l'ont  déterminé  par  rapport  aux  cha- 
noines de  la  chapelle  du  roi.  Cependant  on  ne 
doit  pas  croire  que  les  chapitres  font  obligés  de 
tenir  préfens  tous  ceux  qui  s'abfenterolent  pour 
raifon  d'études.  Il  faut  tenir  pour  règle  ,  qu'il  doit 
refler  un  nombre  fuffifant  de  chanoines  pour  cé- 
lébrer le  fervice  divin  avec  la  décence  convena- 
ble. Ainfl ,  dans  un  chapitre  confidérable  ,  on  peut 
permettre  à  un  plus  grand  nombre  de  chanoines 
d'aller  étudier  dans  les  univerfités,  que  dans  les  cha- 
pitres quilefont  moins.  C'eft  pour  cela  que  les  arrêts 
ne  font  point  conftans  fur  cette  matière,  &  qu'ils 
ont  régie  le  nombre  des  chanoines  étudians  à  deux 
ou  trois,  félon  le  nombre  des  chanoines.  Nous  en 
avons  un  du  14  mars  1614,  rendu  au  parlement 
de  Paris,  qui  juge  qu'il  pourra  y  avoir  quatre  cha- 
noines dans  l'églife  de  faint  Cerneuf  de  Billon  , 
en  Auvergne  ,  qui  jouiront  de  l'exemption  de  la 
réfidence  en  faveur  des  études. 

Quand  les  fondateurs  ont  voulu,  dans  uneéglife, 
que  les  prébendes  ne  fuffent  conférées  qu'à  des 
eccléfiaftlques  qui ,  lors  de  la  collation ,  euffent 
l:i  fciencc  &  la  capacité  requifes ,  ce  privilège  des 
chnnoines  étudians  ne  peut  avoir  lieu.  C'efl  ce 
que  nous  pouvons  conclure  indireêtement  d'un  ar- 
rêt du  parlement  de  Paris  du  2  juillet  1556,  par 
lequel  il  fut  jugé,  qu'un  particulier  qui  avoit  été 
dilpenfê  de  rénder  par  cette  confidération  qu'il 
étoit  in  j:onfonlo  &•  famil'ui  papcz  ,  avoit  été  mal  & 
abuûvement  difpenfé,  parce  que  la  fondation  re- 
quéroit  expreiTément  la  réfidence.  Par  conféquent , 
(i  une  tondation  exigeoit  que  les  prébendes  ne 
fuffent  point  données  à  des  étudians ,  la  difpenfe 
de  féfidcr  pour  caufe  d'études  feroit  abufive. 

Nous  avons  dit  que  les  chanoines  étudians  ga- 
gnoient  le  gros  de  leurs  prébendes;  cependant 
cette  règle  n'eft  point  générale;  un  grand  nombre 
de  chapitres  font  en  poflefnon  de  leur  donner  des 
penfions,  au  lieu  des  gros  fruits.  Plufieurs  arrêts 
ont  autorjfé  cetiifagc,  lorfque  les  penfions  font 
proportionnées  aux  fruits  de   la  prébende  ,    ou 


PRÉSENCE.  493 

qu'elles  font  eftimées  fuiîifantcs  pour  l'entretien 
des  étudians. 

On  fent  que  la  raifon  qui  a  eng:igé  les  cours  à 
mettre  une  différence  entre  les  étudians  &  les  au- 
tres privilégiés,  c'efl  que  ces  derniers  font  regar- 
dés comme  ayant  un  droit  acquis  aux  fruits  de 
leurs  prébendes  ,  par  les  fervices  qu'ils  rendent 
elFeêllvement ,  ou  qu'ils  font  préfumés  rendre  à 
l'églife.  Les  chanoines  étudians  ,  au  coiuraire  , 
n'ont  point  encore  rendu  de  fervices  à  leglile, 
&  ne  lui  en  rendent  point  effeêlivenicnt  pendant  le 
cours  de  leurs  études.  Ils  lui  donnent  lieu  ,  à  la  vé- 
rité, d'efpérer  qu'elle  pourra  fe  fervir  un  Jour  utile- 
ment d'eux,  s'ils  mettent  à  profit  le  temps  qui  leur 
eft  accordé  pour  étudier;  mais  des  fervices  futurs 
&  feulement  en  efpérance,  n'équivalent  point  à 
des  lervices  préfens.  Il  n'eft  donc  pas  déraifonnable 
de  les  traiter  moins  favorablement  que  les  profef- 
feurs  en  théologie,  par  exemple,  ou  que  lesconfeil- 
lers  des  cours  fouveraines.  La  juftice  &  l'intérêt  de 
l'égUiê  demandent  feulement  qu'ils  foient  pourvus 
d'une  manière  fullifante  à  leur  fubfilknce ,  pendant 
qu'ils  étudient. 

Mais  il  faut  que  les  penfions  que  les  chapitres 
leur  accordent ,  pour  être  autorifées  ,  foient  pro- 
portionnées ,  d'une  part ,  au  gros  de  la  prébende  , 
&  de  l'autre ,  qu'elles  foient  fuffifanres  pour  4eur 
entretien.  Si  la  penfion  aflignée  au  chanoine  étu- 
diant n'étoit  que  la  quatrième  ou  la  cinquième  par- 
tie de  fon  gros,  il  y  a  tout  lieu  de  croire  qu'il  par- 
viendrolt  à  s'en  faire  adjuger  une  plus  confidéra- 
ble ;  &■  les  chanoines  étudians  font  toujours  par- 
venus à  obtenir  une  augmentation  ,  quand  leur  gros 
étant  fufHfant  pour  leur  entretien,  la  penfion  qui 
leur  avoit  été  adjugée  par  le  chapitre  ne  pouvoir 
pas  fournir  à  leur  fubfilîance. 

Ce  que  nous  venons  de  dire  peut  fervir  de  rè- 
gle pour  les  églifes  qui  ont  confcrvé  la  divifion  des 
fruits  des  prébendes  en  gros  &  en  difhibutions  ; 
mais  il  y  en  a  qui  les  ont  tous  convertis  en  dif- 
trlbutions  manuelles  :  on  peut  demander  quelle 
fera  dans  ces  églifes  la  portion  des  chanoines 
étudians. 

Les  canons  &  les  ordonnances  n'attribuent  quj 
les  gros  fruits  aux  clianoines  étudians  ,  &  non  les 
diftributions  quotidiennes  ;  ils  ne  doivent  donc  pas 
jouir  de  tous  les  fruits  de  leurs  prébendes.  Les  dll- 
tributions  manuelles  reprêfentant  la  totalité  des 
fruits  dans  les  églifes  dont  nous  parlons ,  les  cha- 
noines étudians  doivent  donc  percevoir  une  par- 
tie confidérable  des  diftributions  ;  mais  les  cha- 
pitres ne  foru  pas  obligés  de  les  leur  accorder  en 
entier.  Aufïï  la  pratique  la  plus  ordinaire  des  égli- 
fes ,  où  tous  les  fruits  des  bénéfices  font  en  diilri- 
butions ,  &  qui  ne  font  pas  en  pofTelTion  de  don- 
ner des  penfions  aux  étudians ,  eft  de  leur  retran- 
cher la  troifiême  partie  des  diftributions,  &  de  ne 
leur  en  accorder  que  les  deux  tiers.  Cet  ufage  eft 
conforme  à  la  décifion  de  h  cont^régation  du  con- 
cile. Barbofa  de  canoni.  c.   15  ,  &  Fagnan  fur  U 


494  PRÉSENCE. 

chap.  Jtf  cxtcro.  de  clericis  non  refiJcnt'ihus ,  en  par- 
lent comme  d'une  difcipline  conilamment  ét;iblie  ; 
îk  1  éditeur  des  mémoires  du  clergé  dit  qu'elle  n'a 
rien  de  contraire  aux  maximes  &  aux  ordonnances 
du  royaume. 

Nous  avons  fait  «ne  quatrième  clafle  de  ceux  qui 
font  abfens  pour  les  arTaires  temporelles  du  cha- 
jMtre  ou  du  diocèfc  ,  qui  comprend  par  conféqueiu 
les  chanoines  agens  du  clergé  ,  les  agens  des  dio- 
ctlies  &  des  provinces  ,  les  députés  aux  états  & 
aux  chambres  eccléfiaftiques  des  décimes.  Les  cha- 
noines employés  de  cette  manière  font  tous  dif- 
pcnfés  rie  la  refidencc  ,  &  perçoivent  les  fruits  de 
Jeurs  prébendts  ,  non-feulement  quant  au  gros  , 
mais  quant  aux  diflributions  quotidiennes.  On  peut 
voir  dans  les  mémoires  du  clergé  ,  tom.  2  ,  col.  990 
&  iuivantes,  les  alTemblées  du  clergé  &  les  arrêts 
du  confeil  d'état  qui  leur  ont  accordé  ce  privilège. 
Nous  nous  contenterons  de  citer  un  arrêt  du 
confeil  privé  du  19  oiftobre  1638,  contre  le  cha- 
pitre de  C  hartres  ,  qui  a  jugé  qu'iui  promoteur  de 
Âa  chambre  des  décimes  jouiroit  des  diflributions 
tle  fa  prébende  ,  tant  qu'il  exerceroit  la  fonélion  de 
proinoîeur. 

Les  agens  des  chapitres,  hors  du  lieu  ,  font  éga- 
Jenient  exempts.  Si  le  bien  de  l'églife  l'oblige  à 
députer  des  eccléfiitftiques  pour  veiller  à  fes  af- 
faires générales  ,  l'intérêt  de  ciiaque  églifc  parti- 
culière la  met  aulll  dans  la  néceffité  de  députer  de 
fes  membres  ,  pour  la  pourfuite  de  fes  affaires  par- 
ticulières ;  &  les  chanoines  qui  travaillent  pour  l'in- 
térêt des  églifes  particulières  ,  ne  méritent  pas 
moins  qu'on  leur  accorde  la  fubfiiîance  ,  que  ceux 
qui  font  employés  aux  affaires  générales  de  l'églife. 

Enfin  les  chanoines,  qui  ,  durant  l'oflîce,  font 
occupés  au  bureau  des  pauvres  en  qualité  d'ad- 
îTiiiîiflrateurs  ,  f»it  des  hôtels-dieu,  foit  des  hô- 
pitaux, font  ordinairement  réputés  pré(én«.  Nous 
n'avons  à  la  vérité  aucun  règlement  général  qui 
leur  donne  ce  privilège;  mais  l'ufage  les  exempte 
de  l'affillance  de  rcifice ,  &  les  arrêts  les  main- 
tiennent dans  ce  droit.  On  trouve  dans  le  tome 
fécond  des  mémoires  du  clergé  un  arrêt  rendu 
fur  ce  fujet  par  le  parlement  de  Touloufe  ,  le 
^  décembre  1575  ,  en  faveur  d'un  chanoiiie 
d'Aufch. 

Il  ne  nous  reHe  plus  qu'à  parler  des  chanoines 
qui  font  au  fervice  des  princes  ou  de  létar.  Les 
chanoines  confeillers,  dans  les  cours  fouveraines  , 
font  réputés  préfens  pour  tout  le  temps  que  dure 
l'exercice  de  leurs  fom^ions.  Les  fervices  qu'ils 
rendent  à  l'état ,  dans  l'adminiflration  de  la  jiif- 
rice,  &  fouvent  à  l'églife  elle-m.êmc  ,  exigent  ce 
témoignage  de  reconnoiffance  de  fa  part ,  &:  il  n'eft 
pas  jufte  qu'étant  entièrement  employés  à  procu- 
rer le  bien  public  dans  les  fondions  les  plus  im- 
portantes ,  ils  foient  privés  de  la  fubfiftance  qui 
leur  eft  due  en  qualité  d'ecclêfiafiiques. 

Rebuffe  prétend  que  le  privilège  des  confeiUers- 
çlepcs  des  parleniens  leur  a  été  accordé  par  Clé- 


PRÉSENCE. 

ment  "VI  ;  mais  fon  origine  doit  être  plus  ancienne  , 
puifque  nous  trouvons  des  confeillers-clercs  du 
parlement  de  Paris ,  qui  font  tenus  préfens  dans 
leurs  églifes  avant  ce  Pontife.  Levaffeur,  dans  fes 
annales  de  Noyon  ,  fait  mention  de  plufieurs 
doyens  de  cette  églife  qui  ont  été  confeillers  au 
parlement ,  &  cite  un  certain  Pierre  Derkeri  qui 
l'étoit  en  1331  ,  8c  qui  a  été  tenu  préfent.  Quel- 
ques années  après ,  nous  voyons  encore  le  mêine 
privilège  accordé  à  des  officiers  de  cette  cour. 
Philippe  de  Valois  donna  ,  le  26  mai  1336,  à  fon 
greffier  en  chef,  chanoine  de  l'églife  métropoli- 
taine de  Rheims,  lettres-patentes  pour  l'autorifer 
à  toucher  ,  quoiqu'abfent ,  les  revenus  de  fa  pré- 
bende. Depuis  ce  temps  ,  les  confeillers-clercs  des 
parlemens  font  en  pofllflîon  de  l'exemption  de  ré- 
fider  ,  non-feulement  pourJes  funples  canonicats , 
mais  même  pour  les  dignités.  Les  regiftres  de  l'é- 
glife de  Beauvais  nous  apprennent  que  Jean  ce 
Mortis  &  Gui  Loifel ,  pourvus  de  la  clîantrerie 
de  cette  églife  ,  qui  efl  la  troifième  dignité,  o.n 
toujours  été  réputés  préfens ,  en  vertu  du  privi- 
lège attaché  à  leur  office.  Les  chapitres  qui  leur 
ont  voulu  contefler  ce  droit,  ont  toujours  perdu 
leur  procès  ;  6f  Chenu,  tit.  premier  ,  chap,  9,  rap- 
porte fur  ce  fujet  un  arrêt  du  grand  confeil  ,  rendu 
le  9  fcptembre  1537  ,  au  profit  d'un  confeiller- 
clerc  du  parlement  de  Rouen,  qui  étoit  chantre 
en  dignité  ,  Si  chanoine  de  l'églife  d'Evreuv. 

Les  confeillers-clercs  ne  font  pas  feulement  te- 
nus préfens  pour  les  prébendes  qu'ils  pofsédent 
dans  le  relTort  des  parleinens  dont  ils  font  mem- 
bres; en  quelque  partie  du  royaume  que  foit  fi- 
tué  leur  bénéfice  ,  on  ne  peut  leur  contefier  ce 
privilège.  C'eft  ce  qui  a  été  jugé  par  arrêt  du  par- 
lement de  Paris,  du  Z'^  juin  1595  ,  qui  adjuge  à 
M.  de  Moufli  ,  confeiUer  au  parlement  de  Rouen  , 
&  chanoine  de  Sens ,  les  gros  &  autres  fruits  de 
fi  prébende  ,  depuis  le  jour  de  fa  prife  de  pof- 
fellion  perfonnelle,  à  l'exception  des  diflributions 
manuelles  ,  tant  qu'il  a  fait  ou  fera  fervice  au 
roi  ,  au  parlement  de  Rouen  ,  audit  office  de 
confeiller. 

On  peut  encore  conclure  plufieurs  autres  chofes 
de  cet  arrêt  :  la  première  c'efî  que  les  confeillers- 
clercs  ne  font  exempts  que  pendant  le  temps  c!e 
leur  fervice  à  la  cour.  «  Préjugeant  la  cour,  dit 
i>  Louet  qui  rapporte  cet  arrêt,  que  ledit  fieurde 
)>  Moufl'i  devoit  aller  audit  chapitre  au  temps  des 
■>■>  vacations  ,  qu'il  n'étoit  en  exercice  île  fondit 
>>  Oî^>ce  ftle  confeiller;  autrement  qu'il  perdroit  les 
»   fruits  au  prorata  i». 

Le  parlement  de  Touloufe  a  jugé  la  mêiue 
choie  par  deux  arrêts  des  28  juillet  1638  &  14 
mars  1689  ,  qui  font  rapportés  par  Catellan  .  liv.  1  , 
chap.  51.  Ces  deuxarrèts,  en  adjugeant  aux  con- 
feillers clercs  chanoines,  quoique  non  prclers,  ies 
rétributions  desanniverfaires  &  fondations  ,&  t5>i;s 
les  autres  fruits,  à  l'exeption  d^.s,  diO'-ibtuions  ma- 
nuelles qui  fe  donnent  au  chceur,  ordonnent  que 


PRÉSENCE. 

ecttc  exemption  ne  durera  que  pendant  la  tenue 
du  parlement,  &  que  ,  dans  le  temps  des  vaca- 
tions ,  les  conleillers-ciers  qui  ne  (eront  p  is  de  (er- 
vice  en  ceue  chambre  ;  redeviendront  lujets  à  l'o- 
bligation commune  de  deffervir  leurs  prébendes  «ji 
d'alfifter  aux  oftlces  ,  fous  les  peines  ordmaires, 
à  moins  qu'en  ce  temps-là  ils  ne  (oient  occupés 
comme  commiilaires  ù  l'exécution  de  quelque  ar- 
rêt du  parlement. 

Mais  l'arrêt  du  28  juillet  1658  a  jugé  encore  quel- 
que choCe  de  particulier;  il  décharge  les  conlcil- 
lers-clercs  de  deffervir  leurs  canonicats  les  jours 
fériés  du  temps  de  la  tenue  du  parlement  ;  &  c'eft 
ce  qui  eft  fuivi  dans  l'ufage.  On  penfe  qu'il  ell 
jufte  de  donner  ce  temps  aux  confeillers  chanoi- 
nes, pour  examiner  les  procès  qu'ils  ont  à  rappor- 
ter ;  6c  on  juge  qu'il  ne  faut  point  avoir  égard  aux 
uTages  des  églifes  ,  qui  pourroient  jiérourner  les 
chanoines  confeillers  de  l'afliduité  au  palais,  parce 
qu'on  la  regarde  comme  plus  favorable  à.  plus  né- 
ceffaire  que  l'affiftance  au  chœur. 

La  féconde  chofe  que  nous  devons  conclure  de 
l'arrêt  du  25  juin  1595  ,  rendu  en  faveur  de  iVJ.  de 
MoufTi ,  coniéiUer  au  parlement  de  Rouen,  c'e(ï 
que  les  confeillers  chanoines  n'ont  pas  droit  de 
percevoir  les  fruits  de  leurs  prébendes  ,  qu'ils 
n'aient  pris  poffeffion  en  perfonne  ,  puifqu'il  n'ad- 
juge au  fieur  de  Mouffi  les  fruits  de  l'a  prébende  , 
qu'a  condition  qu'il  prendra  polTelfion  en  perfonne. 

Une  troihème  décifion  qu  on  peut  en  inférer  , 
c'eft  que  les  confeillers-clercs  chanoines  gng.ient 
les  gros  fruits  de  leur  prébende  &  les  diftnbutions 
quotidiennes ,  mais  qu'on  ne  leur  accorde  point  les 
diflnbutions  manuelles  ,  attribuées  en  argent  à 
ceux  qui  aiHAent. 

Pour  ce  qui  concerne  les  gros  fruits  ,  on  trouve 
à  la  vérité  un  arrêt  du  confeil  privé  du  19  juin 
1583,  qui  n'en  adjuge  au  fieur  Coquelay  ,  cha- 
noine de  l'églife  de  Meaux  &  confeiller  au  parle- 
ment de  Paris  ,  que  la  moitié  ;  mais  cet  arrêt  ne 
peut  faire  de  préjugé  contre  le  droit  confiant  &; 
reconnu  des  confeillers  -  clercs.  "  On  n'a  jamais 
»  douté  au  palais  ,  dit  Louet ,  que  les  confeillers- 
M  clercs  ne  gagnaffent  les  gros  fruits  de  leur  pré- 
y>  bende  en  entier  pendant  le  fervice  qu'ils  ren- 
»  dent  au  roi  ■»,  Et  fi  l'arrêt  que  nous  venons  de 
rapporter  n'adjuge  au  fieur  Coquelay  que  la  moi- 
tié des  fruits  ,  c'eft  qu'il  étoit  en  même  temps  cha- 
noine de  Paris.  Son  privilège  ne  pouvoit  pas  opé- 
rer plus  que  la  réfidence  elle-même,  qui  ne  pou- 
voit avoir  lieu  en  même-temps  dans  les  deux  églifes. 

A  l'égard  des  diflributions  manuelles  qui  font 
dirtribuées  en  argent  aux  préfens  ,  tous  les  arrêts 
s'accordent  à  les  refufer  aux  confeillers  clercs  des 
parlemens.  Un  arrêt  du  parlement  de  Paris  du  9 
juin  1600,  ordonne  que  M.  du  Tillet  ,  confeiller 
au  parlement  ,  jouira  de  tous  les  fruits  de  la  pré- 
bende qu'il  avoit  darïs  1' 'glife  du  Mans  ,  à  l'excep- 
tion (les  diflrifcutfon>>  manuelles  qui  fe  donnent  en 
argent  au  choeur  après  le  fervice.  Un  aiure  arrêt  du 


PRÉSENCE. 


495 


31  janvier  1606  refufe  aux  fieurs  Bui/Ton  &  de 
f  lieiis ,  confeillers  au  parlement  ,  chanoines  de 
l'égiife  de  Cliartres  ,  les  diflributions  manuelles 
qu  on  donnoit  autrefois  aux  allillans  ,  quoique  de- 
puis la  prellation  en  eût  été  changée  par  ordon- 
nance capituiairc.  Il  n'y  a  donc  point  de  diftérence 
a  cet  égard  entre  les  confeillers  -  clercs  du  parle- 
ment &  les  autres  privilégiés  ;  ils  touchent  les  di(- 
tribuiions  quotidiennes  qui  font  mifes  en  table  ; 
mais  pour  les  dii^ributioiis  purement  manuelles, 
elles  ne  leur  appaniennent  ,  ainfi  qu'à  tous  les  au- 
tres privilégiés  ,  que  lorfque  l'ufage  &  lès  flators 
des  éi'Jifes  ordonnent  qu'elles  feront  accordées  à 
ceux  qui  font  tenus  préfens. 

Lts  confeilîers-clercs  jouiffent  auflî  de  leur  pri- 
vilège, quand  même  ils  n'auroient  pas  fait  leur 
flage.  On  trouveunarrêt  duparlementde  Pdrisdu  15 
décembre  i  550,  qui  a  condamné  le  chapitre  du  Mans 
à  vendre  au  fi;ur  Goelvrot  ,  chanoine  de  cette 
églife  6c  confeiller  au  parlement  ,  les  gros  fruits  & 
les  autres  revenus  de  fa  prébende  ,  excepté  les  dif- 
tribuiions  quotidienries  (  c'efl-à-dire  manuelles  )  , 
quoiqu'il  n'eût  pas  tait  fou  flage. 

Ils  ont  encore  droit  à  la  collation  des  bénéfices  , 
lorfque  les  chanoines  font  convenus  de  fe  h  parta- 
ger par  tour.  L'arrêt  du  3  i  janvier  1  606  ,  que  nous 
avons  déjà  cité,  ordonne  que  les  fieurs  Buifion  & 
de  Thelis ,  chanoines  de  Pêglife  de  Chartres,  fe- 
ront mis  fur  le  tableau  ,  en  leur  ordre  ,  pour  leur 
droit  de  colUtion  des  bénéfices  Se  autres  dont 
jouiiTent  les  chanoines  réfidens. 

Il  n'efl  pas  également  certain  que  le  droit  d'érrc 
tenus  préfens  appartienne  aux  confeillers-clercs  des 
préfidiaux  ,  fénéchuulîées  &  bailliages.  Il  y  a  des 
auteurs  qui  foutiennent  l'affirmative.  Henrys  ,  après 
avoir  difcuté  la  quedion  &  rapporté  avec  étendue 
les  raifons  pour  Se  contre  ,  penfe  qu'ils  doivent 
être  tenus  préfens.  D'Olive,  au  contraire  ,  liv.  i  , 
clmpitre  1 1  ,  eflime  que  ce  privilège  n'appartient 
qu'aux  cours  fouveraines  ;  &  c'efl  le  fentiment  du 
plus  grand  nombre  ,  d'autant  plus  que  les  arrêts  le 
leur  refuient.  Albert,  dans  fon  recueil  des  arrêts 
du  parlement  deTouloufe,  en  cite  un  qui  fut  rendu 
le  22  mars  1644,  contre  le  fieur  Croiffa nt  ,  cha- 
noine d'Aufch  Si  confeiller  à  la  fénéchaufîée  de 
cette  ville.  "  On  ne  voit  point  encore  ,  dit  l'aH- 
T>  teur  des  lois  ecclefiaftiques  ,  au  titre  du  fervice 
17  divin  ,  n".  28  ,  d'autorité  fur  laquelle  on  puifTe 
»  appuyer  leur  privilège  ,  &  leurs  raifons  n'oi^t 
)>  point  paru  affez  fortes  pour  l'emporter  fur  l'u- 
»  fage  qui  le  leur  refufe  », 

On  croit  communément  que  Grégoire  X  eft  l'au- 
teur du  privilège  des  chanoines  commenfai>x  de  la 
maifon  du  roi  ;  mais  il  doit  être  plus  ancien.  Pierre 
de  Blois  ,  qui  ècrivoit  vers  le  milieu  du  douzième 
fiècle,  en  fait  mention  dans  fa  lettre  13^  ,  8c  il  en 
eft  parlé  dans  un  ftatut  de  l'églife  de  Paris  de  l'.Tn 
1170,  qui  fut  depuis  confirmé  par  Alexandre  IIL 
Quoi  qu'il  en  foit  de  fon  antiquité  ,  il  fe  trouve 
auîorifé  non-feultmemparles  bulle*  de  Grcgoife 


49<5  PRÉSENCE. 

X  ,  m?.  Is  encore  parcelles  de  fes  fuccefleucî  Alexari' 
dre  IV  &  Clément  Vf.  Li  bulle  de  Clément  VI  leur 
permet  de  percevoir  les  fruits  de  tous  les  bénéfices 
qu'ils  pourront  po/Téder ,  foit  dans  les  cathédrales  , 
foit  dans  les  collégiales  ,  de  quelque  nature  &  ef- 
pèce  qu'ils  foient ,  fans  exception  des  premières 
dignités  ,  perfonnats  &  offices  ,  quand  ils  n'au- 
roient  point  fait  de  ftage ,  de  même  que  s'ils  réfi- 
doient  en  perronne,&  ce  nonobftant  tous  ftatuts 
&  conftitutions  canoniques  ,  quoique  confirmés 
par  ferment.  Nos  rois  l'ont  auffi  confirn]é  par  des 
lettres -patentes  des  années  I5';i,  1554,  M^7  > 
1581  ,  1606  &  i6ia  ,  &  par  les  déclarations  de 
1666  &  1727. 

Ce  privilège  eft  accordé  aux  aumôniers ,  chape- 
lains ,  clercs,  chantres  &  autres  officiers  ecclehalVi- 
ques,  tant  de  la  maifon  du  roi  que  de  celU;  de  la 
reine  &  des  enfans  de  France  :  les  précepteurs  des 
pages  y  font  compris,  ainfi  que  nous  l'apprenons 
d'un  arrêt  du  13  feptembre  1667,  rendu  au  con- 
feil  du  roi  au  profit  du  fieur  Varlet  ,  chanoine  de 
Saint-Quentin,  &  précepteur  des  pages  du  roi,  qui 
l'a  mis  au  nombre  des  privilégiés. 

On  ne  trouve  aucune  bulle  qui  l'accorde  aux 
officiers  eccléfiaftiques  des  princes  du  fang  ;  mais 
la  jurifprudence  des  arrêts  y  a  fuppléé.  Nous  avons 
deux  arrêts;  le  premier  du  20  juin  1635  ,  i>-\Q  f<^- 
cond  du  3  I  décembre  1639  ,  qui  ont  été  rendus  au 
profit  de  deux  aumôniers  de  M.le  prince  de  Conùé» 
dont  l'un  étoit  chanoine  de  faint  Honoré  de  Paris  , 
&.  l'autre  de  faint  Etienne  de  Bourges.  Le  chapi- 
tre de  faint  Honoré  produifoit  cependant  des  bulles 
qui  obligent  tous  les  chanoines  de  cette  églife  à  la 
réfulence  ,  à  l'exception  des  feuls  officiers  de  la  cha- 
pelle du  roi.  Au  refte ,  la  déclaration  du  18  mars 
1666  ne  laifTe  plus  fur  cet  article  de  difficulté  à  l'é- 
gard de  ceux  qui  font  employés  fur  les  états  du 
roi. 

Le?  chanoines  de  la  fainte  chapelle  étant  autre- 
fois regardés  comme  les  chapelains  ordinaires  du 
Tol ,  jor.'fToient  dti  privilège  d'être  tenus  prtf;.ns, 
fans  réfider  dans  les  autres  églifes  doMt  ils  étoient 
chanoines  ,  8c  par  conféquent  de  pofieder  les  ca- 
nonicats  de  ces  églifes  fans  incompatibilité.  îl  c(ï 
vrai  que  depuis  que  nos  rois  ont  eu  une  autre  cha- 
pelle ordinaire,  on  a  commencé  de  le  leur  con- 
tefter.  La  déclaration  de  1727  fembloit  cependant 
avoir  décidé  la  queAion  en  leur  faveur  ;  mais  celle 
du  18  décembre  1740  leur  a  ôté  abrolmnent  ce 
droit.  Le  roi  y  dit  en  termes  formels  ,  que  fes  cha- 
noines ne  pourront  déformais  poiTéder  avec  leurs 
canonicats  aucun  bénéfice  à  charge  d'ames  ou 
autres  ,  fujets  ,  par  quelque  titre  que  ce  foit,  à  la 
réfidcnce  dans  d'autres  égliies  ,  Ôc  il  y  enjoint  à 
ceux  qui  s'sn  trouvent  actuellement  pourvus  ,  de 
faire  ince(Tamment  leur  option. 

Les  aumôniers  des  régimens  qui  fervent  dans 
les  armées  du  roi  ,  ont  fouvent  fait  leurs  efforts 
pour  s'approprier  ce  privilège  ;  mais  ils  en  ont  tou- 
jours été  débouté*  par  les  arrêts.  Par  arrêt  du  6 


PRÉSENCE. 

mars  1658  ,  rapporté  au  journal  des  audiences  ,  un 
aumônier  du  régiment  des  gardes  ,  chanoine  de 
faint  Thomas  de  Crépy  en  Valois  ,  a  été  dl-bouté 
du  droit  d'être  tenu  prefent  dans^  fon  églife. 

Pour  que  le  trop  grand  nombre  des  privilégiés 
ne  nuife  pas  au  fervice  divin  dans  les  églifes,  la 
piété  de  nos  fouverains  les  a  engagés  à  le  réduire 
dans  de  jufles  bornes.  Henri  II ,  par  fon  édit  du 
mois  d'avril  15^4,  ordonne  que  les  officiers  de  la 
chapelle  &  oratoire  percevront  les  fruits,  enfem- 
ble  toutes  les  diftributions  manuelles  &  quotidien- 
nes de  leurs  dignités  ,  bénéfices  ,  chanoinies  &  pré- 
bendes, pendant  le  temps  qu'ils  feront  au  fervice 
du  roi,  de  même  que  s'ils  étoient  préfens  &c  affif- 
toient  au  fervice  des  églifes  ,  pourvu  néanmoins  , 
ajoute  ce  prince  ,  «  que  defdites  églifes  carhédra- 
»  les  &  collégiales  qui  ne  font  point  à  la  difpofi- 
»  tion  du  roi ,  il  n'y  en  ait  pas  plus  de  deux  ,  6c  es 
w  églifes  collégiales  oii  nous  avons  pleine  &  en- 
»  tiére  difpofition  ,  ils  ne  foient  pas  plus  de  quatre  ; 
»  &  au  regard  de  celles  oîi  le  nombre  eft  de  qua- 
»  rante  ou  plus,  nous  voulons  &  entendons  qu'il 
i>  y  en  ait  fix  v.  L'exécution  de  cet  édit  fut  or- 
donnée par  un  arrêt  du  confeil  privé  du  19  juin 
1585.11  eft  vrai  que  dans  les  déclarations  pofté- 
rieures  il  n'eft  point  queflion  du  nombre  des  pri- 
vilégiés qui  peuvent  être  dans  la  même  églife  ; 
mais  il  fuffit  qu'il  n'ait  point  été  expreffément  dé- 
rogé à  ce  qui  a  été  réglé ,  tant  par  cet  arrêt  du  con- 
feil privé  que  parl'édu  de  1554,  pour  qu'on  doive 
le  regarder  comme  faifant  une  loi  de  laquelle  on 
ne  peut  s'écarter. 

La  déclaration  du  roi  du  mois  de  mars  1666  ,  en- 
regiflrée  au  grand  confeil  le  18  du  même  mois,& 
celle  du  2  avril  1727  ,  auffi  enregiflrée  au  grand 
confeil  le  5  mai  fuivant ,  ayant  réglé  tous  les  droits 
des  officiers  des  chapelles  &  oratoires  du  roi ,  &  de 
tous  ceux  qui  font  employés  dans  les  états  ,  il  ne 
s'agit  que  de  rapporter  leurs  diffiïrentes  difpofi- 
tions  ,  pour  faire  connoître  en  quoi  confifte  leur 
privilège. 

1".  Selon  la  déclaration  de  1766  ,  les  fous-maî- 
tres, chapelains  ,  chantres  ,  clercs  ,  enfans  de  cha- 
pelle ,  oratoire  &  chambre  du  roi ,  &  tous  autres 
employés  dans  les  états  ,  doivent  être  tenus  &  ré- 
putés préfens  dans  toutes  les  églifes  du  royaume  , 
pour  tous  les  bénéfices,  offices  &  dignités  qu'un 
chacun  d'eux  a  auxditcs  églifes  pendant  tout  le 
temps  de  leur  fervice;  favoir,  les  ordinaires  pen- 
dant  toute  l'année  ,  ceux  de  femeftre  pendant  ùx 
mois  ,  &  ceux  de  quartier  pendant  trois  mois  ,  & 
chacun  d'eux  encore  pendant  deux  mois  ,  pour  Te- 
nir &  retourner  à  leurs  bénéfices. 

2°.  Par  celle  de  1727  ,  ils  doivent  entrer  e« 
jouiflance  defdits  revenus  ,  quand  même  ils  n'au- 
roient  pas  fait  le  ftage  prefcrit  par  les  ftatuts  de 
plufieurs  chapitres  ,  à  proportion  néanmoins  de  ce 
qui  en  eft  perçu  par  les  chanoines  afluellcment  ré- 
fidens  qui  font  ledit  ftage  ,  bien  entendu  qu'ils 
aient  pris  pofîelEon  perfonnelle,  fi  les  ftatuts  l'exi- 

fient , 


PRÉSENCE. 

gent ,  &  qu'après  le  temps  de  leur  fervîce  ils  feront 
ledit  ftage. 

3".  Ils  doivent  être  employés  Tur  le  tableau  ,  pour 
rommer ,  félon  leur  rang  ,'"aux  bénéfices  dépendans 
des  églifes  où  ils  ont  des  dignités  &  prébendes  ; 
&  s'il  eft  d'ufage  que  les  nominations  fe  fafîfent  en 
chapitre,  ils  font  admis  à  y  faire  faire  ,  pendant 
leur  temps  de  fervice,  leurs  nominations  par  pro- 
cureur. 

4°.  Ils  doivent  parvenir  aux  maifons  canoniales 
à  leur  tour ,  quand  même  les  ftatuts  des  chapitres 
extgeroient  une  réfidence  aduelle  dans  les  lieux  où 
font  Ici'dits  chapitres  ,  pour  pouvoir  obtenir  ou 
opter  lefdites  maifons. 

5°.  Voulons,  dit  le  roi,  c'eft  toujours  la  décla- 
ration de  1727,  qu'ils  participent  à  tous  autres 
<iroits  généralement  quelconques,  qui  appartien- 
nent aux  titulaires  defdits  bénéfices  ai^uellement 
réfidens  &  préfens  à  l'office  divin  dans  lefdites 
églifes,  à  la  réferve  feulement  des  diflributions 
manuelles  ,  qui  ont  de  tout  temps  accoutumé  de  fe 
faire  à  la  main  ,  au  chœur  &  pendant  le  fervice  di- 
vin ,  en  argent  fec  &  monnoyé ,  fans  que  lefdits 
chapitres  puiiTent  changer  ni  innover,  en  aucune 
manière  que  ce  foit ,  la  forme  des  payemens  &  des 
diftributions ,  au  préjudice  defdits  officiers. 

6°.  Voulons  pareillement  que  tous  offices  &  bé- 
néfices dnns  les  églifes  cathédrales  ou  collégiales  , 
autres  que  les  dignités  ou  prébendes,  chargés  par 
les  fondations  ou  par  l'ufage  defdits  chapitres  d'un 
fervice  perfonnel  &  continuel,  foient  cenfés  à  l'a- 
venir incompatibles  avec  les  charges  de  notre  cha- 
pelle &  oratoire. 

7°.  Voulons  qu'<à  l'avenir  aucun  titulaire  de  pa- 
reils offices  ou  bénéfices ,  ne  puifle  être  pourvu  des 
charges  de  notre  chapelle  &  oratoire,  qu'en  fe  fou- 
mettant  de  rcfigner  lefdits  offices  ou  bénéfices  dans 
le  temps  de  droit. 

(  article  Je  M.  fabbé  Laubry,  avocat  au  par- 
lement Y 

PRÉSENTATION.  Ceft  un  ade  de  procédure  , 
par  lequel  un  procureur  déclare  au  greffe  des  Pré- 
ientations  d'une  cour  ou  d'une  juridiction  royale, 
qu'il  occupera  pour  telle  partie  contre  telle  autre, 
dans  l'inftance  introduite  entr'elles  par  la  demande 
qu'il  défjgne.  Il  y  a  Préfentation  pour  les  deman- 
deurs ,  appelans  ou  anticipans ,  &  Préfentation  pour 
les  défendeurs  .  intimés  &  anticipés. 

L'ufage  des  Préfentations  tÙ.  auiîî  ancien  que 
rétablifiement  de  l'ordre  dans  les  procédures  ;  ces 
Préfentations  fe  prenoient  d'abord  au  greffe  ordi- 
naire ,  où  il  en  étoit  tenu  regiftre  ;  enfuite  il  fut  créé 
des  greffiers  particuliers  des  Préfentations  dans  les 
cours  de  parlement  de  Paris  &  de  Touloufe;  &  cet 
établiffement  ayant  paru  utile ,  il  en  fut  fait  égale- 
ment dans  les  différentes  provinces  du  royaume. 

Par  édit  du  mois  d'août  1575  »  Henri  III  créa  & 

érigea  en  chef  &  titre  d'office  formé ,  un  greffier 

&  garde  des  Préfentations  dans  chacune  des  cours 

«le  parlement,  grand'confeiU  cour  des  aides  &  au- 

lome  XIII. 


PRÉSENTATION.       497 

très  cours  fouveraines  où  il  n'y  avoit  point  de  gref- 
fiers des  Préfentations  établis  &  féparés  des  gref- 
fiers ordinaires;  requêtes  du  palais,  préfidiaux, 
bailliages,  fénéchauffées ,  prévôtés  &  autres  juri- 
di61ions  royales  du  royaume  ,  tant  en  matière  ci- 
vile que  criminelle  ,  povir  enregirtrer  les  Préfenta- 
tions dans  un  regiftre  tenu  à  cet  effet. 

L'article  premier  du  titre  4  de  l'ordonnance  de 
de  1667  ,  porte  ,  qu'en  toutes  cours  où  il  y  a  des 
greffes  des  Préfentations,  les  défendeurs  ,  intimés 
&  anticipés  ,  feront  tenus  de  fc  préfenter  &  coter 
le  nom  de  leur  procureur  fur  le  cahier  des  Préfen- 
tations ,  dans  la  quinzaine  ;  &  dans  les  autres  fiè- 
ges,  où  il  y  a  pareillement  des  greffes  des  Préfen- 
tations ,  dans  la  huitaine  ;  &  pour  les  matières  fom- 
maires ,  tant  aux  cours  qu'aux  autres  fièges,dans 
trois  jours  ;  le  tout  après  l'échéance  de  l'alfignation  ; 
&  feront  les  Préfentations  faites  tous  les  jours,  fans 
diffiné^ion. 

Par  l'article  2  du  même  titre ,  le  roi  avoit  or- 
donné que  les  demandeurs,  &  ceux  qui  ont  relevé 
leur  appel  ou  qui  ont  fait  anticiper,  ne  feroient , 
à  l'avenir ,  aucune  Préfentation  dont  fa  majeffé 
abrogea  l'ufage  à  leur  égard  :  mais  la  Préfentation 
des  demandeurs  ,  appelans  ou  anticipans  ,  a  été  ré- 
tablie en  1 695  ;  en  forte  que  les  Préfentations  ,  tant 
des  demandeurs  que  des  défendeurs ,  font  indif- 
.  penfables  en  toute  affignation  en  matière  civile  & 
criminelle,  foit  en  première  inffance  ou  d'appel , 
affillance  de  caufe  ,  anticipation  ,  fommation  ,  con- 
tre-fommation  ,  exécution  des  jugemens ,  fentenccs 
ou  arrêts  &  autres. 

Dans  les  interventions  ,  il  faut  ime  Préfentation 
pour  l'intervenant ,  &  cela  ne  fouffre  aucune  diffii 
culte  ;  mais  on  a  prétendu  qu'il  en  falloit  égale- 
ment pour  ceux  qui  font  parties  principales  au  pro- 
cès dans  lequel  un  tiers  intervient  ,  quoique  les 
procureurs  de  ces  parties  principales  fe  fuffent  déjà 
préfentés  pour  elles:  on  s'eft  fondé  fur  l'article  pre- 
mier de  la  déclaration  de  169^  ,  qui  porte  ,  que 
les  procureurs  des  parties  fe  préfenteront  reipec- 
tivement,  &  on  cite  des  certificats  de  l'ufage  ob- 
fervé  au  châtelet  de  Paris  ;  mais  cette  prétention 
ne  paroît  aucunement  fondée,  La  Préfentation  n'eft 
autre  chofe  qu'une  d'éclaration  qu'un  tel  procureur 
occupera  pour  telle  partie  dans  telle  inffance.  Or, 
cette  déclaration  ayant  été  faite  pour  l'in^ance 
principale  ,  il  n'y  a  pas  lieu  de  la  renouveler  fur 
l'intervention,  puifqu'une  même  perfonne  ne  peut 
avoir  en  même-temps  deux  procureurs  dans  une 
feule  inftance,  l'un  contre  fa  partie  principale  ,  & 
l'autre  contre  l'intervenant.  Il  n'y  a  donc  pas  de 
motifs  pour  exiger  cette  Préfentation  pour  les  par- 
ties principales,  &  les  réglemens  n'en  fourniffent 
aucun  prétexte.  Le  terme  refpeElivement ,  employé 
dans  l'article  premier  dé  la  déclaration  de  1695  , 
eft  relatif  à  ce  qui  précède  ,  en  toute  ajjîgnaiion  les 
procureurs  des  parties  fe  pré/enteront  refpeHivfmenr. 
Ce  terme  étoit  d'autant  plus  néceffaire  ,  que  la  Pré- 
iemation  des  demandeurs ,  qui  avoit  été  abrogée 

Rrr 


4'A 


PRÉSENTATION. 


par  l'ordonnance  de  i667,venoIt  d'être  rétablie  , 
ik  qu'il  falloit  pnr  conféquent  expliquer  que  le  de- 
mandeur &  le  détcnd^-ur ,  qui  eniroient  en  procès 
(ur  raiîîg(îatIon  doi'.nte  de  la  paît  de  l'un  à  l'autre  , 
dévoient  refpe^livenient  fe  prélenter.  Mais  bien 
loin  d'en  pouvoir  faire  l'application  aux  interven- 
t;o:,s  ,  c'eft  que  l'article  2  de  la  même  déclaration  , 
qui  luit  immédiatement  le  terme  dent  on  s'eft  vou- 
lu prévaloir  ,  porte,  en  termes  pofitifs  8c  limita- 
tifs 5  que  dans  le  cas  d'intervention  ,  les  procureurs 
d^s  parties  intervenantes  feront  tenus  de  fe  pré- 
fi^fiter.  Une  loi  auffi  claire  exclut  toute  difTerta- 
tion ,  &  doit  faire  regarder  les  ufages  contraires 
comme  ayant  été  introduits  par  les  procureurs  pour 
multiplier,  mal- à-propos,  les  ailes  des  procédures. 

Il  ne  peut  être  exigé  qu'un  droit ,  pour  la  Prcfeu- 
tation  d'un  demandeur  ,  quoiqu'il  agiiïe  contre  dif- 
térens  particuliers  ,  &  il  n'efl  dû  pareillement  qu'un 
dro'.t  pour  une  feule  Préfentation  faite  par  un  mê- 
me procureur  pour  différentes  parties  ayant  intérêt 
dans  la  même  caufe  :  ©n  prtftend  néanmoins  pou- 
voir exiger  autant  de  droits  qu'il  y  a  de  parties  dé- 
nommées dans  la  Préfentation  ,lorfqu'e!les  ne  font 
pas  liées  par  un  intérêt  commun  &  folidaire  :  on 
fonde  cette  prétejition  furie  règlement  de  1621  , 
qui  porte  ,  qi:e  le  droit  fera  perçu  de  chaque  partie 
pour  chaque  alîîgnation  ,  tant  en  demandant  qu'en 
défendant;  fur  un  arrêt  du  29  feptembre  1721 ,  ik. 
fur  une  ordonnance  de  M.  l'intendant  de  Soiifons 
dvi  7  juin  1739. 

Le  règlement  de  1621  ,  en  difant  que  le  droit  fera 
p..yé  par  chaque  partie  ,  tant  en  demandaiu  qu'en 
défendant  ,  explique  feulement  que  le  droit  fera 
payé  fur  la  même  aiTignation ,  tant  par  le  deman- 
deur que  par  le  défendeur  :  il  y  a  fi  peu  d'équivo- 
que ,  qu'il  eft  dit ,  immédiatement  après  cette  dif- 
pofition  ,  que  fur  une  affignation  de  la  part  deplu- 
fieurs  demandeurs  joints  en  même  caufe  à  plufieurs 
parties  par  un  même  exploit,  il  n'eft  dû  qu'un  droit 
pour  les  demandeurs,  pourvu  qu'ils  comparoiffent 
enfeaible,  en  même-temps.  Si  par  un  même  procu- 
reur ,  &  qu'il  n'cft  pareillement  dîi  qu'un  droit  pour 
les  défendeurs  ;  mais  que  fi  les  parties  fe  préfen- 
tent  par  divers  procureurs,  ou  en  divers  temps  ,  il 
eft  dû  un  droit  pour  chacune  d'elles.  Ce  règlement 
n'autorife  donc  point  la  prétention  que  nous  exa- 
minons; celui  de  1661  la  profcrit  abfolument  ,puif- 
qu'il  n'ordonne  le  payement  d'un  droit  pour  cha- 
que partie ,  que  lorfqu'elks  plaident  par  différens 
procureurs ,  ou  qu'elles  plaident  en  divers  temps. 

L'arrêt  du  29  feptembre  1722  eu.  rendu  dans  une 
efpèce  particulière  ,  dont  on  ne  peut  tirer  aucune 
conféquence. 

Et  à  l'égard  de  l'ordonnance  de  l'intendant  de 
Soiffons  ,  elle  ne  peut  être  d'aucune  confidération 
fur  une  queftion  décidée  par  des  lois  authentiques, 
auxquelles  il  n'a  point  été  dérogé. 

La  régie  générale  ,  qui  ordonne  les  Préfcntations 
dans  toutes  fortes  de  cavifes ,  admet  les  exceptions 
fuivantes. 


PRÉSENTATION. 

Dans  toutes  les  affaires  où  il  n'y  a  point  ie  par- 
ties adverfes ,  &  qui  par  conféquent  font  portées  à 
l'audience  fans  aflîgnation  ,  il  n'y  a  point  de  Pré- 
fentation ,  parce  qu'il  n'y  a  point  de  motif  pour 
déclarer  quel  fera  le^  procureur  qui  occupera.  Voyez 
l'article  4  de  la  déclaration  du  5  novembre  1661. 

L'article  S  de  la  déclaration  da  12  juillet  169'î  , 
porte,  que  les  caufes  fommaircs  qui  feront  portées 
à  l'audience  ,  &  dans  lefquelics  on  ne  jugera  point 
le  fond  des  comertations  des  parties  ,  ne  feront 
point  fujeites  aux  droits  de  Préfentation  ,  non  plus 
que  les  inflruélions  qui  fe  font  devant  les  com- 
miflaires. 

Suivant  l'article  9  de  cette  déclaration  de  1695  , 
il  ne  doit  être  payé  qu'un  droit  de  Préfentation  re- 
lativement aux  alîîgnations  données  pour  voir  & 
clore  les  inventaires  &  les  comptes,  à  moins  que, 
fur  les  conteftations  &  débats  ,  les  parties  ae  foient 
renvoyées  en  jugement  ;  auquel  cas  les  procureurs 
font  tenus  de  fe  préfenter  fur  les  affignations. 

Par  l'article  10  de  la  même  déclaration  ,  il  cii  or- 
donné que  dans  les  caufes  des  pauvres  mercenaires 
deinandant  payement  de  leurs  lalaires  &  journées , 
il  ne  fera  par  eux  payé  que  la  moitié  des  droits  de 
Préfentation,  défaut  ou  congé,  lorfque  leurs  de- 
mandes portées  par  les  exploits  n'excéderont  pas 
dix  livres  ;  mais  que  les  droits  feront  payés  en  en- 
tier par  le  défendeur. 

S.iivant  un  arrêt  du  confeil  du  14  feptembre 
1728  ,  le  demandeur  Se  le  défendeur  font  difpenfcs 
de  lever  des  Préfentations  dans  les  caufes  portées 
devant  les  officiers  des  greniers  à  fel. 

Présentation  ,  fe  dit,  en  matière  bénéficiale, 
de  la  nomination  qu'un  patron  laïc  ou  eccléfîaf- 
tique  fait  de  quelque  eccléfiaflique  à  un  bénéfice 
auquel  ce  patron  a  droit  de  préfenter ,  pour  être 
pourvu  par  celui  qui  en  a  la  collation.  Julqu'au 
temps  de  Boniface  VIII ,  les  patrons  hïcs  avoient 
fix  mois  pour  préfenter ,  comme  ils  font  encore  en 
Normandie  ,  où  on  a  confervé  l'ancien  ufage  ;  mais 
préfentement,  dans  les  autres  provinces  ,1e  patron 
laïc  n'a  que  quatre  mois  pou.-  préfenter  ;  l'ecclé- 
fiaftique  &  le  mixte  en  ont  fix. 

Le  délai  da  quatre  mois  ou  fix  mois  ,  court  du 
jour  du  décès  du  bénéficier,  &  non  pas  feulement 
du  jour  que  le  patron  en  a  eu  connoiffance. 

Le  patron  ne  doit  préfenter  qu'une  perfonne  qui 
ait  les  qualités  &  capacités  requifes  pour  pofféder 
le  bénéfice  ;  autrement  le  coUateur  peut  refufer  au 
préfenté  de  lui  dentier  des  provuions  ,  pourvu 
qu'il  lui  donne  un  aéle  de  fon  refus  ,  &.  qu'il  en  ex- 
prime les  caufes. 

Il  eft  d'autant  plus  important  pour  le  patron  ec- 
cléfiaflique de  nommer  un  fujet  capable  ,  qu'il  ne 
peut  varier  dans  fa  Préfentation  ;  de  forte  que  s'il 
nomme  quelqu'un  qui  n'ait  pas  les  qualités  &  ca- 
pacités requifes ,  il  efl  déchu  pour  cette  fois  du 
droit  de  préfenter;  la  nomination  efl  dévolue  au 
coUateur;  au  lieu  que  le  patron  laïc  peut  varier, 
6<  préfenter  fuccçflàveaient  plufieurs  perfonnes. 


PRÉSENTATION. 

"Quand  la  Préfentation  appartient  à  pUifieurs  per- 
fonnes,  il  faut  qu'elles  s'aflemblent  pour  donner 
la  Préfentation  Si.  la  figner  conjointement. 

Dans  ies  chapitres  où  les  chanoines  préfentent 
tour  à  tour  ,  ou  par  femainej  ,  ou  par  côté  ,  il  faut 
être  dans  les  ordres  facréj  pour  pouvoir  nommer 
à  fon  rang. 

Tl  n'eft  pas  permis  au  patron  de  fe  préfenter  lui 
même  ;  mais  il  peut  être  préfcnté  par  un  co-patron  , 
&  il  peut  d'ailleurs  préfenter  fon  fils. 
/  En  Normandie,  lorfque  la  poflellion  ou  la  pro- 
priété du  droit  de  patronage  font  en  litige  ,  le  roi 
prèfente  aux  bénéfices  qui  dépendent  du  patronage 
litigieux  ;  il  en  eft  de  même  dans  cette  coutume 
lorfqu'il  échet  au  mineur  un  fief  tenu  immédiate 
ment  du  roi. 

Un  bénéficier  mineur,  &  âgé  de  quatorze  ans 
feulement ,  peut  préfenter  aux  bénéfices  qui  dé- 
pendent du  iisn  ,  fans  le  ccnfantement  de  fon  tu- 
teur, parce  que  les  eccléfiaftiques  mineurs  font 
réputés  majeurs  pour  ce  qui  concerne  leurs  béné- 
fices. Pour  ce  qui  e'I  du  patron  laïc  ,  il  ne  peut 
préfenter  lui  même  que  quand  il  approche  de  la 
majorité. 

L'aéle  de  Préfentation  doit  être  Q^é  à  la  mi- 
nute  ,  tant  du  patron  que  de  deux  témoins  ;  &  la 
groffe  ,  qui  s'expédie  en  papier  ou  parchemin  tim- 
bré ,  doit  être  pareillement  fignée  du  patron.  Les 
Préfentations  doivent  aufîi  être  infinuées  dans  le 
mois  de  leur  date  ,  à  peine  de  nullité.  Ces  afles 
doivent  être  fignés  de  deux  notaires  apoftollques 
&  de  deux  témoins. 

Mais  on  demande  fi  la  Préfentation  faite  par  un 
tiers  ,  comme  procureur  du  patron  ,  peut  prévaloir 
fur  celle  du  patron  même,  quoique  la  procuration 
ait  été  donnée  fous  fignature  privée  &  fans  témoins. 
Le  parlement  de  Paris  a  jugé  pour  l'affirmative  dans 
l'efpèce  fuivante  ,  que  rapporte  ainfi  l'auteur  de  la 
colle61ion  de  jurifprudence  : 

»  La  cure  de  Saint-Pavlnsdes- Champs ,  diocèfe 
»  du  Mans ,  ayant  vaqué  au  commencement  de 
»  l'année  1765  ,  par  le  décès  du  fieur  Portier,  der- 
'>  nier  titulaire  ,  M.  de  Simiane ,  ancien  évêque  de 
«  Saint-Paul-Trols  Châteaux  ,  abbé  dEvron  ,  & , 
j>  en  cette  dernière  qualité  ,  patron  de  la  cure  dont 
»  il  s'agit,  y  préfenta  le  fieur  Roufiett.  par  afles 
y>  des  18  février  &  20  mars  1765  :  le  preinler  de 
»)  ces  aéîes  ,  pafTé  fous  fignature  privée  ,  mais  en 
}>  préfence  de  deux  témoins  connus  Si.  domiciliés  ; 
n  le  fécond  pardevant  notaires. 

j)  Sur  cette  double  Préfentation  ,  le  fieur  Roufiet 
»  obtint  des  provifions  de  M.  l'évéque  du  Mans 
jj  le  26  mars  1765  ,  &  prit  po/Tîffion  de  la  cure 
»  le  même  jour  :  mais  le  fieur  Yvon  y  forma  op- 
M  pofition ,  fur  le  fondement  quil  étoit  pourvu  lui- 
»  même  de  la  cure  dès  le  i  5  février  précédent , 
>»  fur  la  Préfentation  du  fieur  de  Launay  ,  curé  de 
»  Saint-Parace  ,  qui  ,  à  cet  effet ,  avoit  été  fondé  de 
»  la  procuration  de  M.  de  Simiane.  La  complainte 
»  s'engagea  entre  les  deux  contendans  au  bailliage 


PRÉSID  ENT. 


499 


»)  du  Mans;  le  fieur  RouHct  foutint  que  la  procit' 
»  ration  en  vertu  de  laquelle  le  fieur  Yvon  avoi^ 
j>  été  nommé,  étoit  nulle  ,  attendu  qu'elle  fe  trou* 
»  voit  fous  fignature  privée  &  fans  témoins  ;  que 
»  par  conféquent  cette  nullité  entraînoit  la  ruine 
»  de  l'agio  de  Préfentation  fait  en  confequence,  & 
»»  de  la  provifion  qui  Tavoit  fuivi.  LefiJur\von 
)»  répliquoit,  que  la  procuration  dont  avoit  été 
)>  fondé  le  fieur  de  Launay  pour  préfenter  ,  avoit 
)►  été  infinuée  ;  qu'ainfi  elle  avoit  une  date  certaine 
»  &  antérieure  à  la  Préfentation  6c  aux  provifions 
»  du  fieur  Reuffet  ;  qiae  la  procuration  ayant  pu 
)»  être  donnée  fous  feing  -  privé  ,  un  pareil  a'ie 
t>  n'ctoit  point  dans  le  cas  d'avoir  des  témoins  inf- 
3>  trumentaires  pour  garans  ,  les  lettres  de  vicariat 
V  ou  procuration  pour  conférer  &  préfenter,  n'é- 
»  tant  point  d'ailleurs  nommées  dans  aucun  régle- 
»  ment.  Le  bailliage  du  Mans  n'eut  point  égard  aux 
«  moyens  de  nullité  oppofés  par  le  fieur  Roufl"et  ; 
))  Se,  par  fentence  du  17  juin  1765  ,1e  fieur  Yvon  , 
w  premier  pourvu  ,  fut  maintenu  dans  la  cure. 

»  Le  fieur  Roufi!et  interjeta  appel  de  cette  fen- 
M  tence  à  la  cour.  La  caufe  portée  à  l'audience,  les 
»  concUifions  de  M.  Séguier  ,  avocat  général ,  ten- 
»  dolent  à  l'Infirmation  de  la  fentence  ,  fur  le  fon- 
5)  dément  de  la  nullité  de  la  procuration  ;  mais,  par 
î7  arrêt  du  mercredi  3  décembre  1766,  la  cour  or- 
»  donna  qu'il  en  feroit  délibéré  ;  &  depuis  ,  le  dé- 
)»  libéré  ayant  été  jugé,  il  intervint  arrêt ,  au  rap- 
i>  port  de  M.  Sahuguet  d'Efpagnac  ,  le  famedi  14 
»  février  1767,  qui  confirma  la  fentence  du  bail- 
»  liage  du  Mans,  en  confequence  maintint  le  fieur 
)>  Yvon  ,  premier  pourvu  ». 

Les  Préfentations  faites  par  les  patrons  eccléfiaf- 
tiques ou  laïques  ,  font  comprifes  dans  la  première 
fedion  de  l'article  premier  du^tarif  du  mois  de  fep- 
tembre  1 722  ,  qui  en  fixe  le  droit  de  contrôle  à  cinq 
livres  en  principal  ;  ce  qui  a  été  confirmé  par  l'ar- 
ticle 4  de  l'arrêt  de  règlement  du  30  août  1740. 

On  appelle  Préfentation  alternative  ,  celle  qui 
fe  fait  par  plufieurs  copatrons  ,  chacun  à  leur  tour  ; 
Se  l^réfenration  forcée  ,  celle  qu'un  patron  ecclé- 
fiafiique  eft  obligé  d.^  faire  en  faveur  d'un  expec- 
tant  qui  a  requis  le  bénéfice  au  tour  du  patron. 

On  appelle  Préfentation  par  côté  ^  celle  que  cha- 
cun des  côtés  d'un  chapitre  fait  alternativement: 
&  Préfentation  par  femaine  ,  celle  que  chaque  cha- 
noine fait  pendant  la  femaine  qui  eft  afiignée  pour 
fon  tour. 

PRÉSENTATION  DES  ROLES.  Voyez  Par- 
ticle  Rôle. 

PRÉSIDENT.  C'eft  un  ofiîcler  pourvu  d'une 
charge  en  vertu  de  laquelle  il  a  droit  de  préfider 
à  une  compagnie. 

Des  Préfidens  du  Parlement  de  Paris,  Premier  Pré- 
fzdent.  Anciennement ,  quand  le  roi  nommoit  i\n 
premier  Préfident ,  &  même  des  Préfidens  en  gé- 
néral ,  il  les  choIfifToit  ordinairement  entre  les  ba- 
ron-, ;  il  falloir  du  moins  être  chevalier ,  fur-tout 
pour   pouvoir  remplir  U  première  place  ;  &  de- 

Rrrtj 


50O 


PRÉSIDENT. 


çiiis  falnt  Louis ,  il  fallut  encore  long-remps  avoir 
Ce  titre  pour  être  premier  Préfident  ;  tellement 
que  fous  Charles  V,  Arnaud  de  Corbie  ayant  été 
élu  premier  Préfident ,  cela  refta  fecret  jufqu'à  ce 
que  lui  &  le  chancelier  d'Orgemont  euffent  été 
faits  chevaliers. 

Cela  ne  fut  pourtant  pas  toujours  obfervé  fi 
fcrupuleufement  ;  plufieurs  ne  furent  faits  cheva- 
liers que  long-tems  après  avoir  été  nommés  pre- 
miers Préfidens  ;  tels  que  SinTon  de  Bucy  ,  le- 
quel fut  annobli  étant  premier  Préfident  ;  Jean  de 
Popincourt  fut  fait  chevalier,  &  reçut  l'accolade 
du  roi.  Ces  magiftrats  étoient  faits  chevaliers  és- 
lois.  Philippe  de  Morvilliers  ,  quoique  gentilhom- 
me ,  fut  long-tems  maître  &  Préfident  avant  d'être 
fait  chevalier,  &  Robert  Mauger  ne  fut  jamais 
qualifié  que  maure  ,  &  fa  femme  ne  fut  point  qua- 
lifiée madame. 

Cependant ,  quoiqu'on  ne  fafie  plus  depuis  long- 
temps de  chevaliers  ès-lois  ,  &  que  la  cérémonie 
de    l'accolade  ne  fe  pratique  plus  ,  il  eft  toujours 
d'ufage  de  fuppofer   le   premier  Préfident  revêtu 
du  grade  éminont  de  chevalier  ;  c'efi  pourquoi  l'hif- 
toire  des  premiers  Préfidens  les  qualifie   tous  de 
chevaliers  ,  même  ceux  qui  ne  l'étoient  pas   lors 
de  leur  nomination  à  la  place  de   premier  Préfi- 
dent ,  parce  qu'ils  font  tous  cenfés  l'être  ,  dès  qu'ils 
font  revêtus  d'une  dignité   qui  exige  ce  titre  ;  le 
roi  lui  même  le  leur  donne  dans  toutes  les    let- 
tres qu'il  leur  adrefle  ;  on  le  leur  donne  pareille- 
ment dans  tous   les  procès-verbaux  d'aiïemblée  , 
&  ils  le  prennent  dans  tous  les  actes  qu'ils  paf- 
fent.  Le  premier  Préfident  portoit  même  autrefois 
fur  fon  manteau  une  marque  de  l'accolade,  &  l'ha- 
bit qu'il  porte,  ainfi  que  les  autres  Préfidens,  eft  l'an- 
cien habillement  des  barons  &  des  chevaliers  ;  c'efi 
pourquoi  le  manteau  eft  retroufi!e  fur  l'épaule  gau- 
che ,  parce  que  les  chevaliers  en  ufoient  ainfi  ,  afin 
que  le  côté  de  l'épéc  fût  libre  ;  car  autrefois  tous 
les  barons  &  les  fénateurs  entroient  au  parlement 
l'épêe  au  côté. 

L'habillement  du  premier  Préfident  eft  diftingué 
de  celui  des  autres  Préfidens,  en  ce  que  fon  man- 
teau eft  attaché  fur  l'épaule  par  trois  létices  d"or  , 
&  que  (on  mortier  eft  couvert  d'un  double  galon 
d'or. 

Il  fut  un  temps  où  le  parlement  élifoit  le  premier 
Préfident  par  la  voie  du  fcrutin  y  c'eft  ainfi  que 
Henri  de  Marie  fut  élu  en  1413  ,  Robert  Mauger 
en   1417  ,  &  Elle  de  Taureftes  en  1461. 

Matthieu  de  Nanterre ,  qui  avoit  été  nommé  pre- 
mier Préfident  dans  la  même  année,  fut  deftitiiéen 
1465  par  Louis  Xi,  qui  l'envoya  remplacer  Jean 
d'Auret,  premier  Préfident  du  parlement  de  Tou- 
loufe, qu'il  mit  à  la  place  de  Matthieu  de  Nanterre: 
celui-ci  fut  depuis  rappelé  à  Paris,  &  ne  fit  aucune 
difficulté  de  prendre  la  place  de  fécond  Préfident, 
étant  perfuadé  que  la  véritable  dignité  des  places 
dépend  de  la  vertu  de  ceux  qui  les  remplififenr. 


PRÉSIDENT. 

I       Les  premiers  Préfidens  avoient  autrefois  toù? 
entrée  ?.u  confcil  du  roi. 

Plufieurs  d'entre  eux  ont  été  envoyés  en  ambaf- 
fade  &  honorés  de  la  dignité  de  chancelier  des 
ordres  du  roi ,  de  celle  de  garde  des  fceaux  ,  &  de 
celle  de  chancelier  de  France. 

En  1691  ,  le  premier  Préfident  obtint  les  entrées 
des  premiers  gentilshommes  de  la  chambre. 

Le  prieuré  de  faint  Martin-des  champs  eft  obligé, 
fuivant  une  fondation  faite  par  Philippe  de  Mor- 
villiers ,  premier  Préfident ,  mort  en  1438  ,  &  in- 
humé dans  l'églife  de  ce  prieuré  ,  d'envoyer  tous 
les  ans  au  premier  Préfident ,  le  lendemain  de  la 
S.  Martin,  avant  la  méfie  rouge,  par  deux  de  fes 
religieux  ,  deux  bonnets  carrés  ,  l'un  de  velours 
pour  l'hiver,  &  l'autre  pour  l'été:  l'un  des  reli- 
gieux qui  préfentent  ces  bonnets  ,,fait  un  compli- 
ment, dont  les  termes  font  prefcrits  par  la  fon- 
dation ,  &  un  autre  compliment  en  langage  du 
temps  préfent. 

Préfidens  à  mortiers.  On  voit  dans  les  regifires  du 
parlement,  que  la  plupart  des  Préfidens  à  mortier 
font  qualifiés  de  mejfires  &  de  chevaliers:  quelques- 
uns  néanmoins  'font  feulement  qualifiés  maîtres  ; 
c'étoient  ceux  qui  n'avoient  point  été  faits  cheva- 
liers. 

Préfentement  tous  les  Préfidens  à  mortier  font 
en  pofl'efiTion  de  prendre  dans  tous  lesaétes  le  titre 
de  chevalier,  en  vertu  de  leur  dignité,  quand  ils 
ne  l'auroient  pas  par  la  naifiance. 

Ils  prennent  aufii  le  titre  de  confeillers  du  roi  en 
fes  confeils,  parce  qu'ils  avoient  autrefois  entrée 
au  confeil  du  roi. 

L'habit  de  cérémonie  des  Préfidens  eft  la  robe 
d'écarlate  fourrée  d'hermine  ,  &  en  hiver  ils  por- 
tent par-defiiis  la  robe  le  manteau  fourré  d'hermine 
retroufte  fur  l'épaule  gauche ,  &  le  mortier  de  ve- 
lours noir ,  bordé  d'un  galon  d'or.  Il  y  a  lieu  de 
penfer  que  ce  galon  repréfentc  un  cercle  d'or  mafiif 
que  lesPiéfidens  portoient  autrefois,  &quec'étoit 
la  couronne  des  barons. 

Le  ftyle  de  Boyer  porte,  que  le  mortier  eft  cou- 
vert de  velours  cmmoifi;  cependant  depuis  long- 
temps il  eft  couvert  de  velours  noir. 

Autrefois  les  Préfidens  mettoient  ordinairement 
leur  mortier  fur  la  tête;  &  le  chnperon  par-defius, 
préfentement  ils  portent  le  chaperon  fur  l'épaule, 
&  ne  mettent  plus  le  mortier  (ur  la  tête  que  dans 
les  grandes  cérémonies ,  comme  r.ux  entrées  des 
rois'^Sc  des  reines  ;  lorfqu'ils  font  en  roberoug*, 
ils  tiennent  leur  mortier  à  h  main  ;  lorsqu'ils  font 
en  robe  noire  ,  leur  habillement  de  tête  eft  le  bon- 
net carré. 

Il  eft  d'ufage  que  leurs  armoiries  foient  appli- 
quées fur  le  manteau  d'hermine  ;  le  mortier  fe  met 
au  deffus  du  cafque  ,  lequel  pofe  fur  l'écu. 

Pour  être  reçu  Préfident ,  il  faut  être  âgé  de  qua- 
rante ans,  fuivant  l'édit  du  mois  de  novembre  1683,, 
mais  le  roi  difpénfe  quelquefois  à  trente  ans. 
j       Les  préfidens  à  mortier  ne  font  tous ,  pour  ainfi 


PRÉSIDENT. 

dire,  qu'une  feule  &  même  perfonne  avec  le  pre- 
mier Préfident ,  que  ch:icim  deux  repréicnre  ;  cha- 
cun d'eux  peut ,  en  fon  abfence  ou  autre  empêche- 
ment ,  préfider  tout  le  parlement  affembl^. 

Des  Frifidens  de  la  chambre  des  comptes.  Voyez 
Chambre  des  Comptes. 

Des  Préfidens  de  la  cour  des  aides.  Les  généraux 
confeillers  fur  le  fait  des  aides  ,  ayant  été  tirés 
originairement  du  corps  des  trois  états  du  royaume, 
la  fonélion  de  préiidcr  à  la  cliambre  de  la  juftice 
des  aides  ,  demeura  affedlée  aux  eccléfiaftiques  , 
comme  étant  du  premier  corps  des  états  ;  ce  qui 
continua  même  depuis  que  les  génémux  cefsérenr 
d  être  choifis  par  les  états ,  8c  qu'ils  furent  nomrr:5 
par  le  roi.  Il  n'y  avoit  dans  l'origine  qu'un  Préfident; 
cette  place  fut  occupée  par  les  perfonnes  les  plus 
qualifiées  &  conftituées  dans  les  plus  éminentes  di- 
gnités eccléfiafliques. 

Avant  l'an  i  370,  on  ignore  les  noms  de  ceux 
qui  ont  préfidé  à  cette  chambre  ;  on  fait  feule- 
ment que  c'étoit  un  des  généraux  du  corps  du  cler- 
gé à  qui  cet  honneur  étoit  déféré. 

Le  premier  dont  on  a  connoiffance  efl  Jean  de 
la  Grange  ,  abbé  de  Fécamp  ,  puis  évêque  d'Amiens 
&  cardinal  :  quoique  la  qualité  de  Préfident  ne  lui 
ait  point  été  donnée,  il  ne  lailToit  pas  d'en  faire 
les  fonâioii.s  8c  d'en  avoir  les  prérogatives,  de  la 
même  manière  qu'en  ont  joui  fes  fuccefleurs  ,  juf- 
qu'à  Gérard  d'Athies,  archevêque  de  Befançon  , 
qui,  le  premier,  fut  décoré  du  titre  de  Préfident  à 
la  chambre  de  la  jujlke  des  aides  ,  par  lettres  du  roi 
Charles  \I  du  24  mars  1398. 

Il  paroît  qu'il  étoit  aiifli  d'ufage  de  donner  un 
éccléfiafiique  pour  adjoint  aux  prélats  qui  préfi- 
doient  à  la  chambre  de  la  juftice  des  aides.  On  peut 
regarder  CCI  adjoint  comme  vice- Préfident ,  puif- 
qu'il  préfitioit  à  la  place  du  Préfident,  en  cas  d'ab- 
fence  ;  mais  l'ufagede  nommer  ces  vice-Préfidens 
s'abolit  fur  la  fin  du  régne  de  Charles  V!I. 

Cette  fucceffion  de  Préfidens  eccléfiafiiqnes  ne 
fut  interrompue  qu'en  1401  &  1402,  que  Charks 
d'Albret,coufin  germain  du  roi  Charles  VI. &  Louis 
duc  d'Orléans,  frère  du  roi  ,  8c  enfuite  Philippe  , 
duc  de  Bourgogne  &  Jean  duc  de  Berri,  furent  éta- 
bli"; pour  préfider  les  généraux  des  aides. 

Ce  ne  hit  qu'en  1489  ,  qu'il  y  eut  pour  là  pre- 
mière fois  un  laïc  pour  Préfident;  &  Charles  di; 
Hautbois  ,  évêque  de  Tournai ,  reçu  en  i  5  10  ,  efî 
le  dernier  des  écléfiaftlques  qui  ait  pofiedé  cette 
dignité. 

Le  roi  François  premier  ayant ,  par  édit  du  ^j  fé- 
vrier 1512  ,  créé  un  office  de  fécond  Préfident, 
Louis  Picot,  qui  avoit  été  reçu  Préfident  dés  le 
9  août  1513,  prit  le  titre  de  premier  Préfident  , 
qui  depuis  a  été  donné  à  fes  fuccedeurs. 

Par  lettres  du  8  avril  i^^6,  avant  pâques,Hcn 
ri  II  a  accordé  au  premier  Préfident  de  la  cour  des 
aides  le  titre  de  chevalier  ,  ainfi  qu'en  avoient  join 
fes  prédécefTeurs  ;  &  par  l'article  7  du  ré  clément  ciu 
5.  janvier  1673,  le  titre  de  ConfeUhr  du  roi  en  fes  con- 


PRÉSIDENT.  501 

fais  d'èiat  &•  privé  ,\ai  a  été  confirmé  a'mfî  qu'au 
pteraier  Préfident  du  parlement  &  de  la  chambre 
des  comptes. 

Henri  II ,  par  édit  du  mois  de  mars  1551,  por- 
tant établifiemcnt  de  la  féconde  chambre,  créa  deux 
autres  Préfidens  pour  préfider  à  cette  chambre  ,  8c 
aufiî  aux  plaidoiries  à  la  première  chambre,  en 
l'abfence  du  premier  &  du  fécond  Préfident. 

Louis  XIII,  par  fon  édit  du  mois  de  décembre 
1635  ,  qui  établit  la  troifième  chambre,  créa  deux 
offices  de  Préfidens  pour  cette  chambre. 

Louis  XIV,  par  un  édit  du  mois  de  mars  1691,. 
en  augmenta  le  nombre  de  deux;  &  par  édit  du 
mois  de  novembre  1704  ,  il  en  créa  encore  deux 
autres  ,  de  manière  qu'il  y  a  préfentement  dix  offi- 
ces de  Préfidens  :  le  premier  Préfident  préfide  à  la 
première,  &  les  neuf  autres  Préfidens  font  difiribués- 
au  nombre  de  trois  dans  chacune  des  trois  cham- 
bres ;  favoir,  les  plus  anciens  à  la  preinière ,  & 
les  autres  dsns  les  deux  autres  chambres  :  ces  der- 
niers montent  par  ordre  d'ancienneté  à  la  première 
chambre. 

Préfident  de  la  cour  des  mcnnjies.  Voyez  MON-- 
NOIE. 

Préfiidens  des  préfidîaitx.  Par  édit  du  mois  de  juirr 
1557^  Henri  II  créa  dans  chaque  préfidial  un  office 
de  Préfident ,  qui  devoit  avoir  la  préféance  fur  le 
lieutenant  général  à  l'audience  du  préfidial.  Ces 
offices  de  Préfidens  furent  enfuite  fupprimés  parles- 
ordonnances  d'Orléans  8c  de  Moulins  jmais  ils  fu- 
rent rétablis  en  1 568. 

Les  chofes  font  reflées  dans  cet  état  jufqii'err 
1764,  que  ,  par  un  édit  (i)  du  mois  d'août  de  cette 

(i)  Cet  édit  conc'.tnrUs  difpoluicns f-rvantes. 

Akticle  r.  Tous  lej  oitices  J-  preddens  des   Préfidiaux  ,, 
qui  fe  tvouveiont  vacans  au  icu-:  de  l'enrcgirtrement  de  notre- 
préfent  édit,   feront  &:  demeureront  éteints  &    fuppiiniés 
comme  nous  les  éteignons  &  fi:pprimons  par  notredit  édit, 

i.  A  l'égard  de  ceux  defdits  offices  qui  feront  remplis-  îw- 
dit  jour ,  voulons  que,  lorfqu'ils  vaqueront  par  morr  ^  «l'é' 
mifiion  ou  autrement  ,  ils  foicnt  &  demeurent  pareillemenr 
éteints  &  fupprimés,  comme  nous  les  éieignonj  &  fupprî- 
mons  ,  au  lit  cas  ,  pat  le  prélent  édit  ,  fans  qu'il  puide  èfrc 
e.vp-dié  à  l'avenir  de  provifions  defdits  offices  ,  ni  qu'ils  puif- 
fent  être  rétablis  fous  quelque  prétexte  que  ce  foit. 

3.  L'indemnité  qui  fera  due  aux  proprittaires  de  la  financtr 
dis  offices  de  Préfidens  des  préfidiaux  qui  font  a£luellemenr 
vacans,  leur  fera  payée,  par  égales  portions  ,  avec  les  inté- 
rêts d'icelles  ,.  à  compter  du  jour  de  l'enregiftrement  du  pié- 
fent  édit,  par  les  lieutenans  généraux  civils  &  ].;s  lieutenans 
criminels  ,  ou  autres  premiers  o.fficiers  de  pareille  narure  â5 
qualité  de  ncfdics  bail/iages  &:  fenéchauflecî. 

4.  Nofdics  lieutenans  généiaux  ,  lieutenans  criminels  ,  ou-' 
autres  premiers  officiers  fufdits,  ferovit  pareillement  tenus  de 
payera  rembourfer  ,  par  égaîes  portions  ,  aux  pourvus  def- 
dits offices  de  Préfidens ,  au  cas  de  démiflloa  ,  ou  à  leurs  hé- 
ritiers ou  ayant-  caufes  ,  en  cas  de  éùcès  ,  une  j-ndemnité  pro' 
pctionnce  à  la  valeur  de  leurfdits  offices  ,  avec  les  intérêts  de' 
Udi[e  indemnité ,  à  comprer  di!  jour  de  la  vacance ,  au  mo^erv 
Je  quoi  les  pourvus  defdits  offices  ,  ou  leurs  rcpréfcntans ,  ne 
pourront  en  difpcfer  ,  même  fous  prérexte  du  reiard  du  tera-- 
bourfement  de  ladite  indemnité. 

1.  Et  où  il  fe  trouveroit  que  l'un  defdits  lieutenanx  gjiié" 
iiïux  ciyiJs  >  lieutenans  criminels ,  ou  autiw  fufdiis  preiuiers-: 


501 


PRÉSIDENT. 


année,  le  feu  roi  a  jugé  à  propos  de  fuprîmer  les 
ojfices  dont  il  s'agit.  Sa  majefté  a   eu  pour  objet, 


officiers  de  nos  bailliages  &:  fcndchauiTées  auroitacquis  ,  avant 
l'eniegiftrement  du  préfent  cdit ,  la  propriété  de  l'un  defdirs 
offices  de  Prcfidens  ,  il  ne  pourra  prétende  aucune  indem- 
nité ,  ni  être  tenu  à  contribuer  à  l'indemnité  qui  fera  due 
pour  rai  Ton  de  l'au'ie  olïice  de  Préfident  ,  laquelle,  ajdlt 
cas,  demeurera  en  enrierà  h  charge  de  celui  derdics  Oiîkiers 
<jui  ne  le  trouvcroit  poflèder  aucun  dcfdits  oSces  de  Prélident. 
^.  LcrdJtcs  indemuircs  feront  réglées  à  l'amiable  enrre  les 
parties  intérefTes,  (Inon  en  notre  cpnfeil  en  la  manière  ac- 
coutumée ,  à  l'effet  de  quoi  les  parties  remettront ,  audit  cas , 
leurs  titres ,  pièces  &:  mémoires ,  entre  les  mains  du  contro 
leur  général  de  nos  finances;  &:  ,  faute  par  ceux  qui  préten 
dront  être  endroit  dedenandcr  une  indemnité  ,  d'avoir  fait 
ladite  remifc  dans  le  délai  de  (ix  mois  après  l'enregilhement 
de  norre  préfent  édit ,  eu  après  la  vacance  de  l'oiïicc  ,  les  in 
tcrcts  de  l'indemnité  ne  commenceront  à  courir  que  du  jour 
de  la  demande. 

7.  Les  héritiers  ou  ayant-caufe  des  pourvus  d'offices  de 
Prélîdens  ,  qui  n'auroicnt  pas  fatijfait ,  avant  leur  décès  ,  au 
payemenr  des  droiis  de  prêt  &  d'annuel ,  ne  pourront  deman- 
der aucune  indeniniré  pour  raifon  de  la  fuppreflion  defdits 
offices. 

8.  Les  gages  des  offices  de  Préûdens ,  pour  raifon  defquels 
nos  lieutenans  généraux  civils,  lieutenans  crimiaels  ou  autres^ 
auront  payé,  dans  les,  cas  marqués  par  les  précédens  articles, 
les  indemnités  appartiendront  auxdits  officiers  par  égales  por- 
tions, &c  ce  à  compter  du  jour  de  l'enregiilrement  denotre 
jifcfent  édit  dans  nos  cours ,  à  l'égard  des  offices  aîluellement 
vacans  ;  &:  à  l'éga-d  des  offices  qui  vaqueront  à  l'avenir ,  .î 
compter  du  jour  de  la  vacance  defdits  offices.  Voulons  en 
conféquence  qu'ils  foicnt  employés  dans  nos  états  pour  raifon 
defdits  gages ,  par  un  feu!  &  même  article,  avec  ceux  pour 
lefqu-Is  ili  y  font  dcj.i  employés  à  caufe  de  leurs  offices,  à  la 
charge  feulement  de  juftifier  que  les  offices  dont  ils  deman- 
deront les  g'ges  font  vacans ,  fie  qu'ils  ne  font  point  tombés 
fil  nos  pâmes  cafueles. 

5.  Les  gages  des  offices  de  Préfiàens  qui  font  actuellement 
vacans  en  nos  partie»  cafuelies  ,&  de  ceux  qui  pourront  y 
vaquer  à  l'avenir  ,  continueront  d'être  employés  dans  nos 
états,  pour  être  diiltibucs  parnos  ordres,  par  forme  d'augnjîn 
tation  de  gages,  à  ceux  de.;  lieutenans'généraux  civils,  &  lieu- 
tenans criminels  ou  autres  qui  auront  contribué  aux  rembour- 
l'eniens  dont  nous  les  avcnî  chargés  parles  articles  précédens  , 
dans  le  cas  où  nous  jugerions  qu'ils  n'eulTent  pas  été  fuffifam- 
jncnr  dédommagés  par  la  jouiflance  des  gages  des  offices  qu'ils 
auront  remboutfcs. 

10.  Les  lieutenans  généraux  civils  ,  lieutenans  criminels  , 
ou  autres  premiers  officiers  de  nofiits  bailliages  &.' fénéchauf- 
ùes,  jouiront  du  franc-fa'é  attribué  auxdits  offices  de  Préfi- 
dent, par  égales  portions  ,  &  par  augmentation  ou  franc- 
falé  qui  auroic  été  attribué  à  leu  f-iits  offices  ;  voulons  en  con- 
féquence qu'ils  foient  employés  dans  nos  états  des  gabelles 
pour  ledit  franc  falé  ,  favoir  ,  à  co;)ipter  du  premier  pdobre 
prochain  pour  le  franc  falé  içs  offices  ailnellemcnt  vacans , 
&  par  rapport  aux  offices  aduelleuent  remplis  ,  à  co:npter 
fiu  premier  Octobre  qui  fui /ta  la  vacance  defdits  offices,  fans 
oue  lefdits  officiers  foient  tenus  de  juftifier  d'aurrcs  pièces 
que  de  leurs  provilîons  ,  &:  de  l'extrait  mortuaire  ou  de  la 
démiflion  du  dernier  pourvu  de  l'office  de  Préfident. 

|i.  Les  lieutenans  généraux  civils,  lieutenans  criminels, 
eu  aiitres  premiers  officiers  de  pareille  nature  &  qualiré,  de 
nos  bailli.rges&  fénéchauffées  ,  ne  feront  pouivjs  à  l'avenir 
tl.ue  fous  le  titre  primitif  de  leurs  offices  ,  fans  qu'ils  puilTent 
prendre  d'autre  titre  &:  qualité  ,  &  ror;:nment  celle  de  Préfi- 
dent. Voulons  en  conféquence  qu'ils  ne  foient  tenus  de  payer 
Rutres  ni  plus  gr.tnJs  droits  de  prêt  5c  d'annuel,  de  mutation, 
4e  provitlons  &  de  réceptions  ,  que  ceux  dont  font  tenus 
)£urfdits  rflkf  s  j  &  f  e  npnpbriint  les  différente*  attributions 


PRÉSIDENT. 

dans  cette  fuppreffion  ,  de  réduire  les  bailliages  Se 
fénéchauffées  du  royaume,  qui  font  en  même  temps 
fiéges  préfidlaux,  au  nombre  d'officiers  qui  peut 
êtic  néceflaire  pour  le  fervice  ;  de  rendre  aux  lieu- 
tenans généraux  6c  aux  lieutenans  criminels,  ou  au- 
tres premiers  officiers  des  bailliages  &  fénéchauf- 
fées,une  prééminence  dont  ils  n'auroient  jamais  dû 
être  privés,&  de  réferver  le  titre  de  Préfident  à  ceux 
qui  ontl'honneurde  préfideraux  cours  fouveraines. 

PRÉSIDJAL.  C'eft  un  tribunal  établi  dans  cer- 
tains bailliages  Si.  fénéchaufTées  ,  pour  connoître 
en  dernier  reffort  de  certaines  matières ,  jiifqu'à 
concurrence  de  deux  mille  livres  ,  tant  en  prin- 
cipal qu'intérêts  ,  ou  arrérages  échus  avant  h  de- 
mande. 

La  multitude  d'affaires  dont  les  cours  fouve- 
raines étoient  chargées  ,  &  l'utilité  qui  devoit  ré- 
fulter  de  laiffer  aux  premiers  juges  le  foin  de  ter- 
miner en  dernier  reflbrt  les  caufes  légères,  dé- 
terminèrent Henri  II  à  donner  ledit  du  mois  de 
janvier  1551.  Par  cette  loi  ,  ce  prince  ordonna 
que  dans  chacun  des  principaux  bailliages  &  fé- 
néchaufTées il  y  auroit  un  Préfidial  compofé  de 
neuf  magiftrats,  pour  le  moins,  y  compris  les 
lieutenans  généraux  &  particuliers  ,  civils  &  cri- 
minels. 

Il  fut  dit  que  ces  magiftrats  connoîtroient  de  • 
toute    matière    criminelle  ,   félon     le    règlement 
qui    en  avoit  été   fait   par   les   précédentes    or- 
donnances. 

Qu'ils  connoîtroient  de  toutes  les  matières  ci- 
viles qui  n'excéderoient  pas  la  fomme  de  250  liv. 
tournois  en  capital  ,  ou  10  liv.  de  rente  annuelle  , 
&  qu'ils  en  jugeroient  fans  appel ,  comme  juges 
fouverains  ik.  en  dernier  reffort,  ainfi  que  des 
dépens ,  à  quelque  fomme  qu'ils  puffjnt  monter. 

Ce  pouvoir  de  juger  en  dernier  refTort  jufqu'à 
250  liv.  de  principal,  ou  10  liv.  de  rente,  fut 
ce  qu'on  appela  le  premier  chef  de  redit  des 
Fréfidiaux. 

Le  même  édit  ordoKna  que  les  fentences  que 
rendroient  les  Préfidiaux  pour  chofes  qui  n'excé- 


qu«  nous  leur  avons  faites  par  notre  préfent  édit. 

II.  Voulons  au  furplusque  lefdits  officiers  continuent  de 
jouir  de  toutes  les  prérogatives  &:  fondions  attribuées  à 
leurfdits  offices  ,  &  mcme  qu'en  attendant  la  vacance  defJitj 
offices  de  Préfidens,  ils  puilTen: ,  en  leur  abfence  ,  prélTder  , 
favoir,  les  lieurcnins  généraux  ou  autres  ayant  lis  niciiies 
fonilions  ,  au  jugement  de  toutes  aflaires  civiles  au  premier 
&:  fécond  chef  de  l'èdit ,  &  les  lieutenans  criminels  ou  autres 
premiers  officiers  ayant  les  mêmes  fonctions,  au  jugement 
de  toutes  affaires  ctiminelles,  jugées  préfidialement  ;  comme 
aufli  qu'ils  puilTent  réciproquement  afliffer  au  jugement  def- 
dites  affaires  civiles  &  criminelles ,  le  tout  conformément  aux 


difpofitions  des  ordonnances  ,  arrêts  &:  réglemens  intervenus 
à  ce  fujet ,  fans  que  le  lieutenant  général  &  le  lieutenant  parti- 
culier ,  ou  autres  officiers  de  pareille  nature,  puiffenten  aucun 

cas  préfider  au  jugement  des  affaires  ciiminelles  ,  ni  que  le 
..  :_-:_-i      î'-rr,(r -_;._:__i       »a:.-;>rr 


iieutenant  criminel  ,  l'airefTeur  criminel  ,  ou  autres  officiers 
dépareille  qualité,  puiffenc  prélîdcr  au  jugement  des  affaires 
civiles.  Si  donnons  en  mandement,  ôcc. 


PRÉSIDIAL. 

deroient  pas  la  valeur  de  500  liv.  ou  lO  llv.  de 
rente  ,  s'exécuteroient  par  provifion ,  nonobftant 
l'appel,  tant  en  principal  que  dépens,  à  quelque 
fomme  que  les  dépens  purfent  monter  ;  &  cette 
difpofition  fut  ce  qu'on  appela  le  Jecond  chef  de  Cé- 
aic  dis   Prcfidiaux, 

Cette  première  loi  a  été  fuivie  de  plufieurs  autres 
qiii  l'ont  étendue  &  interprétée. 

Pour  affurer  le  maintien  de  la  juridiflion  Pré- 
fidiale  contre  la  réfutance  que  quelques  cours  pa- 
roi/Toienty  oppofer  ,  Henri  III  attribua  au  grani 
confeil  la  connoilTance  des  atteintes  qui  feroiewt 
portées  à  ceite  jurididion  ;  &  des  lois  poflérieures , 
en  déterminant  plus  diûindement  l'objet  de  cette 
attribution  ,  avoient  chargé  le  grand  confsil  de  ju- 
ger les  conilits  entre  les  parlemens  &  les  fiéges 
Préfidiaux.  Mais  le  roi  s'étant  fait  rendre  compte 
de  l'exécution  de  ces  lois  ,  a  reconnu  que  le 
moyen  introduit  par  Henri  111  pour  maintenir  la 
jurididion  Préfidiale,  n'étoit  plus  nécelTaire,  de- 
puis qu'une  expérience  de  plus  de  deux  fiècles 
avoit  pleinement  établi  l'utilité  de  cette  jurididion  ; 
d'ailleurs  ,  que  l'obligation  où  éioient  fes  fujets  de 
venir  des  provinces  les  plus  éloignées  plaider  au 
grand  confeil  fur  la  compétence  ou  incomp-tence 
du  Préfidial  ,  relativement  à  l'affaire  la  plus  lé- 
gère, alloit  diredement  contre  le  but  de  l'inftitu- 
tion  de  la  Préfidialité  ,  &  occafionnoit  une  fur- 
charge  exccflive  aux  parties  ,  par  l'exécution  môme 
de  difpofitions  qui  tendoient  à  leur  foulagement  ; 
ia  majêAè  a  pareillement  reconnu  que  le  recours 
fréquent  des  Préfidiaux  au  grand  confeil  contre 
les  parlemens  ,  leurs  fupérieurs  légitimes  &  na- 
turels ,  avoit  l'inconvénient  d'annoncer  une  con- 
tradidion  qui  n'exiftoit  plus ,  d'altérer  la  fubordi- 
nation  ,  d'induire  les  Préfidiaux  à  de  faux  prin- 
cipes fur  leurs  conflitutions  ,  &  d'exciter  fouvent 
des  troubles  &  des  débats  fâcheux,  que  l'exercice 
de  la  jurididion  préfidiale ,  ramenée  aux  termes 
de  fon  inilitution,  ne  doit  point  occafionner,  & 
qui  tournent  au  grand  préjudice  des  parties  &  de 
l'adminiflraiion  de  la  juftice.  Sa  majefté  a  auflî 
penfé  ,  que  pour  rendre  à  la  Préfidialité  l'auto- 
rité que  le  changement  des  valeurs  numéraires  & 
l'augmentation  du  commerce  lui  avoient  fait  per- 
dre peu  à  peu  ,  il  convenoit  d'augmenter  les  fom- 
mes  dont  les  Préfidiaux  avoient  droit  de  con- 
noître  ;  elle  a  encore  eu  en  vue  de  pourvoir  aux 
difficultés  relatives  à  l'exercice  de  la  jurididion 
préfidiale  ,  en  déterminant  les  objets  de  fa  com- 
pétence d'une  manière  prccife ,  &  qui  ne  permit 
plus  d'incertliude;  enfin  elle  s'efl  propofé  d'ajou- 
ter aux  difpofitions  des  lois  relatives  aux  contef- 
tations  qui  doivent  être  portées  devant  les  Pré- 
fidiaux ,  les  mefures  les  plus  efiicaces  pour  que 
l'inflrudion  &  le  jugement  de  ces  conteflations 
futfent  aufii  fommaires  &  auffi  peu  difpendieux 
qifil  feroit  poffible  ,  &  qif il  ne  pût  d'ailleurs  être 
porté  aucune  atteinte  à  la  compétence  &  au  der- 
nier reffort  attribué  aux  Préfidiaux.  Ces  motifs  ont 


PRÉSIDIAL.  503 

donné  lieu  à  l'édit  de  novembre  1774  (i*)  ,  5c  '' 
l'editdu  moi^  d'août  1777.  Comme  ce  fécond  édit 
forme  particulièrement  le  dernier  état  de  la  jurif- 
prudence  fur  la  compétence  des  Préfidiaux  ik  l'exer- 
cice de  la  jurididion  préfidiale,  il  convient  d'en 
rapporter  ici  les  difpofitions  : 

«  Article  i.  Les  édits  &  réglemens  concer- 
>»  nant  les  Préfidiaux,  &  notamment  notre  édit 
»  du  mois  de  novembre  1774,  portant  amplia- 
'»  tion  de  leur  pouvoir  ,  {'^ont  exécutes  en  ce 
»  qui  concerne  feulement  le  premier  chef  de 
)j  leur  compétence  ,  fans  qy.Q  les  parties  ,  pour 
»  procéder  au  Préfidial  en  première  infiance , 
»  loient  tenues  à  l'avenir  de  prendre  aucune  com- 
"  miiTion  ,  dont  nous  les  difpenfons  par  le  pré- 
»  fent  édit. 

»  2.  Abrogeons  toutes  les  difpofitions  defdits 
"  édits  concernant  le  fécond  chef  :  voulons  qu'à 
"  l'avenir  les  demandes  Se  contefiations  qui  excé- 
»  deront  la  fomme  de  deux  mille  livres,  foient 
»  portées  ,  tant  en  première  infiance  que  par  ap- 
»  pel ,  pardevant  les  juges  qui  en  doivent  con- 
"  noître. 

»  3.  Les  juges  Préfidiaux  auront  la  connoif- 
»  fanée  en  dernier  refi"ort  des  demandes  de  fom- 
»  mes  fixes  &  liquides  qui  n'excéderont  pas  la 
'>  fommc  de  deux  mille  livres ,  tant  pour  le  prin- 
»  cipal,  que  pour  les  intérêts  ou  arrérages  échus 
»  avant  la  demande.  A  l'égard  des  intérêts,  ar- 
»  rérages  ou  refiitutions  do  fruits  échus  depuis 
»  la  demande,  dépens,  dommages  &  intérêts,  ils 
»  ne  feront  pas  compris  dans  la  fomme  qui  déter- 
»  minera  la  compétence. 

»  4.  Il  fera  loifible  à  la  partie  qui  pourfuivra 
•>•>  le  payement  d'une  créance  excédente  la  fomme 
11  de  deux  mille  livres  ,  de  déclarer ,  qu'à  l'effet 
»  d'obtcn  r  jugement  en  dernier  refibrt  ,  elle  en- 
»  tend  refireindre  fa  demande  ,  tant  en  principal 
»  qu'arrérages  ou  intéiêts  échus  ,  à  ladite  fommc 
»  de  deux  mille  livres  ou  au  delTous  ;  après  h- 
»  quelle  refiridion, le  défendeur  demeurera  quitte 
»  en  payant  ladite  fomme  ,  &  ne  pourra  plus 
>»  être  inquiété  ni  pourfuivi  pour  le  furplus ,  en 
»  v.^rtu  du  même  titre  de  créance,  foit  devant 
»  lei'dits  juges  Préfidiaux ,  foit  dans  aucune  autre 
»  jurididion, 

"  5.  Dans  le  cas  où  les  demandes  auroient  pour 
»  objet   des  effets  mobiliers  ou  immobiliers,  ou 
»  des  droits  incorporels  ,  lefdits  juges  PréfiJiaux 
»  n'en    pourront    connoître  en  dernier  reffort 
»  que  lorfque  le  demandeur  aura  déclaré  ,    par 


CD  Cet  édit  de  novembre  1774  >^  ordonné  que  les  juges  des 
Préfidiaux  jugeroient  er.  dernier  rcflort  routes  les  mariéres  civi- 
Its,  de  quelque  qualité  qu'elles  futfent,  qui  pouvroient  tom- 
her  en  eîlimaticn  ,  &:  qui  n'excéderoicnt  pas  la  fomi-ne  de 
deux  mille  livres  de  principal  ,  &  de  quaire-vingc  livres  de 
tente  ,  enlenible  des  dépens  &■  reftitutions  de  fruits  ,  i  quel- 
que fomme  qu'ils  puffcnt  monter  ;  &r  enoutre  par  provi:ion 
a  la  charge  de  donner  cauùon  ,  jufqu'à  quatre  mille  livres  de 
principal ,  fie  de  cent  foixante  livres  de  rence. 


504  PRESIDIAL. 

«  afle  pricis  ,  qu'il  évaliieoii  reftreint  fa  demande 
j>  en  principal  &  arrérages  ,  intérêts  ou  reftitu- 
»  tions  de  fruits  èclius,  a  ladite  fomme  de  deux 
j»  mille  livres  ou  au-delTous  ,  fans  qu'en  aucun 
»>  cas  il  puiiïe  être  ordonné  de  virite  ou  eflimation 
»  de  l'objet  conteflé. 

»  6.  Voulons  qu'audit  cas  d'évaluation  ou  ref- 
»  tri^lion  ,  le  défendeur  ne  puifTe  être  condamné 
»  qu'à  payer  en  deniers  la  fomme  à  laquelle  le 
>»  demandeur  aura  évalué  fa  demande  ,  avec  op- 
M  tion  néanmoins  de  délaiffer  en  nature  l'objet 
»  qui  lui  aura  été  demandé  :  voulons  pareillement, 
5»  que  dans  le  cas  où  il  auroit  été  queflion  d'une 
»  charge  ou  prcftation  annuelle,  ladite  charge  ou 
»  prédation  demeure  rembourfable  de  la  fomme 
M  portée  par  ladite  reftriiflion,  pendant  l'efpace  de 
w  cinq  ans. 

n  7.  Les  refiriéllons  ou  évaluations  autorifées 
j>  par  les  articles  4  &  5  ci-deffus ,  ne  pourront  être 
«  faites  par  les  tuteurs,  curateurs  ,  maris,  ou  au- 
"  très  adminiftrateurs  de  biens  eccléfiaftiques  ou 
»  laïcs  ,  ni  par  les  bénéficiers,  lorfqu'il  fera  quef- 
j»  tion  du  fonds  du  droit  appartenant  à  leurs  bcné- 
»  ficcs  :  ne  pourront  pareillement  être  faites  par 
»  les  mineurs  émancipés,  ou  autres  perfonnes  qui 
»  n'ont  pas  la  libre  difpofition  de  leurs  immeubles  , 
j>  dans  les  cas  où  il  fera  queftion  de  la  propriété 
V  defdits  immeubles,  ou  du  fonds  des  droits  qui 
j)  en  dépendent. 

3>  8.  Lefdites  évaluations  ou  reftriélions  pour- 
»)  ront  être  faites,  en  tout  état  de  caufe,  dans  les 
»  conteftations  dont  les  bailliages  ou  lénéchauf- 
M  fées  qui  ont  le  droit  de  juger  prcfidialement  fe- 
»  roient  faifis  ,  foit  en  première  inftance,  foit  par 
j)  appel.  A  l'égard  des  contertations  dont  nos  cours 
«  fe  trouveroient  faifies  par  la  voie  de  l'appel , 
»  les  parties  ne  pourront  plus  ufer  de  reftriftions 
»  ou  évaluations  pour  demander  leur  renvoi  au 
J)  Préfidial. 

«  9.  Lefdits  juges  Préfidiaux  ne  pourront  en 
«  aucun  cas  connoître  en  dernier  reflbrt  des  af- 
jj  faires  concernant  notre  domaine  ou  les  droits 
5>  de  notre  couronne;  des  matières  bénéficiales 
>»  ou  eccléfiaftiques  ,  ou  concernant  l'adminiftra- 
)>  tion  des  hôpitaux  ou  fabriques;  des  affaires  du 
«  petit  criminel ,  police  ou  voierie  ;  des  régle- 
j>  mens  entre  nos  officiers  ,  ou  ceux  des  fei- 
55  gneurs  ,  fur  leurs  droits  &  fur  l'exercice  de  leurs 
))  fondions  ,  ni  pareillement  des  matières  confu- 
j)  laires ,  &  autres  dont  la  connoifTance  exclufive 
>»  eft  attribuée  à  des  fièges  particuliers  ,  non  plus 
if  que  de  celles  donr  la  connoiflance  appartient  à 
5)  nos  cours  des  aides ,  dans  les  pays  où  nofdits 
})  bailliages  &  fénéchauffées  font  en  pofleiîîon  d'en 
»  connoître. 

1)  10.  N'entendons  pareillement  que  lefdits  ju- 
w  ges  pui/Tcnt  connoître  en  dernier  reflbrt  des  con- 
î)  teftations  fur  les  direftes  &  devoirs  feigneuriaux, 
«  quand  le  fond  &  la  nature  de  la  mouvance  ou  du 
»  devoir  feront  conteflés  ;  des  retraits  féodaux  on 


P  R  É  S  I  D  I A  L. 

))  lignagers,  des  interdirions  ,  des  fcparatlons  de 
'»  biens  ou  d'haÎDitations  ,  des  demandes  à  l'occa- 
»  fion  defquellcs  il  s'élèvera  conteftation  fur  l'état 
»  &i  qualité  des  perfonnes  ,  fur  celles  des  héri- 
»  tiers,  de  femme  commune  ou  féparée,  d'a/To^ 
»  ciés  ,  de  gardien  noble  ou  bourgeois  ,  de  tuteur 
')  ou  curateur,  ni  des  oppofitions  ou  levées  de 
»  fcellés  ,  inventaires  ou  partages. 

»  1 1.  Dans  le  cas  où  ,  en  ftatuant  en  dernier  ref- 
»  fort  fur  des  matières  de  leur  compétence ,  lef- 
»  dits  juges  auroient  prononcé  quelque  peine  , 
»  amende  ou  injonftion  contre  aucun  de  nos  offi' 
»  ciers  ou  des  leigneurs ,  lefdites  difpofitions  ne 
J)  pourront  être  exécutées  qu'à  la  charge  de  l'appel 
5)  en  nos  cours ,  fans  préjudice  de  l'exécution  en 
')  dernier  reflbrt  des  autres  dirpofitions  defdits  ju- 
»  gemens  ;  fans  que  lefdits  juges  Préfidiaux  puif- 
»  fent  en  aucun  cas  faire  aucun  règlement ,  ni  pro- 
'»  noncer  comme  juges  en  dernier  reflort ,  ou  en- 
n  joindre  à  aucun  juge  refîbrtifTant  devant  eux  , 
»  dans  les  cas  de  l'édit  feulement ,  la  publication 
i>  6c  enregiftrement  d'aucuns  édits ,  déclarations  iu 
»  lettres-patentes. 

»  12.  Aucune  conteftation  ne  pourra  être  jugée 
»  en  dernier  reflbrt  que  fur  la  réquifition  des  par- 
1)  ties:  faifons  défenfcs  à  nos  procureurs  de  requé- 
î»  rir  ,  8i  auxdits  officiers  d'ordonner  d'office  , 
)j  qu'aucune conteflation  fera  jngce  prcfidialement; 
))  pourra  au  fiirplus  le  dernier  reiîorr  être  requis 
»>  par  les  parties  ,  ou  l'une  d'elles .  en  tout  état  de 
»  caufe,  fans  néanmoins  qu'.:  rnifon  de  ladite  ré- 
j>  quifition  les  jugemens  dont  il  auroit  tléjî  été  in- 
t)  terjeté  appel ,  puifTent  être  cenfcs  rendus  en 
»  dernier  refibrt. 

»  13,  Lorfque  le  dernier  refTort  aura  été  requis 
»  par  l'une  des  parties ,  lefdits  juges  feront  tenus  , 
»  avant  de  prononcer  aucun  autre  jugement,  de 
»  ftatuer  préalablement  &  fèparément  fur  leur 
5)  compétence  Préfidiale  ,  &  d'ordonner  que  la 
»  caufe  fera  jugée  en  dernier  refTort ,  ou  qu'elle 
»  fera  jugée  à  l'ordinaire  ,  à  quoi  ils  procéderont 
»  fommairement  fur  les  conclufions  de  nos  pro- 
5»  cureurs  efdits  fièges,  par  une  fentence  contra- 
>j  diiSoire  avec  les  parties ,  ou  par  défaut ,  qui  ne 
»  pourra  être  rendue  par  moins  de  cinq  juges;  ce 
w  qui  aura  lieu ,  foit  que  le  Préfidial  ait  été  faifi  de 
»  la  conteflation  en  première  infiance,  foit  qu'il 
»  l'ait  été  par  la  voie  de  l'appel. 

»  14.  Dans  le  cas  où  l'une  des  parties  fe  feroit 
»  pourvue  au  parlement ,  &  l'autre  au  préfidial  » 
r  fur  l'appel  de  la  même  fentence  du  juge  infé- 
>»  rieur  ,  il  fera  furfis  à  toutes  procédures  fur  lef- 
;»  dits  appels,  jufqu'àce  que  le  préfidial  ait  pro- 
»  nonce  fur  fa  compétence  ,  contradidoirement  ou 
i>  par  défaut ,  en  la  forme  portée  par  l'article  pré- 
j>  cèdent ,  &  ce  à  peine  de  nullité  de  tout  ce  qui 
»  feroit  fait  depuis  l'affignation  donnée  fur  l'appel 
J)  au  préfidial. 

»  15.  Leslentences  que  lefdits  ofHciers  rendront 
n  fur  leur  compétence,  feront  fujettes  à  l'appel, 

M  dans 


PRÈSIDIAL. 

»  dans  le  cas  feulement  où  ils  auront  retenu  la 
>»  caufe  pour  prononcer  en  dernier  reffort.  Vou- 
31  Ions  que  leurfdits  jujemens  foient  exécutés  , 
«  lorïqu  ils  auront  délaiffe  ,  fans  que  la  partie  qui 
>>  aura  requis  le  dernier  relTort  puifle  en  interjeter 
«  appel  fous  aucun  prétexte. 

»  i6.  Les  fentences  par  lefquelles  lefdits  juges 
»  auront  retenu  la  connoiffance  d'une  conteftation 
V  pour  y  prononcer  en  dernier  reffort  ,  pafferont 
»  en  force  de  chofe  jugée,  s'il  n'en  eft  pas  inter- 
»)  jeté  appel  dans  huitaine  après  la  fignitîcation  à 
»  perfonne  ;  &  fera  ledit  appel  relevé  dans  le  dé- 
«  lai  de  quinzaine  &  d'un  jour  par  dix  lieues.  Vou- 
3»  Ions  que  le  premier  a61e  de  procédure  fignifié 
>»  depuis  ladite  fentence  par  la  partie  déboutée  de 
«  fon  déclinatoire  ,  foit  regardé  comme  un  ac- 
"  quiefcement ,  fans  qu'en  aucun  cas  elle  puifle 
"  être  relevée  de  la  fin  de  non-recevoir  réfuitante 
«  de  Icxpiration  des  délais  ou  de  fon  acquiefce- 
«  ment. 

'»  17.  Les  appellations  desjugemens  de  compé- 
«  tence  feront  portées  en  nos  cours  ;  le  délai  de 
»»  l'afîlgnation  fur  kfdits  appels  ne  fera  que  de 
»>  huitaine  &  d'un  jour  pour  dix  lieues  ;  &  feront 
»'  lefdites  appellations  inftruites  &:  jugées  inceflam- 
«  ment  &  comme  matière  lommaire  ,  par  l'avis  de 
"  nos  avocats  &  procureurs  généraux  ,  en  la  forme 
»>  prefcrite  par  1  article  4  du  titre  6  de  l'ordonnance 
*»  de  1767. 

»  18.  Enjoignons  à  nos  avocats  &  procureurs 
»  généraux  de  tenir  exadement  la  main  à  l'exécu- 
*'  tion  des  édits  &  ordonnances  concernant  la  pré- 
5>  fidialité,  dont  nous  chargeons  leur  honneur  & 
"  confcience  ;  &  feront  les  appels  interjetés  en  nos 
'>  cours  de  jugemens  de  compétence  rendus  par 
»  lefdits  juges  Préfuiiaux  ,  jugés  fuivant  les  difpo- 
»'  fitions  defdits  édits  ,  fans  avoir  égard  à  aucun 
>»  acquiefcement  des  parties  fur  la  compétence  def- 
»>  dits  juges,  donné  depuis  que  l'appel  aura  été  re- 
»>  levé  ;  tous  lefquels  acquiefcemens ,  foit  qu'ils 
»'  précèdent  ou  qu'ils  fuivent  le  jugement  défini- 
«  tifdu  fond  de  la  conteflation  ,  par  lefdits  juges 
»>  Préfidiaux  ,  nous  avons  dès-à-préfent  déclarés 
«  nuls  8c*  de  nul  effet;  ce  que  nous  voulons  être 
»»  exécuté ,  à  peine  de  nullité  dont  nous  nous  ré- 
»>  fervons  la  connoiflance. 

w  19.  Les  appels  des  jugemens  de  compétence 
»  ne  feront  point  fufpenfifs ,  6c  il  ne  pourra  point 
i>  être  accordé  d'arrêt  pour  défendre  auxdits  juges 
ï'  de  pafTer  outre  au  jugement  de  la  conteflation  ,  à 
>'  peine  de  nullité  &  de  tous  dépens ,  dommages  & 
»  intérêts  ,  payables  tant  par  la  partie  que  par  fon 
»>  procureur  Solidairement,  même  d'amende  con- 
»  tre  le  piocureur.  Voulons  qu'il  puifle  être  procé- 
"  dé  au  jugement  des  conteflations  portées  au  pré- 
«  fidial  ,  nonobftant  &.  fans  préjudice  defdites  ap- 
>>  pellations ,  &  que  les  jugemens  foit  interlocu- 
«  toires  ,  foit  définitifs  ,  qui  pourront  y  être  ren- 
«  dus,  foient  exécutés  en  dernier  reflbrt,  fi  le  ju- 
«  gement  de  compétence  eft  confirmé  ,  ou  à  la 

Tçme  XIII. 


PRÈSIDIAL.  505 

»  charge  de  l'appel ,  fi  Je  préfldial  n'efl  pas  juge 
»  compétent. 

»  20.  Au  moyen  des  difpofitions  ci-defl"us  ,  con- 
»  cernant  les  jugemens  de  la  compétence  préfj- 
j)  diale,  il  ne  pourra  à  l'avenir  être  élevé  aucun 
»  conflit  entre  nos  cours  &  les  fièges  Préfidiaux  de 
V  Uur  reflbrt.  Révoquons  en  confcquence  ,  en  tant 
)>  que  de  befoin  ,  la  difpofuion  de  l'art.  26  du  tit.  2 
1)  de  l'ordonnance  de  1737,  &  autres  réglemens 
H  au  fujet  defdits  conflits. 

»  21.  Toutes  demandes  incidentes  ,  dent  l'objet , 
»  réuni  à  celui  de  la  demande  principale  ,  excéde- 
»  roit  la  fomme  de  deux  mille  livres  ,  &  qui  fe- 
M  roient  formées  depuis  la  réquifition  du  dernier 
;>  reflbrt,  ne  pourront  être  reçutts,  fauf  aux  par- 
»  lies  à  fe  pourvoir  par  nouvelle  aâion  ,  pour  rai- 
»  fon  defdites  demandes  ,  autres  néanmoins  que 
3>  celles  qiii  ne  peuvent  plus  être  formées,  aux  ter- 
j)  mes  de  l'article  4  ci-deflus. 

j>  22.  Il  fera  flatué  à  l'audience  ,  ou  fur  délibéré, 
M  fur  toutes  les  caufes  qui  feront  dans  le  cas  d'être 
»i  jugées  en  dernier  reffort  par  lefdits  juges  Préfi- 
»  diaux  :  leur  enjoignons  de  ne  prononcer  d'ap- 
j>  pointement  que  dans  les  affaires  qui  exigeront 
»  indifpenfablement  une  inflrudion  par  é'^rit  ;  &, 
»  dans  ce  cas  ,  leurs  épices  ne  pourront  excé-der  la 
»  fomme  de  fix  livres  pour  les  jugemens  intcrlo- 
»  cutoires,  &  celle  de  douze  livres  à  l'égard  de 
»  ceux  qui  feroient  définitifs. 

"23.  Aucun  jugement  contradiéîoire  on  par  dé- 
»  faut,  interlocutoire  ou  définitif,  autre  que  ceux 
»  dont  il  eft  fait  mention  dans  l'article  i  5  ci  dcffus  , 
»  ne  pourra  être  exécuté  en  dernier  refTort  ,  s'il 
V  n'en  eft  fait  mention  au  commencement  du  dif- 
»  pofitif ,  &  s'il  n'efl  rendu  au  nombre  de  fept  ju- 
»  ges  au  moins  ,  lefquels  figneront  fur  la  minute  , 
»  &  dont  les  noins  &  qualités  feront  marqués  par 
»  le  greffier.  Ordonnons  pare;iLMnept  aux  gref- 
)>  fiers  d'y  faire  mention  des  jugemens  &  arrêts 
>»  intervenus  fur  la  compétence.  'Voulons  en  ou- 
»  tre  que  les  dépens  foient  taxés  &  liquidés  dans 
»  les  jugemens  définitifs. 

)>  24.  Permettons  à  nofdits  officiers ,  dan-;  le  cas 
î»  où  ils  ne  fe  trouveroient  pas  en  nombre  fuffii^nt , 
»  d'appeler  d'anciens  gradués  non  fiKpcfts  aux 
»  parties ,  au  nombre  de  trois  au  plus  ,  &  par 
))  préférence  nos  avocats  &  procureurs  efdits  fiè- 
»  ges  ,  dans  les  caufes  où  il  n'échet  de  donner  des 
j>  conclufions. 

»  25.  Les  jugemens  des  juges  préfidiaux,  dans 
»  lefquels  les  formalités  preicritei  par  les  deux  art. 
»  précédens ,  n'auront  par  été  obfervécs,  feront 
»  fujets  à  l'appel  en  nos  cours  ,  encore  qi;'il  y  eût 
»  fentence  de  compétence  préfidiale ,  acquiefcée 
»  par  les  parties ,  ou  confirmées  par  arrêt  ;  8c  fe- 
j»  ront  tenus  les  appelans  d  exprimer  dans  les  let- 
V  très  de  relief  d'appel ,  ou  dius  la  requête  par  la- 
»  quelle  ils  demanderont  d'être  reçus  appdlans  , 
»  qu'ils  interjettent  ledit  appel  ,  attendu  que  la  fen- 
»  tence  ne  fait  point  mention  qu'elle  ait  été  ren- 

S  5S 


5o5  Ï^RÉSIDIAL. 

»  due  en  dernier  reffort ,  ou  qu'elle  n'a  pas  été 
»  rendue  &  fignée  par  le  nombre  requis  de  juges  ; 

V  faute  de  laquelle  déclaration  l'appel  ne  pourra  être 
I)  reçu,  ni  les  lettres  de  relief  expédiées;  &  dans 
n  le  cas  où  romiflîon  alléguée  par  l'appelant  ne  Te 
j>  trouveroit  pas  effective  ,  il  fera  purement  &  fiin- 

V  plement  déclaré  non  recevable  ,  &  condamné  en 
»  trois  cents  livres  d'amende  ,  moitié  envers  nous 
»  moitié  envers  la  partie. 

»  26.  Tout  jugement  rendu  en  conformité  des 
>»  art.  20  &  21  ci  deiTus  ,  fera  exécuté  en  dernier 
«  reflbrt  ,  fans  que  l'appel,  en  aucun  cas,  même 
«  à  titre  d'incompétence  ou  apurement ,  en  foit  re- 
î>  cevable  ,  &  lans  que  nos  cours  puilTent  même  , 
«  fous  prétexte  d'infpedlion  de  police  ,  prendre 
»  connoi(r<mce  de  ce  qui  fera  prononcé  par  lefdits 

V  jugemens  ,  relativement  aux  conteftations  des 
»  parties  j  en  principal,  intérêts,  fais  &  dépens. 
»  Faifons  d.fonfes  aux  officiers  de  nos  chanccUe- 

V  ries  de  fceller  aucun  relief  d'appel  efdits  cas,  à 
35  peine  de  nullité ,  Si  aux  procureurs  d'occuper 
j)  iur  iceux  ,  à  peine  contre  les  parties  de  trois  cents 
»  livres  d'amende  ,  moitié  envers  nous  ,  moitié 
>»  envers  la  partie  ,  &  d'interdi6iion  contre  les 
■i>  procureurs;  toutes  lefquclles  peines  feront  pro- 
»  noncées  d'office  &  (ur  les  conckifions  de  nos 
«  procureurs  généraux  en  nos  cours ,  quand  mê- 
»>  me  les  parties  n'y  auroient  pas  conclu  ;  &  ne 
«  pourront,  à  l'occafion;  dcfdirs  appels,  être  in- 
«  troduits  aucuns  règlemens  de  juges  entre  nof- 
î>  dites  cours  &  lefdits  juges  pr  Jfuliaux  ,  fans  pré- 
3>  judice  des  voies  de  droit  contre  les  jugemens  en 
«  dernier  reflbrt. 

}>  27.  En  chaque  bailliage  &  fénéchauffie  ou  il 
»  y  a  préfidlal,  le  bailliage  ou  fénéchaufTee  &  le 
»i  préfidial  ne  formeront  qu'un  fcul  Si  même  fiège, 
»  fans  que,  dans  l'ordre  des  féances  &  du  fervice, 
»  foit  pour  les  audience^  ou  pour  la  chambre  du 
î>  confeil ,  il  puiiTe  être  fait  diftindtion  des  affaires 
«  fujettes  au  -dernier  relTort  ,  de  celles  fujettes  à 
«  l'appel.  Voulons  que  les  unes  &  les  autres  foient 
3>  portées  indiftiudement  aux  mêmes  audiences  , 
ï)  chambres  ou  féances  ,  fans  aucun  changement; 
»»  quant  au  furplus  ,  dans  l'ordre  ordinaire  du  fer- 
»  vice  ,  n'entendons  innover  quant  aux  ufages 
>i  &  à  la  forme  des  féances  de  notre  châteiet  de 
»>  Paris. 

M  28.  Dérogeons  à  toutes  lois,  ordonnances  on 
»»  règlemens  contraires  aux  difpofitions  du  préfent 
n  édit  ,  que  nous  voulons  être  gardé  &  obfervé  en 
»  tout  fon  Contenu  ,  à  compter  du  jour  de  fa  publi- 
»  cation  &  enregirtrement  en  nos  cours ,  à  peine 
»  de  nullifé  de  tout  ce  qui  feroit  fait  au  préjudice 
«  d^fdites  difpofitions.  Si  donnons  en  mande- 
n  ment ,  6cc.  ». 

Cet  édit  a  été  fuivi  d'une  déclaration  donnée  par 
!«  roi  le  29  a;,ût  1778,  pour  in'erprêter  quelques 
difpofitions  du  même  cdr,  &  y  ajouter  celles  que 
h  niajefté  a  ji;gées  propres  à  rendre  le  recours 


P  R  B  S  I  D  I  A  L. 

sux  Préfidlanx  plus  facile  &:  moins  onéreux  à  fes 
fujets. 

Cette  déclaration  contient  les  huit  articles  fui- 
vans  : 

»  Article  i.  L'article  premier  de  notre  édit  du 
M  mois  d'août  dernier ,  concernant  la  jurifdi^lion 
»  des  Préfidiaux,  fera  exécuté;  Si  ,  pour  procurer 
j>  un  plus  grand  foulagement  à  ceux  de  nos  fujets 
»  qui  font  dans  le  cas  de  s'y  pouvoir,  voulons 
"  qu'ils  puiilcnt  procéder  au  Préfidial  ,tant  en  pre- 
»  mière  inftance  qu'en  cas  d  appel ,  fans  prendre 
»  de  commill'ion  ;  comme  aufTi  que  les  amendes 
»  d'appel  61  les  droits  de  greffe  pour  les  défauts 
»  faute  de  comparoir,  n'y  foient  perçus  à  l'avenir 
)>  que  fur  le  même  pied  qu'ils  le  font  dans  les  bail- 
»  liages  &  fénéchaulfées. 

»  2.  L'article  4  dudit  édit  fera  exécuté  ;  en  con- 
»  féquence ,  les  juges  Préfidiaux  ne  pourront  or- 
»  donner  d'office  que  l'objet  conreflé  fera  eftimé 
'»  par  experts  ,  à  l'effet  de  déterminer  leur  compé- 
»  tence.  Ne  pourront  pareillement  les  demandeurs 
»  requérir  aux  mêmes  lins  l'efilmation  par  experts  , 
'>  faut  à  eux  à  ufer  des  évaluations  permifes  par 
»  ledit  article  ;  6i  ,  dans  le  cas  oîi  les  demandems 
))  n'auroient  pas  évalué  l'objet  de  leur  demande  , 
n  voulons  que  les  défendeurs  qui  voudront  être 
»  jugcS  en  dernier  reiTort ,  puiii'ent  être  admis  à 
»  piuuver par  les  mercuriales  ou  autres documens , 
»  même  par  eftimation  d'experts ,  que  la  valeur  de 
»  l'objet  coniefté  n'excède  pas  la  fomme  de  2000  li- 
»  vres,  fans  qu'audit  cas  le  demandeur  puiffe  être 
»  obligé  de  fe  contenter  du  montant  de  l'eftlma- 
;>  tion  ,  fi  fa  demande  lui  cfl  adjugée  en  définitive. 

M  3.  En  ce  qui  concerne  l'aticle  7  ,  déclarons  que 
»  nous  n'avons  point  entendu  ,  par  la  difpofuion 
»  dndit  article,  empêcher  les  tuteurs,  curateurs  , 
»  maris  ,  &  autres  adminiflrateurs,  d'ufer  d'évalua- 
»  tions  ou  reftriâions  ,  lorCqu'ils  y  feront  dûment 
M  autorifés  ;  ce  qui  aura  pareillement  lieu  à  1  égard 
M  des  femmes. 

ji  4.  Interprétant ,  en  tant  que  de  befoin ,  la  der- 
n  nière  difpofuion  de  l'article  10  ,  déclarons  n'avoir 
j}  entendu  interdire  aux  Préfidiaux  la  connoi/Tance 
i>  des  oppofitions  aux  fcellés  ,  des  demandes  ré- 
)i  Alitantes  des  inventaires  ,  ni  de  l'exécution  des 
w  fentences  des  confuls ,  quand  l'objet  contefté 
»  n'excédera  pas  20CO  liv.  ,  non  plus  que  des  de- 
»  mandes  en  partage,  quand  la  n.afTe  à  part?ger 
j>  n'excédera  pas  ladite  fomme,  &  que  la  qualité 
)>  des  parties  ne  fera  pas  conteftée,  fans  qu'ils  puif- 
n  fent  procéder  aux  oppof;tions  Si.  levées  des  fcel- 
j)  lés  ,  à  la  confeéiion  des  inventaiies  ,  ni  recevoir 
V  l'appel  des  fentences  des  confuls. 

j>  5.  Les  jugemehs  de  compétence  prefcrits  par 
i>  les  art.  13  8i  16  ,  feront  rendus  n  1  audience  ,  8c 
j>  fans  frais;  ils  ne  feront  point  expédiés  en  par- 
»  chemin  ,  &  ils  ne  feront  point  fcellés  ni  fi^^nés 
»  en  chef.  Voulons  que  la  fignificatlon  ,  qui  en 
»  fera  faite  de  procureur  à  procureur,  foit  fuffi- 
n  fante  pour  faire  courir  le  délai  de  huitaine,  après 


P  R  È  s  I  D  I  A  L. 

*)  lequel  l'appel  ne  fêta  plus  recevahîc.  Voulons 
»  pareillement  que  l'appelant  (bit  déclaré  uon-re- 
r>  cevable  ,  s'il  n'a  relevé  ("ondit  appel  dans  le  do- 
>>  lai  prefcrit  par  ledit  article.  Enjoignons  rux  gicf- 
»>  fiers  de  faire  mention  dans  l'expédition  del'dits 
»>  jugemens  des  conclufions  &  qualités  des  parties. 

»  6.  L'article  ai  fera  exécuté  à  l'égard  des  dc- 
»♦  mandes  incidentes  qui  feroient  formées  par  le 
»  demandeur  après  le  jugement  de  compétence. 
"  N'entendons  comprendre  dans  la  difpofition  du- 
»  dit  article  ,  celles  qui  ne  concerneroient  que  les 
>»  arrérages  ou  intérêts  échus  depuis  la  demande, 
w  ainfi  que  les  dommages  intérêts  &  dépens ,  non 
»  plus  que  les  demandes  qui  f»roient  oppofées  par 
>>   le  défendeur. 

»  7.  En  ce  qui  concerne  les  difpofitions  des  art. 
»>  22  &  25  ,  touchant  les  épices,  lafignature  des 
"  juges  aux  jugemens  qui  feront  rendus  à  l'au- 
»»  dience  ,  &  la  liquidation  des  dépens  ,  comme 
»>  aufli  en  ce  qui  concerne  l'article  27  par  rapport 
ï)  à  l'ordre  des  féances  ,  il  en  fera  ufé  comme  par 
«  le  paffé  ,  jufqu'à  ce  qu'il  en  ait  été  par  nous  au- 
i>  trement  ordonné. 

5»  8.  Maintenons  notre  châtelet  de  Paris  dans 
•>  tous  les  ufages  qui  lui  font  propres  ,  foit  pour  la 
*  forme  de  fes  féances ,  foit  pour  la  fignature  des 
»  juges  qui  y  ont  aflîfté;  l'autorifons  aufTiàjuger 
»»  en  féances  préfidiales ,  &  à  la  décharge  du  parc 
>»  civil  ,  jufqu'à  la  concurrence  de  4000  livres  , 
»  comme  en  matière  ordinaire,  fauf  l'appel  en 
»  notre  cour  de  parlement.  Si  donnons  en  mande- 
»  ment ,  &c.  ■^. 

Un  arrêt  rendu  au  confeil  d'état  du  roi  le  16 
juillet  1783  ,  a  ordonné  que  la  levée  &  flgnifica'ion 
des  jugemens  de  compétence  en  matière  préfidiale , 
n'auroient  pas  lieu  lorfque  ces  jugemens  auroient 
été  rendus  du  confentement  des  parties ,  ou  qu'elles 
y  auroient  acquiefcé  avant  l'appel  relevé. 

Quant  à  la  compétence  des  préfidiaux  en  ma- 
tière criminelle ,  voyez  ce  que  nous  avons  dit  à 
l'article  Cas,  en  pzrhnt  des  cas  prévôtaux  ou  pré- 
Jîdiaux ,  tome  2. 

Quoique  l'édit  du  mois  de  janvier  i^p  ait  at- 
tribué aux  Préfidiaux  le  droit  de  juger  fans  appel, 
&  comme  juges  Jouverains  &  en  dernier  rejfort ,  les 
(ontejljiions  dont  parle  cette  loi ,  ils  ne  peuvent 
néanmoins  pas  prononcer  par  jugement  fouvera'in  , 
mais  feulement  p^r  jugement  dernier. 

Ils  ne  peuvent  pas  non  plus ,  en  prononçant , 
ufer  de  l'expreffion  ,  mettre  l'appellation  au  néant  ; 
ils  doivent  prononcer  par  ^ic^  ou  mal  jugé. 

Les  magiftrats  de  plufieurs  Préfidiaux  ont  la 
prérogative  de  porter  la  robe  rouge  les  jours  de 
cérémonie. 

Quand  les  Préfidiaux  font  en  corps  dans  une  ca- 
thédrale pour  quelque  cérémonie  publique ,  ils 
doivent  y  occuper  un  certain  nombre  de  places 
dans  les  hauts  flalles  du  choeur.  Ce  nombre  doit 
être  proportionné  à  celui  desftalks  qui  peuvent 


PRÉSIDIAL.  507 

être  occupés,  &  des  officiers  du  corps  qui  afiïftent 
à  la  cérémonie. 

Un  arrêt  du  grand  confeil  du  28  avril  1679, 
rendu  entre  les  officiers  du  Préfidial  &  le  chapitre 
de  la  cathédrale  d'Evreux ,  a  ordonné  que  quand 
ces  officiers  aflîfleroient  en  corps  à  quelque  céré- 
monie publique  dans  la  cathédrale  ,  le  chapitre  fe- 
roit  tenu  deleurlaiflér  huit  places  dans  les  hauts 
ftalles  du  chœur  après  les  chanoines  ,  fans  que  !e 
greffier  &  les  autres  officiers  inférieurs  pudent  les 
occuper,  finon  après  que  les  officiers  du  chapitre, 
foit  habitués  ou  chapelains  ,  ou  autres  bénéficiers  , 
feroient  placés. 

Deux  autres  arrêts,  l'un  confeil  du  11  avril 
1692  ,  &  l'autre  du  parlement  de  Rouen  du  21 
juillet  1745  ,  ont  jugé  de  même  en  faveur  du  Pré- 
fidial de  Langres  &  du  Préfidial  de  Coutances. 

Dans  les  cérémonies  publiques ,  les  Préfidiaux 
ont  le  rang  au-deffi.is  des  maires,  gouverneurs,  & 
échevins  des  villes.  C'efl  ce  qui  réfulte  des  lettres* 
patentes  du  11  mai  1^57  ,  rendues  en  faveur  des 
Préfidiaux  du  royaume. 

Divers  arrêts  &  réglemens  ont  été  rendus  poftc- 
rieurement  en  conformité  de  cette  difpofition.  Joly 
en  rapporte  deux,  l'un  du  7  avril  1564  ,  en  faveur 
du  Préfidial  de  Bordeaux  ,  contre  les  maire  &  jurats 
de  la  même  ville;  &  l'autre  du  8  juin  1581  ,  en 
faveur  du  Préfidial  de  Tulles  ,  contre  les  maire  & 
confuls  de  cette  ville. 

Chenu  en  rapporte  trois  autres  ,  l'un  du  16  mars 
1598  ,  en  faveur  du  Préfidial  d'Amiens,  contre  les 
maire  &  échevins  de  cette  ville;  le  fécond  du  11 
février  1606,  en  faveur  du  Préfidial  de  Chaumont 
en  Baffigny  ,  contre  les  maire  &  échevins  de  cette 
ville  ;  &  le  troifième  du  1 1  mars  1609  ,  en  faveur 
du  Préfidial  de  Touloufe,  contre  les  capitoulsde 
cette  ville. 

Par  un  autre  arrêt  du  13  mai  175 1  ,  le  parle- 
ment de  Bordeaux  a  attribué  au  officiers  ày\  Préfi- 
dial de  Tulles  ,  tant  en  corps  qu'en  particulier  ,  la 
préféance  fur  le  fieur  de  la  Combe ,  gouverneur  de 
cette  ville. 

Par  un  autre  arrêt  rendu  au  confeil  le  2  mai  174(7, 
la  préféance  a  pareillement  été  accordée  aux  offi- 
ciers des  Préfidiaux  contre  les  lieutenans  des  maré- 
chaux de  France  (i). 

Les  Préfidiaux  ont  auTi  la  préféance  en  toute 
affeiTiblée  publique  fur  les  tréforiers  des  bureaux 


f  l)  Cet  arrêt  t'ait  dcfenfe  aux  lieutenans  des  marcchaux  de 
France  de  trouhler  les  officiers  des  Prclîdiaux  ,  bailliages  & 
autres  fièges  royaux,  dans  le  droit  de  ptcfcancc  Jans  cojrcs 
les  cérémonies  publiques  ,  fauf  dans  le  cas  où  les  gouverneurs, 
lieutenans  généraux  des  provinces  ,  lieutenans  de  roi  &•  com- 
mandans  fe  trouveront  &:  affi lieront  auxdites  cé-éinonie;  pu- 
bliques ,  auquel  cas  feulement  lefdits  lieutenans  de;  maré- 
chaux de  France  pourront  prendre  rang  &;  féance  immédiate- 
ment apiJs  lefdits  lieutenans  généraux,  lieutenans  de  roi  &: 
commandans ,  &  avant  lefdits  officiers  des  bailliages  &  lltg?t 
PrcfiJiaiix  ,  conformément  aux  édiis  des  mois  de  nia-'s  Ifj  3  , 
10  juillet  If  ?4  ,  &  novembre  i7>-7. 

S  s  si] 


ço8  PRÉSIDIAL 

des  finances.  Ccft  ce  qui  refulte  de  divers  arrêts 
du  conleil  des  2  décembre  1622,  16  avril  16S0, 
30  décembre  1681  ,  &  1 1  oi^obre  1684,  rendus 
pour  Lyon  ,  Amiens,  Riom  &  Orléans. 

Deux  arrêts  du  grand  confeil  des  28  juin  1618 
&  31  janvier  165 1  ,  &  unarrct  du  confeil  du  4  fé- 
vrier 1687,  ont  jugé  en  faveur  des  Préfidiaux  de 
Troies  ,  de  Riom  &  de  Mantes ,  qu'en  toute  afTem- 
blée  publique  ils  dévoient  précéder  les  fecrétaires 
du  roi. 

Il  a  pareillement  été  jugé  ,  par  divers  arrêts ,  que 
les  officiers  des  Préfidiaux ,  même  quand  ils  n  e- 
toient  pas  en  corps ,  dévoient  avoir  la  préféance  fur 
les  gentilshommes  en  toute  affemblée  publique  £c 
particulière. 

On  jugeoit  autrefois  que  les  Préfidiaux,  de  corps 
à  corps ,  &  de  député  à  député  ,  dévoient  avoir  la 
préféance  fur  les  chapitres  des  cathédrales  ,  hors 
de  leurs  fondions  eccléfiaftiques;  mais  rarticle  45 
de  l'édit  du  mois  d'avril  1695  a  changé  ce  droit. 
Cette  loi  a  ordonné  que  les  chapitres  des  cathédra- 
les prccéderoient  en  tout  lieu  les  baillinges  &  les 
Préfidiaux;  que  les  dignitaires  de  ces  chapitres  pré- 
céderoient  les  préfidens  des  préfidiaux  ,  les  lieute- 
rans  généraux  ô<  les  lieutenans  particuliers  ,  &  que 
les  chanoines  précéderoient  les  confeillers  Se.  les 
autres  olîîciers  de  ces  fiègcs, 

A  regard  des  autres  chapitres,  même  royaux  , 
comme  l'édit  nen  parle  point,  les  chofes  (ont  ref- 
tées  dans  l'ancien  état  ,c'eft  à-dire,  que  les  officiers 
des  PVèfidiaux  doivent  précéder  les  membres  de 
ces  chapitres  ,  lors  qu'ils  ne  font  aucune  fonâion 
eccléfiaflique. 

PRESOMPTION.  Jugement  que  la  loi  ou 
l'homme  porte  fur  la  vérité  d'une  chofe  ,  par  une 
conléquence  tirée  d'une  autre  chofe  ,  d'après  ce 
qui  arrive  communément  &  ordinairement  :  Exeo 
ijuod plemmque  fît,  diicuntur prœfompiiones ^  dit  Cujas 
fur  le  code  ,  titre  dfs  probationibus. 

Alciat  dérive  le  mot  Prc/omptio/jy  es  fumere  8c  de 
jprtc ,  parce  que  la  Préfomption  fait  tenir  quelque 
chofe  pour  vrai ,.  fumic  pro  vero  ,  fans  qu'il  foit  be- 
foin  d'en  faire  d'autres  preuves,  p/vc  (^idejî  ante^ 
i]uàm  aliundè  probetur. 

Il  ne  faut  pas  confondre  la  Préfomption  avec  la 
preuve  proprement  dire.  "  Celle-ci ,  dit  Pothier, 
■n  fait  foi  direfloment  6<  par  elle-même  d'une  chofe  : 
»  la  Préfomption  en  fait  foi  par  une  conféquence 
«  tirée  d'une  autre  chofe.  Ceci  s'éclaircira  par  des 
j)  exemples.  La  foi  que  fait  l'afte  portant  quittance 
j>  du  payement  d'une  dette  ,  cft  une  preuve  Httcr.ih 
»  du  payement  de  cette  dette  :  la  foi  que  font  les 
»  dépofnions  des  témoins  qui  ont  vu  le  créancier 
»>  recevoir  de  fon  débiteur  la  fomme  qui  lui  éroit 
«  due  ,  en  eft  une  preuve  vocale  ;  car  la  quittance  & 
n  ces  dépofitions  de  témoins  font  foi  par  elles- 
»  mêmes  &  direâement  de  ce  payement.  Mais  la 
»  foi  que  les  quittances  des  trois  dernières  années 
>>  de  fermage,  font  du  payement  des  trois  années 
»  précédentes ,  eft  une  Préfomption ,  parce  que  ce 


PRÉSOMPTION. 

»  n'eA  pas  par  elles-mêmes  &  direftemcnt  que  CGS 
5>  quittances  en  font  foi ,  mais  par  «ne  conféquence 
»  que  la  loi  tire  du  payement  des  trois  dernières 
»  années  ,  que  les  précédentes  ont  été  payées,  la- 
j>  quelle  conféquence  ert  fondée  fur  ce  qu'il  efl 
»  ordinaire  de  payer  les  anciens  fermages  avant 
»   les  nouveaux  ". 

Menochius  diftingue  la  Préfomption  d'avec  l'in- 
dice, la  conjeâure,  le  figne,  la  l'ufpicion  &  l'admi- 
nicule. 

L'indice  ,  dit-il ,  n'efl  pas  ,  comme  le  prétendent 
quelques-uns  ,  une  conjetfîure  qui  réfulte  de  cir- 
conflances  probables  qui  peuvent  n'être  pas  vraies, 
mais  qui  du  moins  font  ncceflairement  accompa» 
gnées  de  vraifemblance  ;  car  cette  définition  peut 
aufli  convenir  à  la  Préfomption  de  droit  ;  c'eft  une 
certaine  marque  ou  démonftration  qu'une  chofe  a 
été  faite. 

La  conjecture  eft  ,  fuivant  le  même  auteur  ,  l'in- 
dice d'une  chofe  cachée  ,  ou  la  preuve  qui  réfulte 
de  la  vérité  du  fait  par  le  raifonnement ,  par  les 
fignes  qui  l'accompagnent  ,  &  par  la  conjonflure 
des  temps. 

Le  figne  eft  la  marque  fenfible  (  c'eft-:i-c]ire  qui 
tombe  fous  quelqu'un  des  fens  )  d'une  chofe  dont 
il  eft  ou  le  prélude,  ou  l'accompagnement ,  ou  la 
fuite,  &  qui  néanmoins  a  befoin  d'être  confirmé. 
par  d'autres  preuves  plus  fortes.  Ainfi  une  épée 
fanglante  dans  la  main  d'une  perlonne,  eft  u.)  figne 
qu'il  y  a  cu  quelqu'un  de  tué  ou  de  bltffé. 

La  fufpicion  eft  un  mouvement  de  lame  fondé 
fur  quelques  circonftances  qui  inclinent  à  juger 
d'une  façon  plutôt  que  d'un  autre,  mais  qui  n'em- 
pêchent pas  de  douter  fi  on  ne  doit  pas  juger  autre- 
ment. 

Enfin  ,  l'adminicule  eft  ce  qui  fert  à  confirmer 
une  chofe  déjà  probable  par  elle-même. 

Nous  n'examinerons  pas  fi  toutes  ces  définitions 
font  juftes  ,  parce  que  ,  dit  Danty ,  «  dans  notre 
»  ufage  on  confond  la  fignification  de  tous  ces- 
»  noms  ,  fur-tout  en  matière  civile  :  on  appelle. 
»  Préfomption  ,  ce  qui  n'eft  qu'un  indice  ;  on  ap- 
))  pelle  un  indice  ,  ce  qui  eft  un  figne  ;  on  appeUc 
»  un  foupçon  ,  un  indice  ». 

11  eft  plus  important  de  remarquer  quelles  font , 
parmi  le  nombre  infini  de  Préfomptions  qui  fe  pré- 
fentent  à  l'efprit  dans  les  affaires  douteufes,  celle» 
qui  méritent  le  plus  de  croyance  ,  &  doivent  dé- 
terminer le  juge. 

Les  auteurs  diftinguent  trois  fortes  de  Préfomp- 
tions ,  l'une  qu'ils  appellent  jur/j  &  de  jure;  la  fé- 
conde ,  qu'ils  nomment  fimpkment  ju/is  ;  &.  la 
troifième  qu'ils  qualifient  de  Préfomption  humaine^ 

La  Préfomption  de  droit  &  autorifée  par  le  droit 
(  juris  &  de  jure  )  ,  eft  une  difpofition  de  l'a  loi  qui 
préfume  qu'une  certaine  chofe  eft  véritable  ,  & 
veut  qu'elle  pafiTe  pour  telle  ,  comme  fielle  en  étoit 
convaincue.  C'eft  la  définition  à'A\cht:  Difpofitio. 
leps  ûliquid  prafumeritis,  &  fuper  pmfumpto  ^  tarir 
quàmfibi  conipcrtoflatuentis^ 


PRÉSOMPTION. 

Elle  eft  ,dit  Menochius,  appelée  pra'fumptîo  ju' 
ris  ,  parce  que  c'eft  la  loi  qui  l'a  introduite  ;  &  on 
ajoute  à  cette  qualiBcation  les  mots  de  jure  ,  parce 
que  la  loi  en  fait  le  fondement  d'un  droit  ccn:;in  , 
d'une  difpofition  conftante  ,  qu'on  ne  peut  éluder 
même  par  une  preuve  du  contraire. 

Ainfi  la  loi  préfume  qu'un  mineur  de  vingt-cinq 
ans  n'a  pas  affez  de  difcrétion  ,  de  prudence  ni  de 
fermeté  pour  difpofer  de  fes  immeubles  en  bon 
père  de  famille  ,  &  c'eft  d'après  cela  qu'elle  lui  en 
interdit  l'aliénation.  En  vain  tenteroit-on  de  faire 
valoir  cette  aliénation  en  prouvant  que  le  mineur 
qui  l'a  faite  avoit  autant  &  plus  de  jugement  que 
beaucoup  de  majeurs;  on  ne  feroit  pas  écouté. 

Ainfi,  une  fentence  quia  acquis  l'autorité  de  la 
chofe  jugée,  eft  tellement  regardée  comme  juridi- 
*  que  ,  que  les  preuves  les  plus  claires  de  fon  injuf- 
tice  ne  feroient  pas  reçues. 

Ainfi,  loj-fqu'un  plaideur  a  prêté  en  juflice  le 
ferment  dccifoire  qui  lui  étoit  déféré  par  fon  adver- 
faire  ,  celui-ci  ne  doit  pas  être  admis  à  faire  la 
preuve  ,  même  par  pièces  nouvellement  recou- 
vrées, que  le  ferment  eft  faux  5c  renferme  un  par- 
jure. Voyez  la  loi  3  i  ,  D.  de  jurtjurando  ;  la  loi  i  5  , 
D.  de  exceptionihus  ,  &  l'article  SermENT. 

La  Prcfomptionyurii  6'û'ey«r<r,ertdonc  plus  forte 
que  la  preuve  littérale  ou  vocale  ,  &  même  que  la 
confcllion. 

En  liiTer,  la  preuve  littérale  n'exclut  pas  celui 
contre  qui  elle  milite  ,  de  la  preuve  contraire.  Par 
exemple ,  pour  prouver  que  je  vous  dois  cent 
livres ,  vous  produirez  une  obligation  notariée  ,  par 
laquelle  j'ai  reconnu  que  vous  m'aviez  prêté  cette 
fomme  ;  cette  preuve  littérale  ne  m'empêchera  pas 
de  prouver  que  je  ne  vous  dois  rien  ,  &.  ceU  ce  que 
je  pourrai  faire  en  rapportant  une  contre-lettre  , 
par  laquelle  vous  avez  reconnu  que  je  n'ai  pas  reçu 
de  vous  la  fbmme  portée  dans  votre  obligation. 

Il  en  eft  de  même  de  la  preuve  vocale  :  un  ufage 
journalier  nous  apprend  qu'en  matière  civile  le  juge 
n'autorife  jamais  une  partie  à  faire  une  enquête  , 
fans  admettre  l'autre  à  faire  preuve  du  contraire  ; 
&  qu'en  matière  criminelle  ,  on  reçoit,  après  la 
vifite  du  procès ,  la  preuve  des  faits  juftificatifs  al- 
légués par  l'accufé  ,  lorfqu'ils  font  de  nature  à  éta- 
blir fon  innocence.  Voyez  Enquête  8c  Faits  jus- 
tificatifs. 

La  confeflion  même  judiciaire  n'a  pas  plus  d'ef- 
fet que  la  preuve  proprement  dite  ;  celui  qui  l'a 
faite  peut  la  détruire ,  en  prouvant  qu'une  erreur  y 
a  donné  lieu.  Voyez  l'article  Compellations. 

Le  principe  qu'une  Préfomption  juris  &  de  jure  , 
exclut  toute  preuve  contraire  ,  n'eft  pas  fans  excep- 


PRÉSOMPTION. 


f09 


tions. 


Tous  les  auteurs  conviennent  que  cette  Pré- 
fomption peut  régulièrement  ctre  détruite  par  h 
confeflion  judiciaire  de  la  partie  intéreffée  à  la  faire 
valoir.  Menochius  en  propofe  quatre  exemples. 

1  .  La  loi  23  ,  C.  ad  fenatujconfultum  VelUïanum  , 
porte ,  que  s'il  eft  prouvé  par  écrit  qu'une  f^vaniQ  a 


reçu  de  l'argent  pour  un  cautionnement  qu'elle  a 
prêté  ,  il  réiulte  de  \h  une  Préfomption  juris  Je  jure  ^ 
que  ce  n'eft  point  par  cette  fragilité  naturelle  à  fon 
fexe  qu'elle  s'efl  rendue  caution  ,  ce  qui  l'e.Tipê- 
che  de  réclamer  le  bénéfice  du  fénatufconfulte 
Velleïen.  Cependant ,  dit  Menochius,  fi  dans  cette 
efpèce  le  créancier  avouoit  en  juftice  ,  que*ce  n'eft 
point  l'argent  compté  à  la  femme  qui  l'a  déterminée 
au  cautionnement,  mais  fa  propre  foibltîTe  ,  il  n'en 
faudroit  pas  davantage  pour  faire  revivre  l'excep- 
tion du  fénatufconfulte,  parce  que  c'e/l  de  la  vo- 
lonté du  créancier  qu'efl  cenfé  dépendre  le  motif 
qui  a  engagé  la  femme  à  s'obliger  envers  lui  pour 
un  tiers. 

2".  La  loi  13  ,  C.  arbitrlum  tutelx ,  décide  qu'un 
tuteur  n'eft  pas  recevable  à  prouver  que  certains 
effets  compris  dans  l'inventaire  de  la  tutele  ,  n'ont 
jamais  exifté  dans  le  patrimoine  de  fon  pupille.  Si 
néanmoins  le  pupille,  devenu  majeur  ,  convenoit 
judiciairement  que  c'e/î  par  méprife  que  ces  effets 
ont  été  portés  dans  l'inventaire,  cet  aveu  déchar- 
geroit  à  cet  égard  le  tuteur  de  toute  recherche. 

3°.  Il  étoit  de  principe  chez  les  romains  ,  aux  ter- 
mes de  la  loi  14  ,  C  rion  r.utneratâ  pecuniâ ,  que  le 
filence  d'une  perfonne  qui  avoit  reconnu  par  écrit 
qu'elle  avoit  reçu  une  fomme  quelconque ,  for- 
moir,  après  deux  ans  ,  une  Préfomption  invincible 
qu'elle  lui  avoit  efFeâivement  été  comptée.  Mais 
cette  Préfomption  pouvoit  être  détruite  par  l'aveu 
judiciaire  du  créancier  ,  comme  l'ont  remarqué 
l'auteur  de  la  grande  glofe  fur  la  loi  citée,  &  Feh- 
nus  fur  la  décrétale  (i  caïuio  ,  de  fide  înflrumentorum  , 
n.  66. 

4°.  Quoique  la  chofe  jugée  exclue  toute  preuve 
contraire  ,  fi  cependast  la  partie  en  faveur  de  la- 
quelle a  été  rendu  le  jugement,  convenoit  en  juf- 
tice  de  la  fauffeté  du  fait  qui  en  a  été  la  bafe  ,  fotî 
adverfitire  pourroit  en  appeler ,  fi  c'étoit  une  fen- 
tence ,  &  l'attaquer  par  requête  civile,  fi  c'étoit  un 
arrêt,  parce  qu'un  aveu  de  cette  efpèoe  renferme- 
roit  la  preuve  que  le  juge  a  été  induit  en  erreur  par 
dol  perfonnel. 

Au  refte  ,  ce  que  nous  difons  de  la  confeffion 
judiciaire,  ne  peut  s'entendre  que  de  celle  qui  eft 
faite  volontairement;  car  une  partie  q^ui  a  en  fa 
faveur  une  Préfomption  juris  &  de  jure ,  ne  peut 
être  forcée  de  répondre  à  un  interrogatoire  fur 
faits  &  articles  qu'on  voudroit  lui  faire  fubir,  rel.-:- 
tivement  aux  chofes  qui  font  l'objet  de  cette  Pré- 
fomption. C'eft  la  ccnfcquence  néceflaire  du  prin- 
cipe établi  par  la  décrétale  1  ,  de  prohaûomhus ,  & 
confacré  par  trois  arrêts  du  parlement  de  Paris  des 
14  janvier  1625  ,  13  mars  1627,  &  premier  fep- 
tembre  1777  (i),  qu'on  ne  peut  contraindre  à  ju- 


(i)  Les  deux  premiers  de  ces  arrêts  font  rappottfî  au  iouc- 
nal  des  audiences.  L'autre  a  été  rendu  à  la  tcamelle  civîFe, 
&;  il  a  confirmé  une  fencence  de  la  fénéciiaufféc  Jç  Lyon  ; 
u 'aidant  MM.  Hutcau&  Marnier, 


510  PRÉSQMPTION. 

rer  celui  qui  rapporte  une  preuve  coniplette  de  fa 
prétention. 

Il  faut  aulîî  remarquer  que  la  confeflîon  extra- 
judicùiire  &  purement  verbale  ne  peut  produire  à 
cet  égard  les  mêmes  effets  que  fi  elle  étoit  faite  en 
jufticc  ,  parce  qu'il  faudroit ,  en  cas  de  dénégation  , 
la  certifier  par  témoins ,  ce  que  ne  permet  pas  ce 
grand  principe  ,  qu'une  Préfomptionyam  6*  de  jure 
n'admet  point  de  preuve  contraire. 

Il  eft  même  des  objets  lur  lefquels  la  confe/Tion 
judiciaire  ne  porteroit  aucune  atteinte  à  cette  Pré- 
fomption  :  par  exemple  ,  quand  deux  perfonnes  fe 
Ibnt  mariées  avec  toutes  les  formalités  requifes  , 
elles  auroient  beau  convenir  toutes  deux  en  juf- 
tice  qu'elles  n'avoient  pas,  en  faifant  cet  a6îe  exté- 
rieur ,  l'intention  de  former  un  engagement  fé- 
rieux  ,  leur  déclaration  ne  mériteroit  aucun  égard  , 
&  on  les  forceroit ,  malgré  elles,  de  vivre  eufem- 
ble.  Il  faut  dire  la  même  chofe  de  toutes  les  ma- 
tières qui  ont  trait  au  droit  public,  &  dont  la  dé- 
cifion  ne  dépend  pas  de  la  volonté  des  particu- 
liers. 

Quoiqu'il  foit  certain  en  général  ,  comme  on 
vient  de  le  voir ,  que  la  Préfomption  dont  il  s'agit 
ne  peut  pas  être  détruite  par  une  preuve  contraire  , 
on  peut  cependant  obferver  avec  Menochius  ,  que 
cela  n'a  pas  toujours  lieu  quand  la  preuve  ne  tombe 
pas  directement  fur  le  fait  qui  eft  l'objet  de  la  Pré- 
fomption. La  raifon  qu'en  donne  cet  auteur,  efl 
qu'on  auforife  quelqnefois  indireflement  ce  qu'on 
ne  permet  pas  de  faire  d'une  manière  direfle  :  par 
exemple  ,  lorfqu'une  femme  ,  après  s'être  mariéj 
par  force ,  a  demeuré  volontairement  avec  fon  mari 
pendant  un  certain  temps,  cette  cohabitation  forme 
une  Préfomption  juris  6f  de  jure  ,  qu'elle  a  ratifié 
fon  mariage.  Mais  l'effet  de  cette  Préfomption  peut 
être  éludé  par  une  preuve  indireâe ,  il  ne  s'agit 
pour  cela  que  de  faire  voir  que  la  cohabitation  a 
toujours  été  forcée  ;  par  ce  moyen  ,  on  ôte  à  la 
Préfomption  toute  fa  vertu  ,  parce  qu'elle  n'a  plus 
de  ni-atière  fur  laquelle  elle  puilTe  porter. 

Autre  exemple  :  on  a  déjà  vu  qu'un  tuteur  ne 
feroit  pas  recevable  à  prouver  qu'une  partie  des 
effets  portés  dans  l'inventaire  de  fon  pupille,  n'exif- 
toient  pas  dans  le  patrimoine  de  celui-ci  lors  de  la 
confeflion  de  cet  afle  ;  mais  rien  ne  l'empêcheroi; 
de  prouver  qu'il  a  reftitué  ces  effets  ,  Se  par-là  il 
éluderoit  la  Préfomption  qui  milite  contre  lui. 

L'exception  qui  réfulte  de  la  Préfomption  juns 
€f  de  jure  ,  peut,  comme  toutes  les  exceptions 
péremptoires,  être  alléguée  en  tout  état  de  cau("e. 
Menochius  &  Alciat  foutiennent  cependant  qu'elle 
n'eft  plus  recevable  après  que  la  preuve  du  con- 
traire a  été  adniife  ik  faite  ,  parce  que  ,  difem- 
ils  ,  la  partie  à  qui  elle  eu  favorable  ,  eu  cenf.e 
y  avoir  renoncé  en  acquiefçant  à  l'appointement 
a  vérifier.  Mais  voyez  ce  que  nous  difons  à  l'ar- 
ticle Preuve,  fur  la  qucftion  de  favoir  fi  la 
défenf''o  d'admettre  la  preuve  par  témoins  dsns 
les  cas  portés  par  l'ordonnance  de  i66j  ,  &  l'édit 


PRÉSOMPTION. 

perpétuel  de  i6ii  ,  eft  couverte  par  l'acquiefce- 
ment  à  une  fentence  qui  appointe  les  parties  à 
faire  enquête. 

Il  eft  temps  de  nous  occuper  de  la  Préfomp- 
tion de  droit.  Alciat  la  définit  de  cette  manière  : 
C'eft  ,  dit-il ,  une  conjeéïure  probable  ,  fondée  fur 
un  figne  certain  que  la  loi  prend  pour  une  preuve  , 
jufqu'à  ce  qu'elle  foit  détruite  par  uns  preuve 
contraire. 

Voici  quelques  exemples  de  cette  Préfomption. 
Suivant  la  loi  4  ,  C.  de  probationibus  ^  lorfqu'un  fils 
fe  trouve  poffeffeur  d'un  héritage  que  fon  père  .1 
poffédé  pendant  fa  vie  ,  il  eft  cenfé  le  tenir  de  lui , 
&  la  pofTeflion  du  fécond  eft  regardée  comme  conti- 
nuée dans  le  premier. 

La  loi  ^  I  ,  D.  de  dunatlonïbus  inter  virum  &  ttxom 
rem ,  &  la  loi  6  ,  C.  du  même  titre  ,  mettent  en 
principe  ,  que  le  bien  acquis  par  la  femme  durant 
le  mariage  ,  eft  cenfé  provenir  des  deniers  de  foa 
mari,  à  moins  qu'elle  ne  juflirie  le  contraire,  ce 
qu'on  a  établi  pour  éviter  tout  foupçon  qu'elle 
le  foit  fervie  de  voies  illicites  pour  fe  procurer 
de-  l'argent  ,  ad  evitandam  turpis  quœjlùs  j'ufpicio- 
nem.  Et  c'eft  pourquoi  cette  préfomption  ceffe  à 
fon  égard ,  lorfqu'elle  fait  un  commerce  féparé , 
ou  qu'elle  a  beaucoup  de  biens  paraphernaux  , 
comme  l'ont  décidé  deux  arrêts  de  la  chambre  im- 
périale de  Spire  ,  rapportés  par  Mynfingere  ,  cen- 
turie 2  ,  obfervation  92, ,  &  un  autre  du  fénat  de 
Chambéry  ,  rapporté  par  M.  le  préfident  Fabre 
en  fon  code  ,  livre  4,  titre   16,  décifion4i. 

La  loi  5  ,  D.  <fe  in  jus  vocando ,  &  la  loi  6  ,  D. 
de /lis  qui  fui  vel  alieni  juris  funt ,  déclarent  qu'un 
enfant  né  durant  le  mariage  de  deux  perfonnes, 
doit  être  regardé  comme  leur  fils  légitime;  mais 
que  cette  Préfomption  peut  être  détruite  par  la 
preuve  de  l'abfence  ou  de  l'impuiffance  du  mari. 
Voyez  l'article  LÉGITIMITÉ. 

La  loi  34,  C.  ad  leç^em  Juliam  ,  de  adulteriis  , 
nous  offre  encore  une  Préfomption  de  droit  ^  qne 
Danty  regarde,  mal-à-propos,  comtue  une  Pré- 
fomption juris  &  de  jure.  En  voici  l'efpèce  :  Deux 
perfonnes  accufées  d'aldutère  s'éroient  fait  déchar- 
ger de  cette  accufaiion,en  prouvant  qu'elles  étoient 
proches  parentes  ,  Se  qu'ainfi  on  ne  devoir  pas  pré- 
fumer quelles  euffent  commis  un  fi  grand  crime. 
Mais  dans  la  fuite  ces  deux  perfonnes  fe  mariè- 
rent enfcmble  ,  &  on  décida  ,  par  la  loi  cirée  ,  que 
ce  mariage  devoit  être  regardé  comme  une  preuve 
&  un  aveu  de  la  vérité  de  l'ijccui'ation  à  laquelle 
elles  s'éroient  fouftraites  :  juj/i/nus  in  eofdem  Jeverif- 
fimè  vindicari  ,  6*  veluti  conviBum  facinus  confejfum- 
que  puniri.  Il  n'y  arien,  comme  on  \oit,  dans  ce 
texte  ,  qui  porte  le  caraflère  d'une  Préfomption  in* 
vincible. 

Lorfque  deux  perfonnes  d'une  même  province, 
dont  la  coutume  admet  la  communauté  de  biens 
entre  l'homme  8c  la  femme,  s'y  font  mariées  8f. 
établies,  il  y  a  une  Préfomption  de  droit  qu'elles 
font  convenues  de  vivre  en  communauté ,  6t  U 


PRÉSOMPTION. 

femme  n'a  pas  befoin  d'en  faire  preuve  ,  pour  de- 
mander aux  héritiers  de  fon  mari  la  moitié  des 
biens  qu'il  a  acquis;  mais  cette  Préfomption  n'ex- 
clut pas  la  preuve  du  contraire  ,  preuve  qui  peut 
fe  faire  par  un  contrat  de  mariage  portant  exclu- 
fion  de  communauté. 

La  coutume  d'Orléans  dit,  article  234,  "  q^i- 
»  tous  murs  font  communs  entre  voifins  jufqu'à 
r>  neuf  pieds;  ced  à  favoir .  deux  pieds  en  terre  , 
»  &  fept  au-deffus  de  terre,  qui  n  a  titre  ou  inar- 
»  que  contraire  )».  On  trouve  à  peu-piès  la  même 
dil'pofition  dans  les  coutumes  de  Nivernois  ,  cha- 
pitre 10  ,  article  i4;deLaon  ,  article  171  ;  de  Me- 
iun ,  article  192  ;  d'Etampes  ,  art.  78  ,  &  elle  for- 
me ,  comme  le  portent  ces  lois  ,  une  Préfomption 
de  droit  qu'on  peut  détruire  par  àes  titres  ou  des 
marques  contraires.  Voyez  l'article  Mur. 

La  loi  '^  ,  Q.  de  apoci.is  publiais  ,  établit  une  Pré- 
fomption de  droit,  qui  eftd'un  ufage trés-fréquent; 
elle  porte  que  les  quittances  de  trois  années  con- 
fécutives  de  tributs  ,  font  préfumer  le  payement 
des  années  précédentes. 

Quoique  cette  loi  n'ait  été  faite  que  pour  Ijs  im- 

pofitions  publiques  ,  on  n'a  pas  laiffé  de  l'étendre 

/     aux  arrérages  de  rentes  ,  foit  foncières  ,foit  conf- 

tituées  ;  aux  loyers  des  maifons ,  aux  fermages  ,  en 

\\n   mot  à  toutes  les  dettes  annuelles. 

On  donne  à  cette  Préfomption  deux  morifs  bien 
raifonnables.  1°.  Il  eft  ordinaire  d'exiger  les  an- 
ciennes dettes  avant  les  nouvelles.  Ainfl  les  paye- 
l^ens  des  nouveaux  arrérages  ,  plufieurs  fois  répé- 
tés ,  doivent  former  une  Préfomption  du  payement 
des  anciens.  Ex  eo  quoi  plerumque  fit,  Frafumptio- 
nés  ducuntuT.  2°.  Les  quittances  font  fujettes  .î  s'éga- 
rer; plus  elles  font  anciennes,  moins  on  fe  fent 
porté  à  en  prendre  foin  ;  on  doit  donc  avoir  des  mé- 
nagemens  pour  les  débiteurs  qui  ne  les  confervent 
pas  long-temps  ni  en  grand  nombre. 

La  loi  2  ,  §.  I  ,  D.  de  paElïs  ,  nous  fournit  encore 
un  exemple  d'une  Préfomption  de  droit  ;  elle  dé- 
#  cide  que  la  remife  faite  par  le  crér.ncier  au  débi- 
teur de  fon  billet,  fait  préfumer , foit  le  payement, 
foit  la  décharge  gra-uite  de  la  dette  (i).  Mais 
c'eft  une  quertion  fi  la  poflelTion  où  le  débiteur 
fe  trouve  de  ce  billet ,  emporte  feule  fa  Préfomp- 
tion que  le  créancier  le  lui  a  rendu  ,  ou  fi  au  con- 
traire on  doit  croire  qu'il  l'a  volé  à  celui-ci.  Boi- 
ceau  avoit  voulu  diftinguer  le  cas  oii  le  débiteur 
allégueroit  que  le  créancier  lui  a  fait  remife  de  la 
dette,  de  celui  où  il  prétendroit  avoir  payé;  mais 
Pothier  a  très-bien  léfuté  cette  d  ftinflion.  »  Je 
M  penfe,  dit-il,  qu'on  doit  indiflinâement  décider 
»  que  la  portefTion  du  billet  par  le  débiteur  ,  doit 
n  faire  préfumer  qu'il  lui  a  été  rendu  par  le  créan- 


PRÈSOMPTION. 


5ï 


(i)  Nousdifons  ,  foit  le pjyemcnt ,  foit  laitchcr^tgtaf/ne. 
La  !o!  citée   ne  parle  cepen 'ant  que  de  décharge  gr.iuite  • 
mais  dans  rufa>;e  on  l'étend  fans  difficulté  au  payetnen.5  il  y 
en  a  un  arrêt  du  parlement  ds  Flam'tïs  du  ii  décembre  j  Soo 
rappo.té  pat  M.  de  Baralle  ,  pagç  174,  ' 


»>  cier,  ou  comme  acqtiittè,  ou  comme  remis  ,  a 
»  moins  que  le  créancier  ne  juOifie  le  contraire, 
w  puta  que  le  billet  lui  a  été  volé.  En  vain  dira- 
"  t-on  que  la  donation  ne  (e  préfume  pas  ;  car  cela 
'>  veut  dire  qu'elle  ne  fe  préfume  pas  facilement , 
"  Si.  fans  qu'il  y  ait  un  fu|et  fuffifant  pour  la  faire 
"  préfumer  ;  or,  fuivant  la  toi  citée  ,  il  y  a  un  fu- 
»  jet  fuiTîfant  de  préfumer  la  donation  &  remife  de 
"  la  dette,  lorfque 'e  créancier  a  remis  le  billef  an 
>'  débiteur  ;  &  la  polTelHon  du  billet  par  le  débiteur, 
»  doit  aufTi  faire  préfumer  que  le  créancier  le  lui  a 
»  rendu,  puifuie  c'eft  la  voie  naturelle  par  la- 
»  quelle  la  poilefTion  en  a  pu  pafTcr  de  la  perfonne 
»  du  créancier  ,  en  laquelle  il  étoit ,  en  celle  du 
»  débiteur.  L'argument  tiré  de  l'ordonnance  qui 
n  veut  que  les  conventions,  dont  l'objet  excède 
»  cent  livres  ,  fe  prouvent  par  écrit ,  n'eft  pas 
n  meilleur;  l'ordonnance  n'a  voulu  exclure  par-là 
"  que  la  preuve  teftimoniale  ,  &  non  pas  les  Pré- 
"  fomptions  réfultantes  de  faits  avoués  par  les 
3>   parties  )>. 

Cette  Préfomption  n'a  pas  lieu  quand  le  débiteur 
ne  repréfente  fon  obligation  qu'en  grolFe  ;  "  parce 
V  que  ,  dit  Pothier  ,  la  mmute  qui  demeure  chez  le 
»  notaire  ,  &  qui  n'eft  pas  quittancée  ,  réclame  en 
»  faveur  du  créancier,  à  qui  la  groffe  a  pu  être 
i>  volée,  ou  qui,  fe  fiant  à  la  minute ,  a  pu  s'en 
n  deffaifir  &  la  confier  au  débiteur  5>. 

La  loi  24  ,  D.  de  Prefumptionibus  ,  roule  fur 
une  Préfomption  femblable  à  celle  dont  nous  ve- 
nons de  parler  ;  c'cft  qu'un  billet  ou  une  obligation 
en  minute  qui  fe  trouve  barré  ,  eft  préfumé  acquit- 
té. La  raifon  en  efl  tirée  de  l'ufage  dans  lequel  font 
prefque  tous  les  créanciers  de  barrer  leurs  billets, 
lorfqu'ils  en  reçoivent  le  payement. 

Ces  deux  Préfomptions  admettent  une  ercep- 
fien  que  Pothier  remarque  en  ces  termes  :  «»  Si  le 
))  débiteur  étoit  le  fa£leur  du  créancier  ou  autre do- 
i>  meftique  à  portée  de  fe  faifir  du  billet,  la  poffef- 
3>  fion  en  laquelle  il  ieroit  du  biUet  pourroit  n'être 
)j  pas  une  Préfomption  fuffifante  ni  de  la  remife, 
)>  ni  même  du  payement  de  la  dette.  Il  en  feroitde 
"  même  fi  c'étoit  un  voifin  chez  lequel  le  créan- 
j)  cier  eût  porté  fes  effets  dans  le  cas  d'un  in- 
»  cendie  ». 

La  fituation  d'un  héritage  dans  l'étendue  d'une 
feigneurie  qui  a  le  droit  d'enclave  ,  emporte  une 
Préfomption  de  droit,  que  cet  héritage  eft  affujetti, 
envers  le  feigneur,  à  tous  les  droits  qui  dérivent 
de  la  direâe.  voyez  les  articles  Enclave  & Franc- 

ALEU. 

L'article  66  de  la  coutume  d'Orléans  porte  : 
i>  que  quand  un  feigneur  de  fief  a  reçu  fon  vafial, 
i>  il  ne  lui  peut  donner  empêchement  pour  les  p-^o- 
»  fits  qui  lui  en  pourroient  è:re  dûs  devant  la  ré- 
n  ception  en  foi,  ni  les  demander,  finon  qu'il  eûr 
»  fait  réfervation  exprefTe  defdits  profits  w  Cet  ar- 
ticle fait  clairement  réfulrer  de  la  réception  en  foi 
faite  fans  réfcive ,  une  Préfomption  de  droit  du 


51^ 


PRÉSOMPTION. 


payement  ou  de  la  rcmifc  des  profits  ,  «  &  elle  eft 
»  fondée,  fiiivantPothier,  fur  ce  qu'il eft ordinaire 
ï>  que  le  feigneur  faffe  cette  réierve  ,  iorfqu'il  n'a 
S)  pas  été  payé  des  profits,  Se  qu'il  n'entend  pas 
w  en  faire  remife.  Certe  Préfomption  ,  ajoute  le 
«  même  auteur,  difpenfe  levaiTalde  faire  d'autres 
»>  preuves  du  payement  des  profits,  &  d'en  rap- 
>'  porter  quittance  ;  mais  elle  n'exclut  pas  le  créan- 
ï>  cier  de  faire  la  preuve  que  les  profits  lui  font 
5»  encore  dûs  ,  puia  par  des  lettres  par  lefquelics 
«  le  vaffal  auroit  reconnu  en  être  débiteur  ». 

Il  y  a  des  Préfomptions  de  droit  ,  qu'on  appelle 
improprement  prefcripcions.  On  fait  ia  différence 
qu  ily  a  entre  la  prefcription  proprement  dited'une 
riette  ,  &  la  Préfomption  de  droit  du  payement.  La 
première  éteint  abfoluinent  la  dett;,  &  par  confé- 
quent  empêche  le  créancier  de  l'exiger ,  quelque 
certitude  qu'il  y  ait  qu'elle  n'eft  pas  acquittée  ;  la 
féconde,  au  contraire,  n'eft  qu'un  foupçon  aiiro- 
lifé  par  la  loi ,  d'un  payement  effeâif  ;  elle  cède  à 
une  preuve  écrite  du  contraire  ,  &  même  au  refus 
tlu  débiteur  d'affirmer  qu'il  a  réellement  payé. 
Telles  font  les  prefcriptions  introduites  par  la  cou- 
tume de  Paris,  par  l'ordonnance  de  1673  P^*"  ^'^ 
placard  de  Charles-Quint  de  1 5:40,  concernant  les 
Salaires  d'ouvriers  ,  le  payement  des  marchandifes 
vendues  en  détail.  Sic. 

On  prétend  affez  communément  à  Paris  ,  que  le 
feul  laps  de  dix  ans  depuis  le  mariage  ,  forme  une 
Préfomption  de  droit  du  j)ayementde  la  dot.  Mais 
c'eft  une   erreur  fondée  fur  une  mauvaife  inter- 
prétation d'une  loi  de  Juftinien  ,&  introduite  au- 
palais  par  quelques  arrêts  mal  entendus.  Voyez  la 
differtation  qu'a  faite  là-deffus    Berroyer   en  fes 
notes  fur  les  arrêts  de  Bardet,  tome  2  ,  page  624. 
La  loi   34  ,  C.   ad  legem  Juliarn  ,  de  adulteriis  , 
analyfée  plus  haut,  nous  aprend  qu'il  peut  y  avoir 
des  Préfomptions  de  droit  même  en  matière  crimi- 
i3e)le.  C'eft  ce  que  prouve  aufii  l'édit  de  Henri  II, 
du  mois  de  février  155^  ,  renouvelé  parla  décla- 
ration du  25  février  1708.  Suivant  cette  loi ,  toute 
perfonne  du  fexe  qui  eft  convaincue  d'avoir  celé 
fa  groffe/Te  &  (on  accouchement ,  doit,  en  cas  que 
fon  fruit  foit  mort  fans  baptême  6f  fans  recevoir 
publiquement  la  fépulture  ,  être  condamnée  à  mort, 
comme  terme  6*   réputés  avoir  homicide  fon  enfant. 
Ces  termes  ne  préfentent  qu'une  Préfomption  de 
droit,  &  par  conféquent  on  ne  doit  pas  punir  de 
ïnort  la  femme  qui  n'a  point  fait  de  déclaration  , 
lorfqu'elle  prouve  qu'elle  n'eft  point  homicide  de 
fon  fruit.    C'eft    ce  qui  a  été  jugé  depuis  peu  au 
parlement  de  Grenoble  ,  en  faveur  de  la  veuve 
Loreau.  Voyez  le  journal  des  caufes  célèbres  1775, 
tom.  I  ,  pag.  128. 

Au  refte ,  cette  Préfomption  ne  peut ,  comme 
toutes  les  autres,  produire  fon  effet  que  dans  le 
cas  du  concours  de  toutes  les  circonftances  mar- 
quées par  la  loi  qui  l'a  établie.  «  Ainfi ,  dit  Serpil- 
»»  Ion ,  il  faut ,  1°.  que  le  corps  de  délit  exifie  ;  c'eft 
»  la  première  &  la  plus  néceffaire  de  toutes  les  , 


PRÉSOMPTION. 

»  conditions  :  2°.  Il  faut  que  la  fille  n'ait  pas  dé- 
»  ciaré  fon  état  de  grolTeffe  à  des  perfonnes  qui  en 
»  puilTent  rendre  témoignage  i  3°.  que  l'enfant 
')  n'ait  pas  été  inhumé  dans  une  des  fépultures  pu- 
'>  bliques   8c  accoutumées.    Si  l'une  de  ces  trois 

»  conditions  manque  ,  le  crime  n'eft  pas  prouve 

»  On  trouve  dans  Brillon  ,  au  mot  g-oj/ejfe,  un 
»  arrêt  du  18  juillet  1716  ,  qui  a  juge  que  la  grof- 
»  fcffe  recelée  n'eft  fujette  aux  peines  de  l'ordon- 
»  nance  ,  que  lorfque  l'enfant  qui  en  eft  provenu 
»  a  été  privé  du  baptême  &  de  la  fépulture  ». 

Il  eft  important  d'examiner  quelle  forte  de  preu- 
ve  il  faut  oppofer  à  une   Préfomption  de  droit, 
pour  la  faire  ceffer.  On  peut  dire  en  général,  qu'il 
taut ,  en  cette  matière  ,  des  preuves  direi^es  &  clai- 
res. «  La  Préfomption  capable  d'attaquer  celle  de 
"  la  loi,  dit  M.  d'Agueffcau  ,  doit  être  écrite  dans 
»  la  loi  même  ;  elle  doit  être  fondée  fur  un  pnn- 
"  cipe  infaillible,  pour  pouvoir  détruire  une  pro- 
n  babiliié  aulfi  grande  que  celle  qui  fert  de  fonde- 
»  mtnt  à  cette  preuve».  Ce  n'eft  donc  pas  à  des 
conjtdures  ,  à  de  fimples  indices,  qu'il  faut  recou- 
rir lorfqu'on  veut  éluder  une  Préfomption  de  droit. 
Tnnt  qu'elle  n'eft  combattue  qu'avec  de  telles  ar- 
mes ,  le  juge  doit  lui  laiftèr  tout  fon  effet. 

La  veuve  Grard  dcmandoit  aux  héritiers  d'un 
gentilhomme  le  payement  d'une  très-grande  quan- 
tité de  provifions  de  bouche  qu'elle  lui  avoir  li- 
vrées pendant  fa  vie.  On  lui  oppofoit  la  prefcrip- 
cription  triennale,  établie  par  le  placard  de  1^40, 
Elle  répoiidoit  que  cette  prefcription  n'étoit  qu'une 
Préfomption  de  payement  ;  qu'ainfi  elle  devait  cé- 
der à  phifieurs  Préfomptions  de  non  payement, 
qu'elle  rapportoit  de  (on  côté  ,  ou  que  du  moins 
on  devoit  l'autorifer  à  faire  preuve  par  témoins  de 
la  reconno'.ffance  verbale  que  le  défunt  avoit  faite 
de  la  créance  peH  de  temps  avant  fa  mort.  Mais  , 
par  fentence  rendue  au  fiège  échevinal  de  Douai  , 
le  23  avril  1779  ,  la  veuve  Grard  a  été  déboutée 
de  fa  demande  &  condamnée  aux  dépens.  Le  mo- 
tif de  ce  jugement  a  été  que  la  fomme  dont  il  s'agif- 
iûit  étoit  trop  forte  pour  qu'il  pût  y  avoir  lieu  à  la 
preuve  teftimoniale  ;  &  que  la  Préfomption  de 
payement  étant  établie  en  faveur  des  héritiers  par 
une  loi  expreffe,  elle  ne  pouvoit  être  anéantie  par 
des  conjeélures  arbitraires. 

Il  y  a  cependant  un' cas  où  on  peut  oppofer  une 
Préfomption  fimple  à  une  Préfomption  de  droit  ; 
c'eft  lorfque  celle-ci  n'eft  fondée  que  fur  une  raifon 
particulière,  &  qu'on  fait  voir  que  cette  raifon  ceffe. 
On  en  trouve  un  exemple  dans  les  arrêts  cités  plus 
haut,  qui  ont  modifié  la  difpofition  des  lois  51  ,  D. 
8i  6  C'.  de  donatlonibus  inter  virum  6*  uxorem. 

Les  Préfomptions  qui  ne  font  point  écrites  dans 
le  droit ,  font  appelées  Prcjomptions  de  L'homme , 
parce  qu'elles  (ont  incertaines  &:  (oumi(ss  à  la  pru- 
dence du  juge.  Elles  ont  quelquefois  la  même 
force  que  lei  Préfomptions  de  droit  ;  mais  il  faut 
pour  cela  qu'elles  réuniftVnt  trois  cara^ères. 


PRÉSOMPTION. 

1°.  Elles  doivent  être  graves  &  précife?  ,  c'e'rt- 
à-<Vire  porter  iur  des  taits  qui  aient  une  connexité 
certaine  avec  ceux  dont  on  cherche  la  preuve. 

2".  Elles  doivent-être  claires  &.  uniformes  ,  c'eft- 
à-^ire ,  liées  les  unes  aux  autres ,  de  manière  qu'elles 
ne  fe  dJmentent  point ,  &  qu'elles  tendent  toutes 
au  même  but. 

3°.  11  faut  qu'elles  foient  en  certain  nombre  ;  car 
une  feule  ne  fulfiroit  pas  pour  afleoir  un  jugement 
i\cfnïmf. 

Tout  cela  réfulte  d'un  principe  établi  en  ces  ter- 
mes par  Dantv  :  «  Puifqu'on  n'eft  obligé  de  s'en 
j>  rapporter  à  des  Préfomptions  ,  que  lorfque  la 
»  preuve  par  témoins  ,  ou  celle  par  écrit .  vien- 
»  nent  à  manquer,  il  s'enfuit  que  la  loi  regarde 
«  les  Préfomptions  comme  djs  lémoins  ,  puifque 
V  c'cft  fur  la  foi  de  ces  Préfomptions  qu'elle  fe 
n  détermine  ,  &  que  par  conféquçnt  elles  doivent 
»  avoir  les  mêmes  qualités  que  celles  que  la  loi 
1)  requiert  dans  la  dépofiùon  d^-s  témoins  ,  pour  y 
>»  ajouter  une  croyance  entière.  Or  ,  la  première 
»  qualité  d'une  déporuion  eft  qu'elle  doit  être 
1)  grave  &  précife. ..  ;  la  féconde  eft  qu'une  d'-pofi 
i>  tion  doit  être  claire  Si  jufte...  ;  la  troifème  eft 
»  que  cette  dépofition  ne  doit  pas  être  unique  , 
<(    unus  teftis  ,  r.ulitis  tejïis  j>, 

C'eft  par  le  défaut  de  concours  de  ces  trois  con- 
ditions ,  qu'a  été  rejetée  ,  par  arrêt  du  31  juillet 
1775  '  ^3  Piéfomption  qui  militoit  contre  /•  feph 
Garnier  ,  accufê  d'.ivoir  écrit  au  fieur  de  Maziere  , 
fermier  général  ,  plufieurs  lettres  ,  par  lef.juelles 
celui-ci  étoit  menacé  d'être  affailiné  ,  s'il  ne  porroit 
trois  cent  foixante  louis  au  bas  d'un  poteau  placé  au 
co'.irs.  Cette  Préfomption  réfultoit  de  ce  que  ce  par- 
ticulier étoit  defcendu  dans  le  fofle  à  vingt  pas  du 
poteau  indiqué,  s'y  étoit  replié  fur  fes  genoux  ,  & 
avoir  regardé  de  côté  &  d'autre  pourvoir  fi  perfunne 
ne  l'obiervoit.  On  s'étoit  faifi  de  fa  perfonne  dans 
cet  état,  5i  on  prétendoit  le  faire  condamner  com- 
me l'auteur  des  lettres;  mais  l'arrêt  l'a  déchargé  de 
l'accufation  ,  &  il  a  été  fuivi  d'un  autre,  en  1777, 
qui  lui  a  adjugé  6000  liv.  de  dommages  -  intérc. s, 
à  la  charge  dufieurde  Maziere,  fon  dénonciateur. 

Il  eft  évident  que  le  fait  fur  lequel  on  appuyoit 
fon  accttfation  ,  n'avoit  pas  un  rapport  allez  di- 
reél  avec  celui  qu'on  vouloit  prouver  ,  pour 
faire  prononcer  contre  lui.  Il  y  a  plus  ,  quand 
même  il  feroit  defcendu  au  bas  du  poteau  ,  ^c 
qu'y  voyant  une  éminence  formée  avec  des  pierre-, 
il  les  eût  dérangées  &  eût  découvert  le  fac  ,  i! 
n'aurôit  point  encore  été  poffible  de  le  condamner  , 
parce  que  tout  cela  eût  pu  n'être  pas  prémédité  de 
fa  part. 

On  trouve  dans  Serpillon  des  détails  intéreHans 
fur  les  Préfomptions  en  matière  criminelle.  Il  com- 
mence par  établir  ,  d'après  l'ordonnance  de  16-0  , 
que  la  première  condition  requife  pour  faire  fubir 
la  torture  à  un   accufé  (t)  ,  eft  que  les  preuve? 

(i)   1.3.  torriire  ou   qucftion  préparatoire  étant  abrOycc  , 
Tome  XIII. 


PR  ÈSOMPTION.  51Î 

I  foient  confidérables  ,  &  enfuite  il  ajoute  :  a  l  ^ 
»  difficulté  eft  de  favoir  quelles  font  les  prtuvcs 
'>  qui  doivent  pafTer  pour  confidérsbles  ;  celks  qt:i 
"  peuvent  l'être  à  l'égard  d'un  v.igabond  ou  autre 
)»  mal  famé  ,  ne  doivent  pas  être  regardées  du 
»  même  œil,  quand  l'accufé  eft  domicilié  &  biett 
it  tamé  ;  par  conféquent  rien  n'eft  fi  aibitraire ,  ni 
»  fi  difficile  à  fixer 

»  Les  indices  les  plus  forts  font,  par  exemple, 

"  s'il  s'agit  d'un  vol,  la  chofe  volée  ,  trouvée  i.n 

»  la  puiffiance  de  l'accufé  mal  famé  ;  s'il  l'a  vcn- 

»  due  ou  donnée;  s'il  a  fait,  depuis  le  vol  ,  f'cs 

v>  dépenfes  au-delà  de  fes  facultés  ;  s'il  a  fréqi!en;é 

')  les  cabarets  plus  qu'à  fon  ordinaire  ,  &  y  a  payé 

»  de  la  dépenfe  excefltve  ;  s'il  a   montré  de  l'ar- 

»  gent  plus  que  vraifemblablement  il   n'en  pou» 

»  voit   avoir  :    plui'ieurs    indices   pareils    joints   , 

»  approchent  delà  preuve  confidérable  ,   fur  te  ut 

"  fi  l'accufé  ne  peut  prouver  d'où  lui  eft  venu  l'ar- 

'j  gcnt  qu'il    a    fait  voir  ou   dépenfé.  Il  faut   que 

»  cliacrn  de  ces  indices   foit  prouvé  par  deux  té- 

»  moins  irréprochables. 

"  S'il  s'agit  d'un  meurtre  ,  un  indice  manifefte 
"  eft  le  cas  de  deux  témoins  fans  reproches  ,  qui 
»  dépofent  avoir  vu  l'accufé  fortir  du  lieu  où  il 
»  vient  d'être  commis  un  meurtre  „  ayant  fon  épée 
>'  nue  Si  enfanglartée  Ctpen^ant  pour  condnm- 
"  ner  à  la  qucftion ,  il  faudroit  encore  d'autres 
»  indices  ,  appelés  éloignés  ,  comme  des  menaces 
»  précédentes  ,  une  inimitié  prouvée  ,  &  autres 
'-  pareilles  adminicules  ,  à  moins  que  ce  ne  fut 
i>  un  vagabond  ,  ou  un  homme  mal  famé  qui  fût 
j>  accufé  ;  c:ir  s'il  étoit  de  bonne  réputation,  i5i 
»  s'il  ne  paroifToit  pas  qu'il  eût  intérêt  à  commer- 
»  tre  le  crime  ,  quel  que  foit  l'indice  manifeile 
r  dont  on  vient  de  parler ,  il  ne  fuffiroit  pas  pour 
i;   la  '.ortur-^. 

))  La  vàrinicn  d'un  accufé  dans  fes  réponfes  ,  c(ï 
î)  un  iiidicc  confitérable  Lange  prétend  que  c'efl 
»  une  femi  prei;ve  ,  lorfqu'elle  concerne  le  délit 
»  &  les  circônflances  efTentielles 

))  La  fuite  au  teinps  du  crime,  fait  préfumer  que 
V  celui  qui  fe  fauve  en  eft  l'auteur;  il  eft  cepen- 
»  dant  vrai  que  cet  indice  eft  foible.  Il  peut  s'être 
)j  fauve  ,  parce  qu'il  a  craint  d'être  fcupçonné  , 
}}  quoiqu'innocent  ;  des  indices  trompeurs,  l'infi- 
o  délité  des  témoins  ,  le  danger  d'une  procédure 
j)  criminelle  ,  l'horreur  des  prifons  ,  même  l'er- 
1)  reur  d.ns  laquelle  on  ne  voit  que  trop  fouvent 
»  tomber  les  juges  ,  ont  intimidé  les  plus  conftans 
»  &  les  plus  innocens. 

V  Le  bruit  public  eft  encore  fort  fujet  à  trom- 
»  per  ;  il  ne  faut  pas  le  prendre  pour  une  forte 


comme  on  le  verra  au  mot  Question  ,  les  chofes  qua  dites 
St-!pillon  n'ont  plus  d'at^plicanon  à  cet  objet ,  aufli  ne  les  rap- 
,-0  le  tonqiia  ciufe  de  Ja  Inmiére  qu'elles  répandent  fur  11 
i,,'  ne  àis  Préfomptions,  &  fut  les  conféciaences  (|ue,  le  juge 
peut  en  tiret. 

T  1 1 


V4 


PRÉSOMPTION. 


j»  Pr^fomptlon.  P^an^e  voces  populi  non  funt  au^ 
>>  dienda ,  nec  er.'im  vocibus  eorum  credï  oportet , 
j)  qiiandb  dut  lox'rutn  crimlne  abjolvi  ,  aut  innoccn- 
j)  tem  condimnatl  dcfidcrant.  l,oi   la,  c.  de  pan'is. 

V  Le  bruit  public  ne  fe  forme  que  fur  des  ouï- 
ï>  dire  ,  fouvent  l'accufateur  en  eft  l'auteur;  fa  dé- 
•n  pofition  ne  feroit  pas  redevable  :  non  crediiur  plus 
»)  copia  quàm  originaii. 

v>  La  déclaration  faite  par  un  blefle  en  mourant , 
»  que  c'eft  un  tel  qui  l'a  affaiïiné  ,  eft  une  forte 
j>  Préfomption  ;  mais  elle  ne  fuffiroit  pas  pour  le 
3>  faire  condamner  à  la  queftion  ,  parce  qu'il  a 
»  pu  fe  tromper  ,  & ,  dans  les  frayeurs  de  la  mort 
3>  qui  lui  ont  troublé  les  fens ,  ne  pas  dire  la  vé- 
j»  rite.  D'ailleurs ,  dans  cette  occafion ,  le  blefTé 
3>  dcpofant  dans  fa  propre  caufe ,  nos  auteurs  rè- 
«  pugnent  à  donner  une  pareille  déclaration  com- 
«  me  une  preuve  aflez  confidérable  pour  opérer 

«  feule  une  condamnation  à  la  queftion S'il 

»  y  a  d'autres  indices  qui  forment  des  Préfomp- 
■»  tions  relatives  à  la  déclaration  du  bleffé  ,  il  y  a 
n  lieu  à  une  condamnation  à  la  queftion  .... 

»  La  déclaration  d'un  blefle  qui  décharge,  en 
»  mourant ,  l'accufé  ,  fiiflit  pour  le  faire  renvoyer. 
»»  NiC  pietas  pro  feryis  ,ncc  follicitudo  hœrcdis  obnnere 
>»  débet  ut  ad pcenam  vocentur  quos  ^bfjlvit  doniinus 
j>  ipfe.  Loi  a  ,  D.  <ji  S'-laniavjm.  Les  lois  font  plus 

V  portées  à  abfoudre  qu'à  coi-lamner  ;  cependant , 
3j  fi  on  trouvoit  d'ailleurs  de>  preuves  futKfantcs  , 
y)  kl  déclaration  du  mourant  n"t;oipôcheroit  pas  la 
«  condamnation  ;  il  a  pu  lui  pardonner  fa  mort  , 
t>  mais  il  n'a  pu  loi  remettre  la  peine  publique.... 

jj  Dans  la  légle  générale,  Tiniiricié  bien  prou- 
»  vée  ne  fuffiroit  pas  pour  condamner  à  la  quef- 
Dj  tion  ;  il  faut  au  moins  troij  fortes  Préfomptions  : 
«  par  exemple  ,  l'inimitié  ,  les  menaces ,  &  une 
J)  autre,  ou  la  dèpofition  d'un  témoin  fans  repro- 
»  che  ,  yy'unc  à  l'une  de  cesPrcfomprions  ». 

Il  r^fulte  de  tout  cela  ,  qu  on  peui  r.::ger  les  Pré- 
fomptions  humaines  en  trois  claffes  ;  ik  en  effet  les 
jurifconfultes  les  divifent  en  violentes  ,  en  graves  , 
Sien  légères. 

Lorfque  la   lialfon  des  faits  connus  au  fait  in- 
connu eit  néc^lfrire  ,  l'indice  qui  réfulre  des  pre 
micrs  forme  une  Préfomption  violente  de  la  vérité 

du  fécond.  ,     ^  . 

S.  cettj  liaifon  ,  fans  être  abfolnment  necellaire 
fv'  certaine  ,  eft  cependart  conforme  à  1  O'dre  le 
r,u- naturel  des  chofes ,  îk  qu'elle  n:;  puilTe  être 
t:u,tû'  que  dans  des  c::s  très-rr.res,  l'indice  qu'elle 
pr-duit  forme  une  preû.n-ption  gr.ve. 

Enim  on  regarde  comme  Itgère  la  P.  éfomprion 
motivée  par  d<^s  indices  c]t\ ,  quoique  liés  avec  le 
fai'  qu'<.<n  cherche  ,  ne  laiffent  i^îs  cependant  d  être 
qu  .Iqatfois,  ou  mèriio  irès-fouvent ,  joints  avec  le 
f  iit  cOinraire.  ,        >   , 

Il  n'eft  iiuère  poi^.ble  de  donner  des  règles  cer- 
tai.ies  po'Jr  diftiîig'Jer  r'ans  la  pratique  ces  trois 
forres  de  FréfomptioiiS.  Tout  c?  quon  peut  en 
dire,  c'tft  que  leur  force  dépendant  delà  liaifen 


PRÉSOMPTIOK 

ou  du  fapport  qu'elles  ont  avec  le  fait  principal , 
elles  ont  plus  ou  moins  de  force ,  fuivant  que  ce 
rapport  eft  plus  ou  moins  prochain  ;  c'eft  aux  juges 
à  l'apprécier  par  la  confidération  des  circonftances 
<ki  temps,  du  lieu  ,  de  la  perfonne  ,  de  la  qualité  , 
de  rage  ,  &c. 

Il  faut  cependant  obferver  que  fouvent  une  Pré- 
fomption ,  légère  par  elle-même  ,  devient  grave  par 
fa  réunion  à  d'autres.  C'eft  une  maxime  conftante  , 
que  plufieurs  indices  légers,  joints  enfemble,  for- 
ment un  indice  grave  ;  quelquefois  même  il  fuffit 
pour  cela  que  chacun  de  ces  indices  foit  prouvé 
par  des  témoins  finguliers.  En  voici  un  exemple 
propofé  par  Joufî^e  :  «  Si  Caïus  ayant  été  tué  d'un 
i;  coup  de  piftoîet  ,  i°.  un  témoin  dépofe  que 
»  Seïus  a  eu  auparavant  une  querelle  avec  lui  : 
»  2°.  qu'un  autre  témoin  dépofe  que  Seuis  a  me- 
»  nacé  Caïus  :  3°.  qu'un  autre  déclare  avoir  vu 
«  Seïus  acheter  de  la  poudre  Si.  du  plomb  :  4".  qu'un 
)?  quatrième  témoin  dépolé  que  Seius  eft  forti  de 
J)  chez  lui ,  ou  s'cft  caché  dans  un  endroit  retiré 
)»  avec  un  piftoîet ,  un  peu  auparavant  que  Caius 
5)  ait  été  tué  ;  ces  quatre  indices  joints  enfemble  , 
»  tendans  tous  à  une  même  fin  ,  quoique  prouvés 
»  par  des  témoins  finguliers  ,  font  fuffifans  pour 
))  former  un  indice  grave  contre  Seïus  ». 

Souvent  les  Préfomptions  s'afToibliftent  ou  fe 
détruifent  mutuellement;  dans  ce  cas,  le  juge 'doit 
les  comparer  enfemble ,  les  pefer  ,  coufidérer  le 
rapport  plus  ou  moins  immédiat  qu'elles  ont  avec 
le  fait  principal,  ik  fe  déterminer  pour  celles  qui 
ont  le  plus  de  force  &  de  certitude.  C'eft  ce  que 
prefcrit  la  loi  21  ,  §.  3  ,  D.  de  teftibus  (i). 

Ainfi  on  doit  préférer  une  Préfompt. on  grave  à 
une  Préfomption  légère  ;  une  Préfomption  Spéciale 
à  une  Préfomption  générale  ;  une  Préfomption  na- 
turelle a  une  Préfomption  accidentelle  ;  une  Pré- 
fomption affirmative  à  une  Préfomption  négative  ; 
une  Préfomption  de  droit  à  une  Préfomption  hu- 
maine ;  une  Préfomption  favorable  à  celle  qui  l'eft 
moins  ,  &  par  conféquent  celle  qui  détruit  le  crime 
2  celle  qui  l'établit. 

Mais  dans  tous  ces  cas  la  Préfomption  qui  l'em- 
porte fur  celle  qui  la  combat,  n'a  pas  la  même 
force  que  fi  elle  n'avoit  pas  de  conci'rrente  ;  car 
il  eft  de  principe,  qu'un  indice,  quci<^ue  léger, 
affbiblit  un  autre  indice  qui  lui  eft  contraire.  Ainfi  , 
dit  Julius  Clwrus  ,  queftion  60  ,  r.  23  ,  la  bonne 
réputation  d'un  accufé  détruit  quelqi-ttois  &  dimi- 
nue toujours  les  indices  qui  nii'if;  nr  contre  lui. 

(1)  Si  teiles  on^ncs  ejuMeni  honçrtstis  ?.;  f\i  ir.i.iiionit 
(lut ,  &  riPgotii  qualiras  ac  juclkis  iwoti.s  cuiii  i  is  conci  rrit  , 
fe.jUsTida  funt  omria  teiHmonia.  Si  vero  ex  h'i  qi'pn  eori-in 
a'-.addixe  int,  licet  ''mpori  PuinciO  ,  c  fiierdum  »  .,  fcd  cuuJ 
l'.ariirï  i.ej^oni  rrnvenit  iV  »^i>otî  inirnicin.T:  ,u:' g^arj»  folji- 
cione  ci-'t.  Tf  r<îriTiabirc;i'e  ii"iex  HictL-m  anirni  11. i  ♦•x  .irci- 
inentis  u.:  teiitinoniis  oucétt:  ap:JO',-i  (V.  vcio  prox'miv  ra  cfie 
c  n.p'rcii^  Non.  eiiim  ai  nu:!iK.idincn:i  tc',i\\  rp-  ut.  <V^ 
ad  (incetaivi  ttr'limonicrunj  lidein,  &  icUJmwiii-  4'  i-uspoiiiu 
lex  v^rtcaiis  adûitit. 


PRÉSOMPTION. 

L'explication  naturelle  &  vraifemblable  que 
donne  un  accufé  dans  fes  interrogatoires  ou  con- 
frontations ,  des  indices  graves  ou  même  violens 
qui  le  chargent ,  eft  encore  un  moyen  très-propre 
à  les  affoiblir  ;  de  là  ,  en  effet  ,  il  réfulte  que  ces 
indices  peuvent  n'avoir  aucune  liaiion  avec  le 
crime  dont  il  s'agit ,  &  conféquemment  on  ne  peut 
en  conclure  que  l'accufé  foit  l'auteur  de  ce  crime. 

On  voit  par  tout  cela  combien  il  eft  difficile  d'ef- 
timeravec  juflcfTe  la  preuve  qui  réfulte  des  Pré- 
ibniptions.  «  Le  pays  des  conjectures,  dit  le  cé- 
»  lëbre  Cochin  ,  eft  entrecoupé  de  mille  routes 
»  obfcures ,  dans  lefquelles  on  fe  perd  &  on  s'é- 
»  gare  fans  eefle  :  l'un  eft  touché  d'une  circonf- 
»  tance  à  laquelle  l'autre  fe  trouve  infenfible.  Sou- 
)>  vent  ces  circonftanccs  fe  combattent  les  unes 
»  les  autres  :  l'une  paroit  favorifer  un  parti  , 
»  l'autre  femble  lui  être  contraire.  On  s'épuife  en 
»  raifonnemens  pour  l'.s  faire  valoir,  &  tout  le 
»  fruit  de  ces  recherches  hafardées  eft  d'avoir  en- 
5>  veloppj  la  vérité  de  tant  de  nuages  ,  qu'elle  de- 
»  vient  inacceffible  à  la  juftice  ». 

Tâchons  cependant  d'établir  quelques  règles  fur 
cet  objet.  Voici  celles  que  nous  donne  ioufïe. 

M  I".  Les  indices  douteux ,  incertains,  équivo- 
j>  ques ,  non  concluans  ,  &  qui  n'ont  point  un  rap- 
jj  port  néceftaire  au  crime  ,  ne  peuvent  former  au- 
»  cune  preuve.... 

»  2°.  Un  indice  grave  vaut  un  peu  moins  qu'une 
j)  femi-preuve ,  &  un  indice  violent  vaut  plus.... 

"  3°.  On  ne  peut  condamner  un  accufé  fur  de 
5>  fimples  Préfomptions  ,  indices  ou  conjc^flures  ; 
»»  ce  qui  arrive  lorfque  la  liaifon  des  indices  au  fait 
»  principal  n'eft  que  vraifemblable.... 

»  4°.  Mais  fices  indices  font  violens  &  indubi- 
5>  tables ,  c'eft-à'dire ,  iî  la  liaifon  de  ces  indices 
"  au  cri.me  eft  abfolument  néceGire,  alors  ils  for- 
j>  ment  une  preuve  complette  &  fafîlfante  pour  la 
j>  condamnation  »..., 

Nous  parlons  à  l'article  Preuve  ,  des  différen- 
ces qu'il  y  a  entre  les  divers  a£ies  d'une  procé- 
dure criminelle  ,  par  rapport  à  la  qualité  requife 
dans  les  preuves  fur  Icfquelles  ils  doivent  être 
fondés. 

Un  accufé^  qui  a  écliappé  à  la  condamnation  , 
parce  qu'il  n'y  avoit  contre  lui  que  des  Préfomp- 
tions Si  des  indices  ,  peu:-il  prétendre  des  domma- 
ges-intérêts à  la  char<;e  de  ion  accufateur  ?  Les 
lois  décident,  les  auteurs  enfcignent,  &  les  arrêts 
jugent  qu'il  faut  diftmguer  en  cette  matière  la  ca- 
lomnie d'avec  l'erreur. 

La  loi  3  ,  C.  de  calumniiior.bus,  porte  ,  que  l'in- 
nocence &  la  juftification  de  l'accufé  ne  font  pas 
une  preuve  certaine  de  la  c.-iloTiaie  de  l'accufateur 
qui  peut  avoir  eu  un  fondement  raifonnable  pour 
iatenter  l'accufation.  A'o/j  M'/r?/ rez/f  aùfolucuf  efl 
ex  eo  folo  accufitor  ,  (jui  poicil  ju(lam   habuifj'i  ve- 
nitndï  ai  crimen  ratiorr.m  ,  Cd'ntnmator  cri:ie,idus  efl 
Une  ordonnance  portée  par  PhMippe  IV  en   1303 
déclare  que  tout  dénonciateur  ferj  tenq  d'indem- 


PRÉSOMPTION. 


5M 


nîfer  entièrement  l'innocewt  qu'il  aura  accufé  ,  h 
moins  que  le  bruit  public  ,  ou  la  dépofuion  d'un 
témoin  irréprochable  ,  ou  un  Joupcoa  yrocabU  ,  ne 
puiftent  excufer  fa  dénonciation.  Dcnunciator  vd 
inJliuBor  rejarciac  denunciato  damna  &  expenfas  quas 
idem  denunciattis  fuftinuer'u  ,  nifi  de  diclo  deliélo  de- 
nunciatus  fuerit  difflimatus  ,  vel  aliàs  probabilîs  fufpi- 
cio  contra  eum  ad  cognitionem  caufcc  adjudicium. 

C'eft  aulfi  ce  qu'établifleat  Cujas  fur  le  livre  26 
des  réponfes  de  Papinien  ,  &  Julius  Clarus  ,  livre 
î  ,  §.  dernier,  qucftion  62.  On  fent  d'ailleurs  que 
l'intérêt  public  juftifie  affez  cette  do61rine.  Trop  de 
rigueur  employée  contre  les  dénonciateurs  que 
des  indices  preffans  ontféduits,  ne  ferviroit  qu  a 
autorifer  la  licence  8c  le  défordre  ;  la  crainte  qu'on 
arroit,  en  pourfuivant  la  vengeance  des  crimes  les 
plus  énormes,  de  s'expofer  aune  condamnation 
de  dommages  &:  intérêts,  en  retarderoit,  en  élude- 
roit  peut-éire  la  punition;  &  le  public,  qui  peut 
être  bleffé  par  l'accufation  d'un  innocent ,  fouffri- 
roit  encore  plus  par  l'impunité  des  coupables. 

Le  plus  célèbre  des  arrêts  rendus  fur  cette  ma- 
tière ,  eft  celui  du    17   janvier  1600.  Jean  Proft 
ayant  été  affaffîné ,  fa  mère  accufa  Bellanger  ,  mai. 
tre  de  la  maifon  où  il  demeuroit  ;  Bellanger  fut  con- 
damné à  la  queftion  fur  des  indices  très-violens  > 
&  entr'autres  fur  ce  qu'il  avoit  pris  de  l'argent  à 
P;oft,  &  avoit  proir.is  à  fa  fcrvante  de  lui  en  don- 
ner fi  elle  n'en  difoit  rien.  Bellanger  ayant  fouf- 
fert  la  queftion  fms  rien  avouer  ,  intervint  arrêt 
portant  réception  en  procès  ordinaire ,  conformé- 
ment à  l'ordonnance  de  1539,  "&  néanmoins  rc> 
»  tenu  qu'en  cas  qu'en  l'ordinaire  ne  fe  trouvant 
'>  plus  grande  preuve  ,  les  accufés  obtinffent  leur 
n  renvoi,  ne  leur  feroient  adjugés  aucuns  dépens, 
»>  dommages-intérêts  >f.  Dans  la  fuite,  deux  vo- 
leurs, arrêtés   8t  condamnés  à  mort  pour  d'autres 
crimes  ,  déclarèrent  qu'ils  avoient  commis  le  meur- 
tre de  Jean  Proft  ,  &  Bellanger  demanda  des  dom- 
mages-intérêts contre  (on  accufntrice.  Mais  par  l'ar- 
rêt qui  intervint  après  une  plaidoirie  du  plus  grand 
écîrit  ,  en    préfence    du  roi  Henri  IV  &  du   duc 
de  Savoie  ,   il    fut   déclaré  innocent  fans  répara- 
tions ,    dépens  ,    dommages  Si   intérêts  ,  attendu 
portent  les  conclufions  de  M.  l'avocat  général  Ser- 
vin  ,  cjue  la   mère  nélcit  pas  &  ne  pouvait  être  juséc 
Calomniatilce. 

L'affaire  de  le  Brun  ,  n'ort  dans  les  tourmens  de 
la  queftion,  pour  un  affaftînat  qu'il  n'avoit  pas  com- 
mis, nous  offre  un  autre  exemple  de  la  jurispruden- 
ce confacrée  par  les  deux  arrêts  dont  nous  venons 
de  parler.  Les  accufateurs  fe  dcfendoient  d'une  ma- 
nière bien  adroite.'  Nous  avons ,  difoient-ils  (  c'eft 
Augeard  qui  rapporte  ces  détails),  nous  avons  pour 
garans  de  la  juftice  de  notre  cz\\(z ,  les  juges  qui 
ont  condamné  le  Brun  à  la  queftion;  ils  ont,  par 
cette  condamnation  ,  adopté  notre  erreur  ;  ils  fe  la 
font  rendue  propre  ;  &  par-là  ils  non?  ont  juftifiés 
puifqu'on  ne  peut  nous  reprocher  que  de  n'avoir 
pas  été  plus  éclairés  que  les  ju^cs  mêmes.  Si  la 

T 1 1  ij 


5i6  PRESSOIRS. 

cour  ,  avec  toutes  fes  lumières ,  Con  exafîitude  & 
ion  application  ,  n'a  pu  découvrir  la  vérité  ^  dira- 
t-on  que  nous  étions  obligés  de  la  deviner  ?  &  fi  les 
juges  n'ont  pu  fe  difpenler  de  condamner  le  Brun 
à  la  queftion  ,  voudra  t-on  que  nous  ayons  pu  nous 
difpenfcr  de  l'accufer  ? 

Ces  raifons  étoient  fans  doute  bien  décifives  ; 
cependant  .  parce  que  les  accufateurs  avoicnt  né- 
gligé certains  indices  qui  auroient  pu  leur  indiquer 
le  véritable  meurtrier  ,  s  ils  en  avoient  fuivi  exa^ie- 
jîient  la  trace  ,  l'arrêt  qui  fut  rendu  fur  cette  con- 
teflation  le  30  mars  1694,  ne  les  déchargea  que 
des  dommages  -  intér-ts  ,  &  les  condamna  aux 
dépens. 

Il  feroit  inutile  de  citer  un  plus  grand  nombre 
d  arrêts  fur  cette  niàtiire.  Ceux  qui  voudront  en 
connoître  d'autres ,  peuvent  confiilter  les  caufes 
célèbres  de  Gayot  de  Pitaval  ,  tome  i  ,  vers  la 
fin ,  &  le  journal  publié  par  MM.  DelTeflarts  & 
Richer. 

Foyf{  Menochius  &  Aidât  dans  leurs  traités  h- 
tins  de  l'raefumptionibus  ;  Fannactus  ;  Julius  Cla- 
TUS  ;  le  code  criminel  de  Serpillon  ;  Voët  fur  le  di^cjîe , 
titre  de  probationibus  &  Piœfomptionibus  ;  le  traité 
de  la  preuve  par  témoins  ^  de  Danty  ;  celui  des  obli- 
gations par  Poihier  ;  le  journjl  des  audiences  ,  tome 
cinquième  de  ta  nouvelle  édition  ,  &  tome  6  de  Camien- 
ne  ;  les  arrêts  du  confdil  fouverain  de  Brabant  re- 
cueil lis  par  MM.  btokmans  &  JP'cnanr^  ;  ceux  du 
gf.md  co-^feil  de  Maiines  ,  publiés  par  M,  Dulaury  , 
&:,  Voyez  auffi  les  articles  Preuves  ,  Indicés  , 
Question,  Légitimité,  Legs,  Institution 
D  HÉRiTi  R,  dénonciation  ,  Calomnie,  Ser- 
ment ,  &c.  (  Article  de  M.  Merlin  ,  avocat  au 
p.irlemznt  de  Flandres  ^ 

PRESSOIRS.  Il  en  eft  des  Preffoirs  comme  des 
fours  &  de  Moulins  ;  il  y  en  a  de  deux  tfpéces  , 
banaux  &  non  banaux. 

Comme,  de  droit  naturel  ,  chacun  a  la  liberté  de 
faire  ,  dans  fon  propre  fonds  ,  telles  conrtruâions 
qu'il  lui  plaît  ,  pourvu  que  ce  ne  foit  pas  dans  le 
deffein  de  nuire  à  d'autres,  il  lui  eft  tiés-permis 
d'y  conftruire  tout  ce  qui  lui  eft  néceftaire  pour 
moudre  fes  grains  ,  cuire  fon  pain  ,  &  prefturer  fes  \ 
raifins  :  mais  arifti  comme  il  ne  lui  eft  pas  défendu 
de  s'interdire  cette  faculté  pour  des  caufes  légiti- 
mes ,  il  faut  voir  comment  il  peut  à  cet  égard  avoir 
les  mains  tellement  liées,  qu'il  ne  lui  foit  plus  per- 
mis d'ufer  de  cette  liberté. 

C'eft  l'établiftement  des  banalités  qui  a  introduit 
cette  reftrii^lion  à  la  liberté  ;  &  cet  établiftement  , 
comme  contraire  au  droit  naturel,  n'a  pu  fe  faire 
valablement ,  que  par  une  convention  volontaire  , 
faite  avec  les  perfonnes  qui  s'y  font  affujetties.  C'eft 
ce  qui  a  fait  dire  ,  avec  raifon  ,  à  un  auteur  moder- 
ne (1),  que  les  bannlités  doivent  être  de  conven- 
tion exprefte  ou  préfumée.  Or,  l'ejpreft'e  peut  fe 
faire  ,    foit  avec  une  communauté  d'habitans  en 

(i)  Guyot,  dss  ùeTs ,  1. 1  ,  p.  343. 


PRESSOIR. 

corps,  foit  avec  quelques  particuliers  feu   Icmert. 

Mais  ,  en  cas  qu'elle  fe  fafle  avec  la  commu- 
nauté en  corps,  futht-il  que  la  plus  grande  partie 
de  ceux  qui  la  compofent  y  aient  conlentt ,  ou  faut- 
il  que  tous  généralement  l'aient  approuvée  ?  Quel- 
ques doi^eurs  (1)  ont  prétendu  que  le  confente- 
ment  de  la  plus  çrande  partie  à&'>  habitans  fufnfoit. 
On  dit  même  (2.)  que  cela  a  été  jugé  par  quelques 
arrêts  du  parlement  de  Rouen  ;  d'autres  (3)  n'exi- 
gent que  le  conlentement  des  deux  tiers  ,  poutvu 
que  l'aflembiée  ait  été  faite  légitimement  &  dans 
les  formes. 

Un  troifième  fentiment  (4)  ,  eft  que  le  confente- 
ment  généial  de  tous  les  habitans  eft  abfohiment 
néeeflaire  ,  pour  qn'ils  puiifent  être  liés  par  une 
telle  convention;  car  il  ne  s'agit  pas  feulement  de 
l'intérêt  du  corps,  mais  encore  de  c-îlui  de  chaque 
p;irticulier  ,  &  in  alu  communi  plurious ,  ut  Jingulis  , 
rnclior  videtur  conditio  proh.bcntis ,  fuivant  les  lois. 
{<y)  Si  cependant ,  dit  un  moderne  judicieux  (6)  , 
le  petit  nombre  s'y  oppofoit  ians  des  iaifcns  con- 
venables ,  &  par  pur  cnprice  ,  il  irroit  )u(le  que  les 
juges  l'obligeaftent  à  iuivre  lavis  du  plus  grand 
nombre,  afin  que  ,  par  Toi^iniâtreté  de  quelques 
particuliers,  le  corps  ne  fût  point  privé  de  1  avan- 
tage qu'il  pourroit  trouver  dans  la  couveniion. 

Les  Preftbirs  banaux  font  anciens  :  une  chartre 
du  roi  Jean  ,  donnJe  à  Paris  en  13  54,  portant  r(.n- 
hrmation  des  privilèges  de  la  ville  de  Joinville  ,  fait 
mention  que  le  moulin,  le  four,  le  Prefloir,  y 
(ont  banaux.  M.  de  Safienage  ,  marquis  de  Pont-en- 
Royaux,  dans  le  Dauphiné,  a  un  PrelToir  banal  , 
qui  date  encore  d'une  plus  grande  antiquité  ;  la 
chartre  qui  l'établit  eft  de  1030  ,  donnée  par  le 
prince  Ifmidon  ,  l'un  des  ancêtres  de  M.  de  Saffe- 
nage.  M.  Salvaing  ,  dans  Ton  ufage  des  fiefs  ,  cha- 
pitre 64  ,  remarque  que  le  droit  de  Preftoir  banal 
eft  très-rare  dans  le  Dauphiné  ,  &  qu'il  ne  connaît 
que  la  terre  de  Pont  en-Royaux  où  cette  efpèce 
de  banalité  foit  établie  &  connue. 

Malgré  l'antiquité  des  Preftbits  banaux,  nous 
n'avons  que  très  peu  de  coutumes  qui  en  :  'rient , 
&  je  n'en  connois  que  deux  qui  en  faftentun  dfoit 
général  pour  les  feigneurs  ;  la  coutume  de  Lorraine , 
tir.  6,  art.  ç  ,  dit  :  «  Droits  de  banalité  de  fours, 
)>  moulins  &  Preft!"oirs  ,  appartiennent  régulière- 
»  ment  au  haut-jufticier  ,  fi ,  par  ufage  ou  droit 
i>  particulier  ,  il  n'appert  du  contraire  ».  La  coutu- 
me du  Maine,  art.  28,  donne  le  même  droit  au 
bas-jufticier  ,  pour  les  vignes  que  fes  fujcts  tien- 


il)  Henng.  de moler.din.  qt<tfl.  11  ,n.  iitf,  117, 

(i)  Béiault  fur  Normandie  ,  parag.  lio. 

(;)  Le  Grand  fut  Troi^s ,  parag.  6'4 ,  n.  34  &  fuivans. 
Boucheul  fur  Poitou  ,  parag.  î  4  1  ".  $4, 

(4)  Gravct:e  ,  de  anùquic.  remp.part.  4,  cipur.  vit.  n.  29  ; 
Biodeau  fur  Paris  ,  parag.  71  ,  n.  x  ;  Dunod  ,  de  pr<tfcript.  > 
pirr.  i  ,  chap.  il  ,  p.  4,0  ;  Bafnage  lut  Normandie  ,  f^r^S* 
210;  Godi;f; oy,  l'Jr./. 

15)  L.  1!?  ,  D.  commun,  dlvidt 

{C)0\itioA,loc,  cit. 


PRESSOIRS. 

nent  de  lui ,  pourvu  que  le  PrelToir  foit  à  deml-lieue 
de  diftance  des  vignes.  L'art.  29  permet  au  fujet 
qui  a  dix  quartiers  de  vignes  ,  ou  audefTus  ,  d'avoir 
lin  Prefloir  particulier  pour  prelTurer  fa  vendange, 
en  avertiiTant  le  feigneur  ,  (Ik  en  lui  payant  5  lous  4 
den.  tournois. 

5)  Toutefois  ,  dit  Bacquet ,  traité  des  droits  de  ji/f- 
«  tice ,  par  la  coutume  de  la  prévôté  &  vicomte  de 
51  Paris  -(laquelle  nous  avons  délibéré  de  fulvre  , 
«  &  félon  icelle  n  nis  régler  )  ,  le  droit  de  juftice  , 
>'  ni  le  droit  de  fief,  n'attribuent  droit  de  banalité, 
»  comme  les  droits  de  juftice  ,  de  fief  &  banalité  , 
«  Ltant  droits  divers ,  diftindls  Si  féparés  ,  &  l'un 
"  n'ayant  rien  de  commun  avec  l'autre.  En  forte 
»>  que  le  haut ,  moyen  ou  bas-jufticier ,  ni  pareille- 
>>  ment  le  fe:gneur  féodal ,  ne  peut  prétendre  four , 
j>  moulin  ,  ou  Preffouër  banal  ,  ni  contraindre  fes 
>'  hofks  jufticiables  ou  fujets  d'aller  moudre  en 
»  fon  moulin  ,  cuire  en  fon  four  &  preflbrer  en 
«  fon  PrefTouër,  ni  les  empêcher  de  faire  Preffouër 
>)  ou  fours  en  leurs  maifons ,  ou  bâtir  moulins  fur 
«  leurs  héritages ,  s'il  n'en  a  titre  valable  ,  ou  aveu 
»  &  dénombrement  ancien.  Et  fi  le  titre  n'eft  au- 
»  paravant  vingt-cinq  ans  ,  il  n'eft  réputé  valable  , 
i>  comme  il  eft  porté  par  les  71*^  &  72'^  articles  de 
»  la  nouvelle  coutume  de  Paris  >». 

Les  banalités  de  four  6c  de  moulin  font  psrfon- 
nelles.  Il  femble  que  la  régie  devroit  être  la  même 
pour  la  banalité  de  PrelToir  ;  cependant  beaucoup 
d'auteurs  penfcnt  que  cette  banalité  e(l  réelle  , 
qu'elle  ert  une  charge  des  vignes  du  territoire. 

M.  le  préfident  Bouhier  (t)  s'<"lève  avec  beau- 
coup de  force  contre  cette  opinion.  Ses  motifs 
fontpuifés  dans  la  nature  des  chofes  :  nous  allons 
tranicrire  ce  qu'il  dit  à  cet  égard. 

«  J'avoue ,  dit  ce  favant  inagiflrat  ,  que  je  ne 
3'  comprends  pas  la  raifon  de  la  diftinâion  qu'on 
3j  veut  faire  entre  cette  banalité  &  les  autres. 

1»  En  effet,  on  ne  fauroit  douter  que  ,  quelle 
j>  qu'ait  été  originairement  la  caufe  de  l'établifTe- 
ii  inent  des  différentes  banalités  dans   une  même 

V  communauté  ,  elle  n'ait  été  vraifemblablement  la 
31  même  pour  toutes  ,  foit  qu'elle^  aient  été  établies 
^J  dans  les  anciens  affranchiffemens ,  'bit  par  quel- 
»  ques  conventions  ou  autrement:  la  nature  en 
j>  doit  donc  être  la  même.  On  peut  dire  de  plus, 
3>  qu'on  n'a  jamais  pu  les  rendre  réelles  ,  qu'en 
}»  chargeant  précifément  les  fonds  de  la  fujétion 
)j  dont  il  s'agit  ;  car  c'cft  cela  feul  qui  produit  la 

V  réalité.  Si  donc  il  étoit  prouvé  que  les  vignes 
}j  eufïenr  été  données  fous  la  condition  de  la  ba- 
»  nalité,  comme  dans  le  cas  d  un  arrêt  du  parle- 
3>  ment  de  Paris  du  25  feptembre  1559  ,  rapporté 
3>  par  Carondas  (i) ,  il  n'y  aiiroit  nul  doute  que 
ï>  le  droit  ne  fiât  téel;  c'eft  même  le  feul  cas  où 
«  il  puiffe  l'être  ,  comme  l'a  remarqué  un  des  pliii 


(i)Obfervations  fur  la  ccucumede  Bourgogne,  chap.  4I. 
(i)  Voyez  Cœpola  ,  defervit»  c<ip.  i» 


PRESSOIRS.  517 

j>  judicieux  interprêtes  des  coutumes  (i).  Mais 
j>  comme  un  tel  fait  ne  fe  préfume  point ,  on  doit 
»  croire  que  la  banalité  du  Preffoir  a  été  inftituée 
»  comme  toutes  les  autres  ;  &  c'eft  fans  doute  pour 
»  cela  que  la  coutume  d'Anjou,  article  31  ,  n'en 
»  fait  aucune  différence  par  rapport  à  la  perlona- 
H  lité. 

»  Une  chofe  affez  fingulière  ,  efl  que  l'arrêt  da 
»  parlement  de  Paris  du  24  avril  i6oo  ,  qui  fait  le 
))  principal  fondement  de  l'avis  contraire  ,  foutenu 
)»  par  Chopin,  kquela  été  aveuglément  fuivi  par 
3)  tous  les  autres,  fut  rendu  dans  une  hypothëfe , 
»  dont  le  fait  devoit  conduire  à  une  déciiion  toute 
»  oppofce  ;  car  il  s'y  agiffoit  d'une  banalité  de 
»  Preffoir,  qui  avoit  été  établie  par  un  aifle  d'af- 
5»  franchiffement  de  la  main-morte  ;  d'oii  il  réful- 
»  toit  que  ce  droit  étant  fubrogé  à  une  fervitude 
»  qui  étoit  inconteilablement  perfonnelle  ,  il  de- 
33  voit  être  confidéré  comme  étant  de  la  même 
53  qualité,  fuivantla  maxime  :  fubrogutum  f.ipit  nu- 
»  turamfubrogati  ;  dont  un  habile  jurifconfulte  (2) 
)»  a  fait  une  julle  application  en  pareil  cas.  Aufli 
»  cet  arrêt  n'a-t-il  pas  empêché  qu'on  n'en  ait 
»  rendu  dans  la  fuite  plus  d  un  contraire  ". 

De  ce  principe  ,  que  la  banalité  de  Preffoir, 
comme  celle  de  moulin  &  de  four,  eft  purement 
perfonnelle  ,  M.  le  préfident  Bouhier  tire  la  confé- 
quence  ,  que  les  propriétaires  forains  en  font  af- 
fianchis,  8c  qu'ils  peuvent  preffurer  leurs  raifinsoù 
ils  le  jugent  à  propos.  A  l'appui  de  fon  fyllême  , 
cet  auteur  rapporte  deux  arrêts  ;  le  premier  du  par- 
lement de  Bourgogne  du  17  juillet  1653  (3),  par 
lequel  un  foraui  fut  renvoyé  de  la  demande  du 
propriétaire  d'un  Preffoir  banal  ,  tendante  a  ce  que 
ce  fo'-ain  fût  condamné  à  détruire  un  petit  Preffoir 
qu'il  avoit  au  lieu  de  la  banalité,  &  où  il  avoit  fait 
preffurer  fes  raifins  ,  quoique  ce  Preffoir  eût  été 
conflruit  depuis  peu  :  cette  décifion  efl  précife. 

L'autre  arrêt  a  été  rendu  au  parlement  de  Befan- 
çon  le  4  févrir  1740,  dans  l'efpêce  fuivante  ,  au 
rapport  de  M.  Talbert,  l'un  des  plus  grands  ma- 
giflrats  de  cette  compagnie.  Jean-Claude  Boucoux 
avoit  le  Preffoir  banal  de  Malay  ,  dont  il  étoit  fet- 
gneur  ;  Jean-Baptifte  Huzin  ,  propriétaire  de  quel- 
ques vignes  au  même  lieu  ,  prétendit  que ,  comme 
forain  ,  il  pouvoit  porter  fes  raifins  dans  tel  autre 
Preffoir  qu'il  lui  plairoit ,  &  fut  en  effet  maintenu 
dans  cette  liberté  par  fentence  du  bailliage  de  Ve- 
tcul ,  qui  fut  confirmée  par  l'arrêt  dont  je  viens 
de  poirier,  &  prefquétout  d'une  voix. 

Tenons-nous-en  donc  à  la  doctrine  de  le  Grand 
(4)  ,  &  difons  avec  lui  ,  que  ceux  qui  ne  font  pas 
domiciliés  dans  le  lieu  de  la  banalité  ,  ne  font  pas 


(i)  Chopn  fur  Paris ,  loc,  citât.  BroJeau,  ibid.  parag.  71  , 
n.  ,0  ;  ferriere  ,  ibid.  n.  15,  :o. 
(2)  Caror.^as  fur  Paris ,  parag.  93. 
(j)  Taiùnd  fur  Bourgogue,  page  738  ;  Raviot  fur  Perr.  , 

aasll:.  i?»  ,  «.  13- 
(4)  Le  GtAnd  lut  Tioles ,  parag.  04 ,  n.  54. 


5i8 


PRESSOIRS. 


obli:ZCS  de  porter  leurs  raifins  au  Preflblr  banal  j 
mais  peuvent  les  tranfporter  où  bon  leur  femble  , 
à  moins  qu'il  ne  foit  jutlifié  que  leurs  vignes  ont 
été  dé'.aiflees  dans  l'origine  à  eux  ou  à  leurs  au- 
teurs ,  à  la  charge\j*expreire  de  faire  preffurer  leurs 
vendanges  au  PrefToir  banal  ;  car  ,  en  ce  cas,  ils 
font  tenus  d'exécuter  la  condition,  ou  de  dédom- 
mager le  feigneur,  fuivartt  un  arrêt  du  parlement 
de  Paris  du  15  décembre  1559  (1)  ,  que  nous  pou- 
vons encore  oppofer  à  celui  de  1600  ,  puifqu'il  ju- 
gea que  ceux  qui  n'avoient  pas  leurs  vignes  à  la 
même  charge  ,  n'ctoient  pas  fujets  à  la  banalité. 

Il  faut  convenir  que  cette  opinion  cft  au  moins 
très-plaufible.  Effeiftivement  on  ne  voit  aucune  dif- 
férence entre  la  banalité  de  PrcfToir  &  celle  de 
moulin  ;  du  moins  il  paroît  bien  difficile  de  donner 
vn  motif  raifonnable  à  la  àiCiinCtion  qui  répute 
l'une  de  ces  ba  alités  plus  réelle  que  les  deux  au- 
tres. Toutes  n'ont-elles  pas  la  même  origine,  puif- 
qiie  touieî  ne  peuvent  dériver  qiie  de  deux  four 
ces ,  la  convention  ou  la  tradition  des  héritages  ? 
Pourquoi  donc  ne  feroit  il  pas  vrai  do  dire  que  la 
banalité  de  Preiîbir," comme  les  deux  autres  ,  n'eft 
cffentiellemcnt  ni  réelle  ni  perfonnelle  ;  que  la 
première  de  ces  dewx  qualifications  lui  appartient  fi 
elle  a  été  établie  lors  de  la  conceflion  des  terres ,  & 
la  deuxiêiTîe  ,  fi  elle  dérive  de  la  convention  ? 

Un  point  de  droit  que  perfonne  ne  révoque  en 
doute  ,  c'eft  que  toute  preftation  qui  dérive  d'une 
convention  eft  purement  perfonnelle ,  &  qu'il  nV  a 
de  charges  réelles  que  celles  qui  ont  été  imposées 
in  traditione  fiindi  ab  Initio. 

Un  point  de  fait  également  certain  ,  c'eft  que  la 
majeure  partie  des  banalités  de  Preflbir  doit  fon 
origiwe  à  des  conventions  entre  le  feigneur  &  les 
tenanciers  ;  conventions  bien  poftérieuresà  l'acccn- 
lement  an  territoire. 

Mais  s'il  eft  également  împoflible  de  contefter  ce 
point  de  droit  ,  &  de  nier  ce  point  de  fait,  il  faut 
danc  reconnoitre  qu'il  y  a  des  banalités  de  Preffoir 
perfonnelles  ,  comme  il  y  en  a  de  réelles  ;  qu'à  cet 
é-"'ardtout  eft  égal  entre  les  fours,  les  moulins  & 
les  PrelToirs.  Il  faut  encore  aller  pliis  loin  ,  &  dire, 
que  puifqu'on  répute  toutes  les  banalités  de  mou- 
lin &  de  four  perfonnelles  ,  parce  que  la  plus 
grande  partie  doivent  leur  origine  à  des  conven- 
tions poftérieures  à  la  conceftîen  des  héritages  ,  il 
f.uit  envifagerdu  même  œil  les  banalités  de  Prefibii^. 

Du  moins  ce  fyftême  eft-il  fondé  fur  des  motifs 
qui  pavoiftent  raifonnables  Si  conféqueiis.  Et  quel- 
les raifons  les  auteurs  qui  fe  font  rangés  du  parti 
contraire  donnent  ils  de  leur  opinion  ?  Aucune. 
Cela  paroît  incroyable;  cependant  cela  eft  vrai. 
U::i  ancien  jurifconfulte  ,  fur  la  foi  d'un  arrêt  en- 
core plus  ancien  ,  a  dit  :  Les  banalités  de  Preffoir 
font  réelles.  Et  les  auteurs  qui  ont  écrit  depuis 
ont  repéré  :  Les  bavinîités  de  PrelToir  font  réelles. 
Et  cela  ,  fans  pefer  les  motifs  de  cette  opinion,  fans 

(i)  Caionias  fur  Paris ,  parag.  50, 


PRESSOIRS. 

,  examiner  fi  elle  avoit  un  fondement  quelconque. 
C'eft  ainfi  que  les  livres  fe  multiplient,  &  que  la 
fcience  refte  au  même  point. 

Au  furplus  ,  voici  les  fuffrages  en  faveur  du  fyf- 
tême de  la  réalité  ;  nous  les  tranfcrirons  en  entier  , 
afin  que  chacun  puiffe  juger  du  degré  de  confiance 
qu'il  doit  accorder  à  ces  auteurs. 

On  diftingue,  dit  l'annotateur  de  Boutaric  ,  «  fi 
»  la  banalité  eft  réelle,  comme  celle  de  Preffoir ,  ou 
»  fi  elle  eft  perfonnelle.  Les  eccldfiaftiques  ne  font 
î»  pas  exempts  de  la  banalité  réelle  ;  mais  ils  le 
»  l'ont,  de  droit  commun  ,  de  celle  qui  eft  per- 
r>  fonnellc.  C'eft  la  penfée  générale  des  auteurs. 

»  La  banalité  de  Preffoir ,  dit  Guyot  dans  fon 
'»  traité  des  fiefs  ,  eft  réelle  ;  elle  affeâe  toutes  les 
»  vignes  du  territoire  :  elle  confifte  dans  le  droit 
"  de  contraindre  tous  ceux  qui  pofsèdent  des  vi- 
»  gnes  tians  le  territoire  banier  ,  tels  qu'ils  foient 
»  ik  fans  exception  ,  à  apporter  leurs  vendanges 
»  furie  PrelToir,  à  peine  de  confifcation  &  d'a- 
11  mende. 

If  II  faut  obferver  ,  dit  Perrière  fur  l'article  71 
«  de  la  coutume  de  Paris,  n°.  19,  une  différence 
3?  entre  la  banalité  du  moulin  &  du  four ,  &  celle  du 
»  Preffoir  ,  que  celles-là  font  perfonnelles  ,  &  que 
))  celle-ci  eft  réelle  ;  de  forte  qu'elle  s'exerce  fur 
>»  les  vignes  qui  font  dans  l'étendue  de  la  juftice  , 
1)  foit  que  les  propriétaires  y  aient  leur  domicile  ou 
»  non  ,  parce  que  c'eft  une  efpècede  fervitude  im- 
•>■)  poféc  fur  tout  un  territoire  ». 

Brodeau  ,  fur  les  mêmes  articles  32  &  33  ,  rap- 
porte plufieurs  arrêts  par  lefquels  il  a  été  jugé  , 
«  que  les  propriétaires  des  vignes  fiijettes  à  la  ba- 
»  nalité  du  Preffoir  ,  quoique  demeurant  hors  de  la 
»  juftice  ,  font  obligés  de  faire  apporter  leurs  vcn- 
»  danges  au  Preffoir  du  feigneur  ,  pour  les  preffu- 
»  rer.  Le  premier  eft  du  24  avril  160Q,  à  l'audience 
»  de  la  grand'chambre  ,  rapporté  par  Chopin  ;  le 
»  deuxième  eft  du  21  mars  1609,  donné  auffiàla 
»  grand'chambre  ;  le  troifième  a  été  donné  au  mois 
»  de  juin  1630,  à  la  quatrième  chambre  des  en- 
n  quêtes  ;  il  y  en  a  un  quatrième  du  7  feptembre 
»  1641  ;  &  Cirondas ,  fur  l'article  90  ,  en  rapporte 
»  un  cinquième  plus  ancien;  de  forte  que  la  quef- 
»  tion  ne  fait  point  de  difficulté. 

»  On  demande,  dit  encore  Perrière,  n".  23  ,  fi 
»  celui  qui  a  fief  dans  l'étendue  de  la  feigneuris 
»  peut  s'exempter  de  la  banalité.  M.  le  Prêtre, 
j>  centurie  troifième,  chap.  52,  remarque  deux 
"  arrêts  qui  ont  jugé  que  le  Jeigneur  du  fief  ne  peut 
"  fe  préundre  exempt  d'aller  au  four  ou  au  moulin 
yi  banal  des  feigneurs  juflïciers  ,  fi  ce  n'eft  en  vertu 
n  d'un  titre  particulier  &  fpécial  au  contraire.  Le 
11  premier  a  été  donné  pour  la  coutume  de  Touraine 
»  le  23  février  1602;  &  le  fécond  pour  la  coutume 
»  de  Paris  ,  au  rapport  de  M.  Ribier,  le  7  mai  1605. 
î>  La  raifon  en  eli,  que  le  feigneur  qui  a  moulin 
»  banal  peut  empêcher  de  conftruire  un  autre 
»  moulin  que  le  fien  dans  fa  terre,  &  partant 
j>  ceux  qui  y  demeurent,  quoique  feigneurs  de 


PRESSOIRS. 

«  fief,  font  tenus  d'aller  moudre  au  moulin  du 
»  feigneur  ». 

Brodeau  ,  loco  chato ,  rapporte  aufll  deux  au- 
tres arrêts,  qui  ont  aflujetti  des  feigneurs  de  fief 
à  la  banalité  de  moulin  ;  le  premier  du  8  d'août 
1628  ;  &  le  fécond   du  27  août  1632, 

"  Quant  à  la  banalité  du  Preflbir  ,  dit  Lacombe, 
«  verbo  banalité,  n°.  15  ,  page  69,  toute  la  ven- 
»  dange  provenant  des  vignes  fujcttes  à  la  bana- 
»  litc  doit  être  portée  au  Preflbir  banal ,  &.  le  droit 
}>  en  eft  dû  même  de  la  mère  goutte.  Cette  quef- 
»  tiOB  a  été  jugée  in  terminïs  par  un  arrêt  du  27 
«  août  1743  ,  de  la  cinquième  chambre  des  en- 
j)  quêtes  ,  au  rapport  de  M.  de  Chavanne  ,  qui 
J>  condamne  les  liabitans  de  Palys  à  apporter  leurs 
«  vendanges  ,  cuvées  ou  non  cuvées  ,  à  leur  choix, 
»)  fur  les  Preffoirs  banaux  du  feigncur  de  Palys  , 
j>  pour  y  être  prefiiirées  &  en  être  perçu  le  droit 
»»  de  prefTurage  ;  ordonne  que  ledit  droit  fera  pa- 
»  reillement  perçu  fur  chacune  pièce  du  furphis 
»  des  vins  qui  fe  trouveront  dans  les  caves  & 
j>  celliers  des  particuliers  &  habitans  qui  n'au- 
»  ront  pas  apporté  au  Preflbir  du  feigncar  de  Pa- 
>»  lys  ,  &  fur'  les  vendanges  cuvées ,  fi  mieux  ils 
»  n'aiment  faire  conduire  au  Preflbir  leur  vin  de 
»  cuve  ,  pour  ledit  droit  y  être  perçu  ;  leur  fait 
»  défenfes  de  façonner  &  faire  transporter  leurs 
y>  vendanges  dans  d'autres  lieux  &  Preffoirs  que 
»  fur  les  Preflbirs  banaux  du  fc'gneur  de  Palys  , 
M  fous  telles  peines  qu'il  appartiendra. 

"  Le  droit  de  banalité  de  four  ou  de  moulin  , 
11  dit  Dupleffis  (  duns  fon  traité  des  fiefs  ,  liv.  8  , 
M  chap.  2  )  ,  eft  plus  perfonnel  que  réel  ;  mais  le 
»  droit  de  Preflbir  eft  réel  ;  c'en  pourquoi  les  te- 
«  nanciers  y  font  fujets  ,  quoiqu'ils  demeurent 
»)  hors  de  la  feigneurie  ,  pour  les  vignes  qu'ils  tien- 
»  nent  dans  ladite  feigneurie.  Les  nobles  &  les 
))  gens  d'églife  ,  dit  encore  le  même  auteur,  font 
5J  fujets  a  la  banalité  dans  la  coutume  de  Paris  , 
»  puifqu'elle  n'en  fait  poitit  d'eïemption  ,  &  par- 
»  ticulièremcnt  à  CwUe  de  moulin,  &  même  le  curé 
j)  de  la  paroiflc. 

Brillon,  vcrbo  banalité  ,  rapporte  ,  d'aprts  Papon, 
un  arrêt  du  22  décembre  1552  ,  qui  a  juré  que 
les  nobles  ,  aufli  bien  que  les  autres,  font  aitiiiettis 
à  aller  au  Preflbir  banal. 

j>  La  banalité  de  Prefif^'r,  -.-lir  aiiHl  I?  nirjon  , 
j>  tome  premier,  p;^ge  4<;^.  eft  plus  ré-.lle  eue 
»  perfonnelle;  de-là  il  ré!u't,'  uf.  cerx  qui  tx- 
«  ploitent  des  vignes  da  ;s  !'cr<  r.cue  de  !i  u.i 
M  gneurie,y  font  .i<ic:s  par  r:  pocrt  ai'x  vigne;, 
j»  quoiqu'ils  ne  foieti  p  's  domiciliés  dans  l'éten- 
>>  due  d-^  la  r.'igneurie.  îy  s  gentihho'nmej  ni  l^'s 
}»  ec<;lérMfliques  ne  font  poi.;*  ercenipr»  de  cerre 
j)  banj'ité  ,  comme  ils  ne  !e  fjnt  pas  de  celle  de 
J»  nxiiilin  ». 

rnFin  le  pnnripe  de  la  réaLiC  des  PrtfToirs 
banau-;  ,  &  d'.'  l'-'^Micrtiflemcnt  des  n  i';e-  ,  & 
lur-iout  des  poITeiTeurs  de  fief  aux  banalucs ,  eft 


PRESSOIRS.  519 

reconnu  par  un  auteur  moderne  ,  qui  s'eft  acquis 
la  plus  grande  réputation.  On  veut  parler  ici  de 
M.  Pothier.  Voici  comme  il  s'explique  à  cet 
égard  fur  la  coutume  d'Orléans  ,  dans  fon  intro- 
duâion  au  titre  des  fiefs  ,  chapitre  1 1  ,  feâion  3  , 
page  182. 

»  La  banalité  de  four  &  la  banalité  de  mou- 
»  lin  font  des  banalités  perfonnelles  ,  qui  ne  s'exer- 
»  cent  que  fur  les  perfonnes  qui  demeurent  dans 
»  l'étendue  du  territoire  du  feigneur  :  c'efl  à 
»  raifon  du  domicile  qu'elles  y  ont  ,  ou  de  la 
»  réfidence  qu'elles  y  font  ,  qu'elles  y  font 
»  fujettcs. 

»  En  cela  ces  banalités  diffèrent  de  la  banalité 
»  de  Preflbir  ,  laquelle  eft  une  banalité  réelle  ,  à 
»  laquelle  ceux  qui  pofsèdciit  des  vignes  dans  le 
»  territoire ,  font  fiijets  à  raifon  des  vignes  qu'ils 
»  y  pofsèdent,  quand  même  ils  auroicnt  leur  do- 
»  micile  ailleurs. 

»  Dans  les  banalités  réelles ,  telle  qu'eft  celle 
j>  de  Preffoir ,  il  efl  évident  qu'on  ne  doit  point 
))  avoir  égard  aux  qualités  des  perfonnes  ,  puifque 
"  ce  ncA  qu'à  raifon  de  leurs  biens  qu'elles  y  font 
"  fu jettes  ". 

Il  y  a  un  cas ,  où  ,  quoique  le  feigneur  foit 
fondé  en  droit  de  banalité  de  four  dans  toute  fa 
feigneurie  ,  quelques  habitans  en  font  néanmoins 
exempts  naturellement  ;  c'efl  quand  ils  font  troj3 
éloignés  du  four  banal;  car,  comme  le  portent 
quelques  coutumes  (i)  ,  la  banalité  du  four  n'a 
lieu  que  quand  les  Jujets  y  peuveit  aller  convena- 
blement, &  fans  perte  de  leurs  pâtes.  La  raifon  qu'en 
donnent  nos  auteurs  (2)  ,  efl  qu'il  feroit  inique 
de  contraindre  les  fujets  d'y  aller,  quand  ils  font 
fort  éloignés  ,  à  caufe  que  la  pâte  étant  une  ma- 
tière facile  à  corrompre  en  peu  de  temps  ,  cela 
leur  cauferoit  u-w  grand  préjudice.  Indépendam- 
ment même  de  l'éloignement ,  il  y  a  quelquefois 
entre  le  four  &  le  domicile  des  habitans  ,  des 
ruifleaux  difficiles  à  pafler  ,  fur-tout  en  hiver; 
dans  ce  cas  ,  il  faut  leur  faire  bâtir  un  fécond 
four  banal  dans  leur  voifinage  ,  ou  leur  per- 
mettre d'en  avoir  de  particuliers  (3),  en  payant 
au  feigneur  quelque  modique  redevance. 

Une  pareille  exemption  s'accorderojt  plus  dif- 
ficilement dans  le  cas  de  l'élofgnement'du  moulin 
ou  du  Preffoir  ;  cependant  i^uelqucs  auteurs  (4) 
font  davis  que  l'éloign^m-ent  pourroit  être  fi 
grand,  qu'il  feroit  jufte,  en  ce  cas  ,  de  la  leur  ac- 
'  order  ;  ce  qui  paroit  fondé  fur  la  difpofitinn  de 
quelques  eontuines  (5)  ,  qui  portent,  que  le  fci- 


(i)  Cju^ura-.î.i  Main-,  psrjf,  24-.  d'Anjou,  ja  ar  2j. 
(-)  Brodetu  fui  Jacou-.u.iiC  du  Mains;  Albert,   iettie  13, 

(5)  />Ibett,  Wii. 

U)  Balna^je  ijr  Normandie  ,  parap.  ito, 

(;)  Coutume  VV.ijru.  pa>-ag.  itf,  \-,  ;  du  M'ine,  parag. 
i<  ;  Touiaine  ,  p^rig.  î7;  Lo:idunoi«,  cha;;.  i  ,  parag.  ^  , 
chip.  4,  parag.  2  j  Saimcnge  ,  parsg.  7;  Brera^ne ,  parag. 
5Si  ,  jSj, 


520 


PRESSOIRS. 


giieiir  ne  peut  contraindre  Tes  fujets  à  venir  mou- 
dre à  fon  moulin  ,  s'il  ncd  dans  une  certaine 
diftance  de  leurs  demeures  ,  comme  d'une  lieue 
ou  environ.  Et  à  l'cgnrd  des  PrelToirs  ,  il  y  a  des 
coutumes  (i)  qui  veulent  qu'ils  ne  foicnt  dirtans 
des  vii^nes  que  d'une  demi  lieue  au  plus;  cela  pa- 
role aifez  équitable.  Je  croirois  cependant  que  dans 
les  coutumes  qui  n'en  parlent  point,  cela  doit  de- 
meurera l'arbitrage  des  ju^es. 

Mais  les  fujets  peuvent  ils  acquérir  parla  pref- 
cription  l'exemption  de  la  banalité  ?  Les  au- 
teurs (2)  qui  en  ont  écrit  dans  l'elprit  des  cou- 
tumes où  la  banalité  appartient  de  droit  à  tout 
feigneur  juAicier,  tiennent  que  s'il  n'a  ni  mou- 
lin ,  ni  four,  ni  PrefToir,  les  fujets  peuvent  l'in- 
terpeller d'en  conflriiire,  &  que,  faute  par  lui 
de  le  faire  ,  ils  peuvent  en  conftruire  eux-mêmes 
de  domertiques ,  &  par  ce  moyen  ,  foutenus  de  la 
prefcription  ,  s'affranchir  de  la  banalité. 

Et  quand  même  les  moulin,  four  &  PrelToirs 
du  fcigueur  feroient  en  état  ,  plufieurs  coutu- 
mes (3)  font  fi  favorables  au  fujet,  qu'elles  por- 
tent ,  que  fi  pendant  trente  ans  ils  fe  font  c\H- 
penfés  de  la  banalité,  ils  ont  acquis  la  liberté, 
quand  bien  même  il  n'y  auroit  eu  aucune  con- 
tradiélion  de  leur  part.  La  coutume  de  Niver- 
nois  (4)  ,  au  contraire,  veut  que  cette  prefcrip- 
tion ne  pulife  commencer  quafci  contrjdifl'un. 
Au  parlement  de  Tculoufe  (5),  on  tient  que  la  ba- 
naiué  étant  préfumée  avoir  été  établie  in  trjdi 
tione  fiindorurn  ,  ce  droit  erl  imprefcriptible  ;  m.iis 
la  queftion  eA  de  favoir  comment  on  en  doit  ufer 
dans  les  coutumes  qui  n'ont  point  de  difpofitions 
fur  ce  point. 

Celle  de  Paris  eft  de  ce  nombre  ,  &  je  crois 
que  ceux  (6)  qui  l'ont  interprétje  font  affci  d'ac- 
cord ,  que  la  contradiction  n'eft  pas  néceflaire 
pour  donner  commencement  à  cette  prefcription  , 
ians  diftinguer  même  fj  la  banalité  appartient  au 
feigneur  de  la  terre  ;  ils  ne  fondent  cependant 
guère  leur  fentiment  que  fur  le  feul  arrêt  du  22 
aoiit  1698  ,  rapporté  par  Brodeau  (7)  ,  qui  n'efl  pas 
tout-à-fait  dans  le  cas  ;  car  il  y  avoir  cette  circonf- 
tance  ,  que  celui  qui  fe  prétendoit  affranchi  de 
la  banalié  du  Preiïbir  par  la  prefcription  ,  avoit 
eu  de  tout  te.nysSi.  d'' ancienneté  ,  un  Preiïbir  dans 
fa  mnifon  ,  du  vu  &  fçu  du  feigneur ,  fans  aucun 
trouble  ni  empêchement  de  fa  part.  Or  cela  va- 
lolt  bien  une  contradi61ion  de  la  part  de  ce  par- 


(i)  Counime  'lu  Maine,  paiag.  28. 

(1;  Chopin  fur  Anjou  ,  liv.  i  ,  chap.  I7  ,  n.  44, 

(j)  r.out  une  d'Anjou  ,  parag.   11;  du  Maine  ,  parag.  3  i  ; 
ie  Bou.bonnois,  paiag.  545. 

(41  CcrUiiie  'e  Nive:nois  ,  chap.  18  ,  parag.  i. 

(5)  \  edel ,  oblcrvations  fur  Catellan    liv.  }  ,  chap,  4+. 

(.')  Sacquet",  des  d.oits  de  juftice  ,  chap.  29  ,   n.   io\  Fer 
riete  fu.  Paris ,  pavag.  7  i  ,  n,  6  ;  Guyot ,  des  fiefs  ,  tome  i  , 
pair.44-  ,  44f. 

{7)  Brodeau  fur  Paâs,  parag.  71 ,  n.  10  &:  j  (. 


PRESSOIRS, 
t'culîef,  comme  l'avouent  quelques-uns  de  ces 
auteurs  (i). 

Il  ne  leur  refie  donc  plus,  pour  foutenir  leur 
avis,  que  la  dnpofition  de  l'^irticle  186  de  la  cou- 
tume de  Paris  ,  qui  porte  ,  que  La  liberté  fe  peut  réac- 
quéfit  contre  le  titre  >ie  jerviitidt  pur  trente  ans  ,  en- 
tre â^é)  &  non  privilégies,  Mais  la  banalité  eft-e'le 
une  fervifUfle  }  Les  régies  des  fervitudes  y  font- 
elles  applicables.' 

Au/îi  ceux  (a)  qui  favorifent  le  plus  cette  pref- 
cription, vtu!ent-ils  que  pour  qu'elle  ait  lieu  fans 
contradiction  de  la  part  du  fujet ,  il  faut  que  le 
(cigneur  n'ait  pu  vraifemblablement  ignorer  que 
le  fujet  n'alloit  point  à  fes  fours  ,  moulins  Si 
PrelToirs  :  ils  veulent  de  plus  que  la  pofîeffion  de 
la  l.berté  ait  été  publique  6c  paifible  pendant  trente 
ans  ,  fuiv.nnt  l  avis  de  ('ujas  ;  ils  exigent  donc  eux- 
mêmes  quelques  faits  qui  puifient  pafler  pour  une 
contra(:l:<51ion  ,  au  moins  implicite. 

Beaucoup  d'auteurs  penfenr  que  le  feigneur  peut 
acquérir  la  banalité  du  Prefibir  par  ime  poffcffion 
trenttnaire  ,  précédée  d'une  prohibition  d'aller 
preiï'urer  ailleurs. 

Cette  prohibition  doit  être  faite  fur  les  réquifi- 
tions  du  procureur  fifcal  ,  d'après  lefqucUes  le 
juge  ordonne  à  tous  les  habitans  &  juniciabks  de 
la  leigneurie  ,  d'aller  prefTurer  leurs  raifins  dans 
les  PrelToirs  banaux  de  la  feigneurie  ,  avec  dé- 
fenfes  qui  leur  font  Si  demeurent  faites  de  por- 
ter leurs  raifins  à  d'autres  Prefioirs  que  ceux  de  la- 
dite feigneurie  ,  à  peine  de  confiîcation  &  d'a- 
mende, fuivant  la  coutume;  ce  qu'il  ordonne  être 
exécuté  par  provifîon  ,  nonobflant  appel  ou  oppo- 
fition  ,  &  Ians  y  préjudicier. 

On  fait  faire  ces  publications  Si  les  affiches  par 
im  fergent ,  un  jour  de  foire  ou  de  marché  du  lieu  , 
dont  on  dreffe  au  bas  de  l'ordonnance  un  afle  figné 
du  greffier  (■;). 

(  1 ,1  ouyot  ,  loc.  citat^  V^i^  4^4 

(1)  Guyot ,  ibid, 

(i)  V^icictt  aflt  : 

L'an  ..  le...  avant  ou  après  midi,  à  la  requête  de  M'  Jean 
Hardi ,  procureur  rîfca!  de  la  juih'ce  de...  demeurant  audit 
lieu  ;  je...  f<rgfat  rci^u  &  immatJiculc  en  la  jui'iice  de...  de- 
meurant audit  lieu  ,  fcuifigné,  certihe  m'être  tranfporré  en  la. 
place  pulliqiic  de  la  halle  du  même  iieu  ,  oti  âant  &:  au- 
dev.int  de  Ijdire  ha!le  ,  affilié  de  Jacques...  tamhour  ordinaire 
de  ladite  ville;  &:  icelui  Jacques...  ayant  battu  fa  caille  un 
temps  fuffifant,  le  peuple  ell  furvenu  ,  auquel  j'ai  lu&  pu- 
blié à  haute  &:  intelligible  voix  l'ordonnance  ci-dcfTus,  après 
quoi  l'en  ai  affiche  copie  écrite  fur  une  fouille  de  papier  tiin- 
br;  ,  au  inurde  ladire  halle  &:  anenanc  la  porte  &:  entrée  d'i- 
celle;  d'où  je  me  fuis  tranfporté  à  la  pl.ice  du  marché  ,  où 
étant ,  ledit  Jacques...  a  de  même  battu  fa  caifle  ,  &  le  peuple 
étant  furvenu  ,  j'ai  pareillement  lu  Se  publié  à  haute  voix 
bien  intelligiblement  ladite  ordonnance,  Se  affiché  icelle  au 
coin  du  mur,  Se  afin  que  pcrfonne  n'en  ignore  ,  ayant  déclaré 
en  l'un  &:  en  l'autre  endroit  que  j'aJJois  en  dreflér  n-on  pro- 
cès-verbal peur  ftrrvir  aud  t  rrocur.  ur  lîfcal  &:  i  tous  qu'il 
appartiendra  ,  ainfi  que  de  raiion  ;  le  tout  fait  en  préftnce  ôc 
affiflé  dudit  Jacques...  &  de  Pierre  Delorme  ,  aaJli  fer|;ent 
de  certe  juilice  ,y  demeurant,  témoins  qui  ont  ligné  mon 
préfert  procès-veibal  avec  moi ,  lequel  fera  contrôle  fuivant 
Toidonnance. 

La 


PRESSOIRS. 

La  fignlficatîon  du  tout  faite  au  procureur-fyn- 
dic  de  la  communauté,  rendroit  encore  les  droits 
du  ieigneur  moins  conteltables. 

La  banalité  de  Prefroir  emporte ,  au  profit  du  fei- 
gneur ,  le  droit  de  faire  détruire  les  Preiibirs  que 
des  baniers  pourroicnt  avoir  fait  conflruire  dans 
leurs  maifons. 

Cette  règle  efl  écrite  par-tout;  on  la  trouve  fm- 
gulièrement  dans  le  traité  des  droits  feigneuriaux 
de  Defpeifles ,  titre  4 ,  feâl.  3  ,  avec  les  autorités 
qui  1  etabliiTent ,  &  les  exceptions  qui  la  modifient. 
Voici  les  termes  de  cet  auteur  : 

j>  Puifque  les  fujets  font  obligés  à  moudre  ou 
ï>  à  cuire,  ou  à  prefforer  es  moulins,  fours  ou 
»>  FrefToirs  baniers ,  pour  empêcher  qu'il  ne  s'y 
ï»  commette  aucune  fraude,  le  feigneur  a  droit 
»»  d'empêcher  de  baflir  autre  moulin  ou  four,  ou  de 
•>  taire  autre  Preflbir  fans  fa  pcrmiflîon  :  autrement 
>»  il  peut  faire  démolir  le  moulin».  Clar.  ^.feuduniy 
qua:j},  30;  Bacquet  au  traiié  dis  droits  di  juf}ic£f 
chap.  £9  ,  n°.  5  ;  &  Cnrond.  enfes  pandiUe?  ,  livre 
2  ,  chapitre  16  ,  comme  il  a  été  jugé  au  parlement 
de  Paris,  le  29  janvier  167)  ;  Brod.  fur  Louet , 
lettre  (M)  ,  chap.  17  ;  il  en  eft  de  même  du  four. 
Baquet  d.  n°.  5  ,  &  la  Roche  au  traité  des  d'oits  fti- 
gnetiriaux  j  ch.ipifre  des  fi'urs  baniers^  \6  ,  art.  3  , 
comme  il  a  été  jugé  au  parlement  de  Toiiloufe  en 
l'an  1628  ,  c.  en  faveur  du  fieur  Vignes,  avocat  de 
î>  Montpellier  ,  contre  certains  habitans  de  Gi 
»>  geau  ,  qui  avoient  bâù  un  four  au  préjudice  des 
«  fours  banaux  que  ledit  fienr  Vignes  y  avoir.  Le 
»  femblable  fut  jugé  par  ordonnance  des  tréforiers 
»>  de  France  de  la  généralité  de  MoiupeJli-r ,  en 
J>  l'an  1635  •>  ^"  faveur  de  la  dame  de  Mairai- 
»  gués;  &  moi ,  ayant  été  choifi  pour  commifîaire 
»  par  ladite  dame,  en  exécution  de  ladite  ordou- 
»  nance,  je  fis  démolir  un  four  qui  avoir  été  bâti 
*  dans  Frontignan  ,  au  préjudice  des  fours  banaix 
«  que  ladite  dame  y  avoir.  Voite  même  ceux  à  qui 
>>  le  feigneur  ,  qui  a  droit  de  four  banal ,  a  doniiC 
«  permilîion  d'en  bâtir  un  autre,  ne  peuvent  pas 
»  faire  cuire  le  pain  de  leurs  voifins  dans  le  fou'' 
î>  non  banal ,  fur  peine  de  confifcation  dudit  pain 
»  au  profit  du  feigneur. 

La  Roche,  audit  chap.  16,  art.  3  :  «  Ce  quia 
>»  été  dit  du  moulin  ou  four  banal ,  a  auiïl  lieu  pour 
»  le  regard  des  Preflblrs  banaux,  car  fans  la  per- 
«  mifflon  du  feigneur  banal ,  autre  ne  pourra  faire 
j>  un  Preffoir ,  autrement  le  feigneur  le  pourra 
)>  faire  démolir  ".  Carondas  en  fes  réponfes,  liv.5, 
chap.  23  :  «  Seulement  fi  le  feigneur  banal  a  fouf- 
»  fert  qu'on  ait  bâti  un  four  ou  moulin  ,  o\\  fait  un 
j>  Preffoir  dans  fon  fief,  il  n'a  pas  droit  de  le  faire 
»  abattre  quelque  temps  après  ,  comme  il  a  été 
»  jugé  au  parlement  de  Paris,  au  mois  de  juin 
»  1467,  fur  le  fujet  d'un  PrelToir  ;  Carond,  audit 
n  chapitre  23  ,  parce  que  le  feigneur  ,  par  tcU; 
«  fouffrance  &  permilîion  ,  a  dérogé  à  fon  droit 
»  pour  ce  regard  ». 

Ceft  une  grande  queftion  de  favoir  comment 
T^t  XUL 


PRESSOIRS.  pr 

la  vendange  doit  être  apportée  fur  le  Preflbir  ba- 
Hil.   Tous  les  auteurs  diiént  la  vewû'j/z^i?.  «  C:pen- 
»  dant  j'ai  vu  ,  dit  Guyot ,  tome  i ,  p.  438  ,  l'ufagi 
>»  de  plufieurs  feigneuries,  contraire  ,  c'eit  à-dire  , 
j  «  qu'on  tire  de  la  mère  goutte  de  la  cuve  ,  qu'on  y 
»  appelle  la  fleur  de  cuve,  &  on  porte  après  îi 
»  vendange ,  ainfi  foulée  &  égouttée,  fur  le  Pref- 
w  foir,  qu'on  appelle  en  quelques  endroits  marc  ; 
»  en  forte  que  le  droit  ne  fe  lève  que  fur  le  vin 
»  qui  fort  du  Prefibir ,  ou  ,  fi  c'eft  en  argent ,  à  rai- 
»  fon  de  tant  par  chaque  muid  qui  (on  du  Preffoir. 
»»  On  en  ufe  ainfi  à  Vaux ,  près  Meub.n  ;  à  Senne  - 
»  ville,  prés  Mante  ,&  autres  endroits  de  ces  vi- 
j>  gnobles  circonvoifins  ,  où  il  y  a  Preffoirs  banaux 
»  ou  non  banaux.  Je  crois  cependant  que,  dans 
»  h  règle ,  ils  doivent  apporter  toute  leur  ven- 
»  dange. 

»  Quant  à  la  banalité  du  Preffoir,  ajoute  la 
)>  Combe  dans  fon  recueil  de  jurifprudence  ,  verho 
>i  banalité,  toute  la  vendange  provenant  des  vi- 
»  gnes  fujeues  à  la  banalité  ,  doit  être  portée  au 
»  Preffoir  banal ,  &  le  droit  en  eft  dCi ,  même  de  la 
1»  mère  goutte.  Chopin  fur  Anjou ,  liv.  2  ,  part.  2  , 
»  chap.  I  ,  tit.  3  ,  /2°.  5 .  » 

L'article  90  de  la  coutume  de  Paris  ,  dit  :  Pref- 
foir édifié  en  une  maifon  efl  réputé  immeuble  ,  parce 
que  l'édification  &  conftru61ion  montrent  que  l'in- 
tention a  et?  de  le  laiffer  pour  perpétuelle  demeure  , 
&  pour  Tufage  ordinaire  &  perpétuel  du  fonds  ;  de 
telle  forte,  que  fi  le  Preffoir  fe  peut  mouvoir  & 
rranfporter  d'un  lieu  à  un  autre  tout  entier  &  (ans 
fradlion  ,  il  eu  confidéré  en  ce  cas  comme  un  meu- 
ble ;  &c  c'efl  par  cette  raifon  ,  qu'il  a  été  jugé  par 
arrêt  rendu  aux  grands  jours  de  Troies  ,1e  14  o6io- 
bre  1583,  remarqué  par  Automne  fur  la  loi  03  , 
au  dig.  de  vrbor.fgnificat.  ({u'un  Preffoir  à  vis  ,  osi 
.T  roue  ,  dreffé  dans  une  maifon  vendue  par  décret, 
funs  qu'on  eût  fait  mention  du  Preffoir ,  étoit  meu- 
ble ,  &  comme  telle  n'appartenoit  pas  à  l'ajudi- 
catairc. 

Les  coutumes  d'Etampes  ,  art.  1 29,  de  Verman- 
dois ,  art.  102,  de  Reims ,  art.  20  ,  &  autres  ,  di- 
fent  en  géaétal  que  les  Preffoirs  font  réputés  im- 
meubles. L'article  3"; 3  de  la  coutume  d'Orléans,  a 
confuJéié  les  diverfes  parties  dont  le  Preffoir  eft 
compofé ,  &  porte,  que  les  jumelles,  arbres, 
buées,  mets  ,  vis  &  écrous  d'un  Preffoir,  &  ce  qui 
y  tient  (k  e(\.  arrêté  par  clîcvilles,  clous  &  cram- 
pons ,  font  héritages ,  &  le  refte  efl  meuble.  Mais 
les  autres  coutumes  ,  comme  celles  de  Mehin ,  art. 
279  ,  de  Normandie,  art.  492  ,  de  Touraine  ,  art. 
223  ,  jugent  de  la  qualité  du  Preffoir,  s'il  efl  meu-" 
ble  ou  immeuble,  félon  la  manière  dont  il  efl 
pl.;cé;  &  quand  c'cfl  un  Prcfloir  édifié  dans  une  ma  - 
loii ,  dont  il  ne  peut  être  ôré  fans  ledépéver  6;  le 
défaffembler,  il  efl  réputé  immeuble.  Voyez  la 
coutume  de  Berry,  tit.  4,  art.  6  ;  Brodeau  lur 
l'rrt.  90  de  celle  de  Paris  ;  &  Bouvet  fur  celle  de 
Bourgogne,  tir.  4,  art.  2. 

Celt,  dit  la  Thaumaffière  ,  la  deftinatlon  8ê  la 

Vvv 


5ii  PRESSOIRS. 

«qualité  du  Preflbir  qu'il  faut  confidérer,  pour  ju- 
ger s'il  ç{\  meuble  ou  immeuble  ;  s'il  e(ï  attaché  en 
rerre,  &  s'il  ne  fe  peut  défunir  ,  dér^iTemblcr  & 
tranfporter  fans  fraéîure  ni  détcrioration  ,  il  efl  im- . 
meuble  ,  Si.  comme  tel  appartient  à  l'acheteur  de  la  ; 
imairon  &  du  fonds  fur  lequel  il  eft  édiHé,  quoique 
ia  vente  n'en  fafTe  pas  de  mention  exprefle.  La 
Thaumajfière  dans  fes  décifions  fur  la  coutume  de  BiT- 
ry  ^  liv.  I  ,  chap.  50. 

L'article  226  de  la  coutume  de  Touraine  y  met 
lîne  exception  à  l'égard  ûe%  fermiers  &  ufufrui- 
tiers  ,  &  porte  ,  qu  un  ufufruitier ,  fermier  ,  loua- 
ger ,  ou  autre  femblable ,  qui  auroient  fait  faire 
quelques  cuves  ,  PrclToits  ,  ou  autres  chofes  fem- 
blable^  pour  fa  commodité  ,  encore  qu'elles  fiif- 
fcnt  attachées  à  clous  ou  à  chevilles  ,  il  les  peut 
lever  ,  finon  que  le  propriétaire  l'en  veuille  récom- 
penfer.  La  ThaumalTiére  dit  que  cette  difpofition 
de  la  coutume  de  Touraine  doit  être  fuivie  dans 
l;s  coutumes  qui  n'en  parlent  pas  ;  &  la  raifoti 
en  eft  évidente,  attendu  que  ce  qu'un  fermier, 
ulutruititr  &  autre  feinblahle  ,  fait  mettre  &  édi- 
fier dans  les  biens  qu';l  tient  à  erme  par  ufu- 
fruit  &  pour  un  temps  feulement,  n'e/1  que  pour 
la  commodité  particulière,  &  non  pas  pour  un 
«'fage  perpétuel  ,  perpttui  usât  ;  deftination  qui  le 
lait  confidérer  comme  immeuble.  Ceft  de  1^  que  , 
par  arrêt  du  7  mars  16$  i  ,  fur  les  conclufions  de 
M.  l'avocat  général  Bignon  ,&.  rapporté  par  Soëf- 
ve  ,  tome  1 ,  cent,  i ,  chap.  64  ,  il  a  été  jugé  pour  la 
coutume  d'Anjou,  qui  n'en  parle  pas,  qu'un  curé 
ayant  fait  conflruire  &c  bâtir  ,  pour  fa  commodité 
particulière  ,  un  PrefToir  dans  la  maifon  presbyté- 
rale,il  en  avoit  pu  difpofer,  par  (on  teftament, 
comme  d'un  meuble  &  chofe  à  lui  appartenant, 
contre  les  paroifîîens  qui  le  prétendoient  comme 
immeuble,  parce  que  ,  comme  fa  qualité  d'ufufrui- 
tier  lui  auroit  permis  de  l'enlever  de  fon  vivant, 
U  avoir  pu  aufli  en  difpofer  en  mourant ,  &  par  fon 
leftament. 

Suivant  la  coutume  de  Paris  ,  l'aîné,  outre  fon 

Î>rincipal  manoir  ,  doit  avoir  la  cour  où  il  eft  bâti^, 
es  folfés  &  tout  ce  qu'ils  contiennent,  l'enclos  ou 
jardin  joignant,  jufquà  concurrence  d'un  arpent; 
plus,  la  baiîe-cour,  qui  doit  faire  partie  du  préci- 
put  de  l'aîné,  encore  qu'il  y  ait  un  foffé  ou  un  che- 
min entre  deux  ;  que  fi  dans  la  cour  ou  baffe-cour 
il  y  a  im  moulin  ,  un  four  ou  un  Prejfoir ,  elle  dit , 
à  l'article  14,  qu'à  l'égard  du  moulin  le  corps  en 
appartient  à  l'aîaé,  mais  que  les  revenus  font  fujets 
à  partage  comme  le  rcfie  du  fief;  &  que  fi  c'e(t  un 
four  ou  un  Preffoir  le  corps  &  les  revenus  en  ap- 
partiennent à  l'aîné,  à  moins  qu'il  n'y  ait  une  ba- 
nalité qui  y  foit  attachée  ,  auquel  cas  le  corps  du 
PrefToir  ou  du  four  appartient  à  l'aîné  ;  mais  les 
revenus  font  fujets  à  être  partagés  entre  tous  les 
enfans.  En  un  mot,  la  coutume  décide  que  tout 
moulin  ,  four  ou  Preffoir  qui  fe  trouve  dans  la  baffj- 
cour  du  principal  manoir  ,  appartient  régulièrement 
à  i'aîné,  parce  que  fuperficies  ce Jk  folo,  maïs  que 


PRESTATION. 

quand  la  fuperficie  change  trop  notablement  la 
qualité  du  four,  la  règle  devoir  recevoir  quelque 
exception.  Sur  ce  fondement  elle  a  décidé  que  le 
moulin  étant  toujours  pour  le  profit,  &  étant  rare- 
ment p«ur  le  feul  ufage  de  la  mailon,  les  profits 
en  dévoient  être  partagés  entre  les  enfans  comme 
le  refie  du  fief,  &.  cela,  foit  que  le  moulin  fût  ba- 
nal ou  non  ;  mais  que,  comme  on  pouvoit  faire  un 
four  ou  un  PrefToir  pour  l'ufage  de  la  maifon  feule- 
ment ,  les  profits  du  four  ou  PrefToir  fitués  dans  la 
cour  ou  bafTe-cour  du  château  ,  appartenoient  à 
l'aîné  ,  à  moins  que  le  four  ou  Preffoir  ne  fût  banal , 
auquel  cas,  comme  il  efl  pour  le  commerce  & 
pour  le  lucre  ,  ik  non  pour  le  feul  ufage  du  logis, 
les  revenus  en  dévoient  être  partagés  entre  tous 
les  enfans.  Dans  cet  ?rticlo  14  de  la  coutume  de 
Pans,  qui  eft  de  nouvelle  réformation  ,  on  n'a  pas 
fuivi  ent  èremcnt  l'opinion  de  Dumoulin  ;  car  il 
a  ufé  de  cette  diftinétion  ,  n^ême  à  l'égaid  du  mou- 
lin ,  5i  avoir  'iit  qu'il  falloir  examiner  s'il  éioit  def- 
tiné  pour  le  commerce,  fi  ce  n'étoit  qu'il  fe  trouvât 
fitué  /uper  folo  ip/ïm  princip'di  manfionls  ,  tune  enim 
necifjarib  in^ludcreiur  appui  auone  dvmus  ^  tantjuàn 
e'jus  pan  ,  6"  ctdirtt  jol».  Ou  que  le  fief  même  ne 
confifiât  que  dans  !e  mouKn,  comme  il  dit  qu'il  en 
a  un,  lejui;!  relève  d'un  fief  qui  lui  appartenoit 
autrefois  ,  &  qu'il  a  cédé  a  fon  puîné ,  en  commen- 
çant à  fe  donner  tout  entier  à  l'étude  ,  ijubd  litteris-^ 
i'udiis  cju  c  imme'lu  ,  minori  f'arri  dtdi ,  &  dans  le- 
quel il  rentra  ,  lorfqu'il  fit  juger  la  révocation  de 
cette  donation.  {Article  de  M.  H***,  avocat,  au 
parlement^. 

PRESTATION".  On  donne  ce  non  à  certaines 
redevances  annuelles  qui  fe  payent  en  grains, 
en  volailles  Se  autres  denrées,  mên;e  en  voitu- 

PRESTATION  DE  SERMENT.  C'elï  l'afle  par 
lequel  on  promet  par  ferment ,  devant  un  juge,  de 
bien  remplir  les  fonflions  d'une  charge  ,  d'un  em- 
ploi ,  ou  d'une  commiffion.  ; 

Ainfi  la  Preftation  de  ferment  efi  un  afle  judl- 
claVre  qui  n'efl  point  affujetti  au  contrôle  des  aftcs  ; 
c'efl  ce  qui  a  été  décidé  au  confeil  le  i^  décem- 
bre 1731- 

Les  officiers  de  judicature,  de.  police  &  de  fi- 
nances, prêtent  ferment  quand  on  procède  à  leur 
réception. 

Les  experts  doivent  pareillement  prêter  ferment 
avant  de  remplir  leur  commiffion.  Le  règlement 
un  confeil  du  21  mars  1676,  d-fend  aux  juges  & 
commiffaires  des  cours  &  juridiélions  royales  & 
fwhalrernes  ,  même  des  juftices  eccléfiaftiques  & 
des  ftigneurs  ,  de  recevoir  le  ferment  des  experts 
avant  que  les  exploits  d'affignation  leur  aient  été 
repréfentés  dûment  contrôlés. 

Les  appointemens  ou  fentences  qui  ordonnent 
une  vifite  ou  rapport  d'experts;  ceux  qui  donnent 
afle  de  la  nomination  des  experts,  leurs  Preftations 
de  ferment  &  les  jugemens  qui  entérinent  les  rap- 
ports ,  doivent  être  (celles  avant  qu'on  puiffe  s'ca 


PRET. 

fervir ,  lorft^H'îls   font  émanés    d'une  jundl£t'ion  ( 
royale  ;  ceA  ce  qui  réfulte  d'une  décifion  du  cou- 
feil  du  3  i  décembre  1722. 

Les  employés  des  lermes  du  roi  ne  peuvent 
point  exercer  leurs  emplois  avant  d'avoir  prêté 
i'erment. 

PRESTIMONIE,  On  appelle  alnfi  des  efpèces 
de  pr.;bendes  qu'on  donne  à  des  eccléfiaî^iques , 
foas  la  condition  de  dire  quelqoes  raelTes  ou 
prières. 

On  diûingue  pUifieurs  fortes  de  Preflimonies. 
Dans  leur  vt-ritable  ojjet,cc  fout  des  fouda- 
tions  faites  pour  entretenir  des  prêtres ,  pour  aider 
&  fervir  les  paroifies. 

Néanmoins  on  appelle  auffi  Prefiimonie  ,  cer- 
taines fondations  de  meffcsou  autres  prières  qu'on 
fait  acquitter  par  tel  ecclcfiaftique  qu'on  juge  à 
propos ,  moyennant  la  rétribution  qui  y  eli  atta- 
chée :  on  appelle  même  encore  Pre[limonic ,  des 
fondations  faites  pour  l'entretien  des  prêtres  qui 
ne  font  chargés  que  de  deux  ou  de  trois  meliés 
par  an. 

Il  y  a  d.;s  PreAitnonics  ou  portions  preftimonia- 
les  ,  qui  font  données  en  titre  perpétuel  de  béné- 
fice ,  &  celles-ci  (om  en  effet  de  véritables  béné- 
fices ,  differens  néanmoins  des  chapelles,  en  ce 
qu'Us  n'ont  aucun  lieu  qui  leur  foit  propre,  6c  que 
ces  Prefiimonies  s'acquirtent  dans  une  églife  qui 
n'appartient  pas  au  bénéfice  de  celui  ^ui  e't  chaigé 
de  les  acquitter. 

Il  y  a  encore  d'autres  Preftimonics  ou  portions 
preftimonialcs  ,  qui  ne  font  données  que  pour  un 
temps  ,  &  qui  f»nt  détachées  des  revenus  d  un  hé- 
néhce  ,  mais  qui  doivent  y  retourner  :  ces  forre^ 
de  Prefiimonies  ne  font  pas  des  bénéfices. 

Les  co-adjiuorcries  ne  font  pas  non  plus  des  bé- 
néfices ,  mais  de  fimples  Prefiimonies. 

PRÊT.  Aâion  par  laquelle  on  prête  de  l'argent 
ou  autre  chofe. 

On  difiingue  plufieurs  fortes  de  Prêts,  dont  les 
principales  lont  le  Prêt  de  confomption  ,  qu'o-n 
appelle  en  droit  mutuum  ,  &  le  Prêt  à  ufage,  qu'on 
appelle  en  droit  commodatum. 

Du  Fret  de  confomption.  Le  Prêt  de  confomption 
eft  un  contrat  par  lequel  nn  des  contraclans ,  qu'on 
appelle  \t  prêciur  ,  transfère  la  propriété  d'une  iom- 
me  d'argent ,  ou  d'une  certaine  quantité  d'une 
chofe  qui  fe  conlommc  par  l'ufage,  à  l'autre  cos- 
traflant  ,  qu'on  appelle  V emprunteur  ,  lequel  s'obli- 
ge de  rendre  au  prêteur  une  pareille  fonime  ou 
quantité. 

Il  eft  de  l'eiTence  du  contrat  de  Prêt  de  confomp- 
tion ,  que  le  prêteur  falTe  à  l'emprunteur  la  tradi- 
tion de  la  chofe  prêtée.  Cependant  cette  règle  re- 
çoit une  exception  ,  dans  le  cas  où  la  chofe  qu'on 
veut  prêter  eft  déjà  entre  les  mains  de  celui  qui  veut 
l'emprunter.  Par  exemple  :  vous  avez  dépofé  mille 
écus  chez  Pierre  ,  &  vous  vous  déterminez  enfuitc 
à  lui  prêter  cette  fomme;  il  eft  clair  que  vous  ne 
pouvez  pas  faire  une  tradition  réelle  de  ces  mille 


PRET. 


1^} 


écns  ;  mais  votre  convention  avec  lu!  renferme 
une  efpèce  de  tradition  feinte,  que  les  doéLurs  ap- 
pellent traditio  bnvis  manûs  ,  par  laquelle  on  lup- 
pofe  que  Pierre  vous  a  rendu  vos  mille  écus,  4k 
qu'eni.uite  vous  les  lui  avez  remis  à  titre  de  Prêt  ; 
6i  cette  tradition  feinte  fuffit  pour  la  tranflation  de 
propriété. 

O'eft  cette  tranflation  de  propriété  qui  fait  le  cr- 
raftère  diftinflif  du  Prêt  de  confomption  ,  &  qui  ".c 
diflingue  du  Prêt  à  ufage. 

Il  faut  par  conféquent ,  pour  la  validité  du  prêt 
de  confomption ,  que  le  prêteur  foit  propriétaire 
de  la  chofe  qu'il  prête  ,  &  qu'il  ait  le  droit  de  la- 
liéii'.r.  A'.rifi  le  Prêt  que  feroit  un  mineur  ou  un  in- 
terdit ne  feroit  pas  valable. 

11  eûaufii  dei'efiénce  du  contrat  de  Prêt  de  con- 
fomption ,  qu'en  recevant  la  chofe  prêtée ,  l'cni- 
pruntear  s'oblige  à  en  rendre  autant. 

S'il  s'obiigeoit  à  rendre  davantage  ,  comme  fi  , 
ayant  rec^u  vingt  ferisri  de  blé,  il  s'obii^eoità  en 
rt;ndre  dans  un  an  vingt-  un  fetiers  ;  ou  (i  ayant 
reçu  raille  écus,  il  s'obligeoit  à  rendre  trois  mille 
cent  cinquante  livres ,  le  contrat  ne  vaudroit  que 
jufqu'à  concurrence  de  la  quantité  ou  de  la  fommc 
que  l'emprunteur  auroit  reçue.  La  convention  fe- 
roit nulle  ,  comme  ufuraire ,  pour  le  furplus  qui 
pourroitétre  repéré  par   l'emprunteur,  s'il  i'avoit' 

Si  Teraprunteur  ne  s'obligeoit  à  rendre  qu'une 
fomtwe  ou  qua:ni:é  moindre  que  celle  qui  lui  au- 
roit été  livrée ,  il  n'y  auroit  contrat  de  Prêt  que 
jufqu'à  concurrence  de  ce  que  l'emprunteur  fe  fe- 
roit obligé  de  rendre  ;  le  furplus  feroit  confidéré 
corTiine  une  donation. 

Comme  le  confentement  des  parties  eA  nécef- 
f.iire  fur  tout  ce  qui  forme  la  fub/lance  d'un  con- 
trat ,  il  faut  en  conclure  que  fi  Pierre  vous  a  remis 
une  fomnne  dont  il  comptoit  vous  rendre  fimple- 
mcnt  dépofitaire  ,  &  que  vous  avez  cru  recevoir  à 
titre  de  Prêt ,  il  n'y  a  point  de  contrat  de  Prêt  :  d'où 
il  fuit  que  la  fomme  demeure  aux  rifques  de  Pierre  , 
à  qui  elle  continue  d'appartenir. 

Le  contrat  de  Prêt  de  confomption  eft  de  la  elafle 
des  contrais  du  droit  des  gens:  il  fe  régit  par  les 
fevilcs  règles  du  droit  naturel ,  &  n'eft  ,  quant  à  fa 
fubflance,  alTujetti  à  aucune  formalité  par  le  droit 
civil.  Il  peut  avoir  lieu  avec  des  étrangers  comme 
avec  des  regnicoles. 

Ce  contrat  eft  auffi  de  !a  claiTe  des  contrats  de 
bienfaifance  ,  attendu  que  le  prêteur  n'en  retire  au- 
cun avantage  que  celui  d'obliger  l'emprunteur. 

Les  chofcs  fufceptibles  du  contrat  de  Prêt  de 
confomption,  lont  celles  qui  fe  confomment  par 
l'ufage  qu'on  en  fait. 

On  peut  divifer  ces  chofes  en  deux  efpèces  : 
l'une  comprend  les  chofes  qui  fervent  à  la  nourri- 
ture ou  à  l'entretien  de  l'homme  ou  des  animaux  ; 
tels  font  les  blés  ,  les  vins .  les  étoffes ,  &c. 

La  féconde  efpèce  renferme  les  chofes  dont  la 
confomption  n'eft  que  civile»  &  aon  nsturelle.  Tel 

V  Y  v  ii 


5  24  PRET. 

eft  l'argent  comptant.  L'iifage  qu'on  en  fait  confiAe 
à  le  dépenfer  ;  &  quoique  les  efpèces  ne  foient 
point  détruites  par-là  ,  il  ne  laiffe  pas  d'y  avoir  une 
confomption  pour  celui  qui  a  fait  la  dépenfe  ,  puif- 
qu'il  ne  lui  rerte  plus  rien. 

L'obligation  que  contrarie  l'eiTiprunteur  par  le 
contrat  de  Prêt  de  confomption  ,  donne  au  prêteur 
une  a61ion  perfonncUe  qu'il  peut  exercer  contre 
l'emprunteur  &  contre  fes  héritiers  ou  fuccefTeurs 
à  titre  univerfel  ,  pour  fe  faire  rendre  la  même 
fomme  ou  la  même  quantité  qu'il  a  prêtée. 

L'argent  prêté  doit-il  être  rendu  fur  le  pied  qu'il 
vaut  au  temps  à\\  payement,  ou  fur  le  pied  qu'il 
valoit  au  temps  du  contrat  ?  On  tient  pour  maxime 
pArmi  nous ,  qu'il  doit  être  rendu  fur  le  pied  qu'il 
vaut  au  temps  du  payement.  Cette  jurifprudencc 
ei^  fondée  fur  ce  que  dans  la  monnoie  on  ne  confi- 
dère  que  la  valeur  que  le  fouverain  y  a  attachée.  Il 
rèfulte  de  là  cette  conféquence  ,  que  ce  ne  font  pas 
les  pièces  de  monnoie,  mais  feulement  la  valeur 
qu'elles  fignifîent  ,  qui  font  la  matière  du  contrat 
de  Prêt  :  ainfi  c'eft  cette  valeur  ,  plutôt  que  ces 
pièces  de  monnoie,  que  l'emprunteur  emprunte  & 
s'oblige  de  rendre  ;d  où  il  fuit ,  qu'en  la  rendant  , 
il  remplit  fon  engagement ,  quoique  le  fouverain 
ait  apporté  du  changement  dans  les  fignes  qui  la 
r^préfentent  ,  &  qu'il  faille  ,  par  exemple ,  pour 
faire  cette  valeur ,  un  nombre  plus  confidêrable  de 
pièces  (le  monnoie  que  celui  qui  a  été  délivré  par 
le  prêteur. 

H  fe  pr Jfente  une  autre  queftion  :  Peut-on,  au 
lieu  de  prêter  une  certaine  fomme, telle,  par  exem- 
ple ,  que  2400  livres,  prêter  cent  louis  d"or  ,  avec 
ilipulation  que  l'emprunteur  rendra  un  pareil  nom- 
bre d'efpèces  d'or  ,  de  même  poids  &  aloi ,  quand 
même  le  fouverain  viendroitpar  la  fuite  à  en  aug- 
menter ou  diminuer  la  valeur;  &  que  ,  dans  le  cas 
cù  les  efpèces  qui  feroient  à  rendre  fe  trouveroient 
de  moindre  poids  Se  aloi  ,  l'emprunteur  y  fup- 
pléeroit  ou  feroit  récompenfé,  fi  elles  êtoicnt  d'un 
poids  plus  fort  ou  d'un  meilleur  aloi  que  celles  qui 
auroient  fait  la  matière  du  Prêt  ^ 

Il  faut  répondre  qu'une  telle  ftipulation  ne  pro- 
duiroit  aucun  effet.  La  raifon  en  eft  ,  que  le  fouve- 
rain didribuant  fa  monnoie  aux  particuliers  pour 
leurfervirde  figne  delà  valeur  des  chofcs  ,  elle 
n'appartient  aux  particuliers  que  fous  ce  rapport  : 
on  ne  peut  donc  prêter  la  monnoie  en  elle-même  , 
comme  matière  d'or  ou  d'argent,  mais  feulement 
comme  figne  de  la  fomme  que  le  fouverain  a  jugé 
à  propos  de  lui  faire  fignifier;  d'où  il  fuit  qu'on  ne 
peut  obliger  l'emprunteur  à  rendre  autre  chofe  que 
cette  fomme  :  ainfi  toute  convention  contraire  doit 
être  rejetée  comme  une  contravention  au  droit  pu- 
blic Si  à  la  deftination  que  le  fouverain  a  faite  de 
la  monnoie. 

Ceft  confêquemment  à  cette  règle  que  quand  le 
fouverain  ordonne  une  nouvelle  monnoie,  &  que 
les  anciennes  efpèces  n'auront  plus  de  cours ,  les 
p:irLiculiers  font  tenus  de  porter  aux  hôtels  des 


PRET. 

monnoies  ,  ou  chez  les  changeurs  publics  ,  les  ef- 
pèces décriées  dont  ils  peuvoi  t  être  poflêlTeurs  , 
pour  les  convertir  en  nouvelles. 

Outre  l'aélion  qu'a  le  prêteur  pour  fe  faire  ren- 
dre la  fomme  prêtée  ,  il  peut  auffi  demander  les 
intérêts  de  cette  fomme  ,à  compter  du  jour  qu'il  a 
mis  l'emprunteur  en  demeure  de  la  lui  rendre. 
Voyez  l'article  Intérêt. 

Quand  le  Prêt  confifte  dans  une  certaine  quan- 
tité de  chofes  fongibles  ,  le  prêteur  peut  obliger 
l'emprunteur  à  rendre  une  pareille  quantité  de  cho- 
ies de  la  même  efpècc.  Il  faut  d'ailleurs  que  ces 
chofes  foient  de  la  même  qualité  que  celles  qui  ont 
été  prêtées.  Par  exemple  ,  fi  Pierre  vous  a  prêté 
cinquante  bouteilles  de  vin  de  Champagne  moiif- 
fcux,  vous  ne  rempliriez  pas  votre  obligation  en 
offrant  de  lui  rendre  cinquante  bouteilles  de  vin  de 
Champagne  non  mouffeux. 

Lorfque  l'emprunteur  ne  peut  pas  rendre  les 
choies  prêtées  en  pareille  qualité  &  quantité  qu'il 
les  a  reçues  ,  il  doit  être  condamné  à  les  payer  fé- 
lon l'eltimation. 

Mais  quelle  règle  doit-on  fuivre  pour  cette  efti- 
mation  .'' 

Lorfque  le  temps  &  le  lieu  où  le  payement  doit 
fe  faire  font  fpécifiés  par  le  contrat ,  l'eflirriatlon  fe 
fait  relativement  à  ce  que  valoient  les  chofes  prê- 
tées dans  ce  temps  &  dans  ce  lieu. 

Si  le  temps  &  le  lieu  n'ont  pas  été  fpécifiés ,  les 
chofes  doivent,  fuivant  le  droit  romain, être  efti- 
mées  ,  eu  égard  au  temps  de  la  demande ,  &  au  lieu 
où  elle  a  été  formée. 

Obfervez  que  cette  décifion  ne  doit  être  fuivie 
que  quand  l'emprunteur  n'a  pas  été  mis  en  demeure 
de  rendre  ,  Se  au'immèdiaiement  anrêsla  demande 
formée ,  les  parties  font  convenues  ,  pour  leur  com- 
modité réciproque,  que  l'emprunteur  paycrolt  1  ef- 
tiination  à  la  place  ai  la  chofe  :  mais  fi  ce  dernier 
avoir  été  mis  en  demeure  de  remplir  fon  obliga- 
tion, &  que  la  valeur  de  la  cliofe  prêtée  fût  aug- 
mentée depuis  la  demande,  il  faudroit  le  condam- 
ner à  payer  cette  chofe  fur  le  pied  qu'elle  vaudroit 
au  moment  de  la  conc'amnarion.  La  raifon  en  eft  , 
que  la  peine  de  la  demeure  confifte  en  ce  que  le 
débiteur  eft  tenu  d'indemnifer  le  créancier,  non- 
feulement  de  la  perte  que  cette  demeure  lui  a  fait 
fouffrir  ,  mais  encore  du  profit  dont  elle  l'a  privé. 

La  chofe  prêtée  doit  être  rendue  au  prêteur,  & 
elle  lui  eft  cenfée  rendue  ,  lorfqu'on  la  rend  à  une 
pjrfonne  à  qui  il  a  donné  pouvoir  de  la  recevoir 
pour  lui. 

La  chofe  eft  pareillement  cenfée  rendue  au  prê- 
teur ,  lorfqu'on  la  rend  à  quelqu'un  qui  a  qualité 
pour  la  recevoir.  Ainfi ,  une  chofe  eft  cenfée  ren- 
due à  la  femme  ou  au  mineur  qui  l'ont  prêtée  , 
lorfqu'on  la  rend  au  mari  de  cette  femme ,  ou  au 
tuteur  de  ce  mineur. 

Il  arrive  quelquefois  que  la  chofe  prêtée  ne  doit 
pas  être  rendue  à  la  perfonne  qui  a  fait  le  Prêt  ; 
ceci  a  lieu  lorfque  ,  depuis  le  Prêt ,  le  prêteur  a 


PRET. 

perdu  la  vie  civile  par  la  profeflîon  religieufe  ou 
par  une  condamnation  à  une  peine  capitale.  Dans 
le  premier  cas  ,  la  cliofe  ne  peut  plus  être  rendue 
valablement  qu'aux  héritiers  ou  autres  fuccefTeuis 
iiniverfels  des  religieux:  dans  le  i'econd  cas,  la 
chofe  doit  être  rendue  au  feigneur  au  prorit  duquel 
la  confifcation  des  biens  du  prêteur  a  été  pro- 
noncée. 

On  ne  peut  pas  non  plus  rendre  valablement  la 
choie  à  la  perfonne  qui  l'a  prêtée  ,  lorfque  depuis 
le  Prêt  elle  a  changé  d  état.  Par  exemple  ,  fi  une 
hile  qui  vous  a  prêté  de  l'argent  s'eft  mariée  depuis 
le  Prêt,  c'eft  à  Ion  mari  que  vous  devez  rendre  cet 
argent:  fi  vous  le  rendiez  à  elle-même,  vous  ne 
feriez  pas  déchargé  de  votre  engagement  ,  à  moins 
qu'elle  n'eût  été  autorilee  à  recevoir,  ou  que  vous 
n'eufliez  eu  un  jufte  fujet  d'ignorer  qu'elle  avoit 
changé  d'état. 

Ce  que  nous  venons  de  dire  doit  aufli  s'appli- 
quer au  prêteur  qui  depuis  le  Prêt  a  été  interdit 
pour  caufe  de  folie  ou  de  prodigalité  j  ce  n'eft  plus 
à  lui  ,  c'eftàfon  curateur  que  doit  être  rendus  la 
chofe  prêtée. 

Il  y  a  néanmoins  cette  différence  entre  le  fou  & 
le  prodigue,  que  celui-ci  n'efi  privé  de  l'adminii- 
tration  de  fon  bien  que  par  la  fentence  d'interdic- 
tion, au  lieu  que  la  folie  de  celui  là  le  rend  par 
elle-même  incapable  d'adminiftrer  fon  bien ,  U  que 
la  fentence  d'interdiâion  fert  feulement  à  conlta- 
ter  fa  folie.  Il  fuit  de  là  ,  que  le  payement  fait  au 
prodigue  avant  la  fentence  d'interdidion  efi  vala- 
ble, iSi  que  celui  qui ,  avant  une  pareille  fentence  , 
fcroit  fait  au  prêteur  devenu  fou  ,  ne  déchargeroit 
pas  l'empiunteur  qui  auroit  eu  ou  pouvoir  avoir 
eu  connoiffance  de  la  folie  du  prêteur. 

Obfervcz  cependant  que  fi  ,  en  rendant  la  chofe 
prêtée  au  fou  qui  n'eft  pas  encore  interdit ,  l'em- 
prunteur ne  s'eft  point  apperçudela  folie  du  pré- 
teur ,  parce  qu'elle  n'avoir  pas  les  caraâères  qui 
font  rema.'Tîuer  facilement  cet  état  ,  il  feroit  dé- 
chargé de  i'on  obligation. 

Lorfqu'on  a  prêté  une  fomme  d'argent  fans  que 
les  parties  fe  fuflent  expliquées  fur  le  lieu  où  elle 
feroit  rendue  ,  le  débiteur  doit  la  payer  au  lieu  de 
fou  domicile.  La  raifon  en  eft,  qu'une  convention 
a  l'égard  d'une  cho<e  fur  laquelle  les  parties  ont 
gardé  le  filence  ,  doit  s'interpréter  de  la  manière 
qui  cil  la  moins  onéreufe  au  débiteur. 

Cependant  fi  le  prêteur  étoit  domicilié  dans  le 
fr.érn.p  lieu  que  l'emprunteur ,  il  conviendroit  que 
eelui-ci  payât  dans  la  maifon  du  prêteur.  C'cft  , 
félon  l'obfeivation  de  Dumoulin  ,  une  déférence 
que  le  d  biteur  doit  au  créancier. 

Si  vous  prêtez  vos  deniers  à  quel-juVin  dont  le 
domif'Ie  cft  éioigné  du  vôtre  ,  vous  p'aivez  vala- 
blement Iliputet  qu'ils  vous  feront  rendus  dans  le 
lieu  oîj  voiib  réfidez  ,  parce  que  s'il  en  coûte  quel- 
que chofe  à  l'emprunteur  polir  faire  fa  rcmife  ,  il 
n'y  a  point  d'ufure  de  votre  part  :  en  effet ,  l'ulure 
eft  un  profit  que  le  prêteur  retire  du  Prêtj  or,  il 


PRET.  515 

eft  clair  qu'en  vous  rendant  vos  deniers  au  Heu  où 
vous  les  avez  prêtés  &  où  ils  feroient  encore  fi 
vous  ne  les  culîiez  point  prêtés  ^  vous  ne  retirez 
aucun  proHt  du  Prêt. 

Mais  il  en  feroit  différemment  fi  ,  en  prêtant  vos 
deniers  à  Pans  ,  vous  chargiez  femprunteur  ucn 
fiire  la  remife  à  fes  frais  dans  une  ville  éloignée 
où  vous  auriez  vous-même  été  obligé  de  faire  cette 
reniife,fi  vous  n'euffiez  point  fait  de  Prêt.  Il  efl 
évident  que  dans  ce  cas  il  y  auroit  ufure  ,  puifque 
vous  retireriez  un  profit  du  Prêt;  c'cfi  pourouoi 
l'emprunteur  Icroit  tonde  à  vous  faire,  à  Paris 
des  offres  de  vous  rendre  la  fomme  prêtée;  &  ,  fi 
vous  refufiez  de  la  recevoir  ,  il  pourroit  faire  dé- 
clarer fes  offres  valables  ,  nonobffantla  convention 
de  payer  ailleurs  ,  qui  feroit  déclarée  nulle. 

Si  le  Prêt  eft  d'une  certaine  quantité  de  chofes 
fongibles  ,  comme  de  cent  bouteilles  de  vin  ,  de 
vingt  chapons  ,  &c.  Ces  chofes  doivent  fe  ren<!re 
dans  le  lieu  oii  s'eft  fait  le  Prêt ,  plutôt  qu'au  do- 
micile du  débiteur.  La  raifon  en  eft  ,  que  la  valeur 
de  ces  chofes  n'étant  pas  la  même  dans  les  diffêrcns 
lieux ,  il  pourroit  arriver  que  l'emprunteur  ren- 
droit  plus  qu'on  ne  lui  auroit  prêté  ,  s'il  étoit  oblioé 
c'e  les  rendre  ailleurs  que  dans  le  lieu  où  elles  liù 
auioient  été  livrées  ;  ce  qui  feroit  contraire  à  la 
nature  du  Prêt. 

Suppofez  ,  par  exemple,  qu'un  Parifien  étant  à 
Dijon,  ait  emprunté  d'un  bourgeois  de  cette  vil's 
une  queue  de  vin  de  Bourgogne  ;  c'eft  à  Di}o;i 
que  l'emprunteur  doit  rendre  le  vin ,  &  non  à  Pa- 
ris ,  qui  eft  le  lieu  de  fon  domicile  ,  parce  qu'une 
queue  de  vin  de  Bourgogne  vaut  beaucoup  plus  à 
Paris  qu'à  Dijon. 

Si  au  contraire  un  bourgeois  de  Dijon  avoit  em- 
prunté d'un  Parifien  une  queue  de  via  de  Bour£;o- 
gne  à  Paris ,  ce  feroit  au  domicile  du  prêteur  oiie 
le  vin  devroit  être  rendu  ,  autrement  il  recevroit 
beaucoup  moins  qu'il  n'auroit  prêté. 

Du  Prêt  à  ufige.  Le  Prêt  à  ijfage  eft  un  contrat 
par  lequel  un  des  contraflans  donne  gratuitement 
à  l'autre  une  chofe  pour  s'en  fervir  à  un  certain 
ufage,  &  celui  qui  la  reçoit  s'oblige  de  la  rendre 
après  qu'il  s'en  fera  (ervi  (1). 

Il  eft  de  l'effence  de  ce  contrat ,  que  la  chofe  qui 


(1)  Fcmule  de  ce  contra'. 

l'ar  devant  les  noiaiies,  &c. 

Fur  préfent  Pierre  Lourfin  ,  demeiirnnt  à...  lequel  recon- 
noîr  qu'Etienne  Luiîon,  à  ce  préfent,  deuieuraat  ,  &c.  lui  a 
prêîL  ceiourJ'hui  Ion  cheval  (  dire  de  quel  y  cil  (y  de  quel  fa- 
çon il  eft  )  pour  aller  à  Roui.n  ,  lequel  il  promet  K'i  rendre 
&  reiluucr  d'hui  en  un  mois  ,  fain  ,  ertier  cel  qu'il  l'a  f/ca 
Jvidit  Luffon  ;  &:  à  faute  de  ce  ,  promet  lui  paysr  l'eltimatica 
d'icelui ,  dont  i's  font  convenus  à  la  fomme  de...  laquelle 
fomne  ledit  I,ourl'"n  promet  payer  audit  temps,  au  cas  qu'il 
foit  arrivé  perce  dudit  cheval,  par  quelque  u.auii>ie  que  ce 
foit,  ou  que  IcJft  cheval  foie  diminué  de  pri.x  par  quelque  vice 
ou  défaut  qui  feroit  furvenu  pecdan:  qu'il  aura  été  es  main 
du 'it  Lourlîn  ;  car  autrement,  &  fans  cette  convention,  le 
prêi  dudit  cheval  n'autoit  pas  été  fait.  Et  pour  rcxûHiion  des 
pré  lentes ,  *:c. 


ji6  PRET. 

en  fait  la  matière  foit  remife  gratuitement  à  l'em- 
priinteiii  ;  autrement  ;  fi  !e  prêteur  retiroit  quelque 
cliofe  du  Prêt,  ce  feroit  uns  efpèce  de  contrat  de 
louage. 

Toutes  les  chofes  qui  font  dans  le  commerce  5c 
qui  ne  fe  confomment  pas  par  l'ufage  qu'on  en 
fait ,  peuvent  erre  lobjet  de  ce  contrat. 

Le  droit  que  le  Prêta  ufage  donne  à  l'emprun- 
teur de  fe  fervir  de  la  chofe  prêtée  ,  fe  borne  à  l'u 
fage  pour  lequel  la  choie  a  été  prêtée  ,  fans  qu'il 
puiffe  l'employer  à  d'autres  ufages  ,  à  moins  qu'il 
n'y  ait  un  jufte  fujet  de  croire  que  le  prêteur  y  con- 
fentiroit,  s'il  le  favoir. 

Les  obligations  que  l'emprunteur  contrafte  par  le 
Prêt  à  ufage  ,  font  celle  de  rendre  la  cho(e  q\ii  lui 
a  été  prêtée  ,  &  celle  de  conferver  cette  chofe. 

L'emprunteur  uc(ï  obligé  de  rendre  la  chofe 
qu'après  le  temps  ftipulê  par  le  contrat  ;&  fi  on 
n'a  Hxé  aucun  temps  ,  qu'après  celui  qu  U  lui  a  fallu 
pour  fe  fervir  de  la  chofe  fclon  l'ufage  pour  lequel 
elle  lui  a  été  prêtée. 

Cependant  fi  le  prêteur  fe  trouvoit  dans  un  be- 
foin  preffant  &  imprévu  de  la  chofe  prêtée,  il  fe- 
roit  fondé  à  demander  qu'elle  lui  fût  rendue  ,  mê- 
me avant  l'expiration  du  temps  pour  lequel  elic 
auroit  été  prêtée.  La  raifon  en  eft  ,  que  perfonnc 
n'efl  préfumé  vouloir  faire  plaifir  à  un  autre  .à  fon 
piéjudice  ,  &  que  le  cas  d'un  befoin  preflant  &  im- 
prévu efl  ccnfé  tacitement  excepté  de  la  permil- 
fion  accordée  à  l'emprunteur  de  fe  fervir  de  la 
chofe  durant  le  temps  convenu. 

Obfervez  toutefois  que  fi  vous  aviez  un  befoin 
prefTant  8c  imprévu  de  la  chofe  que  vous  m'auriez 
prêtée  ,  &  que  je  ne  pufle  vous  la  rendre  fans 
cu'il  m'en  réfultàt  beaucoup  de  préjudice,  je  de- 
vrois  être  admis  à  vous  fournir,  à  mes  frais,  une 
chofe  femblable  ,  jufqu'à  ce  que  je  pufle  vous  ren- 
dre la  vôtre  fans  inconvénient. 

Suppoftz ,  par  exemple  ,  que  vous  ayez  »Dut 
à  coup  befoin  des  tonneaux  que  vous  m'avez 
prêtés,  &  dans  lefquels  j'ai  mis  du  vin,  je  dois 
être  reçu  à  vous  fournir  d'autres  tonneaux  à  mes 
dépens  ,  en  attendant  que  je  puiffe  vous  rendre 
les  vôtres. 

On  peut  aufli  répéter  la  chofe  avant  l'expira- 
tion du  temps  pour  lequel  elle  a  été  prêtée,  lorf- 
que  l'objet  pour  lequel  le  Prêt  a  eu  lieu  ,  fe 
trouve  rempli.  Suppofez  ,  par  exemple,  que  j'em- 
prunte votre  carrofTe  pour  un  mois  ,  afin  de  m'en 
fervir  à  un  voyage  que  je  crois  devoir  durer  cet 
efpace  de  temps  ,  Se  qu'au  bout  de  quinze  'joins 
je  fois  revenu  ,  vov.s  ferez  fondé  à  demander 
que  je  vous  rende  votre  carroiïe  ,  parce  qu'en 
ayant  fait  l'ufage  pour  lequel  je  l'avois  emprun- 
té ,  je  n'ai  plus  aucune  raifon  valable  pour  le 
retenir. 

On  peut  encore  répéter  la  chofe  prêtée  avant 
l'expirôtion  du  temp'^  fixé  pour  la  rendre,  lorfque 
h  perfnnne  à  laquelle  on  l'avoit  prêtée  pour  un 
fifage  qui  lui  é;oit  pcrfonnel ,  eft  décédée.  Suppo- 


PRET. 

fez,  par  exemple,  que  j'aie  prêté  un  télefcope  à 
un  acidémicien  ,  pour  faire  des  obfervations  af- 
trononiiques  pendant  trois  mois  ,  &  que  Cet  aca- 
démicien foit  mort  au  bout  d  un  mo's  ,  je  pourrai , 
immédiatement  après  le  décès  ,  répéter  mon  té- 
lefcope aux  héritiers  du  défunt ,  parce  qu'ils  n'ont 
aucune  raifon  valable  poui  le  retenir,  &  que  l'u- 
fage pour  lequel  je  l'avois  prêté  étoit  perfonnel  au 
défunt. 

Mais  il  en  feroit  difTiremmenr,  û  l'ufage  pour 
lequel  la  chofe  a  été  prêtée  n'étoit  pas  pcrfonnel 
à  l'emprunteur.  Dans  ce  cas  ,  fes  héritiers  pour- 
roient ,  conime  lui,  s'en  fervir,  fans  que  le  prê- 
teur pût  la  répéter  avant  le  temps  fixé  par  la 
convention. 

Pour  favoir  à  qui  la  chofe  prêtée  doit  être  ren- 
due ,  il  tant ,  dans  le  Prêt  à  ufage  .  fuivre  les  mê- 
mes règles  que  dans  le  Prêt  ds  confomption.  f^oycr 
c:  que  nous  avons  dit  a  cet  égard  dans  cette  dernicre 
cjpèce  de  Prêt. 

Lorfque  les  parties  ne  fe  font  pas  expliquées 
lur  le  lieu  oi.i  la  chofe  prêtée  à  ulage  doit  être 
rendue  ,  l'emprunteur  doit  la  remettre  dans  la 
niaifon  du  prêteur,  à  moins  que,  par  la  defli- 
nation  de  celui-ci  ,  elle  ne  foit  ordinairement 
placée  ailleurs ,  comme  dans  la  métairie  du  prê- 
teur ,  d'où  elle  a  été  tirée  pour  la  prêter  ;  au- 
quel cas  l'emprunteur  doit  la  remettre  dans  cetre 
métairie. 

Si ,  poftérieurement  au  Prêt ,"  le  prêteur  avoit 
transféré  fon  domicile  au  loin  ,  l'emprunteur  ne 
pourroit  être  obligé  à  rendre  la  chofe  ailleurs  , 
qu'au  lieu  où  elle  étoit  lors  du  Prêt. 

La  chofe  prêtée  doit  être  rendue  dans  l'état  où 
elle  fe  trouve  ;  fi  elle  étoit  détériorée  ,  l'emprun- 
teur ne  feroit  tenp  de  la  détérioration ,  qu'autant 
qu'elle  proviendreit  de  fon  fait  ou  des  perfonnes 
dont  il  eft  refponfable. 

Si  la  chofe  étoit  périe  par  quelque  accident  de 
force  majeure  ,  l'emprunteur  feroit  déchargé  de 
l'obligation  de  la  rendre;  mais  il  faut  qu'il  prouve 
la  réalité  de  l'accident. 

Lorfque  l'emprunteur  a  fait  des  dépenfes  pour 
conferver  la  chofe  prêtée  ,  il  a  le  droit  de  la  retenir 
jufqu'à  ce  que  le  préteur  l'ait  renibourfé  ;  mais  il  en 
feroit  différemment  ft  l'emprunteur  avoit  quelque 
autre  créance  contre  le  préteur  ,  elle  ne  l'autori- 
feroit  pas  à  retenir  la  chofe  prêtée.  La  raifon  en 
eft,  qu'on  ne  peut  oppofer  de  compenfation  con- 
tre l'obligation  de  rendre  un  corps  certain  ,  tel 
quç(ï  la  chofe  prêtée. 

-L'emprunteur  ne  peut  pas  refufer  de  rendre  la 
chofe  prêtée  ,  fous  prétexte  que  le  prêteur  n'en  eft 
pas  propriétaire  ;  mais  fi  elle  vient  à  être  arrêtée 
entre  les  mains  de  l'emprunteur  par  quelqu'un  qui 
y  prétend  un  droit  de  propriété ,  ou  qui  fe  dit 
créancier  du  prêteur  ,  l'emprunteur  doit  dénoncer 
la  faifie-arrêt  au  prêteur  »  &  ne  peut  rendre  la 
chofe  à  celui-ci  avant  qu'il  ai;  obtenu  main-levéç 
de  celte  faifie-arrêt. 


\ 


PRET. 

L'emprunteur  ne  peut ,  non  plus  que  fes  héri- 
tiers ,  eppofer  aucune  prefcription  pour  être  dif- 
pculcs  de  rendre  la  chofe  prêtés ,  lorfqu'eile  eft 
entre  leurs  mains.  La  raitbn  eiî  eft  ,  que  la  pof- 
felfion  d'une  chofe  el\  toujours  cenfée  continuer 
nu  même  titre  qu'elle  a  commencé.  C'eft  le  cas 
d'appliquer  la  maxime,  nemo  porejî  ipfe  Jibi  mu- 
ta <:  caufam  pojjejjionis  fux.  Ainfi  une  poffeffion  à 
titre  d'emprunt ,  réclame  perpétuellement  pour  la 
reftitution  qui  doit  être  faite  de  la  chofe  prîtée. 

ObfervL-z  toutefois  ,  que  fi  cette  chofe  n'étoit 
plus  entre  les  mains  de  l'emprunteur  ni  de  fes 
héritiers  ,  l'aflion  du  prêteur  pourroit  ,  comme 
toute  aaffe  action  ,  fe  prefcrire  par  le  laps  de 
trente  ans. 

L'emprunteur  eft  non-feulement  obligé  de  pren- 
dre ,  pour  la  confervation  de  la  chofe  prêtée  ,  le 
loin  qu'un  père  de  famille  prend  à  l'égard  de  ce 
qui  lui  appartient,  il  faut  encore  qu'il  en  prenne 
tout  le  foin  pofiihle  ,  c'eil-à-dire  ,  celui  que  pren- 
nent de  leu.s  affaires  les  perfonnes  les  plus  atten- 
tives :  d'où  il  fu't ,  qu'il  doit  être  tenu  de  la  faute  la 
plus  légère.  Cette  décifion  cù.  fondée  fur  ce  que 
le  contrat  de  Prêt  à  uiage  fe  fait  pour  le  feul  inté- 
rêt de  l'emprunteur. 

llfuitde-là,  quefi,  contre  ce  qui  a  lieu  ordi- 
nairement ,  l'ufage  pour  lequel  la  chofe  efl  prêtée 
concernoit  tout-a  la-fois  l'intérêt  de  l'emprunteur 
&  celui  du  prêteur  ,  l'emprunteur  ne  feroit  pas 
tenu  de  la  faute  la  p'us  légère  ,  mais  feulement  de 
la  faute  légère,  comme  dans  les  autres  contrats  qui 
interviennent  pour  l'utilité  réciproque  des  parties 
contraflantes. 

Le  prêteur  a  contre  l'emprunteur  &  fes  héri- 
tiers, une  aéiien  qu'on  appelle  en  droit  aElio  com- 
modati  d'iTciU^  dont  l'objet  principal  ell  la  reflitu- 
xion  de  la  chofe  prêtée. 

Lorfque  l'emprunteur  ,  condamné  à  rendre  la 
chofe  prêtée,  l'a  pardevcrs  lui,  Ôf  refufe  de  la 
rendre ,  il  doit  y  être  contraint  par  le  juge ,  qui  per- 
met ,  en  ce  c?.s ,  au  prêteur  de  la  faifir  &  de  l'enle- 
ver parle  minilière  d'un  fergent. 

Si  l'emprunteur  ne  peut  pas  rendre  la  chofe  , 
parce  qu'elle  e/l  perdue  ou  périe  par  fa  faute  ,  il 
doit  être  condamné  à  en  payer  le  prix  ,  eu 
égard  à  ce  qu'elle  valoit  au  temps  da  la  con- 
damnation. 

Par  le  moyen  d'un  tel  payement,  l'emprunteur 
demeure  fubrogé  aux  avions  du  prêteur  pour  re- 
vend quer  la  chofe  contre  ceux  qui  peuvent  l'a- 
voir entre  leurs  mains. 

Si  la  chofe  prêtée  fe  trouve  détériorée  par  la 
faute  de  l'emprunteur  ,  il  doit  être  condamné 
aux  dommages  &  intérêts  rêfultans  de  la  dété- 
rioration. 

L'emprunteur  doit  pareillement  être  condamné 
aux  dommrge».  &  intérêts  qui  peuvent  réfultcr  de 
fcn  retard  à  rendre  la  chofe  ,  lorfqu'il  a  été  mis 
en  demeure  après  l'expiration  du  temps  pour  le- 
quel elle  ayoii  été  prêtée. 


PRÉTÉRITION. 


5^7 


^  Voyt:^  îis  lois  civiles  ;  le  traité  dts  contrats  de 
hicnjdïjance  .  &  celai  des  obligations  ;  les  auvres  de 
Dcfpi'ijjh  d»  celles  de  Dumoulin  ;  &c.  Voyez  aufJî 
les  articles  Intérêt  ,  Gage  ,  Usure  ,  Obliga.- 
TION  .  &c. 

PRÊT.  C'eft  le  nom  d'un  droit  qui  fe  payo'tt 
autrefois  par  les  titulaires  des  offices  qu'on  a  de- 
puis affujcttis  au  droit  de  centième  denkr.  Voyet^ 
Annuel  ,  Office  ,  &.c. 

Prêt  fe  dit  aulîi  de  ce  qui  eft  payé  aux  foldats 
pour  leur  folde  ordinaire. 

L'article  27  de  l'ordonnance  du  premier  juillet 
1-27  ,  veut  que  le  foldat  qui  dérobe  dans  les  cham- 
bres des  cafernes  ,  le  linge  ,  les  habits  ,  ou  le  Prêt 
de  ceux  de  fa  chambrée  ,  foit  condamné  à  mort 
ou  aux  galères  perpétuelles,  fuivant  les  circonr- 
tances  du  cas. 

PRÉTÉRITION.  On  appelle  ainfi  l'omifTion 
dans  un  teftamcnt ,  de  ceux  que  le  teftateur  devoir 
inflituer  héritiers;  c'efl  un  vice  qui  donne  lieu  d'at- 
taquer le  teftament  par  la  querelle  d'inofficiofité. 

La  Prétérition  eft  une  efpêce  d'injure  du  fils  en- 
vers Çon  père  ,  ou  du  père  envers  ion  fils  ,  que  la 
loi  venge  en  déclarant  nul  un  afte  dans  lequel  le 
père  ou  le  fils  fembleat  aroir  oublié  la  tendre/Te 
&  l'amour  qu'ils  dévoient  avoir  l'un  pour  l'autre, 

La  jurifprudence  romaine  n'a  pas  toujours  été- 
d'accord  fur  ce  point.  Perfonne  n'ignore  quelle 
étoit  dans  l'origine  l'étendue  de  la  puiffance  des 
pères  chez  les  romains  ;  ils  exerçeient  une  efpèce 
dcmpire  fouverain  dans  leur  famille  ,  &  pou- 
voient  difpofer  à  leur  gré  de  leurs  biens  par  tefta- 
ment.  Comme  ils  abufoicnt  fouvent  de  leur  pou- 
voir, on  chercha  à  reftreindre  cette  liberté  indé- 
finie, 5c  peu  à  peu  on  la  reflerra  dans  de  jufte* 
bornes. 

La  loi  des  douze  tables  donnoit  aux  pères  la  li- 
berté  de  difpofer  de  tous  leurs  bieas  par  tefta- 
mens  ;  mais  ,  d'un  autre  côté ,  elle  appeloit  les 
enfans  pour  fuccéder  à  leurs  pères.  Quand  le 
père  avoir  omis  de  parler  de  Tes  enfans  dans  fon 
teftament,  les  jurifconfultes  décidoient  queladif- 
pofition  du  père  ne  pouvoit  avoir  d'effet,  parce 
qu'alors  les  enfans  prenaient  la  fucceffion  en  vertu 
de  la  loi. 

On  commença  donc  à  exiger  des  pères  qu'ils  inf- 
tituaflént  leurs  en  ans  héritiers,  ou  qu'ils  les  dés- 
hériiafTent  expreflément  ;  enfuite  on  dit:  les  en- 
fans étant  héririers  par  la  loi ,  ils  ne  peuvent  pas 
être  privés  du  bénéfice  de  la  loi ,  fans  caufe  ;  6i  il 
ne  fut  plus  permis  aux  pères  'ie  déshérirer  leurs  en- 
fa;TS  que  pour  les  c:;ufes  exprimées  par  la  loi.  Les 
empereurs  ,  &  fur-tout  Ji'flinicn  ,  confirmèrent 
cette  interprétation  des  jurifconfultes  ,  &  fixèrent 
enfin  la  jurifprudence. 

Dans  le  principe  ,  la  nullité  réfultante  de  la  Pré- 
térition ,  n'étcu  relative  qu'aux  enfans  qui  étoient 
fournis  à  I3  puifiâncf  patcrnel'e,  eux  feuls  ctoienr 
héritiers  liéceîlaires  de  leurs  pères;  les  enfans  éman- 
cipés étoient  cenfés  hors  de  la  famille  i  ils  ne  fuc- 


5iS 


PRÉTÉRITION. 


cédoient  pas  avec  leurs  trères  ,  &.  par  confé- 
quent  ils  ne  pouvoient  attaquer  le  teftament  de  leurs 
pères. 

La  loi  des  douze  tables  n'appeloit  pas  non  plus 
les  enfans  à  la  fucceflion  de  leur  mère  ,  &  ils  ne 
pouvoient  par  cette  raifon  attaquer  fon  tertanicnt 
cil  ils  fe  trouvoient  prétérits.  Après  avoir  éprouve 
différentes  révolutions  ,  la  fuceflion  des  enfans  fut 
réglée  par  la  novelle  115  de  Juftinien  ,  qui  re- 
trancha toute  diftinâion  entre  les  enfans  fournis  à 
la  puiHance  paternelle  &  les  émancipés  ;  il  ordonna 
que  tous  les  defcendans  fucccderoient  à  leurs  af- 
ccndans  r.uîles  ou  femelles ,  en  quelque  degré  qu  ils 
fulTcnt ,  par  préférence  aux  afcendans  du  défunt  & 
à  fes  autres  parens  collatéraux. 

Tcus  les  enfans  fe  trouvant  donc  appelés  à  fuc- 
céder  à  leurs  parens,  il  ne  fut  plus  permis  de  les 
priver  d'une  fucceflion  qu'ils  tenoient  de  la  loi , 
{bit  direfvement  ,  par  une  exhérédation  injufte  & 
ians  caufe  ;  foit  indirectement ,  parce  que  leurs  pa- 
rens ne  les  avoient  pas  inftitués  héritiers.  Il  leur  fut 
permis  d'attaquer  le  teftnment  dans  lequel  ils 
avoient  été  prétérits ,  &  de  le  faire  déclarer  nul 
par  la  querelle  d'inofficiofité. 

il  fe  Ht  une  révolution  femblable  touchant  la 
fucceflion  des  parens  .î  leurs  enfans.  Le  père  qui 
avoit  fts  enfans  fous  fa  puiflance ,  ne  leur  fuccè- 
doit  pas  ;  mais  il  avoit,  à  caufe  de  la  puiflance  pa- 
ternelle ,  tous  leurs  biens.  Il  ne  fuccédoit  pas  à 
ceux  qui  avoient  été  mis  hors  de  la  famille  par  l'é- 
mancipation. Les  mères  ne  fuccédoient  pas  non 
plus  à  leurs  enfans  ;  mais  par  la  fuite  tout  cela  fut 
changé.  A  défaut  de  defcendans ,  les  pères  ,  mères 
&  aïeuls  furent  appelés  à  recueillir  la  fucceflion  de 
leurs  enfans  ou  petits-enfans,  fuivant  qu'ils  fe  trou- 
voient plus  proches  en  degré. 

11  y  a  cependant  quelques  diftinilions  à  faire  en  - 
tre  les  afcendans.  Pour  l'intelligence  de  cette  ma- 
tière ,  il  faut  remarquer  que  ,  par  l'ancien  droit  ro- 
main ,  les  fils  d''  famille,  c'eft-à-due  les  enfans  non 
émancipés  qui  étoient  encore  fous  la  puifl"ance  de 
leur  père  ,  ne  pouvoient  avoir  aucun  bien  en  pro- 
pre ;  &  tout  ce  qui  pouvoit  leur  échoir  par  fuc- 
ceflion ,  ou  par  quelque  libéralité  que  ce  fût  ,  & 
même  ce  qu'ils  avoient  acquis  par  leur  induflrie  , 
appartenoit  au  père,  excepté  feulement  ce  que  le 
fils  de  famille  pouvoit  acquérir,  foit  dans  les  ar- 
mes, foit  au  barreau,  dans  l'exercice  de  quelque 
magiftrature,  ou  dans  l'état  eccléfiaflique  ;  car  ce 
qu'il  acquéroit  par  l'une  de  ces  voies  lui  étoit  en- 
tièrement propre  ,  fans  que  le  père  y  eût  aucun 
droit.  On  appeloit  l'efpèce  de  bien  acquis  dans  les 
armes  ,  pécule  cajlrenfe ,  &  celui  qui  étoit  acquis  au 
barreau  ,  ou  dans  quelque  dignité  de  l'cglife  ou  de 
l'état,  quafi-caflrerife. 

Pour  les  enfans  émancipes  ,  tout  ce  qu'ils  pou- 
voient acquérir  leur  étoit  propre.  Dans  la  fuite , 
les  empereurs  lalfsèrent  aux  fils  de  famille  la  pro- 
priété de  leurs  biens  maternels  ,  &  de  ce  qui  leur 
étoit  acquis  par  leur  mariage  ou  par  quelque  libéra- 


PRÉTÉRITION. 

lité,  Si  l'ufufruit  de  ces  biens  demeuroit  aux  pères. 
Enfin ,  Jufnnien  ordonna  que  tous  les  biens  qui 
pourroent  être  acq^iis  aux  enfans  même  non  éman- 
cipés ,  leur  apparticndroient  en  propre  ,  de  quel- 
que manière  que  ces  biens  leur  fuffent  acquis.  Le 
père  n'eut  plus  que  la  piopriété  ùv.  pécule  profec- 
tice  ,  c'cfl  à-dire  du  bien  qu'il  avoit  coniie  à  fon 
fils  pour  le  faire  valoir.  L'aïeul  paternel ,  qui  avoit 
retenu  fes  enfans  &  fes  petits-enfans  fous  fa  puif- 
fance  ,  avoit  les  mêmes  droits  que  le  père. 

L'ordre  des  fucceflions  ainfi  n'-glc  ,  à  mefure  que 
les  mœurs  ëi  les  ufages  avoient  changé  chez  les 
Romains  ,  les  jurifconlultes  &  les  empereurs  s'ap- 
pliquèrent particulièrement  à  maintenir,  dans  les 
fucceflions  en  ligne  dircfîe  ,  l'ordre  établi  par  la 
nature  même  ,  qui  Aibflitue  les  enfans  pour  rem- 
placer leurs  pères,  &  perpétuer  par-là  l'on  ouvrage. 
La  loi  civile  devoir  donc  tranfmettre  aux  enfans  les 
biens  de  leurs  pères  ,  &  perpétuer  par  cette  fuc- 
ceflion l'ordre  de  la  fociété  fuivant  l'ordre  de  la  na- 
ture. Elle  devoir  aufli  favorifer  le  retour  de  ten- 
drefle  que  des  enfans  doivent  à  ceux  dont  ils  ont 
reçu  le  jour.  On  impofa  donc  aux  pères  &  aux  mères 
l'obligation  d'inflituer  leurs  enfans  ,  même  poflhu- 
mes,  leurs  héritiers;  &  aux  enfans,  à  défaut  de 
poflérité,  celle  d'inflituer  leurs  parens.  Ceux  qui 
manquent  à  ce  devoir  font  cenfés  n'avoir  pas  eu 
l'ufage  de  leur  raifon,  &  leur  teftameMt  eft  attaque 
par  la  querelle  d'inofHciofjté  ,  comme  contraire  à  la 
I  tendreffe  paternelle  ou  à  la  piété  filiale. 

(Les  collatéraux  n'eurent  pas  le  même  avantage. 
On  permit  feulement  aux  frères  &  fœurs  germains 
&  confanguins  d'attaquer  le  teflament  de  leurs  frè- 
res ou  fœurs  dans  lequel  ils  fe  trouveroient  prété- 
rits ,  lorfque  le  teflateur  leur  auroit  préféré  une 
perfonne  infâme.  Mais  ce  n'efl  qu'un  cas  particu- 
lier dans  lequel  le  Icgiilateur  a  eu  intention  plutôt 
de  maintenir  les  bonnes  mœurs,  que  de  favorifer 
les  frères. 

La  Prétérition  fut  d'abord  un  moyen  pour  faire 
déclarer  nul  tout  le  teflamcnt.  Juftinien  ordonna 
par  la  novelle  115  ,  qu'il  n'y  auroit  que  l'inftitu- 
tion  d'héritier  qui  feroit  nulle  ,  &  que  les  legs  par- 
ticuliers auroient  leur  effet.  Cette  difpofition  a  été 
confirmée  par  l'ordonnance  de  17J  5.  L'effet  de  la 
querelle  d'inofHcionté  eft  doncd'efiaccr  l'inflitution 
d héritier,  &  que  ceux  qui  dévoient  être  inflitués 
recueillent  la  fucceflion  ab  inteflat. 

Pour  pouvoir  intenter  la  querelle  d'inofiîciofité  , 
il  faut  être  habile  à  fuccédcr  ;  car  en  vain  entre- 
prendroit-on  d'attaquer  un  tefîament ,  fi  on  n'étoit 
habile  a  fuccéder  ab  inteflat. 

Un  des  privilèges  des  teflamens  militaires  ,  étoit 
de  ne  pouvoir  être  annullés  par  la  querelle  d'inof- 
ficiofité. Les  enfans  ou  les  defcendans  qui  fe  trou- 
voient prétérits  dans  ces  fortes  de  teftamens  »  n'a- 
voient  que  le  droit  de  demander  leur  légitime.  L'or- 
donnance de  1735  n'a  point  dérogé  aux  difpofitions 
du  droit  romain  à  cet  égard.  Mais  ce  privilège  ne 
peut  durer  qu'autant  que  le  tcftament  militaire  efl 

valable  9 


PRÉTÉRÎTION. 

valable  ;  &  il  ccfl*e  d'être  valable  fix  mois  après  que 
le  tellateiir  a  eu  la  faculté  de  difpoler  fuivant  la 
forme  ordinaire. 

Le  hls  de  famille  pouvoit  difpofcr  de  {on  pécule 
caltrenfe  au  proht  d'un  étranger ,  fans  que  fon  père 
pût  attaquer  fon  teftament  pour  caufc  de  Prétéri- 
tion  ,  fuivant  différentes  lois  du  code ,  lefquelles 
paroilTent  avoir  été  abrogées  par  la  novelle  115  » 
qui  veut  en  général  que  les  enfans  inftituent  leurs 
parens  dans  les  biens  dont  ils  ont  la  faculté  de  dif- 
pofcr (i). 

La  mère  ne  peut  attaquer  la  fubftitufion  pupil- 
laire  faite  par  fon  mari ,  oli  elle  eft  prétérite.  Pour 
entendre  cette  dcclfion  ,  il  faut  fe  rappeler  que  le 
père  qui  avoit  fous  fa  puiflance  un  enfant  impu- 
bère, pouvoit,  en  faifant  fon  teftament  ,  en  faire 
un  féparé  pour  fon  fils ,  dans  le  cas  où  il  décéde- 
Toit  avant  l'âge  de  puberté.  Ce  fécond  teftament 
porte  le  nom  Aq  fubjlitution  pupillaire.  La  mère  ne 
peut  pas  l'attaquer  ,  parce  qu'il  n'eft  pas  ,  dit  Cu- 
jas,  l'ouvrage  du  fils  ,  mais  celui  du  mari,  qui  n'eft 
pas  obligé  d'inftituer  fa  femme. 

La  Prétcrition  eiî  regardée  comme  une  injure 
perfonnelle  ,  &  il  n'y  a  que  la  perfonne  qui  dcvoit 
être  inftituée  héritière  qui  ait  le  droit  de  s'en  plain- 
dre. C  eft  pourquoi  le  père  qui  a  fon  fils  fous  fa 
puiflance  ne  peut  ,  fans  le  confentement  de  fon 
fils  ,  intenter  la  querelle  d'inofficiofité  contre  le 
teilament  de  la  mère  ,  quoii|ue  la  Prétérition  du 
fils  lui  fade  préjudice  ,  puifqu'elle  le  prive  de  la 
jrîui(Tance  des  biens  que  fon  fils  auroitpu  recueillir. 
Il  faut  excepter  le  cas  où  le  fils  étant  mineur,  le 
père  pourroit  l'intenter  en  qualité  de  tuteur  naturel. 

L'héritier  de  la  perfonne  préiérite  ne  peut  pas 
fe  plaindre  de  la  Prétérition  du  défunt ,  excepté  en 
deux  cas:  1°.  quand  la  perfonne  prétérite  meurt 
pendant  le  temps  accordé  à  l'héritier  infiitué  pour 
délibérer,  l'aélion  paffe  à  fes  enfans  ,  quoiqu'elle 
ne  l'ait  pas  intentée  de  fon  vivant  :  2^.  quand  la  per- 
fonne prétérite  décède  fans  enfans  ,  mais  après 
avoir  intenté  fon  aâion  ou  manifefié  fa  volonté  de 
l'intenter  ,  elle  tranfmet  (on  droit  à  fes  héritiers. 

La  demande  pour  faire  déclarer  l'infiitution  nulle 
doit  être  formée  dans  les  cinq  ans.  Après  ce  temps  , 
on  n'y  eA  plus  recevable ,  parce  qu'on  eft  cenfé 
avoir  remis  l'injure.  On  n'eft  pas  recevable  norî 
plus  après  qu'on  a  approuvé  le  tefiament,  foit  en 
acceptant  un  legs ,  foit  de  quelque  autre  manière 
que  ce  foit. 

Articles  de  V ordonnance  du  mois  d'août  173Ç  ,  con- 
cernant la  Prétérition. 

«c  Article  50.  Dans  les  pays  où  l'inflitution  d'hérl- 
»  tier  efi  néceffaire  pour  la  validité  du  tefiament , 
w  ceux  qui  ont  droit  de  légitime  feront  infiitués 


PRÉTEUR. 


519 


(i)  Saiicimus  ita.iu;  non  licere  libens  patentes  fuos  pré- 
térite ,auc  ciuolibet  modo  à  rébus  propriis  in  duihus  habmt 
teflandi  licentiam  eis  omninà  alienare.  iVav.  JIj  ,  chap.  4. 
l^oyei  aujfi  la  ncvelle  fij  ,  (hap.  19. 


»  héritiers ,  au  moins  en  ce  que  \z  teftateur  leur 
»»  donnera;  &  l'inliitution  fera  faite  en  les  ripp( - 
»  lant  par  leurs  noms  ,  ou  en  les  défignant  de  ttl'e 
»>  manière  que  chacun  d'eux  y  foit  compris  ;  ce 
3>  qui  aura  lieu  même  à  l'égard  des  enfans  qui  le 
»  feroient  pas  nés  au  temps  du  tefiament,  &.  qui 
»  feroient  nés  ou  conçus  au  temps  de  la  mort  du 
5)  tedateur. 

»  51.  Quelque  modique  que  foit  l'effet  ou  la 
»  fomme  pour  lefquels  ceux  qui  ont  droit  de  lègi- 
»  time  auront  été  infiitués  héritiers,  le  vice  de  la 
»  Prétérition  ne  pourra  être  oppoîé  contre  le  teflc- 
)»  ment ,  encore  que  le  teftateur  eiit  difpofé  de  i^s 
rt  biens  en  faveur  d'un  étranger. 

»  52.  Ceux  à  qui  il  aura  été  laiffè  moins  que 
11  leur  légitime  à  titre  d'inftituiion  ,  pourront  for- 
)j  mer  leur  demande  en  fupplément  de  légitime  ; 
»  ce  qui  aura  lieu  à  l'avenir  dans  les  pays  mêire 
»  dans  lefquels  ladite  demande  n'a  pas  été  admife 
j>  jufqu'à  préfent ,  ou  a  été  prohibée  en  certains  cas. 

3j  5  3.  Ln  cas  de  Prétérition  d'aucuns  de  ceux  qui 
))  ont  droit  de  légitime,  le  tefiament  fera  déclaîé 
■>■)  nul  quant  à  l'infiitution  d'héritier,  fans  même 
:>  qu'elle  puiffe  valoir  comme  fidéi-commis  ;  &  fi 
))  elle  a  été  chargée  de  fubfîitution ,  ladite  fubfti- 
»  tution  demeurera  pareillement  nulle  ;  le  tôt  t  • 
»  encore  que  le  teflament  contint  la  claufê  codi- 
»  cillaire  ,  laquelle  ne  pourra  produire  aucun  effet 
11  à  cet  égard  ,  fans  préjudice  néanmoins  de  l'exé- 
)»  cution  du  teflament ,  en  ce  qui  concerne  le  fur- 
j>  plus  des  difpofirions  du  teftateur. 

n  Ç4.  La  difpofition  de  l'article  précédent  fera 
»»  exécutée  ,  même  à  l'égard  des  teflamens  faits  en- 
»  tre  enfans  ,  ou  en  temps  de  pefte  ;  &  en  ce  qui 
»  concerne  les  teflamens  militaires,  n'entendons 
i>  rien  innover  à  ce  qui  eft  porté  par  les  lois  ro- 
5)  maines  à  cet  égard. 

»  5  5.  N'entendons  déroger  ,  par  les  articles  50  , 
»  53  &  54  ,  aux  difpofuions  des  coutumes  ,  flatuts 
j)  ou  autres  lois  particulières  obfervées  dans  quel- 
»  ques-uns  des  pays  régis  par  le  droit  écrit ,  qui 
»  permettent  expreffément  de  laiffer  la  léç^itime  à 
»  autre  titre  que  celui  d'inflitution  ;  Si  la  demande 
»  en  fupplément  de  légitime  pourra  être  formés 
)>  audit  cas  ,  ainfi  qu'il  eft  porté  par  l'article  52  ». 

Voye:(^  les  titres  du  code  &  du  digcfle  ,  de  inofHciofo 
teflamento  ;  lu  novelle  11 5  fi*  1 23  ;  Cuj.is  fur  cesdif- 
férens  titres  ;  Corvïnus  fur  le  code;  les  PandeHes  de 
Pothier  ;  Defpeiffes ,  Furgole ,  Domat ,  le  commen- 
taire de  V ordonnance  de  1735  ;  Ricard,  &c,  (  Article 
de  M.  La  Forest  ,  avocat  au  parlement. 

PRÉTEUR.  On  donnoit  ce  nom,  chez  les 
Pvomnins ,  à  un  magiflrat  qui  rendoit  la  jurtice 
dans  Rome,  ou  qui  alloit  gouverner  certaines 
provinces. 

On  créa  d'abord  un  feul  Préteur;  mais ,  l'an  5  lo ,' 
l'abondance  des  affaires  en  fit  nommer  un  fécond 
pour  rendre  la  juftice  entre  les  citoyens  &  les  étran- 
gers ;  ce  qui  fit  qu'on  l'appela  Préteur  étranger, 
pere^rinus  Prator.  Celui  qui  ne  jugeoit  que  des  pro- 

Xxx 


530  PRÊTEUR. 

ces  entre  cîroyens ,  étoit  appelle  Préteur  de  la  ville, 
Prcctor  urbanus  ;  &  h  charge  étoit  plus  honorable 
que  celle  de  l'autre  ;  elle  lui  étoit  auffi  rupérieure  : 
en  appeloit  la  juftice  qu'il  rendoit ,  la  juftice  d'hon- 
neur, y^/i  honorarium. 

L'an  526  de  Rome,  lorfque  la  Sicile  &  la  Sar- 
daigne  eurent  été  réduites  en  provinces  romaines, 
on  créa  deux  Préteurs  pour  les  gouverner  au  nom 
de  la  république;  &  l'an  556  ,  lorfqu'on  eutfub- 
jugué  les  deux  Efpagnes  ,  citérieure  &  ultérieure  , 
on  créa  deux  autres  Préteurs  pour  régir  ces  deux 
provinces; mais  en  561  il  fut  réglcparla  loi  Bebia  , 
qui  cependant  ne  fut  pas  long-temps  obfervée  , 
qu'on  ne  créeroit  tous  les  deux  ans  que  quatre  Pré- 
teurs ,  dont  deux  demeureroient  dans  la  ville  ;fa- 
voir,  Xiirbaniis  &  le  pere^r'inus ,  &  que  les  autres  fe 
rendroient  auflî-tôt  dans  les  provinces  qui  leur  fe- 
roicnt  tombées  en  partage- 
Vers  l'an  605  de  Rome  ,  ou  peu  de  tenps  après , 
c'eft-à-dire  en  607  ,  lorfque  l'Afrique  ,  f  Achaïe  ,  la 
Macédoine,  furent  devenues  provinces  romaines, 
il  fut  réglé  que  tous  les  Préteurs  rendroient  la  iuf- 
tice  à  Rome,  foit  en  public,  foit  en  particulier, 
dans  l'année  de  leur  magiftrature,  &  qu'à  la  fin  de 
cette  année  ils  p^rtiroieiit  pour  les  provinces  qui 
leur  feroient  échues.  Les  marques  de  la  d'gnité  du 
Préteur  étoiertt  :  1°.  fix  li61eurs  avec  des  faifceaux 
hors  de  la  ville;  quelques-uns  ne  lui  en  donnent  que 
deux  ,  c'eA  à-dire  ,  qu'au  moins  il  en  avoit  toujours 
deux  qui   Taccompagnoient  par-tout  ;   2".  il  por- 
toit  la  robe  prétexte  ,  qu'il  prenoit,  comme  les  con- 
fu!s,  dans  le  Capitole,  le  jour  qu'il  étoit  inftallc  , 
après  avoir  fait  les  vœux  ordinaires  dans  le  temple  ; 
3".  il  avoit  la  chaife  curule  ;  4°.  il  avoir  un  trihimal , 
qui  étoit  un  lieu  élevé  en  forme  de  demi  cercle  , 
fur  lequel  étoit  placée  la  chaife  curule  ;  car  les  ma- 
giflrats  &  les  juges  inférieurs   n'Ctoient  alTis  que 
(ur  des  bancs;  5°.  il  avoit  la  lance  8c  Tépée  ,  qui 
niarquoient  fa  juridiflion. 

Les  fouillions  du  Préteur  étoient  :  i".  de  donner 
des  jeux  ,  fur-tout  les  jeux  du  cirque  ,  tels  que  ceux 
qu'on  appeloit  les  grands  jeux  floraux  Se  autres  ; 
ce  qui  fe  faifoit  avec  beaucoup  de  pompe  &  de 
fomptuorité.  Il  avoit  pour  cette  railon  une  efpèce 
d'infp^'flion  fur  les  comédiens,  &  autres  gens  de 
cette  forte  ,  au  moins  du  temps  des  empereurs.  Du- 
rantla  vacance  delà  cenfure,  il  avoit  droit  d'ordon- 
ner la  réparation  deséd.fices  publics  ;  mais  il  falloit 
y  joindre  un  flécret  du  fénat;  2".  Dans  l'abfencedes 
confuls,  il  faifoit  leurs  fonélions  ;  il  aflembloit  le 
fénat  ;  il  falloir  cependjut  que  ce  fût  pour  quelque 
affaire  noHvelle  :  il  demandoit  les  avis  des  féna- 
teurs  ,  tencit  les  comices,  &  haranguoit  le  peuple  ; 
de  forte  que  quand  les  confuls  étoient  abfens,  il 
étoit  véiitablcircnt  le  premier  magiftrat  de  Rome. 
Il  poii/on  empichf'i-  tous  les  magiftrats  ,  excepté 
les  cotvuls  .,  de  t'.nir  les  comices  &  de  haranguer. 
Ce)'-r;dint  il  pnrolt  qvie  quelques-unes  de  ces 
préi'Hi-ielves  ne  concernoient  que  le  Préteur  de  la 
ville;"  mail  ce  quioccupoit  principalement  ce  ma- 


PRÊTEUR. 

giftrat,  étoit  l'adminiftration  de  la  jufticô.  Sa  juri- 
di£lion  étoit  fi  étendue ,  qu'il  ne  lui  étoit  pas  permis 
de  s'abfenter  de  Rome  pour  plus  de  dix  jours.  Au 
commencement  de  fa  magiftrature,  ilpublioitun  édit 
concernant  la  formule  ou  la  méthode  fuivant  la- 
quelle il  rendroit,  durant  l'année  ,  la  juftice,  tou- 
chant les  affaires  de  fon  reflbrt.  Les  Préteurs  avoient 
introduit  cet  ufage,  pour  avoir  lieu  d'interpréter  à 
leur  gré  Si.  de  corriger  le  droit  civil  dans  les  chofes 
qui  concernoient  les  particuliers.  Le  Préteur  ne 
manquoit  jamais,  tous  les  ans  ,  de  renouveler  cet 
édit  lorfqu'il  entroit  en  charge  ;  &  c'eft  ce  que  Cicé- 
ron  appelle  la  loi  annuelle  ,  lex  annua  :  auffi  les  ac- 
tions prétoriennes,  c'eft-à-dire  ,  les  procédures 
faites  fous  un  Préteur ,  ne  fubfiftoient  ordinaire- 
mcnt  que  durant  l'année  de  fon  exercice  ;  mais  les 
Préteurs  étant  fouvent  guidés  dans  leurs  jugcmens 
par  l'ambition  &  la  faveur,  &  jugeant  peu  confor- 
mément à  leurs  propres  édits ,  C.  Cornélius ,  tribun 
du  peuple ,  l'an  686 ,  porta  une  loi ,  appellée  la  loi 
Cornelia  ,  par  laquelle  on  obligea  les  Préteurs  de 
fuivre  exa61ement  leurs  édits  dans  leurs  jugemens. 
Sous  l'empereur  Adrien  ,  &  par  fon  ordre ,  Sal- 
vius  Julianus ,  bifaieul  de  l'empereur  Julien,  8c 
grand  Jurifconfulte,  recueillit  tous  les  édits  des 
Préteurs  en  un  volume  ,  8c  les  mit  en  ordre  ;  ce  qui 
a  été  appelé  depuis  ,  ediB.um  perpetuum  ,  &  jus  honc' 
rari'im. 

Le  Préteur  avoit  coutume  d'exprimer  toute  lé- 
tendue  de  fa  juridiâion  par  ces  trois  mots  :  do  ,  di- 
co ,  6"  abdir.o.  Le  premier  fignifioit  qu'il  avoit  le 
pouvoir  de  donner  ries  juges  ,  de  donner  la  poffei- 
fion  des  bisns,  d'accorder  la  revendication  ,  &C. 
Le  fécond,  qu'il  avoit  droit  de  prononcer  fouve- 
rauiement  fur  toutes  les  affaires  des  particuliers.  Le 
tioifième,  de  faire  exécuter  tous  fts  jugemens. 

11  donnoit  audience  aux  part.es  ,  foit  fur  fon  tri- 
bunal ,  foit  debout  ,  de  pLino.  Il  jugeoit  tantôt  r"" 
dccretum  ,  &  tantôt  per  lib'.ilum  ,  dans  les  affaires  peu 
importantes.  Au  reAc  ,  il  ne  donnoit  audience  que 
dans  les  jours  appelés  fa(ii  (  àfindo  ),  parce  qu'il 
n'y  avoit  que  ces  jours-là  que  le  Préteur  pouvoir 
prononcer  les  trois  mors  qu'on  a  marqués  ci-c!effus. 
Voilà  l'ufage  qu'on  fuivit  tant  que  la  république 
fut  libre.  Mais  fous  les  derniers  empereurs  ,  les 
Préteurs  fe  virent  dépouillés  de  toutes  leurs  ancien- 
nes fonélions  ,  8c  réduits  s  l'intendance  des  fpcéla- 
cles  ;  ce  qui  fait  que  Boëce  ,  parla"r  des  Préieurs 
de  fon  temps  ,  appelle  la  p»dture  un  vain  nom  ,  8c 
une  charge  inutile.  En  effet  ,  les  préfets  du  pré- 
toire ,  qui  éto'ent  des  cfaciers  tie  l'empereur, 
2"oienî  ufurpé  toutes  les  fon;^ions  des  Préteurs 
de  la  ville. 

D.ms  certaines  villes  ,  fur-tour  en  Allemagne  & 
en  Aîface,  il  y  a  encore  des  magiftrats  qu'on  ap- 
pelle Préteurs. 

Le  Préteur  royal  de  Strasbourg  eft  préfidenr  du 
grand  {én?A  ,  avec  le  conful  en  exercice  ,  Se  le  Pré- 
teur en  quartier.  Le  conful  propose  les  affaires;  le 
Préteur  garde  le  grand  fceau ,  Se  tous  les  awles»  font 


PRETRE. 

fntuulés  de  fon  nom  &  de  celui  du  fénat. 

PRETRE.  Les  Prêtres  font  le  premier  ordre  des 
miniftres  de  Téglife  ,  après  l'épifcopat.  J.  C.  a  infti- 
tvié  deux  ordres  de  payeurs  ;  les  évêques  pour  avoir 
le  gouvernement  général  d'une  églife  ,  &les  Prêtres 
pour  être  appliqués  aux  fondions  dedctail  qu'exige 
la  conduite  des  âmes  en  particulier. 

Dans  le  premier  fiécie  de  l'cgliCe  ,  il  y  avoit  peu 
de  Prêtres.  Les  éj^iiles  ,  dans  leur  origine,  n'étant 
compofoes  que  d'un  petit  nombre  de  fidèles,  nâ- 
voient  iouvent  befoin  que  de  l'évêque  pour  prê- 
cher 8i  admini/îrer  les  facremens,  &  de  quelques 
diacres  pour  exercer  le  miniftère  temporel.  Celles 
qui  fe  formèrent  dans  les  capitales  de  l'empire  , 
durent  avoir  des  Prêtres  dès  le  commencement  , 
parce  qu'elles  furent  d'abord  aflVz  nonibreufes;  Se 
il  cû  certain  qu'elles  en  curent  bientôt  un  grand 
nombre  ;  nous  apprenons  par  la  lettre  du  Pape 
Corneille  à  Fabius  ,  évéque  d'Antioche  ,  qu'il  y 
r.voit  de  Ton  temps  quarante  Prêtres  slans  l'églile 
.  Romaine. 

La  dignité  de  Prêtres  étoit  alors  très  importante 
dans  l'eglitc.  S.  Ignace  leur  donne  la  qualité  de 
fuccelTeurs  des  apôtres.  "  Suivez ,  dit-il  aux  Smir- 
»>  niens,  l'évêque  ,  comme  J.  C,  a  fuivi  fou  père  , 
»>  &  les  Prêtres  comme  (a  apôires.  £pifcopiimfc- 
»  ijuimini  ut  Chrijhu  yatrem  ,  presbyteror  ut  apojh- 
'A  los.  Epift.  ad  Smirnenfes  ».  Dans  le  quatrième 
fiècle  ,  temps  où  les  Prêtres  ctoient  dêj.î  très-multi- 
pliés  ,  nous  voyons  encore  S.  Jean  Chryfoflôme  , 
dans  fon  homélie  fur  la  féconde  épître  àTimothie , 
ne  pis  mettre  une  grande  diiîércnce  entre  l'évêque 
6i  les  Prêtres.  Il  n'y  a  pas  entr'eux ,  dit-il,  une 
grande  diUérence  ,  car  le  foin  des  âmes  &  l'enfei- 
gniment  font  aufli  confiés  aux  Prêtres  :  Non  mnl- 
twn  dijhnt  ,  narn  prcsbyteris  cura  perinij^a  ejl  &  ma- 
gijlirium. 

Les  Prêtres  deffervirent  long-temps  l'églife  en 
commun  avec  l'évêque;  ils  le  fuppléoient  dans  fon 
abfence,  l'aflîfloient  dans  fes  fondions,  l'aidoient 
de  leurs  conieils  ,  &  n'étoient  point  encore  chargés 
d'une  portion  particulière  de  fon  troupeau.  Ce  ne 
fut  que  lorfque  les  églifes  devinrent  trop  nom- 
breufes  pour  être  deflervies  par  l'éTcque  feul  & 
dans  un  .même  lieu,  que  les  évêques  crurent  devoir 
partager  leur  peuple  en  pordoiis  déterminées  ,  & 
confier  chacune  d'elles  à  des  Prêtres  qui  fuiTent 
chargés  de  la  gouverner  &  de  lui  adminiftrer  les 
facremens.  Les  Prêtres  devinrent  alors  ce  que  nous 
appelons  curés  ,  c'ert-i-dire,  qu'ils  furent  attachés 
à  une  portion  dépeuple  particulière  ,  au  lieu  qu'au- 
paravant ils  étoient  aux  ordres  de  l'évêque  pour 
toutes  les  fondions  du  miniftère,  &  pour  tous  les 
lieux  où  il  pouvoir  avoir  befoin  de  leurs  fecours. 
Ce  fut  dans  ces  villes  ininienfes  ,  qui  étoient  les 
capitales  de  l'empire  ,  que  la  néceftué  de  partager 
le  peuple  en  plufieurs  affemblées  fe  fit  plutôt 
fentir  ;  auilî  la  divifion  des  parnitrcs  commenc^a- 
t-elle  dans  ces  églifes  plutôt  qu'ailleurs.  On  la 
voit  éiabiie  déjà  dans  l'églife  d'Alexandrie,  fur  la 


PRETRE.  5U 

fin  du  troifième  fiècle,  fous  le  patriarche  Alex.T;- 
dre.  Les  égliles  de  la  Maréotique  ,  à  chacune  dcf- 
quelles  préfidoit  un  Prctre,  étoient  alors  autant  de 
paroiflfes.  Arius  &  Colluthus  préfidoienr  aufii  dans 
le  même  temps  à  des  affemblées  particulières  de 
peuple  dans  la  ville  même  d'Alexandrie  ;  il  eîl:  pro- 
bable ,  au  contraire,  que  les  paroifies  ne  furent  pas 
établies  auifi-tôt  dans  ce  grand  nombre  de  villes 
peu  confidérables  d'Afrique  &  d'Italie  ,  que  l'hif- 
toire  nous  repréfente  comme  ayant  été  le  fiège 
d'un  évéque. 

Les  bénéfices  fe  formèrent  après  vers  le  huitième 
fiècle  dans  Téglife  d'occident;  car  on  n'a  jamais 
connu  ,  dans  celle  d'orient ,  ce  que  nous  entendons 
proprement  par  le  mot  de  bénéfice,  Los  premiers 
offices  eccléfi-iftiques  qui  prirent  la  forme  de  béné- 
fices ,  furent  les  cures  de  la  campagne.  Les  évêques 
abandonnèrent    d'abord    aux   Prêtres    qui  delfer- 
voient   les  églifes  de  la  campagne  ,  les  fonds  de 
l'églife  fitués  iur  leur  territoire  ;  ils  étoient  beau- 
coup plus  à  portée  de  faire  valoir  ces  fonds,  qui 
étoient ,  pour  ainfi  dire  ,  fous  leur  main  ,que  l'éco- 
nome du  clergé,  qui  réfidoit  dans  la  ville  épifco- 
pale.  Les  menfcs  des  chapitres  &  celles  des  évê- 
ques fc  formèrent  enfuite.  Les  paroilfes  des  villes 
&  de  la  campagne  s'étoient  fort  multipliées  ;  il  ne 
relloit  plus  dans  la  principale  églile  du  diocèfe  que 
les  chefs  de  tout  le  clergé ,  quelques  Prêtres  que 
l'évêque  n'avoit  point  encore  jugé  à  propos  d'em- 
ployer au  miniiiêrc  ,  8c  la  p.irtie    du  clergé  infé- 
rieur qui  n'étoit  attaché  à  aucune  églife.  Comme 
leur  état ,  qui  n'étoit  point  d'être  occupés  aux  fonc- 
tions  du   miniftére ,  leur  permettoit  de  vivre  en 
communauté  ,  les  évêques  crurent  que  rien  n'étoit 
plus  propre  à  leur  faire  pratiquer  les  vertus  ecclé- 
fiidiques  ,  que  la  vie   régulière.  Ils  l'introdulfirent 
donc   dans  leurs  chapitres  ;  & ,  pour  encourager 
une  fi  fainte  inftitution  ,  ils  affignèrent  à  ces  com- 
mun.ttités  des  fonds  oc  des  dixmes  qui  pufiént  four- 
nir à  leur  fubfifiance  ,  c'eft-à-dire  ,  qu'ils  partagè- 
rent entr'eux  &  leurs  chapitres,  ce  qui  refioit  à 
l'églife  de  fonds  adminiflrés  en  commun.  Voii.i 
l'origine  des  menfes  des  chapitres  &  des  évêques. 
Les  chapitres  qui  avoient  embrafle  la  vie  régulière 
avec  la  plus  grande  ardeur,  ne  furent  pas  long- 
temps fans  l'abandonner;  les  chanoines  fe  partagè- 
rent alors  les  revenus  de  leur  églife  ,  qu'ils  avoient 
poffédés  jufque-là  en  commun.  Ainfi  fe  formèrent 
les  prébendes  ;  &  par  ce  moyen  toutes  les  places 
eccléfiaftiques  devinrenrdes  titres  de  bénéfices  à  la 
fin  du  neuvième  fiècle. 

Ce  fut  fur  tout  rétabli (Tement  des  titres  de  béné- 
fices qui  multiplia  les  ordinations  vagues.  Dans  les 
trois  premiers  fiècles  de  l'églife  ,  on  n'ordonnoit 
aucun  Prctre  qu'il  n'en  fût  befoin.  Aufii  n'en  trouve- 
t-on  pas  alors  qui  n'aient  des  fondions  à  remplir  & 
dont  la  fubfiftance  ne  foit  alTurée  fur  les  offrandes 
des  fidèles.  Il  efi  vrai  que  ,  dès  le  quatrième  fiècle  » 
on  a  déjà  quelques  exemples  de  Prêtres  qui  ne  font 
attachés  à  aucune  églife  ;  cependant  ces  exemples 

X  X  X  ![ 


^31  PRETRE. 

font  fi  rares,  qu'il  n'en  pouvoir  réfiilter  d'încon- 
vjnient.  Mais  lorfque  tous  les  offices  &  toutes  les 
places  eccléfiaftiques  fe  furent  formes  en  titres  de 
bénéfices  ,  les  titulaires  ,  qui  fe  trouvoient  affurés 
de  percevoir  leur  revenu  même  en  négligeant 
de  remplir  leurs  devoirs  ,  eurent  bientôt  befoin  de 
vicaires  dans  tous  les  genres  ,  pour  les  remplacer. 
Les  chanoines  des  cathédrales  &  des  collégiales 
prirent  des  eccléfiaftiques  gagés  pour  célébrer  l'of- 
ri  je  à  leur  place  ;  les  curés  eurent  befoin  de  vicaires 
qui  deffc:rvirent  leurs  cures  en  tout  temps,  ou  feule- 
ment toutes  les  fois  qu'ils  ne  jugeoient  pas  à  propos 
«le  le  faire  eux-mêmes.  Il  fallut  fi  fouvent  rempla- 
cer les  titulaires  ,  qu'on  fut  obligé  d'ordonner  des 
Prêtres  qui  ne  fultent  attachés  à  aucune  fonélion 
particulière  ,  mais  qui  fuflent  toujours  prêts  à  rem- 
plir les  fondions  des  autres.  Les  évéques ,  dans  les 
douzième  &  treizième  fjècles  ,  favorisèrent  eux- 
mêmes  cette  multiplication  de  Prêtres  fans  titres  & 
fans  places  ,  pour  tenir  un  plus  grand  nombre  de 
pcrfonnes  foumifes  à  leur  juridiâion.  Ceft  ainfi 
que  s'eft  introduite  dans  l'églife  une  claffe  nom- 
breufe  de  Prêtres  qui  ne  font  attachés  à  aucune 
fonélion,  &  qui ,  par  cela  même,  ont  toujours  été 
Se  feront  toujours  une  efpèce  de  mal  pour  l'églife  , 
parce  qu'en  général  la  trop  grande  multiplicité  des 
Prêtres  doit  plutôt  la  furcharger  que  lui  être  utile  , 
&  contribuer  fur-tout  à  l'aviliffement  du  caraiRèrc 
facerdotsl. 

Ces  Prêtres  font  les  feuls  dont  nous  puiftlons 
dire  quelque  chofe  ici  ;  ce  qui  concerne  les  cur^'s  , 
les  ch.molnes  ,  &  les  autres  qui  ont  quelque  place 
ou  quelque  fondion  particulière,  ayant  été  traité 
en  fon  lieu. 

En  général,  un  Prêtre  ne  peut  quitter  fon  dio- 
cèfe,  bc  paffer  dans  un  autre,  dans  lequel  il  n'a 
point  de  titre,  fans  un  cxeac  de  fon  évêque.  Vexeat 
eft  une  permilTion  que  donne  un  évêque  à  un  Prê- 
tre pour  fortir  de  fan  diocèfe. 

Un  Prêtre  qui  n'a  point  de  titre ,  ne  p':;ut  prêcher 
fans  la  pomiiTion  de  l'évêque  ;  &  l'évêque  peut 
toujours  lui  refufer  cette  permiffion,  fans  qu'il  y 
ai:  de  voie  ouverte  pour  le  forcer  à  la  donner. 

Il  en  cÙ.  de  même  de  la  confeffion  ;  il  f;iut  à  un 
Prêtre  qui  n'a  point  de  titre  ,  une  approbation  fpé- 
ciale,  pour  qu'il  puiiTe  entendre  les  confeflîons  ; 
&  l'évêque  eft  toujours  maître  de  retirer  cefie  ap- 
probation ,  quand  même  il  l'auroit  donnée  ,  &  cela 
fans  être  tenu  d'alléguer  aucune  raifon  du  refus 
qu'il  fait  de  la  continuer  plus  long-temps.  ( /irr^- 
cle  de  M.  C.ibbé  Laubhy  ,  avocat  au  par!em':nt  ). 

PRÉVAPvlCATiON.On  entend  principalement 
par  le  mot  Prévarication  ,  l'infraélion  des  oiîiciers 
de  juftice  à  leurs  devoirs. 

11  eft  des  Piévaricntlons  de  plufieurs  fortes  & 
qui  ont  différentes  caufes  :  l'intîrêt  ,  l'ignorance 
&  la  partialité  nen  (ont  malheureufement  que  trop 

n.iître. 

Une  des  Prévaiications  les  plus  odieufes  &  les 

plus  batlis  pour  un  ji'g- ,  cq(\  de  mettre  à  coiitrj- 


PRÉVARIC  ATION. 

butlon  la  follicitude  du  plaideur  ,  de  tirer  de  lui  , 
par  des  moyens  direds  ou  indireils ,  de  l'argent 
ou  des  préfens. 

Les  mains  d'un  juge  doivent  être  pures  comme 
fes  intentions  ;  &  qu'a-t-il  befoin  d'être  riche.* 
La  fimplicité  ,  la  modeftie  font  les  plus  beaux 
ornemens  de  l'équité;  moins  il  eft  opulent ,  plus 
il  eft  noble  à  lui  d'être  incorruptible:  ne  fût-ce 
que  pour  ne  pas  paroître  avoir  jamais  cédé  aux 
lollicitations  de  la  fortune,  il  devroit  mettre  fon 
orgueil  dans  les  dehors  de  la  médiocrité,  &  même 
d'une  indigence  décente. 

Le  riche  ,  le  pauvre  doivent  donc  trouver  chez 
lui  le  même  accès  ;  &  s'il  lui  étoit  permis  de  prêter 
à  l'un  plus  d'attention  qu'à  l'autre,  ce  feroit  en  fa- 
veur de  celui  qui  femble  avoir  plus  befoin  de  réuf- 
fir  dans  fes  demandes  :  mais  la  véritable  juftice 
confifle  à  fermer  les  yeux  dev.int  les  ipparences, 
&  à  n'écouter,  à  ne  voir  que  le  fonds  de  laqueftion 
portée  à  fon  tribunal. 

Si,  comme  s'accordent  à  le  dire  tons  les  crimi- 
naliftes  ,  un  juge  eft  coupable  lorfqifil  abfout  un 
accufé  pût  intérêt,  combien  ne  l'eft-il  pas  lorfque 
parle  même  motif  il  donne  à  l'un  ce  qui  appar- 
tient à  l'autre! 

Mais  fa  Prévarication  eft  bien  plus  révoltante,  & 
ne  peut  pas  être  allez  punie  ,  lorsqu'il  fe  laî/îe 
fubjiiguer  par  les  préfens  ou  Tefpoir  derécompen- 
ùs  ,  pour  tourmenter  un  innocent,  ou  pour  ;ig- 
graver  envers  un  coupable  les  peines  prononcées 
par  la  loi. 

On  peut  réfumer  en  peu  de  lignes  ce  qui  carac- 
térife  le  juge  prévaricateur  ;  il  mérite  d'être  en- 
vifagé  comme  tel  ,  lorfque  par  efprir  de  haine, 
ou  de  partialité ,  il  décerne  contre  un  accufe  un 
décret  plus  fort  que  celui  qu'il  auroit  dû  lancer, 
lorfqu'il  informe  ou  donne  lieu  à  une  accufation 
contre  une  perlbnne  qu'il  fait  être  innocente. 

Lorfqu'il  engage  un  témoin  à  déguifer  ou  à  char- 
ger les  faits  dont  il  doit  dépofer  ; 

Lorfqu'il  cède  à  des  motifs  d'intérêt  perfonncl 
pour  donner  à  une  partie  un  commifiaire  ,  un 
rapporteur ,  ou  un  arbitre  ,  tel  qu'elle  le  défire  ; 

Lorfque  dans  le  rapport  d'un  procès  il  altère  un 
des  moyens  principaux  des  parties  ,  ou  détourne 
une  de  leurs  pièces  ;  enfin  il  prévarique  lorfqu'il 
reAife  déjuger  un  procès  qui  eft  en  état,  ou  s'il 
fait  inférer  dans  le  jugement  une  difpofition  con- 
traire à  celles  qui  ont  été  arrêtées  à  la  pluralité 
des   (ufFrages. 

Suivant  l'authentique  au  code  de  pœnis  jndicis 
q:,i  mali  juJicavic  ,  le  iuge  qui  s'cft  laiffé  corrom- 
pre par  argent  dans  une  catife  civile  ,  doit  être 
condamné  à  la  peine  du  triple,  &  privé  de  (on 
office;  fi  c'eft  dans  une  caufe  criminelle ,  il  doit 
être  condamné  au  bannilTement ,  à  la  confifcation 
de  tous  fes  biens,  &  aux  dommages  &  intérêts  en- 
vers la  partie  léfée. 

Une  affaire  que  les  mémoires  du  fieur  de  Beau- 
marcliais  à  rtndue  û  célèbre  ,  en  177a  ,   a  appris 


'     PRÉVARICATION. 

aux  juges  combien  ils  doivent  furveiller  ceux  qui 
les  approchent ,  &  prendre  garde  que  leur  femme 
ne  reçoive  des  préfens  de  la  part  des  plaideurs, 
pour  qu'elle  s'intérefTe  à  leur  caufe  d'une  manièle 
particulière. 

L'ordonnance  du  i'>  oâobre  1446  défend  aux 
préfidens  ,  confeillers  de  prendre  par  eux ,  leurs 
gens  ou  familiers  ,  aucun  don  des  parties  fous 
quelque  prétexte  que  ce  foit. 

La  même  defenfe  fe  trouve  confignée  dans  l'ar- 
ticle 118  de  l'ordonnance  du  mois  d'avril  1455, 
dans  celle  de  Blois,  à  l'article  114:  enfin  l'article  94 
de  Tordonnance  de  1629  défend  aux  juges  de  fe 
faire  faire  tranfport  ou  ceffion  par  vente,  donation 
ou  autrement ,  des  biens  au  fujet  defquels  il  y  a 
procès  devant  eux  ,  à  peine  de  nullité  &  d'amende. 

Suivant  la  difpofition  de  l'authentique  novo  jure , 
il  n'étoit  pas  néceflaire  pour  qu'un  juge  fût  dans 
le  cas  d'être  regardé  comme  corrompu  par  aigent,  ' 
que  cet  argent  lui  eût  été  compté  ,  il  fufiîfoit  qu'il 
lui  eût  été  promis,  &  qu'il  eût  confenti  à  le  rece- 
voir. 

Il  faut  le  dire  à  l'honneur  des  mœurs  de  nos 
jours,  i;i  des  juges  a(îluels ,  il  en  eft  peu  même 
cl;ins  les  tribunaux  inférieurs  auxquels  un  plaideur 
oferoit  faire  des  offres  d'argent ,  ou  qui  fe  refpec- 
teroicnt  affez  peu  pour  les  accepter,  mais  il  en 
eft  malheureufement  beaucoup  fur  lefquels  d'an- 
ciens fervices  ,  des  liaifons  de  parenté ,  ou  d'at- 
tachement ,  les  dehors  iinpofans  des  dignités  ;  les 
foUicitations  des  fupérieurs  ou  des  f.:mi!iers,  ont 
une  funefte  influence;  &  comment  alors  convain- 
cre un  juge  qu'il  a  penché  avec  connoiiTance  de 
caufe  vers  TinjuAice  ?  Efl-il  polfible  au  plaideur  , 
vichme  de  cette  partialité,  de  mettre  l'ame  d'i  pré- 
varicateur à  découvert ,  &  de  prouver  que  le  mal- 
heur qu'il  a  eu  de  fuccomber  eu.  l'efîst  de  la  fé- 
duftion  ? 

Combien  de  plaideurs  ont  eu  le  clagrin  de 
voir  triompher  leur  adverfaire  injufiement  ;  ou 
n'en  ont  pas  obtenu  les  dédommagcmens  qu'ils 
avoient  droit  d'en  attendre  ,  parce  qu'ils  n'avoient 
ni  liaifon  ni  accès  chez  leurs  juges ,  &  que  leurs 
parties  oppofées  avoient  fur  eux  cet  avantaee  ! 

La  prife  à  partie  oilre ,  il  eft  vrai ,  à  l'innocence, 
qui  a  éprouvé  des  vexanons  dé  la  part  d'un  juge 
haineux  ou  prévenu,  un  moyen  de  ne  pas  laifier 
fi  Prévarication  impunie;  niaisou;reque  la  plupart 
des  coupables  fubalternes  échappent  à  la  prife  à 
partie,  en  fâchant  avec  art  s'envelopper  dans  les 
formes  ;  il  en  eu  d'autres ,  &  ce  font  les  plus,  dan- 
gereux, qui,  par  la  prééminence  de  leur  rang,  ou 
des  cours  auxquels  ils  font  attachés  ,  fembient  y 
'  être  inacceffibles. 

N0U5  avons  néanmoins  (  mais  dans  des  temps 
reculés)  beaucoup  d'exemples  de  magiftrats  que 
leuis  dignités  n'ont  pas  mis  à  l'abri  de  la  peine 
due  à  leur  Prévarication. 

On  connoît  le  jugement  rendu  contre  le  chnn 
'  ci,\ier  Pbyit  f  qui  fur,  p.ir  arrêt  du  parlement  de 


PRÉVARICATION        535 

Paris,  condamné  à  être  privé  de  fa  charge  de  chan- 
celier ,  déclaré  incapable  de  pofleder  aucun  ofhce, 
condamné  à  looooo  livres  d'amende  envers  le 
roi,  &  exilé  pour  cinq  ans.  Les  principaux  mofifs 
fur  lefquels  portoit  ce  jugement,  étoienr,  dit  l'au- 
teur du  traité  de  la  juflice  criminelle  ,au  mot  mùl- 
vtrfation ,  «  d'avoir  empêché  qu'on  ne  lût ,  avant 
)»  de  rendre  l'arrêt  contre  VamiraL  Chabot,  les  con- 
»  clufionsdu  procureur  du  roi, par  la  raifon  qu'elles 
»  étoient trop  douces,  d'avoir  intimidé  les  juges, 
î»  d'avoir  reproché  à  l'un  de  prendre  beaucoup 
»  de  peine  pour  fauver  un  acçûfé ,  d'avoir  charlgé 
»  des  difpofitions  arrêtées  à  la  pluralité  des  fuffra- 
»  ges ,  d'avoir  ajouté  dans  l'arrêt  les  liiots  iinfidi- 
f>  lue  &  de  déloyauté  ». 

Certainement  fi  ce  chef  de  la  juftice  s'étoit  ren- 
du coupable  de  toutes  ces  Prévarications  ,  il  n'a- 
voit  pas  été  jugé  avec  trop  de  févérité;  mais  on  a 
peine  à  concevoir  comment  ,  s'il  ne  les  avoit  pas 
commifes,  il  a  pu  être  ainfi  avili  &  dégradé,  & 
comment ,  dans  le  cas  contraire  il  a  pu  depuis 
obtenir  des  lettres  d'abolition  &  être  déclaré  in- 
nocent. 

En  1582  ,  Jean  Poifle,  confeiller  au  parlement, 
éprouva  la  févérité  de  la  cour  dont  il  étoit  mem- 
bre ,  pour  s'être  fouillé  d'une  bafTe  cupidité:  il 
fut  convaincu  de  s'être  approprié ,  par  une  frau- 
duleufe  adjudicatiori  "  les  meubles  d'un  nommé 
SùjUne  ,  qui  avoit  été  condamné  à  mort  furfon  rap- 
port. Le  parlement  après  l'avoir  privé  de  fon  of- 
fice, le  déclara  incapable  de  poffédcr  aucune  charge 
de  judicature,  le  bannit  pour  cinq  ans  de  la  pré- 
vôté de  Paris,  le  condamna  à  500  écus  d'amende 
applicable  à  la  rèfe&on  du  palais  ,  5c  à  600  liv. 
envers  les  pauvres. 

Comme  on  ne  peut  pas  arrêter  par  trop  d'ef- 
froi un  crime' qui  a  de  fi  terribles  conféquences  , 
nous  allons  encore  citer  quelques  jugemens  qui 
honorent  autant  les  cours  qui  les  ont  rendus  , 
qu'elles  flétriiTent  les  coupables. 

Par  arrêt  du  parlement  de  Paris  du  20  juin  1 5  28, 
un  confeiller  de  cette  cour  fut  condamné  pour  mal- 
verfation  par  lui  commife  dans  les  fon(flions  de 
fon  office,  à  faire  amende  honorable,  à  la  priva- 
tion de  fon  état,  fut  déclaré  incapable  dexercer 
aucune  charge,  &  revêtu  d'une  robe  de  plébéien  i 
ce  qui  fut  exécuté  dans  la  cour  du  palais, 

M.  de  Thou  rapporre  un  arrêt  du  parlement  de 
Dijon  qui  condamna,  en  M 52,  Raymond  Pelif- 
fon  ,  préfident  au  parlemem  de  Chambery ,  pour 
faufTetéSc  malveifation  commifes  dans  l'exercice 
de  fa  charge,  à  faire  amende  honorable  à  genoux,  lit 
torche  en  main  Mais  une  Prévarication  d'un  genre 
bien  criminel,c'efl  celle  qu'ofa  commettre  un  prévôt 
de  Paris,  en  faifant  fufpendre  à  une  potence  vii 
innocent  à  la  place  d'un  criminel  qui  avoit  été  con- 
damné à  ce  fupplice.  Le  parlement  condamna  ce 
juge  prévaricateur  a  être  attaché  au  même  gibet. 

Le  parlement  de  Touloufe  fe  montra  aulVi  d'une 
févérité  trés-louablc  envers  un  de  fes  mcnnbres  qui 


534       •  PRÉV  ARICATION. 

abufant  d'une  commifTion  particulière  qui  lui  avoit 
été  donnée,  fît  emprifonner  injuftement  un  homme, 
vraifemblablement  pour  fatisfaire  un  reiremimcnt 
perfonnel. 

Plus  le  juge  qui  a  prévariqué  mérite  d'être  pu- 
ni ,  plus  aum  celui  qui  Taccufe  de  Prévarication 
doit  il  être  réfervé  fur  une  lemblable  accufation. 
Elle  né  peut  pzs  être  admife  légèrement.  La  dignité 
de  magiftrat  femble  d'elle-même  la  repouflfer.  Mais 
d'un  autre  côté  ,  fi  le  refpei^  dû  à  la  magiftrature 
ne  permec  pas  qu'on  couvre  un  de  fes  m>;mbres 
au  reproche  de  Prévarication  fans  en  avoir  la  preu- 
,  ve,  u;ie  fois  que  le  plaideur  la  préfente  ,  il  f.tut 
qu'il  foit  facilement  entendu  ,  &  que  les  officiers  fu- 
balternes  foient  même  encouragés  à  lui  prêter  leur 
min  Acre,  loin  de  pouvoir  le  lui  refufcr  fous  des 
confidérations  de  crainte  ou  d'intérêt  perfonnel. 
M  ilheur  à  h  magiftrature  ,  s'il  n'eft  pas  permis  de 
porter  la  lumière  dans  fon  fein  ,  pour  lui  découvrir 
les  taches  q\ii  la  déshonorent  l 

Nous  n'avons  encore  parlé  que  des  Prévarica- 
tions qui  ont  po\ir  caufe  l'intérct  fordide  ,  ou  la  par- 
tialité, il  eneft  qui  proviennent  d'une  profonde  in- 
différence des  m  tgiftrnts  pour  leurs  devoirs  ou  de 
l'averfion  pour  ie  travail  :  quoique  ces  raifons  ne 
foient  pas  à  beaucoup  près  aufli  honteufes  que  les 
autres, leurs  efTets  n'en  font  fouvcnt  pas  moins  pré- 
judiciables, Ainfi,  psr  exemple  ,  un  juge  indolent 
qui  pour  s'éviter  les  peines  d'une  inftruc^ion ,  né- 
glige d'informer  contre  l'auteur  d'un  délit  qui  s'cft 
commis  dans  l'étendue  de  fa  juridiiflion  ,  prcvari- 
que;  car  il  eft  par  état  conftitué  le  vengeur  des 
crimes  qui  troublent  l'ordre  de  la  fociété;  fon  inac- 
tion peut  CB  encourager  d'autres  quiétoient  rete- 
nus par  la  crainte  du  châtiment.  Cette  négligence 
dangereufç  expofe  celui  qui  s'en  rend  coupable  à 
être  deftitué  s'il  eft  prouvé  qu'il  a  eu  connoiflance 
du  délit  qu'il  a  négligé  de  pourfuivre. 

Les  Prévarications  qui  n'ont  pour  caufe  que  l'i- 
gnorance ,  ne  font  pas  pour  cela  excufables.  Un  juge 
doit  connoitre  les  obligations  que  lui  impofent  les 
fon£lions  dont  il  eft  revêtu  ,  &  ce  que  les  ordon- 
nances lui  prefcrivent.  L'article  142  de  l'ordon- 
nance du  mois  d'août  1539,  porte  :  «  que  les  juges 
>>  qui  feront  trouvés  avoir  fait  des  fautes  notables 
>>  en  l'expédition  des  procès  criminels  ,  feront 
«  condamnés  en  de  fortes  amendes  envers  le  roi 
t>  pour  la  première  fois:  pour  la  féconde,  fufpen- 


L'article  14?  delà  même  ordonnance  ajoute  qu  ils 
feront  condamnés  aux  dommages  &  intérêts  en- 
vers les  parties,  félon  la  qualité  des  matières. 

C'eft  en  conféquence  de  cette  loi  que  par  arrêt 
du  parlement ,  en  date  du  9  feptenibre  1720  ,  les 
officiers  du  bailliage  de  Saunnir  furent  condamnés 
ài300Q  livres  dédommages  &  intérêts  envers  la 
veuve  du  fieur  de  Beaupré  ,  qui  expira  fur  la  roue 
Duoiqu'innocent,  U  fentçnce  qui  renfermoit  cette 


PREVARICATION. 

affteufe  condamnation,  étoit  la  fuite  d'une  mé- 
prifc  grofTière  :  on  peut  voir  les  détails  de  cette  af- 
fligeante affaire  dans  le  tome  4  de  la  première  édi- 
tion des  caufes  célèbres. 

Farinacius  prétend  avec  raifon ,  qu'un  juge  qui 
par  une  ignorance  inexcufable  condamneroit  un 
innocent  à  mort  contre  la  difpofition  des  ordon- 
nances, pourroit  être  puni  d'une  peine  capitale. 

Si  les  Prévarications  des  magiilrats  doivent  être 
févérement  punies  lorsqu'elles  ont  des  motifs  hon- 
teux &  des  effets  préjudiciables,  celles  des  fubal- 
tcrnes  officiers  de  juftice  ne  méritent  pas  moins 
d'être  réprimées.  Combien  elles  font  fréquentes  , 
combien  une  infatiabie  cupidité  ne  fait-elle  pas 
commertre  d'iniquités  obfcures  aux  procureuis,  aiix 
huiiîicrs  !  Les  uns  enflent  leurs  frais ,  abufent  ûa 
pouvcftrs  des  parties  ,  trahiffent  leur  confiance ,  for- 
ment des  demandes  dont  l'injuflice  leur  eftcon-» 
nue,  dévorent  les  biens  des  mineurs,  diffwnulcnt 
des  offres  qui  leur  ont  été  laites  ,  s'appliquent  dts 
fonds  qu'ils  ont  reçus  ,  ou  ne  dikontiauent  leurs 
inutiles  écritures  qu'après  les  avoir  épuifcs. 

Les  autres  fe  rendent  criminels  d'une  Préva- 
rication très-puniffable  ,  &  dont  il  eft  fouvent 
difficile  de  les  convaincre  ;  c'efl  en  ne  portant 
pas  les  affigaations  que  leur  mipiflère  les  af- 
fujettit  à  remettre  en  perfonne;  par-là  ils  expo- 
sent la  partie  affignée  à  des  frais ,  à  des  condam- 
nations ,  à  des  prifes  de  corps  qu'elle  auroit  pré- 
venus fi  elle  eût  euconnoiffance  dès  l'origine  de 
la  demande  formée  contre  elle.  Combien  de  fois 
ces  officiers  n'excèdent-ils  pas  les  bornes  de  leur 
pouvoir  dans  les  exécutions  qui  leur  font  confiées  ! 
chargés  de  faire  des  fii/îes  ,  ils  détournent  une 
partie  des  effets  qui  font  cenfés  être  fous  la  main 
de  îajuftice,  8f  qui  ne  font  que  fous  celle  de  la 
rapine.  Ils  jettent  l'épouvante  dans  le  fein  d'une 
pauvre  famille  effrayée  de  leur  apparition  ,  & 
tirent  de  fon  effroi ,  non  pas  de  quoi  fatisfaire  le 
créancier ,  mais  feulement  de  quoi  appaifer  leur 
foif  ardente  ,  &  ne  difparoiffent  que  pour  revenir 
plus  terribles.  Enfin  ils  affeélent  de  ie  rendre  re- 
doutables pour  mettre  la  gêne  à  une  plus  forte 
contribution. 

Voilà  les  miniflres  odieux  de  la  ju/lice  qui  la 
déshonorent,  &  feroient  fouvent  defirer  qu'il  n'y 
en  eût  plus  fur  la  terre ,  parce  qu'elle  produit  fans 
le  vouloir  ,  plus  de  ravages  parmi  les  hommes 
qu'elle  ne  répand  de  biens. 

Ces  diverfes  Prévarications  font  punies  de  l'in- 
terdiâion  lorfqu'elles  font  dénoncées  ;  mais  il  en 
eft  beaucoup  qui  reftent  impunies  par  la  faute  des 
parties  qui  n'ofent  s'en  plaindre.  Les  magiftrats 
ne  peuvent  trop  inviter  le  public  à  les  leur  dé- 
noncer ,  afin  de  les  réprimer  ,  &  d'effrayer  par  des 
exemples  répétés  ceux  qui  feroient  tentés  d'en  com- 
mettre de  femblables. 

Nous  aurions  donné  beaucoup  trop  d'étendue  à 
cet  article ,  fi  nous  euffions  préfenté  les  Prévari- 
cations de  tout  getire  comraifes  parles  officiers  de 


PRÉVENTION. 

juflice  ,  tels  que  les  greffiers ,  les  commilTaires ,  les 
notaires.  Mais  on  peut  voir  aux  mots  qui  font  fous 
leurs  dénominations  particulières ,  les  obligations 
qui  leur  font  impofées  ,  &  conféquemment  les  Pré- 
varications dont  ils  fe  rendent  coupables  en  s'en 
écartant  :  ainfj ,  par  exemple  ,  l'exafîitude  &  la 
fidélité  dans  la  rédaction  des  jugemens  étant  le 
principal  devoir  du  greffier,  la  moindre  altération 
de  fa  part  eft  une  Prévarication. 

Comme  rien  n'eft  plus  effenticl  pour  un  dépofi- 
taire  public  que  de  refpetSler  les  fonds  qui  lui  font 
confiés;  &  pour  un  officier  chargé  de  donner  la 
foi  en  juftice  aux  volontés  dâs  parties ,  que  de  les 
préfentcr  telles  qu'elles  ont  été  arrêtées  entr'elles  , 
toutes  les  fois  que  le  notaire  fe  permet  de  toucher  à 
la  fomme  dépofée  entre  fes  mains  ,  ou  de  changer  , 
d'altérer  la  volonté  de  ceux  qui  ont  contrarié  en 
fa  préfence  ,  il  prévarique.  Il  commet  encore  une 
Prévarication  puniffable  lorfqu'il  prête  fon  minif- 
lère  à  la  fraude  ,  à  Tufure.  Le  commifiaire  prévari- 
que ,  s'il  abufe  du  pouvoir  qui  lui  eu  confié  provi- 
foirement  de  faire  emprifonner  les  perturbateurs 
ou  l:s  femmes  de  mauvaife  vie.  Il  prévarique  ,  s'il 
néglige  dans  le  cours  des  inventaires,  loriqu'iKip- 
pofe  les  fcellés ,  de  conferver  foigneufcment  les 
intérêts  des  abfens.  Enfin  il  prévarique  fi  les  en- 
quêtes dont  il  eft  chargé  ne  font  pas  faites  avec 
vérité  ,  exaâitude  &  impartialité;  c  efl:  aux  magif- 
trats  qu'il  appartient  de  punir  ces  diverfes  Prévari- 
caiior.s  fuivant  leur  gravité  &  le  tort  qui  a  pu  en 
iclultcr  toutes  les  fois  qu'ils  les  découvrent. 

Nous  ne  parlerons  pas  ici  des  Prévarications  qui 
portent  fur  le  faux  ,  ou  qui  ont  les  caraéîéres  de  la 
concuffion  8f  du  péculat ,  parce  qu'il  en  a  étéquef- 
tion  dans  les  nrii  les  préfentés  îbus  ces  noms-là. 
Nous  aurions  dcfiré  en  avoir  moins  à  dire  fur  un 
fujet  qui  a  empoifonné  un  remède  que  la  fageffe 
humaine  avoit  imaginé  pour  conferver  les  proprié- 
tés ,  maintenir  l'ordre  dans  la  fociété ,  &  afliircr 
rcxiJftcnce  de  fes  membres.  (  Ctt  article  ejl  de  M. 
DE  LA  Cnoix  ^  avocdt  ). 

PRÉVENTION.  Ceft  le  droit  cîu'un  juge  a  de 
connoître  d'une  affaire  ,  parce  qu'il  en  a  été  fsifi 
le  premier  ,  &  qu'il  a  prév;;nu  un  autre  juge  à  qui 
la  connoiiTance  de  cette  même  affaire  .Tppartenoit 
naturellement,  ou  dont  il  pouvoit  également  pren- 
dre connoiiTance  par  Prévention. 

La  Prévention  eft  ordinairement  un  droit  qui 
eft  réfervé  ?,u  juge  fupériîur,  pour  obliger  celui 
qui  lai  efl  inférieur,  de  remplir  fon  mlniftère  ; 
cependant  elle  eft  aufti  accord.'c  rtfpeélivement 
à  certains  juges  égaux  en  pouvoir  6c  indépen- 
dans  les  uns  des  aunes  ,  pour  les  exciter  mu- 
tuellement à  faire  leur  devoir  ,  dar^s  la  crainte 
d'être  ilépoiùll-s  de  ra/fairs  par  \\n  autre  juge  plus 
vigilant.  '' 

On  difiingue  deux  fortes  de  Préventions  ;  fa- 
\o\t  ,\z  Prévention  varf.ttf  ^  quia  lieu  fans  ch.irge 
de  renvoi,  &  la  Prévention  irnrarfjiie,  qui  a  lieu 
à  la  charge  du  renvoi ,  c'eft- à-dire,  qui  iaifte.lc 


PRÉVENTION. 


555 


«roit  de  décliner  la  juridiélion  ,  &  de  demander  qu6 
la  caufe  foit  renvoyée  devant  un  autre  juge. 

La  Prévention  peut  avoir  lieu  par  l'ofticc  du  ju- 
ge ,  ou  <ur  la  requête  d'une  partie  privée. 

La  Prévention  d'office  eft  toujours  parfaite,  & 
elle  a  lieu  de  la  part  du  juge  fupérieur  fur  l'in- 
férieur, en  matière  de  police,  en  matière  de  voi- 
rie ,  &  en  général  en  toute  matière  qui  concerne 
le  bien  public ,  &  qui  intéreffe  le  niiniftère  des 
gens  du  roi. 

La  Prévention  parfaite  peut  avoir  lieu,  à  la  re- 
quête des  parties  privées,  en  faveur  dts  baillis 
ik  des  prévôts  royaux ,  fur  les  juges  des  feigneurs  , 
en  matière  de  complainte.  C'eft  une  dilpofition 
de  redit  de  Cremicu ,  U.  c'eft  ce  qu'ont  jugé  di- 
vers arrêts,  &  particulièrement  un  du  21  juin 
1614  ,  rendu  pour  les  officiers  du  préfîdial  de 
Riom,  contre  ceux  du  duché  de  Montpenfier. 

Cette  Prévention  produit  fon  effet ,  nonobllant 
toute  revendication  de  la  part  des  t'eigneurs  hauts* 
jufiicicrs. 

Au  refte  ,  cette  Prévention  parfaite ,  qui  avoit  au- 
trefois lieu  en  faveur  des  baillis  (ur  les  prévôts 
royaux  de  leur  reilort,  n'y  a  plus  lieu  depuis  la 
déclaration  du  mois  de  juin  1559,  «"entlue  en  inter- 
prétation de  T'idit  de  Cré.i-sieu. 

Quand  il  s  agit  de  la  confervation  des  privi- 
lèges des  univerùrcs  ,  les  baillis  ont  la  Préven- 
tion parfaite  lur  les  p:évôrs  ,  dans  les  endroits 
où  la  connoifiance  de  ces  privilèges  leur  eft 
attribuée. 

Les  baillis  &  les  autres  juges  d'rppel  ont  pa- 
reillement la  Prévention  parfaite  furies  juges  in- 
férieurs de  leur  reftort ,  pour  raifon  des  caufes  des 
hôpitaux.  C'eft  ce  qui  réfulte  d'une  déclaration  du 
20  acjût  1732  ,  fervant  de  léglement  entre  le  par- 
lement ,  les  requêtes  du  palais ,  &  les  préfidiaux  de 
Bretagne. 

Les  baillis  ontauffi  la  Prévention  parfaite  fur  les 
prévôts  aux  fi  -ges  des  affifes.  C'eft  une  difpofition 
de  redit  de  Crémieu  ,  &  d'un  arrêt  du  5  juin 
1650  ,  rendu  entre  les  officiers  de  la  prévôté  & 
cv-ux  du  bailliage  de  Montdidier,  rapporté  au  jour- 
nal des  audiences. 

En  matière  réelle ,  le  juge  de  l'endroit  où  la 
chofe  eft  fituée,  a  la  Prévention  parfaite  fiirle  juge 
du  domicile  du  défendeur. 

La  Prévention  eft  pareillement  parfaite  en  fa- 
veur des  juges  ordinaires  ou  des  jugts-confuls,  lotf- 
qu'un  bourgeois  a  fait  affigncr  devant  les  uns  ou 
devant  les  autres  un  marchand  ou  artifan  ,  pour 
rai(bn  de  fon  commerce.  C'eft  ce  qui  réfulte  de 
l'article  10  du  titre  12  de  l'ordonnance  du  mois  de 
mars  1673. 

La  Prévention  imparfaite  du  juge  fupérieur  fur 
l'inférieur  ,  dans  les  cauf-s  intentées  a  la  requête 
des  parties  privées  .  a  toujours  lieu  en  faveur  des 
ba  l'is    &  des  prévôts  royaux    fur  les   jugts  des 

IiL'gneurs,  à  la  change  du   renvoi  lorfque  le  fei- 
gacur  le  demande.  Muis  \\  le  feigneur  ne  le  de- 


53<^ 


PRÉVENTION. 


mande  pas  ,  le  juge  royal  fupérieur  a  le  droit  de 
connoïtre  de  la  caufe  par  Prévention  ,  quand  mê- 
me la  partie  aflignée  dcmanderoit  le  renvoi  de- 
vant le  premieti  juge  de  fon  domicile.  C'eft  ce  qui 
réfulte  de  l'arrêt  du  parlement  du  15  novembre 
1554,  portant  vérification  de  la  déclaration  du  7 
juin  de  la  même  année  ,  donnée  en  interprétation 
de  l'édit  de  Crémieu. 

Dans  quelques  coutumes  ,  la  Prévention  du  juge 
fupérieur  fur  l'inférieur  a  lieu,  tant  au  civil  qu"au 
criminel ,  comme  en  Anjou  ,  où  la  coutume ,  ar- 
ticle 62 ,  dit ,  que  le  roi ,  comme  duc  d'Anjou ,  a 
rejjort  &  fufcraineté  fur  les  fujets  dudit  pays  ,  tant 
en  cas  d'appel  qu  autrement;  que  les  comtes  ^  vicomtes, 
barons  ,  châtelains  ,  &  autres  fdigneurs  de  fiefs  ,  l'ont 
aujfi  chacun  à  leur  égard;  qu'en  outre  ledit  duc  d'An- 
jou^ &  le  (dits  comtes ,  vicomtes  ,  barons,  feigneurs  , 
châtelains  &  autres  ,  de  degré  en  degré ,  ont ,  par  Pré- 
vention ,  la  connoiffance  de  tous  cas  criminels  &  ci- 
vils ,  ert  toutes  allions  civiles  ,  réelles  &  perfonnelles , 
fur  leurs  vajfaux  &  les  fujets  de  leurs  vajfaux ,  juj- 
quà  ce  que  Uns  contejlaùon  [oit  faite  ,  pour  laquelle 
les  parties  /oient  appointées  en  faits  contraires  & 
requêtes. 

Il  y  a  encore  quelques  autres  coutumes  qui  ont 
des  tlifpofitions  à-pcu-près  femblables. 

Le  chàtelet  de  Paris  jouit  du  droit  de  Préven- 
tion fur  les  juflices  fcigncuriales  de  la  ville,  des 
fauxbourgs  &  de  la  banlieue  de  Paris  ,  tant  en 
matière  civile  que  criminelle  ,  quoique  la  cou- 
tume foit  muette  fur  cela  ;  &  il  a  été  maintenu 
dans  ce  droit  par  un  grand  nombre  d'arrêts  an- 
ciens &  modernes. 

L'un  du  7  mars  172^  ,  rendu  entre  le  procu- 
reur du  roi,  les  commifTaires  au  chàtelet  &  les 
religieux  de  fainte  Geneviève,  a  ordonné  l'exé- 
cution des  lettres-patentes  obtenues  en  1713  ,  par 
i'abbé  &  les  religieux  de  fainte  Geneviève  pour  leur 
juftice ,  mais  fans  préjudice  du  droit  de  Préven- 
tion appartenant  aux  officiers  du  chàtelet  dans  la 
ville  &  les  fauxbourgs  de  Paris. 

Un  autre  du  15  janvier  1739  ^  maintenu  pro- 
vifoirement  les  officiers  du  chàtelet  dans  le  droit 
d'appofer  les  fcellés  par  Prévention  d^ins  l'en- 
clos du  bailliage  de  l'abbaye  de  faint-Germain- 
des-Prés. 

Un  troifième  arrêt  rendu  ,  comme  les  précé- 
dens,  au  parlement  de  Paris  le  9  décembre  1744, 
a  jugé  ,  contre  les  religieufes  de  Montmartre , 
<jue  le  commifTaire  Regnard  avoit  le  droit  de 
lever  les  fcellés  qu'il  avoit  appofcs  par  droit  de 
Prévention  à  la  nouvelle  France  ,  paroifTe  de 
Montmartre. 

Le  confeil  a  aufTi  rendu  plufieurs  arrêts  con- 
formes à  cette  jurifprudence ,  &  entr'autres  un 
du  3  mai  1739  ,  par  lequel  il  a  ordonné  pro- 
vifoirement  que  les  fcellés  appofés  après  le  décès 
du  prince  de  Guife  dans  l'enclos  du  Temple  à 
Paris  ,  par  le  commifTaire  Blanchard  ,  lefquels 
avoicnt  été  contre  -  fcçllés  par   les  officiers  du 


PRÉVENTION. 

Tetnple  ,  feroient  levés  par  le  même  commifTaire." 

Obfervez  que  quoique  le  droit  de  Piéventioa 
ait  lieu  en  faveur  des  commiffaires  fur  les  juges 
des  feigneurs  dans  la  ville  &  les  fauxbourgs  de 
Paris ,  foit  que  leurs  juftices  refTorti/Tent  ou  ne 
rclTortifTent  pas  nftment  au  parlement ,  il  n'y  a 
pour  cela  aucune  concurrence  entre  ces  commif- 
faires &.  ces  juges  :  c'efî  pourquoi  fi  ceux-ci  ont 
commencé  l'appofition  de  fceilé,  ceux-là  n'y  ont 
aucun  àroit.  Un  arrêt  rendu  en  1747,  entre  les 
,  commiffaires  &  les  officiers  de  la  juftice  de  Mont- 
martre l'a  ainfi  jugé. 

La  Prévention  a  aufTi  lieu  entre  le  juge  ordi- 
naire &  l'ofKcial;&.  tant  que  l'eccléfiaffique  afîi- 
gné  ne  demande  pas  fon  renvoi  de^^ant  l'offlcial, 
ou  que  celui-ci  ne  revendique  pas  l'aflaire  ,  it 
doit  être  jugé  ,  comme  les  autres  fujets  du  roi , 
par  les  juges   ordinaires. 

Quant  aux  pariemens ,  comme  ils  ne  font  pas 
juges  de  première  inflance,  ils  n'ont  pas  droit 
de  Prévention  fur  les  juges  inférieurs  de  leur 
rcHort  ,  foit  royaux  ou  autres  ,  fur-tout  dans 
les  caufes  pouri'uivies  à  la  requête  des  parties 
privées. 

Lorfque  des  juges  qui  peuvent  connoïtre  d'une 
mcme  affaire  concurremment  &  par  Prévention 
parfaite  ,  préviennent  en  même  temps  &  à  la. même 
heure,  celui  qui  a  la  juridiflion  la  plus  difîinguéc 
doit  être  préféré. 

Au  refle  ,  c'efl  en  matière  criminelle  que  la  Pré- 
vention a  particulièrement  lieu  :  elle  a  éié  éta- 
blie pour  exciter  l'émulation  &  la  vigilance  des 
juges ,  8c  pour  empêcher  que  les  crimes  ne  de- 
mc-urafTent  impunis. 

L'exercice  de  ce  droit  efl  ancien  :  on  voit  dans 
les  établifTemens  de  faint  Louis  ,  que  la  Préven- 
tion avoit  lieu  en  certains  endroits  dans  les  ma- 
tières criminelles  ;  c'étoit  celui  qui  avoit  arrêté 
le  criminel  qui  lui  faifoit  fon  procès.  Dans  les  lieux 
où  il  n'y  avoit  pas  de  Prévention  ,  par  l'ancien 
ufage  de  la  France  ,  l'aveu  emportoit  l'homme  , 
&  l'homme  étoit  jufticiable  de  corps  &  de  chdtel  où 
il  couchoit  &  levoit  ;  ce  qui  fut  aboli  par  l'or- 
donnance de  Moulins,  article  3^,  qui  décida  que 
les  délits  feroient  punis  où  ils  auroicnt  été  com- 
mis. La  Prévention  avoit  lieu  partout ,  lorfque 
celui  qui  avoit  arrêté  le  criminel  l'avoit  pris  fur 
le  fait. 

L'article  116  de  l'ordonnance  d'Orléans  porte, 
que  comme  plufieurs  habitans  des  villes  ,  fer- 
miers &  laboureurs,  fe  plaignent  fouvent  des 
torts  &  griefs  des  gens  &  ferviteurs  des  princes  » 
feigneurs  ,  3c  autres  qui  font  à  la  fuite  du  roi , 
lefquels  exigent  d'eux  des  fommes  de  deniers  pour 
les  exempter  de  logement ,  Sc  ne  veulent  payer 
qu'à  difcrétion  ,  il  enjoint  aux  prévôts  de  l'hôtel 
du  roi ,  &  aux  juges  ordinaires  des  lieux  ,  de  pro- 
céder fommairement  ,  par  Prévention  &  concur- 
rence ,  à  la  punition  de  ces  exaélions  6c  fautes,  à 
peine  de  s'en  prendre  à  euxt 


PRÉVENTION. 

Il  y  a  une  différence  eflentielle  entre  la  Préven- 
tion Si  la  concurrence  ;  ccUe-ci  eu.  le  droit  que 
divers  juges  ont  de  connoître  du  même  fait;  de 
manière  que  les  parties  peuv^ent  s'adreiTer  à  l'un  ou 
à  loutre  indifféremment  ;  au  lieu  que  la  Prévention 
eft  le  droit  qu'a  un  juge  d'attirer  à  foi  la  connoif- 
fance  d'une  affaire ,  parce  qu'il  a  prévenu  Se  qu'il 
en  a  été  faifi  le  premier. 

11  y  a  plufieurs  cas  où  la  Prévention  parfaite  a 
lieu  en  matière  criminelle  :  c'efl  ainfi  que  quand 
le  juge  du  lieu  du  délit  a  prévenu  dans  le  cas  d'un 
crime  ordinaire,  les  auires  juges  qui  font  compé- 
tens  pour  connoître  de  ce  crime,  tels  que  ceux 
du  domicile  de  l'accufé  on  de  la  capture  ,  ne  font 
pas  fondés  à  demander  que  l'affaire  leur  foit  ren- 
voyée. 

L'ordonnance  de  Moulins  ,  art.  46  ,  veut  que 
les  préfidiaux  connoiffent  ,  par  concurrence  6c 
Prévention  ,  des  cas  attribués  aux  prévôts  des  ma- 
réchaux ,  vice- baillis  Se  vice-féncchaux  ,  pour  iiîf- 
truire  les  procès  &  les  juger  en  dernier  reffort  ;  Qi 
pareillement  contre  les  vagabonds  &c  gens  f^ns 
aveu  ;  comme  aulîl  que  les  prévôts  des  maré- 
cliaux  ,  vice-baillis  ,  vicefénéchaux ,  puiifent  faire 
le  femblable  ,  6ic. 

Ce  droit  de  concurrence  &  de  prévention  at- 
tribué aux  préfidiaux  pour  les  cas  de  la  compé- 
tence dés  prévôts  des  maréchaux,  vice-baillis  & 
vice-fénéchaux,  leur  a  été  confirmé  par  l'art.  201 
de  l'ordonnance  de  Blois  ,  par  l'art.  15  du  tlt.  pre- 
mier de  lordonnance  criminelle  du  mois  d'août 
1670,  par  la  déclaration  du  29  mai  1702  ,  &  par 
celle  du  5  février  1731. 

L'art.  9  de  cette  dernière  loi  excepte  les  cas 
qui  concernent  les  déferteurs  Se  les  perfonnes 
qui  les  fubornent  &  favorifent.  La  connoiffance 
de  ces  délits  acte  réfervée  aux  prévôts  des  ma- 
réchaux; mais  ils  en  font  peu  d'ufage  ,  attendu 
qu'on  a  coutume  de  renvoyer  les  déferteurs  à 
leurs  régimens  ,  pour  y  être  jugés  par  un  confeil 
de  guerre. 

L'article  7  du  titre  premier  de  l'ordonnance  cri- 
minelle ,  dit  que  les  juges  royaux  n'auront  aucune 
Prévention  entre  eux  ,&  néanmoins  qu'au  cas  que, 
trois  jours  après  le  crime  commis ,  les  juges  royaux 
ordinaires  n'aient  pas  informé  &  décrété  ,  les  juges 
fupérieurs  pourront  en  connoître.  iVIais  voyez  à 
cet  égard  l'article  Prévôt. 

L'article  8  ordonne  que  la  même  chofe  fera  ob- 
fervée  entre  les  juges  des  feigneurs. 

Les  baillis  &  féncchaux  ne  peuvent ,  fuivant 
l'article  9  ,  prévenir  les  juges  fubalternes,  s'ils  ont 
informé  Se  décrété  dans  les  vingt-quatre  heures 
après  le  crime  commis ,  fans  déroger  néanmoins 
aux  coutuiii>:s  contraires ,  nia  l'ufage  du  chàtelet 
de  Paris. 

Les  prévôts,  les  châtelains ,  ainfi  que  les  autres 
jiT^s  ,  Se  même  ceux  des  hauts-jufliciers,  acquiè- 
rent, par  leur  diligence,  la  Prévention  aux  baillis 
&  ienéchaux  fur  les  prévôts  des  niaréchaux  ,  pour 
To^Re  XI JI, 


PRÉVENTION.         537 

les  cas  prévôtaux ,  par  la  nature  du  délit  ,  lorique 
ces  juges  ont  informé  avant  les  prévôts  des  matt- 
chaux  ,  ou  le  même  jour  :  c'efl  ce  qui  réfulte  des  ar- 
ticles 17  &  22  de  la  déclaraton  du  ç  février  173 1. 
Suivant  une  déclaration  du  26  février  1724  , 
lorfque  les  prévôts  des  maréchaux  avoient  décrété 
les  accufés  avant  que  les  décrets  des  fièges  préfi- 
diaux leur  euffent  été  délivrés  avec  fommation  de 
les  mettre  à  exécution,  ils  avoient  la  Prévention  fur 
les  préfidiaux;  mais  cette  difpofition  a  été  changée 
par  l'article  9  de  la  déclaration  du  5  février  173 1  : 
cette  dernière  loi  veut  que,  dans  le  cas  de  concur- 
rence de  procédures  ,  les  préfidiaux  ,  Se  même  les 
baillis  ou  fénéchaux  ,  aient  la  préférence  fur  les 
prévôts  des  maréchaux  ,  fi  ceux-là  ont  informé  Se 
décrété  avant  ceux-ci,  ou  le  même  jour. 

Pour  que  les  préfidiaux  aient  la  Prévention  fur 
les  prévôts  des  maréchaux  ,  il  n'cft  pas  néceffaire 
que  le  décret  foit  exécuté  par  la  capture  de  l'accufé. 
En  cela  ,  la  déclaration  du  5  février  173  i  a  dérog'i 
à  la  déclaration  du  28  mars  1720,  qui  vouloit  que 
lorfque  les  captures  des  accufés  avoient  été  faites 
par  la  maréchauffée  ,  elle  inftruisît  Se  jugeât  les 
procès  ,  quand  même  les  préfidiaux  auroient  dé' 
crété  ks  accufés  avant  elle  ,  ou  le  même  jour. 

Si  le  coupable  ou  accufé  d'un  cas  royal  ou  pré- 
vôiala  été  pris  en  flagrant  délit ,  ou  en  vertu  d'un 
décret  décerné  par  le  juge  des  lieux ,  avant  que  le 
prévôt  des  maréchaux  au  décerné  un  pareil  décret, 
le  lieutenant  criminel  de  la  fénéchauffée  ou  du  bail- 
liage fupérieur  eft  cenfé  ,  comme  on  l'a  vu  ci-deffus, 
avoir  prévenu  le  prévôt  des  maréchaux  par  la  dili- 
gence du  juge  inférieur.  Telles  font  les  difpofitions 
de  l'article  22  de  la  déclaration  du  5  février  173  i- 

L'article  10  de  la  même  loi  veut  que  les  pré- 
vôts , châtelains  ,  Se  autres  juges  royaux  ordinaires , 
même  ceux  des  feigneurs  hauts-jufticiers,  connoif- 
fent, à  la  charge  de  lappel  aux  cours  de  parle- 
m.ent ,  des  crunes  qui,  par  leur  nature,  ne  font 
pas  du  nombre  des  cas  royaux  ou  prévôtaux ,  Se 
qui  ont  été  commis  dans  l'étendue  de  leurs  juAi- 
ces  par  des  vagabonds  Se  gens  fans  aveu ,  ou  par 
perfonnes  repnfcs  de  juflice  ,  Se  cela  concurrem- 
ment Se  par  Prévention  avec  les  prévôts  des  maré- 
chaux. Se  préférablement  à  eux,  s'ils  ont  informé 
Se  décrété  avant  eux  ,  ou  le  même  jour. 

Suivant  l'article  8  de  la  déclaration  du  18  juillet 
1724,  les  prévôts  des  maréchaux  ont  la  Prévention 
fur  les  lieutenans  généraux  de  police ,  pour  inftruire 
Se  juger  les  procès  des  mendians  vagabonds  ,  lorf- 
qu'ils  ont  décrété  avant  les  mêmes  lieutçnans  gé- 
néraux de  police. 

Différentes  lois  ont  attribué  au  prévôt  général  Sc 
aux  généraux  provinciaux  des  monnoies,  la  con- 
noiffance du  crime  de  fabrication  de  fauffe  mon- 
noie  ,  par  Prévention  fur  les  prévôts  des  maré- 
chaux ,  les  préfidiaux ,  Se  les  baillis  ou  fénéchaux 
royaux. 

Les  baillis  &  les  autres  ji:ges  royaux  ont  la  Pré- 

Yyy 


3î8 


PRÉVENTION. 


vcntion  parfaite  fur  les  officiaux  ,  pour  connoître 
des  injures  &  autres  délits  communs  ,  commis  par 
les  cccléfiaAiqiies  :  c'eft  ce  qui  réûilte  de  divers  ar- 
rêts. Un,  encre  autres  ,  du  18  novembre  1664, 
rendu  au  parlement  de  Normandie,  a  refufé  à  un 
pritre  Ton  renvoi  à  l'officialité  ,  l'ur  une  aâion  pour 
fimj)l<;s  injures  ,  intentée  contre  lui  devant  le  juge 
royal. 

L'ajournement  fait  la  Prévention  en  matière  ci- 
vile ;  en  marière  criminelle  ,  c'eft  le  décret  ;  & 
lorfqu'il  y  a  deux  décrets  de  même  date  ,  c'eft  ce- 
lui qui  a  été  mis  le  premier  à  exécution  qui  donne 
la  Prévention. 

Prévention  fe  dit ,  en  matière  bénéficiale  ,  du 
droit  dont  le  pape  jouit  depuis  plufieurs  fiècles  ,  de 
conférer  lej  bénéfices  vacans  ,  lorfque  les  provi- 
fions  qu'il  en  accorde  précèdent  la  collation  de 
l'ordinaire  .  ou  la  préfentation  du  patron  eccléfiaf- 
tique  au  collateur. 

Ce  droit  eft  fondé  fur  ce  que  la  plupart  des  ca- 
noniftes  ont  établi  pour  principe  ,  que  toute  juri- 
ditStion  eccléfiaftique  cft  émanée  du  pape ,  Ôc  qu'é- 
tant l'ordinaire  des  ordinaires,  lorfqu'il  leur  a  ac- 
cordé quelque  portion  de  cette  juridiftion ,  foit  con 
rontieufe  ou  volontaire  ,  il  eft  préfumé  s'en  être  ré- 
fervc  pour  le  moins  autant  qu'il  leur  en  a  accorde  ; 
d'où  les  canoniftes  ont  r.uili  tiré  cette  conféquence  , 
que  quant  à  la  juridiiTtioii  volontaire  ,  le  pape  a 
droit,  non-feulement  de  conférer  par  concurrence 
avec  les  coUateurs  ordinaires,  mais  même  de  les 
prévenir. 

L'auteur  de  la  difcipline  eccléfiaf<ique  prétend 
que  le  droit  de  Prévention  étoit  inconnu  avant  le 
treizième  ficcle.  En  effet ,  les  Papes  Innocent  I1Î&  ' 
Grégoire  IX,  dont  l'un  occupoii  le  faint  fiège  au 
commencement  ,  tk  l'autre  un  peu  avant  le  milieu 
du  treizième  fiécle  ,  parlent  fouvent  des  mandats  Se 
des  réferves  ;  le  premier  dans  fes  lettres  &  fes  ré- 
ponfes  aux  confultaiions  ;  &  le  fécond  dans  fort 
recueil  des  décrétales  ;  mais  ils  n«  font ,  ni  l'un  ni 
l'autre  ,  aucune  mention  de  la  Prévention  ;  il  eft 
donc  vraifemblable  qu'elle  n'a  commencé  à  être 
ufitée  que  vers  la  fin  de  ce  fiècle. 

Au  rsfte  ,  on  peut  confidérer  la  Prévention  com- 
me une  fuite  des  mandats  &c  des  réferves.  Les 
mandats,  dit  M.  Piales  dans  fon  traité  de  la  Pré- 
vention ,  n'étoient ,  dans  l'oiigine  ,  que  des  prières 
ou  de  fimplcs  recommandations  que  les  papes 
adreffbient  aux  collateurs  ordinaires ,  en  faveur  de 
ceux  qu'ils  défuoientêtre  pourvus  de  bénéfices. 

Le  refpeéi  que  les  évêcues  Sk  les  autres  colla- 
teurs avoient  pour  le  chef  de  l'églife,  les  portoit 
à  déférer  à  fes  prières.  Us  n'appercevoient  pas  les 
conféquences  de  cette  déférence  ,  &  ne  faifoient 
pas  attention  que  ces  recommandations  fe  multi- 
plieroient  ,  en  faifant  naître  la  penfée  aux  eccléfiaf- 
liques  ambitieux  d'aller  en  cour  de  Rome,  pour 
en  obtenir  du  pape  par  leurs  importunités  ;  que  les 
prières  des  papes  fe  convertiroient  infenfiblement 
en  ordres  ;  que  la  cour  de  Rome  exigeroit  dans  la  | 


PRÉVENTION. 

fuite  comme  un  droit ,  ce  qu'elle  avoit  d'abord  de» 
mandé  comme  une  grâce  ,  &  qu'elle  uferoit  d'au- 
torité contre  ceux  qui  voudroient  fe  maintenir  dans 
leur  première  liberté  de  conférer  les  bénéfices  de 
leur  collation  à  qui  ils  jugeroient  à  propos. 

Il  ne  fallut  pas  un  fiécle  entier  pour  opérer  ce 
changement  dans  la  difcipline ,  relativement  à  la 
difpofition  des  bénéfices. 

Les  mandats  donnèrent  lieu  aux  réferves  fpécia- 
Ics.  Celles-ci ,  aux  réferves  générales  des  bénéfices  ; 
les  unes  &  les  autres  produifirent  la  Prévention. 

Les  papes  fe  perfuadérent  que  s'ils  avoient  droit 
d'ordonner  à  un  collateur  de  conférer  le  premier 
bénéfice  qui  viendroit  à  vaquer  au  l'ujct  qu'ils  lui 
nommoient ,  ils  pouvoient  bien  fe  réfer\cr  la  col- 
lation de  ce  bénéfice.  Et  comme  il  n'y  avoit  pas 
plus  de  motif  de  fe  réferver  la  coilacioti  de  tel 
bénéfice  que  de  tel  autre,  ils  penOoicnt  i'îc  s'ils 
avoient  droit  de  fe  réferver  la  collation  d'ur  ,  ils 
pouvoient  aufti  fe  réferver  la  collation  de  deux  , 
de  trois,  de  quatre,  &c.  Cette  méthode  con.iiù- 
foit  loin  ,  Se  tendoit  à  établir  que  la  pleine  colla- 
tion Si  difpofition  de  tous  les  bénéfices  ecciéfiaiti- 
ques  appartenoit  au  pape.  Les  papes,  accouvumôs  ^ 
par  l'iifage  d'un  fiècle  ,  à  difpofer ,  par  des  frta;!- 
dats  da proviiit-ndo  ,  des  bénéfices  qu'ils  jugeoient  à 
i)ropos ,  conclurent  que  par  leur  qualité  de  chefs 
de  î'é^'Kfe,  il  falloit  qu'ils  euflèntdroit  ae  difpofer 
de  tous  les  bénéfices  ,  parce  qu'il  n'étoit  p^^s  à  pré- 
ûmier  que  leurs  prédéceffeurs  enfilent  anticipé  fur 
les  droits  des  ordinaires  ,  ni  fe  fuflent  arrogé ,  dans 
la  pratique  ,  un  pouvoir  qui  ne  leur  auroit  pas  réel- 
lement appartenir. 

Clément  IV  ,  qui  monta  fur  le  fainr  fiège  ert 
1 26  j  ,  eft  le  premier  qui  ait  tiré  cette  conféquence 
dune  manière  nette  &  précife  :  fur  le  fondement 
de  ce  faux  principe ,  que  la  pleine  difpofit'on  de 
tous  les  bénéfices  eccléfiaftiques  appartient  à  l  eglife 
romaine  ,  il  fe  réferva  la  pleine  collation  des  béné- 
fices vacans  in  curiâ  ;  èc  c'eft  le  premier  exemple 
d'une  réferve  générale. 

Ce  principe  une  fois  établi,  on  devoit  en  con- 
clure qu'il  étoit  au  pouvoir  du  pape  de  conférer 
toutes  fortes  de  bénéfices,  &  fur  tous  ks  genres  de 
vacance  ,  &.  par  conféquent  de  prévenir  les  colla- 
teurs ordinaires.  On  ignore  quel  eft  le  pape  qui , 
dans  la  pratique,  a  le  premier  tiré  cette  conclufion  ; 
mais  il  paroît  qu'on  ne  tarda  pas  à  la  tirer,  puifque 
Boniface  VIII ,  qui  occupoit  le  fa'nt-fiége  trente 
ans  après  Clément  TV,  décide ,  dans  une  de  fes  dé- 
crétales ,  que  fi  le  pape  ou  le  légat  ont  conféré  un 
bénéfice  à  un  fujet ,  &  que  le  collateur  ordinaire 
ait  conféré  le  même  jour  ce  bénéfice  à  un  autre 
fujet,  en  forte  qu'on  ne  puifle  découvrir  Iciiuel  a 
été  pourvu  le  premier  ,  il  faudra  pré£^rcr  celui  qui 
aura  pris  pofieffion  le  premier  ;  que  fi  aucun  n'a 
pris  pofleflîon  ,  le  pourvu  par  le  pape  ou  par  le 
légat  doit  être  préféré  ,  propter  confcrentls  amplio^ 
rem  prero^aiivam. 

Cette  dtciiion  prouve ,  continue  M.  piales  ,  que  , 


PRÉVENTION. 

dti  temps  die  Boniface  VIII ,  les  papes  s'étoient  déjà 
mis  en  polleffion  d'exercer  la  Prévention  fur  les 
coilateurs  ordinaires. 

Cent  trente  ans  après  ,  c'e/l  à-dire  dans  le  temps 
du  concile  de  Bafle,  le  droit  de  Prévention  étoit 
fi  bien  établi ,  que  les  pères  qui  compofoient  cette 
affemblée  n'osèrent  y  donner  atteinte ,  quoique 
d'ailleurs  très-oppofés  ,  comme  tout  le  monde  fait, 
aux  nouvelles  entreprifes  de  la  cour  de  Rome. 

Mais  dans  l'affemblée  de  Bourges ,  dit  Dumoulin, 
qui  fe  tint  l'an  1438,  il  fut  réfolu  que  le  concile 
feroit  inflamment  fupplié  d'abroger  abfolument  le 
droit  de  Prévention  que  les  papes  &  leurs  légats 
s'étoient  attribué  ;  en  forte  que  les  coilateurs  ordi- 
naires pufTent  conterer  librement  &  fans  aucune 
crainte  d'être  prévenus  ni  par  le  pape  ni  par  fes 
légats,  les  bénéfices  de  leur  collation,  pendant  les  fix 
mois  que  le  concile  de  Latran  leur  avoir  accordés. 

Cette  réfolution  ,  ajoute  ce  jurifconfulte  ,  toute 
juftc  qu'elle  étoit ,  ne  Ait  point  pourfuivie  ni  exé- 
cutée ,  parce  que  le  concile  de  Bafle  fut  rompu  & 
diflîpé  par  les  armées  que  le  pape  avoit  mifes  fur 
pied  ,  avant  qu'on  eût  pu  demander  l'entérinement 
de  ce  décret  de  l'affemblée  de  Bourges. 

La  Prévention  n'étoit  pas  moins  odieufe  aux  Al- 
lemands qu'aux  François,  puifqu'en  conféquence 
de  la  réfolution  prife  dans  le  concile  de  Frifingue , 
ils  chargèrent  leurs  ambaffadeurs  d'en  foUiciter 
4'abolition  auprès  des  pères  du  concile  de  Bafle. 

Le  parlement  de  Paris ,  voulant  fuppléfir  en  quel- 
que manière  à  ce  qu'on  n'avoit  pu  obtenir  du  con- 
cile ,  à  caufe  de  fa  difperfion  ,  fit,  l'an  1446  ,  un 
règlement ,  dont  l'article  premier  porte  ,  que  les 
coilateurs  ordinaires  feront  confervés  dans  l'exer- 
cice de  leurs  droits  &  de  leur  juridiéiion  ;  mais  , 
nonobflant  ce  règlement,  il  paroît que  la  Préven- 
tion continua  d'être  en  ufage. 

Enfin  le  concordat  entre  Léon  X  &  François 
premier  ,  a  afluré  au  pape  le  droit  de  prévenir  les 
coilateurs  du  royaume.  C'eft  dans  le  titre  de  man- 
datis  apojlolicis,  qu'on  trouve  le  droit  établi  au 
profit  du  pape.  Ce  qui  regarde  la  Prévention  paroît 
fi  peu  lié  avec  ce  qui  précède  &  ce  qui  fuit ,  qu'à 
caufe  de  ce  défaut  de  liaifon  quelques  auteurs  ont 
penfé  qu'il  n'y  avoit  été  inféré  que  par  furprife 
faite  à  ceux  qui  préfidérent  pour  le  roi  à  la  rédac- 
tion du  concordat  :  mais  cette  conjecture  paroît 
d'autant  moins  fondée  ,  que  fi  c'eft  un  piège  qu'on 
a  voulu  leur  tendre ,  il  eft  trop  grofîier  ,  pour  pré- 
fumer qu'ils  ne  s'en  feroient  pas  apperçu. 

Les  états  du  royaume  ,  aflemblés  a  Orléans  l'an 
1560  ,  profitant  de  la  mauvaife  intelligence  qui  rè- 
gnoit  entre  la  cour  de  France  &  la  cour  de  Rome, 
perfuadérent  à  Charles  IX  que  le  concordat  n'ctoit 
qu'un  traité  particulier,  qui  étoit  expiré  avec  les 
auteurs  ;  que  par  conféquent  il  avoit  toute  liberté 
de  rétablir  l'églife  gallicane  dans  fes  anciens  droits , 
&  d'abroger  le  droit  de  Prévention  qui  avoit  été 
accordé  au  pape.  C'eft  ce  qui  fut  exécuté  dans  l'ar' 


I^xIÉVENTION.  559 

ticle  2i  de  l'ordonnance  dreficc  dans  cette  affeir.- 
blée. 

Mais ,  peu  après  ,  la  cour  de  Rome  s'éiant  recon- 
ciliée avec  le  roi ,  ce  prince  révoqua  ,  par  une  dé- 
claration datée  de  Chartres,  du  10  janvier  1561, 
tout  ce  qui  avoit  été  flatué  à  Orléans  au  préjudice 
du  concordat ,  8c  rétablit  les  chofes  dans  l'état  où 
elles  étoient  auparavant. 

Le  clergé  de  France  ,  n'ayant  plus  d'efpérance 
d'obtenir  l'abrogation  des  Préventions  de  cour  de 
Rome  ,  fupplia  le  roi  Henri  IV  ,  en  1 596,  de  vou- 
loir bien  en  reftreindre  l'ufage.  Ce  prince  ,  ayant 
égard  à  la  prière  des  prélats  fur  cet  objet  &  fur  plu- 
fieurs  autres ,  fit  dreifer  les  lettres-patentes  du 
mois  de  mai  1596  ,  dont  l'article  1 1  porte  : 

»»  Les  premières  dignités  des  églifes,  tant  cathé- 
»  drales  que  collégiales,  pénltenceries,  prébendss, 
»  théologales  &  préceptoriales  ,  efquelles  particu- 
»  lièrement  la  qualité  Se  capacité  de  la  perfonna 
»  eft  requife  ,  ne  feront  dorénavant  fujettes  ni  af- 
»  fedées  aux  gradués  nommés  ,  ni  autres  grâces 
»  expeûatives  ,  &  ne  pourront  les  coilateurs  être 
»  prévenus  en  cour  de  Rome,  mais  procéderont 
»  aux  éleé^ions  Se  provifions  defdites  dignités  Si 
»  prébendes  dans  les  fix  mois  qui  leur  font  ordojv 
n  nés  par  les  conftitutions  canoniques  ". 

Ces  lettres-patentes  n'ayant  point  étécnregiftrées 
dans  les  cours  fouveraines,  elles  font  demeurées 
fans  exécution  ;  &  la  loi  de  la  Prévention  a  conti- 
nué d'être  en  ufage ,  fans  autres  limitations  que 
celles  que  la  jurifprudence  des  arrêts  y  a  appofées. 

Le  droit  de  Prévention  étant  confidéré  en  France 
comme  une  chofe  odieufe  ,  on  a  long-temps  pré- 
tendu que  le  pape  ne  pouvoit  pas  communiquer  à 
fes  légats  le  pouvoir  de  prévenir  les  coilateurs  or- 
dinaires :  on  voit  que  quand  il  fut  queftion  de  vé- 
rifier les  facultés  du  cardinal  de  Ferrare  ,  envo3é 
en  France  comme  légat  en  1571  ,  le  parlement  de 
Paris  refufa  d'abord  de  les  vérifier  avec  la  claufe 
qui  contenoit  le  pouvoir  dont  il  s'agit  : 

■>■>  La  Prévention  ,  portoient  les  remontrances 
5»  de  cette  cour ,  encore  qu'elle  foit  accordée  à 
»  notre  faint  père  le  pape,  toutefois  elle  n'efl  ac- 
»  cordée  à  fes  légats,  &  eft  baillée  au  pape  par 
»  droit  (^^  Cngulier  &  fpécial ,  qu'il  ne  la  peut  tranf- 
j>  porter  ni  bailler  à  un  autre  ,  ni  en  icelle  confti- 
I)  tuer  vicaires  ni  légats.  Encore  l'églii'e  gallicane 
)»  n'a  accordé  fimplement  les  Préventions  à  notre 
i>  faint-père  le  pape,  ains  a  ù\l^\\Q  infljbunt  ora- 
M  tores  régit  pour  les  empêcher  ,  &  faire  que  le 
M  concile  de  Latran  Se  la  pragmatique  du  roi  faint 
ji  Louis  eût  lieu  ,  laquelle  porte  nommément ,  oue 
»  le  pape  ne  pourra  pourvoir  aux  bénéfices  de  ce 
»  royaume  ,  ni  lever  aucuns  deniers ,  pour  la  pro- 
»  vifion  defdits  bénéfices  ;  ains  qu'il  fera  pourvu 
j)  par  les  ordinaires ,  &c. 

I»  Et  fi  on  vouloir  dire  que  par  les  concordats 
))  cette  difliculté  fut  vidée,  par  lefquels  le  pape 
)>  contrariant  avec  le  roi  Si  la  couronne  de  France, 
n  il  s'eft  réfervé  la  Prévention  r.ux  bénéfices  j  a 

Yyyij 


5^0  PRÉVENTION. 

j)  ce  y  a  double  réponfe.  La  première  efi:  que  les 
T>  concordats  faits  entre  le  pape  &  le  roi,  ont  été 
«  girdés  &  obfervés,  l'a  gardent  &  obfe'rvent  en- 
T>  ire  les  contraftans  &  concord;ins  ,  6f  qu'il  n'eft 
«  pas  permis  par  iceux  à  notre  iVuit  père  le  pape 
»  de  transférer  a  fes  légats  ,  vicaires  &  autres  per- 
"  fonnes  ,  le  droit  &  prérogative  à  lui  accordé  Si 
»  concédé  par  le  roi ,  qui  n'a  jamais  entendu  don- 
'»  ner  ni  transférer  le  droit  de  fa  préfentation  aux 
j>  feigneurs  qu'il  envoie  tous  les  jours  fes  lieiue- 
î>  nants  aux  pays  ,  terres  &  feigneuries  de  fon 
î>  obéilfance;  la  féconde,  que  le  parlement  ne 
»  fait  point  de  fondement  fur  lefdits  concordats  , 
3î  d'autant  qu'ils  ont  été  publiés  contre  plufieurs 
>i  remontrances  de  la  cour ,  &  du  très-exprès  com- 
j>  mandement  du  roi,  ainfi  qu'il  fe  peut  voir  par 
»   les  regiftres  de  ce  faits  ». 

Le  roi  trouva  ces  remontrances  pertinentes , 
comme  il  le  dit  dans  la  lettre  de  cachet  qu'il  ft 
adreifcr  au  parlement  :  mais  des  confidérations  par- 
ticulières empêchèrent  que  fa  majefté  n'y  eût  égard, 
&  elle  ordonna  par  la  même  lettre  de  cachet,  que 
les  facultés  du  légat  feroient  vérifiées  avec  la  claufe 
qui  avoit  été  l'objet  des  remontrances  qu'on  vient 
de  rapporter. 

Dans  la  fuite,  les  légats  ont  ufé  du  droit  de  Pré- 
vention ,  quand  ce  pouvoir  a  été  fpécialement  ex- 
primé dans  les  bulles  de  légation  ;  Si  le  vice-légat 
d'Avignon  eA  aujourdhui  en  pofleflîon  de  prévenir 
les  collateurs  ordinaires  &  les  patrons  eccléfiafli- 
ques ,  pour  les  bénéfices  qui  font  dans  l'étendue 
de  fa  légation. 

Comme  on  tient  pour  principe  parmi  nous,  que 
les  lé;',ats  ou  vice-légats  ne  peuvent  exercer  au- 
cun a6ie  de  juridi6lion  dans  le  royaume  ,  avant 
que  leur  pouvoir  ait  été  confirmé  par  des  lettres- 
patentes  vérifiées  dans  les  cours  de  parlement ,  il 
faut  en  conclure  qu'un  afle  de  cette  nature,  anté- 
rieur à  la  vérification  dont  il  s'agit,  feroit  un  a<5fe 
nul,  &  qui  ne  ppurroit  produire  aucun  effet.  Il 
fuit  de-là ,  que  fi  un  légat  ou  vice- légat  ufoit  de  fon 
droit  de  prévenir  les  collateurs  ordinaires  avant 
que  fes  Tacnhés  fufient  vérinées  ,  on  préféreroit  la 
provifion  de  l'ordinaire  ,  quoique  poflérieure  en 
date  ,  à  celle  du  légat  ou  vice-légat. 

C'eft  en  conformifé  de  cette  règle  que,  par  arrêt 
du  11  août  1594,  le  parlement  de  Paris  déclara 
mille«,î&  de  nul  effet  les  provifions  de  bénéfices 
données  par  les  cardinaux  ('ajetan  &  de  Plaifance, 
avant  d'avoir  montré  leurs  facultés  &  prêté  le  fer- 
ment nccoutumé. 

Suivant  l'article  30  des  libertés  de  l'églife  galli- 
cane ,  le  pape  ne  peut  déroger  ni  préjudicier,  par 
provifions  bénéficiâtes  ou  aurrem^^nt,  aux  fondations 
laïques  &  aux  droits  des  patrons  laïcs  du  royau- 
me ;  il  ne  peut  par  conféquent  conférer  par  Pré- 
vention un  bénéfice  qui  cû  en  parrnnnge  laïc  ,  dans 
les  quatre  mois,  on,  û  c'efi  un  bénéfice  ûtué  en 
Normandie  ,  dans  les  fix  mois  qui  font  accordés  au 
patron  laïc  :  s'il  confère,  la  provifion  eft  nulle; 


PRÉVENTION. 

en  forte  q;ie  quand  il  arriveroit  que  !e  patron  laïc 
ne  fe  plaindroit  pas  de  cette  collation  ,  &  qu'il  né- 
gHgeroit  de  préfenter  dans  le  temps  utile  ,  cette 
provifion  n'en  deviendroit  pas  meilleure;  &  le  col- 
latcur  ordinaire  pourroit ,  après  les  quatre  mois  ex- 
pirés ,  conférer  librement  le  même  bénéfice. 

On  a  même  jugé  au  parlement  de  Paris,  le  12 
mai  1742  ,  que  le  pape  ne  pouvoit  ufer  du  droit  de 
Prévention  pour  les  bénéfices  quiétoient  en  patro- 
nage mixte.  Il  s'agiffoit  dans  cette  affaire  d'une  pré- 
bende de  l'églife  collégiale  de  Chaumont  en  Baffi- 
gny.  Cette  prébende  eft  à  la  préfentation  du  cha- 
pitre, du  maire  ,  des  échevins  ,  &  des  habitansde 
Chaumont.  L'arrêt  eft  rapporté  dans  le  fécond  vo- 
lume du  receuil  de  Barder. 

Les  bénéfices  confiftoriaux,  ceux  qui  vaquent 
en  régale  ,  &  en  général  tous  ceux  dont  le  roi  eft 
patron  ,  nominateur,  ou  coUateur,  font  auffi  exempts 
du  droit  de  Prévention. 

Cette  exemption  a  pareillement  lieu  en  faveur 
des  provinces  où  l'alternative  des  mois  eft  ufitée 
entre  le  pape  &  les  collateurs.  Le  grand  confeil 
l'a  ainfi  jugé  par  arrêt  du  8  oftobre  1626  ,  pour 
la  cure  de  Grandchamps,  diocèfe  de  Vannes  en 
Bretagne. 

Les  dignités  des  églifes  cathédrales  ou  collé- 
giales ,  qui  font  éleélives-confirmatives  ,  ne  peu- 
vent être  conférées  par  les  légats  en  vertu  du  droit 
de  Prévention.  Il  n'en  eft  pas  de  même  des  dignités 
éleftives-coUatives  ,  fuivant  l'opinion  la  plus  com- 
mune de  nos  auteurs  ;  mais  pour  empêcher  la  Pré- 
vention par  rapport  à  ces  dernières  ,  il  fuftit  qu'on 
ait  fait  quelqu'ade  qui  tende  à  ré!e(5îion;  comme 
de  fonner  la  cloche  pour  affembler  le  chapitre  , 
afin  de  procéder  à  léle^lion  ,  de  nommer  des  coih- 
promiffaires,  &c. 

Les  bénéfices  dont  les  cardinaux  font  collateurs 
ne  font  pas  fujets  à  la  Prévention  du  pape  ,  foit 
qu'ils  conféi'ent  feuls  ,  foit  qu'ils  confèrent  conjoin- 
tement avec  les  chapitres.  C'eft  en  conformité  île 
cette  règle,  que,  par  arrêt  du  15  mars  1694,  1^ 
grand  confeil  a  maintenu  Gafpard  Magnon  dans  la 
poffoffion  d'un  canonicat  dont  il  avoit  été  pourvu 
par  le  cardinal  le  Camus,  évêque  de  Grenoble  ,  & 
le  chapitre  de  fon  églife ,  contre  Alexandre  Beau- 
det  de  Beauregard ,  que  le  vice  légat  d'Avignon 
avoit  pourvu  du  même  bénéfice. 

Ce  privilège  des  cardinaux  eft  particulièrement 
fondé  fur  une  bulle  de  Paul  IV. 

On  tient  même  que  les  cardinaux  ne  doivent 
pas  être  prévenus  à  l'cgnrd  dts  bènéfi.cs  dont  ils 
donnent  l'inftltution  fur  la  pré.Q;ntation  des  patrons 
eccléfiaftiques  :  c'eft  ce  qui  réfulte  d'un  arrêt  rendu 
au  grand  confeil  le  i<i  feptembre  1684,  &  d'un 
autre  rendu  au  parlement  de  Paris  le  29  déccrKbre 
1707.  _ 

On  juge  au  grand  confeil  ,  que  les  induits  ac- 
cordés par  les  papes  a  dos  collateurs  qui  ne  font  pas 
cardinaux  ,  pour  conférer  des  bénéfices  réguliers 
en  commende  ,  n'empêchent  pas  la  Prévenfion  , 


PRÉVENTION. 

quoiqu'il  y  ait,  comme  dans  l'induit  du  roi  Cafi- 
mir ,  abbé  de  Saint-Germain  -  des-Prés  ,/c^/i/^  per 
te  ...  .  conferre  vale.is ,  parce  que  cette  ciaufe  ne 
marque  rien  autre  chofe ,  fmon  que  l'induit  eft  per- 
lonnel.  11  n'en  eA  pas  de  même  quand  l'induit  con- 
tient la  ciaufe  de  pouvoir  conférer //éfrè  6*  licite  ^ 
parce  que  la  cour  de  Rome  ne  fe  fert  point  d'au- 
tre formule  que  celle-là  pour  marquer  l'exemption 
du  droit  de  Prévention. 

La  première  queftion  a  été  ainfi  jugée  ,  le  7  juin 
1673  ,  fur  l'induit  de  Cafimir,  &  la  féconde  ,  le  9 
février  1703  ,  fur  l'induit  de  l'abbé  Servien.  L'arrêt 
rendu  fur  l'induit  du  roi  Cafimir ,  eft  rapporté  dans 
le  premier  volume  du  journal  du  palais. 

On  jugeoit  autrefois  que  la  Prévention  du  pape 
&  de  fon  légat,  pouvoir  avoir  lieu  au  préjudice 
des  indultaires  du  parlement  de  Paris  ;  mais  la  ju- 
rifprudence  a  changé  fur  ce  point.  Un  arrêt  du  26 
feptembre  171 1  a  décidé,  en  faveur  dufieurGi- 
raud  ,  que  les  induliaires  ne  pouvoient  plus  être 
prévenus  par  le  vice-légat  d'Avignon  ;  &  un  autre 
arrêt  du  6  août  1720  ,  a  jugé  en  faveur  du  fieur 
de  Ribaucourt,  que  le  pape  même  ne  pouvoit  pas 
conférer  par  Prévention  au  préjudice  de  L-ur  in- 
duit. Ces  deux  arrêts  font  rapportés  par  Duperray 
dans  fes  quefiions  fur  le  concordat. 

C'eft  une  maxime  confiante  parmi  nous ,  que  la 
Prévention  ne  peut  avoir  lieu  lorfque  les  chofcs 
ne  font  plus  entières.  La  faveur  des  ordinaires  iSi. 
la  liainc  contre  h  Prévention  ,  ont  é.é  les  motifs 
qui  ont  fait  établir  cette  jurifprudence. 

Mais  fi  les  auteurs  ont  tous  de  concert  approuvé 
la  maxime  dont  il  s'agit,  ils  n'ont  pas  uniformé- 
ment déterminé  quels  font  lis  actes  requis  pour 
qu'on  puiffe  dire  que  les  chofes  ne  font  plus  entiè- 
res :  il  faut  n  cet  égard  diflinguer  les  coUaûons  li- 
bres des  collations  forcées. 

Dans  les  collations  libres,  le  moindre  afle  de 
la  part  du  collarciir  ,  tenant  à  la  collation  ,  quoique 
d'ailleurs  non  effentiil,  fuffit  pour  empêcher  la 
Prévention.  Le  londement  le  plus  légitime  qu'on 
puilfc  attribuer  à  la  Préveniion  ,  fi  toutefois  elle  en 
p:ut  avoir  ,  c'efi  d'<-riipécher  la  négligence  des  col- 
lateurs.  Or ,  on  ne  peut  accufer  de  négligence  ,  ou 
du  moins  on  ne  peut  punir  comme  négligent,  le 
collateur  qui ,  avant  d'être  dénoncé ,  travaiiloit  déjà 
à  remplir  le  béréfîce  vacant. 

Les  collations  libres,  auffi  bien  que  les  colLitions 
forcées,  ppuvent  être  faites  ,  ou  par  un  feui,  ou 
par  plufieurs  à  qui  le  droit  de  collation  appartient 
en  commun  &  en  quel.jue  man.ére  folidairement. 
Lorfque  la  collation  appartient  à  plufieiirs  en  com- 
mun ,  &  qu'on  y  procède  par  la  voie  de  l'élec- 
tion ,  la  maxime  que  nous  avançons  ,  que  le  moin- 
dre a&e  préparatoire  de  la  part  du  collateur  iuiTu 
pour  empêcher  la  Prévention  ,  a  une  application 
bien  pUîS  ftnfîiile  que  dans  le  c^.s  où  la  collation 
n'appa-tient  qu'à  un  feul. 

Lorfque  le  droit  de  conférer  n'appartient  qu'à 
un  feul ,  les  formalités  font   beaucoup  moindres  ; 


PRÉVENTION.  H^ 

il  n'y  a  prefqiie  point  d'afles  préparatoires.  S'il  y 
en  a,ileft  difficile  de  les  diflinguer,  &  encore  plus 
d'en  faire  la  preuve  :  tout  fe  confoinme  ,  de  la  part 
du  collateur,  par  un  feul  afle.  Cet  afle  eft  la  con- 
fefllon  nîéme  du  titre  ;  tous  ceux  qui  précèdent , 
comme  la  délibération  ,  le  choix  du  fujet,  &c.  font 
de?  afles  inférieurs,  6c  qui  fe  patTent  dans  l'efprit 
&  dans  la  volonté  du  collateur ,  dont,  par  confé- 
quentjOn  ne  peut  adminiftrer  des  preuves.  Ces 
fortes  d'aéles  ne  peuvent  donc  ê:re  mis  au  nombre 
de  ceux  qui  empjchent  la  Prévention.  Si  on  les  y 
admettoit ,  la  Prévention  n'auroit  jamais  lieu,  par 
ce  qu'il  ne  fe  troiiveroit  point  de  collateur,  qui,  fe 
voyant  prévenu  par  le  pape,  ne  pût  alléguer  qu'a- 
vant que  le  pape  eût  accordé  des  provifions  au  pré- 
vcntionnnire  ,  ilavoit  délibéré  fur  le  choix  d'un 
fujet ,  &  avoit  même  léfolu  de  conférer  le  béné- 
fice à  un  tel. 

Difons  plus  ;  quand  un  collateur  auroît  mani- 
fefté  à  l'extérieur  ces  a(^es  de  fa  volonté,  en  dé- 
clarant qu'il  avoit  deffein  de  pourvoir  tel  fujet  du 
bénétlcc  vacant;  quand  il  auroit  donné  commiffion 
à  cUs  perfonnes  de  confiance  &  dignes  de  foi  de 
lui  cîiercher  un  fujet ,  ou  de  déterminer  celui  fur 
lequel  il  auroit  jeté  les  yeux,  d'accepter  le  béné- 
fice; quand  il  auroit  fait  une  collation  verbale;  tous 
ces  ades  &  autres  femblables,  feroient  infuffifans 
pour  empêcher  la  Prévention  ,  parce  que  les  lois  ne 
permettent  pas  d'admettre  la  preuve  par  témoins 
en  pareil  cas. 

\]n  collateur  qui  confère  jure  llbero  ,  n'a  donc 
d'autre  moyen  d'empêcher  la  Prévention  du  pape  , 
que  de  conférer  réellement  &  par  écrit.  11  n'en 
êll:  pas  de  même  des  colla'eurs  qui  confèrent  en 
commun  par  la  voie  de  l'élcflion  ;  cette  éle£lioii 
eft  fujette  à  bien  des  formalités.  Le  titre  du  bc- 
r]élî:e  qu'on  donne  à  l'élu  ,  eft  précédé  d'un 
grand  nombre  d'a£>ts  qui  y  font  relatifs  ,  qui  y 
tendent  &  y  préparent.  Chacun  de  ces  a61es  ,  pris 
fcp.irément  ,  efi  réputé  faire  partie  de  l'ade  de 
collation  ;  la  preuve  en  efl  aifée  à  faire  par  les  re- 
giflres  qui  en  font  toujours  mention  :  car  les  cha- 
pitres ,  les  communautés  ,  ouïes  autres  corps  ec- 
cléfiafiiques  qui  ont  droit  d'éleélion  collative,ne 
s'aflemblent  jamais,  ou  ne  font  aucune  démarche 
tendant  à  une  éleélion  ,  fans  qu'il  en  foit  drefle 
un  a6ie  par  écrit,  qui  eft  porté  i'ur  les  regiflres  de 
la  comp.ignie. 

On  fent  affez,  fans  qu'il  folt  nêcenaire  de  l'ex- 
pliquer ,  la  différence  qu'il  y  a  entre  ces  afles  & 
ceux  qui  précèdent  la  provifion  que  donne  un  colla- 
teur. On  conçoit  aufll  que  les  coilations  qui  fe  font 
par  voie  d'éleâion  ,  ne  peuvent  fe  oonfommer  avec 
la  même  facilité  &  en  auiTi  peu  de  temps  qu'un 
rifle  de  collation  qui  émane  d'un  feul.  Ce  n'cft 
donc  pas  fans  fondement  qu'on  a  attaché  aux 
ailes  qui  préparent  à  l'éleclion  ,  l'effet  d'empêcher 
la  prévention  de  cour  de  Rome  ,  &  qu'on  leur 
attribue  le  même  effet  qu'à  l'afle  même  de  col- 
lation ,  lorfqu'ellc  n'appartient  qu'à  un  feul. 


541  PRÉVENTION. 

Goard  à  prétendu  dans  (on  traité  des  bénéfi- 
ces, que  Dumoulin  avoit  enfeigné  dans  le  nom- 
bre 72  de  la  régie  de  infirmis ,  que  la  collation  faite 
à  un  abfent  n'empêcheroit  pas  la  Prévention  ;  ce- 
pendant, dans  ce  même  endroit ,  ce  jurirconfulte 
dit  pofitivement  qu'une  provifion  de  l'ordinaire  , 
qui  eft  en  Tufpens  ,  qui  peut  devenir  caduque,  foit 
par  la  répudiation  qu'en  fera  le  pourvu  ,  ou  par 
d'autres  raifons,  empêche  la  Prévention.  Il  le  prou- 
ve par  la  difpofition  exprefie  du  chapitre  fi  tibi 
abfent'i  de  fnb.    in  6^.   dans  lequel  il  eft  décidé, 

Îjue  û  un  évêque  a  conféré  un  bénéfice  à  une  per- 
onne  abfente,  cet  évêque,  ni  quelque  autre  col- 
lateur  que  ce  foit ,  ne  pourront  difpofer  de  ce 
même  bénéfice  en  faveur  d'un  autre;  &  que,  s'il 
en  difpofoit,  la  provifion,  même  celle  du  pape, 
leroii  nulle,  quoique  le  colJareur  abfent  n'acquière 
jus  in  bénéficia  (\MQ  par  l'acceptation.  On  peut  même 
dire  en  quelque  manière,  que  ce  bénéfice  eft  tou- 
jours réputé  vacant ,  &  ne  commence  à  faire  im- 
prelfion  fur  la  tête  de  celui  qui  en  a  été  pourvu, 
que  du  jour  qu'il  l'a  accepté.  La  queftion  s'eft  pré- 
fentée  au  grand  confeil  en  1723,  &ya  été  dé- 
cidée par  arrêt  du  17  mars  de  la  même  année, 
dans  les  principes  du  chapitre  fi  tibi  abfenti,  pour 
le  prieure-cure  de  Turquant ,  dépendant  de  l'or- 
dre de  S.  Auguftin  ,  diocèfe  d'Angers.  Ce  béné- 
fice ayant  vaqué  par  la  mort  du  fieur  Gautliier, 
M.  l'évêque  d'Angers  le  conféra  le  11  juillet  1716, 
au  frère  Grudé,  chanoine  régulier  de  la  congré- 
gation de  France ,  abfent  :  le  29  du  même  mois ,  le 
lieur  Valet  s'en  fit  pourvoir  en  coiu"  de  rome ,  avec 
la  claufe  pro  cupiente profiteri:  Si.  fous  le  prétexte  que 
le  pourvu  de  l'ordinaire  n'avoit  pas  encore  accep- 
té fa  provifion  le  19  juillet ,  jour  de  la  date  de  la 
{ignature  de  cour  de  Rome,  le  fieur  Valet  préten- 
dit que  la  Prévention  devoit  avoit  lieu  ,  parce  que 
félon  lui,  la  provifion  de  l'ordinaire  n'empêche 
la  Prévention  que  quand  elle  a  été  acceptée.  Ce 
préventionnaire  fut  débouté  par  l'arrêt  ci-deflus, 
qui  maintint  le  frère  Grîfdé  dans  la  pofleflTion  du 
bénéfice  contentieux- 
La  provifion  donnée  par  le  collateur  ordinaire 
avant  celle  du  pape  ,  empêche  l'effei  de  la  Préven- 
tion ,  quoique  le  patron  eccléfiaflique  n'ait  préfenté 
que  depuis  la  provifion  de  l'ordjnaire,  pourvu  que 
ce  patron  ait  préfenté  dans  le  temps  qui  lui  eft  ac- 
cordé ;  mais  la  préfentation  du  patron  n'a  aucun 
effet,  à  moins  qu'elle  n'ait  été  notifiée  au  colla- 
teur ordinaire  ;  car  le  pape  ne  peut  prévenir  ,  qu'au- 
tant que  les  chofes  font  encore  entières  ;  &  dès  que 
la  préfentation  du  patron  a  frappé  les  oreilles  de 
l'ordinaire ,  la  diligence  du  patron  empêche  la 
Prévention. 

Lorfque  l'ordinaire  a  conféré  le  même  jour  qHC 
ie  pape  ou  le  légat ,  le  pourvu  par  l'ordinaire  eft 

f)référé,  quand  même  l'heure  feroit  marquée  dans 
a  collation  du  pape  ,  &  qu'elle  ne  le  feroit  pas 
dans  celle  de  l'ordinaire  ;  parce  que  celui-ci  étant 
Cur  les  lieux ,  on  préfunie  qu'il  a  prévenu ,  &  que 


PRÉVÔT. 

le  pape  n'a  pas  la  concurrence ,   mais  feulement 
la  Prévention. 

Une  autre  reftricHon  notable  qu'on  a  mife 
à  ce  droit  de  prévention ,  fe  tire  de  la  régie  de 
verijîm'di  nocitiâ  obicûs ,  par  laquelle  toutes  provi- 
fions  de  cour  de  Rome  font  de  nul  effet  ,  fi  , 
entre  le  décès  &  la  date  de  la  collation  du  pape 
il  ny  a  pas  afl^ez  de  temps  pour  que  le  décès  puilfe 
être  parvenu  à  fa  conno'iff^ncc. 

Voyei^  B acquêt  des  droits  de  juftice  ;  Carondas  dant 
fes  pandeEles  ;  C ordonnance  criminelle  du  mois  d^aaiU 
1670  ,  6*  les  commentateurs  ;  le  traité  de  la  jufiice  ci- 
vile &  celui  de  la  jufiice  criminelle  ;  les  ordonnances 
d'Orléans  ,  de  Moulins  6»  de  Blois  ;  le  journal  des  au- 
diences &'  du  palais  ;  le  recueil  de  jurifprudence  ca- 
nonique ;  les  lois  éccléfiafiiques  de  France  ;  Brodeau 
fur  Louet  ;  les  œuvres  de  Dumoulin  ;  le  traite  de  la 
Mfévention  par  Al.  Piales  \  le  diSlionnaire  des  arrêts  ; 
les  mémoires  du  clergé  &c.  Voyez  aufii  les  arricles 
Baillage  ,  Presidial  ,  Prevot,  Cas,  Com- 
pétence ,  Collation  ,  Régale  ,  Patron  , 
Gradué,  &c. 

PREVOT.  C'eftle  titre  qui  eH  attribué  en  beau- 
coup d'endroits  aux  premiers  juges  ,  foit  royaux  , 
foit  feigneuriaux. 

En  quelques  endroits  les  premiers  juges  font 
appelés  châtelains  ;  en  Normandie  ,  on  les  appelle 
vicomtes;  en  Languedoc  &  en  Provence,  on  les 
appelle  viguiers  ,  vicani ,  comme  tenant  la  place 
du  comte;  8c  en  effet,  les  Prévôts,  vicomtes  ou 
viguiers  furent  établis  à  la  place  des  comtes  ,  lorf- 
que ceux-ci  fe  furent  rendus  propriétaires  &  fel- 
gneurs  de  leur  gouvernement. 

Les  Prévôts  font  inférieurs  aux  baillis  &  féné- 
chaux  ;  ceux-ci  ont  l'infpeftion  fur  eux  ;  ils  avoient 
même  autrefois  le  pouvoir  de  les  deftituer  ;  mais 
Philippe  -  Augufte  en  11 00,  leur  défendit  de  le 
faire  ,  à  moins  que  ce  ne  fiit  pour  meurtre,  rapt , 
homicide  ou  trahifon. 

Philippe  le  Bel  ordonna  ,  en  1302  ,  que  les  bail- 
lis ne  foutiendroient  point  les  Prévôts  à  eux  fubor- 
donnés  ,  qui  commettroient  des  injuftices ,  vexa- 
tions ,  ufures  ou  autres  excès  ;  qu'au  contraire  ils 
les  corrigeroient  de  bonne  foi ,  félon  qu'il  paroî- 
troit  jufie. 

Les  Prévôts  dévoient  ,  fuivant  cette  même  or- 
donnance, prêter  ferment  de  ne  rien  donner  â 
leurs  fupérieurs ,  à  leurs  femmes,  leurs  enfans  , 
leurs  domeftiqucs,  leurs  parens,  leurs  amis  ,  & 
qu'ils  ne  feroient  pasà  leur  fetvice. 

11  n'étoit  pas  au  pouvoir  du  Prévôt  de  taxer  le« 
amendes. 

Il  ne  pouvoir  pas  non  plus  pourfuivre  le  paye- 
ment de  fon  dû  dans  fa  ju/lice. 

Une  prévôté  étoit  la  recette  des  droits  du  roi 
dans  une  certaine  étendue  de  pays  ;  il  ne  devoit  y 
avoir  qu'un  Prévôt ,  ou  deux  au  plus  dans  chaque 
prévôté  ;  cela  s'obfervoit  encore  en  1351. 

Ces  prévôtés  furent  d'abord  vendues ,  c'efl-à-dire 
affermées  à  l'enchère  par  les  bailUs  Ù.  fénêchaux  , 


PREVOT. 

an-xcfaels  il  étoît  défendu  de  les  vendre  à  leurs  pa- 
fcns  ni  à  des  nobles. 

Les  baillis  fjîfoient  ferment  qu'ils  n'afierme- 
roïent  les  prévôtés  du  roi  qu'à  des  perfonnes 
Ciipablcs. 

Suint  Louis  ne  voulut  plus  que  la  prévôté  de 
Prris  fût  donnée  à  ferme  coaime  par  le  paffé  ; 
mai;  il  la  donna  en  garde,  en  1251,  à  Etienne 
Boileau. 

Les  autres  prévôtés  continuèrent  néanmoins 
encore ,  pendant  quelque  temps ,  d'être  affer- 
mées. 

En  effet ,  Louis  Hutin  accorda  ,  en  13 1';  »  aux 
habitans  d'Amiens,  que  dans  retendue  du  bail- 
liage de  cette  ville  les  prévôtés  ne  poiirroient 
être  affermées  pour  plus  de  trois  ans ,  &  que 
ceux  qui  les  auroient  une  fois  affermées  ne  pour- 
roient  plus  les  tenir  par  la  fuite. 

Philippe  de  Valois  commença  à  réformer  cet 
abus;  il  ordonna  ,  en  1331,  que  la  prévôté  de 
Laon  ne  feroit  plus  donnée  à  ferme,  mais  qu'elle 
feroit  donnée  à  garde  avecg.Tgts  compètens. 

Par  une  ordonnance  du  15  février  1345  ,  il  an- 
nonça qu'il  defiroit  fort  pouvoir  fupprimer  tous 
les  Prévôts  ;  &  que  dans  la  fuite  les  prévôtés  fuf- 
fent  données  en  garde  à  des  perfonnes  fuffifantes. 

Et  en  effet,  par  des  lettres  du  20  janvier  1326  , 
il  fit  une  défenfe  générale  de  plus  donner  les  pré- 
Vôrés  à  ferme  ,  attendu  les  grands  griefs  &  dom- 
mages que  les  fujets  du  roi  en  fouffroient  ;  il  or- 
donna que  dorénavant  elles  feroient  données  en 
garde  à  perfonnes  convenables ,  qui  feroient  élues 
en  la  forme  prefcrite  par  cette  ordonnance  ,  pour 
les  de/Tervir  ,  &  que  les  clergies  des  prévôtés  , 
c'eA-à-dire  les  greffes ,  feroient  annexées  &  adjoin- 
tes aux  prévôtés  en  payement  des  gages  des  pré- 
vôrs. 

Cependant  ce  règlement  û  fage  n'eut  pas  long- 
temps Ion  exécuuon  ,  parce  que,  félon  que  le  di- 
foit  Piiilippe  de  Valois  ,  la  inHice  en  ètoit  bien 
moins  rendue,  que  les  domaines  dépériffoient  , 
que  d'ailleurs  les  Prévôts  &  gardes  ne  pouvoient 
par  eux  mêmes  faire  aucune  grâce  ni  rémiffion  d'a- 
mendts  ,  même  dans  les  cas  les  plus  favorables; 
mais  qu'il  falloir  fe  pourvoir  pardevers  le  roi ,  ce 
qui  ne  pouvoii  fe  faire  fans  de  grands  frais  ;  c'eff 
pourquoi,  par  une  ordonnance  du  22  juin  1349, 
ce  prii;ce  ordonna  que  les  prévôtés  ,  les  fceaux  & 
les  greffes  des  bailliages  &  prévôtés  feroient  don- 
nés à  ferme  à  l'enchère  ;  m^is  cependant  que  les 
prévôtés  ne  feroient  pas  adjugées  au  plus  offrant  , 
à  moins  que  celui-ci  ne  fût  reconnu  capable  &  de 
bonne  renommée  par  le  jugement  des  perfonnes 
fages  des  lieux  où  léroient  ces  fermes. 

Il  rée;la  encore  depuiï  ,  en  1 3  5 1 ,  que  les  prévô- 
tés w.  feroient  données  à  ferme  qu'à  des  gens  habi- 
les ,  ^ans  reproche  &  non  clercs  ;  que  les  perfon- 
nes notées  ne  pourroient  les  avoir  ,  quand  même 
elles  en  donneroient  plus  que  les  autres  ;  que  les 
Prévôts  fermiers  ne  pourroient  pas  taxer  les  amen- 


PRÉVÔT.  14J 

des.  Cette  fonâlon  fut  réfervée  aux  baillis  ou  aux 
échevins,  félon  l'ufage  des  lieux. 

Charles  V  ,  n'étant  encore  que  régent  du  royau- 
me ,  défendit  de  plus  donner  les  prévôtésà  ferme  î 
il  en  donna  pour  raifon  ,  dans  une  Ordonnance  da 
1356  ,  que  les  fermiers  exigeoient  des  droits  exor- 
bitans. 

Mais  l'année  fuivante  il  ordonna  le  contraire ,  & 
déclara  naturellement  que  c'étoit  parce  qu'elles 
rapportoient  plus  lorfqu'elles  étoient  données  à 
ferme  ,  Qc  parce  que,  quand  elles  étoient  données 
en  garde  ,  la  dépenfe  excédoit  fouvent  la  recette. 

En  conféquence  ,  on  faifoit  donner  caution  aux 
prévôts  fermiers,  lefquels  étoient  comptables  du 
prix  de  leur  ferrae  ,  &  on  faifoit ,  de  trois  ans  en 
trois  ans,  des  enquêtes  fur  la  conduite  de  ces  Pré- 

NÔtS. 

Il  leur  étoit  défendu  de  faire  commerce  perfon- 
nellement  ou    par  des  perfonnes  interpofées  ,  SC^ 
d'être  affociés  avec  des  commerçans. 

Les  gens  d'églife  ,  les  nobles ,  les  avocats  ,  les 
fergens  d'armes  &  autres  officiers  royaux,  ne  pou- 
voient être  récusa  prendre  à  ferme  les  prévôtés  , 
de  peur  qu'ils  n'empêchaffent  d'autres  perfonnes 
d'y  mettre  leurs  enchères ,  Se  que  par  leur  puif- 
fance  ils  n'opprimaffent  les  habitans  de  ces  prévôtés. 

Cependant  on  faifoit  toujours  des  pfaintcs  Con- 
tre les  Prévôts  fermiers  ;  pour  les  faire  cefler ,  il 
fut  ordonné  ,  par  des  lettres  du  7  janvier  1407  , 
qu'il  feroit  fait  d.ms  la  chambre  des  comptes  ,  avec 
quelques  confeillers  du  grand  confeil  &  du  parle- 
ment, &  quelques-uns  des  tréforiers,  une  élcétion 
de  Prévôts  en  garde  ,  qu'on  choifjroit  entre  ceux 
qui  demeuroient  dans  les  lieux  mêmes  ou  dans  le 
voifmage,  &  qu'ils  feroient  pourvus  dégages. 

Depuis  ce  temps,  les  Prévôts  royaux  ont  été 
créés  en  titre  d'office,  de  même  que  les  autres  offi- 
ces de  judicature. 

Les  Prévôts  connoiffent  en  première  Inftance  de 
toute  caufe  Si  matière  civile  ,  perfonnelle  &  pof- 
feffoire,  &  de  toute  convention  entre  les  roturiers 
8i  non  nobles  domiciliés  dans  l'étendue  de  leurs 
juflices ,  &  en  général  de  toutes  les  autres  matières 
ordinaires  ,  dont  la  connoiffance  n'eff  point  attri- 
buée aux  baillis  &  fénéchaux  ou  à  quelques  autres 
ju^es.  Cela  eft  ainfi  réglé  par  l'édit  de  Cremieu  & 
par  la  déclaration  du  mois  de  juin  1559. 

Lorfque  parmi  les  parties  litigantes  il  s'en  trouve 
une  décorée  du  titre  de  noble,  la  caufe  doit  être 
portée  pardevant  le  bailliage  ou  la  fénéchauffée, 
C'eft  auffi  une  difpofition  de  l'edit  de  Creirieu. 

Deux  arrêts  du  parlement  de  Paris  ,  l'un  du  27 
feptembre  1624,  &  l'autre  du  20  avril  1660  ,  ont 
jugé  qi:e  les  Prévôts  dévoient  connoître  des  ma- 
tières dent  on  a  parlé  ,  entre  roturiers  ,  même 
quand  il  s'agiroit  de  fiefs  ou  héritages  nobles  ,  à 
moins  qu'd  ne  fijr  queftion  de  la  propriété  ,  de  la 
qualité  ou  quotire  des  droits  ds  ces  fortes  d'hérita- 
ges ,  d"  poffeffoire  ,  de  la  foi  Si  hommage ,  de* 


544 


PRÉVÔT. 


aveux  &i  dénombremens  ,  de  la  réception  par  main 
Souveraine  ,  &dii  retrait  féodal. 

Les  nominations  des  tuteurs  &  des  curateurs ,  de 
la  confection  des  inventaires  des  roturiers  ,  font 
auflî  de  la  compétence  des  Prévôts.  C'eft  ce  qui  ré- 
Culte  de  l'article  6  de  l'édit  de  Cremicu. 

C'eft  pardevani  les  mêmes  oiiîciers  que  doivent 
être  rendus  les  comptes  des  mineurs  non  nobles  , 
quand  même  il  s'agiroit  d  héritages  nobles,  Se  que 
le  rendant  compte  ferolt  noble.  Le  parlement  de 
Paris  raainfi  jugé  par  deux  air^lts  ,  l'un  du  ii  dé- 
cembre 1627  ,  &.  l'autre  du  20  avril  i66o. 

D^;ux  autres  arrêts,  l'un  rendu  au  parlement  de 
Paris  le  9  août  1684,  oc  l'autre  au  confeil  le  13 
août  /69b',  ont  ordonné  que  les  Prévôts  appa- 
feroient  les  /celles  ,  même  ceux  qui  feroient  re- 
quis par  les  nobles  ouautres  privilégiés, fur  les  biens 
des  roturiers  décédés,  ou  des  eccléfiaftiques  non 
jîoblcs,  fauf  à  renvoyer  au  bailliage  les  deman- 
des <{ui  pourroient  être  formées  par  les  nobles  ou 
privilégiés. 

Par  un  autre  arrêt  du  17  janvier  1708,  rap- 
porté au  journal  des  audiences  ,  le  parlement  de 
Paris  a  jugé_  cfue  les  ecclefiaftiques  ne  dévoient 
pas  jouir  du  priviljge  des  nobles  ,  pour  demander 
ou  plaider  en  première  inftance  devant  les  baillis 
6c  fénéchaux .  &  que,  dans  le  cas  où  ils  étoient 
obligés  de  plaider  devant  les  juges  ordinaires  ,  on 
pouvoir  les  pourfuivre  devant  les  Prévôts  royaux , 
tlont  ils  étoient  juiliciables. 

La'même  règle  doit  être  obfervce  relativement 
aux  officiers  royaux  des  préfidiaux  ,  des  éleélions 
&  autres,  s'ils  font  roturiers,  pourvu  qu'il  ne  foit 
pas  queftion  des  droits  concernant  leurs  offices 
C  eft  ce  que  le  parlement  de  Paris  a  jugé  par 
rrois  arrêts  des  5  juin  1659  '  3^  juillet  1679  »  ^ 
9  août  1654,  rendus  pour  Mondidier ,  Moulins 
5i  Angers. 

L'édit  de  Crémieu  ,  la  déclaration  rendue  en 
interprétation  de  cet  édit  au  mois  de  juin  1559, 
&  divers  arrêts  ont  attribué  aux  Prévôts  la  con- 
noiûance  des  caufes  des  églifes,  chapelles,  com- 
munautés ,  abbayes  ,  prieurés  ,  chapitres  ,  fabri- 
ques ,  commanderies  ,  hôpitaux  &  maladrerics  , 
fituésdans  l'étendue  de  leurs  prévôtés,  quand  même 
ces  églifes,  chapelles  ,  &c,  leroient  de  fondation 
royale,  à  moins  qu'elles  n'euiïent  des  lettres  de 
garde   gardienne  dfiement  vérifiées. 

Obfervez  néanmoins  que  û  les  conte/lations 
avoient  pour  objet  la  propriété  ,  qualité  ou  quo- 
tité, les  droits  Se  les  domaines  de  ces  églifes,  com- 
munautés ,  ikc.  la  connoiirance  en  appartiendioit 
tux  baillis  ou  féiiéchaux  ,  à  l'exclufion  des  Pré- 
vôts Se  des  hai:i:,-)ufticiers,  par  la  raifon  que  ie 
roi  eft  proteélenr  &  confervateur  de  tousles  bieiis 
eccléfiaftiques  du  royaume.  C'eft  ce  qu'ont  jugé 
divers  arrêts  rendus  au  parlement  de  Paris  le  23 
mai  i6i6  ,  u  décembre  162,7,  6c  5  janvier  1659. 

Plufieurs  autres  arrêts  ,  Si  particulièrement  un 
vl)4  27  juin  1741  jrcndu  pour  Angers,  ont  jugé  que    . 


PREVOT. 

les  Prévôts  dévoient  connoître  des  caufes  où  les 
maires  Se  échevins  des  villes  de  leur  réûdence 
étoient  parties. 

Ils  connoiflent  pareillement  des  conteftations 
relatives  aux  réparations  des  inurs  ,  porteras ,  tours 
8c  fortifications  ,  quais  ,  chemins  &  fentiers  des 
villes  6c  prévôtés  royalos  ,  dans  les  lieux  où  la 
connoiftance  n'en  a  point  été  attribuée  aux  baillis 
ou  à  d'autres  juges  particuliers  (i),  C'eft  ce  qui 
réfulte  de  l'article  ^  de  la  déclaration  donnée  en 
interprétation  de  l'édit  de  Crémieu  au  mois  de 
juin  1559. 

Mais  quand  la  conteftation  a  pour  objet  la  pro- 
priété ou  le  fond  des  biens  ,  droits  Gc  domaines 
des  villes  ,  la  connoifiance  en  appartient  aux  bail- 
lis ou  fénéchaux.  Le  parlement  de  Paris  l'a  a'n.fi, 
jugé  par  arrêt  du  premier  décembre  1627.  , 

Les  Prévôts  doivent  connoître  ,  fuivant  l'article 
8  de  l'édit  d;  Crémieu  ,  de  toute  aclion  résL'j 
ik  hypothécaire  concernant  les  héritages  roturiers 
fitués  dans  l'étendue  de  leurs  prévôtés  ,  quand 
même  les  parties  feroient   nobks. 

L'article  7  dn  même  édit  a  attribué  aux  Pré- 
vôts la  connoi/Tance  des  matières  de  psrtage  de 
fucceffion  univcrfelle  entre  roturiers,  quand  même 
la  fucceftîon  feroit  compofée  de  fiefs  ou  héritages 
nobles. 

Les  décrets  des  immeubles  faifis  doivent  être 
pourfuivis  devant  les  Prévôts,  lorfqu'il  s"agit  d'iié- 
ritages  roturiers  ,  6c  que  les  parties  faJfies  ne  font 
pas  nobles  :  mais  fi  les  immeubles  faifts  étoient 
des  fîefs  ou  héritages  nobles ,  ou  que  la  partie 
faifie  fût  une  perfonne  noble  ;  il  faudroit  que  la 
pourfuite  du  décret  fe  fit  au  bailliage.  Divers  ar- 
rêts l'ont  ainfi  jugé. 

Les  Prévôts  royaux  connoiflent ,  privativement 
aux  juges  feigneuriaux  ,  des  cas  royaux  fimples  Se 
ordinaires,  tels  que  les  caufes  concernant  les  of- 
fices royaux  Se  les  droits  qui  en  dépendent ,  lorf- 
que  les  titulaires  de  ces  offices  font  leurs  jufti- 
ciables  :  mais  ils  n'ont  pas  le  droit  d'appofer  le 
fccllé  fur  les  regiftres  des    receveurs   des  confi- 

t nations  ,  des  commiffaires  aux  faiftes  réelles  , 
c  des  notaires  décédés  ;  ils  peuvent  feulement 
l'appofer  fur  les  autres  effets  delaiffés  par  ces  of- 
ficiers non  nobles,  lors  qu'ils  en  font  requis  par 
les  parties  intéreftées  ou  par  la  partie  publique. 
Il  faut,  à  l'égard  des  titres,  papiers,  deniers  de 
recette  ,  Sl  autre  chofe  concernant  les  offices  des 
défunts,  que  les  Prévôts  les  faffent  mettre  à  part, 
afin  qu'il  y  foit  pourvu  par  le  bailli  ou  fon  lieute- 
nant. C'eft  ce  qui  réfulte  d'un  arrêt  rendu  pour 
Angers  au  parlement  de  Paris  le  9  août  1684. 

L'exécution  des  lettres  de  chancellerie  adreffées 


(l)  Obfervez  qu'aujoiud'hui  les  réparations  des  chemins 
ne  l'ont  prclque  plus  de  la  compétence  des  juges  ordinaires, 
&  que  la  connoifTancc  en  appatticac  aux  tréloriers  de  Itaucc 
ou  aux  intendans  des  provinces. 

amplement 


PREVOT. 

fimplement  au  juge  royal  ,  fans  fpécifier  fi  c'efl 
le  bailli  ou  le  Prévôt,  eil  un  cas  royal  fimple, 
dont  la  connoiiîance  appartient  indiflinâement  à 
l'un  ou  à  l'autre,  luivant  ledit  de  Crémieu  :  mais 
s'il  s'agit  de  lettres  de  refcifion  entre  les  jufticia- 
bles  du  Prévôt ,  c'eft  à  lui  même  à  en  connoître, 
coni'ormément  à  l'article  2  d'une  déclaration  de 
juin  1559,  interprétative  de  l'édit  dont  on  vient 
de  parler. 

Les  Prévois  connoiflent,  àl'exclufion  des  juges 
feigneuriaux ,  de  tout  ce  qui  concerne  les  privi- 
lèges royaux. 

Ils  connoiffent  auflî  ,  en  première  inflancc  ,  des 
caufes  concernant  les  fermes  du  domaine  du  roi 
&  les  autres  particuliers  ,  lorfque  les  droits  ne 
font  jpas  conteflés  ,  ou  que  le  miniflère  public 
n'y  eft  pas  partie  principale  ou  iiuérefrée  :  dans 
ces  cas-ci ,  la  connoidance  des  caufes  dont  il  s'a- 
git appartient  aux  tréforiers  de  France  ,  excepté 
dans  quelques  endroits  où  elle  a  été  confervée 
aux  juges  ordinaires  ,  comme  ils  en  jouiiToient  au 
temps  de  1  edit  de   Crémieu. 

Les  prévôts  connoiffent ,  concuriemment  avec 
les  baiilis  ou  iénéchaux  royaux,  des  caufes  rela- 
«ves  aux  économats.  Voyez  l'article  Économat. 

Les  Prévôts  connoiflent  pareillement  en  pre- 
mière infiance,  par  prévention  avec  les  baillis  ou 
fénéchaux  ,  des  caufes  des  jufliciables  des  fei- 
gneurs ,  dont  l'appel  reflortit  médiatement  ou  im- 
médiatement devant  eux  ,  jufqu'à  ce  qu'elles  foient 
revendiquées  par  les  feigneurs  ou  par  leurs  procu- 
reurs fifcaux.  Et  même  la  prévention  a  lieu  nonobf- 
tant  la  revendication  du  feigneur  ,  lorfqu'il  s'.igit 
de  complainte  en  matière  poileffoire.  C'eft  ce  qui 
réfulte  de  la  déclaration  du  mois  de  juin  1559,  in- 
terprétative de  l'édit  de  Crcmieu  ,  Se  de  deux  ar- 
rêts rendus  pour  les  Prévôts  d'Iflbudun  &  de 
Cliaumont  en  Bafîîgny ,  les  11  juillet  1577  &  14 
mai  1601. 

Suivant  la  même  déclaration  ,  les  Prévôts  ont, 
privativement  aux  baillis  ou  fénéchaux ,  la  con- 
noiffance  en  première  inftance  des  caufes  relatives 
aux  accords  &  conventions  intervenus  entre  les 
jufliciables  roturiers  de  leurs  prévôtés  ,  quand 
même  les  contrats  porteroient  foumifllon  ù  la  juri- 
diction des  baillis. 

Si  par  un  contrat  paffé  entre  les  jufliciables  d'une 
feigncurie  ,  fous  le  fcel  royal,  il  y  a  fouraiflion  à 
la  juridiction  du  Prévôt  ,  cet  officier  connoît  de 
ce  contrat  à  l'exclufion  des  juges  feigneuriaux; 
mais  il  n'auroit  pas  cette  connoiflance  fi  la  foumif- 
fion  n'étoit  pas  liipulée. 

Le  Prévôt  connoît ,  privativement  aux  juges  des 
feigneurs  ,  des  oppofitions  aux  mariages  entre 
leurs  jufticiables.  C'eft  ce  qui  réfulte  d'un  arrêt 
du  16  juillet  1708  ,  rapporté  au  journal  des 
audiences. 

Les  étlits  de  février  15^6  &  mars  1697,  ont 
auln  attribué  ^ux  Prévôts,  en  qualité  de  juges 
royaux  ,  privativement  aux  juges  des  feie;neurs  , 
'   Tome  Xin, 


PREVOT.  54) 

ta  connoirtance  des  mariages  clandeflins ,  ou  faits 
contre  la  difpofuion  des  ordonnances. 

Les  Prévôts  connoiflent  pareillement  ,  à  l'ex- 
clufion des  juges  des  feigneurs  ,  &  concurrem- 
ment avec  les  baillis  ou  fénéchaux ,  des  contef- 
tations  relatives  aux°ordonnances  rendues  par  les 
évêques  &  les  archidiacres ,  dans  le  cours  de  leurs 
vifites ,  touchant  les  réduélions  de  bancs ,  fépul- 
tures,  réparations  d'églife  ,  comptes  de  fabri- 
que ,  &c. 

Us  connoiflent  aufll  ,  concurremment  avec  les 
baillis  ou  fénéchaux,  &  privativement  aux  juges 
des  feigneurs  ,  des  pourfuites  &  contraintes  qui 
peuvent  avoir  lieu  en  vertu  des  fentences  du  juge 
d'églife. 

Les  Prévôts  connoiffent  encore  ,  concurrem- 
ment avec  les  baillis  ou  fénéchaux  ,  de  l'exécu- 
tion des  fentences  confiilaires  ,  conformément  à 
l'édit  du  mois  de   novembre  1^63. 

C'efl  devant  les  Prévôts  que  doivent  être  homo- 
loguées les  fentences  arbitrales  intervenues  entre 
leurs  jufliciables  non  nobles. 

Ces  ofllciers  ont  droit  d'aflîfes  fur  leurs  jufli- 
ciables ,  comme  les  feigneurs  hauts-jufticiers  fur  les 
leurs  ;  mais  ils  ne  peuvent  point  appeler  à  leurs 
aflifes  les  juges  dont  les  appellations  refl!briiflent 
pardevant  eux. 

C'efl  aux  Prévôts  qu'appartient  l'exécution  des 
jugemens  rendus  aux  aflifes  des  baillis  ou  féné- 
chaux fur  des  caufes  portées  originairement  aux 
prévôtés  ,  &  qui  depuis  ont  été  jugées  aux  aflîfes. 
C'efl  ce  qui  réfulte  de  l'article  29  de  l'édit  de  Cré- 
mieu ,  &  de  plufleurs  arrêts  rendus  au  parlement 
de  Paris ,  les  5  juin  1659,  20  avril  1660,  Se  9 
août  16S4. 

La  même  règle  doit  être  obfervée  relativement 
à  l'inflruétion  &  à  la  déciflon  des  caufes  qui  n'ont 
point  été  jugées  aux  aflifes.  Ces  caufes  doivent 
demeurer  à  la  prévôté  ,  comme  l'ont  jugé  divers 
arrêts ,  &  entr'autres  un  du  7  mai  1663  '  rapporté 
au  journal  des  audiences. 

S'il  arrive  que  dans  une  caufe  de  la  compé- 
tence du  Prévôt  les  parties  fe  pourvoient  au 
bailliage  en  première  inflance  ,  le  bailli  doit  la 
renvoyer  à  la  prévôté  ;  &  s'il  refufe  ce  renvoi  , 
le  procureur  du  roi  de  la  prévôté  doit  fe  rendre 
appelant  de  ce  refus  ,  comme  de  juge  incom- 
pétent. C'efl  ce  qui  réfulte  de  différentes  lois  & 
arrêts. 

Nous  avons  dit  à  l'article  Prévention  ,  que 
fuivant  l'article  7  du  titre  premier  de  l'ordonnance 
de  1670 ,  il  n'y  avoit  aucune  prévention  entre 
les  juges  royaux  ;  mais  cependant  que  fi  trois  jours 
après  le  crime  commis  ,  le  juge  royal  ordinaire 
n'avoit  pas  informé  &  décrété  ,  le  juge  fupérieur 
pourroit  en  connoître. 

Peut-on  conclure  de  cette  difpofition  de  la  loi , 
que  dans  le  cas  d'un  délit  privé,  tel  qu'un  vol  ou 
une  fpoliation  de  fucceflion  dont  le  Prévôt  royal 
n'a  pas  pris  connoifl^anç^  d  ans   les  trois  jours,  le 

Z  zz 


u^ 


PRÉVÔT. 


jiise  rupérieuf  Toit  fondé  à  en  connoître,  fans  être 
t;nu  de  déférer  à  la  revendication  faite  poftérieu- 
fL^^ment  par  le  piemler  jugt;  ? 

Ccite  queilion  a  éré  viveinent  agitée  au  par- 
lement de  Bourgogne  dans  refpèce  fulvante: 

La  fucce/ïïon  de  François  Arniedey  ,  laboureur 
à  Vanvey  ,  &  de  Marguerite  Fouffy  fa  femme  , 
décédés  fans  enfans  au  mois  de  février  1780,  ayant 
été  dévolue  à  des  héritiers  collatéraux,  ceux-ci 
prétendirent  que  cette  fuccefuon  avoit  été  fpo- 
liJe  ,  &  le  nommé  Burttey  habitant  du  même 
lieu  de  Vanvey,  qu'on  lui  avoit  volé  135  louis 
ci'or.  En  conféquence  ces  héritiers  préfentérent  le 
premier  juillet  de  la  même  année  ,  une  requête 
portant  plainte  de  la  fpoliation  au  lieutenant  gé- 
néral du  bailliage  de  Châtillon  ,  qui  rendit  une 
ordonnance  par  laquelle  il  leur  permit  d'informer 
Si  d'afligner  des  témoins  au  fept  du  mois.  Buretey 
préfenta  de  fon  côté ,  au  même  magiflrat  ,  une 
requête  portant  plainte  du  vol  de  135  louis  d'or , 
ik  il  obtint  pareillement  une  ordonnance  qui  lui 
permit  d'informer  &  d'afligner  des  témoins. 

Dans  cet  état  des  chofes  ,  le  fieur  Logerot  , 
prévôt  royal  de  Vanvey  &  Villiers-Ie-Duc  ,  re- 
vendiqua, en  fa  qualité  de  juge  ordinaire,  la  con- 
DoiiTance  des  plaintes  dont  il  s'agit  ;  mais  lelieure- 
nant  général  ne  déféra  point  .t  la  revendication.  Ce 
r^fus  détermina  le  fieur  Logerot  à  fe  pourvoir  au 
p.ir!emcnt  qui  lui  permit  par  arrêt  de  faire  afli- 
gner  le  lieutenant-géncral. 

Pour  établir  fon  droit ,  le  fieur  Logerot  a  ob- 
fervé  que  la  prévention  dont  parie  la  loi  que  nous 
avons  citée,  ne  devoir  avoir  lieu  que  dans  ïc  cas 
de  négligence  de  la  part  du  juge  ordinaire,  à 
pourfuivre  les  crimes  commis  dans  l'étendue  de 
la  juridiction  quand  il  en  avoit  eu  connoiffance  , 
&  qu'il  falloit  d'ailleurs  qu'il  fCtt  queftion  de  cri- 
mes graves,  publics  &  notoires. 

En  effet  ,  Bruneau  dans  fes  maximes  fur  les  ma- 
tières criminelles  ,  dit  que  la  règle  générale  efl 
que  tout  juge  peut  informer  ,  mais  que  le  juge  du 
Peu  du  délit  eft  feul  compétent  ,  &  qu'il  n'y  a 
plus  de  prévention  entre  les  juges  ,  fuivant  la 
nouvelle  ordonnance  ,  à  moins  que  les  juges  in- 
férieurs n'aient  négligé  d'informer. 

Bornier  fur  l'article  7  du  titre  premier  de  l'or- 
donnance criminelle  dit  auffi  que  le  légiHateur  n'a 
établi  la  prévention  dont  parle  cet  article  ,  qu'j 
calife  de  la  négligence  &  co.-.n'n  cnce  des  juges  ordi- 
naires &  pour  les  exciter  à  s^acqiiitter  de  leur  de- 
voir  en  la  recherche  &  punition  des  crimes  ;  &  il 
ajoute  :  ce  qui  doit  pourtant  être  entendu  is  ATRO- 
CISSIMIS  ,  dans  le/quels  les  juges  peuvent  in form:r  fans 
accufateur  ,  dénonclaieur  ou  partie  civile  ,  &<  non  IN 
PPÎVATIS  ,  dans  lefcjuels  il  y  a  une  partie  intéreffée. 

IVr  Jean  Mtflé  obferve  dans  fon  traité  fur  la 
"manière  de  pourfuivre  les  crimes,  que  la  négli- 
^snce  qui  donne  la  prévention  au  juge  royal  hi- 
périeur  fur  le  juge  rojcgl  inférieur,  femble  n'a- 
yoir  Heu  que  pour  les''' cas  où  il  s'agit  de  crimes 


PRÉVÔT. 

graves  &  importans  ou  dignes  d'être  pourfuivis 
à  la  requête  du  miniflére  public ,  &  non  pour  des 
cas  où  le  feul  intérêt  des  parties  peut  donner  Heu 
d'agir. 

Jouffe  dit  que  la  prévention  dont  il  eft  parlé 
dans  les  articles  7  &  9  de  l'ordonnarice  de  1670, 
n'a  lieu  que  pour  les  crimes  pourfuivis  d'olllce 
ou  à  la  req^uête  de  la  partie  publique,  &  il  ajoute 
que  cette  privation  de  la  connoijfance  du  délit  ejl  la 
punition  de  la  négligence  des  juges  inférieurs,  mais 
quà  f égard  des  crimes  qui  je  pourfuivent  feulement 
par  une  partie  civile  .  i.:  prévention  du  juge  fupéricur 
n'a  pas  lieu,  &  le  juge  mjerieur  ejl  toujours  en  eut 
de  requérir  le  renvoi. 

RoufTeau  de  la  Combe  qui  tient  h  même  opi- 
nion ,  obferve  que  la  prc-'eniioa  dor.'  parie  l'ar- 
ticle 7  de  l'ordonnance  ,  re  doit  avo  r  lieu  que 
quand  il  s'agit  de  crima  graves  qui  rr  'riient  pdne 
.iffaflive  ,  &  qui  font  de  na  ".re  à  îtr-c.  pourfuivis  d'of- 
fice à  la  requête  du  inini{ts..- :  ':■'';.  :  il  ajoute,  que 
/el  ejl  l'efpriî  de  t ordonnance ,  i>  que  cela  efl  finie 
en  grande  raifon  ,  parce  qua;iir.:-iicni  on  ne  -^at  im- 
puter aucun:  négligence  au   P  ,  .■        .  ■  .  ', 

Il  réfuke  de  ces  autorites  que  le  ncutena  it-gé- 
néral  du  bailliage  de  Châtillon  n'aur.^ii  pu  être 
fondé  à  connoître  par  prévention  deâ  plri"  t  ûont 
il  s'agiflbir,  qu'autant  qu  11  auroit  été  prouv.  ^tie 
le  Prevô:  de  Vanvey  avoit  en  connoiffance  du 
vol  da.îs  les  trois  jours,  ou  c[ue  ce  vol  lui  avoit 
été  dénoncé  par  la  partie  civile,  ou  enîîn  que  la 
partie  publique  avoit  dontiê  un  réquifitoire  pour 
en  informer  ,  fans  que  ce  juge  y  eût  déféré. 

Mais  comme  rien  de  rour  cela  n'étoit  prouvé , 
8c  que  par  conféquent  il  n'y  avoit  aucune  négli- 
gence à  imputer  au  Prévôt  de  Vanvey  ,  les  moyens 
employés  par  cet  officier  ont  paru  décififs,  &  ont 
eu  le  fuccès  qu'il  avoit  droit  d'en  attendre.  Voici 
le  difpofitif  de  l'arrêt  rendu  en  fa  faveur  le  13 
janvier  1783  : 

«  La  cour  a  maintenu  &  garde  la  partie  de  le 
5)  Sage  i^le fieur  Logerot^  en  fa  qualité  de  Prévôt 
»  royal  de  Vanvey ,  au  droit  &  en  la  ponefficn 
»  de  connoître  de  tous  crimes  &  délits  commis 
»  dans  l'étendue  de  la  prévôté  qui  ne  font  point 
Ti  attribués  privativement  aux  baillis  ,  fénéchaux  & 
))  juges  préfidiaux  ,  par  les  ordonnances ,  fauf  la 
»  prévention  ou  dévolution  à  la  partie  de  Moricot 
n  (  le  lieutenant-général  du  bailliage  de  Châtillon  )  ea 
■)i  cas  de  négligence  de  ladite  partie  de  le  Sage  pour 
)»  la  pourffiite  defdits  crimes  &  délits,  &  au  droit 
»  négatif,  qu'il  n'a  été  permis  ni  loifible  à  ladite 
■n  partie  de  Moricot  de  connoître  après  la  reven- 
1)  dication  de  ladite  partie  de  le  Sage ,  des  faits 
»  de  prétendue  fpoliation  &  vol  dont  il  s'agit  ; 
)»  &  pour  l'avoir  fait,  a  condamné  &  condamne 
»  ladite  partie  de  Moricot  à  reftituer  à  celle  de 
»  le  Sage  les  vacations  qu'elle  a  perçues  dans  les 
»  informations  dent  il  s'agit  :  condamne  en  ou- 
»  tre  ladite  partie  de  Moricot  à  tous  les  dépens 
M  de  rinftance  », 


PRÉVÔT. 

La  même  juilfprudence  avoit  déjà  été  établie 
par  arrêt  de  règlement  rendu  au  parlement  de 
Paris  le  5  juin  1659  ,  encre  le  Prévôt  de  Mont- 
didier  &  le  bailliage  de  la  même  ville.  Cet  ar- 
rêt eft  rapporté  au  tome  a  du  journal  des  au- 
diences. 

Additio  s  à  l'article  Prévôt. 

Le  reffort  du  parlement  de  Flandres  nous  offre 
quelques  particularités  remarquables  fur  certains 
orticiers  municipaux  ,  défignés  par  le  titre  de  Pré- 
vôts. Pour  ne  pas  nous  étendre  trop  fur  cet  objet, 
nous  ne  parlerons  que  des  Prévôts  de  Lille  ,  de 
Cambrai ,  de  Valenciennes  &  de  Douai. 

Préiôt  de  Lille.  Les  conteftations  qui  fe  font  éle- 
vées depuis  peu  entre  le  corps  municipal  de  Lille  & 
fon  Prévôt,  ont  donné  lieu  de  difcuter  &  de  fixer 
les  droits  de  l'un  &  de  l'autre.  'Voici  ce  qui  a  été  ré- 
glé par  des  lettres-patentes,  fur  arrêt  du  24  juillet 
1778,  enrcgillrées  au  parlement  de  Flandres  le  4 
août  fuivant. 

Article  I.  «  Toutes  les  fois  que  le  corps  munici- 
»>  pal  ûégera  à  l'Iiôtel-de-ville  ,  foit  dans  la  falle 
»>  dite  des  plaids,  foit  au  conclave,  pour  la  pro- 
'»  nonciation  des  fentenccs  en  matières  civiles  & 
»  criminelles  ,  ou  pour  vaquer  aux  œuvres  de  loi , 
»  ou  à  la  réception  des  bourgeois,  ou  autres  a«fles 
"  de  cette  nature,  ou  pour  porter  des  réglemens 
«  dans  les  affaires  de  police  ,  le  Prévôt  y  occupera 
»  la  première  place  ;  favoir  ,  dans  la  fille  des 
"  plaids,  celle  du  milieu  entre  les  quatre  échevins, 
»'  &  au  conclave ,  celle  que  le  maïeur  y  eîît  occupée 
»  dans  (on  abfence. 

»  2.  Le  Prévôt  fera  tenu  de  remplir  lui-même 
'>  fes  fondions  à  l'hôtel  -  de- ville ,  fans  y  em- 
»  ployer  fon  lieutenant ,  fi  ce  n'eft  en  cas  d'ab- 
"  fence,  de  maladie,  ou  autres  empêchemens  lé- 
»'  gitimes. 

»  3.  Le  lieutenant  du  Prévôt  pourra  le  fuppléer 
'»  dans  toutes  fes  fon£lions  ,  dans  les  cas  prévus  par 
»  l'article  précédent,  Se  fiégera  dans  la  place  du 
>»  Prévôt ,  tant  au  conclave  qu'à  la  falle  des  plaids  ; 
»'  à  l'effet  de  quoi ,  ledit  lieutenant ,  pour  attacher 
"  à  fon  état  la  confidération  qui  lui  eftdue,  fera 
"  tenu  ,  ainfi  que  fes  fucceffeurs  ,  de  fe  pourvoir 
»»  pardevant  nous  pour  obtenir  un  brevet,  lequel 
»>  ne  fera  expédié ,  qu'en  juftifiant  par  eux ,  du 
»'  choix  fait  par  le  Prévôt ,  &  agréé  par  les  maiéur 
»»  &  échevins  ;  &  pourra  ledit  Prévôt  choifir  fon 
"  lieutenant  dans  toutes  les  claffes  des  citoyens 
y>  honnêtes,  gradués  ou  non  gradués,  fans  ètie 
»  obligé  de  le  prendre  parmi  les  fergens  de  la 
«  prévôté. 

»  4.  Dans  toutes  les  cérémonies  publiques,  où 
»  le  magiftrat  affifle  en  corps,  le  Prévôt  occupera 
»  la  preinière  place  entre  le  rewart  &  le  maïeur, 
»♦  foit  dans  la  marche,  foit  à  l'églife  ,  &  dans  tel 
»  autre  lieu  où  le  corps  municipal  fera  tenu  de 
*  fe  rendre  ;  fans  toutefois  que  fon  lieutenant 
«  puiffe  le  fuppléer  dans  cçs  occafions  de  foiera- 


PRÈV-OT. 


y4>- 


»»  nite  ,    où  la  féance   n'eft    que  de    pure  cérc- 
>r  monie. 

»  5.  Ordonnons  qu'à  chaque  renouvellement  des 
)»  Prévôts,  les  maïeur  &  échevins  feront  tenus  de 
»  leur  prcfenter  le  vin  d'honneur  par  députés,  im- 
»  médiatement  apris  leur  réception  ;  ik  l'abonne- 
»  ment  convenu  pour  en  tenir  lieu ,  fera  &  dc- 
»  meura  fup primé. 

»  6.  Tout  ce  qui  concerne  l'exécution  des  ('^n- 
»  tences  appartiendra  au  Prévôt;  en  conféquence 
I»  ce  fera  lui  qui  donnera  le  fignal  à  l'exécuteur  , 
»>  avec  la  verge  de  juftice,  pour  l'exécution  des 
"  criminels:  faifons  très -expreffes  défenfes  aux 
»  maïeur ,  échevins  &  autres  ofhciers  municipaux  > 
)>  de  s'ingérer  dorénavant  de  remplir  cette  fonc- 
»  tion  ,  gui  ne  peut  concerner  que  le  Prévôt  ou 
»  fon  lieurenant ,  comme  chef  de  la  juridiction  & 
»  notre  repréfentant. 

>♦  7.  Toutes  les  amendes  qui  feront  prononcées 
»>  pour  telle  caufe  que  ce  puiffe  être  ,  tant  en  ma- 
»  tiére  civile  que  criminelle  &  de  police  ,  ne  pour- 
»  ront  l'être  qu'au  profit  du  Prévôt,  comme  étant 
»  à  nos  droits  ,  conformément  aux  lettres  d'enga- 
»  gement  du  11  avril  1648  :  les  maïeur  &  éche- 
»  vins  feront  toutefois  autorifés  ,  dans  les  cas  où 
»  l'indulgence  leur  paroîtra  néccffaire  ,  à  modérer 
»  lefdites  amendes  ;  en  obfervant  par  eux  d'expri- 
>»  mer  dans  leurs  jugemens  les  motifs  de  cette 
»  modération. 

»  8.  Les  maïeur  &  échevins  ne  pourront  ren- 
i>  dre  aucun  jugement  fur  devoir  d'office ,  ou  au- 
ii  trement  ,  fans  avoir  été  femoncés  ou  coiijurés 
»  par  le  Prévôt  ou  fon  lieuten:int,  ou  fans  que 
»  l'un  ou  l'autre  ait  donné  fes  conclufions. 

»  9.  Le  Prévôt,  ou  fon  lieutenant,  feront  feuls  les 
»  fondions  de  partie  publique  ,  tant  au  civil  qu'au 
»  criminel;  permettons  néanmoins  aux  maïeur. & 
»  échevins  de  porter  des  réglemens  de  police  ,  ou 
M  concernant  les  arts  &  métiers  ,  fur  le  requifi- 
»  toire,  tant  du  procureur-fyndic  ,  que  dudit  Pré- 
n  vôt ,  ou  de  fon  lieutenant;  &  pourront  lefdits 
»  maïeur  &  échevins  ,  dans  tous  les  cas  ,  deman- 
»  der  au  procureur-fyndic  fon  avis  pour  leur  inf- 
»  truftion. 

»  10.  Les  maïeur  &  échevins  ne  pourront  fup- 
"  primer  ou  fimplement  modifier  les  anciens  fta- 
»  tuts  &  réglemens  de  police,  &  ceux  concernant 
)j  les  arts  &  métiers,  oi  en  porter  de  nouveaux, 
»  qu'en  préfence  du  Prévôt  ou  de  fon  lieutenant  , 
n  conformément  au  règlement  du  3  mars  1572  ». 

Les  autres  difpofitions  de  ces  lettres- patentes 
font  rapportées  aux  articles  .Magistrat  &  Halle 

ECHEVINALE. 

Prévôt  de  Cambrai.  La  nature  de  l'office  du  Pré- 
vôt de  Cambrai,  a  fait  long-temps  le  (ujet  d'un 
problême  affez  difficile  ^  réfoudre.  Et  fil  juge,  ou 
partie  publique,  ou  femonceur  .'  Un  arrêt  du  cor- 
feil-privéde  Bruxelles ,  du  9  décembre  1670  ,  fem- 
bloit  devoir  fixer  pour  toujours  les  idées  fur  cette 
queftioij;  voici  ce  qu'il  portoit,  article  17  ;  «  Le 

Z  z  z  ij 


548  PRÉVÔT, 

»  Prévôt  aura  la  furveiUance  fur  l'adminlAration 
»  de  la  jiiftice ,  fur  l'ordre  de  la  police ,  &  fur  le 
»  domaine  &  le  receveur  des  deniers  publics  de 
V  la  ville  ;  tiendra  le  premier  rang  &  fervice  de- 
Ti  vaut  les  échevins  &  penflonnaires  ,  en  toutes 
»  alTemblées  &  comparutions  publiques  &  particu- 
«  lières  ;  fera  la  diftribution  des  procès ,  donnera 
»  des  commiffions  de  juflice  où  befoin  fera,  convo- 
«  quera  les  échevins,  &  en  aura  la  femonce  & 
)>  aufli  fon  fuffrage  en  toutes  fortes  de  matières  qui 
»  fe  traiteront  au  collège  ». 

Ce  règlement  donnoit ,  comme  on  voit ,  au  Pré- 
vôt de  Cambrai  deux  qualités  incompatibles,  celle 
de  femonceur  &  celle  de  juge;  on  ne  doit  donc 
pas  être  étonné  qu'il  foit  demeuré  fans  exécution  : 
c'eft  du  moins  ce  qu'a  foutenu  le  Prévôt  dans  un 
procès  jugé  depuis  peu  au  parlement  de  Flandres, 
entre  lui  &  le  procureur  du  roi  ,  fyndlc  de  Cam- 
brai. Celui-ci  prétendoit  l'exclure  de  toutes  les 
fon£lions  du  miniftère  public  ,  qu'il  paroiflbit  avoir 
partagées^  jufqu'alors  avec  lui ,  fans  néanmoins 
qu'il  y  eût  eu  ,  fur  cet  objet ,  d'autres  règles  que 
des  ufages  arbitraires  &  fort  variés.  11  eft  certain 
que  le  Prévôt  auroir  fuccombé,  fi  l'arrêt  de  1670 
av»it  été  en  vigueur  ,  car  il  n'auroit  pu  réunir  les 
foniflions  de  juge  à  celles  de  partie  publique.  Mais 
ce  règlement ,  qui  dans  le  fait  a  été  aboli  en  plu- 
fieurs  points  par  des  ufages  contraires ,  ne  pouvoir , 
tlans  le  droit,  recevoir  (on  entière  exécution  par  rap- 
port au  Prévôt ,  puifqu'il  lui  attribuoit  deux  qualités 
dont  le  concours  efl  impoffible.  C'eft  par  ces  con- 
iidjrations,  que  l'arrêt  rendu  fur  le  procès  dont  il 
s'a9;it ,  a  maintenu  le  Prévôt  dans  le  droit  &  pof- 
fion  de  requérir  &  conclure  au  fiège  échevinal  dans 
toutes  les  matières  criminelles  &  de  police  ,  Si  a 
ordonné  que  toutes  les  fondions  du  miniftère  pu- 
blic ,  dans  les  matières  civiles  ,  feroient  exercées 
par  le  procureur  du  roi-fyndic.  Cet  arrêt  eft  du 
5  août  1779. 

Prévôt  de  VuUnciennis,  Il  y  a  à  Valenciennes 
deux  officiers  qui  portent  le  titre  de  Prévôts  ;  l'un 
s'appelle  le  Prévôt  de  la  ville  ,&  l'autre  le  Prévôt- 
le-Comte. 

Le  premier  ert ,  à  bien  des  égards  ,  le  chef  du 
corps  mimicipal  ;  mais  il  n'y  fait  pas  d'autres  fonc- 
tions que  celle  déjuge,  &  il  diffère  en  cela  des  Pré- 
vôts de  Lille  &  de  Cambrai. 

Le  fécond  eft  le  chef  du  fiège  royal ,  connu  fous 
le  nom  de  la  Prévôté- le-Comte  ;  &  il  a  ,  en  cette 
qualité ,  féance  dans  le  corps  municipal  ,  pour  fe- 
nioncer  (k  requérir  en  matière  criminelle  &  de 
police.  On  peut ,  à  cet  égard  ,  l'affimiler  aux  grands 
baillis  des  villes  d'Artois. 

Prévôt  de  Doudi.  La  Prévôté  de  Douai  ert  un 
office  inféodé  depuis  plufieurs  fiècles  ,  6c  dont  les 
fon(5^ions  confiftent  à  pratiquer  dans  toute  l'étendue 
de  l'échevinage  ,  les  clains  oufaifies  qui  fe  font  en 
vertu  de  commiffions  ou  de  fentences  du  fiège 
municipal. 

Le  Prévôt  de  Douai  avoit  auflî  la  garde  de  1  an- 


PRÉVOT. 

cîenne  fortere/Te ;><ir  U  confeil  des  échevins,  C'eft  ce 
que  nous  remarquons  dans  l'article  14  d'un  aile  de 
1270,  intitulé,  telles  font  les  droitures  le  Frouvojl 
de  Douai, 

On  peut  donc  appliquer  à  la  Prévôté  de  Douai 
ce  que  dit  Loifeau  dans  ion  traité  des  offices,  liv.  2 , 
chap.  2  i  :  <c  En  Poitou  &  en  quelques  autres  pro- 
»  vinces  ,  il  y  a  des  fergens  héréditaires  -,  appelés 
»  châteUins  ,  qui  tiennent  pareillement  leur  office 
5>  en  fief,  Se  qui  étoient  autrefois  les  gardes  &  con- 
»  cierges  des  châteaux  ,  d'où  vient  que  dans  aucans 
»  lieux  ils  font  auffi  fergens  des  forêts  ,  &  en  d'au- 
«  très  ils  font  receveurs  des  amendes  &  autres 
»  menus  droits  de  la  juAice  du  fcigneur  w. 

Le  Prévôt  de  Douai  n'exerce  pas  fes  fonélions- 
lui-même  ;  mais  par  un  commis  que  la  coutume 
défigne  en  plufieurs  endroits  par  le   mot   j"ftice. 

Voici  ce  que  portent  à  ce  fujet  deux  dénombre- 
mens  de  1571  &  1683  :  //«m  ,  devons ,  ou  notre- 
»  dite  juflice  ,  garder  tous  les  prifonniers  de  claiiî 

»  &  de  repeux &  que  nul  ne  les  peut  empri- 

»  fonner  ,  fi  ce  n'eftpar  nous  ou  par  noire  ju/lice.... 
"  Cette  jufîice  eft  un  homme  de  bonne  &  honnête 
î>  qualité  que  devons  préfenter  aux  échevins  de 
»  la  ville  de  Douai ,  pour  l'accepter  Se  admettre  h 
»  l'exercice  de  notredite  juftice  de  la  Prévôté ,  Si. 
»  fe  nomme  un  tel  homme  entre  lefdits  échevins, 
»  vulgairement  par  ladite  ville  ,  la  jujiice  de  la 
»  prévôté  >;. 

Le  Prévôt  de  Douai  a  voulu  s'ériger  en  feigneur 
de  cette  ville,  &  faire  paffer  les  échevins  pour  fes 
officiers.  Cette  prétention  étoit  fondée  en  partie 
fur  la  qualité  de  jujlice,  qu'on  a  toujours  donnée  à 
fon  commis  ;  mais  par  arrêt  rendu  au  parlement  de 
Flandres  le  29  mai  1759  ,  au  rapport  de  M.  Jac- 
querye  ,  il  lui  a  été  fait  défenfes  de  prendre  la  qua- 
lité di  feis;n£ur-Prévôt  de  Douai ,  faufà  lui  de  pren- 
dre celle  de  Prévôt  héréditaire  dudit  Douai. 

Le  même  arrêt  a  débouté  les  échevins  de  cette 
ville  de  leur  oppofition  à  ce  que  le  Prévôt  conti- 
nuât de  percevoir  deux  deniers  à  la  livre  du  prix 
de  toutes  les  ventes  judiciaires  ,  fans  diflinguer  (î 
elles  fe  faifoient  par  décret  forcé  ou  autrement  ; 
mais  en  même  temps  il  a  défendu  au  Prévôt  de  qua- 
lifier ces  droits  de  droits  feigneuriaux. 

Voyez  les  art.  Echevins  ,  Conjure  ,  Grand- 
B^ILLI,  Feuillie  ,  Mayeur  ,  &.  l'addition  à  l'ar- 
ticle Justice.  (  Cette  addition  e{l  de  M.  Merlis  , 

avocat  au  parlement  de  Flandres'). 

PREVOT    DE  L'HOTEL  DU  ROI, 

ou  Grand-Prévôt  de  pRi^NCE.  C'eft  un  officier 
d'épée  qui  exerce  une  juridiflion  importante  rela- 
tivement à  la  sûreté  ,  à  la  fubfiftance  &  au  bon  or- 
dre   de  la  cour. 

Dutillet ,  &  après  lui  quelques  autres  auteurs  > 
ont  annoncé  que  le  roi  des  Ribauds  exerçoit  au- 
trefois la  charge  de  grand-Prévôt  ,&  qii'il  fut  inti- 
tulé Prévôt  de  l'hôtel  fous  le  règne  de  Charles  VI> 


PRÉVÔT  DE  L'HOTEL: 

Mlraulmont,  au  contraire,  fait  defcendre  le 
Prévôt  de  l'hôtel ,  des  comtes  du  Palais. 

Mais  les  uns  &  les  autres  fe  font  trompés  ;  ce 
qu'on  peut  dire  de  plus  certain  à  ce  fujet,  e(ï  que 
l'autorité  du  Prévôt  de  l'hôtel  dérive  de  celle  du 
grand-fénéchal,  qui  exiftoit  en  même-temps  que  le 
comte  du  palais,  mais  dont  l'autorité  n'étoit  pas 
ii  étendue  que  celle  du  comte  du  palais  ;  du  i'éné- 
chal  elle  palfa  au  bailli  du  palais  ,  de  celui-ci  au 
grand-maître  ,  du  grand  maître  anx-maîtres  d'hôtel , 
&  de  ceux-ci  au  Prévôt  de  l'hôtel. 

Ces  officiers  avoient  fous  leurs  ordres  le  roi  des 
Ribauds. 

Sous  le  terme  de  bauds  ou  ribauds,  on  enten- 
doit,  dans  l'origine,  des  hommes /orr-v  6"  déter- 
minés^^ propres  à  faire  un  coup  de  main  ;  ce  terme 
de  r'ibduds  fe  prit  dans  la  fuite  en  mauvaife  part , 
à  caufe  de  la  licence  &  des  débauches  auxquelles 
s'adonnoient  ces  ribauds. 

Le  roi  des  Ribauds  étoit  le  chef  des  fergens  û-c 
l'hôtel  du  roi  ;  il  avoir  lui-même  fon  Prévôt  ou 
prépofé,  qui  exécutoit  fes  ordres;  fes  fonctions 
confuloient  à  chaiTer  de  la  cour  les  vagabonds , 
filoux  ,  femtnes  débauchées ,  ceux  qui  tenoient  des 
brelans,  &  autres  gens  de  mauvaife  vie,  que  l'on 
comprenoit  tous  fous  le  nom  de  Ribandf  ;  il  avoit 
foin  que  perfonne  ne  reftât  dans  la  maifon  du  roi 
pendant  le  dîner  &  le  fouper ,  que  ceux  qui  avoient 
bouche  à  la  cour,  &  d'en  faire  forrir ,  tous  les 
ioirs  ,  ceux  qui  n'avoient  pas  droit  d'y  coucher  ; 
enfin  ,  il  prétoit  main  forte  à  l'exécution  des  juge- 
mens  qui  étoient  rendus  par  le  bailli  du  palais  ,  ou 
autre  qui  avoit  alors  la  jurididion  à  la  fuite  de 
la  cour. 

Quelques-uns  croient  que  le  roi  des  Ribauds  fut 
fupprimé  en  142;  ,  &.  que  le  Prévôt  de  Chàtel  lui 
fuccéda  :  d'autres  difent  qu'il  ne  fut  établi  qu'en 
M7Î. 

Mais  Boutillier  ,  qui  florifToit  en  1459  »  P'^'ls 
du  roi  des  Ribauds,  comme  étant  encore  cxifiant; 
&  ,  d'un  autre  côté  ,  les  hiftoriens  nous  apprennent 
que  le  Prévôt  ds  l'hôtel  étok  déjà  établi  dès  1455  , 
puifque  les  grandes  chroniques  de  l'abbaye  de 
Saint-Denis  rapportent  qu'en  cette  année  Jean  de 
la  Gardette  ,  l'rcvôt  de  F  hôtel ,  arrêta  fur  le  pont 
de  Lyon  ,  le  roi  y  étant,  Otho  Caftellan  ,  argen- 
tier de  (a  majefté  ,  &  que  le  Prévôt  de  l'hôtel  affifta 
en  14^8,  au  procès  du  duc  d'Alençon  :  ain/i  cet 
ofïïcier  &  le  roi  des  Ribauds  exifîant  en  même- 
temps  ,  l'un  ne  peut  avoir  fuccédé  à  l'autre. 

Le  roi  des  Ribauds  ,  qui  étoit  ordinairement  l'un 
des  archers  du  Prévôt  de  Thôtel ,  fe  trouva  par  la 
fuite  confondu  parmi  les  archers  de  ce  Prévôt  ;  les 
fergens  fubfiftèrent  encore  quelque  temps  fous  le 
Prévôt  de  l'hôtel  ;  mais  ils  furent  auffi  fupprimés , 
lorfque  Louis  XI  créa  des  gardes  fous  le  Prévôt  de 
l'hôtel. 

Il  réfufte  au/n  de  ce  qui  vient  d'être  dit ,  qwQ  le 
Prérôt  de  l'hôtel  n'a  pas  non  plus  fuccédé  aux  Pré- 
vôts des  maréchaux  ,  qui  exerçoient  leur  office  à 


PRÉVÔT  DE  L'HOTEL.        549 

la  fuite  de  la  cour  ,  puifque  du  temps  de  Trifta'i 
l'Hermite  ,  lequel  vivoit  encore  en  1472,  &  qui 
elt  le  dernier  qui  ait  exercé  cet  office ,  il  y  avoit 
déjà  un  Prévôt  de  Ihôtel  ;  il  exifloit  même,  com- 
me on  l'a  vu  ,  avant  1455- 

Le  Prévôt  de  l'hôtel  prêtoit  autrefois  feraient 
entre  les  mains  du  chancelier  de  France.  Richelieu 
fut  le  premier  qui  le  prêta  entre  les  mains  du  roi  , 
ainfi  que  cela  s'eft  toujours  pratiqué  depuis  ce 
temps. 

L'office  c!-  grand-Prévôt  de  France  ,  qui  eft  uni 
à  celui  de  Prévôt  de  l'hôtel,  eft  auffi  fort  ancien. 
Les  provifions  de  mefhre  François  Dupleffis  ,  fei- 
gneur  de  Richelieu  ,  vingt- unième  Prévôt  de  l'hôtai, 
nous  apprennent  que  la  charge  de  grand-Prévôt  de 
l'hôtel  fut  poffédée  avant  lui  par  le  feur  Char- 
dion  ,  qui  exerçoit  dès  M  24.  Il  fut  peut-être  le 
premier  des  grands-Prévôts ,  à  moins  que  cette 
charge  n'eût  été  créée  pour  Triftan  &  pour  Mon- 
terad.  On  croit  que  ce  dernier  pofîéda  la  cliargc 
de  grand  Prévôt  depuis  qu'il  fe  fut  démis  de  celle 
de  Prévôt  de  l'hôtel. 

Comme  la  charge  de  grand -Prévôt  paroilToit 
éteinte  ,  à  caofe  qu'il  n'y  avoit  pas  été  pourvu  de- 
puis la  mort  de  Montcrad  ,  le  roi,  parles  provi- 
fions de  M.  de  Richelieu  ,  la  rétablit  en  fa  fiveur, 
'pour  la  tenir  conjointement  avec  celle  de  Prévôt 
de  l'hôtel. 

Par  un  arrêt  du  confeil  du  3  juin  1589  ,  le  roi 
déclara  n'avoir  jamais  entendu  ,  &  qu'il  n'entendoit 
pas  qu'à  l'avenir  la  qualité  de  grand-Prévôt  fût 
attribuée  à  d'autre  qu'au  Prévôt  de  fon  hôtel  & 
grand-Prévôt  de  France  ;  ce  qui  a  encore  été  con- 
firmé par  deux  autres  arrêts. 

Le  tribunal  de  la  Prévôté  de  l'hôtel  effcompofc 
du  Prévôt  &  de  plufieurs  autres  officiers  ;  favoir , 
de  deux  lieutenans  généraux,  civils,  criminels  & 
de  police,  qui  fervent  alternativement,  l'un  à  Par/s, 
l'autre  à  la  cour;  un  procureur  du  roi,  un  fubfiitut, 
un  greffier  receveur  des  confignations  ,  d&wx  corn- 
mis  greffiers  ,  un  tréforier  payeur  des  gages ,  douze 
procureurs  ,  quatorze  huiffiers ,  trois  notaires ,  dont 
deux  ont  été  créés  en  1543  ,  à  l'infiar  de  ceux  de 
Paris  ,  pour  la  fuite  de  la  cour  &  des  confeils  du 
roi  ;  le  troifième  a  été  établi  par  commiffion  du 
confeil. 

Outre  ces  officiers  de  robe  longue  ,  le  Prévôt 
de  l'hôtel  a  fous  lui  une  compagnie,  qui,  après 
avoir  été  fupprimée  par  édit  du  mois  de  mars  1778, 
enregifirè  à  la  chambre  des  comptes  le  21  du  mê- 
me mois ,  a  été  créée  de  nouveau  par  cet  édit  fur 
un  nouveau  plan.  Elle  eft  aujourd'hui  compofce 
d'un  lieutenant  général  d'épée  ,  d'un  major,  un  ai- 
de-major, quatre  lieutenans,  fix  fous  lieutenans  , 
fix  brigadiers,  fix  fous-brigadiers,  foixante  gardes  , 
fix  gardes  furnuméraires  appointés  ,  &  un  trom- 
pette. Il  y  a  en  outre  un  commifi'aire  aux  revues 
de  la  compagnie  ,  un  maréchal  des  logis  ,  un  fecré- 
taire ,  uo  aumônier  &  un  chirurgien. 

Tou    i     officiers  doivent  être  pourvus  par 


5  50        PRÉVÔT  DE  L'HOTEL. 

roi,  fur  la  préfentation  du  grand  Prévôt,  à  l'excep» 
tion  du  coramiflaire  ,  dont  fa  niajefté  s'eft  réfervé 
le  choix.  Les  bas-officieis ,  gardes ,  appointes  & 
trompettes  doivent  pareillement  obtenir  leurs  pro- 
vifions  fur  la  préfentation  du  grand-Prévôt. 

Tous  les  offices  de  la  compagnie  du  Prévôt  de 
l'hôtel ,  font  dans  le  cafuel  éc  cet  oiHcier  ,  à  l'ex- 
ception de  l'office  de  commiifaire  aux  revues. 

Suivant  l'ordonnance  du  9  mars  1778  ,  le  grand- 
Prévôt  de  rhû:cl  doit  avoir  rang  de  colonel  d'in- 
fanterie ,  du  jour  de  fa  nomination  à  c^^ns  charge, 

6  la  commiffion  doit  lui  en  être  expédiée,  à  con- 
dition toutefois  de  iiifllflcr  de  huit  années  de  fervice 
au  moins  en  qualité  d'officier,  dont  cinq  comme 

capitaine. 

Le  lieutenant  général  d'épée  doit  avoir  rang  de 
lieutenant-colonel ,  pourvu  qu'il  ait  fervi  douze  ans 
en  qualité  d'officier  dans  les  troupes  ,  dent  cinq 
comme  capitaine. 

Le  nwijor  &  les  lieutenans  doivent  avoir  rang  de 
capitaines  ,  après  avoir  juftifié  de  douze  ans  de  ier- 
vice  comme  officiers  dans  les  troupes ,  dont  cinq 
en  qualité  de  lieutenans. 

L'aide  major  &  les  fous-lieutenans  doivent  avoir 
rang  de  lieutenans ,  fi,  au  jonr  oîi  ils  font  pourvus 
de  leurs  charges  ,  ils  ont  douze  années  de  iervice  , 
dont  cinq  en  qualité  d'officiers. 

Les  brigadiers  doivent  avoir  rang  de  fergent  ma- 
jor des  régimens  d'infanterie,  Se  les  fous-briga- 
diers doivent  être  confidérés  comme  les  autres  i'er- 
fens  de  ces  régimens ,  pourvu  qu'ils  aient  préa'a- 
lement  fervi  dans  les  troupes  comme  bas-offi- 
ciers ;  favoir  ,  les  brigadiers  pendant  fix  ans  ,  &  Jcs 
fous-brigadiers  pendant  quatre  ans.  L'ancien  des 
brigadiers  ,  qui  a  dix  ans  de  fervice  en  cette  qualité , 
doit  avoir  rang  de  fous-lieutenant. 

Les  places  He  gardes  de  la  Piévôté  de  l'hôtel  ne 
peuvent  être  données  qu'à  des  foldats  ,  cavaliers  ou 
dragons  de  la  taille  de  cinq  pieds  quatre  pouces  au 
moins ,  qui  fâchent  lire  Si  écrire  ,  &  qui  aient  fervi 
pendant  huit  ans  dans  les  troupes. 

Les  officiers  de  la  compagnie  de  la  prévôté  de 
l'hôtel  doivent  jouir  des  retraites  à  l'hôtel  royal  des 
invalides  ,  attribuées  à  leur  grades  ;  &  les  bas  orii- 
ciers  &  gardes  doivent  être  admis  au  même  hôtel  ; 
favoir,  les  brigadiers  &  fous  -  brigadiers  dans  la 
claffe  intermédiaire,  &  les  gardes  comme  bas-offi- 
ciers après  vingt-cinq  ans  de  fervice ,  dont  dix  dans 
leurs  charges. 

Par  une  autre  ordonnaiace  du  15  du  même  mois 
de  mars  1778  ,  le  roi  a  réglé  le  feivice  qui  doit  être 
fait  par  la  compagnie  du  Prévôt  de  l'hôtel,  &  la 
police  qui  doit  y  étrç  obfervée  (i). 

(  j)  Voici  les  pr'wcipalts  difpo'itions  de  cnti ordonnance  con- 
eernant  ces  objets  : 

Article  1  ».  Veut  &:  entend  fa  maiefté  que  h  plus  ex.iâe 
fubordinatîon  &  obéiflance  aient  lieu  de  l'inférieur  au  fupé- 
rieut ,  fuivant  l'ordre  des  grades  des  officiers  &  basoftiçiers  : 
l'intention  de  fa  majellé  étant  que  quiconque  refuferoit  l'o- 
béilTàncc  àfon  fufwriiwr,  en  fait  de  Iervice  ou  de  êikiflint , 


PRÉVÔT  DE  L'HOTEL. 

Le  grand  nombre  des  conflits  de  juridi£iion  qui 
s'étoient  formés  ,  &  fe  multiplioientdc  jour  en  jour 

foit  puni  ;  favoir ,  les  officiers  ,  des  attcis  ,  en  vertu  de  l'or- 
dre du  grand  Prévôt  ou  du  lieutenant  général  d'épée  qui  le 
rep'.cfenti-ra  ,  auxquels  il  en  feia  rendu  compte  ;  &  les  bas- 
officiers  &  gardes  ,  de  prifon  ,  par  celui  du  major. 

li.  Les  olîkiers  ,  bas-officiers  &  gardes  ne  pourront  s'ab- 
fenter  pour  plus  de  huit  jours  du   lieu  où   fa  niajelté  ftia  la. 
réddence  ,    ians  un   congé   par   écrit  du    grand  Privot  ,  qui 
pourra  en  accorder  chaque  année  quatre  par  brigade,  s-pris 
fa  revue  feu  er.-ent ,  non  compas  ceux  dont  le  liïutenaut  ou. 
l'un  des  Jcu^c  fous-lieutenans  pcunoient  avoir  beioin   pour 
leuij  alraiies  ;  fs.  inajelbc  ne  permettant  point  que  deux  offi- 
ciers de   la    mciiic   brigade  puillent    s'abfcnier   en    même-' 
temps;  &  tous  lefdits  congés   ne  pourront  être  pour  plus  de 
trois  moi-'.  Ceux  qui  les  obtiendront ,  tant  les    officiels  que 
les  bis-olFicierj  i:  gardes ,  ne   jouiront ,  psndant  le  tcm,  s  de 
leur  abfence,   que  de   la   n);itié  de  leurs  appointemcns   ôc 
lolde  ;  voulant  fa  majellé  que  Taure  moitié  fuit  réunie  à  la 
malTe  de  riiabillement ,   &  même    Ja   lota'ité  ,  (î  leflits  offi- 
ciers ,  bas  officiers  &.'  gardes  excédoient  d  un  jour  fculeuieut 
le  terme  de  leurs  cong  s  ou  prolongation  d'iceux,  f.n?  julli- 
her  par  certihciis  au  liemiqiies ,  iks  mal.idies   eu  aiitus  em- 
pcchemens  légiiimes  qui  ne  leur  aaroient  pas  permis  de  re- 
joindre Il  compagnie  au  reiT)ps  fixe. 

1 5.  A  1  égard  des  permillions  de  s'abfenter  pour  moins  de 
liuit  jours  ,  rue  les  officiers  ,  bas-officiers  &  gardes,  déiîrc- 
ront  obtenir  dans  le  cou's  de  l'année  ,  elles  leur  feront  ac- 
cordées s'il  y  a  lieu  ,  favoir,  aux  in.ijor,  lieutenans  &  fous- 
lieutenans  ,  par  le  lieutenant  génl-ra  d'épée,  qui  en  renJra 
compte  au  grand  Prévôt;  Se  aux  br;;;a.liers  ,  tous  brigadiers 
(.V  gardes  ,  par  le  major,  qui  en  rendra  compte  audit  litute- 
I  a.it  général  d'épée. 

14  Xi  y  aura  chaque  jour  de  fervice  au  logement  de  fa  ma- 
jellé, foit  à  Ve; failles  ,  foit  à  Co[n,jiegne  ,  Fontaine'nieau 
ou  autre  lieu  où  elle  réfidera  ,  ainlî  qu'a  l'armcc  ,  un  lieute- 
nant ,  un  fous  lieutenant ,  un  brigaiier  ou  fous  brigadier  al- 
ternativeinent  Se  douze  gardes ,  Icfquels  feront  pris  dans  les 
trois  brigades,  à  tour  de  rcle  ,  quant  aux  officiers  &:  has- 
officiers;  6:  quant  aux  ga  des,  à  taifon  de  quat  e  par  bri- 
gade :  lefdits  officiers  ,  bas  officiels  &  gardes  ir.onteront  en 
o;d  e  au  ch.iteau  ,  à  huit  heures  du  mrtin  tn  été  ,  &  à  nei^f 
heures  en  hiver,  &:  feront  relevés  le  foir  à  neuf  heurts  en 
été  ,  &  à  huit  heures  en  hiver  ;  à  l'exception  de  deux  gardes 
qui  co.îcheront  au  corps-de-garde.  Le  major  dreflera  les  états 
des  officiels  &  gardes  qui  devront  être  tirés  de  chaque  bri- 
gade pour  ce  fervice  ,  ix:  les  fera  afficher  dans  les  corps  de- 
garde  defdiies  brigades  ;  enfuite  de  quoi  il  remettra  l'état  du 
détachement  total  au  grand  Piévôr,  ou  ,  en  fon  abfence  ,  au 
lieutenant  gênerai  d'épée. 

If.  Les  lieutenans  &;  fous  licurc.nans  de  fervice  au  loge- 
ment de  fa  majellé  ,  ne  pour  ont  s'abfenter  du  château  que 
pour  aller  prendre  alternativement  leurs  repas;  &  l'un  des 
deux  fera  toujou  s  au  corps-de  garde  de  même  que  l'un  des 
detix  brigadiers  ,  un  fous  brigadier  &  fix  gardes  :  en  forte  qu'il 
ne  puifle  y  avoir  en  cbfervation  dans  lesgileries,  cours  ou 
jardins  du  château  ,  qu'un  lieutenant  ou  fous-lieutenant,  un 
brigadier,  ii.t  fous  brigadier  5c  trois  gardes.  Tout  le  détache-  ■ 
ment  fe  raflemMera  néanmoins  pour  prendre  fcn  poîle  ordi- 
naire ,  aux  pafTages  de  fa  majetlc  &  de  la  reine  ,  (ortant  du 
château  ou  y  rer.t  ant.  Les  biigaJieis  &:  fous-brigadiers  ne 
s'abfcnteront  qu'alternativement  ,  con.meles  officiers  ,  pour 
aller  prendre  leurs  repas  ;  &  les  gardes  ne  pourront  fortir  au 
mcr.ie  effet  ,  que  trois  à  la- fois  ;  voulant  exprefllment  fa 
majené  ,  que  le  corps  de  garde  (oit  fans  ceffe  garni ,  comme 
il  ell  dit  cidelTus  ,  d'un  officier  ,  deux  bas  officiers  &:  fix 
gardes  ;  à  quoi  le  major  fera  tenu  de  veiller  exadement  , 
pour  en  rendre  compte  au  grand  Prévôt,  ou  ,  en  fon  ab- 
fence ,  au  lieutenant  général  d'épée. 

j6.  Le  fervice  de  pojite  &  fûrcté  dapi  1»  ville  OÙ  réfidera 


PRÉVÔT  DE  L'HOTEL. 

entre  la  prévôté  de  l'hùtel  &  les  autres  tribunaux, 
déterminèrent  le  feu  roi  à  rendre  en  fon  conleil  , 

'  fa  majcilé  ,  fera  fait  par  le  l'urplus  des  ofticiers  ,  bas  officiirrs 
&  garnies  des  trois  b;igajes  ,  ou  «lu  deciditment  vjui  mar- 
chera iors  des  voyages  de  fa  majeilé  :  il  y  aura  toujours  à 
chariue  co  ps-de-j,arde  de  Vetfiillcs  deux  hiigadicvs  ,  deux 
fojs  br'gidieis  &:  neuf  gardes ,  qui,  après  l'établillement  du 
corps  de  garde  du  quaicier  de  Glany  ,  feront  réduits  pour 
chacun  à  un  brigidier  ou  un  fout  biigadier  &:  fix  gardes  , 
leftjuels  i\e  f;rcr\t  ie!ev:s  que  toutes  les  vingt-quatie  heures , 
&  ne  pourront  s'abfenter  duuit  corps-de-garde,  tant  de  jour 
que  de  nuit ,  que  pour  les  patrouilles,  captures  &:  conduites 
des  gens  dans  le  cis  d'être  arrêtés.  Ce  fetvice  fera  commande 
pat  le  lieutenant  ou  le  fous-lieutenant  dcligni  à  fon  tour  par 
l'état  que  dreflera  le  major,  des  hommes  qui  devront  erre  à 
ciiacun  des  trois  corps  de  garde  ;  Se  ledit  lieutenant  ou  f.us- 
lieu  tenant  fera  tcn'a  à,e  patoître  à  celui  auquel  il  fera  de  fer- 
vice  ,  au  moins  toutes  les  deux  heures ,  depuis  huit  heures  du 
matin  jufqu'à  onze  heures  du  foir  en  été  ,&  depuis  neuf  heu 
res  du  matin  jufqu'à  dix  heures  du  foir  en  hiver ,  pour  favoir 
lî  chacun  elt  à  fon  poire  ,  à  l'effet  de  quoi  il  fera  à  chaque 
fois  \l^  appel  des  hoaimes.  Il  fe  fera  en  outre  rendre  compte 
de  ce  qui  pourra  êtra  arrivé  ilans  I  intervalle  d'une  vili'.e  à 
l'autre  ,  donnera  les  ordres  convenables ,  6c  dira  toujours  où 
on  pourra  le  trouver  au  befoin  ,  tant  le  jour  que  la  nuit. 
I.'aide-n^ajor  roulera  avec  hs  fous-lieutenans  ,  tant  pour  ce 
ferviee  que  pour  celui  du  ch.îteau. 

17.  Chaque  corps  de  garde  de  !a  ville  fournira  ,  tant  de 
jour  q  ;e  i!e  ruit  ,  pour  le  maintien  du  bon  ordre,  une  pa- 
tiouiiic  d:  quatre  hommes  commandés  pat  le  brigadier  ou  I; 
fous-biig-.dier  de  fervice  ;  cette  patrouille  fera  des  rondes 
frcquen;es  dans  les  ditF.rentes  rues  ,  avenues  &:  places  de  fon 
quirticr;  indépendamment  dei'quelies  rondes  les  bas  0;ncicrs 
commandant  au  corps-de  c,ar  le  feront  fortir  intermcdiaire- 
ment  les  deux  gardes  excédant  le  nombre  employé  à  celles 
ci-dellus  frelcrtes  ,  pour  obferver  ce  qui  fe  pafle.a,  avertit 
au  cor;  s  de-garde  j  &  concourir  d'autant  plus  eixicacement  à 
ce  qiie  !c  bon  ordre  &:  la  tracq- illité  publique  ne  foitnt 
point  troubles.  Le  major  fe  concerteia  avec  l'oiîîcier  com- 
mandant i.t  girdc  d  invalides  ,  pour  que  les  patrcuilles  de 
leurs  ^orps-de  garde  refpeclifs  fortent  à  des  heures  ditfïrer.tes 
Si  ne  parcourent  pas  les  mètres  lieux.  Leidites  patrcuiiies 
fe  péteront  au  furplus  main-fo:te  3c  affiltance  au  befoin, 
pour  i)ue  force  demeure  à  celle  qui  aura  requis  le  fecouts  lie 
i'aurre. 

îS,  lly  aura  dans  chaque  corps-de  garde  un  régi  (Ire  fur 
lequel  le  bas  officier  de  garde  fera  renu  d'inférer  les  heures 
de  fortie  de  chaque  patrouille  ,  celles  des  rentrées,  &  ce  qui 
fç  fera  palL  dans  les  ronJes  qu'elles  auront  faites  ainli  qu'au 
corps  de-garde  ;  il  remet:  a  tous  les  matins  un  extrait  ce  ce 
rrgiiue  au  major,  qui  le  portera  aiiiri-tôt  au  fecrétaire  d'état 
ayar.c  le  dépattiment  de  la  maifon  de  fa  tnajellé  ,  ahn  qu'elle 
puilL' être  par  lui  informée  de  ce  qui  pouira  mériter  fon  at- 
tention ;  ledit  major  informera  en  même-temps  le  grand  Pré- 
vo'  :•  :;  le  lieutenant  général  d'épée,de  ce  qià  fe  léra  paire;& 
e'n  .-.3^  d'evcneaiens  extraordinaires,  il  ira  iui  en  faire  pattfur- 
le-.'Uaii.p,  &:  en  rendre  compte  au  fecrétaire  d'état. 

'o.  le  major  fera  tenu  de  faire,  au  moins  une  fois  dans 
IVfii -ce  de  vingt  quatre  heures,  l'inTpedion  de  tous  les  corps- 
de  f;ar.le  ,  tant  du  château  que  de  la  ville ,  à  l'effet  de  vériner 
fi  ie  nombre  des  hommes  y  eft  compJer ,  s'ils  (ont  en  érat  de 
fervii-  &:  fcnt  leur  devoir  exaîlement  ;  il  fera  relever  fur-Ie- 
champ  cei.'x  qui  pourfoient  fe  trouver  en  faute  &:  les  enverra 
en  p  i(on  ;  fera  remplacer  les  abfep.s  ,  qui  feront  punis  de  la 
même  manière,  &•  rendra  conipte  de  ce  qui  fc  fera  paffé  , 
a'n/1  que  de  ce  qu'il  aura  ordonné,  au  grand  Prévôt  ou  au 
lietiienant  général  d'ép.'e. 

•iû,  Pu'Tj  Itdir  tiiajor commander ,  toures  les  fois  qu'il  le 
jugera  néccflaiie  pour  le  bien  du  fervice  ,  les  officiers  Se  gar- 
des i]ui  auront  été  d^  garde  au  château  pendant  le  jour ,  pour 


PREVOT  DE  L'HOTEL.       155 

Ile  premier  avril  1762,  un  arrêt  de  règlement  pour 
fixer  avec  clarté  &  précifion  la  compétence  de  ces 
I  diiiérens  fiègcs  ;  cet  arrêt  contient  les  dirpofuions 
fuivancss  : 

"  Ap.TiCLE  I.  Le  Prévôt  de  Ihôtel  de  fa  majeHé 
»  connoîtra,  à  rexcliifion  de  tous  autres  juges  ,  de 
»  tous  crimes  &  délits  commis  dans  les  palais  ,  ch:*- 
»  tcaux  &  maifons  royales  dans  lel'quels  fa  ma- 
»  jefté  fera   fon  habitation  aâutlle  ,  ik  dans  les  bà- 


taire  la  nuit  des  rondes  extraordinaires  ou  captures  ordon- 
nées. 

1 1.  Toute  petfonne  arrêtée  pour  querelle  ou  tapage  ,  foit 
de  jour  ou  de  nuit,  fera  conduite  au  corps-de-garJe  de  la  pa- 
t  ouille  qui  en  aura  fait  la  capture  ;  celles  qui  tiendront  par 
des  charges  ou  emploie  à  la  maifon  de  fa  m.ijefté,de  la  reine, 
des  princes  &  priiiccffes  de  la  famille  royale  ,  ou  des  princes 
&  princelTes  du  f-ng  ,  feront  gardées  au  corps  de-garde  juf- 
qu'à ce  qu'elles  foient  réclamées  parleurs  fupérieurs ,  qui  fe- 
ront avertis  de  leur  détention  pat  un  garde.  Les  citoyens  de 
la  ville  fetilement  feroat  remis  au  covp:-de  garJc  des  invali- 
des du  quartier,  avec  une  note  lignée  de  l'oiïicierou  has- 
olficier  de  la  s;arde  de  la  prévoté  de  l'hoiel,  contenant  les 
noms  de  ces  particuliers  Scies  caufes  de  leur  capture.  Lespa- 
tiouillcs  de  la  garde  invalide  remettront  pareillenient  aux 
corps-de  garde  de  la  prévôté  de  l'hôtel,  les  perfonnes  appar- 
tenantes à  la  maifon  du  roi,  de  la  reine,  de  la  famille  royale 
tk  des  princes  &  piinceffes  du  fang  &  de  la  fuire  de  la  cour. 
Les  bas  oPîîciers  conimandant  auxdits  corps  degaide  ,  feront 
tenus  de  fe  charger  tcfpeétivement  defdits  particuliers  ,  Se 
d'en  donner  leuis  reçus  ;  ceux  des  corps  dc-garde  de  la  pré - 
vjté  de  l'hôtel ,  feront  remis  au  major ,  pour  en  erre  par  lui 
reiidu  compte  au  fecrétaire  d'état  ayant  le  département  de  la 
mai;on  du  loi ,  alnli  qu'au  grand  Prévôt,  ou,  en  fon  abfence  , 
au  lieutenant  général  d'épée  ;  enjoint  exprelTément  fa  majc.ic 
audit  major  de  veiller  avec  h  plus  grande  exadiitude  à  l'ob- 
fervation  de  la  régie  prefcite  par  le  ptéient  article. 

21  Ne  pourront  les  cas  officiers  &  gardes  conduire  en  p  i- 
fon  les  perfonnes  qu'ils  auvent  arrêtées  pour  fait  de  police  , 
qu'en  vertu  des  oidrcs  du  major  ou  de  l'officier  qui  com- 
iiunJcraau  corps  de  garde  ;  leiquels  major  ou  olliciers  ré- 
pondront perfonnelkn  ent  defdits  ordtes  ;  &  dans  le  cas  oij  il 
yaita  lieu  à  un  réfaé  ,  il  ne  pourra  être  fait  que  par-devant 
le  iiectenant  général  de  robe  longue  du  fîège  de  la  prévôté  <i» 
l'hôtel. 

15.  Le  fervice  à  la  falle  des  fpeélacles  fera  commandé  par 
le  major  ,  tua  lieutenant ,  l'alde-major  &:  un  fous-lieutenant, 
qui  auront  fous  leurs  ordres  deux  brigaJiers  ou  fous  briga- 
diers Sv-  douze  gatdes.  Le  lieutenant  fera  choifî  par  le  grand 
Prévôt  fur  les  deux  de  fervice  dans  la  ville  ;  &:  les  fous-lieute- 
rans  ,  bas-olïiciers  &  gardes  ,  parmi  ceux  qui  feront  de  repo» 
de  ce  même  fervice  ou  de  celui  du  château.  Le  major  drellera 
chaque  jour  un  état  du  détachement  qui  devra  être  employé 
le  lendemain  a  la  falle,  &  il  le  fera  afficher  dans  les  corpj- 
de-gardede  ladite  falle  &c  autres  de  la  ville  ,  afin  que  chacun 
des  officiers ,  bas  officiers  5c  gardes ,  puiffe  être  inllrui:  de  fa 
dertination. 

24,  Sa  majeftc  veut  &  entend  que  les  officiers  ,  bas-offi- 
ciers &:  gardes  de  fervice  au  fpecfacle  ,  s'emploient  ,  avec 
autant  de  fermeté  que  de  prudence  &  d'honnêteté  ,  au  main- 
tien du  bon  ordre  &:  de  la  tranquillité  auJit  fpedacle;  qu'ils 
concourent  avec  vigueur  à  l'exécution  des  ordonnances  qu'elle 
a  rendues  à  ce  fujer. 

iç.  Défend  exprefTément  fa  majefté  à  tous  officiers,  bas- 
officiers  &  gardes  n'étant  pas  de  fervice  au  fpectacle,  de  s'y 
ptéfenter  fans  payer  ,  à  peine  contre  \es  officiers  d'être  punis 
des  arrêts  ;  &  les  bas-officiers  &  gardes  ,  de  prifon  :  enjoir.t 
aux  majors  &  officiers  commandant  la  garde  ,  d'y  lÊuii  Ja 
main. 


5  51         PRÉVÔT  DE  UHOTEL. 

»  timens  ,  cours  ,  baflc  cours  ,  &  jardins  en  dépeii- 
;>  dans ,  même  dans  les  logemens  loués  par  (es  or- 
j)  dres  pour  fupplément  defdits  palais  &  châ- 
j>  teaux  ». 

}>  2.  La  difpofit'ion  de  l'article  précédent  fera 
}>  obfervée  à  l'égard  de  tous  les  lieux  qui  (eroient 
»  habités  par  fa  majefté ,  en  voyage  ou  autrement. 

•13.  Ledit  Prévôt  conn©îtra  pareillement,  à 
«  l'exclufion  de  tous  autres  juges,  des  crimes  & 
«  délits  commis  dans  les  palais  des  Tuileries  ;  du 
ï)  Louvre  &  du  Luxembourg,  bâtimens  ,  cours  & 
«jardins  en  dépendons,  même  dans  les  loge- 
î>  mens  deftinés  aux  articles  dans  les  galeries  du 
w  Louvre  ,  aux  Gobelins  &  à  la  favonnerie  ;  &  ce 

V  encore  que  fa  majefté  ne  foit  p?.s  aâueliement 
*  en  fa  ville  de  Paris. 

>)  4.  Dans  tous  les  autres  châteaux  &  maifons 
»  royales  où  fa  majefté  ne  fera  pas  fa  demeure 
»  a£luelle  ,  la  juiidiâion  criminelle  fera  exercée 
j»  par  les  juges  ordinaires,  ainfi  que  dans  tous  les 
»  autres  lieux  de  leur  territoire  ;  même  à  l'égard  des 
3)  gouverneurs,  capitaines, fuifies,  portiers  ,  garde- 
rt  chafles  ,  ou  de  ceux  à  qui  fa  majefté  auroit  accordé 
»  des  logemens  dans  lefdits  châteaux  &  maifons. 

»  5,  Lorfque  fa  majefté  commandera  fes  armées 
»  en  perfonne  ,  ledit  Prévôt  aura  la  connoiflance 
ï>  de  tous  crimes  &  délits  commis  dans  le  quar- 
»  tier  du  roi, 

1)  6.  Ledit  Prévôt  fera  faire  exaéîemenJ  des  rort- 
ii  des  ou  patrouilles  dans  les  dix  lieues  à  la  ronde 
»)  du  lieu  qui  fera  actuellement  habité  par  fa  nia- 
»i  jefté  ;  fera  arrêter  les  vagabonds  ,  gens  fans  aveu  , 
j»  ou  autres,  qui  troubleroient  la  sûreté  &  la  tran- 
})  quillité  de  la  cour  ;  &  pourra  leur  faire  &  par- 
7>  faire  la  procès  jufqu'à  jugement  définitif  in- 
«  clufivement,  lorsqu'il  aura  prévenu  les  juges 
3>  ordinaires. 

»  7.  Ledit  Prévôt  connoîtra  ,  à  l'exclufion  de 
»)  tous  juges ,  des  crimes  &  délits  commis  dans 
»  ladite  étendue  de  dix  lieues,  tant  en  la  perfonne 
M  de  cei\x  qui  font  aéluellement  de  fervice  auprè> 
»  de  fa  majeflé  ,  de  la  reine  ,  de  la  famille  royale  , 
i>  que  par  lefdites  perfonnes  actuellement  de  fer- 
>»  vice  ,  fans  que  ,  fous  aucun  prétexte  ,  il  puifTe 
i>  y  prendre  connoiflance  defdits  crimes  &  délits  à 
«  l'égard  d'aucuns  autres  que  de  ceux  portés  au 
v  prefent  article  &  au  précédent. 

j)  8.  N'entend  fa  maje/lé,  comprendre  dans  !a- 
n  dite  étendue  de  dix  liçues ,  la  ville  de  Paris  & 
»  fes  fauxboiirgs  ;  dans  lefquels  ville  &  fauxbourgs , 
»  ledit  Prévôt  ne  pourra  exercer  aucune  juridic- 
j»  tion  criminelle,  fi  ce  n'eft  feulement  dans  les 
»>  lieux  portés  par  l'anicle  3  du  préfent  arrêt;.  &i 
1}  à  l'égard  des  crime:.  &  délits  commis  dans  la- 
»  dite  ville  Si  fauxbourgs  d'icelle ,  pendant  que  fa 
3>  majefté  y  fera,  il  n'en  pourra  connoitre  que  lorf 
»  qu'il  s'agira  de  crimes  &  délits  commis  entre 
>i  perfonnes  attachées  à  fon  fervice,  ou  à  celui 
>?  de  la  reine  è-i  de  }a  famille  royale  j  &  en  cas 

V  qu'ils  aient  été  commis  encre  lefdites  perfonnes , 


PREVOT  DE  L'HOTEL. 

«  &  de«  bourgeois  de  ladite  ville,  ou  autres,  1^ 
»  connoiiTance  ne  lui  en  appartiendra  qu'au  ca* 
»  qu'il  eût  prévenu  les  juges  ordinaires. 

»  9.  Ne  feront  compris  dans  le  nombre  des 
»  commenfaux  ,  officiers,  ou  autres  perfonnes 
»  attachées  à  la  fuite  de  fa  majefté  ,  ou  à  celle 
>»  de  la  reine  &  de  la  famille  royale  que  ceux  qui 
»  font  infcrits  dans  les  états  enregiflrés  en  la  cour 
)>  des  aides  de  Paris. 

5)  10.  La  juriditSlion  dudit  Prévôt  n'aura  lieu 
»  fur  lefdites  perfonnes  que  pendant  le  fervice 
»  qu'elles  doivent  à  fa  majefté,  ou  à  la  reine 
"  &  la  famille  royale  ,  fans  qu'après  le  temps 
»  dudit  fervice  expiré,  ilpuifle  continuer  de  l'exer- 
»  cer ,  s'il  n'y  a  eu  auparavant  un  procès-verbal 
»  de  capture  ,  ou  une  information  commencée  par 
»>  lui  ou   fon  lieutenant. 

»  1 1.  Dans  les  cas  où  ledit  Prévôt  ne  feroit  com- 
)»  pètent  qu'à  raifon  du  lieu  où  fi  majcfté  auroit 
»  fait  fon  habitation,  fi  elle  vient  à  en  changer, 
"  il  ne  pourra  exercer  fa  juridiCiion ,  qu'autant 
»  qu'il  y  aura  eu  auparavant  un  procès-verbal  de 
J»  capture  ,  ou  une  information  faite  par  lui  ou  par 
»  fon  lieutenant. 

))  1 2.  Déclare  au  furplus  fa  majefté ,  qu'elle  n'en- 
"  tend  préjiidicier  par  le  préfent  règlement  ,  aux 
'>  privilèges  accordés  à  certaines  perfonnes  à  raifon 
'>  de  leur  dignité  ou  de  leur  état;  qui  feront  gar- 
»  dés  &  obfervés,  ainfj  qu'ils  l'ont  été  ,  ou  dû  l'être 
»  ci-devant, 

»)  13.  Ledit  Prévôt  ne  connoîtra  du  ciime  de 
)»  rapt  ,  de  violence  ou  de  féduflion  ,  à  l'exclufion 
i>  de  tous  autres  juges  ,  que  dans  le  cas  feulement 
»  où  il  aura  été  commis  dans  l'intérieur  des  pa- 
5>  lais,  maifons  royales  &  châteaux  dans  lefquels 
»  fa  majefté  fera  (on  habitation  aftuelle  ,  ou  dans 
5>  leurs  dépendances,  &  les  juges  ordinaires  en 
»  connoîtront  en  tous  autres  cas  ;  &  à  l'égard  de 
»  toutes  perfonnes  fans  exception. 

»  14.  Dans  toutes  les  caufes  &  procès  civils, 
)j  dont  la  connoiffance  appartient  audit  Prévôt , 
»  il  connoîtra  pareillement  du  faux  qui  y  fera  inci- 
»  dent,  fans  que,  fous  prétexte  du  lieu  ou  de 
M  la  perfonne  ,  il  puiiTe  connoiire  du  faux  incident 
"  aux  caufes  Se  procès  pendans  devant  tous  autres 
»  juges. 

)»  1 5.  Ne  pourra ,  ledit  Prévôt  connoître ,  en  aucun 
»  cas  , du  crime  de  duel ,  circonftances  Sddépendan- 
5>  ces;  encore  qu'il  eût  été  commis  dans  des  lieux  , 
1)  ou  par  des  perfonnes  foumifcs  à  fa  juridiflion  , 
"  fauf à  lui ,  d'informer  dudit  crime,  même  d'ar^ 
)>  réter  les  prévenus  en  flagrant  délit  ;  auquel 
»  cas ,  il  fera  tenu  de  renvoyer  les  charges  ,  infor- 
"  mntions  &  procédures  ,  &  ceux  qu'il  auroit 
»  arrêtés  ,  dans  les  cours  de  parlement  &  confeils 
»  fupérieurs,  pour  y  être  ledit  procès  continué  à 
»  la  pourfuite  Si  diligence  des  procureurs  géné- 
))  raux  de  fa  majefté  ,  en  la  forme  portée  par  les 
»  ordonnances. 

M  16.  Les  lettres  d'abolition^  de  pardon  &  de 

rémiflioq 


PRÉVÔT  DE  L'HOTEL' 

»  rémlflîon  qui  auroient  été  accordées  pour  crimes 
«&  délits  inftruiti  par  ledit  Prévôt,  lui  feront 
»)  adreffces  ,  &  fera  par  lui  {)rocédé  à  leur  entérine- 
M  ment  en  la  forme  prefcrite  par  les  ordonnances. 

'>  17.  Dans  toutes  les  matières  attribuées  audit 
»  Prévôt ,  les  juges  ordinaires  pourront  informer 
»'  &  décréter,  à  la  charge  de  renvoyer  le  procès  & 
»  les  acculés  audit  Prévôt  ;  &  pourra  pareillement 
"  ledit  Prévôt ,  informer  &  décréter  pour  crimes 
»  commis  dans  tous  les  lieux  où  il  peut  exercer  Ta 
«  j'jridi(^ion,  encore  que  la  connoifTance  du  crime 
5»  ou  délit  ne  lui  appartînt  pas ,  à  la  cliargc ,  pa- 
»  reillement  de  renvovcr  le  procès  Si  l'accufé  "dux 
"  juges  ordinaires  qui  en  doivent  connoitre. 

5>  18.  Ledit  Prévôt  ou  fou  lieutenant,  pourra 
«rendre  feul  les  ordonnances,  pour  permcttro 
»  d'informer  &  pour  décréter;  8t  à  10:^*1  d  du  ré- 
"  glement  à  l'extraordinaire  &  autres  jugeniens 
»  préparatoires ,  interlocutoires  ou  définitifs  ,  il  ne 
>»  les  pourra  rendre  qu'avec  (Ix  maîtres  des  requê- 
5>  tes  de  l'hôtel  au  moins,  ou  fix  des  confeillers  du 
"  grand-confeil ,  ou  des  cours  de  parlement;  & 
"  torique  fa  maje/lé  fera  en  voyage  ,  ou  hors  du 
"  lieu  ordinaire  de  fou  habitation  ;  s'il  ne  fe 
«  trouve  pas  à  fa  fuite  fuffifamment  de  maîtres  des 
"  requêtes  ,  ou  dcfdits  confeillers  pour  remplir 
'>  ledit  nombre,  il  y  appellera  fix  des  ofliciers  des 
»'  bailliages  ou  fénéchauflees ,  même  des  autres 
"  juflices  royales  qui  fe  trouveront  les  plus  pro- 
î'  ches  des  lieux  où  fa  majefté  fera;  Si  les  jus^e- 
»  mens  ainfi  rendus  feront  exécutés  en  dernier  rel- 
»>  fort ,  &  fans  appel. 

"  19.  Dans  tous  les  cas  ,  où  il  fera  néceffaire 
»  de  mettre  le  fcellé  dans  l'intérieur  des  palais  de 
M  fa  majefté,  &  autres  lieux  énoncés  dans  les  arti- 
"  ticles  I  ,  2  ,  3  &  4  du  préfent  arrêt  ;  il  ne  pourra 
»  être  appofé  &  levé  que  par  ledit  Prévôt  ou  autre 
»  ofHcier  de  la  prévôté  de  Thôtel, 

»  20.  L'appofuion  &  la  levée  des  fcellés  ap- 
»  partiendront  pareillement  audit  Prévôt,  lorfque 
Mies  perfonnes  attachées  à  la  fuite  de  fa  majené, 
>»  ou  à  celle  de  la  reineSc  de  la  famille  royale,  décé- 
«  deront ,  pendant  le  tems  de  leur  fervice,  dans  des 
»»  logemens  par  eux  occupés  pour  ledit  temps  feu- 
M  lement  ;  mais  s'ils  décèdent ,  même  pendant  le 

V  temps  de  leurdit  fervice ,  dans  des  maifons  à  eux 
f>  appartenantes ,  ou  qu'ils  auroient  louées  pour  un 
»  temps  plus  long  que  celui  dudit  fervice  ;  lefdites 
j>  apportions  Si  levées  des  fcellés  appartiendront 

V  aux  juges  ordinaires. 

»  21.  Les  inventaires  feront  fairs  par  tels  no- 
jj  taires  que  les  parties  voudront  choifir;  &  dans 
s»  les  cas  où  il  fera  nécefl'aire  de  les  faire  clore  en 
»  junice  ,  la  clôture  fera  faite  devant  les  juges  or- 
»  dinaires. 

«  22.  S'il  eft  nécefTaire  de  procéder  auxdits  in- 
j>  ventaires  en  juflice  ,  ils  feront  faits  par  ledit  Pré- 
»  vôt  ou  psr  le  jljc  ordinaire  ,  félon  que  l'un  eu 
«l'autre  en  fera  compétent,  aux  termes  des  arti- 
»  clés  19  &  20   ci-deflus. 


PRÉVÔT  DE  L'HOTEL.       5  î  3 

»  43.  La  vente  des  meubles  fera  faite  de  r.iu" 
»  torité  de  celui  dudit  Prévôt,  ou  dudit  juge  qii* 
»  fe  trouvera  compétent,  aux  termes  defdits  ani- 
»>  clés,  &  ce  par  tel  hu i (île r- p ri feur- vendeur  qui 
»>  fera  choifi  par  les  parties,  ou  commis  à  cet 
»  effet ,  s'il  efl  néceffaire  d'en  nommer  un  en 
»  juflice. 

>»  24.  Dans  tous  les  cas  où  ledit  Prévôt  fera  com- 
»  pètent  pour  lefdits  fcellés,  inventaires  8c  ventes 
>»  fuivant  ce  qui  a  été  réglé  ci-deffus  ,  il  ne  pourra 
»  prétendre  aucun  droit  de  fuite. 

»  25.  Ledit  Prévôt  connoîtra  du  bris  des  fcellés 
»  par  lui  appofés  ,  fans  que,  fous  ce  prétexte,  il 
>»  puiffe  connoîtredesa(ftions  en  recelé  &  diverriffe- 
»  ment ,  lefquellcs  feront  portées  devant  lesjuga^ 
1)  ordinaires. 

jî  26.  Les  tutelcs  &  curatelles,  &  les  éman- 
»  cipations  qui  feront  à  faire  après  le  décès  des 
«  perfonnes  iùfditcs  ,  feront  fyites  devant  les  jisges 
»  ordinaires,  fans  que  ledit  Prévôt  puiiTe  s'y  im- 
»  mifcer ,  fous  prétexte  defdits  fcellés  ,  inventaires 
»  &  ventes  ,  ou  fous  quelqu'autre  que  ce  foit. 

V  27.  Les  demandes  &.  allions  qui  concernc- 
»  ront  le  fervice  que  doivent  les  perfonnes  atta- 
1)  chées  à  la  fuite  de  fa  majeflé  ,  à  celle  delà  reine  & 
')  de  la  famille  royale  ,  l'exercice  de  leurs  fondions , 
»  leurs  logemens,  nourritures  ou  habillcmens  ,  ou 
M  de  leurs  domefliques ,  pendant  le  temps  de  leur 
«  fervice,  ainfi  que  les  adts,  conventions  ou  billets 
»  qu'elles  auroient  faits  pour  raifon  defdits  ob- 
»  jets  ,  même  les  lettres  de  change  caufées  pour 
niceux,  &  antres  demandes  de  pareille  nature 
»  &  qualité,  qui  auront  trait  audit  fervice,  feront 
»  portées  pardevant  ledit  Prévôt ,  à  l'exclufion  de 
»  tous  autres  Juges. 

5j  28.  Les  faifies  mobilières  ou  réelles  qui  feront 
»  faites  en  exécution  des  fentences  rendues  par  le- 
I)  dit  Prévôt  dans  le  cas  dont  la  connoiflance  lui  efl 
»  attribuée  par  le  préfent  arrêt;  &  les  inflances 
V  de  préférence,  de  contribution  ou  d'ordre,  qui 
»  feront  intentées  en  coiiféquence  ,  pourront  erre 
Il  portées  pardevant  ledit  Prévôt ,  fans  qu'il  puifTc 
»  en  connoître  en  aucun  autre  cas. 

»  29.  Ledit  Prévôt  ne  pourra  connoître,  en  au- 
»  cun  cas,  des  demandes  en  partage  ou  licitation 
»  de  biens ,  des  conteftations  concernant  les  tef- 
»  tamens  &  les  fubftitutions  ,  des  oppontions  aux 
»  mariages  ,  des  demandes  en  féparation  de  corps 
»  ou  de  biens  ;  de  celles  en  retrait  lignager  ,  des 
»  décrets  volontaires,  ni  d'aucune  aéiion  pcrfon- 
»  nelle  ou  mixte  ,  autre  que  celles  portées  par  les 
1»  deux  articles  précédens. 

»  30  Ne  pourra  pareillement  ledit  Prévôt  con- 
H  noître  en  aucun  cas  &  fous  quelque  prétexte 
»  que  ce  foit,  des  faifies  féodales,  des  demandes 
M  en  retrait  féodal  ou  cenfuel ,  des  aélions  en  rc- 
»  connoiflance  ou  payement  de  cens  &  rentes  des 
n  demandes  en  réunions  ou  en  bornages,  ni  de 
»  toutes  autres   matières  réelles. 

»  3 1.  Dans  toutes  les  affaires  dont  la  connoiflance 

A  aa  a 


5  54  PRÉVÔT  DE  L'HOTEL. 

5>  appartient  audit  Prévôt,  les  aiTignations  pourront 
5' être  données;  &  tous  exploits  pour  l'exécution 
3>  de  Tes  ordonnances  &  jugemens  ,  être  faits  dans 
j»  tour  le  royaume  par  les  officiers  de  ladite  Prévôté 
3;  ayant  pouvoir  d'exploiter,  fans  qu'ils  aient  be- 
»r  foin  de  pareacis  ;  &  en  cas  que  lefdites  aiïigna- 
»  tions  foient  données  ,  ou  lefdits  exploits  faits  par 
>»  d'autres  huilTiers  ou  fergens ,  ils  feront  tenus  de 
j)  prendre  un  parcatis  en  la  manière  accoutumée- 

»  32.  Le  Prérôt  ou  fon  lieutenant  fe  tranfpor- 
»>  tera  ,  avant  l'arrivée  de  fa  majefté,  dans  tous  les 
»>  lieux  oïl  elle  devra  loger,  à  l'effet  d'y  régler,  de 
y)  concert  avec  les  juges  de  police  du  lieu,  létaux 
»j  du  pain,  vin  ,  viande  ,  foin,  paille,  avoine  , 
«  bois  ,  chandelle  &  autres  chofes  néceffaires  à  la 
»  fubfiHance  &  approvifionnement  de  fa  fuite  , 
«  fauf ,  en  cas  qu'il  furvienne  quelques  difficultés  à 
ï>  cet  égard ,  à  y  être  pourvu  par  les  ordres  de  fa 
j>  majelté  ,  fur  le  compte  qui  lui  en  fera  rendu. 

3j  3;^.  En  cas  qu'il  foit  néceffaire  ,  pour  ladite  fub- 
9>  fîftance  ,  de  tirer  des  marchandifes  ou  denrées 
»  des  lieux  circonvoifins ,  ledit  Prévôt  pourra  pa- 
»  reillcment  s'y  tranfporter  ,  &  donner  les  ordres 
»  nécefTaires  à  cet  effet,  lefquels  feront  exécutés 
>»  par  provifion  ,  fauf,  en  cas  de  plaintes  ,  à  y  être 
î>  pourvu  par  fa  majefté  ainfi  qu'il  appartiendra. 

»>  34.  Ledit  Prévôt  pourra  en  outre  ,  de  concert 
»  avec  le  juge  de  police  du  lieu  ,  fixer  le  taux  des 
3>  denrées  &  marchandifes  pour  la  provifion  de  la 
»  cour  &  fuite  de  fa  majeflé  ,fur  les  ports  les  plus 
»>  proches  du  lieu  où  elle  fera ,  fauf,  en  cas  de  diffi- 
j)  culte,  à  y  être  pourvu  par  fa  majeflé  ainfi  qu'il 
»»  appartiendra. 

1»  35.  Ledit  Prévôt  pourra  faire  des  vifites  dans 
»>  tous  lefdits  lieux  ,  pour  y  maintenir  la  police  & 
M  l'exécution  de  fes  ordonnances,  en  ce  qui  con- 
«  cerne  ledit  approvifionnement  feulement  ;&  il 
»  connoitra,  exclufivement  à  tous  autres  juges  , 
»  des  contraventions  &  contsffations  qui  pour- 
ï>  roienf  naître  à  ce  fujet  ,  foit  au  civil ,  foit  au 
»  criminel. 

M  36.  Ledit  Prévôt  connottra  pareillement  ,  à 
»  l'exclufion  de  tous  autres  juges  ,  de  toutes  con- 
r>  ventions  &  marchés  ,  foit  verbaux ,  foit  par 
»  écrit,,  qui  feroient  faits  &  caufés  pour  l'appro- 
>j  vifionneme.nr  de  ladite  cour  &  fuite  de  fa  ma- 
y>  jefié,  même  des  lettres  de  change  ou  billets 
»  alufi  caufés. 

w  37.  La  police  dans  les  chapelles  des  palais 
»  &  maifons  royales  mentionnés  dans  les  arti- 
»  clés  1  ,  3  &  4  dsi  préfent  arrêt ,  appartiendra 
»  audit  Prévôt ,  à  l'exclufion  de  tous  autres  juges  : 
yt  ce  qui  aura  lieu  pareillement  à  l'égard  de  tou- 
»  tes  les  églifes ,  lorfque  fa  majefté  y  affifiera  au 
yt  fervice  divin  ;  &  ,  dans  tous  les  autres  cas ,  la 
»  police  defdites  églifes  demeurera  aux  ju^es  des 
j»  lieux. 

»  38.  La  police  fur  tous  vivandiers  ,  marchands 
•»  ou  artifans  privilégiés  ,  qui  feront  à  la  fuite  de 
»  îadiiè  cour  ,  appatùendia  audit  Prévôt ,  à  l'exclii- 


PRÈVOT  DE  L'HOTEL. 

»  fion  de  tous  juges  ;  &  à  l'égard  de  tous  autres 
»  vivandiers  ,  marchands  &  artifans  ,  elle  appar- 
»  partiendra  aux  juges  ordinaires  du  lieu  ,  fans  pré- 
«  judice  néanmoins  audit  Prévôt ,  ou  fon  lieute- 
•>■>  nant ,  de  faire  des  vifites  de  police  chez  eux  ,  & 
>»  notamment  chez  les  cabaretiers  ,  pour  la  sûreté 
»  &  le  bon  ordre  de  ladite  cour. 

y>  39.  Ledit  Prévôt  pourra  faire  publier,  tentes 
>»  les  fois  que  befoin  fera ,  les  ordonnances  pour 
»  la  police  de  ladite  ville  ,  même  en  rendre  de 
3»  nouvelles  ,  s'il  eft  néceffaire  ,  6c  la  connoif- 
"  fance  de  tout  ce  qui  concernera  leur  exécu- 
»  tion  ,  lui  appartiendra  exclufivement  à  tous  au- 
»  très  juges. 

'>  40.  Les  ordonnances  &  réglemens  concer- 
»  nant  la  propreté  des  rues  des  lieux  que  fa  nia- 
»  jefié  habitera ,  &:  pour  les  boues  8c  lanternes  , 
»  feront  faits  par  le  juge  ordinaire  des  lieux  ,  & 
»  il  connoitra  de  toutes  les  contraventions  & 
"  conteflations  ce  concernant ,  fauf  ,  en  cas  de 
"  négligence  de  fa  part ,  à  y  être  pourvu  de  l'au- 
"  tonte  de  fa  majefié  ainfi  qu'il  appartiendra. 

M  41.  Les  ordonnances  de  police,  rendues  par 
»  ledit  Prévôt,  feront  exécutées,  nonobftant  op- 
"  pofitions  Ou  appellations  quelconques  ,  &  fans 
»  préjudice  d'icelles  ,  fauf  l'appel  au  grand  confeiî 
"  de  fa  majeflé. 

»  42.  Veut  néanmoins  fa  majeflé  que  fi  elles 
»  ont  été  rendues  pendant  le  cours  de  fes  voya- 
»  ges  ,  ou  ailleurs  que  dans  le  lieu  de  fon  ha- 
»  bitation  ordinaire  ,  &  qu'il  fe  trouve  à  fa  fuite 
^>  trois  des  maîtres  des  requêtes  de  f«n  hôtel  ,, 
)>  l'appel  en  foit  porté  pardevant  eux,  poiir'y  être 
'  »  flatué  en  dernier  refibrt ,  fommairement  &  fan» 
)>  frai^ ,  en  la  forme  prefcrite  par  le  règlement  du 
)>  confeil  pour  l'inftruflion  des  incidens. 

»  43.  Ledit  Prév^  aura  la  police  des  fpe£taclei 
»  qui  auront  été  établis  par  permiffion  de  fa  ma- 
»  jeflé ,  dans  les  lieux  où  elle  fera  fon  féjour. 

»>  44.  N'entend  fa  majefté  comprendre  la  ville 
»  de  Paris  dans  tout  ce  qui  a  été  réglé  par  les 
)>  articles  précédens  ,  concernant  l'exercice  de  la 
))  police  par  ledit  Prévôt  r  veut  fa  majeflé  ,  qiie  , 
)»  foit  en  fon  abfence ,  foit  en  fa  préfence  ,  il  ne 
»  puiffe  l'exercer  que  dans  l'intérieur  dés  palais 
>»  8c  autres  lieux  mentionnés  dans  l'article  3  du 
3>  préfent  arrêt. 

j>  45.  Tout  ce  qui  eft  porté  par  le  préfent  ar- 
5>  rêt  fur  la  juridiction  dudit  Prévôt  ,  aura  lieu  dans 
•>■)  les  C9S  où  la  reint ,  ou  l'un  des  princes  ou  des 
»  princeffes  de  la  famille  royale  ,  ne  fe  trouvant 
»  pas  avec  fa  majefié  ,  elle  aura  chargé  ledit  Pré- 
»  vôt  ou  fon  lieutenant  de  faire  le  fervice  auprès 
)7  de  leur  perfonne. 

»  46.  Ledit  Prévôt  connoitra  en  première  inf- 
»  tance  ,  &  à  la  charge  de  l'appel  audit  grand 
5)  confeil ,  des  conteflations  qui  pourront  concer- 
»  ner  la  validité  ou  invalidité  àp.%  privilèges  de 
»  ceux  des  marchands  8c  artifans  attachés  à  la  cour 
;  »  &  fuite  de  fa  mai«ilé,  q_ui  exerceront  auiîileur 


PRÉVÔT  DES  MARCHANDS. 

*>  profeffion  &  art  en  la  ville  de  Paris  ou  fes  faux- 
»»  bourgs ,  fans  qu'ils  puiffent  être  traduits  ailleurs 
»>  pour  rai<b:i  de  leurs  privilèges. 

»  47-  S^itont  au  furplus  lefdits  marckands  &  ar- 
»»  tifans  tenus  de  fe  conformer  aux  réglemens  faits 
w  pour  l'exercice  Se  police  des  arts  &  métiers  de 
"  ladite  ville  ;  &  en  cas  de  contravention ,  les  maî- 
»»  très  &  gardes  ,  &  les  jurés  des  communautés 
"  pourront  faire  la  vifue  chez  lefdits  marchands 
>»  &  artifans  ,  à  la  charge  de  prendre  l'ordonnance 
"  du  lieutenant-général  de  police  ,  8c  àe  (q  faire 
»»  aiî'dler  d'un  commiffaire  :  &  les  conteflations 
«  qui  naîtront  à  ce  fujet  feront  portées  pardevant 
»  ledit  lieutenant  général  de  police  ,&  par  appel 
"  au  parlement  de  ladite  ville. 

j>  4S.  Les  commenfaux  de  fa  majefté  ,  &  les 
»>  perfonnes  attachées  à  fon  fervice  &  à  celui  de 
»  la  reine  &  de  la  famille  royale  ,  pourront  être 
»  aflîgnés  pardevant  ledit  Prévôt  ,  dans  tous  les 
»  cas  dont  la  connoifFance  lui  eft  attribuée  par 
>»  le  préfent  arrêt  ,  fans  préjudice  auxdites  per- 
»  fonnes  de  faire  ufage  de  leur  droit  de  commim- 
«  mus  dans  les  cas  portés  par  les  ordonnances  , 
w  fans  néanmoins  que  lefdits  committimus  puifTent 
»  avoir  lieu  lorfqu'it  Tera  queHion  de  la  police  ou 
>»  des  privilèges  accordés  aux  marchands  ik  arti- 
»  fans  étant  à  la  fuire  de  la  cour. 

»  49.  Ordonne  fa  majefl!;  que  le  préfent  arrêt 
ï>  fera  exécuté  en  tout  fon  contenu  ,  même  à  l'i- 
»  gard  des  conflits  &  autres  conteftations  qui  fe- 
»  roient  encore  indécis  ;  &  ce  nonobflant  toutes 
»>  chofes  à  ce  contraires  ». 

Le  Prévôt  de  1  hôtel  du  roi  a  la  nomination  d'un 
certain  nombre  de  marchands  &  artifans  privilé- 
giés de  la  cour  ,  maifon  &  fuite  de  fa  majeflé. 
Voyez  ce  que  nous  avons  dit  à  cet  égard  à  l'ar- 
ticle Marchand. 

PREVOT  DES  MARCHANDS.  C'eft  un  ma- 
giftrat  qui  préfide  au  bureau  de  la  ville  ,  pour 
exercer  avec  les  échevins  la  juridi^llion  qui  leur 
eft  confiée. 

L'office  de  Prévôt  des  marchands  eft  munici- 
pal ;  on  ne  eonnoit  que  deux  Prévôts  des  mar- 
chands en  France  ,  celui  de  Paris  &  celui  de  Lyon  ; 
ailleurs  le  chef  du  bureau  de  la  ville  eft  commu- 
nément nommé  maire. 

En  1 170  ,  une  compagnie  des  plus  riches  bour- 
geois de  Paris  établit  dans  cette  ville  unQ  confrérie 
des  marchands  de  l'eau. 

Ils  achetèrent  des  abbefle  &  religieufes  de  Haute 
Bruyère  une  place  hors  de  la  ville,  &  fondèrent 
leur  confrérie  dans  l'églife  de  ce  mcn^'-ftère.  Cet 
établilTement  fut  confirmé  par  des  lettres-patentes 
de  la  même  année. 

Quelques-uns  prétendent  néanmoins  que  l'éta- 
blitTement  de  la  Prévôté  des  marchands  ,  à  Paris , 
remotite  jufqu'au  temps  des  Romains  ;  que  les 
marchands  de  Paris,  fréquentant  la  rivière,  par 
laquelle  fe  faifoit  alors  prefque  tout  le  commerce  , 
formoient  dès-lors  entre  eux  un  collège  ou  com- 


PRÉVOT  DES  MARCHANDS.      555 

munauté  ,  fous  le  titre  de  tiautai  Farifiaci,  fuivane 
un  monument  qui  ïut  trouvé  en  1710,  en  fouil- 
lant fous  le  chœur  de  l'églife  de  Notre  Dame.  Il 
eft  à  croire  que  ces  nautcc  avoient  im  chef  qui  te- 
noit  la  place  qu'occupe  aujourd'hui  le  Prévôt  des 
marchands. 

Quoi  qu'il  en  foit  de  cette  origine ,  il  eft  cer- 
tain que  l'inftitution  du  Prévôt  des  marchands  eft 
fort  ancienne. 

Il  paroît  que  dans  les  commencemens  ceux  de 
la  confrérie  des  marchands  qui  furent  choifis  pour 
officiers  ,  étoient  tous  nommés  Prévôts  des  mar- 
chands,  c'eft-à-dire,  prépofès  ,  prapojîii  mercato- 
rum  aquœ.  ;  c'eft  ainfi  qu'ils  font  nommés  dans  un 
arrêt  de  l'an   1268,  rapporté  dans  les  olim. 

Dans  un  autre  arrêt  du  parlement  de  la  pente- 
côte  ,  en  1273  ,  ils  font  nommés' /c^î/^/ni ,  &  leur 
chef  màgifler  Jcûbinorum. 

Il  y  en  avoit  donc  dès  lors  un  qui  étoit  diftin- 
gué  des  autres  par  wn  titre  particulier ,  &  qui  éft 
aujourd'hui  reprèfenté  par  le  Prévôt  des  marchands. 
En  effet,  dans  l'ancien  recueil  manufcrit  des  or- ' 
donnances  de  police  de  Paris ,  qui  fut  fait  du  temps 
de  Saint-Louis  ,  les  échevins  &  leur  chef  font  dé- 
fignés  fous  ces  difFcrens  litres  ,  //  Prévôt  de  la  confré- 
rie des  marchands  &  li  éch.vins  ;  //  Prévôt  &  Il  jurés 
de  la  inarchandife  ;  li  Prévôt  &  Il  jurés  de  la  con fe- 
rle des  marchands.  Ailleurs  il  efi  nommé  le  Prévôt 
de  la  ma'chandlfe  de  l'eau  ,  parce  qu'en  effet  la  ju- 
ridivflion  à  la  tête  de  laquelle  il  eft  placé  ,  n'a  prin- 
cipalement pour  objet  que  le  commerce  qui  fe 
fait  par  eau. 

Il  devoir  être  préfent  à  l'éleé^ion  qui  fe  fai'oit 
par  le  Prévôt  de  Paris  ,  ou  par  les  auditeurs  du 
châtelet ,  de  quatre  prud'hommes  pour  faire  la 
police  fur  le  pain  ,  &  il  partageoit  avec  les  prud- 
hommes  la  moitié  des  amendes. 

C'étoit  lui  &  les  échevins  qui  élifoient  les 
vendeurs  de  vin  de  Paris  ;  ils  avoient  le  droit  du 
cri  du  vin  ,  &  levoient  une  impofuion  fur  les  ca- 
baretiers  de  cette  ville.  Le  Prévôt  avoit  la  moitié 
d.s  amendes  auxquelles  ils  étoient  condamnés  ; 
c'étoit  lui  qui  recevoir  la  caution  des  courtiers 
de  vin. 

Il  avoit ,  conjointement  avec  le  Prévôt  de  Paris  , 
infpeflion  fur  le  fel. 

On  l'appeloit  aufli  à  l'èle^lion  des  jurés  de  la  ma- 
rée &  du  polft"on  d'eau  douce. 

Il  étoit  pareillement  appelé,  comme  le  Prévôt 
de  Paris,  pour  connoître  avec  les  maîtres  des  mé- 
tiers ,  de  la  bonté  des  marchandifes  amenées  à  Paris 
par  les  marchands  forains. 

On  l'appela  aufti  au  parlement,  en  1350,  pour 
faire  une  ordonnance  de  police  concernant  la 
pefte. 

Il  recevoir  avec  plufieurs  autres  ofliciers  ,  le 
ferment  des  jurés  du  métier  des  bouchers  & 
chandeliers. 

On  trouve  que  dans  plufieurs  occafions  le  Pré- 
vôt des   oiarchands  fut  appelé  à  des   aifemblées 

A  aaaij 


5î6    PRÉVÔT  DES  MARCHANDS. 

confidérables.  Par  exemple,  en  ijyo,  il  fut  ap- 
pelé à  une  a/Temblée  pour  faire  un  règlement  fur 
lo  pain  ;  &  en  1379,  à  une  autre  afîemblée  où 
i!    s'agilToit  de  mettre  un  impôt  fur  l,i  marée. 

Il  affifta  le  ai  mai  137^  ,  à  l'enregiftrement  de 
redit  de  la  majorité  des  rois. 

Mais  ,  le  27  janvier  1382  ,  à  roccafion  d'une  fé- 
dition  arrivée  à  Paris  ,  Charles  VI  fupprima  le 
Prévôt  des  marchands  Si  l'échevinage  de  la  ville 
de  Paris ,  &  réunit  le  tout  à  la  Prévôté  de  la  même 
viiîe  ;  enferre  qu'il  n'y  eut  plus  alors  de  Prévôt 
des  marchands  nid'échevins  ;  ce  qui  demeura  dans 
cet  état  jufqu'au  premier  mars  1 388  ,  que  le  roi  ré- 
rnblit  le  Prévôt  des  marchands  &  les  échevins  : 
mais  il  paroît  que  la  juùdii^ion  ne  leur  fut  rendue 
que  par  une  ordonnance  de  Charles  VI  du  20  jan- 
vier 1411. 

Le  Prévôt  des  marchands  préfide  à  cette  ju- 
ridiftion. 

Il  eft  nommé  par  le  roi ,  &  fa  commiflion  eft 
pour  deux  ans  ;  mais  il  eft  continué  trois  fois  >  ce 
qui  fait  en  tout  huit  années  de  prévôté. 

Cette  place  eft  ordinairement  remplie  par  un 
magiftrat  du  premier  ordre. 

Le  Prévôt  des  marchands  a  le  titre  de  cheva- 
lier ;  il  porte  dans  les  cérémonies  la  robe  de  fatin 
cramoifi. 

Il  y  a  aufTi  à  Lyon  un  Prévôt  des  marchands , 
au  fujet  de  l'exercice  duquel  le  roi  a  donné ,  le 
14  feptembre  1780,  des  lettres-patentes  que  le 
parlement  a  enregiftrées  le  29  novembre  de  la 
même  année  ,  &  qui  font  ainfi  conçues  : 

«  Louis,  &c.  Salut.  L'article  2  des  lettres-pa- 
î)  tentes  données  le  31  août  1764  ,  par  le  feu 
»  roi ,  notre  très-honoré  feigneur  &  aïeul ,  pour 
17  régler  l'adminiftration  de  notre  ville  de  Lyon  , 
w  porte  ,  que  le  Prévôt  des  marchands  fera  par 
»  nous  nommé  ,  fur  la  ptéfentation  qui  nous  fera 
»  faite  de  trois  fujets  nés  dans  la  ville  de  Lyon  , 
»  &  iowifTant  des  privilèges  de  la  noblefîe ,  élus 
}>  par  la  voie  du  fcrutin  8c  par  billets  ,  dans  une 
«  affemblée  de  notables.  Il  eft  ordonné  par  l'ar- 
n  ticle  3  des  mêmes  lettres-patentes  ,  que  ledit 
»  Prévôt  des  marchands  exercera  fes  fondions  pen- 
»  dant  deux  années  ,  à  l'expiration  defquelles  il 
»  fera  procédé  à  l'éleflion  de  trois  fujets  qui  doi- 
»  vent  nous  être  préfentés ,  &  dans  le  nombre 
ij  defquels  pourra  être  compris  celui  qui  fe  trou- 
«  vera  dans  le  cas  d'être  remplacé,  à  l'effet  d'être 
n  prorogé  ,  s'il  y  a  lieu  ,  fans  néanmoins  qu'il 
»  puiffe  l'être  plus  de  deux  fois  ;  nous  avons  confi- 
n  déré  que ,  pendant  deux  années  ,  il  n'ert  pas 
»  portîble  au  Prévôt  des  marchands  de  s'inftruire 
M  de  toutes  les  branches  d'une  adminiftration  auHî 
n  confidérable  ,  d'en  fuivre  les  différentes  affaires  , 
).  de  réformer  les  abus  qui  peuvent  s'y  gliffer , 
»»  &  d'y  opérer  le  bien.  Nous  avons  obfervé  d'ail- 
»>  leurs  que  les  élevions  ,  fe  renouvelant  fans  ceffe , 
9»  entretiennent  ks  cabales  des  afpirans ,  &  fo- 

•:entent  la  plus  grande  partie  des  troubles  dont 


r-RÉvoT  Des  xMAréchaux. 

»  !e  corps  de  ville  eil  fouvent  agité  :  pour  rcmé- 
>»  dier  à  ces  deux  inconvéniens  ,  autant  que  les 
>»  circonftances  peuvent  le  permettre,  nous  croyons 
»  devoir  portera  fix  ans  le  temps  de  l'exercice  du 

V  Prévôt  des  marchands  ;  &  par  ce  moyen  nous 
"  tiendrons  un  milieu  entre  les  changemens  trop 
»  fréquens  &  la  perpétuité  ,  qui  feroit  également 
j>  préjudiciable.  A  ces  caufes  &  autres  confidéra- 
»  tions  à  ce  nous  mouvant ,  de  l'avis  de  notre  con- 
»  feil ,  5c  de  notre  certaine  fcience ,  pleine  puif-* 
»  fance  &  autorité  royale,  nous  avons  ordonné  , 
»  &  par  ces  préfentes  fignées  de  notre  main  ,  nous 

V  ordonnons  qu'à  l'avenir  le  Prévôt  des  marchands 
»  de  notre  ville  de  Lyon  exercera  pendant  fix  an- 
»  nées  entières  &  confécutives  ,  à  l'expiration  def- 
»  quelles  il  fera  procédé ,  en  conformité  de  ce 
"  qui  eft  prefcrit  par  les  lettres  -  patentes  du  31 
»  août  1764,  à  l'éledion  de  trois  fujets  qui  doi- 
»  vent  nous  être  préfentés  ,  fans  que  celui  qui 
»  fera  dans  le  cas  d'être  remplacé  puiffe ,  en  au- 
»  cune  manière  ,  y  être  compris.  Voulons  ,  en 
»  conféquence  ,  que  le  fieur  Fay  de  Sathonay, 
»  Prévôt  des  marchands  aâuel ,  continue  d'exer- 
»  ccr  jufqu'à  ce  qu'il  ait  rempli  lefdites  fix  années  ; 
»  à  l'effet  de  quoi,  &  pour  ce  regard  feulement^ 
M  dérogeons  auxdiies  lettres-patentes  du  31  aoûr 
»  1764.  Si  donnons  en  mandement,  &c.  ». 

PREVOT  DES  MARÉCHAUX.  Ceft  un  of- 
ficier prépofé  pour  veiller  à  la  fureté  des  grands 
chemins  ,  prendre  connoiffance  de  certains  crimes. 
&  délits,  &  les  juger  fans  appel. 

On  peut  rapporter  aux  Romains  la  première  inf- 
titution  de  ces  fortes  d'officiers.  Les  romains  ayant 
des  milices  deftinées  à  battre  la  campagne  pour 
arrêter  les  malfaiteurs  &  les  livrer  aux  juges  ,  les 
chefs  de  ces  milices  étoient  appelés /«j/r^/zcu/jtorf^. 

En  France ,  les  comtes  étoient  pareillement  char- 
gés de  veiller  à  la  fureté  des  provinces. 

Les  baillis  &  les  fénéchaux  qui  leur  fuccédèrent 
furent  chargés  du  même  foin.  Le  Prévôt  de  Pa- 
ris ,  qui  tient  le  premier  rang  entre  les  baillis  , 
avoit  pour  ce  fervice  deux  cents  vingt  fergens  à 
cheval,  qui  venoient  tous  les  jours  à  l'ordre,  & 
une  compagnie  de  cent  maîtres,  qui  battoient 
continuellement  la  campagne,  &  à  la  tête  de  la- 
quelle il  fe  trouvoit  lui-même  dans  les  occafions 
importantes.  Les  baillis  &  fénéchaux  faifoient  la 
même  chofe  chacun  dans  leur  province. 

Il  n'y  avoit,  jufqu'au  temps  de  François  pre- 
mier ,  que  deux  maréchaux  de  France  ;  ce  prince 
les  augmenta  jufqu'à  quatre  :  ils  commandotent 
les  armées  avec  le  connétable ,  comme  fes  lieu- 
tenans,  &  en  chef  lorfqu'il  étoit  abfent.  La  juri- 
diéiion  militaire  attachée  a  ce  commandement  étoit 
exercée  fous  leur  autorité  par  un  Prévôt  qui  de- 
voit  être  gentilhomme  &  avoir  commandé  ;  il  étoit 
à  la  fuite  t'es  armées  ;  &  en  temps  de  paix  il  n'a- 
voit  point  de  fonction. 

Charles  VI  fixa  ce  Prévôt  des  maréchaux  à  la 
fuite  de  la  cour ,  d'autant  que  fous  fon  règne  la 


PRÉVÔT  GÉNÉRAL. 

cour  ne  futprefqiie  point  féparée  de  l'armée.  Cet 
arrangement  fubfifta  fous  les  règnes  fuivans,c'eft 
même  de  cet  officier  qu'on  a  tait  le  Prévôt  de 
l'huiel  du  roi  5  ou  grand  Prévôt  de  France,  dont 
on  a  parlé  précédemment. 

Cet  officier,  ne  pouvant  veiller  fur  toutes  les 
troupes  qui  éteient  tant  en  garnifon  qu'à  l'armée, 
envoyoit  de  côté  &  d'autre  fes  lieutenans  pour 
informer  des  excès  commis  par  les  gens  de  guerre. 

Louis  XI  permit,  en  1494,  au  Prévôt  des  ma- 
réciiaux  de  commettre  dans  chaque  province  un 
gentilhomme  pour  le  repréfenter,  avec  pouvoir 
d'alTembler  ,  félon  les  occafions  ,  les  autres  nobles 
&  gens  du  pays  ,  pour  s'oppofer  aux  gens  de 
guerre  ,  aventuriers  &  vagabons  débandés  des 
armées,  courant  les  champs  ,  volant  &  oppri- 
mant le  peuple  ;  les  prendre  &  faifir  au  corps  , 
&  les  rendre  aux  baillis  &  fénéchaux  pour  en 
faire  juftice. 

Dans  la  fuite,  ces  commiffions  furent  érigées 
en  oflice  pour  diverfes  provinces  ;  tellement  que, 
vers  la  fin  du  règne  de  Louis  XI ,  il  ne  refta  pref- 
qne  aucune  province  qui  n'eiàt  un  Prévôt  des  ma- 
réchaux. On  en  compte  aujourd'hui  trente  trois, 
Foye^  ce  que  nous  avons  die  à  l'article  MARÉ- 
CHAUSSÉE. 

PRÉVÔT  GÉNÉRAL  ou  Grand  Phévôt 
DES  MONNOIES.  C'eft  un  officier  qui  eft  à  la  této 
d'une  compagnie  d'ordonnance,  établie  pour  fa- 
ciliter l'exécution  des  édits  &  réglemens  donnés 
fur  le  fait  des  monnoies  ,  prêter  main-forte  aux 
députés  de  la  cour  des  monnoies  ,  Se  exécuter  les 
arrêts  de  cette  cour  &  les  ordonnances  de  fes 
commifîaires. 


PRÉVÔT  GfNÉRAL.  5^7 

»  du  2  janvier  1772,  qui  feront  exécutés  lelon 
»  leur  iurme  &  teneur  en  ce  qui  n'eft  point  con- 
')  traire    à  ces  préfentes. 

»    2.  Les  offices,  compofant  ladite  compagnie, 
»  ne  leront  plus  à  la  difpofition  de  notre  grand 
j»  Prévôt  comme  parlepaile,  mais  feront  fuje.t-s 
»  aux  difpofitions  de  notre  édit  de  février  1771  , 
"  qui  fera  à  leur  égard  exécuté  ftlon  fa  forme  & 
»  teneur  ,  comme  pour  tous  les  autres  offices  ,  & 
»  fiiivant  icelui  fujet  à  l'évaluation  ,  centième  de^ 
»  nier  ik  cafualité  à  notre  profit,  dérogeant  à  cet 
1'  égard  à  toutes  difpofitions  contraires  ,   Qc  no- 
tamment à  celles  portées  en  nofdites  lettres-pa- 
tentes des  premier   novembre  1765  ,  25  juillet 
1766,  18  avril  1767  ,  édit  de  mai  1770  ,&  dé- 
claration du  2  janvier  1772,  qui  demeureront 
nuls  tic  de  nul  effi.'t ,   les  caHant  &   aiinullant 
en  ce  qu'il  y  a  de  contraire  à  notre  édit  de  fé- 
vrier 1771  ,8c  à  l'article  précédent. 
V  3.  Voulant  pourvoir  à  l'indemnité    due    au 
»  grand  Prévôt  de  nos  monnoies  pour  le  droit  de 
3J  dilpofer  qu'il  a  eu  jufqu'à  préfent  fur  les  offi- 
»>  ces  compofant  fa  compagnie  ,  &  dont  il  devient 
>j  prive,  nous  avons  ordonne  Si.  ordonnons  que 
»  les  officiers  &  les  archers  d'icelle  feront  tenus  à 
ï)  chaque  mutation  ,  à  quelque  titre  que  ce  foir, 
»  même  à  l'égard  de  ceux  levés  en  nos  parties  ca- 
n  fuelles  ,  de  prendre  l'attache  &  préfentation  du- 
V  dit  grand  Prévôt  pour  en  être  pourvus ,  de  lui 
»  payer ,  indépendamment   Se  en    fus  des  droits 
»  payables  en  nos  revenus  cafuels  ,  fon  droit  d'at- 
»  tache  &  de  préfentation  :  favoir,  pour  le  lieute- 
»  nant  à  gages  dix-huit  cents  livres  ;  pour  les  llx 
»  lieutenans,  dont  un  guidon,  tous   fans  gages. 


Cette  compagnie  étoit  dans  l'origine  compofée   I  »  chacun  feize  cents  livres,  pour  les  trois  exempts 
d'un  petit  nombre  d'officiers;  mais  ci!e  "    -^ — •-■       "  -----="    -i-— ""  — ^^  ^...,..  1:,,..,,     — ^.,-i^„/-„_- 


a  depuis 
été  augmentée  en  différens  temps. 

Le  Prévôt  général  a  eu  la  difpofition  des  offi- 
ces de  cette  compagnie  jufqu'au  8  avril  1773  ; 
mais  à  cette  époque  ,  le  feu  roi  en  a  ordonné  au- 
trement par  une  déclaration  qui  forme  le  dernier 
état  de  cette  compagnie,  &  qui  contient  les  fix  ar- 
ticles fuivans : 

«  Article  I.  La  compagnie  du  grand  Prévôt 
j>  des  monnoies  de  France  ,  compofée  de  fix  lieu- 
3)  tenans,  dont  un  à  gages  &  cinq  fans  gages ,  un 
fi  lieutenant  guidon  fans  gages,  dix  exempts,  dont 
J>  trois  à  gages,  trois  cents  trente  archers,  dont 
î>  quarante-un  à  gages  &  deux  cents  quatre-vingt- 
»  neuf  fans  gages  ,  po'.-.rvus  en  titre  d'offices,  & 
j>  de  foixaiuedix  archers  par  commiffion  ,  conti- 
«  nuera  d'être  traitée  fuivant  les  loix  de  notre 
)>  gendarmerie  &  maréchauffiée  de  France,  &  en 
«  conféquence  jouira  des  privilèges,  droits,  pou- 
3>  voirs ,  fondions  &  exemptions  à  eux  attribués 
»  par  nos  édits  ,  déclarations  ,  lettres-patentes  & 
t  arrêts  de  notre  confeil,  &  notamment  par  nos 
«  arrêts  du  corfeil&  lettres- patentes  des  premier 
5>  novembre  1765  ,  25  juillet  i-jSS't  18  avril  1767, 
»  9  avril  1768,  édit  de  mai  1770,  &  déclaration 


»  à  gages,  chacun  onze  cents  livres,  pour  les  fept 
j>  exempts  fans  gages,  chacun  neuf  cents  livres, 
»  pour  les  quatre  greffiers  de  département  fans  ga- 
»  ges,  chacun  neuf  cents  livres  ,  par  chacun  des 
«  quarante-un  archers  à  gages  ,  ci-iacun  fix  cents 
n  livres  ;  &  par  chacun  des  autres  archers  fans  ga- 
»  ges,  cinq  cents  livres,  faute  de  payement  def- 
»  quelles  fommes  &  de  l'attache  oc  préfentation 
î>  dudit  grand  Prévôt,  il  ne  pourra  être  expédié 
»  aucunes  provifions  à  peine  de  nullité. 

"4.  N'entendons  préjudicierparle  précédent  ar- 
1)  ticle  au  droit  accordé  à  notre  grand  Prévôt  des 
?»  monnoies  parnotre  déclaration  du  mois  de  mai 
»  1770  &  lettres-patentes  y  relatées  ,  de  com- 
"  mettre  à  l'exercice  de  toutes  les  charges  ,  tant 
»  d'officiers  que  d'archers  de  fa  compagnie  ,  qui 
3  fe  trouveront  vacantes  par  mort,  abandonne- 
»  ment,  forfaitures,  infirmités,  grand  âge  ,  dé- 
»  fertion  ,  défaut  de  fervices ,  tant  &  (1  long-temps 
î)  que  durera  ladite  vacance ,  dans  lequel  droit  nous 
n  l'avons  maintenu  &  confirmé  :  quant  aux 
n  foixante  &  dix  places  d'archers  fans  gages  ,  aux- 
jj  quelles  nous  l'avions  autorifé  de  commettre  par 
n  notredite  déclaration  ,  ordonnons  qu'elles  fe- 
»  ront  ôc  demeureront  commuées  en  tttre  d'oâi- 


55 s  PRÉVÔT  GÉNÉRAL. 

jy  ces  ,  &  qu'elles  ne  pourront  être  exercées  h 
j>  l'avenir  qu'en  vertu  de  provifions  de  nous,  6c 
j>  en  payant  là  finance  qui  fera  réglée  en  nos  re- 
«  venus  cafuels  ,  fans  que  notredit  Prévôt  des  mon- 
3>  noies  puifTe  y  commettre  à  l'avenir,  (i  ccn-^iï 
»  dans  les  cas  où  il  y  eft  autorifé  pour  les  autres  ot 
«  ficiers  de  fa  compagnie ,  ni  percevoir  d'autres 
»>  droits  que  ceux  qui  lui  font  attribués  pour  iceux, 
ï»  Voulons  &  entendons  qu'au  moyen  defdites  pro- 
«  vifions  ,  ceux  qui  les  auront  obtenues  ]ouïiTcnt 
î)  des  mêmes  droits,  prérogatives  ,  fondions  ,  fa- 
»  cultes  d'exploiter  dans  toute  l'étendue  de  no- 
»>  tre  royaume  ,  privilèges,  prorogatives  &  exemp- 
«  tions  que  les  autres  archers  de  ladite  compagnie, 
»»  fans  aucune  diAtn(5}ion  ni  différence  ,  dérogeant 
»  à  cet  effet  à  tous  édits,  déclarations  &  arrêts 
»  à  ce  contraires. 

»  ç.Voulons  &  entendons  que  lefditslleutenans, 
>i  exempts  ,  greffiers  &  archers  cidefTus  mention- 
»  nés  ,  continuent.comnie  par  le  pafTéjConformé- 
«  ment  à  nos  lettres-patentes  en  forme  d'édité  ,  du 
«  mois  de  juin  1646,  &  oé^obre  1647,  deréfideren 
>»  tel  lieu  de  notre  royaimie  qu'ils  aviferont  bon 
it  être  ,  jufqu'à  ce  que  nous  ayons  pourvu  à  une 
>>  folde  fuffifante  pour  leur  alfigner  des  dépar- 
»)  temens,  nonobftant  toutes  lois  à  ce  contraires. 

»  6.  Ordonnons  au  furplus  que  nos  édits,  dicla- 
j>  rations  lettres- patentes,  réglemens  &  arrêts  de 
>»  notre  confei!  feront  exécutés  félon  leur  forme 
j)  &  teneur,  en  ce  qui  n'eft  pas  contraire  à  ces  pré- 
s>  fentes,  que  nous  voulons  être  gardées  &  ob- 
»>  fervées  en  tout  leur  contenu  ,  nonobftant  op- 
»)  pofitions,  dont  fi  aucunes  interviennent ,  nous 
«  nous  réfervons  &  à  noire  confeil  la  connoif- 
»  fance,  &  icelle  interdifons  à  toutes  nos  cours  & 
»  jnges  ». 

Comme  la  loi  qu'on  vient  de  rapporter  n'avoit 
point  été  adreffée  dans  le  temps  à  la  cour  des 
monnoies  de  Paris  ,  le  roi  la  lui  a  adrelTée  par  des 
lettres-patentes  du  12  février  1776,  en  exécution 
defquslles  elle  a  été  enregiftrée  par  cette  cour  le  6 
mars  de  la  même  année  (i). 

(i)  L'arrîc  i'tnref\flremenr.  efl  ainfi  conçu  : 
Reoillrécs  au  greftc  de  la  cour  ,  ouï  &  ce  requérant  le  pro- 
cureur çènéral  du  loi ,  fans  que  i'énonciacion  d'aucune  dé- 
claraticD,  arrêts  &  lettres-patentes  qui  n'auroicnc  été  regil- 
trées  en  la  cour  ,  puifTe  fup()lcer  au  défaut  de  leur  enrcgilhe- 
ment  ;  comme  aiiffi  fans  que  les  qualifications  &  énoncia- 
tions  faites  en  l'article  premier  puifTeiit  attribuer  audit  Pré- 
vôt aiities  &  plus  gands  droits  que  ceux  rifulrjns  de  fon 
édit  de  création  ,  Se  fans  que  les  difpolitions  des  articles  a  &z 
■1  puilTent  nuiie  aux  droits  des  tiers  ,  relativement  à  la  pro- 
priété d'aucun  des  offices  y  mentionnés,  &  aux  conteftations 
penrlantes  en  la  coût  à  ce  fujet  ,  pour  être  au  furplus  lefdi;es 
Jciiies  patentes  exécutées  félon  lesr  forme  &-'  teneur,  &:  jouir 
par  ledit  Prévôt ,  fes  officiers  &:  archers  ,  de  l'effet  &  contenu 
en  icelles  ;  à  la  charge  d'exécuter  les  arrêts  de  la  cour  des  5 
mai  &  5  juillet  1775  ,  concernant  la  diîlributinn  des  orficiers 
te  archers  de  ladite  compagnie  ,  dans  les  refiortsdes  diffc- 
rens  (ièges  des  monnoies.  Se  leur  fervice  auprès  defdites  ju- 
ridiûions  ;  que  les  comniirfîons  qui  feront  déliv  ées  par  ledit 
Piçvôt,  en  exécution  de  l'article  4  ,  contiendront  ies  noms 


PREVOT  GÉNÉRAL. 

Le  Prévôt  général  des  monnoies  peut  connoîrre 
par  prévention  &  concurrence  avec  les  généraux 
provinciaux,  juges-gardes  ,&  autres  offtciersdeî 
monnoies.  Prévôt  des  maréchaux  &  autres  juges 
royaux,  même  dans  la  ville  de  Paris,  des  crimes 
de  fabrication  &-expofi!ion  de  fauffe  nionnoie  , 
rognure  &  altération  d'efpéces  ,  billonage  &  au- 
tres crimes  de  juridiâion  concurrente  ,  pour  rai- 
fon  defquels  il  peut  informer  ,  décréter  ik.  faire  tou- 
tes les  inllrudions  &  procédures  néceflaires  jufqu'à 
jugement  définitif  exclufjvement  ,  fans  pouvoir 
cependant  oi  donner  l'élargillement  des  prifonniers 
arrêtés  en  vertu  de  fes  décrets  ;  &  à  la  charge  d'ap- 
porter toutes  les  procédures  &  inftruélions  à  la 
cour  des  monnoies  ,  à  l'effet  d'y  être  réglées  à 
l'extraordieaire,  s'il  y  a  lieu  ,  &  être  jugées  défini- 
tivement lorfque  le  procès  a  été  inflruit  dans  l'é- 
tendue de  la  ville  ,  prévôté  ,  vicomte  &  monnoie 
de  Paris,  ou  aux  préfidiaux  les  plus  prochains  , 
lorfque  les  procès  ont  été  inffruits  hors  de  cette 
étendue. 

Il  connoît  par  concurrence  avec  les  mêmes  gé- 
néraux provinciaux  ,  juges  gardes  &  autres  offi- 
ciers des  monnoies  ,  &  privativement  à  tous  au- 
tres Prévôts  &  juges ,  des  délits  ,  abus  &  malver- 
fations  qui ,  dans  l'étendue  du  reffort  de  la  cour 
des  monnoies  de  Paris  ,  peuvent  être  commis  par 
les  jufticiables  de  cette  cour ,  chez  lefquels  ils  peu- 
vent faire  vifites  &  perquifitions  pour  ce  qui  con- 
cerne la  fonte  ,  l'alliage  des  matières  d'or  &  d'ar- 
gent ,  les  marques  qui  doivent  être  fur  leurs  ou- 
vrages, &  autres  contraventions  aux  réglemens, 
à  l'exception  cependant  de  ceux  qui  demeurent 
dans  la  ville  de  Paiis  ,  chez  lefquels  ils  ne  peu- 
vent fe  tranfporter  fans  y  être  autorifés  par  la 
cour  ;  &  il  peut  juger  les  abus  ,  délits  &  malver- 
fations  jufqu'à  fentence  définitive  inclufivement  , 
fauf  l'appel. 

11  ne  peut  néanmoins  connoître,  dans  l'intérieur 
des  hôtels  des  monnoies  ,  des  abus,  délits  &  mal- 
verfations  qui  peuvent  être  commis  par  les  offi- 
ciers &  ouvriers  employés  à  la  fabrication  des  ef- 
pèces  ,  ni  des  vols  des  matières  qui  peuvent  avoir 
été  faits  dans  les  hôtels. 


&  furnoms  des  titulaires  à  la  place  defquels  il  commettra  ,  5c 
le  genre  de  vacance  ,  fans  pouvoir  par  lui  exiger  aucune 
fomme  pour  laifon  deldites  coramiiiions  qu'il  délivre, a  : 
comme  aulTi  que  les  achers  commis  ne  pourront  exploiter 
ni  faire  aucun  iùe  judiciaire,  finon  en  cas  t^e  flagrant  dé- 
lit,  es  matières  de  la  compétence  &  juridiûion  de  la  cour, 
à  l'effet  de  quoi  i's  prêteront  ferment  di-vant  lui  ;  Se  enfin, 
que  les  conteltatii  nsqui  pourront  furvenirà  raiion  de  l'exé- 
cution deldites  lettres,  ne  pourront  être  portées  ailleurs 
qu'en  la  cour.  Ordonne  qu'elles  (eront  imprimées  &  affichées 
par-tout  otj  befoin  fera  ,  &  copies  collatronnées  d'icelles  , 
envoyées  .i  la  diliijence  du  procureur  général  du  roi,  dans  la 
fuges  des  nionnoe;  ,  pour  y  être  pareillement  regiltrées  ic 
exécmtes.  félon  leur  forme  &  teneur.  Enjoint  aux  fubftituts 
du  procureur  général  du  rci  efdits  fièges,  d'y  tenir  la  maia 
&■  d'en  certifier  la  cour  au  mois,  fuivant  l'arrêt  de  ce  jonr. 
Fait  en  la  rour  des  monnçicJ  le  6  mars   177^.  CoHationn:. 


PRÉrVOT  DE  PARIS. 

Il  peut  oonnoitre  des  cas  prévôtaux ,  autres  que 
ceux  qui  concernent  les  monnoies  ,  fuivant  l  edit 
de  (a  création ,  concurremment  avec  les  autres 
Prévôts  des  maréchaux  :  on  doit  cependant  obfer- 
ver  que  par  arrêt  du  confeil  du  6  fjvrler  1685  , 
contradiifloire  entre  lui  &  le  Prévôt  de  l'iile  de 
France,  il  ne  paiit  en  connoître  dans  la  ville  de 
Paris  ,  ni  dans  l'étendue  de  l'ifle  de  France. 

Le  Prévôt  général  des  monnoies  a  auffi  le  droit 
de  correélion  &  dilcipline  fur  les  officiers  8t  ar- 
chers de  fa  compagnie  ,  fauf  l'appel  à  la  cour  des 
monnoies  ,  à  laquelle  il  appartient  de  connoître  de 
toutes  les  conteftations  qui  peuvent  naître  entre  lui 
6i  fes  officiers  &  archers,  pour  raifon  des  fonctions 
de  leurs  offices. 

11  a  entrée  &  féance  à  la  cour  des  monnoies 
après  le  dernier  confeiller  ,  le  jour  de  fa  réception  , 
ainfi  qu'au  rapport  des  procédures  inAruites  par 
lui  ou  par  fes  lieutenans  ,  &  toutes  les  fois  qu'il  y 
eft  mandé,  &  qu'il  a  quelque  chofe  à  repréfenter 
pour  le  fervice  du  roi  ou  les  fonilions  de  fa  charge  , 
mais  fans  avoir  voix  délibérative. 

Le  Prévôt  général  des  monnoies  a  encore  le 
droit  de  connoître  des  duels  ,  fuivant  la  difpofuion 
de  l'édit  de  1669. 

Il  n'eft  point  obligé  de  faire  juger  fa  compétence 
comme  les  autres  Prévôts  des  maréchaux  ,  mais 
feulement  lorfqu'elle  lui  eft  conteftée  ,  &c  c'eft  à  la 
cour  des  monnoies  qu'il  appartient  de  la  juger. 

L'article  4  de  l'édit  du  mois  de  mai  1770  ,  enre- 
giftré  à  la  cour  des  monnoies  le  15  mai  1771  ,  a 
déterminé  les  privilèges  dont  doivent  jouir  les  bri- 
gadiers,  fous-brigadiers  &  archers  de  la  prévôté 
générale  des  monnoies.  Voici  ce  qu'il  porte  : 

«  Les  privilèges  dont  jouiront  à  l'avenir  les  bri  " 
y>  gadiers  ,  fous-brigadiers  &  archers  de  notre  pré' 
j>  voté  générale  des  monnoies ,  foit  en  charge  > 
«  foit  par  brevet  ou  commiffion  ,  feront  &  demeu" 
>)  reront  reftreints  à  l'avenir  à  l'exemption  de  col' 
j»  leéîe  ,  fyndicat  &  milice  ,  corvées  ,  tréforeries  » 
«  adminiftration  ,  confrérie  ,  marguiUage,  tutele  j 
j>  curatelle  ,  patrouille  ,  guet  &  garde  ,  &  autres 
j>  charges  perfonnclles  ;  &  à  l'égard  de  l'exemp- 
»  tien  de  logemens  &  uftenfiles  de  gens  de  guerre , 
»  ils  ne  pourront  en  jouir  qu'autant  qu'il  n'y  aura 
ï)  pas  de  foule  ,  ou  qu'ils  n'auront  pas  fait  d'ades 
»  dérogeans ,  tels  que  commerce  à  boutique  ou- 
v  verte  :  en  conféqiicnce ,  avons  fupprimé ,  comme 
j)  abufifs  &  à  charge  à  nos  finances  ,  tous  autres 
»  privilèges  &  exemptions  quelconques  ,  dont  ils 
w  ont  joui  jufqu'à  préfent ,  8c  qui  ont  été  accordés 
ï>  par  nos  précédens  édits ,  à  tous  cavaliers  de  ma- 
3)  réchauffée  ou  gendarmerie  ,  dont  ladite  compa- 
»  gnie  fait  corps  ». 

L'article  8  du  même  édlt ,  &  l'article  9  de  la  dé. 
claration  du  2  juillet  1772  ,  ont  attribué  au  Prévôt 
général  des  monnoies  la  nobleile  :iu  pre.mier  degré. 

PRÉVÔT  DE  PARIS.  Cefi  un  magiftrat  d'é- 
pèe,  qui  cft  le  chef  du  châtelet,  ou  de  la  prévôté 


PREVOT  DE  PARIS. 


559 


&  vicomte  de  Paris  ,  juftice  royale  ordinaire  delà 
capitale  du  royaume. 

L'ètablilTement  de  cet  office  remonte  jufqu'à 
Hugues  Capet  ;  la  ville  de  Paris  ,  ck  tour  le  terri- 
toire qui  en  dépend  ,  étoient  alors  gouvernés  par 
des  comtes,  qui  réuniiToient  en  leur  perfonne  le 
gouvernement  politique  &  miluaire  ,  l'adminiflra- 
tion  de  la  jufticc  &  celle  des  finances.  Ils  rendoient 
la  juilice  en  perfonne  dans  Paris ,  &  avoient  fous 
eux  un  vicomte  qui  n'étoit  pas  juge  de  toute  la 
ville  ,  mais  feulement  d'une  petite  portion  qui  for- 
nioit  le  fief  de  la  vicomte,  &  d'un  certam  terri- 
toire au  dehors.  Hugues  Capet,  qui  étoit  d'abord 
comte  de  Paris  ,  étant  parvenu  à  la  couronne  en 
987  ,  y  réunit  le  comté  de  Paris  qu'il  tenoit  en 
fief  ;&.  l'office  de  vicomte  ayant  été  fupprimé  vers 
l'an  1032  ,  le  Prévôt  de  Paris  fut  inftitué  pour  faire 
toutes  les  fonélionsdu  comte  &  du  vicomte  ;  c'efl 
pourquoi  le  titre  de  vicomte  efl  toujours  demeuré 
joint  avec  celui  de  Prévôté  de  Paris. 

Le  Prévôt  de  Paris  fut  doncinftitué,  non  pas 
feulement  pour  rendre  la  jufiice ,  il  étoit  auflî 
chargé,  comme  les  comtes  ,  du  gouvernement  po- 
litique 6c  des  finances  dans  l'étendue  de  la  ville  » 
prévôté  &  vicomte  de  Paris. 

On  ne  doit  pas  le  confondre  avec  les  autres  Pré- 
vôts royaux,  qui  font  fubordonnés  aux  baillis  Se 
fénéchaux.  Il  n'a  jamais  été  fubordonné  à  aucun 
bailli  ou  fénéchal  ,  ni  même  au  bailli  de  Paris  , 
tandis  qu'il  y  en  a  eu  un.  Il  précède  même  tous  les 
baillis  &  fénéchaux. 

Les  principales  prérogatives  dont  jouit  préfente- 
ment  le  Prévôt  de  Paris  ,  font  : 

1°.  Qu'il  efl  le  chef  du  châtelet;  il  y  repréfente 
la  perfonne  du  roi  pour  le  fait  de  la  juîlice:  en  cette 
qualité ,  il  eft  le  premifer  juge  ordinaire  ,  civil  &  po- 
litique de  la  ville  de  Paris.  Il  peut  venir  fiéger  , 
quand  il  le  juge  à  propos ,  tant  au  parc  civil  qu'à  la 
chambre  du  confeil ,  &  y  a  voix  délibérative  ,  droit 
que  n'ont  plus  les  baillis  &  fénéchaux  d'èpée  :  il 
n'a  pas  la  prononciation  à  l'audience  ;  mais,  lorf- 
qu'il  y  efl  préfent,  la  prononciation  fe  fait  en  ces 
termes  :  M.  le  Prévôt  de  Paris  dît ,  nous  ordonnons , 
é-c.  Il  figne  les  délibérations  de  la  compagnie  à  la 
chambre  du  confeil. 

i".  lia  une  féance  marquée  au  lit  de  juflice  , 
au-deffous  du  grand  chambellan.  Dutillet  ,  des 
grands,  dit  que  quand  le  roi  ell  au  confeil  au  par- 
lement, le  Prévôt  de  Paris  fe  place  aux  pieds  du 
roi ,  au-deffous  du  chambellan  ,  tenant  fou  bâton 
en  main  ,  couché  fur  le  plus  bas  degré  du  trône  ; 
mais  que  quand  le  roi  vient  à  l'audience  ,  le  Pré- 
vôt de  Paris ,  tenant  un  bâton  blanc  à  la  main  ,  eft 
au  fiège  du  premier  huiffier ,  à  l'entrée  du  parquet , 
comme  en  ayant  la  garde  &  défenfe  ;  que  c'efl  lui 
qui  tient  le  parquet  fermé;  les  capitaines  des  gar- 
des n'ont  que  la  garde  des  portes  de  la  falle  d'au- 
dience. 

On  trouve  grand  nombre  d'anciennes  ordon- 
nances qui  font  adreffées  au  Prévôt  de  Paris  ,  au- 


5^0 


PRÉVÔT  DE  PARIS. 


quel  le  roi  enjoignoit  de  les  faire  publier  ;  ce  qu'il 
faifoit  en  conformité  de  ces  lettres. 

Suivant  une  ordonnance  du  mois  de  février 
1327,  on  voit  que  c'étoit  lui  qui  mettoit  les  con- 
feillers  au  châtelet;  qu'il  mandoit,  quand  il  vou- 
loit ,  au  cliâtelet,  les  confeillers  de  ce  fiége  ,  qu'il 
pouvoit  priver  de  leur  office  les  officiers  de  fon 
fiège  qui  manquoient  à  leur  devoir  ,  puis  en  écrire 
au  roi  pour  favoir  fa  volonté.  Il  paroit  même  qu'il 
fut  nommé  pour  la  réforniation  des  abus  du  châîe- 
let.  On  mettoit  les  procès  du  châtelet  dans  un  coffre 
dont  il  avoit  la  clef,  &  c'étoit  lui  qui  en  faifoir  la 
diflribution  ;  c'étoit  lui  qui  inftituoit  les  notairts  & 
qui  nommoit  les  fergens  à  cheval. 

Il  étoit  chargé  ,  en  1348  ,  de  faire  obferver  dans 
fon  reiïbrt  les  ordonnances  fur  le  fait  des  mon- 
noies  :  il  avoit  le  tiers  des  confifcations  ;  &  fi  le  roi 
faifoit  rcmifc  d'une  partie  de  îa  confifcation  ,  le 
Prévôt  de  Paris  n'en  avoit  pas  moins  fon  tiers. 

Il  avoit  infpe(Sion  fur  tous  les  métiers  ÔC  rnar» 
chandifes  ;  c'eft  pourquoi  il  étoit  appelé  avec  les 
maîtres  de  métiers,  pour  connoître  de  la  bonrc  ùes 
marchandifes  amenées  à  Paris  par  les  n^arciiands 
forains. 

Il  modéroit  la  taxe  que  le  Prévôt  des  marchands 
&  les  échevins  de  la  ville  de  Paris  levoient  fur 
les  cabaretiers  de  cette  ville  ,  lorfquc  cette  taxe 
étoit  trop  forte. 

Les  bouchers  lui  dévoient  une  obole  tous  les 
dimanches  qu'ils  coupoient  de  la  viande. 

Les  anciens  ftatuts  des  métiers  portoient  ,  qu'il 
pourroit  y  faire  des  changemens  lorfqu'il  le  juge- 
-Toit  à  propos.  On  voit  même  qu'il  en  dreflbit  de 
nouveaux  ,  en  appelant  à  cet  effet  avec  lui  le  pro- 
cureur du  roi  &  le  confeil  du  châtelet ,  &  ,  même 
idu  temps  du  roi  Jean,  cette  infpeâion  s'étendoit 
fur  le  fel. 

Il  avoit  auiïl  alors  infpeflion  fur  tout  ce  qui  con- 
cemoit  la  marée;  c'étoit  lui  qui  élifoit  les  juges  de 
la  marée  &  du  poifTon  d'eau  douce  ;  il  recevoit  le 
ferment  des  prud'hommes  du  métier  de  la  marée  : 
les  vendeurs  de  marée  donnoient  caution  devant 
lui. 

C "étoit  lui  qui  faifoit  exécuter  les  jugemens  du 
/concierge  &  bailli  du  palais  en  marière  criminelle. 
Lorfqu'il  s'agifToit  d'un  criminel  laie  ,  les  officiers 
de  fa  luHice  le  livroient ,  hors  de  la  porte  du  palais , 
au  Prévôt  de  Paris ,  pour  en  faire  l'exécution  ;  ils 
retenoient  feulement  les  meubles  des  condamnés. 

Le  roi  Charles  VI  ,  par  des  lettres  du  17  janvier 
1382,  fupprima  la  Prévôté  des  marchands  de  Pa- 
ris ,  l'échevinage  &  le  areffe  de  cette  ville  ,  &  or- 
donna que  leur  juridiaion  feroit  exercée  par  le 
Prévôt  de  Paris  ,  auquel  il  donna  la  maifon  de 
ville  ,  fituée  dans  la  place  de  grève  ,  afin  que  le 
Prévôt  de  Paris  eût  une  maifon  où  il  pût  fe  retirer  , 
6c  dans  laquelle  ceux  qui  feroient  dans  le  cas  d'a- 
voir recours  à  lui ,  comme  à  leur  juge,  puflent  le 
^rou-ver  ;  &  il  ordonna  ^ue  cette  maifoq  fçroit 


PREVOT  DE  PARIS. 

nommée  dans  la  fuite  la  maifon  de  la  Prévôté  de 
Paris. 

L'auteur  du  grand  coutumier  ,  qui  écrivoit  fous 
le  régne  de  Charles  VI  ,  dit  que  le  Prévôt  de  Paris 
eft  le  chef  du  châtelet ,  &  inftitué  par  le  rci ,  & 
qu'il  repréfente  fa  perfonne  quant  au  fait  de  juflice. 

Jean  le  Coq ,  célèbre  avocat  du  roi  ,  plaidant  en 
1392  une  caufe  pour  le  roi  ,  contre  l'évêque  de 
Paris  ,  au  fujet  d'un  priicnnier  qui  avoit  été  re- 
connu dnns  une  églife  par  le  Prévôt  de  Paris  ,  dit 
que  ce  Prévôt  étoit  le  premier  après  le  roi  dans 
la  ville  de  Paris  &  après  MM.  du  parlement,  qui 
repréi'.rtent  le  roi,  .qu'il  lui  appartenoit  de  cor- 
ferver  &  défendre  les  droits  royaux  ,  &  que  ce 
que  le  Prévôt  de  Paris  avoit  fait,  c'étoit  en  coni'ci- 
vanc  les  droits  du  roi  &  ceux  de  fon  office,  qui 
lui  avoient  été  adjugés  par  arrêt. 

Dans  ce  même  iiècie  ,  en  1450  ,  le  roi  Jedn 
commit  le  Prévôt  de  Pdtis  pour  rendre  hominnge 
à  l'évêque  de  Paris  des  châtellenies  de  Tournsn  bc 
Torcy  en  Bric  ,  comme  avoit  déjà  fait  Louis  le 
Gros  en  11 26  :  il  eft  toujours  qualifié  prerpoj'uus 
nojïer ,  le  Prévôt  du  roi. 

Il  a  la  garde  du  parquet ,  &  le  droit  d'affiilcr  aiix 
états  généraux  ,  comine  premier  juge  ordinaire  t-c 
politique  de  la  capitale  du  royaume. 

3°.  Il  a  un  dais  toujours  fubfiflant  au  châtelet, 
prérogative  dont  aucun  autre  magiflrat  ne  jouit  , 
Se  qui  vient  de  ce  qu'autrefois  nos  rois,  &  notam- 
ment S.  Louis ,  venoient  fouvent  au  châtekt  pour 
y  rendre  la  juftice  en  perfonne. 

4".  Le  Prévôt  de  Paris  eft  le  chef  de  la  noble/Te 
de  toute  la  prévôté  &  vicomte,  &  la  commande  à 
l'arriére-ban  ,  fans  être  fujet  aux  gouverneurs  , 
comme  le  font  les  baillis  &  fénéchaux. 

5",  Il  y  a  douze  gardes  ,  appelés  fergens  de  la 
douzaine  ,  qui  doivent  l'accompagner  ,  foit  à  l'au- 
ditoire ou  ailleurs ,  par  la  ville  &  dans  toutes  les 
cérémonies.  Ce  droit  lui  fut  accordé  dès  1309,  par 
Philippe  le  Bel.  L'habillement  de  ces  gardes  eft  un 
hoqueton  ou  efpèce  de  cotte  d'armes  ;  ils  font  ar- 
més de  hallebardes.  Le  Prévôt  de  Paris  a  été  main- 
tenu en  poffeffion  de  fes  gardes  &  de  leur  habille- 
ment,  par  un  arrêt  folemnel  du  27  juin  1566, 
comme  premier  jugs  ordmaire  de  la  ville  de  Paris. 

6°.  Son  habillement,  qui  eft  diftingué  ,  eft  l'ha- 
bit court ,  le  manteau  &  le  collet ,  l'épée  au  côté , 
un  bouquet  de  plumes  fur  fon  chapeau  ;  il  porte 
un  bâton  de  commandement  couvert  de  toile  d'ar- 
gent ou  de  velours  blanc. 

7°.  Il  vient  dans  cet  habillement ,  à  la  tête  de  la 
colonne  du  parc  civil  ,  à  la  grand'chambre  du 
parlement  à  l'ouverture  du  rôle  de  Paris  ,  &  après 
l'appel  de  la  caufe,  il  fe  couvre  de  fon  chapeau; 
ce  qui  n'eft  permis  qu'aux  princes  ,  ducs  &  pairs  , 
&  à  ceux  qiù  font  envoyés  de  la  part  du  roi. 

8'.  Suivant  une  ordonnance  de  Charles  VI  ; 
donnée  en  141 3,  pour  être  Prévôt  de  Paris,  il 
faui  être  né  en  cette  ville  ,  tandis  qu'au  contraire 

cette 


PRÉVOT-MOlNE. 

<ztte  même  ordonnance  défend  de  prendi'g  pour 
baillis  &  fénéchaux,  ceux  qui  font  natifs  du  lieu. 

9°.  Les  ordonnances  diftinguent  encore  le  Pré- 
vôt de  Paris  des  baillis  3c  fénéchaux ,  en  le  défi- 
gnant  toujours  nommément  &  avant  les  baillis  & 
iénéchaux ,  lorfqu'on  a  voulu  le  comprendre  dans 
la  difpofition  ou  l'en  excepter. 

10°.  Il  connoît  du  privilège  qu'ont  les  bourgeois 
de  Paris  de  faire  arrêter  leurs  débiteurs  forains  ;  il 
eA  le  confervateur  des  privilèges  de  l'univerfité  ;  il 
a  connoilfance  du  fceau  du  cliâtelet ,  attributif  de 
juridiftlon ,  &  c'eft  de  lui  que  plufieurs  commu- 
nautés tiennent  leurs  lettres  de  garde  gardienne. 

1 1°.  Il  eft  inftallè  dans  fcs  fondions  par  un  pré- 
fident  à  mortier  &  quatre  conieillers  de  grand'- 
chambre  ,  deux  laïcs  &  deux  clercs  ,  tant  au  parc 
civil  qu'au  préfidial,  à  la  chambre  du  confeil  & 
au  criminel.  Il  doit  faire  préfent  d'un  cheval  au 
préfident  qui  la  inllallé. 

12°.  Il  a  plufi€urs  lieutenans  ,  qui  font  le  lieute- 
nant ctvil  ,  le  lieutenant  criminel  ,  le  lieutenant 
général  de  police  ,  deux  lieutenans  particuliers  & 
un  lieutenant  criminel  de  robe  courte;  il  y  avoit 
aufîi  autrefois  le  chevalier  du  guet  qui  devoit  être 
reçu  par  le  Prévôt ,  &  qui  eft  aujourd'hui  remplacé 
par  un  commandant. 

13".  L'oiiice  de  Prévôt  de  Paris  ne  vaque  jamais; 
lorfque  le  fiège  eft  vacant  ,  c'eft  le  procureur  gé- 
néral du  roi  qui  le  remplit,  c'eft  lui  qu'on  intitule 
dans  toutes  les  fentences  &  commifiions  &  dans 
tous  les  contrats  ,  comme  garde  de  la  prévôté  de 
Paris ,  ce  fiège  vacant. 

PRÉVOT-MOINE.  Quoique  le  terme  prapo/I- 
rKJ,  pris  dans  un  lens  littéral  ,  défigne  tous  ceux 
qui  fout  au-deflus  des  autres  ,  cependant  la  règle 
de  Tordre  de  S.  Benoît  l'avoit  confacré  à  la  défi- 
gnation  du  fupérieur  qui  tenoit  le  premier  rang 
après  l'abbè,  &  qui  avoit  fous  lui  le  gouvernement 
Ijpirituel  Ôc  temporel  du  monaflère. 

Lorfque  les  abbés  établirent  des  celles  ou  obé- 
diences ,  qu'on  a  depuis  appelées  prévôtés  foraines 
ou  champêtres,  &  y  envoyèrent  des  religieux 
pour  y  réfider  &  y  célébrer  le  fervice  divin  ,  celui 
d'entre  eux  qui  étoit  nommé  fupérieur  ,  s'appeloit 
auiïi  Prévôt ,  comme  ayant  dans  fa  celle  le  même 
gouvernement  fous  l'abbé  ,  qu'avoitle  Prévôt  dans 
le  monaftère. 

Ces  dénominations  ont  changé  dans  la  fuite.  Le 
fupérieur  ,  qui  d'abord  étoit  connu  dans  le  mo- 
naftère fous  le  nom  de  Prévôt ,  s'eft  appelé  prieur 
clauftral.  La  plupart  des  Prévôts  des  celles  ont 
auflî  pris  le  titre  de  prieurs  forains  ;  mais  ce  chan- 
gement ,  que  le  père  Mabillon  date  du  onzième 
fiècle,  n'a  pas  empêché  que  le  mot  prœpofitus  ne 
demeurât  en  ufage  pour  figniner  le  prieur  d'un 
prieuré  champètr;.  Il  y  a  même  encore  plufieurs 
abbayes  où  le  terme  Prévôt  -forain  eft  employé 
avec  le  même  fens  que  celui  de  Prieur-forain  dans 
les  autres.  Telles  font  Saint-Vaaft  en  Artois,  & 
^^amt-Amand  dans  le  Toiirnaifis  François. 
Tom:  Xlll.  ^ 


PRÉVOT-MOINE.  561 

îl  y  a  aufîi  dans  certaines  abbayes  ,  telles  qu'^ 
Saint-Vaaft  &  Anchin  ,  des  offices  clauftraux  nom- 
més Prévôtés.  Ceux  qui  les  pofsèdent  ,  dit  dom 
Calmet  ,  font  appelés  Prévôts-moines  ,  prapofui 
monachi.  Les  Prévôts  de  cette  troifième  efpèce 
n'ont  de  fonctions  que  pour  le  temporel  du  mo- 
naftère ;  ils  font  regardés  comme  les  vicaires  des 
abbés  pour  la  confervation  de  tous  les  droits  de 
juftice  ,  de  feigneuries  ,  de  fiefs  ,  de  cenfives  ,  pour 
la  direâion  des  procès  ,  &c. 

Voyez  l'article  Prieur  &  les  deux  auteurs  qu'on 
vient  de  citer.  (  Article  de  M.  Merlin  ,  avocat  an 
parlement  de  Flandres  ). 

PRÉVOTÉ  DE  NANTES.  On  appelle  droits_  de 
la.  Prévôté  de  Nantes  ,  certains  droits  de  traites 
qu'on  perçoit  dans  l'étendue  de  la  dire^Slion  de 
Nantes  ,  depuis  cette  ville  jufqu'à  la  mer.  Ils  s'é- 
tendent à  différentes  marchandifes  &  font  de  dif- 
férentes efpèces  ,  tels  que  les  droits  d'ancienne 
coutume  ,  le  droit  appelé  fenai^e  ;  les  diffcrens 
droits  de  brieux,  quillages,  regiftres  &.  congés  (ur 
les  navires  ,  vaifllaux ,  barques  8c  autres  bàtimens  : 
tous  ces  droits  font  réglés  par  un  tarif  ou  pancarte 
du  25  juin  1565  ,  des  arrêts  du  confeil  des  7  août 
1703  ,  18  mars  1704,  22  janvier  1709,  &  autres 
réglemens  intervenus  poftérieurement. 

On  appelle  encore  droits  de  prévôté  dans  les  ports 
&  havres  de  Bretagne,  ou  fimplemcnt  droits  des  ports 
&  havres  de  Bretagne  ,  certains  droits  établis  fur  les 
drogueries  &  épiceries  ,  &  fur  les  marchandifes 
des  colonies  françoifes  de  l'Amérique  :  on  perçoit 
ces  droits  dans  les  ports  &  havres  de  Bretagne  ,  en 
vertu  de  lettres-patentes  du  mois  d'avril  1717  , 
d'un  arrêt  du  confeil  du  16  décembre  172 1  &  d'au- 
tres réglemefis  poflérieurs. 

Ces  droits  font  pareillement  réglés  par  une  pan» 
carte  du  même  jour  25  juin  1565  ;  ils  compren- 
nent les  droits  d'ancienne  coutume  ,  d'impofition 
de  rivage  ,  de  cellérage  ,  de  flûte,  &  les  droits  & 
devoirs  de  brieux  8c  de  quillage  fur  les  navires , 
barques,  v^ifTeaux  &  autres  bàtimens. 

Un  arrêt  du  confeil  du  6  mars  172  ç  ,  a  ordonné 
que  les  droits  des  ports  &  havres  énoncés  dans  la 
pancarte  du  25  juin  1565  ,  feroient  perçus  fur  i0u- 
tes  les  marchandifes  ik  denrées  dénommées  dans 
ce  tarif  ou  pancarte,  fcit  à  l'eHtrée  ou  à  la  fortie  : 
ces  pancartes  font  dépofées  à  la  chambre  des  comp- 
tes de  Nantes,  qui  en  fait  délivrer  des  extraits  aux 
fermiers. 

PREUVE.  C'eft  une  conféquence  légitime  qui 
réfulte  d'un  fait  évident ,  dont  la  certitude  fait  con- 
clure qu'un  autre  fait,  dont  on  ignoroit  la  vérité, 
eft  véritable  ou  ne  l'eft  pas. 

C'eft  des  bornes  étroites  qui  circonfcrivent  l'in- 
telligence humaine,  queft  venu  le  befoin  des 
Preuves  dans  Tadminiftration  de  la  juftice.  L'homme 
ne  peut  rien  connoître  avec  certitude  que  dans  lui- 
même  ,  &  les  faits  fe  paftent  toujours  au-dehors  ; 
ce  font  des  êtres  éloignés ,  qu'il  faut  voir  ou  on 
n'eft  pas,  &  faifir  avec  un  inftrument  qui  ne  peut 
^  Bbbb 


56i  PREUVE. 

les  toucher.  Auflî  la  fcience  des  faits ,  quoiquç  la  ■ 
plus  importante  de  toutes ,  eft-êlle  cependant  la 
jnoins  avancée.  Tous  les  jours ,  dans  les  circonf- 
lances  les  plu5  communes  de  la  vie ,  nous  avons 
occar:on  de  nous  convaincre  de  nos  erreurs  ;  ce  qui 
s'élt  paffé  fous  nos  yeux ,  les  faits  qui  font  fous 
notre  main  nous  échappent,  &,  pour  comble  de 
malheur ,  la  malice  de  nos  femblables  vient  encore 
fouvent  nous  dérober  le  fil  qui  auroit  pu  nous  con- 
duire au  vrai. 

Il  faut  l'avouer  cependant ,  la  fpéculation  décou- 
vre dans  cet  objet  des  obftacles  que  la  pratique 
furmonte  avec  une  facilité  que  n'imagineroit  jamais 
un  philofophe  concentré  dans  fes  idées  ;  &  on  peut 
dire  que  s'il  paroît  difficile  de  former  un  bon  juge- 
ment fur  une  queftion  de  fait ,  il  eft  affcz  rare  d'en 
citer  un  mauvais.  Mais  quelle  route  doit  tenir 
im  magiftrat  pour  pavenir  à  la  vérité  }  Quelles 
lègles  faut-il  qu'il  fuive  dans  la  recherche  qu'il  en 
fait  ?  Voilà  ce  que  nous  avons  à  traiter  dans  cet 
article. 

Toute  conteftation  qui  s'élève  en  juflice  fur  un 
fait,  bonne  lieu  à  trois  queflions  ;  i°.  fur  qui  doit 
tomber  la  preuve  de  fait  ?  2".  Par  quelles  voies  cette 
preuve  doit-elle  fe  faire  ?  3".  A  quel  degré  de  certi- 
tude faut-il  qu'elle  foit  portée  ?  C'eft  à  ces  trois 
points  de  vue  que  nous  rapporterons  tous  les  dé- 
tails que  demande  le  développement  de  cette  ma- 
tière importante. 

Section    première. 

Des  perfonnes  qui  doivent  être  chargées  de  la  Preuve 
des  faits  contejlés  entr'elles  &  leurs  parties  ad- 
verfes. 

Premier  principe.  C'eft  à  celui  qui  avance  un 
fait  à  le  prouver ,  parce  que  les  faits  ne  fe  préfu- 
jnent  point ,  &  que  par  conféquent  la  dénégation 
de  la  partie  adverfe  ,  doit  fuffire  feule  pour  les  faire 
regarder  comme  non  allégués.  C'eft  la  difpofition 
exprcffe  de  la  loi  23  ,  C.  de  tejîibus. 

La  dénégation  n'a  donc  pas  befoin  de  Preuve  ; 
on  peut  même  dire  qu'elle  n'en  eft  pas  fufceptible, 
chm  per  rerhm  naturam  faBum  negantis  probatio  nulla 
fît.  C'eft  ce  que  décide  la  loi  citée. 

Il  ne  faut  cependant  pas  prendre  ceci  trop  litté- 
ralement. Les  interprètes  diftinguent  trois  fortes  de 
néguives,  l'une  de  fait,  la  féconde  de  droit,  la 
troifième  de  qualité.  Il  eft  vrai  que  régulièrement 
]a  négative  de  fait  ne  peut  fe  prouver  :  les  lois  & 
les  auteurs  ont  même  mis  en  principe,  qu'on  doit 
ajouer  plus  de  foi  à  un  témoin  qui  affirme,  qu'à 
ami  e  témoins  qui  nient.  Mais  quand  la  négative 
ren^ejne  quelque  chofe  de  pofuif,  on  peut  ,  on 
doit  même  quelquefois  en  faire  la  preuve.  Par 
exempL',  fi  en  demande  le  payement  dune  obli- 
gation qui  paroîr  avoir  été  paifée  tel  jour  &  en  tel 
endroit ,  &  que  je  nie  l'avoir  (ignée  ,  parce  que  ce 
jour-là  même  j'étois  fort  éloigné  de  celui  où  on 


IP  R  E  U  V  E. 

fotttlenî  que  l'aâe  a  été  pafle  ,  rien  n'empêche  que 
je  ne  puifle  faire  la  preuve  de  ma  négative  ,  parce 
que  je  la  réduis  à  deux  circonftances  de  temps  & 
de  lieu ,  qui  font  des  faits  pofuifs  ;  il  faut  même 
néceflairement  que  je  faffe  cette  preuve  ,  fi  je  veux 
détruire  le  tire  qu'en  m'oppofe.  Ecoutons  l'empe- 
reur Juftinien  en  fes  inftitutes  ,  §.  12  ,  «j'f  inutïlibus 
flipulationibus  :  «  Nous  avons  ordonné  qu'on  ajoute 
)>  entièrement  foi  aux  a6les  qui  déclarent  que  ceux 
M  qui  les  ont  pafles  étoient  préfens ,  à  moins  que 
»  celui  qui  objeile  l'abfence  ne  juflifie  par  des 
»  preuves  manifeftes  ,  ou  par  des  témoins  irrépro- 
»  chables,  que  lui  ou  fa  partie  étoit  dans  un  autre 
»  lieu  pendant  le  jour  entier  que  l'aôe  a  été  pafle  », 
Par  la  même  raifon  ,  fi  un  enfant,  dans  les  provin- 
ces de  droit  écrit,  foutient  n'être  pas  fournis  à  la 
puiftance  paternelle  ,  il  faut  qu'il  le  prouve  ,  parce 
que  cette  dénégation  contient  un  fait  pofitif,qui 
eft  l'émancipation.  La  loi  8 ,  D.  de probationibus ^  le 
décide  ainfi  formellement. 

La  négative  de  droit ,  ou  la  propofition  par  la- 
quelle on  nie  qu'un  a(3e  eft  légitime,  peut  &  doit 
auffi  fe  prouver  par  celui  qui  l'avance.  Nous  en 
trouvons  un  exemple  dans  la  loi  5  ,  §.  1  ,  D.  de 
probationibus  :  Si  quelqu'un  ,  dit-elle ,  nie  qu'une 
émancipation  foit  bien  faite  ,  c'eft  à  lui  à  le  prou- 
ver ;  idem  refpondit ,  fi  quis  neget  emancipationem 
reStèfadam  ,  probationem  ipfum  pnzjlare  debere. 

La  négative  de  qualité  ,  ou  la  propofition  par  la- 
quelle on  nie  qu'une  perfonne  ou  une  chofe  eft  de 
telle  qualité,  eft  toujours  fufceptible  de  Preuve, 
parce  qu'elle  équivaut  à  une  affirmative.  Ainfi  on 
peut  prouver  qu'une  perfonne  ne  jouit  pas  de  la 
raifon  naturelle  ,  parce  que  c'eft  la  même  chofe 
que  fi  on  afiîrmoit  qu'elle  a  l'efprit  dérangé.  On 
peut  prouver  qu'un  bien  n'eft  ni  fief  ni  cenfive , 
parce  que  cela  revient  à  dire  qu'il  eft  poiTédé  en 
franc- aleu. 

La  queflion  de  favoir  fur  qui  doit  tomber  la 
Preuve  de  ces  dernières  efpèces  de  négatives  ,  dé-, 
pend  des  autres  principes  que  nous  allons  établir. 

Ceux  qui  voudront  approfondir  cette  matière  , 
pourront  confulter  François  Herculanus  &  Martin 
de  Fano ,  dans  leurs  differtations  intitulées  de  ne- 
gativâ  probandâ  :  elles  font  inférées  dans  le  traSia- 
tus  trakatuum  ,  tome  4 ,  page  12  &  fuivantes. 

Deuxième  principe.  Le  demandeur  doit  prouver 
le  fait  qui  fert  de  bafe  à  fa  prétention  ;  &  comme 
k  défendeur  eft  toujours  affimilé  au  demandeur, 
lorfqu'il  avance  quelque  chofe  dans  fes  exceptions , 
c'eft  à  lui  à  prouver  le  fait  fur  lequel  il  appuyé  fa 
défenfe.  Mais  celui-ci  n'cft  attenu  à  cette  Preuve, 
que  lorfque  celui-là  a  vérifié  le  fondement  de  fa 
demande. 

Ces  aflertîons  font  confignées  dans  les  textes  les 
plus  précis.  «  En  vain  craignez-vous  qu'on  n'exige 
»  une  Preuve  de  la  part  d'un  défendeur».  Fruflrà 
veremini  ne  ah  eo  qui  lite  pulfatur ,  probaùo  exigatur, 
Ainfi  s'expriment  les  empereurs  Dioclét!en&  Ma- 
ximilien  dans  laloi  8 ,  C.  </e  probationibus. 


PREirVE; 

»  Lorfque  le  demandeur  convient  de  ne  ponvoît' 
«  prouver  ce  qu'il  avance ,  k  défendeur  n'eft  obligé 
J>  à  aucune  preuve  ».  j4âor  quoi  affeverat  p^cbare 
fe  non  pojje  profittndo  ,  Teum  necejjitate  monjlrandi 
contrarium  non  aflringit,  C'eft  la  décifion  des  mêmes 
légiflateurs  ,  loi  23  du  titre  cité. 

«  Comme  le  créancier  qui  répète  une  femme 
«  d'argent  par  lui  prêtée ,  doit  vérifier  le  prêt  ;  de 
»  même  auffi  le  débiteur  qui  foutient  l'avoir  rem- 
»  bourfée  ,  doit  en  juflifier  légalement  ».  Ut  crédi- 
ter qui  pccuniam  petit  numeratam  implere  cogitur , 
ita  rursiiin  debïtor  qui  [olutam  affirmât  ejus  reipro- 
bationern  praftare  débet.  Ce  font  les  termes  des  em- 
pereurs Sévère  &  Antonin  ,  loi  première  du  même 
titre. 

Ce  principe  n'cft  ,  comme  on  voit,  qu'une  con- 
féquence  de  celui  qui  charge  de  la  Preuve  la  per- 
fonne  qui  affirme,  ôc  en  difpenfe  celle  qui  fe  tient 
à  une  fimple  négative. 

Il  eft  cependant  fujet  à  quelques  exceptions. 
1°. Chez  les  Romains  ,  lorfqu'un  pupille,  devenu 
majeur ,  cxerçoit  contre  les  juges  qui  avoient 
nommé  fon  tuteur  ,  Taélion  fubfidiaire  que  lui  ac- 
cordoient  les  lois  dans  le  cas  d'infolvabilité  de  ce- 
lui-ci, c'étoit  aux  juges  à  prouver  qu'ils  avoient 
apporté  dans  leur  nomination  toute  l'exaflicude  & 
la  vigilance  requifes.  C'eft  ce  que  nous  apprend  la 
loi  I  ,  §.  13  ,  D.  </e  magijlracibus  conveniendis. 

1°.  Les  mineurs ,  les  foldats ,  les  femmes ,  & 
les  autres  personnes  privilégiées  ,  avoient  auffi  l'a- 
vantage, lorfqu'ils  agiffoient  en  répétition  de  chofes 
indûment  payées  ,  condiElïone  indebiti ,  de  pouvoir 
rejeter  fur  leur  adverfaire  la  Preuve  que  les  chofes 
par  eux  payées  étoient  réellement  dues.  Ainfi  le 
décide  la  loi  25  ,  D.  de  condiâione  indebiti. 

3°.  Une  autre  exception  plus  générale  &  plus 
conforme  à  nos  mœurs  ,  eft  qu'une  préfomption 
de  droit  difpenfe  celui  en  faveur  de  qui  elle  milite  , 
de  la  Preuve  du  fait  qu'il  avance  ,  foit  en  deman- 
dant, foit  en  défendant.  Ainfi ,  parce  que  tout  hom- 
me eft  préfumé  innocent,  ce  n'eft  pas  à  un  enfant 
déshérité  à  prouver  que  la  caufe  de  (ot\  exhéré- 
dation  eft  injufte  ;  c'eft  au  contraire  à  l'héritier  inf- 
titué  à  faire  voir  que  cette  caufe  eft  vraie,  jufte  & 
fondée  fur  les  lois.  C'eft  ce  que  porte  exprefle- 
ment  la  novelle  115,  chapitre  3.  Voyez  l'article 
Présomption. 

Troijième  principe.  Celui  qui  pofsède  légitime- 
ment une  chofe,  n'eft  point  tenu  de  prouver  qu'elle 
lui  appartient  ;  la  Preuve  du  contraire  retombe  fur 
celui  qui  prétend  le  dépofféder.  Ecoutons  l'empe- 
reur Antonin  dans  le  refcrit  qui  forme  la  loi  2, 
C  de  probationibus  :  «  Vous  pouvez  pourfuivre  par 
»  les  voies  ordinaires  le  recouvrement  des  biens 
«  que  vous  dites  vous  appartenir  ,  poffeffiones  quas 
«  ad  te  pertinere  dicis  ,  more  judiciorum  perfequere  ; 
«  car  ce  n'eft  pointa  celui  qui  les  pofsède  à  prou- 
M  ver  fa  propriété  ,  non  enim  poffeîfori  incumbit  ne- 
«   cejfitas  probdndi   tas  ad  fe  pertinere  ;  &  faute  par 
«  vous  de  |[air§  votre  preuve ,  il  doit  en  demeurer 


PREUVF.  sU 

»  propriétaire  :  cùrn  te  in  probatione  ce(fante  ,  domi- 
i>  nium  apud  eum  remuneat  ».  Voyez  l'article  LÉGI- 
TIMITÉ ,  tom.  dixième. 

De  là ,  ce  confeil  que  nous  donne  le  jurifcon- 
fulte  Gaïus  dans  la  loi  24  ,  D.  de  rei  vindicatione^ 
»  Lorfqu'on  fe  propofe  de  réclamer  un  bien  ,  il 
»  faut  commencer  par  examiner  fi  on  ne  pourroit 
»  pas  en  acquérir  la  pofleflion  par  quelque  interdit 
»  ou  ailion  pofleflbire.  Car  il  eft  bien  plus  avan- 
»  tageux  de  pofféder  &  de  charger  la  partie  ad- 
j>  verfe  du  rôle  onéreux  de  demandeur  ,  que  d'in- 
»  tenter  une  revendication  contre  une  perfonne 
»  qui  pofsède  w. 

Tels  font  les  principes  qui  fervent  dans  chaque 
affaire  à  réfoudre  la  qucftion  de  favoir  fur  quelle 
partie  doit  tomber  la  Preuve.  Il  eft  quelquefois 
dangereux  de  les  appliquer  féparément  ;  le  plur  sûr 
eft  d'en  confidérer  toujours  l'enfemble ,  avant  de 
prononcer  fur  la  queftion  dont  nous  venons  de 
parler,  Ifolés  ,  ils  peuvent  être  faux  dans  certains 
cas  ;  réunis  ,  ils  s'expliquent,  fe  modifient  toujours 
les  uns  les  autres  ,  &  afturent  la  marche  du  juge 
dès  le  premier  pas  qu'il  fait  dans  la  recherche  de 
la  vérité. 

Section     Seconde. 

Différentes  manières  de  prouver  un  fait, 

La  vérité  ou  l'exiftence  des  faits  n'eft  connue  in- 
failliblement que  de  ceux  qui  en  font  les  auteurs; 
la  connoiflance  qu'en  peuvent  acquérir  d'autres 
perfonnes  ,  eft  toujours  fujette  à  l'erreur ,  parce 
qu'elle  n'eft  fondée  que  fur  les  relations  des  fens  , 
qui  peuvent  à  chaque  inftant  nous  tromper.  C'eft 
donc  à  la  Preuve  par  confffion  qu'eft  dû  le  premier 
rang  dans  l'ordre  des  moyens  propres  à  découvrir 
la  vérité  à  la  juftice. 

Mais  comme  les  faits  font  fouvent  niés  ou  alté- 
rés par  ceux  à  qui  ils  pourroient  nuire,  on  s'eft 
trouvé  dans  la  néceflité  de  chercher  au  dehors  ,  des 
Preuves  qui ,  fans  être  démonftratives  &  métaphy- 
fiquement  certaines  ,  peuvent  néanmoins  fixer  les 
opinions  jufqu'à  ce  qu'elles  foient  détruites  par  des 
Preuves  contraires.  De-là  font  venues  les  Preuves 
par  titres ,  par  témoins  ,  par  experts  ,  par  vues  des 
lieux,  par  ferment. 

§.  I.  De  la.  Preuve  par  confefjîon, 

La  confeflîon  de  celui  à  qui  on  impute  un  fait  7 
peut  fe  faire  de  plufieurs  manières  :  1°.  elle  fe  fait 
ou  en  jugement  ou  hors  de  jugement  ;  2°.  elle  eft 
ou  libre  ou  forcée  :  la  confeifion  libre  fe  définit 
aftez  d'elle-même  :  la  confeftion  forcée  eft  celle 
qui  fe  fait  à  la  queftion  &  dans  les  tourmens  ;  3°. 
elle  eft  ou  fimple  ou  qualifiée  :  la  confeflîon  fim- 
ple eft  celle  qui  fe  fait  purement  &  fimplement  ;  la 
confeflîon  qualifiée  eft  celle  qui  n'eft  pas  pure  8c 
fimple  ,  mais  qui  eft  jointe  à  une  excufe  qui  juftifie 
laOion. 
On  a  expofé  au  mot  Confession  tous  les  prin- 

Bbbbij 


5^4  PREUVE. 

•  LÏpes  relatifs  à  chaque  point  de  cette  divif:on  ;  nous 
nous  bornerons  ici  à  en  dil'cuter  ou  développer 
quelques-uns. 

La  confeirion  judiciaire ,  Hb'e  &  fjmple  d'un 
accufé  ,  fuffit-elle  pour  le  faire  condamner,  lorfque 
le  corps  de  délit  eft  coudant  ?  Il  paroît  par  les  lois  2, 
C.  quorum  ûppellationcs  non  recipiantur ,  10,  c.  ds 
epifcopïs&  clericis,  &  16  ,  c.  ^^^^  panis ,  que  l'aflîr- 
mative  ne  fouffroit  aucune  difficulté  dans  le  droit 
romain  ;  elle  eft  aufii  adoptée  par  les  cspitulaires 
de  Charlemagne,  livre  <  ,  chap.  156;  &  elle  a 
pour  partifans  Bartole  ,  Paul  de  Caflres  ,  Damhou- 
dere.  Gui-pape,  Boyer,  Caiondas  ,  Panon  ,  Ma- 
fuer,  le  préfident  Favre ,  Airault  ,  Farinacius  , 
.  Julius  Clarus ,  &  Joufle. 

Cette  do61rine  eft  reçue  dans  plufieurs  tribunaux 
étrangers  ;  Jutius  Clarus  dit  même  qu'on  la  fuit 
dans  l'univers  entier,  hanc  praiicam  roius  mundus 
fervat.  Joufle ,  plus  modéré ,  fe  borne  à  foutenir 
qu'elle  doit  être  fuivie  en  France  ,  &  il  croit  le 
prouver  par  l'article  172  de  la  coutume  de  Bre- 
tagne ,  &  par  l'article  2  du  titre  8  de  l'ordonnance 
de  1670. 

Voici    les    termes   du  premier  de  ces  textes  : 
ï)  Confefîion  faite  en  jugement,  fait  entière  Preuve , 
j>  excepté  en  cas  de  crime;  auquel  cas  ne  doit 
»  nuire  la  confeffion  à  celui  qui  confeffe  ,  s'il  n'eft 
«  accufé  par  \m  autre,  &  qu'autrement  il  appa- 
»  roifl!e  du  délit  «.  Il  faut  donc  ,  pour  pouvoir  con- 
damner un  accufé  fur.  fon  aveu  ,  qu'autrement  il  ap- 
pjroiffe  du  délit  :  mais  ces  mots  fignifient-ils  feule- 
ment que  le  corps  de  délit  doit  être  confiant,  ou 
que  l'accufé  doit  avoir  contre  lui  quelques  autres 
Preuves  ou  indices  ?  C'eft  ce  que  la  coutume  n'ex- 
plique pas.  Joufl"e  admet  la  première  intcrprération  ; 
mais  la  féconde  étant  au  moins  aufli  naturelle,  le 
parti  le  plus  fage  eft  de  les  réunir  l'une  à  l'autre  , 
&  conféquemment  de  ne  fonder  une  condamnation 
fur  l'aveu  d'un  accufé ,  que  lorfque  la  certitude  du 
délit  fe  trouve  jointe  à  des  Preuves  ou  des  indices 
que  l'accufé  en  eft  l'auteur. 

L'article  de  l'ordonnance   de  1670  fur  lequel 
s'appuie  Joufle  ,  efl  conçu  en  ces  termes  :  «  Si  l'ac- 
f)  cufé  a  reconnu  avoir  écrit  ou  figné  les  pièces , 
j»  elles  feront  foi  contre  lui,  &  n'en  fera  faite  au- 
5>  cune  vérification  w.  S'il  ne  faut  pas  vérifier  la 
fignature  d'un  accufé  lorfqu'il  la  reconnoît  quoi- 
qu'elle puifle  opérer  fa  condamnation  ,  pourquoi 
,feroit-il  nécefl^aire  de  recourir  à  d'autres  Preuves 
d'un  fait  qu'il  avoue  .^  Ainfi  raifonne  Joufle.  Mais 
cet  auteur  ne  fait  pas  attention  qu'il  y  a  entre  ces 
deux  cas  une  différence  extrême  ;  dans  le  premier, 
l'exi/îence  de  la  pièce  écrite  ou  fignée  par  l'accufé, 
.  forme  une  préfomption  contre  lui  ,  avant  même 
qu'il  l'ait  reconnue  (i).  Voilà  pourquoi  fon  aveu, 
joint  à  cette  préfomption,  difpènfe  le  juge  de  la 
faire  vérifier.  Dans  le  fécond  ,  au  contraire ,  on 

(  I  )  Voyez  Boiccju  ,  tiaiic  de  la  Preuve  pat  tcmpins ,  part, 
a,  chap.  I. 


PREUVE, 

fiîppofe  qu'il  n'y  a  contre  l'accufé  que  fa  cotifef- 
fion  ;  ce  qui  eft  bien  difTcrent. 

L'ordonnance  de  1670  ne  juftifie  donc  pas  l'opi- 
nion de  JoufCe;  on  peut  même  dire  qu'elle  la  prof- 
crit  formellement.  Voici  en  effet  ce  qu'elle  porte, 
tit.  2 5  ,  art.  5  :  «  Les  procès  criminels  pourront, 
»  être  inflruits  &  jugés ,  encore  qu'il  n'y  ait  point 
V  d'information  ;  fi  d'ailleurs  il  y  a  Preuve  fufîi- 
»  faute  pat- les  interrogatoires,  &  par  pièces  au- 
■»  thentiques  ou  reconnues  par  l'accufé  ,  &  par  les 
»  autres  préfomptions  &  circonflances  du  procès  n. 
Remarquez  combien  de  conditions  le  légi/latcur 
exige  pour  autorifer  le  juge  à  condamner  un  ac- 
cufé fans  information.  1°  LaconfefTion  de  l'accufé 
dans  fes  interrogatoires;  2°.  des  pièces  authentiques 
ou  fuffifamment  reconnues;  3".  des  préfomptions 
&  des  indices.  «  Il  eft  difficile  ,  dit  Serpillon  ,  que 
»  toutes  les  conditions  requifes  par  cet  article  de 
"  l'ordonnance  fe  trouvent  réunies  ,  pour  pouvoir 
»  juger    fans  information   un  procès  de  quelque 
»  importance  ;  il  faut  cependant  qu'elles  fe  ren- 
j>  contrent    jointes ,    pour  pouvoir  être  difpenfé 
»  d'informer  des  faits  qui  peuvent  avoir  quelque 
»  relation  au  chef  d'accufation  ». 

Joufl!e  oppofe  d'anciens  arrêts  qui  ont ,  dit-il  , 
condamné  des  accufés  fur  leur  feule  confeflion. 
Mais  ces  arrêts  n'ont  prononcé  que  des  peines  lé- 
gères ,  en  comparaifon  de  celles  que  méritoient 
les  crimes  dont  il  étoit  queflion  ;  &  on  ne  les  a 
rendus  qu'après  avoir  épuifé  toutes  les  autres 
voies  propres  à  vérifier  les  faits.  Par-là  on  a  jugé 
que  la  confefîion  formoit  bien  un  indice  violent , 
mais  non  une  Preuve  complette. 

On  a  dit  à  l'article  Confession  ,  qu'un  aveu 
extrajudiciaire  ne  forme  qu'un  commencement  de 
Preuve.  Cette  afl!ertion  n'eft  pas  vraie  dans  tous 
les  cas ,  fur-tout  en  matière  civile. 

Dumoulin  diAingue  û  la  confefîion  a  été  faite 
à  celui  qui  a  intérêt  de  la  faire  valoir ,  ou  à  des 
tiers. 

Au  premier  cas,  elle  fait  une  Preuve  complette, 
lorfqu'elle  eft  précife  &  motivée. 

Au  fécond  cas  ,  la  Preuve  n'eft  régulièrement 
qu'imparfaite;  elle  feroit  cependant  complette  en 
certains  cas.  Tel  eft  ,  dit  Pothier  d'après  Guttiércz  , 
«  le  cas  auquel  le  débiteur,  en  faifant  un  aveu  à 
M  des  tiers  ,  déclare  qu'il  le  fait  pour  la  décharge 
I)  de  fa  confcience.  Par  exemple  ,  fi  un  malade 
»  fait  venir  deux  pcrfonnes  auxquelles  ,  dans  la 
V  crainte  où  il  eft  d'être  furpris  par  la  mert,  il  dé- 
n  clare  qu'il  me  doit  une  fomrae  de  100  liv.  que 
»  je  lui  ai  prêtée  fans  billet; une  telle  confefîion  , 
»  quoique  faite  à  des  tiers,  me  paroît  faire  une 
»  Preuve  complette  de  la  dette. 

)>  Lorfque  mon  débiteur  (  c'eft  encore  Pothier 
»  qui  parle),  dans  un  inventaire  pour  difToudre 
j)  une  fociété  ,  com^^rend  dans  le  pafïif  la  dette 
»  dont  il  eft  tenu  envers  moi ,  cette  confefTion, 
»  quoique  faite  hors  de  ma  préfçnce ,  me  paroît 


PREUVE. 

j>  aiuTi  devoir  faire  une  Preuve  complette  de  la 
j>  .dette  V. 

Au  refte  ,  pour  que  la  coiifefrion  extrajudiciaire 
forme  ,  foit  une  Preuve  entière  ,  foit  un  commen- 
cement de  Preuve  ,  il  faut  qu'elle  foit  juftlfiée  par 
écrit  ou  par  témoins  ;  &  h  le  fait  qui  en  eft  l'objet , 
n'ctoit  pas  fufceptible  de  la  Preuve  teftimoniale  , 
ce  qui  dépend  des  régies  qu'on  établira  ci  après  , 
ik.  qu'en  même  temps  on  lût  deflituc  de  toute  cl- 
péce  de  Preuves  écrites  ,  la  confefTion  ne  pro- 
duiroit  aucun  effet. 

§.  II.  De  la  Preuve  littérale. 

Les  aftcs  font  la  fource  Se  le  fondement  de  la 
Preuve  littérale;  on  en  difiingue  de  plufjeurs  fortes  : 
ils  font  authentiques  ou  privés,  originaux  ou  co- 
pies ,  primordiaux  ou  récognitifs. 

Des  aâes  autheniiqiies.  On  appelle  ainfi  tous  les 
ailes  reçus  par  des  officiers  publics  avec  les  folem- 
uités  requifes.  Voyez  le  mot  Acte. 

Un  aàe  authentique  fait  par  lui-même  pleine 
foi  de  ce  qu'il  contient On  peut  cependant  l'at- 
taquer de  faux  ;  mais  tant  qu'il  n'eft  pas  jugé  tel  , 
il  doit  faire  foi  &  être  exécuté  par  provifion.  C'eft  ■ 
ce  que  décide  la  loi  a ,  C  ad  legern  Corneliam  , 
de  faljîs. 

Lorfqu'un  adîe.eft  produit  hors  du  territoire  de 
l'oflicier  public  qui  l'a  reçu,  il  ccfle  en  quelque 
forte  d'être  authentique  ,  ou  du  moins  on  ne 
le  regarde  plus  communément  comme  tel  ,  s'il 
ne  fe  trouve  légalifé.  Voyez  l'article  Légali- 
sation. 

Quand    nous    dlfons    qu'un    afle    authentique 
fait  pleine  foi,   cela  ne  is'entend   que  contre   les 
parties    qui  l'ont  fïgné ,  leurs  héritiers  &  repré- 
fentans. 
'      Il  ne  fait  même    pleine  foi,  à  l'égard  de  ces, 
perfonnes ,  que  de  fon  difpofurf ,  c'eft-à-dire  ,  del 
""t'objet  qu'elles  ont  eu  en  vue  eft  le  paflaiitf,  &  desj 
'énonciations  qui  ont  trait  à  la  difpofition.  Par  exem-î 
pie,  un  particulier  donne  en  ces  termes  la  recon- 
noiflance  d'une   rente  :  a  Reconnoît  qu'une  telle 
3>  maifon  par  lui  poiîédée  eft  chargée  envers  N.  , 
'*>  ici  préfent ,  de  vingt  fous  de -rente  annuelle,. 
j)  dont  les  arrérages  ont  été  payés  jufqu'à  ce  jour  , 
»  &  en  conféquence  s'oblige  de  la  lin  continuer  ».; 
Il  y  a  dans  cette   claufe  une  difpofition  &  uner 
énonciation  :  la  difpofition  confifte  dans  la  rccon-' 
noiffance  de  la  rente  &  l'obligation  de  la  conti- 
nuer. A  cet  égard  ,  point  de  doute  que  l'aéle  ne 
falTe  pleine  foi.  L'énonciation  eft  renfermée  dans  : 
ces  mots.,  dont  les  atréras;es  ont  été  payés  jiifrjuà  ce'' 
jour.   Ces  paroles  femblent  ,  au  premier  abord  , 
infuffifantes  pour  décharger  le  débiteur  des  arré- 
rages ,  piiifque  le  créancier  ne  déclare  poitit  les 
avoir  reçus.  Cependant,  comme  elles  ont  trait  au 
difpofitif  de  l'aâe ,   elles  doivent  faire  pleine  foi 
du  payement. 

Il  n'en  eft  pas  de  même  des  énonciations  qui 
font  étraiigèrcs  à  l'objet  de  l'aâej  elles  ne  font,  | 


PREUVE.  555 

fuivant  Dumculm  ,  qu'uiic  dtini-Preuve.  u  Par 
)>  exemple,  dit  Pothier,f]  dans  le  contrat  de  la  vente 
»  d'un  héritage  que  Pierre  m'a  faite,  il  eft  énoncé 
"  que  cet  héritage  lui  vient  de  la  fucceftion  de 
)»  Jacques;  un, tiers  qui',  conimetiéruier  eh  par- 
»  tie  do  Jacques ,  aura  donng  contre  inoi  la  dc- 
j)  mande  en  revendication  de  fa  portion  dans  cet  hé« 
5>  'ritagé  ,  rie  pourra  pas, .pour  fonder  fa  demande  , 
3>  proiiVer,  par  cette  feule  énonciation  qui  fe  trou- 
»  ve  en  mon  contrat ,  que  cet  héritage  éîoit  ef- 
«  fefliveiiTent  de  l'a  fucceluon  de  Jacques,  quoi- 
»  que  je  lois  partie  dans  l'aiSle  Oii  fe  trouve  cette 
1)  énonciation  ,  parce  qu'elle  eft  abfolument  étran- 
»  gère  à  la  difpofition  de  l'aéle  ,  &  que  je  n'avois 
»  pour  lors  aucun  inîéi»èt  de  m'oppofer  à  cette 
')  énonciation  ». 

A  l'égard  des  perfonnes  qui  n'ont  pas  été  par- 
ties dansunafle  authentique,  la  feule  chofe  dont 
il  fait  pleine  foi  contre  elles  ,  c'eft  qu'il  a  été  pàlfé. 
Si.  que  l'opératiou  qui  en  eft  l'objet  a  été  faite. 
Ainfi  un  contrat  de  vente  prouve,  même  contre 
un  tiers,  que  la  chofe  qui  y  eft  pouée  a  été  ven- 
due d^ns  je  temps  marqué  par  cet  ae4e  :  «  C'eft 
»  pourquoi,  dit  Pothier ,  fi  un  feigneur  de  cen- 
»  fivc  a  eu  un  traité  avec  un  receveur,  qui  s'eft 
)'  obligé  de  le  faire  payer  de  tous  les  profits  fei- 
»  gneuriaux  qui  naitroient  pendant  un  certaia 
)>  temps  dans  ia  cenfive;  l'aOe  contenant  le  contrat 
}>  de  vente  d'un  héritr'.ge  fitué  dans  la  cenfive,  fait 
M  foi  contre  ce- rece^/elir,  quoiqu'il  n'ait  pas  été 
»  partie  à  l'aéle ,  qu'il  y  a  eu  une  vente  de  cet 
»  héritage ,  probat  rem  ipfam  ;  &  en  conféquence 
»  le  feigneur  peut  -demander  raifon  à  ce  rece- 
3>  veut  du  profit  auquel  cette  vente  a  donné 
j>  ouverture,  &  dont  le'  receveur  a  dû  fe  faire 
■>■)  payer  'y?.      ' 

Mais  un  afte  authentique  ne  fait  pas  foi  contre 
un  tiers  de  ce  quijy  eft  énoncé  ;  ainfi,  quoiqu'il  foit 
exprimé  dans  le  contrat  d'acqhifitioii  de  votre  héri- 
'tage,  qu'il  a  un  'droit  de  fervitude  fur  le'  mien  , 
vous  ne  pouvez  vous  prévaloir  contre  moi  de  cette 
énonciation,  parce  que  je  r/étois  point  partie  à 
l'aéle  qui  la  contient.  - 

■Il  y  a  Cependant  lijie  exception  à  cetté'règle. 

Les  fimples  énonciations  font  foi  contre  des  tiers 

'îorfqu'diles  font  iinclèrinës  &;  foutepues'  par  une 

longue  'pofleflïon'.  Voyez  Cravetta  ;'"de  antlp^haie 

tcmporis  ,  part,  i  ,  ch^p.'^  >  ni  20.    ''    '''   '  f'^'  '  ' 

L'inventaire  authentiq-ie  d'une 'fucceft^on  qui 
porte  qti'il  s'eft  trouvé  dans -les  titres  du  défunt  une 
obligation  en  brevet  d'une  certaine  fomme  >  fi^née 
par  uii  tel ,  pouf  ca\jfe  de  prêt ,  en  tel  rerrips  & 
devant  teî  notaire,  fàtt-il  foi  de  la -dette  contre 
le  débiteur  qui  n'étoit  pas  préfent  à  l'inventaire , 
&  difpenfe-t-il  l'héritier  de  rapporter  '  le  brevet 
d'obligation  ?  La  raifon  de  douter  eft  que  les  aâes 
authentiques  prouvent ,  comme  nous  l'avons  dit  , 
rem  ipfam  contre  les  tiers  *■&  que  par  conféquent 
on  ne  peut  douter  ,  d'après  renonciation  de  l'in- 
ventaire,  que  TobligaHon  dont  il  s'agit  ne  Oe  foit 


^66  PREUVE. 

trouvée  dans  les  papiers  du  défunt.  La  raîfon  de 
décider  eft  que  l'exiftence  de  l'obligation  au  temps 
de  l'inventaire  ,  n'eft  pas  une  Preuve  que  la  dette 
foit  due  ;  «  parce  que ,  dit  Pothier  ,  le  défaut  dé 
îi  repréfentation  du  brevet  d'obligation  fait  pré- 
«  fumer ,  ou  qu'il  y  a  quelque  vice  ou  défaut 
«  dans  ce  brevet  qu'on  ne  repréfente  pas ,  qui 
ï>  empêche  qu'il  puifle  faire  foi  de  la  dette,  ou  que 
»  depuis  l'inventaire  il  a  été  rendu  au  débiteur  , 
>»  lors  du  payement  qu'il  a  fait  du  contenu  en 
»>  l'obligation  ». 

»  Néanmoins  (  continue  le  même  auteur  )  s'il 
«  étoit  confiant  que  depuis  l'inventaire  il  ert  ar- 
■)}  rivé  un  incendie  de  la  maifon  où  étoient  les 
»  titres  ,  qui  les  a  confumés  ,  la  mention  du  brevet 
i>  d'obligation  portée  par  l'inventaire  pourroit  faire 
»  foi  de  la  dette  ,  comme  paroit  le  fuppofer  la  loi 
»  57  ,  D.  de  adminijlratione  tutorum  ;  ce  qui  pour- 
»  roit  avoir  lieu  dans  le  cas  auquel  le  débiteur 
«  n'allégueroit  pas  l'avoir  payée  ,  ou  peut-être 
»>  dans  le  cas  auquel  le  terme  du  payement  porté 
»>  dans  l'énoncé  de  l'obligation  ,  n'étant  pas  erjcore 
»  échu  ,  la  préfomption  feroit  que  la  dette  n'a  pas 
«  été  acquittée.  Tout  cela  dépend  beaucoup  des 
w  circonftances ,  &  eft  laiffé  à  la  prudence  du 
«  juge  )». 

Des  écritures  privées.  On  peut  diftinguer  fept  ef- 
pèces  d'écritures  privées  ;  favoir  ,  celles  qui  ont  été 
tirées  d'archives  publiques  ,  les  billets  fous  feiiig- 
privé  ,  les  papiers  terriers  ,  les  journaux  des  mar- 
chands ,  les  papiers  domeftiques  ,  les  jnotes  ou  écri- 
tures non  fignées  ,  les  tailles  ,  &  les  lettres  mi/Tives. 

Des  écriinres  privées,  tirées  d^ archives  publiques. 
Voyez  ce  qu'en  dit  M.  Henrion  de  Panfey ,  au 
mot  Copie,  tome  cinquième.  Sa  do^lrine  eft  con- 
forme à  la  novelle  49  de  l'einpereur  Juftinien. 

Des  billets  fous  feing-privé.  On  a  vu  aux  articles 
Billet  &  Acte  tout  ce  qui  concerne  la  forme  de 
ces  fortes  d'écritures  ;  il  nous  refte  à  parler  de  la 
foi  qu'elles  méritent. 

Lorfqu'un  billet  fous  feing-privé  eft  reconnu 
par  celui  qui  l'a  figné  ou  par  fes  héritiers  ,  il 
fait  la  même  foi  à  leur  égard  qu'un  afte  authen- 
tique. 

Il  arrive  quelquefois  que  dans  une  promeffe 
de  cette  nature ,  la  fomme  écrite  hors  du  corps 
du  billet  par  forme  de  bon  ,  eft  moindre  que  celle 
qui  eft  exprimée  dans  le  corps  même.  A  laquelle 
des  deux  doit-on  alors  préfumer  que  le  débiteur 
s'eft  obligé  ? 

Si  le  corps  de  l'écriture  eft  d'une  main  étran- 
gère ,  point  de  doute  que  le  bon  ne  doive  l'em- 
porter. 

Mais  fi  la  promefle  eft  écrite  en  entier  de  la  main 
du  Jdbiteur  ,  que  faudra-t-il  décider  ?  Dans  la  thèfe 
gcnérale  ,  il  faut  encore  s'en  tenir  au  bon ,  parce 
que  la  libération  eft  favorable,  &  que,  fuivant 
la  neuvième  règle  de  droit  cwW ,  femper  in  obfcuris 
fwoi  minimum  eft  fequimur.  Si  cependant  la  caufe 
dç  la  dette  exprimée  dans  le  corps  de  la  cédule , 


PREUVE. 

falfolt  connoure  que  la-fbmme  qui  y  eft  portée  îùi 
celle  qui  feroit  véritablement  due,  il  ne  faudroit 
avoir  aucun  égard  au  bcr..  Par  èxérfiple ,  je  fais  une 
promeiTe]  en  cette  forme  :  «  Je  reconnois  devoir  à 

"  M la  fomme   de  300  livres  pour  quinze 

»  aunes  de  drap  de  Pagnon  qu'il  m'a  vendues  ÔC 
»  livrées  ».  Au  bas  de  cette  promeffe ,  j'ajoute  : 
Bon  pour  200  livres.  Si  mon  vendeur  peut  prou- 
ver que  la  fomme  de  200  livres  n'équivaut  point 
au  prix  que  coutoient  communénaent  quinze  aunes 
de  drap  de  Pagnon  lors  de  mon  billet ,  &  qu'au 
contraire  celle  de  300  livres  revient  jufte  à  ce  prix, 
il  n'cft  point  douteux  qu'on  ne  doive  me  condam- 
ner à  cette  dernière  fomme. 

Il  faut  fuivre  les  mêmes  règles  de  décifion  dans 
le  cas  inverfe  ,  c'eft-à-dire  ,  lorfque  la  fomme  por- 
tée dans  le  corps  du  billet  eft  moindre  que  celle 
qui  eft  exprimée  dans  le  bon. 

Titiusfe  reconnoît  débiteur  &  dépofitaire  d'une 
certaine  fomme  ,  fuivant  le  bordereau  des  efpèces 
joint  à  fon  billet.  La  fomme  que  compcfent  ces 
efpeces  réunies,  fe  trouve  différente  de  celle  qui 
eft  exprimée-par  l'aile.  A  laquelle  des  deux  Titius 
eft-il  obligé  ?  C'eft  à  celle  du  bordereau  ,  parce 
qu'il  y  a  erreur  de  calcul  dans  le  billet. 

Le  principe  qui  attribue  aux  aâcs  fous  feing- 
privé  une  pleine  foi  contre  celui  qui  les  a  lignés 
&  reconnus ,  admet  une  exception  dans  le  cas 
où  ces  aâes  fe  trouvent  en  fa  poffeffion.  Par 
exemple,  on  trouve  fous  le  fcellé  de  mes  effets 
un  billet  par  lequel  je  reconnois  vous  devoir  une 
fomme  de  mille  livres  que  vous  m'avez  prêtée  ; 
ce  billet  peut-il  faire  une  Preuve  de  la  dette  ? 
Non  ,  parce  qu'étant  en  ma  poffeflion  ,  on  doit 
préfumer  ,  ou  que  je  l'avois  écrit  dans  l'efpérance 
que  vous  me  prêteriez  mille  livres,  &  qu'il  m'eft 
demeuré  ,  parce  que  le  prêt  n'a  point  été  exécuté; 
ou  que  vous  m'avez  effeâivement  prêté  cette  fom- 
me, mais  que  je  vous  l'ai  rendue  ,  &  que  j'ai  re- 
tiré ma  reconnoiffance. 

Les  afles  de  libération ,  quoique  plus  favorables , 
font  fournis  à  la  même  règle.  Ainfi  une  quittance 
trouvée  fous  le  fcellé  d'un  créancier,  ne  fait  pas 
foi  du  payement,  attendu  que  la'poffelîîon  qu'il  en 
a  ,  fait  croire  qu'il  l'avoit  écrite  d'avance ,  &  qu'elle 
lui  eft  demeurée  ,  parce  que  fon  débiteur  n'a  point 
été  le  payer. 

Les  écritures  privées  font,  contre  les  tiers,  la 
même  foi  que  les  aftes  authentiques  ,  à  l'exception 
cependant'  du  temps  où  elles  ont  été  faites  ;  car 
c'eft  une  maxime  conftante  que  les  écritures  pri- 
vées ne  prouvent  aucunement  leur  date  contre 
des  tiers.  M,  PoUet  va  nous  en  donner  un  exem- 
ple :  «  Les  états  de  Hainaut  ayant  fait  faifir  plu- 
»  fieurs  conftitutions  de  rentes  fur  Louis -Ferdi- 
II  nand  Mainfen  ,  fieur  de  Montigny ,  qui  avoit 
«  été  leur  receveur-général ,  Gaulthier  s'étoit  op- 
»  pofé  à  la  faifie  ,  prétendant  que  les  rentes  lui 
»  appartenoient  en  vertu  d'une  ceffion  que  Main* 
»  fen  lui  en  avoit  faite  par  aéle  foui  feing-priré 


PREUVE. 

»  avant  la  faifie.  Les  officiers  du  bailliage  du 
w  Quefnoi  avoient  débouté  Gaulthier  de  ion  op- 
»  pofition ,  &  la  fentence  a  été  confirmée  >» , 
par  arrêt  du  1 6  mars  1703  ,  rendu  au  rapport  de 
M.  de  la  Place ,  fur  le  fondement  qu'un  aÂe  fous 
feing-privé  ne  fait  point  foi  de  fa  date  contre  un 
tiers. 

Lorfqu'un  billet  fous  feing-privé  n'eft  pas  re- 
connu par  celui  qu'on  en  prétend  auteur,  ou  fes 
héritiers ,  il  ne  fait  toi  qu'après  une  vérification 
d'écriture. 

Cette  vérification  fe  fait  de  deux  manières  ,  par 
témoins  &  par  experts  :  la  novelle  73  exige  le 
concours  de  ces  deux  Preuves  ,  pour  qu'on  puifTe  , 
en  matière  civile  ,  fonder  un  jugement  fur  un 
a61e  non  reconnu ,  à  moins  que  cet  ai^e  ne  foit  pafTé 
entre  des  habitans  de  la  campagne  ,  ou  qu'il  n'ait 
un  objet  très-modique. 

En  matière  criminelle  ,  la  vérification  par  ex- 
perts fait  encore  moins  de  foi  qu'en  matière  ci- 
vile. L'article  premier  du  titre  9  de  l'ordonnance 
de  1670  ,  veut  pareillement  qu'elle  concoure  avec 
la  Preuve  par  témoins  ,  &  l'article  14  du  titre  pre- 
mier de  l'ordonnance  de  1737,  démontre  claire- 
ment qu'elle  ne  forme  jamais  une  Preuve  valable. 
Il  y  avoit  même  dans  le  projet  de  ces  deux  lois 
un  article  qui  portoit ,  que  «  fur  la  feule  dépofition 
1)  des  experts,  &  fans  autres  preuves,  admiiii- 
î>  cules  ou  préfomptions ,  il  ne  pourroit  inierve- 
î»  nir  aucune  condamnation  de  peine  afHiâive  ou 
»>  infamante  ».  Si  cet  article  a  été  retranché,  ce 
n'eft  p^s  qu'on  ne  le  trouvât  trés-juile ,  puifque 
M.  Talon  obferve  dans  le  procès-verbal ,  «  que 
«  l'on  fait  aflez  qu'on  ne  doit  pas  ajouter  une 
■)>  croyance  entière  à  la  dépofition  des  experts 
V  écrivains  ;  que  leur  fcience  efl  conjecturale  & 
n  trompeufe  ,  &.  qu'en  con(équence  il  feroit  dan- 
»  gereux  de  prononcer  une  condamnation  fur  leur 
»  fmiple  témoignage  «.  Mais  on  a  confidéié  qu'd 
feroit  dangereux  de  laifler  fubfifter  cet  article 
dans  l'ordonnance ,  parce  que  les  fauffaires  en 
deviendroient  plus  hardis,  s'ils  favoient  qu'on  ne 
peut  les  condamner  fans  témoins  préfens  à  leurs 
crimes. 

Des  papiers  terriers  &  cenfiers.  Les  regiflres  qu'un 
feigneur  tient  lui-même  des  cens  &  redevances 
qui  lui  font  payés  à  certains  intervalles  ,  ne  peu- 
vent faire  foi  de  la  prcftatioa  de  ces  objets,  ni 
conféquerament  fonder  la  demande  qu'en  feroit 
le  feigneur.  Tel  eft  l'avis  -Je  Dumoulin ,  êi  i)  a 
été  fuivi  par  d'A'-a^entré,  ou  du  noins  cet  auteur, 
qui  affcililoit  de  ne  jamais  penfi.'  comme  fon  ér.ule, 
fe  consente  de  dire  que  ces  fortes  à?,  pièces  peu- 
vent fournir  des  conje^ures  ,  lorfqu  elles  font  an- 
ciennes. Bafnage,  fur  l'arcicle  185  de  la  coutume 
de  Normandie ,  rapporte  deux  arrcts  du  parle- 
ment de  Rouen  des  14  février  8i  îo  aoijt  1618 , 
qui  ont  décidé  qu'elles  ne  fu'Tifent  pas  pour  faire 
condamner  un  prétendu  tenancier  au  payement 
des  rentes  feigneuriales  qu's;iles  énoncsnt.  Mais  û 


PREUVE. 


567 


elles  réunlflbient  à  l'ancienneté  le  mérite  d'être 
uniformes  &  en  bon  ordre  ,  elles  pourroient  , 
fiiivant  Dumoulin  lui  même  ,  former  une  demi- 
Preuve  :  Magnjm  pncfumptionem  fucerent  etiam  pro 
dcminis  ,  quamvis  aliàs  non  ejfent  auihenùci  ;  imo 
etiam  facerent  fub  judicis  tamtn  arbiirio  ^  femi-pU' 
narn  probationein. 

Ces  principes  font  communs  aux  feigneurs  ec- 
cléfiafiiques  &:  féculiers.  Le  premier  des  arrêts  que 
nous  venons  de  citer,  a  même  été  rendu  contre 
un  abbé.  On  prétendoit  néanmoins  l'excepter  de  la 
régie  générale,  parce  que  l'édit  de  Melun  autorife 
les  eccléfiaftiques  à  demander  titre  nouvel  &  paye- 
ment de  tous  droits  de  fiefs ,  cens ,  lods  &  ventes  , 
jaifines  &  amendes  ,  ^uets ,  corvées  ,  rentes ,  6"  tous 
aunes  droits  &  devoirs  ,  en  faifant  apparoir  par  leurs 
anciens  baux ,  redditions  de  comptes^  lièves  ou  recettes 
anciennes  ci-devant  faites  ^  &  fignées  par  Us  rentiers  , 
receveurs  ou  fermiers  de  leurfdits  droits  ,  terres  ,  lieux 
&  feigneuries  (i).  Mais,  dit  Bafnage ,  on  répondoit  : 
1°.  qu'aux  termes  de  cet  édit ,  les  eccléfiaftiques  ne 
peuvent  tirer  avantage  de  leurs  cueillerets  ,  que 
îorfque  ces  papiers  font  appuyés  par  d'anciens 
baux  &  redditions  de  compte  ;  2°.  que  ce  même  édit 
exige  que  les  recettes  anciennes  (oient  fignées  par  les 
rentiers  ou  redevables  :  3°.  «  que  cette  ordonnance, 
)»  quoiqu'accordée  particulièrement  aux  eccléfiafli- 
))  ques ,  eft  néanmoins  de  droit  ;  &  aufli  par  la  vé- 
M  rification  aux  parlemens  de  Paris  &  de  Norman- 
»  die ,  il  fut  arrêté  que  ce  bénéfice  feroit  commun 
»  à  tous  feigneurs  en  cas  de  perte  de  titres  ». 

Quoique  les  cueillerets  ne  faffent  pas  réguliè- 
rement Preuve  pour  le  feigneur  contre  d'autres  , 
il  ne  laiffent  pas  de  faire  Preuve  pour  d'autres  con- 
tre lui.  C'eft  encore  Dumoulin  qui  établit  cette 
maxime.  Hujufmodi  enim  libri&  ineis  contenta  plenè 
probant  contra  eos  qui  fcripferunt  velfcribi  fectrunt 
&  ajjervant ,  non  autem  in  eorum  commodum  nec  in 
prczjudicium    tertii. 

Mnis ,  ajoute  Dumoulin,  Iorfque  le  cenfitaîre 
s'eft  Ici  vi  contre  le  feigneur  des  cueillerets  de  ce- 
lui-ci, le  feigneur  peut,  à  fon  tour,  les  employer 
contre  lui,  &  alors  ils  font  pleine  foi  en  fa  faveur, 
non  pas ,  à  la  vérité,  fur  tous  les  points  ,  mais  fur 
les  objets  connexes  à  ceux  pour  lefquels  lecen- 
fuaire  s'en  efl  fervi. 

Des  livra  des  marchands.  Les  auteurs  font  affez 
partagés  fur  le  degré  de  Preuve  qu'on  doit  don- 
ner aux  livres  des  marchands.  On  trouve  dans 
M.  Dulauri  un  arrêt  du  grand  confeil  de  Malines 
da  14  mai  1335  ,  qui  fur  la  demande  formée  par 
un  marchand  contre  un  huiflier  pour  trois  livres 
di:.  fous  de  fournitures ,  a  prononcé  en  cette  forme: 

(i)  Chatles-QuîataoïJonné  quelque  chcfe  de  femblable 
pour  les  Pr.yi-Sas.  Cardus  V  ,  10  ,  oElahris  /Î52,  fanxit  ut 
tcciefijfckis  jus  dicc.rur  quoad  ccnfus  eorum  6"  redhus  ,  non 
prûlatis  eùamj'eu  :](p?.rditîs  lirnrls  conftUutionis ,  fuper  eorum 
lihris  ,  rctulis  cinfuilibus  ,  regifiris  ,  compmihus  .  b"  fln'ilibus 
monum:mls.  "ypccus  )  juris  poflri^ç/i  andyfls  j  llb,  1 ,  nir^ 
de  prvbat'wnibus. 


5 


6S 


•PREUVE. 


«  Le  tout  vu,  la  cour  déclare  le  fuppliant  non  rc- 
«  cevable  ni  fondé  à  prouver  fa  prétendue  dette 
»  par  fon  livre  &  ferment  ;  niais  bien  lui  con- 
»,  vient  delà  prouver  autrement  ôc  dûment, 
>>  comme  il  appartient  ». 

M.  Cnvelier ,  en  fail^nt  mention  du  même  ar- 
rêt, dit  que  depuis  il  a  fouvent  vu  juger  le  con- 
traire ,  &  que  cela  dépend  des  circonftances. 

Il  paroît  en  effet  que  cette  jurifprudence  n'a 
pas  duré  long-temps  ,  même  dans  les  Pays-Bas  ; 
car  une  déclaration  du  confeil  d'état  privé  de 
Bruxelles,  rendue  le  21  mars  1624,'  porte,  que 
l'article  19  de  l'édit  perpétuel  n'exclut  point  te  !a 
V  foi,  que  de  droit,  ftatutou  coutume,  méritent 
»  les  livres  mercantils  «1. 

Mais  comment  doit-on  entendre  cette  déclara- 
tion ?  Parmi  les  auteurs  Flamands  ,  Voet ,  Gre- 
neweghen  ,  Vanleuwen,  prétendent  que  le  livre 
fermenté  d'un  marchand  ne  fait  point  foi  des  four- 
nitures mêmes  ,  lorfqu'elles  font  abfolument 
niées  (i),  mais  feulement  iorfqu'il  n'y  a  de  contefln- 
tion  que  fur  leur  prix  &  leur  quantité.  Parmi  les  au- 
teurs François  Guénois  ,  Danty  ,  Ferrières  ,  De- 
nifard  8c  pluficurs  autres  décident  que  les  livres 
de  marchands  né  font  Preuve  que  conti-e  d'autres 
marchands  ,  &  qu'un  particulier  afiîgné  fur  la  foi 
^  d'un  pareil  titre  en  payement  de  marchandifes  qu'on 
fuppoferoit  lui  avoir  livrées,  doit  être  renvoyé 
de  l'alTignation  ,  en  affirmant  qu'il  ne  doit  rien. 

Leur  grande  raifon  çft  de  dire  que  perfonnc 
ne  peut  fe  frtire  de  titre  à  foi-même  ,  ne/na  pro- 
prià  manu  Jibi  debïtorem  adfcribic.  Cette  recèle  cil 
vraie  dans  la  tbèfe  générale  ;  mais  la  loi  &  l'ufage  , 
la  raifon  &  le  bien  public  ,  ayant  établi  ta  nécef- 
fité  de  vendre  &  d'acheter  à  crédit,  il  faut  aufiî  , 
dans  cette  nécefTué,  établir  ufte  exception  aux 
principes  ordinaires,  Se  cette  exception  ne  peut  fe 
faire  qu'en  donnant  au  livre  &  au  ferment  d'un 
marchand  déiailleur,  l'effet  d'un  titre.  En  effet, 
c'eft  une  abfurdité  de  prétendre  qu'un  marchand 
ne  puifle  faire  de  crédit  fans  le  confîater  par  la 
foufcription  de  l'acheteur  ou  par  une  reconnoif- 
fance  notariale.  Un  juge,  un  avocat,  un  homme 
de  lettres,  fera  donc  obligé  de  quitter  fon  cabinet 
pour  aller  acheter  quelques  aunes  d'étoffes,  ou 
quelques  provifions  de  ménage  ;  &  là  ,  après  avoir 
attendu  que  le  marchand  ait  expédié  les  pratiques 
arrivéfîs  avant  lui ,  attendre  encore  qu'il  ait  écrit 
fur  fon  livre  les  articles  livrés  ,  pour  y  mettre  fa 
fîgnature  ?  Quel  eft  l'honnête  citoyen  qui  voulût 
fe  foumettre  à  une  régularité  fl  gênante  ?  D  ua 
autre  côté  ,  que  dira  cet  artifan  ,  ce  laboureur , 
qui  ne  fait  pas  figner  ?  Déjà  affez  à  plaindre  par 
la  néceffité  où  il  fe  trouve  de  prendre  quelques 
denrées  à  crédit,  faut-il  augmenter  fa  honte  &  fa 
rjTisère  en  faifant  venir  des  témoins ,  pour  les  lui 
fournir  en  leur  préfence.ou  en  l'eavoyant  chez 

—        I.  I  m»      «    I    mil  !■  III.. .. 

.   (ijM.  Winantzrai.'poric  un  ictèt  du  fonfcil  de  Biabanc, 
du  mois  de  décembce  l;<>  ,  qui  l'a  ainàjugé. 


••  PREUVE. 

le  notaire  «lu  volfinage ,  qui  prendra  vingt  fous 
pour  une  obligation  de  trois  livres  .'*  N'eff-il  pas 
évident  qu'une  telle  méfiance  ne  peut  qu'obliger 
un  homme  réduira  acheter  à  crédit,  de  fe  priver 
des  chofes  les  plus  néceffaires'à  la  vie  ou  à  fa  pro- 
teffion  ?  Il  faut  donc,  pour  éviter  des  inconvéniens 
il  tâcheux ,  engager  les  marchands  à  fe  contenter 
de  leurs  regiftrés  pour  la  sûteté  de  leurs  livraifons  ; 
iSc  c'eft  ce  qu'on  ne  peut  faire,  qu'en  donnant  a 
ces  regiftres  l'effet  defuppjéer  à  des  reconnoiffances 
écrites. 

En  vain  dira-t-on  qu'un  détailleur  infidèle  peut 
porter  fur  l'on  livre  des  articles  fuppofés.  Car  pre- 
mièrement les  entraves  que  l'opinion  des  auteurs 
cités  apporteroieat  au  commerce  ,  feroient  plus 
ruineiifes  pour  le  peuple  &  plus  fufceptibles  d'in- 
convéniensf,  :que  ne  leferoit  à  un  feul  paiti- 
,  culier  une  condamnation  injufte  ,  prononcée  fur 
la  foi  d'un   registre. 

En  fécond  lieu ,  s'il  arrivoit  qu'un  marchand 
fût  d'affez  mauvaife  foi  pour  abufer  de  la  con  - 
fiance  qu'on  a  eue  en  lui ,  le  particulier  qu'il  troni- 
peroit  ne  le  feroit  qu'une  fois;  &  s'il  agiffoit  ainfi 
envers  plufieurs  ,  la  juftice  ne  manqueroit  pas 
de  le  fufpe^er  &  d'exiger  de  lui  des  Preuves 
d'un  autre  genre  ;îk  biemoi  il  verroit  fa  boutique, 
déferre. 

Il  paroît  donc  qu'on  peut  dire ,  avec  Dumou- 
lin 8c  plufieurs  autres  auteurs  refpeâables ,  qu'un 
livre  en  bonne  forme ,  foutenu  par  la  réputation 
&  par  le  ferment  du  marchand  qui  l'a  écrit,  doit 
mériter  une  entière  confiance  en  juftice.  Cet  avis  , 
au  refte,  eft  confirmé  par  l'ufage  Se  la  jurifpru- 
dence de  la  plupart  des  tribunaux;  mais  il  ne  peut 
avoir  lieu  qu'autant  que  le  marchand  forme  fa. 
demande  avant  \é  laps  du  temps  prefcrit  par  les 
ordonnances  &  certaines  coutumes  ,  pour  la  pref- 
cription  des  chofes  livrées  en  détail;  car,  après  ce 
temps,  la  livraifon  eft  préfumée  acquittée,  &  le 
ferment  de  l'affigné  fait  débouter  }e  marchand. 

Si  le  regiftre  d'un  marchand  forme  pour  lui  une 
certaine  preuve  ,  il  n'eft  pas  douteux  qu'il  ne 
doive  former  une  Preiive  complette  contre  lui. 
Il  ne  faut  pas  même  pour  cela  que  les  chofes 
qu'on  veut  prouver  foient  écrites  de  fa  main  ; 
car  le  regiftre  étant  en  fa  poffefîion  &  fervant  à 
fon  ufage  journalier  ,  on  doit  préfumer  que  tout 
ce  qu'il  contient  y  a  été  porté  de  fon  confente- 
ment. 

Dumoulin  apporte  trois  limirations  à  cette  ré- 
gie. La  première  eft  que  le  regiftre  d'un  mar- 
chand ne  peut  faire  foi  contre  lui  des  dettes  paf- 
fives  qui  y  font  mentionnées,  à  moins  que  les 
caufes  de  ces  dettes  n'y  foient  exprimées  :  «  Car  , 
»  dit  Potuier,  comme  il  ne  peut  y  avoir  de  dette 
j>  fans  une  caufe  qui  la  produife,  &  que  la  feule 
»  écriture  ne  fait  pas  la  dette,  la  demande  de  la 
j>  dette  ne  peut  être  fondée,  tant  qu'il  n'apparoîc 
»  point  de  caufes.  Mais  ,  ajoute  cet  auteur,  il  fuf- 
»  iit  qu'il   en  apparoiffe  une  au  moins  par  pré- 

fomptionç 


i 

i 


PREUVE. 

»  romprions  &  conjeâmes.  Ceft  pourquoi  Ci  un 
»  marchand  a  écrit  fur  Ton  livre  qu'il  devoit  la 
»  fomme  de  tant  à  un  tel  marchand  ,  quoiqu'il 
»  n'ait  point  exprimé  la  caufe,  fon  livre  fera  foi 
»  contre  lui  en  faveur  de  ce  marchand  ,  fi  ce  niar- 
»  chand  eu.  celui  qui  a  coutume  de  lui  k>urnir  les 
»  marchandifes  néceffaires  à  fon  commerce  ;  car, 
»'  en  ce  cas ,  la  préforsprion  eft  que  la  caufe  de 
»  la  dette  eft  la  fourniture  de  ces  marchandiles  ». 
Ceft  d'après  Dumoulin  que   Pothier   parle   ainh. 

La  féconde  limitation  eft  que  le  rcgiftre  feu! 
doit  faire  foi  contre  le  marchand,  à.  non  les  pa- 
piers volans  qui  s'y   trouvent  mêlés. 

La  troifième  eft  que  le  particulier  qui  s'opp©fe 
à  l'emploi  que  le  marchand  veut  faire  contre  lui 
de  fon  rcgiftre ,  ne  peut  l'employer  lui  -  même 
contre  le  marchand  ,  parce  qu'on  ne  peut  pas 
prendre  droit  d'une  pièce  qu'on  rejette. 

Des  papiers  domcfliques  des  particuliers.  Il  eft 
conftant  que  nos  papiers  domeftiques ,  ne  peuvent 
faire  foi  en  notre  faveur  contre  des  perfonnes  qui 
ne  les  ont  pas  fignés.  Exempta  perniciofum  eft  vt 
ei  jcripturct  credatur  quâ  unufquifque  fibi  adnotatione 
propriâ  debitorem  conflituit  ;  voilà  la  règle  ,  elle  eft 
établie  par  la  loi  7,  C.  de  probationibus,  &  l'excep- 
tion qu'elle  fouffre  par  rapport  aux  marchands  , 
ne  peut  s'étendre  aux  particuliers. 

Mais  nos  papiers  domeftiques  font-ils  foi  contre 
nous  ?  On  diftingue  fi  ce  qu'ils  contiennent  tend 
à  libérer  quelqu'un  envers  nous  ,  ou  au  contraire 
à  nous  obliger  nous-mêmes  envers  quelqu'im. 

Dans  le  premier  cas  ,  ces  papiers  font  pleine 
foi  eontre  nous  ,  foie  que  nous  les  ayons  fignés  ou 
non.  Par  exemple  ,  dit  Pothier ,  »  lorfque  j'ai 
«  écrit  fur  mon  journal  les  payemens  que  mon 
»  débiteur  m'a  faits,  il  n'eft  pas  douteux  que  ce 

V  que  jai  écrit ,  foit  que  je  l'aie  figné  ou  non  , 
»  fait  une  pleine  foi  oontre  moi  au  profit  de  mon 
I»  débiteur  ,  car  la  libération  eft  favorable. 

Dans  le  fécond  cas,  Boiceau  eft  d'avis  qu'une 
telle  écriture  fait  pleine  foi,  lorfqu'elle  eft  fignée; 
mais  que,  fans  fignature  ,  elle  ne  forme  qu'une 
demi-Preuve  qui  doit  être  fortifiée  de  quelque  in- 
dice. Les  raifons  que  donne  Pothier  de  cette  dif- 
tinâion,  font  très-judicieufes  :  »  Lorfque  la  note 
»  que  j'ai  faite  de  Ternprunt  fur  mon  journal  n'eft 
ï>  pas  fignée ,  cette  note  ne  paroît  faite  que  pour 
«  me  rendre  compte  à  moi-même,  &  non  pour 
1»  fervir  au  créancier  de  Preuve  du  prêt  qu'il  m'a 
»  fait;  ce  créancier  n'ayant  point  de  billet  ,  la 
n  préfomption  eft  qu'il  me  l'a  rendu  lorfque  je  l'ai 
»  payé,  &  que,  me  trouvant  afl"uré  par  la  reftitu- 
»»  lion  qui  m'a  été  faite  de  mon  billet,  j'ai  négU- 

V  gé  de  barrer  cette  note  &  de  faire  mention  du 
«  payement  que  j'avois  fait.  M;is  lorfque  j'ai  fi  < 
5>  gné  cette  note,  ma  fignature  indique  que  j'ai 
»  fait  cette  note  dans  l'intention  qu'elle  fervît  au 
M  créancier  de  Preuve  de  fa  créance  ;  elle  doit 
»  donc  lui  en  fervir. 

Il  y  a  un  cas  où  la  notCi  quoique  non  /Ignée, 
Tom  XHl, 


PREUVr.  569 

ne  laifie  pas  de  faire  pleine  foi  contre  moi  ou  nits 
héritiers  ;  c'eft  lorfque  j'ai  déclare  ou  fait  con- 
noître  que  je  la  faifois  pour  qu'elle  fervît  de  Preuve 
de  ma  dette,  au  cas  que  je  mouruffe  fans  l'avoir 
payée. 

La  note,  même  fignée,  qui  fe  trouve  barrée  ,  ne 
fait  plus  de  Preuve  en  faveur  du  créancier;  la  ra- 
diation prouve  au  contraire  qu'il  ne  lui  eft  plus  riea 
dû,  lorfquil  n'a  pardevers  lui  aucun  titre.  - 

Des  écritures  non  Jï?;nées  des  particuliers.  Nous 
venons  de  parler  des  journaux  &.  tablettes  des 
particuliers  ;  les  autres  écritures  privées  dont  il 
s'agit  ici  ,  font  les  notes  fur  feuilles  volantes  ,  & 
celles  qui  font  à  la  fuite,  à  la  marge  ou  au  dos 
d'un  at^e  figné. 

1".  Les  écritures  fur  feuilles  volantes  tendent  ou 
à  libérer,  ou  à  obliger,  ou  à  tout  autre  objet. 

Lorfqu'elles  tendent  à  libérer  &  qu'elles  fe  trou- 
vent pardevers  le  débiteur  fans  être  fignées  du 
créancier,  on  pourroit  croire,  d'après  ce  que  nous 
venons  de  dire  des  reçus  écrits  fur  papiers-jour- 
naux,  qu'elles  doivent  faire  pleine  foi  du  paye- 
ment. Pothier  en  décide  néanmoins  tout  autrement. 
«  La  raifon  de  cttte  différence  eft,  dit-il,  qu'il 
»»  n'eft  pas  d'ufage  de  figner  les  reçus  qu'on  écrit 
»  fur  un  journal;  au  lieu  qu'il  eft  d'ufage  que  le 
»  créancier  figne  les  quittances  qu'il  donne  à  fon 
»  débiteur.  Ceft  pourquoi  lorfque  la  quittance 
"  n'eft  pas  fignée  ,  on  peut  croire  qu'elle  a  été 
»  donnée  au  débiteur  avant  le  payement  ,;7i//a  , 
»  comme  un  fimple  modèle,  pour  que  le  dibi- 
»  teur  examinât  s'il  approuveroit  la  forme  en  la- 
»  quelle  elle  étoit  conçue,  &  que  le  créancier  a 
»>  remis  à  la  figner  lorfqu'il  feroit  payé  -n. 

11  y  a  cependant  une  exception  à  cette  maxime." 
<«  Si  la  quittance  ,  dit  encore  Pothier,  eft  datée, 
5>  de  manière  qu'il  n'y  manque  que  la  fignature, 
37  fi  c'eft  une  quittance  toute  fimple,  &  doRt  il 
>)  n'y  ait  pas  eu  bef^in  de  faire  un  modèle  ;  en- 
»  fin  ,  s'il  ne  paroît  aucune  raifon  pour  laquelle 
»  cette  quittance  ait  pu  parvenir  au  débiteur  avant 
■>■>  le  payement;  en  ce  cas,  je  penfe  qu'on  doit 
»  préfumer  que  ce  n'eft  que  par  oubli  que  laquit- 
»  tance  n'a  pas  été  fignée ,  Sf  qu'elle  doit  faire 
»  foi  du  payement,  fur-tout  fi  on  y  ajoute  le  fer- 
»  ment  fupplétolre  du  débiteur  •>•>. 

Lorfque  les  écritures  non  fignées  fur  feuilles  vo- 
lantes tendent  à  obliger  envers  quelqu'un  la  per- 
fonne  qui  les  a  écrites,  elles  ne  font  contre  elle 
aucune  Preuve  que  l'obligation  ait  été  effe£live- 
ment  contrariée ,  quoicju'ellcs  fe  trouvent  entre  les 
mains  de  celui  qu'elles  défignent  comme  créan- 
cier; on  les  regarde  comme  de  fimples  projets 
qui  font  demeurés  fans  exécution. 

2°,  A  l'égard  des  écritures  non  fignées  qui  font 
ou  à  la  fuite  ,  ou  à  la  marge,  ou  au  bas  d'un  af  e 
figné  ,  il  faut  diftinguer,  comme  par  rapport  à  celh  s 
dont  nous  venons  de  parler ,  c'eft-à-dire,  fi  leur 
objet  eft  de  libérer  ou  de  produire  une  nouvelle 
obligation. 

Cccc 


j-o  PREUVE. 

Sur  la  première  hypothèfe  ,  il  faut  Tous-diftin- 
guer  fi  l'afte  a  toujours  été  dans  la  poffeffion  du 
créancier ,  ou  s'il  fe  trouve  entre  les  mains  du 
dùb'teur. 

Au  premier  cas  ,  ce  qui  eft  écrit ,  foit  à  la  fuite, 
foit  au  dos  ou  à  la  marge  de  l'afle  ,  fait  pleine 
foi  du  payement,  quand  nijmece  feioit  la  muin 
du  débiteur  ou  d'un  tiers  qui  l'auroit  tracé,  parce 
qu'on  doit  préfumer  que  le  créancier  n'auroit 
pas  laiffé  écrire  de  reçus  fur  un  billet  qui  étoit 
en  fa  poffcfTion ,  fi  les  payemens  ne  lui  avoiem 
pas  et;  faits  effeftivement. 

Cette  décifion  airroit  même  lieu  dans  le  cas  où 
les  notes  dont  il  s'igit  feroient  barrées  ,  parce  que 
n'ayant  été  prcfomptivement  écrites  qu'après  un 
payement  réel ,  il  ne -doit  pas  être  au  pouvoir  du 
créancier  nanti  de  l'a61e  ,  de  détruire  ,  en  les  bar- 
bant ,  la  Preuve  du  payement  qu'elles  renferment. 

Au  fécond  cas ,  il  faut  encore  fous  diftinguer: 
ou  les  notes  clont  nous  parlons  font  écrites  de  la 
maiii  du  créanckr^  ou  elles  le  {ont  de  la  mairi  d'un 
tiers.  D:n;s  la  première' e'^pèce ,  elles  font  pleine 
foi;  elles  ont  nicme  plus  de  force  que  des  quit- 
tances données  fans  fignature  fur  des  feuilles  vo- 
lantes: fi  cependant  elles  étoient  barrées,  elles 
ceiitroienr  de  iaire  Preuve;  car  le  débiteur  en  au- 
roit  et^ipéché  la  radiation  fi  le  payement  efit  été 
effectif;  6i  Ton  doit  croire  que  le  créancier  ne  les 
avoit  écrites  que  fur  les  propofitions  de  payement 
qui  n'ont  pas  éié  efiéétuées.  Dans  1?.  féconde  efpèce 
elles  ne  prouvent  rien  ,  parce  qu'il  eA  permis  de 
croire  que  le  débiteur  les  a  fait  écrire  pnr  t:;l!e  per- 
fonne  qu'il  a  voulu,  dans  l'inteniion  de  fe  pro- 
curer une  décharge  de   fa  dette. 

Les  écritures  non  fignées  qui  tendent  à  obliger 
Se  qui  ont  trait  à  l'obligation  contenue  dans  l'aéle 
au  bas  ,  au  dos  ou  en  mnrge  duquel  elles  fe  trou- 
vent ,  font  foi  contre  le  débiteur  qui  les  a  écrites. 
li  Par  exemple,  ditPothier,  fi  au  bas  d'une  pro- 
3»  meffe  fignée  de  Pierre,  par  laquelle  il  reconnoît 
que  Jacques  lui  a  prêté  mille  livres  ,  il  étoit  écrit 
J'  delà  main  de  Pierre:  Plus ,  je  r^connois  que  men- 
ti dît  ficiir  Jacquci  m^a  encore  prêté  deux  cents  livres; 
■>■>  cette  écriture  ,  quoique  non  fignée ,  feroit  foi 
»  contre  Pierre,  attendu  que  parces  termes  àcplus, 
»  encore,  elle  a  une  relation  avec  l'écrit  figné  de 
»  liii.  Pareillement  fi  au  bas  d'un  traité  de  vente 
'»  d'une  métairie  ,  figné  de  deux  parties  ,  il  y 
»  A.\'0\t\\n  pofl-fcriptum  écrit  delà  main  du  ven- 
»  deur,  quoique  non  figné  ,  portant  que  les  bef- 
5>  tiaux  qui  y  font ,  font  compris  dans  la  vente  ,  ce 
M,  pofl-fcrirtum  feroit  foi  contre  le  vendeur  ». 

Si  la  note  étoit  d'une  autre  main  ,  il  faudrait  dif- 
tinguer  fi  l'aide  dans  lequel  elle  fe  trouve,  ert  entre 
ks  mains  du  créancier  ou  du  débiteur  :  au  premier 
Civi,  elle  ne  feroit  aucune  foi  ;  au  fécond  ,  elle 
prouveroit  par  elle-même  fon  énoncé,  parce  que 
Ib  débiteur  ne  l'auroit  pas  laiffe  écrire  ,  fi  elle  n'eiit 
pjs.été  conforme  aux  conventions  arrêtées  entre 
Ùu;&.Ia.créancier.- 


PREUVE. 

,  Lorfque  les  notes  dont  il  efl  ici  queftion  n'ont" 
point  de  rapport  avec  l'aâe  ,  elles  ne  différent 
peint  de  celles  qui  font  fur  des  feuilles  volantes. 
Voyez  ce  que  nous  avons  dit  ci-devant  de  ces  der- 
nières. 

Des  tailles.  Les  principes  relatifs  ?,u  degré  de 
Preuve  que  formen;  les  chiffres  cotés  fur  certains 
morceaux  de  bois  d-  nt  fe  fervent  quelques  mar- 
chands détailleurs,  font  reiracés  à  1  article  Tail- 
la ;  ainfi  voyez  ce  mor. 

D:s  leur,  s  mijjives.  L'n  arrêt  de  la  cour  des  aides 
àu^j  mars  1645  '  rapporté  au  journal  des  audien- 
ces, a  jugé  q^f on  ne  piy'.ivoit  employer  contre  ua 
accuféune  lettre  qu'il  avolt  écrite  confidemment  à 
un  tiers  ,  6c  dont  ceiui-ci  avoit  abufé. 

Un  autre  arrêt  rendu  au  parlement  de  T()ui<u;fa 
le  12  février  1672,  oi  rapporté  su  journal  du  pa- 
lais ,  a  décidé  qu'il  n'ert;  pas  permis  n  un  juge  falfi 
de  la  connoif'inco  u'une  aifaire  criminelle  ,  de 
faire  faire  recherche  dans  l'énide  d'nn  procureur, 
des  let'rcs  qui  pourroi'ent  fervir  de  Preuve  conxrs 
fon  client.  Ces  arrêts  cmfîrment  ce  qu  on  a  dit  fur 
les  lettres  niiiiives  aux  articles  Injures  &.  Let- 
tres. Voyez  ces  mots. 

Des  copies.  On  a  donné  à  l'article  Copie  un  pré- 
cis des  règles  concernant  la  foi  que  méiirent  des 
aires  authentiques  &  privés.  Ce  qu'on  y  a  dit  par 
rapport  aux  copies  faites  hors  de  la  préfence  de  tou- 
tes les  parties  intérefiées  ,a  été  confirmé  par  arrêt  du 
parlement  de  Flandres  du  8  mai  1765  ,  rendu  en- 
ne  le  fieur  Théry  d'Inghelande ,  bailli  de  la  fei- 
gneurie  du  Bois ,  &  les  nommés  Dezittre  ,  anciens 
fermiers  de  la  même  terre.  Il  s'agiffoit  de  favoir  fi 
le  fieur  Théry  avoit  été  autorifé  par  les  Dezittre  à 
faire  la  vente  de  tous  leurs  meubles.  Il  repréfen- 
toit  en  copie  collationnée  une  procuration  qu'il 
]);étendoit  lui  avoir  été  donnée  par  eux  à  cet  effet  ; 
mais  comme  cette  copie  ne  paroifloit  pas  avoir  été 
faite  en  leur  prefénce  ,  on  l'a  regardée  comme  ir-,- 
fuinfante  &  fau/le  ;  &,  par  l'arrêt  cité,  le  fieur 
Tliéry  a  été  condamné  à  tous  les  dommages  inté- 
rêts des  Dezittre. 

Cetrrrêt  a  cependatit  été  réformé  par  un  autre 
rendu  en  révifion  le  i^j  novembre  1766,  au  rap- 
port de  M.  Remy  ;  mais  ce'ui-ci  n'a  fait  que  confir- 
mer de  nouveau  le  [>'-incipe  qui  avoit  fervi  debafe 
à  celui-là.  En  effet ,  Théry  avoit  offert .  au  temps 
de  l'arrêt  de  1765  ,  de  vérifier  que  l'original  de  fa 
procuration  exiAoit ,  on  devoit  donc"  dès-iors  l'ad- 
mettre à  faire  cette  Preuve,  St  c'efi  poutquoi  l'ar- 
rêt de  révifion  a  déclaré  qu'erreur  étoit  interve- 
nue ,  &  a  ordonné  à  Théry  de  prouver  la  vérité  de 
la  procuration  on'il  repréfentoit  en  copie  collation- 
née ,   fauf  aux  Dezittre  la  Preuve  contraire. 

La  copie  d'une  donation  qui  eit  tranfcrite  dans 
le  rcgiftre  des  infinuations  ,  ne  fai*  pas  foi .  a  moins 
que  le  donateur  ne  l'ait  fignée  fu;  le  rcgftre.  Au- 
trement ime  perfonne  de  mauvaife  foi  pourroit 
fuppofer  une  t-uiffe  donation  qu'elle  feroir  tranf- 
cnre  fur  le  regjilre  des.  infinuations  ,  &  éluder,, 


PREUVE, 

•«n  faponn-.ant  l'oric;inal  ,  la  Prciiva  qu'on  pourront 
faire  de   la  f?.u(Tetc. 

Mais  au  moins  ce  regilire ,  quoique  non  fie^né  du 
donateur,    ne  fait  -  il  pas  un   commencement  de 
Preuve  par  écrit ,  d'après  lequel  on  doive  ordonner 
la  Preij"C  teftimoniale  de  la  donation?  L'affirma- 
tive ed  (butenue  par   Boiceau.   Danty   y   trouve 
beaucoup  de  difficultés;  mais  Pothier  l'admet  lorf 
que  deux  chofes  concourent ,  c'eft-à-dire  ,  i°.  lorf- 
qu'il  ei\  conftant  que  les  minutes  de  tous  les  aflcs 
paffés  par  le  notaire  pendant  l'année  dans  laquelle 
on  prérend  que  la  donation  a  été  faite  ,  ne  fe  ttou- 
vent  point:  2°.  lorfque  le  donataire  offre  de  faire 
la  Preuve  de  la  donation  par  des  témoins  qui  ont 
été  pr-ifens  à  la  paffation  de   l'adle  ,  ou  du  moins 
qui  ont  entendu  le  donateur  en  convenir.  La  rai- 
fon  de  la  première  condition  eu  que  fi  ,  de  toutes 
les  minutes  d'une  année,  il  n'y  avoit  que  celle  de 
la'prétendue  donai.lon  qui   ne  fe  trouvât  pas  ,  on 
pourroiî  foupçonner  une  certaine  affeflation  dans 
la  fuppreffion  de  cet  afte  :  la  féconde  a  pour  motif 
l'infufnfance  de  la  Preuve  qu'on  voudroit  tirer  de 
la  dépofition  de  témoins  qui  attefleroient  avoir  vu 
l'afle  de  donation  entre  les   mains  du  donataire  ; 
car  ces  témoins  peuvent,  quoiqu'ayant  vu  1  aCle  , 
ne  pas  favoir  s'il  efl  véritable  ,  ni  s'il  ert  revêtu  de 
fes  formes. 

Des  ûHis  reco;^nlt:fi.  Nous  n'avons  parié  jufqu'à 
préfent  que  des  titres  primordiaux  ,  c'efl  à  dirj  , 
des  premiers  aâes  qui  ont  été  paffés  entre  les  par- 
ties, &  qui  renferment ,  foit  l'obligation  contrac- 
tée entre  elles ,  foit  la  libération  accordée  à  l'ii/'e 
par  l'autre.  Il  nous  refte  à  parler  des  titres  reco 
gnitifs. 

Dumoulin  en  dillingue  de  deux  fortes  ;  ceux  qui 
font  dans  la  forme  qu'il  appelle  ex  certa  fcient'uî  (  de 
fcience  certaine)  ,  &  ceux  qu'il  nomme  informa 
comiiuni  (  en  forme  commune  ). 

Les  reconnoiffances  ex  cendfcientid,  font  celles 
qui  relatent  la  teneur  du  titre  primordial  ,  &  ceû 
pourquoi  Dumoulin  les  appelle  encore  in  forma 
fpeciali  &  difpofuivâ.  Ces  reconnoiifances  ,  lorf- 
qu'clles  font  données  par  des  perfonnes  qui  ont 
la  difpofltion  de  leurs  droits  ,  fuppléent  au  titre 
primordial ,  au  cas  qu'il  foit  perdu  ,  Se  en  prouvent 
i'exiftence. 

Les  reconnoiiTances  informa  communi,  font  cel- 
les qui  ne  font  qu'énoncer  le  fond  des  difpofitions 
du  titre  primordial.  Elles  n'ont  pas  le  même  effet 
que  les  premières  ;  elles  interrompent  bien  la  pref- 
cription  ,  mais  elles  ne  confirment  le  titre  primor- 
dial qu'autant  qu'il  efl  vrai  ;  elles  n'en  prouvent 
point  l'exiftence  ,  Zc  ne  dlfpenfent  point  le  créan- 
cier de  le  rapporter. 

Si  cependant  elles étoient  en  grand  nombre,  & 
qu'il  y  en  eût  une  ancienne  &  foutenue  de  la  pof- 
ieffion  ,  elles  pourroient  équipoUer  au  titre  pri- 
mordial ,  $L  difpenfer  le  créancier  de  le  rapporter, 
fur-tout  s'il  éioit  très-ancien. 

Les  reconnoiiTances  de  l'une  &  de  l'autre  efpèce 


PREUVE. 


57  ï 


ont  cela  de  commun  ,  qu'elles  ne  font  pas  difpofîri- 
ves ,  mais  feulement  relatives  au  titie  primordial 
6i.  confirmatives  de  ce  qu'il  contient.  I^on  mterpo* 
nuntur ,  dit  Dumoulin  ,  animo  facicndcz  nova  obiie,A- 
tionis  y  fei  folùm  animo  recognofccndi  ,  undè  fwiplex 
tit-ulus  novus  non  ejî  difpofuivus. 

Ainfi  ,  une  reconnoiflance  ne  peut  jamais  ni 
aggraver  ,  ni  augmenter,  ni  changer  l'obligaticn 
contradlée  par  le  titre  primordial  ;  c'eft  tou)Ours 
par  celui-ci  qu'il  faut  apprécier  celle-là  ;  8:  fi  eilc 
en  diffère  en  quelques  points  ,  on  peut  prouver 
l'erreur  en  le  rapport.int  ,  &  r;imcner  ks  cliofes  à 
leur  état  primitif,  a  Cette  décifion  a  lieu  ,  dir  Po- 
M  thier  ,  quand  même  l'erreur  fe  trouvî'rûit  dans 
»  une  longue  fuite  de  reconnoiffances  ;  il  en  fa"u- 
»  dra  toujours  revenir  au  titre  primordial  ,  Icrf- 
»  qu'il  fera  rapporté  ». 

Il  y  a  des  fiècles  que  cette  maxirne  forme  la 
règle  des  tribunaux  :  on  voit ,  en  p.trcourant  les 
arrétifles  ,  qu'elle  a  fervi  de  bafe  à  une  multitude 
d'arrêts  ;  il  feroit  trep  long  de  les  rapporter  tous  , 
on  fe  bornera  à  un  feul  rendu  au  parlement  de  Pa- 
ris le  26  février  1761  ,  au  rapport  de  M.  Cochin. 
Il  s'agiffoit  de  la  juflice  fur  la  paroiffe  de  Cefibn, 
M.  rarchevêque  d'Aix  &  le  f  ■iur  de  Montulé  la  ré- 
clamoient  refpedlivem.ent  ;  le  prerricr  ,  con-.me 
abbe  de  Saint-Pere  de  Meirn  ;  le  deuxième,  en 
vertu  de  la  feigncuie  de  Saint-Pere  &  de  Paine- 
M  fe  ,  dont  il  prétendoit  que  la  ParoiiTe  de  Ceflbn 
iaii'bit  pnr'ie.  M  rnrchevê'4ue  d'Aix  invoquoit  une 
poiTeffion  inî.nèrr.oriule  qu'il  juftifioit  parle  procès- 
verbal  de  la  réformation  delà  coutume  de  Melun  , 
par  rhilloire  de  cette  ville  ,  par  la  déclaration  du 
temporel  de  l'abbaye  ,  p.ir  des  baux  à  cens  ,  par 
des  déclarations  paifées  au  terrier  de  l'abbaye,  par 
des  ailes  de  jufl  ce  fur  tout  le  territoire  ;  enfin  , 
par  des  énonciat'ons  dans  une  multitude  d'autres 
acics.  Le  fieur  de  Montuié  oppofoir  à  M  l'archevê- 
que un  dénombremen,'  de  fon  abbaye  de  l'an  1384  ; 
c'étoit  le  plus  ancien  des  titres  produits;  on  le  re- 
garda comme  titre  primordial. 

Après  avoir  énoncé  le  domaine  de  l'abbaye  à 
Ceffon  ,  ce  dénoinbremenf  ajoute  ,  le  tout  dans  la 
juftice  de  rahbaye.  Si  ces  dernières  exprelTions  ,  di- 
foit  le  fieur  de  Montulé  ,  prouvent  que  l'abbaye  a 
la  jurtice  fur  fon  doinaine  ,  il  en  réfulte  également 
que  ,  bornée  par  les  limites  de  ce  domaine ,  elle  ne 
s'étend  pas  fiir  l'univerfalitéde  la  paroifie.  Qu'im- 
porte aujourd'hui  l'extenfion  que  cette  jufiice  peut 
avoir  reçue  .''  qu'importent  les  afies  poffeffbires  , 
les  reconnoiiTances  }  le  titre  primordial  paroît ,  il 
faut  s'y  référer,  &  relTerrer  les  droits  de  l'abbaye 
dans  les  bornes  pcféss  par  ce  titre.  Ces  moyens 
prévalurent,  &  l'arrêt  déclara  le  fieur  de  Montulé 
feigneur  haut  -  jufiicier  de  la  paroifTe  de  CclTon, 
Voyez  l'article  UsAGE. 

On  parle, â  à  l'article  Quittance  ,  delà  foi  dua 
aux  difTévens  adeâ  qu'on  pulTe  pour  la  Preuve  des 
paysmens.  ^  ••        \ 

C  c  c  c  ij  ^ 


.57i 


PREUVE. 

§.  III,  De  la  Preuve  tejîimonlale. 

En  quelles  matières  y  at-il  lieu  à  la  Preuve  tefti- 
moniale  ,  &  quelles  font ,  dans  les  cas  où  elle  eft 
admife  ,  les  qualités  qu'elle  doit  avoir  pour  rem- 
plir fon  objet  ?  Telles  font  les  deux  queftions  que 
nous  avons  à  réfoudre  dans  ce  paragraphe. 

Première  question.  Quelles  font  les  chcfes  quon 
peut  ou  quon  ne  psui  pas  prouver  par  témoins  ? 

La  Preuve  teftimoniale  feroit  la  plus  fimple  Se 
la  plus  parfaite  de  toutes  les  Preuves  ,  fi  les  hom- 
mes étoient  incapables  de  fe  tromper  &  de  trahir 
la  vérité.  Les  a61es  ,  qtielque  authentiques  qu'ils 
foient ,  ne  forment  qu'un  témoignage  muet  ;  ils 
re  peuvent  donner  aucun  éclairciflement  fur  des 
circondances  qu'il  feroit  important  d'approfondir  ; 
les  témoins  peuvent  au  contraire  éclaircir  une  foule 
de  chofes. 

On  croit  afTez  communément  que  les  lois  romai- 
nes admettent  la  Preuve  leftimoniale  dans  tous  les 
cas  ;  c'efl  une  ericnr  démentie  par  plufjeurs  textes 
trcs-précis.  On  peut  voir  à  ce  fujet  Rommelius  dans 
fa  differtation  latine  fur  l'article  19  de  l'édir  perpé- 
tue! de  16  il.  pages  53  &  fiiivantes,  édition  de  1630. 
Nos  légiflateurs  ont  été  plus  loin  ;  l'expérience 
qu'ils  ont  faite  de  la  facilité  avec  laquelle  les  té- 
moins tombent  dans  l'erreur  ou  l'impoflure  ,  lésa 
engagés  à  mettre  des  bornes  encore  plus  étroites  à 
cette  Preuve  :  l'ordonnance  de  Moulins  de  l'an 
1566,  article  '54;  celle  de  1667  ,  titre  20  ,  article 
2  ,  8i  l'édit  perpémel  de  161 1  ,  article  19  ,  l'ont  in- 
terdite pour  tous  les  a6}es  dont  l'oujet  excède  la 
valeur  de  100  livres  en  France  ,  &  de  300  florins 
dans  les  Pays  bas  (i). 

Comme  le  Hainaut  fait  partie  des  Pays-Bas  ,  il 
paroît  au  premier  coup-d'œil ,  que  la  Preuve  par 
témoins  ne  peut  y  être  admife  dans  tout  ce  qui 
excède  300  florins  ;  néanmoins  Anfclmo  afl'ure 
qu'elle  y  eft  reçue  indillinftement  ;  il  en  rapporte 
même  un  arrêt  du  confeil  fonverain  de  Mons. 
u  M.  Pollet  dit  qu'il  eft  encore  incertain  ,  dans  la 
»  jurifprudence  du  parlement  de  Flandres  ,  fi  la 
«  difpofition  de  l'article  19  de  l'édit  perpétuel  doit 
»  être  fuivie  dans  la  coutume  ùu  Hainaut.  On 
>»  cite  un  ancien  arrêt  par  lequel  il  a  été  ordonné 
Il  qu'il  feroit  informé  de  l'ufage  ;  par  un  autre  ar- 
■^  rét  rendu  entre  le  fieur  Spy  Se  le  fieur  d'Hau- 
»  court,  fon  fils  ,  le...  aoîit  1699  ,  il  a  été  jugé 
»  qu'elle  n'a  pas  force  de  loi  dans  le  Hainaut ,  & 
»  que  les  Preuves  n'y  foufTrent  point  d'autres  bor- 
»  nés  que  celles  que  la  coutume  prefcrit.  Mais  M. 
»  le  préfidem  Desjaunaux  en  rapporte  un  autre  du 

~^f  16  o6lobre  de  la  même  année  ,  par  lequel  il  a  en-  . 

■  »  core  été  ordonné  qu'il  feroit  informé  de  l'ufage  ». 

La  difficulté  dans   cette  queftion  ,  vient  de  ce  ' 
que  les  chartres  générales  de   Hainaut  ,  homolo- 

(iVCequenoJs  difons  ici  &:  dans  la  fuite  de  ce:  ;)uicle  ^ 
ïd'ativemeiu  aux  Pays-Bas,  ne  doit  point  s'cntendrede  l'Ar- 
x>M.  „  parce  ^uc  J'ordonnancç  d«  i6€j  a  li««  d-ans  cçuc  ^ro- 
■macti  .,>■•■ 


PREUVE. 

guées  en  i6i9,&  par  conféquent  poftérieures  à 
ledit  perpétuel ,  admettent  expreifément  la  Preuve 
par  témoins  en  plufieurs  cas  ,  comme  dans  les 
contrats  de  mariage  ,  chapitre  30  ,  article  ao  ;  dans 
les  devoirs  de  loi  ,  faits  pour  réalifer  un  douaire 
préfix ,  chapitre  34  ,  article  14;  dans  les  reliefs, 
chapitre  103,  article  12;  dans  les  rccondutlions 
tacites,  chapitre  117,  article  i  ;  dans  les  promef- 
ies  de  garantie  &  d'indemnité,  chapitre  115,  arti- 
cle 3  ;  toutes  ces  difpofitions  femblent  taire  voir 
que  l'intention  des  archiducs  Albert  &  Ifabelle , 
en  homologuant  les  chartres  générales  ,  a  été 
d'excepter  le  Hainaut  de  l'article  19  de  l'édit  per- 
pétuel. 

D'un  autre  côté  ,  il  eft  certain  que  cette  loi  y  a 
été  cnregirtrée  &  publiée  :  les  décrets  d'iiomologa- 
tion  des  coutumes  locales  de  Leifines  &  de  Chtmay 
en  font  foi  ;  on  trouve  même  dans  les  chartres 
générales  quelques  pafl'ages  qui  y  ont  rapport  ,  & 
q'.ii  y  renvoyent.  Tel  eft  entre  autres  l'article  6  du 
chapitre  123  ,  concernant  les  formalités  du  béné- 
fice d'inventaire.  L'article  i  du  chapitre  126  eft  en- 
core plus  précis  ;  il  ordonne  l'exécution  des  dona- 
tions alimentaires  faites  à  des  bâtards  ,  /n  yennant 
que  ,  pour  celles  excédantes  300  flvins ,  il  en  apparût 
par  écrit  authentique  ,  enfuite  de  L'édit  perpétuel. 

Dans  ce  conflit  de  raifons  ,  nous  penfons  avec 
Dumées ,  que  la  Preuve  par  témoins  doit  être  re- 
jetée en  Hainaut,  comine  par-iout  ailleurs,  dans 
tous  les  cas  fur  lefquels  les  chartres  générales 
n'ont  point  dérogé  à  l'édit  perpétuel.  "  Une  loi 
»  particulière  ,  dit  cet  auteur  ,  doit  être  renfermée 
■>t  dans  le  cas  pour  lequel  elle  a  été  faite  ,  &  par 
»  conféquent  elle  ne  détruit  point  une  loi  imiver- 
»  felle  ».  (  Ceft  en  eft'et  ce  que  portent  t;  orcfTé- 
ment  les  lois  26  ,  27  &  28  ,  D.  de  legibus  ).  «  L'édit 
»  perpétuel  eft  une  loi  univerfelle  dans  les  P,'ys- 
»  Bas  catholiques  ,  émanée  de  l'autorité  des  fou- 
»  verains  ;  on  ne  voit  point  que  la  coutume  géivé- 
»  raie  du  Hainaut  ait  dérogé  en  termes  exprés  & 
»  généraux  à  l'article  19  de  cet  êdit  ,  puilqu'au 
»  contraire  elle  en  confirme  la  difpofiticii  dans 
»  l'article  1  du  chapitre  126.  Il  eft  bien  viai  qu'elle 
»  reçoit  &  ordonne  la  Preuve  par  témoins  ei.  cer- 
»  tains  cas  ;  mais  de  là  même  il  s'enfuit  qu'elle 
»  n'a  pas  voulu  généralement  déroger  à  Triticle 
»  19 de  l'édit  perpétuel,  d'autant  plus  que  dans  les 
»  cas  où  elle  admet  cette  Preuve  ,  elle  fixe  un  ter- 
»  tain  temps  pendant  lequel  cette  Preuve  devra 
»  être  faite  ». 

On  ne  peur  rien  de  plus  conforme  aux  princi- 
pes que  ces  raifons ,  & ,  quoi  qu'en  difent  Aufelmo 
&  M.  Pollet ,  il  ne  faut  pas  croire  que  les  arrêts  du 
confeil  de  Mons  &.  du  parlement  de  Flandres  les 
aient  aftoiblies.  Nous  voyons  d'ailleu-s,  dans  un. 
recueil  manufcrit  qui  nous  a  été  coranuniqué  par 
M.  Papin  ,  confeiller  au  confeil  de  Mons ,  que  cette 
cour  a  été  partagée  ,  le  26  mai  1683  ,  fur  la  quef- 
tion  que  nous  traitons  ici ,  &  cela  feul  fufEroit  pour 
prouver  que  l'arrêt  ciié  par  Anfelmo  ,  fans  date  ni 


PREUVE. 

cîrconflances  ',  ne  doit  pas  former  une  iurîfprii- 
dence.  Mais  il  y  a  plus  ;  l'auteur  du  recueil  dont 
nous  venons  de  parler ,  nous  apprend ,  à  l'occafion 
d'un  arrêt  du  13  août  1689  ,  que  le  conieil  de  Mons 
a  autrefois  confulré  le  roi  d'Efpagne  fur  le  parti 
qu'on  devoi'  tenir  en  Hainaut  par  rapport  à  l'ad- 
jiiflibilité  de  la  Preuve  teftimoniale  dans  les  ma- 
tières qui  excèdent  300  florins  ,  &  que  ce  monar- 
que lui  a  répondu  par  une  lettre  du  30  juin  1642, 
euregifirée  aux  folios  7  &  8  du  regiilre  aux  avis 
Si.  lettres  miffives  ,  qu'on  devoit  fe  conformer  dans 
cette  province  à  l'article  19  de  l'édit  perpétuel, 
pour  tous  les  cas  auxquels  les  Chartres  générales  n'y 
avoient  pas  dérogé. 

Les  coutumes  de  Normandie  &  du  chef-lieu  de 
Valenciennes  nous  préfentent  une  queftion  allez 
analogue  à  celle  que  nous  venons  d  agiter.  Voici 
ce  que  porte  Ja  première  de  ces  lois  ,  article  537  : 
n  Nul  n'e!]  tenu  attendre  Preuve  de  fon  héritage 
»  par  témoins  ,  ains  doivent  tous  con.rats  hérédi- 
»>  taires  &  hypothécaires  être  paffés  devant  uotai- 
ï>  res  &  tabellions  ,  ou  pour  le  moins  fous  feing- 
>'  privé  des  contraflans  ».  L'article  73  de  la  fé- 
conde renferme  h  même  difpofition.  "  Quiconque 
»♦  fe  veut  aider  de  conventions,  traités,  marchés 
»  &  obligation  touchant  les  biens-immeubles  ,  ne 
«  fera  admis  d'en  faire  Preuve  que  par  chirographe 
»  ou  autre  titre  pertinent  ". 

11  réfulte  de  ces  termes  ,  que  les  coutumes  de 
Norinandie  &  de  Valenciennes  ajoutent,  Tune  à 
l'ordonnance  de  Moulins  ,  &  l'autre  à  l'édit  perpé- 
tuel ,  en  ce  qu'elles  défendent  la  Preuve  par  té- 
moins de  tous  les  a6les  concernant  des  immeubles  , 
fans  diftinguer  fi  la  valeur  de  ces  immeubles  ex- 
cède 100  livres  ou  300  florins  ,  ou  fi  elle  y  eu  infé- 
rieure ;  défenfe  qu'on  doit  fans  doute  attribuer  à 
l'attention  particulière  qu'ont  toutes  les  lois  pour 
la  confervation  de  ces  fortes  de  biens. 

Majs  que  doit-on  conclure  du  filence  que  gar- 
dent ces  deux  coutumes  fur  les  conventions  qui 
n'ont  pas  des  immeubles  pour  objet  ?  Dira-t-on 
qu'à  cet  égard  elles  font  ceniées  autorifer  indéfini- 
ment la  Preuve  teflimoniale  ?  La  maxime  ïnclufio 
unius  ejl  xclnfio  alierius,  fembleroit  devoir  le  faire 
penfer  ainfi.  Mais  les  principes  d'après  lefquels 
nous  venons  de  décider  que  l'art.  19  de  l'édit  per- 
pétuel doit  avoir  lieu  en  Hainaut  pour  tous  les  cas 
non  exceptés  par  les  chartres  générales,  nous  for- 
cent également  de  dire  que  le  filence  de  ces  cou- 
tumes ,  quant  aux  chofes  mobilières  ,  eft  une 
marque  certaine  qu'elles  fe  réfèrent  fur  ce  point  à 
l'ordonnance  de  Moulins  &  à  l'édit  perpétuel,  & 
par  conféquent  qu'elles  interdifent  la  Preuve  tefti- 
moniale dans  ces  fortes  de  md.ières,  lorfque  l'objet  1 
litigieux  excède  100  liv.  ou  ^00  florins.  C'eft  auiîi  ' 
ce  qu'a  jugé,  pour  la  coutume  de  Valenciennes  , 
un  arrêt  du  narlement  de  Flandres  du  2'  février 
1694  ,  rapporté  par  M.  Uesjaunaux.  Il  s'agiiroit  de 
favoir  fi  on  pouvoit  prouver  par  témoins  le  dépit 
d'un  pot  de  grais  rempli  (Tardent  monnayé  :  les  cche- 


PREUVE.  575 

vins  de  Valenciennes  avoient  juge  pour  l'affirma- 
tive ;  mais  leur  fcntence  a  été  infirmée. 

On  peut  demander  fi  dans  les  endroits  du  chef- 
lieu  de  Valenciennes  ,  qui  font  partie  du  Hainaut  , 
la  Preuve  teiîimoniale  doit  être  admife  dans  les  cas 
où  elle  cft  autorifce  par  les  Chartres  générales  ,  au- 
delïïis  de  300  florins. 

Nous  avons  établi  à  l'article  Hainaut,  que  les 
chartres  générales  doivent ,  fuivantleur  infHtution 
primitive  ,  régler  tous  les  droits  perfonnels  ,  &  par 
con(é(juent  tout  ce  qui  concerne  la  forme  ,  le  lien 
&  les  effets  des  contrats  paifés  dans  toute  la  pro- 
vince de  Hainaut  :  les  coutumes  des  différens  chefs- 
lieux  qui  la  partagent,  n'ont  été  faites,  comme 
nous  l'avons  dit  au  même  article  ,  que  pour  régir 
les  main-fermes  6c  les  meubles.  Mais  comme  les 
Chartres  générales  fe  font  quelquefois  écartées  de 
leur  but  originaire  ,  en  difpoiant  des  mains-fermes  , 
de  même  aufli  les  coutumes  des  chefs  lieux  ont 
quelquefois  été  au-delà  du  leur  ,  en  réglant  les 
droits  perfonnels  :  c'eft  ce  que  fait  celle  de  Valen- 
ciennes, en  prefcrivant ,  articles  139  ,  140  &  141, 
la  forme  dont  elle  veut  que  foient  revêtus  les  con- 
trats paffés  dans  les  juflices  feigneuriales  du  chef- 
lieu.  Dans  ces  fortes  de  cas,  il  eft  hors  de  doute 
que  les  difpofitions  des  coutumes  de  chefs-lieux 
doivent  l'emporter ,  dans  leur  territoire  particulier, 
lur  celles  des  chartres  générales  ;  c'efl  une  confé- 
quence  néceffaire  de  la  règle  ,  in  toto  jure ^eneri  per 
Jpcciem  dercgaïur  :  mais  cela  n'empêche  pas  que  ces 
dernières  lois  ne  doivent  encore  être  confultées 
pour  la  décifion  des  difficultés  fur  lefquelles  les 
coutumes  de  chefs -lieux  ont  gardé  le  filence, 
quoiqu'elles  aient  des  difpofitions  fur  les  matières 
qui  donnent  lieu  à  ces  difficultés. 

Ces  principes  s'appliquent  d'eux -même-s  à  la 
queftion  propofée  ,  fcc  il  en  réfulte  évidemment  que 
dans  le  chef-lieu  de  Valenciennes  on  doit  admet- 
tre la  Preuve  teAimoniale  dans  les  mêmes  cas  que 
l'admettent  les  chartres  générales  Nous  difons  dans 
le  chef-lieu,  car  les  chartres  générales  n'ont  aucun 
empire  dans  la  ville  &  banlieue  de  Valenciennes  , 
pour  tout  ce  qui  concerne  les  droits  perfonnels. 

La  différence  qui  règne  entre  les  lois  des  diffé- 
rens pays  fur  l'admiffiMlité  de  la  Preuve  tefîimo- 
niale ,  peut  donner  lieu  à  plufieurs  queftions  mixtes. 
Par  exemple  ,  un  habitant  de  la  Flandre  fait  à  Paris 
une  vente  verbale  d'un  bien  fitué  hors  du  royau- 
me ,  ik  dans  un  pays  où  la  Preuve  par  témoins  efl 
admife  indéfiniment,  La  valeur  de  ce  bien  efî  por- 
tée dans  le  contrat  au-deffus  de  loo  liv.  ,  taux  de 
l'ordonnance  de  Moulins  .  &  au-deffous  de  300 
flonns  ,  taux  de  l'édit  perpétuel.  Dans  ces  circonf- 
tances  ,  le  vendeur  ne  rempliffant  pas  fon  obliga- 
tion ,  on  le  pourfuit  devant  le  juge  de  fon  domi- 
cile ;  on  effre  ,  conformément  à  l'édit  perpétuel , 
de  prouver,  par  témoins  ,  qu'on  a  acheté  de  lui  tel 
bien  ,  qu'on  lui  en  a  payé  tel  prix  ,  &  on  conclut , 
en  conséquence  ,  à  ce  qu'il  foit  tenu  de  livrer  l'iié-t 


574 


PREUVE. 


j-.rugo  cui  de  payer  les  cloirimages-iiU'^réts  qui  rérul- 
«cnt  de  1  inexéciitioH  ùu  contrar. 

Dam  cciie  e'.'pécs ,  trois  lois  différentes  fenihlent 
fe  dil'puter  le  droit  de  dcterniiaer  le  juge  :  celle  de 
la  fituation  ,  qui  admet  indiftinâement  la  Preuve  i 
celle  du  lieu  où  on  piaide  ,  qui  la  tolère  d.ins  le  cas 
particulier  de  la  caufe  ;  celle  de  la  palTation  du 
contrat,  nui  la  rejette  abfohiment.  Mais  laquelle 
des  trois  doit  l'emporter  fur  les  deux  autres  Ck  taire 
pencher  la  balance  de  la  juftice? 

11  eft  certain  que  tout  ce  qui  concerne  la  Preuve 
judiciaire  appartient  à  l'inrtruftion  6c  à  la  manière  de 
procéder.  Or  ,  il  eu  de  principe  que  les  formalités 
de  cette  nature  dépendent  de  la  loi  du  lieu  où  on 
plaide.  D'ailleurs  ,  c'eft  aux  juges  qu'eft  adrei-^ée 
la  déteni'e  de  recevoir  la  Preuve  par  témoins  dans 
les  cas  marqués  par  l'article  54  de  l'ordonnance  de 
Moulins,  &  par  l'article  19  de  l'édit  pcpétuel  : 
cette  défenCe  ne  peut  donc  lier  un  juge,  qu'autant 
qu'il  eft  l'oumis  à  l'une  ou  à  l'autre  de  ces  lois  ,  & 
par  conféquent  la  circonftance  du  lieu  où  le  contrat 
a  été  palTé  ,  femble  ne  devoir  aucunement  iniluer 
iur  l'admilTion  ou  le  rejet  de  la  Preuve  teftimo- 
niale. 

Voilà  tout  ce  qu'on  peut  dire  en  faveur  de  la  de- 
mande du  Parifien;  mais  il  eu.  ailé  de  voir  qu'elle 
ert  mal  fondée.  On  dilHngue  deux  fortes  de  for- 
malités judiciaires  ;  les  unes  appartiennent  feule- 
ment à  linftruélion  ,  &  ne  frappent  que  fur  la  pro- 
cédure ,  &  il  n'eft  pas  douteux  qu'à  cet  égard  on 
re  doive  s'arrêter  qu'à  la  loi  du  lieu  où  on  plaide. 
Mais  il  en  eft  d'autres  qui  ont  pour  objet  le  iond 
même  de  la  caufe  ,  Se  dont  l'inexécution  n'annulle 
pas  feulement  la  procédure,  mais  encore  anéantit 

fbfolumcnt  l'aélion.  Or,  il  cù  de  principe  que  la 
oi  du  lieu  où  on  plaide  eft  indifférente  pour  tout 
ce  qui  regarde  la  décifion  du  fond  ,  Sï  qu'il  ne  faut 
confidcrer  à  cet  égard  que  la  loi  à  laquelle  l'aâion 
étoit  foumife  dès  le  principe  ,  &  avant  d'être  portée 
en  juftice. 

Cette  diftinélion  eft  établie  par  Mafcarc}us  ,  de 
ffenerali  flatutorum  interpretatlone ,  concluj.  y  ,  &  la 
jarifprudence  des  arrêts  y  eft  conforme  ;  en  voici 
quelques  exemples. 

En  Hainaut,  les  infiances  fe  périment  par  une 
ceffation  de  procédures  pendant  quatre  ans  ;  mais 
cette  péremption  n'emporte  pas  fin  de  caufe,  & 
n'empêche  pas  de  recommencer  l'aélion.  Au  par- 
lement de  Flandres  une  inftance  ne  fc  périme  ja- 
mais, &  on  peut  toujours  la  pourfuivre  tant  qtie 
raiTiicn  n'efl  pas  prcfcritc.  De  cette  différence  efl 
née  la  queflion  de  favoir  fi  la  péremption  peut 
avoir  lieu  dans  une  iuflance  qui  s'inftruit  au  par- 
lernent  de  Flandres  entre  deux  habitans  du  Hai- 
naut, fur  l'appel  d'une  fentence  rendue  par  un 
juge  de  la  même  province;  &  il  a  été  décidé  pour 
la  négative  par  arrêt  du  27  mai  1693  ,  les  chambres 
affemblées  ,  fur  le  fondement  que  la  difpofition  des 
Chartres  génétales  ne  touche  point  au  fond  de  la 
caufe.  (  Arrêts  de  M.  PoUct ,  part,  3  ,  n".  83  ). 


P  R  E  TJ  Y  E, 

Mais  il  y  a  en  Hninnut  une  autre  efpèce  de  pé- 
remption ,  qui  n  a  lieu  qu'en  matière  benîficiale , 
qui  s'acquiert  par  le  laps  de  trois  ans,  &  qui  paroit 
dériver  de  la  règle  de  trUnnali  pcU'eJfore.  Comme 
elle  emporte  fin  de  caufe ,  on  a  jugé ,  par  arrêt  du 
1 3  novembre  1706  ,  qu'elle  devoit  avoir  lieu  dans 
une  inftance  inftruite  au  parlement,  (  Arrêts  de  M. 
Pollet  ,  partie  i  ,  n".  30). 

Cet  arrêt  juge  nettement  que  la  loi  du  lieu  où 
on  plaide  eft  indiiTérente  par  rapport  aux  formalités 
judiciaires  ,  Quœ  tangunt  ai  meritum  cauftz.  En  voici 
trois  autres  qui  décident  clairement  la  même  chofe. 
En  Hainaut,  les  défauts  &  forclufions  emportent 
gain  &  fin  de  caufe  en  faveur  de  la  partie  à  laquelle 
ils  font  acquis.   C'eft  ce  que  portent  les  Chartres 
générales  ,  chap,   78  ,  article  27,  lie  chapitre  79  , 
article  10.  Au  parlement  de  Flandres  ,  le  fenl  effet 
qui  en   réfulte  ,  fuivant  un  arrêt  de  règlement  de 
167 1  ,  eu  une  admiffion  à  Preuve  ^jr  intendit.  On 
a  demandé  fi,  dans  une  inffance  pendante  au  par- 
lement  entre  des  habitans  du  Hainaut,  il  falloit 
fuivre  les  Chartres   générales  ou  le  règlement  de 
1671  ;  &  par  arrêts  des  22  mars  1695  ^  ^  juillet 
1697,  on  a  jugé  pour  les  Chartres  générales.  La 
même  chofe  a  été  jugée  par  l'arrêt  déjà  cité  du  27 
mai  1693,  rendu  dans  l'affemblée  des  chambres. 
(  Arrêts  de  M.  Desjaunaux  ,  tom.  1,  n''.  59  &  170; 
ik.  de  M,  de  Flines  ,  n".  36  ). 

On  peut  donc  regarder  comme  confiant  &  indu- 
bitable ,  le  principe  que  les  formalités  judiciaires  & 
décifoires  tout-à-la-fois,  ne  dépendent  aucune- 
ment de  la  loi  du  lieu  où  on  plaide. 

Or ,  la  Preuve  par  témoins  ,  confidérée  dans  le 
point  de  vue  fous  lequel  l'ordonnance  de  Moulins 
&  ledit  perpétilel  nous  la  préfentent ,  appartient , 
il  eff  vrai,  à  l'inftru^lion  &  à  la  manière  de  pro- 
céder; mais,  en  même-temps,  elle  influe  fur  le 
jugement  ;  elle  frappe  fur  l'aflion  même  ,  6c , 
pour  me  fervir  des  termes  confacrés  par  les  inter- 
prêtes ,  elle  eft  tout  enfemble  ordinatoire  &  dé- 
cifoire ,  6c  par  conféquent,  dans  la  queflion  •de 
favoir  fi  elle  doit  être  admrfe  ou  rejetée ,  ee  n'eft 
point  à  la  loi  du  lieu  où  on  plaide  qu'il  faut 
s'arrêter. 

Cela  pofé  ,  il  ne  refte  plus  qu'à  examiner  fi  c'eft 
à  la  loi  de  la  fituation  des  biens,  ou  à  celle  de  la 
paffation  du  contrat  qu'il  fjut  avoir  recours  dans 
î'efpéce  propofée  ;  &  cc-tie  queftion  fe  réfout  delle- 
mème.  On  convient  unanimement  que  tout  ce  qui 
concerne  la  forme  prohante  des  contrais  ne  doit 
dépendre  que  de  la  loi  du  lieu  où  ils  font  paires. 
Ainfi,  dans  notre  efpèce  ,  l'objet  de  la  vente  ver- 
bale faite  à  Paris,   excédant  le  taux  de  l'ordon- 
nance de  Moulins ,  on  ne  peut  en  admettre  la  Preu- 
ve par  témoins  ,  quoique  la  conteffation  foit  enga- 
gée dans  un  lieu  où  cette  Preuve  efl  reçue  jufqu'à 
300  florins ,  &  que  le  bien  foit  fitué  dans  un  pays 
où  ::llc  n'eft  rejetée  par  aucun  règlement  pofitif. 

Par  la  même  rcnfon,  un  Parifien  qui  fe  trouvant 
à  Lille ,  auroit  emprunté  une  fomme  de  300  flo- 


PREUVE. 

fins  ,  fans  en  donner  reconnoiffance ,  pourroit  être 
pourfuivi  à  Paris  pour  la  reftitution  de  ce  prêt ,  & 
il  ne  pourroit  empêcher  qu'on  n'en  f  ii  la  preuve 
par  témoins.  Brodeau  fur  M.  Louer,  lettre  C.  §.  42  , 
rapporte  deux  arrêts  qui  l'ont  ainfi  jugé  ;  il  étoit 
queftion  ,  dans  chacune  des  deux  efpèces  ,  de  deux 
/.nglois  ,  dont  l'un  demandoit  à  prouver  par  té- 
moins le  prêt  qu'il  difoit  avoir  fait  en  Angleterre 
d'une  fomme  excédant  100  livres,  &  dont  l'autre 
foutenoit  que  la  Preuve  étoit  inadmiffible  ,  d'après 
l'ordonnance  de  Moulins.  Mais  cette  Preuve  fut 
admife  par  un  arrlt  de  1596,  confïrmatif  d'une 
fentcnce  de  la  fénèchauflêe  de  Lyon  ,  &  par  un 
autre,  confïrmatif  d'une  fentence  du  châtelet;  & 
conioquemment  il  fut  jugé,  dit  Brodeau,  que  1  or- 
donnance de  Moulins  ne  peut  s'appliquer  aux  con  - 
trats  pâlies  hors  du  royaume ,  parce  qu'elle  tend 
ad  litis  decijionem. 

En  feroit-il  de  même  dans  cette  efpèce  ?  Deux 
hahitans  de  Lille  fe  rencontrent  à  Paris  ;  l'un  prête 
cent  écus  à  l'autre  ,  &  n'en  prend  point  de  recon- 
noiflTance.  A  leur  retour,  le  prêteur  fe  pourvoit 
devant  les  échevins  de  Lille  ,  demande  la  rellitu- 
tion  de  fon  prêt ,  &  offre  d'en  faire  Preuve  par 
témoins.  On  lui  oppofe  que  les  ordonnances  de 
Moulins  S<  de  1667  ,  qui  font  loi  dans  le  lieu  ou  le 
contrat  a  été  pa/Té,  rendent  cette  Preuve  inadmlifi- 
bie  pour  toutes  chofes  excédant  100  liv.  Il  répond 
que  ledit  perpétuel  l'admet  jufqu'a  300  flori-is, 
&  qu'étant  domicilié  dans  un  pays  où  il  fait  loi ,  on 
ne  doit  pas  ,  pour  avoir  contraâê  dans  un  endroit 
où  il  n'eft  pas  reçu  ,  le  priver  de  l'effet  de  cet  «dit , 
lorfque  ,  de  retour  dans  ion  domicile ,  il  plaide 
contre  un  de  Tes  compatriotes. 

La  quertion  que  préiente  cette  efpèce  ne  laifle 
pas  de  partager  afiez  les  auteurs.  Hertius  (i)  dit 
que  te-:  u8iu  formam  dn  ,  &  que  infpïciendus  eft 
locus  aHûs  ,  non  dunici'ii,  non  rei  jitx  ;  mais  en  më- 
meme-temps  il  obferve  que  cette  régie  foufire  une 
exception  ,  (i  ..Elus  inter  duos  Cilebrecur,  verbi  gratiâ  , 
paflum  ,  &  uterijue  paci/cen  t  Jit  externus  &  unïus  ci- 
vitaris  civi;  ;  dtibitaudum  enim  non  efl  aâlum  à  ta- 
l'bui  fe  undùm  tcp.es  patria  fj61uin  in  patriâ  valere. 
Paul  Voet  (2)  décide  la  même  choie ,  &  on  peut 
encore  compter  parmi  !es  patcifans  de  ce  fyflêirc, 
Jean  'Voet  (3)  ,  Rodemburg  (4)  ,  &  Denis  Gode- 
^'^y.i.'Ù-  ^'"'  foutiennent  ^u'un  telkment  revêtu 
des  formnltés  du  domicile  du  teitateur  ,  &  non  de 
celles  du  litu  où  i!  a  été  paffé,  eft  valable  pour  les 
biens  fournis  à  la  loi  domiciliaire. 

Pour  établir  cette  opinion  ,  on  dit  qu'un  a^e  de 
vroit ,  à  la  rig-ienr  ,  être  revêtu  de  toutes  les  f:.r 
maîicés  prafcrues  par  chacune  des  lois  dans  le  rer- 
ritoire  defqueîles  il  doit  être  exécuté  ;  ce  n'eft  , 


PREUVE. 


n^ 


(1)  Dccorifione  legiim  pofit,  n.  .0.. 
(1)  Ue     ari'ti.'  ,  fedt.  o    cap  9^11.  z. 
(lit  Ad  dig.  lir.      ,  11-.  4;,  j)arr.  i  ,  n.  Ij.. 
(4)  1 -e  jiir..  ;or.)',i;  uiir,  ci',  1,  c.ip,  3,. 
(  J,).  Ad  [,  10 ,,  dig.  de  jurifdidlione*. 


ajoute-t-o«,  que  par  une  raifon  de  coHvenance 
&  de  bien  public  qu'on  a  adopté  la  loi  du  lieu 
où  l'aéîe  fe  paiTe ,  pour  celle  qui  doit  en  régler 
la  forme;  mais  cela  ne  doit  pis  empêcher  un  juge 
d'ordonner  l'exécution  d'un  afte  pour  la  confec- 
tion duquel  on  a  obfervé  les  formalités  prefcrites- 
daîis  fon  territoire,  quoiqu'on  y  ait  néglige  celles- 
du  lieu  où  il  a  été  paiïé. 

Cette  raifon  cil  fpécicufe,  mais  elle  efl  fondée 
fur  une  fuppofnion  afefoli:ment  fauffe.  Ce  n'eft 
point  par  raifon  de  convenance  qu'on  a  donné  , 
par  rapport  à  la  forme  probante  des  aiRes,  la  pré- 
férence à  la  loi  du  lieu  où  ils  font  pa/Tés  ,  fur  toutes 
les  autres;  les  vrais  principes  ont  feuls  motivé  ce 
choix.  En  effet,  les  aâes  reçoivent  l'être  dans  le 
lieu  où  ils  font  paffés;  c'eft  la  loi  de  ce  lieu  qui 
leur  donne  la  vie  ;  c'eft  elle  par  conféquent  qui 
doit  les  affeéter ,  les  modifier  ,  en  régler  la  forme- 
C'efl  la  réflexion  de  Paul  de  Callresdans  fon  confeil 
13  :  StJttitum,  dit- il  ,  aj^icir  a^us  cd.bralos  in  to,.0' 
(latuentium  ,  quia  dicuntur  ibi  oriri  6*  nafci.  D'ail- 
leurs ,  chaque  pa)  s  a  les  lois  pour  les  formes  pro- 
bantes des  afles  ,  &  ces  lois  font  toutes  fondées  lur 
des  motifs  différcns.  Ici  la  preuve  teftimoniale  eft 
admife  indiftimSlcment ,  parce  que  le  légiflateur  ae 
préfumé  beaucoup  de  la  fuicérité  de  les  fujets  ;  Lày. 
elle  eft  reftreinte  dans  de  certaines  bornes  ,  parce 
que  l'expérience  a  prouvé  que  les  habitans  s'écar-- 
toient  fouvent  de  la  vérité  :  dans  un  autre  pays  ^ 
elle  cft  prefque  réduite  à  rien  ,  parce  qu'on  s'eft 
apperçu  que  la  bonne  foi  y  étoit  encore  plus  rare, 
Amfi  tout  dépend  ,  en  cette  n)atière  ,  de  l'opinion 
que  chaque  légiflateur  a  eue  de  Tes  fujets  ,  &  par 
conféquent  les  lois  relatives  à  la  forme  probante 
des  actes,  font  fondées  fur  des  raifons  purement 
locales  &  particulières  à  chaque  territoire.  Il  n'y  a 
donc  que  la  loi  du  lieu  où  un  aéle  a  été  palTé  ,  qui 
puifie  en  attefler  la  vérité  ;  celles  du  domicile  des 
parties  ou  de  la  fituation  des  biens  n'ont  pas  ce  pou-- 
voir,  parce  que  les  raifons  qui  ont  déterminé  leurs 
difpofirions  (ont  toutes  différentes  de  celles  qui 
ont  d\6ïé  les  formalités  prefcrites  dans  le  lieu  du 
contrat. 

D'ailleurs  ,  une  loi  ne  commande- r-elle,  pas  f«u- 
verainement  à  tout  ce  qui  fe  fait  fous  fon  reffort? 
Si  donc  on  veut  y  palîer  un  a6îe  ce  ne  peut  être 
qu'.n  obfervant  les  forme,  intrinsèques  &  pro- 
bantes qu'elle  a  établies  :  fi  on  néglige  les  pre-^ 
mières  l'aâc  refte  dans  le  néant,  &  ne  peut  confé- 
quemment  erre  exécuté  dans  un  autre  enilroit.  Si 
on  omet  les  fécondes  ,  cela  n'empêche  pas  ,  à 
la  vérité  ,  le  contrat  de  fe  former  ;  mais  il  ne  naît ,. 
pour  amfî  dire  ,  que  pour  refier  fans  Preuve  ,  telle 
eft  la  coiîdirion  Jine  cfud  non  de  fon  exigence. 
Comme  elle  y  eft  attachée  dès  'e  prir.cipe  ,  6c 
qu'elle  en  fait  en  quelque  forte  partie  ,  on  ne  peut" 
abfolum.nt  Icn  féparer  ;  Se  il  ae  fi'ffiroir  pas  de' 
fortlr  de  ce  territoire  pour  être  autorifé  à  recon- 
noîue  l'une  &  rej.tter  l'autre ,  parce  que  tout  ce; 


^6  PREUVE. 

qui  efi  un  &  indivifible    ns   peut  jnmais  fouiTrir 
de  fcilTio!:. 

Nous  pouvons  donc  foutenir  avec  confiance  , 
qu'un  a61e  déclaré  nul  ou  improbant  par  la  loi  du 
lieu  où  il  a  reçu  l'être  ,  porre  fa  nullité  ou  {on 
improbanct  ,  qu'on  me  palFe  ce  terme  ,  dans  tous 
les  pays,  &  mime  dans  ceux  où  il  feroit  valable 
&  feroit  foi  s'il  y  avoir  été  paffé. 

D'après  cela  ,  il  eft  évident  que  la  Preuve  tefti- 
moniale  ne  devroic  pas  être  admife  dans  l'efpèce 
propofée  ci-deflus.  En  effet  ,  quoique  les  deux 
contraélans  foient  domiciliés  &  plaident  dans  une 
ville  affujettie  à  l'édit  perpétuel  ,  il  ùiffit  que  le 
contrat  ait  été  fait  dans  un  endroit  fournis  aux  or- 
donnances de  Moulins  &  rie  1667,  pour  qu'il  ne 
puiffe  recevoir  fa  Preuve  que  d'une  manière  pref- 
crite  par  ces  lois  (i). 

Après  avoir  examiné  quels  font  les  endroits 
&  les  caufes  où  doivent  avoir  lieu  les  ordon- 
nances de  Moulins  &  de  1667  ,  &  l'édit  perpé- 
tuel de  161 1,  il  faut  difcuter  le  fond  même  de 
ces  lois ,  en  pénétrer  le  vrai  fens  ,  en  fixer  l'é- 
tendue ,  &  remarquer  les  exceptions  qu'elles 
fouffi  ent. 

Commençons  par  en  pefer  les  termes  ;  voici 
ceux  de  l'ordonnance  de  Moulins  :  «t  Pour  ob- 
s)  vier  à  la  multiplication  des  faits  qu'on  a  vu  ci- 
«  devant  être  mis  en  jugement ,  fujets  à  Preuve 
j>  de  témoins  &  reproches  d'iceux  ,  dont  advien- 
»  nent  plufieurs  inconvéniens  &  involutions  de 
»»  procès,  avons  ordonné  8c  ordonnons  que  doré- 
«  navant  de  toutes  chofes  excédant  la  fomme  ou 
w  valeur  de  cent  livres  pour  une  fois  payer,  fe- 
j)  ront  pailés  contrats  pardevant  notaires  &  té- 
»»  moins ,  par  lefquels  contrats  feulement  fera  faite 
»>  &  reçue  toute  Preuve  defdites  matières ,  fans 
»  recevoir  aucune  Preuve  par  témoins  eutre  le 
M  contenu  auxdits  contrats  ,  ni  fur  ce  qui  feroit  al- 
j>  légué  avoir  été,dit-pn,  convenu  avant  icelui  , 
»  lors  &  depuis  ;  en  quoi  n'entendons  exclure  les 
«  conventions  particulières  Se  autres  qui  feroient 


(l)  Je  trouve  dans  le  RoiiiJié  fur  la  coutume  An  Maine  , 
titre  9  -  article  }  ,  une  ci'pice  a!T<rz  feml.i'a  A  :  à  la  nôtre  ,  & 
qu'il  réCout  de  mîme.  Voici  comme  il  s'explique  : 

Fuit nuper fa6lum fiatutum  in  duca-u  AUccnenfi  ,  per  quod 
frohihttiir  Tjlellionihus  ne  de  catero  coificijnt  in!îr;imenra  avt 
contraBus  uhi  non  fa  exprejfè  ac  fyecilicè  decbratus  locui  &• 
pircchij  uhi  faffuî  efi  ;  quoi  fi  contri  f.iclum  fuerit ,  comme- 
ruJ  trit  nul.us  6*  nullius  valons.  Modo  farenfes  ncnnuUi ,  putd 
e^  Britmni.i  vtl  Ândegavid ,  exifienris  in  eodem  ducatu  fa- 
ciunt  aliquoipaêlum  vd  contraSium  ccramTabelUonibus  AUn- 
eanicis  ,  çui  TAhdltjnes  omitti/nt  formi^m  à  flatvto  datam. 
Ou  f rieur  an  valeic  talis  con:rdBas  tx  eo  etiam  quoi  in  ecrum 
patrid  tais  forma  n-in  efi  r/a;j  ,  6*  viditur  breviter  diccndum 
quoi  non  v.ileat  ,  fc"  efl  tjlis  contrailus  invalidus ,  non  folùm 
in  AUnconlo ,  uli  viget  Jtatutum  taie  ,  verùm  trirm  aliki. 

Cette  efpcce  rentre  naturellement  dans  celle  que  nous 
avons  propofée  ,  &  il  réfulre  c'ahement  de  la  doctrine  de 
Rouillé  ,  qu'il  ne  faui  pzs  revêtir  un  acle  des  formes  prefcrites 

ar  la  loi  du  dojnicile  des  contrJvUns,  nais  de  celles  »]u'ét3- 

Jit  I5  loi  du  lieu  o>à  il  fe  pafle. 


t 


PREUVE. 

»  faites  par  les  parties  fous  leurs  feings ,  fceaux  & 
»  fignaturcs  privées  ». 

Le  titre  20  de  l'ordonnance  de  1667  porte  ,  ar- 
»  ticle  2  ;  Seront  paiïês  aéles  pardevant  notaires  , 
»  ou  fous  fignature  privée,  dt  toutes  chofes  excé- 
»  dant  la  lomme  ou  valeur  de  cent  livres,  même 
V  pour  dépôt  volontaire  ,  &  ne  fera  reçue  aucune 
»  Preuve  par  témoins  contre  &  outre  le  contenu 
»  aux  ades  ,  ni  fur  ce  qui  feroit  allégué  avoir  été 
»  dit  avant ,  lors  ou  depuis  les  aétes,  encore  qu'il 
»  s'agit  d'une  fomme  ou  valeur  moindre  de  cent 
»  livres  ,  fans  toutefois  rien  innover  pour  ce  re- 
»  gard  en  ce  qui  s'obferve  en  la  juflice  des  juges 
»  ik  Con fuis  des  marchands». 

Art.  3.  »  N'entendons  exclure  la  Preuve  par  té- 
»  moins  pour  dépôt  néceffaire  ,  en  cas  d'incendie, 
»  ruine  ,  tumulte,  ou  naufrage  ,  ni  en  cas  d'acci- 
»  dens  imprévus  ou  on  ne  pourroit  avoir  fait  des 
»  aâes,  &  auin  lorfqu'il  y  aura  un  commence- 
»  ment  de  Preuve  par  écrit  ». 

Art.  4.  »  N'entendons  pareillement  exclure  la 
»  Preuve  par  témoins  pour  dépôt  fait ,  en  logeant 
»  dans  une  hôtellerie  ,  entre  les  mains  de  l'hôte 
«  ou  de  l'hôtellé ,  qui  pourra  être  ordonnée  par 
»  le  juge,  fuivant  la  qualité  des  perfonnes  &  les 
»  circonftances  du  fait  ». 

Art.  5.  »  Si  dans  une  inftance  la  partie  fait  plu- 
»  fieurs  demandes  dont  II  n'y  ait  point  de  Preuve 
»  ou  commencement  de  Preuve  par  écrit,  elles 
»  ne  pourront  être  vérifiées  par  témoins,  encore 
»  que  ce  foit  diverfes  fommes  qui  viennent  de 
»  différentes  caufes  &  en  differens  temps ,  i\  ce 
»  n'étoit  que  les  droits  procédaffent  par  fuccef- 
»  fion  ,  donation  ou  autrement  ,  de  perfonnes 
»   différentes  ». 

L'article  19  de  l'édit  perpétuel  de  161 1  e/l 
conçu  en  ces  termes  :  »  Comme  plufieurs  procès 
M  fe  meuvent  entre  nos  fujets  ,  à  caufe  de  la  mul- 
»  tiplication  des  faits  qu'on  pofe  être  venus  es 
»  conventions  &  contrats  en  vertu  defquels  on 
»  agit,  comme  fi  plus  y  avoit  été  dit  éc  pour- 
»  parlé  que  ne  contiennent  les  inftrumens  lur  ce 
»  faits ,  foit  fous  leur  fignature  ou  pardevant  no- 
»  taires  ou  témoins,  comme  de  même  au  fait  des 
»  difpofitions  teftamentaires,  contrats  de  mariage, 
I»  &  toutes  efpèces  de  conventions  ou  difpofitioas 
»  caufant  une  grande  incertitude  ù.  par  toi  diver- 
»  Çné  ,  voire  contrariété  de  Preuves  &  infoliition 
»  de  procédures  ,  au  très-grand  intérêt  des  parties  : 
»  mais,  pour  obvier  à  ce,  avons  ordonné  &  or- 
»  donnons  par  cette,  que  de  toutes  chofes  dont 
»  nos  fujets  voudront  traiter  ou  difpofer,  excé- 
»  dant  la  valeur  de  300  livres  ariois  (i)  une  fois, 
M  foit  par  ordonnance  de  dernière  volonté,  do- 
»  nations ,  contrats  de  mariage  ,  venditions  ou 
»  autres  contrats  quelconques  ,  fût  de  chofe  réelle 
»  ou  pécuniaire  ,  de  la  valeur  que  deffus ,  ils  aient 
»  à  le  faire  par  écrit ,  foit  fous  leurs  fignatures 


I 


(1)  Voyez  forces  mets  l'article  Livre  ,  tome  10, 


«U 


PREUVE. 

n  OU  pardevant  notaires  &  témoins  ,  ou  autres 
j»  perfonnes  publiques,  félon  la  qualité  &  impor- 
»  tance  deldirs  contrats  &  dirpofitions  ,  qui  en 
j>  dépicheront  les  inftrumens  en  forme,  lefquels 
î»  feuls  ferviront  de  toute  Preuve  èsdites  rna- 
»  tières  ,  fans  que  les  juges  puiffent  recevoir 
>»  aucune  Preuve  par  témoins  outre  le  contenu 
»  diceux  ». 

Tels  font  les  textes  que  nous  avons  à  com- 
menter. Piufieurs  ont  cru  que  l'objet  &  l'efprit  du 
dernier  étoient  feulement  de  défendre  la  Preuve 
par  témoins  dans  les  ca»  où  il  y  auroit  des  ailes 
rédigés  par  écrit;  c'eft  ce  qu'ils  iiiferoient  de  ces 
termes  ,  fan',  que  les  juges  piiijfènt  recevoir  aucune 
Preuve  par  tc;noi,rs  outre  le  contenu  en  iceux  ;  èc  en 
confcquence  ils  fjuronoient  qu'on  devoit  être 
admis  à  prouver  par  témoins  tous  les  contrats  ^k 
aâes  dont  il  n'y  avoi:  aucun  écrit.  Roinmelius  , 
Jurilconfulti'  de  Bruges,  a  même  fait  un  traite  ex- 
près pour  le  prouver. 

Ce  fyftême  eft  évidemment  mal  fondé;  l'édit 
perpétuel  le  cond;imne  bien  clairem-.nt,  en  or- 
donnant que  de  t'eûtes  chofes  dont  les  fujets  des 
archiducs  vou'dront  imiter  ou  difpofer,   excédent  la 

valeur  de  500  livres  artois ils  aient  à  le  fuir; 

par  écrit-  L'article  premier  du  chapitre  1 26  des 
chartes  générales  du  Hainaut,  n'eft  pas  moins  dé- 
cifit  ,  tnoyennznt  que  pour  Us  donations  excédcntcs 
300  forins,  il  en  apparût  par  écrit  authentiijue  en- 
fuite  de  redit  perpétuel. 

Aufîi  le  paradoxe  de  Rommelins  &  de  fos  {<ic- 
tateurs  a-t-il  été  profcrit  par  trois  déclarations  du 
confeil  privé  de  Bruxelles  des  iz  avril  1614,  5 
novembre  &  11  décembre  1631,  rendues  fur  les 
remontrances  des  états  de  Lille,  des  échevins  de 
Tournai,  8c  du  confeil  provincial  de  Namur  (1) 
M.  Stockmans  rapporte  un  arrêt  du  confeil  fou- 
verain  de  Brabant  du  11  janvier  1650,  qui  a  jugé 
la  même  chofe  ;  &  la  jurisprudence  belgique  eft 
fi  conftante  fur  ce  point,  que  depuis  long-temps 
on  ne  s'eft  plus  avifé  de  le  mettre  en  queftion. 

En  France  ,  on  avoit  voulu  donner  à  l'ordon- 
nance de  Moulins,  la  même  interprétation  que 
Rommelius  donnoit  en  Flandres  à  l'édit  perpé- 
tuel. M..  Maina.rd_+  livre  6,  chapitre  84,  nous 
apprend  même  ejue  le  parlement  de  Touloufe 
ne  l'entendoit  pas  autretttent  de  fon  temps  : 
mais  cette  opinion  eft  également  tombée  dans 
l'oubli. 

On  peut  donc  établir  pour  principe  général  , 
que  ce} ni  qui  a  pu  fe  procurer  une  Preuve  par 
écrit,  ne  doit  pas  être  admis  à  la  Preuve  tedi- 
moniale  pour  les  chofes  qui  excèdent  cent  livres 
en  France,  &  trois  cents  florins  dans  les  Pays- 
Bas. 

On  dk  pour  les  chofes,  &  non  pour  les  conven- 
tions ;  car  quoique  l'ordonnance  de  Moulins  & 
redit  perpétuel,  femblent  faire  entendre  que  les 

(i  Ai)(e!mo ,  ad  ediUum  vîrp.ecunm  ,  -aitide  10,  n.  i   c. 
To-tu  XIII 


PREUVE.  577 

conventions  font  feules  aU'ujetties  à  la  défen  t.* 
d'admettre  la  Preuve  teftimoniale  au-delà  des  fem- 
mes fixées  par  ces  lois,  on  y  a  également  com- 
pris toutes  les  chofes  qui,  fans  appartenir  à  la 
clafTe  des  contrats  ,  font  néanmoins  de  la  nature 
de  celles  dont  on  peut  fe  procurer  une  Pr;  uve 
par  écrit  au  moment  oîi  elles  fe  pa/fenr.  Ainfi  , 
quoique  le  payement  d'une  dette  ne  foit  pas  una 
convention,  on  ne  laifte  pas  d'en  rejeter  la  Preuve 
par  témoins,  lorfque  la  fomme  excède  le  taux  lé- 
gal, parce  que  le  débiteur  qui  paye  peut  tirer  quit- 
tance. Tel  eft  l'ufage  conftant  des  Pays  Bas ,  & 
cela  ne  fouffre  plus  de  difficulté  en  Fr.mce  depuis 
l'ordonnance  de  1667,  dans  laquelle  on  a  évité 
de  fe   fervir  du  mot   contrat. 

Cette  loi  a  pareilL-inent  hiit  ce/ler  en  France 
la  queftion  de  favoir  fi  le  dépôt  volontaire  peut 
être  prouvé  par  témoins,  lorfque  fon  objft  ex- 
cède cent  livres  ;  &  qaoic]u'clle  ne  foit  pas  enre- 
e;iflrée  au  parlement  de  Flandres,  on  s'y  eft  tou- 
jours conformé  à  l'égard  des  dépôts  au-deffus  de 
trois  cents  florins  :  nous  avons  cité  plus  haut  un 
arrêt  de  cette  cour  du  25  février  iC^4  ,  qui  l'a 
ainfi  jugé.  Telle  étoit  d'ailleurs  la  ju;  ifprudence 
du  parlement  de  Paris  avant  l'ordonnance  de  1667  , 
comme  le  prouvent  deux  arrêts  de  1 5  75  &  28  juin 
1599,  rapportés  par  Chenu  &.  Louet.  Voyez  l'ar- 
ticle DÉPÔT. 

Ce' qi;e  nous  difons  du  dépôt  reçoit  une  appli- 
cation entière  aux  titres  ou  pièces  que  Ton  confie 
aux  huifiiers  ou  procureurs  pour  faire  des  pour- 
fuites:  "Car,  dit  .îoulTo,  la  Preuve  par  témoins 
"  ne-doit  point  être  alors  admife  .  faute  d'en  avoir 
"  pris  un  récépiffe.  Ainl'i  jugé  par  arrêt  d.i  30  dé- 
»  cc.T.bre   1602  ,   rapporté  par   Peleus  >'. 

Le  p'êt  à  u(ageeft-il  fujet  à  l'ordonnance  de 
Moul'us  &  à  redit  perpétuel  ^  La  néâ,ative  a  été 
adoprce  par  deux  arrêts  des  1 1  avril  1 574  ,  & 
mars  1624  ,  rapportés  par  Guénois  &  \''revin  , 
fur  la  i/rem;è.e  des  lois  dont  il  s'agit,  &  tel  eft 
le  fentimcnt  de  Dantv  dans  fes  observations  fur 
Boiceau.  Les  raifons  fur  iefquelles  fe  fonde  cet 
auteur,  font,  1°.  que  le  prêt  à  ufage  eft  un  contrat 
de  bonne  foi  qu'on  n'a  pas  coutume  de  rédiger 
par  écrit  :  1°.  que  ce  contrat  ne  fe  forme  que  par 
une  tradition  qui  eft  un  fait,  Sf  que  les  faits  peu- 
vent toujours  être  prouves  par  témoins  ,  comme 
on  le  verra  ci-aprè*.  "  Mais,  dit  Pothier  ,  l'or- 
n  donnance  de  1667  ayant  déclaré  que  le  dépôt 
»  volontaire  étoit  compris  dans  la  loi  pénérale 
»  qui  exige  uns  Preuve  par  écrit,  on  doit  con- 
3)  dure  ,  à  plus  forte  laifon  ,  la  même  chofe  du 
n  prêt  à  ufage,  puifqu'on  fe  fie  autant  à  celui  à 
«  qui  on  fait  un  dépôt,  qu'à  celui  à  qui  en  prête  ; 
i>  &  celui  qui  fait  un  dépôt  a  encore  plus  lieu  de 
3>  craindre  d'oflenfer  fon  ami,  en  lui  demandant 
»  unereconnoiffance,  que  celui  qui  prête  w.  On  peitt 
tirer  la  même  conféquence,  pour  les  Pays-Bas .  de 
l'arrêt  de  16^94,  qui  a  déclaré  la  Preuve  teflimo- 
alale  inadraiiTible  en  matière  de  dépôt. 

Pddd 


5  7S 


PREUVE. 


Les  railûivs  de  bonne  foi  &  de  confiance  qui 
avoient  fait  douter  û  la  Preuve  teftimoniaie  devoit 
être  rejetée  dans  le  dépôt  volontaire  &  le  prêt 
à  ufage  ,  ont  pareillement  donné  lieu  ù  la  qucftion 
de  favoir  i\  cette  Preuve  peut  avoir  lieu  en  ma- 
tière de  mandat  ;  on  a  même  préfcnté  une  re- 
quête au  confell  privé  de  Bruxelles  ,  pour  faire 
déclarer  l'affirmative  ;  mais,  par  apoflille  du  x6 
feptembre  1626  ,  il  a  été  répondu  ,  »  que  l'ar- 
3)  ticle  19  de  l'édit  perpétuel  doit  avoir  lieu  en 
»  tous  contrats  &  conventions  ,  même  entre  le 
s>  mandant  &  le  mandataire  w. 

On  a  vu  à  l'article  Fiançailles  ,  que  les  pro- 
mefles  de  mariage  ne  peuvent  être  prouvées  par 
témoins.  Anfelmo  a  foutenu  le  contraire  par  rap- 
port aux  Pays  Bas  ;  mais  le  confcil  de  Brabant 
a  condamné  fon  opinion  par  anit  du  8  oflo- 
l)re  1710,  inféré  dans  le  recueil  du  comte  de 
Winantz. 

On  a  demandé  fi  les  marchés  faits  aux  foi- 
res font  compris  dans  la  difpofition  de  l'ordon- 
nance. La  raifon  de  LJouter  étoit  que  ces  marches 
fe  iont  prefque  toujours  verbalement  ;  cependant 
on  a  décidé  qu'ils  y  ctoient  compris  ,  parce  qu'il 
y  a  des  notaires  dans  tous  les  lieux  oij  fe  tien- 
nent les  foires  ,  Si.  que  par  conféquent  il  eu  aifé 
aux  parties  qui  font  un  marché  à  crédit  fans  fa- 
voir écrire  ,  d'appeler  un  notaire  pour  le  ré- 
diger. 

Il  en  feroit  néanmoins  tout  autrement  fi  les  mar- 
chés dont  nous  parlons  fe  fnilbient  de  marchand 
à  marchand  ;  car  la  plupart  des  affaires  que  les 
marchands  tout  entr'eux  ,  même  hors  des  foires  , 
peuvent  être  prouvées  par  témoins  ,  lorfque  les 
circonilances  n'exigent  pas  qu'on  rejette  cette 
cfpèce  de  Preuve.  C'efl  ,  comme  on  l'a  vu,  ce 
tjue  décide  expreffément  l'ordonnance  de  1667  > 
&.  quoique  cette  loi  ne  foit  pas  enrcgiflrce  au  par- 
lement de  Flandres  ,  on  ne  laiffe  pas,  dit-on  ,  de 
l'y  fuivre  en  ce  point  :  M*^  D.  ,  avocat  à  cette 
cour,  m'a  afluré  qu'il  en  avoit  été  rendu  plufieurs 
arrêts  ,  lui  plaidant.  Voyez  l'article  Consul  ,  fec- 
tion  3.  On  peut  cependant  oppo(ér  à  ces  arrêts 
tieux  déclarations  du  confeil  privé  de  Bruxelles  , 
des  iS  novembre  1627  Si  9  novembre  1635  '  P^'' 
tant  qu'il  n'y  a  lieu  d'accordïr  aux  raagiftrats  de 
Malines  &  de  Gand  la  demande  qu'ils  faifoient 
dune  déclaration  qui  eût  excepté  de  l'article  19 
de  redit  perpétuel ,  les  contrats  faits  par  les  mar- 
tiaands  dans  les  bourfes  de  ces  deux  villes  ;  on 
le  fondoit  néanmoins  fur  l'exemple  du  magiflrat 
d'Anvers  ,  qui  avoit  obtenu  une  déclaration  de 
cetre  efpèce  le  30  janvier  1617  •  niais  le  confcil 
privé  de  Bruxelles  n'a  point  cru  devoir  étendre 
plus  loin  cette  dérogation  ,  parce  qu'elle  avoit  été 
motivée  par  des  raifons  purement  locales.  Voyez 
Anfelmo  ,    fur   l'article    19   de  l'édit  perpétuel, 

Locfqu'on  veut  faire  en  juflice  la  Preuve  d'une 
dtofe  au-deâus  du  taux  de  l'ordonnance  ,  on  peut , 


PREUVE. 

fulvant  Boiceau  &  Danty  ,  la  faire  admettre  ,  en 
reftreignant  fa  demande  à  ce  taux  :  mais  dès  qu'une 
fois  la  demande  eft  formée  ,  on  ne  peut  plus  fe 
reflreindre  pour  être  admis  à  la  Preuve  ;  ccii  ce 
qu'a  jugé  un  arrêt  du  zi  feptembre  1583  ,  rap- 
porté par  Mornac  fur  la  loi  29,  D.  de  Uç^ibus.  La 
in^me  chofe  a  été  décidée  par  un  autre  arrêt  du 
17  décembre  1638,  dans  l'efpèce  duquel  un  tad- 
leur  ,  qui  avoit  demandé  une  fomme  de  deux  cents 
livres  pour  fournitures  d  habits  ,  fut  exclus  de  la 
Preuve  tertimoniale  qu'il  oftroit  d'en  faire,  quoi- 
qu'il fe  fût  reflreint ,  dans  le  cours  de  l'inftance  , 
à  une  fonimc  de  cent  livres.  Cet  arrêt  eft  rapporté 
par  Bardct. 

Voici  une  efpèce  qui  s'eft  préfentée  au  confeil 
de  Braba;  t.  Un  paiticulier  fe  pourvoit  en  juftice 
contre  le  propriétaire  d'une  maifon  ,  &  demande 
à  faire  Preuve  par  témoins  ,  que  celui-ci  lui  a  loué 
verbalement  fa  maifon  pour  trois  ans  ,  à  raifon  de 
cent  florins  chaque  année.  Le  propriétaire  répond  , 
qu'à  la  vérité  les  trois  années  de  loyers  réunies 
n'excéderoicnt  par  le  taux  de  l'édit  perpétuel,  fi 
fa  maifon  ne  valoit  pas  plus  que  le  demandeur  ne 
prétend  l'avoir  louée  ;  mais  il  prouve  évidcmme«r 
qu'elle  vaut  davantage  ,  &  par-là  ,  réduit  toute  la 
caufe  à  la  queflion  de  favoir  fi,  pour  admctire  ou 
rejeter  la  Preuve  teftimoniale  ,  U  faut  confidérer 
reiiimatioB  que  le  demandeur  fait  de  la  chofe  liti- 
gieufe  ,  ou  h  l'on  ne  doit  avoir  égard  qu'à  la  va- 
leur réelle  de  ce  que  le  demandeur  feroit  obligé  do 
fournir,  au  cas  que  la  Preuve  fe  fit.  Ce  dernier 
parti  ne  pouvoit  manquer  de  prévaloir,  autrement 
il  dépendroit  d'une  parcie,  qui  voudroit  avoir  pour 
trois  cents  florins  un  bien  (jui  en  vaut  cinq  cents  , 
d'offrir  de  prouver  par  témoins  qu'elle  l'a  acheté 
trois  cents  florins  ;  ce  qui  feroit  abfurde  &  fouve- 
rainement  injuflc.  Au/Ti  le  confeil  de  Brabant  a-t  il 
jugé,  dans  l'elpèce  que  nous  venons  de  propoler  » 
que  la  Preuve  teflimoniaie  n'étoit  pas  recevable. 
L'arrêt  a  été  rendu  au  mois  d'août  17 13  ,  tii.re 
Nicolas  de  Warlincourt ,  &  Anne-Thérèfe  Bei  fcn. 
(Winantz,  décifion   133.) 

Je  vous  demande  quatre-vingt  dix  livres  en 
France  ,  ou  deux  cents  quarante  florins  dans  les 
Pays-Bas ,  comme  le  rcflant  du  prix  d'une  chofe 
que  je  prétends  vous  avoir  vendue  fix  cents  li- 
vres ;  vous  niez  avoir  rien  acheté  de  moi  :  puis- 
je  être  admis  à  prouver  cette  vente  par  témoins.'' 
Boiceau  fcutienc  l'affirmative  -,  mais  il  ne  fe  fonde 
que  fur  des  lois  romaines,  qui  n'ont  ici  aucune 
application  ;  &  c'efl  avec  raifon  que  Danty  re- 
jette fon  ojMnion.  "  Il  eA  certain,  dit-il,  que  la 
»  raifon  pour  laquelle  on  ne  doit  pas  être  reçu  à 
))  cette  Preuve  ell  parce  que  celui  auquel  il  e/î  dû 
j)  plus  de  cent  livres  ,  a  dû  prendre  la  précaution 
»  uQn  paiTer  un  z6ïc  par  écrit  ,  fuivant  l'ordon- 
))  nance  :  fi  cette  Preuve  étoit  permife ,  il  s'enfui- 
)j  vroit  que  ,  contre  la  difpofition  exprefie  de  l'or- 
»  donnance  ,  on  pourroit  prouver  par  témoia 
»  une  conveniioa  verbale  ci:cédante  cent  liv..  »» 


PREUVE. 

Pothlor  décide,  fur  le  même  fondement ,  que 
rhéritier,  pour  un  quart,  d'une  psrl'onns  qu'on 
dit  avoir  préré  deux  cents  livres  à  une  autre  ;  m 
doit  pas  être  admis  à  prouver  le  prêt  par  témoins, 
quoiqu'il  ne  demande  que  cinquante  livres  pour 
fa  part. 

Mais,  a|oute  cet  auteur,  fi ,  dans  tes  deux  cas 
dont  nous  venons  dj  parler,  »  le  de.nandeur  of- 
«  froit  la  preuve  telVnnoniale  ,  non  de  la  venie 
»  faite  pour  le  prix  de  deux  cents  livres,  non 
M  du  prêt  de  deux  cents  livres  fait  par  le  défunt , 
>'  mais  de  la  proir.eiTe  que  lui  auroit  faite  le  dé- 
»  fendeur  de  lui  payer  les  foixante  livres  qui 
»  revoient  dues  an  prix  de  cette  vente,  ou  les 
»  cinquante  livres  qui  lui  étoient  dues  peur  fon 
»  quart,  je  penfe  qu'il  devrolt  être  reçu  à  la  Preuve; 
>»  car  cette  promefTe  eft  une  nouvelle  convention  , 
»  confirmatJve  de  la  première ,  &  l'objet  de  cette 
»»  nouvelle  convention  n'excédant  pas  cent  livres, 
»  rien  n'empêche  que  la  Preuve  teAimoniale  en 
»   puiflTe  être  admife  ". 

Lorfque  par  un  même  exploit  on  fait  la  de- 
mande de  plufieurs  créances  dont  l'enfemble  ex- 
cède le  taux  de  l'ordonnance  ,  quoiqu'aucun.^ , 
confidérée  à  part,  ne  monte  à  cette  femme,  la 
Preuve  par  témoins  eft-elle  recevable  ?  La  loi 
1 1  ,  D.  de  jurifliRiene  ,  femble  devoir  nous  faire 
décider  pour  l'affirmaiivc.  Elle  déclare  qu'un  juge 
peut  prendre  connoiflance  d'une  affaire  dont  l'en- 
femble eft  au-deffus  de  fa  juridiflion  ,  lorfque 
chacun  des  chefs  dont  elle  eft  eompofée  ne  l'ex- 
cède pas.  Ce  qui  paroît  confirmer  cette  opinion  , 
c'eft  que  l'ordonnance  n'a  prefcrit  de  drelfcr  des 
aéles  que  des  chofes  au  deiïus  décent  livres,  ou 
trois  cents  florins,  &  qu'ainfi  on  ne  peut  impu- 
ter au  demandeur  de  ne  s'en  être  pas  procuré  un  , 
&  néanmoins  l'ordonnance  de  1667  déclare  que 
la  Preuve  par  témoins  n'eft  pas  recevable  ,  encore 
que  ce  /oit  diver(ei  fommes  qui  viennent  de  diffa entes 
caufes  6"  en  diff:rens  temps  ,fi  ce  neioit  que  les  doits 
procèdajfent  pAr  fnccejVon  ,  donation  ou  autrement ,  de 
per formes  différentes.  Avant  cette  loi,  on  diflinguoit 
comme  on  doit  encore  le  faire  dans  les  Pays-Bas, 
f»  Us  diverfes  créances  procédoient  ou  non  d'une 
même  caufe  :  au  premier  cas  ,  on  rejetoit  la 
Preuve  teflimoniale  (i);  mais  on  l'admettoit  au 
fécond.  La  loi  1 1  ,  D.  de  jurifdiElione  ne  déwuit  pas 
cette  diftin61ion  ;  c'eft  au  contraire  le  feul  moyen 
de  la  concilier  avec  la  loi  10,  Yy.de  appellatiombus^ 
qui  foumet  à  l'appel  toute  fentence  portant  fur 
divers  chefs  dont  aucun  en  particulier  ne  monte 
à  la  fomme  fur  laquelle  le  juge  peut  prononcer 
en  dernier  refTort,  &  qui  tous  enfemble  l'excè- 
dent. 

Le  principe  développé  ]w(<3^ua  préfent,  que  la 
Preuve  teftimoniale  n'eft  pas  admiflîble  dans  les 
chofes  dont  on  a  pu  fe  procurer  une  Preuve  par 

(I)  C'cft  au/fi  es  qu'a  fait  Je  confeil  de  Biabanc,  p.ir  arrêt 
(du  tnoii  d'aoû;  1715.  'Winantz  ,  décilion  1  ji. 


PREUVE.  579 

écrit ,  lorfqu'elles  excédent  cent  livres  ou  trois 
cents  florins  ,  ce  principe  en  amène  natorellemenf 
un  r.utre  non  moins  inréreflanr;  c'eil:  que  la  Preu- 
ve teftimoniale  n'eu  pas  admife  contre  ni  outre  urc 
Preuve  écrue.  On  fe  rappelle  que  cela  eft  for- 
mellement ét.ibli  par  les  ox àonvinnccs  de  Mou- 
lins &  de  1667,   &  par  l'édit  perpétuel. 

Ce  principe  avoit  été  ébauché  par  les  empe- 
reurs de  Contlantinople  :  Contra  jcriptum  tefiimo- 
niuni  non  jcriptum  teflïmoniiim  non  fertiir  ;  ce  {ont 
les  termes  d'une  constitution  ç^recque,  dont  les 
interprètes  ont  formé  la  loi  \  ,Q.  de  tejiihus.  M?is 
cette  difpofition  étoit  modifiée  de  tant  de  ma- 
nières ,  qu'elle  fe  réduifoit  prcfque  à  rien  ,  &  d'ail- 
leurs elle  n'interdifoit  pas  la  Preuve  par  témoin.i 
de  ce  qui  étoit  plutôt  outre  que  contre  les  aiHts. 
Il  a  donc  fallu  que  les  lêgiilaicurs  modernes  la  re- 
nouveilaffeni  5i  rétendin'eiit ,  &  cei\  ce  qu'ils  orir 
fait  ,  en  déclarant  par  les  ordonnances  citées ,  qu'il 
ne  feroit  reçu  aucune  Preuve  par  témoins  contre  6- 
outre  le  contenu  aux  ailes  ,  ni  fur  ce  qui  ferait  allégué 
avoir  été  dit  avant  ,  lors  ou  depuis  les  a  fies. 

C'efl  fur  ce  fondement  qu'ont  été  rendus  deux 
arrêts  du  parlement  de  Rouen,  dont  voici  l'ef- 
pècc.  Voihn  avoit  figné  un  billet  de  trois  mille 
livres  au  profit  de  la  fille  du  nommé  Andrieu;  fur 
la  demande  de  payement  qu'on  lui  en  fit,  il  prit 
des  lettres  de  refcifion  contre  fa  figuati  r:  &  de- 
manda .à  prouver  que  ce  billet  avoit  été  écrit  en 
fon  abfence  &  à  fon  infçu  par  le  gendre  d'Andrieu 
&  qu'on  le  lui  avoit  prélenté  à  figner  feuleinent 
comme  térrsoin  du  prêt  qu'Andrieu  fiifoit  à  fa 
fille.  Par  arrêt  rendu  au  rapport  de  M.  d'Hatan- 
vir.e  le  premier  aoiu  17^2,  Voifin  fut  débouté 
de  lentérlnement  de  fes  lettres  ,  déclaré  non  re- 
cevable dans  la  Preuve  des  faits  qu'il  articu'oit:  & 
condamné  à  payer  les  trois  mille  livres. 

Par  a6îe  du  2.9  feptembre  1756  ,  le  fieur  de  Lau- 
vens,  d'un  efprit  trés-foible  ,  avoit  fait  à  la  de- 
moifélle  le  Grand  donation  entre  vifs  du  tiers  de 
fes  biens.  Le  5  novembre  fuivant,  il  lui  vendit, 
par  contiat  pafie  par  devant  le  même  notaire  , 
la  p-^opriété  des  deux  autres  tiers  de  fes  biens. 
L'ai51e  portoit  16000  livres  de  prix  comptées  au 
moment  même  de  la  fignatiire.  Le  8  février  17^7  , 
la  demoifelle  le  Grand  pafla  ,  encore  devant  le 
le  même  notaire,  un  contrat  de  mariage  avec  le 
fieur  Burgant,  par  lequel  elle  fe  confiitua  pour 
apport  la  terre  de  Lauvens  ,  avec  renonciation 
expre.Te  qu'elle  la  tenoit  du  Sr  de  Lauvens  à  titre 
de  don  pour  un  tiers  ,  &  d'achat  pour  les  deux  au- 
tres tiers.  Le  fieur  de  Lauvens! parut  à  ce  contrat 
de  mariage,  &  le  fgna.  Enfin  !e  premier  fcvrier 
1758,  le  fieur  de  Lauvens  déclara  ,  toujours  devant 
mê.me  notaire,  céder  au  Sr  Burgant  la  totalité  de 
fes  meubles,  eAimés  i^oliv.  &  1  ufufruit  des  ùcvx 
tiers  de  la  terre  de  Lauvens,  c'eft  à-dire  tout  ce 
qui  luirefioit,  à  l.i  charge  par  U  fieur  Burgant  ce  le 
loger  ,  nourrir.  chaiifTcr,  éclairer,  &  de  payer  fçs 
,    méùicaaiens.  Quelque  temps  après ,  le  fieur  de  Lau- 

Ddddij 


58o  PREUVE. 

vens  prit  des  letfres  de  reflitution  contre  les  deux 
contrats  de  donation  &  de  vente  des  29  feptembre 
&  ç  novembre  1756  :  il  difoit  &  offroit  de  prou- 
ver que  quand  il  avcit  fait  le   premier  ,  il  n'avoit 
cvn  f)gner  qu'une  procuration  ;  que  quand  il  avoit 
figné  le  fécond,  il  ne  Tavoit  fait  que   parce  î]ue 
le  fieur  le  Grand    lui  avoit  dit  :  )>  Puifque  vous 
j)  n'avez  pas  le    moyen   de  faire  un  préfent  de 
»  noces  à  ma  fille  ,  il  faut  au  moins  faire  fem- 
i>  blanr  de  lui  en    iaire  un;  nous  irons   chez  un 
yi  notaire,  j'y  porterai   de   l'argent;  on   fera   un 
■»  afle  que  vous  fignerez,  &  cela  vous  fera  bien 
>j  de  l'honneur  )>;  que  le  fieur  le    Grand  s'éroit 
redaifi  des  16000  livres  qui  avoient  été  comptées 
chez  le  notaire,   &  que  le  fieur  de  Lauvens  étoit 
parti  à  pied  de  chez  le  fieur  le  Grand    fans   em- 
porter cette  fomme.  Il  ajoutoit  qu'étant  fourd  ,  il 
n'avoit  entendu  aucun  des  deux    contrats  ;  il   al- 
léguoit  plufieurs  faits  ,  d'où  il  réfu'roit  qu'il  n'en 
avoit  jamais  connu  les  claufes.  Lt;  fiour  le    Grand 
de  Francieres.,  frère  &  héritier    de  la  dame  Bur- 
gant  ,  répondoit  que   la  Preuve  des  faits  articulés 
par  le  fieur  de  Lauvens  contre  la  teneur  exprelfc 
de  deux  contrats  paiïés  devant  notaires,  étoit  in- 
admiffible,   &    qu'on    ne    pouvoit    attaquer    ces 
afles  que  par  la  voie  de  l'infcription  de  faux.  Par 
fentence    du    bailliage    de  Coucher  du    13    avril 
1768  ,  le  fieur  de   Lauvens  fut  dcclaré  non  rece- 
vable   dans    fes  demandes.  Sur  l'appel   au   parle- 
ment de  Normandie   ,   le  procès   fut  partagé  à  la 
première    chambre   des    enquêtes  au    mois  d'août 
1770,  &  le  partage  porté  à  la  féconde;   la   fen- 
tence fut   confirmée   tout  d'une   voix  ,   par  arrêt 
rendu  au   mois  de  mars  1771  ,  au  rapport  de  M. 
ï'abbé  de  RHallem, 

D'après  la  maxime  confirmée  par  ces  arrêts, 
qu'on  ne  peut  prouver  par  témoins  aucun  fait, 
foit  contre,  foit  outre  le  contenu  d'un  aâe ,  il  efl 
clair  qu'on  ne  feroit  pas  admis  à  vérifier  de 
cette  manière  ce  que  contiendroit  une  apo/îile 
ou  renvoi  non  figné  ai  paraphé  des  parties  ,  quoi- 
qu'écrit  de  la  main  du  notaire  qui  auroit  reçu 
l'aifle.  La  raifon  en  efl: ,  que  de  telles  apoftilles 
eu  renvois  ne  font  pas  partie  de  l'afîe  ,  &  qu'ainfi 
ee  feroit  vouloir  prouver  quelque  chofe  outre  fon 
contenu,  que  de  demander  à  en  faire  Preuve  (i). 
11  réfulte  de  la  même  maxime  ,  qu'une  partie 
ne  feroit  pas  recevable  à  faire  entendre  les  té- 
moins qui  ont  alfirté  à  l'aéîe,  ni  même  les  notaires 
qui  l'ont  reçu,  pour  expliquer  ce  qui  y  eft  con- 
tenu, &  dépofer  des  chofes  dont  on  efl  convenu 
lors  de  fa  confeclion.  La  province  de  Hainaut  a 
cependant  là-deffus  une  jurifprudence  toute  dif- 
Cérente.  Voyez  l'art.  Recot.d  de  loi. 

Peut-on  prouver   par    témoins    qu'un  acîe  qui 


<t)  Si  cependant  !e  renvoi  étoir  écrie  de  la  niain  de  la  pjr- 
âe  contre  'aq^ielleil  militeroit  ,.  il  feroir  fou  Voyez  ce  qu? 
«eus  a-rcns  diici-deyant ,  §■,.  i  j,iii  ccriîures  non  figniis  des 


PREUVE. 

n'eft    point  daté  a  été  pafle  en  tel  temps  &  en 
tel  lieu  ?  Par  exemple,  Urfqu'un  débiteur  demande 
à  être  reçu  au  bénéfice  de  cefîion ,  le  créancier 
peut-il ,  pour    l'en   faire  débouter  ,  être  admis  à 
prouver  par  témoins  que  c'eft  en  temps  de  foire 
qu'a  été  fait  le  marché   fur  lequel  efl;  fondée  fa 
créance  ,  &  dont  il  y  a  un  aé^c   par  écrit  qui  ne 
porte  point  de    date     du  lieu  où  il  a  été  pzffé. 
Danty  décide  que  cette  preuve  doit  être    admife. 
"  Quand   l'ordonnance ,  dit-il,',  défend  la  Preuve 
"  de  ce  qui  ne  fe  trouve  pas  rédigé  par  écrit  dans 
»  l'aéîe ,  elle  n'a  entendu  parler  que  des  conven- 
')  tions  qui  en  font   partie  ,    parce  qu'ayant   été 
»  libre    aux    contraélans  de  les   y   comprendre  , 
"  s'ils  ne  l'ont  pas  fait ,  elle  préfume  qu'ils  les 
')  ont  omifes  à  deflcin  ,  &  elle  ne  veut  pas  qu'on 
n  les  puiiTe  fuppléer  malgré  eux  par  une  Preuve 
»  tcftimoniale  faite  après  coup  :    mais  à   l'égard 
'>  de  la  date  de  l'ade  ,    ce  n'efl  point  une  con- 
î>  v£ntion,elIe  ne  dépend  pas  même  en  quelque 
5)  forte  du  fait  des  parties  ,  puifque,  foit  qu'elle 
»  foit  exprimée  ou  non,  il  efl  toujours  vrai  de 
"  dire    qu'il  y   en   a  une ,   laquelle   efl  certaine 
»  quand  l'aâe  a  été  une  fois  pafiTé ,  &  que   par 
"  conféquent  ne  s'agiflant  que  de  la  vérifier  ,  ce 
»  qui  efl  un  fimple  fait,   la  Preuve  par  témoins 
^y  en  doit  être  reçue  ;  ce  qui  doit  aufiii  avoir  lien 
')   dans  tous  les  autres  contrats  dont  la  date  a  été 
1)   omife ,  le  contrat,   tel  qu'il   eft  , tenant   lieu   en 
)>  quelque  forte  en  ce  cas  du  commencement  de 
■»  Preuve  par  écrit  ». 

La  défenfe  de  recevoir  la  Preuve  teilimoniale 
contre  &  outre  la  teneur  d'un  afle,  a  lieu  in- 
diftinflement ,  c'e(l-à-dire  ,  foit  que  la  chofe  foit 
au-de/Tus  ou  au-deifous  de  cent  livres  :  on  a  vu 
ci- devant  que  l'ordonnance  de  1667  en  contient 
une  difpofition  formelle. 

Cette  défenfe  doit-elle  emi)ècher  qu'on  n€  prou- 
ve partémoins  le  payement  d'une  fomme  nu-def- 
fous  de  cent  libres,  Se  à  compte  ou  à  l'acquit 
d'uneobligntion  qui  excède  ou  égale  cette  fomme  ?' 
L'affirmative  ne  fouftriroit  aucun  doute  dans  le  cis 
où  l'on  aniculeroit  plufieurs  payemens  de  cette 
cfpece,qui,  réunis,  formeroient  un  total  au  def- 
fus  de  cent  livres  :  c'eft  ce  qu'a  jugé  un  arrêt  du 
parlement  d'Aix  du  ao  décembre  1640,  rapporté 
par  Bonitace.  On  cite  a  la  vérité ,  des  arrêts  contrai- 
res du  parlement  ^e  Paris  ;  mais  ils  font  des  3  mars 
1573,16  décembre  1577  SC1580,  &  conféquem- 
mentils  ont  été  rendus  dans  un  temps  cù,peu  fami- 
liarifé  avec  l'ordonnance  de  Moulins  qu'on  re- 
gardoit  comme  une  loi  exorbitante  ,  on  doutoit 
encore  fi  le  payement  en  général  étoit  compris 
dans  fa  difpofition. 

Lorfqu'on  n'articule  qu'un  payement  au  deïïbus 
de  cent  livres,  il  fcmble  que  la  Preuve  en  peut 
être  faite  par  témoins.  C'pft  ce  qu'ont  jugé  deux 
arrêts,  l'un  du  parlement  d'^ix,  rapporté  par  Bo- 
niface  immédiatement  après  celui  du  ao  décembre 
1640  q^ue  nous  venons  de  citcri  &  l'autre  de  la  cour 


PREUVE. 

des  aides  de  Paris  ,  rapporté  au  journal  du  palais 
fous  la  date  du  30  août  1682.  Tel  eft  aufFi  le 
ientiment  de  Pothier  :  »  La  difporuion  de  l'or- 
n  doRHance  qui  défend  la  Preuve  par  témoins 
V  contre  &  outre  le  contenu  aux  a6>es  ne  re- 
)'  çoit  ici  niicunc  application  ;  car  le  débiteur  ,  en 
»  demandant  à  prouver  ce  payement ,  ne  demau- 
»  de  pas  à  prouver  rien  qui  ioit  contre  l'afte  qui 
n  renferme  foii  obligation;  il  n'attaque  point  cet 
»  aéte,  il  convient  de  tout  ce  qui  y  eft  contenu  : 
»  ce  n'eft  donc  point  une  Preuve  contre  l'ade 
»  qu'il  demande  à  faire,  de  laquelle  on  puiffe  dire 
»  que  l'ordonnance  l'a  exclus. 

jj  Cependant,  ajoute  Pothier ,  je  vois  que  dans 
»  l'iifage  ,  foit  par  une  mauvaife  interprétation 
jj  qu'on  a  donnée  à  l'ordonnance  ,  foit  pour  qiiel- 
»  que  autre  raifon ,  on  refufe  la  preuve  teflimo- 
j>  niale  des  payemens  d'une  dette  dont  il  y  a  un 
3>  a61e  par  écrit  ".  Cet  ufage  eft  fans  doute  fon- 
dé fur  !a  loi  18  ,  C.  de  tejîibus  ,  &  la  novelle  ço  , 
quiveu'ent  que  le  payement  d'une  dette  dont  il 
y  a  une  obligation  par  écrit ,  ne  puifte  être  prouvé 
que  p:ir  écrit  on  par  la  d.pofjtion  uniforme  de  cinq 
témoins  irrcprochables  ,  &  qui  aient  été  appel-'s 
exprès  par  le  débiteur  pour  être  préfens  à  la  nu- 
mération  des  deniers. 

Du  refte  ,  voici  un  arrêt  récent  qui  confirme  cet 
ufage. 

Le  29  mars  1778  ,  promefte  de  Bernard  Morin 
en  faveur  de  Jofeph  Arnaud,  de  200  livres  paya- 
bles aux  fêtes  de  Noël  de  la  même  année. 

Le  premier  mai  1779,  fentence  qui  condamne 
Morin  au  payement. 

Quelques  moi^  après,  payement  par  Morin  de 
96  livres  à  compte  fans  pr-:ndrc  de  quittance. 

En  cet  état,  décès  de  Bernard  Morin  &  de  Jo- 
feph   Arnaud. 

Jofeph  Arnaud  fds,  héritier  de  fon  père, reprend 
bienrijfcj^près  les  poufuites  en  payement  contre 
le  fieurMorin  ,  héritier  du  débiteur. 

In  limine  litis  ,  le  fieur  Morin  propofe  l'imputa- 
tion des  ^6  livres  payées  par  Bernard  Morin  ;  of- 
fre le  furplus  &  les  frais:  (ubfidiaircment ,  il  de- 
mande à  prouver  le  payement. 

Arnaud  fils  refufe  l'imputation,  s'oppofe  à  la 
preuve  ,  &  offre  fon  ferment  de  ne  pas  connoître 
le   payement. 

Le  25  mars  1782,  fentence  qui  aJjugc  à  Ar- 
naud fils  fes  conclufions. 

Appel  au  parlement  de  Grenoble  ,  de  la  part 
du  fieur  Morin. 

La  caufe  portée  à  l'audience  de  !a  grand'cham- 
bre  ,  on  foutenoit ,  pour  le  (ieur  fvlorin  ,  aue  la 
Preuve  par  témoins  àu-deflbus  de  100  livres  à 
compte  d'une  plus  forte  fomme  portée  par  un 
sQe  écrit ,  étoit  recevable. 

On  fe  fondolt  fur  la  difpofition  des  loix  15  in 
txtrctndis  j  diU  code  de  JïJe  injîrurne/itomm  ,Bi  x3  , 


PREUVE.  581 

tefilum  facUitatem  .  de  teflibus  ;  fur  la  jurifprudence 
du  parlement  d'Aix  atteftée  par  Boniface;  enfin  fuf 
l'arrêt  du   30  août   1682  cité  plus  haut. 

Pour  la  défenfe  d'Arnaud  fils ,  on  argumentoit  de 
In  décifion  de  la  loi  première  ,  au  code  de  teftibus  , 
conçue  en  ces  termes  :  contra  leflhnonium  jcrlptum 
tejl'.inijnium  non  fcripcurn  non  fercur ,  &  de  la  maxime 
du  jurifconfuhe  Paul,proKr  quïf^ue  contraRus  ejt,ita. 
& jolvi  dibcf^  enfin  on  citoitprincipalem.entra'rticle 
54  de  l'ordonnance  de  Moulins^  &  l'article  2  ùvi 
titre  20  de  celle  de  i-66j  ,  qui  défend  la  preuve 
par  témoins,  outre  &  contre  le  contenu  aux    a6les, 

A  cela  on  cbjedoit  que  la  maxime  du  jurif- 
confulte  Paul  n'étoir  point  prohibitive  de  la  Preuve 
par  témoins,  pour  la  libération  au-defious  de  ico 
livres  ;  &  on  s'autorifoit  de  l'opinion  de  Boiceau. 
On  difoit  que  la  maxime  contra  Jcriptum ,  è(.  l'or- 
donnance de  Moulins,  ainfi  que  celle  de  1667, 
par  les  mots  outre  &  contre  le  contenu  aux  aEles  ^ 
n'avoient  point  entendu  défendre  la  Preuve  tef- 
timoniale  d'un  payement,  parce  que  ce  payement 
étoit  un  fait  poftérieur  à  Taflc  d'obligation ,  qui, 
loin  de  détruire  le  fait  de  cet  aéle  ,  le  prêt  d'ar- 
gent, le  confirmoit  au  contraire. 

On  invoquoit  le  fentiment  de  plufieurs  jurifcon- 
fultes  &  arréiiftes,  de  le  Grand,  fur  la  coutume 
de  Troyes,  article  164,  de  Danty ,  de  Bafîet ,  quî 
tous  avoient  ainfi  interprété  les  mots  de  la  maxime 
contra  fcripi uni,  &  ceux  de  l'ordonnance;  &  ea 
conféquence  avoient  jugé  que  la  preuve  par  té- 
moins étoit  recevable  pour  la  libération  contre  v.n 
acîe  écrit,  lorfque  le  payement  n'excédoit  pas  le 
taux  de  l'ordonnance. 

Par  arrêt  rendu  à  la  grand'chambre  le  10  dé- 
cembre 1782,  la  fentence  du  premier  jugea  été 
confirmée.  M.  Duport  plaidoit  pour  Arnaud  fils,ik: 
M.  Bernard  pour  le  fieur  Morin. 

Cet  arrêt  a  donc  jugé  que  les  mots  de  l'ordon- 
nance outre  6"  contre  le  contenu  aux  ailes  ,  exciuoit 
même  la  preuve  par  témoins  des  payemens  pofté- 
tieurs  ,  quoiqu'au  deftbus  de  cent  livres;  ik.  que 
pour  fe  libérer  d'un  dette  conftatée  par  un  ade 
é:rit  ,  il  f<illoit  une  quittance. 

L'ordonnance  de  1667  décide  que  la  défenfe  de 
recevoir  la  Preuve  par  témoins,  foit  d'une  chofe 
dont  il  n'a  point  été  dreflc  d'acte  ,  foit  contre  ou 
outre  le  contenu  d'un  aéle,  n'a  pas  lieu  lorfqu'il 
exifte  un  commencement  de  Preuve  par  écrit. 
Anfelmo  prérend  qu'il  eh  doit  être  tout  autrement 
dans  les  Pays-Bas,  fous  prétexte  que  l'édit  per- 
oetuel  rejette  indéfiniment  la  Preuve  teftimoniale 
dans  les  matières  qui  excèdent  trois  cents  florins-; 
mais  l'ordonnance  de  Moulins  qui  eft  conçue  dans 
les  mêmes  termes  que  l'édit  perpétuel ,  n'a  jamais 
été  regardée  ,  avant  celle  de  1667  ,  comme  un  obf- 
tacle  à  l'admifiîon  de  cette  Preuve  dans  les  cas  ou 
il  y  avoit  un  coirmercetnent  de  preuve  par  écrit  ; 
S:  il  eft  certain  que  l'édit  rerpétuel  eft  interprété 
de  même  au  parlement  de  Flandres.  Voyez  les  ar- 


^U  pp.  EUVE. 

têts  de  M.  de  Follet ,  partie  3  ,  n.  3  5   (i). 

On  n'entrera  point  dans  le  détail  des  difTérens 
genres  de  commencement  de  preuve  par  écrit. 
On  peut  voir  ce  que  nous  en  avons  dit  dans  le 
§.  I  de  cette  feâion,  6c  l'article  Commencement 
DE  Preuve. 

Celui  qui  ne  peut  pas  être  admis  à  prouver  di- 
reftement  une  choie  par  témoins  ,  ne  peut  pas  non 
plus  prouver  par  cette  voie  que  fa  partie  advorfe 
en  eft  convenue  verbalement  en  présence  de  pUi- 
fieurs  perfonnts,  C'eft  ce  qu'a  jugé  un  arrêt  du 
parlement  de  Paris  du  26  juillet  1647  ■>  rapporté 
parSoèfve;&  c'eft  ce  que  décide  une  d-:c!aration 
du  confeil  privé  de  Bruxelles  du  18  novembre 
1627  ,  inférée  dans  le  commentaire  d'Anfelmo  fur 
l'édit   perpétuel. 

Rommelius  autre  commentateur  de  cette  loi  , 
prétend  ,  fur  le  fondement  de  la  loi  18  ,  C.  de  tcf 
tihus ,  que  la  dépofition  de  cinq  témoins  doit  équi- 
valoir à  une  preuve  écrite,  Se  conféqucmment  n'eft 
pascomprife  dans  la  défenfe  d'admettre  la  preuve 
teftimoniale  à  l'égard  des  matières  au-defiiis  de  trois 
cents  florins.  Mais  cette  doflrine  a  été  condamnée 
formellement  par  une  déclaration  du  confeil  pii- 
vé  de  Bruxelles,  rendue  le  12  mai  1634  ,  furies 
remontrances  des  états  de  la  province  de  Lille. 

L'ordonnance  de  Moulins  ,  celle  de  1667  ,  Si 
l'édit  perpétuel,  n'ont  défendu  la  Preuve  tefli mo- 
niale que  relativement  aux  chofcs  dont  il  a  été 
moralement  poiTTÙle  à  ceux  qui  voudroient  la 
faire  ,  de  fe  procurer  une  preuve  littérale  (2).  De 
là  réfultent  plufieurs  exceptions  à  cette  défenfe. 


(l)  Danty  répond  par  une  eneiir  de  fait  à  l'erreur  de  droit 
d'Anfelmo.  «  11  faut,  dit-iJ  ,  oblsrver  que  du  moins  en  Hai- 
3>  neuf,  cù  Vordonnancc  et  H6-'  efl  ohiffée  depuis  1689  ,  la 
»  Pn  uve  par  ré;iioins  doit  être  ad;iiife  fjuand  il  y  a  un  com- 
»  mencement  de  Preuve  par  ccrii  '  .  Voyez  l'article  Douai  , 
tome  hxième. 

(1)  C'ejî  ce  que  prouve  fort  bien  M.  V  avocat  général  Jjly  de 
Thury  ,  dans  Jon  plaidoyer  du  i  août  1706,  rapporte  au  jour- 
nal des  i^udiences. 

Cl  Quand  la  loi ,  dit-il  ,  a  voulu  qu'il  fût  pafT;  des  aâcs  de 
M  toutes  choies  excid^nt  la  valeur  de  cent  livres  ,  elle  n'a  pu 
»  certainement  comprendre  da-is  fa  difrolîtion  oue  les  cho- 
»  fes  dent  on  peut  paffcr  des  actes ,  c'ell:  .1  dire  ,  des  choies 
M  i]ui  tombent  en  convention,  qui  peuvent  faire  Ja  matière 
M  d'un  contrai.  La  loi ,  toujours  fage  dans  fes  difpolitioDs , 
3.  n'a  pas  voulu  réduire  les  hommes  à  pratiquer  une  chofc 
»  impoflible;  c'efl  pour  cela  qi.-e  les  choies  qui  ne  pcuv'ent 
M  fe  ré'iijjf  r  par  éciit ,  qui  ne  font  fufceptibles  de  conven 
»  tien  ,  n'ont  jamais  été  compiifes  dan,  ceae  difpoficion  ; 
M  tels  l'ont  tous  les  faits  qui  arrivent  entre  une  eu  plufieurs 
M  pcrfonnes  ,  au  préjudice  d'un  tiers  qui  n'a  pu  ètie  partie  ; 
M  tels  font  en  particulier  tous  les  délits,  qui,  bien  loin  de 
M  pouvoir  faire  la  matittc  d'un  aûe ,  fe  commett.-nt  toujours 
=0  avec  la  précaution  ou  fecret ,  fous  le  voiie  duquel  oncher- 
«  che  à  éviter  la  punition  que  Jes  crimes  peuvent  mériter. 
M  Que  il  dans  ce  tas  il  n'eft  pas  polîible  d'avoir  des  actes 
»  peut  le  prouver,  &  que  la  première  difpofition  de  l'ordon- 
w  kl.  ce  ne  puifleavoir  lieu  ,  on  ne  peut  douter  <]ue  la  fs- 
»  conde  difpofiiion  n'y  ait  aucune  application  ;  elle  nedé- 
»  fend  la  Preuve  par  témoins  que  parce  qu'elle  enjoint  de 
»  p.-.iVer  des  ades  ;  elle  ne  peut  donc  la  défendre  dans  Jes 
M  cas  où  il  n'ert  pas  poflîble  d'avoir  cette  fureté  ». 


PREUVE. 

1".  Les  conventions  faites  dans  des  circonftanccs 
qui  ne  permettent  pas  d'en  drefferun  aéie,  peuvent 
être  prouvées  par  témoins.  C'eft  ce  que  décident 
les  articles  3  &  4  du  titre  20  de  l'ordonnance  de 
1667  ,  par  rapport  aux  dépôts  nécefTaires  qui  fe 
font  en  cas  d'incendie  ,  de  ruine  ,  de  tumulte  ,  de 
naufrage,  ou  par  les  voyageurs  entre  les  mains  de* 
hôtes  &  hôt^ffes  des  hôtelleries  où  ils  lr;genr. 

2".  L'obligation  qui  naît  d'un  quafi-contrat  eft 
pareillcmenr  ;u.fceptible  de  la  Preuve  par  témoins , 
parce  qu'elle  fe  contrat^e  fans  le  fait  de  la  perfonne 
à  qui  elle  e/l  acquife,  &  que  par  conféquent  il  n'a 
pas  été  au  pouvoir  de  celle-ci  de  s'en  procurer  une 
Preuve  par  écrit.  Ainfi  ,  dit  Pothier  ,  «  f]  quelqu'un  , 
»  pendant  mon  ab'énce,a  fait  valoir  mes  terres,  a 
»  fait  la  m.oiffon  .  les  vendanges ,  a  vendu  les  bleds 
'>  oc  les  vins  qui  en  font  provenus,  il  doit  meren- 
»  dre  compte  de  cette  adminiftration  ;  s'il  difcon- 
»  vient  de  cette  adminiflration  ,  la  Preuve  teftimo- 
»  niale  ne  m'en  peut  être  refufée  ;  car  je  n'ai  pas 
«  fu  m'en  procurer  une  autre  Preuve  ". 

Mais  la  perfonne  qui  a  géré  de  cette  manière  les 
affaires  d'un  abfent ,  peut-elle  prouver  par  témoins 
les  avances  &  débourfés  qu'elle  a  faits  pour  lui  ?  Il 
eft  certain  qu'en  général  on  ne  doit  pas  le  lui  per- 
mertrc  ,  parce  qu'il  lui  a  été  facile  de  tirer  des 
quittances  de  t^us  ceux  h  qui  elle  a  fait  des  p^y^- 
mcns  relatifs  à  fon  adminiilration.  Si  cependant  les 
avances  avoient  tourné  à  l'amélioration  des  affaires 
de  l'ahfent,  en  forte  qu'il  parût  évidemment  qu'elles 
ont  été  faites,  on  pourroit  en  conftater  le  mon- 
tant par  la  Preuve  teflimoniale  :  cela  dépend  des 
circonHances  &  de  la  prudence  du  juge. 

3".  On  ne  peut  refufer  la  Preuve  par  témoins 
des  délits  &  quafi  délits ,  foit  que  la  réparation  en 
foit  demandée  par  la  voie  criminelle  ou  par  la 
voie  civile.  C'eft  fur  ce  fondement  que  l'ordon- 
nance de  1667 ,  titre  j8  ,  article  3  ,  porte,  que  «  Il 
w  le  défendeur  en  complainte  dénie  la  paOiij^ofi 
3)  du  demandeur,  ou  de  ravoir  troublée,  on  qu'il 
»  articule  poffcfllon  contraire  ,  le  juge  appointera 
»  les  parties  à  informer  ". 

Noms  difons  qu'il  ne  faut  pas  diftinguer  en  ce 
cas ,  fi  la  partie  offenfée  par  le  délit  en  ponrfuit  la 
réparation  par  demanda  ou  par  plainte.  C'eft  en 
effet  ce  qu'établit  nettement  M.  l'avocat  général 
Joly  de  Fleury  dans  le  plaidoyer  que  nous  venons 
de  citer  en  note  :  «  Ce  n'eft  point  la  voie  civile  ou 
»  la  voie  criminelle  que  la  partie  a  chcifie  ,  qui 
3)  décide  pour  y  appliquer  l'ordonnance  ,  ou  pour 
»  s'en  écarter;  on  peut  pourfuivre  légitimement 
»  par  la  voie  civile  ,  des  délits  dont  la  Preuve  par 
»  témoins  peut  être  adm.iffible.  On  ne  peut  inrro- 
»  duire  centre  les  règles  .  par  la  voie  criminelle  , 
»  une  Preuve  indirefle  d'im  fait  qui  ne  peut  être 
n  prouvé  par  témoins;  c'eft  la  nature  du  fait  dont 
»  on  demande  la  Preuve  par  témoins ,  qui  doit 
»  entièrement  décider  ». 

Il  eft  cependant  certains  délits  dont  les  tribu- 
naux ont  quelquefois  rejeté  la  Preuve  teftimoniaie. 


PREUVE. 

Voyez  rartlcle  Simonie  ,  &  les  arrêts  des  19  mal 
1722  &  17  mai  1736,  rapportés  au  mot  Adul- 
tère. Ces  exceptions  piirticulières  ont  pour  motif 
la  crainte  de  troubles  Si.  d'inconvéniens,  qu'on  re- 
préfente  comme  plus  dangereux  que  les  délits 
mêmes. 

Lei  dMits  qui  font  accefToircj  à  des  conventions 
&  en  dépendent  totalement ,  ne  peuvent  être  prou- 
vés par  témoins  ,  quand  même  ils  feroient  d'ail- 
leurs fufceptibles  par  eux-mêmes  de  cette  efpèce 
de  Preuve.  Par  exemple  ,  il  eft  confiant  qu'on  peut 
prouver  par  témoins  l'ingratitude  d'un  donataire 
envers  le  donateur  ;  c'eft  ce  qu'établilTint  Per- 
rière fur  la  coutume  de  Paris ,  Furgole  dans  fon 
traité  des  teftamens ,  &  c'efl  ce  qu'a  jugé  un  arrêt 
du  parlement  d'Aix  du  17  juin  1661  ,  rapporté  par 
Boniface.  Si  cependant  l'ingratitude  réiultoit  de 
1  inexécution  de  claufes  non  écrites  dans  l'aé^e  de 
donation  ,  la  Preuve  tertimoniale  n'en  feroit  pas 
^idaiillible  ,  parce  qu'elle  entraîneroit  celle  de  clau- 
f  ?s  non  écrites  ,  contre  la  défenfe  expreîTe  de  l'or- 
donnance. Tel  ell  l'avis  de  Ricard  ,  &  Furgole  le 
jufline  par  des  raifons  fans  réplique  :  "  N'étant 
j>  queftion  ,  dit-il ,  que  de  la  Preuve  de  la  conven- 
»  tion  ,  on  ne  peut  pas  dire  qu'il  s'agiffe  de  la 
«  Preuve  d'un  crime,  qui  ne  peut  venir  que  pof- 
»  térieurement  à  la  convention  8c  par  la  contra- 
}>  vention  ;  a  nfi  il  ne  faut  pas  confondre  ces  deux 
»  chofes  :  la  convention  ciï  un  fait  purement  civil 
»  &  ne  tient  rien  du  criminel  ;  c'eft  (eulement  elle 
5)  qui  donne  lieu  au  crime  par  la  contravention  ;  il 
ï>  faut  donc  borner  la  Preuve  au  feul  fait  de  la 
H  contravention,  quand  le  fait  de  la  convention 
»  eft  prouvé  par  écrit  ;  mais  on  ne  peut  pas  être 
M  reçu  à  la  Preuve  de  la  convention  ,  qui  eft  le 
M  principal ,  fous  prétexte  qu'on  feroit  recevable 
»  à  la  Preuve  de  la  contravention  ,  qui  en  efl  l'ac- 
»  ceffoire  ;  car  c'efl  bien  une  règle  que  le  princi- 
V  pal  attire  l'accefToire  ,  mais  non  pas  que  l'accef- 
»  foire  attire  le  principal  ». 

4°.  Un  arrêt  du  21  juillet  1639  ^  J"S^'  en  confir- 
mant une  fentence  du  juge  de  Moiumorency  ,  que 
des  cohéritiers  peuvent  prouver  par  témoins  ,  que 
les  efpèces  d'or  &  d'argent  trouvées  dans  une  mai- 
fon  échue  au  lot  de  leur  cohéritier  ,  y  ont  été  ca- 
chées parle  défunt.  Les  motifs  de  cet  arrêt  font  re- 
tracés dans  le  plaidoyer  de  M  l'avocat  général 
Bignon  ,  furies  conclufions  duquel  il  a  été  rendu  : 
«(  La  Preuve  par  témoins  ,  difoit  ce  mcigiflrat ,  ne 
j)  \'a  point  ,  en  ce  cas  ,  contre  l'ordonnance  de 
»  Moulins,  qui  n'a  lieu  que  pour  les  conventions 
»  &  pour  obvier  aux  faulfetés  qui  fe  commettent 
»  par  la  trop  grande  facilité  &  corruption  des  té- 
»  moins  ;  à  quoi  l'ordonnance  a  voulu  remédier  ; 
j)  en  telle  forte  que  celui  quia  pu  prendre  fon  af- 
»  fiïMince  par  écrit ,  &  qui  ne  l'a  pas  fait  ,  doit 
»  imputer  cette  foute  à  fa  négligence  &  à  fa  trop 
«  grande  facilité  de  s'être  confié  à  celui  qui  l'a 
J)  trompé  ,  &.  qui  ne  tient  pas  fa  parole.  Mais  tou- 
«  tes  les  fois  qu'il  fe  préfente  des  faits  à  la  Preuve 


PREUVE.  sh 

»  defquels  on  n'a  pu  penfer  ni  y  pourvoir  &  s'en 
»  affurer  par  écrit  ,  alors  rien  ne  pouvant  être 
r>  imputé  à  la  partie  ,  la  Preuve  par  témoins  de 
»  tels  faits  ne  doit  point  être  rejetée  co.-îmie  con- 
"  traire  f;  l'urdonnance.  Par  exemple  ,  en  la  caufe  , 
"  il  étoit  impulTible  que  le-;  intimés  s'afiuraffent  & 
'■  fc  muniifent  d'aucune  Preuve  par  écrit  de  tous  les 
»  faits  qu'ils  articulent ,  puifqu'ils  n'ont  jamais  fu 
»)  ni  vu  que  leur  mère  ou  quelque  autre  eût  caché 
V  de  l'or  ou  de  l'argent  dans  la  maifon  qui  leur 
)i  appartenoit  >k 

5"".  La  cour  des  aides  de  Paris  a  jugé  par  arrêt  dti 
7  mai  1691  ,  rapporté  au  journal  des  audiences, 
«  qu'y  ayant  un  procês-verbal  de  commis  ,  por- 
j>  tant  qu'ils  avoient  trouvé  du  tabac  en  fraude 
»  dans  l'écurie  d  un  cabaretier,  &  le  voulant  faire 
»  condamner  à  l'amende  ,  comme  coupable  ou 
»>  complice  ,  celui-ci  eft  recevable  à  prouver  par 
'»  témoins  que  ce  tabac  a  été  caché  chez  lui  à  fon 
17  iniçu  par  une  perlojine  qui  y  avoit  logé  ». 

6^.  Un  arrêt  cle  1710,  rendu  à  la  grand'cham- 
bre,  3c  inféré  dans  le  même  recueil,  a  jugé  qu'on 
"  poiivoit  prouver  par  témoins  qu'un  don  mutuel 
»  avoit  été  fait  pendant  la  maladie  dont  un  des 
>f  donateurs  êtoii  décédé  ». 

7".  On  trouve  encore  dans  le  journal  des  au- 
diences un  arrêt  du  12  mars  1707,  qui  permet  à 
un  fils  de  maître  de  prouver  par  témoins  ,  avant 
d'être  admis  à  la  maîtrife  ,  ^uil  a  été  cheifon  père  , 
fuifjp.t  profejjîon  de  marchandife  jufquà  L'âge  de  dix- 
J'epi  ans. 

8".  Dans  tous  les  cas  dont  nous  venons  de  par- 
ler ,  la  Preuve  tefîimoniale  a  été  admife,  parce  que 
la  qualité  des  faits  n'avoir  pas  permis  de  s'en  pro- 
curer une  Preuve  écrite  :  il  y  en  a  d'autres  où  on 
juge  encore  de  même  ,  quoique  les  faits  foienc  fuf- 
ceptibles d'une  rédaction  par  écrit  ;  ce  font  tous 
ceux  où  il  s'agit  de  faits  qui  fe  font  palfés  entre 
des  tiers.  La  raifon  en  efl,  qu'alors  on  n'eft  point 
en  faute  de  n'avoir  pas  tiré  une  Preuve  écrite  da 
ces  faits ,  puifqu'on  n'y  cfl  point  intervenu  ,  Se 
qu'on  n'a  pas  dû  y  intervenir. 

a  C'eil  pourquoi  ,  dit  Pothier,  un  fcigneur  peut 
»  être  reçu  à  prouver  par  témoins  contre  un  con- 
»  trat  de  vente,  que  i  héritage  a  été  vendu  pour 
»  un  prix  plus  confidérable  que  n'efl  celui  qui  a 
»  été  exprimé,  dans  la  vue  de  diminuer  les  profits 
»  qui  lui  font  dus  ».  Brodeau  fur  M.  Louet ,  lettre 
T  ,  §.  7  ,  rapporte  deux  arrêts  des  ao  mars  1607  & 
4  juin  1609,  qui  ont  jugé,  d'après  ce  principe  , 
qu'un  feigneur  peut  prouver  par  témoins  qu'un 
contrat  q.ialifié  d'éclii^nge  n'ell  en  eflêt  qu'une 
vente  fimulée.  "Voyez  l'a.'-îlcle  Droits  seigneu- 
riaux. 

Par  la  même  raifon,  «  un  lignager,  dit  encore 
»  Pothier  ,  fera  admis  à  prouver  par  témoins  que 
)>  l'héritage  a  été  vendu  pour  im  prix  moins  confi- 
»  dérable  que  celui  qui  a  été  exprimé  ,  &  grofu  en 
))  t'raude  du  droit  de  retrait  ».  On  peut  citer,  3 
l'appui  de  cette  décifion  ,  un  arrêt  du  2  oclobre 


5^4  PREUVE. 

1582,  par  lequel  il  a  été  jugé,  fuivant  M.  Louer, 
«  que  l'ordonnance  de  Moulins  n'avoit  lieu  en  t'ait 
»)  de  fraude  alléguée  contre  un  bail  à  rente  perpé- 
j>  tuelle  d'un  héritage  auquel  on  vouloit  venir  par 
ï)  droit  de  retrait  lignager  ;  le  fait  étant  que  hors 
«  du  contrat  il  y  avoit  eu  promeflTe  ik  faculté  ac- 
'»  cordée  de  racheter  la  rente,  argent  baillé  par 
î>  l'acquéreur ,  èfquels  cas  il  y  avoit  retrait  par  la 
»  coutume  d'Orléans  » 

Il  réfulre  du  même  principe  ,  qu'on  doit  admet- 
tre la  Preuve  teilimoniale  des  iidcicommis  tacites. 
Ceftaufli  ce  qu'ont  jugé  plufieurs  arrêts.  M.  d  O- 
live  en  rapporte  deux  du  parlement  de  Touloufe 
des  4  mai  1628  &  23  juillet  1631.  Furgole  nous 
en  a  confcrvé  un  autre  rendu  par  la  même  cour  le 
8  août  1738.  Boniface  en  rapporte  un  Icmblable 
intervenu  au  parlement  d'Aix  le  11  février  1665. 
On  en  trouve  un  dans  Peleus,  queAion  i"^}  ,  qui  a 
jugé  la  même  chofe  ;  8c  le  parlement  de  Paris  , 
dont  il  efl  émane  ,  en  a  encore  fuivi  la  décilion  par 
un  autre  du  9  février  1661  ,  rapporté  dans  le  re- 
cueil de  Soefve.  Il  y  en  a  ,  à  la  vérité  ,  deux  qui 
paroifTent  avoir  jugé  le  contraire  ;  on  les  trouve 
dans  Bardet  8c  Soefve  ,  fous  les  dates  des  premier 
février  1635  8c  5  mai  1672  ;  mais,  dit  Fuigole, 
<i  ils  doivent  avoir  eu  pour  fondement  des  cir- 
5)  confiances  particulières  ». 

Dans  toutes  ces  efpèces ,  il  s'agit,  comme  on 
voit ,  de  fraude  pratiquée  au  préjudice  d'un  tiers  , 
6c  laPreuve  teflimoniale  en  eftadmiié  par  les  ar- 
rêts: M.  d'Agueffeau  ,  dans  fon  trente-neuvième 
plaidoyer,  donne  trois  raifons  de  cette  jurifpru- 
dence.  «  1°.  S'il  étoit  défendu  d'admettre  cette 
>?  Preuve,  la  loi  fe  défarmeroit  elle-même,  &  fe 
>?  mettrait  dans  rimpuilfance  de  conneîrre  le 
3)  crime  qu'elle  veut  réprimer.  Le  danger  de  la 
5>  fraude,  qui  feroit  ainfi  toujours  impunie  ,  eft 
^>  encore  plus  grand  qne  celui  de  la  féduélion  des 
»  témoins ,  que  la  juftice  ne  manqueroit  pas  de  pu- 
5»  nir.  2".  La  fraude  eft  un  genre  de  crime  ,  &  le 
3>  crime  fe  prouve  par  témoins.  3".  La  fraude  cher- 
3»  elle  toujours  à  fe  cacher ,  Si  il  feroit  fouvent 
3)  impoffible  de  la  connoître  fans  prendre  cette 
3»  voie  M. 

Doit-on  décider  de  même  lorfque  la  fraude  eft 
alléguée  par  une  des  parties  qui  ont  figné  l'aéle  dans 
kquel  on  prétend  qu'elle  eft  intervenue  ':  Les  au- 
teurs ne  paroiiTent  pas  allez  diftinguer  ce  cas  d'avec 
le  précé.ient  :  il  eft  certain  néanmoins  qu'il  y  a 
tfntre  l'un  &  l'auire  une  différence  trés-fenfjble. 
Qu'un  tiers  puifié  prouver  par  témoins  la  fimula- 
tion  d'un  contrat  auquel  il  n'a  aucune  part ,  rien  de 
plus  naturel  ni  de  plus  fimple.  Pourquoi  lui  impu- 
teroit-on  de  ne  s'éire  pas  procuré  une  Preuve  écrire 
d'un  fait  paiTé  hors  de  fa  préfence  &  qu'il  a  dû  igno- 
rer ?  Mais  fi  vous  admettez  les  parties  contraflantes 
à  la  Preuve  tellimoniale  des  faits  de  dol  &  de  frau- 
de qu'elles  articuleront  pour  rendre  leurs  figna- 
tures  fans  effet ,  quel  fera  l'aâe  fur  lequel  on  pourra 
compter  avec  afiurance  .''  Quel  fera  le  contrat  allez 


PREUVE. 

folemnel  pour  réiiiter  aux  atteintes  qu'on  lui  por- 
tera avec  des  témoins  mendiés  ou  furpris  }  Je  vous 
paye  vne  fomme  confiJérable  que  je  vous  devois , 
ix.  je  crois  être  en  sûreté  avec  votre  quittance  ; 
point  du  tout,  un  mois  après  vous  venez  demander 
à  prouver  par  té.moins  que  vous  m'avez  donné 
conlidemment  ,  ou  (juc  je  vous  ai  furpris,  fans 
vous  compter  un  fou,  la  quittance  dont  je  fuis 
muni  ;  &  fi  le  juge  a  la  foibleffe  d'admettre  votre 
Preuve,  voil.i  m-i  décharge  anéantie  !  Un  marchand 
figne  une  obligation  écrite  d'une  main  étrangère  : 
fon  créancier  s'en  contente  ,  dans  la  certitude  que 
la  déclaraiion  de  1733  en  aflure  la  validité  ;  &  ce 
marchand  viendra  en  fuite  ,  à  la  taveur  d'un  com- 
plot ménagé  avec  quelques  témoins  ,  prouver  qu'il 
n'a  donné  à  fon  créancier  qu'un  blanc  feing,dont 
celui-ci  a  abulé  !  Oions  le  dire,  un  pareil  lyftémc 
ne  peut  être  acceullli ,  fans  ouvrir  la  porte  à  des 
diflaiiiations  journalières  ,  fans  enhardir  ia  mauvaife 
foi  j  en  un  mot,  fans  précipiter  ia  fociécé  entière 
dans-  le  défordre  &  la  confufion.  AulTi  remarquons- 
nous  qu'en  général  les  cours  fouveralnes  1  ont  conf- 
tamment  rejeté  r^  les  deux  arrêts  du  parlement  de 
Normandie  dont  nous  avons  rendu  compte  ci-de- 
vant ,  en  t'ont  des  preuves  éclatantes  ;  &  iM.  l'abbé 
deRuallem,  qui  étoit  rapporteur  du  i'econd  ,  en 
citoit,  dans  fon  rapport,  un  autre  du  27  aviil 
1726,  par  lequel  le  lieur  d'Aniigny  avoit  été  dé- 
bouté de  l'entérinement  des  lettres  qu'il  avoit  pri- 
fes  contre  un  contrat  de  conftitution  de  cent  livres 
de  rentes ,  &  déclaré  non-recevable  dans  la  Preuve 
des  faits  de  dol  &  de  fraude  par  lui  articulés  contre 
cet  aéte.  La  même  chofe  a  été  j ugée  contre  l'héritier 
d'un  vendeur,  par  arrêt  du  parlement  de  Paris 
du  ■^  feptembre  1664,  inféré  dans  le  recueil  de 
Soefve. 

Il  faut  convenir  cependant  qu'on  doit  être  plus 
facile  à  admetrre  la  Preuve  par  témoins  dans  les 
matières  qui  font  naturellement  expofées  aux  frau- 
des ,  &  dans  lefquelles  il  el\  ordinaire  de  chercher' 
à  éluder  la  loi  ,  telles  que  l'ufure  Ôc  le  jeu.  Tout 
dépend  en  cela  de  la  qualité  des  parties  ,  de  leur 
condition ,  &  de  la  nature  des  faits  articulés.  'Voyez 
l'arrêt  du  30  juillet  1693  ,  rapporté  au  journal  des 
audiences ,  &   l'article  UsURE. 

Sur  la  queftion  ,  fi  on  peut  admettre  la  Preuve 
teftimoniaîe  des  faits  de  captarion  allégués  conne 
un  tei^amcnt  ,  &  démence  ,  articulés  contre  un 
afte  quelconque,  voyez  les  articles  Suggestion 

&    iNTERnlCTION. 

La  raifon  qui  oblige  à  recevoir  la  Preuve  par  té- 
moins des  faits  dont  la  partie  qui  les  allègue  n'a  pas 
pu  fe  procurer  un  ade  ,  oblige  aufTi  d'admettte  à 
cette  Preuve  celui  qui,  pv.r  un  cas  for  u't  8c  im- 
prévu ,  a  perdu  le  titre  qui  lui  feivoit  de  Preuve 
littérale.  «  Par  exerrple  ,  dit  Poîhier  ,  fi  dans  l'in- 
!)  cendie  ou  dans  le  pillage  de  ma  maifon  ,  jai 
)j  perdu  mes  papiers,  parmi  lefquels  étoient  des 

V  billets  de  mes  dcbireurs  à   qui  j'avois  préiéde 

V  l'argent,  ou  des  quittances  des  ibairaes  que  j'a- 

V  vois 


PREUVE. 

»  vois  payées  à  mes  créanciers;  à  quelque  fomme 
«  que  puill'ent  monter  ces  billets  Se  ces  quittances  , 


que  c  elt  par  un  cas  fortuit  6i.  inipi ,  

J'  ma  faute  ,  que  j'ai  perdu  les  billets  &  les  quit- 
«  tances  qui  formoient  ma  Preuve  littérale  ».  Cette 
do(51rine  eft  conforme  à  celle  de  Rommelius  fur  l'ar- 
ticle 19  de  i'édit  perpétuel ,  page  1 19;  de  Mathieu  , 
de  judiciis  ,  difput.  9  ,  «°,  67  ;  de  Struvius  fur  le  di- 
gerte,  exerça.  28  ,  n.  34  ;  de  Boiccau ,  chap.  1 5  ;  de 
Néron  fur  l'article  ,4  de  l'ordonnance  de  Moulins  ; 
de  Joufie  fur  celle  de  1667  ,  titre  20  ,  article  4  ; 
en  un  mot,  de  tous  les  auteurs  qui  ont  écrit  fur  cette 
matière  :  ils  fe  fondent  fur  l'injuftice  qu'il  y  auroit 
à  donner  au  hafard  la  vertu  de  priver  d'un  droit 
légitimement  acquis,  la  perfonne  qui  s'eft  confor- 
mée à  l'ordonnance,  &  à  qui  par  conféquent  ou  ne 
peut  rien  imputer.  On  peut  appliquer  ici  la  loi  18  , 
C.  de  teftihus  ;  elle  défend  d'abord  d'admettre  la 
Preuve  par  témoins  du  payement  d'une  dette  fon- 
dée en  titre,  &  enfuite  elle  ajoute  :  Sin  veto  faElj. 
ejUidcm  per  fcriptur^mf:curitasfit,fo!tuito  aiiiem  cafu 
\'d  incendie  ,  vtl  naufrjgii ,  vel  aiterius  infortnnii 
perempu  ,  tune  liceai  hii  ejui  hoc  perpeffi  jnnt ,  cjti- 
fdm  pcrempiionis  probaniibus  ,  eiiain  debhi  foliitioneri 
pcr  tcjles  prohare^  damnumque  ex  amijjione  inflrumcnii 
probare.  C'efl:  furie  même  fondement  que  l'ordon- 
nance de  1667,  après  avoir  établi  les  regilhes  des 
paroilTes  comme  les  feuls  titres  probans  en  matière 
d  âge ,  de  mariage  &  de  décès  ,  porte  que  :  «  û  les 
>'  regiflres  font  perdus,  la  Preuve  en  fera  reçue, 
J>  tant  par  titres  que  par  témoins  ». 

La  loi  romaine  que  nous  venons  de  citer,  ne 
permet  la  ?reuve  rertimoniale  dans  le  cas  dont  il 
s'agit,  que  lorfqu'on  prouve  le  fait  qui  a  caufè  !a 
perte  du  titre  :  caufam  peremptionis  probantibus.  C'eft 
auffi  ce  qu'enfeigne  Pothier  :  <i  Pour  que  le  juge  , 
»  dit-il,  puiffe  admettre  cette  Preuve,  il  faut  que  le 
"cas  fortuit  qui  a  donné  lieu  à  la  perte  des  titres  , 
»  qui  formoient  la  Preuve  littérale,  foit  confiant, 
v  Par  exemple,  dans  l'efpèce  ci-deltus  propofée  , 
"  il  faut  qu'il  foit  avoué  entre  les  parties ,  que 
"  ma  maifon  a  été  incendiée  ou  pillée  ,  ow  que  je 
i'  fois  en  état  de  le  prouver,  pour  que  je  puiffe 
"  être  admis  à  la  Preuve  tefiimoniale  des  prê:s 
»»  d'argent  ou  des  payemens  dont  je  prétends  avoir 
»  perdu  les  billets  ou  les  quittances  dans  l'incendie 
V  ou  le  pillage  de  ma  maifon  ». 

De-là,  il  réfulte  qu'on  ne  doit  point  admettre  à 
la  Preuve  telVimoniaîe  celui  qui  allégnela  perte  de 
{es  titres,  fans  conftater  le  fait  de'force  majeure 
qui  l'a  occafionnée.  C'ert  ce  qu'a  jugé  un  arrêt  du 
:>5  juin  1663  .rapporté  au  journal  des  audiences. 
On  demaridoit  à  prouver  par  témoins  ,  qu'une  qiiit- 
wnce  de  dot  avoit  été  vue ,  lue  &  tenue  par  des 
perfonnes  dignes  de  foi,  fans  articuler  rien  de  plus  : 
la  cour  a  rejeté  la  Preuve  (  i  ).  Il  y  a  à  la  vérité  , 

(j)  Voyez  Konifjce,  lome  i  ,  partiel  ;  livre  8  ,  chap.  S, 
Tom  XJII.  ^ 


PREU  VE.  5S5 

dans  le  même  recueil ,  un  arrêt  du  10  février  i(^(  o 
qui  reçoit  la  Preuve  tefiimoniale  du  feul  fait  qu'i.n 
tcftament  olographe  avoit  été  vu  &  lu  après  le  dé- 
cès de  la  teftatrice  ;  mais  c'cft  parce  que  ,  dans  cette 
efpèce  ,  il  cxiftoit  des  commcnzemens  de  Preuve 
par  écrit  de  Texiflence  &  de  la  teneur  ài\  teflamcnt. 
Le  mari,  qui' en  étoit  exécuteur,  en  avoit  fait  don- 
ner copie  par  extrait  ;  il  avoit  en  outre  foufTert  ufiC 
fentence  de  délivrance  ,  Si.  paP/c  contrat  à  l'œuvre 
d'une  paroiffc  à  laquelle  la  tellatrice  Icguoit  100  li- 
vres de  rente  pour  une  fondation.  Encore  ces  cir- 
confiances  ne  parurent-elles  pas  fuffiiantes  à  M.' 
l'avocat  général  Talon,  pour  rendre  la  Preuve  ad- 
miflible. 

La  coutume  de  Normandie  prend  ,  en  cette  ma- 
tière ,  plus  de  précautions  que  les  auteurs  £:  les 
arrêts  n'en  exigent  coir>m;inément  ;  voici  ce  qu'elle 
porte,  article  528  :  »  Néanmoins  u  contrat  en  a 
»  été  pafié  ,  ou  le  feing  reconnu  devant  tabellions, 
»  ou  que  les  regiftres  ne  s'en  puiffent  recouvrer, 
»  celui  qui  l'a  perdu  doit  être  reçu  à  faire  Preuve 
"  par  témoins  ,  que  ledit  contrat,  avec  la  recoii- 
»  noiffancc  ,  ont  été  vus  ,  tenus  Si.  lus ,  &.  le  con- 
»  tenu  en  iceux  ,  &  qu'il  y  ait  eu  pofT^ffion  fui' 
>»  vant  le  contrat  ».  La  coutume  demande,  comme 
on  le  voit ,  le  concours  de  plufieurs  conditions , 
pour  admettre  la  Preuve  tefiimoniale  ;  &  les  arrêts 
du  parlement  de  Rouen  nous  font  voir  que  fa  dif- 
pofition  eft  obfervéc  à  la  rigueur.  Un  particulier 
prétendoit  avoir  poiTédé  une  rente  ;  mais  il  difoit 
&  ofTroit  de  prouver  que  le  contrat  en  avoit  été 
perdu  dans  un  temps  oîi  toute  fa  maifon  étoit  atta.- 
quée  de  la  perte.  Par  fentence  du  premier  ji:ge  » 
il  lui  fut  permis  de  faire  Preuve  que  le  contrat 
avoit  été  vu  ,  tenu  Si.  lu  ;  mais  fur  l'appel  il  inrer- 
vinf  arrêt  qui  mit  l'appellation  au  néant ,  &  néan- 
moins ordonna  qne  l'intimé  feroit  tenu  de  prouver 
que  le  contrat  avoit  été  vu  ,  tenu  &  lu  en  forme 
authentique,  reconnu  devant  tabellion  ou  autre 
perfonne  publique  ,  &  qu'il  avoit  poffêdé.  Une  au- 
tre perfonne  demandoit  ,  &  avoit  été  iidmife  ,  par 
fentence  ,  à  faire  Preuve  qu'un  contrat  de  mariage 
fous  feing-privé  avoit  été  vu  ,  tenu  &  lu  ;  mais , 
par  arrêt  du  15  janvier  1672  ,  elie  fut  déclarée  non- 
recevable  dans  fa  demande,  parce  que  ,  dit  Bafna- 
ge  ,  w  la  Preuve  n'eft  point  admife  pour  les  con- 
»  trats  fous  feing-privé,  s'ils  n'ont  point  été  recon- 
»  nus  devant  tabellions  ,&  qu'il  n'y  ait  eu  pofTef- 
»  fion  en  vertu  d'iceux». 

La  loi  •îS  ,  C.  de  tcjlïbus  ,  rapportée  ci-devànt , 
n'admet  la  Preuve  teftimoniale  en  cas  de  perte  de 
titres,  qiic  quand  cette  perte  a  été  caufèe  par  uh 
cas  fortuit,  tel  qu'un  incendie  ,  un  naufrage,  oi* 
tout  autre  malheur ,  vel  aiterius  injortunii  ;  Si.  Boni- 
face  à  l'endroit  cité  plus  haut  en  note  ,  rappore  des 
arrêts  qui  ont  adopté  cette  reOric^ian,  Il  femble , 
d'après  cela  ,  qu'on  ne  doit  pas  autorifer  la  Preuve 
par  témoins  dans  le  cas  de  fouftra^lion  de  pièces  r 
néanmoins  Danty  fouticnt  «  qu'on  ne  peut  fe  dé- 
»  fendre  d'adeiettre   cette  preuve,   parce  qu'an 

!•  e  e  e 


58(5  PREUVE. 

«  préfuma  que  cette  fourtraflion  ne  s'eA  pu  faire 
M  que  par  violence  ou  par  dol  ,  qui  font  exceptés 
«  de  l'ordonnance  ,  parce  que  le  dol  &  la  violence 
"  approchent  de  la  nature  des  crimes.  Les  lois  ro- 
y>  maines  i  ,  D.  livre  37  ,  titre  1 1  &  3  5 ,  ^<?  dolo  ,  y 
5>  font  précifes '>.  Mais  l'opinion  de  cet  auteur  n'eil 
pas  fuivie  indiftinif^einent.  Le  plaidoyer  de  M.  l'a- 
vocat général  Joly  rie  Fleury  ,  du  2  aoiàt  1706  , 
contient  là  dedus  des  principes  qui  font  la  règle 
de  tous  les  tribunaux.  «»  Jamais  on  n'a  cru  devoir 
»  einpêcher  ,  noiiobilant  la  difpofition  de  l'ordon- 
»  nance  ,  d'in!brmer  de  la  (ouftra^ion  d'une  obli- 
5)  gation  ;  mais  on  peut  empêcher  la  Preuve  de 
V  la  vérité  de  l'obligano  i.  Toute  la  difficulté  qui 
>»  peut  rerter  dans  ce  priicipe  ,  e(l  dnns  le  cas  que 
»  le  fait  de  la  vérité  de  la  pièce  &  celui  de  la  fouf- 
»  traftion  fe  peuvent  lier  ik  unir  enfcnible,  &  que 
»  l'un  s'établit  nece  Rarement  par  l'nutre.  Alors  il 
T>  faut  examiner  quel  eft  le  véritable  motif  &  le 
»  principalobjet  de  la  Preuve  :  lorfque  c'eft  le  délit 
»»  qui  forme  1  objet  principal  de  la  demande,  c'eil 
H  de  la  Preuve  de  ce  délit  que  réfulte  la  vérité  de 
5)  l'obligation  ;  c'ert  un  acceflbire  qui  doit  fuivre 
■w  naturellement  l'objet  principal  ,  &  qui  peut  être 
»  établi  fur  la  Preuve  par  témoins  du  délit.  Mais 
»>  fi  la  demande  pour  la  Preuve  de  la  fouftra6lion 
5>  d'un  titre  ,  n'eft  qu'un  prétexte  pour  prouver  en 
«  effet  l'exiftence  de  ce  titre;  fi  on  voit  que  la 
■»  partie  ne  cherche  pas  à  prouver  un  vol ,  mais 
■>»  cherche  à  fe  faire  un  titre  de  créance ,  il  eik  de 
»  la  pénétration  des  juges  de  condamner  la  voie 
'.■>  indire6te  qu'on  prend  pour  parvenir  à  une 
»  Preuve  réprouvée  par  les  ordonnances  ». 

Ainfi  s'expliquoit  M.  Joly  de  Fleury  dans  une 
caufe  oîi  il  s'agiiToit  defavoirfi  on  pouvoir  prou- 
ver par  témoins  un  recelé  de  contrats  à  fonds 
ptrdus  :  ce  magiflrat  fit  voir  ,  par  différentes  pièces 
tl;  la  procédure  ,  qu'on  ne  cherchoir  pas  à  prouver 
qu'il  y  avoir  eu  des  contrats  recelés  ,  mais  des 
contrats  faits  ;  &  en  confénuence  ,  il  conclut  à  un 
hors  de  cour,  qui  fut  efT^clivement  prononcé  par 
arrêt  du  2  aoîit  1706  ,  rapporté  au  journal  des  au- 
xiiences. 

C'eft  dans  des  circonflances  fembiables  qu'ont 
été  rendus,  les  11  j.-;in  16198c  17  janvier  1651  , 
deux  arrêts  qui  ont  rejeté  ia  Preuve  des  faits  de 
fouftraftion  d  une  reconnoilTince  de  dépôt  &  d'un 
teftament.  On  les  trouve  dans  Bardet  &  dans 
Soefve. 

Dans  tous  les  cas  où  nous  venons  de  voir  que  !a 
Preuve  teftimoniale  efl  interdite  ,  fi  la  partie  qui  a 
intérêt  de  l'empêcher  ne  s'y  oppofe  pas  ,  le  juge 
peut-il  rejeter  cette  Preuve  d'office?  Anfelmo  fou- 
tient  l'affirmative,  &  fonde  fon  opmion  ,  qui  nous 
paroît  trés-jufle  ,  fur  ces  fermes  de  l'édit  perpé- 
tuel,/-î/î.f  ^we  les  juges  puiffent  recevoir  aucune  Preuve 
par  témoins  ,  outre  le  conrenu  en  iceux. 

Mais  au  moins ,  quand  le  juge  a  admis  la  Preuve  , 
la  partie  qui  a  confenti  tacitement  en  faifant  fon 
enquête  contraire,  eft  -  elle   rccevaWe  à  appeler 


PREUVE. 

delà  fentencc  d'admiffion  à  vérifier .'  Thevenenu 
&  Carondas  rapportent  des  arrêts  du  parlement  de 
Paris  des....  décembre  1573  &  28  juin  1599,  qui 
ont  décidé  pour  l'affirmative.  C'eft  auffi  ce  que 
paroît  avoir  jugé  un  arrêt  du  parlement  de  Flan- 
dres du  î  aoijt  1776,  rendu  au  rapport  de  M.  d'I- 
nieile.  Les  héritiers  du  fieur  de  Bérard  deman- 
doient  la  nullité  du  teftament  qu'il  avoit  fait  au 
profit  de  la  dame  Rogier,  &  ,  pour  l'obtenir  ,  ils 
alléguoient  que  cette  femme  avoit  vécu  avec  le  tef- 
tateur  dans  un  commerce  criminel.  Les  parties 
ayant  été  appointées  à  faire  Preuve,  les  héritiers 
firent  entendre  leurs  témoins;  le  fieiir  &  la  dame 
Rogier  eu  firent  autant  de  leur  côté  ;  mais  enfuire 
ils  appelèrent  de  la  fentence  ,  fur  le  fondement  que 
c'étoit  violer  tous  les  principes  de  l'honnêteté  publi- 
que ,  que  d'autorifer  la  Preuve  teflimoniale  dans  de 
pareilles  matières;  &  quoiqu'on  leur  opposât  com- 
me une  fin  de  non-recevoir  facquiefcement  tacite 
qu'ils  avoient  donné  à  la  fentence  par  leur  enquête 
contraire  ,  ils  ne  laifsérent  pas  de  faire  admettre 
leur  appel  ;  voici  le  difpofitif  de  l'arrêt  :  «  La  cour, 
»  (ans  s'arrêter  à  ladite  fentence  ,  rejette  du  procès 
»  l'enquête  defdits  Picquery  &  Balicq  en  ce  qui 
»»  concerne  le  prétendu  commerce  illicite  &  adul- 
»>  térin  ,  ordonne  en  conféquence  q<ie  ladite  re- 
»  quête,  enfemble  les  m.émoires  &  écritures  ref« 
>»  pe6livemcnt  produits  par  les  parties  ,  en  tant 
»  que  touche  lefdits  faits  &  autres  injurieux,  reile- 
»  ront  fupprimés  au  greffe  de  la  cour  ;  &  faifant 
s>  droit  ,  &c.  ". 

L'opinion  confacrée  par  ces  arrêts  eft  encore 
appuyée  fur  une  déclaration  du  confeil  privé  de 
Bruxelles  du  11  décembre  1631,  rapportée  par 
Anfelmo  ;  elle  eft  conçue  en  ces  termes  «  attendu 
»  que  ledit  article  difpofe  que  les  juges  ne  pour- 
»  ront  recevoir  aucune  Preuve  par  témoins  ,  fur 
"  les  difpofitio.ns  excédantes  la  valeur  de  trois  cents 
Ti  florins  ,  nous  entendons  que  l'exception  de  ladite 
»  ordonnance  ne  peut  être  exclue  ,  parce  que  , 
n  de  fait,  le  juge  auroit  reçu  la  Preuve  par  té- 
»  moins,  à  laquelle  partant  ne  doit  être  pris  aucun 
n  égard  »>. 

JoufTe  obferve  ,  avec  ralfon ,  qu'il  en  feroit  au- 
trement fi  la  partie  qui  a  intérêt  d'empêcher  la 
Preuve  avoit  confenti  exprefTément  à  ce  qu'elle  fe 
fît  par  témoins  ;  &  il  eft  étonnant  que  Vrevin  & 
Afifelmo  aient  foutenu  qu'en  ce  cas  même  le  juge 
ne  doit  avoir  aucun  égard  aux  enquêtes. 

Question  deuxième.  Quelles  fent  les  qualités 
nécejfaires  à  la  Preuve  teflimoniale  ,  pour  qu'elle 
remplijfe  fon  objet. 

On  peut  confidérer  la  Preuve  teftimoniale  on 
par  rapport  à  fon  extérieur  &  à  fon  écorce,  ou  par 
rapport  à  fon  intérieur  &  à  fa  fubftance. 

L'extérieur  de  la  Preuve  eft  tout  ce  qui  regarde 
le  nombre  ,  la  condition  &  la  probité  des  témoins. 

L'intérieur  de  la  Preuve  confifte  dans  les  faits  Ôc 


PREUVE. 

les  circonftaaces]que  renferment    les  dépofitlons 
des  témoins. 

C'eft  une  règle  générale  ,  qu'il  faut  deux  témoins 
intègres  Se  dignes  de  foi ,  pour  prover  un  fait  :  les 
lois  de  Moii'e  l'ont  établie  (i)  ;  celles  des  Ro- 
mains l'ont  confirmée  (2)  ,  6i.  tous  les  tribunaux 
rie  l'univers  l'ont  adoptée.  £n  vain  prétendroit-on 
luppléer  à  l'unité  d  r.n  témoin  ,  par  l'éclat  de  la 
naiirance  ou  de  fa  dignité  ;  nous  ne  voulons  pas 
qu'on  l'écoute  ,  dit  l'empereur  Juftinien  ,  fiit-il 
inéme  fénateur.  Suncimus  ut  unius  omnimodo  lejlis 
refpon/Io  non  auJijtur  ,  etiam/î  preclara  curiez  honore 
fuissent.  Ce  font  les  termes  de  la  loi  9 ,  §.  i  ,  C.  d'. 
ujlibus.  Serpillon  dit  que  ,  «  conformément  à  ce 
»  principe  ,  le  parlenient  de  Dijon  rendit  un  ar- 
»»  rèt  le  50  juin  1681  ,  par  lequel,  fans  déférer  ù 
>>  la  dépofition  de  M.  de  Laloyer,  confeiller  de  la 
>)  cour  ,  qui  étoit  témoin  unique  ,  il  fut  ordonné 
»  qu'un  autre  témoin  ,  qu'on  difoit  avoir  été  pré- 
■  »  fent  ,  feroit  entendu  ». 

Il  peut  arriver  qu'un  feul  fait  folt  compofé  de 
plufieurs  circonftances  :  dans  ce  cas,  fulFu  il  ,  pour 
tonner  une  Preuve  ,  qu'il  y  ait  un  témoin  lin- 
gulier  fur  chaqu^-  circondance  ?  Sans  nous  enga 
ger  fur  cette  queiVion  dans  des  détails  aulfi  longs 
qu'inutiles,  arrêtons  nous  à  la  diflinilion  qui  ei\ 
établie  par  le  fudrage  unanime  de  tous  les  doc- 
teurs. 

Ou  il  s'agit  d'un  fait  certain,  unique  ,  déterminé, 
&  alors  un  témoin  fingulier  ne  prouve  rien  ,  parce 
que  ce  fait  étant  effenticl,  il  faut  néceffairement 
que  les  dépofitions  de  deux  témoins  concourent , 
pour  en  établir  la  vérité. 

Ou  il  e(ï  queflion  d'un  fait  général  ,  d'nne  ha- 
bitude ,  d'une  multiplicité  d'aélions  dont  on  ne 
veut  tirer  qu'une  feule  conféquence  ;  &  alors  il  fe- 
roit fouvcnt  impofiible  de  demander  deux  témoins 
{"ur  chaque  fait,  &  injutle  de  rejeter  les  dépofitions 
uniques  de  faits  finguliers.  Prenons  pour  exemple 
la  démence  ;  c'eft  une  habitude  qui  éclate  en  tout 
lieu  &  en  tout  temps  ;  6c  cependant  les  mêmes 
perfonnes  ne  peuvent  pas  toujours  être  préfentes 
à  ia  multitude  d'aflions  qui  la  décèlent:  l'un  en  ob- 
ferve  une  ,  l'autre  en  remarque  une  autre  ;  ils  vont 
au  même  but  par  des  routes  différentes  :  divifés  fur 
les  moyens  ,  ils  fe  réunilTent  dans  la  fin  ;  ils  difent 
lous  que  celui  dont  l'état  eft  contefté,  leur  a  paru 
infenle.  Voilà  le  fait  général ,  ils  en  conviennent 
unanimement ,  Se  ne  différent  que  dans  les  circonf- 
lances  particulières.  Il  n'eft  pas  néceffaire  que  les 
mèn>es  faits  déterminent  tous  les  juges  ;  &  quoique 
les  uns  foient  entraînés  par  un  fait  tout  différent 
lie  celui  qui  touche  les  autres,  on  ne  laifle  pas  de 
dire  qu'i's  font  tous  de  même  avis,  lorfqu'ils  opi- 
nent tous  pour  reconnoître  la  démence  ;  de  même 
aulTi  les  témoins  doivent  paffer  pour  unanimes  & 


(i)  Exod.  cliap.  15  ,  V.  50  ;  Deuteron.  cbap.  17  ,  v.  6  5  £c 
chap.  19  ,  V.  I. 
(*}  L.  1 1 ,  D.  i«  {(Jiibui  j  J.  5  .  §■  I  ,  C.  c}d,  fif. 


PREUVE.  5^7 

conformes ,  quand  de  plufieurs  faits  particuliers  , 
ils  tirent  tous  la  même  conféquence  fur  le  fait 
général. 

Telle  ed  l'opinion  de  tous  les  doâeurs ,  elle  ni 
fouftVe  aucune  difficulté  en  matière  civile;  mais 
l'ufage  l'a  un  peu  reftrcinte  dans  les  matières  cri- 
minelles. Quand  il  s'agit,  par  exemple  ,  d'un  fait 
général  d'uftire  ,  quoiqu'on  ait  égard  aux  témoins 
qui  dépofcnt  de  faits  finguliers  ,  on  exige  qu'il  y  en 
ait  un  certain  nombre  pour  former  une  Preuve  de 
leurs  dépofitions  réunies.  Voyez  les  articles  Usure 
&  Frison. 

Les  anciens  gloffateurs  mettent  en  quefiion  fi 
»  l'avantage  du  nombre  des  témoins  peut  être  ,  pour 
celui  qui  la  de  (on  côté  ,  une  prérogative  confi- 
dérable  6^  décifive.  Mais  cette  quefiion  ,  qui  auroit 
pu  être  traitée  dans  un  de  ces  tribunaux  où  l'ap- 
plication de  la  partie  confifioit  à  cirer  un  grand 
nombre  d'autorités,  ôi.  celle  des  ju^es  fe  redui- 
foit  à  les  compter,  ne  doit  pas  feulement  être  pro- 
pofée  devant  les  magiffrais  éclairés  &  judicieux  ; 
ils  ne  comptent  pas  les  opinions  des  douleurs  ni  les 
ùiffrages  des  témoins  ,  ils  les  pèfent  :  Non  enim 
(  dit  la  loi  21  ,  §.  3  ,  D.  de  tejlibus  )  ad  multitudi^. 
hem  refpici  oponet ,  fed  ad  finccram  reflimoniorwi 
fiJem  6*  tejlimonia    quibus  po:ius  lux  veritans  ad- 

Nous  ne  parlerons  pas  ici  de  l'influence  que 
doivent  avoir  la  condition  &  la  probité  des  té- 
moins fur  le  mérite  de  leurs  dépofitions  ;  cette 
matière  eft  traitée  aux  articles  REPROCHES  6c 
Témoins. 

Voyons  ce  qui  concerne  l'intérieur  de  la  Preuve 
tei'limoniale.  i".  La  première  qualité  qu'elle  doit 
avoir ,  eft  de  porter  fur  l  objet  même  dont  il  s'a- 
git au  procès  dans  lequel  elle  aéré  ordonnée,  ou 
fur  quelques  circonftances  qui  y  ont  un  rapport 
dired  ;  toute  dépofition  qui  n'a  pas  ce  caractère , 
doit  être  reietée,&  ne  mérite  aucun  égard- Telle 
eft  la  règle  que  nous  prefcrivent  Farinacius  ,  & 
une  foule  d'autres  auteurs  ;  elle  n'eft  cependant 
fuivie  à  la  rigueur  qu'en  matière  civile:  dans  les 
matières  criminelles,  on  fait  une  diftinétion  ;  ou 
les  plaintes  lont  rendues  par  le  miniitère  i)ublic 
feul,  ou  elles  font  rendues  par  des  particuliers. 
Dans  le  premiers  cas  ,  «  le  juge  ,  dit  Serpillon  » 
»  peut  ,  dans  l'information  ,  entendre  les  tè.moins 
)»  fur  toutes  fortes  de  faits,  parce  que  les  parties 
»  publiques  doivent  pourfuivre  la  vengeance  de 
»  tous  les  criines.  Rejeter  des  dépofitions  fur  faits 
»  étrangers  ,  ce  feroit  priver  la  partie  publique 
n  d'une  dénonciation  qui  afiure  fes  pourfuites  , 
»  &  fans  laquelle  elle  craindroit  de  les  faire  ;  au 
»  lieu  qu'à  la  vue  de  ces  dépofitions ,  elle  peut 
»  faire  informer  de  tous  les  faits  qui  lui  font  indi- 
V  qués,  conjointement  avec  ceux  que  contient 
»  fa  plainte  ».  Dans  le  fécond  cas  ,  il  fembleroit , 
d'après  l'article  3  du  titre  14  de  l'ordonnance  de 
1670  ,  que  les  dépofitions  fur  faits  étrangers  de- 
vroient  être  confidérées,  même  par  rapport  aux 

Eee  eii 


5^8  PREUVE. 

<«arties  civiles  :  en  cfTet  ,  cet  article  permet  aux  ; 
parties  civiles  de  donner  des  mémoires  aux  juges 
pour  interroger  les  accufès,  tant  fur  les  fj-rs  d'in- 
t'ormations  ,  cju  autres  :  mais  cette  difpofition  ne 
con  cerne  que  les  interrogatoires  ,  &  il  a  été  jut^é  , 
par  plufieuis  arrêts,  qu'elle  ne  peut  être  étendue 
aux  informations.  11  y  en  a  deux  du  parlement  de 
Pans  des  n  mai  1731  &  17  mai  1734,  qui  ont 
déclaré  nulles  les  informations,  parce  que  les  lé- 
moins  y  avoient  dcpofé  de  faits  étrangers  à  In 
plainte.  ï!  faut  cependant  remarquer  que  lors  même 
qu'il  y  a  une  partie  civile  ,  on  doit  toujours  fuivre , 
à  regard  du  miniflèic  public,  le  principe  fur  le- 
tniel  nous  venons  de  voir  qu'on  fe  règle  quand  il'  ' 
elt  leul  partie.  C'eiï  ce  que  prouve  un  autre  arrct 
de  la  même  cour,  du  8  juillet  1758',  qui  enjoint 
;iu  lieutenant  criminel  d'Orléans  d  obferver  les  or- 
donnances; &  en  conféquence,  lorfqu'un  témoin 
djpofera  ou  indiquera  d'autres  faits  qi-te  ceux  que 
porte  la  plainte  ,  de  rendre  une  ordonnance  pour 
eu  informer,  fur  la  plainte  qui  en  fera  donnée  par 
la  partie  publique  ,  &:  non  autrement.  «  Ainfi  (con- 
»  dut  de-là  Serpillon  )  le  juge  peut  entendre  les 
«  témoins  fur  i-:ne  plainte  de  la  partie  civile  ,  de 
j>  quelques  faits  étrangers  concernant  des  crimes 
M  ou.  délits  du  même  accufé  ;  mais  il  ne  doit  pas 
w  le  décréter  fur  ces  faits  étrangers  ;  s'ils  lui  pa- 
»  roiffent  intérciTans  pour  le  bien  public  ,  il  doit 
»  en  ordonner  la  communication  au  procureur 
»  du  roi,  pour  qu'il  donne  ,  à  cet  égard  ,  fa 
w  plaif.te  ». 

2°.  Une  dépofirion  doit  être  vraifemblable  & 
naturelle  :  fi  elle  contient  des  chofes  abfurdes  , 
impoffibles,.  contraires  aux  lois  de  la  nature,  le 
juge  doit  la  rejeter.  <i  Nénnmoins  ,  dit  Joufle ,  il 
■^  y  a  des  occalions  où  ces  lortcs  de  dépofitions 
T>  tont  adniiies,  comme  quand  il  s'agit  de  prou- 
75  ver  des  miracles,  &  autres  chofes  arrivées  en 
t>  vertu  dun  pouvoir  fplriiuel  )?. 

3°.  Pour  qu  un  témoin  faife  foi ,  il  faut  qu'il  dé- 
pofe  d'une  manière  certaine,  déterminée  &  fans 
équivoque  ;  ainfi ,  point  de  je  crois  ,  il  me  femhle,Jî 
je  ne  me  trorr.pc  ,  s'il  mien  fouvieni  ;  ces  expreffions 
&i  d'autres  femblablcs ,  aiîbibliïïent  tellement  la 
dépontion  ,  qu'il  n'en  peut  pas  même  réfulter  une 
préfoinption  ,  n  moins  qu'il  ne  s'agifle  de  faits  dont 
il  eft  difficile  d'avoir  la  preuve ,  ou  arrivés  depuis 
trës-long-tcmps. 

4".  Un  témoin  doit  rendre  raifon  de  la  m^nicr-i 
dont  il  a  appris  ce  qu'il  déclare  ;  fans  cela  il  ne 
mérite  point  de  foi.  Voyez  l'article  Déposition. 
On  prétend  néanmoins  qu'une  dépofition  qui  tend 
à  la  décharge  d'un  acculé,  doit  être  admife  ,  quoi- 
qu'elle ne  (oit  pas  motivée  :  c'eft  l'avis  de  Farina- 
cius  &  de  Juli.-is  Clarus. 

La  feule  raifon  de  fciencc  qui  puifTe  mériter  les 
égards  de  la  juflice  dans  la  bouche  d'un  témoin, 
e^t ,  ou  qu'il  a  vu  ,  lorfqu'il  s'agit  d'un  fait  qui 
tombe  tous  les  yeux  ;  ou  qu'il  a  entendu  ,  iorfque 
k  f^t  eft  de  naii»e  à  torçiber  fous  l'ouie ,  comme  [ 


PREUVE. 

une  injure  ,  tin  blafphême  ,  un  difcours  quelcon- 
que :  une  dépofition  à  laquelle  on  donne  la  vue 
pour  raifon  de  fcience,  ne  peut  faire  foi  que  dans 
le  concours  de  deux  circonftances  ;  l'une  ,  que  l'en- 
droit où  le  fait  s'eft  paffé  ait  été  afî'ez  éclairé  pour 
que  le  térnoin  ait  pu  voir  la  chofe  dont  il  s'agit; 
lautre  ,  que  la  diflance  de  l'objet  ait  une  propor- 
tion convenable  avec  les  organes  de  la  vue.  Cette 
féconde  condition  eft  ég;alement  requife  dans  les 
dépofuions  fondées  fur  l'ouïe  ;  &  une  obfervation 
commune  aux  deux  efpèces  de  raifbns  de  icience, 
c'eft  que  plus  le  fait,  dont  un  témoin  dépofe  com- 
me l'ayant  vu  ou  entendu,  eft  ancien  ,  moins  la 
dépofition  doit  être  confidérée  ,  lur-tout  fi  le  fait 
clf  compliqué  &  de  nature  à  s'effacer  aifîment  de 
la  mémoire. 

On  voit  par  ce  que  nous  venons  de  dire  ,  qu'il- 
ne  réfulte  aucune  Preuve  de  la  dépofition  d'un  té- 
moin qui  parle  d'un  fait  d'après  d'autres  perfonnes 
de  qui  il  l'a  entendu  dire.  Loifel  ,  dans  fes  règles 
de  droit  coutumier  ,  dit  à  ce  fujet  :  Ouï-dire  va 
pur  ville  ,  en  un  muid  de  ouï-dire  il  ny  a  point  de. 
plein  ;  un  fiul  œil  a  plus  de  crédit  ,  qu.e  deux  oreilles 
n  ont  d'audivi. 

11  y  a  cependant  quelques  cas  où  ces  fortes  de 
dépofitions  doivent  être  admifes  ,  Se  faire  foi  lorf- 
qu'elles  font  jointes  à  certains  indices.  Tels  font 
les  crimes  dont  il  efl  difficile  d'avoir  la  Preuve- 
d'ailleurs  ,  foit  parce  qu'ils  font  cachés,  ou  parce 
qu'ils  fe  font  paffés  depuis  long-temps.  Telles  font 
auffi  ,  aux  termes  de  la  loi  a8  ,  D.  de  probationibns. 
Se  de  la  loi  1 ,  §.  8  ,  D.  de  a,]uâ  pluviâ ,  les  caufes- 
où  il  s'agit  de  prouver  l'ancienneté  d'un  monu- 
ment, d'une  borne,  &c. 

Lorfque  Youï-dire  tombe  fur  la  partie  mêrre 
contre  laquelle  le  témoin  dépofe  ,  il  en  réùiite 
une    confejfion    extmjudiciaire.   Voyez    ci-dëfius,. 

§•    ï- 

Au  reO-.Q ,  les  dépofitions  fondées  fur  des  oui- 
dire  ,  ne  doivent  être  confidérées  ,  dans  les  cas 
dont  on  vient  de  parler,  que  lorfqu'elles  l'ont  ac- 
compagnées de  quatre  conaitions.  i '.  11  t.mt  que 
le  témoin  qui  dépofe  de  cette  manière  ,  ait  appris 
le  fait  de  perfonnes  qui  y  étoient  préfentes ,  2°.  il 
doit  nommer  ces  perfonnes  ;  3°.  il  faut  que  ces  per- 
fonnes foient  au  nombre  de  deux,  &  dignes  de 
foi;  4°.  il  faut  aufTi  qu'elles  ne  puiffent  être  en- 
tendues elles-mêmes. 

On  verra  à  l'article  Témoins  ,  quel  cas  on  doit 
faire  de  la  dépofition  d'un  témoin  qui  a  varié  ou 
s'eft  rétra61é  après  l'avoir  donnée  ,  &  quels  fonc 
les  devoirs  d'un  juge  par  rapport  à  l'eftimation 
des  Preuves  refpeflives  ,  lorfque  les  témoins  f& 
contredifcnt  de  part  &  d'autre* 

§.  IV.  Des  Preuves  par  experts  ,  par  vue  de  lieu ,  6" 
par  ferment.. 

Le<  principes  concernant  ces  trois  efpèces  de 
Preuves  ,  font   retracés  aux  articles  Experts  „, 


PREUVE. 

Visite  ,  Rapport  ,  Descente  ,  Vue  de  lieu  , 
&  Serment. 

Section    troisième. 

Des  diprcns  degrés  de  certitude  auxquels  il  f^ut  que 
Ls  Preuves  foiint  portées  pour  fcrvir  de  hafe  aux 
jugemens. 

La  Pr^iuve  ,  confidérée  par  rapport  aux  differens 
degrés  de  certitude  dont  elle  ei\  fufceptible,  tû 
commtinémeru  divtfée  en  Preuve  complette  ,  en 
demi-Preuve  ,  ik  en  Preuve  légère.  La  Preuve 
complette  eft  celle  qui  établit  une  entière  con- 
viâion  dans  refprit  du  juge.  Telle  cfï  ctUe  qui 
rtluUe  de  la  dépoiuion  de  deux  témoins,  d'aétes 
paiTés  devant  notaires,  d'écritures  privées  recon- 
nues en  juHice  ,  Sec.  :  la  demi-Preuve  eft  celle 
qui  forme  à  la  vérité  une  préemption  confidé- 
rable,  mais  dont  il  ne  réfulte  pas  une  parfaite 
conviflion  :  1«  Preuve  légère  eft  celle  qui  n'a  d'autre 
fondement  que  des  conjeélures  Si  des  indices  im- 
parfaits. 

D  y  a  fur  cet  objet  deux  difierences  très-remar- 
quables entre  les  matières  civiles  &.  les  matières 
criminelles.  La  première  ei\  que  telle  Preuve  efl 
réputée  complette  dans  les  unes ,  &c  n'efl  que  demi- 
Preuve  dans  les  autres;  &  que  ce  qui  ei.\  regardé 
dans  celles  ci  comme  une  Preuve  légère  ,  a  fou- 
vent  tout  le  poids  d'une  demi  Preuve  dans  celles- 
h.  Ainfi  la  confeffion  judiciaire,  qui  emporte  pleine 
convidlion  en  matière  civile  ,  ne  fuflit  pas  ,  en  ma- 
tière criminelle,  pour  condamner  un  accufé  aux 
peines  prefcrites  contre  le  délit  qui  lui  eft  imputé. 
Ainfi  le  ferment  qui  en  matière  civile  forme  une 
preuve  entière,  lorfqu'ileft  déféré  à  une  partie  ,  ne 
forme  ,  en  matière  criminelle  ,  aucune  forte  de  pré- 
fomption.  Ainfi  la  dépofïtion  de  deux  témoins  irré- 
prochables ,  qu'on  regarde  en  matière  civile  ,  com- 
me le  juOe  fondement  d'une  Preuve  conip!ctte  ,  ne 
mérite  d'égard  dans  les  queflions  capitales  ,  qu'au- 
tant qu'elle  eft  fuivie  du  récolement  &  de  la  con 
frontation. 

La  féconde  différence  eft  ,  qu'en  matière  civile  , 
les  demi  Preuves  &  les  Preuves  légères  produi- 
fent  plus  d'effet  &  font  plus  d'impreflion  qu'en 
matière  criminelle.  Voyez  les  articles  Indices  & 
Présomption. 

Ce  n'eft  pas  que  les  indices  rîus  ou  moins  gra- 
ves ne  f  uiifent  jamais  fervir  de  bafe  à  un  juge 
meiu  en  matière  criminelle  ;  il  cft  au  contraire 
bien  des  cas  où  l'on  prononce  contre  un  accufé 
d'après  ces  fortes  de  Preuves.  Cela  dépend  de 
l'objet  du  jugement.  La  raifon  pour  laquelle  on 
cft  moins  févère  ,  en  matière  civile  ,  fur  le  choix 
&  la  nature  des  Preuves,  fait  aulfi  qu'en  ma- 
tière criminelle  on  admet  d'autant  plus  facilement 
les  préfomptions  &.  les  indices  ,  que  l'objet  du 
jugement  approche  moins  d'une  peine  définitive 
capitale.  Ne  s'agit-il,  par  exemple  ,  que  d'une  or- 
donnance portant  permiffion  d'informer  contre 
une  perfonn€  itommèment  ?  il  ne  faut  alors  que 


PREUVE.  589 

de  foibles  indices  ,  des  témoins  uniques  ,'  quoi- 
que fufpeéls  ,  un  procès-verbal  d'huiffier  ,  &c. 
Efl:  il  queflion  de  décréter  ?  un  commencemcnc 
de  Preuve  fuflit;  mais  il  doit  être  proportionné 
à  la  rigueur  du  décret  Si.  k  U  qualité  de  Taccufé, 
Il  en  e(l  de  même  pour  adjuger  une  provifion  6c 
palier  au  règlement  à  l'extraordinaire.  Mais  une 
condamnation  définitive  &  capitale  ne  peut  être 
prononcée  que  d'après  une  Preuve  complette  &. 
indubitable. 

Nous  difons  une  condamnation  définitive  &  capï  • 
taie,   car  un  jugement  qui  ne  condamne  point  à 
moit  ne  doit  pas  être  fondé  fur  des  Preuves  aulîî 
fortes  ;  plus  la  pdne  eft  légère  ,  plus  les  juges  font 
autorifés  à  s'écarter  de  la  règle  qui  défend  de  con- 
damner un  accufé  fans  une  Preuve  pleine  Se  en- 
tière. Mais  cette  théorie  fouffre,  dans  la  pratique  , 
de  grandes  difficultés  ;  &  il  faut  ,  dans  le  juge  q^i 
en  fait  ufage  ,  beaucoup  de  prudence  pour  n'ent 
pas  abufer.  Voici  ce  que  porte  une  lettre  de  M. 
le  chancelier  d'Agiiefleau  du  4  janvier  1739,  an 
prévôt    de  la   maréchaulfée  de   Franche  -  Comté, 
a  /ai  été  fort  furpris  de  i'ufage  dans  lequel  vous 
»  m'avez  marqué  que  font  les  oiîiciers  du  préfi- 
»  dial  de  Befançon,  de  déclarer  les  accufés  ar- 
»  teints  &  convaincus  de  crimes  dont  la   Preu\e 
»  n'eft  pas   complette,   &  de  les  condamner  en 
)>  même-temps  à  quelques  peines  :  cet  ufage  eft 
»  un  abus  qu'on   ne  peut  tolérer  ,  &  que  j'aurai 
>»  foin  de  réprimer.  Ou  la  Preuve  d'un  crime  e(t 
V  complette  ,  ou  elle  ne  l'eft  pas  :  dans  le  premier 
»  cas,  il  n'eft  pas  douteux  qu'on  doit  prononcer 
»  la  peine  portée  par  les  ordonnances;  mais  dans 
n  le  dernier  cas  ileft  aufli  certain  qu'on  ne  doir 
«  prononcer  aucune  peine,  &  qu'on  ne  peut  or- 
»  donner  que  la  quefîion  (i)  ou  nn  plus  ample- 
n  ment  informé ,  fuivanr  la  nature  des  crimes  & 
n  le  genre  des  Preuves  }f. 

Au  refle  il  efl  certain  que  dans  un  procès  cri- 
minel il  ne  faut  pas  tant  de  preuves  pour  condam- 
ner l'accufé  à  des  dommages-intéiéts  envers  la 
partie  civile  ,  que  pouï  lui  taire  fubir  une  peine 
afRiclIve  ou  infamante.  M.  -Favre  (i)  rapporte 
même  un  arrêt  du  fénat  de  Chambéry  rendu  en 
1591  ,  qui  ,  en  renvoyant  un  accufé  avec  un  plus 
amplement  informé,  le  condamna  aux  dépens  dir 
procès  inAruit  à  fa  charge,  quoiqu'il  n'y  eût  contre 
lui  qu'un  feul  témoin. 

11  peut  cependant  arriver,  &  ceci  eft  remarqua- 
ble, qu'une  Preuve  Tuffifante  pour  faire  condam- 
ner un  accuié  à  la  peine  due  à  fon  crime  ,  ne  foie 
pas  aflez  forte  pour  faire  adjuger  à  la  partie  civile 
les  dommages- intérêts  qu'elle  prétend  en  confé- 
qucnce.  C'eft ,  dit  Jouffe  ,  ce  qui  u  arrive  dans  le 
1)  cas  où  l'offenfé  qui  efl  partie  civile  au  procès, 
"  a  été  entendu   comme  témoin  ,  &  où  la  Preuve 


ï)  Li  quelHon  dont'il  e'.'t   parlé   dans  cetre  lettre  ,   ell  J* 
lui^ilionfïépaïas.oi're ,  çiili  e(l  nujourd'hui  abrogée,  ccmtK* 
011  le  ,v. erra  à  l'article  QUESTION. 
(1)  Co'd,  lib.  5  ,  tit>  i  ,  defîn.  Jr 


»590 


PREUVE. 


»>  qui  a  donné  lieu  à  la  condamnation  à  une  peine 
"  publique,  a  été  fondée  en  partie  fur  cette  dé- 
»  pofition  ;  car  alors  ,  quoique  la  Preuve  ait  été 
î»  trouvée  fuffifante  pour  faire  droit  fur  l'accufation 
»  de  la  partie  publique,  néanmoins  cette  Preuve 
5>  ne  fuffit  pas  pour  pouvoir  prononcer  fur  les 
»  dommages  &  intérêts  demandés  par  la  partie 
'»  civile  ,  parce  qu'à  cet  égard  la  partie  civile  à 
'>  dépofé  dans  fa  propre  caufe  ». 

Voye^  Aljfcardus  ,  de  probationibus  ;  Felinu^ 
fur  IjÇ  titre  de  probationibus  ,  eux  dccntjUs  ;  Boi- 
ceau  6»  Danty  ,  de  la.  preuve  far  témoins  ;  le  Vayer  , 
de  la  preuve  par  comparaifon  d'écriture  ;  Anfelmo  6» 
Rommelius  fur  F  article  ig  de  redit  peipciuel  ;  Vnvin 
fur  l'' article  <^4  de  rordonnance  de  Moulins;  JouJJe 
en  fan  traité  de  la  juflice  criminelle  ;  Farinacius  ,  Ju- 
lius  Clarus  ;  le  code  criminel  de  Serpillon  ;  Pothier 
des  obligations  ;  Dumoulin  fur  la  coutume  de  Pa- 
ris î  §.  8  ,  gloje  I  ;  les  journaux  du  palais  6'  des  au- 
diences ^  les  titres  de  probationibuf;,  dans  le  digcfle 
6»  le  code;  Bafnas,e  fur  la  coutume  de  Nonnandie  ; 
les  arrêts  de  M.  Ù'inanti  ,  &c.  Voyez  aufli  les  ar- 
ticles Présomption  ,  Indices  ,  Question  ,  Té- 
moins ,  LÉGITIMITÉ  ,  Enquête  ,  Déposition  , 
Information,  &c. 

Article  de  M.  Merlin  ,  avocat  au  parlement 
de  Flandres  V 

PRIERE.  C'eft  l'afle  de  religion  par  lequel  on 
s'adrefTe  à  dieu. 

L'article  46  de  l'édit  du  mois  d'avril  169^  ,  con- 
tient fur  les  Prières  publiques  les  difpofitions  lui- 
van  tes  : 

»  Lorfque  nous  aurons  ordonné  de  rendre  gra- 
5>  ces  à  dieu;  ou  de  faire  des  Prières  pour  quelque 
»)  occafion ,  fans  en  marquer  le  jour  &  l'heure, 
3>  les  archevêques  &  évéques  les  donneront,  fi  ce 
«  n'cft  que  nos  lieutenans  généraux  &  gouverneurs 
3>  pour  nous  dans  nos  provinces,  ou  nos  lieute- 
>>  nans  en  leur  abfence  ,  fe  trouvent  dans  les 
«  villes  où  la  cérémonie  devra  être  faite;  ou  qu'il 
«  y  ait  aucunes  de  nos  cours  de  parlement  ,  cham- 
j»  bres  de  nos  comptes  &  cours  des  aides  ^ui  y 
«  feront  établies  ,  auquel  cas  ils  en  conviendront 
»  enfemble  ,  s'accommodant  réciproquement  à  la 
»  commodité  des  uns  &  des  autres,  &  particu- 
j>  liérement  à  ce  que  lefdits  prélats  efiimeront  le 
3)  plus  convenable  pour  le  fervice  divin  '». 

La  déclaration  du  30  juillet  1710  a  ajouté  que 
toutes  les  églifes  &  communautés  eccléfza/liques  , 
féculiéres  &  régulières,  exemptes  ou  non  exemp- 
tes ,  feroient  tenues  de  fe  conformer  à  ce  qui  auroit 
été  réglé  là-deffus  par  l'évêque  (i). 

Lorfqu'il  furvient  quelque   difficulté  concernant 

(i)  C'eft  conformément  à  cette  déclaration  que.patartêt 
du  î  juin  1745  ,  le  confeil  a  ordonné  que  les  maudernens  qui 
feroient  donnés  pour  des  Prières  publiq\ies  par  Jcs  évéques  ou 
leurs  vicaires  généraux,  feroient  exécutés  dans  les  églifes  de 
l'ordre  de  Mahe  ,  ainfi  que  dan»  toutes  les  églifes  de  leurs 
dioccfes ,  exemptes  &  non  exemptes ,  même  dans  celles  ^ui  fe 
ptétcndem fondées  «n  juridiftion  quafi-cpifcopalç. 


PRIEUR. 

les  heures  auxquelles  doit  être  célébré  l'office  di- 
vin ;  c'eft  à  l'évéque  diocéfain  à  la  régler.  C'eft 
auflî  à  lui  à  régler  les  jours  &  les  heures  auxquels 
le  faint  -  facrement  doit  être  expofé  ,  tant  dans 
les  parciires  que  chez  les  religieux,  &  fes  ordon- 
nances far  ces  objets  doivent  être  exécutées  non- 
obftant  l'appel.  C'eft  ce  qui  réfulte  de  l'article  8 
de  la  déclaration  du  roi  du   15  janvier  i^r^j  i. 

En  France,  on  a  toujours  recommandé  dans 
les  Prières  publiques  ,  &  principalement  au  prône, 
les  prélats  ,  les  magiftrats,  &  les  bienfaiteurs.  C'eft 
ce  qu'obferve  Loileau  dans  fon  traité  des  feigncu- 
ries. 

On  y  recommande  pareillement  les  feigneurs 
hauts-jufticiers,  parce  qu'ils  ont  la  puift'ance  pu- 
blique, &  qu'ils  repréfentent  le  fouverain  dans 
leurs  juftices. 

Le  feigneur  &  fa  femme  doivent  être  recomman- 
dés chacun  diftindement ,  &  leurs  enfans  en  nom 
coUeflif.  C'eft  ce  qu'a  décide  le  parlement  de 
Paris  par  arrêt  du  26  juin    1696. 

Quand  la  feigneurie  appartient  à  plufieurs,on 
ne  doit  recommander  au  prône  que  le  principal 
feigneur,  comme  feul  feigneur  ;  ft  la  feigneurie 
eft  poifédée  par  indivis  ,  les  poft"cfTeurs  ne  doivent 
être  recommandés  qu'en  qualité  de  feigneurs  en 
partie. 

Il  y  a  néanmoins  des  arrêts  qui  ont  ordonné 
que  l'aîné  feroit  nommé  le  premier ,  &  les  autres 
enfuite.  Bardet  en  rappotre  un  du  premier  avril 
i63i,&  Danty  un  autre   du   2  mars  1667. 

On  ne  doit  pas  au  furplus  appeler  feigneur  en 
partie,  celui  qui  n'a  qu  un  fief  (lans  la  paroifTe  ; 
il  faut  le  qualifier  de  feigneur  d'un  tel  fief  fitué 
dans  tel  village  ,  à  moins  que  le  fief  n'ait  jamais 
eu  d'autre  nom  que  celui  du  village  même. 

PRIEUR ,  PRIEURÉ.  Le  premier  de  ces  mots 
défignc  littéralement  une  perfonne  qui  en  a  plu- 
fieurs  au-delTous  d'elle  ^prior  quafi  primus  inter  alios; 
&  on  appelle  Prieuré  ,  la  dignité ,  l'emploi  ou  le 
bénéfice  attaché  à  la  qualité  de  Prieur. 

On  divife  les  prieurés  en  fèculiers  &  en  régu- 
lier*. 

Première    parti  £. 

Des  Prieurés  fèculiers. 

L'auteur  des  définitions  du  droit  canonique  dît 
qu'on  entend  par  prieurés  fèculiers  ,  «  ceux  qui 
»  font  polTédés  par  des  perfonnes  qui  ne  font 
»  point  engagées  dans  la  profeflion  monachale  , 
»  c'eft-à-dire  ,  qui  ne  font  point  obligées  à  porter 
j)  un  habit  de  moine  ,ni  à  fuivre  aucune  des  quatre 
■)■>  règles  que  l'églife  foufîVe  ,  Se  que  les  chrétiens 
M   reconnoiiTent  ». 

Cette  définition  eft  critiquée  ,  &  avec  raifon ,  par 
Pérard  Cartel.  •<  Elle  n'eft  pas  affez  claire  ,  dit-il, 
j>  &  elle  renferme  i\nt  équivoque  manifefte  ,  d'au- 
»  tant  que  tous  les  prieurés  réguliers  qui  font  pof- 
H  fédés  en  cojnmende,  font  poffédés  par  des  pcr- 


PRIEUR. 

«  Tonnes  qui  ne  font  point  engagées  dans  la  pro- 

»  feffion  monachale  ,  &  cependant  on  ne  dira  pas 

n  que  ce  foient  des   prieurés  Téculiers  ;  de  fb:te 

"  que  ce   qu'on  nomme  prieures  féculiers  ,  font 

»  ceux  qui  font  polTédés  en  titre,  &.  non  point  en 

»  commcnde  ,  par  des  perlbnnes  leculières». 

Les  prieurés  féculiers  ne  diffèrent  des  autres  bé- 
néfices que  par  le  nom.  Il  y  en  a  de  fimples  ,  il  y 
en  a  de  doubles ,  il  y  en  a  même  qui  forment  des 
dignités.  On  remarque  en  France  pUifieurs  collé- 
giales ,  dont  le  premier  dignitaire  porte  le  titre  de 
Prieur.  Telles  font ,  dit  le  premier  des  auteurs  que 
nous  venons  de  citer  ,  «  celle  de  Loches  ,  celle  de 
»  Chdtillon-fur-Indre  dans  laTouraine  Jefquelles, 
»  dans  les  ailes  qui  fe  paffent  avec  elles  ,  font  qua- 
»j  liftées  de  Prieurs  ,  charioines  6»  chapitre  ».  Telle 
ert  encore  l'églife  collégiale  de  faint  Germain  de  la 
Ckâtre  ,  qui  ;i  donné  lieu  à  un  procès  jugé  au  parle- 
ment de  Paris  le  19  décembre  1777. 

Les  lois  ou  conllitutions  ,  foit  canoniques  ,  foit 
civiles,  qui  parlent  de  prieurés -conventuels ,  ne 
s'entendent  jamais  des  prieuiés  f«culiers.  C'eil  ce 
qii'enfeignent  l'abbé  de  Palerme  fur  le  chapitre  chm 
contingjt  ,  aux  décrétales  de  foro  comoitenti ,  & 
Dominique  Je  (anflo  Geminiano  dans  fon  confeil 
131.  L'auteur  des  définitions  du  droit  canonique 
établit  la  même  chofe  d'après  eux  :  u  La  conflitu- 
j>  tion  du  pape ,  dit  il  ,  qui  parle  ou  fait  mention 
«  d'un  prieuré  conventuel  ,  n'eft  jamais  étcnàue 
»  aux  prieurés  des  eglifes  ,  non  plus  qu'aux  prévô- 
»  tés  ou  doyennés  ,  &  dignités  féculières  ,  lefquels 
»»  néanmoins  ont  &  exercent  la  jurididion  fur  les 
»)  chanoines  de  leur  églife  par  la  puiflance  qui 
M  leur  ei\  attribuée  ». 

Par-là  fe  refont  la  queflion  de  favotr  fi  les 
prieurés  féculiers  font  compris  dans  la  claufe  du 
concordat  qui  affujcttit  à  la  nomination  du  roi  tous 
les  prieurés  éleâifs.  «t  Ceux  qui  tenoient  pour 
»  l'afHrmative  (  c'eft  toujours  d'après  le  même  au- 
"  teur  que  nous  parlons  )  ,  foutenoient  que  toutes 
'»  les  dignités  &  prélatures  font  fujettesà  la  nomi- 
»  nation  du  roi ,  c'eft-à-dire  ,  celles  qui  fe  confé- 
"  roient  à  la  pluralité  des  voix  du  chapitre  aflem- 
"  blé  pour  cet  eftet,...  M.  le  procureur  général  du 
»  grand  confeil,  où  cette  quefiion  fut  agitée,  le 
»  foutenoit  ainfi  ,  &.  interjeta  appel  comme  d'abus 
»  de  réleélion  qui  avoitété  faite  du  Prieur  féculier 
«  de  Pont-Mone,  fitué  au  diocèfe  de  Bazas  ,  dans 
n  la  province  de  Guienne  ;  il  établi/Toit  fa  princi- 
"  pale  défenfe  fur  le  droit  de  nomination  du 
>i  roi  :  mais  comme  les  éleif^ions  font  tout-à-fait 
11  favorables  ,  à  caufe  qu'elles  font  plus  conformes 
»  à  la  pureté  des  anciens  canons  8c  à  h  difcipline 
M  eccléfiaftique....  Meffieurs  du  grand  conleil  dé- 
«  datèrent  M.  le  procureur  général  non-receva- 
»»  ble  dans  fon  appel  comme  d'abus,  par  arrêt  du 
Il  10  feptembre  de  l'année  1626  ». 


PRIEUR. 
Seconde    Partie. 


591 


Des  Prieurés  réguliers. 

Les  Prieurés  réguliers  font  ou  des  bénéfices  ,  ou 
des  offices  qui  ne  peuvent  être  pofTédés  en  titre 
que  par  des  perfonnes  engagées  dans  la  profefîiou 
religieufe. 

On  peut  les  divifer  en  conventuels,  en  clauf- 
traux  ,  en  forains  de  en  cures.  M.  l'abbé  Remy  a 
fuffifamment  parlé  de  ces  derniers  au  mot  Cure. 

§.  L  Des  prieuréi  conventuels. 

On  entend  par  Prieur  conventuel  ,  celui  qui 
gouverne  des  religieux  dans  un  couvent ,  &  qui 
n'y  reconnoît  point  de  fupérieur,  foit  en  titre, 
foit  en  commende. 

11  ne  faut  pas  conclure  de  cette  définition  ,  qua 
toute  maifon  régulière  dans  laquelle  exiftent  plu- 
fieurs  religieux  fous  la  direiSion  d'un  Prieur,  forme 
un  prieuré  conventuel.  Cette  dénominatien  nes'ap- 
plique  proprement  dans  l'ufage  qu'aux  eouvens  ou 
il  y  a  un  noviciat  établi  &  un  {cA  commun  ,  ft^H- 
lium  commune  ;  &  c'eft  ,  dit  Brillon  ,  par  le  défaut 
de  ces  deux  circonfîances ,  «  que  le  prieuré  de 
)>  faint  Denis  de  la  Châtre  à  Paris  n'a  pas  été  jugé 
>•  conventuel,  mais  feulement  focial  » ,  efpéce  de 
prieuré  forain  dont  on  parlera  ci-après. 

Le  défaut  de  noviciat  établi  dans  un  prieuré  . 
n'empécheroit  cependant  pas  qu'on  ne  le  regardât 
comme  conventuel  dans  les  congrégations  où  il 
y  a  des  maifons  communes  pour  le  noviciat  de 
tous  les  monafières  qui  les  compofent. 

Le  mot  Prieur  cenventuel  étoit  autrefois  fyno- 
nyme  avec  celui  à' abbé.  Haeftenus ,  lH'.  3  ^trah.  6  , 
difquif.  1 ,  fait  voir  que  dans  plufieurs  règles  ,  & 
principalement  dans  celle  de  faint-Benoît ,  ils  font 
fouvent  employés  l'un  pour  l'autre. 

Aujourd'hui  on  ne  les  confond  plus  ,  mais  ils  ne 
laifTent  pas  d'exprimer  encore  la  même  idée  ,  celle 
d'un  fupérieur  qui  n'a  perfonne  au-defTus  de  lui 
dans  le  monaflère  même. 

Différentes  caufes  ont  contribué  à  faire  donner 
à  ce  fupérieur  le  nom  de  Prieur  dans  certains  en- 
droits ,  tandis  qu'il  s'appeloit  abbé  dans  d'autres. 
Ici ,  c'eft  parce  qu'une  congrégation  compofée  de 
plufieurs  monaftères  ,  ne  reconnoît  qu'un  feul 
abbé  ,  celui  du  chef-lieu  de  l'ordre  ;  là  ,  c'efl  parce 
que  les  fondateurs  n'ont  pas  voulu  que  le  titre 
d'abbé,  qui  déjà  étoit  l'annonce  du  faf^le  &  du  luxe, 
décorât  les  fupérieurs  des  maifons  qu'ils  élevoient 
à  la  piété  &  à  l'humilité. 

Les  Prieurs  conventuels  font-ils  bénéfices  ou 
fimples  offices  ?  Ils  font  bénéfices  lorfqu'ils  fe 
confèrent  à  vie,  &  fimples  offices  ,  lorfque  la  col- 
lation efi  limitée  à  un  certain  temps  ,  comme  à 
trois  ans. 

Il  ne  faut  cependant  pas  croire  que  dans  ce  der- 
nier cas  on  puifTe  révoquer  librement  &  fans  caule 
1  un  Prieur  conventuel  qui  n'a  pas  encore  atteint  le 


551  PRIEUR. 

terme  de  fon  adminiftration.  Le  contraire  eft  net- 
tement décidé  par  la  décrétale  rnonachi ,  de  ftjtu 
monachorum  ;  voici  comme  elle  eft  conçue  :  Pr'wcs 
tiutem  cum  in  ecclefiis  conventualikus  p:r  eleElioneni 
capitulorum  fuorum  canonicè  fuerint  infJituti,  nifi  pro 
tnariifeflâ  &•  ration abill  causa  non  mutentur:  vidciicct 
fi  fuerint  dilapidatorcs  ,fi  incontinaiter  vixerint ,  aut 
taie  aliquid  igerint  pro  quo  aniovendi  meritb  videantur. 

Mais  ,  comme  robfervent  très-bien  Fagnan  & 
■Van-Efpen  ,  il  ne  faut  pas  des  raifons  aufli  graves 
pour  deftitucr  un  Prieur  conventuel  ,  que  pour 
ilépofféder  un  bénéficier  ;  &  c'eft  ce  que  porte 
expreiTément  la  décrétale  qualuer  0  quando  ,  de  .ic- 
cufationibtis  hune  tamen  ordinem  circà  reculâtes  per- 
fonas  non  credimus  ufquequaquè  fervandum  :  quic  cu<n 
CMifa  requirit  ,faciliiis  &  liberiui  à  Juis pojfunt  admi- 
nijlrationibus  ûmoveri. 

Par  arrêt  du  22  juin  1701  ,  rappovié  au  jour- 
aial  des  audiences,  il  a  été  ji;gé  «qu'un  Prieur  , 
3>  dans  l'ordre  de  faint  Donunique,  élu  &  con- 
y>  fîrnjé  ,  ne  peut  refiifor  de  fubir  un  examen  , 
il  quand  on  a  lieu  de  douter  de  fa  capacité»  ;  & 
l'événement  ayant  juftifié  ces  doutes,  il  a  étédefti- 
îué  par  fentence  des  commiiTaires  du  général, 

L'élcéVion  eft  de  toutes  les  manières  de  pourvoir 
aux  Prieurés  conventuels  ,  lors  même  qu'ils  font 
Lénéfices,  celle  qui  eft  la  plus  conforme  au  droit 
commun.  Il  y  en  a  cependant  qui ,  par  titre  ou  pof- 
léffion  ,  font  à  la  collation  des  abbés  cliefs  d'ordres  , 
ou  autres  fupérieurs  immédiats  des  congrégations 
auxquelles  ils  font  affiliés. 

De  là  ,  cette  diftin61ion  qu'on  fait  aifluellement 
en  France ,  entre  les  Prieurs  qui,  au  temps  du  con- 
cordat, étoient  éleélifs-confirmatifs,  &  ceux  qui  à  la 
même  époque  étoient  fmiplcment  collatifs. 

Par  ce  traité  ,  les  premiers  font  tombés  à  la  no- 
mination du  roi;  les  féconds,  au  contraire,  font 
<iemeurés  dans  leur  ancien  état. 

On  trouve  à  ce  fujet  une  obfervation  impor- 
tante dans  Fuet.  «  Les  Prieurés  de  l'ordre  de  Gram- 
3)  mont,  dit-il,  qui  font  conventuels  ,  &  au  nom- 
ï>  bre  de  trente-neuf  dans  le  royaume,  diftribués 
M  en  neuf  provinces  ,  font  aufll  compris  dans  la 
7>  nomination  royale,  parce  qu'au  temps  du  con- 
«  cordât  ils  étoient  tous  conventuels  &  éleâifs 
3»  par  les  religieux  de  chaque  monaftère  ,  &  con- 
3>  firmatifs  par  l'abbé;  &  comme  pnr  le  concordat 
>»  la  nomination  royale  a  fuccédé  à  rélccllon  ,  ils  y 
«  font  demeurés  fujets  ,  à  la  réfervc  dos  quatre 
»  premiers  qui  viennent  à  vaquer  après  l'éledion 
?>  &  confirmation  de  l'abbé,  qui  eft  général  d'or- 
»  dre  &  réfuient  en  France.  Ce  privilège  d'excep- 
3j  tien  a  été  donné  à  cet  abbé  par  un  induit  de 
sj  Clément  VI,  confiru-ié  depuis  parla  bulle  de 
«  Clément  VII  ,  du  9  juin  1531  ».  Et  nous  voyons 
dans  Chopin  ,  de  fiera  poliiid,  livre  i  ,  titre  2  , 
n°.  15  ,  qu'il  a  autrefois  reçu  la  faniVion  de  plu- 
fieurs  jugemens  ,  id  quodplufculis  fententiis  decretum 
£j}  pratoriani  concilii ,  fecundiim  Francifcum  Neuvil- 
Lrum  ar.tjflitem  ,  Grûndimont,inum  trïamjs  ab  hinc 


P  R  î  E  U  R. 

annos  ;  nec  enîm  diverfam  in  partem  judices  Jîexîi  , 
quàd  jhmmus  pontifex  illis  principali  nomïnationi 
Juam  adjunxijjet  autoritatem  ,  regiumque  jus  codicil- 
lare  Prioraium  munere  approbaffet. 

Quelques  auteurs  étendent  fort  loin  les  droits 
du  roi  furies  Prieurs  conventuels.  Pour  fe  former 
une  jufte  idée  de  leur  fyftcme  ,  il  faut  d'abord  pe- 
fer  les  termes  du  concordat;  voici  ce  qu'il  ponc  : 
Monaficriis  verb  &  Prijr.uibus  conventualibus  &  verc 
elcfiiv'is  ,  videluet  in  quorum  eUcîionibus  forma  cjpi- 
tuli  quàpropter  fei  vari ,  &  confirmationes  cleâionum 
hujufmodi  folemniter pcti  confuevsrunt.... 

On  prétend  ,  d'après  ces  term.es  ,  que  le  roi 
doit  avoir  la  nomination  de  tous  les  Prieurés  con- 
ventuels, qui  dans  l'origine  étoient  des  abbayes  ,, 
quoiqu'aujourd'hui  on  les  regarde  comme  pure- 
ment collatifs.  C  eft  ce  que  fourient  principalem.ent 
i'auieur  d'un  traité  qui  a  paru  fur  cette  matière  dans 
le  ficcle  dernier.  Pour  juftifier  cette  opinion  ,  il 
établit  ,  i".  que  le  mot  monaflerium  ne  peut  pas  être 
entendu  d'un  prieuré,  mais  feulement  d'une  ab- 
baye ;  2''.  que  toutes  les  abbayes  ,  avant  le  con- 
cordat, étoient  réellement  éledives  ;  3°.  que  par 
conféquent  les  termes  verè  cleclivis  videlicet ,  ne 
s'appliquent  qu'aux  prieurés  conventuels;  &  de  ces 
trois  piopofitions  ,  il  conclut,  que  pour  f?voir  fi 
im  prieuré  conventuel  eft  à  la  nomination  du  roi , 
il  faut  ,  non  p.îs  examiner  s'il  étoit  éleflif-conrir- 
matif  au  temps  du  concordat ,  mais  s'il  a  autrefois 
exifléavec  le  titre  d'abbaye;  car  ,  dit-il ,  le  concor- 
dat portant  généralement  que  le  roi  nommera  aux 
monaftères  ou  abbayes,  fans  diftinguer  ,  comme 
il  le  fait  par  rapport  aux  prieurés  conventuels  ,  s'ils 
font  vraiment  éledifs ,  ou  s'ils  ne  le  font  pas,  on 
doit  alTujettir  à  la  nomination  royale  tous  les 
prieurés  qui  étoient  originairement  de  véritables 
abbayes,  parce  que  l'état  n'a  pu  en  être  changé' 
au  préjudice  du  fouverain. 

Mais  comment  a  pu  s'opérer  ce  changement  ? 
C'eft  ce  que  l'auteur  explique  fort  bien.  Les  abbayes 
de  Cluni ,  de  la  Chaife-Dieu  ,  de  Saint- Denis  & 
quelques  autres  ,  étant  devenues  puifTantes  &  re- 
commandablcs  par  l'obftrvance  exa^e  de  la  dif- 
cipline  monaftique  ,  plufieurs  moin.'lres  abbayes 
s'y  agrégèrent  &  s'y  fDumirent  ;  les  unes  d'elles- 
mêmes  ,  les  autres  par  l'autorité  des  rois  ou  des 
papes  :  quelques-unes  ,  à  la  vérité  ,  fe  maintinrent 
dans  leiu-  gouvernement  primitif;  mais  In  plupart 
perdirent  infenfiblement  leur  ancien  r:gime,&  on 
s'accoutuma  pcu-à-peu  à  les  regarder  comme  des 
membres  de  ces'  grandes  abbayes  &  des  prieurés 
de  leur  dépendance. 

La  bibliothèque  de  Ciuni  nous  fournit  en  effet 
plufienrs  exemples  de  cette  rcduétion  d'abbayes  en 
prieurés.  On  y  voit ,  paye  5  14,  un  pri-vilége  donné 
en  1088  par  le  pape  Urbain  il ,  à  Hugues  ^abbé  de 
Cluni ,  dans  lequel  on  qualifie  A' abbayes,  des  béné- 
fices qui  ne  font  plus  qive  des  prieurés  :  hoc  infw 
per  adjicier.tes  ut  mùnafl^rium  [21, Hx  Maria  de  charl- 
t  tatc  ,  monafenum  janHi  Maiùiii   4<  campis  apui 

Pai'fos , 


PRIEUR. 

Farifios  ,  monaflenum  fanEli  DisnJfii  apud  Nungen- 
tum  ,  &c.  La  page  1429  du  même  recueil  nous  offre 
une  chanre  de  l.ouis  le  jeune  de  1 166,  qui  prouve 
que  l'abbaye  d'Ambierle  avoit  été  réduite  en 
prieuré  de  l;i  manière  qu'on  vient  de  l'expliquer  : 
Doinnm  Amhntx  ditïonï  noflriX fubjitlan ^  quœ  quon- 
dam  dbbjuiixfuit  ,  dono  illuflrium  virorum  B:rnardi 
&  Tlieodekrllfratris  fui  rcdiiécam  ejfe  cognovimus  ut 
majoris  relic;ionis  forma  infigniretur.  Les  pages  274 
&  314  contiennent  la  preuve  de  pareils  changc- 
inens  pour  Charlieu  &.  Saint  Marcel-les-Châlons  ; 
&  cette  preuve  eft  fortifiée  ,  irégard  d;  ce  dernier 
endroit ,  par  ce  pa/Tnge  d'un  ancien  auteur  :  SanHi 
Aîu'celli  abbatia  olim  ,  nunc  prioratus  ordinis-.Clu- 
niafenfs  ,  in  territorio  ScqUiinorum. 

Saint  Julien  ,  dans  (on  traité  de  l'origine  des 
Bourguignons  ,  fait  aulli  mention  de  philicurs  ab- 
bayes ,  qui  s'étant  foumifes  à  celle  de  Cluni ,  ont 
été  réduites  en  prieurés  ;  telles  font ,  dit-il ,  Gigni  , 
Noirmouflier  ,  Nantua  ,  faint  Marcel,  Cunam  ,  le 
Godet ,  Lodun  ,  8ic. 

Sauxillanger  ,  qui  n'eft  aujourd'hui  qu'un  prieuré 
conventuel  ,  étoit ,  dans  fon  origine  ,  une  abbaye 
qui  fut  fondée  en  928  ,  par  Alfred  II ,  comte  d'Au- 
vergne ;  mais  en  1062  ,  Hugues  If ,  qui  en  fut  le 
onzième  abbé,&  qui  l'étoit  en  même-temps  de 
Cluni ,  la  changea  en  prieuré  (i). 

On  voit  aufli ,  dans  le  pouillé  des  bénéfices  de 
faint-Michel  de  la  Clufe  en  Piémont ,  que  plufieurs 
prieurés  qui  en  dépendent  ont  eu  autrefois  le  titre 
d'abbayes. 

Il  eft  donc  certain  ,  conclut  l'auteur  cité  ,  que 
dans  le  nombre  des  prieurés  que  les  abbés  de 
Clupi,  de  Marmftufiier  &  autres  grandes  abbayes  , 
prétendent  être  à  leur  nomination,  il  s'en  trouse 
beaucoup  qui  ont  été  des  abbayes  ;  par  conféquent 
on  doit,  aux  termes  du  concordat,  les  regarder 
comme  fujets  à  la  nomination  du  roi. 

Ce  fyftéme  ne  pouvoit  manquer  d'être  accueilli 
par  l'auteur  du  traité  des  droits  du  roi  fur  les  béné- 
fices "  Il  eft  très  vrai ,  dit-il ,  que  le  concordat  porte 
»  en  général,  que- le  roi  nommera  aux  tnonaftéres, 
»  &  qu'on  ne  fait  dans  ce  traité  aucune  difliH6ti:)n 
"  ni  réfervc  des  monsftères  fournis  ou  non  fournis , 
»  unis  ou  non  unis  ,  agrégés  ou  non  agrégés.  Ainfi 
»  il  s'en{uit  de  cette  difpofition  générale  ,  que  tout 
»♦  ce  qui  eft  monaftère  ,  c'eft-à-dire  abbaye  ,  k 
3>  trouve  compris  dans  le  concordat  :  de  même  que 
"  fi  ,  par  un  traité  autre  les  deux  couronnes  de 
»  France  &  d'Efpagne,  le  roi  d  Efpagne  cédoit 
5>  au  roi  les  villes  d'une  province  ,  tout  ce  qui  fe- 
«  roit  ville  dans  cette  province  f«roit  compris  dans 
M  ce  traité,  &  préfumé  avoir  été  abandonné  au  roi, 
>»  &  qu'on  allégueroit  inutilement  que  telle  viUe 
M  eft  membre  5c  une  dépendance  de  telle  prin- 
»  cipauté    ou  feigneurie  ;    le  traité  étant    général 


(1)  Nouveau   commentaire   lur  la  coutume  d'Auvergne, 
ÎQïpriroc  en  174^  à  Clermond-jferrind,  tome  i ,  page  14. 
Tome  XllL 


PRIEUR. 


59? 


/ 


»  &  fans  référve,  cette  exception  ne  feroir  pa^ 
»  écoutée  ». 

Mais  cette  comparaifon  ne  fe  tourne  t  elle  pas 
contre  l'auteur  ?  L'n  traiié  qui  céderoit  des  villes  , 
ne  feroit  certainement  pas  im  titre  en  vertu  du- 
quel on  put  prétendre  les  villages  qui  ont  été  villes 
autrefois;  pourquoi  donc  le  concordat,  c'eft-à- 
dire,  un  traité  qui  accorde  au  roi  la  nomination 
à  toutes  les  abbayes  de  fon  royaume  ,  lui  donne- 
rolt-il  le  droit  de  nommer  aux  prieurés  qui ,  ayant 
été  abbaye;  dans  leur  origine,  n'étoientplus  ,  au 
temps  de  cet  aiiie  ,  que  de  fimples  migmbres  d'au- 
tres monaftères ,  &  fujets  à  la  collation  des  abbés 
de  ceux-ci  :  N'eft-il  pas  évident  qu'en  donnant  au 
roi  la  nomination  aux  abbayes,  on  n'a  eu  en  vue 
que  les  bénéfices  qui  avoient  alors  cette  qualité  ? 

Cette  cbjcftion  paraît  infurmontable.  Voici  ce- 
pendant ce  que  répond  notre  auteur.  L'intention 
de  nos  rois  îc  des  feigneurs  particuliers,  en  fon- 
dant des  monaftères  ,  n'a  point  été  d'établir  de  fim- 
ples habitations  pour  des  religieux;  il  paroît  au 
contraire  ,  parles  titres  mêmes  des  fondations,  que 
leur  defiein  a  été  d'ériger  de  vérirables  abbayes. 
Il  y  a  même  des  fondateurs  qui  ont  prévu  que  les 
abbés  chefs  d'ordre  pourroient  tenter  de  réduire  en 
prieurés  les  abbayes  qu'ils  fondoient ,  &  qui  ont 
pris  de»  précautions  contre  cet  abus.  En  1 106  ,  Ro- 
bert ,  comte  de  Flandres  ,  agrège  l'abbaye  deSaint- 
Bertin  à  la  congrégation  de  Cluni ,  &  dit  à  ce  fujet, 
en  parlant  à  l'abbé  de  Cluni  :  Sjncli  Bcrtini  rnonajh-' 
r'utm  vobis  refr/fq^ue  fucccjforibus  cinnlnb  lib.rè  ordi^ 
nanditm  perpétua  jure  concedinius ,  eâ  tdmen  condi" 
tione  prctfixd  itt  abbjtia  numquam  in  prioratum  redï- 
gatur  (i).  En  82I  ,  le  comte  Vaibert  donne  à  l'abbé 
Geilo  wn  terrein  nommé  Rodunicn,  à  la  cliarge 
d'y  conftruire  ,  non  une  fimple  habitation  dépen- 
dante d'un  chef-lieu  ,  mais  un  monaftère  ,  eâ  vide- 
Ucec  ratione ,  uc  nulli  alio  loco  fubjcHus  habeatur  , 
fcd  ibi  monajliriifni  deo  S"  pr^AiHis  fanais  conjîituaf. 

D'après  cela,  ne  peut  on  pas  dire  que  la  con- 
verfion  de  certaines  abbayes  en  prieurés  eft  con- 
traire à  l'intention  des  fondaeurs  ?  Et  puifqu'elle 
n'a  été  nullement  autorifée  par  les  deux  puilTances  , 
fpiriiuelle  &  temporelle  ,  qui  ont  le  plus  grand  in- 
térêt à  la  confervation  de  ces  titres  ,  ne  doit  on  pas 
confidérer  ces  raaifons  religieufes  comme  étant  en- 
cure  dans  leur  état  primitif,  &  couféqucmmcnt 
comme  de  véritables  abbayes  r 

Dira-t-on  que  le  laps  de  temps  &  le  défaut  de 
réclamation  doivent  faire  préfumer  une  approbation 
de  la  part  des  perfonnes  qui  repréfentent  les  fon- 
caicuvs  6i  les  deux  puifiances.  Non  ,  répond  notre 
auteur.  "  Pour  couvrir  un  pareil  changement,  il 
))  fcroit  néceffaire  que  les  puifiances  euffent  agi  de 
)}  concert  par  des  afles  formels  &  pour  des  caufes 
))  légitimes.  Les  titres  qui  exiftcnt  font  autant  de 
)i  réclamations  perpétuelles  contre  lefquelles  la 
»  prefcription  ne  peut  avoir  lieu,  d'autant  plus  qu'il 


(i)Biblioclièque  de  Cluni ,  page  5  j8. 


Ffff 


594  PRIEUR. 

r>  s'agit  (les  droits  du  roi  &  d'entretenir  les  fonda- 
»  lions  de  fes  auteurs  ,  qu'il  eft  du  bien  de  l'é'^life 
})  &  de  riionneur  de  l'état  de  confcrver.  Auifi  il 
})  eft  donc  vrai  que  dni;s  le  temps  que  le  concor- 
M  dat  a  été  pa<Té ,  quoique  ces  monaftères  ne  fuf- 
î)  fent  connus  que  fous  le  nom  de  prieurés  ,  ils 
«  étoient  véritablement  des  abbayes  ,  &  que  les 
i>  entrepriles  qu'on  a  faites  pour  renverfcr  leur  état, 
ï>  n'ont  pu  opérer  ce  changement  )j. 

L'auteur  ajoute  que  le  roi  nomme  conftamment 
aux  abbayes  de  Tiers  ,  de  Saint-Martial  de  Limo- 
ges ,  &  à  plufieurs  autres ,  quoiqu'elles  aient  été 
loumifes  a  l'ordre  de  Cluni  ;  que  par  conféquent 
toutes  les  autres  abbayes  qui  ont  été  fondées 
comme  telles ,  doivent  être  à  la  nomination  du 
roi  ,  fous  quelque  nom  qu'on  les  connoifle  au- 
jourd'hui, 

11  convient  cependant  qu'entre  les  monaftères 
ai^régcs ,  foit  à  l'abbaye  de  Cluni,  foit  nux  chefs- 
d'ordre  ,  il  peut  y  en  avoir  que  les  fondateurs  ont 
voulu  y  foumettre  ,  avec  pouvoir  aux  abbés  de  ces 
grandes  abbayes  d'y  envoyer,  au  c:i.  de  v;icance  , 
de  leurs  religieux  pour  en  être  les  abbés  &  les  gou- 
verner as  ec  cette  fubordmation  ;  mais  il  foutient 
que  cette  exception  ne  peut  avoir  lieu  qu'à  l'égard 
lies  abbayes  dont  les  titres  de  fondation  en  dilpo- 
i'ent  expreHément  ainfi. 

»  Il  ne  reAe  donc  plus  ,  dit  enfin  notre  auteur, 
M  qu'à  connoitre  le  nombre  de  ces  monaflères 
»  ainfi  réduits  en  prieurés.  Le  moyen  le  plus  fun- 
>j  pie  Si  le  plus  sûr  pour  parvenir  a  cette  connoif- 
>i  (ance  ,  eu  d'obliger  les  collaicurs  de  ces  pré- 
»  tendus  prieurés  à  repréfcnrer  les  titres  de  fonda- 
n  tion  de  ces  béncHces  ,  ou  du  moins  des  aftes 
M  équivalens  £f  qui  foient  en  bonne  forme;  faute 
«  de  quoi  le  roi  pourra  y  notnmerw. 

Nous  ne  nous  permettrons  aucune  réflexion  fur 
ce  fyflème  :  il  uidit  qu'on  fâche  qu'il  n'efl  pas  en- 
core accrédité  :  c'eft  aux  arrêts  qui  le  jugeront, 
lorfqu'il  fera  propofé  en  juftice  ,  à  déterminer  l'opi- 
nion que.nous  devons  nous  en  former. 

Les  prieurés  conventuels  des  Pays-Bas  font  fou- 
rnis ,  dans  les  mêmes  cas  que  ceux  de  France  ,  à  la 
nomination  royale  :  mii*'  la  fo!me  de  cette  nomina- 
tion y  eft  différente  ;  nous  en  avons  rendu  compte 
fous  le  mot  ÉLECTION. 

On  a  demandé  fi  cette  forme  devoir  être  fuivie 
peur  les  prieurés  conventuels  qui  font  en  congréga- 
tion. Les  chanoines  réguliers  d'Hanfwyck  ,  prieuré 
de  la  congrégrtion  de  Val-des- Ecoliers,  ont  foutenu 
h  négative,&  combatu  par  ce  prétexte  la  nomination 
faite  par  l'empereur  de  la  perfonne  de  frère  Marc 
Canthals.  La  caufe  fut  d'abord  portée  au  confeil- 
privé  de  Bruxelles  ,  &  enfuite  renvoyée  au  grand- 
confeil  de  Malines.  L'abbé  de  Sainte-Geneviève  y 
intervint  pour  les  chanoines  réguliers  ,  &  le  minif- 
tère  public  pour  les  droits  de  la  couronne,  On 
prétendoit  d*un  côté  ,  que  l'éle^lion  appartenoit 
aux  religieux,  Se  la  con  firmationà  l'abbé  général  ; 


PRIEUR. 

on  démontroit  de  l'autre  ,  que  l'empereur  étoit  au- 
torifé  ,  par  les  indulrs  de  Rome  &  par  une  poflef- 
fion  immémoriale,  à  faire  élite  qui  bon  lui  fem- 
bloit  ,  &  à  confirmer  l'éledlion  ;  que  les  leuls 
prieurés  triennaux  étoient  exceptés  de  cette  règle, 
qi:e  celui  d'Hanlwyck  etoit  perpétuel  ,  &  qu'amfi 
rien  ne  pouvoir  l'affranchir  d'une  loi  générale  & 
commune  à  toutes  les  provinces  Belgiques. 

En  conféquence,  il  eft  intervenu  arrêt,  conçu 
en  ces  termes  ;  <i  La  cour,  faifant  droit  fur  les  con- 
"  clufions  du  fuppliant  (  frère  Marc  Canthals  )  , 
»  d:clare  qu'il  a  été  dûment  pourvu  du  prieuré 
»)  d'Hanfwick;  &  difpofant  fur  celles  des  confeil- 
"  1ers  fifcaux,  déclare  que  fa  majeflé  eft  en  droit 
»  de  nommer  8c  députer  à  chaque  vacance  dudit 
5)  prieuré  ,  des  commiffaires  ,  dont  un  foit  de  l'or- 
»  dre  du  Val-des-Ecoliers,  Se  de  la  conférer  furie 

»  pied  des  derniers  collateurs cordamne  les 

')  Refcribens  (  les  chanoines  réguliers  d'Hanfwick 
»  &  l'abbé  de  Saint-Geneviève)  ,  aux  dépens  du 
»  différend  ,  au  taux  de  la  cour.  Pronoacé  a  Mali- 
>'  nés  le  21  février  1724». 

Cet  arrêt  &  les  requêtes  des  cor.feiL'ers-fifcaux , 
qui  en  contiennent  les  motifs ,  font  rapportés  dans 
le  recueil  du  comte  de  Coloma  ,  imprimé  à  Mali- 
nes en  178 I. 

Peut-on  pourvoir  à  un  prieuré  conventuel  par 
la  voie  de  co-adjr.torie.''  Cette  quefiion  a  été  agitée 
dans  un  grand  procès  entre  M.  de  Saint  Albin  , 
archevêque  de  Cambrai,  &  M.  l'abbé  d'Auvergne. 
Le  13  feptembre  1717,  l'abbé  de  Lionne  ,  Prieur 
commendataire  de  Saint-Martin-des-Champs,  p;iffa 
procuration  pour  demander  au  pape  un  co-ad)u- 
teur  ,  fur  le  motif  que  ion  «  grand  âge  ne  lui 
»  permettant  plus  de  remplir  toutes  les  fondions 
"  auxquelles  l'engageoit  fa  qualité  de  Prieur  , 
»  il  defiroit  procurer  à  fon  prieuré  un  fuccelïeur , 
»  qui  pût  contribuer  dans  la  fuite  à  en  confervcr 
«  les  droits,  &  faire  revenir,  par  fon  crédit,  ceux 
"  qui  avoient  été  aliénés,  ou  procurer  le  paye- 
»  ment  des  femmes  dues  audit  Prieuré  d.puîs- 
>»  tant  d'années  par  le  roi ,  loic  pour  l'alitiia- 
»  tion  de  la  juffice  dont  jouiffoii  le  prieur;  ,  on 
"  pour  d'autres  caufes  ».  Le  aa  du  même  mois , 
M.  de  Saint-Albin  obtint  en  cour  de  Rome  des 
bu'les  de  co  adjutorerie,  contenant  dérogation  à 
toutes  difpofitions  canoniques  qui  y  feroient  con- 
traires. Le  8  oclobre  fuivant ,  le  roi  donna  des  let- 
tres-patentes pour  l'exécution  de  ces  bulles  ,  déro- 
geant à  cet  effet  à  tous  édits  &.  déclarations  qui 
pourroicPt  y  mettre  obftacle  ,  pour  ce  regard  feule- 
ment &  fans  tirer  à  conféquence.  Le  13  ,  les  bulles 
furent  fulminées  par  l'official  de  Paris  ,  &  le  1 8  elles 
furent  enregiftrées  au  grand-confeil  avec  les  lettres- 
patentes.  Ce  n'étoit  cependant  pas  au  grand-con- 
feil que  les  lettres  patentes  étoient  adreffées,  mais 
au  parlement.  En  conféquence  ,  M.  de  Saint-Albin 
en  demanda  l'enregiftrement  à  cette  cour.  Par  un 
premier  arrêt  du  21  janvier  1718,  le  parlement 
ordonna  qu'avant  faire  droit ,  les  bulles  ,  les  lettres- 


PRIEUR. 

patentes  8c  la  requête  en  enregiftrement  feroîent 
communiquées  tant  au  coUateur  qu'au  titulaire  du 
prieuré.  Le  23  du  même  mois  ,  M.  l'archevêque  de 
Vienne,  abbé  deCluni,  collateur  de  M. de  Lionne, 
Prieur  commendataire,  déclarèrent  confentir  à  l'en- 
regiftrement.  Le  premier  donna  même  une  requête 
pour  réitérer  fa  déclaration  ;  &  afin  qu'on  ne  révo- 
quât pas  en  doute  la  liberté  de  (on  confentenient , 
il  vint  prendre  feance  ;uj  parlement  le  7  février  , 
Se  il  fut  rendu  en  fa  préfence  un  arrêt  par  lequel 
»>  la  cour,  ayant  égard  à  fa  requête,  lui  donne 
J>  a6le  de  fon  confentcmcnt  porté  par  icelle  ,  & 
"  en  conféquence  ordonne  que  lefdites  lettres-]îa- 
»»  tentes  &.  bulles  feront  enregiflrées  ,  pour  jouir 
"  par  l'impétrant  de  l'eflet  &  contenu  en  icelles  , 
»  être  exécutées  félon  leur  forme  &  teneur,  fi':s 
»  tirer  à  confé~]uence  6»  J^ns  préjudice  des  droits  du 
■>■)  roi ,  des  iifiges  du  royaume  ,  iS»  des  libertés  de 
'»  l'églift  gallicane  v.  L'abbé  de  Lionne  étant  décédé 
le  5  janvier  1721  ,  M.  l'archevêque  de  Vienne  con- 
féra le  prieuré  à  M.  l'abbé  d'Auvergne  fon  frère  , 
comme  s'il  eût  été  vacant  par  mort.  Le  14  janvier 
1724,  M.  l'abbé  d'Auvergne,  après  avoir  tenu 
ies  provifions  C-crètes  pendant  trois  ans ,  fit  affi- 
gner  M.  l'archevêque  de  Cambrai  au  grand  confcii , 
pour  voir  dire  qu'il  ieroit  maintenu  dans  le  bé;ié 
rice.  Il  y  avoit  alors  près  de  fix  ans  que  M  de 
Saint-Albin  étoit  pofTeiTeur  paifible.  Le  29  ,  le  roi , 
informé  de  cette  contcflation  imporrante  ,  voulut 
en  être  le  juge  ,  Si  l'évoqua  à  fon  confeil.  M. 
l'abbé  d'Auvergne  a  prouvé  dans  fes  mémoires  , 
f]ueles  co-adjutoreries  ne  font  reçues  en  France  que 
pour  les  prélatures  ,  &  qu'elles  ne  peuvent  être  au- 
torifées  pour  un  prieuré  conventuel  poiTéJe  en 
commende.  M.  de  Saint-Albin  ed  aiTez  convenu 
de  ces  principes  ;  mais  il  a  foutenu  que  la  prohibi- 
tion d'étendre  les  co-adjutoreries  aux  autres  béné- 
fices,  n'étant  que  de  droit  pofuif,  pouvoit  erre 
levée  par  le  concours  des  deux  puiiTances  ,  fur-:uut 
avec  le  confentement  du  collateur  ordinaire  ;  &  que 
dans  le  fait  celui  ci  ayant  expreffément  renoncé  à 
fon  droit  ,  ce  n'étoit  pas  à  fon  pourvu  à  le  c.jntre- 
à.i-<i.  Par  arrêt  du  20  Oéfobre  1725  ,  le  confeil  a 
déclaré  x\î,  labbe  d'Auvergne  nourecevable  dans 
fa  d:'mande. 

Nous  avons  rapporté  tous  ces  détails  ,  pour  faire 
voir  que  cet  arrêt  n'eft  pas  ,  comme  le  croient  bien 
des  pe-fonnes,  un  préjugé  pour  la  légitimité  des 
co-adjutoeries  de  prieurés  conventuels. 

Quoique  les  Prieurs  conventuels  ne  foient  pas 
au  rang  des  prélats  (i)  ,  on  ne  laifTe  pas  de  les  ré- 
putcr  dignitaires,  &  ils  font,  en  cette  qualité  ,  ha- 
biles à  exercer  une  commiflion  apoftolique.  C'efl 
C-*  que  porte  la  clémentine  2  ,  di  refcriptis. 

Sur  les  autres  points  relatifs  aux  prieurés  con- 

(1  )  Guymicr  fur  la.  pragmatique  ,  ticre  de  elscliom  ,  ch.ipi- 
tre  Jîcuf ,  paragraphe  quanti,  avance  cependant  que  Fr/or 
convmtudis  dicitur  prœlatus  ;  mais  il  ne  fonde  cette  aflercion 
que  fur  le  cha^jifce  itcrevit ,  in  6  \ ,  ^ui  n'en  dit  pas  un  mot. 


PRIEUR. 


m 


ventuels ,  voyez  les  articles  CoNVENTUEi  & 
Commende. 

§.  IL  Des  prieurés  claujîraux. 

On  appelle  Prieur  clauflral  celui  qui  gouverne  les 
religieux  ,  foit  fous  un  abbé  régulier ,  foit  dans  les 
abbayes  ou  prieurés  qui  font  en  commende. 

Uii  prieuré  claufîral  n'eftaiïez  généralement  coii' 
fidéré  que  comme  un  fimple  oiiîce  S'il  y  a  des 
maifons  où  il  exifîe  en  titre  de  bénéfice,  au  moins 
il  ne  doune  nulle  part ,  à  celui  qui  en  cfl  pourvu  ,  la 
qualité  de  dignitaire.  Ccû  la  difTérence  que  met  la 
clémentine  2 ,  de  refcriptis  ,  entre  un  Prieur  conven- 
tuel 6i  un  Prieur  clauf^ral. 

De  droit  commun  ,  lorfque  les  abbayes  font  en 
règle  ,  les  Priei:rs  clauflraux  font  ù  la  nomination 
des  abbés,  &  il  dépend  de  ceux-ci  de  les  révoquer 
quand  il  leur  plaît.  Aufii  les  fondions  de  ces 
Prieurs  ceffent-elles  de  plein  droit  à  la  mort  des 
abbés  qui  les  ont  commis. 

Il  y  a  cependant  quelques  abbayes  où  on  en 
ufe  autrement  :  telles  font  Sainte  -  Geneviève  de 
Haris,  Anchin  en  Artois  ,  Saint  Aubert  de  Cam- 
brai :  les  Prieurs  de  ces  maifons  font  élus  par  les 
religieux  ,  &  on  ne  peut  les  deflitucr  que  pour  des 
caufes  légitimes. 

L'iifage  particulier  de  ces  trois  abbayes  ,  lorf- 
qu'cUes  font  en  titre,  efl ,  dans  certaines  provinces  , 
un  droit  commun  pour  celfes  qui  font  en  commen- 
de. Ainfi ,  dans  les  Pays-Bas,  les  religieux  qui  ont 
des  abbés  cominendataires,  choifi/Tent  toujours  eux' 
mêmes  leurs  Prieurs;  mais,  comme  on  l'a  vu  à 
l'article  Gr/.nd  Prieur  ,  ils  ne  le  font  qu';i  l'in- 
tervention de  leurs  abbés  ,  qui  ,  en  ce  cas ,  font  en 
droit  de  voter  aux  éleétions ,  foit  en  perfonne  ,  foit 
par  procureur. 

Nous  avoiis  cependant  fou;  les  yeux  l'expédi- 
tion d'un  arrêt  du  confeil  d'état  du  14  novembre 
1694,  rendu  entre  les  religieux  de  Saint  Gérard , 
diocèfe  de  Namur,  8i  leur  abbé  commendataire, 
qui  «  ordonne  que  de  trois  en  trois  ans  il  fera 
"  procédé  à  la  nomination  du  Prieur  par  les  reli- 
»  gieux  capitulairement  afTemblés  ,  lequel  fera  te- 
»  nu,  avant  d'en  faire  les  forjéîions,  de  demander 
)>  la  confirmation  à  l'évêquc  ,  qui  ne  pourra  la  lui 
»  re^'ufer  fans  caufe  lêgiiirne  ;>. 

En  généial,  le  droit  à  la  nomination  du  Prieur 
clauftral  n'a  rien  de  fixe  par  rapport  aux  abbayes 
pofîèdées  en  commende  :  dans  les  unes,  il  appar- 
tient aux  religieux  ,  dans  les  autres,  à  l'abbé.  Oa 
ne  doit  confulter  en  cela  que  la  polTeffion  8c  les 
flatuts  des  difTérens  ordres. 

Lorfque  l'abbaye  eft  en  lêgle,  le  Prieur  clauflral 
efl  fubordonné  à  l'abbé  dans  toutes  les  fonéî'ons 
de  fon  ofKce  ;  &  on  peut  alors  lui  appliquer  ce 
que  dit  faint  Benoît  du  Cellerier  ,fine  juffiune  ab' 

bâtis  nihil  faciat  omnia  nienfuratè  facial  ^  A" 

cundùm  jtijjîonem  abbatis omnia  tjuœ  ei  injunxen^ 

abbas,  ipje  luiheat  fub  cura  fiiâ^  â  quibus  eum  prolii- 
buerit  non  prccfumat, 

Ffffij 


596  PRIEUR. 

On  a  établi  au  mot  Commende  ,  que  dans  les 
abbayes  qui  font  poflédées  à  ce  titre  ,  ce  n'eft  point 
aux  abbés ,  mais  aux  Prieurs  clauftraux  qu'appar- 
tient le  gouvernement  rpirituel.  Ce  principe  a  été 
confirmé  par  l'arrêt  du  14  novembre  1694,  que 
nous  venons  de  citer.  Voici  ce  qu'il  porte  à  ce 
fujet  :  «  Pourra  ledit  Prieur  exercer  toute  juridic- 
j)  tion  Ipirituelle  immédiate,  donnera  l'habita  ceux 
»  que  le  chapitre  aura  admis  au  noviciat,  &  rece- 
j>  vra  les  novices  qui  aurorit  été  pareillement  admis 
j>  par  le  chapitre  à  faire  profefTion  ». 

Quelques  canoniftes  ,  &  entr'autres  Van-Efpen  , 
exceptent  de  cette  jurirprudcnce  les  abbayes  qui 
font  pofîeoées  en  commende  par  des  cardinaux  ; 
ma  s  cette  reftriflion  n'eft  pas  admifc  en  France  : 
diftérens  auteais  citent ,  comme  un  monument  de 
fa  profcription  ,  l'arrêt  du  grand  confeil  du  30 
mars  1694,  que  nous  avons  rapporté  ;i  l'article 
Grand  Prieur.  C'eft  une  méprife.  Il  c{\  vrai  que 
cet  arrêt  déboute  te  cardinal  d'Eftrées  de  fa  préten- 
tion au  droit  excUifif  de  nommer  le  grand  Prieur 
de  l'abbaye  d'Anchin  ,  qu'il  tenoit  en  commende  : 
mais  on  ne  peut  en  tirer  aucune  conféqucnce  pour 
les  autres  abbaye*  ni  même  pour  les  antres  parties 
du  gouvernement  fpirituel  de  celle  d  Anchm  , 
parce  que  les  religieux  de  cette  maifon  ayant  , 
comme  on'l'a  dit  ci  deffus ,  le  droit  délire  leur 
grand  Prieur  lors  même  qu'ils  ont  un  abbé  régulier, 
fe  cardinal  d'Eftrées  ne  pouvoir  avoir  aucun  pré- 
texte pour  s'en  faire  adjuger  la  nomination. 

Mais  un  arrêt  qui  prouve  diredement  que  les 
abbés  cardinaux  n'ont  pas  en  France  le  droit  que 
leur  attribuent  les  canonifies  à  l'adminiAration  in- 
térieure des  abbayes  dont  ils  font  commendaraires , 
cil  celui  du  19  feptembre  1697,  qui  a  été  pareille- 
ment rendu  au  grand  confeil  entre  le  cardinal 
d'Eflrées  Si.  les  religieux  d'Anchin.  Cet  arrêt,  qu'on 
ne  trouve  pas  dans  nos  livres,  mais  que  j'ai  entre 
les  mains  ,  déclare  qu'il  y  a  abus  dans  Its  provi- 
fions  données  par  le  cardinal ,  tant  pour  les  offices 
clnuflraux  de  trélorier  &  maître  des  bois  de  l'ab- 
baye ,  que  pour  la  place  de  préfident  ou  princi- 
pal du  collège  d'Anchin  de  Douai  ;  ce  faifant  , 
maintient  &  garde  le  grand  Prieur  dans  le  droit 
&  poflciîîon  de  commettre  ,  révoquer  ,  inilituer 
&  deflituer ,  en  la  manière  accoutumée  ,  à  la  pré- 
fidence  de  Douai  ,  &  à  tous  les  offices  clauftraux 
dépendans  de  l'abbaye. 

L'ordre  de  Cluni  nous  offre  ,  par  rapport  aux 
Prieurs  clauftraux  ,.  un  ufage  fingulier  dont  il  faut 
ici  rendre  compte.  "Cet  ufage,  dit  M.  Piales, 
3»  fon  lé  fur  les  principes  de  l'équité  n.ntnrelle  , 
»  établi  par  des  décrets  des  clmpiire':  généraux  ,  & 
«  confirmé  par  des  lettres  -  patentes  dûment  en- 
j>  reeiftrées,  confifte  à  donner  au  Prieur  clauftral 
}>  de  chaque  monaftère  une  double  menfe  ou  une 
»  portion  double.  11  a  été  introduit  à  l'imitation 
n  de  ce  qui  s'étoit  pratiqué  dans  les  partages  des 
»  raenfes  capitulaires  des  églifes  cathédrales  & 
n  collcgiales,  où  ftuus  voyons  que  le  ciief  de  la 


PRIEUR. 

»  compagnie  jouit  communément  de  deux  pré^' 

»  bendes  ,  quelle  qae  foit  fa  qualité  ,  foit  celle  de 

»  doyen  ou  de  prévôt.  Le  chef  d'un  corps,  d'une 

"  compagnie,  d'une  communauté  féctiliére  ou  ré- 

»  gulière,  eft  toujours  expofé  à  une  plus  grande 

w  dépenfe  que  les  fimples  membres  qui   ne  font 

»  point  en  dignité.  Il  eft  obligé  de  d-onner  à  man- 

»  ger  de  temps  en  temps  à  la  compagnie  &  a  dif- 

»  férentes  perfonnes  qui  y  ont  rapport.  Il  ne  peut 

»  fe  difpenfer,  pour  le  bien  du  corps,  d  entrete- 

»  nir    certaines  relations ,   qui  donnent  toujours 

"  lieu  à  certaines  dépenfes.    S'il  vient  quelqu'é- 

»  tranger  qui  ait  quelque  affaire  avec  la  compa- 

»  gnie  ,  c'eil  communément  au  chef  qu'il  s'adreffe. 

"  Combien  d'autres  devoirs  relatifs  à  la  fociété  ci- 

»  vile  qu'un  chef  eft  tenu  de  remplir,  &  qui  le 

»  mettent  dans  la  néceffité    d'avoir   plus  de  do- 

"  meftiques  &  un  logement  plus  vafte  que  ce- 

»  lui  des  fimples  particuliers!  Un  chef  eft  préfumé 

»  être  le  premier  par  fon  mérite ,  auffi  bien  que 

»   par  fa   place.  Il  lui  faut  doue  une  plus  grande 

"  quantité   de  livres  &  autres    meubles  ,   qu'aux 

»  fnnples  membres  de  la  compagnie.  Par  ces  dif- 

"  férentes  raifons  ,  le  revenu  qui  fuffit  à  un  cha- 

»  noine  ne  fulHt  pas  à  un  doyen.  Ces  motifs  mi- 

'>  litent  en  faveur  des    Prieurs  clauftraux  ,  pour 

»  leur  faire  attribuer  une  double  menfe  dans  tous 

»  les  monadères  où  chaque  religieux  a  fa  portion 

>»  en  menfe  féparée.  S'ils  ne  militent  pas  avec  la 

»  même  force   en   faveur  des  Prieurs  clauftraux 

»  des  monaftères  où  il  n'y  a  qu'une  menle  com- 

"  mime ,   du  moins    militent-ils  en  faveur  de   la 

»  communauté.  Auffi  toutes  les  fois  que  les  ab- 

»  bés  &  Prieurs  titulaires  &c  commendataires  des 

)j  abbayes  &  prieurés  de  l'ordre  de  Cluni ,  tant 

»  de  l'ancienne  que  de   l'étroite  obfervance  ,  ont 

)»  entrepris  de  contefter  aux  Prieurs  clauftraux  leur 

»  double  menfe  ,  ils  ont  été  condamnés  à  la  leur 

)»  payer  à  raifon  de  trois  cents  1  vres  par  an  ,  & 

))  cela  ,    foit    que  la  communauté  des    religieux 

»  jouiffe   d'un   tiers  des  biens   du   monaflêre  en 

)»  vertu  d'un  partage  judiciaire  ,  foit  que  les  reli- 

»  gieux  ne  jouiffent  que  d'une  fimple  penfion  ou 

»  ponion  monachale  »>. 

M.  Piales  rapporte  enfuite  deux  arrêts  qui  jufti- 
fient  ce  qu'il  avance.  Le  premier  a  été  rendu  au 
grand  confeil,  le  16  mai  1735  ,  fur  les  conclu- 
fions  de  M.  l'avocat-général  Bignon  ,  en  faveur 
du  Prieur  clauftral  de  Lhoris  en  Santerre  ,  contre 
le  fieur  Ozenne  ,  Prieur  commendataire  de  ce 
prieuré.  Le  fécond  eft  du  6  février  1744  ;  il  a 
été  rendu  fur  les  concUifions  de  M.  l'avocat  gé- 
néral le  Bret,  entre  le  Prieur  titulaire  6c  le  Prieur 
clauftral  de  faint  Martin  de  Layrac. 

§.  III.    Des  prieurés  forains. 

Les  prieurés  forains  font  ceux  qui  dépendent 
d'une  abbaye  ou  prieuré  conventuel ,  &  en  font 
en  quelque  forte  partie.  On  les  connoît  auftî  en» 
certains  endroits  fous  le  nom  de  prévôtés». 


PRIEUR. 

On  en  diftingue  de  deux  fortes  :  les  uns  font 
appelée  fimples ,  les  autres  fociaux. 

Les  prieurés  forains  fimples  font  ceux  dans  lef- 
quels  il  n'exifte  point  de  conventualité  ;  &  l'on 
entend  par  prieuré  focial ,  celui  dans  lequel  p!u- 
fieurs  religieux  du  monaftère  d'oii  il  dépend  ,  vi- 
vent enfemble  fous  la  conduite  d'un  Prieur, 

Cette  diflJnftion  vient  du  relâchemtnt  de  la  dif- 
cipline  monaîîique.  Les  lois  de  l'églife  &  de  ie- 
tat  ont  toujours  exigé  que  la  conventualité  iût 
établie  &  maintenue  dans  les  prieurés  forains.  Le 
chapitre  44  du  capitulaire  d'Aix-la-Chapelle,  tiré 
du  règlement  fait  dans  l'afTemblée  des  abbés  ,  te- 
nue en  cette  ville  en  817,  par  ordre  de  Louis  le 
Débonnaire,  qui  l'approuva  enfuite ,  porte,  qu'il 
eft  permis  abbjtibus  habere  celUs  in  quibus  aut  mo- 
nachi  fini  aut  canonici;  Si.  veut  que  l'abbé  provi- 
deat  ne  minus  de  monachis  ibi  hjbiljre  perwitlat 
quàm  fex.  Dans  la  fuite  ,  on  a  fixé  à  trois  le  nom- 
bre des  religieux  qui  doivent  habiter  chaque 
prieuré  forain.  Le  concile  de  Montpellier ,  de 
1214,  &  la  clémentine  in  agro,  en  contiennent 
des  difpofitioiis  expreffes  ,  &  veulent  que  fi  les 
revenus  d'un  prieuré  ne  fufEfent  pas  pour  rem- 
plir cet  objet ,  on  unifTe  plufieurs  petits  prieurés  , 
à  la  charge  de  faire  dtffervir  par  des  eccléfiafti- 
ques  féculiers  ,  ceux  où  il  n'y  auroit  plus  de  re- 
ligieux rcfidens.  Mais  ces  réglemens  &  plufieurs 
autres  femblables  ,  rapportés  à  l'article  Conven- 
tualité ,  n'ont  produit  ,  comme  on  l'a  vu  au  mê- 
me endroit  ,  que  des  fruits   iràs-imparf;iits. 

On  a  cependant  tenté  de  les  faire  revivre  ,  & 
même  de  les  étendre  par  l'article  10  de  l'édit  du 
mois  de  février  1773  »  concernant  les  réguliers. 
Cet  article  fait  àé{in(e  aux.  Prieurs  forains  de  ré- 
fjder  ddns  leurs  prieurés  ,  à  moins  qu'il  n'y  exifte 
une  conventuslité  régulière  ;  &  leur  ordonne  de 
fe  retirer  &  vivre  dans  les  monaftères  auxquels 
ils  font  attachés. 

Cette  difpofirion  eft  générale,  elle  embrafTe  par 
conféqucnt  tous  les  prieurés  où  il  fe  trouveroit 
moins  de  quinze  religieux,  fans  compter  le  fii- 
périeur  ,  pour  les  monaflères  non  réunis  en  congré- 
gation; &  moins  de  iniit  religieux  ,  fans  compter 
le  (upérieur  ,  pour  ceux  qui  font  fous  chapitres 
généraux  ,  puifque  l'article  7  de  l'édit  du  mois 
de  mars  1768  a  déterminé  par  ce  nombre  le 
caraélére  de    leur  conventualité. 

Mais  il  y  a  tout  lieu  de  croire  que  les  circonftan 
ces  dans  lefquelles  la  première  de  ces  lois  a  été 
portée  &  eiiregiftrée  ,  en  affoihliront  toujours  l'au- 
torité ,  &  la  feront  infenfiblement  tomber  dans 
l'oubli.  Déjà  même  le  roi  l'a  expreffément  révo- 
quée ,  pour  le  reffort  du  parlement  de  Flandres , 
•par  une  déclaration  du  17  décembre  1774,  qui 
veut  ,  article  11  ,  «  que  les  prévôtés  ,  prieui.'s  ou 
3)  dépendances  defdits  mona/lères  ,  dans  lefqutls 
>i  il  n'exifîeroit  plus  de  conventualité  régulière  , 
«  continuent  d'être  habités ,  ainfi  qu'ils  l'ont  été  j 
:j  ci-devant,  parles  religieux  que  les  fupérieurs  J 


PRIEUR.  597 

»  defdits  monaflères  jugeront  à  propos  d'y  en- 
»  voyer  ». 

Les  abbayes  d'Artois  ont  pareillement  obtenu 
au  confeil  un  arrêt  du  18  avril  1778  ,  qui  furfit,  à 
leur  égard  ,  à  l'exécution  de  l'édit  du  mois  de  fé- 
vrier 1773  ,  &  ordonne  fpécialemcm  qu'il  ne  fera 
rien  innové  en  ce  qui  touche  les  prieurés  &  pré- 
vôtés de  leur  dépendance.' 

Il  a  été  i\n  temps  où  certaines  religieufes  avoient 
auflî  des  prieurés  forains  ,  dans  lefquels  elles  fai- 
loient  leur  réfidence.  Sœur  Geneviève  Mailliart 
s'étant  fait  poursoir  en  cour  de  Rome  du  prieuré 
de  Mirabeau  ,  fur  la  réfignation  de  fœur  Anne  Pi* 
nart,  fœur  Catherine  Govaut  en  obtint  des  provi- 
fionsà  titre  de  devolut,  fondé  fur  l'indignité  de  la 
réfignataire.  La  caufe  portée  à  l'audience  de  la 
grand'chaiiibre  ,  fur  l'appel  d'une  fentence  des  re- 
quêtes du  palais  ,  M.  l'avocat  général  Bignon  ob- 
ferva  qu'il  y  avoir ,  de  la  part  de  fœur  Maillarr, 
de  l'ordure  <y  de  la  honte;  que  cela  arrivoit,  parce 
que  le  prieuré  étoit  champêtre  ,  &  qu'il  étoit  im- 
portant que  la  cour  y  poi^rvût  par  fa  prudence  , 
afin  de  tarir  la  fource  de  tels  fcandales.  Par  arrêt 
du  4  juin  1637,  rapporté  dans  le  recueil  de  Bar- 
der, u  la  cour  mit  l'appellation  au  néant,  évoquant 
»  le  principal  &  y  fniiant  droit ,  maimint  &  gardi 
"  fœur  Catherine  Govaut  en  la  pofleflion  &  jouif- 
»  fance  du  prieuré  contentieux  ,  à  la  charge  de 
V  n'y  point  réfider ,  mais  de  fe  retirer  dans  un  cou- 
"  vent  &  maifon  régulière  ;  &  à  la  charge  pareil- 
»  lement  de  ne  pouvoir  le  réfigner  ,  &  qu'après 
Ti  fon  décès  ,  il  feroit  pourvu  par  l'archevêque  de 
■>■>  Sens  à  l'union  diidit  prieuré  à  l'abbaye  du  Val-" 
»  de  Grâce  ,  d'où  il  dépend  5». 

Une  des  plus  importantes  queftions  qu'il  y  ait! 
fur  la  matière  des  prieurés  forains  ,  foit  fimples  , 
foit  fociaux  ,  efidefavoir  quelle  eft  leur  véritable 
nature  ,  c'eft-a-  dire  ,  s'ils  exiftent  en  t^tre  de  béné- 
fices, ou  s'ils  ne  forment  que  de  fimples  obédiences 
ou  adminiftrarions. 

Pour  repandie  fur  cette  queftion  tout  le  jour 
dont  elle  eft  fufceptible  ,  il  faut  remonter  à  réta. 
bliiTemeni  des  prieurés  forains  ,  &  leS'  confidérer 
dans  les  difiérens  états  par  lefquels  ik  ont  pafTél 
On  peut  réduire  ces  états  à  tiois  époques  principa- 
les ,  qui  font  l'origine  des  prieurés  ,  le  troifième 
concile  de  Latran  de  1 179  ,  &  le  concile  de  Vienne- 


tenu  en  13 1 I. 


Plufieurs  caufes  ont  concouru  à  donner  naiftance 
aux  prieurés  forains.  La  première  ,  &  la  plus  com- 
mune ,  a  été  une  raifon  d'économie  &  de  faee  ad- 
miniftration.  Lorfque  les  monaftères  eurent  été 
enrichis  ,  foit  par  la  libéralité  des  fidèles,  foit  par 
les  travaux  des  pieux  (olitaires  qui  venoienr  s'y 
retirer,  on'  fut  obligé  d'en  partager  le  gouverne- 
ment temporel  ,  &  d'en  charger  différens  reli- 
gieux. Le  iupérieur  du  monaftère  ,  ne  pouvant  être' 
par  tout ,  envoyoit  quelques-uns  de  fes  inférieurs- 
dans  les  différentes  fermes  qui  en  compofoient  le 
patrimoine,  pour  en  faire  valoir  les  biens,  en  raq*- 


5^8  PRIEUR. 

porter  les  fruits  à  la  menfe  commune  ,  veiller  fur 
les  colons  ,  &  contenir  les  ferfs  dans  le  devoir. 
"Ces  adminiflrations,  connues  dans  les  auteurs  ec- 
cléfiaftiques  fous  le  nom  de  cclUs  ,  granges  ,  fermes 
ou  oraroires  ,  étoient  des  places  fubordonnées  & 
toujours  dépendantes  ;  le  hipérieur  pouvoir  Its 
révoquer  quand  il  le  jugeoit  à  propos.  Comme  il 
etoit  défendu  d'envoyer  un  religieux  hors  du  mo- 
naftère  pour  vivre  feul  tk  i'ansrégle  ,  l'abbé  donnoit 
des  compagnons  à  ces  adminiflrateurs ,  &  ceux-ci 
tirèrent  de  là  le  nom  de  priores  ,  premiers  ,  ou  de 
prtzpcfiti  ,  prépofés. 

Une  autre  caufe  donna  lieu  à  la  formation  des 
prieurés  forains.  Souvent  les  monaflères  étoient 
n'rs  d'état  de  contenir  le  grand  nombre  tic  reli- 
gieux qui  veuoient  y  chercher  un  afyle  contre  la 
corruption  du  fiècle  ;  dans  ce  cas  ,  on  envoyoii 
une  colonie  dans  un  des  domaines  de  l'abbaye,  & 
ces  religieux  croient  fubordonnés  à  un  chef  ou 
Prieur  ,  qui  pouvoir ,  comme  eux  ,  être  dcditué  c«: 
rappelé  au  monaftère  par  le  fupérieur  (i). 

Enfin  il  arrivoit  aufli  dans  ce  temps  ou  la  faVv.ur 
des  moines  leur  attiroit  cette  confidération  qui 
fuit  prelque  toujours  la  vertu  ,  que  des  feigneurs 
dèfiroient  d'en  avoir  quelques-uns  dans  leur  voifi 
nage  ,  pour  protiter  de  leurs  inrtruélions  &  dejciirs 
bons  exemples.  S'ils  n'étoient  pas  affez  riches  pour 
tonder  un  monaftére  capable  de  fe  foutenir  par 
lui-même  ,  ils  piioient  un  abbé  voifm  d'envoyer 
dans  leur  terre  un  certain  nombre  de  religieux,  ils 
leur  bâtifloient  une  retraite  &  un  oratoire,  &.  ces 
établiflemens  devenoient  des  membres  dépendans 
des  abbayes  d'où  ces»  religieux  avoient  été  tirés  (i). 

Mais  de  quelque  manière  qu'il  arrivât  qu'un  pe- 
tit monaflére  s'établit  ainfi  par  une  colonie  tirée 
d'un  monaflére  plus  confidérable  ,  les  biens  de  l'un 
ou  ne  ceflbient  pas  d'être  ou  devenoient  ceux  de 
l'autre  ;  l'abbé  de  celui-ci  n'en  laiflbit  au  Prieur  ou 
prévôt  de  celui-là  ,  que  ce  qui  étoit  néceflaire  pour 
fon  entretien  &  la  fubfiilance  des  religieux  char* 
gés  d'y  célébrer  le  fervice  divin.  Cette  dépen- 
dance étoit  de  droit  à  l'égard  des  prieurés  formés 
du  patrimoine  des  abbayes  ,  c'eft-à-dire  ,  par  l'une 
des  deux  premières  caufes  que  nous  venons  de 

(l)  CJn  trouve  clans  Ja  chronique  àe  CTinluay.  écrire  j,>r 
};audry  ,  évcquc  de  N'oyon  ,  liv,  a  ,  chao  i  ,  jage  -4  \  ,  un 
txeaipie  d'un  tialilifleaicnt  de  cette  cptve.  Il  j;a  L-  rie  ja  pré- 
vôté de  Berclau  ,  dipendanre  dt  l'abhave  Je  î\\\v.  Na.i:; 
trAtiJS.  £/î  <ii.rf;n  vicui  ex  reb-is  fancli  V.^aji  ,  luuniuc  Ber- 
clau:., It.uc  erF^o  Heduiaus  cbbas,  confiderat.i  r.i  uyportuui 
t-te  ,  Ttioiiillei-iumfundare  difpofulc ,  fiou'dem  ei  epifcujalis 
eiiftorita^  afpirare:.  Quipp?  duplJci  u;ufar:s  cùmperciitir  p;o- 
vifo  ,  qi.o.i  in'.b,  n'Je./c.-r  partcm  ex  Tnon,.c,:is  OLi  a  i  cwn^b  um 
fantli  Vedajii  frequendores  conjluxerant  ,  deleg^rei  ,  (y  boni 
tccUfiiE  circumjactntia  tutiùs  pojjldertmur.  On  recon.ioîc  ici 
deux  des  caufes  qui  ont  contribué  à  rétablifTenient  des 
Prieurés,  t  ".  La  décharge  de  l'abbaye  de  faint  Vaail ,  de  n.  fa 
communauté  étoit  devenue  trop  nombreufe  ;  1°.  la  fureté  & 
Ja  bonne  adminilltation  des  biens  de  cette  abbaye. 

(i)  Voyez-en  un  exemple  dam  Aubère  de  Mire  ,  diphmata 
Btlgica,  cap.  $4. 


P  RI  EUR. 

rappeler  ;  mais  elle  avoir  aufli  lieu  à  l'égard  de 
ceux  qui  s'étoient  établis  de  la  troifième  manière. 
C'eft  la  remarque  du  père  Mabillûn  dans  fes  anna- 
les de  l'ordre  de  faint  Benoît,  tome  1  ,  livre  cj  , 
page  260  ,  n.  41  ,  &  tome  2  ,  livre  24 ,  page  2.07  , 
où  il  rapporte  l'exemple  de  la  celle  de  faint  Goar, 
qui  fut  donnée  par  Charlemagne  au  monaflèie  de 
Prum  :  Hanc  celiam  monajleùo  Prumicc  regio  diplo- 
mate tradidit  in  perpelutim  deinceps  cum  rébus  fuis  in 
ufus^fiairum  ibidem  fervientium  cejfuram. 

Tel  k\t.  allez  généralement  l'état  des  prieurés  fo- 
rains jufqu'au  troifiéme  concile  de  Latran  de  1 179. 
A  cette  époque,  il  s'introdi.ifit  dans  ces  petits  mo-' 
nallères  un  aôus  qui  infenfiblement  opéra  un  chan- 
gement total  dans  leur  manière  d'exiftcr.  Le  troi- 
fiéme concile  de  Latran  avoir  établi  pour  inaxime  , 
qu'aucun  religieux  ne   pouvoir  avoir  un   pécule  , 
mais  il  en  avoit  excepté  les  officiers  du  monaflére 
à  qui  l'abbé  auroit  permis  d'en  tenir  un  ,  non  pour 
le  polléder  en  propre  ,  mais  pour  l'employer  aux 
dépenfes  communes  qu'ils  étoient  obligés  de  faire 
dans  l'exercice    de   leurs  fonélions.    Les  officiers 
clauiliaux  ayant  étendu  fort  loin  cette  exception, 
les  Prieurs   forains  ,  qui  ne  fe  croy oient  pas  d'une 
condition    moins  avantageufe  ,  s'emprefsérent  de 
fiiivre  leur  exemple:  en  coniéquence,  ils  prirent  , 
comme  a  foif.nt,  les  adminiftratioiis  auxquelles  ils 
étoont  prepolcs  ;  ils  fe  chargèrent  de  la  dépenfe  , 
&  l'cbb;  fe  contenta  d'exiger  d'eux  des  penfions 
modiques.  Bientôt  ces  adminiflrations  fe  donnèrent 
à  l'enchère  ;  fabb:  força  les  penfions  ,  &.  les  aug- 
menta a  un  poiiit ,  qu'il  ne  reftoit  plus  aux  Prieurs 
forains  un  revenu  fiifnfant  peur  entretenir  le  nom- 
bre ae  religieux  qui  dévoient  les  accompagner. 

Le  pape  Grégoire  IX  chercha  à  remédier  à  cet 
abus  par  fa  bulle  de  l'an  1232  ,  adreffée  à  l'ordre 
de  Cluni  :  Quoniam  ,  ce  font  fes  termes  ,  abùas  ClU' 
nicil^ijls,  uec  non  abbjtes  &  Priores  e]ufaern  ordinis  , 
prîiiratus  fibi  fubjctlos  exaBionibus  <y  extorjîonibus 
conjueveiunt  cidib  ag^ravare  ,  qubd  in  eifJ<.m  prlo'ati- 
bus  antiquus  Ct"  conjuiius  monuch^rum  ni>meru.<  eft  ni' 
niiiim  dimiuutus  ,  nos  dt  cat.ro  fieii  fub  attefurione 
liivuii  judicii  prohibrmus. 

Cette  bulle  ne  condamnoit  que  l'excès  des  pen- 
fions. Le  concile  de  Sauini;r  ,  de  l'an  1253  ,  alla 
plus  loin  :  il  défendit  d'en  inipofer  de  nouvelles ,  Sc 
même  d'cxij^r  celles  qui  n'avoient  été  impofées 
que  depuis  un  cettain  temps  ;  ce  qui  fut  exprefie- 
ment  confirmé  par  la  bulle  de  Hicolai.  iV,  de  l'an 
1190. 

Ces  réglemtns  ne  touchoicnt  nuUement  à  la 
nature  des  prieurés  forains.  Ils  ne  tendoient  qu'à 
tn  pitvenir  la  ruine  ;  .-.uffi  remarquons-nous  que 
diius  le  temps  même  vi\  ils  ont  paiu,  c'cft-à  dire, 
dans  le  treizième  fécie,  on  icgaidoit  encore  les 
p'ieiîrés  forains  comme  de  fimplts  adminiflrations. 
Plfficuis  r^l'gicux  avoieni  tei.té  d'obtenir  en  cour 
de  Rome  des  refcrits ,  pour  être  maintenus  pen- 
dant toute  leur  Nie  d.ms  les  obédiences  qui  leur 
étoient  confiées.  Le  pape  Innocent  111  s'tlève  avec 


PRIEUR. 

force  contre  cet  abus  dans  les  décrébles  ad  nof- 
tram  6*  porrecla,  de  confirmatione  iitiîi  vet  inutUi. 
Si  ces  lettres,  dit  le  pontife,  portent  que  limpé- 
trant  eft  un  religieux,  elles  font  faufles  ;  parce 
que  nous  n'en  avons  point  accordé  de  fembla- 
bles.  Si  au  contraire  l'impétrant  avoir  la  qualité  de 
rci.^ieux,  elles  font  nulles  &  fubreptices  (i).  Ce 
n'étoic  donc  pas  encore  l'ufage  de  donner  ces  ad- 
miniftrations  à  perpétuité  ;  &  fi  l'on  en  voyoit  quel- 
ques exemples ,  ils  étoient  l'eiVet  de  la  fraude  & 
de  la  furprife. 

Les  abus  même  de  ce  fièclc  juftifient  cette  vé- 
rité. Les  abbés,  pour  gratifier  des  clers  féculiers, 
imaginèrent  de  leur  donner  des  places  monachales 
dans  les  prieurés ,  où  ils  vivoient  avec  les  reli- 
gieux :  d'un  autre  côté  ,  des  Prieurs  forains  ob- 
tenoient  des  refcrits  de  Rome  ,  pour  réfider  feuls 
dans  leurs  prieurés.  Le  pape  Honoré  III  réforma 
ces  deux  abus  ;  le  premier  ,  par  la  décrétale  ea 
qucz  ,  de  jlutu  monachorum  ,  Si  le  fécond  par  les  dé- 
crétales  ex  parte  &  ad  aud'untiam  ,  de  capeUis  mo- 
nachorum.  Àinfi  ,  plus  les  religieux  du  treizième 
fiècle  faifoient  d'efforts  pour  fecouer  le  joug  de  la 
difcipline  monalVique  ,  plus  les  papes  s'appliquoient 
à  la  maintenir  dans  toute  fa  vigueur  ,  fans  per- 
mettre ni  aux  abbés  d'abufer  de  leurs  pouvoirs 
pour  emplpyer  à  leurs  ufages  les  revenus  des 
prieurés  forains  ,  ni  aux  Prieurs  de  fe  faire  des  ti- 
tres pour  polTéder  à  vie  &  fans  charge  de  rendre 
compte,  des  revenus  dont  le  foin  leur  ctoit  confié 
à  tiire  d'obédience  6t  de  pure  adminiftration. 

Il  faut  convenir  cependant  que  les  papes  eux- 
mêmes  ont  ,  dans  ce  fiècle  ,  fait  taire  aux  prieurés 
un  grand  pas  vers  la  qualité  de  bénéfices.  Déjà 
Nicolas  IV  ,  par  fa  bulle  de  t  290  ,  adreffée  à  l'ordre 
de  Cluni  ,  les  avoit  exp"efTé;nent  fournis  à  la  dévo- 
lurion.  Déjà  Innocent  III  avoit  déclaré  ,  dans  le 
chapitre  JÙw  ad  rnon.zfierium  ,  de  jÎJtu  monachorum  , 
qu'un  Prieur  forain  ne  peut  être  deftltué  &  rappelé 
à  Ion  monafière,  fans  une  caufe  légitime  ,  nec  alicin 
cummittdiur  aliijLa  chedïtrtîij  perpétua  pojjidenda  , 
tûnqutim  in  fud  fibi  vitd  Lcetw  ^  fed  CUM  OPOR- 
TU I RIT  amoveri ,  fine concradiRione quallbet  revoce- 
/«r.  Déjà  les  commendcsde  ces  prieurés,  en  faveur 
des  clercs  féculiers  ,  étoient  devenues  affxz  com- 
munes ;  &  coiTime  les  commendataires  n'étoient 
pas  fiije's  à  la  loi  de  la  révocation,  eft-il  étonnant 
qu'on  f"e  foit  accoutumé  peu-à-peu  à  attribuer  au 
litre  la  perpétuité  quine  venoit  que  de  la  pcrfonne  ? 

Tel  éioit  l'état  des  prieurés ,  lorfque  s'cft  tenu 
le  concile  général  de  Vienne  ,  en  1 3 1 1.  Les  décrets 
qu'il  fit  fur  ces  établiffemens  ont  paru  fi  intéreffans  , 


(i)  Cùir.  i.^itur.1  cancellaiià  noftrà  hujiifmodi  litts-ras  ema- 
nillc  non  creJjiiius  ,  mandamus  quatenus  illos  qui  talïs  lit- 
teras  exhibuciint  ,  in  quibus  ptioratus  vel  aJminilhationes 
tanquàm  teligiclîs  confcrantur,  eofdem  punias  tanquam  fal- 
fitatis  aiaores.  Si  verô  in  eis  non  Ht  mentio  reiigionis  ipfo- 
ruii) ,  ilLs  canquam  tacità  veritate  fubreptas  Jeiiundes  non 
vaJere. 


PRIEUR.  599 

qu'on  les  a  inférés  dans  le  corps  du  droit  canoni- 
que ,  où  ils  forment  les  clémentines  ne  in  agro  ,  de 
Jlaiu  monuch  rum  ,  ^  quia,  rcgulares  ,  de  fupplendâ 
negligentid  prczlatorum. 

Par  les  décrets  contenus  dans  la  première  de 
ces  lois  ,  le  concile  de  Vienne,  eu  défendant  aux 
religieux  de  réfider  feuls  dans  les  prieurés ,  ordonne 
aux  abbcs  de  faire  réunir ,  par  l'autorité  de  l'églife  , 
ceux  de  ces  bénéfices  dont  les  revenus  ne  fulîifent 
pas  pour  !a  fubfifiance  de  deux  religieux  au  moins. 
Il  règle  l'âge  &  les  qualités  néceflaires  pour  être 
nomme  à  ces  prieurés  &  adminifirations  r.gulières: 
il  veut  que  les  pourvus  foient  profès  &  âgés  de 
vingt-cinq  ans  pour  les  prieurés  conventuels  ,  & 
de  Vingt  ans  au  moins  pour  les  autres  :  il  exige 
qu'ils  ioient  prêtres  ,  ou  tenus  de  fe  faire  promou- 
voir au  (acerdocc  dans  l'année  de  leurs  provifions  , 
ou  au  plus  tard  à  l'âge  de  vingt  cinq  ans  :  il  les 
oblige  à  une  réfidence  exai5te  ,  &  leur  défend  même 
de  reiider  dans  le  principal  monaflère  ,  fi  ce  n'efl 
pour  un  temps  &  pour  de  juftes  caiifes. 

La  clémentine  t/ui.j  reguiares  ,  ajoute,  en  renou- 
velant quelques  lois  particulières  du  treizième  fiè- 
cle, î°.  que  les  abbés  difpoferont  des  prieurés  dans 
les  fix  mois  de  la  vacance  ,  &  qu'après  ce  délai  , 
les  évéques  fuppléeront  à  leur  négligence  ,  en  con- 
Ji^rant  par  droit  de  dévolution  :  2' .  que  ces  mêmes 
abbés  ne  pourront  s'approprier  les  revenus  des 
prieurés  ,  ni  même  leur  impofer  de  nouvelles  pen- 
lions  ou  augmenter  les  anciennes:  3".  qu'on  fui- 
vra  ,  à  l'égard  de  ces  prieurés  ,  la  décrétale  du  pape 
Boniface  VllI ,  par  laquelle  il  eft  défendu  aux  pré- 
lats &  autres  de  s'emparer  des  fruits  des  bénéfices 
vacans:  4".  qu  un  religieux  ne  pourra  réunir  fur  fa 
tête  plufieurs  prieurés  à-lafois  ,  quand  même  ils 
femient  fans  charge  d'ames.:  5°.  que  toutes  ces 
ciiipofirions  ne  concernent  pas  les  prieurés  unis  à 
1.1  menfe  du  principal  monafière  ,  prizmi(fa  vero  Jt 
pnorutibus  ,  tcclefiis  adininijlrationibui  &  beneficiis 
intellig  mus  quiZ  non  funt  de  memâ  prœlitorain  ipfo- 
rum  ,  mais  feulement  ceux  qui  font  gouvernés  par 
des  Prieurs  ,  adminiftrateurs  ou  régiffeurs  particu- 
liers,  y'fii'y/^^iVii/^i  Pnores  ,  adminijîrutores  feu  rec- 
torei  conjueve-unt  habere  ,  quoique  ces  Prieurs  ou 
adminiî^rateurs  puifient  être  rappelés  au  monafière 
pour  des  caufes  légitimes,  licet  Priores  ,feu  admi- 
nij} ratures  Libéré  pojjint  ad  claujirum  ,  ciim  oponuerit  y 
rcvocari. 

Cette  quatrième  difpofitlon  peut  fervir  à  éclair- 
cir  bien  des  doutes  &  à  difiïper  bien  des  équivo- 
ques qifon  élève  ordinairement  fur  cette  matière. 
D'abord  elle  excepte  des  décrets  du  concile  les 
prieurés  unis  à  la  menfe  abbatiale  ;  &  de  peur 
qu'on  ne  regarde  comme  tels  tous  ceux  dont  les 
poffeiTeurs  font  tenus  de  rendre  compte  à  l'abbé  , 
elle  décide  formellement  que  cette  exception  eft 
limitéa?aux  prieurés  qui  n'ont  point  de  Prieurs  , 
d'adminifirateurs  ou  de  régi/Teurs  particuliers.  En 
fecor.d  lieu,  elle  déclare,  conformément  au  chapi- 
tre c/^/W  «Jti  mo/iajïetiurn  y  rapporté  cl- devant,  que 


6o( 


PRIEUR; 


les  titulaires  de  ces  prieurés,  qu'elle  a  qualifiés  un 
peu  plus  haut  de  binénces,  peuvent  être  deflitués 
&  conrraints  de  retourner  au  monaflère  principal  , 
cùrn  oportnciit ,  lorque  de  juftes  raifons  l'exigent. 
Il  eft  donc  prouvé  par-là  que  l'amovibilité  du 
Prieur  n'empéclie  pas  que  le  prieuré  n'exifte  en 
fitre  de  bénéiice.  C'ert  aurtï  ce  qu'enfeienent  Gar- 
cias  ,  de  bénéficies  ,  partie  i  ,  chapitre  i  ,  feélion  i  ; 
Lotherius  ,  de  re  beneficiariâ ,  livre  i  ,  queftion  33  , 
n.  1 1  ;  le  gloflateur  de  la  pragmatique  ,  titre  d^ 
collaiionibus  ,  §.  irerrt  cjuoJ  ad  diùlas  ;  Rebuffe  au 
même  endroit;  M.  de  Selve  ,  de  beneficiis  ,  partie 
3  ,  queftion  ai  ;  &  on  a  donné  au  mot  BÉNÉFICE  , 
tome  2,  la  raifon  fondamentale  de  cette  dodrine. 
Faut-il  donc  dire  que  le  concile  de  Vienne  a 
érigé  tous  les  prieurés  forains  en  vrais  titres  de  bé- 
rétice  ?  Il  eft  difficile  de  ne  le  pas  penfer  ainfi , 
quand  on  prend  l'enfemble  de  tous  les  décrets  de 
cette  a/îemblée  ;  quand  on  voit  qu'elle  a  affiijetti 
tous  les  prieurés  qui  ne  font  point  de  mensâ,h  la 
loi  dfc  la  dévolution  ;  quand  on  voit  qu'elle  a  auto- 
rifé  les  évêques  à  les  conférer  en  titre  après  les  fix 
mois  de  la  vacance  ,  quand  on  voit  qu'elle  a  dé- 
fendu aux  abbés  de  s'en  approprier  les  revenus  , 
même  pendant  la  vacance;  quand  on  voit  qu'elle 
leur  a  appliqué  le  décret  du  troifième  coocile  de 
Latran  ,  qui  défend  aux  coUatcurs  d'impofer  des 
cens  fur  les  bénéfices  dont  ils  difpofent  ;  &  qu'enfin 
elle  déclarerons  ces  prieurés  incompatibles  les  uns 
avec  les  autres ,  même  lorfque  la  charge  des  âmes 
n'y  eft  point  annexée.  Il  faut  en  convenir,  quoique 
chacune  de  ces  dirpofuions  féparées  ne  foit  pas 
fuffifante  pour  établir  que  le  concile  a,  par  un 
règlement  univerfcl ,  imprimé  le  caraélère  de  béné- 
fice à  tous  les  prieurés  &  admini/îrations  réguliè- 
res ,  néanmoins  ,  réunies  &  confidérées  fous  un 
point  de  vue  qui  les  embraffe  toutes  à-la- fois,  elles 
femblent  annoncer  que  telle  a  été  l'intention  des 
pères  du  concile. 

Aufli  voyons-nous  Dumoulin  ,  ce  flambleau  de 
notre  jurifprudence  canonique  &  civile  ,  appli- 
quer la  règle  des  vingt  jours  aux  prieurés  même 
rcvocahlss  ad  n  tum.  Voici  comme  il  s'explique: 
Ecidinfi  fini  pnoraînillhiie  revocabïlei  ad  nutum...  h(ZC 
etiam  f.iciunt  nnnieruin  in  mandatis  papce  ,  lU  olim 
tetnpore  pragmaticz  ,  iinfe  concordats  ,  fjcicbant  lur- 
num  in  nomïnatis  &  gmduatis.  Il  n'excepte  de  fa  dé- 
cifiou  que  les  prieurés  de  mensa,  conformément  au 
concile  de  Vienne  j/ffii  de  unitis  menja:  qiiçz  inter 
bénéficia  nullomoio  computantur,  (  Sur  la  règle  de 
infirmi"^ ,  n.  320). 

Comment  d'^aiUeurs  contefter  que  les  prieurés- 
adminiftrations  aient  été  de  vrais  bénéfices  depuis 
le  concile  de  Vienne  ,  quand  on  voit  que  le  con- 
cile de  Ba(!e,la  pragrr:a:!.jue  S:  le  concordat  les  ont 
affujettis  a  l'expeéiative  des  gradués  (i)  ? 


(1)  Qiioii  11  quis...  cniuraptacii£tum  orJinemde  beneficiiï, 
4iÊ^a^ibus,   perfonacibus  oUitiis  &  ADM^NiSXRATIONIBUS 


PRIEUR. 

Et  c'ert  ce  qui  a  été  juge  par  plufieurs  arrêts* 
Nous  en  trouvons  un  du  parlement  d'Aix  du  30 
juin  1744;  il  a  été  rendu  entre  M.  dEfclapon  ëc. 
les  religieux  de  Lerins  ,  au  fujet  des  prieurés  de 
Valauris  èc  de  la  Napoule  :  on  les  foutenoit  fimples 
obé'diences  ;  l'arrêt  les  a  jugés  bénéfices.  Il  eft  rap- 
porté dans  les  confultations  de  d'Héricourt ,  tome 

»»  page  79- 

Le  parlement  de  Paris  a  décidé  la  même  chofe 

en  1766  au  fujet  du  prieuré  de  Bar:  la  conteftation 
étoit  ciitre  les  religieux  de  Saint-Mihiel ,  &c  le  fieur 
le  Fevre ,  pourvu  en  cour  de  Rome.  Un  autre  arrêt 
de  la  même  cour  du  26  janvier  1768,  a  pareille- 
ment jugé  en  faveur  de  l'abbé  de  Saintignon  ,  ré- 
galifte  ,  contre  les  religieux  de  Marmouriers  en 
Alface  ,  que  le  prieuré  de  Saint-Quirin  étoit  un 
vrai  bénéfice  ,  &  comme  tel ,  lufcoptible  de  l'im- 
prefiîon  d'un  brevet  de  régale. 

Cependant  on  ne  peut  i'e  cacher  que  le  concile 
de  Vienne  n'érige  point  exprcftement  les  prieurés 
forains  en  bénéfices  ;  il  en  parle  ,  à  la  vérité  , 
comme  s'ils  l'étoient  àpeu-près  tous;  mais  ce  n'eft 
point  lui  qui  les  rend  tels  ,  il  les  laiflédans  l'état 
où  il  les  a  trouvés  ;  &  quoiqu'il  les  aft'ujétifle  à 
certaines  lois  qui  jufqu'alors  ne  s'étoient  guère 
obfervécs  que  pour  les  bénéfices ,  on  ne  peut  pas 
dire  pour  cela  qu'il  les  dénature.  Appliquer  à  un 
établiffement  une  loi  faite  peur  les  bénéfices  ,'  c'eft 
ailimiler  cet  établifleraent  aux  bénéfices  dans  un 
poirft  ;  mais  ce  n'eft  pas  rér:ger  en  bénéfice.  Une 
chofe  peut  refl"embler  à  uue  autre,  être  foumife 
aux  mêmes  lois  à  certains  égards  ,  fans  être  identi- 
quement la  même. 

Le  concile  de  Vienne  n'a  eu  d'autre  objet  que 
de  réformer  différens  abus  qui  s'étoient  introduits 
relativement  aux  prieurés ,  foit  bénéfices  ,  foit  fim- 
ples adminifîrations.  Un  premier  abus  étoit  de  les 
laifter  vacans  ;  un  fécond  ,  qui  étoit  la  confé- 
quence  du  premier,  c'eft  que  les  abbés  s'empa- 
roient  des  revenus  &  en  faifoient  leur  profit  ; 
enfin  un  troifième  abus  étoit  d'en  donner  plufieurs 
au  même  religieux. 

Le  concile  remédie  à  ce  triple  abus  ,&  il  dit: 
Il  n'eft  pas  queftion  d'examiner  fi  un  prieuré  eft 
bénéfice  ,  ou  fi  ce  n'eft  qu'une  fimple  adminiftra- 
tion.  Dans  l'un  &  dans  l'autre  cas,  il  faut  remplir 
l'intention  du  fondateur  ,  qui  a  voulu  qu'il  s'y  fît 
un  fervice  particulier  ,  &  qui  a  fixé  la  deftination 
des  biens  au  foulagement  des  habitans  des  lieux. 
Dans  l'un  &  dans  l'autre  cas  ,  l'adminiftration  d'un 
prieuré  ,  la  defTerte  de  l'oratoire  qui  y  eft  conftruit , 
eft  incompatible  avec  une  autre  adminiftration  du 
même  genre  ,  parce  qu'on  ne  peut  être  en  plufieurs 

(jiiovifmoilo  dirpofuetic ,  eo  ipfo  (îtitritum    &  inane.  Texte 
de  lafragmatiqut  ,  au.  titre  de  collacionibus. 

Ordinarii  tertiam  partem  omnium  dignicatum ,  perfona- 
tum  ,  ADMINISTRATIONUM  ,  ccetetorumque  benefidoruin.... 
graduatis....  conferre  ceaeantur.  Ttxce  du  concordat  ,  au. 
mé/ns  titre. 

lieux 


-      "  PRIEUR; 

lieux  à-la-foîs.  Ainfi ,  dans  Tun  &  dans  l'autre  cas  J  { 
le  prieuré  doit  être  rempli,  foit  d'un  titulaire  ,  foit 
d'un  adminiftrateur;  il  doit  être  donné  en  titre  ou 
en  commifîion  ,  committi  vel  conféra. 

Si  le  concile  eût  voulu  ériger  tous  les  prieurés 
en  titre  de  bénéfices,  il  l'auroit  dit  exprelTément. 
Au  lieu  de  leur  appliquer  l'une  après  l'autre  trois 
des  lois  relatives  aux  bénéfices ,  il  auroit  dit  :  Les 
prieurés,  ceux  même  qui  n'étoient  jufqu'ici  que 
de  fuuples  adminiflrations  ,  feront  déformais  des 
bénéfices  ;  nous  les  érigeons  coinme  tels,  &  com- 
me tels  ils  feront  fournis  à  toutes  les  lois  des  béné- 
fices. Il  auroit  dit  :  les  Prieurs  ne.  feront  plus  des 
adminiflrateurs  révocables,  ils  feront  tous  titulai- 
res &  bénéficiers.  Il  auroit  dît  :  on  ne  confiera  plus 
les  prieurés  à  temps  ,  on  ne  les  donnera  plus  par 
commiiïion  ,  mais  on  les  conférera.  Or,  loin  de 
trouver  ces  idées  dans  le  concile  ,  on  y  voit  tout 
le  contraire  :  il  ordonne  de  commettre  zwx  prieurés  , 
ou  de  les  conférer;  la  différence  de  ces  exprefîions 
indique  affez  la  différence  des  objets  auxquels  cUe'i 
s'appliquent.  Le  concile  reconnoît  donc  que  p;irmi 
les  prieurés  il  y  en  a  qui  ne  font  point  bénéfices. 

En  un  mot ,  le  concile  paroît  bien  fuppofcr  que 
la  plupart  des  prieurés  forains  exiftent  en  ii:re  de 
bénéfices  ;  mais  cette  fuppofition  n'efl  poùu  une  , 
difpofition  pour  tous  ;  il  en  réfuhe  ,  à  la  vérité  , 
que  le  droit  commun  efl  pour  h  qualité  de  béné- 
fice, &  que  dans  le  doute  on  doit  préfumer  qu'un 
prieuré  efl  tel:  mais  ce  droit  commua  peut  ère 
écarté,  cette  préfomption  peut  être  détruite  par  la 
preuve  d'une  poffeffion  contraire. 

Les  exemples  viennent  en  foule  confirmer  ce 
que  nous  avançons.  Suivant  un  certificat  donné  \-i 
ao  février  1693  par  le  Prieur  '^^  l'abbaye  de  faint 
Vlélor  de  Paris ,  «  toutes  les  adminifirations  des 
))  prieurés  forains  qui  en  dépendent ,  ne  font  que 
))  des  commifilons  ,  toutes  révocables  ad  rutumn. 
Ceft  en  effet  ce  qu'ont  jugé  fix  arrêts  du  parlement. 
Les  fénieursdela  chambre  de  faint  Vi'fior  avant 
révoqué  frère  Jean  Defcouis,  qu'ils  avoient  co:u 
mis  à  l'adminiOration  de  Villers  le-Bcl  ,  il  fe  pour 
vut  en  cour  de  Rome  pour  empêcher  fa  révocation. 
Sur  l'appel  comme  d'abus  interjeté  par  les  fenleurs  , 
arrêt  intervint  en  1470  ,  qui  déclara  y  avoir  abus  , 
&:  maintint  dans  fo!:  adminirtration  le  religieux  qui 
avoit  été  commis  à  la  place  de  Defcouis. 

Jean  Bardin  ayant  obtenu  en  cour  de  Rome ,  le 
19  avril  1518,  des  provifions  en  titre  du  prieuré 
de  Puiffeaux  ,  avec  la  claufe  de  ne  pouvoir  être 
révoqué:  mais  fur  l'appsil  comme  d'abus  de  l'ab- 
baye de  faint  Vidor, arrêt  qui  dit  qu'il  y  a  abus. 
(  Malingre  ,  antiquités  de  Paris  ,  livre  4  ). 

Rehuffe  ,  de-pacificis  ,  n.  335  ,  cite  un  pareil  ar- 
rêt du  premier  mars  1546,  qui,  fur  l'appel  comme 
d'abus  interjeté  par  les  abbé  &  relij^ieux  de  faint 
Viclor ,  déclare  abufives  des  provifions  expédiées 
en  cour  de  Rome  pour  leurs  prieurés  forains ,  qu'ils 
foutenoient  n'être  que  des  adminiflrations  révoca- 
bles. 


PRIEUR.  601 

M.  de  Longucil,  confeilleran  parlement,  ayant 
fait  placer  fon  induit  fur  l'abbaye  de  faint  Vifior  , 
les  Prieur  &  religieux  fe  pourvurent  le  14  mai 
1578,  par  requête  au  roi ,  pour  faire  révoquer  la 
nomination  ,  comme  ri  étant  leurs  prieurés  forains  que 
/impies  in.infions  &  adminifîralions  comptables  &  révo- 
cables à  volonté.  Le  roi  ayant  renvoyé  la  reqiiète 
a  fon  confeil  privé  ,  M.  de  Longucil  fe  défifta  par 
aétedu  24  juillet  de  la  même  année,  &  jamais  ces 
prieurés  n'ont  éré  fujersà  l'induit  de  la  cour. 

Antoine  Vaultier,  chanoine  régulier  de  fainte 
Barbe  en  Auge,  requit  ,  comme  gradué  nommé 
fur  l'abbaye  de  faint  Viélor,  le  prieuré  du  Bois- 
Saint-Père.  Les  religieux  ,  fans  avoir  égard  à  fa  ré* 
quifition,  nommèrent  le  frère  Lhuillier  pour  nou- 
vel adininiftrateur.  La  conteftation  s'engagea  entre 
los  deux  prétendans  ,  &  fut  portée  aux  requêrcs 
du  palais,  où,  par  fentence  rendue  fur  produc- 
tions refpeéiives  le  T2  mars  1636  ,  Lhuillier  iur 
maij-itenu  dans  la  poffeffion  &;  jouiffance  de  ce 
prieuré  &  aJminiJlration  d'icelui  ;  &.  cette  fentence. 
a  été  confirmée  par  arrêt. 

^  La  qr.eftion  fe  préfenta  encore  en  1684.  Jean- 
Guillot ,  chanoine  régulier  ,  avoit  furpris  en  cour 
de  Rome  des  provifions  du  prieuré  forain  de  Saint* 
Paul-des-Aulnois,  dont  Alexandre  Vaillant ,  cha- 
noine régulier  de  faint  Viéïor,  avoit  l'adminifh-a- 
tion.  Sur  l'appel  comme  d'abus  de  la  communauté , 
arrêt  intervint  à  la  cour  le  13  juillet  1684  ,  fur  le», 
conclufions  de  M.  Talon  ,  avocat  général,  qui  dit 
qu'il  avoit  été  nîal,  nullement  &abufivement  impé- 
n  é  G:  concédé ,  &  maintint  les  Prieur  &  fénieurs  de 
la  chambre  dans  le  droit  de  commettre  à  ce  prieuré. 

Jean  Guillot,  déchu  par  cet  arrêt  de  l'effet  de  fes 
provifions,  tourna  fes  vues  fur  le  prieuré  du  Bois- 
SHint-Pére,  «Se  le  requit  connue  gradué.  Les  ahbe 
«Se  religieux  prirent  le  fait  &  caufe  d'Etienne  Fa- 
viére  ,  qui  y  avoit  cré  commis  ;  &  l'univerfité  de 
Paris  intervint,  pour  foutenir  que  les  prieurés  dé- 
pendans  de  cette  abbaye  étoient  fujeis  à  l'exrîec- 
tative  des  gradués.  La  caufe  portée  aux  requêtes 
du  palais  ,  fentence  confirmée  par  arrêt  du  23  août 
1687  ,  qui,  fans  s'arrêter  à  l'iafeïrvention  de  l'iini- 
vedité  ,  ayant  égard  à  celle  de  M.  de  Coiilin  ,  évê- 
quidOiléans,   abbé  de  faint  Vitfxor,  &  aux  de- 
mandes des  prieur  &  chajroines  de  la  même  ab- 
i\aye  ,  u  les  maintient  &  garde  dans  la  poffcffion  eu 
»  laquelle  ils  font  de  commettre  &  prépofer  l'un 
))  de  leurs  religieux  ,  chanoine    régulier  de  ladite 
M  ahbiye  ,  dans  l'adminidration  des  prieurés  dont 
»  cil  qucAion  ,  &  de  le  révoquer  ad  nutum  ,  &  lui 
n  hiirc  rendre   compte  toutes  fois  &.  quantes    il' 
11  plaira  à  la  chambre  compofée  des  fénieurs  delà 
i>  maifou  de   faitu  Viéicr,  conformémeut  à  leurs 
5)  anciens  ftatuts  &  à  l'ufage  de  ladite  maifon  de 
)>  faint  Viftor  ».  Et  ,  en  conféquence  ,  il  a  été  or- 
donné qu'Etienue  Faviere  ,  par  eux  commis  &  pré- 
pofê  à  l'adminiftration  du  prieuré  du  Bois-Saint- 
Pere,  continueroit  d'en  jouir  en  la  manière  accoii- 
tuniée. 


601  PRIEUR. 

Il  a  été  rendu  deux  arrêts  femblables  pour  deux 
prieurés  dépendans  de  l'abbaye  de  Prémontré.  Le 
premier  eft  rapporté  en  ces  termes  au  fupplcment 
du  jouniEl  des  audiences  :   u  Le  6  juillet   1647, 
S)  plaidants  M*^  Pucellc  &  M^  Diibois  ,  intervint  ar- 
V  rôt ,  confoiinément  aux  conclufîons  de  M.  l'avo- 
»  cat  général  Talon  ,  par  lequel  la  cour  jugea  que 
»  le  prieuré  du  collège  de  Prémontré  ,  fis  à  Paris 
»  pioche  le  couvent  des  cordcliers.  Si.  dans  lequel 
»)  les  relii;ieux  de  l'ordre  de  Prémontré  qui  vien- 
5>  ncnt  à  Paris  pour  étudier  ,  font  demeurans  ,  n'é- 
3)  toit  point  un   bét^éfice  en  titre,  miis  un  fimple 
»>  office  air.ovible  &  révocable  à  la  volonté  du  gé- 
j>  néral  de  l'ordre  ,  qui  feul  a  droit  d'y  pourvoir  ". 
Le  fécond  ai-rêr  efl  plus  récent.  Bonneuil  avoir 
été  donné  .1  l'abb.-.yo  de  Prémontié  par  Alard  de 
Ham,  comme  un  îlmple  domaine  qui  devoir  ap- 
partenir a  perpétuité  aux  abbé  &  religieux.  Il  s'y 
étoit  établi  depuis  une  communai;té  de  religieux 
de  l'ordre  de  Prémontré.  Cette  communauté  s"é- 
tant  éteinte  ,  on  avoit  confervé  l'c^;!i!é  ,  qui  étoit 
delîérvie  par  un  religieux,  fous  le  titre  de  maure 
ou  Prieur  de  Bonneuil.  11  paroît  même  que  quel- 
'  ques  religieux  s'en  étoient  fait  pourvoir  en  cour  de 
Rome  ,  &  qu'il  avoit  été  réliené.  Le  fieur  Labat 
imoétra  ce  prétendu  bénéfice,  il  fit  valoir  co.ntre 
Pabbaye  de  Prémontré  toutes  les  difpofitions  du 
concile  de  Vienne  ,  delà  pragmatique  &  du  con- 
cordat ,  que  nous  avons  rapportées  ci-deffus,  &  il  y 
ajouta  une  objeéliou  bien  lorte  ,  celle  qui  réfultoit 
des  différentes  provifions  qui  avoient  été  données 
en  cour  de  Rome  du  prieuré  de  Eonneuil.  Cepen- 
dant ,  par   arrêt  renda  au  mois  d'avril  1779  ,  au 
raoport  de  M.  le  Febvre  d'Amécourt ,  le  parlement 
a  déclaré  fcs  piovifions  abufives,  &  l'a  débouté  de 
toutes  fes  demandes  ,  avec  dépens. 

C'eft  lur  tout  dans  les  Pays-Bas  que  les  abbayes 
ont  maintenu  leurs  prieurés  forains,  dans  la  qualité 
primitive  de  fimples  adminifirations.  D'Héricourt 
en  parle  ainfi  dans  fes  confultations .  tome  i  ,  page 
"èo  :  «  Il  y  a  néanmoins  des  reftes  de  l'ancienne  dif- 
»  cipline  ,  fur-tout  dans  la  province  de  Flandres , 
»  où  il  y  a  un  grand  nombre  de  Prieurés  qu'on 
5>  :i-ppe\\e privâtes ,  âom  les  prévôts  font  compta- 
w  blés  &  amovibles  )N 

Denifart  dit  la  même  chofe  au  mot  Priei.'\\ 
K  L'ancien  ufage  fubfule  encore  pour  les  priemés 
V  dépendans  des  abbayes  d'Artois  &.de  Flandi  es  ., 
»  Ces  Prieurs  nefont  pas  titulaires  ,  mais  fimpks 
<»  adminiftrateurs  comptables  Ôi  révocables  ». 

Pour  décider  fi  cette  affertion  eft  exaéle  ou  non  , 
il  faut  connoiire  toutes  les  autorités  qui  l'appuyent 
&  la  combattent  refpeélivement. 

La  première  preuve  qu'on  emploie  pour  la  juAi- 
fier  ,  eft  le  témoignage  des  abbayes  mêmes  des 
Pays-Bas.  On  a  vu  au  mot  Grand  prieur  ,  que 
M.  Talon  ,  avocat  général  ,  regardoit  ce  témoi- 
gnage comme  décifif  fur  ces  fortes  de  conteftations. 
Les  abbés  &  grands  Prieurs  de  faim  Vaaft  d'Ar- 
ias ,  de  faint  Pierre  de  I.abbes ,  d'Anchin  ,  de  faint 


PRIEUR. 

Manîn  de  Tournai,  &  du  MontSaînt-Eloy ,  on* 
attefté  par  leurs  certificats  des  26  oélobre  ,  17,18 
&  20  novembre  1713  (i)  ,  que  les  prévôtés  ou 
prieurés  dépendans  de  ces  abbayes  ,  &  qui  en  font 
membres  ,  ne  font  pas  de  véritables  bénéfices , 
mais  des  adminiftrations  pures  &  fniples ,  &  des 
OiHces  révocables  aJ  nutuin  ;  que  les  religieux  qui 
iunt  pourvus  de  ces  prévôtés  ou  prieurés ,  pour 
les  régir  fous  l'autorité  de  leurs  fupérieurs  ,  font 
comptables  &  obligés  de  rendre  chaque  année  un 
compte  exaé^  &  fidèle  de  leur  adminiftration  &  des 
revenus  temporels  qui  ont  pafle  parleurs  mains  ; 
que  les  revenus  fe  coufomment  fur  les  lieux  pour 
y  faire  Toffice  divin  ,  y  entretenir  les  édifices  ,  re- 
cevoir les  étrangers  ,  affifter  les  pauvres  ,  Se  acquit- 
ter les  autres  charges  ,  fans  qu'U  en  revienne  au- 
cune cho(é  à  la  mafle  de  ces  abbayes  ,  &  fans 
qu'elles  en  retireiu  aucun  émolument  ;  qu'elles  y 
font  au  contraire  fouvent  de  leurs  propres  deniers  , 
des  dépenfes  affez  confidérables  ,  lorfqu'il  s'agit 
LÏ-y  faire  des  réparations  fie  autres  bâtimens;  Sc 
qi:e  lorfque  les  misères  de  la  guerre  St  autres  fem- 
blables accidens  meitent  les  prévôts  &  religieux  de 
tes  prévôtés  hors  d'état  de  fubfuler  dans  leurs  mai- 
Ions,  les  abbayes  en  retirent  les  religieux  pour 
leî  foulager ,  les  nourriflént  &  fourni/îent  à  leurs  . 
dépenfes  ;  qu'enfin  ,  ces  prévôts  ou  Prieurs  ne 
peuvent  faire  aucun  contrat,  ni  entreprendre  au- 
cun procc^  ,  ni  même  planter  &  abattre  aucun 
bois  ,  qu'avec  la  permilfion  des  fupérieurs  des 
a  -bayes  dont  ils  dèpendenr. 

Les  g  and-Prieur  &  religieux  de  Saint-Vaaft  ont 
encore  attcrté  la  même  chofe  par  un  certificat  du 
2~  oétobre  1744. 

Le  22  du  même  mois  ,  treize  anciens  avocats  au 
parlement  de  Flandres  ont  dunné  une  confulta- 
rion  qui  certifie  pareillement  cet  ufage  ;  &.  le  len- 
demain ,  MM.  les  gens  du  roi  de  la  même  cour  ont 
f  gné  un  aéte  de  notot'été  ,  portant  »  qu'il  eft  fans 
))  exemple  &  contre  les  ufages  ,  libertés  &  privi- 
»  léges  des  P.iys  Bas,  que  les  prévôtés  dépen-- 
1)  dantes  des  abbayes  fnuées  en  ces  provinces, 
))  foient  impétrées  en  cour  de  Rome  à  titre  de  dé- 
ij  volur ,  prévention,  cominende  ,  réferve ,  réfi- 
:>  gnation  ,  ou  de  toute  autre  manière  que  ce 
V  puiiTe  être  ". 

On  invoque  ,  à  l'appui  de  ces  atteftations  ,  plu- 
fieurs  jugemens  qui  les  confirment.  Voici  d'abord 
ceux  qui  ont  été  rendus  en  faveur  de  l'abbaye 
de  Saint-Vaafl.  Jean  Delelaque  ,  religieux  de  ce 
monallère,  avoit  été  commis  par  fon  abbé  à  l'ad- 
miniflration  de  la  prévôté  de  Hafpres  en  Hainant  : 
un  cardinal  ayant  obtenu  cette  prévôté  en  com- 
mendc,  l'abbé  en  porta  fes  plaintes  au  concile  de 
Bafle  ,  &  repréfenta  qu'elle  n'exiftoit  pas  en  titre 


(i)  Ces  ceitii'cats  Se  tcus  les  titres  ,  arrêts  &.'  aunes  pièces 
donc  il  ell  patlé  dans  toute  cttte  dillertation  fut  la  nature  des 
prieurés  forait^s,  nous  ont  pall'éfous  les  yeux  en  origitiaux 
ou  eu  copies  exaftes. 


PRIEUR. 

de  bénéfice ,  mais  de  fimple  ofHce  révocnble  ad 
nutum  ,  &  fournis  à  la  plus  exade  comptabùits-.  Par 
jugement  du  2  décembre  1447,  les  commiilaircs 
du  concile  déclarèrent,  que  ni  le  cardinal  pourvu 
en  commende  ,  ni  aucun  autre  ,  n'avoient  eu  droit 
de  troubler  dans  fa  poiT^ffion  le  religieux  commis 
par  l'abbé. 

Une  fentcnce  du  bailliage  d'Amiens  du  4  mai 
1519  porte  ,  en  hrimologi.  ne  un  accord  paP.é  le  19 
avril  précédent  entre  labbé  6i  Tes  religieux  de 
Saiiit-Varifi:  ,  «  que  quand  il  fera  beloin  de  réédi- 
r>  fier  de  neuf  aucuns  principaux  membres  des 
J>  prévôtés  dépendantes  dudit  mona^ère,  &  que  la 
»  riiiuo  ne  fera  oroccdée  (lar  la  coulpe  te  négli- 
>'  gence  du  privùt ,  faute  f!'enrreténement ,  tels 
»  ouvrages  fe  feront  aiix '"iépens  d'icelle  abhr.ye  ; 
»'  &  que  l'abbe  ne  cÎTïrger;)  lefdites  prévôrcs  d'au- 
»  très  nouvelles  ciiarges  que  celles  qui  font  de 
3»  toute  ancienneté  ».  Si  ces  prévôtés  étoient  des 
bénéfices  formés  ,  feroit-JC  à  l'abbaye  à  en  faire 
les  réparations  ? 

Il  avoir  é  é   accordé  à  Jean   Delahaye  un  p.ii'i 
à' ibbi,  en  qualité  .rohlat,  fur  la  prévoie  de  Hifores 
Les  abbé  5i  religieux  de  Saint-VaaA  s'v  onno'^è 

C  Vil 

rent,  fur  le  fondement  qu'on  ne  pcAit  aiTujetiira 
CCS  pd'.ns  d\ibt>é^  les  biens  des  abbayes  admiiuflrées 
par  des  relis^ieux  comptables ,  fous  La  qualiré  de 
prévôt  ou  Prieurs,  par  li  raifon  que  ce?  biens  ne 
font  <juun  grot  avec  Us  nufci  de  l'abbaye  ,  6i  qu'on 
n'a  jamais  vu  qu'un  oblat  ait  été  reçu  dnns  ces  pré- 
vôtés ou  prieurés.  <c  I.a  Prévôté  de  Hafprcs  ,  ajou- 
»  toient-i!s,  n'efl  pas  un  bénéfice  de  fondati  );i 
M  royale  ,  ni  à  la  nomination  du  roi;  mais  c'efl  un 
1)  oîîîce  &  une  adminiftration  comptable  ,  n'étant 
j>  que  membre  de  l'abbnye  de  Sr.ini-'Vaafl ,  &  ne 
5->  pouvant  admettre  aucun  religieux  ;  d'ailieurs  , 
»  l'abbaye  elle-même  ayant  depuis  peu  étécîiar- 
•>■>  gée  de  femblable  pain  d'abbé  en  faveur  de  Phi 
•>i  lippe  de  Dromet ,  elle  ne  peut  &  ne  doit  en  (es 
j)  membres  être  ultérieurement  ciiarg'e ,  conune 
r  il  a  été  jugé  au  confeilprivé  de  BruxeMes  au 
V  mois  de  novembre  1608  ,  en  faveur  de  la  p-é- 
»  voté  de  Saint-Michel-lés  Arra=i ,  nui  a  été  dé- 
»  chargée  d'un  pareil  pain  d'abbé  ».  Sur  ces  raifons, 
arrêt  du  grand-confeil  de  Malines  du  15  oclobre 
1637,  qui  déboute  Delahaie  de  fa  demande.  Le 
motif  de  cet  arrêt ,  dit  M.  Dulaury ,  page  86  ,  «  a 
■>■)  été  la  dépendance  où  la  prévôté  de  Hafpres 
M  étoit  de  l'abbaye  de  Saint-Vaaft ,  une  fois  char- 
n  gée  d'un  oblat  par  le  roi  d'Efpagne  ».  Si  la  pré 
voté  de  Hafpres  eiit  été  un  titre  de  bénéfice  diftinit 
&  feparé  de  celui  de  l'abbaye ,  la  circonftance  que 
l'abbé  de  Saint  Vaaft  étoit  chargé  d'un  oblat ,  eût- 
elle  été  une  raifon  pour  en  décharger  un  autre  bé- 
néfice qui  lui  eût  été  étranger  } 

Ces  décifions  ont  été  confirmées  par  les  lettres- 
patentes  du  mois  de  mai  166^  ,  portant  union  des 
abbayes  de  Saint-'Vaaft  &  deSaint-Bertin  à  la  con- 
grégation de  Cluni.  L'article  10  du  décret  dont 
cette  loi  ordonne  l.exécution ,  déclare  que  «'  les 


PRIEUR.  <5o3 

»»  prévôtés  &  prieurés  dépendans  des  deux  abbayes 
)»  continueront  d'être  régis  &  adminifliés  par  des 
»  religieux  de  l'abbaye  dont  ils  dépendent  ,  lef- 
»  quels  feront  commis  &  révocables  félon  l'ufage  y. 
Nous  avons  rapporté  au  mot  Exempts  de  Flan- 
DPvES  ,  l'arrêt  du  parlement  de  Paris  qui  a  ordonné 
l'enregiftrement  de  ces  lettres-patentes. 

L'abbaye  de  Saint-iMartin  de  Tournai  a  obtenu, 
le  7  mai  1746,  un  arrêt  qui  paroît  affimiler  (tn 
prieurés  à  ceux  de  l'abbaye  de  Saint  "Vajft.  Le 
fieur  Beflremieux  s'étoit  fait  pourvoir  en  commen- 
de des  Prieurés  de  Saint-Simon  &  Saint-.Tude  de 
Chantcrude  ,  diocéfe  de  Laon  ,  Se  de  Saint-Amand- 
lez-Machemond  ,  diocéfe  de  Noyon  ,  tous  deux  dé- 
pendans de  cette  abbaye.  Il  tenta  d'abord  ,  fous 
différens  prétextes  ,  d'attirer  la  contefiation  au  con- 
feil  ;  mais  ,  par  arrêt  contradiftoire  du  8  novembre 
17^3  ,  il  tut  ordonné  que  les  parties  continueroient 
de  procéder  au  parlement  de  Paris;  &  après  une 
plaidoirie  folemnelje,  fuivie  d'un  appointement  , 
l'.ifTaire  fut  jugée  en  faveur  des  abbés  &  religieux. 
Il'-  étoient  appelans  comme  d'abus  des  pro\'ifions 
du  fieur  Bcflremieux.  Ils  fontcnoient  que  les  prieu- 
rés dépendans  des  abbayes  des  Pays  Bas  ne  (ont 
point  des  bcnéfices  ,  ils  le  prouvoient  par  les  con- 
lultation,  aéle  de  ncnoriété  &  certificats  des  22  ,  24 
&  27  novemb'-e  1744  ,  rapportés  ci-defilis  ;  &  c'e/ï 
d'après  ces  pièces  que  l'arrêt  cité ,  u  en  tant  que 
)»  touche  les  appellations  comme  d'abus  interjetées 
"  par  les  abbé  régulier ,  Prieur  &  religieux  de  l'ab- 
»  baye  de  Saint-Martin  de  Tournai ,  des  provifions 
)'  obtenues  par  ledit  Beftremieux  des  prétendus 
»  prieurés  de  Saint-Simon  &  Saint-Jude  de  Chante- 
'>  vtide  ,  &  de  Saint  Amand  lez-Mnchcmond  ,  com- 
»  n:e  bencfices  réguliers  en  tit  c  ,  avec  ditpenfe  de 
"  les  pofiédcr  en  commende  ,  dit  qu'il  y  a  abus  ;  en 
n  conféquence  ,  déboute  ledit  BeÛremicux  de  tou- 
»  tes  fes  demandes  ,  fait  main  levirc  desfaifies  par 
»  lui  faites,  fur  les  fruits  &  revenus  de  chaci:ne 
»  defdites  /<rr/?2ei  de  Chanterude  S:  de  Saint-Amand- 
»  lez-Machemond,  dépendantes  delà  même  ab- 
»  baye  ;  le  condamne  à  300  liv.  de  dommages-in- 
i>  téréts  &  aux  dépens  ». 

Il  n'eft  pas  un  feul  des  termes  de  cet  srrèt  qui  re 
foit  précieux.  Surquoi  la  cour  fait-elle  tomber  l'a- 
bus .''  Sur  ce  que  le  fieur  Beflremieux  s'étoit  fait 
pouvoir  des  deux  prieurés  comme  béncficss  rèzuliers  en 
titre ,  &  parce  qu'il  avoir  abufé  du  terme  de  prieu- 
rés, pour  en  induire  que  c'étoient  des  bénéfices  : 
l'arrêt  ne  les  nomme  que  prétendus  priairés  ;  il  fait 
main-levée  des  faifies  ,  mais  ces  faifies  font  dite? 
des  fruits  &  revenus  de  chacune  des  fermes  de  Chan- 
terude &  de  Saint- Amand  y  dépendantes  delà  même 
abbaye.  La  cour  a  donc  qualifié  de  fermes  ,  ce  que 
le  fieur  Beflremieux  prétendoit  être  des  bénéfices: 
&  les  prieurés  en  effet  s'appelloient  ancienuement 
ccUcz  ,  firmes  ,  grangiic. 

L'impartialité  dont  nous  nous  fommes  fait  vn 
devoir,  ne  nous  permet  cependant  pas  de  laifiTor 
ignorer  la  réponfe  que  font  à  cet  arrct  les  nartifar.s 

^^  S  g  S  ij 


Co4  PRIEUR. 

de  l'opinion  contraire  à  celle  qu'il  nous  paroît  avoir 
adoptée.  Voici  comme  s'exprime  à  ce  fujet  M.  La- 
gct-Bsideiin  ,  dans  un  mémoire  fait  pour  l'abbè  da 
Langeac    ,     fur  une    caufe   dont    nous   rendrons 
compte  ci-après.  <c   Les  religieux  de  Tournai  ont 
I)  dcmontré  que  les  prieures  de  Chanterude  ôc  de 
V  de  Saint-Amand  ctoicrrt  de  pures  ebédiences  , 
i>  des  prieurés  demer.jJ.  Us  l'ont  prouvé  par  la  te- 
«  neur  des  commiffions  qui  en  ont  toujours  été 
ti  données  ;  ils  ont  jurtitié  que  ces  comnilHions  , 
3)  depuis  plus  de  trois  fiecles,  étoient  de  fimples 
«  procuration:;  que  chaque  Prieur  étoit  établi  pro- 
)>  cureur  général  &  mefj'jger  fpécial  de  l'abbayc,  iu 
«  nom  de  laquelle  il  étoit  autorifé  à  régir  &  adminif- 
«  trci  ,  avec  claufe  de  révocabilité  ji  nuruw  ;  qu'il 
>j  y  étoit  dit  expreffément  que  ces  prieurés  lont 
«  d«  la  mtnft  &  table.  Ils  ont  prouvé  que  les  Prieurs 
«  ne  prenaient  point  pojjejjion  ;  que  tousles  ans  ils 
«  rendoient  compte  6c  payaient  le  reliquat  à  l'nb- 
j>  baye:  ils  en  ont  conclu  ,  que  ces  deux  prieurés 
M  éïoient  précifement  dans  le"  cas  de  l'exception 
})  établie  par  la  clémentine  qui  /■<r^a/j'-« ,  par  rap- 
«  porc  aux  adminiflrations  qui  appartiennent  <i /./ 
3)  menfe.  Voilà  ce  qui  a  procuré  gain  de  caule  aux 
vt  religieux  de  Tournai  ;  &  pour  le  mieux  marquer, 
j)  la  cour  n'a  qualifié  dans  Ion  arrêt  les  deux  prieu- 
3>    rés  que  de  fermes  ». 

De  toutes  les  abbayes  des  Pays-Bas,  c'eft  celle 
d'Anchin  qui  a  éprouvé  le  plus  de  conteftations  fur 
l'état  &  la  nature  de  fes  prieurés  forains,  &  qui 
par  conféquent  novis  fournit  à  cet  égard  le  plus  de 
préjugés. 

Le  plus  ancien  arrêt  qu'on  trouve  fur  cette  ma- 
t\è-e  dans  fes  archives,  eftdu  19  janvier  1441,  pof- 
téricurpar  conféquent  de  plus  d'un  fiècle  au  concile 
de  Vienne.  Bertrand  des  Foffeux  s'étoit  fait  pour- 
voir du  prieuré  de  Saint-Sulpice  ,  près  Doullens  , 
comme  fi  c'eût  été  un  bénéfice  ;  Jacques  de  Herdi- 
gneul  avoit  été  commis  par  l'abbé  d'Anchin  à  l'ad 
mi  liflration  de  ce  même  prieuré  ,  comme  m.embre 
déjOendani  de  fon  abbaye.  La  complainte  s'engagea 
enre  les  deux  pourvus,  &  fut  portée  devant  le 
prévôt  de  Paris.  Les  religieux  d'Anchin  fe  joigni- 
rent à  Jacques  de  Herdigneul ,  6c  foutinrent  qu'il 
é:oii  libre  à  fabbé  ,  ou  de  coniier  en  même-temps 
l'adminiftration  fpirituelle  &  temporelle  à  un  feul 
religieux,  qui  ci\  Prieur  &  prévôt  tout  enfemble, 
fitque  prier  &  pixpojitus  ,  OU  de  commettre  féparé- 
ment  cetre  adminiilration  à  dcxix  religieux,  dont 
l'un  ne  doit  être  chargé  que  du  fpiritu^el  en  qualité 
de  prieur ,  &  l'autre  ne  doit  régir  que  le  temporel 
en  qualité  de  prévôt  ;  &  comme  rien  n'eft  plus  op- 
pofé  à  l'effeiice  d'un  bénéfice  formé,  que  cette  fec- 
tion  du  titre  ,  ils  en  concluoient  que  le  prieuré  de 
Saint-Sulpice  n'étoit  conftamment  qu'une  fimple 
adminiflration. 

Par  la  fentence  du  prévôt  de  Paris ,  les  parties 
furent  appointées  en  faits  contraires ,  &  la  récréan- 
ce fut  adjugée  à  dom  Jacques  de  Herdigneul  &  à 
l'abbaye  d'Anchin.  Sur  l'appel  interjeté  par  Dea 


PRIEUR. 

FofleUT,  arrêt  qui  infirme  la  fentence,  St  néanmoins 
prononce ,  par  nouveau  jugement ,  les  mêmeb  cho- 
fes  que  le  prévôt  de  Paris.  Des  Foffeux  abandonna 
le  fond. 

Le  prieuré  de  d'Aimeries  ,  près  de  Maubeuge  , 
étant  devenu  vacant  par  la  mort  de  Jacques  de  Lan- 
das  ,  fut  impétré  en  cour  de  Rome  par  Jean  Larcel 
ou  Anfelmy  ,  rcligicux-profcs  de  l'abbayc  de  Haut- 
mont.  De  fon  côté  ,  l'abbé  d'Anchin  y  commit  Jac- 
ques Penel ,  l'un  de  fes  religieux ,  par  aéîe  du  pre- 
mier oflobrc  1439.  Les  parties  s'adrefsèrent  au 
pape  ,  qui  délégua  des  juges  fur  les  lieux.  Dom  An- 
ielmy,  prétendant  que  le  prieuré  étoit  un  béné- 
fice, deraandoit  que  fon  titre  fût  déclaré  canonique. 
L'abbaye  d'Anchin  &  dom  Penel  foutenoient  au 
contraire  que  ce  prieuré  n'avoit  jamais  eu  le  titre  de 
bénéfice  ;  que  l'abbè  feul  avoit  le  droit  d'y  com- 
mettre qui  il  jugeoit  à  propos  ,  avec  la  claufe  de 
révocabilité  pure  &  fimple  ;  qu'ainfi  les  provifions 
de  dom  Anfelmy  dévoient  être  annullées. 

Les  juges  délégués,  par  leur  jugement  du  15 
avril  1 445  ,  maintinrent  dom  Penel  dans  le  prieuré, 
comme  ayant  été  ligitimement  commis  par  l'abbé 
d'Anchin  ,  &*  déclarèrent  que  dom  Anfelmy  n'a- 
voit pas  eu  ^Iroit  de  le  troubler  dans  fon  adminif- 
tration. 

Dans  le  vu  de  l'arrêt  du  30  mars  1694  ,  rapporté 
à  l'articie  Grand-Prifur  ,  fe  trouve  un  extrait 
coinpulfé  de  l'hirtoire  manufcrite  de  la  même  ab- 
baye ,  compofée  par  dom  de  Bar ,  où  on  voit  que 
le  queflion  s'eft  encore  préfentée  au  fujet  du 
prieuré  de  Saint-Sulpice  ,  pour  lequel  avoit  été 
rendu  l'arrêc  de  1442.  Comme  l'abbaye  d'Anchin 
8c  ce  prieuré  étoient  fous  dewx  dominations  diffé- 
rentes,  les  longues  guerres  que  François  premier 
eut  à  foutenir  contre  Charles-Quint ,  fervirent  de 
prétexte  au  fieur  Bouchavanne  ,  gouverneur  de 
Doullens,  pour  s'emparer  de  la  prévôté  de  Saint- 
Sulpice,  après  la  mort  du  Prieur,  dont  il  préten- 
dait faire  valoir  une  réfignation ,  afferens  fibi  légi- 
tima jure  rifgnatam.  Mais  après  la  paix  de  Crepy  du 
18  Septembre  1544,  Jean  Affet ,  élu  abbé  d'An- 
chin en  1546,  fe  pourvut  au  parlement  de  Paris, 
contre  le  réfignataire  ,  &  il  obtint  un  arrêt  par  le- 
quel il  rentra  dans  fes  droits  ,  fur  le  fondement , 
dit  l'hiflorien  ,  que  ce  prieuré  n'étoit  point  un  bé- 
néfice :  eo  prit/enim  nomine  ^  qiiod  non  ej]et  benefi- 
cium  y  fed  ofjiciuin  Jîmplcx  monaflicum  ,  à  quo  remo- 
vcri  pcffet  quiUbet  rcligiofus  ad  nutum  abhatis ,  nequt 
de  eo  difponendi  aliquam  ,  aut  ad  alium  transfenndi 
hjberec  auRoritatem. 

Peu  de  temps  après  .  la  queflion  fe  renouvela 
pour  le  prieuré  de  Saint-George,  présdHefdin. 
On  avoit  fait  entendre  à  François  premier  que  ce 
prieuré  étoit  conventuel  6c  éleélif ,  ôc  que  par  con- 
féquent la  nomination  lut  en  apparteroit  ,  fuivant 
le  concordat  :  en  conféquence ,  après  la  mort  de 
dom  Brognet ,  qui  y  avoit  été  nommé  par  l'abbé 
d'Anchin  ,  ce  prince  ordonna  au  bailli  d'Hef Jin 
d'en  faifir  les  revenus ,  &.  d'y  établir  des  commif- 


PRIEUR. 

faîres.  Après  bien  des  démarches  inutiles  ,  dom 
d'OflereJ ,  muni  de  la  commifîîon  de  l'abbé  d'An- 
chin  ,  fc  pourvut  au  confeil-privé  de  Henri  II ,  ofl , 
après  une  inftrii6lion  contradii^oire  avec  le  procu- 
reur gc'néral,  &  du  conCentenient  de  ce'ui-ci,  il 
obtint  i!r;  arrêt  du  ii  juin  1547,  qui  lui  fit  main- 
levée du  prieuré  <le  Saint-Georges  ,  fruits  6*  profits 
(Ticelui,  «  ap'.ès  que  par  le  titre  &  provifions  de 
»  dom  d'Ofïerel ,  &  par  autres  provifions  des  pré- 
•)  cédens  Prieurs  duclir  prieuré ,  eft  apparu  audit 
»  procureur  général  ledir  prieuré  riétrt  bémfiLe  t'i- 
>i  tulc  ni  élcétif ,  mais  une  adminiftration  révoca- 
j)  ble  ad  nutum  de  1  abbé  >♦. 

La  guerre  qui  s'éleva  entre  Louis  XIII  &  le  roi 
d'Efpagne,  donna  lieu  à  une  nouvelle  conteftation 

Four  le  même  prieuré,  La  mort  de  dom  Créancier 
ayant  laiffé  vacant,  dom  de  Foreft ,  religieux  de 
Saint-Martin  dePontoif:,  s'y  fit  nommer  par  le 
roi  ,  attendu  ,  portoit  le  brevet ,  (jue  l'ahbé  d' Anehin 
tfi  dans  les  pays  de  nos  ennemis.  Cette  circonftance 
forçî  l'abbé  d'Anchin  de  fe  relâcher  un  peu  'de 
fon  droit.  11  tranfigea^ic  25  avril  i6j8,  avec  dom 
de  Forsft  ,  «}ui  fe  défifta  ,  rnoyennant  une  penfion. 
Après  la  paix  des  Pyténés  ,  en  1639,  dom  de  Fo- 
reft  fe  pourvut  au  confeil  pour  faire  annuller  fa 
tranfaflion  ,  &  fe  faire  rétablir  dans  le  prieuré.  De 
fon  côté,  l'abbé  d'Anchin  confentit  à  la  réfiliation 
du  contrat,  qu'il  n'avoit  foufcrit  que  par  force  ma- 
jeure ;  mais  il  demanda  en  même-temps  d'étrê  main- 
tenu dans  l'ancien  droit  qu'il  avoit  de  commettre  , 
pour  l'adminiftration  de  ce  prieuré,  des  religieux- 
profès  de  fon  monaflère.  Par  jugement  du  confeil- 
privé  du  15  mars  1661  ,  rendu  fur  produ61io;:s 
refpeâives,  l'abbé  d'Achin  a  été  maintenu  &  gardé 
■}>  au  droit  &  poifeiTion  d'envoyer  au  prieuré  de 
j>  Saint-Georges  des  religieux  de  ladite  abbay  ■ 
})  pour  TadminiAration  &  delTervice  d'icelui  ".  Et 
néanmoins  il  a  été  ordonné^  fans  tirer  ù  confcquence  , 
que  la  tranfaâion  de  165S  feroit  exécutée  ,  6c  que 
dom  de  Fcrefl  jouiroit  toute  fa  vie  de  la  penfion 
ftipulce  en  fa  faveur  par  cet  aifïe. 

Ces  cinq  jugemens  militent,  comme  on  T©it , 
avec  la  plus  grande  force  coinre  l'opinion  do  ceux 
qui  regardent  les  prieurés  dépendans  de  l'abbaye 
d'Anchin  comme  des  bénéfices.  Cepet:dant  on  a 
prétendu  que  poftérieuremïnr,  uu  arrêt  du  grand 
conftil  du  19  feptembre  1667  ,  les  avoit  tous  iu:^és 
tels.  Pour  l'apprécier,  il  faut  rappeller  les  circouf- 
tances  dans  lefquclles  il  a  été  rendu. 

Il  s'agiffoit  delà  difpofition  des  offices,  foitclauf- 
traux  ,  foit  forains  ,  que  le  cardinal  d"Eftrées  ,  abbé 
coîîimendataire ,  vouloir  s'attribuer  à  lui  feiTl.  Ce 
prélat  mettoit  en  principe,  qu'un  abbé  comman- 
dataire  doit  jouir  de  toutes  les  prérogatives  des 
abbés  réguliers,  Si  exercer  la  juridiction  intérieure 
fur  les  religieux,  fur- tout  lorfqu'il  eft  cardinal. 
De-là ,  il  concluoit  que  linflitution  &  la  deflitu- 
lion  de  tous  les  Prieurs  lui  appartenoit  ;  en  con(é- 
quence,  il  avoit  nomma  tant  aux  prieurés  forains 


PRIEUR.  605 

qu'aux  offices  clauftraux.  Le  grand-Prleuf  y  avcit 
nommé  de  fon  coté;  &  c'eft  fur  ce  droit  de  no- 
mination refpedivement  prétendu  ,  que  rouloit  la 
conteflation. 

M.  le  Cardinal  d'Eftrées  établiffbit  fa  défenfe  fur 
cinq  propofitions  ,  dont  les  quatre  premières  n'a- 
voien:  ttait  qu's  la  juridiâion  qu'il  préterdoit  ap- 
partenir aux  ab'oés  corr:mendataires ,  &  fur-tout  aux 
cardinaux.  La  cinquième  étoit  la  feule  qui  eût  rap- 
port à  la  quelVion  aâi;elle.  Il  y  foutenoit  qu'à  lui 
ieul  apprtenoit  ia  i:oi:iination  des  prieures  &des 
oftices  clauftraux;  mais  il  paroit  qu'à  l'égard  de» 
prieurés  ,  il  n'cntendoit  que  les  prieurés-cures.  On 
voit  en  effet  que  par  fa  requête  du  12  janvier 
1691  ,  il  dcmandoit  d'èire  maintenu  &  gardé  dan* 
le  droit  &  psffeirion  ,  non  pas  de  conférer  les 
prieurés ,  mais  (ïiniluucr  &  dtfîuuer  tous  les  Prieurs- 
curé*  de  l'abbaye  d'Anchin. 

Les  grand  Prieur  &  religieux  foHtinrent  au  con- 
traire que  le  droit  de  nommer  aux  prieurés  & 
ofiices  clauAraux,  appartenoit  au  grand-Prieur,  par 
deux  raifons  :  la  première,  que  ces  prieurés  n'étoient 
poirit  des  titres  de  bénéfices,  mais  des  offices  ma- 
nuels, dépures  adminiftrations  révocables  &  comp- 
tables ;  U  féconde,  parce  qu'un  abbé  commenda- 
taire  ,  même  cardinal  ,  ne  peut  exercer  aucune  ju- 
ridi(5îion  fur  l'intérieur  du  cloître  ,  &  que  l'infti- 
tution  &  la  deftitution  des  Prieurs-forains  Se  des 
officiers  clauftraux  étant  des  a61es  de  juridiâion  , 
elles  lui  étoient  interdires. 

La  cente/lation  fe  réduifoit  donc  au  feul  point  de 
favoir  il  qui  appartenoit  l'inftitution  Se  la  deftitutioa 
des  Prieurs  8c  des  oiliciers  claufiraux.  Tout  ce  qui 
fut  dit  fur  la  nature  des  prieurés-forains  ne  fut  pro- 
pofé  que  comme  moyen,  &  non  pas  comme  la 
queftion  à  juger. 

C'eft  dans  cet  état  qu'intervint  l'arrêt  du  içfep- 
tembre  1697  ,  par  lequel ,  1°.  il  fut  dit  a  n'y  avoir 
»  abus  dans  les  provifions  données  par  le  cardinal 
»  d'Eftrées  des  prieurés-forains  dépendans  de  l'ab- 
»  baye;  ce  faifant ,  ce  prélat  fut  maintenu  dans  le 
)»  droit  &  poireftoii  de  pourvoir  aux  prieurés  de 
M  Saint-Georges,  dAymcries,  d'Evin ,  de  Saint- 
M  Sulpice  ,  Si  de  la  tréforerie  d'Equerchin  ,  en  fa- 
»  veur  des  religieux  profès  de  ladite  abbaye  feu 
»  lement ,  fans  préjudice  toutefois  au  grand-Prieur 
i>  de  pouvoir  deftituer  les  religieux  pourvus  def- 
î>  dits  prieurés-forains,  pour  caufe  légitime».  2°. 
Dom  Carpcntier  fut  maintenu  6c  gardé  dans  la 
poffeirion  &  jouiiTance  du  prieuré  d'Evin  ,  dont  il 
avoit  été  pourvu  par  le  cardinal;  Dom  de  Rente , 
nommé  par  le  grand-Prieur  ,  &  les  religieux  d'An- 
chin ,  furent  .condamnés  folidairement  à  lui  refti- 
tuer  les  fruits  dudit  prieuré  par  eux  perçus  ,  fur  lef- 
quels  il  feroit  pris  par  chacun  an  la  fomme  de  trois 
cents  livres  pour  la  defTerte  &  rétribution  du  fer- 
vice  divin  ,  fait  audit  prieuré  par  ledit  de  Rente. 
3°.  Il  fut  dit  qu'il  y  avoit  abus  dans  les  provifions 
données  par  le  cardinal  d'Eftrées  des  offices  clauf- 
traux &  de  la  préfidence  de  Douai.  4'.  11  fut  fait 


(5-6  PRIEUR. 

«iéfcnfes  auxdits  religieux  de  troubler  ledit  cardi- 
nal d'Eftrées  dans  les  inventaires  des  côtes-mortes 
des  religieux  de  ladite  abbaye;  «  auxquels  inven- 
>»  taires  lefdits  religieux  pourront  alTirter  6c  être 
w  préfens  ,  fi  bon  leur  femble  ,  ainfi  qu'au  compte 
î>  que  ledit  cardinal  fera  tenu  de  rendre  defdires 
9»  côtes-mortes,  pour  le  reliquat  en  être  par  lui 
»>  employé,  conformément  aux  arrêts  du  grand- 
ît confeil ,  aux  réparations  &  au  profit  des  biné- 
»>  fices  6"  offices  dont  lefdits  religieux  fc  trouveront 
»i  pourvus  au  jour  de  leur  décès  ». 

Ces  différentes  difpofitions  font  la  matière  de 
plufieurs  argumens  dont  on  fe  fert  pour  établir 
que  le  grand-confeil  a  confidéré  comme  bénéiices 
tous  les  prieurés-forains  dépendans  de  l'abbaye 
d'Anchin.  Mais  ils  ne  font  pas  fans  réponfe  ;  voici 
à  peu-prés  de  quelle  manière  on  les  préfente. 

Pourquoi  le  grand  -  confeil  a-t-il  m,Tintenu  le 
grand  Prieur  dans  le  droit  de  commettre  &  de  rjvo- 
tjuer  les  officiers  clauftraux  .''  Parce  qu'il  a  jugé  qi;e 
c'étoient  de  pures  adminiftrations  ,  de  fimples  oifi- 
ccs  ,  dont  la  difpofition  ctoit  un  afle  de  la  police 
intérieure,  de  la  juridiâion  clauftrale,  qui  ne  peut 
iippartenir  à  un  abbé  commendataire.  Pourquoi  su 
contraire  a-t-il  déclaré  n'y  avoir  abus  dans  les  p;ù- 
vifions  en  titre  que  le  même  cardinal  avoit  donn.ies 
des  prieurés  -  forains  ?  Pourquoi  l'a-t-il  maintenu 
rlans  le  droit  &  poîTefTion  d'y  pourvoir,  fi  ce  n'eft 
«arce  qu'il  a  jugé  que  c'étoient  de  véritables  béné- 
iices, dont  la  collation  ,  qui  efl  i/z /^z^.?// ,  ajipar- 
tient  toujours  à  l'abbé  commendataire  ^ 

Mais,  dit-on,  il  ne  falloit  pas  aller  j'.jfque-là  pour 
attribuer  au  cardinal  la  nomination  des  prieurés- 
forains  ;  il  fufiîroit  que  ce  fuiTent  des  offices  qui 
s'exercent  au  dehors,  &c  dont  l'adminiilration  n'm- 
térefie  point  la  difcipline  intérieure. 

La  préfidence  du  collège  de  Douai  étoit  certai- 
tainement  un  office  qui  s'exerçoit ,  &c  même  de- 
mandoit  réfidence  hors  du  cloître  ,  &  cependant 
le  droit  d'y  nommer  fut  adjugé  au  grand-Prieur. 
11  a  donc  fallu  confidérer  les  prieurés-forains  com- 
me de  vrais  bénéfices  ,  pour  maintenir  l'abbé  com- 
mendataire dans  le  droit  d'y  pourvoir. 

On  objciî)^  encore  nue  l'arrêt  du  grand-confeil 
Ttferve  au  ^rand-Prieur  le  pouvoir  de  d'D'rucr p^our 
caufe  Icç'trne  les  religieux  que  le  cr^rdmal  aura 
nommés"  aux  prieurés-forains  ;  &  chi  concU'.t  dc-là  , 
que  ce  ne  font  pas  des  bénéfices,  parce  qu^'en  fait 
de  bénéfices,  ejus  cjî  Jcjiituae  cujus  cfl  injutu^re  , 
ou  qu'au  moins  la  clefiitution  ne  peut  jamais  ap- 
partenir à  r.n  inférieur  de  celui  qui  a  le  droit 
d'mfiituer. 

Mais  il  n'y  a  rien  dans  cette  réferve  qui  foit  ex- 
traordinaire ni  incompatible  avec  la  qualité  de  bé- 
néfice. Le  grand-confeil  a  jugé  que  la  collation  des 
bénéfices  étoit  un  fruit  appartenant  à  l'abbé  com- 
mendataire ;  c'eft  ce  qui  a  fait  maintenir  le  cardinal 
d'Eflrées  dans  le  droit  &  pofleflion  de  conférer  les 
prieurés-forains,  vrais  bénéfices,  quoique  révoca- 
bles pour  caufes  légitimes.  Mais  le  jugement  des 


PRIEUR. 

caufes  de  révocation  ed  un  aéle  de  police  inté- 
rieure ,  de  juridiélion  claullrale  ,  qu'un  abbé  com- 
mendataire ne  peut  exercer  ;  il  a  donc  été  réfervé 
au  grand-Prieur  par  le  même  principe  qui  l'a  fait 
maintenir  dans  le  droit  &  poffeffion  de  conmiettre 
ik  révoquer  les  officiers  claufiraux. 

Ce  qui  écarte  d'ailleurs  toute  difficulté,  c'eA  que 
les  prieurés-forains  font  exprefTément  défignésdans 
l'arrêt  dont  il  s'agit,  fous  la  qualification  de  i>éné- 
fice ;  ccÇt ,  comme  <m  fe  le  rappelle,  d=9ns  la  clatife 
concernant  l'application  des  côtes  mortes,  «  aux 
>}  réparations  ôc  profits  des  liiéfices  &  uffius  dont 
»  leidits  religieux  fe  trouvcronr  pourvus  au  jour 
»  de  leur  décès  )?.  L'abbaye  d'Anchin  n'a  d'aui:res 
bénéfices  réguliers  dans  fa  dépendance ,  que  fes 
prieures-forains  :  ce  font  donc  les  prieurés-forains 
qui  font  là  défignés  par  la  qualification  de  bénéfi:j  , 
comme  les  offices  clauftraux  le  font  par  celle 
é'ijfices. 

Ainfi  raifonnent  ceux  qui  regardent  les  prieurés 
dépendans  de  l'abbaye  d'Anchin,  comme  jugés 
bénéfices  par  l'arrêt  dont  il  s'agit. 

Parmi  les  réponfes  que  doni.ent  à  ces  induâions 
les  paitifans  du  fenti.ment  contraire  ,  il  en  efl  quel- 
ques-unes qui  nous  paroinént  viélorieufes  &  pc- 
reinptoircs. 

i".  L'arrêt  déclare  qu'il  n'y  a  abus  dans  la  nnri!- 
nation  des  pricurès-forains  faite  par  le  cardinal  u'hf- 
trées  ;  mais  il  ne  prononce  rien  fur  leur  nature  ;  il 
décide  feulement  que  la  faculté  d'en  difpoferefl  un 
droit  honorifique  réfervé  à  l'abbé  commendataire  ; 
&  on  ne  peut  en  étendre  les  termes  au-delà  de  leur 
fens  naturel, 

2°.  Le  grand-confeil  ,  lors  du  partage  fait  en 
i688,  entre  le  cardinal  d  Eflrée;  &  les  religieux 
d'Anchin  ,  avoit  jugé  bien  nettement  que  le  prieuré 
de  Samt-Sulpice  n'étoit  point  un  bénéfice  ,  puifqu'il 
en  avoit  fait  entrer  tous  les  biens  dans  la  maffe  ; 
cependant,  par  l'arrêt  de  1697,  d  lefoumet  nommé- 
ment aux  mêmes  dil'pofitions  que  les  autres  prieu- 
rés. Donc  ces  difpofitions  s'appliquent  à  des  établif- 
fementî  qui  ne  font  point  bénéfices;  donc  l'arrêt 
de  1697  ne  conclut  rien. 

3".  On  peur  fiiire  le  même  raifonnement  3  l'égard 
du  priei.'ré  d'Evîn.  il  dép.ndoit  originairement  de 
l'abbaye  de  Saint  Nicolas-aux-Bois ,  diocèfe  de 
Laon.  Il  fut  uni  dans  la  fuite  à  l'sbbave  d'Anchin. 
Cette  union  ,  attaquée  en  1668  ,  avoit  été  déclarée 
abufive,  fur  le  fondement  qu'elle  n'avoit  pas  été 
revêtue  de  lettres- patentes  :  mais  ce  défaut  fut  de- 
puis réparé  ,  &  le  parlement  de  Paris  enregiflra  , 
par  arrêt  du  26  août  1676  ,  les  lettres-patentes 
confirmatives  de  l'union.  Cependant  le  cardinal 
d'Yorck  ,  abbé  aéluel  d'Anchin  ,  donna  ,  en  1758  , 
une  collation  de  ce  prieuré  au  fieur  Foucault.  Ce- 
lui ci  ,  comprenant  qu'on  n'avoit  pas  pu  lui  con- 
férer un  prieuré  éteint  &  uni  à  l'abbaye  d'A  nchin  , 
prit  le  parti  d'obtenir,  en  cour  de  Rome,  de  non- 
vellcs  provifions  ,  fur  le  fondement  defquellcs  il 
attaqua  l'union  comme  abufive.  Oubliant  donc  le 


P  R  l  £  U  R. 

titre  que  M.  le  cardinal  d'Yorck  lui  avoit  accor- 
dé ,  il  ne  s'attacha  qu'à  faire  valoir  les  vices  pré- 
tendus de  l'union.  Mais  fes  efforts  furent  inutiles; 
&,  p:ir  arrêt  du  premier  avril  1762,  l'union  fut 
coi/ti .mée  ,  &  les  previfions  de  l'abbé  de  Foucault 
déclarées  abufives.  --  Qu'on  rapproche  maintenant 
cet  arrêt  du  jugement  de  1697.  Celui  ci  maintient 
M.  le  cardinal  d'Eilrées  dans  le  droit  de  pourvoir 
nommément  au  prieuré  d'Evrn  ,  dont  te  titre ,  dès 
1676  ,  avoit  été  éteint  6c  uni  à  l'abbaye  d'Anchin. 
Donc  l'arrêt  de  1697  ne  décide  point  que  les  prieu- 
rés ,  dont  il  accorde  la  provifion  au  cardinal  d"Ef- 
trécs ,  foient  de  vrais  bénéfices,  puifque  celui 
d'Evin,  qu'il  comprend  dans  la  même  difpofition 
que  les  autres  ,  n'exiHoit  plus  comme  bénéfice  dans 
le  temps  de  cet  arrêt. 

4°.  La  claufe  de  ce  même  arrêt,  qui  ordonne 
l'cipplication  des  côtes-mortes  des  religieux  aux  ri- 
p.ïrations  &  profit  des  BÉNÉFICES  6'  o^ces  dont 
hfdïts  religieux  je  trouveront  pourvus  au  jour  de  leur 
décès  ,  ne  détruit  nullement  tout  ce  qu'on  vient  de 
dire.  11  eft  vrai  que  l'abbaye  d'Anchin  n'a  point  de 
bénéfice  réguliers  dans  fa  dépendance  ;  mais  fes 
religieux  peuvent  en  obtenir  d'autres  abbayes;  la 
ïr\:i\\mQ^  regttUi'-ia  rtgularibus  les  y  rend  habiles  :  il 
ne  faut  donc  pas  quu  les  prieurés-forains  ioientbé- 
néfi;es ,  pour  que  la  claufe  dont  il  s'agu  puiife  re- 
cevoir Ion  exécut  on. 

Tout  cela  prouve  bien  clairement  que  l'arrêt  de 
1607  n'a  point  changé  la  nature  des  prieurés  en 
qu./lion.  f.lais  peut-on  dire  la  même  chofe  de  cet 
irrét  p'u",  précis  &  plus  célèbre  ,  qiû  eft  intervenu  , 
en  1775  ,  entre  k-s  religieux  d'Anciiin  &  l'abbé  de 
Langeac  ?  Expliquons-en  l'efpèce. 

Le  prieuré  d'Aymeries  ayant  vaqué  en  175 1, 
M.  le  prince  de  Modéne  ,  alors  abbé  d'Anch  n ,  y 
nomma  en  commende  M.  Billard,  évéquc  d'Olim- 
pe,  qui  mourut  la  même  année  :  M.  le  prince  de 
Modéne  le  fuivit  de  près,  &  iuz  remplacé  par  M. 
le  cardinal  d'Yv)r(.k  ,  qui ,  en  1752  ,  conféra  !e  mê- 
me prieuré  au  fieur  Paris.  La  conteftation  qui  s'en- 
gigea  fut  èvoi\uëe  au  confeil  du  roi.  Elleyéroit 
encore  pendante  en  17^9,  lorfque  l'abbé  Paris 
rèfigna  fon  droit  à  l'abbé  de  Langeac.  Celui-ci  ob- 
tint en  même- temps  un  brevet  de  régale  ,  en  vertu 
duquel  il  fit  afiigner  fes  contendans  à  la  grand'- 
cham're  du  parlement  de  Paris  :  Aymeries  étant 
fitué  dans  le  diocèfe  de  Cambrai ,  ou  la  régale  n'a 
pas  lieu  ,  ce  fécond  titre  fut  bientôt  écarté.  Après 
un  aflez  long  conflit  de  juridiflion  entre  difTérens 
tribunaux,  le  roi  a  donné,  le  2  juin  1770,  des 
lettres-patentes  qui  ont  attribué  la  connoiflance  de 
la  caufe  au  parlement  de  Paris. 

Les  états  d'Artois ,  de  Lille  &  de  Cambrai ,  & 
le  cardinal  d'Yorck,  font  intervenus,  les  uns  pour 
foutenir  que  les  bénéfices  des  Pays  -  Bas  font 
exempts  de  la  commende,  8c  le  cardinal  d  Yorck 
pou-  défendre  fon  droit  de  difpofer  en  commende 
des  orieurés  dépendans  de  fon  abbaye. 

De  leur  côté ,  les  grand-Prieur  &  religieux  ont 


PRIEUR.  607 

foutenu  que  le  prieuré  d'Aymeries  n'exiftoitpas  eu 
titre  de  bénéfice.  Ils  ont  produit  une  foule  de  pièces 
pour  le  prouver  ,  mais  inutilement.  Par  arrêt  du  1 1 
juillet  1775  '  rendu  à  la  grand'chainbre  ,  au  rap- 
port de  M.  l'abbé  dEfpagnac,  après  un  appoinie- 
ment  prononcé  fur  une  plaidoirie  folemnelle  le  7 
acCit  1770  ,  l'abbé  de  Langeac  a  été  maintenu  dans 
le  prieuré  d'Aymeries.  L'abbaye  d  Anchin  &  les 
écais  uni  tenté  de  ie  faire  cafier  au  confeil  ;  mais 
leur  reiuère  a  été  rejeiée  par  jugement  du  24  oc- 
tobre  1776. 

L'abbé  de  Langeac  avoit  eu  pouragent  dans  cette 
affaire  le  fieur  de  Guilhem  de  Saint-Marc  ,  qui  , 
s'imiginan:  que  l'arrêt  jugcoit  la  queftion  pour  tous 
les  prieurés  de  l'abbaye  d'Anchin  ,  obiint  pour  (on 
fili  ,  vicaire  gcr.érai  du  diocèfe  de  Périgeiix  ,  le  1 1 
oélo'ore  1778  ,  v.n  brevet  de  collation  en  régale  du 
pricjré  de  Saint  Georges.  Dés  le  mois  d'août  pré- 
cédent ,  le  fieur  de  Taftes ,  vicaire  général  du  dio- 
cèfe de  Condom  ,  l'avoir  impétré  en  cour  de  Rome. 
Tous  à.ti\x  fe  pourvurent,  chacun  de  leur  côté , 
contr^ô.om  0:liin,  Prieur  a('^îuel  de  Saint- Georges, 
dont  M.  le  cardinal  d'Ynck,  le  grand-Prieur  &  les 
religieux  d'Anchin  s'emprefsérent  de  prendre  le 
fait  &  caufe. 

Après  une  plaidoirie  de  fix  audiences  ,  M.  l'avo- 
cat général  Séguier  conclut  à  un  interlocutoire  &. 
au  féqueftre  des  fruits  &  revenus  du  prieuré,  en 
obfervant  qu'il  y  avoit  huit  religieux  à  Saint-Geor- 
ges ,  &  qu'il  falloit  pourvoir  à  leur  lubfifiance.  Par 
arrêt  du  6  fcprembre  1779,  la  cour  appointa  les 
parties  au  confeil ,  donna  afte  au  fieur  de  Saint- 
Marc  de  ce  qu'il  ne  prétendoit,  quant  à  préfent , 
que  la  jouiiTance  provifionnelle  de  la  moitié  des 
revenus  du  prieuré;  en  conf"equence  ordonna  que 
le  grand-Prieur,  les  religieux  &  dom  Ochin  joui- 
roient  du  furplus  ,  en  donnant  par  le  fieur  de  Saint- 
Mirc  bonne  &.  fuffifante  caution. 

Le  fieur  de  Saint-Marc  crut  pouvoir,  en  vertu 
de  cet  arrêt ,  exnulfer  les  fermiers  &  pafter  de  nou- 
veaux baux;  mais  fa  prétention  fut  hautement  prof- 
crite  par  arrêt  du  12  janvier  1780. 

Ces  deux  arrêts  formoientle  préjugé  le  plus  favo-' 
rable  pour  l'abbtiye  d  Anchin;  car  le  fieur  de  Saint* 
Marc  fe  pr^fentoit  comme  régalifte,  8c  cependant 
on  ne  lui  laiffoit  que  la  moitié  de  la  jouiffance  pro- 
vifionnelle ,  fous  la  charge  d'une  caution  que  ja- 
mais régalifle  n'avoit  été  dans  le  cas  de  donner. 

Enfin,  le  31  juillet  1781,  après  que  le  procès 
eût  été  examiné  pendant  cent  vacations,  &  vu 
quatre  fois  de  commiffaires  ,  il  eft  intervenu  ,  au 
rapport  de  M.  l'abbé  Pommiers,  un  arrêt  dont  voici 
le  difp  >*'''.ii  : 

•)■)  La  crur  faifant  droit  fur  le  tout,  en  tant  que 
))  touche  l'appel  comme  d'abus  interjeté  par  Henri 
))  Benoît-Marie-Ciément ,  cardinal ,  duc  d'Yorck  , 
11  abbé  commendataire  de  l'abbaye  de  Saint-Sau- 
»  veur  d'Anchin,  &  les  g  and-Prieur  &  religieu.v 
j)  de  -ladite  abbaye ,  des  previfions  obtenues  en 


6o%  PRIEUR. 

>>  coin-  de  Rome  par  Antoine-Gafpard  de  Taftes , 
V  &  de  l'aâe  de  ptife  de  pofleffion  par  lui  faite  de 
M  1h  celle  de  saint-Georges  ,  membre  d^pen- 
«  DANT  DE  LADITE  ABBAYE,  dit  qu'il  y  a  abiis  ; 
5'  en  conféquence  déboute  ledit  de  'Faites  de  tou 
»>  tes  Tes  demnndes;  faifant  pareillement  droit  iV.r 
»  l'appel  comme  d'abus  interjeté  par  ledit  de  Taltcs 
>»  &  par  Guillaume  de  Guillhcm  de  Saint-Marc, 
"  des  lettres  de  norainaric-n  données  à  Ambroilc 
■>•>  Ocbin  ,  prêtre,  religieux  prctèi  de  hdite  abb:iye, 
»  par  le  vicaire  général  du'Jii  cardinal  d'Yorch  ,  & 
.  »  de  !a  prifc  de  poiTefTion  par  lui  faite  de  lauite 
«  Celle,  les  déclare  non- recevabies  dms  ledit 
j>  appel  ,  &  les  condamne  à  l'amende ,  fiiivar.t  l'or- 
j>  doniiance  ;  ce  faifant ,  Tan*  s'arrêter  aux  requêtes 
•»  &  demandes  dudit  Guilhem  de  Saint-Marc  ,  dont 
>i  il  eft  débouté  ,  maintient  &  garde  ledit  cardinal 
3>  d'Yorck,enla  qualité  d'Abbé  d'Anchin  ,  dans 
3)  le  droit ,  polTeffion  &  jouifiancc  du  droit  de  no- 
«  mination  à  ladite  Celle  ;  maintient  Se  garde  pa- 
»>  reillement  Icfdits  GRAND  Prieur  &  religieux 

3J  de  ladite  ABBAYE  DANS  LE  DROITE,  POSSES- 
3>    SION  ET  JOUISSANCE   DES  FRUITS   ET    REVENUS 

•»  DE  LADITE  CELLE  ;  fait  defcnfcs  audit  de  Tartes 
»  &  audit  Guilb.cm  de  Saint-Marc  de  les  y  trou- 
3»  hier  ;  condamne  ledit  Guilhem  de  Saint-Marc 
»>  à  reilituer  auxdits  grand  Prieur  &  religieux 
»  d'Anchin  les  fruits  &  revenus  par  lui  perçus  dj 
»>  ladite  CELLE  ;  condamne  ledit  de  Tartes  &  ledit' 
■}■>  Guilhem  de  SaintMarc,  chacun  à  leur  égard  , 
3>  à  tous  les  dépens  des  caufes  d'appel,  interven- 
»»  tion  &  demandes  envers  Icfdits  abbé,  grand 
3)  Prieur  &  religieux ,  &  ledit  Ochin  ,  &  même 
ï»  à  ceux' réieivés.  Les  dépens  d'entre  leAlits  de 
3)  Tartes  &  GuiUiem  de  Saint-Marc  compenfés  , 
»»  &  far  le  fuîplusc'es  demandes  ,  fins  &  conclu- 
■»  fions  ,  a  mis  8c  met  les  parties  hors  de  cour.  Si 
})  mandons  ,  &.c,  ». 

On  voit  que  cet  arrêt  juge  en  termes  exprès, 
que  le  prieuré  de  faint-Georges  n'ert  point  un  bé- 
néfice ,  mais  une  fimple  celle.  Ce  n'étoit  cependant 
peint  là  l'unique  quertion  du  procès  :  les  religieux 
d'Anchin  loutenoient  que  quand  même  ce  prieuré 
eût  été  bénéfice,  les  fieurs  de  Tartes  &  de  Saint- 
Marc  eulTent  encore  été  mal  fondés  ,  S:  ils  en  don- 
noient  plurteurs  raifons  également  décifives  ;  mais 
la  cour  n'y  a  fait  au-cune  attention  ,  elle  s'ert  arrê- 
tée au  point  principal  &  ertentiel  de  favoir  fi  le 
prieuré  ctoit  bénéfice  ou  non  ;  elle  a  trouvé  fi  la- 
mineufes  &  fi  péremptoires  les  preuves  qu'on  ap- 
portoit  de  la  négative  ,  qu'elle  l'a  adoptée  tout 
d'une  voix',%L  pour  ne  !airt"er  là-defTiis  aucune  équi- 
voque ,  &  donnet  à  fon  arrêt  un  caraéîére  d'évi- 
dence auquel  il  ne  fût  pas  pofiible  de  fe  mépren- 
dre ,  elle  a  lubrtitué  par  tort  le  mot  celle  aux  \tr- 
jnes prieuré  ou  prévôté,  dont  les  religieux  eux-niè- 
îîies  fe  fervoient  dans  leurs  conclufions. 

On  demandera  fans  doute  quel  a  pu  être  le  mo- 
tif d'une  diilérence  aufli  frappante  entre  deux  ar- 
ftii  rendus  fur  la  nature'  de  deux  prieurés  dépen- 


PRIEUR. 

dans  de  la  même  abbaye.  Nous  ne  pouvons  mieux 
le  faire  connoître  qu'en  comparant  ici  les  titres  de 
fondation  de  l'un  &  l'autre  établilTement. 

La  chapelle  faint  Georges  ,  près  du  château 
dHefdin,  étoit  abandonnée  depuis  loi^g-temps  , 
6i.on  n'y  célébroit  plus  les  f'aints  myrtères ,  loi-f- 
qu'en  1094  Lnguerrand  ,  comte  dHefdin  ,  qui  la 
tenoiten  iiefde  l'églife  de  Térouane,  la  donna  à 
l'églife  d'Anclîin  ,  pour  la  portéder  à  perpétuité 
ecinmf  we Jlmplc  celle  ou  obédience  ,  à  la  charge  d'y 
entretenir  autant  de  religieux  que  les  revenus  de 
Saint  -Georges  le  permettroient.  Ecclef.am  fanili 
Georgii  Jîtam  juxia  hoc  cjj'lru'n  fJefdiru...  Ecclefi<z 
fari:2i  S^lvatoris  de  ^quicineto'tn  ceÙnm  jure  perpétua 
iibae  pojjidendam  attribuo  ,  eo  tenote  ,  ut  de  Aquici- 
nenfis  CiZnobn  f/airiôu; ,  ibi  tôt  monachi  hùbeantur  y 
quodfacul'.as  nrum  fanclo  Gcorpo  datarum  aJmiferit. 
Le  fondateur  n'accorde  que  l'ufage  des  biens  aux 
religieux  d'Anchin  qui  demeureront  à  faint-Geor- 
ges ,  (orum  ufibus  donc  ;  la  propriété  en  eft  donnée 
uniquement  à  l'abbaye,  &.  ce  n'ert  qu'à  ces  con- 
ditions que  le»  chanoines  de  faint  Martin  ,  qui 
avoient  quelque  droit  fur  faint  Georges,  confen- 
tent  à  la  donation  d'Fnguerrand  :  In  tantàrn,  ut 
pradiâarn  ecclefum  eccUjïa  de  Aquicïneto  tribuam  , 
tjuamobrem  prcediBi  canonici  quidquld  in  ecclefiâfanEli 
Georgii  hab.bant  ,  ecclejîa:  jancli  Salvatorïs  de  yiqui- 
ciacto  contulerunt.  Le  fondateur  n'a  donc  pas  en- 
tendu ériger  un  bénéfice  ,  mais  donner  une  fimple 
celle  à  l'abbaye  d'Anchin. 

L'autorité  de  l'évêque  concourut  aux  défirs  du 
comte  d'Hefdin,  Gérard ,  évéque  de  Térouane  , 
confirma  la  même  année  la  donation  faite  à  l'ab- 
baye d'Anchin  ,  il  s'adre^e  à  l'abbé  :  ^imerico  , 
Aquicinenfi  abbati:  Et  voici  de  quelle  manière  il 
s'exprime  :  Ecclefmm  fanSli  Gcorgii  martyris...  cum 
omnibus  qu(t  tarn  ab  Ligelramnj  ,  quàtn  ab  aliis  etdem 
tcclcfice.  collatA  ju7it ,  tibi  ,  Aimerice  ,  Aquicinenfis 
cccnobii  abbas ,  tuifqu*  /accejf  ribits  ,  in  celUrn  emni 
tctnoore  Ubere po£ldef:dam.  conccdimus. 

Il  a  donc  voulu  que  faint  Georges  ne  fût 
qu'une  celle  ,  i.T  cf//jffj  ;  que  cette  celle  appartint 
aux  abbés  d'Anchin,  r;/-/,  Aquicinenfis  ccznobii  ap' 
l\is ,  mifqiie  fucj^ffonbui  i  qu'ils  la  port*cdaÛ'ent  li- 
brement, libaépvjjlden  ,:m. 

Le  prélat  ne  veut  pas  que  ^  fous  prétexte  même 
d'y  ériger  une  abbaye,  on  puiffe  jamais  enlever 
aux  abbés  d'Anchin  l'églife  de  faint  Georges  , 
nul'us  ,  fub  ccciijîonc  conjlruendcz  ubbjtict  ,  JanFù 
Gcorrii  ecclcftain  ,  libi  ,  ô  Aimerice  ,  Aquicinenfis 
canubii  abbas  ,  if/  iuii  jucccjforibus  aufcrre pr&Jujnut. 

Outre  que  les  termes  de  ces  aéfes  ne  laifTent  au- 
cun doute  fur  la  nature  de  la  prévôté ,  de  la  «//e 
de  faint  Georges  ,  ils  prouvent  encore  que  cette 
chapelle  n'avoit  jamais  été  un  titre  de  bénérice.  En 
eflftt,  Enguerrand  n'auroit  pu  en  difpofer  en  maî- 
tre ;  Gérard  auroit  été  obligé  de  l'éteindre  ,  ce 
l'unir  à  l'abbiiye  ,  d'écouter  le  titulaire  «  d'avoir  fon 
çonrentemcnt,  &c.  Le  fond  de  i'a(!rte  Scies  expref- 

fions 


PRIEUR. 

fions  qui  font  employées  concourent  donc  â 
exclure  toute  idée  de  bénéfice  à  faint  Georges. 
A  l'égard  du  prieuré  d'Aymeries ,  tout  étoit  bien 
diiTérent.  Le  titre  de  fondation  n'en  étoit  point  rap- 
porré,  mais  on  produifoit  une  cliar:re  qui  prou- 
voit  que  ce  prieuré  étoit  déjà  habité  par  des  reli- 
gieux avant  d'avoir  été  donné  à  Tabbave  d'An- 
chin.  On  ne  pouvoir  donc  pas  dire  qu'il  eùr  été 
dans  le  principe  une  celle  dépendante  de  cette 
abbaye  ,  puifqu'il  avoit  (on  exiftence  propre  8c 
une  conventualité  ,  avant  que  l'abbaye  d'Anchin  y 
eiJt  aucun  droit. 

L&  rirre  qu'on  produifoit  étoit  une  confirmation 
donnée  par  Gérard  ,  é>'éque  de  Cambrai  &  d'Ar- 
ras  ,  des  dons  faits  au  prieuré  d'Aymeries.  Le  pré- 
lat y  annonce  qu'il  a  donné  à  l'abbaye  d'Anchin 
&  a  fon  abbé  Aymeric  ,  l'églife  d'Aymeries  ,  pour 
la  gouverner,  tcclejîam  de  Ayr,  enesfubjeHatn  &(]uafi 
filum  Aqu'icïnenfii  ecclefiZ  ,  &  ejufdimabbdti  Ayme- 
rico  rtfeniim  conjlituijft.  li  rappelle  les  dons  qu'Her- 
mcngardede  Mons  avoit  faits  à  ce  prieuré. //f /-ot^/z- 
gardisverbdeMons...  eamdem  ecclejîam  ad ufus  fratrum 
ibidem  deo  fervientium  de  alo.  Us  juis  honefïè  dotavit. 
Après  le  détail  des  biens  donnés  par  Hermengarde  , 
le  prélat  ajoute  :  Hizc  omnia  annuentibus  filiis  &>  Jilia 
ab  omni  advocatione  conccjjic  libéra  Jub  altare  dci 
genitricis ,  undè  frjires  viverent  deo  fervituri.  L'aéle 
eft  terminé  par  les  claufes  fuivantes  :  Tali  veto  ra- 
tione  ecclejîam  de  Aytnencs  cum  fuis  appenditiis  feu 
beneficiis  ,  cura  &  arbitrio  prtzfan  abbatis  &  ipjîus 
fucccjforii  conjlitui  ,  ut  fi  ipfa  aliquandt  per  fe  fuiim 
poffet  habere  paOorem  ,  unum  femper  de  fratribus  Àoiù- 
cinenjïs  ecclefîtz  fihi  ad  hoc  eligeret  ,  &  Jîc  deinceps 
omni  tempore  eiJem  Aquic'uienfî eccUfîce  ipfa  annisfia- 
gulis  nnain  argenli  warcam  delito  cen/u perfulvcret, 

Ainfi ,  le  prieuré  d'Aymeries ,  dans  fon  premier 
état,  avoit  été  fondé  par  Hermengarde  fous  l'in- 
vocation de  la  fainte  Vierge.  Elle  y  avoit  établi 
des  religieux  qu'elle  avoit  dorés  &  fournis  à  l'au- 
forité  de  l'évêque  de  Cambrai.  Il  y  nvoit  donc  une 
communauté  exiflante  avant  qu'il  fût  queftion  d'y 
attribuer  aucun  droit  à  l'abbaye  d'Anchin. 

Saint  Georges ,  au  contraire,  n'étoit  qu'une fjm- 
ple  chapelle  de  àcvorion  ,  où  même  depuis  long- 
temps on  ne  célébroit  plus  la  mefle  ,  &  qui  ne  fer- 
voit  anx  chanoines  de  faint  Martin ,  dans  la  paroiHe 
dcfquels  elle  étoit  fituée  ,  qu'à  dépofer  les  faintes 
huiles  pour  les  malades.  Enguerrand  ,  fondateur  du 
prieure  ,  le  donne  diredement  à  l'abbaye  d'An- 
chin ,  pour  le  pofTcder  à  perpétuité  comme  une  fim- 
pie  celle  ;  c'eft  à  cette  abbaye  qu'il  denne  auflî  les 
biens  qu'il  affe>îïe  à  faint  Georges;  c'eft  elle  qu'il 
charge  d'y  envoyer  de  fes  religieux  pour  former  ce 
nouvel  établiflcment. 

Par  la  chartre  d'Aymeries ,  Hermengarde  engage 
Pévêque  Gérard  à  foumettre  les  religieux  qui  exif- 
toient  à  Aymeries  ,  au  gouvernement  fpirituel  de 
l'abbaye  d'Anchin. 

Enguerrand,  au  contraire,  donne,  dès  le  prin- 
cipe, direâement  à  l'abbaye  ,  non-fçujeraent  U 
Tome  XIII, 


PRIEUR. 


60  ) 


fnpériorité  &.  la  juridiflion  ,  mais  la  propriété  num- 
des  biens  de  faint  Georges. 

Hermengarde  n'avoir  point  entendu  doter  l'ab- 
baye dAnchin  ,  mais  uniquement  l'églife  d'Aymé* 
rieSj  eamdem  ecclefiam  honeflè  dotavir.  Enguerrand, 
au  contraire  ,  donne  à  l'abbaye  d'AncJiin  l'églife 
même  de  faint  Georges. 

Par  la  chartre  d'Aymeries  ,  la  donation  s'adre/Te 
au  prieuré  même  d'Aymeries  &  non  pas  à  l'abbaye 
d'Anchin.  Elle  eft  faite  fur  l'autel  de  la  vierge  ,  fu^ 
altare  dei  genitricis  ,  fous  Tinvocation  de  laqiielle 
efl  le  prieuré  d'Aymeries.  La  chartre  de  faint  Geor» 
ges  s'adre/Te  di.-Tiilemeiit  à  l'abbé  d'Anchin  ;  c'eftà 
l'abbaye  que  la  donation  eft  faite  ,  pour  par  elle  en 
jouir  à  perpétuité. 

Hermengarde  prévoit  le  cas  où  le  prieuré  d'Ay- 
meries pourra  être  érigé  en  abbaye.  Les  titres  de 
faint  Georges  défendent,  au  contraire  ,  de  jamais 
enlever  à  l'abbaye  d'Anchin  les  biens  de  faint- 
Georges ,  fous  prétexte  mémo  de  l'ériger  en  abbaye. 

Il  y  avoit  déjà  des  religieux  à  Aymeries  lors  de 
la  donation  d'Hermengarde  ;  ils  étoient  fuffifam- 
ment  dotés  ;  ils  forraoient  un  établiffement.  Tout 
ce  que  defire  la  donatrice ,  c'efl  que  cette  com- 
munauté foit  foumife  à  l'abbaye  ,  qu'elle  en  foit 
comme  la  fille  ,  fubje^î.im  &  quajî  filiam  ;  &  que  fi 
jamais  elle  efl  érigée  en  abbaye,  l'abbé  foit  pris' 
parmi  les  religieux  d'Anchin.  Au  contraire,  il  n'exif- 
toit  rit n  à  faim  Georges  ,  lors  de  la  donation  de 
1094,  qu'une  chapelle  en  ruine  ,  fîne  cura  &  cultis. 
Ce  n'eft  qu'en  11 12  que  l'abbaye  d'Anchin  y  en- 
voya, pour  la  première  fois  ,  des  religieux,  fans- 
qu'ils  aient  cerfé  d'être  membres  de  l'abbaye  & 
de  lui  appartenir;  enfin  c'eft  l'abbaye  qui  a  acquis 
de  fes  deniers  la  plupart  des  fonds  qui  fervent  au-^ 
jourd'hui  à  leur  fubfiflance. 

Ce  n'efl  pas  dans  le  titre  d'Hermengarde  ,  mais 
dans  des  titres  poflérieurs  &  fimplement  con- 
firmatifs.aui  n'ont  pu  déroger  au  titre  primitif, 
qu' Aymeries  a  été  qualifié  de  fimple  celle ,  qui  doit 
être  ,  à  perpétuité  ,  pofTédée  librement  par  l'abbaye 
d'Anchin. 

Si  Aymeries  n'eût  été  qu'une  celle  dans  fon  prin- 
cipe ,  &  que  la  pofleffion  eût  été  conforme ,  la 
caufe  de  l'abbé  de  Langeac  n'auroit  pas  été  propo- 
fable ,  mais  il  n'avoir  pas  été  fondé  comme  tel , 
des  titres  confirmatifs  n'avoient  pu  en  altérer  la 
nature.  Ceft  tout  le  contraire  pour  faint  Georges. 

Tant  de  différences  dans  les  titres  primitifs  de 
ces  deux  établifTemens  ,  ne  permettoiexit  pas  fans 
doute  de  les  regarder  comme  étant  de  même  na- 
ture. Les  principes  qui  ,  en  177Ç  ,  avoient  fait 
juger  bénéfice  le  prieuré  d'Aymeries  ,  dévoient  , 
en  1781  ,  faire  prononcer  que  celui  de  faint  Geor- 
ges n'étoit  qu'une  fimple  obédience. 

L'abbaye  de  faint  Amand  a  dans  fa  dépendance 
trois  prévôtés  confulérables  ,  qui  ont  occafionné 
plufieurs  conreflations  ,  relativement  à  leur  nature. 
Ce  font  Barifrs  dans  le  diocèfe  de  Soiffons ,  Couç'» 

Hhhh 


(5io  PRIEUR. 

trai  dans  la  Flandre  impériale  ,  &.  Siraut  dans  le 
Hainaut  Autrichien. 

En  1684  ,  le  roi  d'Efpagne  conlîfqua  les  biens  de 
la  prévôté  de  Siraut ,  comme  appartenant  aux  reli- 
gieux de  faint  Amand  ,  lujets  du  roi  avec  qui  il 
étoit  en  guerre.  Dom  Romain  Baccart,  qui  poffé- 
doit  alors  cette  prévôté  ,  préfenta  au  confeil  des 
finances  de  Bruxelles  ime  requête  par  laquelle  il 
demanda  main-levée  des  faifies  faites  à  titre  de 
confircation  ,  &  foutint  que  les  biens  dont  il  s'a- 
gifToit  ne  pouvoient  y  être  fujets  ,  par  la  raifon  que 
le  religieux  qui  jouiffoit  de  cette  prévôté,  &  y 
réfidoit  avec  plufieurs  de  fes  confrères  ,  en  avoit 
l'ufufruit,  «  c'eft-à-dire,  le  droit  d'en  jouir  par 
^J  fon  titre  pour  leurs  entretien  &  alimens  ?>.  Par  ar- 
rêt du  4  mai  1684  ,  rendu  fur  l'avis  du  confeiller 
fifcal  de  Hainaut  ,  &  contradifloircment  avec  le 
receveur  des  domaines  ,  le  confeil  des  finances  ac- 
c  )rda  la  main  -  levée  ,  à  la  charge  par  le  prévôt  de 
payer  une  rétribution  annuelle  de  600  livres,  tant 
que  la  guerre  dureroit.  Les  motifs  de  cette  dcci- 
iion  furent  ,  fuivant  une  lettre  du  1 1  du  mime 
mois  ,  écrite  au  prcvôt  par  le  confeiller  filcal,  que 
la  prévôté  de  Siraut  ctoit  un  titre  indépendant  de 
1,1  mcnfe  abbatiale &.  conventuelle  de  faint  Amand; 
mais  que  ,  comme  parmi  les  biens  réclamés  par  le 
Prévôt,  il  s'en  trouvoit  une  certaine  quantité  qui 
paroiflbit  dépendre  immédiatement  de  l'abbaye  , 
le  roi  d'Efpagne  avoit  bien  voulu  ,  pour  éviter 
toute  difcuflion  fur  ce  point  ,  fe  contenter  de  la 
rétribution  de  600  livres  portée  dans  l'arrêt. 

En    1714  ,  le  cardinal  de  la  Trémoille  ,  abbé 
commendataire  de  faint  Amand,  prétendit  que  les 
biens  des  trois  prévôtés  dévoient  être   rapportés 
dans  la  maiïe  des  biens  de  l'abbaye,  pour  entrer 
en  partage.  Cette  conteftation  fut  foumife  à  l'arbi- 
trage de  M,  de  Bernieres,  intendant  de  Flandres, 
&  de  MM.  Doremieux ,  Nouet  &  Chevalier  ,  cé- 
lèbres avocats  au  parlement  de  Paris  ,  autorifés  , 
par  arrêt  du  confeil,  à  donner  leur  avis  à  fa  ma- 
jefté  fur  cette  affaire.  Le  20  juillet  1714,168  arbi- 
tres rendirent  une  ordonnance  qui  enjoignoit  aux 
religieux  de  s'expliquer  nettement  fur  la  nature  de 
leurs  prévôtés.  En  conféquence,  le  26  du  même 
mois ,  le  prévôt  de  Siraut  déclara  que  «  lefdites 
3)  prévôtés  font  des  lieux  fondés  pour  y  faire  l'of- 
n  fice  divin  par  des  religieux  de  l'abbaye  de  faint 
3»  Amand  ,  laquelle  feule  a  droit  d'y  envoyer  & 
»  d'y  prépofer  un  defdits  religieux  ,  auquel  appar- 
:»  tient  l'adminiftration  de  tous  les  biens  de  la  pré- 
T>'  voté  à  laquelle  il  eft  prépofé  ,  ainfi  que  l'expli 
w  que   VanEfpen  dans   fon  droit  eccléfiaftique , 
3j   partie   i  ,  titre  t,  i  ,  chapitre  2  ,  fuivant  le  canon 
»>    30  du  concile  de  Montpellier  tenu  en  1214  ». 
Le  30  du  même  mois ,  les  grand  Prieur  &  religieux 
(de  laini  Amand  déclarèrent  pareillement  que  «  les 
n  'prévôtés  dépendantes  de  leur  abbaye  font  ce  que 
?»  la  clémentine   quia  repuLvds  appelle  prieurés, 
»'qtti,  félon  cette  clémentine  ,  ne  peuvent  être 
»  conférés  q^u'aux  religieux  de  leur  abbaye ,  ôc  ne 


PRIEUR. 

»>  peuvent  être  appliqués  ni  réunis  à  la  menfe  ab" 
»  batiale ,  non  pas  même  par  les  abbés  réguliers 
»  ni ,  à  plus  forte  raifon  ,  par  les  abbés  commen 
»  dataires  ;  fur  laquelle  clémentine  lefdits  grand 
»  Prieur  &  religieux  ont  déclaré  qu'ils  fe  fon- 
»  dolent  au  fens  &  en  la  manière  qu'elle  eft  oJ)- 
»  fervée  &  fuivie  dans  les  Pays-Bas,  comme  à 
i>  faint  Vaaft  d'Arras  &  autres  abbayes  tombées 
»  en  cornmende  ».  Le  7  novembre  fuivant, les 
arbitres  ont  donné  un  avis  unanime  ,  portant  que 
les  prévôtés  deBarifis,  Courtrai  ik  Siraut,  conti- 
nueroient  d'être  adminiftrées  en  la  manière  accou- 
tumée par  les  prévôts  ,  qui  feroient  nommés ,  vaca- 
tion arrivant,  par  l'i'bbé  commendataire,  à  la  charge 
par  lui  de  nommer  des  religieux  de  rabba}'e  de 
laint  Amnnd  feulement  ,  fans  préjudice  au  grand 
Prieur  de  deflituer  les  religieux  pourvus  dcidite* 
prévôtés  ,  pour  caufe  légitime. 

11  avoit  été  rendu,  le  c)  août  précédent ,  un  arrêt 
au  confeil  privé  de  Bruxelles  ,  qui  contenoit  la 
même  dii'pof.tion  ,  fur  la  qucftion  de  favoir  fi  les 
biens  des  prévôtés  dévoient  être  rapportés  à  la 
maffe  de  l'abbaye  ,  pour  entrer  en  partage.  Le  pré- 
vôt de  Courtrai  l'avoir  demandé  &  obtenu  fur  re- 
quête ,  dans  la  crainte  que  les  grand  Prieur  Se  re- 
ligieux ne  fuccombaffent  à  Paris.  En  voici  les  ter- 
mes :  «  Déclare  que  le  prévôt  de  Courtrai  n'eft 
"  obligé  de  rapporter  &  conférer  a.  l'abbaye  de 
')  faint  Amand,  ni  au  cardinal  de  la  Trémoille  , 
»  qui  en  eft  pourvu  à  titre  de  cornmende  ,  aucuns 
»  revenus  des  biens,  appendances  &  dépendan- 
»  ces,  qiu  ,  fous  la  domination  de  l'empereur  , 
»  lui  appartiennent  en  fa  qualité  de  Prévôt  de 
)>  Courtai,  ni  pour  le  paffé ,  ni  pour  l'avenir,  Se 
»  ordonne  à  tous  ceux  qu'il  appartiendra  de  fe 
»  régler  &  conformer  félon  ce  décret  ». 

Le  cardinal  de  Gévres  ayant  fuccédé  au  cardi- 
nal de  la  Trémoille,  renouvela,  par  rapport  à  la 
prévôté  de  Siraut ,  les  prétentions  qui  avoient  été 
jugées  au  défavantage  de  celui-ci.  Aufîî  tôt  le  reli- 
gieux qui  en  étoit  pourvu  s'adreffa  au  confeil 
privé  de  Bruxelles  ,  &  y  obtint  fur  requête  un  arrêt 
du  20  avril  1732  ,  conçu  dans  les  mêmes  termes 
que  celui  qui  avoit  été  rendu  le  9  août  1714,  pour  le 
prévôt  de  Courtrai.  Le  cardinal  de  Gévres,  défef- 
pérant  de  réuflir  dans  les  tribunaux  des  Pays  Bas 
Autrichiens  ,  fe  pourvut  dire61ement  contre  les 
grand  Prieur  &  religieux  de  faint  Amand,  &.  fit 
rendre  au  confeil  un  arrêt  qui  renvoya  l'afîaire  de- 
vant MM.  Duhamel  ,  Périnelle  &  Normant ,  avo- 
cats au  parlement  de  Paris.  Les  grand  Prieur  Se  re- 
ligieux difoient  pour  leur  défenfe  ,  1°.  que  de 
droit  commun  les  celles  ou  prieurés,  de  quelque 
manière  qu'elles  aient  été  établies,  ont  été  recon- 
nues indirectement  pour  de  vrais  titres  eccléfiafli- 
ques  réguliers  ;  2°.  qu'il  eft  défendu  aux  abbés  ^ 
fur  tout  depuis  les  conciles  du  quatorzième  fiècle  ,. 
de  rien  retirer  des  revenus  des  prieurés  ,  fi  ce  n'eft 
les  cens  ou  penfions  qu'ils  étoient  dans  une  an- 
cienne poffeflîon  d'exiger  des  Prieurs ,  fans  goii" 


PRIEUR. 

voir  les   augmenter  ;  3°.  que  l'abbaye   de  faint 
Amand  neioiiifTant  pas  perlbnnellement  de  la  pré- 
vôté de  Giraut ,  ce  n'étoit  point  contre  elle  ,  mais 
contre  le  prévôt  que  l'abbé  devoir  diriger  fes  pour- 
fuites.  Sur  ces  raifons  ,  cû  intervenu,  le  7  août 
1737  ,  un  jugement  en  dernier  reflort,  conçu  en 
ces  termes  :  «t  Nous,  commilTaires  fufdits ,  en  v^tu 
>»  du  pouvoir  à  nous  donné  par  Ta  majefté  ,  ayant 
»  aucunement   égard  aux  requêtes  deidits  grand 
»  Prieur  &  religieux   de  (aint  Amand  ,  les  ren- 
}»  voyons  des  demandes  contre   eux  formées  par 
»  ledit  fieur  cardinal  de  Gêvres  ,  en  partr.ge  des 
»>  biens  dont  eu.  queftion  ,  &  à  fin  de  reftitution 
»  des  fruits  defdits  biens  ;  fauf  audit  fieur  cardinal 
M  de  Gêvres  à  diriger  fon  a<51ion  ,   ainfi   qu'il  avi- 
"  fera  ,  contre  le  prévôt  de  Siraut,  &  les  défenfes 
»»  dudit  prévôt  réfervées  au  contraire». 

Que  conclure  de  ces  différens  préjugés  ?  Rien 
de  précis.  Il  y  auroit  autant  d'incoaléquence  de 
prétendre  indiiVir.diiement  que  les  prieurés  dèpen- 
dans  des  abbayes  de^  Pays  Bas  ne  font  pas  bénéfi- 
ces ,  que  de  foutcnir  qu'ils  le  font  tous  fans  excep- 
tion. La  leule  règle  qu'il  y  ait  à  ce  fujet ,  eft  de 
confulter  les  titres  &  la  poffeflîon.  Quelques  ab- 
bayes les  ont  pour  elles ,  quelques  autres  les  ont 
contre.  De  là  naît  une  difierence  qui  eft  marquée 
bien  clairement  dans  les  articles  i  &  1  du  traité  du 
14  oélobre   1775  '  «"apporté  au  mot  BÉrcÉFiCE. 

Après  avoir  difcuté  la  nature  des  prieurés  fo- 
rains ,  il  faut  examinera  qui  en  appartient  la  no- 
mination. De  droit  commun  ,  c'eft  à  l'abbé  du  mo- 
naftère  dont  ils  dépendent  ;  &  ,  comme  le  prou- 
vent l'arrêt  du  19  feptembre  1697  iSc  le  jugement 
arbitral  du  7  novembre  1714  ,  rapportés  ci-devant  , 
on  ne  diftingue  pas  à  cet  égard  un  abbé  commenda- 
taire  d'avec  un  abbé  régulier. 

Il  y  a  cependant  quelques  exceptions  à  cette  rè- 
gle. On  verra  ci-après  que  les  prieurés  dépendans 
de  faint  Germain-des-Prés  font  à  la  col!a'ion  du 
Prieur  de  cette  abbaye.  Le  certificat  du  Prieur  de 
faint  Vi«fîor  ,  du  30  février  1693  ,que  nous  avons 
déjà  cité,  porte,  que  les  prieurés  dépendans  de 
cette  abbaye  «  font  conférés  par  les  pères  du  con- 
"  feil,  ou  autrement  dits  par  les  pères  de  la  cham- 
«  bre  ,  qui  font  ait  nombre  de  fept ,  dont  le  père 
M  Prieur  eft  le  chef  ,  lefquels  ,  à  la  pluralité  des 
»  voix  ,  choifilTent  tel  fujet  de  la  compagnie  qu'ils 
"  veulent,  pour  remplir  les  offices  &  les  prieurés 
il  vacans  ,  &  qui  révoquent  auffi  ,  quand  ils  trou- 
«  \em  à  propos  ,   ceux  qu'ils  ont  commis  pour 

V  remplir  leldits  offices  ou  adminiftrations  ". 

D'Héricourt  ,  dans  fes  oeuvres  pofthumes  ,  tome 
4  ,  page  54  ,  obferve  «  qu'en  Franche  Comté  tous 
»  les  prieurés  fimplesfont  à  la  pleine  &  libre  col- 
M  lation  du  pape,  comme  les  prieurés  conventuels 

V  font  à  la  nomination  du  roi  ;  cela  eft  établi  par 
w  d'anciens  induits  renouvelés  en  différens  temps. 
»  11  eft  vrai  que  les  collateurs  François  ,  qui  ont 
n  des  bénéfices  de  leur  dépendance  fuués  en  Fran- 


PRIEUR.  6m 

j»  che-Comté  ,  prétendent  que  le  chef-  lieu  n'y 
»  étant  pas  fitué  ,  ils  doivent  jouir  de  leur  droit 
»  de  collation  ,  nonobftant  ces  induits  :  mais  cette 
»  prétention  a  été  plufieurs  fois  condamnée  par  le 
»  parlement  de  Befançon  ».  On  trouve  la  même 
obfervation  dans  les  œuvres  de  Cochin  ,  tome  6  , 
page  486. 

On  a  autrefois  prétendu  que  le  roi  devoit  nom- 
mer aux  prieurés  fociaux,  en  vertu  du  concordat  : 
mais  ce  fyftème  étoit  trop  contraire  à  l'efprit  & 
même  à  la  lettre  de  ce  traité  ,  pour  être  accueilli 
dans  les  tribunaux,  &il  a  étéprofcrit  par  un  arrêt 
du  confeil  de  l'année  1572  ,  rendu  au  fujet  du 
])rieuré  de  Fleury  ,  dépendant  de  l'abbaye  de  faint- 
Vi61or.  On  a  déjà  cité  un  femblable  arrêt  du  1 1 
juin  1547  pour  le  prieuré  de  faint  Georges,  dé- 
pendant de  l'abbaye  d'Anchin. 

Il  en  eft  de  même  dans  les  Pays-Bas  ,  foit  Fran- 
çois ,  foit  Autrichiens  ,  par  rapport  au  concordat 
dont  nous  avons  parlé  à  l'article  Election.  On  lit 
dans  une  requête  des  gens  du  roi  du  grand  con- 
flit de  Malines,  en  date  du  premier  juin  1723, 
«  que  fa  majeilé  ne  confère  point  les  prieurés  , 
»  lorfqu'ils  font  fimples  ou  d'obédience  ». 

Nous  avons  remarqué  ci-deftus  les  cas  où  les 
prieurés  forains  font  fujets  à  k  dévolution  :  On 
verra  au  mot  RÉGALE  ,  quels  font  ceux  où  ils  peur 
vent  recevoir  1  impreiTion  de  ce  droit  éminent. 
•  On  a  vu  plus  haut  que  le  concile  de  Vienne,  ou," 
fi  on  veut,  la  clémentine  quia  regulares ,  ordonne 
aux  êvêques  qui  difpofent  des  prieurés-forains  à 
titre  de  dévolution,  de  les  conférer  à  des  profès- 
des  monaftèrcs  d'où  ces  prieurés  dépendent,  rf//"- 
gio/îs  tnonjjlerium  quorum  pralaii  hujufmodi  neglï- 
genus  fuerint ,  conferendo. 

Cette  difpofition  n  eft  que  l'expreffion  de  l'an- 
cien droit  commun  ,  fuivant  lequel  tout  religieux 
étoit  regardé  comme  incapable  de  pofféder  un 
prieuré  qui  ne  dépendeit  pas  de  fon  abbaye,  parce 
que  ç'auroit  été  le  fouftraire  à  l'abbaye  dans  la- 
quelle il  avoit  fait  vœu  de  ftabilité  ,  &  au  fupé- 
rieur  à  qui  il  avoit  promis  obéiftance  pour  toute 
la  vie. 

Cet  ancien  droit  n'a  changé  en  France  qu'en 
conféquence  des  congrégations  qui  s'y  font  for- 
mées. Tous  les  monaftères  d'une  même  congréga- 
tion étant  fournis  au  même  fupérieur  général ,  on 
les  a  regardés  comme  ne  formant  qu'un  feul  corps. 
Les  profès  d'une  abbaye  n'ont  plus  paru  étrangers 
aux  autres  abbayes  de  la  même  congrégation ,  & 
infenfiblement  on  les  a  reconnus  pour  habiles  à 
pofi'éder  les  bénéfices  qui  en  dépendoient.  Enfuite 
cette  capacité  s'eft  étendue  à  tous  le*  religieux  du 
même  ordre  &  militans  fous  la  même  règle,  quoi- 
que de  différentes  congrégations,  &c'eftainfi  que 
s'eft  formée  la  maxime  regularia.  rfgidarièus  ejufi.-ni 
ordinis  ,  devenue  loi  du  royaume  depuis  qu'elle  a 
été  confignée  dans  le  concordat. 
I       Cependant  la  cour  de  Rome  ,  toujours  attachée 
'  Hhhhij 


m 


6ii  PRIEUR. 

aux  anciens  ufages,  ne  s'eft  pas  prêtée  à  cette  in- 
novation ,  &  toutes  les  fois  qu'un  religieux  qui  fe 
déclare  profès  d'un  monaftèrc,  demande  un  prieuré 
dépendant  d'une  autre  abbaye,  quoique  de  la  même 
congrégation,  les  officiers  de  la  daterie  ne  man- 
quent jamais  d'inférer  dans  la  provifion  une  claufe 
de  tranflation  de  morujl.-rio  ad  mjnajhrluni,  &.  d'af- 
fujettir  le  pourvu  à  fe  faire  recevoir  in  fratrem  dans 
l'abbaye  d'où  dépend  le  prieuré  régulier  qu'il  im- 
pètrc  ,  afin  de  ne  pas  contrarier  l'ancienne  maxime, 
qu'il  faut  être  religieux  de  l'abbaye  matrice,  pour 
pofféder  les  prieurés-forains  qui  en  dépendent. 

Cette  maxime  forme  encore  le  droit  commun 
des  Pays-Bas  :  les  prieurés  forains  de  ces  provinces 
ne  peuvent ,  conformément  aux  difpofitions  du 
concile  général  de  Vienne  ,  être  donnés  qu'aux  re- 
ligieux profès  des  abbayes  dont  ils  dépendent  ref- 
pt:6iivement  ;  &  ,  comme  on  l'a  déjà  remarqué  ,  cet 
iifage  a  été  fpecialement  confirmé  à  l'égard  des  ab- 
bayes d'Anchin ,  de  Saint -Amand  &  de  Saint- 
Vaaft  ,  par  l'arrêt  du  grand-confeil  du  i9feptem- 
hre  1697  ,  par  le  jugement  arbitral  du  7  novembre 
1714,  &  par  les  lettres-patentes  du  mois  de  mai 

1775. 

Peut-on  conclure  de-là  ,  que  les  prieurés  dépen- 
dans  des  abbayes  des  Pays  -  Bas,  ne  peuvent  être 
tenus  en  commende  par  des  eccléfiaftiques  fécu- 
liers?  Les  grand-Prieur  &  religieux  d'Anchin  fou- 
tenoient  l'affirmative  dans  l'inftance  contre  l'abbé 
de  Langeac.  Mais ,  comme  nous  l'avons  déjà  dit , 
ils  ont  fuccombé  ,  &  on  a  jugé  que  l'abbé  de  Lan- 
geac étoit  habile  à  pofTéder  en  commende  leur 
prieuré  d'Aymeries.  Voici  le  raifonnement  que  leur 
oppofoit  fon  défcnfeur:  u  L'aftedation  ancienne  des 
V  prieurés  réguliers  aux  profès  de  l'abbaye  matrice  , 
ï>  ne  peut  pas  plus  faire  obftacle  à  la  commende,  que 
M  l'afieftation  plus  récente  des  prieurés  ou  autres 
j)  bénéfices  réguliers  aux  religieux  du  même  ordre. 
»  Quoique  le  concordat  porte  ,  regularia  regularibus 
«  tjufJem  ordinis  ,  les  bénéfices  réguliers  n'en  font 
>»  pas  moins  conférés  tous  les  jours  en  commende 
»  à  des  féculiers  :  donc ,  quoique  le  concile  de 
M  'V^ienne  porte  ,  religiojù  moruflériorum  quorum  pm- 
•n  lati  huju/modi  négligentes  fueiint ,  conjerendo ,  les 
«  féculiers  n'en  font  pas  moins  aptes  à  être  pour- 
j>  vus  en  commende  des  prieurés  réguliers  i». 

Les  grand-Prienr  &  religieux  d'Anchin  préten- 
doient  écarter  ce  raifonnement  par  la  chartre  de 
1088  ,  qui ,  fuivant  eux  ,  affeftoit  particulièrement 
aux  membres  de  leur  abbaye  le  prieuré  dont  il 
étoit  queflion.  Ils  infiftoient  fur  trois  claufes  de 
cette  chartre  :  la  première  ,  par  laquelle  Gérard  II , 
évêquc  de  Cambrai,  déclare  avoir  foumis  l'églife 
©u  prieuré  d'Aymeries  à  l'abbaye  d'Anchin.  Mais 
cette  chufe  ,  répondait  l'abbé  de  Langeac  ,  ne  fait 
que  denier  aux  abbés  d'Anchin  le  gouverneinent 
fpirituel  du  prieuré  d'Aymeries  .  fans  affeâer  fpe- 
cialement le  titre  aux  religieux  d'Anchin. 

La  féconde  ,  par  laquelle  il  étoit  dit  que  la  fon- 
datrice avoit  doté  l'églife  d'Aymeries ,  ad  ujusfra- 


PRIEUR. 

trum  ibidem  dto  fervientium.  Mais  cette  claufe,  dî- 
foit  le  défenfeur  de  Tabbé  de  Langeac,  ne  fait 
qu'exprimer  l'affeiflation  des  biens  à  la  fubfiftance 
&  aux  befoins  des  religieux  réfidens  dans  le  pri'îuré  ; 
elle  ne  dit  point  que  ce  prieuré  ne  pourra  être  con- 
féré qu'à  un  religieux  d'Anchin. 

A  la  vérité ,  cette  affeâation  fe  trouvoit  écrite 
dans  la  troifiéme  chufe  ,  mais  elle  n'y  étoit  qu'hy- 
pothétlquement  :  il  y  étoit  dit,  que  fi  un  jour  l'églife 
d'Aymeries  fe  iio.ivoit  en  état  d'être  érigée  en  ab- 
baye, les  religieux  d'Aymeries  ne  pourroient  élire 
pour  abbé  qu'un  des  religieux  d'Anchin  :  mais  ce 
cas  n'efi  point  arrivé,  difoit  l'abbé  de  Langeac; 
le  prieuré  n'a  pas  été  érigé  en  abbaye  ;  ainfi  il  n'y 
a  pas  eu  lieu  à  l'affeflarion  fpéciale  du  titre  de  cette 
abbaye  aux  feuls  religieux  d'Anchin. 

L'abbaye  de  Saint-Germain-des-Prés  vient  de 
faire  valoir ,  avec  plus  de  fuccès  ,  l'affeélation  de  fes 
prieurés  à  fes  religieux  profès.  La  contefta:ion  étoit 
entre  l'abbé  Mallaffis,  pouryu  en  cour  de  Rome  du 
prieuré  de  Septeuil ,  avec  la  claufe  detitulo  in  corn- 
mendant,  d'une  part  ;  &  les  prieurs  &  religieux  de 
Saint-Germain-des-Près  prenant  le  fait  &  caufe  de 
dom  Bourdon ,  nommé  au  même  prieuré  par  foa 
fupérieur  régulier  ,  d'autre  part. 

Voici  comme  on  établilToit  la  défenfe  de  ceux- 
ci.  Toute  la  queftion  fe  réduit  à  favoir  fi  le  prieuré 
de  Septeuil  eft  affeélé  à  la  menfe  conventuelle  de 
l'abbaye  deSaint-Germain-des-Prés  ,  tellement  que 
le  Prieur  de  cette  abbaye  ait  feul  droit  de  le  con- 
férer ;  que  le  pape  ne  puifîe  ufer ,  à  fon  égard  ,  de 
fon  droit  de  prévention  ,  &  que  les  feuls  religieux 
profès  foient  capables  de  le  pofféder. 

Or  ,  ces  trois  points  font  prouvés  par  le  texte 
précis  du  concordat  de  1553  ,  paffé  entre  le  cardi- 
nal de  Tournon  ,  abbé  de  Saint  -  Germain  ,  les 
Prieur  &  religieux  de  l'abbaye  ,  &  le  chapitre  gé- 
néral de  la  congrégation  de  Chczal  ■  Benoit.  Qatz 
omnia  &  fingula  o^icÎj  &  bénéficia  ad  pnzdiSium  cen- 
ventum&  mcnfam  converttualem  fpeBabunt  &  pertine- 
bunt  cum  omnibus  reditibus  ^fuBibus  6*  emolumentis 
ab  ip/is  depsndentibus  ,  &  omnes-fruBus  eorum  menfa 
conventuaii  ^ffeSîi  erunt  &  uniti  ,  ex  nunc  prout  ex 
t'Mic  uniuntur  &  incorporant ur.  Commenter  ces  ter- 
mes feroit  en  diminuer  l  énergie.  Le  droit  de  colla- 
tion du  Prieur  à  l'exclufion  de  tous  autres  n'efl  pas 
moins  certain.  Omnimoda  dijpofitio  &collatio eorum 
beneficiorum  ,  vacatione  occur-e/ite,  ad  pradiâlum  vi- 
cariurn  pleno  jure  pertimbit.  L  •  pape  renonce  for- 
mellement à  pouvoir  }amais  conférer  ,  ita  ut  aetjue 
per  Tomanurn  pontificem ,  neque  per  abbatem  ,  neque 
per  ulium  quucumque  autoritate  prafulgeal ,  rrater' 
quàm  per  prafaium  viearium  collatio  fieri  pojjit ,  o* 
colLniones  p.r  alium  faSlx  nul lœ  erunt  &  irritez.  Le 
Prieur  de  Saint- Germain  ne  peut  conférer  les  bé- 
néfices qu'aux  religieux  de  cette  abbaye  ,  ita  tamen 
qubd  prxfatus  vica'ius  atiis  perfonis  quàm  regularibus 
&•  religit'/is  prczdiHi  wonafteri:  fanai  Gcrmani  in  tb^ 
fervantiâ  regulari  viventibus  providere  non  patent. 
Ce  concordat  a  été  fuiyi  de  trois  autres  des  an- 


PRIEUR. 

nées  1^50,  iÇ'56&  1588,  qui  le  confirment.  Les 
papes  l'ont  ratifié  par  plufieurs  bulles  ;  trois  de  nos 
rois  l'ont  revêtu  de  leurs  lettres-patentes  ,  qui  ont 
été  enregiftrées  fans  modification  ,  Si  rexccution 
en  a  été  expreffemeni  ordonnée  par  un  arrêt  de 
1643  »  rendu  en  faveur  de  dom  Ferry,  nommé  par 
le  Prieur  de  l'abbaye  de  Saint  Germain  au  prieuré 
de  Bailly ,  contre  l'abbé  Grangier,  impétrant  en 
cour  de  Rome  de  provifions  per  obiium  du  même 
bénéfice  ,  antérieures  d'un  mois  à  U  nomination  de 
ion  adverfaire. 

L'abbé  Mallaflis  objefloit,  1".  que  le  concordat 
de  1643  contenoit  fi  peu  une  afFeâation  générale 
&  exclufive,  que  le  cardinal  de  Tournon  s'obligeoit, 
par  cet  aHc,  d'indemnifer  les  religieux,  au  cas 
qu'ils  vinfTent  à  perdre  leurs  bénéfices  par  l'effet 
d'une  rédgnation  des  titulaires. 

Riponfe.  Avant  l'introduélion  de  la  réforme  de 
Cliézal  iJcnoît  dans  l'abbaye  de  Saint  -  Germain- 
des-Près ,  les  religieux  jouitToient  perfonnellement 
de  leurs  bénéfices.  L'affeftation  portée  par  le  con- 
cordat de  1543  1  "e  pouvoir  par  elle-même  leur 
ôter  le  droit  de  les  re/igner;  ce  concordat  ne  fai- 
foit  point  loi;  il  ne  pouvoit  le  devenir  que  par 
l'agrément  &  le  concours  des  deux  puiflances.  Les 
titulaires  confervoient  leur  libre  dHpofition  ,  juf- 
qu'à  ce  qu'on  eiit  obtenu  des  lettres- patentes ,  & 
qu'elles  fuflent  enregiftrées.  Il  falloit  donc  prendre 
des  précautions  contre  les  nJfignations  qui  auroient 
pu  fe  faire  dans  cet  intervalle. 

La  féconde  objeftion  de  l'abbé  Mallafîîs  étoit  de 
dire  ,  qu  les  titres  des  bénéfices  exiftoient  ;  que  le 
concordat  de  1543  n  avoit  pu  priver  les  indultaires , 
les  brévetaires,  les  régaiiftes  &  les  gradués  ,  de 
leurs  expe61ativcs  ;  que  l'ordinaire  lui-même  con- 
fervoit  tous  fes  droits. 

Réponfe.  L'ordinaire  n'a  rien  perdu  ,  puifque  les 
bénéfices  étoient  à  la  collation  de  l'abbé.  On  n'ap- 
pelle jamais  les  indultaires  ,  les  brévetaires  ni  les 
gradués  ,  lorfqu'il  s'agit  d'une  union.  Les  régaliftes 
ceffent  d'avoir  des  droits ,  lorfque  le  roi  renonce 
aux  Tiens  par  des  lettres  patentes ,  &  que  le  parle- 
ment les  enregiflre. 

La  troifième  objeéîion  de  l'abbé  Malaffis  étoit 
tirée  du  défaut  d'enregiflrement  des  bulles  du  pape , 
qui  ont  adopté  le  concordat  de  i  543. 

Réponfe.  Ces  bulles  ont  été  fuivies  de  lettres- 
patentes  ,  qui  ordonnent  l'exécution  du  concordat 
qu'elles  avoient  reçu;  ce  font  elles  qui  lui  donnent 
force  de  loi.  11  eft  bien  vrai  que  des  bulles  ne  peu- 
yent  s'exécuter  en  France  fans  le  confentensent  du 
roi  ;  mais  quand  les  lettres-patentes  &  les  bulles 
ordonnent  la  même  chofe  ,  l'enregidrement  des 
premières  fuffit.  Le  concours  des  deux  puiflances 
étoit  néceflaire  ;auffi  le  pape  a-t-il  éonné  des  bulles 
qui  engagent  fes  (ucceffeurs  ,  &  le  roi ,  des  lertres- 
patentes  qui  ont  formé  une  loi  parfaite  d'après  l'en- 
regiftrement. 

La  quatrième  objeftion  de  l'abbé  Mallafîîs  étoit 
la  plus  foiWe  de  toutes.  Le  préambule  des  lettres-  1 


PRIEUR.  61} 

patentes  ,  difoît-tl ,  annonce  que  leur  objet  cfl  feu- 
lement d'autorifer  la  réforme  de  Cbézal-Benoît , 
introduite  dans  l'abbaye  de  Saint- Germain-des- 
Près  ;  mais  il  n'y  efl  pas  dit  un  mot  de  l'union  des 
bénéfices. 

Réponfe.  La  réforme  de  Chézal- Benoît  ordonna 
expreifement  l'afTeélation  de  tous  les  bénéfices  à 
la  menfe  conventuelle  (1).  Cette  réforme  efl  établie 
par  le  concours  des  deux  nuisances  de  la  maniéré 
la  plus  folemnelle  ;  ainfi  quand  on  admettroit  que 
les  lettres-patentes  n'auroient  eu  pour  objet  que 
l'introduâion  de  lajèforme  de  Chézal-Benoîtdans 
l'abbaye  de  Saint-Germain,  elles  n'en  eufTent  pas 
moins  approuvé  l'union  des  bénéfices  à  la  menfe 
conventuelle  ,  puifqn  elle  étoit  ordonnée  par  la  rè- 
gle même  qu'on  recevoir. 

Ces  moyens  ont  été  devoloppés  par  M.  l'avocat 
général  Séguier  ;&  par  arrêt  du  vendredi  20  mars 
1778,  conforme  à  fes  conclufions ,  l'abbé  Malaf- 
fis  a  été  déclaré  non-rccevable  dans  fes  demandes , 
appels  comme  d'abus  &  oppofitions  ,  &  dont 
Bourdon  maintenu  dan-s  le  prieuré  de  Septeuil. 

L'arrêt  du  grand  confeil  du  30  mars  1694,  déjà 
cité  plus  haut,  a  encore  jugé  que  l'office  de  Prieur 
clauflral  de  l'abbaye  d'Anchin  étoit  incompatible 
avec  le  prieuré  de  Saint- George  dépendant  du  mê- 
me monaflère.  Dom  d'Oye  étoit  pourvu  à  la  fois 
de  l'un  &  de  l'autre  ;  les  religieux  d'Anchin  le  fi- 
rent affigner  au  grand  conieil,  pour  voir  dire  qu'il 
feroit  teiiu  d'opter  encre  ces  deux  titres.  Ils  ap- 
puyèrent leur  demande  fur  le  décret  du  Concile 
de  Vienne,  qui  afrujettit  les  Prieurs  forains  à  la 
réfidence  la  plus  exaéle,  &  leur  ôte  même  la  li- 
berté de  demeurer  dans  le  principal  monaflère,  fi 
ce  neft  pour  un  temps  &  pour  de  jufles  caufes. 
Dom  d'Oyc  ne  fe  défendit,  qu'en  prétendant  que 
Saint-George  étoit  un  prieuré  de  memâ  ;  les  reli- 
gieux foutinrent  au  contraire  qu'il  étoit  détaché  de 
la  menfe  conventuelle.  Si  l'arrêt  dont  il  s'agit  leur 
donna  gain  de  caufe  :  faute  par  dom  d'Oye  d'avoir 
fait  l'option  du  grand  -  prieuré  d'Anchin,  ou  du 
prieuré  de  Saint-Georges ,  il  déclara  le  grand-prieui  é 
vacant. 

Foyei  Vun-Ffpen,  Fuet ,  Rmpau  de  Lacornhe  ; 
le:  définitions  canoniques  ;  le  diflionnaire  de  Durand 
de  Maillane;  Denifart,  L'encyclopédie,  &  Us  divers  ar- 
ticles auxquels  nous  renvoyons  dans  le  cours  de  ce- 
lui-ci. (  article  de  M.  Merlis  ,  avocat  au  parlement 
de  J' l mdres  ). 

PRIMAT.  Ce  nom  ,  qui  emporte  un  titre  de 
dignité,  ne  s'eft  introduit  dans  l'églife,  ainfi  que 
ceux  d'archevêque  ,  de  patri-.<rc!ie  Se  de  pape  , 
que  quelques  fiécles  après  rétablifTement  du  chrif- 
tianifme.  Les  évéques  des  plus  grands  fiiges  s'é- 
toient  contentés  jufqu'alors  de  la  feule  dénomina- 

(i)Ordinamus  quodomnes  reditus ,  -3:11  conventûs  rjiiàm 
otHciorum  ,  nec  non  prio  .itiiJin  ad  no, tram  comniuniiaceii» 
perveniaiu ,  &:  bénéficia  ex  tune  uniia  Cfnfeantur  eommu- 
ritacinoftri  mçna.Uiii,  Arùck  53  des  fintuts  Je  Ckézjlr> 
Bcntîc,  " 


6r4 


P  R  î  M  A  T. 


tion  d'évàqiies  ,  qui  leur  étoit  commune  avec  ceux 
des  fièges  les  moins  confidérables  :  on   ne  vit  , 
qu'avec  une   forte  de  peine ,  les  prélats  des  pre- 
mières villes  affeéïer  ou  recevoir  des  titres  plus  re- 
levés ;  mais  l'ufage  prévalut,  &  on  appela  arche- 
vêque  ou  métropolitain  ,  l'évéque  de  la  principale 
ville  de  cha(^ue  diflri^t.  On  donna  le  nom  de  Pri- 
mat ou  d'exarque  à  ceux  dont  les  fièges  fe  trou- 
voient  placés  dans  les  villes  qui  tenoient  le  rang  de 
capitales  par  rapport  à  plufieurs  dtftriâs.  Les  évé- 
qiies  de  villes  qui  étoient  elles-mêmes  regardées 
comme  capitales  à  l'égard  de  plufieurs  grandes  pro- 
vinces ou  royaumes  ,  furent  appelés  patriarches. 
Leur  autorité  Si.  leur  juiidiclion  s'étendoient  liir  les 
Primats  eux-mêmes  ,  &  abforbèrent   dans  la  fuite 
l'autorité  même  de  ces  derniers.  Ce  fut  particulière- 
ment dans  l'églife  grecque  ou  d'orient  que  ces  dif- 
férentes  dénominations   furent    d'abord    admifes. 
L'églife  latine  n'eut,  pendant  long  temps,  d'autres 
manières  de  défigner  les  évêques  des  principaux 
fièges  ,  que  la  fimple  qualité  d'archevêque  :  fi  les 
noms  de  patriarche  Si.  de  Primat  y  furent  enliiite 
reçus ,  ce  fut  dans  un  fens  bien  moins  étendu  &. 
avec   des   prérogatives    bien  inférieures  à   celles 
dont  jouilTbient  les  prélats  revêtus  des  mêmes  ti- 
tres dans  l'églife  orientale.  Deux  cliofes  fur-tout 
contribuèrent  à  rendre  plus  diflicile  l'introduAion 
de  ces  titres  ,  &  des  pouvoirs  &  droits  qui  s'y  trou- 
voient  attachés.  La  grande  autorité  dont  l'evêque 
de  Rome  a  toujours  joui  dans  l'églife  latine,   s'op- 
pofoit  à  l'accroiflement  de  l'autorité  des  fièges  in- 
férieurs ;  &  lorfque  les  évéques  de  Rome  voulu- 
rent dans  la  fuite  employer  cette  même  autorité 
pour  étendre  celle  de  quelques  uns  des  principaux 
métropolitains,  la  réfiflance  qu'ils  éprouvèrent  de 
}a  part  des  métropolitains  voifins  ,  Si.  même  de 
quelques-uns  de  leurs  fuffragans  ,  rendit  prefque 
toujours  ces  tentatives  inutiles.  Auflî  ,   quoiqu'on 
rencontre   quelquefois  le  titre  de  Primat  accordé 
à  des  évêques  ou  archevêques  de  l'églife  latine  , 
ce  titre  n'annonce  point  en  leur  faveur  les  mêmes 
avantages  qu'il  indiquoli  relativement  aux  évêques 
orientaux.  Ce  n'étoit  guère  ,  pendant  les  onze  pre- 
miers fiècles  (  fur-tout  dans  les   Gaules),   qu'un 
fimple  titre  d'honneur,  accordé  quelquefois  à  l'an- 
cienneté de  l'ordination  ,  d'autres  fois  au   mérite 
perfonnel,  mais  fans  aucune  prééminence  m  fupé- 
riorité  de  droit.  Malgré  tout  le  crédit  que  le   pape 
faint  Léon  s'étoit  fi  juftemeut  acquis  par  fes  venus 
&  fa  doiSirine,  il  ne  put  réuffir  à  faire  agréer  à  l'é- 
glife des  Gaules  le  deflein  qu'il   avoit  d'y  établir 
difTérens  Primais  auxquels  des  métropolitains  (ui- 
fent  fubordonnés.  L'attachement  de  l'églife  galli- 
cane à  fes  anciens  ufages  écarta  cette  nouveauté. 
Prefque  tous  les  auteurs  conviennent  quejufqu'après 
le  milieu  du  onzième  fiêclc  ,  on  ne  reconnut  dans 
les   Gaules  l'autorité  d'aucun  Ftimat,  &  que  tous 
les  métropolitains  étoient  immédiatement   foumis 
au  faint  fiège.   Si  quelques  uns  avoiect  eu  quelque 
■prééminence  fur  les  autres ,  ce  navoit  éié    ou'cn 


PRIMAT. 

vertu  de  vicariats  dont  les  papes  avoient  voulu  les 
honorer  ,  &  qui  étoient  uniquement  attachés  à 
leurs  perfonnes.  Depuis  long-temps  ces  vicariats 
ont  ceffé  d'être  en  ulage  ,  &  ne  feroient  plus  au- 
jourd'hui reçus. 

Le  plus  ancien  Primat  en  vertu  d'un  titre  perpé- 
tuel qu'on   reconnoifle   en  France  ,  efi  l'archevê- 
que de   Lyon.  Cette  dignité  lui  fut  conférée  en 
1079  P^*"  Grégoire  VII  ,    qui   occupoit  alors   le 
faint  fiêge  ,  &  qui  par  une  bulle  accorda  à  l'églife 
de  Lyon  le  droit  de  primarie  fur   les   quatre  pro- 
vinces Lyonnoifes,  qui  font  celles  de   Lyon  ,  de 
Pvouen  y  de  Sens  &  de  Tours.  L'antiquité  de  l'é- 
glife de  Lyon  ,  qu'on  peut  regarder  comme  la  pre- 
mière des  églifes  de  France   qui  ait  eu  im  iiège 
épifcopal  ,  fcmbloit  mériter'cettediilinflion  ;  il  pa- 
roît  même  que  Grégoire  VII  <rut  moins  accorder 
un  droit  nouveau  à  cette  églife  ,  que  la  remettre 
en  poiTcflion  d'anciens  droits  que  le  défaut  d'ufage 
avoit  en  quelque  forte  fait  oublier.  Ces  motifs  n'en 
eurent  pas   plus  de  force  fur  deux  des  métropoli- 
tains que   le  pape   alfujettifloit  à  la    primatie   de 
Lyon.  L'archevêque  de  Tours  fut  le  feul  qui  la  re- 
connut volontairement  &  s'y  afTujetit  de  plein  gré. 
Robert ,  archevêque  de  Sens  ,  y  oppofa  la  plus 
vive  réfiftance,  &  fut  pYivé  par  le  pape  de  l'ufage 
dnpallium  dans  fa  province  ,  en  punition  de  cette 
défobéifTance  prétendue.  Quel  crime  pouvoit-on 
iaire  à  ce  prélat ,  de  vouloir  conferver  la  liberté 
de   fon  églife  &  les  prérogatives  de  fon   fiége  ? 
Daimbert ,  qui  le  remplit  après  lui ,  ne  montra  pas 
la  même  vigueur.  Si  fe  fournit  à  la  primatie  de 
Lyon.  Ses  fuccefleurs  regardèrent  cette  démarche 
comme  une  foiblelfe  de  fa  part  ,  qui  n'avoir  pu 
préjudicier  à  leurs  droits  ,  Si  ne   s'en  opposèrent 
pas  moins  fortement  à  l'autorité  que  les  archevê- 
ques de  Lyon  vouloient  prendre  dans  Iwir  pro- 
vince. Ils  eurent  même  l'avantage  d'être  en  cela 
foutenus  par  nos  rois  ,  qui  ne   voyoient  qu'avec 
peine  qu'on  entreprit    d'affujetir  l'archevêque  de 
la  province  dans  laquelle  il  réfidoit  d'ordinaire  ,  à 
une  puifiance  étrangère.  L'archevêque  de  Lyon 
jouiffoit  eu  effet  alors  de  la  fouveraineté  fur  cette 
ville.  Les  difputes  renouvelées  fouvent  entre  ce 
petit  fouverain   Si  fesfujets,  engagèrent  ces  der- 
niers à  recourir  à  la  proteâion  de  nos  rois  Si  à  défi- 
rer  de  fe  foumettre  à  leur  autorité.  Un  des  articles 
du  traité  fut  que  les   droits  de   primatie  feroient 
confervés  à  l'archevêché  de  Lyon  fur  la  province 
de  Sens.  Le  dédommagement  n'étoit  pas  fort  avan- 
tageux   pour  les  archevêques.  Depuis  cette  épo- 
que ,  ceux  de  Sens  furent  obligés  de  reconnoitre  la 
primatie,  Lorfqu'en  1622  l'évéché  de  Paris  futdif- 
trait  de  la  métropole  de  Sens  ,  &  érigé  en  arche- 
vêché, ce  ne  fut  qu'à  condition  eue  la  nouvelle 
métropole  releveroit  immédiatement  de  la  prima- 
tie de  Lyon  ,  à  laquelle  elle  demcureroit  foumife. 
C'cft  ce  qui  eft   ftipulé  dans  les  bulles  Si  lettres- 
j   patentes  données  à  ce  lujer. 
j       Quant  à  la  métropole  de  Rouen  ,  elle  n'avoir 


PRIMAT. 

jamais  fupporté  que  fort  impatiemment  les  préten- 
tions de  celle  de  Lyon.  Depuis  l'éreftion  delà  der- 
nière en    primatie  ,   plufieurs    querelles  s'étoient 
élevées  entre  les  prélats  des  deux  fièges.  Elles  fe 
renouvelèrent  avec  plus  de  chaleur  vers  la  fin  du 
fiècle  dernier.  M.  de  Saint- Georges   rempUnbit 
alors  le  fiège  de  Lyon,  celui  de  Rouen  étoit  oc- 
cupé par  M.  Coibert.  L'affaire  fut  portée  au  con- 
feil  d'état;  elle  fut  inftriiitc  avec  tout  le  foin  pom- 
ble;  iês  plus  célèbres  jurifconfultes  écrivirent  ou 
turent  con fuites  fur  cette  queflion.  De  part  &  d'au- 
tre ,    parurent  les  mémoires  1      plus  approfondis. 
Enfin,  par  arrêt  du  2  mai  1702  ,  le  roi ,  fans  s'ar- 
rêter aux  requêtes  &  demandes  de  l'archevêque  de 
Lyon  ,  tendantes  à  être  maintenu  dans  le  droit  de 
prmiatie  fur  la  province  de  Rouen  ,  comme  fur 
celles  de  Lyon  ,  Tours  ,  Sens  &  Paris ,  ayant  éaard 
à  celles  de  l'archevêque  de  Rouen  ,  &  à  l'interven- 
tion des  évéques   de  la   province  de  Normandie  , 
maintient  l'ai  chevcque  de  Rouen  Se  fes  fucceHcurs 
dans  le  droit  &  pofleffion  oii  étoit,  de  temps  im- 
mémorial ,  l'églife  de  Rouen  de  ne  reconnoitre 
d'autre  fupéricur  immédiat  que  le  faim  fiège  ;  -tait 
défenfes  à  l'archevêque  de  Lyon  ,fes  grands  vicai- 
res Si  ofFlcianx  ,  &à  tous  autres,  de  ly  troubler  à 
l'avenir.  Se  en  conféquence  ,  déclare  qu'il  y  avoît 
abus  dans  les  provifions  &  vi/u  donnés  par  l'arche- 
vêque de  Lyon  &  fes  grands  vicaires  ,  de  bénéfi- 
ces fuués  dans  le  diocèfe  de  Rouen  ,  fur  les  refus 
de  l'archevêque  de  Rouen  ou  de  fes  grands  vicai- 
res ;  déclare  abufives  les  appellations  de  l'official 
de  Rouen  ,  relevées  à  l'officialité    primatiale    de 
Lyon  :  permiffion  de  citer  ,  citations  ,  procédures 
&  jugemens  rendus  en  conféquence;  ordonne  que 
les  appellations  des   ordonnances  &  jugemens  de 
l'archevêque  de   Rouen  ,  fes  grands  vicaires  ou 
ofHciaux  ,  feront  relevées  immédiatement  à  Rome  ; 
fait  défenfes  à  toutes   perfonnes  de  les  relever  à 
rofficialité  primatiale  de  Lyon  ,  à  peine  de  nulhté  , 
&  en    ce  qui  concerne    les    appellations    comme 
d'abus  interjetées ,  tant  par  l'archevêque  de  Rouen , 
des  deux  bulles  de  Grégoire  "VU  de  l'année  loy^  , 
que  par  l'archevêque  de  Lyon  ,  de  la  fentence  ren- 
due par  le  cardinal  de  Sainte-Croix  ,  du  1 2  novem- 
bre 1455  ,  &  des  bulles  de  Calixte  III  des  23  mai 
Ï453  &  II  juillet  1458;  le  roi  les  déclare refpeâi- 
vement  non-recevables  dans  lefdires  appellations 
comme  d'abus  ,  fans  amende  :  ordonne  que  1  arrêt 
fera  lu  ,  publié  &  enregiftré  par-tout  où  befoin  fera  , 
&  que  toutes  lettres-patentes  néceffaires  feront  fur 
ce  expédiées. 

En  conféquence  de  cet  arrêt ,  le  roi  a  donné 
fes  lettres-pattentes  le  4  août  1702  ,  adreffées  aux 
parlemens  de  Paris  &  de  Rouen  ,  6i  à  tous  autres 
officiers  jufticiers  qu'il  appartiendra  ;  Se  leur  mande 
de  les  faire  lire,  publier  &  enregirtrer,  &  du  con- 
tenu en  icelles  faire  jouir  l'archevêque  de  Rouen 
&  fes  fucceiîeurs ,  pleinement ,  paifiblement  &  per- 
pétuellement ,  ceffant  &  faifant  ceffer  tous  troubles 
îk  empéchemcns  à  ce  contraires,  6c  fans  fouifrir 


PRIMAT.  61  î 

qu'il  y  foît  contrevenu  en  quelque  forte  &  mn- 
nière  que  ce  foit ,  direâement  ou  indire>flemenr  ; 
&  ce  nonobflant  clameur  de  haro,  charte  nor- 
mande ,  &  telles  à  ce  contraires ,  auxquelles  ,  pour 
ce  regard  feulement ,  t^  fans  tirer  à  conféquence  , 
le  roi  déroge  &  a  dérogé. 

Ces  lettres-patentes  ont  été  enregirtrées  au  par- 
lement de  Paris  le  13  décembre  1702,  &  au  par- 
lement de  Rouen  le  20  du  même  mois. 

L'alîteur  dA  recueil  de  jurifprudence  canonique , 
après  avoir  rapporté  le  difpofuif  de  cet  arrêt,  ob- 
ferve  que  dans  cette  célèbre  conteftation  il  a  ère 
jugé  qu'un  évéque  peut  être  Primat  ,  fans  avoir 
fous  lui  de  métropolitairi.  On  ne  voit  cependant 
pas  que  l'arrêt  cité  donne  cette  qualité  à  l'arche- 
vêque de  Rouen  ;  elle  ne  feroit  d'ailleurs  qifun 
finiple  titre  d'honneur  ,  &  une  qualité  purement 
florile,  qui  ne  procureroit  ni  prééminence  ni  pré- 
rogatives. 

L'archevêque  de  Bourges  jouit  auiïl  du  droit  de 
primatie.  Ce  droit  attaché  depuis  long  temps  à 
fonfiège,  lui  fut  confirmé  par  les  papes  Eugène 
III  &  Grégoire  IX.  Sa  primatie  paroît  s'être  autr  - 
fois  étendu-j  lur  la  province  de  Bordeaux  :  d'an- 
ciens monumens  atteftent  que  les  archevêques  c'e 
Bourges  y  ont  fait  des  vifites  ,  &  que  les  archevê- 
ques de  Bordeaux  ont  reconnu  cette  primatie  : 
mais  depuis  long-temps  ces  derniers  ont  fecoué 
ce  joug;  ils  prennent  même  la  qualité  de  Primat 
d'Aquitaine.  Ce  privilège  leur  fut  accordé  en  1306 
par  le  pape  Clément  V  ,  François  de  nation  ,  & 
qui  avoit ,  avant  la  promotion  au  fouverain  pon- 
tificat,  rempli  le  fiége  de  Bordeaux.  Il  exempta  en 
même  temps  cette  province  de  la  juridi6lion  de 
l'archevêque  de  Bourges  ;  ce  qui  confirme  que  la 
primatie  de  ce  dernier  s'étendou  anciennement, 
comme  nous  venons  de  le  dire  ,  fur  la  province 
eccléfiaftique  de  Bordeaux;  &  ce  qui  prouve  le 
droit  ,  ou,  pour  mieux  dire,  le  pouvoir  que  s'é- 
toient arrogé  les  fouverains  pontifes  de  foumettre 
ou  de  fouftraire  les  métropoles  à  la  juridi61ion  les 
unes  des  autres. 

L'attention  qu'ont  eue  les  archevêques  de  Bor- 
deaux dans  l'exemption  que  leur  avoit  accordée 
le  faint  fiège  ,  a  donné  plus  de  force  à  cette  exemp- 
tion qu'elle  n'en  tenoit  du  refcrit  pontifical. 

La  primatie  de  l'archevêque  de  Bourges,  qui 
par-là  fe  trouvoit  réduite  à  un  titre  fans  fondions , 
a  repris  la  dignité  &  l'éclat  qui  paroifTent  devoir 
l'accompagner,  lors  de  l'éreâion  faite  en  1675  '^^ 
l'évêché  d'Albi  en  archevêché.  Les  archevêques  de 
Bourges,  dont  les  évêques  d'Alhi  étoient  fufFra- 
gans ,  ne  tonficntirent  à  cette  éredlton  que  fous  la 
réfervc  &  à  la  condition  que  le  nouvel  archevê- 
ché ,  aiiifi  que  lesévêchés  de  Rodez,  de  Cadres , 
de  Cahors  ,  de  Vabres  &  de  Meudes ,  qu'on  déta- 
choit  aulïï  de  la  province  de  Bourges  ,  pour  en 
former  la  nouvelle  province  d'Albi ,  refteroient 
fournis  à  la  juridii^ion  primatiale  de  l'archevêché 
de  Bourges, 


6j(^ 


PRIMAT. 


La  qualité  c!c  Primat  eH  encore  prife  par  plii- 
ficurs  archevêques  du  royaume  de  France  ;  m:iis  , 
comme  nous  l'avons  obrervé  ,  elle  n'eft  qu'un  fim- 
pk  titre  pour  eu^.  Ainfi  Tarchevéque  de  Bordeaux, 
comme  on  vieqt  de  le  dire  ,  fe  qualifie  Primat  d'A- 
quitaine ;  l'archevêque  de  Sens  ,  quoique  fournis  à 
la  primAtie  de  Lyon,  s'intitule  Primat  de  Germa- 
nie; l'archevêque  de  Vienne  fe  donne  le  titre  de 
Primat  des  Primats  ;  cependant  il  n'a  de  juridi61ion 
fur  aucun  Primat  ni  même  fur  aucun  mctrcpù'i- 
tain  :  l'archevêque  d'Arles  lui  contefte  la  qualité 
de  Primat  de  la  Gaule  Narbonnoife  ,  qui  eft  en 
même  -  temps  revendiquée  par  l'archevêque  de 
Narbonne. 

Ces  différentes  prétentions  ont  pu  tirer  leur  ori- 
gine des  vicariats  que  les  papes  ,  fuivant  la  remar- 
que que  nous  en  avons  faite  ci-deÛus,  s'étoicnt  mis 
en  ulage  de  donnera  difierens  évoques  dans  les 
cinquième  &  fixième  fiècles  Le  pape  Zozime  fut  le 
premier  qui  revêtît  Patrocle  ,  évêque  d'Arles,  du 
titre  de  fon  vicaire  dans  les  Gaules. 

Les  droits  6c  pouvoirs  des  Primats  ne  répondent 
pas  ,  parmi  nous ,  à  la  magnificence  du  titre.  Les 
Prélats  qui  en  jouiiïent ,  même  avec/onciions  ,  ne 
peuvent  pi  faire  de  vifites  dans  les  mérropoles  des 
archevêques  qui  relèvent  d'eux  ,  ni  indiqtier  les 
alTemblées  des  conciles  provinciaux,  ni  faire  por- 
ter devant  eux  la  croix  ,  ni  fe  fervir  du  pallium  , 
ni  officier  pontificaiement  dans  les  mêmes  métro- 
poles. Fevret ,  livre  3  de  fon  traité  de  l'abus  ,  cha- 
pitre 3  ,  rapporte  fort  au  long  les  permillîons  Sx. 
ronfcntemens  que  M.  de  Marquemont ,  archevê- 
que de  Lyon,  demanda  &  obtint  pour  célébrer 
pontificalemept  dans  l'églife  paroifliale  de  §aint- 
Eurtache  à  Paris, 

Tome  l'autorité  &  /nridi^ion  des  Primats  fe  ré- 
dui'^ént ,  d'une  part  ,  à  juper  par  eux-mêmes  des 
appels  interjetés  devant  eux  des  ordonnances  des 
Métropolitains  qui  leur  font  fournis,  en  matière 
volontaire  ,  &  à  pourvoir  fur  les  refus  de  vifa  ,  ou 
même  à  les  fuppléer  en  cas  de  déni  de  juftice  ;  &  , 
d'un  autre  côté  .  à  faire  prononcer  dans  leurs  offi- 
cialités  prjmatiales  .  fur  les  appels  des  fentences 
rendues  par  les  officiaux  métropolitains.  Ils  ont 
encore  le  droit  de  conférer  par  dévoUnion  les  bé- 
néfices auxquels  les  métropolitains  aiJroient  né- 
gligé dç  pourvoir  dans  le  temps  qui  leur  eftpref- 
crit  par  les  canons. 

foye  ■  Fevrcr ,  traité  de  l'abus  ;  Ihotnijjln  ,  difc'i- 
pline  ecrléjîjjliijue  ;  mémoires  du  clergé  ;  recueil  de 
jurifprudence  c.monicjue  ;  lois  eccléfiafliques.  Voyez 
auffi  les  mois  Archevêque  ,  Dioc  se  ,  Evèque  , 
Patriarche,  &c. 

(  Article  de  M.  l'abbé  Remy  ,  avocat  au  parle- 
ment ). 

PRIMATIE.  Ce  mot,  dérivé  du  précédent ,  dé- 
fi «rne  1.1  dignité  &.  la  qualité  on  vertu  desquelles  les 
prélats  de  certains  fiès;es  métropolitains  ont  une 
préémirencc  de  juridiétion  fur  d'aqtres  métropoli- 
tains. Voyez  i'article çideflîis. 


PRINCE. 

(  Artich  de  M.  iijbbi  Rehy  ,  avocat  au  parle* 
m-:nt  ). 

PRIME  D'ASSURANCE.  C'eil la  fomme  qu'un 
négociant  qui  veut  faire  affurer  fa  marchandife  , 
pnye  à  l'aflu-eur  pour  le  prix  de  l'affurance.  Voyez 
Police  &  Contrat  d'Assurance. 

PRIMITIF.  On  appelle  titre  primitifs  le  premier 
titre  conftitudf  dç  quelque  droit. 

On  appelle  curé  primitif,  celui  qui  cft  originaire- 
ment curé  ,  &  quia  un  vicaire  perpétuel  ou  ina* 
movible  ,  qu'on  appelle  curé.  Voyez  Curé. 

PRÎMOGÉNITURE.  C'eft  le  droit  d'aîne^e. 
Voyez  AÎNÉ. 

PRINCE,  du  mot  latin  Prïnceps  ,  lequel  eft  lui- 
même  formé  de  la  combinaifon  de  deux  mots  , 
primr/s,  cjpui ,  premier ,  chef ,  quieftàla  tête  des 
autres ,  qui  commande.  Ce  titre  appartient  donc 
effentielkment  à  tout  fouveiain. 

C'efl  dans  les  articles  Roi ,  Souverain,  qu'on 
parlera  des  rspons  des  Princes  foijverains  avec  les 
peuples    qui  leur  font  fourni?, 

Ici  nous  ne  parlons  des  Princes ,  qu'abfîra^lion 
faite  de  tout  droit  de  fouveraineté,  &  dans  les  rap- 
ports qu'ils  ont  avec  les  nations  dont  ils  font  mem- 
bres ,  &  qui  ne  font  pas  foumifes  à  leur  empire. 

Rome  a  eu  des  princes  ,  autres  que  les  roi^  &  les 
empereurs.  L'cglife  a  eu  aufil  des  Princes  fubor- 
donnés  au  fouverain  pontife  ;  elle  en  a  encore.  La 
France  ne  connoît  qu'un  fouverain  ;  mais  elle  a. 
pîufieurs  Princes.  Elle  en  a  eu  dès  les  premiers 
temps  de  la  monarchie.  11  faut  voir  quelles  font  les 
différentes  acceptions  de  ce  mot  ,  dans  l'hifloire 
romaine,  dans  la  hiérarchie  de  l'églife,  &  dans 
notre  con/litut/on. 

A  Roir.e,  on  appelolt  Prince  ^u  fénat ,  celui  que 
les  cenfeurs  nommoicnt  le  premier  en  faifant  la 
revue  du  fénat.  Ce  titre  ne  donnoit  ni  autorité  ,  ni 
pouvoir  ;  c'étoit  feulement  une  prérogative  d'or- 
dre. Augufte  s'appropria  ce  titre  ;  fes  fucceffeurs 
l'imitèrent ,  &  cette  dignité  refla  toujours  depuis 
attachée  à  l'empire. 

Rofin  parle  ,  dans  fes  antiquités  romaines ,  d'ivn 
Prince  de  l'ordre  les  cltev.j'.iers  :  quelques  autres  fa- 
vr.ns  ont  cru  auffi  que  cette  dignité  avoit  exiffé 
dans  la  république  romaine  ,  qu'elle  fe  conf'Toit 
de  la  même  inaniére  que  celle  de  Prince  Ju  fénat , 
&  qu'elle  donnoit  ,  dans  l'ordre  des  chevaliers, 
à-peu-près  la  même  prééminence  que  le  titre  de 
Prince  du  fénat  donnoit  fur  tout  le  reffe  des  ci- 
toyens. M.  deCeaufort  a  réfuté  cette  erreur  dans 
fes  diflertations  fur  l'hiftoire  romaine. 

Augufte,  en  ufurpant  la  puifiance  fouveraine  » 
avoit  pris  pour  lui  le  titre  qui  donnoit  le  premier 
rang  dans  1  état.  Quand  il  voulut  rendre  cette  puif- 
fance  héréditaire  ,  il  crut  devoir  fixer  le  fécond 
rang  fur  la  tête  des  héritiers  préfomptifs  de  l'em- 
pire. Il  créa  pour  cela  le  titre  de  Pri'ice  de  la  jeu- 
,  nejl<  ,    dont  il  fit  décorer  ,  prefque  au  fortir  de 

l'eafance , 


PRINCE. 

l'enfance  ,  Caïus  &  Luciiis  Agrippa ,  fes  enfans 
adoprifs.  Les  fiicce/Teurs  d'Augufte  fuivirent  (on 
exemple  ;&  les  titres  de  Cefar,de  Prince  de  la 
jtuntjj'  ,  furent  à-peu-près  ,  dans  l'empire  romain  , 
ce  qu'eft  aujourd'hui ,  dans  l'empire  d'Allemagne  , 
le  titre  de  roi  des  rom?.ins. 

Rome  avoit  d'autres  Princes  ;  mais  ils  étoient 
loin  de  ce  degré  d'honneur  &:  de  puifTance  que 
donnoient  les  tiirô6  et  Prïncc  du  final  &  de  ?nnce 
<U  la  jeuncjj'e. 

Ovide  &  Polybe  parlent  des  Princes  foUats  , 
Principes  milites;  &  nous  trouvons  dans  le  code 
deJuftinienun  titre  de  cohortatibus  Principibus.  ïl 
tant  bien  fe  garder  de  confondre  ces  deux  forres 
de  Princes. 

Les  Princes  foldats  formoient  la  féconde  claffe 
de  la  milice  romaine.  On  diflinguoit  quatre  claffes 
de  foldats  dans  les  armées  romaines:  i°.  les  tri.i- 
riens  ,  qui  étoient  les  plus  anciens  &  les  plus  expé- 
rimentés -,  on  réfervoit  ceux-là  ,  dans  les  batailles  , 
pour  foutenir  le  dernier  effort  ;  &  c'efl:  par  cette 
raifon  qu'on  les  mettoit  au  troifiéme  rang  :  2°.  les 
Princes  ,  qui  étoient  la  principale  force  de  l'armée; 
ils  formoient  le  fécond  rang  ,  &  combattoient  l'é- 
pèe  à  la  main  :  3\  \çs,  p;>]it:ers  ,  moins  forts  que  les 
Princes,  étoient  au  premier  rang  :  4°.  les  pitaniens 
ouvéiiies  étoient  des  troupes  légères. 

Ceux  que  Juflinien  appelle  cohortaLs  Prlncire':  , 
n'étoient  aune  chofe  que  les  premiers  des  officiers 
fubalternes  qui  étoiei.t  attachés  au  fervice  des  tri- 
bunaux; greffiers  ,  fcribes,  huiffiers  ^  appariteurs, 
&  a-utres  de  cette  efpèce.  Ainfi  le  greffier  en  chef 
&  le  premier  huiffier  d'un  tribunal  font  vénrabie- 
ment  cohortales  Principes  ;  &  Budé  a  raifon  d'ap 
peler  le  premier  huilîier  du  parlement,  Principerr. 
epparitorem. 

L'églife  a  donné  à  faint  Pierre  &  à  faint  Paul  le 
titre  de  Princes  des  apôtres  :  ce  n'eft  pour  le  der- 
nier qu'une  expreffion  emphatique  ;  le  titre  de 
Prince  des  apôtres  ne  convenoit  proprement  qu  à 
faint  Pierre. 

On  a  donné  aux  cardinaux  le  titre  de  Princes  de 
l'églife  ;  &  ce  n'eft  point  un  vain  titre  ;  ce  font  eux 
qui  élifent  le  pape,  &  ils  font  fes  confeillers  &  fes 
aiïeiTeurs. 

On  appeloit  auffi  Prince  ou  p/imicier ,  dans  les 
éghies  cathédrales  ,  celui  qui  ctoitàlatéte  du  clergé 
inférieur.  Les  droits  ,  le  titre  &  les  fondions  du 
fTimicier  ont  été  fupprimés  ou  réunis  à  d'autres  di- 
gtiitésdans  la  plupart  des  églifes  ;  on  les  a  confer- 
vés  dans  quelques-unes.  La  dignité  de  primicier 
cxifte  encore  dans  la  cathédrale  de  Met  7.. 

Voilà  tout  ce  qKil  eft  néce/Taire  de  favoir  fur 
les  Princes  de  Rome  &  ceux  de  l'églife. 

^  Ce  n'eft  pas  par  les  anciens  montinicns  de  notre 
hiftoire  que  nous  pourrons  déterminer  les  droits 
&  la  dignité  des  Princes  tels  que  nous  les  connoif- 
fons  aujourd'hui.  Tout  a  changé;  &  les  mêmes 
noms  ne  conviennent  plus  aux  mêmes  chofes  ni 
.aux  mêmes  perfonnes. 
Jomt  Xlll. 


PRINCE.  617 

Tacite  donne  le  nom  de  Prince  ,  chez  les  Ger- 
rnains,  auxmagiftrats  qui  étoient  chargés  de  rendre 
la  juftice  :  eliguntur  in  iifdem  conciliis  &  Principes  , 
(jui  juraper pagos  vicofque  reddunt.  Il  donne  le  même 
nom  à  ceux  qui  commandoient  les  armées  :  Prlr.ci- 
fcs  pro  viBor'tA  pugnani.  Il  le  donne  encore  aux 
jeunes  gens  des  familles  les  plus  diftinguées  ,  &  à 
ceux  dont  les  pères  fe  font  illuftrcs  par  de  hauts 
faits  :  infinis  nobUitas  ,  aut  rnitpna  patriim  nicrits 
Principis  dignationem  etiam  adolefccntulis  a{f:gnant. 

Dans  les  premiers  temps  de  la  monarchie  Fran- 
çoife  ,  on  donnoit  le  nom  de  Princes  auxévêques  , 
aux  ducs  &  aux  comtes.  Incipit  lex  ^Ltmannorun-.  , 
cjutz  tcmporibus  Clotarii  régis,  unà  cum  Principibus 
fuis,  id  funt  33  ,  epifcopis,  &•  34  ducibus  ,  &  y% 
comitibus  ,  vel  c&tcro  populo  conjUtiitum  ejl.  Alors 
le  titre  de  Prince  ne  fignifioit  rien  de  plus  que  ce- 
lui de  proceres  optimales.  Les  Princes  étoient  fou» 
Cloraire  ,  ce  qu'ils  étoient  chez  les  Germains  ,  des 
magiftrats.  La  loi  des  Bavarois  donne  auffi  aux  ju- 
ges le  nom  de  Princes  ,  cogente  Principe  ,  qui  in  illâ 
rei:,io'te  ;udex  ejl. 

Les  maires  du  palais  prenoient  encore  le  titre  de 
Princes  ,  &  y  artachoient  plus  d'importance.  La 
puiffance  fouveraine  étoit  dans  leurs  mains,  Se  je 
ne  crois  pas  qu'ils  l'eiiffent  ufurpée  (i). 

Jufque-là  ,  ce  que  Tacite  a  dit  fur  les  mœurs  des 
Germains,  eft  le  tableau  des  ufages  &  de  la  confti- 
tution  de  la  monarchie  françoifc  fous  les  rois 
Mérovingiens.  Nous  retrouvons  en  France  les 
Princes  juges  &  les  Princes  généraux  d'armée  : 
mais  y  trouvera  t-on  aufti  lesPrinces  de  naiflance  .'' 
C'eft  un  problême  hiftorique ,  qu'il  fera  peut  être 
difficile  de  réfoudre  ,  mais  fur  lequel  je  donnerai 
bientôt  mes  conjectures. 

Le  titre  de  Prince  n'eft  aujourd'înii ,  en  France  , 
ni  l'attribut  d'aucun  office  ,  ni  le  f  gne  d'aucune 
autorité.- 

Nous  connoiftbns  cinq  fortes  de  Princes  ;  les 
Princes  du  fang,  les  Princes  léi^itimés,  les  Princes 
qui  ont  des  fouverainetés  fous  la  protcâion  de  la 
France  ,  les  Princes  iffus  de  maifons  fouveraines  , 
quoiqu'ils  ne  pofsèdent  pas  cux-momcs  de  fouve- 
ralneré,  &  les  propriétaires  des  terres  érigées  en 
principautés.  Je  vais  faire  l'hiftoire  de  ces  diffé- 
rentes claffes  de  Princes,  &  déterminer  les  droits 
qui  leur  appartiennent. 

Princes  du  fang. 

On  appelle  Pr/:i<rej  du  fing  ,  ceux  qui  font  iftus 
de  la  maifon  royale  parles  mâles. 

Leur  donna  t-on  ce  titre  dès  les  premiers  temps 
de  'a  monarchie?  avoientils  dès-lors  un  droit  de 
prééminence  fur  les  autres  nobles  ?  Voilà  le  pro- 
biêine  hiftorique  que  j'a,i  annoncé. 


(i)  lly  auroit  Wen  ries   chofes  .î  dire  ,  Ôc  p^uc-éire  beau- 
coup d'erreurt  à  rcfutei  l'ur  la  na-.ure  de  l'office  de  maire  du 
ii.Uai';,  far  ion  origine  ,  &  fur  les  pouvoirs  qui  y  étoient  a.t- 
acli's;inais  Line  note  ne  fu^nroit  pis ,  il  faudroic  une  ditîet- 


ution ,  &:  ce  n'eft  pas  ici  fa  place. 


liii 


€i8  PRINCE. 

S'il  faut  en  croire  une  femme  qui  a  vu  de  prés 
la  cour  de  Charles  VI,  le  titre  de  /•'//ncf  n'appar- 
tenoit  qu'aux  rois ,  aux  empereurs  ,  aux  ducs  & 
aux  fcigneurs  des  terres  érigées  en  principautés. 

«■  En  diverfes  feigneuries  ,  dit  Chnfline  de  Pifau 
>»  dans  foti  livre  intitulé  la  cité  des  dames  ^  font  de- 
>»  meurantcs  pluficurs  puifiantes  dames ,  fi  comme 
î>  baronneiïes  &  grand-terriennes  ,  qui  pourtant 
»>  ne  font  appelles  ^/i/jcf^f,  lequel  nom  de  pri/i- 
ï»  ceJJ'e  n'affie't  cire  dit  que  des  em.périères ,  des 
»  roynes  &  des  ducliciïes  ,  fi  ce  n'eft  aux  femmes 
ï)  de  ceux  qui,  à  caufe  de  leurs  terres,  font  ap- 
»  pelés  Princes  par  le  droit  nom  du  lieu  v. 

M.  de  Boulainvilliers  va  bien  plus  loin.  «  Les 
«  nobles,  dit-il  ,  croient  ,  de  fait  &  de  droit,  les 
tj  fculs  grands  de  l'état...., On  ne  connoiffoit  point 
w  entre  eux  les  diftin61ions  des  titres  qui  font  au- 
»»  jourd'hui  en  ufage....  Les  Françsis  ne  conno'ijj'ount 
w  poïni  de  Pnnce  parmi  eux  \  h  parenté  des  rois  ne 
3)  donnait  aucun  rang  ,  non  pas  mtm:  à  ceux  qui  en 
■n  defceridoient  en  ligne  majcuLine.  Cela  eft  évident 
«  par  l'exemple  des  maifons  de  Dreux,  de  Cour- 
«  te.'^ai,  Si  des  branchies  cadettes  de  Bourbon  ; 
w  quoique  le  duché  de  Bretagne  tût  encore  dans 
»»  la  première  ,  que  l'empire  de  Conilantinople 
»  eût  été  dans  la  féconde,  6c  quoique  les  aînés  de 
î>  Bourbon  eulfent  obtenu  une  dillinétion  confi- 
>♦  dérable  après  le  mariage  de  Charles  V  avec 
»  Jeanne  de  Bourbon  ". 

Quoiqu'il  ne  faille  pas  adopter  fans  examen 
toutes  les  opinions  de  M.  de  Boulainvilliers  ,  fon 
témoignage  fur  les  faits  cft  cependant  du  plus 
grand  poids  r  nous  n'avons  point  d'hiflorien  qui 
en  ait  recueilli  de  plus  importans  que  lui,  qui  ait 
puité  dans  des  fources  plus  pures  ,  qui  ait  mis  dans 
îes  recherches  plus  d'exaâitudc  &  de  loyauté  ^  mais 
il  eft  poffible  qu'il  n'ait  pas  tout  vu. 

Loifeau  avoit  dit  avant  M.  de  Boulainvilliers  : 
•«  Il  n'y  a  pas  long-temps  que  les  mâles  iflus  de 
î)  nos  rois,  fe  qualifient  Princes  en  vertu  de  leur 
»)  extraélion  ;  car  c'eft  la  vérité  qu'ils  prirent  pre- 
T>  miérement  ce  titre  à  caufe  des  duchés  &  comtés 
7>  qu'ils  poiTédoient  ». 

11  obferve  très-bien  que  fous  les  deux  premières 
races  ,  les  enf^ans  des  rois  étoient  tous  rois  après  la 
mort  de  leur  père  ;  que  fi  ceux-là  avoient  eu  des 
enfans,par  la  même  raifon  ,  ils  auroient  encore 
trè  rois  ;  qu'il  y  auroit  eu  autant  de  rois ,  ou  , 
pour  mieux  dire,  autant  de  parts  de  roy:\\.\me  en 
titre  de  royaumes  ,  qu'ils  auroient  été  de  mâles  1 
defcendans  de  nos  rois:  de  forte  que  ficela  eût 
continué  dans  la  troifième  race,  ceux  de  la  lignée 
des  rois,  que  nous  appelons  maintenant  P/z/îce.f  ifw 
/ans; ,  auroient  tous  été  rois. 

"Tout  cela  ei\  vrai  ;  ma'is  cela  ne  nous  éclaire  pas 
fur  le  titre  ni  fur  le  rang  Cju'on  donnoit  aux  en- 
fans  des  roi-s  ,  fous  les  deux  premières  races,  avant 
qu'ils  euflent  fuccédé  à  la  couronne  ;  ni  fur  le  titre 


& 


i  !e  rang;  qu'on  donna  aux  p'.nnés  dans  les  com- 

icucancr.s  de  la   ttoïhé.ns  race,  lorfij^ue  l'uf.ige 


PRINCE. 

eut  établi  le  flroit  d'aîneffe  pour  la  fucceflîon  aU 
trône. 

C'eft  fous  le  règne  de  Louis  VIII ,  que  Loifeau 
place  la  première  époque  de  la  préminence  des 
puînés  de  France  fur  les  ducs  &  les  comtes  :  &  il  y 
y  a  apparence  ,  dit-il ,  que  ce  fut  alors  qu'ils  prirent 
la  qualité  de  Princes  du  fung  ;  cependant  il  avoue 
qu'on  n'en  trouve  guère  en  ce  temps-là  qui  fe 
qualifiaiTent  Princes. 

Voilà  les  opinions  des  jurifconfultes  &  des  hifto- 
riens  modernes.  Voici  les  faits,  les  antiquités,  les 
monumcns  de  l'hiftoire. 

Tacite  vient  de  nous  dire  que  les  Germains 
avoient  des  Princes  de  naifl'ance.  Infi^nis  noLilicas  , 
aut  magna  patrum  mérita  Principis  dignationem  ado- 
IcfcentuLis  ajfignant. 

La  loi  des  Bavarois  donne  auflï  le  titre  de  Prin- 
ce ,  i-L  la  prééminence  fur  tous  les  Bavarois ,  à 
ceux  qui  éioieni  de  la  famille  ducale. 

Elle  donne'le  nom  des  premières  familles  Bava- 
roifes  :  De  genealogid  qui  vocaniur  Ho^idra  ,  O^^j  , 
Sagana  ,  Hahilingua  ,  Anniena,  Mais  elle  ne  les 
place  qu'après  ceux  qui  font  de  la  race  du  duc  ;  & 
ceux-ci ,  elle  les  appelle  Algdofingues  :  ijlifunt  quafi 
primi  pojî  Algilcfingos  ,  qui  junt  de  génère  ducali. 

Elle  règle  la  compofition  pour  le  duc,  pour  les 
Algilofingues ,  &  pour  les  premières  familles  qui 
viennent  après  eux. 

Celle  du  duc  étoit  un  tiers  plus  forte  que  celle 
des  Algilofingues  :  Pro  eo  quia  dux  ejl  addatur  ci 
major  honor  quàm  cœieris  parentibus  ejuf  ;  ficut  ter- 
tia  pars  addatur  juper  hoc  ,  quo  parentes  ejus  compo- 
nuntur. 

Celles  des  Algilofingues  étoit  quadruple  de  celle 
de  l'homme  libre.  Algilofingi  verà  ufque  ad  ducem 
in  cj-uadrupluin  componaniur  :  &  la  loi  en  donne  la 
raifon,  quia  fummi  Principes  (une  intervos. 

Celle  des  premières  familles  Bavaroifes  n'étoit 
que  double  de  celle  de  l'homme  libre,  lllis  duplnm 
konorem  conccdimus  ,  &  fie  duplam  compofiiionem 
accipiant. 

Ce  titre  de  Princes ,  cette  prééminence  que  la  loi 
des  Bavarois  donne  à  ceux  qui  font  de  la  famille 
régnante,  n'auroient-ils  eu  lieu  que  pour  le  duché 
de  Bavière  .''  La  loi  des  Bavarois  ne  feroit-elle  autre 
chofe  que  la  colleélion  de  quelques  points  de  cou- 
tumes qui  diftinguoient  les  Bavarois  des  autres  na- 
tioj3S  foumifes  à  l'empire  françois  }  M.  le  comte 
du  Buat  l'a  cru;  il  prétend  même  que  c'eft  la  na- 
tion Bavaroife  ,  &  non  le  roi  de  France  ,  qui  a  ré- 
digé cette  loi;  il  dit  qu'il  exifle  quelques  manuf- 
crits  dans  lefquels  ce  font  les  Bavarois  qui  parlent  > 
&.  non  le  roi  de  France  (i). 

Mais  avant  d'adopter  l'opinion  de  M.  le  comte 
du  Buat  fur  ce  point,  je  voudrois  connoître  les 
manufcrits  qu'il  indique  ,  vérifier  leur  antiquité  & 


(i.iHilloire  ancienne  despeupjes  de  l'Europe,  livre  ij.  , 

chap.  ic- 


PRTNCF.. 

leur  authenticité.  Le  texte  de  LinJenbrok  Se  celui 
tle  Baiuze  lont  ahÇolument  contraires  à  celui  que 
M.  le  comte  du  Buat  a  lu  dans  les  manufcrits  dont 
il  parle.  On  y  voit  que  c'eû.  le  roi  de  France  qui  ré- 
dige la  loi  ;  c'eft  lui  qui  parle  à  la  nation  Bavaroife  : 

j4!^ilofingi Summi  Principes  [uni  inter  vos  : 

Jîc  reges  nntecsffores  ,  nûflri  concejferunt,  La  préface 
de  la  loi  des  Bavarois  dit  auffx  que  cette  loi  eft  l'ou- 
vrage des  rois  de  France. 

Ces  rois  ,  légiilateurs  des  Bavarois  ,  ne  déclarent 
les  Algilofingues ,  Pri;Kes  &  fupérieurs  en  rang  à 
tous  les  autres  Bavarois  ,  que  parce  qu'ils  font  de 
la  famille  ducale  ;  parce  que  leur  naiffance  leur 
donne  un  droit  éventuel  au  duché,  parce  que  le 
duc  ne  peut  être  pris  que  dans  la  race  des  Algilo- 
fingues. Alplofingi qui  funt  de  génère  ducali  .... 

fummi  Principes  funt  inter  vos  ....  dux  femper  de  gé- 
nère A'gilofinq^orttm  fuit  €•  dcbet  ejje. 

Pourquoi  la  race  des  rois  de  France  auroit-elle 
eu  moins  de  prérf)gatives  que  celle  des  Algilofin- 
gues chez  les  Bavarois  ?  C  étoit  auiîl  dans  la  race 
des  rois  de  France  qu'on  prenoit  leurs  fucceffeurs 
Tous  les  parens  du  roi  par  la  ligne  mafculinc 
avoient  aufll  un  droit  éventuel  à  la  couronne  ;  tons 
les  enfans  des  rois  y  devenoient  rois  après  la  morr 
de  leurs  pères,  &  partageoient  entr'euxle  royaume. 
J'ai  bien  de  la  peine  à  croire  que  les  parens  ,  qiic 
les  enfans  du  fouver<iin,  qui  pouvoient,  qui  dé- 
voient l'être  un  jour  eux-mêmes,  fuffcnt  confon- 
dus avec  le  refte  des  Francs  ,  tandis  que  les  parens 
d'un  duc,  d'un  fujet ,  d'un  officier  du  roi,  for- 
moient ,  parmi  les  Bavarois  ,  une  claiTe  fupérieure 
aux  premières  tribus  de  la  nation.  D'un  autre  côié  , 
je  ne  comprends  pas  comment  les  B.ivarois  au- 
roient  été  la  feule  peuplade  de  la  Germanie  qui 
aurolt  confervé  l'ancien  ufage  d'honorer  du  titre 
de  Princes  les  enfans  &  les  parens  de  leurs  rois  & 
de  leurs  généraux. 

Il  faut  l'avouer  cependant ,  le  fdenca  des  hillo- 
riéns  de  la  première  &  de  la  fecon'îe  race  fem- 
ble  démentir  mes  conjeftures  ;  ils  ne  donnent  point 
le  titre  de  Princes  aux  parens  ni  aux  enfans  des 
rois. 

Mais  j'y  vois  auffi  qu'il  ne  reftoit  plus  aucun  pa- 
rent collatéral  ;  Clovis  les  avoir  tous  exterminés. 

J'y  vois  que  les  enfans  des  rois  devenoient  tous 
r®is  après  la  morr  de  leurs  pères. 

Que  la  plupart  d  entr'eux  éioient  dans  l'enfance 
lorfqu'ils  font  montés  fur  le  trône  ,  &  que  l'hifloire 
ne  parle  d'eux  qu'au  moment  où  ils  font  devenus 
roif. 

Qu'il  n'eft  pas  étonnant  qu'on  ne  leur  ait  pas 
donné  le  tiire  de  Princes  pendant  leur  enfance  ; 
parce  que  les  Germains  ne  les  reconnoiflbient  pour 
Princes,  qu'en  les  déclarant  hommes  ,  en  état  de 
porter  les  armes. 

J'y  vois  enfin  que  les  enfans  des  rois  étoient  dif- 
tingués  du  refte  des  Francs  par  leur  longue  cheve- 
lure; que  l'on  rafoit  ceux  qu'on  vouloir  dégrader. 

Et  je  crois  pouvoir  en  conclure,  que  les  enfans 


PRINCE.  619 

des  rois  avoient  en  France  ,  fous  les  Mérovingiens, 
les  mêmes  honneurs  ,  ks  mêmes  prérogatives  ,  les 
mêmes  prééminences  qu'ils  avoient  dans  la  Ger- 
manie,  les  mêmes  que  la  loi  des  Bavarois  accor- 
doit  aux  Algilofingues;  que  par  conféquent  M.  de 
Boulainvilliers  s'efl  trompé  ,  lorfqu'il  a  dit  que  les 
François  ne  connoiffoient  point  de  Princes  parmi  eux  ; 
que  la  parenté  des  rois  ne  donnait  aucun  rang  ^  non 
pas  même  â  ceux  qui  en  defcendoient  en  ligne  unaf" 
culine. 

La  prééminence  des  enfans  des  rois  Carlovin- 
giens  n'eft  point  équivoque.  L'ufage  de  partager 
le  royaume  e.itr'eux  fubfiftoit  encore.  On  les  nom- 
moit  rois ,  du  vivant  de  leurs  pères ,  dès  leur  plus 
tendre  enfance  ,  quelquefois  même  dès  leur  naif- 
fance.  C'eft  ainfi  que  Charlemagna  &  Carloman 
furent  facrés  rois  avec  Pépin  leur  père  ,  l'un  à  r.nge 
de  douze  ans,  &  l'autre  à  l'âge  de  trois  ans.  C'eft  ainfi 
que  Charlemagne  fit  facrer  Pépin  ,  fon  fils ,  rot 
d'Italie  ,  à  l'âge  de  cinq  ans;  qu'il  nomma  Louis- 
le-Débonnairc,  fon  autre  fils,  roi  d'Acquitaine, 
au  moment  même  de  fa  naiflance,  &  qu'il  le  fit 
facrer  à  l'âge  de  trois  ans  ;  ceux  qu'on  vouloir  ex- 
clure du  trône  ,  on  les  rafoit ,  on  les  reléguoit 
dans  des  monafléres. 

Il  ne  faut  pas-  compter  dans  la  famille  royale 
des  Carlovingiens  ,  les  parens  collatéraux  de  Char- 
les Martel,  ni  ceux  de  Pépin.  Ceux-là  n'étoient 
pas  ifTus  du  fang  des  rois,  &  n'avoient  certaine- 
ment pas  le  droit  de  fucccder  à  la  couronne.  On  ne 
dut  donc  pas  les  reconnoître  pour  Princes  du  fane 
royal. 

Si  donc  on  eîit  toujours  obfervé  l'ordre  de  fuc- 
cefiîon  établi  par  Pépin  &  par  Charlemagne ,  on  ne 
pourroit  trouver  aucun  de  leurs  dcfcendans  qui 
n'eût  été  roi.  Mais  ne  difTimulons  rien. 

Bernard,  petit-hls  de  Charlemagne,  étoit  roi 
d'Italie.  Louis-le-Débonnaire  le  fait  condamner  à 
nior-c  ,  le  détrône,  &  lui  fait  crever  les  yeux.  Ber- 
nard meurt  trois  jours  après  des  fuites  de  cette 
opération.  LouLs-le-Débonnaire  difpofe  du  royaume 
dltalie  en  faveur  de  Lothaire  ,  fon  fils  aîné.  Les 
remords  le  déchirent;  il  croit  expier  fon  crime  en 
faifant  une  pénitence  publique,  &  le  réparer  en 
donnant  le  comté  de  Vermandoisà  Pépin  ,  fils  du 
malheureux  Bernard. 

De  ce  Pépin  ,  font  i(Tues  trois  branches  ,  dont  la 
dernière  ne  s'eft  éteinte  que  vers  la  fin  du  qua- 
torzième fiècle  ;  celles  des  anciens  comtes  de  Ver- 
mandois  ,  des  anciens  feigneurs  de  Saint  Simon  , 
&  des  anciens  feigneurs  de  Ham  ;  &  je  ne  vois  pas 
qu'aucun  d'eux  ait  eu  le  titre  ni  le  rang  de  Prince 
du  fang,  foit  fous  les  Carlovingiens  ,  loit  fous  les 
Capétiens.  Au  facre  de  Philippe  premier ,  Her- 
bert IV,  comte  de  Vermandois,  fut  précédé  parles 
ambafladeurs  des  comtes  de  Flandres  5c  d'Anjou  , 
qui  n'étoient  pas  du  fang  royal ,  &  par  le  comte 
de  Vaden  ,  qui  n'en  étoit  pa^  non  plus. 

Mais  l'efpèce  de  dégradation  des  defcendans  de 
Bernard  ne  prouve  rien  contre  l'ufage  général  des 

1  i  i  i  il 


6io 


PRINCE. 


cieux  premières  races,  qui  mettoit  les  defcendans 
des  rois  au-dcfTiis  du  refte  de  la  nation. 

Les  rois  Carlovingiens  n'avoient  grirde  de  re- 
connoître  les  defcendans  de  Bernard  comme  Prin- 
ces du  fang  royal.  S'ils  les  euflent  reconnus,  il  au- 
roit  fallu  leur  reftituer  le  royaume  d'Italie. 

Hugues  Capet  &  fes  fuccelleurs  eurent  bien 
plus  de  raifons  encore  de  ne  pas  reconnoître  les 
derniers  refies  de  la  famille  qu'il  avoient  détrônée. 
Mais  à  cette  époc-jue ,  le  puinés  de  la  famille  re- 
louante ne  furent  pa.s  mieux  traités  que  les  defcen- 
dans de  la  famille  dctrônée.  On  facrifia  les  droits 
du  fang  au  droit  des  fiefs. 

Hugues  Capet  fut  roi,  parce  qu'il  étoit  le  plus 
piiiffant  des  vafTaux  de  la  couronne.  Les  autres 
grands  vafTaux,  qui  l'avoient  fait  roi,  tinrent  le  fé- 
cond rang  dans  l'état  ;  la  prééminence  devint  un 
droit  réel  attaché  à  la  glébc.  La  couronne  fut  regar- 
dée comme  un  grand  nef  :  elie  fut  héréditaire  ,  par- 
ce que  les  fiefs  éroient  héréditaires  ;  elle  devin;  in- 
divifihle,  parce  que  les  fiefs  étoi  mi  indi%'ifihles  ; 
le  droit  de  prlmr.géi.lturc  r;'établit  dans  la  fucccf- 
fion  \  la  couronne,  [)arce  qu'il  s'étuit  ét.ibli  dans  la 
liicceiïion   des   fiefs. 

Alors  les  enfans  puînés  des  rois  de  France  & 
leurs  defcendans  n'eurent  d'autre  rang  dans  l'état 
que  celui  que  leur  donnoit  le  fief  dont  ils  étoient 
invertis  :  ils  ne  prirent  le  titre  de  Princes  qu'autant 
qu'ils  étoient  invertis  d'une  fcigneurie  à  laquelle 
ce  titre  étoit  attaché. 

C'ert  à  cette  époque  que  M.  de  Boulainvilhers  & 
l,oifeau  ont  raifon  de  dire  que  la  parenté  des  rois 
ne  donnoit  aucun  rang  ,  non  pas  même  à  ceux  qui 
«n  defcendcient  en  ligne  mafculine  .  . . .  Si.  qu'ils 
fie  commencèrent  à  prendre  le  titre  de  Princes  , 
cu'à  caufe  des  duchés  &  comtés  qu'ils  pofledoient. 
Mais  je  crois  qu'ils  fe  trompent  ,  lorfqu'ds  ju- 
gent «es  ufîges  des  deux  premières  r,  ces  ,  par  ceux 
des  premiers  fiècles  de  la  race  des  Capétiens. 

Et  Loifeau  fe  trompe  encore  ,  lorfqu'il  dit  que 
les  puînés  de  France  prirent  le  delTus  fur  les  ducs 
ôi  les  coaues  fous  le  régne  de  Louis  VIII ,  &  qu'd 
y  a  apparence  que  ce  fut  alors  qu'ils  prirent  leur 
qualité  de  Princes  du  fang. 

Beaumanoir  ne  donne  à  Robert,  fils  de  Louis 
IX  ,  que  le  titre  de  tiès-h.iut  &  rrès-mblc  homme ,  fils 
jadis  du  faint  roi  Louis  ,  roi  de  France ,  comte 
de  Clermont  ;  &  Robert  ne  prend  lui-même 
que  le  titre  de  fils  de  roi  de  France  ,  comxe  de 
Clermont. 

Au  parlement  tenu  par  Charles  V  le  21  mai 
ï  37Î  »  pour  l'enregirtrement  de  l'ordonnance  de  la 
majorité  des  rois,  nous  voyons  bien  que  le  dau- 
phin, &  le  duc  d'Anjou  ,  frère  du  roi  ,  tiennent  les 
premières  places  ;  mais  Pierre  de  Valois  ,  comte 
d'Alençon  ,  &  Jean  de  Bourbon  ,  comte  de  la  Mar- 
"  ch.e,,.  defcendant ,  l'un  de  Philippe-k-Hardi ,  l'au- 
tre dé  Saint- Louis  ,  y  font  précédés  par  une  foule 
d'évêques,  d'abbés ,  de  chanoines ,  &  pa.r  les  doc- 
«lîts  de  l'un^iverfité;. 


PRINCE. 

Dans  la  lettre  écrite  par  les  barons  du  royaume 
au  collège  des  cardinaux,  au  mois  d'avril  1301  , 
l'ordre  des  fignatures  prouve  encore  que  Jean  , 
comte  de  Dreux,  defcendant  de  Louis-le-Gros  , 
étoit  précédé  par  le  duc  de  Lorraine,  par  les  com- 
tes de  Hainautjde  Hollande  ,  de  Luxembourg  8c 
de  Saint-Pol ,  qui  n'étoient  ni  pairs,  ni  du  fang 
de  France. 

Au  parlement  tenu  le  2  oflobre  1380,  le  fils 
aîné  de  Charles-le-Mauvais  ,  roi  de  Navarre,  qui 
étoit  auiTi  du  fang  des  rois  de  France,  fut  précédé 
par  les  comtes  de  'Tancarville  ,  d'Harcourt,  de  San- 
certe  &  tîe  Vienne,  qui  n'étoient  ni  pairs  »  ni  du 
fang  de  France. 

Et  dans  une  complainte  adreflce  en  125c  au  pape 
Grégoire  IX  par  les  Barcns  de  France  nous 
voyons  encore  Robert  de  Courterai,  petit-fils  de 
Louis-Ie-Gios,  précédé  pat  les  co  ntes  de  a  iVlar- 
clie  ,  de  Montfort ,  de  Vendôme  ,  rie  Pontheu  ,  de 
Chartres,  de  Sanccrre  ,  de  Joignv  ,  de  Sa  it  Pol  , 
de  Roucy  ,  de  Guynes  &  de  Màcon,  qui  étoient 
ni  pairs  ,  ni  du  fang  de  France. 

Voilà  ce  que  noi:s  apprennent  es  monu:nens  de 
Thifloire  ,  les  rcgirtres  du  parlen  -nt,  &  1-  s  procès* 
Verbaux  des  artémblées  des  ét^.s  ,  jufqu'au  règne 
de  Charles  VI  ;  c'ert  alors  qu'écrivoit  Chrifiiiie  de 
Pifan;  c'ert  alors  qu'elle  nous  atterte  que  le  titre 
de  Prince  n'appartenoit  qu'aux  empereurs  ,  aux 
rois,  aux  ducs  &  aux  feigneurs  des  terres  érigées 
en  principautés.  Les  comtes  de  Nevers  ,  d'Evreux, 
de  la  Marche  ,  de  Vendôme  &.  d'Alençon  ,  n'a- 
voient  donc  pas  le  titre  de  Prince  ,  quoiqu  ils  fu'.lent 
du  fang  royal. 

C'ert  dans  le  quinzième  fiècle  ,  fous  les  régi  ei 
de  Charles  VII  &  de  Louis XI ,  (|u'on  sert  occupé 
férieufement  des  honneurs  ,  du  rang  &  des  préro- 
gatives qui  étoient  dus  à  la  famille  royale.  C'ert  à 
cette  époque  qu'on  voit  les  parens  de  nos  roi'  pren- 
dre le  titre  de  Princes  du  fang  ,  &  que  leur  préé- 
minence à  la  cour  ,  fur  les  pairs  &  fur  tous  les  or- 
dres de  rétat  ,  paroit  aiTez  généralement  reconnue 
dans  le  fait ,  quoiqu'elle  ne  foit  établie  par  aucune 
loi. 

M.  de  la  Curne  de  Sainte-Palaye  a  publié  ui> 
mémoire  df  madame  la  vicomrefl'e  de  Furnes ,  fur 
l'étiquette  &  les  honneurs  de  la  cour  oendant  le 
quinz'ième  fiè;-lt.  Nous  y  voyons  que  dès-lors  il  y 
avoir  un  cérémonial  bien  établi  j  qu'on  donnoit  le 
titre  de  Princes  da  fang  a  ceux  qui  defcendoient 
[)ar  mâles  de  la  raaifon  de  France;  qu'on  leur  ac- 
cordoit  la  'véfé.ince  fur  les  pairs  &  fur  tous  les  no- 
bks  ;  qu'il  y  avoit  des  honneurs  &  des  difiinâions 
qui  n'étoient  que  pour  eux  ,  &  que  les  rangs  entre 
eux  étoient  réglés  par  la  proximité  du  lignage  ; 
c'ert-à-dire  ,  -jue  celui  qui  étoit  le  plus  prochain 
de  la  couronne  avoit  la  préféance  fur  tous  les 
autres. 

Mais  il  a  fsUu  bien  du  temps  encore  avant  que 

cette  étiquette   de  la  cour  devînt  une  loi  générale 

,  du  royauiac.  Nos  roi;,  pouyoient  bien  prefcrlre  un 


PRINCE. 

cérémonial  dans  l'enceinte  de  leur  palais  :  11  n'cfl 
pas  d'homme  qui  nait  le  même  droit  dans  l'inté- 
rieur de  fa  maifon.  Ce  cérémonial  devoit  même 
paroître  fort  peu  important  aux  feigneurs  ,  dans  un 
temps  où  ils  aimoient  mieux  dominer  dans  leurs 
châteaux,  que  de  venir  ramper  à  la  cour  du  mo- 
narque. Mais  l'ordre  dans  les  cèréinonies  8i  les  af- 
femblées  nationaks  ,  tenoit  à  la  confiirution  de 
l'état.  Auffi  les  Princes  du  fang  eurent-ils  plus  de 
peine  à  faire  reconno;tre  leur  droit  de  priféance 
fur  les  pairs  ,  foit  dans  la  cérémonie  du  facre  des 
rois  ,  foit  dans  les  afTemblées  des  états  &  dans  celles 
du  parlement.  On  convenoit  que  la  principauté 
éroit  plus  éminente  que  la  pairie:  <c  toutefois,  di- 
>»  foit-on  ,  es  facres  6c  coiironnemens  des  rois ,  Se 
)}  au  parlement,  les  miniftères  font  fpécialement 
»  commis  aux  pairs.  Se  leur  ordre  alîîgné.  Par- 
3J  quoi ,  efdirs  lieux  ,  on  n'a  refpeé^  au  fang  ,  mais 

V  à  la  pairie  &  ordre  d'icelle  ». 

On  ne  vouloit  pas  même  qu'ils  euffent,  pour 
leurs  caufes,  les  mêmes  prérogatives  que  les  pairs. 
Charles  Vil  propofa  la  queflion  au  p3rlem.ent  de 
Paris  en  1458  ;  &  le  parlement  ré[)ondit  :  <i  La 
M  cour  n'y  a  pu  délibérer  pour  le  préfent ,  pour 
'>  ce  qu'il  y  a  procès  appointé  en  droit  en  ladite 
»>  cour  en  pareil  cas  ,  &  feroit  la  délibération  de 
i>  cet  article  en  effet  la  dîcifion  dudit  procès  ». 

Ces  débats  furent  terminés,  &  les  Princes  du 
fang  de  France  eurent  enfin  un  rang  certain  en 
1576.  La  maifon  de  Valois  alloit  s'éteindre  ;  il  ne 
re'loit  du  fang  de  nos  rois  que  des  branches  colla- 
térales tiès  élo'gnées.  La  maifon  de  Guyfe  pou- 
voit  beaucoup ,  6c  elle  ofoit  tout  ce  qu'elle  pour- 
voit. Les  états  de  Blois  crurent  devoi' rendre  aux 
derniers  rejetons  de  nos  rois  toi't  le  luflre  qui  leur 
appartenoit  ;  8i  ce  fut  le  vœu  de  la  nation ,  qui  dé- 
termina Henri  ITI  à  fixer  irrévocablement  le  rang 
des  Princes  du  fang  ,  par  l'ordonnance  qu'il  fit  au 
mois  de  décembre  1576.  Voici  le  texte  de  cette 
loi  : 

»  Pour  mettre  fin  aux  procès  &  diffi';rends  ci  de- 
»  vant    advenus    entre  aucuns  Princes  de   notre 
M  fang,  pairs  de   France,  ik  autres  Princes  auffi 
>»  pairs    de  France,    fur  la  préféance  à  caufe  de 
»  leurfdite^  piiiies;  voulant  obvier  à  ce  que  telles 
»  controverîVs  &  difhcultés  n'advicnnent  ci  après  ; 
»  Nous......  difons  ,  ftatuons  &  ordonnons  ,  vou- 

»  Ions  &  nc-us  pl.iît  ,  que  dorénavant  lefdifs  Prin- 
j)  ces  de  ncrre  fang  ,  pairs  de  France  ,  proc>ld£ront 
»  &  t'^nd.tjnt   rang,   félon  leur  degré  de  confan- 

V  gu  nité  ,  devan;  les  autres  Princes  Si  feigneurs  ^ 
5j  pairs  de  France  ,  de  quelque  qualité  qu'ils  puif- 
)!  fent  ctre  ,  xt.iii.  es  facres  &  couronnemens  des 
»  rois  ,  qu'es  féances  des  cours  de  parlement,  & 
»  autres  quelconques  folemnités ,  afTemblées  &  te- 
«  réiî.onies  publiques  ;  fans  que  cela  leur  pniife 
»  plus  à  l'avenir  être  mis  en  difpute  ne  contrcver- 
»  f.' ,  fous  couleur  des  titr.:>  &  priorité  d'ére(^lion 
3)  des  pairies  des  autres  Princes  &  ftigneurs ,  n'au- 


PRINCE.  gxi 

»  trement ,  pour  quelque  caufe  &  occafion  que  ce 
»  foit  ». 

Cependant  cette  loi  étoit  encore  incomplette  ; 
elle  ne  donnoit  la  préféance  qu'aux  Princes  pairs, 
&  ne  déterminoif  pas  le  rang  des  Princes  du  fang 
qui  n'étoient  pas  pairs. 

L'auteur  de  l'article  Pair  ,  dans  le  di6lionnaire 
encyclopédique  ,  a  dit  que  Henri  III  avoit  donné  le 
titre  de  pair  né  à  tous  les  Princes  du  fang  :  c'efl 
une  erreur  qui  lui  e(ï  échappée.  Henri  III  n'a  réglé 
la  préféance  qu'en  faveur  des  Princes  du  fang  qui 
étoient  pairs;  nulle  part  il  n'a  déclaré  les  Princes 
du  Cang  pairs  nés.  Et  Loifeau,  qui  écrivoit  fous  le 
règne  de  Henri  IV,  nous  apprend  que  de  fon  temps 
quelques  -  uns  penfoient  encore  «  qu'au  facre  & 
»  couronnement  du  roi ,  &  en  la  féance  du  parle- 
»  ment ,  qui  font  les  fonctions  particulières  des 
»  pairs  ,  les  pairs  non  Princes  dévoient  précéder  le» 
»  Princes  du  fang  non  pairs  ». 

C'efl  Louis  XIV  qui  a  décidé  cette  grande  quef^ 
tion  ,  par  l'article  premier  de  l'édit  de  171 1.  «  Les 
»  Princes  du  fang  royal ,  dit  cette  loi,  feront  ho- 
"  norés  &  difiinçïués  en  tous  lieux  fuivant  la  di- 
n  gnité  de  leur  rang  &  l'élévation  de  leur  naiffance. 
»  Us  repréfenteront  les  anciens  pairs  de  France 
»  aux  lacres  des  rois,  &  auront  droit  d'entrée, 
»  féance  &  voix  délibératives  en  nos  cours  de  par- 
»  iement ,  à  l'âge  de  quinze  ans ,  tant  aux  audiences 
»  qu'au  confeil  ,  fans  aucune  formalité  ,  encore 
»  qu'ils  ne  pofsédent  aucune  pairie». 

Les  Princes  du  fang  royal  ont  donc  enfin  repris 
le  rang  qui  appartenoit  à  leur  naifTance:  foit  qu'ils 
poiTédent ,  foit  qu'ils  ne  pofTèdent  pas  de  pairie  , 
ils  ont  aujourd'hui  um  prééminence  bien  établie 
fur  tous  les  pairs  &  fur  tous  les  grands  du  royaume , 
en  tous  lieux  ,  dans  toutes  les  cérémonies ,  8c  dans 
toutes  les  aiiemblées. 

Quant  aux  connoifTances  de  détail  fur  l'étiquette 
de  la  cour ,  fur  les  honneurs  Si.  les  diflinélions  que 
l'ufage  a  établis  en  faveur  des  Princes  du  fang,  ou 
peut  confulter  le  cérémonial  françois  deThéodote 
Godefr/iy  ,  $c  le  cérémonial  diplomatique  des  cours 
fcuveraines  de  l'I-urope. 

Outre  la  prééminence  de  rang,  les  Princes  du 
fang  jouiffent  de  toutes  les  prorogatives  qui  font 
attribuées  aux  pairs.  Ils  fiègent  &  opinent  avec  les 
pairs  aux  jugeniens  des  pairs  Les  caufes  qui  con- 
cernent ks  apanages  font  traitées  au  parlement 
de  Paris  ,  comme  celles  des  pairies,  quand  m.ême 
les  terres  qu'ils  ont  reçues  en  apanage  n'auroienr 
pas  été  érigées  en  pairies.  Ils  font  exempts  des  péa- 
ges ;  &.  on  prétend  que  cette  exemption  leur  efl: 
commune,  non-feulement  avec  les  pairs  de  France, 
mais  encore  avec  les  officiers  du  parlement  &  de 
la  chambre  des  comptes. 

Ils  ont  auffi  des  prérogatives  qui  leur  font  pro- 
pres ;  ils  ne  prêtent  aucun  ferment  au  parlement; 
ils  y  oat  droit  de  féance  dès  l'âge  de  quinze  ans  ;> 
ils  repréfcntent  les  anciens  paires  au.v  facres  dt* 


tSii  -      PI^INCE. 

rois  •;  8c  ce  n'eft  qii'sii  défaut  des  Princes  du  fan:*  , 
qu'on  y  appelle  les  ducs  &  pairs  ,  pour  repréfenrer 
les  anciens  pairs  de  France.  (  Edit  du  mois  de  in<ii 
171 1). 

Tout  ce  qui  concerne  la  tutelle  des  Princes  du 
fang  fe  fait  au  parlement.  Les  pairs  &  même  K  s 
grands  (eigneurs  non  pairs  jouiflbient  autrefois  d-- 
la  même  prérogative;  mais  le  roi  déclara  le  28 
juin  1685,  par  une  lettre  de  cachet  dont  lepa*-!-- 
ment  fit  regiitre,  que  fon  intention  étoit  qu'à  l'ave- 
nir le  parlement  ne  fît  les  tutelles  &  curatelles,  &. 
ne  connût  en  première  inftance  que  de  ce  qui  re- 
garde l'état  des  perfonnes  des  Princes  &  princefTes 
du  fang  royal ,  &  les  fcellés  &  inventaires  de  leurs 
biens  après  leurs  décès. 

Ils  font  exempts  des  droits  de  greffe  ,  fignature  , 
contrôle  &  fceau  des  expéditions  qui  fe  délivrent 
pour  eux  dans  toutes  les  cours  du  royaume. 

Dutillet  dit  que  les  Princes  du  fang  étoient 
exempts  de  duels;  &  Favin  cite  des  règlemens  de 
Louis-le- Jeune  &  de  Philippe-Augufte  ,  qui  défen- 
doicnt  aux  enfans  des  rois  d'expofer  leurs  perfon- 
Jics  dans  les  joutes  cSc  dans  les  tournois. 

Les  règlemens  cités  par  Favin  ont  exifté  en  effet  ; 
mais  riiifloire  nous  apprend  qu'ils  ont  été  malob 
fervés.  Plufieurs  de  nos  Princes  ,  &  même  plufieurs 
de  nos  fouverains  ,  ont  combattu  dans  les  joutes  & 
les  tournois.  Henri  II  y  a  perdu  la  vie. 

Quant  à  Dutillet,  fon  affertion  n'eff  pas  exacte. 
»)  Le  fils  du  roi,  dit  Beaumanoir  ,  ne  doit  pas  fe 
«  combattre  à  fon  homme  pour  plaid  de  meubles  , 
»  pour  catteux  ,  ni  pour  héritage.  Mais  s'il  accufoit 
«  fon  homme  de  meurtre  ou  de  trahifon  ,  en  te' 
»  cas  il  conviendroit  qu'il  fe  combatit  à  fon  hom- 
î>  me  ;  car  ces  cas  font  û  vilains ,  que  nul  ménage- 
î>  ment  n'eft  dij  à  celui  qui  accufe  »>. 

Tout  n'eft  pas  a'vaiuage  &  prérogative  pour  les 
enfans  Si  les  defcendans  de  nos  rois.  Outre  les 
lois  du  royaume  ,  auxquelles  ils  font  foumis  comme 
tous  les  François  ,  il  y  en  a  de  particulières  pour 
eux,  qui  les  privent  des  droits  les  plus  précieux  à 
l'homme  ,  la  propriété  &.  la  liberté. 

La  loi  des  apanages  ne  leur  laifle  aucune  pro 
priéié  dont  ils  puiffent  difpofer. 

Er  ils  ne  peuvent  pas  contradler  de  mariage  vala- 
ble fans  le  confenrement  du  roL 

Ce  n'eft  pas  fans  contradi<flion  que  cette  der- 
nière maxime  s'eft  établie.  La  matière  fut  vivement 
agitée  fous  le  minifcère  de  Richelieu  ,  au  fujet  du 
mariage  de  Gafion  ,  frère  de  Louis  XIII  ,  avec  la 
princelfe  Marguerite  de  Lorraine.  L'afcendant  du 
cardinal  fubjugua  prefque  tous  les  fuffrages  ;  le 
parlement  &  le  clergé  de  France  déclarèrent  que 
Ici  Princes  du  fang  n'étoient  pas  capables  de  con- 
trafler  un  mariage  fans  le  confentement  du  roi  ; 
&  cette  nouvelle  maxime  devint  en  quelque  forte 
une  loi  fondamentale  de  l'état. 

Tout  ce  que  j'ai  dit  des  Princes  du  fang ,  par 
rapport  à  la  prééminence  du  rang  ,  aux  exemptions 
JBc  prérogatives  qui  leur  appartiennent,  &  aux  lois. 


PRINCE. 

auxquelles  ils  font  fournis ,  doit  s'appliquer  aufÎJ 
aux  princelfes. 

Duii'iltt  dit  qu'elles  confetvent  leur  rang  ,  quoi- 
qu'elles aient  époufé  des  maris  d'un  moindre  rang. 
Loifeau  dit  la  même  chofe  ;  &  tout  le  monde  paroit 
aujourd'hui  d'accord  fur  ce  point. 

Cependant  Madame  la  vicomteffe  de  Fumes 
no•;^  apprend  qu'il  en  étoit  autrement  dans  le 
quinzième  fiècle.  Jeanne  de  Bourbon  époufa  Jean 
de  Châlons,  Prince  d'Orange  ,  en  1463.  Dès-lors 
elle  n'eut  plus  les  honneurs  Se  les  diftinâions  des 
princeffes  du  fang  ,  dont  elle  jouiffoit  avant  fon 
mariage. 

Aujourd'hui  même,  fi  les  princeffes  confervenc 
les  prérogatives  de  leur  naiffance  ,  quoiqu'elles 
aient  époufé  des  maris  d'un  rang  inférieur  au  leur , 
ce  n'efi  qu'en  vertu  <le  brevets  que  le  roi  leur  ac- 
corde ;  la  maxime  de  Dutillet  &  de  Loifeau  n'eft 
donc  pas  vraie. 

Par  arrêt  rendu  au  parlement  de  Paris  au  mois 
de  février  17155  ,  ^"''  ^^*  coiiclufions  de  M.  l'avo- 
cat général  d'Ormeffon  ,  il  a  été  jugé  que  le  titre 
d'Altesse  n'appartenoit  en  France  qu'aux  Princes 
du  fang. 

Princes  légitimes. 

Les  enfans  naturels  des  rois  de  France  fuccédè- 
rcnt  au  trône  fous  les  deux  premières  races. 

Sous  la  première  ,  Thierry  ,  fils  naturel  de  Clo- 
vis  ,  eut  la  meilleure  part  du  royaume  ;  6c  on  pré- 
tend que  Clovis  étoit  lui-même  bâtard,  Si.  bâtard 
adultérin. 

Sous  la  féconde  ,  Bernard  ,  fils  naturel  de  Pépin  , 
monta  furie  trône  d Italie  après  la  mort  de  fou 
père.  Je  ne  parle  pas  de  Louis  &  de  Carloman  , 
quoique  plufieurs  hifloriens  aient  dit  qu'ils  étoient 
Hls  naturels  de  Louis  le  Bègue  ;  leur  mère  avoir  été 
répudiée  ;  mais  ils  étoient  nés  d'un  nr.;riage  légi- 
time. 

Une  formule  de  Marculfe  nous  apprend  qu'un 
père  pouvoit  alors  laiffer  fon  entière  fucceffion  à 
Ion  fils  naturel  ;  &  M.  Bignon  obferve  avec  rai- 
fon  ,  à  propos  de  cette  formule ,  que  les  diveries 
nations  ,  dont  le  mélange  avoit  formé  la  monar- 
chie françoile  ,  difliaguoient  à  peine  les  enfans  na- 
turels des  enfans  légitimes.  La  Loi  des  Lombards 
étoit  la  feule  qui  affignât  aux  enfans  naturels  une 
portion  moindre  que  celle  des  enfans  légitimes  ; 
mais  elle  les  fuppofoit  aulfi  habiles  à  fuccéder  à 
leurs  pères. 

Bacquet  &  quelques  hifforiens  ont  attribué  à 
HuguesCapet  la  loi  qui  exclut 'les  bâtards  de  la 
fucctffion.  «  il  ordonna  ,  difent-ils  ,  que  delà  en 
»  avant  aucun  bâtard  ne  feroit  avoué  en  lamaifon 
»  de  France  ,  Se  ne  pourroit  porter  le  furnom 
»>  d'icelle  ,  ni  pareillement  l'armoirie  ,  tant  fût-elle 
M  brifée  ». 

Mais  cette  loi  n'exifle  nulle  part  ;  &  Texerriple 
de  Guillaume  le  bâtard ,  inftitué  héritier  par  Ro- 
bert II ,  duc  de  Normandie  ,  fon  père  naiiutel , 


PRINCE. 

prouve ,  que  dans  le  onzième  fiècle  ,  les  bâtards 
étoient  réputés  capables  de  fuccéder. 

Ccft  dans  les  établiffcmens  de  faint  Louis  qu'on 
Trouve  la  première  loi  connue  qui  les  ait  exclus  de 
la  fuccefTion.  u  Le  bâtard  ,  y  eft  il  dit ,  ne  peut  ri'^n 
>»  demander,  ni  par  lignage  ni  par  autre  raiion  , 
>»  pour  Ta  mauvaife  condition  '". 

Cependant  les  idées  de  la  nation  fur  les  bâtards 
étoien:  changées  avant  les  établifi'^mens  de  Saint- 
Louis  ,  &i  dès  le  règne  de  Philippe-Au^ude.  Ce 
Prince  eut  deux  enfani  naturels,  Philippe  6i  Marie. 
Il  voulut  purger  le  vite  de  leur  nailfancc  ;  il  les  fit 
légitimer  par  le  pape. 

C'eft  donc  fous  le  règne  de  Philippe-Augufle, 
ou  peu  de  temps  avant  lui ,  que  l'on  commença  à 
regarder  les  entans  naturels  comme  incapables  de 
luccéder. 

On  venoit  de  trouver  un  manufcrit  des  pandec- 
tes  de  Juflinien  dans  la  ville  d'Amairi  ;  on  avoir 
traduit  (on  code  en  langue  françoife  ;  on  avoit 
commencé  à  obferver  &  à  enfeigner  publiquement 
les  lois  romaines  en  France.  Voilà  l'époque  &  l'o- 
rigine du  vice  de  bâtardife  en  France.  C'eli  le  ciroit 
romain  (.[ui  en  donna  la  première  idée  à  nos  pères  ; 
e'eiî  de  la  que  faint  Louis  a  tranfporté  dans  les  éta- 
blifiemcus  la  loi  qui  déclare  les  bâtards  incapables 
de  rien  demander,  fo'.t  par  lignage,  foit  par  autre 
raifon.  Il  l'annonce  lui-même  i  «  le  droit  s'y  ac- 
»  corde  felon.'le  code  v  ,  dit  il. 

Au  furplus ,  quelle  que  foit  l'origine  de  cette 
jnaxime  ,  il  n'en  eiî  pas  de  plus  certaine  dans  notre 
droit  ;  elle  eft  religieufement  obfervée  depuis  plus 
dêfix  cents  ans.  Charles  de  Valois,  fils  naturel  de 
Cliarlcs  ÎX ,  rendit  hommage  à  cette  loi.  Il  éioit  le 
feul  qui  reflât  de  cette  race  infortunée  après  la 
mort  de  Henri  IIJ  II  fut  un  des  premiers  leigneurs 
François  qui  reconnurent  Henri  IV  fon  luccelfeur. 

Depuis  Phiiippe-Augufte,  plufi^-urs  de  nos  rois 
ont  eu  des  enfans  naturels.  Charles  VII  a  légitimé 
\ine  fille  naturelle  de  Charles  VI;  mais  aucun  , 
jnfques  à  Henri  IV,n'avoit  légitimé  des  fils  naturels. 

11  eft  bien  évident  que  la  légitimation  des  filles 
naturelles  des  rois  de  France  ne  peut  pas  les  rendre 
habiles  à  fliccéder  ,  puifque  leurs  filles,  méaie  lé- 
gitimes ,  ne  fuccèdent  pas. 

Mais  quel  peut  être  l'effet  de  la  légitimarion  des 
fils  naturels  ?  les  rend-elle  habiles  à  fuccéder  c 

Henri  IV  a  reconnu  par  les  lettres-parentes  de 
1595  ,  de  1599,  de  1605  &  de  1608,  que  fes  fils 
naturels  étoient  exclus  ,  par  le  défaut  de  leur  naif- 
fance  »  de  toute  prétention  à  la  fucceflîon  à  fa 
couronne ,  à  celle  de  Navarre  ,  &  de  tous  les  auires 
biens  patrimoniaux. 

Il  a  déclaré  qu'il  ne  les  légitimoit  que  pour    les 
rendre  capables  de  tous  les  dons  &  bientaits  qui 
leur  feroienr  faits,  6c   poivr  tenir  les  offices  &  di- 
,  gnitès  en  France. 

Louis  XIV  a  cru  pendant  long  temps  que  (on 
pouvoir  ne  s'éten<ioit  pas  plus  loin.  En  légitimant 
les  enfans  Haturcis  ea   1673  5c  1601 ,,  il  dechra 


PRINCE.  ^if 

ne  les  l^îtîmer  que  pour  jouir  de  tous  &  fembla- 
bles  droits  ,  facultés  &  privilèges  dont  les  enfans 
naturels  &  légitimés  des  rois  fes  prédécefleurs  ,  ont 
accoutumé  de  jouir  6c  ufer.  Combien  la  tendrefle 
paternelle  lui  a  fait  depuis  franchir  ces  limites  l 

Il  commence,  en  1694,  par  ordonner  que  les 
enfans  légitimés  &:  leurs  defcendans  en  légitime 
mariage  tiendront  le  premier  rang  immédiatement 
après  les  Princes  du  fang  royal,  en  tous -lieux, 
a6tes  ,  cérémonies  &  affemblées  publiques  &  par- 
ticulières, même  au  parlement  &  ailleurs  ;  qu'ils 
précéderont  tous  les  Princes  qui  ont  des  fouve- 
rainetés  hors  du  royaume,  6c  tous  autres  feigneurs 
de  quelle  qualité  &  dignité  qu'ils  puiil'ent  être;& 
que  dans  toutes  les  cérémonies  qui  fe  feront  en 
la  préfcnce  ëc  par-tout  ailleurs  ,  ils  jouiront  des 
mêmes  honneurs,  rangs  Sf  diftinâions  dont  de  tout 
temps  ont  accoutumé  de  jouir  les  Princes  du  fang,. 
6c  immédiatement  après  lefdits  Princes  du  fang. 

En  171 1 ,  il  leur  accorde  de  nouvelles  préroga- 
tives ;  il  ordonne  que  fes  enfans  légitimés  &  leurs 
enfans  &  defcendans  mâles  qui  polïéderont  des 
pairies,  repréfenteront  les  anciens  pairs  au  facre 
des  rois ,  après  ou  au  défaut  des  Princes  du  fang. 

Qu'ils  auront  droit  d'entrée  &  voix  délibéra- 
tive  au  parlement,  tant  aux  audiences  qu'au  con- 
feil ,  à  Tage  de  vingt  ans,  en  prêtant  le  ferment 
ordinaire  des  pairs  ,  avec  féance  immédiatement 
après  les  princes  du,  fang,  &  qu'ils  précéderont 
tous  les  ducs  &  pairs  ;  quand  même  leurs  duchés. 
6c,  pairies  ieroienc  moins  anciennes  que  celles  des 
ducs  6c  pairs. 

Il  leur  permet  ,  en  cas  qu'ils  aient  plufieurs- 
pairies  &  plufieurs  enfans  mâles,  de  donner  une 
pairie  à  chacun  de  leurs  entans  maies,  fi  bon  leur 
.  (emble,  pour  en  jouir  par  eux  aux  mêmes  hon- 
neurs ,  rang  ,  préfèance  &  dignités  que  ci-delTus^ 
du  vivant  même  de  leur  père. 

Enfin  un  édit  de  17 14  &  une  déclaration  de 
1715  donnent  aux  fils  légitimés  &  à  leurs  defcen- 
dans le  titre  de  Prince  du  fang,  les  déclare  capa- 
bles de  fuccéder  au  défaut  du  dernier  des  Princes 
du  fang,  &  leur  accorderons  les  privilèges,  droits 
6c  honneurs,  fans  diitindion ,  dont  jouillem  les 
Princes  du  fang. 

Les  Princes  du  fang  &  les  pairs  réclamèrent 
avec  force  contre  cette  fubverfion  des  loix  du 
royaume  &    de   celles  de  la  prairie. 

D'un  coté,  les  Princes  du  fang  repréfentèrent 
que  par  les  loix  fondamentales  du  royaume  ,  de 
l'aveu  de  tous  les  fiècler  ,  6i  par  la  reconnoif- 
iance  perpétuelle  de  toute  la  nation,  la  feule  naif- 
fance  légitime  peutdcnner  la  capacité  de  fuccéder 
à  la  couronne,  avec  le  titre  6c  les  honneurs  de 
Prince  du  fang  (i). 

De  l'autre  ,  les  pairs  repréfentoient  que  la  lé- 
gitimation ne  pouvant  pas  donner  aux  enfans  na» 


(  I  y  pi  Ojxilitiuû  trop  g^n-rale.  <  .c  n  cit    oue  fous  ia  sroi* 
ll;.me  race  ^ue  cette  1qi  toudàiuenials  s'eit  Hiiplie. 


624  PRINCE. 

turels  des  rois  le  titre  ni  les  droits  de  Princes  du 
languies  en  fans  légitimés  ne  pouvoient  avoir  de 
rang  que  celui  des  dignités  dont  ils  étwent  rêvé-  ■ 
tus;  que  par  les  loix  de  la  pairie,  tous  les  pries 
font  égaux  entre  eux,  qu'ils  n'ont  jamais  reconnu 
d'autre  préféance  que  celle  qui  eft  acquife  de  drot 
par  la  date  de  leurs  réceptions  ;  que  chacun  Jicd 
premier  ,  félon  ^ue  premier  a  été  fait  pair;  que  le 
droit  dç  rcpréfcnter  les  anciens  pairs  aux  facres 
des  roisT  eft  une  prérogative  qui  n'eft  due  qu'aux 
Princes  du  fang  &  aux  pairs  de  France  ,  fuivaRt 
leur  ancienneté  ;  qu'enfin  la  faculté  attribuée  aux 
Princes  légitimés  ,  par  les  nouveaux  édits  ,  de 
prêter  ferment  au  parlement  à  l'âge  de  vingt  ans , 
efl  une  dirtinéiion  fans  fondement  ,  à  laquelle  les 
enfans  naturels  de  Henri  IV  &  leurs  defcndans  n'a- 
voient  jamais  prétendu  (i). 

Ces  réclamations  produifirent  tout  l'effet  qu'on 
pouvoit  en  attendre. 

Un  édit  du  mois  de  juillet  1717  révoqua  celui 
de  1714  &  la  déclaration  de  1715,  en  ce  qu'ils 
déclaroient  MM.  les  duc  du  Maine  &  comte  de 
Toulcr.fe,&  leurs  dcfcendans  mâles ,  Princes  du 
fane;  &.  habiles  à  fuccéder  à  la  couronne. 

Un  autre  édit  du  mois  d'août  1718  révoqua  la 
déclaration  de  1694  ÔiTcdiide  171 1,  en  ce  qu'ils 
attribuoient  aux  Princes  légitimés  &  à  leurs  dcf- 
cendans  mâles  le  droit  de  repréfenter  les  anciens 
pairs  au  facre  des  rois ,  à  l'exclufioii  des  autres  pairs 
de  France  ;  en  ce  qu'ils  les  admettoient  à  prêter  le 
fermenta  l'âge  de  vingt  ans,  &  en  ce  qu'ils  leur 
permettoient  dedonnerunc  pairie  à  chacun  de  leurs 
enfans  mâles,  pour  en  jouir  aux  mêmes  honneurs, 
du  vivant  même  de  leurs  pères. 

En  conféquence ,  il  ordoniîe  que  MM.  les  duc 
du  Maine  &  comte  de  Touloufe  n'auront  rang  & 
féance  au  parlement ,  près  du  roi  ,  dans  les  céré- 
monies publiques  &  particulières  &  par-tout  ail- 
leurs ,  que  du  jour  de  l'éreâion  de  leurs  pairies, 
&  qu'ils  ne  jouiront  d'autres  honneurs  &  droits 
q-ue  de  ceux  attachés  à  leurs  pairies,  &  comme  en 
jouifient  les  autres  ducs  &  pairs  de  France. 

Cependant  une  déclaration  du  26  août  1718, 
ordonna  que  M.  le  comte  de  Touloufe  continue- 
roit  de  jouir,  fa  vie  durant ,  de  tous  les  honneurs, 
rangs  ,  féances  &  prérogatives  dont  il  jouifîbit  au- 
paravant, fans  tirer  à  conféquence ,  Si.  fans  que  , 
fous  quelque  prétexte  que  ce  foit,  pareille  pré- 
rogative puiffe  être  accordée  ni  à  fes  defcendans 
ni  à  aucun  autre ,  quel  qu'il  puifTe  être. 

La  même  grâce  fut  accordée  à  M.  le  duc  du 
Maine.  «  Par  une  déclaration  de  1723,  dit  M.  le 
«  préfident  Hénault,  le  roi  rend  à  M.  le  duc  dn 
»  Maine,  &  après  la  demifTion  des  pairies  du  duc 
»♦  du  Maine,  à  ies  enfans,  leur  vie  durant  feulement, 
N  les  honneurs  dont  ils  jouiffoient  au  parlement 
1»  a-prés  les  princes  du  fang  ,  &  avant  les  pairs ,  & 

(I)  Le*  liinac  peuvent  prêter  lefcrveuc  qu'.»  vingrcinij 


PRINCE. 

»  ce  en  vertu  de  leurs  pairies  ,  quand  même  elles 
»  leroient  moins  anciennes  que  celles  d'aucuns 
»  defdits  ducs  8c  pairs;  N'entendant  toutefois ,  que 
»  lorjquils  viendront  prendre  féance  ,  ils  puiffent 
n  traverfer  le  parquet ,  ce  que  nous  réfervons  aux 
»  J'uls  Princes  de  notre  fang  ,  ni  être  précédés  de 
■>■>  plus  d'un  huijfier  .  ni  que  leurs  fujf rages  foient 
11  pris  autrement  qu'en  les  appelant  du  ncm  de  leur 
»  pairie,  en  leur  étant  le  bonnet,  ainfi  quil  a  été 
»j  ci-devant  pratiqué  à  leur  égard.  La  même  année, 
»  tous  les  honneurs  de  la  cour  furent  rendus  à 
"  M.  le  duc  du  Maine  &  à  M.  le  comte  de  Tou- 
»  loufe.  En  1727  ,  le  roi  fit  expéfJier  de  pareils 
»  brevets  en  faveur  de  MM.  les  Prince  de  Dom- 
i>  bes ,  comte  d'Eu  &  duc  de  Penthiévre;  &  en 
1»  1745  ,  ces  honneurs  paffèrent  au  fils  de  M.  le 
>»  Duc  de  Penihièvre. 

Ces  grâces  perfonnelles  ne  font  que  des  déro- 
gations momentanées  à  la  loi  générale;  elles  la 
fuppofent  &  la  confirment.  Or,  fuivant  cette  loi 
générale  ,  le  titre  de  Prince  légitimé  ne  donne  par 
lui-même  aucune  prérogative  ,  aucune  préémi- 
nence. 

Les  Princes  légitimés  ne  font  point  habiles  à 
fuccéder  à  !a   couronne. 

Ils  n'ont  ni  le  titre  ni  les  prérogatives  des  Prin- 
ces du  fang. 

Ils  n'ont  les  droits  &  les  prérogatives  des  pairs, 
qu'autant  qu'ils  font  revêtus  d'une  pairie. 

Ils  font  reçus  pairs  au  même  âç^e  &  avec  les 
mêmes  formalités  que  les  autres  pairs. 

Ils  n'ont  de  rang  entre  les  pairs,  que  du  jour 
de  l'éreélion  de  leurs  pairies. 

Princes  étrangers. 

Nous  appelons  Princes  étrangers;  1".  ceux 
qui  ont  des  fouverainetés  fous  la  proteélion  de 
la  France  ,  &  qui  réfident  en  France  ;  2".  ceux 
qui  font  iffus  des  maifons  fouveraines  ,  quoiqu'ils 
ne  poflèdent  pas  eux  -  mêmes  de  fouveraineté,  & 
qui  ont  atiifi  fixé  leur  réfidence  en  France. 

Dsns  la  première  claffe  ,  je  mets  le  duc  de 
Bouillon;  dans  la  féconde,  les  Princes  de  la  mai- 
fon  de  Lorraine  ,  ceux  de  la  maifon  de  Rohan  ; 
&   les  Princes  de  Carlgnaa. 

Il  s'eft  élevé  une  grande  querelle  ,  il  y  3  quel- 
ques années,  au  fujet  du  titre  Si  des  honneurs 
des  Princes  étrangers.  D'un  côté,  le  père  Griffer  Si 
M.  l'abbe  George!  foutenoient  les  droits  des  Prin- 
ces étrangers ,  ii  principalement  de  la  maifon  de 
Rohan.  De  l'autre  ,  un  anonyme  prétendoit  que 
les  Princes  iiTus  des  maifons  fouveraines  n'avoient 
&  ne  dévoient  avoir  aucune  diftinélion,  aucune 
prérogative  en  France  ;  qu'on  ne  leur  recon- 
noiffoit  pas  même  le  titre  de  Princes  ,  &  que  la 
maifon  de  Rohan  n'écoit  point  iffue  d'une  maifoa 
fouveralne. 

Avant  de  dire  ce  que  je  penfe  fur  la  queftion 
de  droit  qui  concerne   les  Princes    étrangers   en 

général 


PRINCE. 

général  (car  on  fent  bien  que  je  ne  me  propofe  > 
pas  ici  de  faire  la  généalogie  de  la  maifon  de  Ro-  1 
han)  ,  »")e  rapporterai  un  paflage  de  Loifeau  ,  qui 
pourra  d'avance  fixer  nos  idées.  Les  ufages  &  les 
opinions  reçues  fous  le  règne  de  Henry  IV",  doi- 
vent êtred'un  grand  poids  dans  une  matière  qui 
ne  connoît  guère  d'autre  règle  que  l'ufage. 

Cet  auteur  parle  d'abord  des  Princes  du  fang 
&  des  enfans  naturels  des  rois  :  il  appelle  les  pre- 
miers Princes  légitimes  ,  &  les  féconds  Princes 
naturels.  Voici  ce  qu'il  dit  enfuite  des  Princes 
étrangers  ,  qu'il  appelle  Princes  naturalifés. 

«  La  bonté  &  adrejfe  de  nos  rois  a  laifle  inftal- 
»>  1er  en  l'ordre  des  Princes  les  defcendus  des 
»  fouverainetés  étrangères  ;  ce  qui  s'eft  pratiqué 
»  bien  à  propos  ;  car  il  en  revient  beaucoup  d'hon- 
»  neur,  d'aflurance  &  d'accroiflement  àce  royaume. 
n  Honneur ,  en  ce  qu'on  voit  à  la  cour  de  France 
»)  comme  un  recueil  &  amas  des  maifons  fou- 
w  veraines  de  la  chrétienté  :  affurance  ,  en  tant 
»  que  ces  Princes  étrangers  nous  font  comme 
»>  otages  volontaires  &  perpétuels  des  alliances 
"  que  nous  avons  avec  les  chefs  de  leurs  maifons  : 
»  accroiffement  aufli  ,  parce  qu'ils  apportent  en 
»  France  leurs  moyens  ,  leur  créance  &  leurs  amis; 
»  &  de  vérité  ,  il  faut  avouer  qu'ils  on  fait  de  fi- 
n  gnalés  fervices  au  royaume, 

»  Aufll  en  font-ils  fort  bien  récompenfés  ;  car 
»  en  la  grandeur  &  l'opulence  de  la  France ,  ils 
»  n'y  demeurent  guère  ,  qu'ils  ne  foient  appoin- 
»  tés  des  principales  feigneuries ,  &  qu'ils  n'y  trou- 
»  vent  des  mariages  avantageux  :  de  forte  qu'on 
'>  ne  peut  nier  qu'ils  n'y  foient  avancés  beaucoup 
«  plus  qu'ils  ne  pouroient  l'être  en  leur  pays. 

M  Voilà  donc  deux  fortes  de  princes  reconnus 
n  en  France  ,  outre  ceux  du  fang  ;  à  favoir ,  les 
»  Princes  François  &  les  Princes  étrangers,  ou 
»  bien  les  Princes  naturels  &  les  Princes  natura- 
»  lifés ,  qui  à  la  vérité  ne  font ,  les  uns  ni  les  autres, 
»>  (î  vraiment  &  fi  proprement  Princes  que  cqux  du 
»  fang,  parce  que  la  principale  marque  du  Prince 
»>  eft  d'être  capable  de  fuccéder  à  la  fouveraineté 
»  du  lieu  où  ils  veulent  être  reconnus  pour  Prin- 
>»  ces;  car  les  feigneuries  font  bornées:  &  comme 
«  le  fouverain  d  un  autre  état  n'eft  pas  fouverain 
»  en  France,  aulîl  fes  parens  n'y  font  pas  Prin- 
«  ces  parfaitement  &  de  leur  propre  qualité  ,  mais 
»  feulement  en  tant  qu'il  plaît  au  roi  de  les  y  re- 
»  connoître  pour  tels. 

»  C'eft  pourquoi  le  parlement  qui  eft  particulic- 
»  rement  jaloux  de  la  confervation  des  droits 
j>  de  la  couronne  ,  &  par  conféquent  des  Princes 
n  d'icelle  ,  ne  leur  a  point  encore  pajjé  cette  aua'ifé , 
n  au  moins  indéfiniment  &  fans  aijeEïion  de  leur  pays , 
»  pour  ce  aufTi  que  la  parfaite  propriété  des  mots 
n  doit  être  rcligieuferaent  gardée  en  icehii ,  notam- 
»  ment  es  matières  de  cette  imporrance.  Mais 
M  j'eftime  qu  ailleurs  on  ne  peut  mmquer  de  'es  q'j  i- 
»  iifur  Princes  abfolument  puifque  le  roi  duquel  la 
.»  fimple  parole  fait  la  loiea  tellti  manières,  la  ho- 
JmtXUL 


PRINCE. 


625 


»  note  jourmllement  Je  ce  titre  ,  en  communs  propos, 
»  &  è$  aéles  férieux,  même  les  maintient  en  jouif- 
»  fance  des  prérogatives  attribuées  aux  feuls  Princes. 

»  Et  c'eft  peut-être  l'occafion  pour  laquelle  les 
»  Princes  capables  de  la  couronne,  pour  fe  diflin- 
»  guer  d'avec  eux  (  comme  a  la  vérité  ils  font 
»  d'un  degré  beaucoup  plus  éminent  )  ,  fe  quali- 
)>  fient,  non  pas  Princes  fimplement  ;  mais  par 
■»  une  adjedion  de  dignité  particulière,  ils  fe  nom- 
»  ment  Princes  du   fang. 

»  Or ,  tout  ainfi  que  les  Princes  naturels  &  auiïi 
»  les  naturalifés  ont  obtenu  le  titre  de  Princes , 
i>  qui  leur  eft  à  préfent  commun  avec  ceux  du 
»  fang,  auflî  ont- ils  trouvé  moyen  d'avoir  après 
»  eux  plufieurs  de  leurs  autres  prééminences  : 
»»  comme ,  en  premier  lieu  ,  de  marcher  au  rang 
et  des  Princes  ,  Si  partant  précéder  tous  les  f^randsfei- 
>>  gneurs ,  &  pareillement  tous  les  grands  officiers  ; 
11  fauf  que  Us  grands  officiers  ne  leur  cèdent  &  ne 
»»  leur  défèrent  nullement  aux  afles  de  leur  txercice  , 
)»  comme  ils  font  par  honneur  aux  Princes  du 
'>  fang .  Même  les  autres  Princes  marchent  entre 
1)  eux  ,  noit  félon  le  mérite  de  leurs  feigneuries 
»  fubalternes,  m^xs  félon  leur  degré  de  Priaces;Cur 
n  quoi  je  ne  m'amuferai  pas  à  décider  lefquels  ,  des 
»  naturels  ou  naturalifés  ,  doivent  précéder ,  ni  à 
»  traiter  les  autres  grandes  queftions  qui  échéent 
»  au  rang  des  uns  Se  des  autres,  parce  qu'il  n'ap- 
')  partient  qu'au  roi  de  les  déterminer. 

n  Item.  Comme  les  Princes  du  fang ,  qui  font 
»>  vrais  parens  du  roi ,  font  par  lui  appelés  ou  fes 
»  oncles,  s'ils  font  de  beaucoup  plus  âgés  ,  ou 
»  fes  cou[îns ,  s'ils  font  d'âge  à  peu  près  égal ,  ou 
>»  fes  neveux ,  s'ils  font  de  plus  bas  âge  ;  auHî  les 
»  autres  Princes  font  appelés  tout  de  même  par  fa  ma- 
n  jeflé. 

n  Pareillement  comme  les  Princes  du  fang  font 
"  confeillers  nés  du  confeil  d'état ,  aufîi  les  autres 
»  Princes  ont  gagné  cet  avantage  d'y  avoir  entrée  , 
i>  féance  &  voix ,  fans  avoir  befoin  de  brevet  du  roi 
M  à  cette  fin,  comme  ont  les  autres  confeillers 
»  d'icelui. 

»  Mais  ils  ri  ont  point  Centrée  au  parlement ,' 
»  comme  ont  les  Princes  du  fang ,  sih  ne  font  pairs 
M  de  France.  El  encore  en  ce  cas,  ils  y  gardent 
»♦  le  rang  de  leur  pairie ,  d*  non  celui  de  Igur  prin-* 
M  cipauté  ,  ainfi  que  les  Princes  du  fang,  donc 
»  la  raifon  eft ,  que  les  Princes  du  fang  y  aflif- 
M  tent  comme  Princes,  &  ceux-ci  comme  pairs 
M  feulement. 

»  Finalement ,  ils  fe  prétendent  exempts  de  duel  j 
M  &  de  vérité  ,  comme  on  tient  qu'un  gentil- 
»  homme  n'eft  pas  tenu  ,  eo  point  d'honneur ,  de 
i>  fe  battre  contre  un  roturier,  aufii  tient-on  qu'un 
»  Prince  n'eft  pas  obligé  d'entrer  en  duel  contre 
»  un  gentilhomme  ^  fût-il  chevalier ,  même  duc  ,  à 
»  caille  de  1  inégalité  de  condition  ;  &  qu'en  ma- 
w  fiCr?  de  Huel  il  faut  ayoii  fon  pareil.  Miisj'ef- 
»  time  qu'il  'l'y  a  point  de  difficulté  que  ,  ceftarjt 
»  Isj  ordonoi-oces  prohibitiveidjs  duels, des  Prin- 

Kkkk 


6i6  PRINCE. 

»  ces,  autres  que  du  fang,  ne  fe  puifTent  battre  en 
»  duel  les  uns  contre  les  autres  ,  bien  que  cela  ne 
j)  foit  point  approuvé  entre  les  Princes  du  fang  , 
j>  parce  qu'il  ncA  pas  à  beaacoup  près,  de  telle 
s>  importance  à  la  France,  que  leur  fang  foit  épar- 
V  gnè,  que  celui  de  France  ». 

Voilà  les  ufages  de  la  cour  de  France  ,  fous  le 
règne  de  Henri  IV,  concernant  les  Princes  étran- 
gers ;  nous  n'en  trouvons  le  tableau  complet  dans 
aucun  autre  livre  ;  mais  en  ramaflant  quelques  traits 
épars  dans  différens  ouvrages ,  on  verra  que  les 
Princes  étrangers,  depuis  qu'il  y  en  a  d'établis  en 
France  ,  y  ont  joui  des  honneurs  &  des  diftindions 
que  Loifeau  leur  attribue. 

Il  ne  faut  pas  prendre  pour  règle  les  honneurs 
extraordinaires  que  nos  rois  ont  faits  à  quelques 
Princes  &  fouverains  qui  ne  faifoient  que  paffer 
en  France.  Ainfj  quand  nous  verrons  un  roi  de 
Bohême ,  un  roi  de  Sicile  Se  un  roi  d'Ecoffe  pré- 
céder le  dauphin  dans  les  lits  de  juftice  &  dans  les 
aflemblées  du  parlement;  quand  nous  verrons  un 
frère  du  roi  d'EcolTe  précéder  tous  les  pairs  dans 
une  autre  aifemblée  du  parlement,  il  ne  faudra 
regarder  ces  faveurs  pafTagères  que  comme  des 
■aites  de  courtoifie  qui  ne  tirent  point  à  confé- 
quence,  &  fur  lefqucls  on  ne  peiu  établir  aucun 
droit. 

C'eft  ainfi  que  François  premier,  en  donnant 
la  préféance  au  frère  du  roi  d'Ecofle  fur  tous  les 
pairs  ,  déclara  que  c'étoit  pour  cette  fois  tant  feu- 
îement ,  fans  préjudice  des  droits  &  prééminen- 
ces des  pi-irs  de  France,  &  ordonna  que  les  pairs 
de  France  féeroient  dorénavent  en  fes  cours  6»  con- 
feils ,  les  puiniers  &  plus  prochains  du  roi,  félon 
l'ordre  <j'  dignité  de  leurs  pairies. 

C'eft  ainfi  que  Dutillet  obferve,  au  fujet  de  la 
préféance  accordée  aux  rois  de  Bohême  ,  d'Eco/fe 
&  de  Sicile,  que  »  fi  un  roi  d'un  autre  royaume 
»  fe  trouvoit  aux  affemblèes  du  parlement  comme 
.  ï»  pair  de  France ,  il  auroit  le  rang  de  fa  pairie, 
»  &  non  d'autre  ,  &  qu'il  feroit  précédé,  non 
»  feulement  de  monfeigneur  le  dauphin,  mais  en- 
»  core  par  les  pairs  érigés  avant  lui ,  ne  fuflent- 
»  ils  que  comtes  ». 

Nous  ne  pouvons  donc  juger  des  droits  des 
Princes  étrangers  établis  en  France ,  que  par  ce 
qui  s'eft  pratiqué  à  leur  égard  depuis  qu'ils  y  font 
établis. 

Cette  époque  n'eft  pas  bien  reculée,  Jean  de 
Qêvcs  eft  le  premier  Prince  étranger  qui  fe  foit 
établi  en  France  :  il  époufa  Marie  de  Bourgogne 
fous  le  règne  de  Charles  VII,  &  ce  n'efl  qu'en 
i486,  fous  le  règne  de  Charles  VIII  ,  que  nous 
voyons  les  princes  de  cette  maifon  naturalifés  dans 
le  royaume. 

Madime  la  vieDtntefTe  de  Furnes  nous  dit  en 
très- peu  de  mots  quels  kw'xQnx  les  honneurs  & 
îes  diflinâions  dont  les  Princes  de  la  m^\{or\  de 
Clèves  jouifloient  en  France.  Deux  princefTes  de 
la  a»ifan  de  Bourgogne ,  &  par  conféquent  du  | 


PRINCE. 

fang  de  France,  avoient  époufé,  l'une  un  Prince 
de  C'èves  ,  &  l'autre  Charles  de  Bourbon,  qui  étoit 
du  fang  de  France.  >»  Ou  faifoit  plus  d'honneur  à 
"  madame  de  Clèves  qu'a  madame  de  Bourbon  ; 
»  madame  de  Clèves  alloit  devant  ;  &  l'on  difoit 
»  que  c'étoit  parce  que  madame  de  Clèves  étoit 
»  l'ainée  ;  car  autrement  on  fait  bien  que  madame 
»  de  Bourbon  feroit  allée  devant,  à  caufe  de  M. 
»  de  Bourbon ,  qui  étoit  plus  grand  que  M.  de 
«  Clèves,  parce  qu'il  étoit  de  la  maifon  de  France». 
Charles  de  Bourgogne  ,  comte  de  Nevers,  allait 
tout  pleinement  devant  M.  de  Clèves.  M.  d'Étampes  , 
frère  puîné  de  M.  de  Nevers,  vouloir  auffi  aller 
devant  ;  mais  M.  de  Clêvçs  ne  le  vouloit  point 

fouffrir. Le  duc  &  la  ducheffe  de  Bourgogne 

prenoient  les  épices  &  l'offrande  de  M.  de  Beau- 
jeu,  deuxième  fils  de  M.  de  Bourbon  ,&  des  en- 
fans  de  Clèves  8c  de  M.  D'Etampes  ;  mais  point 
de  M.  de  Nevers,  ni  aufli  de  M.  de  Clèves  ,  de- 
puis qu'il  fut  duc. 

Les  Princes  de  la  maifon  de  Clèves  étoient  donc 
en  France  à  peu  près  au  niveau  des  Princes  du 
fang  de  France  ;  ils  ne  cédoient  le  pas  qu'à  ceux 
qui  étoient  chefs  de  maifon  ;  ils  prétendoient  avoir 
le  pas  fur  les  puînés ,  ôialloient  au  moins  de  pair 
avec  eux. 

Sous  les  règnes  fuivans ,  nous  avons  eu  fuccef- 
fivement  d'autres  Princes  de  différentes  niaifons 
fouveraines.  Nous  en  avons  eu  de  la  maifon  de 
Lorraine  ,  de  la  maifon  de  Savoie  ,  de  celle  de  Gon- 
zngue  ,  &  les  Rohan  de  l'ancienne  maifon  de  Bre- 
tagne. Les  fouverains  de  Bouillon  fe  font  auffi  éta- 
blis en  France  ,  &  ont  mis  leur  fouveraincté  fous 
la   proteflion  du  roi. 

Tous  ces  Princes  établis  en  France  ont  toujours 
été  reconnus  pour  princes,  &  y  ont  joui,  à  ce 
titre,  d'honneurs  &  de  diftini^ions  particulières. 

Ceux  qui  voudront  connoître  en  détail  ces 
honneurs  &  ces  diftinâions  ,  pourront  recourir  aux 
fources  que  j'ai  indiquées  en  parlant  des  Princes 
du  fang. 

Mais  ces  diftinâions  font  nulles  au  parlement 
&  auxfacresdes  rois;  ils  n'ont  droit  d'y  affiflet 
qu'autant  qu'ils  font  pairs  de  France  ,  &  n'y  ont 
d'autre  rang  que  du  jour  de  l'éreétion  de  leurs 
pairies.  Tout  ce  que  dit  Loifeau  fur  ce  point ,  s'ob- 
ferve  encore  aujourd'hui  ;  &  on  peut  appliquer  aux 
Princes  étrangers  ,  les  principes  établis  par  l'édit  du 
mois  d'août  1718,  concernant  les  PrinctîS  légi- 
timés. 

M.leP.  Hénault  cite  un  fait  qui  femble  contre- 
dire ce  que  j'avance.  11  dit  tpae  le  roi  Henri  III  , 
en  érigeant  le  comté  de  Joyeufe  8t  la  baronnie  de 
dEpernon  en  duchés-pairies  ,  donna  Pance  à  ces 
nouveaux  ducs  immédiatement  après  les  Princes  du 
fans;  6»  les  Princes  étrangers  ,  &  avant  tous  les  ducs  , 
quoique  plus  ancien';.  Cela  fuppoferoit  que  les 
Princes  étrans,ers  pairs  ont  \a  fcance  au  parlement 
immédiatement  après  les  Princes  du  fang,  ^  avant 
tous  les  ducs,  quoique  plus  anciens.  Mais  M.  le 


PRINCE. 

préfident  Hénault  s'ell  trompé.  Vôîcl  les  termes 
des  lettres  cl  eredtion  des  duchés-pairies  de  Joyeufe 
&  d'Epernon. 

«  Voulons  qu'il  ait  féance,  voix  &  opinion  aprh 
»)  Us  Princes  immédiatement  ,  avant  tous  autres  ducs 
»>  &  pairs  ». 

On  n'y  parle  pas  des  Princes  étrangers  ;  &  lorf- 
qu'on  ne  parle  que  des  Princes  ,  il  ne  faut  l'entendre 
que  des  Princes  du  fang;  parce  que,  comme  dit 
luOlCeau  y  le  parlement  n'a  point  encore  pa[fe  aux  Prin- 
ces étrangers  la  qualité  de  Princes  indéfiniment ,  ils 
ne  font  pas  fi  vraiment  &  fi  proprement  Princes  que 
ceux  du  fang. 

Ainfi  ,  tout  ce  qu'on  peut  conclure  des  lettres 
d'éreâion  des  duchés-pairies  de  Joyeufe  &  d'Eper- 
non  ;  c'eft  que  les  Princes  du  fang  avoient  la  pré- 
féance  fur  les  ducs  &  pairs.  Elles  ne  prouvent  rien 
pour  les  Princes  étrangers. 

Je  ne  dirai  plus  qu'un  mot  fur  la  diatribe  de 
l'anonyme  contre  la  maifon  de  Rolian  ;&  j'ai  pour 
garans  de  ce  que  je  vais  dire  ,  Chopin  dans  fon 
traité  du  domaine ,  Maichin  dans  fon  hiftoire  de 
Saintongc  ,  &  les  états  de  Bretagne. 

Les  états  de  la  province  de  Bretagne  ont  affirmé 
<îue  la  vicomte  de  Rohan  étoit  un  partage  du  comté 
tie  Porrohet  ;  &  que  le  comté  de  Porrohet  étoit  un 
partage  du  comté  de  Rennes  &  du  duché  de  Bre- 
tnj^ne. 

Chopin  &  Maichin  nous  apprennent  qu'un  vi- 
comte de  Rohan  époufa  ,  dans  le  feptième  fiècle  , 
fous  le  régne  de  Dagobert ,  Aliéner  ,  fille  de  Hoêl   I 
III ,  roi  de  Bretagne,  laquelle  lui  apporta  en  dot  la 
vicomte  de  Léon. 

Que  de  ce  vicomte  de  Rohan  &  de  cette  Aliéner 

de  Bretagne,  defcendoit  en  ligne direâe  Alain  III, 

duquel  tout  le  monde   convient  que  defcendent 

-toutes  les  branches   qui    exiftent   aujourd'hui  du 

nom  de  Rohan. 

Que  cet  Alain  époufa  ,  dans  le  douzième  fiècle  , 
Confiance  de  Bretagne  ,  fœur  de  Conan  le  Petit , 
duc  de  Bretagne. 

Que  fous  Je  règne  de  faint  Louis ,  Jean  ,  duc  de 
Bretagne  ,  acheta  la  vicomte  de  Léon  des  vicomtes 
de  Rohan. 


Que  cette  vicomte  rentra  quelque  temps  après 
dans  la  maifon  de  Rohan  ,  par  le  mariage  de  Jean 
de  Rohan  avec  une  princefle  de  Bretagne. 

Que  la  vicomte  de  Porrohet ,  qui  avoir  paiTé  de- 
puis long-temps  dans  des  maifons  étrangères,  ren- 
tra dans  la  maifon  de  Rohan  ,  par  le  mariage 
d'Alain  VIII  avec  Béatrix  de  CliiTon. 

Si  ces  faits  font  vrais  (  &  je  dois  quelque  con- 
fiance aux  garans  que  je  cite  )  ,  il  en  réfulte  ,  que 
i'exiftence  de  la  maifon  de  Rohan  remonte  au 
icptième  fiècle  ;  qu'à  cette  époque  ,  c'eft-à-dire 
«nviron  quatre  -  vingts  ans  après  le  partage  du 
royaume  de  Bretagne  entre  les  fils  de  Hoël  pre- 
mier, les  Rohan  ont  eu  une  portion  du  comté  de 
Porrohet  ,  lequel  étoit  lui-même  une  portion  du 
royaume  de  Bretagne  ;  que  p^r  conféqusnt  il  eil  ; 


PRINCE.  627 

évident  qu'ils  defcendent  d'un  des  fils  de  Hoël 
premier. 

Et  lorfque  je  vois ,  dans  cette  longue  fuite  de 
fiècles ,  la  maifon  de  Rohan  s'allier  perpétuelle- 
ment avec  toutes  les  maifons  fouveraines  de  l'Eu- 
rope ;  lorfque  ,  depuis  l'établifTement  des  Rohan 
en  France  ,  je  \^  vois  toujours  reconnus  pour 
Princes  étrangers  ,  toujours  en  pofîeflîon  des  hon- 
neurs que  nos  rois  ont  voulu  accorder  aux  Princes 
étrangers;  j'admire  qu  il  fe  foit  trouvé  un  homme 
afTez  courageux  pour  leur  en  contefler  le  titre  6c 
les  droits. 

Princes  UrtHion. 

Les  Princes  dont  je  vais  parler  ,  ne  le  font  pas 
par  droit  de  naiiT;>nce.  Ils  n'en  prennent  le  titre  * 
que  parce  qu'ils  font  feigneurs  de  terres  érigées  en 
principautés. 

Il  ne  faut  pas  non  plus  les  confondre  avec  ces 
grands  valTaux  qui  s'intituloient  Princes  dans  les 
temps  de  l'anarchie  féodale.  Ceux  -  ci  pouvoient 
bien  prendre  le  titre  de  Princes,  puifqu'ils  avoient 
les  droits  de  fouverainete.  Quelques-uns  d'entre 
eux  avoient  même  des  feigneurics  qui  n'étoient 
(cumifes  à  aucune  dépendance  féodale.  Telle  étoit 
entre  autres  la  vicomte  de  Béarn.  Cette  princi- 
pauté pafTa  dans  la  maifon  de  Foix  vers  la  fin  du 
treizième  fiècle.  Telle  étoit  encore  la  principauté 
de  Dombes. 

Nous  n'avons  plus  en  France  de  principauté  de 
cette  nature  (1).  «  Bien  y  a  ,  dit  Dutillet,  des 
»  principautés  qui  font  dignités  féodales  ,  infé- 
'>  rieures à  celles  des  comtes»:  &  Loifeau  ajoute 
qu'elles  font  au-defTus  delà  baronnie  &  de  la  vi- 
comte. 

Cette  efpèce  de  feigneurie  ,  dit  ce  dernier  au- 
teur ,  efl  extraordinaire  &  extravagante.  «  Elle 
»  vient,  fuivant  lui ,  de  ce  que  les  anciens  ducs  8c 
»  comtes  s'étant  faits  Princes  par  l'ufurpation  des 
»  droits  de  fouverainete  ,  à  leur  exemple  ,  les  au- 
»»  très  grands  feigneurs,  qui  n'avoicnt  titre  ni  de 
M  ducs,  ni  de  comtes,  ayant  pareillement  ufiirpé 
»  les  droits  de  fouverainete  dans  leurs  feigneuries  , 
1»  fe  font  par  conféquent  titrés  &  qualifiés  du  nom 
»  général  de  Princes  ,  n'ayant  point  de  titres  par- 
»  ticuliers  de  dignité;  &  afin  d'être  diflingués  des 
11  fimples  feigneurs  ,  qui  navoient  pas  comme  eux 
»  l'exercice  de  la  fouverainete. 

»  Ce  qui  ayant  eu  cours  lorfque  les  grands  fei- 
»  gneurs  de  France  avoient  les  droits  de  fouve-  . 
Il  raineté  ,  a  continué  après  qu'ils  en  ont  été  dé- 
>»  pouillés  ;  par  le  moyen  de  ce  qu'à  l'exemple  des 
»  anciennes  principautés  réunies  depuis  à  la  cou- 
»  ronne  ,  les  rois  en  ont  érigé  d'autres  pour  gratifier 
5>  leun  favoris  ,  qui  ont  affeâé  ce  titre  excelicnt  de 
»  Princes, 


(1)  Jciie  prétends  tien  décider  fur  !a  principauté  de  Bida- 
che.  Je  fais  que  la  nkaaToiï  de  Gramoni  y  exerce  les  dioiis  Je 
rouvewiaeté. 

Kkkkii 


6iS  PRINCE. 

«  Bien  qu'il  y  ait  différence  notable  entre  les  fei- 
«  gneurs  des  principautés ,  &  ceux  qu'à  préfent 
»  nous  appelons  Princes  ,  qui  font ,  ou  les  Princes 
j>  du  fang ,  ou  ceux  qui  font  iflus  de  Princes  fou- 
j>  verains  étrangers  ;  toutefois  cette  équivoque 
îj  d'entre  les  Princes  &  les  fcigneurs  de  princi- 
»  pautés  ,  ou ,  pour  mieux  dire,  d'entre  les  Princes 
»  de  race  &  les  princes  à  caufe  de  leur  terre  érigée 
«  en  principauté ,  eu  caufe  que  plusieurs  princes 
«  qui  craignent  qu'on  révoque  en  doute  leur  qua- 
j>  lité,  &  plufieurs  grands  feigneurs  qui  défirent 
>»  être  tenus  pour  Princes,  font  curieux  de  faire 
3)  ériger  une  de  leurs  terres  en  principauté  ;  dont 
»  par  après  ils  baillent  volontiers  le  titre  à  leur  fils 
)>  aîné». 

Si  ce  n'eft  pas  là  l'hiftoire  exaéte  des  terres  éri- 
gées en  principautés,  c'eft  du  moins  un  tableau 
bien  fidèle  des  misères  &  des  vanités  humaines.  Ces 
principautés  donnent  le  droit  de  s'intituler  Princes; 
mais  elles  ne  donnent  ni  prérogative  ,  ni  autorité, 
ni  prééminence.  Cependant  combien  ne  font-elles 
pas  recherchées  ?  Et  ce  qu'il  y  a  de  plus  étonnant, 
c'eft  que  la  plupart  de  ceux  qui  les  obtiennent  font 
d'une  naiflànce  &  ont  des  dignités  qui  femblent  les 
mettre  fort  au-deffus  de  ces  vaines  décorations.  Ils 
ne  penfent  pas  que  ce  titre  de  Prince ,  attaché  à 
Il  glèbe ,  peut  fe  multiplier  à  volonté  ;  que  ,  par  les 
mutations  qui  arrivent  néceffairement  dans  les  fei- 
gneuries  ,  il  peut  fe  communiquer  à  des  hommes 
nouveaux  ,  5t  qu'il  doit  par  conféquent  dégrader 
enfin  la  nobtefle  elle-même. 

Je  ne  connois  peut-être  pas  la  moitié  des  terres 
qui  ont  été  érigées  en  principauté  ;  mais  en  voici 
déjà  un  afiez grand  nombre,  pour  qu'il  foit  temps 
«îe  prévenir  les  inconvéniens  qui  peuvent  réfulter 
de  leur  multiplication. 

Barbançon  ,  Carency  ,  Chabanois ,  Chalais  , 
Cliacclaillon  ,  Chimai  ,  Condé  ,  Conty  ,  Epinoi  , 
(j3vre  ,  Gueméné  ,  Joinville  ,  Lambefc  ,  Ligne  , 
Liftcnois ,  Luc  ,  Marfillac  ,  Mnrtigues  ,  Mortagne  , 
Poix,  Porcian  ,  Robec,  Roche-fur-Yon  ,  Sou 
feife  ,  Soyon ,  Talmont  en  Poitou ,  &  Talmont 
en  Saintonge. 

Plufieurs  de  ces  principautés  appartiennent  à  des 
Princes  du  fang  ou  à  des  Princes  étrangers.  Tant 
qu'elles  refieront  dans  ces  maifons  ,  l'éreâion  en 
pri  cipauté  n-i  peut  entraîn;r  aucun  inconvénient. 
Les  Princes  du  fsng  &  les  Princes  étrangers  ne 
peuvent  qu'hjn.rer  la  feigneurie  dont  ils  pren-  ! 
nent  le  titre. 

Quelqties  autres  appartiennent  aux  Taleyrand, 
avix  Saufremont ,  aux  ta  Rochefoucaud  ,  nux  Noail- 
Ics,  Si.  autres  de  ce  rang.  Le  titre  de  Prince  n'a- 
joute rii.n  à  l'iliuftration  do  ces  grandes  maifons  ; 
perfonne  ne  doit  le  leur  envier  ,  &  on  ne  doit  pas 
cirtùùire  qu'elles  en  abufenr. 

Mais  aucune  'ai  n'interdit  l'acquiCition  de  ces 
principautés  aux  rouiriers  &  aux  nouveaux  nobles. 
Peu;  ê  re^  quelqu'un  ifcux  e/l-il  déjà  propriét;)ire 
«îe.  ^uelij_u'une  de  ceiles  dont  j'ai  donné  la  lifte. 


PRINCE. 

ou  de  celles  que  je  ne  connois  pas;  peut-être 
ferai-je  un  jour  obligé  de  qualifier  de  Prince  le 
fils  de  l'homme  que  j'ai  vu  dans  la  roturi  ;  cette 
confufion  des  rangs,  cette  profanation  ka.v.'Tlenfe 
du  titre  le  plus  augufte  que  la  nation  connoiiie 
après  celui  de  roi,  n'ont-elles  rien  de  peri  .  eux 
pour  les  moeurs  publiques  6c  pour  le  bieii  Je 
l'état  ? 

Ce  que  les  François  font  aujourd'hui ,  ce  qu'ils 
éioient  du  temps  de  Loifeau  ,  ils  l'ont  été  de  tous 
les  temps.  Toujours  avides  d'honneurs  &  de  dif- 
tinélions,  jamais  le  titre  qui  leur  appartenoit  n'a 
fatisfait  leur  ambition  ,  lorfqu'il  y  avoir  un  titre 
fupérieur  à  ufurper  ;  ainfi,  dans  le  dixième,  le 
onzième  &  le  douzième  fiècles ,  nous  voyons  les 
feigneurs  de  Déols  ,  de  Vierzon  ,  d'Iflbudt'n  ,  de 
Saint-Chenier  &  de  Graçai ,  prendre  le  titre  de 
Princes  ,  &  de  Princes  par  la  grâce  de  dieu. 

Ce  titre  de  Prince  n'a  pas  même  fuffi  aux  anciens 
feigneurs  d'Yvetot.  Tout  le  monde  connoît  l'hif- 
toire  fabuleufe  de  ce  prétendu  royaume  ,  érigé, 
dit-on  ,  par  Clotaire  en  534  ou  ^36.  Yvetot  n'a  ja- 
mais été  un  royaume  ;  mais  il  faut  convenir  que 
c'eft  la  plus  ancienne  principauté  qui  ait  exifté  en 
France  ,  celle  qui  a  tu  les  plus  belles  franchifcs  : 
elles  ont  été  à  peu-près  anéanties  par  un  arrêt  du 
confeil  du  28  avril  17^0. 

Je  ne  parle  pas  de  la  principauté  d'Orang-;, 
p.irce  qu'elle  n'exifte  plus.  C'étoit  auffi  une  prm- 
cipauté  d'éreftion;  elle  relevoit  du  comté  de  Pro- 
vence. Elle  n'eut,  pour  ainfi dire,  qu'un  moment 
d'indépendance,  par  la  vente  que  René,  roi  de 
Sicile  ,  fit  à  Louis  de  Chàlons  de  l'hommage  du 
reftort  &  de  la  fouveraineté  de  cette  feigneurie. 
Guillaume  ,  fils  de  Louis,  fut,  peu  de  temps  après  , 
contraint  de  rendre  hommage  à  Louis  X!.  Mais 
malgré  la  vaflalité  &l  le  droit  de  reftbrt ,  les  Princes 
d'Orangesintituloient  toujours  Princes  parla  grâce 
de  dieu. 

Comme  nos  prélats  font  tous  feigneurs  tempo- 
rels ,  il  y  en  a  dont  les  feigneuries  ont  auffi  le  titre 
de  principautés.  Mais  ce  font  encore  des  princi-- 
pautés  d'éreflion,  qui  ne  donnent  ni  autorité  ni 
prééminence  dans  le  royaume  ,  ni  dans  le  clergé 
de  France. 

Je  ne  veux  critiquer  l'origine  d'aucune  de  celles 
qui  exirtent;  mais  je  crois  pouvoir,  fans  bleOcr 
perfonne,  parler  librement  de  celles  qui  n'exiftent 
plus ,  &  dire  comment  elles  s'étoient  form.!cs. 

L'empereur  Frédéric  premier  donna  ,  en  11^7» 
une  fameufe  bulle  ,  fource  éternelle  de  troubles 
&  de  guerres  inteftines  dans  la  ville  de  Lyon.  Il 
créa  l'archevêque  de  Lyon  exarque  de  Bourgogne, 
titre  équivoque  ,  qui  convenoit  dans  ce  ttnips  là  a 
une  dignité  fimplement  eccléfiaftique,  &.  à  une  di- 
gnité civile  ,  politiqire  &  militaire. 

Mais  Ce  qui  n'tft  pas  équivoque  ,  c'eft  l'autorité 
qu'il  attache  à  ce  titre.  Ut  fie  jtmptr  facri  pjLztii 
;  OjQri  Bur^unJia  gloriofiffiinui  exatchon  ,  &  fumuius 
trim^cps  confiUï  nojlri  ;  6f  in  oninibus  fadenJis ,  a§fn~ 


PRINCE. 

êifque  nofirU  pracipuus.  L'archevêque  de  Lyon 
étoit  donc  ,  fous  le  titre  d'exarque,  le  vice  roi  de 
l'empereur  dans  la  Bourgogne. 

L'empereur  lui  donne  de  plus  toute  la  ville  de 
Lyon  ,  &  tous  les  droits  régaliens  de  fors  ,  de 
marchés  ,  de  duels  ,  de  monnoies  ,  de  nolis  ,  de 
tonlieu  ,  de  péage  ,  foit  dans  la  ville  de  Lyon  ,  foit 
au  dehors,  dans  toute  l'étendue  de  l'archevêché, 
dans  toutes  les  abbayes,  monaftéres,  églifes ,  & 
toutes  leurs  dépendances ,  châteaux ,  bourgs  ,  villa- 
ges ,  places  publiques  ,  forêts  ,  Moulins  ,  eaux  &. 
cours  d'eaux  ,  champs  ,  prés  ,  pacages,  terres  cultes 
&  incultes,  ferfs  ,  tributaires,  8c  généralement  fur 
toutes  les  autres  chofes  qui  appartiennent  à  l'Em- 
pire dans  le  diocèfe  de  Lyon. 

Il  confirme  cette  conceflîon  par  une  autre  bulle 
de  II 8a,  &  qualifie  l'archevêque  de  Lyon  de 
Prince  :  cariffimum  Principtm  nojlrum  Joannem  pra- 
didx  fcdis  archiepifcopum  &  primatem, 

Frédéric  donnoit  ce  qui  ne  lui  appartenoit  pas.  Il 
n'avoir  rien  dans  le  duché  de  Bourgogne  ;  c'étoit 
le  premier  fief  de  la  couronne  de  France;  &  du 
temps  de  Frédéric  ,  il  étoit  podédé  par  les  defcen- 
dans  du  roi  Robert.  Le  comté  de  Bourgogne  n'ap- 
paitenoit  pas  à  Frédéric  ,  mais  àBéatrixfonépoufe. 
Frédéric  pouvoit  il  aliéner  les  droits  de  ce  comté  ? 
crut-il  même  les  avoir  valablement  aliénés  ?  Boa- 
trix  infiitua  pour  fon  héritier  Othon  fon  troifième 
fils  ;  &  Frédéric  exécuta  le  teflament  ;  il  remit  le 
comté  de  Bourgogne  à  Othon.  Enfin  Lyon  a'étoit 
pas  fous  la  domination  de  Frédéric.  On  connoit  la 
fameufe  &  longue  querelle  des  comtes  de  Forez 
avec  les  archevêques  de  Lyon  ,  concernant  le 
comté  de  Lyon  ,  &  le  traité  qui  la  termina  :  ce 
traité  fut  p allé  en  1173,  pendant  que  Frédéric  ré- 
gnoit  encore;  &  ce  ne  fut  point  fous  l'autorité  de 
Frédéric  que  ce  traité  fut  pafle  ;  ce  fui  le  roi  Phi- 
lippe-Augu(le  qui  le  ratifia.  On  reconnoiiToit  donc 
dès-lors  la  fupériorité  des  rois  de  France  fur  le 
comté  de  Lyon. 

C'eft  en  vertu  de  ce  traité  de  1173  ,  pafle  fous 
l'autorité  du  roi  de  France,  que  les  chanoines  de 
Saint- Jean  de  Lyon  ont  été  comtes  :  &  cependant 
les  archevêques  ont  prétendu,  pendant  quelque 
temps,  être  Princes,  Se,  pour  ainfi  dire,  fouve- 
rains ,  en  vertu  de  la  bulle  de  Frédéric  ,  dont  ils 
avoient  reconnu  la  nullité  par  le  traité  de  1 173. 

Des  querelles  inteftines  ,  excitées  par  l'archevê- 
que &  par  les  chapitres  de  Saint- Jean  &  de  Saint- 
Juft  ,  déchirent,  pendant  long-temps  ,  la  ville  de 
Lyon.  Philippe  le  Bel  donne  ,  au  mois  de  feptem- 
bre  1307,  des  Lettres-patentes  pour  rétablir  la 
paix,  &  -pour  fixer  les  droits  &  les  prétentions  de 
î'arci'.evêque  &  du  chapitre  de  Saint- Jean. 

Il  n'y  parle  pas  nommément  de  la  bulle  de  Fré- 
déric, il  confirme  feulement  les  concefTions  qui 
ont  été  faites  à  l'archevêque  &  au  chapitre,  foit 
par  lui,  foit  par  fes  prédécefleurs ,  foit  par  toute 
autre  perfonne.  Mais  il  ajoute  cette  claufe  impor- 
tante, iiï  c€  qui  n«  fera  pas  contrairt  aux  droits ,  à 


PRINCIPAL;  619 

l'honneur  ,  &  à  rintérét  de  notre  couronne. 

L'archevêque  &.  les  habitans  de  Lyon  ,  le  clergé 
féculier  &  régulier  du  diocèfe  ,  tous  les  feigneurs 
&  gentilshommes  de  la  province  s'oppofent  à  l'exé- 
cution de  ces  lettres-patentes.  Elles  font  révoquées 
&  annuilé.es  en  1 3 1 2  ;  &  l'archevêque  cède  au  roi 
toute  la  juridiction  temporelle  qu'il  avoir  fur  Lyon 
&  fur  fon  diftrid.  En  1320,  la  juftice  eft  rendue 
à  l'archevêque  ,  fous  la  fouverainté  &  le  reflbrt  du 
roi.  Dès-lors  ont  dû  difparoître  toutes  les  préten- 
tions de  l'archevêque  à  la  principauté  &  à  la  fou- 
veraineté. 

Voici  le  jugement  que  porte  de  cette  bulle  de 
Frédéric  un  ancien  hiftoricn  de  la  ville  de  Ly on  (  i  ). 
»  On  pourroit  imputer  à  MM.  de  l'églife  de  Lyoa 
»  d'avoir  ici  commis  une  grande  faute,  Se,  fi  je 
»  l'ofe  dire,  félonie  envers  les  rois  de  France, 

»  leurs  fouverains  légitimes AuOî  crois-je  qu'ils 

»  ne  fe  voudroient  pas  fervir  de  cette  bulle  ,  & 
»  que  s'ils  la  gardent  dans  leurs  archives  ,  ce  n'efl 
)»  que  par  mémoire  de  l'antiquité  ,  &  non  pour  leur 
w  fervir  de  titre  ". 

Ils  ont  pourtant  voulu  s'en  fervir  de  nos  jours. 
A  la  vérité ,  ils  ne  prctendoient  pas  faire  revivre  le 
titre  de  Prince  ,  mais  ils  prétendoient  être  main- 
tenus dans  les  droits  régaliens  que  la  bulle  de  Fré- 
déric leur  attribuoit.  Un  arrêt  du  confeil  du  16  oc- 
tobre 1736  a  fupprimé  tous  ces  droits. 

Les  titres  de  Princes  ,  dont  prefque  tous  les  pré- 
lats des  anciens  royaumes  d'Arles  &  de  Bourgogne 
ont  été  décorés,  ont  eu  à-peu-près  la  même  ori« 
gine.  Les  empereurs  d'Allemagne ,  qui  avoient  des 
prétentions  fur  ces  deux  royaumes  ,  mais  qui  n'y 
avoient  nulle  puiiTance  ,  mettoient  le  clergé  dans 
leur  parti  par  les  titres  magnifiques  qu'ils  donnoient 
aux  évêques. 

11  n'en  falloir  pas  tant  aux  évêques  de  ces  temps- 
là  ,  pour  prendre  le  titre  de  Princes.  Un  comte  de 
Grenoble  cède  à  l'évêque  des  dixmes  du  Graifivau- 
dan  ;  &  l'évêque  fe  croit  autorifé ,  par  cette  cef- 
fion ,  à  prendre  le  titre  de  Prince  de  Grenoble, 
(  Article  de  M.  de  POL  VEREt.^  avocat  au  par- 
lement ). 

PRINCIPAL.  On  appelle  ainfi  celui  qui  cft 
chargé  du  gouvernement  d'un  collège. 

Les  principaux  des  univerfités,  dont  les  profef- 
feurs  ont  le  droit  de  ftptennium  ,  jouilTent  de  ce 
droit ,  comme  les  profeâéurs  ,  lorfqu'ils  ont  exercé 
leur  office  pendant  fept  ans.  L'univerfité  de  Paris 
procédant,  en  1598,  à  la  réforme  de  fes  ftaturs  , 
fous  l'autorité  des  commiflaires  nommés  par  le  roi, 
arrêta  que  ceux  de  ces  maîtres-ès-arts  ,  qui  auroient 
enfeigné  publiquement  dans  un  collège  célèbre 
pendant  fept  années  confccutives ,  feroi'='nt  pré- 
férés ,  dans  les  nominations,  à  tous  les  autres  gra- 
dués ;  mais  elle  n'avoit  fait  aucune  mention  des 
Principaux.  Par  l'article  17  des  additions  faites  à  ces 
flatuts  ,  qui  furent  enregiflrées  le  15  feptembre  de 


(Ij  R^tbis, 


^50  PRINCIPAL. 

la  même  année ,  elle  étendit  cette  prérogative  à 
tous  les  Principaux  des  collèges  qui  les  ont  gouver- 
nés durant  un  femblable  efpace  de  temps.  Gymna- 
Jiarchce  qui  per  jeptem  annos  in  celtbri  gymna/îo  cvn 
Laude  rexerint ,  codent  privilégia  comprehendantur  in 
beneficiorum  nominationibus  ,  quo  praceptores  qui  per 
totidem  annos  docuerint. 

Les  ftatuts  de  i'598  &  les  additions  aux  ftatuts 
avoient  été  feulement  homologués  au  parlement 
de  Paris  ,  &  cette  homologation  au  parlement  ne 
leur  donnoit  de  force  que  dans  les  provinces 
qui  font  de  fon  reflbrt.  Le  roi  jugea  à  propos  d'en 
faire  une  loi  pour  tout  fcn  royaume,  en  les  confir- 
mant par  fa  déclaration  du  27  juin  1648,  qui  fut 
non-feulement  vérifiée  au  parlement ,  mais  encore 
au  grand-confeil.  Dans  toutes  les  déclarations  qui 
ont  été  rendues  depuis  au  fujet  des  gradués  ,  &  où 
il  eft  fait  mention  du  privilège  des  feptenaires,  les 
Principaux  font  toujours  nommés  avec  les  profef- 
feurs.  Celle  du  2  odîobre  1743  ,  qui  attribue  la  pré- 
férence fur  les  bénéfices  à  charge  d'ames  ,  aux 
ûo&.Qurs  en  théologie ,  &  la  préférence  fur  ceux 
qui  ne  font  point  à  charge  d'amcs  ,  aux  gradues 
dans  les  autres  facultés  ,  fuppofe  que  les  Principaux 
&  les  profeffeurs  jouiflent  du  même  privilège.  «  A 
y>  l'égard  des  bénéfices  qui  ne  font  point  à  charge 
«  d'ames,  les  profeffeurs  ou  principaux  de  collè- 
«  ges  célèbres  &  de  plein  exercice  ,  comm«  aufiî 
a>  les  profeffeurs  en  droit  civil  &  canonique  ,  qui 
>»  auront  exercé  ces  fon6tions  pendant  fept  années 
i>  confécutives  fans  interruption  &  fans  fraude  , 
>>  auront  la  préférence  fur  tous  autres  gradués  , 
»  quoique  plus  anciens  qu'eux ,  mêmes  fur  ceux 
»  qui  font  depuis  fept  ans  doâeurs  ou  profeffeurs 
>»  en  théologie  «. 

L'anicle  79  des  ftatuts  de  l'univerfité  de  Reims , 
qui  furent  homologués  au  parlement  par  arrêt  du 
j6  mai  1662,  accordoit  auffi  aux  Principaux  qui 
auroient  gouverné  avec  réputation  pendant  fept 
ans  le  collège  de  cette  ville  ,  le  droit  àc  feptennium  , 
comme  aux  profeffeurs.  Ce  droit  a  été  confirmé 
depuis  par  une  déclaration  expreffe  du  24  mars 
«734,  pour  les  profeffeurs  en  théologie  ,  Princi- 
paux &;  profeffeurs  es  arts  de  cette  univerfité. 

Les  principautés  ne  font  point  des  places  ecclé- 
fiaftiques,  &  les  prévarications  que  commet  un 
Principal  dans  fes  fondions  ,  ne  (ont  point  <fe  la 
compétence  du  juge  d'églife.  C'eft  ce  quia  été  jugé 
par  arrêt  du  parlement  de  Paris  du  21  août  1708. 
Un  prêtre  ,  Principal  de  collège  ,  étoit  accufé  de 
fcire  choix  de  mauvais  fujets  pour  remplir  les  pla- 
ces de  profeffeurs ,  de  recevoir  de  l'argent  à  cet 
effet,  &  d'autres  femblables  prévarications  dans 
fon  état  de  Principal.  Il  avoit  demandé  fon  renvoi 
pardevant  le  juge  d'églife  ;  il  fut  débouté  de  fa  de- 
mande par  cet  arrêt.  L'accufé  fe  pourvut  au  con- 
feil  en  caffation  ;  il  prétendit  que  l'arrêt  avoit  été 
rendu  contre  les  difpofitions  précifes  de  l'ordon- 
nance de  1539  ,  article  4  ;  de  l'édit  d'Amboife  , 
anicle  a  i  de  l'ordonnance  de  Rouffillon  ,  article  , 


PRINCIPAL. 

22  ;  de  celle  de  Moulins  ,  article  29  ;  de  celle  ds 
Blois  ,  article  58  ,  de  l'édk  de  Melun  ,  article  22  ; 
de  l'édit  du  mois  de  février  1678  ,  qui  veulent  tous 
que  les  juges  d'églife  connoiffent  des  procès  cri- 
minels des  eccléfiaftiques,&  qu'ils  foient  renvoyés 
é&\nm  eux,  pour  être  l'infiruâion  faite  conjointe- 
ment pour  les  cas  privilégiés  ,  tant  parles  juges 
d'egliie  que  par  les  juges  royaux.  Cependant,  par 
arrêt  du  confeil  d'état  rendu  au  rapport  de  M. 
Qiauvelin  de  Beauféjour ,  Is  27  mai  1709,1!  a 
été  mis  néant  (ur  fa  requête. 

Les  fondions  des  Principaux  &  procureurs  de 
collèges  font  incompatibles  avec  tout  bénéfice  fitué 
hors  de  Paris  &  qui  demande  réfidence.  L'univer- 
fité de  Paris  avoit  déjà  étabU  cette  incompatibilité 
par  fon  règlement  du   20  feptembre  1577.  «c  Es 
»  charges  de  fupérieurs ,  fénieurs  ,  maîtrifes ,  prin- 
»  cipautés  &  fous-maîrrifes  ,  ne  pourront  être  élug 
»  ni  inftitués  gens  pourvus  de  bénéfices  qui  auront 
«   charge  d'ames  &  requièrent  réfidence,  &:  que  fi  , 
»  après  qu'ils  auront  été  pourvus  defdites  charges , 
»  ils  viennent  à  être  pourvus  defdits   bénéfices  , 
»  elles    demeureront  vacantes   &    impctrables  ". 
Règlement  de  l'univerfité  ,  année  1577.  Le  règle- 
tneut  de  l'univerfité  à  cet  égard  fut  confirme  par 
l'article  -j-j  de  l'ordonnance  de  Blois,  qui  porte, 
'»  qu'aux  charges  de  fupéî leurs,  fénieurs  &  maîrri- 
)>  (es ,  de  quelque  collège  que  ce  foit ,  ne  pourront 
'»  être  élus  ni  infittués  gens  pourvus  de  bénéfices 
»  qui    auront  charge   d'ames  &   requerro;;t   réfi- 
«  dence  ;  &  fi ,  après  qu'ils  auront  été  élus  &  ponr- 
>»  vus  defdites  charges,  ils  étoient  pourvus  de  bé- 
»  néfices  de  la  qualité  ci-deffus,  déclare  lefdites 
>i  charges  vacantes  &  impéfrabics ,  fans  quih  les 
»  puirfent  réfigner ,  fi  ce    n'efi  qu'ils  foient  pour- 
»  vus  de  bénéfices  étant  dedans  les  villes  où  font 
»  lefdites  univerfitès,  ou  hors  d'icelles,  en  telle 
I)  diflance  qu'on  y  puiffe  aller  en  un  jour  ». 

Depuis  ce  temps,  les  arrêts  ont  jugé  conformé- 
ment à  la  difpofition  de  l'ordonnance  de  Blois.  Par 
un  arrêt  du  14  aTril  1639  ,  que  rapporte  Barc'et  , 
le  parlement  débouta  les  nommés  Duboft  &  Claude 
Jan  ,  le  premier  curé  dans  le  diocèfe  de  Sécz,  & 
le  fécond,  chanoine  de  la  cathédrale  de  la  même 
ville  ,  de  leurs  prétentions  fur  la  principaliré  du 
collège  de  Séez  ,  fondé  rue  de  la  Harpe  à  Paris  , 
&  ordonna  que  l'évêquey  nommeroit  quelqu'un 
qui  y  feroit  une  réfidence  aâuelle. 

Un  fieur  Bonnedame  ,  chanoine  de  Noyon  ,  fut 
nommé  Principal  &  procureur  du  collège  d'Inville 
à  Paris ,  proche  S.  Cômc  :  il  étoit  réputé  préfent 
à  fon  canonicat,  comme  député  de  fon  diocèfe  à 
la  chambre  des  décimes.  Cependant  la  cour,  par 
arrêt  du  15  décembre  1716,  lui  enjoignit  de  faire 
fon  option  dans  trois  mois  ,  faute  de  quoi  la  prin- 
cipaliré feroit  déclarée  vacante.  Par  cet  arrêt ,  la 
cour  fit  un  règlement  portant  défenfesà  tous  Prin- 
cipaux ,  procureurs,  régens  de  collèges  de  l'uni- 
verfitc  ,  de  pofféder  aucun  bénéfice  requérant  ré- 
fidence. 


PRISE. 

L'article  77  de  l'ordonnance  de  Blois  met  une 
exception  à  la  règle  générale  qu'il  établit  ;  il  permet 
aux  Principaux  de  pofféder  des  bénéfices  qui  re- 
quièrent réfidence  ,  lorfqu'ils  font  fitués  dans  les 
villes  mêmes  où  font  les  univerfités.  C'eft  pour- 
quoi il  n'eft  pas  défendu  aux  Principaux  de  poffé- 
der des  canonicats  dans  le  lieu  de  leur  réfidence. 
Sur  ce  fondement ,  il  a  été  jugé  que  la  principalité 
du  collège  de  Treguyer  ,  ou  des  trois  évéchés ,  ou 
de  Cambrai  ,  n  éioit  pas  incompatible  avec  une 
chapelle  de  faint  Honoré  de  Paris ,  qui  requiert 
ré/îdence.  La  fondation  de  cette  chapelle  oblige  le 
chapelain  à  réfider  &  à  aflifter  à  tous  les  offices  pour 
lefquels  il  y  a  des  diftributions.  L'arrêt ,  qui  eu  du 
28  mai  1732  ,  permit  au  fieur  Hubert ,  pourvu  de 
cette  chapelle  ,  de  conferver  la  principalité. 

Mais  le  parlement  n'a  point  étesdu  la  faveur  de 
cette  exception  jufqu'aux  cures  ,  quoiqu'elles  fuf- 
fent  fituées  dans  le  lieu  même  où  eft  établie  l'u.Ti- 
verfité.  Il  a  eûimé  que  les  cures  demandant  tous 
les  foins  du  pafteur ,  étoient  incompatibles  avec 
les  principautés  de  collèges.  On  trouve  un  arrêt 
du  17  décembre  1703  ,  rapporté  au  journal  des 
audiences,  qui  ordonne  qu'un  eccléfiaftique  ,  prin- 
cipal du  coUige  de  Montdidier  ,  opteroit  entre  fa 
place  de  Principal  &  une  cure  de  la  ville  qu'il  pof- 
iedoit. 

Et  par  un  arrêt  plus  récent  rendu  en  forme  de 
règlement  le  6  feptembre  1784  ,  la  cour  a  ordonné 
qu'aucun  de  ceux  qui  exerceroient  les  places  de 
Principal ,  profefleur  &  régent  ,  même  dans  les 
pédagogies  ,  ne  pourroient  réunir  à  de  pareilles 
Xoiis^ions  le  titre  de  curé  ou  de  vicaire.  Cet  arrêta 
été  envoyé  aux  bailliages  &  fénéchauffees  du  reflbrt, 
ain/i  qu'aux  bureaux  d'adminiftration  des  collèges  , 
pour  être  infcrit  fur  leurs  regiftres  ,  &C  notifié  par 
ces  bureaux  aux  profeffeurs  &  régens. 

Il  y  a  des  évêques  qui  ont  le  droit  de  nommer 
aux  principautés  &  aux  bourfes  des  collèges.  Cho- 
pin ,  de  poiitiâ  eclefiaf,  tit.  5  ,  n.  5  ,  dit  qu'on  pré- 
tendit ,  de  fon  temps ,  que  ce  droit  ,  pendant 
la  vacance  du  fiège,  appartenoit  au  roi  en  vertu 
de  la  régale.  La  queftion  s'éleva  pour  la  principa- 
lité du  collège  de  Reims  ,  fondé  dans  l'univcrfité 
de  Paris.  Le  roi  y  pourvut  en  régale  pendant  la 
vacance  du  fiège  ,  &  le  chapitre  de  l'églife  de 
Reims  y  nomma  de  fon  côté.  M.  de  Thou  ,  qui 
porta  la  parole  dans  l'affaire ,  donna  fes  conclu- 
fions  en  faveur  du  nommé  par  le  chapitre  de  la  mé- 
tropole. 11  n'intervint  point  d'arrêt  ,  parce  que  les 
parties  s'accommodèrent;  &  le  nommé  par  le  cha- 
pitre demeura  en  poffeffion.  Mais  il  eft  évident  que 
le  droit  de  la  régale  ne  s'étendant  qu'aux  feuls  bé- 
néfices ,  &  les  principalités  ne  pouvant  être  regar- 
dées comme  des  bénéfices  ,  le  régaliffe  n'étoit  nul- 
lement fondé  en  droit 

(  Articlt  de  M.  Cabbi  Lavsry  ^  avocat  au  par- 
lement ), 

PRISE.  On  appeloit  ainfi  autrefois  ce  qu'on  pre- 
noit  d'autorité  chez  les  particuliers  ,  pour  l'ufage  & 


PRISE.  4^1 

le  fervîce  du  roi ,  de  la  reine ,  des  princes  ÔC  de 
leurs  principaux  officiers. 

On  enteiidûit  aiiffi  par  le  terme  de  Prïfe ,  le 
droit  d'ufer  de  cette  liberté. 

On  faifoit  des  Prifes  de  vivres  ,  de  chevaux  Sc 
de  charrettes,  non-feulement  pour  le  roi,  la  reine 
&  leurs  enfans,  mais  enccre  pour  le  connétable  , 
les  maréchaux  6c  autres  ofliciers  du  roi  ;  pour  les 
maîtres  des  garnifoijs  ,  les  baillis  ,  les  receveurs  p 
les  commiffaires. 

Mais  le  peuple  ayant  accordé  une  aide  au  roi, 
CCS  Prifes  furent  interdites,  excepté  pour  Je  roi  , 
la  reine  Scieurs  e.fans,  ou  p<âur  la  néceffité  de 
la  guerre. 

Quelques  perfonnes  étoient  exemptes  du  droit 
de  Prife  ,  comme  les  officiers  de  la  monnoie  &  fes 
changeurs ,  les  albalêtriers  de  la  ville  de  Paris  , 
les  Juifs. 

Les  provifions  dcffinées  pour  Paris ,  les  chevaux 
&  les  équipages  des  marchands  de  poiffon  Se  de 
marée,  étoient  auffi  exempKs  de  Prifes. 

Le  droit  de  Prife  n'avoir  pas  lieu  non  plus  dan» 
la  Bourgogne  ,  ni  dans  quelques  autres  endroits  , 
au  moyen  des  exemptions  qui  leur  avoient  été  ac- 
cordées. 

On  défendit  fur-tout  de  faire  aucune  Piife  dans 
la  ville  Ôc  vicomte  de  Paris ,  à  moins  de  payer  fur- 
ie-champ ce  qu'on  prendroir  ,  attendu  que  dans 
ce  lieu  on  trouve  toujours  des  provifions  à  acheter. 

Le  roi  Jean  ordonna  ,  en  1355,  qu'on  ne  pour- 
roit  plus  faire  de  Prife  de  blé  ,  de  vin ,  de  vivres  , 
de  charrettes  ,  de  chevaux ,  ni  d'autres  chofes  , 
pour  le  roi ,  ni  pour  quelque  perfonne  que  ce  fur  ; 
mais  que  ,  quand  le  roi,  la  reine,  ou  le  duc  de 
Normandie  (cV/oir /<  <fiî///?Af/2  ),  feroient  en  route 
dans  le  royaume  ,  les  maîtres  d'hôtel  pourroient  , 
hors  des  villes  ,  faire  prendre  par  la  juftice  des 
lieux  ,  des  bancs  ,  tables  ,  trctaux  ,  des  lits  de  plu- 
mes ,  coiiflîns  ,  de  la  paille,  s'il  s'en  trouvoit  de 
battue,  &  du  foin  ,  pour  le  fervice  &  la  provifiori 
des  hôtels  du  roi,  de  la  reine  &  du  duc  de  Nor- 
mandie ,  pendant  un  jour  ;  qu'on  pourroit  auffi 
prendre  les  voitures  néceffaires  ,  à  condition  qu'oa 
ne  les  retiendroit  qu'un  jour  ,  &  qu'on  payeroit  le 
lendemain  au  plus  tard  le  jufte  prix  de  c«  qui  au- 
roit  été  pris. 

Par  la  même  ordonnance,  il  autorifa  ceux  fur 
qui  on  voudroit  faire  des  Prifes,  à  les  empêchée 
par  voie  de  fait ,  &  à  employer  la  force  pour  re- 
prendre ce  qu'on  leur  auroit  enlevé;  &  ,  s'ils  n'é- 
toient  pas  affez  forts ,  ils  pouvoient  appeler  à  leur» 
fecours  leurs  voifins  &  les  habitans  des  villes  pro- 
chaines ,  lefquels  pouvoient  s'affembler  par  cri  ou 
autrement,  mais  fans  fon  de  cloches;  &  néanmoins 
depuis  cela  même  fut  autorifé. 

11  étoit  permis  de  conduire  les  preneurs  en  pri- 
fon,  &  de  les  pourfuivre  en  juftice  civilement; 
&  ,  en  ce  cas  ,  ils  étoient  condamnés  à  rendre  le 
quadruple  ds  ce  qu'ils  avoient  voulu  prendre  ',  oa 


^6ji  PRISE. 

pouvolt   même    les  pourfuivre   criminellement  » 
comme  voleurs  publics. 

Ces  preneurs  ne  pouvoient  être  mis  hors  de 
prifon  ,  en  alléguant  qu'ils  avoient  agi  par  ordre 
de  quelque  feigneur,  ni  en  faifant  ceflion  de  bien. 
On  ne  les  lailîbit  fortir  de  prifon  qu'après  qu'ils 
avoienr  reftitué  ce  qu'ils  avoient  pris  ,  &  qu'ils 
avoient  payé  l'amende  à  laquelle  ils  étoient  con- 
damnés. 

On  faifoit  le  procès  aux  preneurs  devant  les  ju- 
ges ordinaires  des  plaignans  ,  &  le  procureur  du 
roi  faifoit  ferment  de  pourfuivre  d'office  les  pre- 
neurs qui  viendroient  à  fa  connoiflance. 

Il  fut  encore  ordonné  par  le  roi  Jean,  dans  la 
même  année  ,  que  tandis  que  l'aide  accordée  par 
les  trois  ctats_,  d'Auvergne  auroit  cours  ,  il  ne 
feroit  point  fait  de  Prilc  dans  ce  pays  ,  ni  pour 
l'hôtel  du  roi ,  ni  pour  celui  de  la  reine  ,  ni  pour  le 
connétable  ou  autres  officiers.  Ainfi  l'aide  étoit  ac- 
cordée pourfe  rédimer  du  droit  de  Prife. 

Les  gens  des  hôtels  du  roi ,  de  la  reine ,  de 
leurs  enfans  &  des  autres  perfonncs  qui  avoient 
droit  de  Prife,  connoiflbient  des  contcilations  qui 
arrivoient  à  ce  fujet. 

Préfentement ,  le  roi  &  les  princes  de  fa  mai- 
fon  font  les  feuls  qui  puiffent  ufer  du  droit  de 
Prife  ,  encore  n'en  ufent  ils  pas  ordinairement  ,  fi 
ce  n'eft  en  cas  de  néceflîté ,  &  pour  obliger  d« 
fournir  des  chevaux  &  chariots  néceflaires  pour 
leur  fervice. 

Prise  ,  fe  dit  en  termes  de  jurifprudence  mari- 
time, d'un  navire  pris  fur  les  ennemis. 

Suivant  l'article  premier  du  titre  9  da  livre  3  de 
l'ordonnance  de  la  marine  ,  du  mois  d'août  i68i  , 
perfonne  ne  peut  armer  de  vaiffeau  en  guerre  , 
ians  une  comniiiTion  de  l'amiral  de  France. 

L'article  2.  veut  que  celui  qui  a  obtenu  une  com- 
miflion  pour  équiper  un  vaiiTeau  en  guerre  ,  la 
fafle  cnregiftrer  au  greffe  de  l'amirauté  du  lieu  où 
il  doit  faire  fon  armement ,  &  qu'il  donne  caution 
de  la  fommc  de  quinze  mille  livres  ,  pardevant  le 
lieutenant  de  l'amirauté  »  en  préfcncc  du  procu- 
reur du  roi. 

Ce  cautionnement  eft  une  fureté  que  le  légifla- 
teur  a  voulu  donner  au  public ,  au  fujet  des  abus 
&  malverfations  que  peuvent  commettre  les  arma- 
teurs ou  leurs  gens. 

Il  femble  ,  par  les  difpofitlons  de  la  loi  qu'on 
▼ient  de  rapporter,  qu'un  armateur  n'eft  refponfa- 
ble  des  délits  des  gens  de  fon  vaifleau  ,  que  juf- 
qu'a  concurrence  de  quinze  mille  livres  ;ajais  des 
réglemens  pofiérieurs  ,  &  particulièrement  ceux 
des  23  ju'.ller  1704  &  21  oélobre  1744,  ont  dé- 
cidé qu'un  armateur  eft  tenu  indéfiniment  de  tous 
l.s  dommages  &  intérêts  réfultans  des  délits  des 
gens  de  foji  vai/Teau ,  &  des  Prifes  irrégulières 
qu'ils  peuvent  faire. 

Il  eft  dc;f=ndu  ,  par  l'article  3  ,  à  tout  François , 
fous  peine  d  être  traité  comme  pirate  ,  de  prendre 
çommiflion  d'aucune  puiflancç  étrangère  ,  pour 


PRISE. 

armer  des  vaifteaux  en  guerre  ,  &  courir  les  mers 
fous  la  banière  de  cette  puiflance  ,  à  moins  que  ce 
ne  foit  par  la  permiflion  du  roi. 

L'article  4  déclare  de  bonne  Prife  tous  les  vaif- 
feaux  appartenans  aux  ennemis  de  l'état  ou  com- 
mandés par  des  pirates  ,  forbans  ou  autres  gens 
courant  la  mer  fans  commiftlon  d'aucun  prince  ni 
état  fouverain. 

Tout  vaifleau  combattant  fous  un  autre  pavillon 
que  celui  de  l'état  dont  il  a  commiffion,  ou  quia 
commiifion  de  deux  différentes  puiffances  ,  eft 
aufli  déclaré  de  bonne  Prife  ;  &  s'il  eft  armé  en 
guerre  ,  le  capitaine  Si.  les  officiers  doivent  être 
punis  comme  pirates.  Telles  font  les  difpofitions 
de  l'article  5. 

C'eft  pour  la  pleine  exécution  de  cette  loi  , 
qu'une  ordonnance  du  17  mars  1696  a  défendu 
aux  capitaines  commandant  les  vaiffeaux  du  roi  , 
&  aux  armateurs,  de  tirer  le  coup  de  fcmonce  ou 
d'affurance  fous  un  autre  pavillon  que  celui  de 
France  (1). 

Mais  comme  l'équipage  d'un  navire  eft  obligé 
d'obéir  au  commandant ,  le  roi  a  rendu,  le  i8jum 
1704,  une  autre  ordonnance  qui  difpenfe  les 
équipages  des  peines  prononcées  par  l'ordonnance 
du  17  mars  1696  (2). 


(l)  Vtici  cette  ordonnance  : 

Sa  Biajedé  étant  informée  4ue  plufieur]  capitaines  dt  Ces 
vailTeaux  arméj  en  courfe,  fe  font  un  ufage  de  tirei  le  coup 
de  fenionce  ou  d'afliirancc  fous  pavillon  étranger ,  quoique 
ce  procédé  foie  contraire  i  la  foi  publique,  à  l'honneur  du 
pavillon  François  &  aux  ordonnances  ,  pariiculiérement  à 
celle  de  icSi  ;  à  quoi  fa  majefté  defirant  pourvoir,  enforte 
'^ue  les  vaifleaux  des  princes  neutres  ou  de  leu's  fujets  ne 
puifTcnc  être  induits  en  erreur  par  cette  manteiivre  ,  ni  les 
corfaires  françois  j'en  faire  un  moyen  pour  les  engager  au 
combiT ,  en  vue  de  les  faite  déclarer  de  bonne  Prife  ;  fa  mi- 
jefté  a  ordonné  &:  ordonne  que  tous  capitaines  ccmnaandanc 
fe«  vaiffeaux  ,  ou  ceux  armés  en  courfe  par  fes  fujets ,  feronc 
tenus  d'arborer  pavillon  François  avant  le  coup  d'alTurance 
ou  de  fcmonce  ;  leur  fait  fa  majefté  très-expreffes  inhibition» 
&  défcnfes  de  tirer  fous  pavillon  étranger,  à  peine  d'cire  pri- 
vés ,  eux  &  leurs  armareurs ,  de  tout  I»  provenu  de  la  Piife  , 
qui  fera  confifquée  au  profit  de  fa  majefté,  fi  le  vaifleau  cil 
jugé  ennemi  ;  &  en  cas  que  le  vaifTeau  prii  foit  jugé  neutre  , 
les  capitaines  &  armateurs  fetont  condamnés  aux  d.'pens , 
doHimaget  &  încététs  des  propriétaires.  Mande  fie  ordonne  f* 
majefté  à  M.  le  comte  de  Touloufe  ,  amital  de  France  ,  ic 
aux  officiers  de  l'amirauté  de  tenir  la  main  à  l'éxecution  de  la 
préfenie  ordonnance,  qui  fera  lue,  publiée  &  regiftiée  par- 
tout où  befoin  fera  ,  à  ce  qu'aucun  n'en  ignore,  Fait  à  Vet« 
failles  le  17  mars  jf^e. 

Signi,  LOUIS.  Et  plus  bat,  PhelypeaUX. 

(i)  Cettt  ordonnance  ,du  i  S  juin  I704,  efl  d'mfi  conçue  : 

Sa  majefté  s'étan:  fait  repréfenter  l'ordonnance  du  17  mari 
1696,  par  laquelle  elle  a  enjoint  aux  capitaines  des  vaif- 
feaux armés  en  courfe  par  fes  fujets  ,  d'arborer  le  pavillon 
ftan^ois  avant  de  tirer  le  coup  d'affurance  ou  de  femoiiCe  ,  i 
peine  ,  contre  le»  contrevenans ,  leurs  armateurs  &  équipa- 
ges ,  d'crre  pfivéj  de  la  Ptile  ,  qui  feroit  conMquée  i  fon  pro- 
fit; elle  auroit  eriiiv.é  jufte  de  difpenfer  les  équipages  de  la 
peine  ;  attendu  qu'ils  n'ont  aucune  part  à  la  faute  ,  5c  qu'ili 
font  oblig;s  d'obéir  à  leur  capitaine.  Et  voulant  y  pourvoir  , 
fa  iiiajeUc,  en  inteiptttant  /adiré  ordonnance  du  17  marj 
16 f  6  ]  a  ordonaé  ai  ordonne,  vcutJC  çnicnd  i^ue  les  équipa- 

L'articls 


PRISE. 

L'artkle  6  déclare  encore  de  bonne  Prifo  î^g 
vairteaux  avec  leur  chargement ,  dans  lefquels  il 
ne  fe  trouve  ni  charte  partie,  ni  connoiflement , 
ri  faé^iire.  La  même  loi  défend  aux  capitaines, 
oiîiciers  &  équipages  des  vaiffaux  preneurs  ,  de 
Ibuftraire  ces  pièces  ,  fous  peine  de  punition  cor- 
porelle. 

Il  n'y  a  que  les  pièces  indiquées  pat  cet  arti- 
cle qui  pulflent  juflifier  que  les  marchandites  ré- 
clamées par  des  François  ou  par  les  fujets  des 
puiiTances  neutres,  leur  appartiennent.  C'eft  con- 
formément à  cette  règle,  que  par  arrêt  du  ai 
janvier  1693  ,  rendu  au  profit  du  capitaine  Ca- 
barrus ,  contre  un  marchand  François  qui  técla- 
nioit  des  niarchandifes  qu'il  difoit  avoir  été  char- 
gées pour  fon  compte  fur  le  navire  le  Rédempteur 
du  A/o/z(/e  ,  le  confeil  a  jugé  qu'un  livre  de  fous 
tord  ne  pouvoit  par  tenir  lieu  du  double  du  con- 
noiflement dont  le  marchand  étoit  porteur,  lorf- 
que  ce  double  ne  fe  trouvoit  pointa  bord. 

Il  y  a  plus  ;  comme  les  pièces  en  forme  trou- 
vées à  bord  pourroient  avoir  été  concertées  en 
ftaude,  le  confeil  a  ordonné,  par  arrêt  du  2.6  oc- 
tobre 1692 ,  que  les  dépofitions  contraires  des 
gens  de  l'équipage  prévaiidroient  à  ces  pièces  (i). 


ges  des  vaifTeauic  cotfaires  qui  auront  fait  quelques  Prifes  , 
«•j>rè«  avoir  tiré  le  coup  d'aflurance  ou  de  (emoncc  fous  un 
pavillon  ennemi ,  ou  quelque  autre  que  ce  Toit  que  celui  de 
îrance ,  ne  feront  point  privés  de  la  part  qu'ils  auront  à  la 
Piife,  fuivant  leur  convention  avec  les  armateurs,  &  feront 
traités  de  même  que  fi  elle  étoit  adjugée  auxJits  armateurs  : 
voulant  qu'au  furplus  la  lire  ordannance  foit  exécutée  félon 
fa  forme  &  teneur.  Mande  fa  majefté  à  M.  le  comte  de  Tou- 
loufe  ,  amiral  de  Ftrnce  ,  de  tenir  la  main  i  l'exécution  de  la 
ptéfente  ordonnance  ,  &  aux  officiers  de  l'amirauté  ,  de  la 
faire  publier  &  afficher  par-tout  où  belbin  fera  ,  à  ce  que  per- 
fonne  n'en  ignore.  Fait  à  Verfaillcs  le  i  8  juin  1704. 
S\gné,  LOUIS,  £tp/ujt(jj ,  Phelypeaux. 

(i)  Voici  ctt  arrêt  : 

Le  roi  étant  informé  que  ,  par  arrêt  du  ao  feptembre  1691  , 
îl  auroit  été  fait  main-levée  du  vaiffeau  la  Notre  Dame  du 
Pilier  ,  &  dtfs  marchaudifes  de  fon  chargement,  fondé  fur  ce 
qu'il  s'y  eft  trouvé  un  paflc-port  du  roi  de  Portugal ,  âc  un 
connoiffement  qui  porte,  que  les  marchancilfcs  dont  il  y  eft 
fa't  mention  ont  été  chargées  à  Lisbonne  pour  le  compte  & 
rifque  d'un  marchand  Portugais,  quoique  par  l'interrogaroire 
des  officiers  principaux  duflit  vailTjau  ,  il  partit  que  ieidites 
marchandifes  é;oient  pour  le  compte  des  marchands  Often- 
dùis  ou  Hollandois  ;  ce  qui  donnoit  lieu  d'adjuger  aux  arma- 
teurs la  cargiifon  Se  le  vaifleau  ,  fuivant  les  articles  j  Se  2.4. 
de  Fordonnance  de  is^o,  au  titre  des  Prifes.  Et  comme  cette 
main  levée  eft  également  contraire  aux  intentions  de  fa  ma- 
jcftc  &  au  bien  de  fon  fervice  ;  que  même  il  ne  feroit  pas 
jufte  que  des  connoillemens  &  autres  atJes  ,  fouvent  con- 
cettés  pour  favorifer  le  commerce  des  ennemis  ,  iirévaiudent 
aux  dépofitions  des  officiers  &  marelots  des  vaifïeaux  pris  , 
qui  feuls  peuvent  cclaircir  la  vérité  &c  découvrir  la  fraude  :  vu 
iedit  arrêt  du  20  feptembre  Jfiyi,  lefd/ts  arrirles  7  &:  24  de 
l'ordonnance  de  i^Si  ,  fa  majefté  étant  en  fon  confeil ,  fans 
s'arrêter  audit  arrêt  du  14  feptembre  iéjî.  ,  en  ce  qu'il  a 
donné  niain-lcvéedudit  vaiffeau  5:  de  partie  des  marchandi- 
fes de  fon  chargement  ,  a  déclaré  le  tout  de  bonne  Pfîfe  ; 
Ordonne  qu'il  ff  ra  vendu  ,  &  le  prix  en  provenant  délivré  au 
f^cur  delà  B.ndeliêre  &  conforts ,  à  la  véferve  du  dixième  du 
C«ur  comte  de  Touloufe,  amiia]  de  f  raxice  *,  qui  fera  payé 
Tonc  XIJI, 


PRISE.  635 

P'oyes^  au  furplus  le  règlement  du  26  juillet  1778 
concernant  la  navigation  des  bâtimens  neutres ,  que 
nous  avons  rapporté  à  l'article  NaviGATION- 

Tous  les  navires  qui  fe  trouvent  chargés  d'effets 
appartenant  aux  ennemis  de  l'état ,  &  les  marchan- 
diies  des  fujets  du  roi  ou  des  puiffances  alliées 
ou  neutres  qui  fe  trouvent  dans  un  vaifTeau  en- 
nemi ,  doivent  pareillement  être  déclarés  de  bonne 
Prife.  C'eft  ce  que  porte  l'article  7. 

Lorfqu'un  navire  françois  eft  repris  fur  les  en- 
nemis après  avoir  demeuré  pendant  vingt-quatre 
heures  entre  leurs  mains  ,  la  prife  en  doit  être 
déclarée  bonns  en  faveur  du  preneur  (i)  ;    mais 

au  receveur  de  Ces  droitjj  &  «[u'à  !a  délivrance  les  dépofitai- 
res  feront  contraints ,  &.''moytnnant  ce  ,  bien  &;  valablemenc 
déchargés.  Veut  fa  niajellé  que  les  articles  7  &."  24  de  l'ordon- 
nance de  i68l ,  au  titre  des  Piifcs  ,  foient  exécutés  fans  au- 
cune modération  ni  reftridion  ,  Se  que  pleine  &:  entière  for 
foit  ajoutée  aux  dépofitions  des  capitaines  ,  matelots  &:  offi- 
ciers des  vaifleaux  pris  ,  s'il  n'y  a  contre  eux  aucun  reproche 
valable  propofé  par  les  réclamateurs ,  ou  quelque  preuve  de 
fubornaiion  Se  de  fédudion.  Défend  fa  niajefté  aux  capitai- 
nes des  vaifleaux  preneurs  ,  &  aux  armateurs  ,  leurs  conforts  » 
&  tous  autres  ,  d'ufcr  d'aucunes  menaces,  voies  de  fait,  ni 
violences  contre  les  officiers  &  matelots  des  vaifTsaux  pris, 
fous  peine  de  punition  corporelle  :  enjoint  aux  officiers  des 
amirautés  d'en  informer  fur  la  plainte  qui  leur  en  fera  faite 
par  les  réclamateurs ,  fous  peine  d'interdiQion.  Et  fera  le 
préfent  artèt  lu  ,  publié  &  enregiftré  aux  fièges  des  amirau- 
tés ,  à  la  diligence  du  procureur  de  fa  majefté  en  iceilcs,  à 
eux  enjoint  t^d'en  certifier  dans  le  mois  le  fecrétaire  d'état 
ayant  le  département  de  la  mâtine.  Fait  au  confeil  d'état  du 
roi ,  tenu  à  Verfaillcs  le  16  oûobre  1^9:. 

Signé,  Phei  YPEAUX. 

(i)  Ohferve{  (jueji  les  reprifes  font  faites  par  les  vaiffcavx  ^ 
frégates  (y  autres  bâtimens  du  roi,  ilfivt  Je  conformer  à  l'or' 
donntnce  du  15  juin  1779,  que  nous  allons  rapporter. 

Le  roi  s'étant  fait  repréfenter  fon  ordonnance  du  iS  mars 
de  l'année  dernière,  concernant  les  Prifes  faites  en  mer  par  fes 
vaiffeaux  ,  frégates  &  autres  bârimens  de  j;uerre  ,  par  laquelle 
la  majefté  a  bien  voulu  faire  aux  états  majors  &  équipages  de^ 
vailTeaux  preneurs  ,  l'abandon  de  la  totalité  des  b.itimens  de 
guerre  Se  cotfaires  enlevés  fur  fes  ennemis ,  &  des  deux  tiers 
du  produit  des  navires  marchands  ;  fa  luajeflé  auroit  reconnu 
qu'elle  n'a  rien  ftatué  par  cette  ordonnance  fur  les  reprifcs 
qui  feroient  faites  par  lefdits  vaiffeaux  &  frégares  ;  &  elle  a 
jugé  néceflairc  de  faire  connoîtrc  fes  intentions  à  ce  fujet ,  en 
fe  réfetvant  d'accorder  aux  équipages  de  Ces  vaifleaux  &  fré- 
gates telle  gtatification  qu'il  appartiendra  ,  fur  le  prix  defdir;s 
reprifes  Si  de  leur  cargaifon  ,  lefquelles  continueront  d'ap- 
partenir &  d'être  adjugées  à  fa  majefié  ,  comme  par  le  paflt. 
Elle  a  ordonné  &  ordonne  que  les  réglemens  concernant  'a 
recoufTe ,  continueront  d'être  obfcrvés  fuivant  leur  forme  &c 
teneur;  en  conféquence,  lorfque  les  navires  de  fes  fgjeis  au- 
ront été  repris  par  les  cotfaires  armés  en  couife  contre  les 
ennemis  de  l'état,  après  avoir  été  vingt-quatre  heures  erj 
leurs  mains ,  ils  leur  appartiendront  en  totalité;  mais  dan; 
le  cas  cù  la  reprifc  aura  ct«  faite  avant  les  ving  -quatre  heu- 
res ,  le  droit  de  tecoufle  ne  fera  que  du  tiers  de  la  valeur  dtf 
navire  recous  Se  de  fa  c.;rgaifoD.  En  ce  qui  concerne  les  re- 
prifes faites  par  les  vaifleaux  ,  frégates  ou  autres  bâtimens  de 
faniajefté,  le  tiers  fera  adjugé  à  fon  piofit  pour  droit  dç 
recouffe  ,  fi  elle  eft  faite  dans  les  vjng.tquatre  heures  ;  5c 
après  ledit  délai ,  la  reprife  fera  adjugée  en  totalité  à  fa  ma- 
jefté  ,  coinmc  par  le  paffé  ,  fans  que  les  états  majors  defdirt 
vaiffeaux  ic  frégates  puiffcnt  y  rien  prétendre  ;  fe  rcfervant  Cà 
majefte  d'accorder  aux  équipages  une  gratification  prcpot- 
Ùonnée  à  la  valeur  du  bâtiment  repris  &  de  fa  carg,iifon  , 

LUI 


^34  PRISE. 

fi  la  reprire  seft  faite  avant  les  vingt-quatre  Iieu- 
res  ,  le  navire  repris  doit  être  reftirué  ?.u  proprié- 
taire avec  tout  ce  qui  étoit  dedans,  à  la  rélerve 
eu  tiers  qu'on  doit  donner  au  navire  qui  a  fait  la 
recoiifTe. 

M.  Vallin  a  relevé  à  ce  fiijet  une  bévue  bien 
grOiT'ére  de  l'auteur  du  commentaire  de  l'ordon- 
nance de  la  marine  imprimée  à  Paris  en  1757.  Cet 
écrivain  cntendoit  fi  peu  la  matière  qu'il  traitoit , 
fj'ïi'il  s'eft  avifé  de  dire  que  fila  reprife  d'un  vaif- 
ieau  f'-ançois  avoit  lieu  avant  les  vingt-quatre 
lieures,  le  vàiflTeau  &  tout  ce  qui  étoit  dedans  de- 
vait étie  rejlitué  A  l'ennemi  ^ui    l'avait  pris ,  &c. 

Ils'elt  préfenté  en  matière  de  reprife  ,  une 
queflion  fingulière  ,  dont  l'efpèce  eft  ainfi  rappor- 
tée  p:ir  M.   Vallin. 

n  Un  navire  anglois  a  été  pris  par  un  armateur 
5>  fr3nçois,qui  l'a  gardétrois  jours;  ces  deux  vaif- 
»  féaux  font  pris  enfuite  parim  vaiffeaii  nnglois  qui 
î'  après  16  heures  ,  eft  repris  par  un  fécond 
>?  armateur  françois. 

n  Conteftati(;n  entre  les  de\ix  armateurs  fran- 
"»  çois,  non  pour  le  vaificau  finnçois  prisôi  recoi;s, 
>)  à  régird  duquel  nul  doute  que  îe  fécond  arma- 
»'  teur  ne  foit  borné  au  tiers  pour  fon  droit  de  re- 
>•  coiifle  ;  mais  pour  ja  première  Prifa  angloife  , 
»»  le  premier  armateur  prétendant  qu'elle  lui  ap- 
ï>  partient ,  &  que  le  fécond  n'en  peut  avoir  tout 
»  de  mime  que  :e  tiers  pour  la  recouffe. 

»  Le  fécond  armateur  foutient  au  contraire  ,  que 
n  la  première  Prife  angloife  lui  appartient  en  en- 
^■>  tier  comme  la  féconde,  &  que  le  premier  n'y 
y*  a  aucun    droit. 

"  Raifons  pour  le  premier  armateur.  Dès  qu'il 
f!  a  g»rdé  la  prife  plus  de  vingt-quatre  heures, 
»  elle  lui  a  été  pleinement  acquife^-en  telle  forte 
»  qu'après  ce  délai  le  vailTeau  anglois  a  dû  être 
M  confifJéré  comme  vaifleau  françuis.  D'où  il  fuit 
j»  que  dans  la  recouiTe  il  n'y  a  aucune  différence 
»  à  faire  entre  ce  navire  &  le  fra'nçoi?  ,  l'anglois 
w  qui  les  avoit  pris  tous  deux  ne  l'ayant  pas  gardé 
V  vingt-quatKe  heures. 

»  Inutilement  oppoferoit-on  que  l'arm.ateur  qui 


d'aprcs  ks  connoiflernens  û'  factures  ;   co.Time  auiïï  de  don 
jicr  iux  états  majors  des  vaiffeaux  tjiii  auront  t.iit  les  reprifes  , 
&  qui  auroienc  eu  occafion  de  fe  dillinguer  par  des  aclicns 
de  valeur,  telles  grâces  ou  récompenfes  que  fi  majelté  avi'era 
bon  être  ,  fuivant  les  circonftances. 

Veui  &  ordonne  fa  majefté  que  h  pcfente  ordonnance 
ait  lieu  poux  toutes  les  reprifes  qui  auroient  pu  être  faites  de- 
juis  le  commencernevt  des  hortilit'.'. 

Mande  &:  ordonne  fa  majefté  à  monf.  le  d  jc  de  Penchièvre  , 
amiral  de  France,  aux  vice-amiraux  ,  lieutenans  géné-aux  , 
chefs  d'efcadre,  capitaines  &;  autres  oSciets  de  fes  vaifleaux  , 
tommandant  fes  vailTeaux,  frt'gates  &  autres  bâtimens  ;  auv 
cojiimanclans  des  poris ,  auxintendans  delà  marine  ,  commif- 
fojres  gtntraux  des  pcits  &  arlcnaux  ,  ordonnateurs  ,  aux  offi- 
ciers des  (ièges  d'amirautés,  ôcàtous  autres  qu'il  apparcien- 
cira:,  de  tenir  la  main ,  chacun  en  droit  foi ,  à  l'exécution  de 
k,  préfenté  ordonnance.. 

t'ait  i  VerfaiJles  le  l£Juin  rjyj,  Sis'^  ,  LOUIS,  Et  £lus 
S«.v  DE  SARTIJ^E.. 


PRISE. 

»  fait  une  prife  n'en  ert  véritablement  propriétaire 
»  qu'autant  qu'il  la  conferve  ,  &  qu'après  qu'elle 
»  été  jiig^e  valable.  Ce  n'efl  pas  la  ce  qui  forme 
»  fon  droit  à  la  Prife,  c'efl:  feulement  ce  qui  le 
»  confirme.  Le  droit  eft  acquis  dés  l'inflant  de 
}}   la  Prife. 

»  Raifons  en  faveur  du  fécond  armateur.  Il 
»  n'efl  pas  douteux  que  celui  qui  pofiede  une  chofe 
)>  en  vertu  d'un  titre  qui  lui  a  donné  droit  de  s'en 
i>  emp.irer ,  n'en  ait  acquis  dès  lors  la  propriété  : 
n  ainfi  l'armateur  ayant  été  autorifé  à  faire  la 
•>  Prife  ,  &  par  la  déclaration  de  guerre  ,  &  par 
»  fa  commiffion  ,  il  a  acquis  véritablement  la 
»  propriété  du  navireimais  cette  propriété  n'e.O  pas 
»  incommutable. 

»  Comme  il  a  pu  acquérir  dans  un  quart-d'heure^ 
n  il  a  pu  également  perdre  ;&  c'eft  ce  qui  efl  arri- 

V  vé  par  la  reprife  faite  fur  lui ,  en  quelque  tem^-ts 
»  qu'elle  ait  été  faite. 

»  L'effet  de  la  reprife  eft  tel ,  que  ce  qui  étoit 
»>  auparavant  en  fon  pouvoir  ,  8c  qu'il  poffédoit 
»  légitimement,  a  ceffé  dans  l'inflant  de  lui  ap- 
>»  partenir,  comme  fi  il  n'y^voit  jamais  eu  aa- 
>i  cun  droit.  Ainfi  le  fécond  armateur  qui  reprend 
»  le  premier  avec  la  Prife  qu'il  avoit  faite,  devient 
»  réellement  propriétaire  du  vailTeau  ennemi  que 
)»  l'ennemi  avoit  recouvré,  &  dans  lequel  le  pré- 
)>  mier  armateur  françois  n'avoit  plus  aucun  droit. 

»  Ce  n'eft  pas  le  cas  au  refte  d'examiner  fi  l'en- 
»  nemi  a  gardé  fa  Prife  plus  ou  moins  de  vingt- 
»  quatre  heures  ;  ladiftinilion  n'eft  bonne  que  par 
«  rapport  au  vaifTeau  françois ,  non  que  dans  la 
»  règle  générale  le  délai  de  vingt-quatre  heures 
)i  décide  de  la  validité  ou  de  rinéricacité  de  la 
»  Prife  en  foi;  car  il  n'eft  pas  douteux  que  dans 
»  l'inflant  de  la  Prife  il  ne  fe  fafie  un^vraichan- 
»  gement  de  propriété  ;  mais  c'eft  qu'en  faveur 
»  des  François  il  a  paru  jufle  de  tempérer  la  règle- 
»  par  une  modification  &.  un  arrangement  de  con- 
»  venance  en  bornant  le  droit  de  recoulTe  au  fiers, 
»  la  reprife  étant  faite  avant  les  vingt -quatre 
»  heures. 

»  Que  cet  arrangement  foit  obfervé  avec  exaiii- 
»  rude  ,  à  la  bonne  heure  ;  mais  il  ne  peut  in- 
»  fluer  fur  la  reprife  du  vaifleau  ennemi  que  l'ar- 
»  moteur  françois  avoit  pris  d'abord;  parce  que,, 
n  dans  la  règle,  il  avoit  perdu  tout  droit  furcette 
»  Prife ,  dans  l'inflant  même  que  l'ennemi  la  lut 
)>  avoit  arrachée,  en  le  prenant  lui-même.  Dans 
.)  ces  circonftances,  il  doit  s'eftimer  heureux  que 
)?  le  fécond  armateur  foit  venu  fiire  à  fon  toir 
n  une  reprife    qui   lui    fait  recouvrer  fon  navire 

V  qu'il  avoit  perdu,  fans  autre  charge  que  de 
t>  payer  le  tiers  de  fa  valeur  pour  le  droit  de  re- 
)r  couiTe. 

j)  11  étoit  naturel  que  ces  raifons  du  fécond  ar- 
»  mateur  prévaluffent;  &  en  effet,  la  queftion  tut 
n  décidée'en  fo  faveur  ,  le  2  janvier  1695  ,  au  coa- 
».  feil  des  Prlfes. 

Le.  coafeii  a  rendu  depuis  cette  époaue  div«rs 


PRISE. 

arrêts  des  17  o£iobrc   1705  ,  5  juin  1706  ,  5c  14 
juin  1710,  qui  ont  décidé  de   même. 

Cependant  la  queftion  s'étant  renouvelée  du- 
rant la  guerre  de  17^0,  elle  fut  jugée  en  première 
"inltance  en  faveur  du  premier  armateur:  mais  ce 
jugement  fut  réformé  par  arrêt  d«  confei!  du  5 
novembre  1748  qui  adjugea  la  Prife  en  entier  au 
fécond  armateur    (i). 

(J^  Comm  Cet  une:  jcit  aujjurd'uui  de  règlement ,  noui 
allons  le  rapporter. 

Vu  par  le  toi ,  étant  en  fon  confcil ,  la  requête  préfentée 
par  ks  capitaine  &  armateurs  Ju  corfaire  le  Prince  de 
Conti ,  tendanre  à  «e  qu'il  pîaife  à  fa  majeflé  les  recevoir 
appelans  de  l'ordonnance  du  7  février  1748  ,  qui  a  dklarc 
le  navire  Anglois  le  Mogué  Laniardei  ,  de  bonne  Prife  , 
en  a  adjugé  les  deux  tiers  à  l'armateur  du  corfairï  la  Reine, 
&  l'autre  tiers  à  l'aimateur  du  Prince  de  Cocri ,  pour  droit 
de  recoufle  ;  faifant  droit  fur  ledit  appel  ,  fans  avoir  égaid 
à  ladite  ordonnance  ,  déclarer  ledit  navire  de  bonne  l'riie  , 
au  profit  de  l'armateur  du  corfaire  le  Prince  de  Conrifeul; 
en  conféquence  ,  ocdonnjr  que  le  prix  povenu  de  .'a  vente 
d'icelui ,  enfemble  de  fes  agtèts ,  apparaux  &  marchaniifes 
de  fon  chargement,  lui  fera  tclHtue.  La  refjuéte  de  Jacques 
Perce  du  Coudray,  négociant  à  Saint-Malo,  armateur  du 
corfaire  /j  Reine  ,  tendante  à  ce  qu'il  plai:c  à  fa  majellc- 
dccJjrer  l'annaceur  du  Prince  de  Conti  non  recevable  & 
fublîdiiirement  mal  fondé  dans  fon  appel  ,  dont  il  leta  dé 
bonté.  Ce  faisant ,  ordonner  qne  ladite  ordonnance  fera  exé- 
cutée fuivant  fa  forme  Se  teneur,  avec  domiuges ,  intéicts 
&  d.'pens.  La  procédure  faite  par  les  o:liciers  de  lamiiauté 
de  Saint-Malo  ,  commencée  le  1  3  novembre  1747  ;  l'ordon- 
nance dont  eft  appel ,  duciit  jour  7  février  17+8  ,  &:  tout  ce 
qui  a  été  rerais  par  les  parties  tefpedivement  :  vu  aufli  l  t 
arrêts  du  confeil  des  17  octobre  lyof  ,  ç  juin  1706,  &  14 
juin  I  10  ,  qui  ont  jugé  que  les  vailleaux  ennemis  pris  par 
des  l'iançois  ,  repris  fur  eux.  Se  enluite  rep  is  par  d  autres 
François  ,  appartiennent  en  entier  aux  derniers  preneurs  ;  fie 
<]ue  l'article  S  du  titre  des  Ptifes  de  l'ordonnance  de  I6ii  , 
qui  rend  le  vailTeau  françois  recous  dans  les  ving^t-quatre 
heures  au  propriétaire,  n'a  point  d'application  aux  navires 
appartenans  aux  ennemis  de  l'étar.  Ouï  le  rapport  du  fieur 
comte  de  Maurepas  ,  fecrétaite  d'ctat  ,  ayant  le  département 
de  la  marine;  le  roi  ,  étant  en  fon  conleil  ,  ayanr  égard  à  Ja 
requête  des  capitaine  &  armateurs  du  corlaiic  le  Prince  de 
Cjnti,  faifant  droit  fur  l'appel  par  eux  intetjetl- de  l'ordon- 
raTce  dudit  jour  7  fcvriet  17+8,  &  (ans  s'y  arrêter,  en  ce 
fju'ell»  adjuge  ledit  navire  le  Mogué  L^ndardei,  iz  les  mar- 
cha ndifes  de  fon  chargement ,  audit  armateur  du  corfaire  la 
Reine  ,  en  payant  à  celui  du  corfaire  le  Prince  de  Conti  le 
tiers  du  ptoduit  peur  la  recoufle  ,  ni  à  la  requête  dudit  Perée 
dn  Coudiay.a  ordonné  &  ordonne  i]ue  le  tout  appartiendra 
a  ixdits  capitaine  &  a-mateuts  duJit  cotfaire  le  Prince  de 
Crmn  feuJj,  &  que  le  ;>-Jx  provenant  Je  la  venre  duJit  bât>- 
jment  6c  de  ion  chargement,  leur  leta  remis,  à  la  téferve 
du  dixième  appartenant  à  l'amiral  ,  qui  leta  délivré  au  rece- 
veur de  fes  droits  ;  à  ce  faire  les  fequeltres  Se  dépofitaires 
contraints;  q«Di  faifant,  déchargés.  Enjoint  fa  majellé  aux 
oficieri  de  l'amirauté  de  Saint  Malo  de  tenir  la  m  in  à  l'éxe- 
cution du  préfent  arrêt.  'Veut  6c  entend  fa  majellé  que  les 
Prifcs  des  navire»  ennemis,  faires  par  fes  vatlFeaux  ou  par 
ceux  de  fci  fujets ,  armés  en  courfe  ,  recouffes  par  les  en- 
nemis,  &  cnfuite  teptifes  fur  eux,  appartiennent  en  entier 
au  dernier  prenant;  &  en  cjnféquenre  ,  ordonne  fa  majellé 
que  le  préfent  arrêt  fera  regiftré  zvx  g  cfFes  des  amirautés  du 
royaume,  imprimé  ,  lu  ,  publié  &  a.Hchc  par- tour  ou  befoin 
fera.  Man-lc  &:  ordonne  f  1  majellé  à  M.  le  duc  de  Penthicvre  , 
amiral  de  France,  de  tenir  la  miin  à  fon  exécution.  Fait  au 
confeil  d'état  du  ici  ,  fa  m-ijelté  y  étant,  tenu  â  Fpnuine- 
kleauce  j  novembre  I748.  Signé ^  RQYUiÉ» 


P  R  15  E. 


^3 


I  S'il  arrivoît  qne  1  équipage  d'un  navire  pris  !e. 
délivrât  lui-même  de  l'ennemi,  ce  ne  feroit  pis 
une  reprife  en  vertu  de  laquelle  il  auroit  droit 
d'exiger  ce  navire  après  les  vingt-quatre  heures, 
ou  le  tier-  avant  les  vingt-quatre  heures  ;  mais 
il  feroit  dû  à  cet  équipage  une  récompenfe  pro- 
porrionnée  à  l'importance  de  l'objet.  L'amirraua 
de  Marfciile  l'a  ainfi  jugé  par  fentence  du  8  jan- 
vier 1748,  Au  furplus  ,  une  telle  récompenfe  doit 
être  fupportée  comme  une  avarie  grolTe  6c  com- 
mune. 

Lorfqu'un  navire,  fans  être  repris,  eft abandon- 
né par  les  ennemis  ,  ou  que  ,  par  tempête  ou  autre 
cas  fortuit ,  il  fe  trouve  dan'-,  la  pofrefTion  des  fu- 
jets du  roi  avant  d'avoir  été  conduit  dans  aucun 
port  ennemi,  il  doit  être  rendu  au  propriétaire , 
s'il  le  réclame  dans  l'an  &  jour  ,  quoiqu'il  ait  été 
plus  de  vingt-quatre  heures  entre  les  mains  des 
ennemis.  Telles  font  les  difpofitions  de  l'article  9. 

L'article  10  veut  que  les  navires  &.  effets  des 
fujets  du  roi  ou  des  puiffances  alliées,  repris  fur 
les  pirates  &  réclamés  dans  l'an  &  jour  de  la  dé- 
claration qui  en  a  été  faite  h  l'amirauté  ,  foienc 
rendus  au  propriétaire  ,  en  payant  par  lui  le  tiers 
de  la  valeur  du  vailfeaU  &:  dis  màrchandifes  pour 
frais  de  recouH'e. 

Les  armes,  noudres .  boulets  &  autres  munitions 
de  guerre  ,  m^me  les  chevaux  &  e  juipages  tranf- 
portes  pour  le  fervice  des  ennemis  de  I  état ,  doi- 
vent, fuivant  l'article  11  ,  être  confifqués  ,  en 
quelcpie  vaiiTeau  qu'ils  foient  trouvés  &  à  quel- 
que perfonne  qu'ils  apptrtiennent ,  foit  des  fujets 
du  roi ,  ou  des   puifTances  alliées. 

Tel  a  été  de  tous  temps  le  droit  des  gens,  re- 
lativement à  la  guerre. 

Tout  vailTeau  qui  refufe  d'amener  fes  voiles 
après  la  femonce  qui  lui  ea  a  été  faite  psr  un 
vaiileau  ,  foit  du  roi ,  foit  des  particuliers  ,  armé 
en  guerre  ,  p^ut  y  être  contraint  à  coups  de  canon 
ou  autrement  ;  &  en  cas  de  réfîflance  &  de  com- 
bat, il  doit  être  déclaré  de  bonne  Prife.  Ce  font 
les  difpofitions  de  l'article  ii;  elles  font  fondées 
fur  ce  qu'il  importe  de  vérifier  fi ,  dans  les  vaif- 
feaux  amis  ou  neutres,  il  ny  a  point  de  màrchan- 
difes prohibées  ou  d  autres  effets  appartentins  à 
l'ennemi. 

L'article  13  défend  à  toiit  capitaine  de  vaifTeau 
armé  en  guerre  ,  d'arrêter  les  navires  françoii  ou 
des  fujets  des  puliTances  alliées  qui  ont  amené 
leurs  voiles  &  repréfenté  leur  charte  partie  ou 
police  de  chargement.  Se  d'y  prendre  ou  fouffrir 
qu'il  y  foit  pris  aucune  chofe,  fous  peine  de  la  vie. 

Le  légilîate«r  a  jugé  qu'on  ne  pouvoir  établir 
un^c  peine  trop  févère  pour  réprimer  le  penchant 
naturel  des  corfaires  pour  le  pillage. 

Les  vaiffeaux  pris  par  les  capitaines  qui  oi3t 
commiflîon  étrangère,  ne  peuvent  demeurer  plus 
de  vingt-quatre  heures  dans  les  ports  ou  havres 
de  France ,  à  moin5  qu'ils  n'y  foient  retenus  par  la 
tempête  >  ou  nue  la  Prife  p'ait  été  faite  fur  les  en- 

jLlllij 


6]6  PRISE. 

nemis  de  l'état.  Ces  difpofuions  de  l'article  14  ont 
eu  pour  objet  de  donner  un  afile  aux  vaiffcaux 
des  puilîances  avec  lefquels  on  n'eft  point  en 
guerre  ,  lans  violer  la  loi  de  la  neutralité. 

Lorfque  dans  les  Prifes  amenées  en  FraHce  par 
les  vaifleaux  de  guerre  armés  fous  commiflion 
étrangère,  il  fc  trouve  des  marchandifes  appar- 
lenaiTtes  aux  fujets  du  roi,  on  a  ceux  des  puiflances 
alliées,  celles  des  fujets  du  roi  doivent  leur  être  ren- 
dues, &  les  autres  ne  peuvent  étremifes  en  ma- 
gafia  ni  achetées  par  aucune  perfonne,  fous  quel- 
,  que  prétexte  que  ce  puiffe  être.  C'cft  ce  que  porte 
l'article  i  ^. 

Cette  loi  ne  peut  s'appliquer  qu'au  cas  où  le 
vailTcau  étranger,  qui  eft  obligé  de  fe  réfugier  en 
France ,  a  fait  fa  prife  fur  d'autres  que  fur  les 
ennemis  de  l'état  ;  car  s'il  étoit  queftion  d'une  Prife 
la.Ls  fur  l'ennemi  commun  ,  non  feulement  il  n'y 
auroit  point  de  reiîitution  à  faire  aux  François, 
comme  on  l'a  vu  précédemment ,  mais  encore  tous 
les  effets  de  la  Prife  pourroient  être  librement  mis 
en  nuigafm  ,  &  vendus  comme  tout  autre  effet  de 
pareille  nature. 

Les  formalités  à  obferyer  au  moment  de  la  Prife, 
tour  ce  qui  doit  être  fait  su  iujet  des  papiers  trou- 
vés a  bord  ,  &  des  rançons  des  bâtiniens  pris ,  les 
procédures  qui  doivent  avoir  lieu  après  l'arrivée 
«es  Prifes  dans  les  ports  ,  &c.  ont  été  déterminés 
par  la  déclaration  du  24  juin  1778  ,  enrégiftrée 
>u  parlement  le  24  juillet  fuivant  :  voici  les  difpo- 
fuions qu'elle  contient   fur  ces  objets. 

î>  Article  39.  Auffi-tôt  qu'il  y  aura  quelque 
»  Prife  faite  ,  l'écrivain  prendra  l'ordre  du  capi- 
n  taine,  pour  aller  à  bord  fe  faifir  des  clefs  ,  fceller 
?)  les  écoutillcs,  chambres  ,  coftres  ,  armoires, 
Y)  ballots,  tonneaux  &  autres  choies  fermantes  à 
w  clef  ou  emballées  ,  fans  en  excepter  le  coffre  du 
T)  capitaine  ,  après  toutefois  que  les  papiers,  ainfi 
3>  que  les  hardes  ou  effets  à  fon  ufage,  en  auront 
V  été  retirés  :  ledit  coffre  refiera  à  bord  de  la  Prife, 
3?  fera  partie  de  fon  produit. 

w  40.  L'officier  qui  fera  envoyé  à  bord  du  vaif- 
»  feaupris.ou  l'écrivain,  fe  faifiront  de  tous  les 
})  papiers  qui  feront  remis  dans  un  fac  ca- 
»  cheté  à  celui  qui  fera  choifi  pour  conduire  la 
»  Prife  ;  lequel  ne  pourra  les  remettre  qu'entre 
»  les  mains  des  officiers  de  l'amirauté  du  port 
M  où  elle  abordera. 

L'article  41  avoit  autorifé  les  capitaines  des  cor- 
faires  particuliers  à  rançonner  en  mer  les  bâtimens 
marchands  félon  les  circonflances  ;  mais  les  ran- 
çons s'étoient  tellement  multipliées,  qu'indépen- 
damment de  ce  qu'il  en  réfultoit  une  perte  réelle 
pour  les  équipages  &  les  invalides  de  la  marine  , 
attendu  qu'une  rançon  efl  toujours  fort  inférieure 
à  la  valeur  d'une  prife ,  le  vrai  but  de  la  courfe 
qui  eft  d'affoiblir  les  forces  de  l'ennemi  par  l'en- 
lèvement de  fes  équipages ,  8c  la  privation  de  fes 
bitimens,  fe  trouvoit  totalement  éludé.  Pour  ob- 
vier à  cette  forte  d'iiîconvéni^nt ,  le  roi  rendit  en  ) 


PRISE. 

fon  confeti,  le  ii  oâobrc  1780»  un  arrêt,  par  le- 
quel il  fut  défendu  à  tous  les  capitaines  de  cor- 
faires  de  rançonner  à  l'avenir  en  mer  aucun  bâti- 
ment marchand  ,  à  peine  d'être  privés  de   leurs 
parts  dans  les  rançons,  &  interdits  de  leurs  fonc- 
tions pendant  trois  mois.  Cependant  fa  majeflé  ex- 
cepta de  cette  défenfe  les  prifes  qui  feroient  faites 
dans  les  mers  d'Irlande,  dans  le  canal  de  Briflol, 
dans  celui  de  Saint-George,  &  dans  le  nord-ouefi 
de  rEeoffe.  Les  capitaines  des  corfaires  furent  aii- 
tonfés  à  continuer  de  rançonner  dans  ces  msrs,  à 
la  charge  de  juflifier,  par  un  procès-verbal  fgné 
de  l'état  -  major  ,  du  corfaire  preneur,  &  d'une 
partie  de  l'équipage,  de  la  nécefîité  abfolue  où  ils 
fe  feroient  trouvés  de  rançonner  ;  mais  ayant  été 
reconnu  que  les  armateurs  &  les  capitaines  éhi- 
doient  fans  ceffe  fous  divers  prétextes  les  difpofi- 
tions  de  cet  arrêt,  d'où  réfultoit  une  diminution 
confidérable  dans  les  avantages  qu'on  doit  attendre 
de  la   coi:«rfe  ,  &  une  perte  réelle  de  bénéfices  j 
tant  pour  les  intéreffés  aux  armemens,  que  pour 
les  gens  de  mer  qui  y  font  employés  &  les  inva- 
lides de  la  marine  ,  fa  majeflé  a  jugé  qifune  dé- 
fenfe abfolue  de  rançonner  dans  quelque  cas  que 
ce  fût  pouvoir  feule  faire  ceffer  des  abus  auffi  pré- 
judiciables ;  8c  pour  cet  effet ,  elle   a   rendu  l'or- 
donnance du  30  août  1782(1). 

(1)  Cettt  ordonnaace  contient  les  difpoficioas  fuivantes. 

Art.  PREiMlEii.  Les  ataiateurs,  capitaines  ou  comman- 
dans  des  bâtiniens  àts  fujets  de  (i  niajelté  ,  armés  en  courfe  , 
ne  pourront  à  l'avcnit ,  dans  aucun  cas,  ni  fous  quelque 
prétexte  que  ce  puifleêtre,  rançonner  à  la  mer  aucuns  bàci- 
timens  ,  ni  aucunes  inaichandifcs  étant  à  bord  defdits  bâti- 
mens. 

i.  iSIe  pourront  de  même  'efdits  armateurs,  capitaines  ou 
commandans  ,  prendre  aucun  otage  ,  ni  recevoir  des  bâti- 
mens ennemis  aucun  éciit,  aûe  ou  autre  engagement ,  qui 
puiire  ctre  fufpefté  de  pro.'cnir  de  conventions  dégaiféespour 
cauCe  de  rançons. 

j.  Veut  fa  inajefté  qu'au  retour  de  chaque  courfe,  lefdits 
armateurs,  capitaines  ou  commandans ^  fuient  tenus  d'afiir- 
mer,  pardevant  le  lieutenanr  général  de  l'amirauié  du  porc 
où  ils  débarqueronc,  en  prtfence  de  deux  oSciers  de  l'étar- 
raajor  du  bâdmenc ,  &  à  leur  défaut ,  de  deux  officiers-ma- 
riniers .  ou  de  trois  hommes  de  l'équipage,  qu'ils  n'ont 
fait  ,  durant  leor  courfe,  aucune  rançon  de  bâtimens  ou  de 
marchandifes  ;  qu'ifs  n'on:  pris  aucun  otage,  ni  reçu  aucuns 
aftes  ,  billets  de  garanties  ou  autres  en^ageraens  directs  ou 
indirects,  ayant  pourcaufe,  le  rachat,  ou  la  rançon,  qui 
auroient  été  faits  de  quelques  bâtimens  ou  maichandifcs  en- 
nemis :  laquelle  affirmation  fera  lignée  du  commandant  du 
bâtiment  &  des  témoins  ci-defTus  ,  vifée  dudit  lieutenant 
gcnéial  de  l'amirauté  ,  &  adrefléc  au  fecrétaire  d'état ,  ayant 
le  département  de  la  marine. 

4.  Dans  le  cas  où  ,  malgré  les  défenfes  portées  par  les  ar- 
ticles I  &  z  ci  deflus  ,  il  fcroit  trouvé  â  bord  d'aucuns  def- 
dits bâtimens  àts  fujets  du  roi,  armés  en  courfe  ,  quelques 
aaes ,  billets  ou  obligations  quelconques  ,  de  l'efpèce  de 
ceux  énoncés  en  l'article  ci-defl"us ,  fa  majefté  enjoint  aux 
officiers  des  amirautés  ,  de  retenir  lefdits  aftes  ,  obligations  , 
ou  billets,  pour  en  être  fait  l'emploi  qui  fera  ci -après  or- 
donné, 

5.  Les  armateurs,  capitaines,  ou  commandans  des  bâti- 
mens des  fujets  de  in  majellé,  qui,  de  quelqae  manière  que 
ce  fait,  fttoieni  fufp«6tés  de  cçinravemùgns  ^uekoHiiuesaux 


PRISE. 

«  42.  Auffl-tôt  (ju'une  Prife  fera  arrivée  dans 
»  l'un  des  ports  de  notre  royaiiiiie  ,  le  capitaine 
»  qui  aura  tait  la  Pril'e,  ou  l'officitr  qui  aura  é:é 
»  chargé  de  l'amener,  fera  tenu  d'en  taire  dcvan: 
>»  les  olliciers  de  l'amrrauté  un  rapport  détaillé  , 
»  lequel  fera  enfuite  véritié  par  l'audition  de  deux 
j»  hommes  au  moins  de  ton  équipage  ,  à  Texcep- 
»  tion  des  cas  de  relâche  ,  pour  iel';i.icls  à  futiira 
»  d'une  fimple  déclaration  ;  leljits  oliiciers  de 
»  l'amirauté  fe  tranfpoiteront  fur  le-champ  à  bord 
»  de  ladite  Prife,  pour  en  dreffer  proccs-verbal  , 
j»  fc^^ller  les  écoutilles  Si.  les  chambres  ,  faire  in- 
»  ventaire  de  ce  qui  ne  pourra  être  fLcllé ,  &  éta- 
»  blir  des  gardiens  :  ils  procéderont  enluite  à  l'in- 
»  terrogatoire  du  capitaine,  des  otHciers ,  &  autres 
»  gens  de  l'équipage  du  vaiffeau  pris  ;  feront 
»  tranflater  les  pièces  du  bord  par  l'interprète  juié, 
«  s'il  y  en  a  dans  le  lieu,  &c  adrefTeront,  tant  les 
»  expéditions  defdites  procédures  que  les  pièces 
»  originales  &  les  tranllats ,  s'ils  ont  pu  être  faiis, 
5j  au  técrétaire  général  de  la  marine  ,  pour  être 
»  procédé  au  jugement  de  la  Prife. 

difpolîtions  defdics  articles  i  &:  1 ,  feront  juges  parle  confeil 
des  Priles,  auquel  fa  majefté  en  attribue  Ja  connoiffance  , 
&:  en  cas  Je  convi^Hon,  condaninés ,  pour  la  première  fois, 
en  cinq  cents  livres  à'a.ncndeau  profit  iie  l'amiral  de  tiance  , 
&:  interdits  pour  trois  mois  de  leurs  fonctions  j  !c  en  cas  de 
récidive,  ils  feront  déclarés  incapables  de  jamais  commander 
ajciin  bâtiment  :  de  laquelle  amende  de  cinq  cents  livres  les 
armateurs  feiont  folidairement  rcfponfables  avec  Jefdits  capi- 
t.nnes  ,  ou  commandans  ,  fans  qu'ils  puiffent ,  en  aucune  ma 
Tiicie  j  l'imputer  en  tout,  ou  en  partie  ,  dans  Je  compte  des 
fuis  de  l'armement,  ni  en  employer  le  montant  dans  les  li- 
«jukiatious  particulières  ou  générales. 

G,  Ordonuc  fa  majeJlé  411e  le  montant  des  rançons,  b;ll<;rs 
ou  engagemens  qui  feroienc  faits  en  contravention  aux  dil- 
pofîtions  ci  ileffus,  appatiiendia  aux  invalides  deJa  ma:ine  ; 
ù  l'cfFet  de  quoi  les  oificiers  des  amirautés  feront  tenus  de 
femetcre  ,  fans  délai,  au  titfotier  particulier  defdits  Invali- 
àes  de  leur  rellorc,  lefdits  billets  ou  eiigagenier.s ,  pour  en 
être  ie  payement  pourfuivi  contre  qui  il  appartiendra  p.ir  ledit 
«rcforier  :  &  quant  aux  otages,  veut  fa  uiaiefté  que  s'il  en 
cioit  pris,  ils  foient  remis  à  leur  arrivée  à  l'intendant,  ou 
au  coinmiflaire-erdoRnateur  de  la  marine  ,  du  département 
ëms  lequel  fe  trouveront  les  bâtimens  preneurs  ,  lo:s  de  leur 
reniée  dans  les  ports,  pour  être  eafuiie  iîaïué  par  fa  nujeilé 
fur  la  deliination  defdics  otages,  ainfi  (ju'elle  avifera. 

7.  Veut  fa  majellé  que  la  pttfente  ordonnance  foit  exécutée 
félon  fa  forme  &  teneur,  à  commencer  du  premier  d;cem- 
bre  prochain  ;  dérogeant  expreflcment  à  toutes  ordonnatices , 
dtclatatiocs,  édits  ,  arrêts  &:  réglemens  qui  y  ferL-iîut  con 
traites. 

Mande  &  ordonne  fa  majefté  à  monf,  le  duc  de  Penthiè- 
Vie,  amiral  de  France,  aux  vice-amiraux,  commandans  des 
ports  ,  iieutcnans  généraux  ,  chefs  d'eicadres ,  fie  tous  offi- 
ciers de  fcs  va;  iTeaa.x  &:  bâtimens,  aux  intendansde  la  ma- 
rine, au  commilTiire  dtpatii  peut  l'obfervation  des  orJon 
nances  dans  les  amirautés,  aux  cô-mmiirairts  géna'aux  ou 
ordinaires  dfs  ports  &  acTenaux,  ôc  ordonnances,  aux  gou- 
verneurs généraux  ou  commandans  particuliers  ,  intendans 
&  ordonna:eurs  des  colonies,  aux  orticiers  des  (îéges  d'ami 
rauté  ,  &:  tous  autres  qu'il  appartiendra  ^  de  tenir  la  main  , 
chacun  en  droit  foi,  à  l'exécution  de  la  prcfente  otdon 
nance  ;  laquelle  fera  enregistrée  aux  greffes  défaites  ami- 
rautés, lue,  publiée  &  alfichce  par-tom  où  befyin  fera  ,  afin 
<]ue  pçrfgnnç  n'en  ignore,  tait,  &:c. 


PRISE.  637 

>»  43.  Le  greffier  de  l'amirauté  fera  tenu  d'en- 
"  voyer  lefdires  pièces  par  la  porte  au  fecrétaire 
n  ^én-Jral  de  la  marine,  dans  huitaine  au  plus  tard 
')  après  l'arrivée  des  Frifes.  Le  direOeur  du  bureau 
)i  chargera  le  parcuet  fur  la  feuille  d'avis  ,  bl  en 
i>  donnera  au  grefiier  im  reçu  par  duplicata  ,  dont 
»  l'un  fera  joint  aux  pièces,  pour  être  vifé  dans 
7>  le  jugement.  Si  l'ei.voi  defdites  pièces  n'eft  pas 
»  t'ait  dans  le  délai  prefcrit ,  les  juges  &  le  greffier 
»  de  ranîiiaiité  feront  condamnés,  pour  chaque 
))  jour  de  retard  ,  en  une  fomme  égale  aux  vaca- 
5?  lions  qui  leur  auroient  été  attribuées  pour  toutes 
7)  les  opérations  t'aites  jufqu'à  cette  époque,  même 
V  à  l'interdiéiion  ,  s'il  y  échcr. 

"  44.  Il  fera  procédé  fans  délai  à  la  levée  des 
)'  fcellés  &  au  déchargement  des  marchandifes  qui 
"  feront  inventoriées  &  mifes  en  magafin  ;  lequel 
»  fera  fermé  de  trois  clefs  différentes,  dont  l'une 
3)  demeurera  entre  les  mains  du  greffier  de  l'ami- 
')  rauté,  une  féconde  entre  celles  du  receveur  des 
»  fermes  ,  &  la  troifième  fera  remiié  à  l'armateur. 

»  45.  Il  fera  procédé  auffi  fans  délai  à  la  dé- 
»  charge  &  à  la  vente  provifoire  des  effets  fujets 
?)  à  dépériiîemcnt ,  foit  a  la  requête  de  l'armateur 
»  ou  de  celui  qui  le  repréfentera  ,  foit ,  en  leur 
»  abfence,  à  la  requête  de  nos  procureurs  es  fièges 
»  des  amirautés.  Pourront  même  Icfdits  officiers 
»  defdites  amirautés  ,  lorfque  les  Prifcs  feront 
»  conflamment  ennemies  ,  d'après  les  pièces  da 
j»  bord  &:  les  interrogatoires  des  prifonniers  pris  , 
»  permettre  la  vente  des  Prifes  &  de  toutes  les 
)>  marchandifes  dont  ils  feront  chargés,  fans  atten- 
"  dre  le  jugement  de  bonne  Pril'e;  laquelle  vente 
»  fe  fera  dans  le  délai  fixé  par  le  juge  de  l'ami- 
»  rauté  ,  à  l'effi^t  de  quoi  Icfdites  veines  feront 
»  affichées  dans  les  différentes  places  de  com- 
»   merce,  ainli  qu'il  fera  dit  ci-aprés. 

"  46.  Permettons  néanmoins  aux  officiers  des 
»  amirautés  ,  lorfqu'il  fe  préfentera  des  réclania- 
"  tcurs,  d'ordonner  que  les  effets  réclamés  pour- 
»  ront  leur  être  délivrés  fuivant  l'eftimation  qui 
»  en  fera  faite  à  dire  d'experts ,  pourvu  que  Icf- 
»  dites  réclamations  foient  fondées  en  titres  ,  & 
))  à  la  charge  par  celui  qui  les  aura  faites ,  de  don- 
»  ner  bonne  &  fuffifante  caution,  faute  de  quoi 
»  il  fera  paffé  outre. 

»  47.  Les  armateurs  feront  tenus  d'envoyer  lies 
»  états  ou  inventaires  détaillés  des  effets  qui  com- 
j)  poferont  les  Prifes  ,  avec  indication  du  jour  de 
»  leur  vente,  qui  aura  été  fixé  par  le  juge,  dar.s 

V  les  différentes  phces  de  commerce,  &  particu- 
»  liérement  à  Paris  ,  où  iis  feront  affichés  à  la 
]■>  bourfe  ;  &  il  en  fera  délivré,  fur  les  ordres  du 
»  lieutenant  général  de  police,  un  certificat,  du- 
n  quel  il  fera  fait  mention  dans  le  procès-verbal 
3)  de  la  vente  de  la  Prife. 

»  48.  Il  fera  procédé  par  le  confeil  des  Prifes 
»  au  jugement  d'icelles  ;  nous  réfervant  au  furplus 

V  de  faire  connoîire  nos  intentions  fur  la  forme 


63S  PRISE. 

j>  de  procéder  audit  confeil  ,  de  nianlèfe  que  l,i 

»  juftice  la  plus  prompte  foit  rendue  aux  armi- 

«  teurs  ,  &  a  ceux  qui  auront  des  réclamations  à 

n  former. 

r>  49.  Huit  jours  après  que  les  jugemens  auront 

ï)  été  rendus,  le  greffier  dudit  confeil  fera  tenu 

J»  d'en  envoyer  l'expédition  aux  officiers  de  l'ami- 

I»  rautéj  lefquels ,  dans  le  délai  de  trois  jours,  les 

»  feront  enregiflrcr  au  grefte  de  leur  fiège,pour 

«  être  enfuite  procédé  a  la  vente  de  la  Prife  ,  fi 

»  fait  n'a  été. 

»»  50.  Les  marchandifes  feront  expofées  en  vente 

'>  &  crises  [/ar  parties  entières,  ou  par  lots,  air.fi 

"  qu'il  fera  convenu  pc.ir  le  plus  grand  avantage 

n  des  intéreifés,  entre  l'arnnteur  6c.  les  adjudica- 

»>  taircs  prefons;  oi  en  cas  de  conteAation,  les  of- 

»»  ficiers   de   l'amirauté   régleront  la   forme  de  la 

'»  vente.  Le  prix  en  fera  payé  comptant,  ou  en 

>»  lettres -de -change  acceptées  à  deux 'mois  d'é- 

j)  chéance  au  plus  tard,  t>c  la  livrail^^n  des  eflcts 

V  vendus  &  adjugés  fera  commencée  le  lendemain 
»  de  la  vente  ,  &  continuée  fans  interruption. 

"  51.  Pour  accéUrer  toutes  les  opérations  rela- 
»  tives  aux  Prifcs,  les  officiers  de  l'ainirauté  feront 
«  tenus,  dans  le  cas  011  ils  ne  feroient  pas  en  nom- 
j)  bre  fuffifant  pour  la  quantité  de  Prifes,  6c  afin 
»'  au'il  n  y  air  aucun  retardement ,  de  commettre  , 
»  fans  délai ,  des  gradués  ,  même  des  praticiens 
»  du  ficge  ,  &  ,  s  il  eft  néceffaire  ,  des  commis 
»  greffiers  pour  l'expédition  des  écritures  ,  lefqucls 
î>  prêteront  ferment  en  la  forme  accoutumée  ;  &: 
«  il  fera  travaillé  à  toute  heute  ,  particulièrement 
>»  pour  profiter  des  marées,  &.  pour  les  recenfe- 
j>  mens  dans  les  magafins. 

»  52.  Le  juge  ,  a  chaque  féance  ,  taxera  fes 
M  droits  ,  ceux  de  notre  procureur  6i  ceux  du  gref- 
»  fier,  fuivant  le  tarif  de  1770,  qui  fera  fiiivi  dans 
»>  toutes  les  amirautés  ,  en  défignant  le  nombre 
»  d'heures  qui  auront  été  employées.  Voulons  que 
>»  lefdits   droits    foient  réduits   à   moitié   pour  les 

V  vacations  au  déchaigement ,  à  l'inventaire  &  à 
»  la  livraifon  des  marciiandifes. 

»  53.  Le  greffier  fera  tenu,  fous  peine  de  priva- 
»  tion  de  fes  vacations,  <le  délivrer  ,  lans  frais,  à 
»  l'armateur,  ou  à  fon  commiffionnaire,  un  état 
ï»  de  ce  qu'il  aura  reçu  §<.  de  ce  qii'd  aura  payj 
»  pour  les  vacations  du  juge,  ds  notre  procureur 
»  &  des  huifiîers  ;  ledit  état  fera  viié  &  rapporté 
3*  dans  la  liquidation  particulière. 

»  54.  Quinze  jours  après  que  la  livraifon  des 
3»  effets  vendus  aura  été  achevée,  l'armateur,  ou 
n  fon  commiffionnaire  ,  dépofera  au  greffe  de  l'a- 
w  mirante  le  compte  du  produit  de  la  Prife  ,  avec 
«  les  pièces  juftifîcailves,  fous  peine  de  privation 
»  de  fon  droit  de  commiffion  ;  fi  la  produftion 
»  n'eft  pas  complette  ,  nous  autoriions  les  juges 
9  de  l'amirauté  à  accorder  à  l'armateur  quinze  jours 
y>  pour  rapporter  les  pièces  manquantes  ;  laquelle 
»  permiffion  fera  accordée  à  l'armateur  ftir  une 
|t  fiinple  requête  ,  fans  frais. 


PRISE. 

»    55.  11  fera  procédé  à  la  liquidation  pnrticn- 

)»  lière ,  dans  le  mois  du  jour  du  dépôt  du  compte 

}>  porté  par  l'article  précédent,  fans   que  l'arrêté 

V  de  ladite  liquidation  puiiîe  être  fufpeiidu  ,  fous 

»  prétexte  d'articles  qui  ne  feroient  pas  encore  en 

»  état  d'être  liquidés  ;  lefquels  feront  tirés  pour 

»  mémoire  ,  fauf  à  les  comprendre  enfuite  dans  la 

»  liquidation  générale. 

)»  -6.  Lorfque  la  coiirfe  aura  produit  des  fommes 

»  fuffifantes  pour  réarmer,  la  fociété  fera  conti- 

"  nuée  de  droit,  s'il  n'y  a  pas  de  convention  con- 

»  traire  ,  &  il  fera  loifible  à  l'armateur  de  s'occu- 

»  per  fur  -  le  -  champ   d'un  réarmement  pour  le 

"  compte  des  mêmes  intérelf's,  qui  ne  pourront, 

»  dans  ce  cas  ,  être  rembourfés   du  principal  de 

»  leur  mife  ,  ni  en  demander  le  rembotirfement 

"  que  de  gré  à  gré  :  voulons  que  les  armateurs 

»  foient  difpenfés  de  faire  la  vente  du  corps  du 

»»  vaifTeau  corfaire ,  pour  la  fixation  des  dépen'"cs 

»  relatives  à  la  liquidation  des  fix  deniers  pour 

»  livre  des  invalides  ;  mais  fi  l'armateur  juge  à 

"  propos  de  requérir  ladire  vente,  il  fera  tenu  de 

»  fe  conformer  aux  formes  prefcrites  par  nos  or- 

»  donnances  pour  la  vente  des  vailleaux  ,  &  d'en 

n  faire  afficher  le  profprtius  imprimé  ,  à  la  bourfe 

"  de  Paris,  &  autres  villes  où  il  y  aura  des  ac- 

»  tionnaires  ;  &  dans  le  cas  où  il  refieroit  adjti- 

)>  dicataire  du  vaiffi^au  corfaire  ,  .i  l'effet  de  réar- 

»  mer  en  courfe  ,  les  aéîionnaires  feront  libres  d"y 

»  conferver  leur  intérêt  ,  en   le  déclarant  néan- 

»  moins  dans  un  mois  du  jour  de  l'adjudication. 

>'  57.  Les  armateurs  feront  tenus  de  dépofer  au 

'»  greffe  de  l'amirauté  du  lieu  de  l'armement  une 

M  expédition  de  chaque   liquidation   particulière  , 

M  aulii-tôt  qu'elle  leitr  fera  parvenue  ,  ou  au  plus 

"  tard  dans  un  mois  de  fa  date  ;  leur  enjoignons 

y>  pareillement  de  dépofer  au  même  greffe,  dans 

M  le  mois  après  la  courfe  finie  ,  ou  que  la  perte  du 

j»  corfaire  fera  connue  ou  préfumée  ,  les  comptes 

j>  de  dépenfe  des  relâches   &  du  défarmement , 

»  pour  être  procédé  à  la  liquidation  générale  du 

j>  produit  de  la  courfe  par  les   officiers  de  l'ami- 

»  rauté,dans  un  mois  après  la  remife  de  toutes 

>i  les  pièces  ,  fous   peine  de  privation  de  toutes 

3)  leurs  vacatioiis  à  ladite  liquidation  ,  fauf  à  laiffer 

»  pour  mémoire  les  articles  qui  ponrroient  don- 

»  ner  lieu  à   un  trop  long  retard  ,  lefquels  feront 

}>  enfuite  réglés  par  un  fupplément   fomaiaire   à 

»  la  liquidation  générale  (1). 


(i)  le  roi  ayant  étc  informé  que  les  armateurs  lies  corf^ires 
ncgiigeoient  Je  le  confomier  aux  dilpoiîtions  de  cetarticie, 
d'oii  il  réfultcit  un  préjudice  fenlîble  aux  écjuipages ,  aux  in- 
valiJesde  Ja  marine  &  aux  actionnaires,  par  le  retard  de  la 
liqiii iation  générale  ,  fa  majelté  a  rendu  en  ton  confeil ,  le  4 
mars  17S1  ,  un  arrêt  (]ui  ordonne  que  les  armateurs  feront 
tenus  de  fe  conformer  à  l'article  dont  il  s'ajçit  ;  t.  Ci:  en  con- 
»  ftquence  ,  de  dépofer  au  gtcflFe  de  l'atiiirauié  du  lieu  de 
n  l'annemcnt  dcfJits  coîliires  ,  une  expédition  de  chaque 
n  liquidaiion  particyliére  des  Trifes  qui  aaront  et;  condjite» 
»  dans  (i'autrej  ports  que  celui  de  l'armemcnc  ,  auifi  •  tôt 


PRISE. 

»  <)S.  Les  fix  deniers  pour  l'entretien  des  inva- 
»  lides  de  la  marine,  »e  feront  levés  que  fur  le 
»  [irodait  net  de  la  portion  des  Priùs  appartenante 
»'  nux  armateurs,  toutes  les  dcpenies  de  l'arme- 
"  n7ent,  relâches  Sidéfarmement  déduites;  &  quant 
>»  à  la  portion  des  gens  de  l'équipage  ,  il  leur  icra 
»  foit  déduâion  des  fix  deniers  pour  livre  payés  h 
»  rarmemenr ,  ■fur  les  avances  qui_doivent  être 
»  précomptées  fur  les  pans. 

»  59.  Il  fera  adrefle  aux  officiers  de  ramirauté  , 
I)  par  le  fecrctaire  d'état  ayant  le  département  de  la 
1»  msrine  ,  des  modèles  de  liquidations  générales  & 
»  particulières,  auxquels  ils  ieront  tenus  de  fe  con- 
»  tornier;  fauf  les  changemens  que  des  cas  panicu- 
»  liers  rendront  nécefiaires  :  quant  aux  liquida- 
w  tions  générales,  elles  feront  imprimées.  Si  il 
»»  en  fera  envoyé  des  exemplaires  à  l'amiral  de 
>»  France  ,  ?.u  feciétaire  d'état  nyant  le  départe- 
»  ment  de  la  marine,  aux  greffes  de?  juges  &i  con- 
n  fuis  cits  villes  dans  lefquels  i\  y  aura  des  aâion- 
>»  naires,  qui  pouiront  en  prendre  communication 
»  gratis  tk  fans  frais;  il  en  fera  envoyé  aufii  aux 
»  intéreflés  fci  ailionnaires  d'une  fomme  de  trois 
»  mille  livres  ,  &  au-deflus. 

»  60.  En  cas  de  pillage,  divertifTement  d'effets, 
>»  déj'rédaùoiîs,  ti  au.res  Hinlv<.rfa::ons ,  il  en  fera 
j»  informé  par  les  olîiciers  de  l'amirauté,  à  la  re- 
»  quête  de  nos  procureurs,  ô:  procédé  en  la  forme 
«  portée  par  l'ordonnance,  pour  être  lefdites  pro- 
»  cédures  envoyées  av>mt  le  règlement  à  l'extraor- 
«  dinaire,  au  fecrétairo  général  de  la  marine,  èk 
w  être  par  1  amiral,  avec  les  co;nmiffaies  du  con- 
w  feil  des  Prifes  ,  prononcé  telles  amendes  ou 
»  peines  civiles  qu'il  appartiendra,  auquel  cas  lef- 
»  dires  proc -dures  demein-erom  comme  non  ave- 
«  nues  ;  Se  où  il  écherroit  de  pro;ioncer  des  peines 
»  afïïiélivcs ,  lefdites  procédures  f-roiit  renvoyées 
»  dans  lefdites  amirautés,  pour  y  erre  le  procès 
»>  contiiiué  jufqu'au  jugement  déiinitjf  inclufue- 
»  ment,  fauf  l'appel  en  nos  cours 

jy  61.  Nos  procureurs  aux  fièges  des  amirautés 
«  adrefferont  ,  dans  les  cinq  premiers  jours  de 
»  chaque  mois,  au  fecrétairc  d'état  ayant  le  dépar- 
«  tem.ent  de  la  marine,  un  état  dans  lequel  toute-s 
»  les  Prifes  arrivées  dans  les  ports  dépendans  de 
»  la  )urifdi61ion  ,  cor.tinueror.t  d'être  employées 
«  jufqu'a  ce  qu'elles  aient  été  liquidées,  avec  des 
»  notes  &  obfêrvations  fur  l'état  des  procédures 
»  &  des  motifs  qui  occafionneront  des  retards  , 
y>  s'il  y  en  a  ;  enjoignons  à  nos  procureurs  auxdiis 
37  fjèges  de  faire  toutes  les  réqiiifitions   qui  feront 


so  qu'elle  leur  Cm  parvenue  ,  ^'  au  plus  tard  dans  un  mois 
»  de  leur  date  ;  de  dc-pofcr  pareillement  au  mêii^f:  greffe, 
»  dans  le  mois  après  la  courfe  finie  ,  ou  gue  ia  perte  du  ccr- 
«  fiice  fera  connue  ou  préfumée,  les  comptes  de  dépenfes 
»  des  relâches  &:  du  dél'ar/nement ,  ahn  ([u'il  puifFe  être  p-o 
M  cédé  fans  délai  à  la  liquidation  générale  du  prcnuit  de  la 
»  courfe  ;  le  tout  à  peine  coritrc  lefdiLs  atniateuis  d'ctre  pri- 
»  vés  des  droits  de  comnii-iTîon  qui  leur  font  atitioués  p.u 
».  l'arciclc  zo  dt  ladite  dédaiaticn  eu  i4}uir.  1778  »,. 


PRISE.  639 

M  de  leur  mlniffère  pour  l'exécution  cîes  difpofi- 
5)  tîons  contenues  en  notre  préfente  déclaration. 

»  62,  'Voulons  au  furplus  que  les  difpofitioiîs 
"  du  titre  des  Prifes  de  l'ordonnsnce  de  1681 
"  fo;ent  exécutées  félon  leur  forme  &  teneur,  en 
"  tout  ce  qui  ne  fera  pas  contraire  aux  préfentes. 
»  Si  donnons  en  mandement ,  &c,  ». 

Par  une  ordonnance  du  27  feptcmbre  1778,  le 
roi  a  ordonné  que  les  articles  39,  40  j,  4a,  43  , 
4  1  5  4)  ?  46  ,  47  |&  ^2  de  la  déclaration  du  24  juin 
précédent,  6i.  defquels  on  vient  de  rapporter  les 
dilpofjtions,  iéroient  exécutés  pour  les  Prifes  faites 
p;ir  les  commsndans  des  varffcaux  de  fa  majeflé  , 
&  autres  officiers  de  la  marine.  La  même  ordon- 
nance a  réglé  que  les  opérations  qui  ,  fuivant  la 
déclaration  du  14  juin  précédent,  doivent  fe  faire 
à  ia  requête  des  armateurs ,  aiiroient  lieu  ,  relative- 
ment aux  Prifes  dont  ii  s'agit  ,  à  la  requête  des 
procureurs  du  roi  des  amirautés  ,  pourfuite  &  dili- 
gence du  contrôleur  de  la  marine  refilant  dans  le 
port,  ou,  en  fon  abfence  ,  du  comnûriaire  de  Ix 
marme  ,  fans  toutefois  qu'aucune  Pnl'e  put  être 
vendue  qu'après  qu'il  en  auroit  é;é  rendu  compte 
au  fecrétaire  d'état  ayant  le  département  de  la  ma- 
rine. Les  officiers  qui  ne  fe  conforment  pas  à  cette 
ordonnance  doivent  êire  privés  de  la  part  qui  leur 
(eroit  revenue  dans  le  produit  de  la  Prife  (i). 

(  I  )  Pour  l'exccuricn  de  l'ordonnance  dont  il  i'tgic ,  le 
tci  a  fait  adrtjjtr  aux  officiers  de  fis  voijjeaux  l'injlruclion 
fuii'ante  : 

1".  Au(Iî-tôt  qu'il  aura  été  fait  une  Prife,  le  commandant 
du  vaiffcau  preneur  enverra,  conformément  à  la.ticle  39 
de  la  déclaration  du  24  juin  dernier  ,  l'ofliiier  £liar':é  dvt 
détail  j  pour  le  faihr  des  clefs,  faire  fceiler  ;es  écouriJles  ,• 
chambres  ,  coffres  ,  armoires  ,  tonneaux,  &:  aiuies  choks 
fermant  à  clef  ou  emballées  ,  &c  drefTer  iii  tout  un  état 
lommaire  qui  fera  figné  dudit  «.ïcier  &  du  capitaine  du  bâ- 
timent pris;  &  en  cas  de  refus  de  fa  part,  il  en  fera  faic 
menuon. 

1".  Ledit  officier  envoyé  à  bord  d'un  vaifïèau  pris  ,  fe 
faifira  ,  ainll  qu'iJ  e^l  prefctit  pat  l'article  40  de  ]3  décla- 
ration, de  tous  les  papiers,  &:  les  fera  rcmetrre,  dans  un 
fac  cjcheté  ,  à  celui  qtii  fera  clioifi  pour  conJf.ire  la  Prife  j 
lequel  les  reme-tra  aux  ofikiers  de  l'amirauté  g»  pott  où  elle 
aboidera. 

}".  Dès  que  la  P.ife  fera  arrivée  dans  le  port ,  celui  qui 
au'.a  (té  charge  de  l'y  conduiie,  fera  ,  dans  les  vingt  quatre 
heures,  devant  Jes  officiers  de  l'aniiraiicé ,  (a  déclaration 
détaillée  en  la  forme  jointe  à  la  préfente  inflruélion,  pour 
ètte  vérifiée  par  !  aiHition  de  deux  hommes  de  l'écuipap^e  , 
&:  il  reiiiett  a  auxdits  offitiers  l'état  fommaire  qui  aura  "été' 
drefTé  à  bord,  avec  le  fac  cacheté,  des  papiers,  dont  il  ti- 
lera  un  reçu.  Lefdits  officiers  fe  tranfpo  teront  cnfuite  ,  ,i 
h  requête  du  pîccu;eur  du  roi  o'e  Taniiiauté  ,  pourfuite  6c 
diligence  du  ccn;tô!eur  de  la  marine  ,  à  bord  de  Ja  Prife  ^ 
pTur  en  drefier  pocés-vetbal ,  fceller  les  écourilles  &  le». 
cl.ambreSj  faire  invenrairc  de  ce  qui  ne  pourra  é;rc  fce^léy 
t,  établit  âe:  gardiens.  Après  quoi  ,  ils  procédeiem  a  Pin- 
tcrrogatoire  du  capitaine  ,  des  officiers  &  autres  gens  de 
rc->;'jipagc.c'u  vaifléaii  pris  ,  q.ui  feront  reptéfeiués  à  cet  cirer,, 
a  1.1  première  réq  ifuion  :  ils  feront  t  cnflater  les  pièces  dui 
f.ord  p.ir  î'interprétc-ji  ré  ,  s'il  y  en  a  dar.s  le  lieu  ,  tS:  adref'c' 
îont  l'expédidon  dcidircs  p.occdarcs  rvec  les  pièces  oiigi-- 
nales  U  les  traiUlaiî     au  fccfctiire  général  do  Ja  marin«^ 


640  PRISE. 

Far  une  autre  ordonnance  du  4  août  1781  ,  le 
roi  a  attribué  aux  intcndans  &  ordonnateurs  de  la 


dans  le  dl-bi  de  huit  jours,  porté  par  l'article  4j  de  la  dccla 
ration  du   14  juin  dernier. 

4".  Le  procureur  du  roi  de  l'amirauté,  pourfuite  &:  dili- 
gence du  contrôleur  de  la  marine,  tera  procéder  à  la  levée 
des  fcellés  ,  au  déchargement  des  raarchandiles ,  &  à  leur 
inventaire  ;  &  elles  feront  mifes  dans  ua  magafin  fermé  de 
trois  clefs  différentes,  dont  l'une  demeurera  entre  les  mains 
du  contrôleur  de  la  marine,  l'autre  en  celles  du  receveur 
des  fermes  ,  &  la  troilicme  entre  celles  du  greffier  de  l'ami- 
lauté. 

^".  Il  pourra  être  également.  Se  à  la  requête  du  procureur 
du  roi  de  l'amirauté,  pourfuite  &:  diligence  du  contrôleur  de 
de  la  marine,  procédé  a  la  vente  provifoire  des  eftVcs  fujets 
à  dépériflemenc.  Pourront  même  les  officiers  des  amirautés 
procéder  à  la  vente  des  Prifcs  &:  de  toutes  les  marchandifes 
dont  elles  feront  chargées,  fans  attendre  qu'elles  aient  été 
jugées  de  bonne  Prife  ,  pourvu  toutefois  que  ,  d'après  les 
pièces  du  bord  &:  les  interrogatoires  des  prifonnieis  ,  elles 
foient  conflamment  ennemies. 

6°.  Le  contrôleur  de  la  marine  ne  pourra  affilier  auxdits 
interrogatoires  ,  ni  aux  déclarations  qui  feront  faites  aux 
greffes  des  amirautés  ,  conformément  à  l'article  i  de  la  pré- 
ftnte  inftruélion. 

7".  Trois  jours  après  que  l'expédition  du  jugement  de 
bonne  Prifc  aura  été  envoyée  à  l'amirauté,  il  fera  ,  à  la  re- 
quête du' procureur  du  roi ,  pourfuite  &C  diligence  du  contrô- 
leur de  la  marine  ,  procédé  en  fa  prcfence  ,  par  ledit  fiège  ,  à 
la  vente  de  la  Prife,  fi  fait  n'a  été  ,&  le  prix  en  provenant 
fera  dirtribuc  conformément  à  l'ordonnance  de  fa  majellé  du 
i8  mar»  dernier. 

8''.  Le  contrôleur  de  la  marine  pourra  aflîfter  au  décharge- 
ment, à  l'inventaire  &  i  la  vente  des  marchandifes  des  Pri- 
fes  faites  par  les  vaiffeaux  de  fa  majefté  ,  fans  qu'il  puiffe  y 
«xercer  aucune  fondion  de  juge  ,  ni  y  percevoir  aucuns 
droits  ;  &  à  l'égard  des  officiers  de  l'amirauté,  ils  porteront 
leurs  vacations  fur  le  pied  fixé  par  l'article  42  de  la  déclara- 
tion du   24  juin  dernier. 

9".  Sa  majedé  veut  au  furplus  que  les  ordonnances  &:  ré- 
flemens  fur  le  fait  des  Prifes  ,  notamment  l'ordonnance  du 
IR  mars  &  la  déclaration  dti  14  juin  derniers ,  foient  exécutés 
conformément  à  la  préfente  inftrudion. 
'  Fait  à  Vei  failles  le  17  feprciubre  1778. 

Signé,  LOUIS.  £rp/ui  tdi,  DE  Sartine. 

Modèle  de  déclaration  à  faire  par  les  officiers  de  la  marine 
royale,  devant  les  officiers  des  amirautés,  lotfqu'ils  amè- 
neront des  Piifes. 

L'ail  mil  fep:  c(nt 
le  du  mois  d 

e,î  comparu  pardevant  nous 
M' 

lequel  ,  aprts  ferment ,  a  décUrt  que  le 
étant   par  les 

à  la  diflance  de  lieves  de 

îi  découvrit  le  (Mettre  ici  la  relation  de  la  Prife  ,  le 

nom  du  vaiffcaii ,  ctlui  du  capitaine  pris  ) 
il  Vauroii  fait  amener^  fa"  ayant  reconnu  que  c'était  un  hàti- 
ment  Anglais,  il  s'en  tfl  emparé,  b"  il  aurait  fait  paffer 
l'cgui-^'agf  fur  fon  hardi  ledit  équip.-rge  compofé  de 
{3^  l'aurait  fait  remplacer  par  des  François  ;  &■  ,  s'ét.  nt  enfuite 
faiji  des  effets ,  il  en  aurait  dreffé  un  état  fommaire  ;  fc"  à 
l'tfdrd  dt  t^us  les  papitrs  ,  il  les  curait  fait  renfermer  dans  un 
fcc  ,  fur  lequel  il  auroh  fait  cppojer  le  fctUé ,  ainfi  que  fur 
les  éccutllles  ,  chanibres  ,  coffres,  .armoires  ,  ballots ,  tonneaux:  , 
(y  autres  chofes  frmant  à  clef,  i^vx  armes  de  fa  m.jjeftc ,  (y 
suroît  enfuite  conduit  l  en 

cette  rade  f  où  H  efl  arrivé  le 
à  beuret  U  nous  aurait 


PRISE. 

marine  ,  !e  droit  de  faire  les  ventes  ,  &  autres  ope- 
rations  relatives  aux  Prifes  faites  par  les  vaifleaux 
de  fa  majefté  (1). 


à  l'infant  ledit  jitur  remis  le  fcc 

contenant  lefdits  papiers,  enfmble  l'état  fommairt  de  ladue 
Pnfe,  drejjé  à  bord  d'icelle  ,  O*  déclaré  que  ledit  équip.:ge 
était  nu  nombre  de 

prifonniers   qu'il  a  remis  à  (^ 

qui  lont  aéluellement   détenus  d 

d'où  ils  nous  feront  repréfentés  ,  pour  que  nous  puijjîons  pro- 
céder d  leur  ihtcrrogatoirt:  ,  b"  aux  awres  formjlités  prefciitei 
par  la  déchration  du  roi  du  24  juin  dernier,  fe*  le  règle- 
ment du  19  juillet  fuiiant.  Et  ayant  interpellé  moniit 
feur  d'élire  fon  domicile 

a  conformément  audit  règlement ,  il 

a  déclaré  que  dt  laquelle  déclaration 

il  a  requis  aSle  ,  que  nous  lui  avons  accordé ,  pour  fervir  6* 
valoir  ce  que  de  raijon  ,  b  a  figné  avec  noi  s. 

Fuir  à  lefdits  jour  ban  que 

de}}  us. 

(  I  )  Voici  cette  ordonnance  : 

Sa  uiajelié  s'étant  fait  repréfentcr  les  ordonnances  &:  rcglc- 
nicns  concernant  les  procédures  des  Prifes  ,  elle  a  recoiimi 
que  celles  faites  pat  fes  vaiffeaux  n'étoient  pas  fufceptibles 
des  mêmes  formalités  que  les  Prifes  faites  par  les  coifaires  ; 
les  intérêts  des  aflionnaires  &  ceux  des  armateurs  exigeant 
une  inffruclion  juridique,  au  lieu  que  les  Prifes  faites  par 
les  vaiiïeaux  de  fa  majellé  n'intéreflcnt  qu'elle»  les  officiers 
de  la  marine  royale  ,  5:  les  éqiiipat!;i:$  ,  pour  la  part  qu  elle 
leur  a  abandonnée  par  l'ordonnance  du  18  mars  1  778.  El^e  a 
jugé  en  conféquence  qu'il  feroit  plus  avantageux  que  les 
cptrations  qui  fuivent  le  jugement  du  confeil  des  Prifes  .  fc 
f  iTent  à  l'avenir  pat  les  intcndans  de  la  marine  ,  &  ,  en  leur 
abfence  ,  par  les  commiffaires  généraux  ou  autres  ordonna- 
teurs, en  préfcnce  des  officiers  &  équipages-preneurs,  &  à 
la  requête  des  co-ntroleurs  de  la  marine.  Les  équipages  re- 
cueilleront de  ces  nouvelles  difpofiiions  ,  l'avantage  de  l'éco- 
nomie dans  les  opérations,  &  de  la  célérité  dans  la  léparii- 
lion  des  Prifes;  en  conféquence,  fa  majefté  a  ordoiiné  ic 
ordonne  ce  qui  fuit  : 

Article  i.  Les  procédures  pour  les  prifes  faites  par  les 
vailUaux  de  fa  majefté,  continueront,  comme  ci-devant, 
d'être  inftruites  par  les  amirautés  ,  jdfqu'au  jugement  du  coa- 
feil  des   Prifes  inclufivement. 

1.  Huit  jours  après  que  le  jugement  du  confeil  desPiifes 
aura  été  rendu,  le  greffier  dudit  confeil  fera  tenu  d'en  en- 
voyer deux  expéditions  ,  l'une  aux  officiers  de  l'amirauté  , 
lefquels,  dans  les  vingt-quatre  heures,  la  feront  enregifttef 
au  greffe  de  leur  fiège,  S>c  l'aatrc  fera  adreflée  à  l'intendant 
du  port  oii  la  Prife  aura  été  conduite  ,  pour  être  enluite  pro- 
cédé pat  lui  à   la  vente  ,  ainfi  qu'il  fera  dit  ci -aptes. 

}.  Les  officiers  dts  amirautés  remettront  aux  intendans  ou 
ordonnateurs  de  la  marine  ,  dans  les  vingt-quatre  heures  de 
l'enregiftrement ,  porté  par  l'article  précédent  ,  les  vaiil  aux 
avec  leur  cargaifon  ,  enfemble  l'expédition  des  procédures 
fur  lefquellcs  le  ji/gcment  du  confeil  des  Piifes  !era  inter- 
venu ,  après  toutefois  que  lefdits  officiers  des  amirautés  au- 
ront reconnu  5c  levé  les  fcellés  par  eux  appofés  ;  &  dans  !» 
cas  oii  il  auroit  été  procédé  par  lefdits  officiers  de  l'amira.  ' 
à  l'inventiiie  de  la  Prife  ,  le  garde-magafin  en  donnera  foa 
reçu  enfuire  de  la  minute  dudit  inventaire  ;  mais  s'il  n'avoit 
pas  été  fait  d'inventaire  ,  il  y  fera  procédé  par  l'intendant , 
ou,  en  ion  .ibfence ,  par  le  commilTaire  général  ou  autre 
ordonnateur. 

4.  Il  fera  ])rocédé  au  déchargement  de  la  Piffe  ,  à  la  vente 
Sl'  livraifon  d'icelle  par  l'intendant  de  la  marine,  &'  ,  tf.  foti 
alifence  ,  par  le  comuiiflaire  général  ou  autre  otdonnateqr , 
à  la  reijUiîtc  du  contiôicur  ic  en  préfencç  du  major  de  la 

L'aniclc 


PRISE. 

L'article  17  du  titre  des  Prifes  de  l'ordonnance 

rairine,  ain!l  que  des  osîiciers  ic  des  équipages-preneurs, 
ou  de  leur  fondé  de  pouvoirs. 

5.  La  vente  des  Prifes  fe  fera  d.tns  la  même  forme  que 
celle  des  marchandifes  &  munitious  provenantes  des  ma- 
gafins  de  fa  majeflé  ,  &  dans  l'arfenal  de  la  marine. 

S.  N'entend  néaumoinj  fa  majeft:  rien  innover  aux  difpo- 
lîtion's  de  l'article  45  de  la  déclaration  du  14  juin  177S  , 
qui  donne  pouvoir  aux  officiers  des  amiraurés  ,  lorfque  les 
Prifes  font  conflamment  ennemies ,  d'après  les  pièces  de  bord 
Ôc  les  interrogatoires  des  prifonniers,  de  permettre,  fur  la 
rcqu'îte  du  contrôleur  de  la  marine  ,  la  vente  defdices  Prifes 
&  de  leur  cargaifon  ,  fans  attendre  le  jugement  du  confeil 
des  Prifes  ;  laquelle  vente  fera  faite  par  l'intendant  ou  ordon- 
nateur,  dans  la  forme  prefcrite  par  l'article  4. 

7.  Il  fera  procédé  à  la  liquidation  des  frais  qui  auront  lieu 
jufqu'à  l'enrcgillremeBt  du  jugement  du  confeil  des  Priles 
inclulîvement ,  ainli  que  de  ceux  de  reconnoiflance  ,  levée 
des  fcellés  &  remifedu  navire  &c  de  la  cargaifon,  par  le  fieur 
Chardon,  commilTaire  départi  pour  la  vilite  des  ports  &  la 
liquidation  des  Prifes  faites  par  les  vaid'eaux  de  fa  majefté  , 
conformément  i  l'article  17  de  l'inllrudion  du  9  janvier 
1780  ,  &:  au  modèle  qui  y  cft  annexé  ;  laquelle  inlhuiftion 
continuera  d'être  exécutée  félon  fa  foraie  &  teneur ,  dans 
toutes  les  difpofitions  auxquelles  il  n'eft  pas  dérogé  par  la 
préfentc  ordonnance. 

8.  Se  réferve  au  furplus  fa  majeflé  d'accorder  aux  officiers 
des  amirautés  une  indemnité  pour  les  falaires  attribués  aux 
fondions  qu'ils  rempliffbient  ci»devant,  pour  les  Prifes  faites 
par  fes  vailTeaux  ;  laquelle  indemnité  fera  fixée  fur  le  pie  1 
d'un  demi  pour  cent  du  montant  du  produit  net  de  la  Prife  , 
déduction  faite  des  frais  de  jullice  Si.  d'adminilhation  ,  fuivani 
la  liquidation  portée  par  l'article  précédent. 

9.  Toutes  les  contcllations  qui  poutroient  furvenir  relati- 
vement auxdites  Prifes,  d'après  la  remife  ordonnée  par  l'ar- 
ticle t  de  la  préfentc  ordonnance,  fe  porteront  devant  l'in 
tendant  ou  ordonnateur  du  département,  qui  les  jugera  avec 
les  formalités  ordinaires ,  (auf  l'appel  au  confeil  royal  des 
finances   pour  les  Prifes. 

la.  A  l'égard  des  Prifes  qui  feront  conduites  dans  les  co- 
lonies ou  autres  polTeflions  fcançoifes,  les  officiers  des  ami- 
rautés, ou  autres  tribunaux  compétens ,  rempliront  feuls  les 
foimalités  prefcrites  par  l'article  premier;  mais  ils  ne  procé- 
deront au  déchargement,  vente  Se  livraifon  des  Ptifes  ,  à  la 
requête  du  contrôleur  de  la  marine  ,  ou  de  celui  qui  en  rem 
plira  les  fonctions,  qu'en  piéfence  des  gouverneurs  généraux 
ou  commandans  particuliers  des  colonies ,  &  des  intendant 
ou  ordonnateurs  ,  &;  aufli  qu'en  prefence  des  o^îciets  pre 
neurs ,  ou  de  leurs  chargés  de  pouvoirs  ;  ils  fe  conformeront , 
au  furplus  ,  à  l'ariide  7  de  la  préfente  ordonnance,  &:  aux 
difpolicions  du  règlement  du  17  juillet  1778. 

II.  Enjoint  fa  majerté  aux  commandans  de  Ces  vaifteaux 
&  autres  officiers  de  fa  marine,  de  fe  conformer  exadement 
à  tout  ce  qui  e(t  profcrit  par  les  diifcrentes  ordonnances , 
arrêts  &  réglemens  fur  le  fair  des  Prifes  ,  en  tout  ce  qui  ne 
(era  pas  contraire  à  la  préfente  ordonnance. 

Mande  &  ordonne  fa  maje.lé  à  Monf.  le  duc  de  Penthiè- 
vre  ,  amiral  de  France,  aux  vice  amiraux,  lieutenans  génc 
raux,  chefs  d'efcadres  ,  capitaines  &:  autres  officiers  de  fei 
vai fléaux  ,  frégates  &  autres  bâtimens ,  aux  commandans  des 
ports  ,  aux  intendans  de  la  marine  ,  au  commilfaire  départi 
pour  l'obfcrvarion  des  ordonnances  Jans  les  amirautés  ,  com- 
ïniflaires  généraux  des  ports  &:  arfcnaux,  ordonnarcurs  ;  aux 
gouverneurs  généraux  ou  commandans  rarticaliers ,  aux  in- 
tendans &  ordonnateurs  des  colonies,  aux  officiers  des  lièges 
d'amirautés  ,  &  à  tous  autres  qu'il  appartiendra  ,  de  tenir  la 
jDiin,  chacun  en  droit  foi,  à  l'exécution  de  la  prélentc  or- 
(ionnance. 

Fait  à  Verfailles  le  4  août  I7S1.  Signé,  LOVÏS.Ecplus 
las ,  DF.  Castries. 

Tome  XIIU 


PRISE.  ù.,i 

du  mois  d'août  1681,  enjoint  aux  capitaines  qui 
ont  fait  quelque  Prife,  de  l'amener  ou  envoyer 
avec  les  prifonniers  au  port  où  ils  ont  armé ,  à 
peine  de  perte  de  leur  droit  &  d'amende  arbi- 
traire, à  moins  qu'ils  ne  foient  forcés  ,  par  la  tem- 
pête ou  par  les  ennemis,  de  relâcher  en  quelque 
autre  port,  auquel  cas  ils  doivent  en  donner  in- 
ceflamment  avis  aux  intércffés  à  l'armement. 

Il  eft  défendu  par  l'article  8  ,  fous  peine  de  la 
vie ,  à  tout  chef,  foldat  &  matelot,  de  faire  couler 
à  fond  les  vailléaux  pris  ,  &  de  defcendre  les  pri- 
fonniers dans  des  îles  ou  fur  des  côtes  éloignées^ 
pour  celer  la  Prife. 

Et  fi  les  preneurs ,  ne  poHvant  fe  charger  du 
vaiffeau  pris  ni  de  l'équipage,  enlèvent  feulement 
Jes  marchandifcs  ,  ou  relâchent  le  tout  par  compo- 
fition ,  ils  doivent ,  fuivant  l'art.  19  ,  fe  faifir  des 
paipiers  ,&  amener  au  moins  les  deux  principaux 
officiers  du  vaiffeau  pris,  à  peine  d'être  privés  de 
ce  qui  peut  leur  appartenir  dans  la  Prife  ,  même 
de  punition  corporelle  ,  s'il  échet. 

L'article  20  défend  de  faire  aucune  ouverture 
des  coffres  ,  ballots  ,  facs  ,  pipes  ,  barriques  ,  ton- 
neaux &  armoires,  de  tranfporter  ni  vendre  au- 
cune marchandife  de  la  Prife,  &  à  toute  perfonne 
d'en  acheter  ou  receler  avant  que  la  juftice  l'ait 
ordonné  ,  ou  que  la  Prife  ait  été  jugée  ,  à  peina 
de  reflitution  du  quadruple,  &  de  punition  corpo- 
relle. 

Lorfqu'un  vaiffeau  eft  amené  fans  prifonniers , 
charte-partie,  ni  connoiffemens ,  les  officiers,  fol- 
dats  ,  &  équipage  de  celui  qui  l'a  pris  ,  doivent , 
en  exécution  de  l'article  25  ,  être  examinés  fépa- 
rément  fur  les  circonftances  de  la  Prife  ,  &  pour- 
quoi le  navire  a  été  amené  fans  prifonniers  :  on 
doit  d'ailleurs  faire  vifiter  par  experts  le  vaiffeau 
&  les  marchandifes,  pour  reconnoître,  s'il  efl  pof- 
fible,  fur  qui  la  Prife  a  été  faite. 

Anciennement,  le  cas  dont  il  s'agit  fe  préfentoit 
affez  fouvent ,  à  caufe  des  violences,  &  même  des 
barbaries  auxquelles  les  corfaires  avolent  coutume 
de  s'abandonner;  mais  il  eft  devenu  plus  rare  à 
mefure  qu'on  a  fait  la  guerre  fans  renoncer  aux 
loix  que  prefcrivent  l'humanité  &  la  compaffion 
naturelle. 

Si ,  par  la  dépofition  de  l'équipage  &  la  vifite 
du  vaiffeau  &  des  marchandifes  ,  on  ne  peut  pas 
découvrir  fur  qui  la  Prife  a  été  faite  ,  l'article  26 
veut  que  le  tout  foit  inventorié  ,  apprécié  &  mis 
fous  bonne  &  fùre  garde  ,  pour  être  reflitué  à  qui 
il  appartient  ,  s'il  eft  réclamé  dans  l'an  &  jour  , 
finon  partagé  également  comme  épave  de  mer,  en- 
tre le  roi  ,  l'amiral  8i  les  armateurs.  Voy.  ÉPAVES. 

Pour  exciter  l'émulation  des  armateurs  ,  le  roi 
a,  par  fa  déclaration  du  24  juin  1778,  dont  nous 
avons  déjà  parlé,  renouvelé  &  même  augmenté 
les  encourageinens  qui  leur  avoient  été  accordés 
autrefois  ;  la  même  loi  a  réglé  les  conditions  des 
fociétés  pour  la  courfe  ,  la  proportion  dans  laquelle 
les  pertes  doivent  être  fjpportées  par  les  intéref. 

M  m  m  m 


641  PRISE. 

iés  ,  le  droit  de  commiffion  pour  les  armateurs  , 
dcs  conditions  de  l'engagement  des  équipages,  la 
police  des  équi[>ages  ,  les  parts  de  l'équipage  dans 
jes  Prifes,  &c.  (i). 


(i)  La  déclaration  citée  concunc  jur  ces  divers  objtts  l(t 
iilf  jfuwns  fu'waniis  : 

A  Kl  1CJ.E  j.  Lts  armateurs  en  courfe  jouiront,  i  compter 

Au  jour  de  l'enregilhemcnt   &:  publication  des  préfentes  ,  de 

J'c.xempiion  des  droits  de  traites  pour  les  vivres  ,  munitions  , 

ar  ilUrie  &  u.lenlîlcsde  toute    eCptce  fervant  à  la  conllruc- 

tion  ,  avitâillemem  &  armement  de  leurs  navires. 

1.  Il  fera  par  nous  incelTamnnent  ftatué  fur  les  efpcces  & 
«lualiits  des  marchandifcs  provenantes  des  PtiCes  tjui  pour- 
lont  être  confonmiées  dans  le  royaume  ,  ainll  que  lut  les 
£roiis  auxquels  elles  feront  affujetcies. 

}.  Déclarons  c]iie  noire  intention  eft  de  donner  des  mar- 
c^ues  paciiculières  &  honorables  de  notre  faiisfaition  à  ceux 
àes  armateurs  <]uj  fe  diilingueront  par  des  encreprifes  plus 
«orifidérabies. 

4.  Pour  encourager  l'armemenr  des  grands  bâtimens  cor- 
faires  ,  qui  font  tout  à-la  (ois  plus  propres  à  la  ccutfe  &:  d'une 
jiieille  uie  dtfente  ,  il  fera  fourni  de  nos  arfenaux  les  canons 
ici  calibres  de  douze  &:  de  huit  livres  «le  balles  ,  qui  feront 
n.ccflaires  pour  les  batteries  de  corfaires  de  quatre-vingt- 
quinze  pieds  de  qmlle  coupée  ,  &  au-delTus  ,  fans  nous  rc- 
ferver  aucune  portion  dans  le  produit  des  Prifes  ;  à  la  charge 
toutefois  que  les  canons  qui  le  trouveront  en  nature  après  la 
cjurfe  ,  feront  remis  dans  les  ports  du  dilfarmeinent  aux  com- 
luiflaires  de  nos  ports  &  ailenaux  :  voulons  en  confcqueuce 
que  les  armateurs  foient  tenus  d'informer  le  fectétaire  d'ciat 
ay  .nt  le  dépattement  de  la  marine,  des  armeraens  &:  conf- 
truft:ons  qu'ils  voudront  entreprendre  ;  &  que  lefdits  com- 
millaires  des  ports  &:  arfenaux  Je  marine  foient  tenus  de  Faire 
coiiliater  en  leur  préfence  la  mcfure  de  la  quille  ,  loifqu'elle 
(era  pofée  ,  &:  de  vifer  le  ceriiticat  qui  en  feia  délivré  par  le 
c^nltru6\eur  du  port  •  &  le  tout  fêta  envoyé  audit  fectciaire 
d  état  ayant  le  département  de  la  marine,  pour,  furie  vu 
d'iceliii ,  être  expédié  nos  ordres  ,  à  l'effet  Jt  faire  fournit  & 
ti-anfjorier  les  canons. 

î.  Si  les  canons  ne  peuvent  être  fourni'  à  temps  ,  nous 
autorilons  les  armateurs  à  en  acheter  ,  &  nous  donnerons 
des  ordres  pour  leur  faire  payer,  dans  un  n.cîs  après  l'expé- 
diiion  du  rôle  d'équipage,  la  fomme  de  huit  ceins  livres 
pour  tenir  Jieii  de  chaque  canon  de  douze,  &  de  tix  cents 
livres  pour  chaque  canon  de  huit  :  au  moyen  de  quoi  ,  la 
valeur  defdits  canons  que  nous  aurons  fournis  en  argent  ou 
en  nature,  ne  pourra  être  employée  dans  la  dépenl'e  de  l'ar- 
rnement  ,  fauf  à  l'aimateur  qui  n'aura  pas  eu  de  canons  pris 
«11  perdus  ,  de  nous  remettre  les  canons  qu'il  auta  achetés  , 
ou  es  femmes  que  nous  lui  aurons  fait  payer,  à  fon  choix. 

6.  Les  falaires  &  parts  des  matelots  défcrteurs  de»  corfai  es, 
aprartiendront  &  feront  acquis  moitié  aux  armateurs,  moitié 
aux  équipages. 

7.  t  ctl'que  les  ccrfaires  particuliers  auront  été  requis  par 
Jes  ccinuiandans  de  nos  efcadres  ,  vaifleaux  oa  frégates,  de 
fouir  avec  eux  des  ports ,  ou  de  les  joindre  à  la  mer,  lefdiis 
rorfaires  participeront  aux  Prifes  &  aux  grati.'ic.'îfions  pen- 
dani  le  temps  qu'ils  feront  attaches  auxditcs  efcadres,  vaif- 
feaux  &  frégates  ;  &  leur  part  fera  fixée  fuivant  le  nombre  de 
leurs  canons  montes  fur  affûts  ,  proportionnuuent  au  nomhre 
lies  canons  de  nos  vailfeaux  &:  autres  bâiimens  avec  lefquels 
ils  auront  fait  lefdiies  Prift.»  ,  fons  avoir  égatci  aux  calibres 
des  canons  ,  ni  à  la  force  des  équipages  deldits  corfaires.  Les 
^raiifications  portées  par  l'article  fuivant ,  auront  lieu  pour 
utiles  de»  Prile»  qui  feront  faites  par  les  corfaires,  &  appar- 
tiendront exciulivement  aux  équipages  d'icfux  ;  mais  dans 
tous  les  cas  où  les  corfaires  particuliers,  n'ayant  point  été 
reqtifs  de  fe  joindre  à  nos  vaifTcaux,  fetoitnt  âes  Prifes  à  leur 
*c:e  ,  ces  Piifcs  apnurieudrr  Dt   en  iciiVné  a uxdiii  corfaires , 


PRISE. 

Le  roi  a  pareillement  voulu  exciter,  par  des 
récompenfes  ,  l'émulation  des  gens  de  mer  &  fol- 

qui  ,  de  leur  coté  ,  ne  feront  admis  à  aucuns  partages  dans 
lc<  Ptifes  que  njs  vaifTeaux  poutroient  faire  à  leur  vue. 

8.  Il  fera  payé ,  des  deniers  de  la  marine  ,  les  gratiticatiant 
fui  vantes,  pour  les  Ptifes  qui  feront  faites  pat  tous  les  corfai- 
res particuliers  j 

S  A  vo  I  R  : 

Ctnt  litres  pour  chaque  canon  de  calibre  de  4  &:  au-delîus 
julqu'à  II  livres. 

Cent  cinquante  livres  pour  chaque  canon  de  lî  livres  & 
au  dellus. 

Kt  rr^nrê /)j(rfs  pour  chaque  prifonnier  fait  fur  lei  navires 
charges  en  marchamiifes. 

Cent  cinquante  livres  pour  chaque  canon  du  calibre  de  4 
•i  II. 

Deux  cents  vingt-cinq  livres  f  OU]:  celui  de  ii  &au-deflus. 

Et  quarante  livres  pour  chaque  prifonnier  fait  fur  des  cor- 
faires particulier». 

Deux  cents  Hi'respoui  chaque  canon  de  4  à  il. 

Trois  cents  livrei  pour  celui  de  11  &  au  deffus. 

Et  cinnuante  lin  es  pour  chaque  prifonnier  qui  aura  été 
tait  fut  des  vailleaiix  &c  frégates  de  guerre.* 

Lorfqu'il  y  aura  eu  combat,  le  calcul  fera  fait  fur  le  nom- 
bre d'hommes  effcaifs  qui  fe  feront  ttouvés  au  commence- 
ment de  l'adion. 

Voulons  en  outre  que  toutes  lefdites  gratificaiion»  foient 
augmentées  d'un  quart  en  fus,  pour  le:.  vaiiVeaux,  frégates  de 
guerre  &  corfaires  particuliers  qui  auront  été  enlevés  à  i'abor- 
^'.ige  ;  ce  qui  aura  également  lieu  pour  les  navires  ennemi* 
.innés  en  guerre  &  niarchandifes  ,  &  dont  le  nombre  des  ca- 
nons excédera  celui  des  corfaires  preneurs. 

9.  Le  nombre  Pc  le  calibre  des  canons  feront  conftatés  par 
le  procès-vetbal  d'inventaire  de  la  Prife  ,  &  celui  des  prifon- 
niers ,  par  les  certificats  de  nos  officiers  dans  les  ports  auxquels 
ils  auront  été  remis ,  ainli  que  fur  les  aurres  pièces  jugce» 
néceflaires  pour  conffatet  le  nombre  d'hommes  efteiftits  qui 
fe  feront  trouvés  au  cou,  i.encement  du  combat. 

10.  Les  gratification»  poitees  par  l'article  S  appartiendront 
en  entier  aux  capiraines  ,  officiers  &:  équipages  des  coiiaires 
qui  auront  fait  la  Prife  ,  dans  la  jTopottion  des  parts  qui  leur 
feront  attribuées  dans  le  tiers  dcfdites  Prifes  ;  l'armateur  fera 
tenu  d'en  faire  la  recette  &  la  distribution  ,  fans  frais  de 
cemmiffion  ,  &  fans  qu'il  puifTe  en  imputer  aucune  partie  fur 
le  rembourfemeiit  des  avances. 

1 1.  Nous  nous  réfervons  d'accorder  aux  capitaines  &  offi- 
ciers defdits  corfaires  qui  fe  feront  dillingués  ,  des  récom- 
penfes particulières  ^  même  des  emplois  dans  notre  Icrvice 
de  la  mâtine  ,  fuivant  la  force  des  vaifleaux  de  guerre  & 
corfaires  ennemis  dont  ils  fe  feront  empâtés ,  &  félon  la  na- 
ture des  combats  qu'ils  auront  foutenu»  :  nous  réfervant  néan- 
moins de  confuher  le  ccnfeiJ  de  marine  dit  département  , 
lorfque  lefdits  capitaines  3c  officiers  des  corfaires  particulier* 
paroîsront  rufceptibles  d'obtenir  pour  técompenfe  Us  giiUes 
a'enfeigne  &  de  lieutenant  de  vailTeau, 

1 1.  Lorfque  les  témoignages  qui  nous  feronr  ren.1us  de  la 
bonne  conduite  Jes  officiels  S:  volontaires  qui  auront  iervi 
fur  des  corfaires  ,  nous  paroîiront  fuffifans  ,  nous  difpenle- 
rons  ceux  qui  feront  dans  le  cas  d'être  reçus  capitaines  de  na- 
vire marchand,  de  l'obligation  de  fervir  une  ou  deux  cam- 
pagnes fur  nos   vaifTeaux. 

"i  5.  Les  orhciers  c\'  matelots  des  équipages  des  corfaires  qui 
fe  trouveront  hors  d'état  de  continuer  leurs  fervices  par  le» 
blelfures  qu'ils  auront  re(;ue5  dans  les  combats  ,  feront  com- 
pris dans  les  états  die  dcmi-iolde  que  nous  accordons  aux  gen^ 
de  mer:  &:  nous  accorderons  pareillement  des  penlîon»  aux 
veuves  de  ceux  qui  auront  été  tués,  ou  qui  feront  morts  de 
leur»  blefTures. 

14,  Les  focictés  pour  la  cott..'"e  ,  s'il  n'y  a  pas  de  convea- 


PRISE. 

«Jats  ,  compofant  les  équipages  de  fcs  val^aiix , 
frégates  ,  &  autres  bâtimens.  Les  anciennes  ordon- 


tion  contraire  ,  feront  réputées  en  commendite  ,  foit  que  les 
ir.itreflcs  fe  foient  alTocics  par  des  quotités  fixes ,  ou  j^ar  ac- 
tions. 
_  I  j.  L'armateur  pourra  ,  par  l'afte  de  fociété  ou  par  les  ac 
nons ,  fixer  le  capiral  de  l'cnrreprife  à  une  fomme  détermi- 
née ,  pour  régler  la  répartition  des  profits  ou  la  conttibuton 
aux  pertes;  &c  fi  ,  d'après  les    comptes  qui  feront  fournis,  la 
ccnîlruition  &  niife  hors  ne  montent  pas  à  la  fomme  détet 
îninée  ,  le  iurplus  fera  employé  aux  dépenfes  des  relâches  , 
©u  ,  en  cas  de  Prife  du  corfaire  ,  fera   rendu  aux  aclionnaires 
au  marc  la  livre  :  fi  au  contraire  les  dépenfes  delà  conftruc- 
tjon  5c  mife  hors  excèdent  la  fomme  fixée  ,   l'avmateur  prde 
veta  fes  avances  fur  le  produit  des  premières   Prifes  ;  &: ,   en 
cas  d'infu.lifancc  ,  il  en  fera  également  rembourfé  au  marc  la 
livre  par  l'adionnaire  ;  ce  qui  aura  Jieu   pareillemenr  pour 
les  dépenfes  des  relâches^  lorf^ue  le  produit  des  Prifes  ne  fera 
pis  futïifant. 

16.  Lts  armateurs  feront  tenus,  dans  les  adions  qu'ils  dé- 
Jifreron:  aux  intér-flcs  ,  de  faire  une  mention  fommaire  des 
dimenfions  du  bitiment  qu'il»  fe  propoferont  d'armer  en 
eourfe  ,  du  nombre  3c  de  la  force  de  fon  équipage  &:  de  fes 
canons ,  ainfi  que  du  montant  préfumé  de  ia  coniirudion  & 
mife  hors. 

17.  Le  compte  de  la  conltrudion  &  mife  hors  ,  qui  fjr 
mera  toujours  le  capital  de  l'entreprife,  hors  le  cas  pievu  par 
l'article  If  ,  fera  clos ,  arrêté  8c  dcpofé  ,  avec  les  pictcs  juai- 
ficatives  ,  au  greffe  de  l'amirau  é  ,  dans  ie  quinzi:  ni;  jour 
après  celui  auquel  le  corfaire  aura  fait  voile  pour  commencer 
Ja  eourfe,  fauf  à  n'cnip'o/er  que  par  cva'uation  les  .uticles 
de  dépenle  qui  ,  à  cette  épcque  ,  ne  pourront  pas  être  liqui 
dés;  lefquels  feront  enfuite  alloués  dans  le  compte  de  coaf- 
truûion  &  mife  hors  pour  leur  vraie  valeur  ,  &  lur  les  pièces 
juftificatives  qui  feront  rapportées. 

18.  Permettons  néanmoins  aux  ornciers  de  l'a.nirauté  d'ac- 
corder à  l'armateur ,  fur  fa  demande ,  un  fécond  délai  de  huit 
jours ,  pour  dépofer  le  compte  mentionné  en  l'article  précé- 
dent ;  mais,  pafïè  ce  terme  ,  Ci  l'armateur  n'y  a  pas  fatisfait  , 
i!  fera  privé  de  tous  droits  de  commiflîon,  par  le  feul  fait  dt 
n'avoir  pas  dépofé  i*  fon  compte. 

15.  Lorfque  la  conftrudion  d'un  corfaire  &:  fa  mîfe  hors 
te  pourront  être  achevées ,  foit  par  la  conclufion  de  la  paix  , 
<5u  par  quelque  autre  événement,  Ja  perte  fera  fupportée  par 
les  intérenes,  fuivant leur  quotité.  Se  par  les  aûionnaires  , 
au  marc  la  livre  du  capital  qui  aura  éré  hxé  pour  J'entreprife  : 
èc  s'il  n'y  a  pas  eu  de  fixation  ,  le  capital  fera  évalué  par  ar- 
bitres à  la  fomme  que  l'entreprife  auroit  dii  coûter  l\  elle 
avoir  été  achevée. 

10.  Le  droit  de  commimon  ordinaire  fera  de  deux  pour 
cent,  fur  le  n  o  itant  des  dépenfes  de  la  conftrudim  ,  arme- 
ment,  relâches  &:  Jéfarmement.  Il  fera  en  outre  alloué  aux 
armateurs  une  femblable  commi/Tion  de  deux  pour  cent  fur 
les  Prifes  rentrées  dans  le  port  de  1  atrBemjnt ,  .lont  ils  auront 
eu  TadminiAraticn  particulière  ,  &'  un  pour  cent  feulement 
pour  la  rentrée  des  fonds  fur  les  Prifes  qui  auront  été  con- 
«iuues  dans  d'autres  ports .  &  qui  auront  été  adminiltrées  pu 
leurs  commiflionnaires ,  avec  ,  fur  le  tout  ,  un  demi  pour 
Cent  pour  la  négociation  des  lettres  de  change. 

21.  Les  engagemens  pour  la  eourfe  ordinaire  ,  s'il  n'y  a  pa,^ 
de  convention  contraire,  y  compris  le  temps  des  relâche»  , 
feront  de  quatre  mois  ,  à  compter  du  jour  que  le  valifeau 
nettra  à  la  voile  &  doublera  les  caps  ou  pointes,  qui  ,  fui 
vant  les  ufaçes  locaux,  déterminent  un  départ  abfolu:  excep 
tous  toutefois  les  relâches  néceflaires  pour  amener  des  Prifes , 
prendre  des  vivres,  faire  de  l'eau,  cfpalmer,  ou  d'aurres  cas 
jrefTans ,  à  la  charge  de  remettre  en  mer  auflitôt  que  le  vent 
1«  permettra.  Faifons  très-exprefles  défenfes  aux  équipages  de 
^ui«et  le  vaifleau  pendant  la  durée  defdi;s  en^agemens  ,  à 


PRÎSF.  64} 

nances  «voient  rcAreint  la  part  qui  revenoit  aiix 
vaifîeaux-preneuis  dans  le  produit  des  Prife*  ,  à 


peine  «l'être  punis  comme  défetteurt. 

11.  Le  tiers  du  produit  dci  Prifes  qui  auront  été  faites  ,  ap- 
pa'tiendra  à  l'équipage  du  bâtiment  qui  les  aura  faites  ;  mis 
■  c  montant  des  avances  qui  auront  été  payée»  fera  déduit  fur 
les  parts  de  ceux  qui  le»  auront  reçue». 

tj .  Les  équipages  des  bâtimens  armés  en  guerre  6c  mar- 
char.difes,  n'auront  que  le  cinquième  des  Prifes,  Se  i!  ne 
leur  fera  fait  aucune  déduûion  pour  les  avances  comptées  i 
J  arincment  ,  ou  pour  les  mois  payés  pendact  le  cours  du 
voyage. 

14.  Lorfque  nous  voudrons  bien  accorder  à  des  armateur* 
nos  vaifleaux  ou  frégates  pour  être  armés  en  eourfe  ,  les  équi- 
pages ne  pourront  ctre  engagés  que  de  gré  à  gré ,  &  on  fui- 
vraies  conditions  ordinaires  de  la  eourfe  ,  s'il  n'y  a  pas  de 
conventions  contraires  ;  ce  qui  aura  égalenaent  lieu  pour  les 
deux  arricles  préeédens. 

if.  Aucun  armateur  ne  pourra  donner  aux  matelots  de 
plus  fortes  avances  que  celles  qui  feront  ci-après  fpécificer , 
ni  plus  de  trente  fous  de  denier  à  dieu  ,  fous  quelque  pr  - 
texte  que  ce  fcir,  i  peine  de  trois  mille  livre»  d'amende  fie 
de  r.iji'ia'icn  de  l'exccdcnt  dans  les  comptes.  Voulons  que  la 
totalité  defJites  avances  foit  payée  avant  le  départ  du  corfaire  , 
dan^  la   proportion   fuivaiiie  : 

Aux    preii.iec    &   fécond    maître» 

d'équipage Ce»t  cinquante  Ihn^ 

Aux  pilotes  ,  contre  maîtres,  char- 
pentiers ,  maîtres  de  Prifes  &  capi- 
taines d'armes Cent, 

Atjx  féconds  canon  nier»  ,  charper» 
[itrs  ,  boircmans^  maîtres  de  chalou- 
pes ,  ca'fats,  voilier»,  armuriers,  ouar-      » 
tieis  rratres  &  fécond  chirurgien  .   .     Quatre  vingt. 

Aux  lergens ,  matelots  ayant  la  pli  s 
haure  paye  fur  nos  vaifleaux     .     .     .     Soixantt-fix, 
A  ceux  qui  ont  une  paye  tnoindie  .     Soixante, 
A    ceux    qui    n'ont  point    encore 
fervi  ,  ou  qui  n'ont  fait  qu'une  cam- 
pagne ,  Se  aux  foidats Qvarame-cinq. 

Aux  moufles  forts  qui  ont  navigué.-     K'n^f-/'pr. 

Aux  autres  moufle Dix-kutt. 

Les  officiers  majors  &  les  volontaires  n'auiont  aucune» 
avances. 

Et  à  l'égard  des  bâtimens  armés  en  guerre  &  en  marcha n- 
difes  ,  les  avances  ne  feronr  réglées  que  de  gre  a  gré. 

16.  L'équipage  fera  tenu  de  fe  rendre  à  bord  vingt  quatre 
heures  après  l'avertiflement ,  qui  aura  été  donné  au  fon  da 
tambour,  ou  par  le  coup  de  canon  de  départ,  à  peine  d'être 
puni  comme  déferteur  ;  ce  qui  aura  li«w  également  peur  les 
matelots  qui  prendroient  un  faux  nom  ,  «u  fuppofcroient  un 
faux  domicile. 

27.  La  police  qui  eft  obfetvée  fur  nos  vaifleaux  pour  les 
équipages  qui  y  font  embarqués,  aura  également  heu  pour 
les  officiers  mariniers,  matelots,  &  autre»  gens  de  mer  em- 
barqués fut  les  corfaires  :  enjoignons  aux  capitaines  de  faire 
garder  sûrement  à  leur  bord  ceux  qui  feroient  coupables  de 
quelques  crimes  &  délits,  jufqu'à  ce  qu'ils  foient  conduics  , 
à  nos  frais  ,  au  plus  prochain  port  ou  arfenal  de  marii;e  ,  fui- 
vant  les  ordres  que  nouj  ferons  expédirr  à  cer  effet. 

i8.  L'équipage  fera  obligé  de  travailler  pour  le  fervicc  du 
bâtiment,  toutes  les  fois  qu'il  fera  commandé;  &  il  fêta 
retenu  trente  fous  par  jour  à  ceux  qui  y  manqueront  ;  Ic- 
quelle  retenue  fera  faite  d'après  le  rapport  de  l'érrivain  vife 
par  le  capitaine,  &:  fera  diflribuce  à  ceux  qui  auront  tra- 
vaillé. 

19.  Le  coffre  dti  capitaine  pris ,  ni  les  pacotnies  eu  mar- 
chandifes  qui  pourroient  lui  appartenir,  dans  quelqu'enircic 
du  bâtiment  qu'elle»  foient  chargées  ,  ne  pourront,  dans  au- 

M  m  m  m  ij 


644  PRISE. 

des  gratifications  pour  les  bâtimens  de  guerre,  Sl 
au  tiers  feulement  du  produit  de  la  vente  pour  les 


cim  cas  ,  êcre  attribuées  au  capitaine  du  corfaire  qui  aura  fait 
la  Prife.  Permettons  toutefois  à  l'armateur  de  ilipuler  en  fa- 
veur duJit  capitaine,  &  pour  lui  tenir  lieu  Je  dédommage- 
Hicnt,  une  femme  proportionnée  à  la  valeur  de  la  Prife  ,  & 
feulement  iorfqu'elle  arrivera  à  bon  port. 

jo.  Défendons  pareillement  aux  officiers  dci  amirautés  de 
permettre  que  les  capitaines-  condudears  des  Prifes  s'appro- 
prient ,  fous  prétexte  de  droit  ou  d'ufage,  aucunes  marchan- 
difcs ,  effets  ou  meubles  des  bâiimens  pris  ,  à  peine  d'en  de- 
mearer ,  lefdits  juges  ,  refpcnfables  en  leurs  propres  &:  privés 
noms  :  permetttons  cependant  aux  armateurs  dérégler,  dans 
Jes  inftruotions  qu'ils  donneront  aux  capitaines  des  corfaires , 
&  de  concert  avec  eux  ,  des  fommes  modiques  Se  proportion- 
nées à  la  valeur  des  Prifes  arrivées  à  bon  port;  Se  feront  lef- 
dites  fommes  payées  aux  capitaines-conduifteurs  des  Prifes , 
pour  leur  renir  lieu  de  tous  autres  droits  qui  ont  pu  être  to- 
lérés par  jufqu'à  pré(ent. 

ji.  11  ne  fera  rien  déduit  à  l'équipage  en  cas  que  le  vaif- 
feaii  défarme  par  l'ordre  des  armateurs  avant  la  rin  de  la 
courfe  ;  mais  fi  ,  pendant  l'armement  ou  avant  les  deux  tiers 
de  la  courfe  expirés  ,  le  vaifTeau  fe  ttouve  hors  d'état  de 
fervir ,  les  armateurs  pourront,  dans  le  terme  d'un  mais, 
en  fubftituer  un  autre,  fur  lequel  l'équipage  fera  teau  de 
j'embarquer ,  aux  mêmes  conditions  ^  pour  continuer  la 
courfe. 

ji.  il  ne  fera  promis,  avant  l'embarquement,  aucnnes 
p»rts  dans  les  prifes  aux  officiers  majors ,  officiers  mariniers  , 
volontaires,  folJars,  matelots  ou  autres  ;  mais  elles  feront 
réglées  immédiatement  après  le  retour  des  vaiCTeaux  ,  à  pro- 
portion du  mérite  Çc  du  travail  de  chacun  ,  dans  un  confeil 
lenu  à  cet  effet;  lequel  fera  compofé  du  capitaine  &:  des 
premiers  officiers  majors ,  fuivant  l'ordre  du  rôle  d'équ.'page  , 
au  nombre  de  fept ,  le  capitaine  compris,  s'il  fe  trouve 
afTez  de  lieutenins  pour  compléter  le  nombre  ;  lelquels  prê- 
teront ferment  devant  les  juges  de  l'amitautc  ,  dans  huit  jours 
au  plus  tard  après  la  courfe  finie  j  de  procéder  fidèlement,  & 
en  leur  ame  6c  confcience,  au  règlement  &:  à  la  répartition 
des  parts. 

Le  roi  ayant  depuis  confiiéré  que  ces  rc'glemens  de  parts 
dépendant  de  la  volonté  d'un  peut  nomire  de  perfonnes  qui 
étaient  en  même-temps  juges  6*  parties ,  il  convenoic  d'em- 
ficher  que  Us  intérêts  des  équipages  ne  furent  compromis  par 
une  fixation  arbitraire  des  parts  de  Prifes  que  leur  valeur  leur 
'avroit  méritées  :  en  confcquenee ,  fa  majefté  a  rendu  en  fon  con- 
feil,  le  l<;  décembre  17^1.  ,  un  arrct  par  lequel  elle  a  ordonné 
qui  l'avenir  les  rég'emens  des  parts  de  Prifes  ,  revenantes  aux 
tjjiciers  majors,  ojgiciers  mariniers  ,  volontaires  ,foldats  mate- 
Jars,  &•  autres  gens  dis  équipages  des  corfaires,  fe  feraient 
dans  les  chambres  du  confeil  des  amirautés ,  immédiatement 
après  le  rietour  des  corfaires  qui  auraient  fait  les  Prifes  ,  con- 
formément à  l'article  j  i  qu'on  vient  de  rapporter  ,  par  le  capi- 
taine &"  les  premiers  officiers  majors,  au  nombre  de  fept ,  en 
vréfence  du  lieutenant  général  de  l'amirauté ,  du  procureur  du 
roi  au  même  fùge ,  &■  du  commijfaire  des  clajj'es.  L'arrêt  dont 
il  s'agit  charge  ces  officiers  ,  de  veiller  à  ce  que  les  règlcmens 
fe  fajfent  avec  impartialité  ,  conformément  au  mérite  b"  au  tra- 
vail de  chacun,  &•  dans  la  proportion  prefcrite  par  l'article 
fuivant  ,  fans  que  la  quotité  des  parts  attribuées  à  chaque  grade 
fvijfe  être  diminuée  ,  (if  d  ce  qu'il  ne  foit  admis  aucune  priva- 
tion ou  diminution  de  parts  que  fur  des  motifs  légitimes  ,  qui 
euront  été  dijcutés  tu  leur  prejence.  Le  règlement  départs  doit 
ftre  figné  du  lieutenant  général  &  du  commijaire  des  claffes , 
conjointement  avec  les  capitaines  6*  les  officiers  majors  ,  &•  dé- 
pofé  au  grefe  de  l'amirauté.  Il  doit  d'ailleurs  en  être  remis 
une  expédition  au  bureau  des  clajfcs. 

î^.  Il  ne  pourra  être  accordé: 
An  capitaine  ,  plus  de     ...    .     Dou7e  parts. 


PRISE. 

navires  marchands  ;  mais ,  par  une  ordonnance  du 
28  mars  1778  ,  fa  majefté  s'eft  déterminée  à  faire 


Au  capitaine  en  fécond  ,  plus  de  ..     Dix  parts. 
Aux  deux  premiers  lieutentns ,  plus 

de ■   .     .     .     .    Huit  parts. 

Au  premier  maître  ,  â  l'écrivain  & 

aux  autres  lieutenans ,  plus  de  .  .     Six  parts. 
Aux  enfcignes,  au   maître  chirur- 
gien &  aux  detix  maîtres ,  plus  de     Quatre  farts^ 
Aux  maîtres    de    Prifes  ,   pilotes , 
contre  -  maître  ,  capitaines  d'at- 
rnes ,  maîtres  canonniets ,  char- 
pentiers ,   calfats  ,    boflemans  , 
maîtres  de  chaloupes,  voiliers, 
armuriers ,  quartiers  -  maîttes  ôc 
fécond  chirurgien  ,  plus  de  .  .     Deux  parts. 
La  volontaires  auront     .     ...     Une    part  ou  deux   au 

plus. 

Les  matelots Une   part  ou   part    (y 

demie. 

Les  foldats Une  dtmi-part  à  une 

part. 

Les  novices D'un-  dimi-pirt  à  treis 

quarts  de  part. 

Les  mou  (Tes Un  quart  de  part  ou  une 

demi.part,  fuivant  leurs  fcrvices  refpefiijs 
fc*  leurs  forces. 
j4.  Le  nombre  des  parts  attribuées  à  chaque  grade  par 
l'article  précédent  ,  ne  pourra  être  diminué  qu'à  ta  plurahtc 
de  deux  voix  ;  mais  une  feule  fufflra  pour  déterminet  le  plus 
ou  le  moins  attribué  aux  volontaires ,  matelots  ,  foldats , 
novices  &  moufles  ;  &  ,  en  cas  de  partage  d'avis  à  l'égard  de 
ces  derniers,  la  voix  du  capitaine  fera  prcpondéraitre.  L  écri- 
rai» n'aura  de  voix  que  pour  remplacer  chacun  des  officiers 
majors,  qui  fera  tenu  de  fe  retirer  lotfqu'il  s'agira  de  fixer 
les  parts. 

jf.  Le  capitaine  Se  les  officiers  majors  feront  tenus  d'affi' 
gner  une  fomme  ,  fur  le  produit  des  Prifes ,  aux  officiers  & 
autres  gens  de  l'équipage  qui  auront  été  bleffés  Se  elhopiés 
dans  les  combats  ,  &c  aux  veuves  &c  héritiers  de  ceux  qui  au- 
ronr  été  tués  ,  ou  qui  feiont  morts  de  leurs  bleffures  ;  8c  fe- 
ront lefdites  fommes  payées  ,  à  ceux  auxquels  elles  feront  ac- 
cordées, en  outre  &  par-deffus  leurs  parts  dans  le  tiers  accordé 
à  l'éoiiipage  ,  pourvu  que  lefdites  gratifications  n'excèdent 
pas  le  double  de  la  valeur  defdites  parts. 

^6.  Le  capiaine  Scies  officiers  majors ,  ainfi  que  récrjvain, 
feront  tenus  de  fignet  le  règlement  des  parts,  arrêté  à  la  plu- 
ralité des  voix  ,  8c  de  fe  préfenter  ,  dans  trois  jours  ,  au  greife 
de  l'amirauté  ,  où  il  leur  en  fera  fair  lecture  en  préfencè 
Jes  officiers  du  fiège.  Apres  avoir  déclaré  qu'ils  n'y  veuleti^t 
rien  changer,  ils  affirmeront  qu'ils  y  ont  ptocédé  en  leur 
ame  èc  confcience  ,  &:  il  fera  dreflé  prccès-veil-'al  du  tout , 
ainfi  que  du  dépôt  dudit  règlement, 

57.  Nos  procureurs,  aux  hcges  des  amirautés,  tiendront  la 
main  à  l'exécution  des  articles  précédens  :  lear  enjoignons  de 
vérifier  C\  les  officiers  qui  fe  préfenteront  avec  le  capitaine 
pour  prêter  fertiient,  font  les  mêmes  que  ceux  défignés  par 
l'article  f;2,  te  fi  le  règlement  a  été  rédigé  dans  la  foime 
prefcrite.  Voulons  que  les  capitaines  qui  n'auroient  pas  con- 
voqué les  officiers  majors  pour  prêter  ferment  dans  le  délai 
fixé  par  l'article  ci-dçllus ,  foient,  à  la  requête  .pourfuite  & 
diligence  de  ncfdits  procureurs,  condamnés  en  cent  livres 
d'amende  pour  chaque  jour  de  retardement,  &  que  le  ca- 
pitaine ôc  les  officiers  qui  auront  procédé  audir  règlement , 
Se  qui  ne  l'auront  pas  dépofé  au  greffe  dans  les  trois  jours 
fuivans ,  foient  condamnés  chacun  en  vingt  livres  d'amende 
par  chaque  jour  Je  retardement  ;  lefdites  fommes  applicrJ.'.t  s 
â  la  maffe  des  parts  atttibuèes  aux  matelots  5c  autres ,  aux- 
quels il  n'aura  été  réglé  qu'une  part  Se  au-dciïbuî. 


PRISE. 

Tabandon  en  entier  des  bâtimens  de  guerre  &  cor- 
faires  enlevés  fur  les  ennemis ,  en  faveur  des  com- 
mandans  ,  états-mnjors  ,  &  équipages  des  vaifTeaux 
qui  s'en  emparent,  &  à  réferver  feulement  un  tiers 
de  la  valeur  des  navires  marchands  &.  de  leur  car- 
gaifon,  pour  être  appliqué  à  la  calffe  des  invalides 
de  la  marine. 

En  abandonnant  ainfi  aux  vaiïïeaux  preneurs  la 
valeur  entière  des  bâtimens  de  guerre  ,  &  les  deux 
tiers  du  produit  des  navires  marchands  ,  le  roi  , 
affuré  du  zèle  défmtéreffé  des  officiers  de  fa  ma- 
rine ,  a  voulu  que  l'augmentation  qui  réfulteroit 
de  ces  nouvelles  difpofitions  ,  portât  principale- 
ment fur  la  partie  du  produit  des  Prifes  qui  ap- 
particndroit  aux  officiers  mariniers  ,  matelots  &  fol- 
dats  employés  fur  les  vaifieaux  ,  &:  autres  bâtimens 
de  fa  majeilé  (i). 


38.  Le  règlement  de:  parts  ,  arrêté  en  la  forme  ci-deffus  , 
fera  dcHnitivemeiu  exécuté  :  défendons  aux  juges  d'admettre 
aucunes  aftion: ,  plaintes  ni  réclamations  de  la  part  des  olfi- 
ciers  ou  gens  de  î'écjuipage  ,  à  cet  égard. 

{  I  )  L'ordonnance  d'jnc  il  s'agit  contient  les  difpofitiom 
fuivantes  : 

Article  t.  Tous  les  vaifleauXj  frégates  &:  autres  bâti- 
tuens  de  guêtre  ,  &c  tous  corfaires  enneinis  qui  feront  pris 
par  Jes  vaifieaux  ,  frégates  Se  autres  bâtimens  de  fa  majeilé, 
enfemble  les  canons  ,  armes  munitions  de  guerre  ,  agrès , 
apparaux  ,  vivies  &:  dépendances  des  bâtimens  pris  ,  ainfi  tjue 
les  pierreries  ,  matières  d'or  &  d'argent ,  uiatcliandifes  ,  & 
autres  eflFets  faifant  partie  des  cargaifons,  qui  pourront  fe 
trouver  fur  lefdits  vaifTeaux  ,  frégates,  bâtimens  ,de  guerre  ou 
corfaires  ,  appartiendront  en  totalité  aux  oiiiciers  &  équipages 
des  bâtimens  preneurs  ,  fa  majefté  leur  en  faifant  entière- 
ment l'abandon. 

1.  Tous  navires  marchands  ennemis,  ainfi  que  ceux  dont 
Jes  coiiiniijfïons  feroient  en  guerre  S:  marchandifes,  pris  par 
les  vaifTeaux  ,  frégates  &:  autres  bâtimens  de  fa  majedé  ,  ap- 
partiendront ;  favoir,  la  valeur  des  deux  tiers,  aux  officiers 
&  aux  équipages  des  bâtimens  preneurs  ;  &  la  valeur  du  tiers 
reliant,  1  la  ciifle  des  invalides  de  la  marine,  à  laquelle 
fa  inajeflé  a  fait  abandon  dudit  tiers  ,  aux  charges  portées 
par  la  préfente  oidonnance.- 

j.  LoifijLie  fa  majeRé  jugerai  propos  de  retenir  les  vaif- 
feaux  &  frégates  de  guerre,  y  compris  celles  de  vingr  ca- 
nons enlevés, fur  fcs  ennemis,  qui  feront  jugés  pouvoir  être 
employés  utilement  pour  fon  fervice,'Ie  prix  en  fera  payé 
aux  officiers  &  équipages  des  yaiffeaux  preneurs  ,  des  deniers 
de  la  caille  des  invalides,  dans  deux  mois  au  plus  tard,  fur 
le  pied  ; 

Savoir: 

De  cinq  mille  livres  pour  chaque  canon  monté  fur  affût  , 
des  vailTeaux  de  50  canons  &  au-delTus.  . 

De  quatre  mille  livres  pour  ceux  des.vai(res.ux  de  8o  , 
74  ,   70   &   6S  canons; 

De  treis  mille  cinq  cents  livres  pour  ceux  des  vaifTeaux 
de  ^4  ,  6^0  Se  jo  canons  ; 

Et  de  frais  mille  livres  pour  ceux  des  frégates. 

Dans  les  piix  ci  defl'us  fixés ,  feront  compris  l'artillerie  ,  les 
munitions  de  guerre  ôC  de  bouche,  les  agrès  &  apparaux  ,  & 
toutes  les  dépendances  des  vaifTeaux  &  frégates  de  guerre 
pris  fur  les  ennemis;  à  l'exception  des  matières  d'or  &  d'ar- 
gent ,  pierreries  &  aurres  rnarchandifes  faifanr  partie  des  car- 
gaifons  qui  pourront  fe  trouver  à  bord  defJits  bâtimens ,  lef- 
quelies  appartiendront  en  entier  aux  officiers  &:  équipages 
des  vaiffeaux  preneurs,  indépendamment  du  prix  payé  P'"^  'c 
roi  pour  la  valeur  des  bâiimens. 


PRISE.  <545 

Le  19  juillet  1778  ,  le  roi  a  fait ,  pour  l'établint' 
ment  du  confeil  des  Prifes ,  &  la  forme  d'y  pro* 


4.  Sa  majefté  pourra  paveillcment' faiie  retenir  pour  fon 
fervice  tous  autres  bâtimens  de  guerre,  corfaires  &  navires 
rr.archands  ennemis,  pris  par  fes  vaiffeaux  ,  ainfi  que  les  ca- 
nons ,  armes,  agrès ,  apparaux  ,  vivres  &  autres  munitions 
ou  marchandiles  ,  çn  tout  ou  en  partie  ,  qui  fe  ttoureront  à 
bord  defdits  bâtimens ,  &  qui  pourront  être  employés  pour  le 
fervice  de  fes  atfenaux.  Le  prix  en  fera  payé ,  dans  le  terme 
de  deux  mois  ,  des  fonds  de  la  marine ,  fur  l'eftimation  qui 
en  fera  faite  par  les  commiffaires  nommés  par  le  confeil  de 
mariné i  étiBIi-pârTordorinatice  cTu  ly  feptembre  1776,  fi  la 
Prife  ell  amenée  dans  un  des  trois  pottt  de  Breft  ,  Toulon 
&  Rochefort  ;  &  par  les  officiers  des  ports  ,  conftruûeurs  £c 
experts,  fi  elle  a  été  conduite  dans  un  autre  port  du  royaume 
ou  des  colonies^ 

5.  Tout  ce  qui  ne  fera  pas  retenu  puur  le  fervice  de  fa 
majefté ,  fera  vendu  en  la  manière  accoutumée  ,  même  fans 
attendre  le  jugement  de  confifcacion  pour  les  Prifes  qui  ne 
patoîtront  pas  fufceptibles  de  contc.'lation  ;  &  tous  trais  de 
procédures,  gardes ,  magafmages  &  autres  ,  ainfi  que  les  fix; 
deniers  pour  livre  attribués  à  la  caiffe  des  invalides  de  la 
marine,  feront  prélevés  fur  le  produit  des  évaluations ,  efli- 
macions  &  ventes. 

É.  A  l'égard  de?  vaiffeaux,  frégates  &:  autres  bâtimens  de 
Euerre  ,  ainfi  que  des  corfaires  particuliers  ennemis  ,  qui 
feront  cûulés  bas,  brûlés  ou  autrement  détruits  par  les  vaif- 
feaux, frégates  &  autres  bâtimens  de  fa  niajellé  ;  ce  qui 
aura  pu  être  fauve  des  équipages ,  fera  amené  dans  les  porte 
du  royaume  ou  ceux  des  colonies  appartenantes  à  fa  majefté; 
fc ,  fur  la  preuve  authentique  qui  en  fera  rapportée,  il 
fera  payé  des  deniers  de  la  caiffe  des  invalides,  aux  offi- 
ciers &  équipages  des  vaifTeaux  Se  bâtimens  qui  les  auront 
détruits.  : 

Savoir: 

Huir  cents  livres  peur  chaque  canon  monté  fur  affût ,  des 
vaiffeaux  de  ligne  ennemis  ; 

Six  cents  livres  pour  chaque  canon  des  frégates  &  autres 
bâtimens  de  guerre  ; 

Et  quatre  cents  livres  pour  cliaque  canon  des  corfaires 
particuliers. 

7.  Le  produit  des  prifes  &:  des  gratifications  revenant ,  foit 
à  des  armées  navales  ,'  efcadres  ou  divilions  ,  foit  à  un  vaif- 
leau  ou  autres  bâtimens  de  fa  majefté  ayant  une  deftination 
particulière  ,  fera  partagé  ; 

Savoir:  ' 

Un  tiers  entre  les  officiers  génétaux,  les  commandanj  de» 
vaiffeaux,  frégate;  &:  autres  bâtiinens ,  &-  les  officiers  &  au- 
tres perfonnes  con-ipofa'nt  les  états-majors  ; 

Et  les  deux  tiers  reft'ant,  entre  lei  équipages. 

8.  Le  tiers  attribué  aux  officiers  généraux  ,  commandons  Sc 
états-majors  ,  ne  fera  ,  dans  tous  Jes  cas  ,  qu'une  feule  maffe  , 
dans  laquelle  tous  les  officier's  d'une  armée  navale  ,  efcadre 
ou  divilion,  ou  ceux  d'un  vaiffeau  ou  autre  bâtiment  ayanç 
une  deftination  particulière,  auront  les  parrs  réglées  ci  après 
pour  leur  grade,  fans  avoir  égard  à  la  force  des  bâtimens. 

Savoir: 


Le  vice-amiral Trente  pjrts. 

-.  Commandant  en  chef.  Vingt. 
Le  lieutenant  géu.  ■?  S'il  ne  commande  pas 

(.    en. chef      ....  Quinze. 

ç  Commandant  en  chef.  Quinze. 
Le  chef  d'efcadre.  <  S'il  ne  commande  pas 

t    en  chef     .      •     .     .  Dix; 
Le  capî-aine  de  pavillon   d'un   officier  gé- 
néral        .  •       .  -        •  "  •  ^'"?* 


646  PRISE. 

céder,  un  règlement  qui  contient  les  difpofnions 
fuivames  : 

«  Article  i.  Les  Prifes  feront  jugées  par  des 
s»  ordonnances  qui  feront  rendues  par  M.  l'aini 
«  rai ,  &  par  des  commiflaires  choifis  &  nommés 
j»  par  fa  nnijefté ,  pour  tenir  confeil  près  de  lui. 
o  M.  l'amiral  &  lefdits  commiffaires  connoîtroat 
M  en  outre  les  partages  des  Prifes ,  &  de  tout  ce 
M  qui  leur  eft  incident ,  même  des  liquidations  gé- 
>»  nérales  ou  particulières ,  &  des  comptes  des  dé« 


Commandant  un  vaif- 


^   feau  . 

le    capitaine    Ael  Commandant  une  frc- 
vaifleau     •     •     -J    gâte 

^Employé  en  fécond  ou 


Le  lieutenant  de 
vaifleau     .     .    . 

Le  capitaine  de 
btûlot,  l'enfeigne 
de  vaiffeau  &  le 
lieutenant  de  fré- 
gate    .     .      .     • 


autrement     . 

Commandant  une  fté- 
gace    ou  autre  bâti- 
ment        .         .        .  Deux. 
•Ne  commandant  pas.  Une. 

Cominandaiit  un  bâti- 
ment        .         ,        ,  Une. 


Cinq. 

Trois  6*  demie. 

Deux. 


Ne  commandant  pas.    Une  demi- fart 
j     ç  Commandant  un  bâti- 

i    ment  .         .        .Une  demipir 

'Ne  commandant  pas 
L'aumônier         .  ,  .  , 

Le  chifurgien  major 


Le    capitaine 
Flûte. 


Le  garde  du  pavillon  ou  de  la  marine  , 

Le  garçon  major  , 

Le  porte  drapeau  ,  f  marine. 


Le  garçon  major ,  Ldes  troupes  de 


y, 


^ 


Un  çMJrt  de  part. 
Un  quarr  de  parr. 
Un  quart  de  part. 
A  chacun  un  hui 

tième  de  part. 


A  chacun 
Quacre  parcs. 


Les  officiers  ^ui  auront  été  avancés  pendant  une  campa- 
gne ,  n'auront,  jufqu'à  la  fin  de  la  campagne  ,  que  les  parts 
attribuées  ci-defTus  à  leur  premier  garde. 

9.  Les  deux  tiers  appartenins  aux  équipages,  feront  répar- 
tis comme  il  fuit  : 

Savoir: 

Au  fourrier  du  corps  royal  d'infan- 
terie de  la  marine  ,  faifant  fonc- 
tion de  capitaine  d'armes     .     . 

Aux  premiers  maîtres  d'équipages  . 

Aux  premiers  pilotes         .        . 

Aux  piemiers  maîtres  canonîers     . 

Au  premier  fectétaire  de  l'officier 
chargé  du  détail  général  ,  fur  le 
vaiffeau  monté  par  un  officier  gé- 
néral commandant  en  chef.  .  . 

Aux  fergens  du  corps  royal  d'infan- 
terie de  la  marine         .         . 

Aux   premiers  maîtres  charpentiers. 

Aux  premiers  maîtres  calfat»     . 

Aux  premiers  maîtres  voiliers     . 

Aux  féconds  maîtres  d'équipages  . 

Aux  féconds  pilotes 

Atix  féconds  maîtres  canoniers  • 

Aux  pi.'ores-côiiers 

Aux  féconds  chirurgiens 

Aux  fecréraires  des  officiers  charges, 
du  déiarl  .  • 

Aux  féconds  maîtres  charpentiers 

Aux  féconds  maîtres  calfats     .     . 

Auf  féconds  maîtres  voiliers     . 

Aux  centre-maîtres  •         • 

Au\  bofleiuam        •        »        • 


A  chacun 
Trois  parts. 


A  chacun 
Deux  parts  b'  demi'!. 


PRISE. 

»  poutaires,  comme  aufli  des  échouemens  des  vaif- 
»  kaux  ennemis ,  circonftances  &  dépendances  , 

Aux  caporaux  du  corps  toyal  i'infan- 

teiie  de  la  marine         .         . 
Aux  quatiiers  maîtres  , 

Aux  patrons  de  chaloupe         . 
Aux  patrons  de  canot 

Aux  aide-pilotes  .         .         .     .(  A  chat  un 

Aux  aidecanoniers  .         .         .V,         Deu.v  parts. 

Aux  aide  charpentiers 
Aux  aide  caifars         .         . 
Aux  aide-voiliers  .  . 

Aux  aide-chirurgiens 
Aux  apothicaires         . 
Aux  maîtres  armutiers         • 

Aux  appointés  du  corps  royal  d'in- 
fanterie de  la  marine  . 

Aux  timoniers         .         .         . 

Aux  gabiers 

Aux  commis  du  munîtionnalre ,  maî- V  A  chacun 

très,  valets  ,  tonneliers,  bouchers,  /     Untpart  (j  demie, 
boulangers  &:  coqs  ,  .       . 

Et  à  tous  autres  officiers  non  mari- 
niers jojilldnt  de  \i.  ration  &  de- 
iv:ie         .... 

A  chaque  volontaire-navigateur  des-v 
deux  clatTes  .         .         .         .  f 

A  chaque  matelot  .         .  ,\  Une  part, 

A  chaque   foldat  ,  tambour  &  mufi-   l 
cien  ....  ,J 

A  chaque  novice  .  .  .1    Trois  quarts  de  part., 

A  chaque  domertique         .        .       •  K  f  ne  demi  part. 
A  chaque  mouire  .  •  .  • 

10.  Les  officiers  des  troupes  de  terre  embarqués  fur  des 
vaifleaux  ou  autre»  bâtimens  de  fa  majelié  ,  ou  fur  des  bâti- 
mens  de  tranfport  frétés  pour  le  compte  du  roi  ,  &  aimés  en 
guerre,  auront  part  aux  Prifes  félon  leurs  grades  correfpon- 
dans  avec  ceux  de  la  marine  ;  &  les  bas-officiers  &  fo.'dats 
des  mêmes  troupes  fero^nt  traités  comme  ceux  du  corps  royal 
d'infanterie  de  la  marine. 

11.  Les  équipages  des  bâtimens  marchands  emp'oyés  à  la 
fuite  des  efcadre' ,  frétés  pour  le  compte  de  fa  majcfté  ,  armés 
en  guerre  ,  &:  dont  les  capitaines  feront  pouivus  ,  pour  le 
voyage  ,  d'un  brevet  d'un  grade  quelconque  dans  la  matioç , 
auront  pareillement  part  aux  Prifes  ; 

Savoir: 
Dans  le  tiers  appartenant  aux  officiers. 
Le  capitaine         .  .  .  •  Une  demi'pârt. 

Et  dans  les  deux  tiers  attributs  aux  équipages. 

Le  fécond  capitaine .  Qvazre  parts. 

Chaque  lieutenant  Trois  parti. 

Qhaquc  officier  marinier   .....  Deux  part!. 
Chaque  matelot     .      .       ....      .Une  part. 

Chaque  novice Trois  quarts  départ 

Chaque  moufle Une  demi-parr. 

11.  Lorfqu'une  armée  navale  ou  efcadre  fcia  à  l'ancre  danî 
un  port ,  s'il  en  eft  détaché ,  pour  établir  des  croilîères  ,  me 
efcadre  ou  divilîon  ,  &  que  ce  détachement  fade  des  Prifes  , 
le  tiers  dans  la  patt  du  produit  abandonné  par  le  roi  à  les 
officiers  &  équipages,  &  dans  les  gratifications ,  fera  dévolu 
de  droit  aux  vaifTeaux  détachés,  fans  partage  svec  le  rele 
de  l'armée  ou  efcadre  ;  &  les  deux  autres  tiers  feront  remis 
à  la  mafTc  gêné  aie  du  produit  des  Prifes  ,  pour  être  partages  , 
tant  entre  les  vailTeaux  qui  avoient  été  détachés  ,  qu  entre 
ceux  qui  ctcient  reliés  à  l'ancre  ;  mais  le  produit  des  bâti- 
mens qui  feront  pris  par  quelques  décachcmens  de  l'armée  na- 


PRISE. 

»  le  tout  fans  qu'il  (bit  befoin  de  procureur  pour 
«  fa  majefté  en  ladite  commiflion. 


vale  ou  efcadrc  ,  en  pleine  mer,  foit  i>ac  une  fuite  de  chafTe 
O'J  .luci'ement ,  appariiendra  en  commun  à  i'arra:e  nivale  ou 
efcaJre  ,  confornicment  aux  articles  1,1  3c  7  ;  Ijns  aucune 
«iilttaction  en  faveur  des  vaiireaux  qui  auront  fait  lefditcs 
Ptiles. 

Ij.  Lorfque  les  corfaires  ou  armateurs  particuliers  auront 
Été  tequis  par  les  commandans  des  efcadret ,  viifleaux  ou  fré- 
tâtes de  fa  majellé  ,  de  fortic  avec  tux  des  porcs  ou  de  les 
joindre  à  la  mer;  dans  ce  cas  feulement ,  leldiis  corfaires 
participeront  au  produit  des  Prifes  fie  aux  ^ratihcations ,  pen- 
dant le  temps  qu'ils  ieront  attachés  à  l'efcadre  ;  &  leur  part 
fera  lîxte  luivant  le  nombre  de  leurs  canons  montés  fur  aftùts , 
fans  avoir  égard  à  leurs  calibres  ni  à  la  force  des  équipages  , 
fie  prapOitionnément  au  nombre  des  canons  des  yailTeaux  & 
autres  bâtimens  de  fa  majellé,  avec  lesquels  ils  auront  fait 
efFciïivement  lefdites  Prifes  :  de  forte  que  û  ,  par  exemple  , 
Je  coifaire  étoit  de  vingt  canons  ,  &  que  la  divifion  des  vail- 
fe-iUÂ  du  loi  fût  conipofée  d'un  vailleau  de  foixante  quatorze 
cinons,  d'un  de  foixante  quatre  &  d'une  frégate  de  trente  , 
il  feroit  fait  cent  quairc-vingt-huits  parts  ,  dcfquelles ,  cent 
foixantehuit  appattiendtoient  à  la  divifion  ,  &  les  vingt  au- 
tres reliantes  feroient  abandonnées  au  corlaire. 

Dans  le  cas  où  lefdits  vaiffeaux  ou  autics  bâtimens  de  fa 
majeiié  auroient  été  détachés  d'une  armée  nivale  ou  efcadre 
inouillce  dans  un  port  ;  la  part  qui  reviendra  auxdiis  corfaires 
fera  réglée  comme  ti  les  vaiffeaux  détachés  formoient  à  eux 
feuls  une  efcadce  particulieie,  fans  avoir  égard  aux  vaifTcaux 
qui,  étant  tcltés  à  l'ancre  1  n'auroient  pas  contribué  à  la 
Prife;  &:  la  part  qui  reviendra  aux  vaiffeaux  de  fa  majefte 
fera  partagée  entre  eux  ,  conformément  à  l'article  1 1. 

14.  Dans  tous  les  cas  où  lefdits  corfaires  particuliers, 
n'ayant  point  été  requis  de  fe  joindre  aux  vaiffeaux  de  la 
najefté  ,  feront  des  l'rifes  à  la  vue  defdits  vaiffeaux  ;  ces 
Prifes  appartiendront  en  totalité  auxdits  corfaires ,  qui  ,  de 
leur  côté  ,  ne  fcjont  admis  à  aucun  partage  dans  les  l^rîfes 
que  les  vaiffeaux  de  fa  majelté  pourrcient  faire  à  leur  vue. 

T^.   Sa  maielté    voulant  pourvoir  au  Ibrt  des   blciî^»  &  à 
celui  des  veuves  6c  enfans  des  gens  de  mer  tués  dans  les  com- 
bats, ordonne  qu'au  reiour  de  cha^iuc  campagne  ,  il  Icra  ar 
rété  par  les  confeils  de  marine  établis  dans  les  ports,  un  état 
des  gratifications  qu'il  conviendra  d'accorder  à  ceux  qui  au- 
ront  été   blcff.sdans   les  combats,   félon  le  genre  de  leurs 
bleffures ,  ainfi  qu'aux  veuves  &  enfans  de  ceux  qui  auront 
été  tués  ou  qui  feront  morrs  de  leurs  blelFures  ,  indépendam 
ment  des  demi  fol  ^es  ou  penfio.is  qui  feront  accordées ,  tint 
aux  bleffcs  qui  ,  par  la  fuite  de  leurs  bleffures  ,  feront  edro 
pies  &  hors   d'écai  de  fervir ,  qu'aux  veuves  dont  la  fuuation 
exigera  ce  fecours. 

16.  Le  tréforier  des  invalides  de  la  marine  fera  recette  par- 
ticulière du  tiers  du  produit  des  navires  marchands  pris  (ur 
les  ennemis  ,  dont  fa  majellé  a  lait  l'abandon  à  la  caifle  def- 
dits invalides  ;  ôc  dépenfe  particulière  des  fommes  que  ladite 
eaiffe  fera  tenue  de  payer ,  tant  pour  les  évaluations  &:grati 
flcations  portées  par  les  articles  3  ,  6  &  1 5  ,  que  pour  les  gr.  - 
tiiîcations  extraordinaires  que  fa  majefté  fe  réferve  d'accor- 
der pour  les  artions  qui  feront  de  nature  à  mériter  des  récom- 
penfes  particulières. 

17.  Enjoint  fa  majefté  aux  commandans  de  fes  vaiffeaux, 
£c  autres  officiers  de  fa  marine  ,  de  fe  conformer  cxadement 
à  tout  ce  qui  eft  ptefcrit  par  les  différentes  ordonnances  fur  le 
fait  des  Prifes  ,&:  notamment  par  celle  du  5  janvier  ij6o  , 
qui  leur  ordonne,  ainli  qu'à  ceux  qui  ieront  détachés  pour 
amariner  des  Prifes,  d'en  faire  dans  les  vingt-qua're  heures  , 
aux  greôes  des  amirautés  des  ports  où  ils  les  conduiront 
une  déclaration  en  forme  &  circonftanciée  ,  fous  peine  ,  con- 
tre ceux  defdits  officiers  qui  ne  déclareront  pi^  les  vaiffeaux 
ou  autres  bâtini;ns  en  piéfcnce  de^^iuels  les  Fàfes  auront  été 


PRISE.  É47 

»  i.  Les  commiflâires  s'afl'embiefont  dans  la 
»  maifon  de  M.  l'amiral,  même  en  (on  abfence, 

'>  &  lefdites  aflemblées  fe  tiendront  les  mercredi 
»>  de  chaque  femair.e  après  midi ,  &.  même  plus  fou- 
»)  vent ,  s'il  eft  nécefiaire,  aux  jours  &  heures  qui 
»»  feront  indiqués  par  M.  l'amiral,  &  le  fecrétaire 
»  général  de  la  marine  y  aura  féance  &  voix  dé- 
»  libérative. 

i>  3.  M.  l'amiral  préfidera  audit  confeil ,  &  ,  s'il 
n  y  intervient  partage  ,  fa  voix  prévaudra  ;  mais 
it  s'il  eft  abfent  ,  l'affaire  fera  reinife  au  confeil 
»>  fuivant  ;  &  s'il  eft  en  voyage  ou  dans  le  cas 
w  de  maladie,  il  fera  rendu  une  ordonnance  de  par- 
»  tage  ;  ledit  partage  fera  vidé  au  confeil  royal  des 
"  finances  en  la  même  forme  que  les  appels  des 
»  ordonnances  dudit  confeil  des  Prifes. 

».  4  La  diftribution  de  toutes  les  affaires  ,  même 
»  des  fimples  requêtes  ,  fera  faite  par  M.  l'amiral  , 
»  à  ceux  d'entre  tous  les  commiftaires  qu'il  jugera 
»  à  propos  ;  6c  en  fon  abfence,  par  le  plus  ancien 
»  des  commiftiàires  qui  préfidera  audit  confeil. 

V  5.  En  cas  qu'il  y  ait  lieu  de  prononcer  des 
»  tiOmmages  &  intérêts,  ou  d'ordonner  des  efti- 
»  mations ,  M.  l'amiral  &  les  commiftàires  pour- 
»  ront  les  régler  &  les  arbitrer  à  une  fommefîxe, 
»  fuivant  l'exigence  des  cas  ;  &  s'ils  jugent  nécef- 
»  faire  d'ordonner  que  les  eftimations  ou  liquida- 
j>  tions  foient  faites  par  experts ,  ils  commettront 
3»  les  officiers  de  l'amirauté  pov^.r  recevoir  les  rap- 
»  ports  defdits  experts  ,  &  donner  leur  avis ,  pour , 
5)  fur  le  tout,  être,  par  M.  l'amiral  &  les  com- 
»   mifl^aires ,  ordonné  ce  qu'il  appartiendra. 

V  6.  Les  requêtes  préfentées  au  confeil  des  Prifes 
»  feront  adreifées  à  M.  l'amiral  feul ,  6^  les  ordon- 
•»  nances  dudit  confeil  feront  intitulées  en  for» 
))  nom  ;  le  rapporteur  écrira  de  fa  main  ce  qui 
»  aura  été  jugé  ou  ordonné,  &  les  minutes  des 
»  ordonnances  feront  (ignées  par  M.  l'amiral  fur 
H  la  première  colonne,  ti  fur  la  féconde,  an  moins 
»  par  cinq  des  commiffaires  qui  auront  alfifté  au 
»  jugement  ;  enforte  qu'il  n'y  ait  fur  la  première 
I»  colonne  que  la  fignature  de  M.  l'amiral ,  &  fur 
»  la  féconde  celle  du  rapporteur,  &  au-deflTous 
»  de  fa  fignature ,  celle  des  autres  Commiftaires  ; 
»  en  l'ablence  de  M.  l'amiral  ,  les  ordonnances 
»  feront  intitulées  en  fon  nom  ,  &  fignées  en  la 
»  manière  ordinaire. 

j>  7.  Lorfque  le  capitaine  du  vaiffeau-preneur  , 

faites ,  d'être  privés  de  la  parc  qu'il  leur  en  reviendra.  % 

Mande  &  ordonne  fa  majefté  à  M.  le  duc  de  Penthîèvre 
amiral  de   France,  aux  vice-amiraux ,  lieutenans  généraux 
chefs  d'efcadre  ,   capitaines  &:   autres   officiers  de   fes  vaif- 
feaux ,  commandant    fes  vaiffeaux  ,  frégates   i3c    autres  bâti- 
mens ;  aux  commandans  des  ports  ,  aux  intendans  de  la  raa- 
tine  ,  commiffaires  généraux  des  ports  &   arfenaux  ,  ordon- 
nateurs  ,  aux  ofticiers  des  fiègts  d'amiraurés ,  &  à  tous  autres 
qu'il  appartiendra,  de  tenir  la  main  ,  chacun  en  droit  foi    à 
l'exécution  de  la  préfente  ordonnance. 
Fait  à  Verfailles,  le  a8  mats  1778, 

5' i^ne,  LOUIS.  Et^lut  bas ,  de.  SARXiNE. 


043  PRISE. 

n  on  l'afficler  chargé  de  la  conduite  deS  WiCus , 
'»  feront  leur  rapport  devant  les  officiers  de  l'arni- 
"  ratité  ,  ils  feront  tenus  de  leur  remettre  le  fac 
»  cacheté  contenant  les  pièces  trouvées  à  bord  du 
»  bâtiment  pris,  conformément  à  l'article  40  de  la 
«  déclaration  du  24  juin  dernier  ;  &  après  que  les 
«  cachets  auront  été  reconnus  fains  &  en  bon  état, 
»  ils  numéroteront  &  parapheront  lefdites  pièces 
»  par  première  &  dernière,  en  préfence  du  lieu- 
»  teiiant  de  lamirauté,  qui  les  paraphera  pareiUe- 
1»  ment,  ainfi  que  le  capitaine  ou  le  principal  of- 
»  ficier  du  bâtiment  pris  ;  Sc.celles  qui  feront  écrites 
u  en  langue  étrangère,  &  dojit  la  traduflion  pourra 
"  être  utile  ,  feront  défignées  par  numéros  dans  le 
«  procès-verbal  de  la  remife  qui  en  fera  faite  par 
»  le  juge  à  l'interprète. 

»  8.  Lefdits  capitaines  du  vaifTeau-preneur ,  ou 
«  ;  lofiicier  chargé  de  la  conduite  de  la  Prife ,  feront 
vin-terptllés  par  le  juge  de  l'amirauté  qui  recevra 
•»  leur  déclaration  ,  d'élire  domicile  dans  le  lieu 
?>  du  fiége  de  l'amirauté  oîj  la  Prife  fera  conduite  , 
»  ainfi  qu'à  la  fuite  du  confeil  ;  &  ,  en  cas  de  re- 
M  fus  ,  le  juge  leur  déclarera  que  l'enregi/lremenr 
»>  fait  au  greffe  de  l'amirauté  ,  tant  de  l'ordonnance 
»  du  confeil  des  Prifes  qui  prononcera  fur  icelles  , 
"  que  de  tel  autre  né\e  qu'il  conviendra  de  fjgni- 
»  fier  ou  communiquer  ,  vaudra  fignification  ; 
*»  mêmes  interpellations  i^  déclarations  feront  fai- 
»  tes  par  ledit  juge  au  capitaine,  ou  à  fon  défaut 
»  au  principal  ofiicier  du  bâtiment  pris ,  lorfqu'il 
»  procédera  à  leur  interrogatoire. 

"9.  Les  inftruéVions  concernant  les  échouemens 
»  des  bâtimens  ennemis  ,  les  Pri/"es  &  partages 
1'  d'icelles,  circonilances  &.  dépendances  ,  feront 
"  faites  par  les  officiers  des  amirautés  dans  le  ref- 
"  fort  defquelles  les  échouemens  feront  arrivés  , 
"  &  les  Prifes  feront  amenées  fuivant  les  formalités 
"  prefcrites  par  les  ordonnances  ,  arrêts  &  régle- 
"  mens,  notamment  par  la  déclaration  du  24  juin 
"  dernier ,  foit  que  les  Prifes  aient  été  faites  par 
^»  des  armateurs  particuliers  ,  foit  qu'elles  aient 
>»  été  faites  par  les  vaiflcaux  de  fa  majeflé  ,  en  quel 
"  que  nombre  qu'ils  aient  été,  fans  qu'en  aucun 
'>  cas  les  ofnciers  de  l'amirauté  puilfent  les  juger. 

j»  10.  Lorfque  les  marchandifes  compofant  le 
»  chargement  des  Prifes,  feront  fujettes  à  dcpé- 
"  ri(Temcnt ,  ou  lorfque  lefdites  Prifes  feront  conf- 
'»  tamment  ennemies ,  fuivant  les  pièces  du  bord 
■'  Se  les  interrogatoires  des  prifonniers,  les  offi- 
»  ciers  des  amirautés  pourront  ,  avant  qu'elles 
-■»  foient  jugées  de  bonne  Prife  ,  ordonner  la  vente 
"  d'icelles ,  pour  prévenir  la  diminution  de  leur 
»  prix. 

»  1 1.  Les  greffiers  des  fièges  des  amirautés  en- 
n  verront  au  fecrétaire  général  de  la  marine  , 
V  ainfi  qu'il  eft  prefcrit  par  l'article  43  de  la  déclara- 
»j  tion  du  24  juin  dernier ,  les  procédures  d'inf- 
»  truffions  &  toutes  les  pièces  trouvées  à  bord  des 
»  Prifes  ;  &  le  fecrétaire  général  de  la  marine 
M  tiendra   exactement  regiure  de  touteç  lefdites 


PRISE. 

I  H.procédiires  &dujour  qu'il  les  aura  reçues,  & 
»  il  fera  procédé  dans  la  huitaine  au  plus' tard,  à 
5>  la  dillnbntion  portée  par  l'articli;  4  ,  &  les  piè- 
»  ces  feront  remifes  au  rapporteur  dans  le  jour 
»  fîiiranr. 

»'  12.  Huit  jours  après  la  remife  defdites  procé- 
»  dures  au  commiifaire-rapporteur  ,  dont  il  fera 
»  fait  mention  en  marge  de  la  première  pièce  ,  la 
»  Prife  fera  jugée,  fi  elle  n  e/t  pas  réclamée  par 
»  aucun  avocat. 

»  1 3.  Les  avocats  qui  occuperont  pour  les  récla- 
»  mateurs  ,  ne  pourront  prendre  communication 
»  des  procédures,  s'ils  n'ont  préalablement  pré- 
»  fente  au  fieur  commiiïaire-rapporteur  une  pro- 
»  curation  en  forme ,  ou  celle  qui  l'aura  été  aux 
>»  officiers  de  l'amir-iuté,  laquelle  procuration  lef- 
'>  dits  avocats  fjgneront  &  remettront  entre  les 
»  mains  dudit  fieur  commiffaire-rapporteur  qui  la 
»  paraphera,  flnon  toute  audience  Ôc  communica- 
»  tion  leur  fera  déniée. 

»  14.  Huitaine  après  que  le  réclamateur  aura 
»  donné  fa  requête  ,  l'armateur  fournira  fa  rê- 
»  ponfe  ,  &  le  ré>.îamateur  fa  réplique  ,  dans  un 
»  pareil  délai  ,  après  lequel  aucune  requête  ni 
»  pièce  ne  pourront  être  reçues  par  le  commhfai-e- 
»>  rapporteur,  que  de  l'avis  des  fieurs  commiffai- 
»  res  ,  dont  mention  fera  faite  par  le  rapporteur  , 
»  en  marge  defdites  requêtes  Se  pièces  ;  &  il  fera 
»  procédé  au  jugement  de  la  Prife  fans  aucun  re- 
»  tardement. 

»  15.  Les  requêtes  feront  datées  parles  avocats, 
»  &  reçues  par  une  ordonnance  du  commifiaire 
»  rapporteur,  fans  que  les  avocats  puiffent  pren- 
»  dre  plus  d'une  fois  par  fes  mains,  &  fans  dé- 
"  placer ,  communication  defdites  procédures  & 
>'  pièces  ;  ils  feront  tenus  de  faire  mention  au  bas 
"  des  requêtes  ,&  furledoffier  des  procédures, 
')  de  ladite  communication,  &  du  jour  ou  elle 
'>  leur    aura  été  faite. 

»  16.  A  l'égard  des  Prifes  qui  feront  conduites 

»>  dans  les  colonies  françoifes  &  dans  Içs   autres 

»  établiflemens  dépendansde  la  France  ,  oti  il  y  a 

>»  des  fiégcs  d'amirauté,  les  inAru<51ions  &  procé- 

!»  dures  feront  faites  par  les  officiers  de  l'amirauté, 

»  delà  même  manière  que  dans  les  amirautés  du 

"  royau.me;ils  enverront, fans  aucun  retardement, 

»  la  gron"e  de  chaque  procédure  &  les    pièces  y 

»  jointes  ,  au  fécrctaire  général  de  la  marine,  pour 

"  y  être  fait  droit  par  M.  l'amiral  Si.  îefdirs  fieurs 

»  commiflaires  ;  fans  qu'en   aucun   cas  les  juges 

»  defdites  ami.fautés   puiiTent  les  juger  ;   mais  ils 

»  donneront  leurs  avis  fur  la  validité  ou  l'invali- 

»  dite  de  h  Prife,  circonflances  &  dépendances  , 

»  dont  ils  joindront  une  expédition   à    la  grofTe 

»  de  la  procédure;  &  attendu  que  les  pièces  ori- 

»  ginales  pourraient  être  perdues  par  naufrages 

j>  ou  Prifes  des  bâtimens  fur  lefquels  les  officiers 

»  de  l'amirauté  les  auroient  envoyées,  ils  fercnt 

»>  obligés  de  garJer  des  copies  collationnées  def- 

»  dites  pièces  originales  ,  S:  de  les  joindre  aux 

»  miaiues 


PRIS  E. 

I»  mînines  de  la  procédure,  pour  y  avoir  recours 
>»  en  cas  de  befoin  :  pourront  néanmoins  les  g.ni- 
»  verneurs  généraux  à  inrendans  ou  ordonnateurs 
»  dcidites  colonies,  ordonner,  fur  le  vu  de  la 
n  procédure  ,  l'exécution  provifoire  ,  de  lavis  des 
»  oiHciers  des  amirautés  ;  à  rexception  toutefois 
n  des  Prifes  faites   fous  pavillons   neutres;  pour 

V  lefquelles  ladite  exécution  provifoire  ne  pourra 
*>  être  ordonnée  que  fur  la  demanda  de  l'une  des 
>>  parties ,  &  à  la  charge  de  donner  bonne  6c  fuf- 
n  fifante  caution,  qui  fera  reçue  par  les  officiers 
»>  des  amirautés  :  &  en  outre  ,  à  condition  que  la 
»  partie  qui  aura  demandé  l'exécuiion  demeurera 
»  refponfable  des  dommages  &  iiltérê:s. 

»  ij.  Celui  qui  fera  commis  pour  greffier  du 
j»  confeil  des  Prifes ,  drefîera  les  ordonnances  ,  fi- 
»  gnera  les  expéditions  en  parchemin  ,  &  fera  tcu- 
»  tes  les  fondrions  concernant  le  greft'e ,  fans  néan- 
»  moins  avoir  entrée  &  féance  audit  confeil ,  con- 
»  formément  à  l'arrêt  du  13  août  1707.  lUéra  tenu 
»  d'envoyer  les  jugemens  dudit  confeil  aux  ofRciers 
>»  des  amirautés,  huit  jours  après  la  date  d'icet!x,& 
>♦  s'il  furvenoit  des  incidcns ,  de  quelque  nature 
>»  que  ce  foit  ,  fur  l'exécution  defdirs  jugemens, 
«  les  officiers  ;de  l'amirauté  en  drefferent  procès- 
»  verbal,  qu'ils  enverront,  avec  leurs  avis,  au 
»>  fécretaire  général  de  la  marine  ,  pour  y  être  fait 
n  droit  fur  le  champ  par  M.  l'amiral  &  lefdits  fieurs 
«  commifTaires. 

»  18.  Les  appellations  des  ordonnances  ren- 
M  ducs  par  M.  l'amiral  &  lefdits  fieurs  commiflai- 
>»  res,  feront  portées  au  confeil  royal  des  finan- 
»  ces,  auquel  M.  l'amiral  affilera,  &  prendra  le 
«  rang  que  fa  naiffance  &  fa  charge  lui  donnent. 

»  19.  Lefdites  appellations  feront  jugées  audit 
»?  confeil  royd  ,  fur  les  conclufions  du  procureur 
»  de  fa  majedé  audit  confeil  pour  les  Prifes,  foit 
»  qu'il  interjette  appel  des  jugemens  du  confeil 
}>  des  Prifes  ,  dans  lefquels  fa  majefté  fera  inié- 
«  refl"ée  ,  foit  qu'il  défende  aux  appels  interjetés  par 
»  les  parties  ,  &  également  fur  fes  conclufions 
«  pour  les  affaires  qui  ne  concerneront  que  des 
>»  particuliers,  à  l'effet  de  quoi  il  pourra  prendre 
«  communication  de  tous  les  jugemens  qui  auront 
«  été  rendus  par  M.  l'amiral  &  lefdits  fieurs  com- 
»  miffaires. 

»  20. 11  ne  pourra  être  appelé  defdites  ordon- 
»  nances,  après  fix  mois  du  jour  de  leur  fignifi- 
j>  cation  aux  domiciles  élus ,  en  exécution  de'l'ar- 
3>  ticle  8  ci-de/Tus;  ou  à  défaut  d'éleaion  de  domi- 
M  cile,  après  fix  mois  du  jour  de  leur  enregiftre- 
»  ment  aux  greffes  des  amirautés. 
>»2i.  Les  avocats  qui  auront  occupé  au  confeil  des 

V  Prifes  feront  tenus  d'occuper  également  fur  l'ap- 
»  pel  du  jugement  qui  aura  été  rendu  ;  &  fera 
j>  tenu  l'appelant  de  fournir  fes  moyens  &  d'ache- 
»  ver  fa  procédure  dans  fix  femaines  pour  tout 
î>  délai ,  après  lefquelles  il  ne  fera  plus  reçu  de 
>»  requêtes  ,  ni  fait  autre  aéle  de  procédure  ,  8c 
»  Tinilance  fera  jugée  fur  ce  qui  fe  trouvera  pro- 

T&ne  XIIl. 


P  R  îiE. 


649 


»  dult  alors  ,  s'il  n'en  a  été  autrement  ordonné  par 

3>  fa  majefté. 

»  22..  Il  ne  pourra  être  interjeté  appel  des  H- 

»  quidarions  générales  &  particulières,    que  dans 

»  l'année  de  la  date  defdites  liquidations,  &  par 

»  uac  requête  préfentée  au  con(éil  royal  des  fi- 

j)  nances,  qui  contiendra  fommaireinent  les  moyens 

11  d'appel,  &  fera  remife  au  procureur  de  fa  ma- 

))  jeflé  pour  les  Prifes,  pour ,  fur  fes  conclufions, 

»  être  fait  droit  fnr  ladite  requête,  ainfi  qu'il  ap- 

»  partiendra;  mais  ,  dans  tous  les  cas,  l'appel  (era 

>i  périmé,  s'il  n'efl  jugé  dans  les  deux  ans  de  la 

n  dnte  de  l'arrêt ,  par  lequel  ledit  conleil  royal  des 

»>  fin?nces  aura  ordonné  le  renvoi  au  confeil  des 

»  Prifes,  fans  que  l'inflance  piiiffe  être  perpétuée 

»  par  aucun  moyen. 

«  23.  Le  fécretaire  d'état  ayant  le  département 

»  de  la  marine,  rapportera  feul  audit  confeil  royal 

n  les  affaires  qui  y  feront  portées  par  appel  ,  ainfi 

»  que  les  oppofitions  ou  les  incidens  qui  pourront 

))  s'y  préfenter  ;  &  feront  par  lui  expédiés  en  com- 

'»  mrtridement  les  arrêts  qui  y  feront   rendus   au 

»  fujet  defdites  Prifes. 

M  24.  Veut  au  furplus  fa  majeflé  que  les  ordon- 
»  nances  arrêts  &  réglemens  fur  le  fait  des  Prifes, 
>i  foient  exécutés  pour  tout  ce  qui  n'eft  pas  con- 
»  traire  au  prcfent  règlement ,  lequel  fera  lu,  pu- 
))  blié  &  enregiffré  dans  tous  les  fiéges  des  ami- 
i>  rautes  (1)  », 

(  I  )  l.e  roi  voulant  faire  jouir  fes  fujets  qui  arment  en 
coiiiie,  àci  avantages  exprim.s  par  les  rigleincn»;  p^cc';^em- 
meni  faits  ,  foit  pour  alfuier  aux  oâtimsni  aniii  s  en  fourfe  , 
des  exemptions  de  droits  fur  les  vivres,  proviiions  &  objets 
fervant  à  Ja  conltruâion  ,  équipement  &:  arineuient  de  ces 
bâtmiens ,  foit  pour  accorder  aux  niarchandi'es  provenant 
ces  Prifes,  Jes  faveurs  dont  elles  font  fufcefiibles ,  a  rendu 
en  fon  confeil  d  état,  le  17  août  1778  ,  un  arrêt  de  téglement 
ijui  contient  les  difpofuions  fuivantes  ; 

Article  1.  Les  navires  uniquement  armés  pour  la  courfc 
jouiront,  conformément  à  l'atcicle  premier  de  la  déclaration 
du  14  juin  dernier,  de  l'exemption  des  dioits  de  traites 
fur  les  vivres,  vins,  eaux  devic  &:  autres  boiflons  fervant  à 
leur  avitaiiicment,  ainli  que  furies  bois,  goudron  ,  cordages, 
ancres,  voiles,  armes,  munitions  de  guerre^  uftenfiles  &: 
toutes  maichandifes  gétiéraieinent  fervant  à  J,i  conilrudion  , 
iquipeinent,  &  armement  defdits  naviti-s  ;  bc  cett.:  exemp- 
tion n'aura  pas  lieu  pour  les  marchan  ifts  auires  que  celJes 
ci-deflus  mentionnées  qui  pourroient  être  embarquées, 

2.  Ciiaque  armateur  pout  la  coutfe  feri  tenu  de  rcpréfenter 
au  bureau  des  fennes  ,  du  port  de  l'armemenr,  la  commiil:oii 
en  guerre  qui  lui  aura  été  accord<;e  par  M.  l'amiral  ,  &  d"y 
renicrrre  un  dupliava  du  rôle  de  fon  équipage,  certir'é  par 
le  coimr^iflairc  de  la  marine  ou  autre  oflicicr  charge  du  bu; eau 
des  dafics. 

«.  11  ne  pourra  être  embarqué,  en  exemption  de  droits, 
fur  chaque  navire  armé  en  cotirfe,  conformcment  à  fatticlc 
II  de  Ja  déclaration  du  24  juin  dernier  ,  une  |  lu';  forte  pro- 
vifion  de  vins  &  eaux-de-vie  que  pour  quatre  mois.  S:  dans  la, 
proportion  fuivante;  pour  chaque  hoinme  d'iquipage  ,  ou 
trois  quarts  de  pinte  de  vin  ,  nieiuie  de  Paris  ,  par  jour,  ou 
l'cquipollent  en  eau  de  vie  ,  à  raifon  du  quart  de  ce  qui  clt 
accordé  en  viu  peur  les  ofiîciers  mainicrt  ,  ou  une  ration  «Sj 
demie  devin  ,  aulii  par  jour ,  ou  l'équipo'lent  en  eau  de  vie  , 
aulTi  à  raifon  du  quart;  chaque  volontaire  (ea.  réputé  hoia« 

N  n  n  n 


éjo  PRISE. 

L'article  34thredes  Prifes  de  l'ordonnance  de 
la  marine  du  mois  d'août  1681  ,  défend  aux  of- 


me  d'équipage  ,  &  deux  moufles  ne  feront  comptés  que  pour 
un  feu!. 

4.  Au  retour  dj  navire  dans  le  port  d'où  il  fera  parti,  il 
fera  fait  ,  par  le  fermier  ou  fes  prépofés ,  un  reccnfement  de 
to'js  les  vins  &r  eaux  de-vie  qui  s'y  trouveront  encore  en  na- 
ture ,  dont  il  fera  drefC:  procès-verbal  ;  &  ce  «jui  aura  été  con- 
formé au-dcla  de  la  quantité  ci-deffus  réglée  ,  proportienné- 
n:isnt  au  temps  de  la  courfc  ,  fera  fujet  aux  droits,  fans  que 
pour  taifon  du  déchet  ou  coulage  ,  &  fOHS  queiqu'autre  pté- 
tc-ae  que  ce  foit,  il  puifFe  être  fait  aucune  dinjinution,  de 
quoi  il  fera  pris  fouiniflion  Se  caution  au  bureau  des  fermes 
avant  le  départ. 

^.  Les  vins  &  eaux-de  vie  qui  auront  été  embarqués  en 
exemption  des  droits  pour  h  coutfe  ,  &  qui  n'y  auront  pas 
éé  confominés  ,  ne  pourront  demeurer  à  bord  plus  de  trois 
}ours  après  le  retour  dans  le  port  du  départ ,  lequel  temps 
}-allL-ils  feront  déchargés:  néanmoins  il  fera  libre  à  l'arma- 
teur qui  voudra  remertre  en  mer  le  même  bâtiment,  de  les 
lai  (Ter  à  bord  après  l'expiration  de  ce  délai ,  à  la  charge  par 
Iiti  de  faire  fa  dtclaration  de  la  quantité  qui  lui  en  tellera, 
tant  le  iour  de  l'arrivée  de  fon  navire  ,  que  lorfqu'il  le  remet - 
ttj  en  mer;  laquelle  déclaration  le  fermier  pourra  faire  véri. 
fier  par  fes  comuiis ,  pour  être  ladite  quantité  imputée  fur 
celle  dont  l'armateur  pourroit  avoir  befoin  pour  un  nouveau 
yovage. 

S.  Le»  navires  qui  reviendront  dan»  un  autre  port  que 
celui  où  ils  autont  aimé  eu  courfe  ,  ne  poutront  y  décharger 
aucuns  vins  ni  eaux-de- vie,  qu'en  payant,  par  l'armareur  ou 
capitaine,  tous  les  droits  dus  au  lieu  du  départ  ,&  ceux  dus 
au  port  où  ils  auront  abordé  ;  fi  ce  n'eft  dans  les  cas  forcés 
d'une  vilîte  ou  d'un  radoub  ,  dans  Icfquelî  cas  l'armateur  ou 
capitaine  fera  tenu  de  faire  la  déclaration  au  bureau  des  fer- 
mes, fc  d'entrcpofer  fe*  boilléns  fous  la  clef  du  fermier,  fi 
le  commis  l'exige. 

7,  En  cas  de  fraude  reconnue ,  faite  fous  l'apparence  de 
la  coutfe  ,  foit  par  un  co  iimerce  de  vins  fie  eaux-devie  ,  foit 
par  un  verfemeni  fur  les  cotes  du  royaume  ou  aucrersent , 
i'annateut  ou  le  capitaine  fera  condamné  à  une  amende  de 
ijois  mille  livres,  qui  ne  pourra  être  remife  ni  modtrce,&: 
au  payement  île  laquelle  les  navire  ,  agrès  Se  apparaux  feront 
atfedlé*  par  piivilège  ,  fans  préjudice  à  la  contrainte  par  corps 
contre  le  capitaine. 

8.  Le»  twarchandifes  de  Prifes,  de  quelque  qualité  qu'elles 
foient  ,  pourront  entrer  &  être  déchargées  dans  tous  les  ports 
du  royaume  où  aborderont  les  vaifTeauJC  irmés  en  courfe  ,  no- 
nobfttnt  les  arrêts  °>:  leglemens  qui  ont  prohibé  ou  hxé  par 
certains  ports  ou  bureaux  ,  l'entrée  des  dilfétcnces  efpèces  de 
sna'chjndiles. 

o.  A  l'arrivée  de  chaque  Prife  dam  le  port  où  elle  fera  con- 
duite, l'adiudicataire  gtn.ral  de»  fermes  de  fa  majefté  ,  ou 
fon  prépofe  ,  aura  la  faculté  d'envoyet  des  commis  Se 
garde»  fur  le  naviie,  pour  le  furveiller  en  la  jnanière  ac- 
coutumée. ^ 

10.  Le  direâeur  Je»  fermes  ,  s'il  j  en  a  un  ,  ou  ,  a  fon  dé- 
faut, le  receveur  defdites  fermes,  &  en  leur  abfeiKe  ou  en 
cas  d^' empêchement  quelconque,  celui  des  prépofés  des  termes 
qu'ils  auront  commis  à  cet  effet  ,  fera  appelé  pour  affiftet  au 
«ro ce»- verbal  de  l'état  de  la  Prife  ,  Se  à  l'appoiition  des  fcellcs 
de  Tamirauré  fur  les  écoutilles  ;  comme  auiïî  à  la  levée  deC- 
diisfcelté»,  aux  inveneires  ,  ventes  &  adjudications  des  Pri- 
fe» ,  &  i  la  figrtaruredel  procès-verbaux  qui  en  fetonr  drefiè»  , 
fc  dont  il  lui  fêta  délivré  des  copies  aux  frais  du  fermier. 
Fait  fa  tnajefté{:rès  exprefTes  inhibitions  &i  défenfes  aux  offi- 
ciers dés  amirauté»,  de  procéder,  fous  quelque  pt<?cexte que 
ce  fort,  à  la  levée  des  fcellés  ,  auxdits  inventaires  ,  ventes  & 
aJittdTcations  des  Prife»  ,  iSc  à  la  lignature  defdits  procès-ver- 
bauy  ,  «lu'en  pi:cf«nce  defdn*  conuuis  des  feimes  ou  eux  du- 


PRISE. 

fîclers  de  l'amirauté   de    fe  rendre  adjudicatairoç 
direâement  ou  indireSement  des  vaifTeaux,  mar- 


mcn:  appelcs ,  à  peine  d'en  demeurer  refponfables  en  leur 
propre  &  privé  nom  ,  Se  de  tous  dommages  &c  inréréis. 

II.  Il  ne  fera  déchargé  aucunes  marchandifes  des  Prifej 
ni  des  yaifleaux  armés  en  courfe,  qu'en  préfence  des  commit 
des  fermes.  Le»  marchandifes  feront  mifes  en  magafm  aux 
dépens  des  armateurs,  &:  ce  magalîn  fera  fermé  à  trois  clefs , 
dont  l'une  demeurera  entre  les  mains  du  greffier  de  l'ami- 
rauté ,  une  féconde  en  celles  defdits  commis  Je»  ferme»,  & 
la  troifième  fera  remife  à  l'arnuteur. 

1 1.  N'entend  fa  majellé  alîujettir  aux  fotmalités  portée» 
pat  les  articles  5 ,  10  &  1 1  du  préfent  règlement,  les  port» 
de  Marfeille  Se  de  Dunkerque,  qui  feront  maintenus  dans 
leuts  franchifes,  en  obfervant  ce  qui  eft  prefcrit  à  leur  égard 
par  l'article  19  du  ptéicnt  règlement. 

I).  Les  navires  ftanqois ,  repris  fur  les  ennemi»,  &  con- 
duits direclement  dans  les  ports  du  royaume,  fans  avoir  tou- 
ché à  aucun  port  étranger,  ne  feront  pas  fujets  aux  difpofi- 
tions  du  préfent  rcglemcnt  ;  Je  les  marchandifes  compofanc 
les  cargaifons ,  feront  traitées,  dans  les  bureaux  des  ferme», 
comme  celles  de  tous  navires  qui ,  dans  fes  temps  ordinaire», 
n'ont  pu  ,  par  cas  de  force  majeure,  fuivre  leur  deftinarion  , 
de  font  forcés  de  rentrer  dans  un  des  ports  du  royaume. 

14.  Les  marchandifes  dénoauméc»  au  préfent  article  conti- 
nueront à  être  prohibées.  Se  l'adjudication  n'en  pourra  être 
faite  qu'à  la  charge  du  renvoi  à  l'étranger,  &  fans  pouvoir 
être  expédiées  pour  les  colonies  franijoiles  :  favoir  ,  étoffe» 
de  foie  des  Indes  ,  de  la  Chine  ou  du  Levant  ,  écorces  d'ar- 
bres,  mouchoirs ,  de  foie  Se  de  coron  ,  mouflelines  &  toile» 
de  coton  blanch;;s  ,  toiles  peintes  ou  teintes  ,  glaces  de  mi- 
roirs ,  fel  éttangets  &  tout  fel  de  falpètrc  Se  de  verrerie,  ta- 
bacs de  toutes  forres  ;  les  draps  Se  couvetrures  de  routes  fortes, 
de  laine,  fil,  foie,  poil  ou  coton;  les  brocards ,  velours, 
damas,  taffetas  Se  autres  étoffes  Se  rubans  d'or,  d'argent. 
Se  de  foie  ,  les  bas  &  ouvrages  de  bonneterie  de  toute» 
fortes ,  le»  chapeaux  de  touies  fortes^  &  le»  tajfias  os 
guildives. 

Le  roi  ayant  été  informé  qu'on  abufoit  de  la  facilité  accordée 
par  cet  article  ,  pour  charger  fous  voile  ou  en  peys  étranger 
des  marchandijes  d'ori'^ine  unglaife  ,  qum  importait  enfuits 
fous  la  qualification  de  marchandife  dt  Prife  ,  che{  les  natiosr 
alliées  de  la  France, fa  majeflé  artniu  enfin  anfeil  ,  le  ^mai 
17S1,  un  arrêt  par  lequel  elle  a  ordonné  que  toutes  les  marchan- 
difes dont  on  vient  déparier  ,(y  dont  V adjudication  ne  fertit faîte 
qu'à  la  charge  du  renvoi  d  Vétran^tr,  ne  pourroier.: forrlr  des 
ports  du  royaume  ,  qu'autant  qu  elles  feraient  ae{ompagné(S 
de  l'extrait  du  procès-verbal  de  vente  fait  par  l'amirauté,  ou 
par  l'intendant  ou  l'ordonnateur  dt  la  marine  ,  dûment  certifié 
par  le  greffier  ou  par  le  contrôleur  de  la  marine ,  tr  vifé  par 
les  receveur  6*  coittrMeur  du  bureau  des  fermes.  Le  même  ar- 
rêt a  défendu  o::x  commis  ou  prépofés  dt  l'adjudicataire  d^s 
fermes,  d  peine  de  deflitutim,  &  de  plus  p-ande  peine,  le 
cas  échéant,  de  laijftr  exporter  aucune  partie  des  marchan- 
dises dont  il  s'agit ,  avant  que  ce:  formalités  tujfent  été 
remplies. 

I V,  Les  adiudicataites  des  marchandife»  prohibée»  pat 
l'article  ci-defTu»  ,  autont  un  an  de  délai ,  à  comptct  du  j«at 
de  l'adjudication  ,  pour  les  faire  paffer  direftcment  â  l'étran- 
get,  &,  pendant  ledit  temps ,  elles  demeurei ont  reiifermées 
dans  le  m.igafin,  comme  il  eft  dit  à  l'article  Ii  ,&,  aprè* 
le  terme  d'un  an  ,  il  y  fera  pourvu  pat  fa  majellé ,  ainfi  qu'il 
appartiendra. 

16.  Le  renvoi  do  fel  i  Pcrranger,  Se  du  tabac  à  l'étranger, 
fe  fera  ditet>ement  par  mer;  pourra  néanmoins  l'adjudica- 
taire général  des  fermes,  comme  ayant  le  privilège  exclul'ff 
du  tabac  ,  diipofcr  à  fon  profit  du  tabac  des  Prifes  ,  qui  Lui 
aura  été  adjugé, 

»;.  Les  autres  marchandife»  prohibée»  pourroat  être  enr 


PRISE. 

cnandiles  &  autres  cffvits'provcnans  des  Prifes  ,  a 
pein-  de  confifcation ,  de  1500  livres  d'ainentle, 
&  d'intcrdidion  de  Isurs  charges. 


▼oyées  pir  terre  i  l'étranger,  par  forme  de  tran(ît  ,  à  traveï s 
le  royaume  ,  fans  payer  aucuns  droits  ,  &  fous  la  condition 
de  pallec  &  fottir  par  les  ports  ic  bureaux  ci-aprci  dé(îgn.s  , 
&  à  l'exclulion  de  tous  autres  ;  favoir  ,  pour  ce  qui  fortira  du 
royaume  par  mec,  par  Dunketque,  Calais,  Saint-Valery , 
Dieppe,  le  Havre,  Honrtcur,  Saint-Milo,  le  Port-Louis  , 
Nantes  ic  Paimheuf,  la  Kochclle  ,  Bordeaux,  Bayonne  , 
Cette  ,  Agde  Se  Marfeille  ;  Se  à  l'égard  de  ce  qui  fortira  par 
terre  pour  l'Efpagnc  ,  par  lei  bureaux  de  Rayonne,  Pas  de- 
Behobic,  Afcain  &:  Ainhoa;  pour  la  Savoye  ,  par  les  bu- 
reaux du  Pont-de  Beauvoiiin  &  Ghaparillan  ;  pour  Genève 
&  la  Suifle  ,  par  les  bureaux  de  Seiflel  &  Longetay,  ou  par 
les  bureaux  d'Auxonne  ;  &  d'Auxonnc  ,  par  celui  de  Pont.ir- 
lier ,  fuivant  la  deftination;  pour  les  Pays-Bas  &:  pays  de 
Liège  ,  par  les  bureaux  de  la  balfe  ville  de  Dunkerque  ,  Lille  , 
Valencienne  ,  Maubeuge  ,  ôc  Givet;dans  lefquels  bureaux 
les  commis  délîgneront,  en  vifant  les  aequits  à  caution  de 
tranlit  qui  leur  feront  préfentes  ,  le  dernier  bureau  de  la  fron- 
tière par  où  les  marchandifes  devront  fortir ,  fuivant  la  route  , 
&  par  le  côté  de  Luxembourg,  pat  Torcy ,  &:  de -là  par 
Sedan. 

iS.  Les  marchandifes  prohibées  ne  pourront  fortir  de'; 
porcs  où  elles  auront  été  amenées  pour  être  envoyées  à  l'étran- 
ger ,  qu'en  préfence  du  commis  du  fermier  ,  pardevant  lîquel 
elles  devront  être  reconnues  ic  conduites  au  vaifTeau  ,  li  elles 
luttent  par  mer,  ou  chargées  fur  les  voitures  ,  fans  que  celles 
qui  fortirout  par  mer  p-iîfTent  être  eiitrepofécs  dans  aucun 
pou  intermédiaire.  A  l'égard  des  fels  Se  des  tabacs  ,  dont  le 
renvoi  à  l'étranger  j  comme  il  e'.l  dit  article  16,  ne  pourra 
ccrc  fait  que  par  mer,  ils  feront  pareillement  reconnus  &: 
conduits  au  vaifTeau. 

19.  Toutes  les  marchandifes  de  Ptîfes,  autre»  que  celles 
«i-deirus  ptohibées,  auront  la  faculté  de  pouvoir  être  en- 
voyées, fans  payer  aucuns  droits,  direfteiuent  du  po.t  de 
J'aJjudication  à  l'étranger  ;  elles  jouiront  aulfi  du  béné:ice 
du  tranfit  au  travers  du  royaume,  en  pafTant  &:  fortant  par 
les  bureaux  délîgnéf  en  l'article  17,  à  l'exclufîon  de  tous  au- 
tres ;  &:  en  attendant  qu'elles  foient  dellinées  &  expédiées  , 
elles  fctont  enfermées  dans  les  magafîns  ,  ainlî  qu'il  eft  dit  à 
l'article  ii.  Lefdites  marchandifes  pourront  également  être 
expédiées  pour  les  colonies  fran(^oifes  ,  foit  directement  du 
port  de  l'adjudication  ,  foit  en  les  envoyant  dans  un  port  in- 
termédiaire ;  Se  ce  tranfport  pourra  fe  faire ,  ou  par  mer  ou 
par  terre  ,  en  remplilTant  les  formalités  ordinaires  ;  mais  , 
dans  ce  dernier  cas  ,  elles  feront ,  à  leur  arrivée  dans  le  port 
interniétliaire,  renfermées  jufqu'à  l'expédition  ,  dans  les  raa- 
galîns  fous  la  clef  du  fermier. 

20.  Lefdites  marchandifes  permifcs  ne  pourront  demeurer 
dépofécs  au  magadn  ,  fans  delUnatîon  &  expédition  ,  ^jIus 
de  fix  mois  ,  à  compter  du  jour  de  l'adjudication  ,  ap-és  le- 
quel terme  les  droit  en  feront  acquis  &:  payés  au  fermier  par 
lc.\  adjudicataires  ;  veut  néanmoins  fa  majellé  que  celles  def- 
dites  marchandifes  permifcs  qui  feroient  déclarées  pour  les 
colonies  françoifcs  avant  l'expiration  des  fix  mois  d'cnttepot , 
jouifîent  encore  de  fix  autres  mois,  fans  être  fujettes  à  au- 
cuns droits  ;  mais  fi  ,  après  avoir  été  déclarées  pour  lefdites 
colonies ,  Ja  deftination  en  étoit  changée  ,  ou  pour  l'étranger, 
ou  pour  le  royaume  ,  dans  le  cours  des  iix  derniers  mois ,  les 
propriétaires  defdites  marchandifes  feront  tenus  de  payer  ; 
favoir,  pour  celles  qui  pafTeront  à  l'étranger  ,  les  droirs  d'en- 
trée 8c  moitié  de  ceux  de  fortie  ;  &:  pour  celles  qui  feront 
detlinces  à  la  confommation  du  royaume  ,  les  droits  d'entrée 
avec  moitié  en  fus. 

ai.  En  cas  de  non-rapport,  dans  le  délai  ci  defTas  , 'des 
acquits  i  caution  dûment  déchargés,  les  foumirtîcnnaires 
payeront ,  s'ils  s'agit  de  marchandifes  prohibées ,  par  fgrmç 


Le 


PRISE.  6.5 1 

10  août  17S0,  le  roi  a  écrit  la  lettre  iin- 


vante  à  M.  l'amiral ,  relativement  au  jugement  des 


de  connfcation  defditei  marchandifes,  le  double  uel'adju4î-i 
cation  ,  S:  en  outre  l'amende  poitée  par  les  réglemens  ;  &:  i 
l'égard  des  marchandifes  permifes ,  le  quadruple  tLes  droits- 
fixes  par  les  articles  diapré». 

12..  L'acier  non  ouvic^ ,  les  chairs  falées  de  toute  efpèce  , 
Il  cite  jaune  non  ouvrée,  les  cuirs  veiis  on  en  poil  non 
faks,  ic  caîlot  en  peau  ou  en  poil,  ie  cuivre  non  ouvré, 
l'étain  non  ouvré,  le  plomb  non  ouvré  &:  le  fuif,  déclarés 
pour  la  coiilommation  du  royaume  ,  payeront  pour  tous  droit: 
d'enttée  des  traites ,  dans  tous  les  bureaux  des  ports  où  l'ad- 
judication en  aura  été  faite  ,  deux  &  demi  pour  cent  du  prix 
de   leur  adjudication. 

ij.  Le  charbon  de  terre  ,  les  bouteilles  Se  Hacons  de  verre  , 
les  bufles  ,  cafés  de  tous  lieux  &:  pays  ,  cire  jaune  ou  blanche 
ouvrée  ,  les  cuirs  apprêtés  ou  tannts  ,  cuirs  dores  ,  cuivre  ou- 
vré ,  drogueries  de  toi' Les  fortes ,  étain  ouvré  ,  fer  ouvré  ,  fer- 
blanc  ou  tôle  ouvrés,  linge  de  table  ouvré  ou  non  ouvre  , 
merretie,  morue  verte  ou  sèche,  &  toutes  fortes  de  poiflons 
fecs  ou  falcs,  papiers  de  toutes  fortes,  quincaillerie  de  toutes 
forte?  ,  rubans  de  fil,  toiles,  futaincs  &  coutils,  tapis  Se 
capifTeries  vertes  ,  de  toutes  fottes,  audî  déclarés  pour  la  con- 
fommation  du  royaume,  payeront  pour  tous  droits  d'entrée 
des  traites  ,  dans  tous  les  bureaux  des  ports  où  l'adjudica- 
tion en  aura  été  faite  ,  dix  pour  cent  du  prix  de  l'adjudica- 
tion :  S:  quant  aux  cafés  &  fucres  de  toutes  efpèces ,  qui  fe- 
ront également  déclarés  pour  la  confommation  du  royaume  , 
ils  acquitteront  ;  favoir  ,  le  café  moka  ,  le  droit  de  trente  fix 
livres  du  quintal  ;  le  café  ,  autre  que  celui  de  Moka  ,  le  droit 
de  quatorze  livres,  suffi  du  quintal  ;  &  les  fucres,  ceux  du 
tarif  de  i  66j  ,  à  l'exception  néanmoins  dts  fucres  bruts  ,  qui 
ne  payeront  que  trois  livres  quinze  fous  du  cent  pcfant. 

24.  Toutes  les  marchandifes  permifes  ,  autres  que  celle* 
dénommées  aux  articles  il  &:  13  du  préfent  règlement ,  Se  qui 
feront  déclarées  pour  la  confommation  du  royaume  ,  paye- 
ront pour  tous  droits  d'entrées  des  traites,  des  ports  où  l'ad- 
jadicaiion  en  aura  été  faite  ,  autres  que  Marfeille ,  Bayonne 
&  Dunkerque ,  cinq  pour  cent  du  prix  de  leur  adjudicacioTi  j 
à  l'exception  néanmoins  des  foies  de  toutes  fortes  ,  (;ui  ac- 
quitteront les  droits  d'entrées  de  quatorze  fous  par  livres  pe- 
fanr,  impofées  par  l'édit  de  janvier  I721;  &  feront  lefdites 
foies  de  Prifes  difpenftes  d'être  envoyées  à  Lyon. 

if.  Dans  le  cas  où  les  droits  des  marchandifes  des  Prifes  , 
réglés  par  le  préfent  arrêt  à  deux  Se  demi  ou  à  cinq  pour  cent 
du  prix  de  l'adjudication  ,  pourraient  fe  trouver  plus  fons 
que  les  droirs  d'entrées  ordinaires  qui  feroient  dus  pour  aller 
à  la  deftination  déclarée,  fuivant  les  tarifs  &  réglemens  ,  le» 
droits  defdites  marchandifes  feionc  réduits  à  ceux  portés  par 
lefdits  tarifs  &  réglemens,  ce  qui  ne  poutra  avoir  lieu  pour 
les  marchandifes  dénommées  en  l'article  23  ilu  préfent  règle- 
ment ,  Icfquelles  demeureront  afRijetties  aux  dioits  portés  par 
ledit  article,  pour  quelque  deiiination  que  ce  leit  dans  le 
rcvnume. 

ifi.  Les  droirs  des  marchandifes  des  Prifes  devant  être  ac» 
quitcés  fuivant  le  prix  de  leur  adjudication  ,  veut  faniajelié 
que  la  vente  Se  adjudication  en  foient  faites  pat  les  juges  de 
l'amirauté  ,  par  partie  ,  d'une  même  forte  Se  qualité  de  mar- 
ciiandifcs  ;  Se  que  les  négocians  4:  autres  qui  devront  en 
acquitter  les  droits,  foient  tenus  de  rapporter  su  bureau  des 
fermes  ,  avec  leur  déclaration  ,  un  certificat  de  l'amirauté  ,  du 
prix  de  l'adjudication  de  la  marchandife  déclarée,  avec  le 
numéro  ,  la  date  Se  le  nom  de  l'adjucataire  porté  par  l'inven- 
taire ;  ce  qui  fera  vérifié  fur  le  double  dudit  inventaire ,  qui 
doit  être  remis  au  commis  du  fermier,  fuivant  l'article  10  du 
piéfent  règlement  ;  &  faute  par  lefdits  négocians  Se  autres  de 
rapporter  certificat  dans  la  forme  ci-defTus  prcf'crite,  les  droits 
feront  acquittés  à  la  valeur ,  fur  le  pied  du  plus  haut  prix  ciii 
fe  trouvera  |»or(é  a^udic  invenuirje  Air  les  marchandifes  Je 
,   nùiBC  efptcp. 

N  n  H  n  i  j 


^51  PRISE. 

Pnfes  faites  par  les  corfaires  qoe  les  Eta(s  -  Unis 
d'Amérique  arment  dans  les  ports  de  France. 


17.  Les  acquits  ai  payeme^it  des  dioits  de  deux  ic  demi, 
te  ciaq  ou  de  dix  pour  cent,  luivant  l'el^jèce  de  niarciiandi- 
fes ,  tiendront  lieu,  tan:  des  droits  d'enace  &:  droits  locaux 
des  traites,  dus  dans  ia  province  où  i  adjudication  en  aura 
été  faite  ,  que  de  tous  aittrei  droits  de  traites  qui  pourroienc 
fe  trouver  dus  au  partage  par  terre  d'une  province  à  l'autre  , 
itième  de-s  vingt  pour  cecu  dus  fur  ies  miichanjifcs  du  Le 
vant  ,  pourvu  néanmoins  que  le  tranfport  s'en  faffe  dans  les 
«rois  TOCis'de  la  date  de  l'ac  juit  de  payement  pris  au  bureau 
du  lieu  de  l'adjudicaiion.  N'entend  fa  iiiaje. té  que  la  prffente 
diipoiition  puilTe  avoir  lieu  à  l'égard  des  niarchaïuiiles  dont 
Its  droits  de  deux  &  demi  &:  de  cinq  peur  (;ent  ne  l'adjudi- 
cation ^  auront  été  réduits  ,  en  confûtniicé  de  i'aaicle  ly  ,  à 
ceux  portés  par  les  tarifs  &  rcgUniens ,  lefquelles  continue 
ront  a  payer  les  difli.rens  droits  dus  fut  leur  loute.  N'entend 
pareillement  fa  majellé  exempter  les  marchaudifcs  des  a  jtres 
droits  indi-pendans  des  traites  ou  cinq  grofTes  fermes,  au.t- 
«juelles  elles  fe  trouveroieiu  fujetcej  ,  lefquels  droits  feront 
payés  ind'pendammen»  defdiu  droits  de  traites,  poitLS  par  le 
préfent  réglemerit. 

28.  Les  droits  des  marchandifes  ne  feront  psy^s  que  lorf- 
^u'elles  feront  en  cvées  du  lieu  de  Ta  Ijudication  ,  peur  être 
iranfporiées  dans  un  autre  lieu  du  royaume  ,  ou  pour  être 
confommé.  s  dans  le  lieu  de  l'adjudication  ;  6:  en  cas  que  les 
adjudicataires  veuillent  les  tirer  du  dépôt  5c  les  avoir  en  leur 
iiifpoiition  avant  d'en  avoir  fait  la  deiUnaiion,  ils  leronr 
lenus  d'en  payer  les  droits. 

29,  Les  m*rchandif«s  des  Prifes  conduites  dans  le  port  de 
Dunkerque  ,   qui    feront  dellinces  pour   l'intérieur   ou  pour 
palier  en  tranfit  au  travers  du  royaume  à  l'étranger,  feront 
lepréfentées  au  bureau  de  Li  balle-vi'ie  de  Dunkerque,  ou 
U  déclaration  en  fera  faite  à  l'ocdinaite,  &  elles  feront  ac 
«ompagiaées  d'un  cetiificat  de  l'amirauté  ,  qui  fera  foi  qu'elles 
proviennent  de  telle  prt!e,  lequel  fera  daui  Ja  forme  p.-cfciite 
par   l'article  xi  .  X  fêta  véritîé  dans  ledit  bureau  ,  fur  le  dcM- 
ble  de  l'inventnire   qui  y  fera  remis  à  cet  effet  ;  &c  fur  lefdits 
ceiriEcats  vérifiés  ,  elles  feront  vilitces  ,  pour  être  enfuite  ac- 
<),-uiirée5  ou  expédi  es  en  tra.fu.   Se   plombées  avec  ac^iuit  à 
caution  ,  &   loumifiion  de  remplir  les  conditions  piefcrites' 
par   ie  préfent  règlement.  Il   en  fera.ufe  de  même  au  bureau 
de  Septcme  ,    ou   autres   premiers  bureaux  d'entrée  près  de 
Mj:fei!Ie,  pour  les   marchandifes  des  Pàfes  conJu:tes  dans 
ce    port,    &   qui    delà   feront    e.nvoyées   dans  l'inctrieiir  du 
ïoyaume  ou  à  l'étranger  par  rr.J'i^î  j  rcieivant  neanmoinî  fa, 
n-jajeflé  à  l'a-ljudicataire  genéial  des.  ierines ,  &  à  fes  coinujis^ 
établis  à   mavfeiile,  la   fatuité  de  prendre  connoifl'ance  des! 
niaichandifes  rièfdites  Priies  qui  y  feront  amenées  ,    &   de 
ï?'oppofer  à   rintrodutf'cn  de  celies  qui  y  font  défendues  par 
les  réglemens.  Entend  fa  majelié  que  les  tabacs  de  Prifes  ,  qui 
«nrreronr  dan'.  la  Llandre  fr3i!<,oife  par  le  bureau  de  I3.  bafle- 
-d'ie    d-e    Dun'tierque,  acquittent  audit  bureau   le  doit   de 
trente  feus  par  livre  de  tabac  ,  irapoL  par  la  dtclaiation  i!u  ^ 
mai  i^49' 

jo.  Les  marchandifes  des  Prifes  amenées  au  port  de  Bayon- 
ne-,  payeront,  après'  l'adjudication,  ks  druits  ordinaires  de 
la- coutume,  dans  .'e  cas  ci?  les  adju  licat.n'ies  y  fercient  fujets , 
&  elle  ne  feront  atfuieî'.ies  aux  droits  de  deux  îc  demi,  de 
cito:  &  de  dix  pcu'i  cent,  qu'à  la  fortie  du  coutumar  pour  la 
dcl'tinatîon.  du  toyauiiie  ;  Ôc  en  ju:tifiant,  comme  il  eil  dit 
ei-deiTus,.  au  prix  de  l^ur  adjudication.  Elles  jouiront  au 
farp.'us  du  bcnéfice  di;  trunfiJ- ,  «ant  peur  les  marchandifes  pto 
hibées  q'V  devient  être  renvoyées- à  I  étranger,  que  pour  les 
Maitchar.dife'5  permifes  que  le:  négocians  &:  aunes  voudront 
6ire  pa'ffei!  à  i'étiranger;  1'?  roue  en  oLferva-ac  les  formalités 
piTifcriu'j  en'  pavei'l  cas  par  le  pcifent  régrcmenc  •,  éc  à  l'égard 
W«»  ma»cîi3''i.di!Vr' raermife.f  i  f-^"  la  eondiricn  qu'elle.s  n"ju- 
t«<.t  ^is  «té  en  ;*difp0liiioa  ci-vldus  n- ^oci„u5Çu  i-uirci  non- 


PRIS  E. 

«  Mon  covfm  ,  je  fuis  informé  qu'il  s'eft  élevé 
»  des  difficultés  relativement   aux  jugemens  des 
»  Priies  faites  par  les  corfaires  que  les  États-Unis 
»  de  l'Amérique  arment  dans  les  ports  de  France 
»  &  que  les  commi/Taires  du  confeil  des  Prifes  ont 
"  penfé  ne  devoir  pas  juger.  Pour  faire  cefler  toute 
»  incertitude  à  cet  égard  ,  je  vous  écris  cette  lettre, 
M  pour  vous  dire  que  inon  intention  eft  que  les 
j>  Prifes  qui  auront  été  faites  par  des  corfaires  que 
»  les  États-Unis  de  l'Amérique  auroient  armés  en 
»  France, &  qui  auroient  été  conduites  dans  quel- 
)>  ques-uns  de  mes  ports ,  foient  jugées  par  le  con- 
>»  ieil  des  Prifes  dans  la  même  forme  que  celles 
»  (les  corfaires  armés  par  mes  fujets  ;  &  qu'en  con- 
n  iéquence  les  officiers  des  amirautés  obferventà 
»  leur  égard  les  formalités  profcrites  par  ma  dé- 
u  datation  du  24  juin  1778.  Je  défne  que,   pour 
»  l'entière  exécution  de  ma  volonté  à  cet  égard  , 
»  vous  la   falTiez  favoir  dans  tous  mes  ports,  de 
jj  manière  que  les  capitaines   de  ces  corfaires  en 
)>  fo.ent  inflruiîs  ,  8t  s'y  conforment,  ainfi  que  les 
n  oliiciers  des  amirautés.  Et  la  préfente  n'étant  à 
»  autre  fin  ,   je  prie  dieu,  mon  coufin  ,  qu'il  vous 
n  ait  en  fa  fainre  &  digne  garde.  Ecrit  à  Verfail- 
j>  les,  le  dix  août  mil  fept  cent  quatre-vingt. 

Signé  LOUIS.  Et  plus  has  DE  Sj^RTINE. 
Le  roi  ayant  été  informé  qu'il  fe  faifoit  journel- 
lement dans  les  ports  ,  des  marchés  nfuraires  rela- 
tivement aux  parts  des  Prifes  fnites  par  les  vaif- 
feaux  de  fa  majefté  ;  que  des  agioteurs  ,  profitant 
de  l'empreffement  que  les  gens  de  mer  avoienr 
de  recevoir  de  l'argent  comptant  achetoient  à  l'a- 
vance leurs  parts  de  Prifes  ,  à  des  prix  fort  au  def- 
fous  de  ce  qu'elles  valoicnt  ;  fa  majefté  a  rendu 
en  fon  confeil,  le   12  juin  1781,  unarrctpar  le- 


prjvilégiés;  en  forte  que  l'exemption  des  droits  d'entrée  Se 
de  forcie  ne  porre  que  fur  celles  defdites  ma  thandifes  per- 
mifes qui  palferoni  directement  en  mnfit  k  l't'trariger,  fans 
avoir  été  en  la  difpotîtion  des  adjudicataire:.  Veut  fa  majeflé 
que  les  tabacs  provenaus  des  Priies  ,  &  deltin,  s  p'mr  la  con- 
fommation  de  ladite  ville  de  Bayonne,  acquiuent  le  droit  de 
trenre  fou,s  par  livre  de  tabac  ,  impoié  par  la  déclaration  du  4. 
mai  1749, 

3 1'.  Le  préfent  règlement,  dansrour  fon  contenu  ,  Tera  exé-; 
cuté  pour  les  marchandifes  provenant  des  échouemens  des 
navires  ennemis  rendant  la  préfente  guerre. 

}  1.  Le  contenu  aux  articles  cideflus  aura  pareillement  lieu 
pour  les  Prifes  faites  par  les  vaifleaux  de  :'a- njajetié  ,  &:  les 
droits  ordonnés  par  le  préfent  règlement  fei  ont  perçus  fur  les 
marchandifes  de  tùures  les  Pri''es  faites  avant  fa  publication  , 
comrr.e  fur  celles  qui  pourront  fe  faire  à  l'avenir.. 

3j.  La  connoifiance  des  fraudes  &:  contraventisns  au  pré' 
fent  règlement ,  demeurera  aux  maîtres  des  ports  &  juges  quî 
ont  coutume  d'en  connoîire  ,  fauf  l'appel  ,  aiuli  que  oc  droit. 
Mande  &:  ordonne  fa  majellé  à  M.  le  duc  de  Penrhicvre,  anii' 
jal  de  France  ;  aux  iieurs  intendans  &  conjnillaire:  difanis» 
dans  ks  provinces,  aux  officiers  des  amirautés,  maîtres  de* 
poits  ,  juges  des  ;rai;es  ,  &  tous  autres  qu'il  appartiicndra  ,  de 
tenir  ia  main  à  rc.xécutioa  du  préfent  règlement. 

Lait  ail  confeil  d'état  du  roi  ^  là  inajellé  y  étant;,  tenu  à 
Verfaillw  Je  2J  ss/û{  1778. 

5ig"f  ,  e-E  SaRïXNE, 


PRISE. 

quel  eUe  a  expreffément  détendu  aux  officiers- ma- 
riniers &  matelots  des  équipages  de  Tes  vailTeaiix 
de  vendre  à  l'avance  leurs  parts  de  Prifes,  Se  à 
toutes  perfonnes  de  les  acheter  ou  de  fnire  aucun 
marché  qui  y  fût  relatif ,  pour  quelque  caufe ,  ni 
fous  queltjue  prétexte  que  ce  pût  être,  à  puine 
contre  le;»  conirevenans  d'être  punis  févèrement  : 
elle  a  en  même  temps  déclaré  nuls  tous  les  mar- 
chés ou  autres  aifles  de  ventes  &  celTions  de  ces 
parts  de  Prifes ,  faits  avant  la  publication  de  fon 
arrêt  ,  fauf  à  ceux  qui  pourroient  avoir  quelques 
répétitions  à  former  contre  les  ofiiciers-mariniers 
ou  matelots ,  à  fe  pourvoir  pardevant  l'intendant 
de  la  marine  ou  ordonnateur  du  département  , 
pour  y  être  par  lui  ftatué  conformément  aux  or- 
donnances. 

Le  roi  ayant  anfTi  été  informé  que  l'exécution 
des  difpofiàons  de  l'arrêt  du  confeil  du  6  août  1763  , 
relatives  au  payement  des  parts  de  Priies,aux  équi- 
pages ,  &  au  dépôt  qu'il  avoit  été  ordonné  de  faire 
entre  les  inains  des  tréforiers  des  invalides,  étoit 
fouvent  éludé  de  la  part  des  armateurs  &  des  ca- 
pitaines ;  fa  majefté  pour  remédiera  ces  inconvé- 
niensa  rendu  en  fon  corfeil,  le  25  décembre  1782, 
lîn  arrêt  qui  contient  les  difpolitions  fuivantes. 

"  Art.  1.  Les  armateurs  &  dépofitaires  des  ar- 
>»  memens  en  courfe,  &  de  ceux  en  guerre  &  niar- 
»  chandifes  ,  dont  les  covfaires  auront  fait  des  Pri- 
»  fes,  feront  tenus  dans  la  huitaine,  du  jour  oii 
»  la  liquidation  générale  aura  été  arrêtée  par  les 
»»  officiers  des  amirautés,  de  procéder  au  pays- 
«  ment  des  parts  des  Prifes  revenant  aux  équipa- 
})  ges  ,  à  peine  de  mille  livres  d'amende  contre 
j>  les  contrevenans  ;  &  feront  lefdits  armateurs 
>»  contraints  de  faire  ladite  répartition  aux  équi- 
1)  pages ,  à  la  requête  dcfdits  procureurs  du  roi 
y)  des  amirautés  ,  pourfuite  ik  diligence  des  com- 
«  miffaircs  des  claffes. 

>'  2.  Le  payement  des  parts  de  Prifes  aux  équi- 
»  pages,  ne  pourra  fe  faire  qu'au  bureau  des  claf- 
j>  les ,  &  fur  l'état  conforme  au  modèle  joint  au 
»  préfent  arrêt  ;  lequel  fera  émargé  par  ceux  def- 
3>  dits  équipages  qui  fauront  figner  ;  &  à  l'égard  de 
j'  ceux  qui  ne  fauront  pas  fjgner ,  le  payement  des 
"  p^rts  qui  leur  reviendront,  fera  certifié  par  les 
M  commifTaires  des  claffes,  conformément  à  l'ar- 
n  ticle  6  de  l'arrêt  du  confeil  du  6  août  1763* 

"  3.  Lefdits  armateurs  ou  dépofitaires  ,  feront 
•Si  pareillement  tenus,  conformément  à  l'article  i 
»  du  règlement  du  2  juin  1747  ,  de  remettre  entre 
»  les  rnains  des  tréforiers  àes  invalides  de  la  ma- 
V  rine,  dans  les  ports  où  les  armemens  auront 
ïT  été  faits  ,  les  montans  des  parts  &  portions  d'in- 
n  tcréts  dans  les  prifes  appartenantes  aux  morts 
«  ou  abfens  ,  &:  faifant  partie  des  équipages  des 
n  corfaires-preneurs,  trois  jours  après  la  réparti- 
n  tioii  qui  aura  été  faite  au  bureau  desclafies,& 
Il  conformémenî  à  l'état  qui  en  fera  remis  psrle- 
n  dit  commifîaire  des  clafies  ;  de  laquelle  remif»  , 
»  il  fera donîi*  décharge  valable: auxdits  armateurs,    . 


PRISE.  <^53| 

!)  parlefdifs  fréforicrs  des  invalides,  avec;  pro- 
»  nielTe  de  leur  juftifier,  dans  le  délai  de  deux  mois, 
w  des  remifes  qui  auront  été  faites  deldites  parts, 
»  aux  officiers-mariniers  &  matelots  abfens  ,  &  ré- 
»  fidans  dans  les  quartiers  des  clafTes  des  autres 
»  départemens,  fans  toutes  fois  que  les  coramifrai- 
j)  res  des  claflcs  pui'fTent  faire  aucune  recette  ,  ni  fe 
»  charger  perfonnellement  du  montant  des  parts 
n  de  Prifes  dues  aux  gens  des  équipages  des  cor- 
»  faires  abfens  ,  pour  les  leur  faire  pafler  dans 
»  leurs  quartier»;  &  feront  lefdits  armateurs  con- 
11  traints  auxdits  dépôts ,  à  la  requête  defdits  procu- 
»  reurs  du  roi,  pourfuite  &  diligence  defdits  corn». 
»   miflaires  des  claiTes. 

»  4,  Défend  fa  majefté  auxdits  oiîiciers  des  ami-* 
»  rautés  de  prétendre  à  l'avenir  à  la  retenue  des 
T>  fix  deniers  pour  livre  fur  le  montant  des  parts 
»  dépofées,  lorfqu'elles  feront  réclamées,  lefquels 
•)■)  étoient  attribués  auxdits  officiers  des  amirautés 
»  par  l'art.  3  du  règlement  de  1747  ,  auquel  fa  ma- 
5)    iefté  a  exp:  effément  dérogé  i^  déroge. 

»  5.  Enjoint  fa  majefté  auidirs  armateurs  Ou  dé-» 
M  pofitaires  ,  de  juflifier ,  pardevant  les  oflîciers  des 
■>■>  amirautés,  des  remifes  qu'ils  auront  faites  aiix- 
1)  dits  tréforiers  des  invalides,  dans  la  quinzaine  , 
■>■>  à  coiTipter  du  jour  d'icelles ,  à  peine  de  trois  cens 
»  livres  d'amende,  auquel  efilt  lifdits  armateurs 
»  remettront  aux  grerfes  defdites  amirautés,  un 
n  état  détaillé  des  fommes  qu'ils  auront  dépofées  , 
»  certifié  véritable  par  ledit  tréforier  des  invalides  j 
)j  duquel  état  il  fera  fourni,  par  ledit  greffier,  une 
»  expédition  au  receveur  de  l'amiral  da  France,  une 
'3  autre  envoyée  au  Secrétaire  d'état  ayant  le  dé- 
))  partement  de  la  marine  ,  &  une  troifième  au  pro- 
j)  cureur  général  des  Prifes. 

j)  6.  "Veut  fa  majefté  que  les  parts  des  prifes  ap- 
j>  partenantes  aux  officiers-mariniers  &  matelots 
»  qui  ne  demeuroient  pas  dans  le  port  où  la  ré- 
w  partition  aura  été  faite  ,  foient  envoyées  aux 
»  quartiers  des  claftes  de  leur  réfidence,  dans  la 
»  même  forme  que  celle  prefcrite  par  le  règlement 
»  du  I  juin  dernier,  pour  les  remifes  des  parts  de' 
>»  Prifes  des  gens  de  mer  employés  fur  les  vaiiTcaux 
»  de  fa  majefté. 

>T  7.  Enjoint  fa  n)ajefté  aux  officiers  des  amirau- 
ir  tés ,  nottamment  à  fes  procureurs  auxdits  fièges  , 
î>  à  peine  d'interdiéîion  ,  de  pourfuivre  ,  fans  délai, 
»  les  armateurs  qui  ne  fe  conformeroient  p'as  aux 
11  articles  i  &  3  ci-delTus,  à  l'effet  de  condamner 
»  ceux  qui  contrevlcndroient  aux  peines  y  portées, 
»  de  les  cofuraindre,  même  par  corps,  à  faire  les 
»  payeinens  defdites  parts  de  Prifes  aux  équipages 
»  ainfi  que  lefdits  dépots  entre  les  mains  des  tré- 
j)  foriers  des  invalides  ;  &  feront  les  jugemens  def- 
H  dits  officiers  des  amirautés  ,  exécutés  nonobftant^ 
1»  5c  fans  préjudice  des  appels  qui  pôuroient  ea 
»  être  ii>«eijetès ,  que  fa  majefté  a  évoqués  &  évo- 
V  que  à  foi  &  a  fon  confeil ,  &  dont  elle  renvoie 
»  \a  conriOift'ance  pardevant  l'amiral  de  France  y 
)>  &  les  coinmifaires  établis  prés  de  lui  par  fa  m»- 


654  PRISE. 

)»  jeflé,  pour  tenir  le  confeil  des  Prifes  ;  leur  at- 
j>  trihuant  à  cet  effet  fa  majeRé,  toute  cour,  juri- 
»  diiRion  8c  connoiflance  ;  &  icellcs  interdirant  à 
>»  toutes  Ces  cours  &  autres  juges.  Mande  &  or 
«  donne  fa  majefté  à  monf.  le  duc  dePentievre  , 
»  Amiral  de  France  ;  aux  intendans  de  la  marine  , 
n  au  commiffaire  départi  pour  l'obfervation  des  or- 
»  donnances  dans  les  amirautés,  aux  commiffaircs 
»>  généraux  des  ports  &  arfénaux  ,  ordonnateurs  , 
»  aux  officiers  des  amirautés  &  à  tous  autres  qu'il 
«  appartiendra  ,  de  tenir  la  main  ,  chacun  en  droit 
«  foi ,  à  l'exécution  du  préfent  arrêt,  qui  fera  en- 
«  regiftréau  greffe defdites  amirautés;  imprimé,  lu, 
if  publié  &c  affiché  par-tout  ou  befoin  fera.  Fait  &c. 

Par  un  autre  arrêt  du  15  janvier  1783  (i),  il 
a  été  fait  défenfe  aux  capitaines  ou  commandans 
des  bâtimens  armé*  en  courfe ,  de  revendre  en  mer, 
à  des  ennemis  de  l'état,  les  Prifes  qu'ils  ont  faites 
fur  eux. 

PRISE  A  PARTIE.  Ceft  le  recours  qu'exerce 
une  partie  contre  fon  juge  dans  les  cas  prévus  par 
la  loi,  à  l'effet  de  le  rendre  refponfable  du  mal 
jugé  ,  &  de  tous  dépens  ,  dommages  &  intérêts. 

Chez  les  Romains,  un  juge  ne  pouvoit  être  pris 
à  partie  ,  que  quand  il  avoir  donné  lieu  à  un  grief 
irréparable  par  la  voie  de  l'appel. 

(1)  f'oici  cet  nrrir  : 

Le  roi  étant  informé  que  quclquci  capitaines  de  navires 
ont  vend'i  en  mer ,  à  des  ennemis  de  l'état ,  des  Prifei  qu'ils 
avoient  faites  fur  eux  ,  au  lieu  de  les  conduire  dans  les  j'cits 
du  royaume;  &:  fa  majcflcconliJcrant  que  fi  de  pareilles  ven- 
tes étoient  tolérées  ,  les  capitaines  de  navires  pourroient  , 
moyennant  une  convention  particulière,  ou  une  ibiiinie  don- 
née de  la  main  à  la  main  ,  revendre  à  vil  prix  les  Prifes  qu'ih 
auroient  faites  :  Et  fa  raajellé  voulant  arrêter  un  abus  aulC 
contraire  aux  lois  de  la  courfe  ,  que  préjudiciable  aux  inté- 
rêts des  équipages  &:  des  invalides  de  la  tnarine  ,  qui  fe  trou- 
vent par  ces,  fortes  de  ventes  ,  fruflréi  du  produit  des  Prifes.  A 
quoi  voulant  pourvoir  :  Ouï  le  rapport ,  &  tout  conlîdéré  ;  le 
roi  étant  en  fon  confeil ,  a  fait  trés-exptefles  inhibitions  Se 
défenfes  à  tous  capitaines  ou  commandans  des  bâtimens  ar- 
més en  courfe,  de  revendre  en  mer  ,  à  des  ennemis  de  l'état , 
aucune  des  Prifes  qu'ils  auroient  faites  fur  eux  ,  pour  quelque 
caufe  ni  (eus  quelque  prétexte  que  ce  puifTeétre,  à  peine 
contre  lefdits  capitaines  ou  commandans  d»$  corfaiies ,  d'ctre 
interdits  la  première  foispouriroisansdc  leurs  fondions,  &:en 
cas  de  récidive ,  d'ctre  déclarés  incapables  de  jamais  comman- 
der aucun  bâtiment.  Veut  &  ordonne  en  outre  fa  majefté, 
fjue  le  montant  des  ventes  des  Prifes  que  lefdits  capitaines  ou 
commandans  auroient  faites  en  contravention  au  préfent  ar- 
rêt ,  foit  confifqué  au  profit  de  l'amiral  de  France. 

Mande  Se  ordonne  fa  majefté  à  Monf.  le  duc  de  Penthièvre  , 
amiral  de  l'rance  ,  aux  vice-amiraux,  lieutenans  généraux  , 
chefs  d'efcadre  ,  capitaines  &  autres  officiers  de  (es  vaifTeaux  , 
commandant  fes  vailTeaux,  frégates  Se  autres  bâtimens,  aux 
commandans  des  ports,  aux  intendans  de  la  marine  ,  au 
commilTaire  départi  pour  l'obfervation  its  ordonnances  dans 
Jesamiiautés ,  aux  commifr.iires  généraux  ou  ordinaires  des 
pon»  &  arfénaux,  &:  ordornateurs  ,  aux  gouverneurs  géné- 
raux ou  commandans  particuliers  ,  intendans  &  ordonnateurs 
des  colonies  ,  aux  officiers  des  (îèges  d'amirauté  ,  &:  rous  .au- 
tres qu'il  appartienira  ,  à.c  tenir  la  main  ,  chacun  en  droit 
i'oi  ,  à  l'exécution  du  préfent  atrét ,  lequel  fera  enrcs;:ftré  aux 
greffes  del'ditcs  amirautés,  lu  ,  publié  &:  affiché  par  tout  eu 
kefoin  fera  ,  afin  que  pcrfonnc  fl'çn  ijncre,  Fait ,  «ce. 


PRISE  A  PAP.TIE. 

On  fait  qu'anciennement  le  combat  judiciaire 
étoit  pratiqué  en  France  comme  un  moyen  de  dé- 
couvrir la  vérité,  &  que  les  feigneurs  à.  leurs  ju- 
ges pouvoieut  être  provoqués  à  ce  combat  pour 
mauvais  jugement. 

Comme  la  nature  de  la  décifion  par  le  combat , 
étoit  de  terminer  l'affaire  pour  toujours ,  &  n'étoit 
pas  compatible  avec  un  nouveau  jugement  &  de 
nouvelles  pourfuites  ,  l'appel  à  un  tribunal  fupé- 
rieur  ,  pour  faire  réformer  le  jugement  d'un  autre 
tribunal ,  étoit  inconnu  parmi  nous. 

M.  de  Montefquieu  obfcrve  à  ce  fujet ,  qu'une 
nation  guerrière ,  uniquement  gouvernée  par  le 
point  d'honneur,  ne  connoiffoit  pas  cette  forme 
de  procéder  ;  &  que  ,  fuivant  toujours  le  même 
efprit ,  elle  prenoit  contre  les  jiiges  les  voies  qu'elle 
auroit  pu  employer  contre  les  parties. 

La  provocation  au  combat  judiciaire  contre  les 
feigneurs  ,  ou  contre  les  pairs  ,  ou  juges  de  la  fei- 
gncurie  ,  fe  nommoit  appel  de  faux  jugement. 

Beaumanoir,  qui  donne  un  détail  de  cette  ma- 
nière de  procéder,  rapporte  que  l'appelant  étoit 
obligé  de  le  battre  contre  tous  les  juges  qui  avoient 
été  d'un  mê.me  avis.  Quand  on  vouloit  prévenir 
cet  inconvénient ,  on  demandoit  au  feigneur  que 
les  opinions  fe  donnaffent  tout  haut  :  file  premier 
pair  étoit  contraire  ,  &  qu'on  vît  que  le  fécond  al- 
loit  opiner  de  même  ,  on  difoit  au  premier  qu'il 
étoit  un  méchant  ,  un  calomniateur  ,  &  ,  pour  le 
prouver  ,  il  falloir  fe  battre  avec  lui  &  le  vaincre. 

L'appel  de  refus  de  juger  s'appcloit  appel  de  dé- 
faut de  droit. 

Ce  refus  venoit  de  la  part  du  feigneur  ou  de« 
pairs  :  de  la  part  du  feigneur  ,  lorfqu'il  n'avoit  pas 
affez  d'hommes  à  fa  cour  pour  juger  ,  ou  qu'il 
n'affembloit  pas  fes  juges  :  de  la  part  des  pairs ,  lorf- 
que  l'affaire  étant  portée  devant  eux  ,  ils  négli- 
geoient  de  la  juger  ,  quoique  les  délais  fuffent 
expirés. 

Au  combat  judiciaire ,  auquel  étoient  affujetis  le 
feigneur  ou  les  pairs  pour  foutcnirleur  jugement  , 
fuccéda  une  autre  manière  de  procéder:  tous  les 
juges  pouvoient  être  appelés  devant  leurs  fupé- 
rieurs  pour  foutcnir  le  jugement  qu'ils  avoient 
rendu. 

Mais  cet  ufage  a  été  abrogé  par  un  ufage  con» 
traire  ,  fur-tout  depuis  l'ordonnance  de  Rouffillon  , 
qui  porte  que  les  hauts  -  jufticiers  ,  reffortiffans 
nuement  au  parlement,  feront  condamnés  ,  fuivant 
l'ancienne  ordonnance,  à  60  livres  parifis  ,  pour 
le  mal-jugé  de  leurs  juges. 

Il  eft  feulement  refté  de  cet  ancien  ufage ,  que 
le  prévôt  de  Paris  &  d'autres  officiers  du  châtelet 
font  obligés  d'affifier  à  l'audience  de  la  grand'- 
chambre  à  l'ouverture  du  rôle  de  Paris. 

Du  refte  ,  il  s'eft  érabli  que  l'appel  d'un  juge- 
ment devoir  être  dirigé  contre  la  partie  à  laquelle  il 
étoit  favorable,  &  que  c'étoit  àcelle-ci  à  le  foute» 
nir  ;  d'où  eft  venue  la  maxime  ,  quç  U  fait  du  jug( 
ejl  celui  d<  la  partie. 


PRISE  A  PARTIE. 

Mais,  en  même-temps  qu'on  a  penfé  qu'un  juge 
ne  devoit  pasêtre  détourné  de  i'es  fondions  pour 
aller  à  chaque  inAant  foutenir  fes  décifions  ,  on  a 
décidé  que  s'il  venoit  à  fe  comporter  d'une  ma- 
nière indigne  de  fon  caraélère,  il  devoit  être  obligé 
de  réparer  le  tort  réfultantde  fa  prévarication. 

C'eft  conformément  à  ces  vues  ,  qu'entre  autres 
ordonnances ,  celle  de  Blois  a  permis  de  prendre 
les  juges  à  partie  ,  lorfqu'ils  auroient  jugé  par  dol , 
fraude  ou  concufTion  ,  ou  que  les  cours  trouve- 
roient  qu'ils  fuffent  en  fjute  munifejle  ,  pour  la 
quelle  ils  duflent  être  condamnés  en  leurs  noms. 

L'article  premier  du  titre  25  del'ordcnnance  du 
mois  d'avril  1667,  enjoint  à  tous  les  juges  ,  tant 
des  cours  que  des  autres  juridiélions  royales  ou 
feigneuriales  ,  de  procéder  inceflamment  au  juge- 
ment des  caufes ,  inHances  &  procès  qui  font  en 
état  d'être  jugés,  à  peine  de  répondre  en  leurs 
noms  des  dommages  &  intérêts  des  parties.  Ceft 
en  conformité  de  cette  loi ,  qu'un  arrêt  du  8  février 
1687  ,  rapporté  par  Boniface,a  déclaré  légitime  la 
Prife  à  partie  d'un  juge  &  d'un  procureur  du  roi , 
pirce  qtiils  avoicnt  négligé  de  juger  un  procès  cri- 
minel. 

Obfervez  néanmoins  qu'un  juge  ne  pouvant  ren- 
dre fon  jugement  que  quand  le  procès  eft  iuliruit  , 
&  en  état  d'être  décidé  ,  ce  n'eil  que  depuis  cet 
înftant  qu'il  ç£i  en  (a.mQ,  Se  qu'il  doit  perfoonelle- 
mer.t  dédommager  les  parties  de  la  perte  que  fa 
mauvaife  foi  ou  fa  négligence  ont  pu  leur  occa- 
fionner. 

Ceft  d'après  cette,  règle,  qu'un  arrêt  du  8  août 
1709 ,  rapporté  au  journal  des  audiences  ,  a  décidé 
que  la  Priic  à  partie  ne  pouvoit  avoir  lieu  quand  le 
procès  n'êtoit  pas  en  étar. 

Il  y  a  plufieurs  autres  cas  où  la  Prife  à  partie 
peut  avoir  lieu  contre  un  juge  ;  favolr,  i".  lorfque 
le  juge  a  prononcé  un  jugement  contraire  à  la  dif- 
pofition  des  ordonnances.  Cependant ,  pour  que  la 
contravention  du  juge  aux  ordonnances  foit  un 
moyen  de  Prife  à  partie  ,  elle  doit  être  aiïeiflée  & 
inexcufable.  Ctù  dans  ce  fens  (^ju'il  faut  entendre 
l'article  8  du  titre  premier  de  l'ordonnance  de 
1667. 

Ainfi  ,  les  nullités  que  les  juges  commettent  dans 
rinftru61ion  &  le  jugement  d'un  procès  civil ,  ne 
font  point  un  cas  de  Prife  à  partie  :  le  juge  ou  le 
commi(Taire  en  doit  être  quitte  en  payant  les  frais 
de  la  nouvelle  procédure;  ce  qui  s'ordonne  le 
plus  fouvent  fur  la  fimple  réquifition  de  la  partie. 

Mais  un  juge  feroit  bien  pris  à  partie,  fi  ,  hors 
le  cas  de  flagrant  délit ,  fans  plainte  ni  dénoncia- 
tion ,  il  informoit  contre  quelqu'un  d'un  fait  qui 
ne  feroit  pas  certain,  à  faifoit  arrêter  le  prérendu 
coupable,  fur-tout  fi  c'étoit  un  domicilié  ,  &  qu'il 
fe  trouvât  innocent. 

il  en  feroit  de  même  d'un  juge  qui  décrétcroit 
quelqu'un  ,  foit  de  prife  de  corps  ,  loit  d'ajourne- 
ment perfonnel ,  fans  une  preuve  fullifante ,  ou 
.  our  raifon  d'un  crime  qui  ne  mériteroit  aucune 


PRISE  A  PARTIE.        655 

peine  affliéiive  ,  ni  infamante  ;  fur-tout  fi  la  per- 
(onne  décrétée  étoit  un  officier  qui  par-là  fe  trou- 
vât interdit  de  fes  fomî^ions.  Il  feroit  jufle  qu'il  ob- 
tînt, par  la  voie  delà  Prife  à  partie,  la  réparation 
du  tort  qu'il  auroit  fouffert. 

a°.  Le  juge  peut  être  pris  à  partie  lorfqu'il  a 
excédé  fon  pouvoir,  en  connoiflant  d'une  affaire 
qui  n'étoit  évidemment  pas  de  fa  compétence.  Ceft 
ce  qui  réfultc  de  l'article  premier  du  titre  6  de 
l'ordonnance  de  1667. 

3*.  Il  en  eft  de  même  ,  fuivant  l'article  1  de  ce 
titre  ,  du  cas  oij  le  juge  évoque  une  inftance  pen- 
dante au  tribunal  inférieur ,  fous  prétexte  d'appel 
ou  connexité ,  &  qu'il  ne  la  juge  pas  définitive- 
ment à  l'audience. 

4".  Le  juge  peut  pareillement  être  pris  à  partie  ,, 
lorfqu'une  demande  originaire  n'étant  formée  que 
pour  traduire  le  garant  hors  de  fa  juridiâion  ,  il 
retient  néanmoins  lacaufe  ,  au  lieu  de  la  renvoyer 
pardevant  ceux  qui  en  doivent  connoitre. 

^^.  La  Prife  à  partie  peut  auffi  avoir  lieu  contre 
le  juge  qui ,  ayant  été  rècufé,  prononce  fur  une 
contedation  ,  fans  avoir  fait  décider  fi  la  récufatiori 
cft  bien  ou  mal  fondée. 

6^  Le  juge  peut  encore  être  prisa  partie,  lorf- 
qu'il  ordonne  quelque  chofe  fans  en  avoir  été  re- 
quis par  l'une  ou  l'autre  des  partie». 

7°.  Il  en  eft  de  même  quand  il  attente  à  l'auto- 
rité de  la  cour,  en  paflTant  outre  au  préjudice  des 
défenfes  qui  lui  font  faites. 

Enfin  il  y  a  lieu  à  la  Prife  à  la  partie ,  lorfque  le 
juge  laïc  empêche  le  juge  eccléfiaftique  d'exercer 
fa  )uridi6lion  ,  mais  non  pas  lorfqu'il  prend  fimpk- 
ment  connoiiïance  d'une  affaire  qui  eft  de  la  com- 
pétence du  juge  d'églife  ;  celui-ci ,  en  ce  cas  ,  peut 
feulement  revendiquer  la  caufe, 

L'édit  de  1695  porte  ,  que  les  archevêques  ,  évé- 
ques  ou  leurs  grands  vicaires  ,  ne  peuvent  être 
pris  à  partie  pour  les  ordonnances  qu'ils  auront 
rendues  dans  les  matières  qui  dépendent  de  la 
juridiélion  volontaire  ;  &  à  l'égard  des  ordonnan- 
ces &.  jugemens  que  lefdits  prélats  ou  leurs  ofti- 
ciaux  auront  rendues  ,  &.  que  leurs  promoteurs 
auront  requis  dans  la  juridiâion  contentieufe  ,  l'é- 
dit décide  qu'ils  ne  pourront  pareillement  être  pris 
à  partie  ,  ni  intimés  en  leur  propre  &  privé  nom  , 
fi  ce  n'eft  en  cas  de  calomnie  apparente  ,  &  lorf- 
qu'il n'y  aura  aucune  partie  capable  de  répondre 
des  dépens  ,  dommages  &  intérêts,  qui  ait  requ  s 
ou  qui  (outienne  leurs  ordonnances  &  jugemens  ; 
Se  ils  ne  font  tenus  de  défendre  à  l'intimation  , 
qu'après  que  les  cours  l'ont  ordonné  en  connoil- 
fance  de  caufe. 

Ce  n'eft  pas  a/Tez  pour  pouvoir  prendre  à  par- 
tie un  joge  qui  néglige  de  juger  un  procès,  de 
prouver  que  la  contertation  étoit  inftruite  &  eu 
état  d'être  jugée  depuis  long  temps.  Comme  il  fe- 
roit poOible  qu'il  ignorât  lui-même  ce  fait,  l'or- 
donnance a  r^glé  que  pour  conrtater  juridique- 
ment que  c'étoii  en  connoilTance  de  caufe  qu'il 


6^G  PRISE  A  PARTIE. 

avoir  refuleCon  minulère,  il  talioit  le  conilltuer 
en  demeure  par  deux  différentes  fommation^. 

Ces  fommations  doivent  être  faites  par  le  mi- 
nidére  d'un  huiirier  (i).  Il  faut  d'ailleurs  qu'elies 
foient  fignifiées  au  domicile  du  juge.  Cependan:  , 
comme  il  s'agit  d'un  fait  de  charge,  la  lignification 
peut  aufTi  fe  faire  au  greffe  de  la  juridiâion  : 
mais  pour  qu'on  foitsùrque  la  connoifl'ance  a  dû 
en  parvenir  jufqu'au  juge,  il  faut  que  cette  fignih- 
cation  ait  lieu  aux  heures  où  le  greffe  eft  ouvert , 
&  en  parlant  au  greffier  ou  à  l'un  des  commis  du 
greffe. 

L'intervalle  qui  doit  fe  trouver  entre  les  deux 
fomiîiations  ,  eft  de  huitaine  à  l'égard  des  juges 
qui  reffortifîent  nuement  aux  cours  ,  &  de  trois 
jours  à  l'égard  des  autres  fièges. 

Lorfque  ces  fommations  n'ont  point  produit 
d'effet,  la  partie  peut  appeler  comme  de  déni  de 
juftice  (2)  ,  &  faire  intimer  le  rapporteur  en  fon 
nom  ,  s  il  y  en  a  un  ,  finon  celiù  qui  doit  prcfider. 

Lorfqu'un  juge  a  été  déclaré  bien  intimé  fur  la 
Prife  à  partie  ,  il  doit  être  condamné  en  fon  nom 
aux  dommages  &  intérêts  envers  les  parties.  C'cll 
une  diipofition  de  l'article  3  du  titre  25  de  l'or- 
doniuince  de  1667. 

Le  juge  qui  a  été  intimé  ne  peut  être  juge  c!ii 
différend  ,  à  peine  de  nullité  &  de  tous  dépans  ,  dom- 
mages &  intérêts  des  parties  ,  fi  'ce  ii'eft  qu'il  ait 
été  follement  intimé  ,  ou  que  les  deux  parties 
confentent  qu'il  demeure  juge;  il  doit  être  pro- 
cédé an  jugement  par  d'autres  ji;ges  &  praticiens 
du  fiège,  non  fufpeéîs,  fuivant  l'ordre  du  tableau  , 

(1)  Formule  d'une fommat'un  déjuger. 

L'an....  à  la  rcqucce  de....  àcc.  Je  ..  huiflîer,.  .  fouffigné  , 
certife  avoir  Conuné  ,  prié  ,  &  tequis  M  .  .  de  juger  inccf 
lamnienc  l'inftjnce  d'entre  ledit  fieur..,.  JS:....  laquelle  ell  en 
état  d'être  jugcc  ;  linon  &:  à  faute  de  ce  faiie  ,  proieltc  ledit 
fieur.,,.  d'en  appelée  comme  de  déni  de  juftice,  ôc  de  rendre 
monait  i]eur....re(pon(able  de  Ces  dépens  ,  dommages  &  inté- 
rêts, &  de  Je  faire  intimer  à  cette  (in  en  fon  propre  &  prive 
nom;  &  j'ai  à  mondit  (îeur....  parlant  ccm;ne  dellus  ,  laiUl- 
copie  ,  u  p-c-lent,  à  ce  qu'il  n'en  ignore. 

Il  faut  rentrer  catijorumation  dans  les  àéla'n  de  Vordon- 
xauce. 

(2)  Fo<-mvle  de  let-rt^  de  rdief  d'avfd  de  déni  de  jufîhe. 
Louis  ,  var  la  giàce  de  Dieu  ,  roi  de  France  5c  de  Navarre. 

Au  premier  notre  huirlier  ou  fergent  fur  ce  requis  ;  de  la  par 
lie  de  Borreamé...  r.ous  a  été  expcfé  que  (  rendre  ici  un  compre 
fommaire  de  Coffa\-e  fj  dti  Jommanom  faites  au  juge  )\  et 
qui  oblge  l'expofar.t  d'avoir  recours  à  nos  letires  fur  ce  né- 
ceflaires  ;  pour  cecil-il  que  nous  te  mandons  allîgner  &  inti- 
mer à  ceicain  Se  compétent  jour  en  notre  cour  de  parlement 
à  Paris  ,  ledit  (  Li  le  ncin  du  juge  6*  de  h  juridichcn  )  pour 
procéder  fur  lappel  interjeté  par  l'exf^fant,  &  qu'il  interjette 
d'ahonJant  par  les  préentts  du  déni  de  jullice  à  lui  fait  par 
Ie3i(...  ic  pour  fe  voir  condamner  aux  dommages  fc  intérêts 
iç  l'cxpoijntà  donner  par  déclaration  ,  &  en  outre  pour  voir 
dire  que  ladite  inllance  fera  renvoyée  parJevant  le  plus  pro- 
chain juge  royal  des  lieux  ,  nponJre  &  pro««.der  con.me  de 
raifon  ;  &:  fe.a  d.cîaié  que  M'...  procurcui  en  notredite  cour  , 
occupera  peur  l'expoi'anr  ;  de  ce  faire  te  donnons  pouvoir. 
Cai  tel  c'I  noire  plj'iir.  Donné  en  note  ch.incel!e-ie  t'u  ^a- 
Uis  k...  l'an  de  svâtc...  ôc  de  noue  lègnc  le...  par  le  coaUil.  | 


PRISE  A  PARTIE. 

Ti  mieux   n'aime  l'ar.rrc  partie  attendre  que  l'imi- 
mation  foit  jugée.  Cefî  ce  qui  réfulte  de  l'article  î 


qui  reuiiic  ae  1  article  5 
du  même  titre. 

On  ne  peut  prendre  les  juges  à  partie  qu'après 
en  avoir  obtenu  la  permiffion  des  cours  fupèrieures 
auxquelles  ils  reffortiffent.  Cela  eft  ainfi  ordonné 
par  un  arrêt  de  règlement  rendu  au  parlement  de 
Faris  le  4  juin    1699  (i). 

Le  parlement  de  Grenoble  a  rendu  un  arrêt  fem- 
blable  le  20  mai  1706. 

Par  un  autre  arrêt  du  15  novembre  1729  ,  le 
parlement  de  Bretagne  a  fait  défenfe  aux  parties 
intimées  qui  ne  feroient  pointappelantes,  d'intimer 
&  prendre  à  partie  les  juges  pour  les  avijager  aux 
inftances  d'appel  indécifes  ,  faufà  e-lles,  après  la 
cafiation  définicive  d>.s  procédures  &  jugemens  par 
arrêt,  à  demander  pcrnuirion  de  les  prendre  à  par- 
tie ,  laquelle  permiillon  ne  pourrok  être  accordée 
qu'en  connoifiance  de  caufe ,  &  par  d.ilibération  de 
la  chambre  où  l'dijpel  ?uroit  érè  jupé. 

Le  parlement  deTouloufe  a  pareillement  rendu 
un  arrêt  le  31  août  1735  ,  par  lequel  il  a  défendu 
aux  procureurs  d'indrcT  dans  les  lettres  de  relief 
d'appel  qu'ils  obtiendroient  en  chancellerie ,  la 
ctaufe  d'intimation  &  Prife  à  partie  contre  les  ju- 
ges,  à  peine  de  nullité,  &  leur  a  en  même  temps 
crdonnédefe  pourvoir  à  la  cour  pour  obtenir  ar- 
rêt portant  pcrmilfion  d'intimer  les  juses  &  de 
!e«  prendre  à  partie  en  leur*,  propres '&  privés 
noms. 

La  cour  des  aides  de  Paris  a  aufii  rendu  un  arrit 
de  règlement  le  27  novembre  1778  ,  par  lequel  elle 

(  i)  Ce  rcgitment  efi  ainfi  conçu  : 

Ce  joiir  les  grand'chambre  Se  tournelle  afTïmh'ées ,  les  gens 
du  toi  font  entrés ,  &  maître  Henri  François  Daguefleau  , 
avocat  dudit  feigneur  roi,  portant  la  parole,  oncdit  àla  cour  : 

Que  comme  Je  zèle  dont  elle  elt  animie  pourtour  ce  qui 
1  egatde  l'honneur  des  juges ,  ne  fe  renferme  pas  dans  les  bor- 
nes de  la  compagnie  ,  &  qu'il  fe  répand  fur  toui  ceux  qui 
ont  une  portion  de  ce  caradète  éminent,  dont  clic  pofsède 
la  plénitude  ,  ils  croient  devoir  lui  ptopofer  aujourd'hi:» 
d'auiorifer  par  un  règlement  gcnéial  ,  &:  de  cor.firaier  pour 
toujours  un  ancien  ufage  digne  de  la  fagcffe  âcs  preiuieri 
magidrats,  Se  de  la  protedion  qu  i's  doivent  donner  aux  jugei 
fubalternei  ,  dont  l'honneur  ell  remis  entre  leurs  mains ,  Sec. 

Les  gens  du  roi  retirés  ,  la  matière  mife  en  dclibi. ration  : 

Ladite  cour  ,  faif-int  droit  lui  les  concluâons  du  procureur 
général  du  roi,  fait  difonles  à  toutes  perl'ornes  ,  de  quelqtJC 
crat  &:  qualités  qu'el'ts  foient ,  de  prendre  à  partie  aucuns 
juges,  ni  de  1rs  faire  intimer  en  leur  propre  &  privé  nom 
fut  l'appel  des  jugemens  pat  eux  renous,  fans  en  avoir  au- 
paravant obtenu  lapermiflion  par  arrêt  de  la  cour  ,  à  peine 
de  nullité  des  procéduies,  &  de  telle  aij)ende  qu'il  appar- 
tiendra. Enjk>int  à  tous  ceux  qui  croiront  devoir  prtndre  d^» 
JLf  es  à  partie ,  de  fe  ccnteniet  d'expliquer  fimpltruent ,  ic 
avec  h  modération  convenable  ,  les  faits  5;  les  moyens  qu'ils 
cf.iiweront  nécelTaires  à  la  décilîon  de  leur  caufe  ,  fans  fe  fer- 
vir  de  termes  injurieux  &  contraires  à  l'honneur  &:  à  h  di- 
t,n:té  des  jupes  ,  à  peine  de  punition  exemplaire.  Ordonne 
q'.ic  le  préfcnt  arrtt  fera  envoyé  aux  bailliages  5:  fénéchauffées 
i''u  rcflort,  pour  y  être  lu  &:  publié.  Enjoint  aux  fubftiiuu 
du  procureur  général  du  toi  d'y  tenir  la  main  ,  &  d'en  certi- 
hcr  la  cour  dans  un  mois.  Fait  en  parlement  le  4  juin  16$^. 

Si^nc,  DoNJOis. 


PRISE  A  PARTIE; 

t  faît  Jèfenfe  à  toutes  fortes  de  perfonnes  d'intlmef 
les  fubftituts  du  procureur  général  en  leurs  propres 
8c  privés  noms ,  à  peine  de  nullité  des  procédures, 
&  de  telle  amende  qu'il  appartiendroif ,  à  moins 
qu'elle  n'en  eût  accordé  la  permiffion ,  6c  qu'ils  ne 
futTent  dans  le  cas  de  la  Prife  à  partie.  Il  a  été 
ordonne  par  le  même  arrêt ,  que  les  intimations  fur 
appel  de  fentences  rendues  par  les  officiers  du  ref- 
loii  de  la  cour  ,  furies  conclufions  &  réquifitoires 
des  fubfiituts  du  procureur  général ,  ne  pourroient 
être  faites  qu'au  procureur  général ,  comme  pre- 
nant le  fait  &  caufe  de  fes  fubjfJituts. 

Les  officiers  des  cours  fouveraines  peuvent  être 
pris  à  partie  comme  les  autres  juges.  Il  n'y  a  au- 
cuneloiqui  les  en  difpenfe,  ik  ils  font  fournis, 
comme  les  autres  ,  à  la  peine  des  dommages  &  in- 
térêts, lorfqu'ils  jugent  contre  la  difpofition  des 
ordonnances.  C'eft  ce  qui  réfultc  évidemment  des 
articles  i  8c  8  du  titre  i  de  l'ordonnance  du  mois 
d'avril  1697. 

C'eft  auin  ce  que  prouvent  plufieuis  arrêts  ;  l'un 
du  2t  novembre  1556,  a  condamné  à  l'amende- 
honorable  &  aux  dommages  &  intérêts  des  parties 
le  fieur  Taboue  ,  procureur  général  au  parlement 
de  Grenoble,  pour  avoir  intenté  uns  acciifation 
calomnieufe. 

La  cour  des  monnoies  de  Paris  ayant  condamné 
i4n  accufé  à  fubirla  queftion  ordinaire  &  extraor- 
dinaire, fans  autres  preuves  que  des  indices  ar- 
bitraires, au  lieu  que  ,  fuivant  les  ordonnances  ,  il 
faut  une  preuve  confidérable  ;  l'accufé  fuccomba  ; 
les  douleurs  lui  firent  convenir  qu'il  étoit  l'auteur 
du  crime ,  &  il  fut  enfuite  condamné  à  la  mort  par 
arrêt  du  3  mars  1691  :  mais  fon  innocence  ayant 
depuis  été  reconnue^  fa  veuve  fe  pourvut  &  ob- 
tint des  lettres  de  rcvifion  du  procès  ,  adreflees  à 
la  chambre  de  la  tournelle  du  parlement  de  Paris  , 
qui,  par  arrêt  du  18  février  1704,  remit  les  par- 
ties en  tel  Se  femblable  état  qu'elles  étoient  avant 
celui  du  5  mars  1691 ,  &  permit  de  prendre  à  par- 
tie les  juges  de  la  cour  des  monnoies  qui  avoient 
procédé  au  jugement  du  malheureux  accufé- 

Mais  comme  l'arrêt  de  la  tournelle  contenoit  en 
même  temps  des  difpofitions  contraires  aux  privi- 
lèges qiiç  la  cour  des  monnoies  prétend  avoir  ,  la 
connoiftance  de  cette  affaire  fut  évoquée;  &  par 
arrêt  du  1 5  o6lobre  1708  ,  rendu  au  rapport  de  M. 
Maboul,  maître  des  requêtes  ,  los  juges  qui  avoient 
rendu  l'arrêt  de  1691  furent  déclarés  avoir  été 
bien  pris  à  psrtie*  &  condamnés  à  6000  livres 
de  dommages  &  intérêts  envers  la  veuve  de  l'in- 
nocent. 

Un  autre  arrêt  rendu  au  confeil  le  20  mars  1733, 
a  permis  à  Jean  Laugier,  aVocat  au  parlement  de 
Provence,  demeurant  à  Barcelonette,  de  prenc^re 
à  partie  les  juges  de  la  tournelle  de  cette  cour  , 
qui,  par  arrêt  du  26  novembre  1716  l'avoient 
condamné  aux  galères. 

Obfervez  qu'il  n'y  a  que  le  roi  quipuiffe  per- 
mettre de  prendre  à  partie  les  cours  fouTÇfaincs. 


PRISE  DE  CORPS.       6,-7 

Voyei^  l'ordonnance  du  mois  d'avril  l66j  ,  &  les 
commentateurs  ;  le  journal  des  audiences  ;  le  traité 
de  la  jujîice  civile  ;  les  arrêts  de  Papon  ;  la  biblio- 
thèque du  droit  français;  redit  du  mois  d'avril  1695  ; 
l'ordonnance  du  mois  d'août  1703  ;  le  traité  de  la  jiif- 
tice  criminelle  ^  &c.   Voyez  aufti  les  articles  JuGE, 

PrOCUREUPv  DU  ROI  ,    MALVERSATION,    &C. 

PRISE  DE  CORPS.  C'eft  l'aflion  par  laquelle 
on  faifit  un  homme  au  corps  pour  quelque  affaire 
criminelle  ,  en  vertu  d'un  décret  ou  ordonnance 
du  juge. 

On  appelle  Prifc  de  corps ,  le  décret  ou  jugement 
qui  ordonae  la  Prife  de  corps  (i). 

Pour  décréter  un  accufé  de  Prife  de  corps ,  il  faut 
non  feulement  que  le  crime  dont  il  eft  queftion 
mérite  une  peine  affliftive  ou  infamante  ,  mais 
encore  qu'il  y  ait  contre  l'accufé  une  preuve  ou  du 
moins  une  fêmi-preuve  réfultante  d'une  informa- 
tion préalable. 

L'article  8  du  titre  iode  l'ordonnance  du  mois 
d'aoiàt  1670  ,  admet  néanmoins  diverfes  exceptions 
à  cette  régie:  il  permet  de  décréter  de  Prife  de 
corps ,  1°.  pour  crime  de  duel ,  fur  la  fimple  noto- 
riété ou  bruit  public  ;  2°.  contre  les  vagabonds 
&  gens  fans  aveu,  fur  la  feule  plainte  de  la  partie 
publique;  3".  lorfqu'il  s'agit  de  vol  ou  délit  domef- 
tique  ,  fur  la  plainte  des  maîtres.  L'ufage  a  encore 
admis  une  quatrième  exception;  c'eft  en  faveur 
d'une  fille  féduite  par  un  garçon  fans  domicile  cer- 
tain :  elle  peut  alors  le  faire  arrêter  ,  en  vertu  d'une 
ordonnance  du  juge  rendue  fur  requête,  fans  au- 
cune information  précédente. 

Le  décret  de  Prife  de  corps  peut  aufli  avoir  lieu 
contre  un  acculé  prit  en  flagrant  délit,  ou  à  la 
clameur  publique  ;  mais  dans  ce  cas  le  juge  doit 
ordonner ,  fuivant  l'article  9  du  titre  cité,  que  cet 
accufé  conduit  en  prifon  fera  écroué  ,  &  que  l'é- 
crou  lui  fera  fignifié  parlant  à  fa  perfonne. 

Le  décret  de  Prife  de  corps  emporte  de  droit 
interdiflion  contre  les  officiers;  &  comme  il  a  pour 
objet  de  s'affurer  de  la  perfonne  d'un  criminel  , 
rien  ne  doit  en  arrêter  l'exécution ,  pas  même  une 
récufation  ni  un  appel  comme  de  juge  incompé- 
tent ,  ou  comme  d'abus. Il  ne  faut  d'aiîleurs  ni  pcr- 
miffion  ni  pareatis  pour  exécuter  un  tel  décret  :  au 

(  1  )  Formule  cVnn  décret  de  Prife  de  corps. 

Vu  ]'jnforiiiJrion  faite  par..,,  à  la  requcre  de...  demandeur 
S:  accufaceur ,  le  procureur  du  roi  (  eu  fifcal  (  joint  (  &<  s'il 
n'y  a  point  de  partie  cit/ilt  ) ,  à  la  requête  dj  procureur  du 
loi  ou  (ifcal  accufateur,  contre...  accufé,  de...  (  dit:  de  Viti' 
fjrmation  )  ,  conclufions u'u  procureur  du  roi  ou  fifcal ,  nous 
ordonnons  que  ledit...  fera  pris  &  appréhenda  au  corps  5c 
conduit  es  prifons  de  céans  (  ou  de  cttre  cour  )  ,  pour  y  être 
ouï  &  interrogé  fur  les  faits  réfultans  deldites  charges  &:  in- 
forinations  ,  <3<.' autres  fur  lefquelles  le  procureur  du  roi  ou. 
jî/ral  voudra  le  faire   entendre;  linon  &  après  perquifition 


nonobftantoppofitions  &  appellations  quelconques,  &  faut 
préjudice  4'icellcs.  Fait  ce  ,  &c. 


O  000 


658 


PRISE  DE  CORPS. 


^furplus,  comme  il  importe  que  le  prifonnier 
"fâche  à  qui  s'adreffer  dans  l'endroit  même  où  il 
eft  emprilbiiné  ,  pour  faire  les  fignifications  que 
ia  défenfe  peut  exiger,  celui  à  la  requête  duquel 
îe  décret  s'exécute  ,  eft  tenu  ,  par  l'arucle  1 3  du  ti- 
tre cité,  d'élire  domicile  dans  cet  endroit:  mais 
cette  éleilKon  de  domicile  n'attribue  aucune  forte 
de  jurididion  au  juge  du  domicile  élu.  Ce  juge  ne 
peut  ménie ,  fous  prétexte  que  la  police  des  pri- 
ions lui  appartient ,  décider  de  la  tranflation  du 
prifonier  ,  ou  ordonner  qu'à  défaut  par  la  partie 
civile  de  le  frire  transférer  dans  un  certain  temps  , 
le  prifonnier  fera  élargi.  Ce  fcroit  donner  à  ce 
juge  la  faculté  de  favonfer  un  criminel  &  de  le 
mettre  hors  des  prifons  impunément.  Il  dent  donc 
«Jemcurer  pour  certain  ,  qu'il  n'y  a  que  le  juge  qui 
a  décerné  le  décret,qui  puirte  connoître  de  fon  exé- 
cution ,  dans  quelque  lieu  qu'elle  fe  falfe. 

L'é-dit  de  1695  tontient  la  même  difpofition  par 
Tap^-ort  aux  décrets  émanés  des  officiaux  :  ils  peu- 
vent s'exécuter, non  feulement  hors  du  reflbrt  de  l'of- 
hcialité,  mais  encore  fans/^rt/fjin'i  des  juges  royaux 
6i  des  feigneurs  11  faut  cependant  obferver  qu'il 
r'y  a  que  les  huilTîers  royaux  qui  puiflent  meitre 
à  exécution  les  décrets  des  officiaux  ;  ceux  des  of- 
ficialités  ou  des  juftices  feigneuriales  n'ont  pas  ce 
pouvoir. 

Les  lieutenans  généraux  des  provinces  &  villes  , 
les  baillis  8c  fénéchaux  ,  les  maires  &  échevins  ,  les 
maréchaux,  vice-baillis,  vice  fénéchaux  .leurs  lieu- 
tenans &.  archets,  font  tenus  de  prêter  main-forre 
à  l'exécution  des  décrets  &  autres  ordonnances  de 
jufiic;..  C'eft  ce   qui  réfulte  de  l'article  15. 

L'article  16  veut  que  les  accufés  qui  font  arrê- 
tés foient  promptement  conduits  dans  les  prifons 
publiques  ,  foit  royales  ou  feigneuriales  ,  fans  pou- 
voir être  détenus  dans  les  m.ùfons  particulières  ,  fi 
ce  n'eft  {)endant  leur  conduite,  &  en  cas  de  péril 
d'enlèvement ,  dont  il  doit  être  fait  mention  dans 
le  procès-verbal  de  capture  &  de  conduite. 

On  étoit  autrefois  dans  l'ufage ,  en  certains  cas 
&  relativement  à  certaines  peribnnes  dont  on  vou- 
loit  ménager  la  réputation ,  d'adoucir  la  rigueur  du 
décret  de  Prife  de  corps  ,  en  ordonnant  que  l'ac- 
cufé  feroit  amené  fans  fcandale.  Cet  ufage  fe  pra- 
tiquoit  fur-tout  dans  les  officialités  :  mais  comme 
on  ne  peut  guère  arrêter  quelqu'un  &  le  conflitiier 
prifonnier  fans  quelque  fcandale  plus  ou  moins 
grand ,  l'article  17  a  profcrit  cette  forte  de  procé- 
dure. 

Quoique  dans  la  règle  générale  on  ne  doive 
point  décerner  de  décret  de  Prife  de  corps  contre 
des  perfonnes  inconnues,  il  arrive  néanmoins  quel- 
quefois que  les  accufés  ne  font  pas  dénommés 
par  les  témoins  dans  les  informations,  &  qu'ils  y 
io^n  feulement défignés  parleur  raille,  leurs  habits, 
&c-  Le  juge  doit  en  pareil  cas  déciéter  de  Prife 
de  corps  lous  ces  défignations  :  mais  comme  elles 
font  par  elles-mêmes  très-équivoques,  l'article  18 
a  encore  periOiS  aux  parties  d'iudiyuer  les  accu- 


PRISE  DE  CORPS. 

fés  aux  officiers  chargés  de  l'exécution  des  décrets. 

Les  procureurs  du  roi  des  juflices  royales  doi- 
vent, fuivant  l'article  20  ,  envoyer  aux  procureurs 
généraux,  chacun  dans  leur  relTort,  aux  mois  de 
janvier  &  juillet  de  chaque  année,  un  état  figné 
par  les  lieutenans  crimii.-jls  &  par  eux  ,  des  écrous 
&  recommandations  faits  pendant  les  fix  mois  pré- 
cédens  dans  les  pv.fons  de  leurs  fièges  ,  &  qui  n'ont 
point  été  fuivis  de  jugement  définitif,  contenant 
la  date  des  décrets  ,  écrous  &  recommandations; 
le  nom,  furnom  ,  qualité  8c  demeure  des  accufés, 
&  fommaircment  le  titre  d'accufariox»  8i  l'état  de  la 
procédure.  Les  procureurs  fifcaux  des  juftices  fei- 
gneuriales font  obligés  de  faire  la  même  cliofe  à 
1  égard  des  procureurs  du  roi  des  fièges  royaux  où 
ces  juflices  refloriillent. 

Aucun  prifonnier  pour  crime  ne  peut  être  élargi 
que  par  ordonnance  du  juge,  &  après  avoir  vu 
les  informations ,  l'interrogatoire  ,  les  conclufions 
du  miniilère  publique  ,  8i.  les  réponfes  de  la  partie 
civile,  s'il  y  en  a ,  ou  les  fommations  qui  lui  ont 
été  faites  de  fournir  fts  réponfts. 

Les  accufés  ne  peuvent  pas  non  plus  être  élargis 
après  le  jugement ,  s'il  porte  condrimnation  k  peine 
artliflive  ,  ou  que  le  miniflére  public  en  appelle, 
quand  les  parties  civiles  y  confentiroient ,  éi.  que 
les  amendes  ,  aumônes  8i  réparations  auroient 
été  confignées.  C'eft  ce  qui  réfulte  des  articlcs^  22  » 
23  Si  24. 

Voye^fordonnanct  criminelle  du  mois  d'août  1670 
&  Us  commentateurs.  Voye:^  aujfi  les  articla  INFOR- 
MATION ,  Accusation  ,  Ajournement  per- 
sonnel. Capture,  Contrainte  par  corps, 

G.VRDES  DU    commerce,    MAIN  FORTE,  Scc. 

PRISE    DE    POSSESSION.    Ceft  l'afte    en 
vertu  duquel  on  fe  met  en  pofTelTioa  de  quelque, 
chofe. 

Il  y  a  la  Prife  de  poflTenion  en  matière  pro- 
fane, &  la  Pnfe  de  poffeffion  en  matière  ecclé-. 
fiaftique. 

DeJa  Pri/c  de  poffejjlon  en  matière  profant. 

S'il  s'agit  d'uH  meuble ,  on  s'en  met  en  pofTcflloa 
en  le  prenant  dans  les  mains. 

Quant  aux  immeubles  ,  onn'en  prend  poflcflâon 
que  par  des  tiéiions  de  droit,  quieicpriment  l'inten- 
tion qu'on  a  de  s'en  mettre  en  poffcflîon,  comme 
en  ouvrant  Sii  fermant  les  portef  ,  coupant  quel- 
ques branches  d'.irbres ,  8<cc. 

On  prend  poffeffion  de  fon  autorité  privée,  oa 
en  vertu  de  quelque  jugement. 

Quand  on  prend  poffeffion  en  vertu  d'un  juge- 
ment, il  efl  d'ufage  de  faire  dreffer  un  procès-ver- 
bal de  Prife  de  pofieffion  par  un  huiflier  ou  par 
un  notaire,  en  préfence  de  témoins,  tant  pour  conf- 
tater  le  jour  8i  l  heure  ou  l'on  a  pris  poffeffion  , 
que  pour  conftater  l'état  des  lieux  &les  dégrada- 
tions qui  peuvent  s'y  trouver. 

La  prife  de  poffeiiion  d'un  invneuble  ne  peut 


PRISE  DE  POSSESSION. 

avoir  lieu  qu'après  que  le  titre  a  été  infinué  ,  s'il 
eft  Aijet  à  cette  formalité. 

SilaPrife  depoffeffion  d'un  immeuble  Te  fait 
en  vertu  d'un  contrat  d'acquifition  volontaire  qui 
ait  été  contrôlé,  il  n'eft  du  pour  le  droit  de  con- 
trôle de  cette  Prife  de  Pofleflion,  que  le  quart  du 
droit  réglé  pour  le  contrat ,  par  les  articles  3  &  4 
du  tarif  du  mois  de  feptembre  1722. 

Mais  s'il  s'agit  d'immeubles  échus  à  tirre  fuccef- 
fjf ,  ou  adjugés  par  quelque  aftc  judiciaire  ,  non 
fujct  au  contrôle,  le  droit  de  contrôle  de  ia  Prife 
rie  poiTeffion  doit  être  perçu  fur  le  pied  de  la  va- 
leur des  immeubles,  &fuivaat  les  articles  2&  5 
qu'on  vient  de  citer. 

Une  Prife  de  poffeffion  d'immeubles  faite  p:ir 
haiiîîer  eft  fujerte  au  contrôle  des  aflcs,  bc  le  droit 
en  eft  dû  fur  le  pied  réglé  par  l'article  4  du  tarif, 
faute  d'évaluation  des  biens.  C'ell  ce  qui  a  été  jugé 
dans  l'efpèce  fuivante. 

La  dame  de  Mafliot ,  femme  féparée  du  fieur 
de  Pomlers  ,  obtint  un  arrêt  du  parlement,  q^ii 
condamnoit  les  neveux  &  les  nièces  de  fon  man  a 
lui  rendre  une  maifon  de  !a  fucceflion  de  fon 
aïeule  ,  &  qui  lui  permettoit  de  s'en  mettre  en 
pofleilion  ;  il  fut  fait ,  en  confcquence  ,  un  procès- 
verbal  par  un  huiffier  ,  qui  rapportoit  avoir  pris 
cette  dame  par  la  main ,  &  l'avoir  conduite  ,  en  prc- 
f.ince  de  fes  témoins,  dans  la  maifon  &  lieux  en 
dépendans  ,  où  elle  avoir  pris  polTeifion  réelle  ,  ac- 
tuelle, corporelle,  &c.  Le  commis,  outre  le  droit 
de  contrôle  aux  exploits,  perçut  200  livres  pour 
droit  de  contrôle  aux  a6^es ,  faute  d'évaluation.  La 
dame  de  Pomiers  fe  pourvut  à  l'intendance  ;  elle 
cxpofa  que  l'arrêt  ne  lui  donnoit  aucune  nouve'le 
propriété,  Sc  qu'il  s'agiiToit  moins  d'une  Prife  de 
poiTelTion  que  d'un  fimple  procès  verbal  de  1  ét;.t 
des  lieux  M.  l'intendant  réduifit  le  droit  de  con- 
trôle aux  aéles  ,  à  10  fous:  mais  cette  ordonnance 
fut  réformée  par  une  décifion  du  confeil  du  9  avril 
1729  ,  qui  jugea  la  perception  régulière  ;  il  in- 
tervint enfuite  un  arrêt  du  24  mai  1729,  fur  la 
requête  du  fermier  ,  par  lequel ,  fans  s'arrêter  à 
l'ordonnance  du  fieur  intendant  de  Bordeaux,  il 
fut  ordonné  que  l'afle  de  Prife  de  polTelTion  en 
queftion  fcroit  contrôlé,  &  le  droir  de  contrôle 
pnyé  fur  le  pied  de  la  féconde  feflion  de  l'article  70 
dtt  tarif  du  29  feptembre  1722.  La  dame  de  Po- 
miers fe  pourvut  en  oppofition  ,  &  elle  en  fut  dé- 
boutée par  décifion  du  3  avril  1730:  elle  innf^a, 
&  elle  expofa  qu'il  s'agiflToit  d'un  aâe  du  minif- 
tère  d'un  luii(Tier,&  nullement  de  celui  du  no- 
taire ;  que  l'objet  de  cet  a61e  étoit  de  fe  faire  con- 
noitre  aux  locataires  ,  &  de  conftater  les  lieux  , 
n'ayant  pas  befoin  d'une  Prife  de  pofTelîion  ,  puif- 
qu'elle  avoit  toujours  été  propriétaire  ,  &c.  Par 
autre  arrêt  du  confeil  du  4  juillet  1736  ,  cette  dame 
fut  déboutée  de  fon  oppofition  ;  il  fut  ordonné 
qire  celui  du  14  mai  1729  feroit  exécuté  félon  fa 
^orme  &  icneur ,  &  la  même  dame  de  Pomiers  fut 


PRISE  DE  POSSESSION.       659 

en  outre  candamnée  au  coiit  des  deux  arrêts  K- 
quidé  à  75  livres  pour  chacun. 

Il  efl  certain  que ,  pour  caraélérifer  une  Prife  de 
pofTefilon  ,  il  n'eft  pas  nccefTaire  qu'il  s'agi/Te  d'une 
propriété  de  fait  ,  pour  être  dans  le  cas  de  re- 
prendre la  poffeflion  ;  mais  lorfque  les  biens  font 
défignés ,  ils  font  fufceptibles  d'évaluation  pour 
liquider  les  droits. 

Par  arrêt  du  20  février  1740  ,  le  confeil  a  jugé, 
en  faveur  du  fieur  le  Chapelier  de  Varenne,  que 
pour  une  Prife  de  polTelfion  de  biens  fitués  dans 
la  généralité  d'Orléans,  qu'il  avoit  acquis  par  con- 
trat pa/Té  devant  des  notaires  de  Paris,  le  droit  de 
contrôle  n'étoit  dij  que  fur  le  pied  de  la  première 
ftélion  de  l'article  70  du  tarif,  attendu  que  le  con- 
trat pafféà  Paris,  en  papier  de  formule,  eft  cenlé 
contrôlé,    f^oye^  CONTRÔLE. 

Par  un  autre  arrêt  du  8  mai  1644,  le  confeil  a  jugé 
que  les  droits  de  contrôle  &  de  centième  denier 
avoient  été  bien  perçus  fur  la  valeur  des  biens  donc 
le  fyndic  de  l'hôpital  de  Caftelnaudari  avoit  pris 
pofi'efiîon,  en  vertu  de  l'union  faite  à  cet  hôpi- 
tal des  biens  de  celui  de  Villary.  L'intendant  de 
Languedoc  avoit  jugé  par  deux  ordonnances  des 
26  mai  &  18  feptembre  1742,  qu'il  n'étoit  dû  que:- 
le  droit  de  contrôle  fixé  à  cinq  livres,  comme 
pour  une  Prife  de  pofleflion  de  bénéfice  ;  mais  fes 
ordonnances  ont  été  réformées  fur  le  fondement 
qu'une  Prife  de  pofleflion  d'immeubles  eft  un  aifle 
d'adminiftration  temporelle  ,  pour  réunir  les  biens 
à  titrede  propriété,  &  qu'elle  nepouvoit  être  con- 
fidérée  comme  un  aâe  eccléfiaflique  ,  ayant  pour 
objet  le  titre  du  bénéfice. 

Par  un  autre  arrêt  du  14  décembre  1758,  le  con- 
feil a  confirmé  une  ordonnance  de  l'intendant  de 
Languedoc  ,  qui  avoit  condam né  le  greffier  en  chef 
de  la  fénéchauflee  de  Beziers  à  une  amende  de  2C0 
livres  pour  n'avoir  pas  fait  cont:  ôler  dans  la  quin- 
zaine ,  un  procès-verbal  de  Prife  de  poflTeflion  qu'il 
avoit  fait  en  vertu  d'une  adjudication  par  décrer. 
Ce  greffier  difoit  pour  moyen  d'appel,  qu'il  s'agif- 
foit  d'un  aâe  judiciaire  &  de  l'exécution  du  décret 
qui  l'avoit  commis  expreffément  pour  procéder  à  la 
Prife  de  pofl'effion  de  l'adjudication  des  biens  j  mais 
les  Prifes  de  polTcfllon, quoique  faites  en  vertu  d'ar- 
rêts ou  autres  jugcmens,  font  nommément  afl"u- 
jetties  au  contrôle  par  la  féconde  fc6tion  de  l'ar- 
ticle 70  du  tarif,  parce  que  ce  font  des  aàles  pure- 
ment volontaires ,  oîi  la  préfence  du  ju^  n'eft  nul- 
lement néceflfaire. 

Les  Prifes  de  pofleflion  de  biens  adjugés  an  roi 
à  titre  de  confifcation  ,  d'aubaine  ou  autrement 
ne  font  affujetties  à  aucun  droit ,  tant  parce  qu'elles 
font  faites  par  des  officiers  qui  connoilfent  des  d(;- 
maines ,  qu'à  caufe  que  le  fouverain  ne  doit  pas 
payer  des  droits  qu'il  impofe  fur  fes  fujets.  C'eft 
ce  qui  réfuhe  d'une  décifion  du  confeil  du  19  nui 
1726.  Il  en  eft  de  mêaie  des  Prifes  de  po/Teilioii 
(ie  biens  réunis  au  domaine. 

Oooo  i 


66o 


FRISE  DE  POSSESSION. 


De  la  Prife  de  pojfejjïon  en  mature  ecclcfiaflique, 

La  complainte  ,  en  matière  bénéficiale  ,  étant 
une  aetion  par  laquelle  un  eccléfiaftiquc  demande 
a  être  maintenu  dans  la  poiTeinon  d'un  bénéfice, 
lUaut  en  tirer  la  conféquence  qu'il  ne  peut  inten- 
ter cette  aflion  fans  avoir  préalablement  pris  pof- 
leffion  du  bénéfice  dans  la  forme   ordinaire. 

11  y  a  la  Prife  de  poffe/lîo/i  réelle  ik  la  Prife  de 
poffefl'ion  civile. 

Pour  qu'un  eccléfiaftique  pulffe  prendre  pofTef- 
fion  réelle  é\m  bénéfice,  il  faut  qu'il  ait  un  titre 
canonique,  c'eft-à-dire  des  provifions  qui  juAifient 
que  ce  bénéfice  lui  a  été  conféré. 

Quand  ce  font  des  provifions  de  cour  de  Rome 
«que  le  bénéfice  eft  à  charge  d'ames ,  il  faut, 
pour  que  le  pourvu  puifie  en  prendre  polTeffion 
réelle,  qu'il  ait,  outre  fes  provifions ,  le  vifa  de 
l'ordinaire  dans  le  diocéfe  duquel  eft  fitué  le  bé- 
néfice. Si  le  bénéfice  n'eft  pas  à  charge  d'ames, 
le  pourvu  n'a  befoin  du  vifa  de  l'ordinaire  qu'au- 
tant que  fes  provifions  font  in  formd  dh^num  ;  il 
n'en  a  pas  befoin  quand  elles  font  in  forma  gratiofâ. 
C'eft  ce  qui  réfulte  des  articles  2  &  3  de  l'édit  du 
mois  d'avril  1695   (1). 

Les  provifions  informa  dignum  font  celles  que 
le  pape  adreife  à  l'ordinaire  en  lui  donnant  com- 
miition  de  conférer  le  bénéfice  à  l'impétrant.  Elles 
font  ainfi  appelées  ,  parce  qu'elles  commencent 
par  ces  mots  ,    di^nurn  a'bitramur. 

Les  provifions  informa  e;ratiofâ  font  celles  par 
lefquellcs  le  pape  confère  Ini-niôme  diredlememt 
le  bénéfice  à  l'impétrant,  furie  certificat  de  vie 
&  de  mœurs  que  ce  dernier  a  obtenu  de  l'ordi- 
naire. 

En  Artois  ,  en  Flandres ,  &  en  Provence,  il  faut 
des  lettres  d'attache  pour  prendre  poflefiTion  en  ver- 
tu de  provifions  de  cour  de  Rome. 

Dans  les  cas  où  le  vifa  eft  néceflaire  pour  pren- 


(i)  Ces  articles  font  ainft  conçus  : 

II.  Ceux  qui  auront  t'té  pourvus  en  cour  de  Rome  de  bé- 
néfices,  en  la  forme  appelée  dignum,  feront  tenus  de  fepré- 
fenter  en  perfonne  aux  archevêques  ou  tvéques  dans  les  dio- 
cèfes  defquels  lefdiis  bénéfices  font  fitu^'s,  &:  en  leur  abfence 
à  Jiurs  vicaires  géni'raux  ,  pour  être  examinés  en  la  manière 
qu'ils  elHmcront  à  p:opos  ,  Se  en  obtenir  les  Jettres  de  vi/a  , 
dans  lef  juelles  il  fera  fait  mention  dulir  examen  ,  avant 
^ue  lefdics  pourvus  puiflent  entrer  en  polTelfion  &  jouiffance 
^efdirs  bcnéhces;  &' ne  poutronc  les  fecrétaires  dcfdits  pré- 
lats prétendre  que  la  fomnae  de  crcis  livres  pour  lefdites  Jet- 
»rt,i  de  vifa, 

III.  Ceux  qui  auront  obtenu  en  cour  de  Rome  des  provi- 
fions en  forme  gracieufe  d'aucune  cure,  vicariu  perpétuel  , 
ou  autre  i  énef ce  ayant  charge  dames,  ne  pourront  entrer 
en  poflefiiou  &:  jouiffance  defdits  bénéfices,  qu'après  qu'il 
aura  éré  informé  de  leur  vie  ,  mœurs ,  religion  ,  &:  avoir  fubi 
l'examen  devaiît  l'archevêque  ou  évéque  diocéfain  ,  ou  fon 
vicaire  général  en  fon  abfence,  ou  après  en  avoir  obtenu  le 
rifii  :  défendons  à  ros  fiijets  de  fe  pourvoir  ailleurs  pour  ce 
/ojec,  èc  à  nos  juges  ,  en  jugeant  le  pofTeiroire  defdits  béné- 
fices,  d'avoir  éi;a:d  aux  titres  &  capacités  defJits  pourvus  , 
<îuj  ae  kioicfit  p4j  conforme»  à  «çtre  préfente  çrdçiviancç, 


PRISE  DE  POSSESSION. 

dre  pofleftion,  le  pourvu  eft  obligé  de  fe  préferi* 
ter  en  perfonne  à  l'ordinaire  ou  à  fes  vicaires  gé- 
néraux, qui  ,  après  l'examen  de  fa  vie ,  de  fes 
mœurs,  de  fa  religion,  de  fa  fcicnce,  lui  accordent 
le  vifa.  En  cas  de  refus  ,  l'évéque  doit  exprimer 
les  caufes  de  refus  daus  l'aéle  qu'il  donne  au 
pourvu. 

L'eccléfiaftique  qui  a  les  titres  néceflTalres  pour 
prendre  poffeifion  réelle  d'un  bénéfice  ,  peut  la 
prendre  en  perfonne ,  ou  par  quelqu'un  qui  foit 
fondé   de  fa  procuration  fpéciale. 

Obfervcz  néanmoins  que  quand  il  s'agit  d'un 
bénéfice  qui  peut  vaquer  en  régale,  il  faut  prendre 
poffefilon  en  perfunne  ,  parce  qu'une  Prife  de  pof- 
fefllon  faite  par  procureur  ,  n'einpêcheroit  pas  le 
bénéfice  de  vaquer  en  régale. 

Quand  le  bénéfice  n'eft  pas  un  bénéfice  qni  rende 
le  pourvu  membre  d'un  chapitre,  il  eft  obligé, 
pour  en  prendre  pofTefiîon  ,  de  fe  rendre  en  per- 
fonne ou  par  fon  procureur  fpécial,  avec  un  notaire 
apoftolique  &  deux  témoins ,  dinsl'églife;  &  il  y 
prend  pofftffwn  avec  les  cérémonies  ufitécs  dans 
le  diocéfe,  de  quoi  le  notaire  apoftolique  drefla 
un   aéle  &  lui  en  délivre  une  expédition  (i). 

En  cas  de  refus  d'ouvrir  les  portes  de  l'églife  ,  le 
notaire  apoftolique  en  dreile  un  aéte  ,  &  le  pour- 
vu prend  poflcifion  en  faifant  fa  prière  à  la  porte, 
&  en  touchant  la  ferrure;  &  même  s'il  y  avoir  du 
danger  à  s'approcher  de  l'églife  ,  il  prendroit  pof- 
feft'ion  à  la  vue  du  clocher  :  fi  le  pourvu  eft  preffé 
de  prendre  pofieftion  pour  intervenirdans  quelque 
procès,  car  autrement  il  ne  feroit  pas  reçu  partie 


(i)  Formule  d(  Prife  de  pojjfejfion. 

L'an  mil  feptcent...  le...  jour  de...  en  la  préfence  de  moi... 
notaire  à...  6c  des  témoins  ci  après  nommés ,  A...  prêtre  du 
diocéfe  de...  pourvu  en  cour  de  Rome  de  la  cure  ou  églife  pa- 
roiliiale  de  P.. .  diocéfe  de..  .  fur  la  rélignation  qu'en  a  faico 
en  fa  faveur  N...  pr3tre,  dernier  polleffeur  d'iceLe  ,  fuivanc 
la  ilgnature  apoftolique  de  provifion  qui  lui  en  a  été  accoidce 
par  notre  faint  pète  le  pape  le...  djement  fignfe  &:  vérifice  ,' 
fur  laquelle  nionfcigneur  l'evèque  de...  a  fait  expédier  &  dé- 
livrer audit  A...  fes  Jectres  de  vifa  en  date  du...  contenues  au 
mandement  d'introniiation  de  M.  l'abbé...  grand  archidiacre 
de...  le  tout  duement  fcellé  &c  en  bonne  forme  ,  en  vertu  tant 
de  ladite  lignature  deprcvifion  ,  que  defdites  lettres  de  vifa  , 
£c  mandement  d'introDifation,a  été  mis  par  M...  prêtre-vicaire 
de  l'églife  paroi/Iiale  de...  y  demeuiant ,  &  adtuellement  audit 
lieu  de..>  pour  ce  préfent ,  en  la  poffedion  corporelle,  réelle 
&  aéluelle  de  la  cure  ou  ég'ife  patoilTîale  de.  .  &  de  fes 
droits,  appartenances*:  dépendances,  parla  libre  entrée  ea 
ladite  églife,  revêtu  de  l'étole  ,  p'ifc  d'eau  bénite  ,  prières  à 
Dieu  faites  devant  le  maître  autel ,  toucher  du  pupitre,  des 
fonts  baptifraaux,  de  la  chaire  à  prêcher,  &  des  cloches,' 
fé.ince  à  la  place  .iffectée  au  curé  de  ladite  églife  ,  exhibition 
&c  Jeilure  deidites  /ignatures  de  provifions  ,  lettres  de  vifa  Sc 
m.indement  d'intronifation  à  l'inftant  rendues  audit  ficiic 
A...  &  par  les  autres  cérémonies  &  formalités  en  tel  cas  re- 
quifes  &  accoutumées  ;  à  laquelle  ptife  Je  polTeffion  lue  5^ 
publiée  à  haute  voix  ,  par  moi  dit  notaire,  ptéfens  lefdits  té- 
moins ,  perfonne  ne  s'eft  oppofé  ,  dont  ade  requis  &:  ofitoyé 
en  ladite  églife  lefdits  jours  &:  an  ,  en  préfence  de...  témoias 
à  ce  requis  &:  appelés ,  &c  de  plufieurs  auttes  perfonnes  <jui  ie 
fcn;  trouvées  en  laii^e  églife ,  &  qui  ont  figné. 


PRISE  DE  POSSESSION. 

'ntervenante,  le  juge  l'autorife  à  prendre  poffeflîon 
dans  une  chapelle  prochaine. 

Lorfque  le  bénéfice  rend  le  titulaire  membre 
d'une  églile  cathédrale,  collégiale  ou  conventuelle, 
dans  laquelle  il  y  a  un  greffier  ou  fecrétaire  char- 
gé d'expédier  les  a6tcs  de  Prife  de  pofreflion,le 
pourvu,  pour  prendre  poflenion,fe  préfente  en 
perfonae,  ou  par  Ton  procureur,  au  chapitre,  qui 
le  met  en  pofl'eflion  ,  &  le  greffier  du  chapitre  en 
drefle  un  afle  dont  il  délivre  une  expédition  au 
pourvu.  Ces  greffiers  ont  été  expreflémeat  main- 
tenus dans  ce  droit  par  l'article  3  de  l'édit  de  créa- 
tion des  notaires  apoftoliques.  La  même  Ici  a  ré- 
glé que  fi  le  chapitre  refufoit  de  mettre  le  pourvu 
en  pofTcffion  ,  &  le  greffier  du  chapitre  d'en  donner 
aâe,  ce  pourvu  fe  préfenteroit  avec  un  notaire 
apoftolique,  qui  en  drsfleroit  procés-verbal  en  pré- 
{cnce  de  deux  témoins. 

La  Prife  de  pofleffion  réelle  met  le  titulaire  en 
pofleffion  tant  des  fondions  fpirituelles  que  du  tem- 
porel, qui  dépend  du   bénéfice. 

On  permet,  en  certains  cas,  à  l'ecclcfiaftique  qui 
n'a  pu  prendre  pofleffion  réelle  du  bénéfice  auquel 
il  a  un  droit  acquis ,  d'en  prendre  une  cfpece  de 
pofleffion  qu'on  appelle  Prife  de  poffeffîon  civile  , 
pour  la  confervation  de  fon  droit.  Cette  permif- 
fion  s'accorde  au  bas  d'une  requête,  &  la  Prife  de 
poffisffion  fe  fait  par  le  miniflère  d'un  notaire  apof- 
lolique  ,  qui  en  dr^ffe  un  aéle. 

Ainfi  lorfqu'un  eccléfiaftique  François  a  retenu 
en  cour  de  Rome  une  date  pour  obtenir  un  béné- 
fice vacant ,  8c  qu'en  conféquence  du  droit  qu'il  a 
acquis  de  cette  manière,  le  pape  refufe  ou  diffère 
de  lui  faire  expédier  des  provificns  ,  il  peut ,  fur  le 
certificat  de  la  rétention  de  la  date  que  lui  don- 
ne le  banquier ,  préfenter  requête  au  juge  royal  , 
qui  lui  permet  de  prendre  pofTeffion  civile  du 
bénéfice. 

Pareillement,  quand  l'ordinaire  a  refiifé  des  pro- 
vificns à  un  eccléfial  ique  qui  a  droits  un  béné- 
fice ,  tel  qu'eft  un  gradué  ;  ou  qu'il  a  refufe  vn  vi/a 
à  un  pourvu  en  cour  de  Rome  ,  qui  eft  appelant 
du  refus,  le  juge  royal  permet  à  l'écléfiaftique  de 
prendre  pofTeffion   civile. 

On  ne  peut  pas  prendre  pofleffion  des  bénéfices 
dont  l'éledion  doit  être  confirmée  par  le  pape, 
fans  avoir  des  bulles  de  cour  de  Rome  :  une  fim- 
ple  fignature  ne  fuffit  pas  pour  des  prélatures. 

Faute  par  le  pourvu  de  prendre  polTeffion ,  le 
bénéfice  demeure  vacant ,  &  un  autre  peut  s'en 
faire  pourvoir  &  en  prendre  poffefllon  ;  Sc  l'ayant 
pofl'édé  par  an  &  jour  ,  il  pourroit  intenter  com- 
plainte, s'il  étoit  troublé  par  celui  qui  auroit  gar- 
dé les  provifions  fans  prendre  pofleffion  ;  ou  s'il 
avoiî  une  pcffieffion  paifible  de  trois  ans,  il  feroit 
confirmé  par  !a  pofleffion  triennale. 

Quand  plufieurs  contendans  ont  pris  pcflleffion 
d'un  bénéfice  depuis  qu'il  étoit  contentieux  entre 
eux  ,  aucun  d'eux  n'eft  pofl"elTeur. 

Les  dévolutaires  doiv<nt  prendre   pcfTeiTion 


PRISE  DE  POSSESSIOxN.       66i 

dans  l'an  ;  les  pourvus  par  mort  ou  par  réfignation 
ou   autrement ,  ont  trois  années. 

Il  faut  néanmoins  obferver,  à  l'égard  des  ré- 
fignataircs,  qu'ils  n'ont  ce  délai  de  trois  années 
que  quand  le  réfignant  cfl:  encore  vivant  ;  car  s'il 
nicHrt  dans  les  fix  mois  de  la  date  des  provifions 
du  réfignataire,  fans  avoir  été  par  hù  depolTédé , 
le  bénéfice  vaque  par  mort.  S'il  furvient  quelque 
oppofition  à  la  Prife  de  poffcffion,  celui  qui  met  en 
pofleffion  le  pourvu  doit  palier  outre  en  obfer- 
vant  toutes  les  formalités  ,  ik.  faire  mention  de 
l'oppofition  ;  enfuite  celui  qui  prétend  avoir  été 
troublé  intente   complainte  devant  le  juge  royal. 

Il  faut  à  peine  de  nullité,  faire  infinuer  dans 
le  mois  la  Prife  de  poffieflion  ,  les  procura'ions , 
v//j ,  atteflation  de  l'ordinaire,  pour  obtenir  des 
bénéfices  en  forme  gracieufe  ;  les  fentences  &  arr 
rets  qui  permettent  de  prendre  pofleffion  ci\'ile; 
il  faut  aufli  ,  fous  la  même  peine  &  dans  le  mêma 
temps,  faire  infinuer  toutes  les  bulles  &  provifions 
de  cour  de  Rom.e  Se  de  la  légation  d'Avignon.  Cela 
eft  ainfi  ordonné  par  l'édit  de  décembre  169 1. 

La  même  loi  a  défendu  aux  ordinaires  d'adrefler 
leurs  provifions  aux  prêtres  pour  mettre  en  pofli'ef- 
fion  des  bénéfices  ,  8c  leur  a  enjoint  d'en  faire  l'a- 
drefl^e  aux  notaires  royaux  &.  apoftoliques,  pour 
les  exécuter. 

L'arrêt  du  confeil  du  ;8  oflobre  1698  ,  &  l'arti- 
cle 7  de  la  déclaration  du  14  juillet  1699  ,  ont 
ordonné  que  tous  les  aftes  qui  pourroient  fervir  à 
obtenir  ou  pofl^eder  des  bénéfices  feroient  pafTés 
pardevant  les  notaires  royaux  &  apofloliques ,  ou 
pardevant  ceux  qui  en  feroient  les  fonélions  ,  6c 
contrôlés ,  à  peine  de  nullité. 

Dans  les  diocèfes  où  les  offices  de  notaires  apof- 
toliques n'ont  pas  été  levés ,  il  eft  d'ufage  que  les 
Prifes  de  poflfeflion  de  bénéfices  foient  reçues  par 
des  chanoines  ou  autres  eccléfiafliques  fans  minif^ 
tère  de  notaires  ,  attendu  la  réunion  de  ces  offices 
faite  en  faveur  du  clergé  de  ces  diocèfes  par  arrêt 
du  3  août  1694.  Mais,  dans  ce  cas,  les  Prifes  de 
pofleffion  n'en  font  pas  moins  affujetties  au  con- 
trôle dans  la  quinzaine. 

yoye^  redit  du  mois  d'avril  1695  ;  ks  lois  ec:U- 
fi:fliques  de  France;  le  recueil  de  jiirifprudence  canO' 
niijuc  ,  &  les  diveis  èdits  &  réglemens  cités  dans  cet  ar- 
ticle.  "Voyez  auffi  les  articles  Insinuation  ,  Cen- 
tième denier  ,  Contrôle  ,  Possession,  Col- 
lation ,  Visa  ,  &c. 

PRISÉE.  Voyez  Estimation. 

PRISON.  C'efl  un  lieu  de  sûreté  dans  lequel  oh 
retient  l'accufé  qui  a  mérité  qu'on  décernât  contre 
lui  un  décret  de  prife  de  corps  ,  8c  le'débiteur  con- 
tre lequel  il  a  été  rendu  un  jugem.ent  qui  le  con- 
damne par  corps  à  payer  une  fommc  quelconque, 
à  quoi  il  n'a  pas  fatisfait. 

La  Prifon  n'étant  pas  inftituée  par  la  loi  comme 
un  féjour  de  peine,  elle  ne  dcvroit  donner  à 
celui  qui  y  eft  retenu  d'autre  contradiélion  que 
celk  d'être  privé  de  fa  liberté.  Carccr  ad  continenJ»s 


(>6i  PRISON. 

homines  ,  non  ad  puniendos  habcri  débet.  Lez.  aut 
damniun  ff.  folent,  ff.  de  pccnis.  Cependant  il  n'ell 
que  trop  reconnu  qu'elle  Vexpoi'e  au  danger  iVy 
voir  fa  fanté  détruite  par  l'air  qu'il  y  refpire  ,  Si  à 
contraâer  des  maladies  contagieufcs  ,  fi  le  prifjn- 
nier  n'eft  pas  en  état  de  fe  procurer  uns  ret-.iite 
particulière  :  de  forte  que  l'objet  de  la  loi  eft  vérita- 
blement trompé  ;  car  en  voulant  feulement  arrêter 
les  pas  d'un  accufé  &  l'empêcher  d'échapper  à  la  pu- 
Hitioci  s'il  eft  réellement  coupable,  elle  court  le  rif- 
que  de  donner  la  mort  à  un  innocent ,  ou  de  hâter 
celle  d'un  criminel  avant  qu'il  foit  convaincu  de 
fon  crime. 

A  cette  confi'Jératlon  puiffante,  diûée  par  l'hu- 
manité &  la  jurtice  ,  il  s'en  joignoit  d'autres  qui  au- 
roient  dû  accélérer  la  réforme  que  nous  avons  tant 
demandée,  &:  que  nous  avons  enfin  obtenue  :  c'é- 
toientles  difpofnions  précifes  de  l'ordonnance  de 
1670  &  celles  des  arrêts  de  règlement  du  18  juin 
&  du  17  o6iobre  1717  ,  par  lefquels  le  parlement 
s'étoit  propofé  d'apporter  quelques  foulagemens  au 
fort  des  prifonniers  ,  d'étouffer  de  grands  abus  ,  de 
mettre  un  frein  à  la  cupidité  des  geôliers,  enfin  , 
de  faire  régner  l'ordre  au  niHieu  même  des  per 
turbateurs  de  l'ordre. 

Et  en  effet ,  l'article  17  du  titre  13  de  l'ordon- 
dance  de  1670  ,  porte,  «  que  les  Prifons  foient 
y*  sûres  6i  difpofées  J^  manière  tjne  Ij  fanté  du  pri- 
«  fonnier  n  en  puijfe  être  incommodée  ». 

Comment ,  difions-nous  dans  un  ouvrage  qui  a 
pour  objet  de  répandre  quelques  lumières  fur  la 
îégiflation  criminelle  ,  &  dont  le  premier  cahier  a 
paru  en  1778  fous  le  titre  de  Réflexions  philofophi- 
ques  fur  lurii^ine  de  la  civiUjalion  &  fur  le  moyen  de 
remédier  à  quelques-uns  des  abut  quelle  entraîne  ; 
«  comment ,  après  une  volonté  fi  fage ,  fi  impé- 
ï>  rieufe  ,  &  fi  clairement  énoncée  il  y  a  plus  d  un 
«  fjècle  ,  les  cachots  exijlent-ils  encore  P  Auro'it-on 
»  penfé  que  la  fanté  du  captif  qui  y  eft ,  pour 
»  ainfi  dire,  englouti,  n'en  pouvait  pas  être  incom- 
u  modée  ?  Il  auroitfufR  pourfortir  de  cette  cruelle 
»  erreur  ,  d'arrêter  les  yeux  fur  les  hommes  qui  Ls 
»  ont  habités  ,  &  qu'on  rend  à  la  lumière  «. 

Si  nous  voulons  fuivre  le  véritable  efprit  de 
l'ordonnance,  «  commençons  donc  par  transférer 
(c  nos  Prifons  dans  un  lieu  bien  aéré;  qu'une  cour 
j)  vafte  y  entretienne  la  falubrité  &  donne  à  ceux 
»  qui  ne  peuvent  que  la  parcourir,  le  moyen  ùy 
»  prendre  un  exercice  falutaire;  que  les  chambres 
»  y  foient  affez  exhauflées  ,  pour  que  l'immidicé 
»  n'y  pénétre  pas  ;  que  des  chambres  plus  commo- 
î)  des  &  féparéss  de  la  foule ,  foient  dclHnées  à  re- 
>i  cevoir  des  accufés  d'une  condition  plus  relevée  ; 
»  ceux-là  ont  encore  plus  befoin  de  la  folitude  , 
»  pour  méditer  leur  défenfe  &  repouifer  rinjuf- 
»  tice.  Au  lieu  de  condamner  ,  comme  on  le  fait , 
M  les  prifonniers  vulgaires  à  une  oifiveté  funefte  , 
V  il  feroit  bien  important  de  leur  faciliter  tous  les 
j>  moyens  de  travailler  utilement  pour  eux  ;  ils  ne 
«  fortiroient  pas  de»  Prifons  plus  parelîeux  ,  plus  [ 


PRISON. 

»  vicieux  qu'ils  n'y  font  entrés.  Ces  robuftes  Gu« 
»>  yriers  ,  qui  perdent  l'ufage  de  leurs  bras  ,  &  pal- 
"  icnt  le  jour  à  s'enivrer  ,  fcieroient  du  marbre  , 
»  broyeroient  des  couleurs  ,  6c  échapperoient  , 
w  par  le  moHvement,  aux  idées  qui  les  tourmen- 
»  tein.  Il  eft  de  toute  juflice  ,  ajoiitionsnous  ,  qu; 
»  les  accufés  &  les  débiteurs  ne  foient  point  ren- 
»  fermés  dans  les  mêmes  Prifons  ;  qu'on  en  fé- 
n  pare  cette  foule  tumultucufe  &  bruyante  de  gens 
»>  fans  aveu  ,  auxquels  la  police  enlève  pour  quel- 
»  que  temps  une  liberté  funefte. 

w  Si  on  croyoit  devoir  biffer  fubfifter  les  prifons 
»  qui  font  adhérentes  à  nos  tribtmaux ,  toutes  af- 
»  freufes  qu'elles  foient ,  qu'on  n'y  amène  que  des 
»  accufés  dont  l'affaire  eft  fur  le  point  de  s'inf- 
»  truire,  afin  que  le  pri  fonnier  n'y  coure  d'autres 
»  rifques  que  celui  de  fuccomber  fous  la  force  des 
»  preuves  qu'on  lui  oppofera ,  &  que  ,  s'il  eft  in- 
»  nocent ,  il  n'ait  pas  d'abord  été  févérement  puni 
»  avant  d'avoir  été  abfous. 

"  Il  feroit  à  fouhaiter  qu'on  bannît  le  cruçl 
'>  ufage  de  foumettre  les  prifonniers  à  l'avidité 
"  d'un  geôlier  ,  qui  fait  de  faPrifon  fon  domaine, 
»  &  vend  ce  que  le  fouverain  doit  donner  gra- 
»  luitement  à  ceux  contre  iefquels  il  exerce  !a  par- 
»  tic  douloureufe  de  fon  pouvoir.  Ce  ne  doit  jamais 
»  être  l'argent  qui  établiffedes  différences  dans  la 
'»  manière  de  traiter  les  prifonniers  ;  c'eft  leurpro- 
»  feffion  ,  leur  exiftence  fociale  ,  qui  ,  en  mar- 
"  quant  le  degré  de  leur  fenfibilité  ,  indiquent  les 
n   égards  qu'on  leur  doit  >'. 

Ces  réflexions  fimples  ont  fait  une  forte  im* 
preffion  fur  un  homme  d'état  qui  a  été  précieux  à 
la  nation.  Il  nous  a  invités  à  lui  fournir  fur  le  même 
fujet  un  mémoire  plus  étendu,  &  qui  n'a  point  été 
intruflueux,  puifque  ,  peu  de  temps  après,  il  a 
été  fait,  au  nom  du  roi,  l'acquifition  d'un  hôtel 
vafte  dont  on  a  formé  une  nouvelle  prifon  deftinéc 
à  recevoir  les  prifonniers  pour  dettes. 

Sa  majefté ,  en  adoptarit  un  ptojet  fi  utile  ,  a  fait 
éclater  des  fentimens  fi  noblement  8c  fi  fagement 
exprimés  dans  fa  déclaration  du  30  août  1780  ,  en- 
regiftrée  au  parlement  le  5  feprembre  fuivant  ,  que 
nous  croyons  devoir  éternifer ,  autant  qu'il  dépend 
de  nous  ,  ce  monument  de  fa  bonté  èc  de  fa  juf- 
tice  ,  en  le  tranfcrivant  ici. 

«  Pleins  du  dcfir  de  foulager  les  mnlheureux  & 
»  de  prêter  une  main  fecourable  à  ceux  qui  ne  doi- 
»  vent  leur  infortune  qu'à  leurs  égaremens ,  nous 
»  étions  touchés  depuis  long-temps  de  l'état  des 
»  Prifons  dans  la  plupart  des  villes  de  notre 
1)  royaume  ,  ik  nous  avons ,  malgré  la  guerre  , 
n  contribué  de  nos  propres  deniers  à  diverfes  rc- 
o  conftruélionsqui  nous  ont  été  préfentées  comme 
n  indfpenfablcs  ,  regiettant  feulement  que  les 
»  circonfances  nous  aient  cnapcchés  de  deftiner 
w  à  un  objet  fi  digne  de  nos  foins  to'is  les  fonds 
»  qui  pourroient  le  porter  à  fa  perfeâioa  :  mais 
»  nous  ne  le  perdrons  pas  de  vue  ,  lorfque  la  paix 
n  nous  fournira  de  nouveaux  moyens  ;  cependant, 


PRISON. 

»>  informés  plus  paTticuliérement  du  trifte  étp.t  «îes 
"  Vr\{ons  ds  notre  ca;'uaU ,  nom  n'jvons  pas  cru 
'>  qu'il  nous  fût  permis  de  différer  d'y  porter  re- 
V  méde.  Nous  femmes  inflruits  qu'a  l'éjjoque  re- 
»  culée  de  leur  éiabliiTement ,  on  y  avoit  adapté 
"  d€s  bâtimens  deflinés  ,  lors  de  leur  conftruclion  , 
"  à  d'autres  ufages  ;  enforte  que  nulle  commodité 
»>  &  nulle  précautien  pour  la  fali)briié  n'avoient 
»  pu  y  être  ménagées  ;  que  cependant  tous  ces 
»  inconvéniens  étoient  devenus  plus  fenfiblcs  ,  à 
»  meiure  que  les  bâtimens  avoient  viel'i  ,  &  que 
»  la  population  de  Paris  s'étoit  accrue  ;  qu'ainfi  des 
»  pri!onniers  de  tout  âge  ,  de  tout  fexe  ,  ou  pour 
"  dettes  ou  pour  crimes,  &:  pour  des  égaremens 
»  paiïagers  ,  reflerrés  dans  un  trop  petit  efpace  , 
"  &  fowvent  confondus  ,  préfentoient  le  fpe6îacle 
'>  le  plus  affligeant ,  &  digHe,  fous  tous  les  rap- 
"  ports  ,  de  notre  férieule  attention  :  qu'il  réful- 
»  toit  en  effet  d'un  pareil  mélange  ,  o«  une  injufte 
'»  augmentation  de  peines  pour  ceux  qui  ne  de- 
»'  voient  leur  captivité  qu'à  des  revers  de  fortune  , 
»»  ou  de  nouveaux  mc^yens  de  dépravation  pour  ' 
"  ceux  que  de  premières  erreurs  avoient  conduits 
»  dans  ces  lieux  de  correâion. 

»  Déterminés  par  ces  motifs ,  déjà  nous  avons 
>»  donné  tous  nos  foins  à  la  conciergerie  ,  nous  y 
'»  avons  tait  préparer  de  nouvelles  infirmeries  , 
»  aérées  &  fpacieufes  où  tous  les  prifonniers  ma- 
«  lades  font  feuls  dans  chaque  lit  ,  &  nous  y  avons 
»  ordonné  toutes  les  difpofitions  d'ordre  &.  d  hu- 
J»  manité  qui  nous  ont  été  propofées.  Il  nous  ref- 
»  toit  à  trouver  un  lieu  convenable  pour  fuppléer 
"  aux  autres  Prifons  ;  mais  Fefpace  néceïïaire  à  un 
»  pareil  établiffement ,  l'obligation  de  te  formera 
>»  portée  des  auditoires  &  des  juridiâions ,  &  d'au- 
»  très  circonflances  encore,  pi6fent©ient  desobfta- 
'>  des  à  l'exécution  de  nos  projets. 

I»  Enfin  ,  après  beaucoup  d'examen  &  diverfes 
»  recherches,  nous  avons  fait  choix  de  l'hôtel  de 
»  la  Force:  fa  pofition  ,  fon  étendue,  fes  difiribu- 
»  tiens  ,  &  la  modicité  des  fonds  demandés  pour 
î»  le  mettre  en  état  de  remplir  n^os  vues  ,  tout  nous 
«  a  déterminé  à  en  faire  l'acquifition.  Nous  y  fe- 
»  rons  préparer  des  habitstions  &  des  infirmeries 
»  particulières,  ainfi  que  de»  préaux  féparés  pour 
ï>  les  hommes,  pour  les  femmes,  pour  les  diffé- 
5»  rens  genres  de  prifonniers  ;  &  lato'alité  du  ter- 
î»  rein  étant  dix  fois  pUis  confuiérable  que  celui 
M  du  Fort-révêque  &  du  petit  châtelet  réunis,  on 
3*  a  pu  ménager  à  ces  diverfes  diftributions  un  ef- 
»)   pace  fuffifant. 

5)  Cependant ,  avant  d'adopter  le  plan  que  nous 
«  annexons  à  la  préfente  déclaration  ,  nous  avons 
j>  reclierché  ,  fur  tous  les  moyens  de  sûreté  &  de 
»  falubriré,  les  Suffrages  les  plus  éclairés. 

»  On  nous  a  fait  efpérerque  tous  les  travaux  né- 
V  cefTaires  feroient  achevées  dans  peu  de  temps  , 
»  &  nous  auron<;  foin  qu'on  s'occupe  a  l'avance  de 
«  la  rédaâion  d'un  règlement  fur  la  police  inté- 
»  heure  de  ccae  Prifoa,  afin  de  prévenir  avec 


PRISON. 


66^ 


»  foin  roîfiveté  ,  la  débauche ,  l'abus  des  pouvoir* 
')  fubalternes. 

"  Cet  établifTement ,  une  fois  formé  ,  notre  in- 
»  tention  eft  de  faire  abattre  le  petit  châcclet,  afin 
"  de  rendre  plus  faciles  les  abords  d'un  quartier 
"  de  la  ville  extrêmement  fréquenté,  &  de  procu- 
»  rer  à  l'hôpital  de  l'hôtel  -  ditu  un  plus  grand 
»  volume  d'air  ,  avantage  défiré  depuis  long- 
j)  temps.  En  même-temps  nous  ferons  vendre  le 
»  Fort  l'évéque  ,&  le  capital  qui   en  proviendra, 

V  joint  à  l'épargne  que  nous  ferons  fur  les  frais  de 
»  tranfport  des  prifonniers  ,  balanceront  à-peu- 
j)  près  la  nouvelle  dépenfe  que  nous  ferons  obligés 
»»  de^faire  ;  enforte  que  nous  aurons  la  fatisfaf^ion 
»  de  concilier  l'exécution  d'un  projet  infiiiimenr  f?- 
»  iutaire,  avec  nos  vues  générales  d'économie.' 

y>  Enfin  ,  au  moyen  de  diverfes  difpofitions  que 
"  nous  venons  de  déterminer  ,  le  grand  châtelet 
«  ne  fera  plus  deftiné  qu'aux  prifonniers  pourfui- 
)>  vis  en  matière  criminelle  ;  &  leur  nombre  n'é- 
»>  tant  pas  difproportionné  avec  l'efpace  qui   de- 

V  vra  les  renfermer  ,  nous  comptons  pouvoir  , 
j>  avec  quelques  réparations  &  de  nouvelles  difiri- 
H  butions  ,  faire  arranger  1  intérieur  de  cette  Prifon 
"  d'une  manière  convenable  ,  &  fur-tout  détruire 
))  alors  tous  les  cachots  pratiques  fous  terre  ,  ne 
»  voulant  plus  rifquer  que  des  hommes  ,  accufés 
»  ou  foupçonnés  injuflemcnt ,  &  reconnus  enfuite 
»  innocens  par  les  tribunaux  ,  aient  efluyé  d'a- 
i>  vance  une  punition  rigoureufe  par  leur  feule 
»  détention  dans  des  lieux  ténébreux  &  mal-fains  ; 
»  &  notre  pitié  jouira  même  d'avoir  pu  adoucir 
»  pour  les  criminels  ces  fouflrances  inconnues  & 
)>  ces  peines  obfcures ,  qui,  du  moment  qu'elles 
»  ne  contribuent  point  au  maintieri  de  l'ordre  par 
))  la  publicité  8c  par  l'exemple  ,  deviennent  inutiles 
'>  à  notre  juftice  ,  &  n'intéreflent  plus  que  notre 
j»  bonté.  A  ces  caufes,  &  autres  à  ce  nous  mour 
n  vaut ,  de  l'avis  de  notre  confcil ,  Si  de  notre  cer- 
»  taine  fcience  ,  pleine  pinflfance  &  autorité  royale, 
»  nous  avons  dit ,  déclaré  &  ordonné  &  par  ces 
»  préfentes  ,  fignées  de   notre  main  ,  difons  ,  dé- 

V  clarons  8f  ordonnons  ,  voulons  &  nous  plaît  ce 
«  qui  fuir  : 

Article  i.  L'hôtel  de  la  Force  Se  fes  dépendan- 
>»  ces  demeureront  deftinés  ,  comme  nous  les  def- 
5»  tinons  par  ces  préfentes  ,  à  fervir  de  Prifons 
»»  pour  renfermer  fpécialement  les  prifonniers  ar- 
i>  rêtés  pour  dettes  civiles.  La  diftribution  du  local 
»  fera  faite  de  manière  qu'il  y  foit  formé  des  lo- 
»  gemens  &  des  infirmeries  particulières  ,  ainfi 
}>  que  des  préaux  féparés  pour  les  hommes  &  pour 
>j  les  femmes ,  fuivant  Se  conformément  au  plan 
>»  annexé  fous  le  contre  fcel  des  préfentes. 

V  2.  Lorfque  les  lieux  feront  difpofés ,  il  fera  par 
»  des  commiffaires  de  notre  parlement  q«i  feront 
î>  nommés  à  cet  efTet ,  fur  la  requête  de  notre  pro- 
I)  cureur  2;énéral,  Se  en  préfenced'un  de  fes  fubf- 
n  tituts  ,  dreffé  procès  -  verbal  de  l'état  defdits 
»  lieux ,  &  procédé  de  fuite  en  la  forme  qui  fera 


664 


PRISON. 


'>  jug>îe  la  plus  convenable  à  la  tranflation  dans 
»  ladite  Prilon  ,  des  perfonnes  de  l'un  &  de  l'autre 
"  fexe  qui  fe  trouveront  détenues  pour  les  caufes 
«  ci-deffus  exprimées  ,  dans  les  Prifons  de  lacon- 
"  cicrgerie  de  notre  palais  à  Paris  ,  &  dans  celles 
J>  dites  des  grand  &  petit  châtelet  &  du  Fort-i'é- 
«  vêque. 

"  3.  Voulons  qu'à  compter  du  jour  auquel  la- 
»>  dite  tranflation  aura  été  effedîuée ,  lefdites  Pri- 
>'  fons  de  la  conciergerie  &.  du  grand  châtelet  ne 
"  Soient  plus  deftinées  qu'aux  feuls  prifonniers  dé- 
"  tenus  pour  ei1er  à  droit  en  perfonne  ,  à  l'effet  de 
»»  l'infiruclion  &  du  jugement  de  leur  procès;  &  à 
"  1  cgard  des  prif.jnniers  du  même  genre  qui  pour- 
"  roient  être  reîK-s  détenus  dans  les  Prifons  du 
}y  petit  châtelet  &  du  Fo>t-révèque  ,  après  la  tranf- 
j»  htion  ci-dedus  ordonnée  &  eftef^uée  ,  ils  feront 
y>  diflribués  ,  ainfi  qu'il  fera  avifé  par  les  commif- 
j».  faires  de  notredite  cour  ,  dans  les  Prifons  de  la 
«  conciergerie  Se  du  grand  châtelet ,  fnns  que  les 
5)  bâtimens  du  petit  châtelet  &  du  Fort  l'évèque 
w  puiffent ,  à  l'avenir ,  être  deflinés  à  détenir  au- 
5»  cuns  prifonniers ,  nous  réfervantde  nous  expli- 
5)  quer  fur  la  deftination  des  terreins  &  matériaux 
«  étant  fur  iceux  ,  ainfi  qu'il  appartiendra. 

>j  4.  Il  lera  par  nous  pourvu  à  la  liquidation  & 
M  rembourfenient  des  oflîces  de  greffiers  defdites 
})  Prifons  fupprimécs  ,  &  aux  indemnités  des 
'»  geôliers-guichetiers  ,  tant  de  la  nouvelle  Prifon  , 
j>  que  de  celles  fubfiflantes  de  la  conciergerie 
j)  &:  du  grand  châtelet.  Si  donnons  en  mande- 
»  ment ,  &c.  ». 

^  Les  prifonniers  pour  dettes  civiles  ont  été  (ranf- 
fèrés    dans  la  nouvelle    Prifon  dont  il   s'agit    en 

1781  ,  &  le  parlement  a  fait  au    mois  de  février 

1782  ,  un  régleiTJent  concernant  la  police  &  la  dif- 
ciplinequidoity  être  obfervée  (i). 

(  I  )  Voici  ce  r(glcm(nt 

Vu  par  la  cour  ]a  requC-te  préfcntce  par  Je  procureur  gcncni) 
<3u  roi,  contenant  que  ,  par  la  d^^ctaration  du  jo  août  i  7^0  , 
regiftrée  en  la  cour  le  f  feptcmbre  audit  an,  portant  ttablif- 
fenient  de  nouvelles  Ptifons  ,  il  eft  ordonné  que  l'hàtel  de  la 
Torce  &  fes  dfpen?!anccs  demeureront  deftincs  à  fervirde  Vri- 
fon  pour  renfermer  Ipccialement  les  prilbnnicrs  airrits  pour 
dettes  civiles  ;  &  comme  il  paroît  convenable  Je  renouveller 
pour  cette  Ptifon  les  difpoiîticns  des  orJonanances ,  &:  de 
l'attèt  du  I  8  juii)  1777  ,  pour  ce  qui  concerne  les  prifonniers 
détenus  pour  Jettes  civiles  :  A  ces  caufes,  rcqueroit  le  procureur 
général  du  roi ,  à  ce  qu'il  plût  à  la  cour  ordonner  que  les  art, 
de  rcgleoicHS  joints  à  la  préfente  requête  ,au  nombre  de  vingt- 
neu!^  articles ,  feront  exécutés  pour  la  Prifon  de  l'Hôte!  de  Ja 
Force  ;  ordonner  au  furpluj  que  les  articles  du  titre  XIH  de 
l'ordonnance  du  mois  d'901'it  1670^  touchant  les  Prifons  , 
greffiers  des  geples ,  geôlier»  8c  guichetiers,  !a  déclaration  du 
mois  d'août  1780  ,  rcgiflréc  en  la  cour  le  19  du  même  mois  , 
concernant  les  alimens  des  priforuiers ,  ic  l'arrêt  du  IS  juin 
17 17,  le  tou  en  ce  qui  concerne  les  prifonniers  pour  dettes  ci- 
viles ,  fcroa*  exécutes  ;  ordonner  que  l'arrcc  qtji  interviendra. 
Se  les  articles  de  règlement  y  annexé*  ,  feront  imprimés  ,  lus 
da»s  les  cliapelles  de  l'Hôtel  de  la  Force  ,  tous  les  pretniers 
dimanches  de  chaque  mois  ,  en  préfence  de  tous  les  prifon- 
niers, &  affichés  aux-  portes  des  chapelles  ,  à  celles  delà  Pri- 
i^f  diai  IcGieA'e,  fut  le  prc»u,  &  dans  Jcs  ]içux  les  plus 


PRISON. 

Il  eft  bien  à  défirer  que  cette  heureufe  réforme  J 
ne  fe  bornant  pas  aux  Prifons  de  la  capitale  ,  s'é- 


apparen:de  la  Prifon, Se  les  atnches  renouvelLi-s  to^js  les  ans 
a  la  Saint  Martin,  &  à  pâques  ,  même  plus  fouvent  s  il  eft 
nécefTaire  ,  à  la  diligence  du  fubl'iitut  du  procureur  générai  du 
roi ,  qui  aura  été  par  lui  commis  pour  Ja  viiite  de  ladite  l'iiion. 
Faire  défenfes  aux  Prifonniers  &  à  rouies  autres  perfonnes 
d'enlever  ou  déchirer  lefditts  aitiches  ,  fous  telles  peines  qu'il 
a^partiendta  ,  &r  aux  greffiers  ,  concierge  &  guichetiers  de  le 
fouffrir ,  aurti  fous  telles  peines  qu'il  appartiendra.  Ladite  re- 
quête lignée  du  procureur  général  du  roi. 

5uir  la  teneur  défaits  articles  de  règlement. 

Art.  PREMIER,  On  dira  tous  les  jours  la  me  (Te  dans  les 
cliapellas  de  la  Prifon  ,  depuis  la  Saint-Remi  jufqu'i  pâques 
à  neuf  heures,  &  Ja  prière  du  foirà  quatre  heures  ;  ik.  depuis 
piques  jufqu'.i  la  Saint-Remi  ,  la  meire  à  huit  heures ,  Ô,-  la 
prière  du  foir  à  cinq  heures  ;  les  prifonniers ,  tant  hommes 
que  femmes  indiftinclcment  ,  &:  de  quelque  condition  qu'ils 
loient,  feront  tenus  d'y  afliller  tous  les  lours ,  â  peine  ,  con- 
tre ceux  qui  n'iront  point  à  la  meil'e  ,  d  être  privés  ,  pendanc 
trois  jours  ,  de  parler  aux  perfonnes  qui  les  viendront  vifiter 
pour  Ja  première  contravention  ;  &  du  cachot  pour  la  lecon- 
de  ,  pen  Jant  trois  jcuts  au  moins ,  &  plus  ,  en  cas  de  léciaive. 
Enjoint  au  concierge  de  les  y  faire  aihller,  &  d'empêcher 
«ju'ils  vaguent  ou  fe  promènent  pendant  le  fervice  divin,  fait 
défenfes  audit  concierge  de  laifler  entrer  qui  que  ccfoit,nî 
bojflbns  quelconques,  pendant  ce  temps  ,  à  peine  de  dix  li- 
vres d'amende,  à  laquelle  il  fera  condamné  parles  commif- 
faires  de  la  Prifon  ,  &  ce  fur  un  fimple  piocés-vetbal ,  conte- 
nant la  déclaration  de  deux  témoins  aux  moins. 

IL  Les  dimanches  &  fêtes ,  durant  la  mefle  ,  le  fermon  Sc 
les  vêpres,  le  concierge  fera  fermer  routes  les  chambre»;  lui 
fait  pareillement  défenfes  de  laiffer  délivrer  ou  fournir  aucuns 
vivres  ou  boiflbns  aux  prifonniers  avant  la  mefTe  ,  &  durant 
tout  le  fervice  divin  defdits  jours,  fous  pareille  peine, 

m.  Les  chambres  &  les  dortoirs  feront  ouverts  à  fepe 
heures  du  matin,  depuis  la  toufiaint  jufqu'i  pâques,  &  à. 
fix  heutes  ,  depuis  pâques  jufqu'à  la  tou0aint;  &:  les  prifon- 
-niers feront  renfennét  à  lîx  heures  du  foir,  depuis  Ja  touf- 
faint  jufqu'à  piques  ;  &  à  feptlieures  ,  depuis  pâques  jufqu'à 
ia  toufraint,à  l'exception  néanmoins  des  prifonniers  payans 
le  loyer  de  l.'urs  cha'nbres  ,  Icfquelt  ne  feront  renfetraés 
qu'à  fe^t  heures  du  foit,  depuis  la  touiFaint  jufqu'à  pâques, 
éc  à  huit  heures,  depuis  piques  jufqu'à  Ja  touflaint  ;  ce  que 
le  concierge  fera  ohferver  ,  fous  pareille  peine/  après  la 
mefle  ,  les  lits  des  dortoirs  feront  faits  ,  &  les  lieux  nettoyét 
par  les  prifonniers  ,  etifuite  lefdits  dortoirs  feront  refermé» 
jufqu'au  foir  ,  un  peu  avant  l'heure  de  li  re  raite  ,  à  l'excep-, 
tiou  des  chambres  dont  les  prifonniers  payeront  le  loyer. 

IV,  Lorfqu'un  piifonnier  arrivera  dans  la  Prifon  entre  les 
deuiPremiers  guichets,  il  ne  pourra  être  gardé  pendant  pi  us  de 
deux  heutes;  fait  défenfes  aux  concierges  ou  aux  guiche- 
tiers, de  les  y  garder  plus  long  remps ,  fjus  prétexte  de  droits 
d'entrée,  gîtes  &  geolages  eu  autrement ,  à  peine  de  dix  li- 
vres d'amende. 

V.  Le  concierge  aura  foin  de  mettre  ctifembJe  les  Prifon- 
niers de  même  efpcce  ,  5c  d'obfetver  que  chacun  de  ceux  qui 
font  en  commun  ,  fuivant  fon  ancienneté  ,  ait  la  place  la 
plus  commode;  défenfes  audit  concierge  de  laiffer  dans  les 
dortoirs  aucun  malade  ,  ni  de  recevoir  de  l'argent  des  prifon- 
niers pour  les  mettre  dans  un  lieu  plutôt  que  dan»  un  autre  , 
le  tout  a  peine  de  rcftitution  du  quadruple  &  de  deftirutio^ 
s'il  y  échet  ;  &:  après  qu'un  priibnnier  aura  été  mis  dans  une 
des  chambres  ou  dortoirs  ,  il  fera  renu  de  la  balayer  Sc  tenir 
propre,   jufiu'à  ce  qui!  y  futvicnnc  un  autre  prifonnier. 

VL  Les  femmes  &  filles  ptifonnières  feront  nitfes  dans  des 
lieux  féparés  &  éloignés  de  ceux  des  hommes  prifonniers  ;  les 
n;xi  il  ht  iUifÇt  auiojic  la  Jibetcc  du  préau  aux  Iteures  qui  na 

tendç 


PRISON. 

tende  encore  à  celles  des  villes  de  province.  Il  en 
a  été  conflrijire  une  à  Vslence,  il  y  a  quelques  an- 

feront  pas  employées  .1.1  Jervice  divin  ;  l'eront  vilit^es  par  Je» 
guichetiers  les  pcrfonnes  fufpedts  qui  viendront  voir  les  pri- 
l'oniiiett  ,  à  l'etretde  i'atruiérqu'tlles  n'ipponenc  ni  înftru- 
menj,  ni  armes  nuilîbles  j  la  fùretc.  j 

VII.  Fait  dctenfes  au  coucitrge  Se  aux  guichetiers,  à 
peine  de  c'elntution,  de  laifler  entrer  au  dedans  de  ia  prifon 
4e$  hommei  aucunes  femmes  ou  hlJes  ,  autres  que  les  niéres  ; 
fi'mmes  ,  filles  ou  fccurs  des  ptifonniets  ;  6:  à  1  tgarj  des  au- 
tres femmes  &  Flics,  elles  ne  pourront  parler  aux  prifon- 
niers  cju'au  Parloir,  &  en  pré  fen  ce' d'un  guichetier;  défen- 
fcs  pireilleruenc  faites  aux  hommes  pour  l  entrée  au-dedans 
de  la  ptiion  des  femmes. 

VUI,  Fait  d.fenfcs  aux  anciens  prifonniers  d'exiger  ou  de 
prendre  aucune  chofe  des  nouveaux  venus ,  en  argent  ,  vi- 
vres eu  auireinent ,  fous  prétexte  di  bien  venue,  cliandelles  , 
balai  ,  Se  généralcinent  fous  cjue^ue  prétexte  que  ce  puifle 
cctc  ,  quand  niêine  il  leur  feroic  volontairement  offert  ,  ni 
de  cacher  leurs  hardcs  ,  ou  de  les  maltraiter  ,  .à  peine  d'être 
enfetniés  dans  un  cachot  pendant  quirzî  jours  ,  &  d'être  mis 
enfuite  Jans  une  autie  chambre  ou  cabinet  moins  commode 
^ue  celui  où  ils  étoient  ,&  même  à  peine  d'être  pourfuivis 
exttaordinairement  s'il  y  écher. 

IX.  Enjoint  aux^Uts  anciens  Si  autres  prifonnîeri  de  dénon- 
cer ceux  de  leur  chambre  ou  dortoir  qui  auront  iuré  le  faint 
nom  de  Dieu  ,  oa  fait  des  exactions  ou  violences  ,  à  peine 
d'être  punis  comme  complices,  &  aux  concierge  Se  guiche- 
tiers de  s'en  enquérir  foigneufement ,  &:  en  donner  avis  à 
l'inrtait  au  procureur  général  du  roi  ou  à  fon  fubifitut ,  à 
peine  de  deftitution. 

X.  Les  guichetiers  conduiront  les  perfonnes  qui  viendront 
faire  des  charités  dans  les  lieux  de  îa  prifon  où  elles  délire- 
rotules  diiltibuer,  cr  qu'elles  pourront  faire  elles  mêmes  fur 
Je  préau  ,  ou  dan;  la  cour ,  en  préfence  defdits  guichetiers. 

XI.  Les  prifonnies  ne  payeront  à  l'avenir  aucun  droit 
d'entrée  ni  de  fortie  de  la  Prifon. 

XII.  Ceux  qui  voudront  coucher  dans  les  chambres  parti 
ciilicces  à  un  feul  lit ,  à  deux  ,  i  trois  &  à  quatre  ,  avec  che- 
minée ou  fans  cheminée  ,  &  dans  des  cabinets,  en  payeront 
le  loyer  à  un  prix  fxe  par  jour  ,  'uivant  la  commodité  de'di 
tes  chambies  &:  cabinets,  au-deflus  de  la  poire  defquels  ledit 
prix  fera  énoncé.  Le  geôlier  recevra  les  fommes  provenant 
Je  ces  loyers  ,  &  il  les  dépo'cra  entre  les  mains  du  greffier  , 
qui  lui  en  donnera  fon  reçu. 

XIII.  Les  prifonniers  feront  libres  de  faire  venir  leur 
nc~ur  iture  du  dehors ,  fauf  lu  geôlier  à  régler  les  heures  des 
rcp-s,  &:  la  tjuantité  des  boitrons  ,  conforniéaicnt  à  Ja  difci- 
pline  de  la  Prifon. 

XIV.  Les  piiR^nniet!  qui  feront  nourris  du  dehors  ,  feront 
pareillement  libres  de  fe  faire  fervir  pat  des  don)efliques  au- 
tres que  les  guichetiers  fous  l'in'.peâion  du  concie'ge  ,  qui 
fera  tenu  de  prendre  à  cet  égard  les  mefures  néceiïaires  pour 
la  fureté  ,  &  conformes  à  la  difcjplinc  de  la  Prifon.  Ceux 
qui  cccuperont  des  ch.imbres  à  feu,  fe  feront  apporter  du 
bois  qu'ils  acheté  ont  du  dihors,  après  en  avoir  prévenu  le 
concierge,  &  il  fera  défendu  dans  lefdites  chambre»  &  au- 
tres d'avoir  de  11  lumière  aptes  dix  heures  du  foir  ,  à  peine 
centre  les  prifonniers  d'êne  privé»  pendant  huit  jours  de 
chandelles  ou  autres  lumières  à  la  première  contravention  , 
&:  d'être  remis  dans  les  dortoirs  à  la  féconde  ;  le  concierge 
aura  la/aculié  de  faire  ,  foit  par  lui ,  foit  par  fcs  guirhetiers , 
i  contes  heures,  foit  la  nuit,  fo'tlejour,  'a  vilite  de  tourct 
les  chambres  &  lieux  dépendais  de  ia  Prifon. 

•  XV.  Fait  défen'es  audit  concierge  de  faiie  aucune  con- 
vention avec  les  prifonniers  pour  dis  fournitures  quelccn- 
^ues ,  de  retenir  4  ceux  qui  auront  obtenu  leur  élargifTe- 
tnent ,  plus  que  ce  qui  fera  légitimement  dû  pour  le  loyer 
des  chambres ,  i  proportion  des  jours  qu'ili  lei  auront  occu- 

Tant  XUh 


PRISON..  665 

nées  ,  qui  fait  honneur  aux  magirtrats  St  au  corps 
niui9icipal  de  Q^nz  ville  ,  par  l'attention  qu'on  a 


pécs  ,  &  de  prejidfre  de  plus  grandes  fommes  que  celles  fxéet 
pour  le  prix  defdites  chambres ,  dont  le  mois  fera  néanmcitis 
p..yé  d'avance  ,  &  ce  fous  quelque  prétexte  que  ce  foit ,  &  i 
peine  de  concuilioD. 

XVI.  Enjoint  audit  corciéig'e  d'avoir  un  regifre  particu- 
lier relié  ,  cotté  &:  paraphé  par  le»  confeilleis  commiffairei  de 
la  Prifon  ,  dans  lequel  il  écrira  de  fa  irain  ,  fans  y  laiffer  au- 
cun blanc ,  les  jours  d'ertréfSÔi  forties  des  prifonniers,  SC 
tout  ce  qu'il  recevra  chaque  jour  de  chacun  ,  pour  gîtes  &: 
geolages  ,  dont  il  donnera  fa  quittance  ;  le  tout  i  peine  d» 
dix  livres  d'amende  par  chacune  contravention. 

XVII.  Permet  audit  concierge  iz  faite  paffer  dans  les  dor- 
toirs fomtnuns  les  Prifenniers  des  chambres  huit  jours  après 
qu'ils  fetont  en  demeure  de  payer  leur  gîte. 

XVIII.  Dcfcnfes  faites  aux  guichetiers ,  à  peine  de  reftî- 
rurion  du  double  ,  &  d'être  privés  pour  toujours  de  leur  em- 
ploi ,  même  de  punition  coiporelle  s'il  y  échet  ,  d'exiger, 
deipandet  ou  accepter  aucune  chofe  ,  en  quelque  manière  Se 
fbuj  quelque  prétexre  que  ce  f©ir ,  tant  des  prifonniers  lorf- 
qu'ils  entrent  en.la  Prifon,  que  de  ceux  qui  les  amènent, 
écroucnt ,  recommandent  ou  déchargent  ,  les  viennent  vili- 

'  ter,  leur  four  des  auirones ,  ou  Its  délivrent  par  charité. 

XIX.  Faitdcfenfes  au  concietge  &  aux  guichetiers  delà 
Piifon  ,  d'injuiier,  battre  ou  maltraiter  les  prifonniers,  do 
leur  laifTtr  prendre  du  vin  ou  de  l'eaude  vie  par  excès  ,  i 
freine  d'en  réj  or  dre  en  leur  propre  &.'  privé  r  om  ,  &  de  leur 
lailler  dé  ivrcr  aucune  marchandife  ou  denrée  qu'elle  ncfcit 
des  poids,  mcfure  &  qualité  requifes  par  les  ordonnances  de 
police. 

XX.  Le  grefFer  Je  la  Prifon  fe  tiendra  dans  fon  greffe,  en- 
tre la  5aint-Remi  ic  pâques  ,  dépuis  fept  heures  du  matin 
jufqu'à  midi ,  &  depuis  deux  heures  de  relevée  jufqu'i  cinq  ; 
&  entre  pâques  &  la  Saint-Remi  ,  depuis  iTx  heures  du  ma- 
tin jufqu'à  midi  ,  &  depuis  deux  heures  jufqu'i  fix  hcurcï 
du  foir. 

Xa.1.  Ledit  greffier  fera  tenu  d'avoir  un  regifîre  relié  ,' 
coté  &  paraphé  par  pren)iète  &  dernière  ,  dans  tous  Ça 
feuillets,  par  les  confcillers  commiffaires  de  la  Prifon  ;  tous 
I.-s  feuillets  dudit  regitfre  feront  féparés  en  deux  colonnes  , 
l'une  pour  le  s  écrous  &  lecommandations ,  &:  l'autre  pour  le» 
éla  gifTemens  ic  décharges  ,  Se  il  ne  pourra  lailTer  aucun  blanc 
dans  ledit  reg'ftre. 

XXII.  Les  ectous,  recommandations  8e  décharges  feront 
menrion  dt  s  arrêts  ,  jugemens  5e  a£les  en  vertu  defquels  ilj 
feront  faits ,  5e  de  leurs  dates  ,  de  la  juridiftion  dont  ils  fe- 
ront émanés  ,  ou  des  no'aires  qui  les  auront  reçus;  comme 
aufli  du  nom  ,  furnom  Se  qualité  du  prifonnier  ,  de  ceux  de 
la  partie  qui  fera  faire  les  écrous  Se  recommandations  ,  &  du 
domicile  qui   fera  par  elle  élu  ,  à  peine  de   nullité;  &  ne 

'pourra  être  fa't  qu'un  écrou  y  encore  qu'il  y  ait  plulîeurs  cau- 
fes  de  l'eniprifon'nement, 

XXIII.  Les  huifliers  donneront  eiix-n  êmes  ea  main  pro- 
p  e,  à  ceux  qu'ils  conftitueron:  prifonniers,  ou  qu'ils  re- 
commanderont ,  des  copies  lifiMes  8:  en  bonne  forme  ,  de 
leurs  écroi:»  &  rccomm  ndations  ;  à  l'effet  de  quoi  Icfdit» 
ptifonnicri  feront  amenés  entre  les  deux  guichei»  ,  en  pré- 
fence du  greffier,  qui  (e'a  tenu  démettre  fon  certificat  fut 
fon  regillre  i  la  fin  de  chacun  defdits  écrou»  &  recommanda- 
tions ,  à  peine  d'interdiction  contre  les  huilTiers ',  pour  I» 
première  fois,  &  de  privation  de  leurs  charges  pour  la  fé- 
conde ;  Se  contre  ledit  greffier  de  10  liv.  d'amende  pour  cha- 
cune contravention,  &  de  tous  dépens  ,  dommage»  Se  inté- 
rêis ,  même  de  plus  grande  peine  s'il  y  échet. 

XXIV.  Fait  défenfes  aux  greffier  &  concierge  de  faire 
pafTer  aucun  piifonnier  dans  les  chambres  ôe  dortoirs  de  la 
Prifon  ,  qu'ils  n'.iyent  été  preiMiérement  écroués  en  la  ma- 
niére  por;éc  par  Içs  deux  articles  précédens ,  8e  que  la  date 

PPPP 


666 


PRISON. 


eue  de  procurer  aux  prifonniers  tous  les  foulage- 
mens  qui  peuvent  adoucir  leur  état. 

tics  ccrous  ,  le  nom  ,  qualité  &  dcmcute  Je  l'oificier  qui 
les  aura  faits  ,  n'ayent  été  écrits  fur  le  rcgiilte  de  la  geole ,  &: 
copie  du  tout  latUce  au  prifonnier. 

XXV.  Le  regillre  du  greffier  &:  celui  du  concierge  conte- 
nant ce  qu'il  a  reçu  des  prifonniers  pour  gîtes  Se  geolages  , 
feront  pat  eux  repréfentcs  lors  de  chacune  viiite  Se  féance  qui 
fei'a  faite  daiis  les-Ciifons. 

XXVI.  Fait  défenfes  i  tous  huiiliers  de  riin  exiger  de  ceux 
«ju'ils  conduiront  à  la  Prilbn  ,  fous  prétexte  d'avoir  fourni  un 
cariofle  à  cet  effet,  à  peine  de  rellitution  du  quadruple  de  ce 
«]u'ils  auont  re^u  i  3c  de  vingt  livres  d'amende  ,  Se  de  plus 
grande  peine  s'il  échcr  ;  faufàeux  de  s'en  faire  payer  par  la 
partie,  à  la  requît;  de  laquelle  l'empriionnement  aura  été 
fait. 

XXVII.  Fait  pareilleinent  défenfes ,  fous  les  mêmes  peines, 
au.tdits  huilliers  ,  même  aux  exempts  du  lieutenant  criminel 
de  robe  courte  &  autres  officiels  de  juftice  ,  &  aux  guiche- 
tiers ,  fous  la  même  peine  ,  de  rien  exiger  des  piiionniers  , 
»]u';ls  pourroient  être  dans  le  cas  de  transférer  dans  une  autre 
r.iibu,  pour  1  inllructiondu  procès  ou  autre  caufe  ,  fauf  dfe 
faire  p.iyer  par  les  parties,  à  la  requête  defquelJcs  ils  les 
transféreront. 

XXVIII.  Lorfqu'un  prifonnier  fera  obligé  de  faire  des 
fignihcations  ou  d'obtenir  des  jugemens  eu  arrêts  contre  Us 
crcanciers  ,  pour  être  payé  de  fes  alimens ,  le  greffier  ne  rece- 
vra les  crcanciers  à  configner  les  alimens  pour  l'avenir, 
qu'en  conlîgnant  en  même  temps  ceux  qui  n'ont  point  été 
payés  ,  &  en  rembourfant  le  prifonnier  des  frais  dcfdites 
ligiiiHcations  Ôe  jugemens  qui  feront  liquidés  ,  fans  procédii- 
rci  ,  par  les  confcillers  de  la  cour  commis  pour  la  vi/ite  t^es 
Fiifons  ,  à  peine  contre  ledit  gierfier  de  payer  de  fes  'deniers 
ce  qui  pourra  être  dû  au  prifonnier ,  tant  pour  fes  alimens 
que  pour  les  frais  qu'il  aura  faits  ,  pour  en  être  payé. 

XXIX.  Les  vifites  8e  féances  feront  faites  pat  les  confeil- 
Icrs  commis  par  la  cour  ,  avec  le  fubllitut  du  procureur  géné- 
ral du  roi  parlai  nommé  ,  a/ant  les  Fêtes  de  Noël  ,  Pâques 
&  Pentecôte  &:  de  Saint-Simon  Se  Saint-Jude,  Se  en  outre 
avant  la  Notre  Dame  d'août,  fans  préjudice  des  vifues  par- 
ticulières qui  feront  faites  dans  ladite  Piifon  par  le  procu- 
reur général  Ju  roi  ;  ou  celui  de  fes  fubftituts  qu'il  commet- 
tra. 6'i^ne,  Joly  de  Fleury. 

Oui  ie  rapport  de  M'  Adiien- Louis  Ltfebvre,  confeiller  ; 
Tout  confidéré. 

La  cour  ordonne  que  les  articles  de  règlement ,  joints  à  la 
requête  du  procureur  général  du  roi ,  au  nombre  de  vingt- 
neuf  articles,  feront  exécutés  pour  la  Prifon  de  l'hôtel  de  la 
Force  ;  ordonne,  au  furplus ,  que  les  articles  du  titre  XIII 
de  l'ordonnance    du   mois  d'aisût    1770,   touchant  les  Pri- 
fons  ,  greffiers  des  geôles ,  geôliers  &:  guichetiers  ;  la  décla- 
lation  du  mois  d'août  1780,   regiflrée  en  la  cour  le  19  du 
même  mois  ,  concernant  les  alimens  des  prifonniers  ,  8e  l'ar- 
rêt du  18  juin  17 17  ,  le  tout  en  ce  qui  concerne  les  Prifon- 
niers pour  dettes  civiles ,  feront  exécutés;   ordonne  que   le 
prcfent  arrêt  ,  ôe  les  arcicles  de  règlement  y  annexes  ,  feront 
împiimés,  lus  dans  les  chapelles  de  l'hôtel  de  la  Force  ,  tous 
les  prenaiers  dimanches  de  chaque  mois,  en  préfencede  tous 
les  prifonniers ,  &  affichés  aux  portes  des  chapelles  ,  à  celles 
delà  Prifon  ,  dans  le   greffe,  fur   le  pré?  u  Se  dans  les  lieux 
Jes  plus  apparens  de  la   Ptifon  ,  &   les  affiches  renouvelées 
tous  les  an»  à  la  .9aint-MartiH  8e   à   Pâques,  même  plus  fou- 
vent  s'il  cil  néceflaire,  à  la  diligence  du  fublHtut  du  procu- 
reur général  du  roi   qui  aura  été  par  lui  commis  à  la  vifite 
de  ladite   Ptifon.  F^it  défenCes  aux  prifonniers ,  8e  à  toutes 
autres  perfonnes  ,  d'enlever  ou  déchirer  lefdites  affiches ,  fous 
lelles  peines  qn'il  appartiendra,  ôe  aux  greffier,  concierge  Se 
giiichetiers  ,  dcle  foufïrir ,  aulli  fous  telles  peines  qu'il    ap- 
janicndra.  Fait  en  p.iiiement  le  dix-neufféviier  mil  fept  cent 
«juatte  vingt  d'eu^t,  Go'lationnt  LVïTON. ir'i^ne'DUF.HANC. 


PRISON. 

Ceft  Air  tout  fur  IcsPrifons  des  feigneurs  Jiaiirs- 

,  jiifticiers  que  le  miniftére  public  doit  arrêter  fes 
regards.  11  exifte  un  arrêt  de  règlement  du  premier 

,  feptembre  1717,  qui  porte,  «  que  les  feigneurs 
»  haut-jufticiers  feront  tenus  d'avoir  des  Prifons 

>  »  au  re^-dc-chjujfce  ,  en  bon  état  ^  finon  qu'elles  fe- 
»  ront  conftruites  &  rétablies  à  la  dilig-'nce  des 
»  procureurs  du  roi  des  fièges  oii  les  appellations 
»  de  ces  juflices  reffortiffent  médiatement  ou  im- 
»  médiatement  ,  ou  connoiflent  des  cas  royaux 
»  dans  l'étendue  de  ces  juflices.  Pourquoi  il  fera 
»  délivré  exécutoire  auxdits  procureurs  du  roi ,  de 
»  l'autorité  des  juges  ,  contre  les  receveurs   des 

,  "  terres  &  feigncuries  d'où  dépendent  ces  hauts- 
»  jurticiers  (i)  )>. 

Ce  n'eft  pas  aflcz  d'avoir  fait  élever  un  édifice 
bien  fur  &  bien  falubre  pourgarder  les  prifonniers , 
il  faut  les  recevoir  d'une  manière  légale  &  con- 
tôrme  à  l'article  13  de  l'ordonnance  de  1670;  les 
conduire  aux  interrogatoires  ,  les  ramener  avec 
précaution  ,  les  nourrir  ,  les  fervir  ,  &  les  élargir 
lorfque  la  juilice  l'a  ordonné. 

C'eft  pour  remplir  ces  diverfes  obligations  en- 
vers les  prifonniers  ,  qu'on  a  établi  dans  chaque 
Prifon  un  greffier,  ou  du  moins  un  geôlier  qui  en 
iait  les  fonvitions  ,  &  des  guichetiers. 

'       L'article  25  de  l'ordonnance  de  1670  ,  porte  , 

;  <t  que  les  prilonniers  pour  crime  ne  pourront  pré- 
»  tendre  d'être  nourris  par  la  partie  civile  ,  &  qu'il 
1)  leur  fera  fourni ,  par  le  geôlier  ,  du  pain  ,  Je  l'eau 
n   6»  de  la  paille  bien  conditionnés  ». 

Si  la  charité  publique  ne  venoit  pas  au  fecoiirs  de 
ces  malheureux  ,  il  feroir  trop  afîligcant  de  penfer 
que  la  loi  réduit  des  accufés  ,  qui  peut-être  font 
innocens  (  &  auxquels  elle  enlève  !a  faculté  de 
travailler  )  ,  à  un  régime  pire  que  celui  de  nos 
animaux  donieftiques. 

L'article  que  nous  venons  de  citer  s'obferve 
exaclement  dans  le  reiTort  du  parlement  de  Pans. 
Mais  il  a  été  rendu  ,  le  4  août  1731  ,  un  arrêt  de 
règlement  au  parlement  de  Rouen  ,  qui  ordonne 
»  que  la  provifîon  alimentaire  des  accufés  ,  à  !a  re- 
»  quête  des  parties  civiles,  fera  de  3  fous  4  den. 
»  par  jour,  fi  mieux  n'aime  le  prifonnier  prendre 
>j  deux  livres  de  pain  en  effence  >■'. 

L'article  11  de  l'arrêt  du  18  juin  1717,  pour  les 
Prifons  de  la  ville  de  Paris,  n'accorde  aux  prifon- 
niers quune  livre  &  demie  de  pain  de  bonne  cjualiié  de 

bled.  Malgré  l'inatflion   à  laquelle  ils  fe  trouvent 


(Il  L'article  59  du  titre  2j  de  l'ordonnance  de  I670  , 
porte,  «  que  les  taux  à  ferme  des  Pri  ons  feigneuriiles  doi- 
»  vent  erre  faits  en  préfence  des  juges  roya-jx  ,  chacun  dan» 
»  leur  reffort,  5e  qu'ils  en  taxèrent  la  redevance  annuelle  , 
i>  qui  ne  pourra  être  excédée  far  'es  feigneurs,  ni  affermée 
n  à  d'autres  ,  à  peine  de  déchéance  du  droit  de  haute* 
»  juftice  ". 

Par  une  déclaration  du  roi  s'a  il  juin  17:},  les  baux  de» 
Prifons  royales  des  villes  du  royaume  ont  été  «  dillraits  de 
>r>  la  ferme  des  domaines  du  roi  ,  fans  pouvoir  à  l'avenir  y 
«  être  compris,  fous  qiielq.ue  prétexte  que  ce  foit '>, 


PRISON. 

condamnés ,  il  en  cû  beaucoup  qui  dépcriroient 
s'ils  ii'avoient  pas  d'autre  nourriture.  Voilà  l'incon- 
vénient des  réglemens  généraux  &  uniformes  ,  a 
l'égard  des  individus  entre  lelquels  la  nature  a  mis 
de  grandes  différences. 

Le  même  article  ajoute  «  qu'on  leur  fournira  de 
I)  lii  paille  fraîche  tous  les  15  jours,  à  l'égard  (/^j- 
i>  cachots  noirs  ,  &  tous  les  mois  ,  à  l'égard  des 
»   ctchots   clairs  ». 

Nous  rendons  trop  de  juftice  à  l'humanité  des 
autears  de  ce  règlement ,  pour  ne  pas  être  per- 
fuadfcs  que  ce  ne  fut  qu'avec  répugnance  qu'ils  fe 
ft-rvirent  de  ces  mots  affreux  ,  cachots  noirs  &  ca- 
chots clairs,  &  qu'ils  formoient  alors  des  vœux 
pour  que  ces  gouffres  affreux  fuffent  à  jamais  com- 
blés. 

En  1665  ,  le  parlement  donna  un  jufîe  exemple 
de  (évérité  envers  les  geôliers  ,  fouvent  affez  avides 
pour  s'engraiffer  de  la  fubfiflance  des  miférables 
confiés  à  leur  garde  :  le  19  mars  de  cette  année  , 
il  rendit  un  arrêt  qui  condamna  un  geôlier  à  être 
pendu  ,  pour  avoir  laiffé  mourir  un  prifonnier  fans 
fecours  ,  &.  vraifemblablement  d'inanition. 

Quoiqu'en  général ,  dans  le  reffort  du  parle- 
ment, le  prifonnier  détenu  pour  crime  ne  puiiîe 
prétendre  à  être  nouni  par  la  partie  civile  ,  il  y  a 
•cependant  des  cas  particuliers  où  il  eff  tonde  à  lui 
demander  des  alimens.  En  voici  un  exemple  , 
qu'on  trouve  dans  le  recueil  de  jurifprudence.  Le 
fieur  Lo^ier ,  accufé  du  crime  d'adultère,  &  pour- 
{uivi  à  la  requête  du  nommé  Ca^é ,  fut  condamne  , 
par  arrêt  du  2  juin  1766  ,  au  banniffement  pour 
trois  ans ,  &  la  femme  de  Cage  à  la  peine  de  1  au- 
thentique. L'un  &  l'autre  furent  en  outre  condam 
nés  folidairement  à  1500  liv.  de  réparations  civi 
les ,  au  profit  de  Cage  :  celui-ci  configna  d'abord 
les  alimens  pourLozier,  qui  refta  en  Pnfon  aufujet 
des  1 500  liv.  de  dommages  &  intérêts  ;  mais  ,  lui 
ayant  enfuite  paru  onéreux  de  nourrir  celui  qui 
avoir  déshonoré  fa  couche,  il  dUcontinua  de  four- 
nir des  alimens.  Lozier  demanda  à  être  mis  hors 
de  Prifon  ,  faute  d'alimens  ;  Cage  s'y  opnofa  ,  en 
foutenant  que  Lozier  ne  devoit  pas  être  confîdéré 
comme  prifonnier  pour  dettes  civiles  ,  mais  pour 
crime  ;  que  par  conféquent  la  confignaiion  des  ali- 
inens  ne  devoit  regarder  que  le  procureur  général , 
qui  veille  à  ce  que  les  jugemens  rendus  contre  les 
criminels  foient  mis  à  exécution.  Sur  cette  contef- 
tatios  ,  il  fut  rendu  un  arrêt  qui  jugea  que  fi  ,  fous 
trois  jours,  à  compter  de  l'arrêt,  Cage  ne  coufi- 
gnoit  pas  les  alimens  ,  Lozier  feroit  mis  liors  de 
prifon. 

L'Annnotateur  de  Dénifart,  qui  rapporte  cet  arrêt, 
prétend  que  les  opinions  furent  très  -  débattues. 
Nous  avons  peine  à  le  croire  ;  car  alors  Lozier  ne 
pouvoit  plus  être  confidéré  que  comme  fimple  dé- 
biteur de  Cage  d'une  fomme  de  1500  liv.  Or,  la 
partie  publique  n'étoit  pas  intéreffée  à  ce  que  cette 
fomme  (ùt  payée  ou  ne  le  fût  pas  à  la  partie  civile. 
C'éioit  donc  à  celle-ci  feule  à  ufcr  de  fes  droits  , 


PRISON,  66j 

pour  forcer  fon  débiteur  à  s'acquitter  envers  eile. 

C'eft  par  cette  même  raifon  que  la  nourriture 
des  prifonniers  pour  dettes  n'eft  pas  fournie  à  ce* 
derniers  par  le  roi. 

L'huiffier  qui  écroue  un  débiteur  doit  au  inéme 
moment  configner  des  alimens  pour  un  mois ,  entre 
les  mafins  du  greffier  ou  du  geôlier ,  â  peine  de  nul' 
lité  de  temprijonnenient.  A  l'égard  de  la  fixation  de 
ces  alimens  ,  elle  varie  fuivant  les  lieux  oii  font 
fituées  les  Prifons  :  &  en  effet,  il  eff  juffe  que  le 
créancier  paye  en  raifon  de  l'augmentation  ou  de 
la  diminution  du  prix  des  vivres  ,  &  qu'il  n'y  ait 
pas  à  cet  égard  un  règlement  invariable  ;  il  ne  faut 
pas  que  ,  dans  des  temps  de  calamités  où  le  pain 
devient  très-cher ,  le  prifonnier  pour  dette  foit  ex- 
pofé  n  mourir  de  faim  dans  fa  captivité. 

On  ne  payoit  à  Paris,  avant  le  premier  mars 
178^,  qu'une  piftole  par  mois  pour  chaque  débi- 
teur emprifonné  :  mais  cette  taxe  ayant  paru  infuf- 
filante  pour  la  nourriture  d'un  prifonnier  pendant  le 
cours  d'un  mois  ,  le  parlement  a  rendu  à  ce  fujet, 
fur  la  requête  du  procureur  général  du  roi,  le  pre- 
mier février  de  cette  année  ,  un  arrêt  de  règlement 
dont  voici  le  difpofitif  : 

»  La  cour  ordonne  qu'à  compter  du  premier  mars 
»  1785  ,  les  créanciers  écrouans  &  recommandans 
1)  feront  tenus  de  configner  entre  les  mains  des 
))  greffiers  ou  geôliers  des  Prifons  de  la  ville  de 
»  Paris ,  &  par  avance  ,  la  fomme  de  douze  livres 
n  dix  fous  par  mois  pour  la  nourriture  des  prifon- 
»  niers  qu'ils  feront  arrêter  ou  recommander,  à 
»  moins  que  les  prifonniers  ne  déclarent  fur  le 
))  regifire  tenu  par  le  greffier  ou  geôlier,  qu'ils 
»  n'entendent  recevoir  de  leurs  créanciers  aucn.j 
»  denier  pour  leurs  alimens  ;  ordonne  que  le  pic- 
»  fent  arrêt  fera  imprimé  &  affiché  par-tout  où 
)j  befoin  fera ,  notamment  dans  les  prifons  de  la 
»  ville  de  Paris  ,  &,  qu'il  fera  notifié  par  les  gref- 
»  fiers  ou  geôliers  des  Prifons  au  domicile  des 
»  créanciers  écrouans  ou  recommandans  ,  s'ils  de- 
n  meurent  dans  Paris ,  finon  au  domicile  élu  par 

V  les  écrous  &  recommandations ,  aux  frais  &  dé- 
î>  pens  des  prifonniers  ,  quinzaine  avant  le  premier 
»  mars  1785  ,  lefqucls  frais  les  greffiers  ou  geôliers 
)»  retiendront  fur  les  premiers  deniers  qui  leur  fe- 

V  ront  confignés  à  raifon  de  vingt-cinq  fons  oar 
)>  chaque  exploit  de  notification.  Fait  en  parle- 
))  ment ,  &c.  ». 

Il  étoit  néceffaire  d'aflurer,  d'une  manière  indé- 
pendante des  évènemens  ,  cette  nourriture  que  le 
roi  accorde  aux  accufés  retenus  captifs.  C'eft  dans 
cette  vue  que  l'article  26  de  l'ordonnance  de  1670 
porte  ce  qui  fuit  :  «  Celui  qui  fera  commis  par  no- 
»  tre  procureur  ou  ceux  de  nos  feigneurs  ,  pour 
»  fournir  le  pain  des  prifonniers,  fera  rembourfé 
»  fur  le  fonds  des  amendes  ,  s'il  eft  fuffifant  ,  finon 
»  fur  le  revenu  de  nos  domaines;  &  oîi  notre  do- 
j>  maine  fe  trpuvcroit  engagé  ,  les  cngagiffes  y  fe- 
>»  ront  contraints  ,  &  ailleurs  les  feigneurs  hauts- 
3>  judiciers ,  même  les  receveurs  &  fermiers  de  nos 

P  p  p  p  ij 


66B  PRISON. 

i>  domaines ,  &  ceux  des  engagiftes  hauts-jurticiers  >" 
n  refpeéïivement ,  nonobftant  oppofition  ou  appel- 
»  lation  ,  prétendu  manque  de  fonds  ^  &  payement 
»  fait  par  avance,  &  toutes  faifies  ;  fauf  à  être 
j>  pourvu  de  fonds  au  receveur  fur  lânnée  fui- 
«  vante ,  ou  faire  déduflion  aux  fermiers  fur  Tannée 

V  fuivante  ». 

Ceft  dans  des  cas  femblnbles  qu'il  faut  faire  ex- 
ception à  la  règle  générale  ,  &  foumettre  les  appa- 
rences de  la  jultice  à  l'empire  de  la  nécenité.  Nam 
alimeni'is  moia  ficri  non  cebet  ,  dit  la  loi ,  cod.  de 
aliment is  pupillo  praftandis. 

Le  prifonnier  fe  trouve  encore  dans  une  circonf- 
tancc  plus  critique  que  le  pupille:  retranché  de  la 
fociété  ,  il  ne  peut  pas  même  oftVir  la  vue  de  fa  mi- 
sère à  la  conimifération  publique ,  &  faire  verfer 
fur  elle  les  dons  de  la  charité  :  lorfque  celui  au  nom 
iluquel  il  a  été  arrêté  ne  lui  fournit  pas  de  quoi 
fubfirter ,  il  faut  qu'il  meure  de  fitim  ,  (\  on  ne  lui 
rend  pas  Tufage  de  fes  bras. 

C'eft  par  cette  raifon  que  ,  d'un  côté  ,  on  a  ap- 
plani  tous  les  obflacles  pour  alimenter  des  accufés 
ditenus  à  la  requête  du  miniflère  public  ;  &  que  , 
de  l'autre  ,  on  ouvre  au  prifonnier  pour  dettes  les 
portes  de  fa  Prifon  ,  au  même  inftant  où  fon  créan- 
cier a  négligé  de  configncr  fes  aliniens.  Voici  ce 
que  l'article  24  de  l'ordonnance  de  1670,  tii.  13  , 
dit  à  ce  fujet  :  «  Sur  deux  fommatlons  faites  à  dif- 
»  férens  jours  aux  créanciers  qui  feront  en  demeure 
»  de  fournir  la  nourriture  au  prifonnier,  &  trois 
»>  jours  3prè\  la  dernière,  le  juge  pourra  ordonner 
»  ion  élargiffemtnt ,  partie  préfente  ou   diunent 

V  appelée  ". 

La  nécefiué  de  faire  deux  fommations,  &  d'at- 
tendre encore  trois  jours  après,  avant  de  deman- 
der &  d'efpérer  obtenir  fon  élargitTement ,  a  paru 
fans  doute  trop  dure.   L'article  5    de  la  déclara- 
tion du  10  janvier  1680,  porte,  »»  qu'après  l'ex- 
»  piration  des  premiers  quinze   jours  du   mois, 
»»  pour  lequel  la  fonime  néoeHaire  aux  alin-rcns  du 
»  prifonnier  n'aura  point  été  payée  ;  les  confeil- 
»  1ers  des  cours,  commis  pour  la  vifite  des  prifons, 
•n  ou  les  juges  des  lieux ,  ordonneront  rélargifTe- 
»  ment  du  prifonnier,  fur  fa  fimple  réjuifuion  , 
w  fans    autre  procédure  ,  en   rapportant  le    ccr- 
»  tificat  du  greffier  ou  geôlier  ,  que  la  fommc  pour 
w  la  continuation  des  alimens  n'a  point  éic  payée. 
Mais  pour  que  les  juges  puifTenr,  fur  cette  fimple 
ex[>ofition  &lefeul  vu  du  certificat  du  greffier, 
ordonner  l'élargiflement,  il  faut  que  les  caufes  de 
J'emprifonnement  &  des  recommandations  n'ex- 
cèdent pas  la  fomme  de  deux  mille  livres;  car  fl 
la  fomme  eft  plus  forte  ,  le  prifonnier  doit  fe  pour- 
"'oir  par  requête,  quî  eft rapportée,  &  fur  laquelle 
les  cours  prononcent  fon  élargifTement  ;  il  doit  être 
fait  mention  du   certificat  du   greffier  ou  geôlier 
dans  le  jugement.  Il  faut  auparavant,  dans  le  fé- 
cond cas ,  que  la  requête  ait  été  fignifiée  au  créan- 
cier, au  domicile  par  lui  élu  dans  l'afle  d'écrou 
ou  de  rccoins>a;idatlon. 


PRISON. 

L  article  6  de  la  même  déclaration  porte  ,  que  le 
>'  prifonnier  qui  aura  été  une  fois  élargi  'faute 
»  d'alimens,  ne  pourra  une  féconde  fois  être  cm- 
w  prifonné  ou  recommandé  à  la  requête  des  mê- 
»  mes  créanciers,  qu'en  payant  par  eux  les  ali- 
I)  mens  par  avance  pour  (w  mois  ». 

Lartide  2^  de  l'arrêt  de  règlement  du  17  fep* 
tembre  1717,  porte,    »  que  lorfqu'un    prifonnier 
»  fera  obligé  de  faire  des  fgmfications  ou  d'obtenir 
»  des  jugemens  ou  arrêts    contre  fes    créanciers, 
»  pour  être  payé  de  fes  alimens,  les  greffiers  des 
j»  géoles  ou  geôliers  ne  recevront  les  créanciers 
»  à  configner  les  alimens  pour  l'avenir,  qu'en  con- 
»  fignant  en  même  temps  ceux  qui  n'ai.iront  point 
»   été  payés,  &  en  remhourfant  le   prifonnier  des 
»)  frais  defditesfignifications  &  jugemens,  qui  fe- 
»  ront  liquidés,   fans  autre precédv.re  ,  parlé  lieu- 
»  tenant    général  ou    autre   premier    officier    du 
»  fiége  orduiaire  des  lieux  oii  les  Prifons  feront 
n  fituées,à  peine  contre  lefclits  greffiers  &  geôliers 
»  de  payer  de  leurs  deniers  ce  qui  pourra  être  dû 
"  au  prifonnier  ,  tant  pour  fes  alimens  ,  que  pour 
«  les  frais  qu'il  aura  faits  ».  Cette  juftc  dirpofi- 
tion  a  été  confirmée  par  l'article  3  5  de  l'arrêt  de  rè- 
glement du   18  juin  1717,  rendu  pour  les  Prifons 
de  Paris  (i). 


(t)  f.esahmens  à  fournir  aux  prifoiinicTs  dé.enus  en  vertu 
d  une  ordonnance  du  ciibunal  du  point  d'honneur,  ont  donné 
Jicu  recement  i  lexamen  èc  pludeurs  queftions  en  pra'cacc 
de  NiAî.  les  nurkhaux  de  France. 

La  première  a  été  de  favo'r  fi  Je  créancier  qui  avoir  fait 
eniptiionner  fon  débiteur,  dcvoitlui  fournir  des  alimens,  Se 
s  il  cioit  fondé  à  en  exiger  le  rembourfement  avant  que  Je 
piifonniet  pût  jouir  de  fa  libci-ié. 

On  3  obfervé  d'une  paît  ,  que  les  demandes  qu'on  for- 
mou  journelleiaent  devant  le  iiibunal  du  point  d'honneur  , 
etoient  fouvent  très- n^odiques  ,  &  que  fi  on  oMigeoit  le 
crcancrer  de  fournir  àes  alimens  à  fon  débiteur  prifonnier  ,  il 
pourroii  arriver  que  des  débiteurs  infolvables  &:  de  niauvaife 
foi,  poarroient  occafionner  à  Iturs  crcancieis  un  préjudice 
plus  confidérable  «j^e  s'ils  cuflent  fait  le  facrificc  de  ieurc 
créances.  On  a  ajoute  que  le  refus  ou  même  l'impuifTance  de 
fatisfaire  à  un  engagement  autlî  facté  ,  qu'une  dette  d'hon- 
neur, etoit  une  forte  de  délit  dont  il  nefcroit  pas  jufte  que  le 
cièancier  fût  Ja  viaime. 

D'autre  part,  on  a  cotirtdéré  qu'il  f  auroît  de  J'înhumanité 
a  retenir  en  prifon  un  débiteur,  fi  le  créancier  ctoii  JJfpcnfé 
de  pourvoir  à  fa  fublîftance,  ou  du  moins  fi  on  n'accordoit 
pas  au  geôlier  un  recours  contre  ce  créancier  pour  les  ali- 
mens qu'il  auroit  fournis  :  qu'on  devoir  fuppofer  que  le  débi- 
teur qui  feroir  dans  la  pofllbiliré  de  fe  libérer,  ne  feroit  pas 
volontairement  le  facrihce  de  fa  liberté  pour  nuire  à  fon  créan- 
cier. En  coiiféquenccon  apenféqu'un  règlement  génétal  fur 
cette  matière  feroit  fujet  à  plufieurs  inconvéniens ,  &c  qu'il 
feroir  plus  expédient  de  prononcer  fur  chaque  efpèce  qui  fe 
prcfemeroit  ,  rclatiretnent  a.ux  facultés  refpetlivcs  du  débi- 
teur &  du  créancier. 

En  fécond  lieu  ,  on  a  examiné  fi  le  geôlier  ouïes  traiteurs 
qui  fournifloient  des  alimens  à  un  prifonnier  détenu  en 
vertu  d'une  ordonnance  du  tribunal  du  point  d'honncut  ,  dé- 
voient être  autorifts  à  le  retenir  en  prifon  jufqii'à  ce  qu'il  eiit 
payé  le  montant  de  ce  qu'ils  lui  auroient  fourni. 

La  délibération  prife  fur  cet  objets  par  AfM.  les  maréchaux 
de  France  le  7  janvier  178*  ,  contient  Je?  dif^ofuionj  fui' 
vantes  ;  , 


PRISON. 

Plus  le  féjour  des  Prifons  eft  affreux  ,  pins  les 

iuges  doivent  avoir  attention  de  ne  pas  y  envoyer 
égérement  Taccufé  ou  le  débiteur  ;  plus  aufli  ils 
doivent  apporter  de  foin  pour  que  celui  qu'ils  ren- 
ferment ne  foit  point  moleflé  par  les  geôliers ,  gui- 
chetiers ,  &  par  les  autres  prifonniers.  Et  pour  qu'il 
puiffe  recevoir  librement  toutes  les  conlolations , 
tous  les  adouci/Temens  û  néceffaires  à  fon  état, 
Tarticle  ii  de  l'ordonnance  de  1670  veut  que  le 
juge  ait  égarJ  à  l.i  qualité  des  p^rfonnes  ,  parce  que  le 
féjour  de  la  Prifon  ,  qui  eft  prcfque  indifférent  aux 
gens  du  commun,  eft  un  iupplice  pour  les  hon- 
n  hes  domiciliés  ,  &  les  flétrit ,  pour  ainfi  dire ,  dans 
l'opinion  publique  :  elle  expofe  un  marclmnd  à 
perdre  ion  crédit ,  à  manquer,  &  à  entraîner  dans 
fa  ruine  plufieurs  autres  dont  les  intérêts  font  liés 
au  fuccès  de  fes  affaires  ;  elle  fait  perdre  à  un  com- 
mis fon  emploi  ;  enfin  elle  nuit  à  fou  honneur  & 
à  fa  fortune.  Aulîi  l'article  19  de  l'ordonnance  que 
nous  venons  de  citer,  dklare  exprcffément  »  qu'il 
>♦  ne  fera  décerné  décret  de  prife  de  corps  comrç 
»  les  domiciliés  ,  fi  ce  n'eft  pour  crime  qui  doit  être 
»  puni  de  peine  ûfliHive  ou  infamante  ■>^. 

MaUieureufeihent  le  juge  peut  fe  tromper  , 
&  non  feulemeijt  décréicr  de  prife  de  coips  un- 
accufé  mnocum  ou  prévenu  d'un  délit  léger  , 
mais  même  le  condamner  à  une  peine  affti'âive 
ou  infamante.  Ce  iéroit  bien  pire  encore  fi ,  pour 
juftifier  la  févèrité  de  fon  décret,  il  condamnoit 


PRISON. 


669 


*  Article  I.  îes  débueursconditut-s  prifonniers  de  l'au- 
»»  torité  du  tribunal  qai  voudront  oWiger  leuï  créancier  de 
M  leur  fournil- des  alimens  ,  feront  tenus  de  pi\fenter  requête 
jj  à  cet  eftet:lerdites  requêtes  feront  conjn'.uniijuîes  aiicréan- 
»>  cierpour  y  répondre  dans  un  brefdéiai  qui  feij  fixé,  eu 
».  égard  à  h  diftance  àei  ]ieux  où  fera  le  créancier,  pour 
9>  enfuite  fur  fa  réponfe  cire  ordonné  par  le  tiibunal  ce  qu'il 
>>  appartiendra. 

»  II.  Le  débiteur  pourra  au  moment  de  fon  emprifonne- 
a»  ment  former  ladite  demande.  L'exempt  ou  autre  chargé  de 
»  le  conftituer  ptifonnier  recevra  !a  dtclaiation  ,  &:  evpli- 
5>  (]uera  les  motifs  furlefijuels  la  demande  eft  fondé,--  il  la 
«  communiquera  de  lu'te  au  créancier,  fans  qu'il  foi:  be- 
»  loin  audit  cas  de  préft-nter  une  nouvelle  requête, 

«  III.  Les  alimens  func  &c  demeureront  fixés  à  la  fomme 
»  de  quinze  livres  par  mois  pour  tous  frais  généralement 
»  quelconques,  m»is  ils  ne  pourront  dans  aucun  cas  cite 
»  adjugés  que  du  jour  de  la  demande  qui  en  aura  été 
»  formée. 

"  IV.  En  attendant  qu'il  a't  été  ftatué  fur  ladite  demande  , 
»  le  geôlier  fera  tenu  de  fournir  lefdits  alimeris  furie  pied 
sj  de  quinze  li.res  par  mois  ci-deflus  fixé,  &  il  pourra  rete- 
»  nir  le  débiteur  dans  les  prifoni  jufqu'à  ce  qu'il  aitétéren:- 
«  bourfé  de  ladite  fomme  ,  faufà  lui  à  prendre  fes  sûretés 
»  pour  les  autres  avances  qu'il  lui  fera  ,  même  pour  raifon 
«  de  la  chambre  particulière  qu'il  lui  aura  fournie. 

»  V.  Dans  le  cas  où  le  geôlier  craindroir  de  n'être  ras 
»>  rembcu'fé  de  ladite  fomme  de  quinze  livres  par  mois  ,  il 
3>  ptéfentera  au  tribunal  un  mémoire  d'o(>fervation  ,  lequel 
M  fera  communiqué  au  créancier  &  au  débiteur  ,  pour  fur 
M  leur  réponfe,  être  ilatué  ce  qu'il  appartiendra. 

«'VI.  Les  rraiteurs  &:  autres  fournifTeurî  ne  pourrent  p,is 
»  s'oppofer  à  l'élargilument  des  ptifonniers,  pour  raifon  àa 
5>  fournitures  qu'ils  leur  auront  faites  ,  fauf  à  eux  à  fe  potir- 
»  voirpourle  payement d'iccllcspardeyaiu  les  juges  qui  en 
w  doivent  cca.iOÎLre  »• 


à  une  peine  afliéiive  ou  infamante,  celui  contre 
lequel  il  auroit  prononcé  une  fimple  condamnation 
d'amende  ou  de  dédommagement  ,  s'il  n'eût  pas 
eu  d'abord  l'imprudence  de  le  décréter  de  prife  de 
corps:  cela  n'eft  peut-être  que  trop  fouvent  ar- 
rivé :  car  une  première  injuAice  nous  conduit 
prefque  toujours  à    une  plus  forte. 

Le  juge,  avant  de  faire  conduire  un  accufé  en 
Prifon,  di.it  donc  avoir  une  grande  attention  à  la 
gravité  du  crime  dont  on  le  charge  ,  aux  degrés 
de  probabilité  qui  s'élèvent  contre  h:i,  au  tort 
qui  peut  en  réfult^r  en  raifon  de  (on  crédit,  de 
fon  état ,  de  fon  âge  ,  de  fa  famille  ;  il  doit  auffi  lui 
épargner,  autant  qu  il  lui  cft  poflible  ,  l'humilia- 
tion d'être  mené  publiquement  &  à  pied  en  Pri- 
fon ,  lorfque  l'accufé  peut  s'y  faire  tranfporter  en 
voiture  &  fe  dérober  à  la  curiofitéinfultante  d-'  la 
populace  :  ce  n'eft  pas  tout  ;  il  eft  obligé  de  le  pro- 
téger lorfqu'il  efl  en  Prifon  ,  d'ordonner  qu'on  ait 
des  égards  à  fon  âge,  à  fes  infirmités  ,  à  fon  carac- 
tère. Un  viellard  ,  une  femme,  un  prêtre,  un  hom- 
me de  loi ,  un  militaire  décoré,  méritent  des  mé- 
nagemens  parriculiers,  à  moins  qu'ils  n'aient  viû- 
blement  commis  des  crimes  qui  les  rangent  dans 
la  cl^ifTe  des  plt;s  vils  fcélérats.  Le  juge  doit  aulTi  , 
8c  à  bien  plus  forte  raifon  ,  mettre  la  plus  grande 
célérité  dans  l'inftrudlion  des  procès  criminels  ,  afin 
de  ne  pas  laiffer  languir  longtemps  dans  les  hor- 
reurs de  la  captivité  ,  l'accufé  qui  fera  peut-être 
abfous,  ouauquel.il  ne  fera  infligé  qu'une  peine 
légère,  lorfque  la  vérité  aura  été  éclaircie  par  l'in- 
formation. 

L'article  i  du  titre  7  de  l'ordonnance  de  1673, 
porte  ,  11  que  ceux  qui  auront  figné  des  lettres  ou 
»  billets  de  change  pourront  être  contraints  par 
11  corps,  enfemble  ceux  qui  auront  mis  leur  aval, 
»  qui  auront  promis  à'en  fournir  avoc  remife  de 
»  place  en  place  ,  qui  auront  f^xit  des  promefTes 
M  pour  lettres  de  change  à  eux  fournies,  ou  qui 
»  le  devront  être  ;  entre  tous  négocians  ou  mar- 
»  chands  qui  auront  figné  des  billets  pour  valeur 
»  reçue  comptant  ou  en  marchandifes  ;  foit  qu'ils 
»  doivent  être  acquittés  à  un  particulier,  à  (on 
»  ordre ,  ou   au  porteur  ». 

11  refaite  de  cet  article  ,  que  non  feulement  tout 
marchand  commerçant  qui  fait  des  billets  ou  let- 
tres de  change  ,  mais  même  tout  autre  particulier  ♦ 
s'expofe  ,  (1  la  lettre  qu'il  a  eu  l'imprudence  de  ti- 
rer ou  d'endoffer  n'eft  pas  acquittée ,  à  être  mis 
en  Prifon;  mais  il  ne  s'enfuit  pas,  comme  le  re- 
marque très-bien  le  commentateur  ,  que  le  juge 
doive  toujours  autorifer  le  créancier  à  faire  con- 
duire fon  débiteur  en  Prifon ,  parce  qu'il  n'a  pas 
payé  (on  billet  ou  fa  lettre  de  change.  Le  mot 
nourronf,  indique  que  le  juge  efl  le  maître  de  ne 
pas  ordonner  la  contrainte  par  corps  ,  lorfque  le 
débiteur  a  étéfurpris,lorfqu'il  n'y  a  pas  demauvaife 
foi  dans  fes  retards,  ou  qu'il  exifte  une  impolîî- 
bilité  TTvérée  de  payer  ce  .qu'l  doit. 

Un  règlement  trcs-fdge  ,  ceft  celui  quidoci'i'.te 


670  PRISON. 

que  toutes  les  lettres  qu'on  a  fait  foufcrire  à 
des  enfans  de  famille  étrangers  au  commerce  ,  ne 
feront  réputées  que  fimples  billets,  &  n'emporte- 
ront pas  la  contrainte  par  corpj. 

Lorfque  nous  avons  fait  fentir  l'injuftice  &  la 
dureté  qu'il  y  avoit  à  confondre  le  débiteur  avec 
le  criminel,  nous  avions  fur-tout  en  vue  ceux  aux- 
quels on  n'a  pas  d'autre  reproche  à  faire  que  de 
s'être  rendus  trop  légèrement  cautions  d'un  ami  mal- 
heureux, que  de  n'avoir  pas  mis  affez  d'ordre  dans 
kurs  affaires,  d'avoir  trop  compté  fur  des  recou- 
vremens  qui  leur  ont  manqué  :  mais  nous  n'avons 
pas  entendu  parler  des  banqueroutiers  frauduleux 
en  faveur  defquels  il  ne  doit  pas  y  avoir  d'excep- 
tion ;  ceux-ci  n'ont  pas  feulement  mérité  de  per- 
dre la  liberté,  ils  ont  mérité  de  perdre  l'honneur, 
&,une  fois  qu'ils  font  pourfuivis  au  criminel ,  il 
eft  jufte  qu'ils  foient  renfermés  dans  la  même  pri- 
fon  que  les  autres  ciiminels. 

Lorfqu'un  accufé  arrive  en  Prifon,  l'ordonnance 
veut  qu'il  foir  mis  au  fecret,  &  qu'il  lui  foit  in- 
terdit toute  communication  avec  quelque  perfonne 
que  ce  foit ,  avant  d'avoir  fubi  fon  interrogatoire. 
Lorfque  le  juge  a  complété  cet  interrogatoire, 
il  lailîfc  ordinairement  la  liberté  décrire  dans  ce 
qu'on  nomme  le  pré.iu  ,  qui  eft  une  cour  com- 
mune à  tous  les  prifonniers ,  de  recevoir  fes  amis , 
fes  confcils ,  de  communiquer  avec  le  compagnon 
de  fa  captivité. 

Il  a  paru  important  à  la  découverte  de  la  vérité, 
que  l'accufé  ne  pût ,  avant  de  fubir  interrogatoire, 
voir  perfonne  ,  afin  que  fes  complices  ou  les  inté- 
refTés  à  fa  confervation  ne  lui  didaflent  pas  des  ré» 
ponfes  qui  le  fauva/Tent  de  la  punition  due  au  crime. 
C'eft  par  cette  raifon  qu'on  ne  lui  permet  pas 
même  d'écrife  des  lettres ,  &  que  l'ordonnance 
fait  défenfe  aux  geôliers  de  lui  fournir  de  l'encre 
&:  du  papier  :  s'il  obtient  la  permiffion  d'écrire,  ces 
lettres  doivent  paffer  fous  les  yeux  du  juge  avant 
d'être  portées  à  leur  adreiïc. 

Si  néanmoins  l'accufé,  après  l'interrogatoire, 
paroiflbit  au  juge  coupable  d'un  crime  capital , 
il  n'obtiendroit  pas  la  liberté  de  communiquer  au 
dehors  &  d'aller  fur  le  préau.  Ce  font  les  accufés 
de  cette  efpèce  qu'on  avoit  cru  devoir  condam- 
ner à  habiter  les  cachots  ;  le  même  féjour  eft  en- 
core réfervé  pour  les  accufés  dont  le  premier  ju- 
gement renferme  peine  de  mort ,  ou  même  peine 
affli6\ive  ,  quoiqu'il  en  ait  été  interjeté  appel,  foit 
par  eux  ,  foit  par  le  procureur  du  roi. 

Ces  malheureux  ,  ainfi  ifolés  ,  ne  font  pourtant 
pas  privés  de  l'approche  des  perfonnes  chari- 
tables ,  connues  pour  venir  habituellement  viû- 
ter  les  prifonniers,  les  exhorter  &  les  aflîfter  par 
ime  attention  fingulière.  On  a  foin  de  ne  pas  lai/Ter 
ces  miférables  abfolument  feuls  :  mais  puifqu'on 
croit  devoir  brifer  leurs  fombres  réflexions ,  écar- 
ter leurs  idées  de  défefpoir  par  la  préfcnce  d'un 
être  femblable  à  eux,  qui  leur  parle,  qui  agiflc 
ibuslfurs  yeux  i  il  feroit  à  défircr  qu'on  ne  mît 


PRISON. 

pas  à  leurs  côtés  "ùVi  homme  tout  à  fait  oppofé  à 
eux  par  fon  état  &  par  le  genre  de  fon  crime. 

Nous  fommes  bien  éloignés  de  vouloir  rien  di- 
minuer  de  l'horreur  des  fautes  qu'avoit  conimifjs 
la  Barre  ,  cet  imprudent  jeune  homme  ,  accufé  d'a- 
voir infulté  un  chrifl: ,  d'avoir  troublé  des  cétémo- 
nies  reUgieufes  par  des  chanfons  fcandaleufes  ; 
transféré  de  la  Prifon  d'Abbeville  dans  les  cacJiots 
de  la  conciergerie ,  il  les  a  habités  jufqu'au  jour  où 
il  a  été  renvoyé  pour  fubir  fon  jugement.  Certai- 
nement fi  l'on  eût  placé  près  de  ce  gentilhomme 
un  aflalîîn  qui  l'eût  entretenu  de  fes  cruautés  ,  de 
fes  brigandages,  en  s'étonnaiit  de  l'en  voir  frémir, 
c'eût  été  un  tourment  de  plus  pour  lui ,  que  d'a- 
voir fans  ceiTe  devant  les  yeux  une  bête  féroce 
fous  les  traits  d'un  homme ,  &  d'être  condamné 
à  l'entendre. 

On  a  l'attention  de  féparer  les  prifonniers  qui 
font  accufés  de  complicité,  &  de  leur  interdire 
toute  communication  ;  on  ufe  de  cette  précaution 
même  envers  les  maris  &  les  femmes  ,  qu'on 
tient  exaélement  féparés ,  lorfqu'on  a  à  craindre 
qu'ils  ne  s'entendent  &  ne  concertent  leurs  ré- 
ponfes. 

Il  efi  des  fcélérats  que  le  regret  d'être  enfermés 
rend  furieux  ,  &  qui ,  dans  leurs  tranfports ,  dans 
leur  aliénation  ,  veulent  ou  fe  détruire  ,  ou  s'élan- 
cer fur  leurs  gardiens.  On  eft  forcé  de  les  enchaî- 
ner pour  les  contenir,  pour  les  empêcher  de  por- 
ter fur  eux  ou  fur  les  captifs  des  mains  hsmicides  ; 
mais  on  ne  doit  leur  mettre  ces  terribles  entraves 
que  dans  la  plus  grande  nécefilté  ,  &  encore  doit- 
on  éviter  autant  qu'il  eft  pofiible  ,  de  faire  fouffrir 
celui  qui  les  endure. 

Le  geôlier,  tant  que  les  cachots  fubfiHent,  n'a 
le  droit  d'y  mettre  aucun  prifonnier,  ni  de  lui 
attacher  des  fers,  avant  d'en  avoir  reçu  un  ordre 
par  écrit  du  juge.  L'art.  19  du  titre  13  de  l'or- 
donnance en  fa?t  la  plus  exprefl!^e  défenfe,  fous 
ncine  de  punition   exemplaire, 

Lorfqu'il  eft  abfolument  néceftaire  de  mettre 
un  prifonnier  aux  fers  ;  s'il  n'y  en  a  pas,  c'eft  au 
procureur  du  roi  ou  fifcal  à  en  faire  faire  aux  dé- 
pens du  domaine. 

Il  eft  d'ufage  ,  par  exemple  ,  d'unir  par  des  fers 
les  pieds  des  prifonniers  qu'on  transfère  de  la 
province  dans  les  Prifons  de  Paris  ;  ces  malheu- 
reux, dont  l'extrémité  des  jambes  eft  meurtrie, 
fouffrent  beaucoup  au  moment  où  on  dérive  leurs 
fers  arec  un  marteau  dont  les  coups  redoublés 
les  expofent  à  de  nouveaux  froiftcmens. 

Il  feroit  poftîble  de  leur  éviter  ce  furcroît  de 
douleur  ,  en  fixant  leurs  fers  de  manière  à  pou- 
voir les  fépurer  fans  le  fecours  du  marte^^u.  Une 
des  principales  obligations  impofées  aux  greffiers 
S:  guichetiers  ,  c'eft  de  ne  faire  pafter  aucun  pri- 
fonnier, foit  dans  les  chambres ,  foit  au  fecret, 
fans  qu'il  leur  ait  été  donné  communication  des 
arrêts,  jugemens  &  aâes  en  vertu  defquels  les 
éçrous  ^  twcommandations  ont  lieu.  Ils  doivent 


PRISON. 

Inférer  fur  leurs  regirtres ,  «  reliés ,  cotés ,  para- 
n  phés  par  première  6l  dernière  page ,  lefdits  écrous 
y>  &  recommandations,  le  nom  de  la  jiirid'rélion 
»»  dont  ils  font  émanés,  ou  des  notaires  qui  les  ont 
"  reçus;  le  nom  ,  furnom  &  qualité  du  prifonnier, 
J»  Si  ceux  de  la  partie  qui  aura  fait  faire  les  écrous 
»  &  recommandations  ,  avec  le  domicile  qui  aura 
>'  été  par  elle  élu  ». 

Il  eh  enjoint ,  par  l'article  24  de  l'arrêt  de  règle- 
ment de  1717,3  tous  les  huiiïiers ,  de  donner  eux- 
mêmes  ,  en  mains  propres ,  à  ceux  qu'ils  "  confli- 
»  tuent  prifonniers  ou  qu'ils  recommandent ,  des 
»  copies  lifibles  ,  en  bonne  forme  ,  de  leurs  écrous 
»>  &  recommandations,  à  l'effet  de  quoi ,  ajoute  le 
»»  même  article  ,  lefdits  prifonniers  feront  amenés 
j>  entre  les  deux  guichets,  en  préfence  defdits  gref- 
»  fiers  ou  geôliers  ,  qui  feront  tenus  d'en  mettre 
»  leur  certificat  fur  leur  regiîlre  ,  à  la  fin  de  chacun 
"  dtfdits  écrous  &  recomm.-rndations  ,  à  peine  d'in- 
yi'  ccrdi^icn  contre  les  huiffiers ,  pour  la  première 
«  fois ,  &  de  privation  de  leu'S  charges  pour  la 
■>■>  féconde  ;  &  contre  les  greffiers  &  geôliers ,  de 
j'  vingt  llv.  d'amende  pour  chacune  des  contraven- 
Y>  tions  ,  &  de  tous  dépens  dommages  &  intérêts  , 
»  même  de  plus  grande  peine  s'il  y  échet  ». 

C>es  précautions  font  bien  fages  ;  elles  ont  pour 
objet  d'éviter  k'S  méprifes  &.  les  prévarications  ; 
elles  empêchent  qu'un  citoyen  ,  viétime  du  rcffen- 
timent  d'un  huiiTier  ou  de  celui  qui  Tauroit  cor- 
rompu ,  ne  fe  trouve  arrêté  &  conduit  en  Prifon 
fans  un  ordre  légal.  Les  greffiers  &  concierges  de- 
viennent par  ce  moyen  juges  en  quelque  façon  de 
l'huiffier  ou  de  l'officier  qui  leur  amènent  un  pri- 
fonnier; ils  voient  fur  quel  fondement  ce  pr'ifbn- 
nrer'leur  eu.  livré,  &  en  vertu  de  quoi  il  eft  privé 
de  fa  liberté  ;  ils  font  certifier  la  vérité  des  pièces 
que  leur  produit  l'huiffier  ,  qui  s'expofe  à  des 
peines  très-graves  fi  fon  énoncé  eft  faux. 

La  copie  de  lécrou,  &  celle  de  la  fentence  ou  de 
l'arrêt  fur  lequel  il  porte,  délivrées  au  prifonnier, 
font  trés-eflentielles  ,  parce  qu'elles  le  mettent  à 
même  d'attaquer  le  jugement  rendu  contre  lui , 
s'il  efl  injufte ,  d'aâionner  celui  gui  l'a  furpris  ;  d'en 
obtenir  des  dommages  &  intérêts,  &  de  faire  niê- 
me  condamner  l'Iiuiilîer,  s'il  y  a  des  irrégularités 
dans  fa  procédure.  Tout  ce  qui  peut  amirer  la 
tranquillité  publique,  arrêter  i'oppreffion ,  intimi- 
der les  prévaricateurs,  ne  peut  être  trop  rigoureu- 
fement  maintenu. 

Des  lettres-patentes  du  6  février  17^3  ,  regif- 
trées  le  20  mars  fuivaut,  portent,  «  que  la  police 
M  générale  des  Prifons  appartiendra  aux  lieutenans 
»  généraux  des  fénéchauiTes  &  bailliages  royaux  , 
31  &  autres  premiers  juges  des  autres  jufiices  ordi- 
V  naires  du  reflbrt  des  cours ,  chacun  en  ce  qui 
5)  concerne  les  perfonnes  dépendantes  de  leur  ju- 
■>■)  ridiclion  ,  fous  quelque  dénomination  qu'ils  nient 
■)■)  été  créés ,  &  ce  privativement  aux  lieutenans 
»  criminels  ou  de  police  defdits  fiéges  ,  même  aux 
»  officiers  des  chambrés  des  comptes  ou  cours  à^ 


PRISON.  671 

r>  aides ,  des  éleélions,  grenier  à  Tel  &  autres  ju- 
»  ridiâions  ». 

Par  les  mêmes  lettres  patentes,  «  la  réception 
»  des  geôliers ,  des  greffiers  des  Prifons  ;  les  para- 
»  phes  des  regiftres  que  lefdits  geôliers  &  gfef- 
»  fiers  font  obligés  de  tenir,  conformément  aux 
»  articles  6  8c  9  de  l'ordonnance  de  1670,  titre 
»  13  ;  les  taxes  des  alimens,  appartiennent  au  lien- 
»  tenant  général ,  juge-mage  ou  autre  premier 
n  officier,  privativement  au  lieutenant  criminel, 
»  lequel  néanmoins  a  ,  ainfi  que  le  lieutenant  de 
»  police  &  les  autres  juges,  le  droit  de  faire  la 
»  vifite  particulière  des  prifonniers  dont  lescaufes 
M  ou  procès  font  pardevant  lui  ». 

L'arrêt  de  la  cour  du  25  juin  16^9,  rendu  po«r 
Chaumont  en  Baflîgny,  porte,  «  que  quoique  la 
»  police  des  Prifons  appartienne  au  lieutenant- 
>'  général,  néanmoins  s'il  fe  commet  quelque  crime 
»  ou  délit  dans  les  Prifons  par  les  geôliers  ou  gui- 
»  chetiers ,  la  connoiflance  en  appartiendra  au 
»  lieutenant  criminel». 

C'eil  aux  juges  qui  ont  la  police  des  Prifons  à 
faire  la  réception  des  geôliers  ,  des  greffiers  des 
Prifons;  ce  font  eux  qui  deivent  parapher,  fans 
frais ,  leurs  regiftres ,  fuivant  la  déclaration  du  6 
février  1753  ,  &  l'article  3  de  l'arrêt  du  1 1  feptem- 
bre  1717-  La  police  des  Prifons  appartient  au  lieu- 
tenant criminel,  &  enfuite  au  premier  officier  du 
fiège  ,  lorfque  le  lieutenant  général  eft  abfent. 

Il  y  a  des  abus  que  rien  ne  peut  détruire;  il 
exifle  des  défenfes  trés-exprcfles  d'exiger  de  ceux 
qui  arrivent  en  Prifon  ce  qu'on  nomme  une  bien- 
venue. L'article  14  du  titre  15  le  défend  fous  peine 
de  punition  exemplaire. 

L'article  8  de  l'arrêt  dérèglement  de  1717  s'ex- 
prime ainfi  :  «  Fait  défenfes  aux  Prévôt  &  autres 
n  anciens  prifonniers,  d'exiger  ou  de  prendre  au- 
»  cune  chofe  des  nouveaux  venus ,  en  argent,  vi- 
»  vres  ou  autrement ,  fous  prétexte  de  bien-venue , 
»  chandelle,  balais,  &  généralement ,  fous  quel- 
»  que  prétexte  que  ce  puiiTe  être ,  quand  même  il 
»  leur  feroit  volontairement  offert,  ni  de  cacher 
»  leurs  bardes  ou  de  les  maltraiter  ,  à  peine  d'être 
»  enfermés  dans  un  cachot  noir  pendant  quinze 
M  jours ,  &  d'être  mis  enfuite  dans  une  autre  cham- 
»  bre  ou  cabinet  que  celui  où  ils  étoient  prévôts, 
»  ou  même  de  punition  corporelle  ,  s'il  y  échet  ;  à 
»  l'effet  de  quoi  leur  procès  leur  fera  fait  &  parfait 
»  extraordinairement  ».  Qui  croiroit  que  malgré 
ces  défen'es  fi  fortes,  fi  réitérées  ,  l'abus  de  faire 
paver  ^^  hîe^-venue  à  un  miférable  qui  arrive  en 
Prifon  ,  fubfiAe  encore  ,  &  qu'il  court  le  rifque 
d'être  très-mal  traité  s'il  fe  refufe  à  cet  impôt  mis 
fur  le  malheur.' 

Le  vice  qui  règne  dans  la  conftru(flion  des  Pri- 
fons ,  le  défaut  de  gages  fuffifans  accordés  par  le 
roi  aux  concierges  ou  geôliers,  a  forcé  le  parle- 
ment d'autorifer,  par  fcs  arrêts  de  règlement  de 
171 7 ,  les  geôliers  à  percevoir  des  droits  d'une  coa- 


67i  PRÎSON. 

léqvience  trés-onéieiire  pour  le  prifonnîcr  qui  eft 
pauvre. 

Par  l'article  s  ,  il  recommande  «  aux  geôliers  de 
M  mettre  enCemble  les  prifonniers  d'houncte  condi- 
w  cian ,  &  d'obferver  que  chacun ,  fuivant  ion  anciea- 
I»  neté  ,  ait  la  chambre  ou  la  place  la  plus  conimo- 
j>  de.  Il  leur  fait  défenfes  de  recevoir  de  l'argein 
»  des  prifopiers  pour  les  mettre  dans  une  chambre 
»>  plutôt  que  dans  ^une  autre,  le  tout  à  peine  d^ 
j>  reflitution  du  quadruple  ,  de  deftitution  s  il  y 
M  échet  ». 

Il  n'y  a  rien  de  fi  équitable  ,  de  Ci  conforme  à 
rhuaianiié  que  cet  article  ;  mais  fon  eft'et  devient 
nul,  fi  le  prifbnnier  efl  fans  reflbiircc,  &  fi  Tes 
facuksls  pécuniaires  font  épuifces  ,  puifque  l'article 
12  du  même  règlement  autorife  le  geôlier  «  à 
»  exiger  de  ceux  qui  veulent  coucher  feuls  dans 
»  un  \\t ,  cini] /eus  par  jour  ,  trois  fous  de  ceux  qui 
17  coucheront  deux  ,  crois  livres  quii.i^e  fous  s'ils  veu- 
ji  lent  être  à  la  peafwn  du  geôlier  6*  avoir  une  chambre 
»  particulière  f  mime  quatre  livres  fi  la  chambre  ejï  à 
M  cheminée»;  &  que  l'article  i8  permet  auxdits 
geôliers  de  faire  p^Jpr  à  la  paille  les  prifoniers  de 
la  penfion  &  des  chambres,  huit  jours  après  qu  ils  fi- 
rent en  demeure  de  payer  leur  gire  6*  nourri:ure.  Alors  , 
quelles  que  foient  leur  condition,  leur  qualité,  leur 
ancienneté  ,  ils  fe  trouveront  donc  confondus  avec 
la  plus  mtprifable  canaille  ? 

Jjariicle  30  du  titre  13  dit  expreflement ,  «  que 
»  les  geôliers,  greffiers  des  geo'.es,  guichetiers, 
M  cnbaretiers  ou  autres,  ne  pourront  empêcher  Celar- 
"  ë.lf^'^^'-  ^^^  prifonniers  fOur  frais  ,  nourriture, 
31  f;i!e  ,  s^tolage  ,  ou  aucune  autre  dépende  )?. 

Cctte'défenfeell  fondée  fur  un  principe  d'équité: 
comme  le  défaut  do  payement  dts  frais  de  nourri- 
ture ,  de  gîte  ,  ôic.  n'emporteroit  pas  la  contrainte 
par  corps  ,  le  créancier  ne  peut  pas  ,  fous  le  pré- 
texte qu'il  ert  concierge  à\'.ne  Prifon  ,  èire  plus  fé- 
vére  pue  la  loi ,  Sc  fe  faire  une  julUce  plus  prcf- 
fanti  que  celle  qui  lui  fero't  accordée;  mais  il  peur, 
après  rélargiffcment  du  prifcnnicr  ,  exercer  fon 
aflion  contre  lui ,  ou  faire  ufage  de  (on  privilège 
fur  les  effets  qu'il  lai/Te  dans  la  Frifon. 

Les  prionnicrs  qui  ne  font  poir.t  enfermés  au 
fecret ,  peuver.t  fe  faire  apporter  de  dehors  les  vi- 
vres .  &  tout  ce  qui  peut  leur  être  néceiTaire  ,  mê- 
me un  meilleur  1  t  que  celui  de  la  prifon. 

On  n'a  pas  cm  devoir  accord.-r  cette  liberté  k 
ceux  qui  habitent  les  cachots,  parce  que,  devant 
s'attendre  à  un  ju^emerit  au  moins  flétriflant ,  il  (e- 
roit  à  crainJre  que  leurs  parens  ,  pour  s'éviter  le 
deshonneur  qui  s'étend  fur  la  famille  du  coupable  , 
lui  fifTent  porter  d-s  me-.s  empoifonnés ,  ou  que  les 
coupables  eux-mêmes  ne  s'en  procuraient.  La 
crainte  qu'on  a  aufTi  qu'ils  ne  mettent  le  feu  dans 
leur  Prifon  ou  qu'us  ne  s'étouffent  à  ùeireln  ,  les 
cxpofe  impitoy3bIemenr,  dans  rhiver,au  plus  grand 

frcid. 

Le  règlement  de  1717  ,  défend  aux  g-joliers-gm- 
ckctiers'de  br.tis  les  pnfcnni^rs.  Us  leur  anlvsî 


PRISON. 

néanniions ,  lorfqu'ils  en  trouvent  de  mutins  ,  de 
féditieux  ,  de  les  frapper  de  leurs  bitons ,  ou  d'en- 
voyer leurs  chiens  iur  eux;  mais  comme  ils  font 
ceniés  n'employer  ces  moyens  répréhenfibles  que 
lorfqu'ils  font  eux-mèmet  en  danger  &  pour  arrê- 
ter les  prifonniers,  on  ferme  les  yeux  fur  cette 
contravention. 

Au  farplus,  fi  les  prifonniers  éprouvent  de  la 
part  de  leur  gardien  de  mauvais  traiiemens  ;  s'ils 
n'en  reçoivent  pas  les  foins  que  les  réglemcns  Sc 
l'ordonnance  prefcrivent ,  tels  que  de  vi/iter ,  au 
moins  tous  Les  jours  une  fois  ,  ceux  qui  font  au  ca- 
chot ;  s'il  refufe  de  donner ,  aux  procureurs  du  roi 
ou  à  ceux  des  fcigneurs ,  avis  des  maJaditS  qui  peu- 
vent exiger  qu'ils  foient  translérés  dans  l'infirme- 
rie; enfin  ,  s'il  les  gène  plus  que  les  réglemens  ne 
le  permettent ,  ils  ont  la  faculté  de  porter  leur 
plainte  &  de  demander  juftice  aux  commiiTaires 
des  Prifons  ,  ou  au  lieutenant  général ,  qui  doivent 
faire  de  fréquentes  vifites  dans  les  Prifons ,  pour 
y  maintenir  le  bon  ordre  ,&  empêcher  les  vexa- 
tions &  les  oppreflions. 

On  n'a  pas  cru  devoir  tenir  rigoureufement  la 
main  à  l'article  7  du  règlement  de  1717,  qui  fait 
défenfes  «  aux  geôliers  &  guichetiers  ,  à  peine  de 
)»  dellituiion  ,  de  laitier  entrer  dans  les  Prifons 
»  aucune  femme  ou  fille,  autre  que  les  mères, 
»  femmes  ,  filles  ou  fœurs  des  prifonniers  ;  lef- 
}>  quelles  même  ,  d'après  l'article  que  nous  citons  , 
»  ne  pourroient  leur  ptrler  dans  leur  chambre, 
)>  même  dans  la  chambre  de  la  penfion  ,  mais  feu- 
)»  lement  dans  le  préau,  ou  dans  la  cour  en  pré- 
)»  fence  du  guichetier  ,  à  l'exception  des  femmes 
»  des  prifonniers  ". 

Tous  les  jours  les  prifonniers  reçoivent  dans 
leurs  chambres  les  femmes  qui  vont  les  vifiter,  8c 
on  ne  s'informe  pas  à  quel  degré  elles  leur  font 
parentes ,  &  même  fi  elles  le  font. 

Mais  l'article  6  dji  règlement  qui  veut  que  les 
filles  &  femmes  prifonniêres  foient  mifes  dans  des 
chambres  féparées  &  éloignées  de  celles  des  hom- 
mes ,  Si  qu'elles  ne  pui/Tent  aller  fur  le  préau  qu'à 
une  certaine  heure  oîi  les  hommes  font  renfermés  , 
s'exécute  littéralement  ;  s'il  en  étoit  autrement ,  la 
Prifon  deviendroit  un  lieu  de  débauche  épouvan- 
table. On  permet  quelquefois  au  mari  &  à  la  fem- 
me qui  font  renfermés  dans  la  n;ême  Prifon  ,  pour 
un  crime  qui  n'ert  pas  capital ,  ou  pour  dette,  d'ha- 
biter la  même  chambre.  Il  feroit  peut-être  à  defirer 
qu'on  ne  tolérât  pas  ,  autant  qu'on  le  fait ,  l'excès 
avec  lequel  les  prifonniers  prennent  le  vin  qu'on 
leur  vend  ;  mais  l'avidité  des  cabaretiers  trouveroit 
toujours  le  moyen  de  pafitr  par  defTus  les  bornes 
qu'on  leur  a  prefcrites  :  lorfque  la  palTion  &  l'inté- 
rér  font  d'accord  pour  tromper  la  loi ,  il  eA  bien 
difficile  qu'elle  ne  foit  pas  éludée. 

Ce  n'en  pas  afTcz  de  veiller  à  ce  qi:e  le  prifon» 
nier  ne  fouftre  aucun  dom.moge  dans  fa  Prilon ,  il 
faut  auiTi  veillçr  à  ce  qu'il  n'en  h((i  aucun;  c'efl 

par 


PRISON. 

jpar  cette  mifon  que  ,  fur  la  requête  de  M.  le  procu- 
reur général ,  le  23  décembre  1732.  ,  il  a  éré  enjoint 
aux  prifonniers  de  Paris  «  de  le  comporter  fage- 
»  ment  ;  qu'il  leur  a  été  fait  défenfes  de  couper  Si. 
»>  de  déchirer  les  couvertures ,  matelas,  traverfins 
»  &  paillaffes ,  pour  les  appliquer  à  leurs  vête- 
J>  mens  ou  befoins  particuliers  ;  même  de  call'er 
»  les  piliers  &  planches  de  leurs  lits,  les  tables  & 
«  autres  meubles  des  Prifons  ,  &  de  les  brûler  ,  à 
r>  peine  d'être  mis  ,  pour  un  mois  au  cachot  pour 
n  la  première  contravention,  &  ,  en  cas  de  réci- 
r>  dive  ,  d'être  au  ca.rca.n  fur  le  préau  des  Prifons  pen- 
V  dant  deux  heures,  &  enfuite  remis  au  cachot , 
>»  pour  y  refter  enfermés  pendant  tout  le  temps 
»   qu'ils  refteront  yrifonnier'. 

Quelqu'affteufe  que  puifîe  être  la  (Ituation  d'un 
pril'onnier ,  quelque  puiflant  que  foit  le  motif  qu'il 
a  d'en  fortir,  il  ne  lui  efl  pas  permis  de  briferfa 
captivité  ,  &  d'employer  la  force  pour  recouvrer  fa 
liberté.  Il   a  été  rendu  &  publié  un  arrêt  du  parle- 
ïiient ,  le  4  mars  1608  ,  dont  le  prononcé  eft  d'une 
sévérité  capable  de  contenir  ceux  qui  auroient  le 
projet  de  sévader.  Nous  allons  le  rapporter  :  u  Sur 
»>  la  plainte  faite  par  le  procureur  général  du  roi , 
»  que    les  prifonniers  détenus  en  la  conciergerie 
»  attentoient  jour  &  nuit ,  par  effradlion  des  portes 
«   Si  des  murailles  ci  autres  voies  illicites,  pour 
»»  s'évader  des  Prifons,  &  fe  trouvoient  garnis  à 
»  cet  efiet  de  plufiours  inflrnmens  &   ferremens 
»>  propres  à  ce  ;  &  outre  qu'ils  outragoient  les  uns 
»  &  les  autres  ,  ils  poulToient  leur  infolence  juf- 
»  qii  à  battre  ceux  qui  alloient  vifiter  aucuns  d'eux , 
»>  avec  tel  excès  ,  qu'il  s'en  trouve  en  danger  de 
«  leurs   perfonnes  ,  à  quoi  il  a  requis  être  pourvu, 
j»  La  matière  mife  en  délibération  ,  la  cour  a  fait  ck 
>j  fait  inîiibitions   Si  défenfes  à  tous    prifonniers 
j»  d'attenter  fortir  des  Prifons  par  efcalade,  effrac- 
II  tion  ou  autre  voie  illicite  ,  en  quelque  forte  que 
>»  ce  foit,  &  à  toutes  perfonnes  de  leur  bailler  ou 
II  porter  aucuns  ferremens  &  inftrumens  propres 
i>  à   f'.ire  effraction,  Uur  aider  &  afTifler  à  évader 
i>  defdites  Prifons  ,  fur  peine  d'icre  aiieints  &  con 
j>  vain -US  de  crime  capital.  Enjoint  aux  geôliers  de 
>»   faire  exaâe  vifite  par  chacun  iour,  des  lits  ,  pail- 
j>  laflés  &  coffres  des  prifonniers  ,  &  aux  prifon- 
H  nicrs  de  fouffrir  leldites  vifites  fans  y  faire  réfif- 
3>  tance  ,  ni  entreprendre  fur  le  concierge,  fes  gens 
j>   &    guichetiers  ;   &  en  cas   qu  aucuns  prifonniers 
«  foient  furpris  faifant    eff^raBion  aux   murailles  ou 
)»  portas  ,  feront  pendus  ,  fans  autre  forme  ni  figure 
Ti   de  p'oces  .,  à   U':e  potence  cjui  ,  pour  cet  effet  ,  fera 
5)  plantée  au   milieu  du  préau  de  la  conciergerie.  Fait 
?>  défenfe  nuxdits  prifonniers  de  fe  battre  ni  s'ou- 
»  trager  les  tms  les  autres  ,  ni  ceux  qui  viendront 
X)  en  ladite  conciergerie,  ni  même  extorquer /«zf/j- 
»  venue  d:s  prifo  niers  nouvellement  amenés  efdites 
«  Prifons  ,  fous  peine  du  fouet ,  &  de  plus  grande  , 
5»  s'il  y  échet  ». 

Le  crime  de  bris  de  Prifon  efl  fi  grave  ,  que  lorf- 
qu'un  accufi  qui  a  voulu  s'évader  eft  repris,  Le  juge 
lQ:nt  XIIL 


PRISON.  6r, 

doit  informer  fur  ce  crime,  indépendatriment  de 
la  première  information  relative  a  l'emprifonne- 
ment  de  l'accufé.  Par  arrêt  du  parlement  de  Paris  , 
du  14  aoiit  1736  ,  la  procédure  du  juge  de  la  ville 
d'Eu  fut  déclarée  nulle  ,  pour  n'avoir  pas  inftruit 
le  crime  de  bris  de  F  ri/on  par  information  ,  comme 
les  autres  crimes,  &  s'être  contenté  d'interroger 
l'accufé  fur  ce  délit ,  fans  avoir  fait  une  inflruflion 
entière.  Voyez  le  traité  des  matières  criminelles  > 
par  la  Combe,  3"  partie  ,  chap.  10. 

Il  faudroit  pourtant  diftinguerla  manière  dont  le 
prifonnier  fe  feroit  évadé,  &  s'il  étoit retenu  pour 
dette  ou  pour  crime.  Un  prifonnier  qui  verroit  la 
porte  de  fa  prifon  ouverte  ,  &  profiteroit  de  la  né- 
gligence du  geôlier  pour  recouvrer  fa  lil>erté  ,  fe- 
roit trop  excufable  d'avoir  fuivi  le  premier  mouve- 
ment de  la  nature  ,  pour  devoir  être  puni  ;  mais  fi , 
retenu  pour  crime,  il  corrompoit  le  geôlier,  8c 
parvenoit  à  le  déterminer  à  fe  fauver  avec  lui  » 
dans  le  cas  où  ils  viendroient  à  être  repris  ,  tous 
deux  courrolent  rifque  d'être  punis  de  mort. 

Nous  ne  devons  pas  diffimuler  qu'on  fe  relâche 
beaucoup  de  la  rigueur  de  cette  junfprudence  cri- 
minelle ,  &  que ,  comme  de  tous  les  délits  ,  le  plus 
excufable  eft  celui  qui  a  pour  objet  de  fouflraire 
fa  perfonne  au  fupplice  ou  à  l'infamie,  il  arrive 
très- rarement  que  le  parlement  fafle  le  procès  à 
ceux  qui  s'en  font  rendus  coupables.  Il  fe  pafle 
peu  d'années  fans  que  quelque  prifonnier  ne  s'é- 
chappe de  la  conciergerie.  On  vérifie  les  moyens 
qu'ils  ont ,  dit-on  ,  employés  poar  s'enfuir  ;  on 
oppofe  de  nouveaux  obfiacles  à  ceux  qui  pourroient 
en  ufer,  &  on   finit  pat  oublier  le  fugitif. 

Lorfque  le  débiteur  retenu  pour  dette  s'évade 
par  l'inattention  du  guichetier,  le  geôlier  ,  qui  ré- 
pond de  ceux  qu'il  employé ,  efl  expofé  à  être 
pourfuivi  par  les  créanciers,  qui  peuvent  demander 
&  obtenir  la  contrainte  par  corps  contre  le  gardien 
infidèle  ou  négligent,  qui  étoit  dépofitaire  de  leur 

Si ,  au  oontraire  ,  le  prifonnier  trouve  le  moyen 
de  s'enfuir  j  foit  à  l'aide  d'échelles  de  corde,  foit 
en  faifant  une  ouverture  dans  le  mur,  enfin,  de 
manière  qu'on  ne  puiffe  convaincre  le  geôlier  de 
dol  ou  de  négligence  ,  il  eft  à  l'abri  de  toutes  pour- 
fuites  ,  foit  de  la  part  de  la  jufiice  ,  foit  de  la  pare 
des  créanciers.  S'il  en  étoit  autrement ,  il  ne  feroit 
pas  poflible  de  trouver  des  hommes  allez  impru- 
dens  pour  fe  charger  de  la  garde  des  prifonniers. 

Le  prifonnier,  tant  qu'il  efi  dans  fa  Prifon  ,  c'e/l- 
à-dire  au  milieu  de  la  gêne  &  de  l'horreur  de  la 
captivité,  ne  peut  contraéler  aucun  engagement 
qui  lui  foit  onéreux,  parce  que  le  premier  caraâère 
d'uîi  afle,  la  condition  la  plus  elfentielle  à  fa  vali- 
dité ,  c'efi  la  liberté  ,  &  qu'on  peut  croire  que  celui 
qui  a  contraâé  telle  ou  telle  obligation  ne  l'aurolt 
pas  foufcrite  s'il  eût  été  libre  ,  &  qu'il  y  a  acquief- 
cé  ,  foit  dans  la  crainte  de  prolonger  ,  par  foB 
refus  ,  fa  captivité  ,  foii  dans  l'efpérajïce  d'y  met-, 
tre  fin. 

Qqqg 


674 


PRISON. 


Mais  comme  H  eft  néanmoins  de  l'iiuérit  du 
prifonnier  qu'il  puifle  fe  concilier  avec  fes  créan- 
ciers ,  faire  des  arrangemens  avec  eux  ,  ou  con- 
tra(fler  avec  d'autres  préteurs  ,  pour  fe  procurer  les 
moyens  de  faire  ceHer  fon  cmprifonnement ,  on  a 
fixé  dans  les  Prifons  un  lieu  où  il  lui  eft  pofiible 
de  foufcrire  un  engagement  valable;  c'eft  celui  qui 
fépare  les  deux  guichets.  Le  prifonnier  cft-là  con- 
iidéré  comme  libre  ;  néanmoins  le  mérite  de 
l'aile  foufcrit  dans  ce  prétendu  lieu  de  liberté  , 
dépend  beaucoup  du  fond  &  des  conditions  qui  y 
font  inférées.  On  examine  donc  s'il  efi  préjudicia- 
ble au  prifonnier  ;  s'il  eft  tel  qu'il  ne  l'eût  pas  paflc 
étant  libre,  on  le  déclare  nul  :  mais  fi  au  contraire 
le  prifonnier  n'a  fait  entre  les  deux  gtnchets  que  ce 
qu'il  auroit  pu  ou  dû  faire  hors  des  Prifons ,  on  dé- 
clare l'afle  valable. 

Le  parlement  de  Paris,  par  arrêt  rendu  à  la 
tournelle  le  i  juin  17 14,  a  admis  deux  particuliers 
au  bénéfice  de  reflitution  contre  une  tranfadion 
pafTéc  entre  deux  guichets  fur  une  accufation  de 
banqueroute  frauduleufe,  parce  qu'il  y  avoit  tout 
lieu  de  préûmier  que  les  prifonniers  n'avoient  ac- 
quiefcé  aux  conditions  énoncées  dans  la  tranfac- 
tion  ,  que  par  le  defir  de  recouvrer  la  liberté  ,  fi 
chère  à  l'homme,  &  pour  laquelle  les  facrificcs  ne 
lui   coûtent  rien. 

Auffi  tôt  que  le  jugement  qui  met  fin  nu  procès 
d'un  accufé  ,  a  été  rendu  ,  on  doit  le  lui  lire  ,  parce 
que  ,  s'il  eft  reconnu  innocent ,  il  y  auroit  une 
injuftice  criante  à  le  retenir  un  inftant  de  plus  que 
la  loi  ne  le  veut  ;  s'il  eft  condamné  à  une  peine  pé- 
cuniaire par  forme  de  dédommagement  ,  il  ne  faut 
pas  ,  dans  le  cas  où  il  pourroit  s'aquitter  fur  le 
ch-imp  ,  que  la  négligence  du  greffier  ajoute  à  fa 
peine  pécuniaire  celle  de  la  prolongation  de  fa 
captivité.  C'eft  conformément  à  ces  fages  confidé- 
rations  que  l'article  29  du  titre  12  de  l'ordonnance 
de  1670  s'exprime  ainfi  :  u  Tous  greffiers,  même 
w  de  nos  cours  ,  &  ceux  des  feigneurs,  feront  tenus 
»  de  prononcer  aux  accufés  les  arrêts  ,  féntences  6c 
î>  jugemensd'abfolution  ou  délargiifement/e  même 
3)  jour  qu'ils  auront  été  rendus  ,  &  s'il  n'y  a  point 
»  d'appel  par  nos  procureurs  ou  ceux  des  feigneurs 
»  dans  les  vingt-quatre  heures  y  mettre  les  accufés 
}j  hors  des  Prifons  ,  &  l'écrire  fur  le  regiftre  de  la 
5>  geôle  ,  comme  aufti  ceux  qui  n'auront  été  con- 
3)  damnés  qu'en  des  peines  §c  réparations  pécu- 
»  niaires  ,  en  confignant,  es  mains  du  greffier,  les 
3>  fommss  adjugées  pour  amendes  ,  aumône  &  in- 
j>  téréts  civils  ,  fans  que  ,  faute  de  payement  d'épi- 
»  ces  ,  ou  d'avoir  levé  les  arrêts  ,  féntences  &  ju- 
î>  gemens ,  les  prononciations  ou  élargiffemens 
»>  puifTent  être  différés,  à  peine  ,  contre  le  greffier  ^ 
»  d'interdiflion  ,  de  trois  cents  livres  d'amende  , 
î)  dépens  ,  dommages  &  intérêts  des  parties  n. 

Les  prifonniers  accufés  de  crime,  dont  le  procès 
cft  jugé  ,  ne  peuvent  être  mis  hors  de  Prifon  ,  lorf- 
qu'il  y  a  eu  des  çQnçluùofii  contr'eiu  qui  tendoient 


PRISON. 

à  une  peine  corporelle  ou  in_^amante  ,  6»  ^u'il  y  a  ap» 
pel  à  minimâ. 

Il  eft  défendu  aux  geôliers  de  mettre  en  liberté 
un  prifonnier  décrété  ,  même  fur  le  confcntemeiit 
de  la  partie  civile  &  du  procureur  général  ,  ou  du 
procureur  du  roi  ,  fi  le  juge  ne  l'a  ordonné. 

Lorfqu'un  prifonnier  doit  être  transféré  de  la 
Prifon  de  la  juridiction  où  il  a  été  jugé  ,  dans  une 
autre  où  reflbrtit  l'appel ,  il  doit  être  mené  avec 
une  efcorte  fuffifante ,  &  tou]ouYS  entre  deux  fo- 
leils  ,  pour  éviter  les  furprifes  &  les  complots 
noflurnes. 

Un  arrêt  imprimé  ,  rendu  en  forme  de  réglemeiît 
le  20  mars  1690,  &  dont  la  publication  a  été  or- 
donnée dans  les  bailliages  &  fênéchauffées  du  ref- 
fort  du  parlement  de  Paris  ,  enioint  «  au  conduc- 
»  teur  de  la  meffagerie  de  Niort  à  Paris,  lorfqu'il 
»  fera  chargé  de  la  conduite  des  prifonniers  ,  de 
"  les  mener  avec  une  efcorte  ftiffiiante  ,  &  de 
"  marcher  entre  deux  foleils  ,  à  peine  d'en  rê- 
»  pondre  ». 

Ce  même  arrêt  a  encore  ordonné  «  que  les  mef- 
»  fagcrs  &  autres  conduéleurs  de  prifonniers ,  qui 
"  mèneront  des  prifonniers-  à  la  conciergerie  du 
>»  palais,  prendront  leur  décharge  at!  greffe  de  la 
»  geôle  de  ladite  conciergerie,  pour  !a  remettre 
"  dans  le  mois  ,  es  mains  des  greffiers  des  fiéges  & 
))  juridiêtions  des  Prifons,  defquelles  lefdits  pri- 
»  ionniers  auront  été  transférés  ,  &  que  ceux  qui 
"  tranfèrercnt  des  prifonniers  des  Pi  ifons  de  ladite 
•>■>  conciergerie  en  celles  d'autres  fiéges ,  s'en  char- 
«  geront  fur  le  regiftre  de  la  geôle  de  ladite  con- 
»  ciergerie,  &  feront  tenus  de  rapporter  dans  le 
ti  mois  ,  au  greffe  de  ladite  geôle,  un  certificat  des 
T>  geôliers  àcs  Pnfons  dcfdits  fiéges  ,  vifé  par  le 
»  juge  de  la  Prifon  ,  &  le  fubftitut  du  procureur 
»  général  ou  le  procureur  fîfcal ,  failant  mention 
n  du  jour  que  les  piifonniers  auront  été  amenés  en 
»  leur  Prifon  ,  pour  être  ledit  certificat  remis  es 
w  mains  dudit  procureur  général  du  roi,  à  peine 
n  de  cinq  cents  livres  d'amende  ».  Toutes  les  dif- 
pofitions  de  cet  arrêt  ont  été  confirmées  par  un 
autre  du  17  août  1747,  qui  eft  rapporté  dans  le 
recueil  chronologique  de  JoufTe. 

On  trouve  aufu  dans  le  recueil  des  réglemens  de 
juflice ,  tome  2  ,  un  autre  arrêt  de  règlement  du  26 
août  1704  ,  qui  ordonne  «  que  lorfque  les  prifon- 
))  niers  feront  transférés  des  Prifons  des  fiéges  & 
»  juridiéfions  du  refïbrt  de  la  cour  en  celles  de  la 
jj  conciergerie  du  palais,  les  fubftiturs  du  procu- 
»  reur  général  &  les  procureurs  fifcaux  feront  te- 
1-)  nus  d'envoyer  audit  procureur  gr  n.'ral  ,  copie  de 
))  l'aflc  par  lequel  les  conduêleurs  des  prifonniers 
»  s'en  feront  chargés  ,  contenant  les  noms  ,  qua- 
II  lités  &  demeures  des  prifonniers  &  des  conàiic- 
»  teurs ,  le  jour  de  leur  départ ,  &  ce  dans  le  jour 
»  dudit  départ,  &  p:tr  une  autre  voie  <jue  ClU  des 
»  conduâeurs ,  à  peine ,  par  lefdits  fubflituts  & 
»  procureurs  fifcaux  ,  d'en  répondre  en  leur  poprc 
})  &  privé  nom  ». 


PRISON. 

Le  but  de  ces  arrêts  cft  d'alTurer  la  marche  cies 
pri'.'onniers  ,  &  d'empêcher  que  leurs  guides  ne 
piiilTent ,  à  leur  gré,  la  retarder  &  les  retenir  plus 
qu'il  n'efl  iiéceflaire  dans  les  endroits  par  leiquels 
ils  doivent  pafler. 

Par  un  arrêt  rendu  le  9  août  1734  ,  fur  la  réqui- 
fuion  desfeiniiers  des  coches  &  mejfjgiries  du  royjume, 
la  cour  »  a  maintenu  lefdits  t'erniiers  &.  leurs  pré- 
"  pofés  dans  le  droit  de  fe  charger  ,  à  l'exclufion 
»  de  tous  autres,  de  tous  les  prifonniers  qui  fe 
3)  trouveroient  dans  l'étendue  du  département  de 
y>  leurs  meflageries ,  &  dont  la  tranflation  devroit 
3'  être  faite  dans  la  conciergerie  &  ailleurs ,  ainfi 
»  que  les  procès  civils  Se  criminels  dont  le  tranl- 
3>  port  feroit  ordonné  j?. 

Le  même  arrêt  fait  défenfes  «  à  tous  greffiers  , 
»  tant  de  la  conciergerie  qu'autres,  de  délivrer  au- 
»  cun  prifonnier  ou  procès  ou  donner  aucune  dé- 
«  charge,  aucun  exécutoire,  qu'auxdits  fermiers 
î»  ou  prépofcs  ,  fous  les  peines  portées  par  les  édits 
>»  &  arrêts  ». 

Lorfqu'un  prifonnier  eft  une  fois  arrêté,  il  faut 
qu'il  refle  à  demeure  dans  fa  Prifon  ;  l'ordonnance 
défend  ,  fous  peine  de  galères ,  aux  geôliers  de  laif- 
lér  vaguer  les  prifonniers,  c'eft-à-dire,  errer  de- 
hors ,  quand  même  ///  les  accompagneraient  :  il  eft 
pourtant  quelquefois  arrivé  de  permettre  à  des  pri- 
fonniers malades  un  élarginement  momentanée,  & 
fous  une  bonne  garde;  mais  cela  arrive  très-rare- 
inent  :  il  y  a  un  arrêt  rendu  le  10  janvier  1730  ,  fur 
le  réquifitoire  de  meff-eurs  les  gens  du  roi ,  qui  or- 
donne «  qu'aucun  prifonnier ,  détenu  même  pour 
»  dettes  civiles ,  ne  pourra  être  mis  hors  des  Prifons 
9>  à  la  garde  d'un  huiffier  ou  autre,  fous  qu^juc 
w  prétexte  que  ce  foii ,  (i  ce  n'eft  dans  le  cas  de  quel- 
»  que  procédure  ou  afle  où  la  préfence  du  pri- 
y>  fonnier  feroit  néceffaire  ,  &  qui  ne  pourroit 
9)  fe  faire  dans  la  Prifon  ,  pour  raifon  de  quoi 
y»  pourra  être  ordonné  que  le  prifonnier  fera  con- 
3>  duit  fur  le  lieu  ,  fous  bonne  &  sûre  garde  ,  à  la 
V)  chargée  de  le  réintégrer  dans  les  Prifons  chaque 
3»  jour ,  fans  qu'il  puifTe  féjourner  hors  des  Prifons  , 
»  s'il  y  en  a  dans  le  lieu  ,  fmon  dîtenu  fous  bonne 
a»  &  sûre  garde  ». 

Le  parlement  fe  relâcha  de  la  févérité  de  cet  arrêt 
l'année  fuivante.  Un  particulier  décrété  &  empri- 
fonné,  fur  les  effets  duquel  le  fcellé  étoit  appofé  , 
prétendit  que  le  gardien  diffipoit  ces  mêmes  effets , 
&  demanda  à  la  cour  qu'il  lui  fût  permis  de  fe 
tranfporter  ,  fous  la  garde  d'un  huiffier  ,  non  feule- 
ment dans  la  maifon  ,  mais  par-tout  où  befoin  fe- 
roit, pour  faifir  &  revendiquer  fes  effets. 

La  caufe  ayant  été  mife  au  rôle  ,  &  perfonne  ne 
paroiffant  pour  la  partie  civile ,  M.  l'avocat  général , 
après  avoir  obfervé  que  le  règlement  du  10  janvier 
1730  ,  fembloit  s'oppoTer  à  la  demande  du  prifon- 
nier ,  finit  par  dire  ,  que  puifque  perfonne  ne  com- 
battoit  cette  deman'ie  ,  qui  paroiffoit  fondée  ,  il  ne 
croyoit  pas  devoir  s'y  oppofer ,   pourvu  que  le 


PRISON. 


67T 


prifonnier  fût  tous  les  foirs  réintégré  dans  les  Prr 
ions. 

La  cour,  par  arrêt  rendu  le  10  février  1731  , 
donna  défaut  fur  la  demande  du  prifonnier  ,  l'ar- 
rêt étoit  conçu  en  ces  termes  :  «  Lui  a  permis 
»  de  fortir  des  Prifons  à  la  garde  d'un  huiffier 
»  de  la  cour  ,  pour  être  transféré  dans  les  lieux 
»  où  font  fes  effets,  pour  les  revendiquer,  à  la 
n  charge  qu'il  fera  réintégré  tous  les  foirs  dans  les 
M  Prifons  du  lieu  où  il  fe  trouvera  ;  à  le  recevoir 
>;  tous  geôliers  contraints;  leur  enjoint  de  le  laiffer 
»  fortir  le  matin  ,  accompagné  de  l'huiffier  à  la 
»  garde  duquel  il  fera  commis  ». 

Enfin  ,  ce  qui  prouve  que  l'humanité  &  les  cas 
particuliers  doivent  l'emporter  fur  la  rigueur  des 
réglemens  ,  c'efl  qu'en  1762,  on  préfenia  à  l'au- 
dience la  que/lion  de  favoirfi  un  prifonnier  pour 
dettes  ,  attaqué  de  maladies  auxquelles  le  fejour 
des  Prifons  pouvoit  être  fatal,  étoit  recevable  à 
demander  fa  liberté  ,  pour  fe  faire  traiter  chea 
lui ,  en  donnant  caution  de  fe  réintégrer  après  fa 
guéri  fon. 

M.  Séguier  ,  qui  portoit  la  parole  dans  cette 
caufe  ,  exposa  que  la  maladie  étant  certaine  6c 
prouvée  par  l'atteffation  des  médecins,  la  liberté 
ne  pouvoit  être  refufée  au  malade,  &  que  puifque 
les  feptuagénaires  iont  déchargés  de  la  contrainte 
par  corps ,  par  la  raifon  que  les  infirmités  de  leur 
âge  ne  leur  permettent  pas  de  fupporter  la  Prifçn  , 
l'humanité  demandoit  la  même  indulgence  pour 
les  prifonniers  malades  ,  auxquels  la  Prifon  pou- 
voit donner  la  mort.  Il  alloit  jufqu'à  dire,  que 
puifque  le  prifonnier  dont  il  s'agiffoit  avoit  offert 
de  donner  caution  ,  il  croit  naturel  de  l'y  affujeitir; 
myis,  que  quand  il  n'auroit  pas  fait  de  femblables 
offres ,  fa  liberté  ne  pourroit  lui  être  refufée  dans 
l'état  de  maladie  où  il  fe  trouvoit ,  parce  que  la 
confervation  d'un  citoyen  ,  &  de  la  poftérité  qui 
pouvoit  en  fortir ,  demandoit  qu'on  employât  tous 
les  moyens  en  fa  faveur,  &  étoit  préférable  à  des 
intérêts  particuliers.  D'après  ces  touchantes  confi- 
dérations ,  l'arrêt  rendu  le  12  juin  1762,  accorda 
la  liberté  au  prifonnier ,  en  donnant  la  caution  qu'il 
avoit  offerte. 

Le  créancier  eft  auffi  le  maître  d'accorder  à  foti 
débiteur  la  faculté  de  fortir  ,  pour  un  certain  temps, 
de  fa  Prifon ,  à  la  condition  d'y  rentrer  de  lui- 
même  ,dans  le  cas  où ,  le  délai  expiré  ,  il  ne  l'auroit 
pas  payé.  Cela  eft  récemment  arrivé.  Un  des  troi$ 
officiers  condamnés  à  payer  ,  par  forme  de  répara- 
tion &  de  dommages  ,  quatre-vingt  mille  francs  au 
fieur  Damade  ,  &.  à  garder  Prifon  jufqu'au  paye- 
ment de  cette  fomme  ,  s'étant  trouvé  très  malade , 
ik  foupirant  après  l'air  libre  de  la  canipagne  ,  fit 
demander  au  fieur  Damade  la  liberté  de  fortir  un 
mois  de  la  conciergerie  ,  fous  la  caution  de  fon  dé- 
f  jiifeur  &.  d'un  magiftrat  ;  le  fieur  Damade  y  ayant 
confenti  ,  le  prifonnier  furtit  &  revint  au  bout  du 
mois  rendre  fa  perfonne  à  {or\  créancier,  &  délier 
fes  cautions  de  leur  engagement. 

Q  q  q  q  jj 


€-](> 


PRISON. 


Les  paroles  de  M.  l'avocat  général  Scguier  ,  qtie 
nous  venons  de  rapporter  relativement  à  la  de- 
mande du  malade  qui  obtint  de  fe  faire  transférer 
chez  lui  pour  fa  guérifon  ,  nous  difpenfent  de  par- 
ler de  cette  louable  difpofition  de  la  loi ,  qui  ouvre 
au  prifonnier  feptuagénaire  les  portes  de  fa  prifon  , 
&  met  fa  perfonne  à  couvert  des  atteintes  qu'on 
■youdroit  porter  à  fa  liberté.  On  n'a  pas  voulu  que 
la  vieillefle  infirme  &  débile  eût  encore  pour  fur- 
croît  de  maux  l'affliflion  d'être  dans  les  fers  ,  8c  que 
le  peu  de  jours  qui  lui  revoient  à  exiiler  s'écoulaf- 
fent  dans  la  captivité  :  mais  cette  difpofition  favo- 
rable ne  s'applique  qu'au  prifonnier  pour  dettes  ; 
car  fi  un  centenaire  pouvoit  commettre  un  homi- 
cide ,  la  jufticc  enchaîneroit  fon  bras  meurtrier,  & 
couperoit  de  fon  glaive  la  trame  de  fes  vieux  jours  , 
qu'il  auroit  fouillés  par  le  crime. 

Les  prifonniers  pour  dettes,  qui ,  par  leur  mi- 
sère ,  font  dans  l'impoiïibilité  de  s'acquitter  ,  peu- 
vent ,  malgré  l'état  déplorable  de  leurs  affaires  ,  fe 
livrer  à  l'etpérance  de  fortir  de  Prifon.  Il  y  a  ,  à 
Paris  fur-tout ,  des  perfonnes  charitables,  qui  pen- 
fent,  avec  raifon  ,  qu'une  des  meilleures  œuvres 
dont  ils  puiffent  s'occuper  ,  c'eft  de  rendre  la  liberté 
aux  prifonniers  ,  qui  font  des  hommes  perdus  pour 
l'état ,  &  pour  leur  famille,  tant  que  leur  infortune 
les  condamne  à  l'inaé^ion.  Ces  gens  fecourables  , 
■foit  de  leur  propre  argent,  foit  du  produit  de  leur 
quête,  forment  ce  qu'on  appelle  un  fonds  de  cha- 
rité,  qui  fert  à  la  délivrance  des  prifonniers  i  & 
pour  que  ce  fonds  s'épuife  moins  vite  &  tourne  au 
profit  d'un  plus  grand  nombre  de  malheureux ,  le 
parlement  de  Paris  tient ,  aux  grandes  fêtes  de 
l'année  ,  fes  féances  dans  les  différentes  Prifons  de 
cette  ville.  Le  prifonnier  que  la  charité  veut  bien 
fscourir,  n'a  befoin  alors  que  de  faire  l'offre  du 
tiers  de  la  fomme  pour  laquelle  il  efl  retenu  ,  avec 
une  caution  pour  le  furpliiS  ,  &  il  obtient  fa  liberté. 
Mais  comme  il  pourroit  arriver  qu'un  débiteur  de 
mauvaife  foi  offrît  de  fes  propres  deniers  le  tiers 
de  fa  dette  pour  fortir  de  Prifon  ,  on  exige  ,  pour 
prévenir  cet  abus  ,  que  le  prifonnier  prélénte  un 
certificat  du  geôlier  ,  qui  attefle  que  c'cff  véritable- 
ment des  deniers  de  charité  que  provient  l'oflre 
qu'il  fait. 

Lorfque  x'eft  la  bonté  du  monarque  ou  celle  de 
la  reine  qui  vient  au  fecours  de  fes  fujets  captifs , 
au  lieu  du  tiers,  le  quart  fiiffit  pour  les  délivrer  ,  & 
en  n  exige  pas  de  caution  po':r  le  jurplus.  Cette  diffé- 
rence eff  établie  pour  donner  plus  d'effet  &  un  plus 
libre  cours  à  la  bienfaifance  royale. 

Le  débiteur  qui  fort  en  offrant  un  tiers,  n'eft  pas, 
comme  on  le  voit,  quitte  envers  fon  créancier  , 
puifqu'il  eft  tenu  de  lui  donner  une  bonne  caution 
pour  le  furplus.  Nous  ne  fommes  pas  affurés  que 
dans  les  Prifons  des  autres  parlemens  il  exi/fe,  en 
faveur  des  prifonniers  pour  dettes ,  les  mêmes  fe- 
cours  ;  mais  ils  ne  peuvent  être  trop  multipliés, 
lorfqu'ils  ne  s'étendent  que  fur  de  pauvies  débi- 
teurs  qui  languiroient  éterncUeoient  en  Prifon  , 


PRISON. 

fans  cet  effet  falutaire  de  la  bienfalfance  humaine; 
Il  étoit  d'ufage  chez  les  Romains ,  à  certaines 
fêtes  folemnelles,  de  rendre  la  liberté  aux  prifon- 
niers. Nous  avons  quelque  temps  imité  ce  grand 
exemple  d'indulgence  ;  mais  il  encourageoit  la  mau- 
vaife  foi  des  débiteurs,  &  donnoit  aux  criminels  le 
dangereux  efpoir  de  l'impunité.  Cen'eff  plus  qu'aux 
facres  des  rois  que  cette  faveur  s'étend  fur  les  cri- 
minels :  mais  à  tous  les  heureux  évènemens  publics, 
la  famille  royale  &  les  corps  municipaux  manifef- 
tent  leur  joie  par  la  délivrance  d'un  certain  nombre 
de  prifonniers  pour  dettes. 

Ceux  fur  lefquels  tombent  principalement ,  & 
avec  raifon  ,  les  regards  de  la  charité ,  font  les  pères 
de  famille  ,  qiri,  en  ne  payant  pas  à  l'étrangère  quia 
allaité  leurs  enfans  le  prix  de  fa  nourriture  ,  fe  font 
«xpofés  à  la  contrainte  par  corps  ;  ce  qui  doit  déter- 
miner à  aller  au  fecours  de  ces  malheureux  de  pré- 
férence aux  autres,  c'eft  que  le  créancier  doit  ê:re 
vu  auffi  favorablement  que  le  débiteur.  Ces  pri- 
fonniers ne  font  pas  à  la  charge  du  créancier,  parce 
qu'il  ne  feroit  pas  jufte  qu'une  pauvre  nourrice, 
qui  s'épuife  pour  nourrir  l'enfant ,  fe  ruinât  encore 
pour  alimenter  le  père  :  eile  ne  fe  mêle  pas  même 
de  le  faire  arrêter,  l'emprifonnement  fe  fait  par 
l'entremife  de  femmes ,  qu'on  nomme  recomman- 
Jercjffl-s ,  &  dont  les  devoirs  font  de  veiller  à  la  con- 
fervation  des  nourrilTons  ,  &  à  ce  que  les  nourrices 
foie nt  payées  de  leurs  foins. 

On  a  établi  dans  les  villes  des  receveurs  qui 
touchent  les  revenus  des  fondations  établies  pour 
le  foulagement  des  pauvres  prifoniaiers,  ainfi  que 
les  legs  &  aumônes  qui  leur  font  faits.  Ce  font  or- 
dinairement des  perfonnes  charitables  qui  fe  char- 
gent de  faire  ces  recouvremens ,  &  qui  le  font  gra* 
tuitement  ;  néanmoins  ces  généreux  dèpofitaires 
doivent  avoir  prêté  ferment  devant  le  juge  qui  a 
la  police  des  Prifons.  L'art'icle  lo  du  règlement  de 
la  cour  du  i8  juin  1717  ,  porte,  que  les  aumônes 
particulières  feront  diftribuées  aux  prifonniers  en 
préfence  des  perfonnes  qui  les  auront  faites. 

Lorfque  le  mari  &  la  femme  font  emprifonnés, 
&  que  l'un  des  deux  offre  de  reficr  en  Prifon  juf- 
qu'à  ce  que  les  créanciers  foient  fatlsfaits  ,  on  donne 
indiflinàement  la  liberté  au  mari  ou  à  la  femme  de 
fertir ,  à  moins  que  tous  deux  ne  foient  arrêtés  par 
-  des  créanciers  différens  ,  par  la  railbn  que  tous  deux 
feroient  un  commerce  particulier  ;  mais  autrement 
on  ne  retiendroit  pas  celui  qui  ,  par  fon  travail  , 
peut  parvenir  à  retirer  l'autre  de  captivité. 

Il  nous  refte  à  parler  d'une  troifiéme  efpèce  de 
prifonniers  qui  ne  font  renfermés  ,  ni  en  vertu  de 
décrets  ,  ni  pour  dettes  ,  &  qui  devroient ,  comme 
nous  l'avons  dit  plus  haut ,  être  retenus  dans  une 
Prifon  particulière.  Ce  font  les  tapageurs ,  les  joueurs 
fufpeéîs,  Se  tous  ceux  que  la  poHce  fait  arrêter  de 
nuit ,  ou  envoyé  de  jour  en  Prifon. 

Dans  une  ville  iinmenfe  comme  la  capitale ,  rem- 
plie de  gens  de  toute  efpèce,  de  toute  nation  ,  dont 
les  uns  n'exiitent  que  par  la  rufe  &  la  fraude ,  qui 


PRISON. 

(e  livrent  à  toutes  fortes  d'excès ,  d'injuflices , 
d'emporteraens  ,  de  tyrannies  ;  qui  abufent  de  leurs 
facultés,  de  leurs  armes,  il  eft  nécellaire  qu'il  y 
ait  une  force  dominante  ,  un  pouvoir  rapide  ,  qui 
les  contienne  &  les  punifle.  On  a  répandu  à  cet 
effet,  dans  les  différent  quartiers  de  la  ville,  des 
juges  fubalternes  ,  mais  qui  font  revêtus  d'une  au- 
torité fufRfante  pour  en  impofer  au  peuple ,  &  pour 
réprimer  les  perturbateurs  ;  ce  font  les  commifîaires. 
La  garde  de  Paris  ,  qui  parcourt  la  ville  la  nuit  & 
le  jour ,  leur  amène  tous  ceux  qui  ont  troublé  l'or- 
dre public  ,  ou  commis  quelques  injuftices. 

Un  arrêt  de  règlement  du  17  août  1750  ,  pro- 
nonce ,  «  que  les  ordonnances  &  arrêts  de  régle- 
»)  ment  de  la  cour  pour  la  police  de  la  ville  & 
3>  fauxbourgs  de  Paris,  feront  exécutés  félon  leur 
»  forme  &  teneur;  ce  faifant,  que  les  officiers 
»  &  archers ,  tant  du  guet  que  de  robe  courte  & 
»  autres  chargés  de  capture  pour  contravention  à 
"  la  police  pendant  le  jour,  feront  tenus,  lorf- 
»  qu'ils  arrêteront  des  contnvenans  ,  de  les  conduire 
»>  fur-  le  -champ  dans  la  mai/on  du  commiffaire., 
}»  dans  le  quartier  duquel  lefdites  captures  auront 
3}  été  faites,  &  de  remettre  entre  fes  mains  les 
s>  pièces  fervant  à  convii^ion ,  dont  ils  feront  faifis  , 
ï>  à  l'effet  par  lui  d'interroger  lefdits  contrevenans  , 
«  d'entendre  les  témoins ,  fi  aucun  y  a ,  &  de  faire 
y>  toutes  les  procédures  néceffaires  pour  allurer 
M  la  preuve  de  la  contraverrtion  ,  pour  enfuite  or- 
M  donner  par  le  commiffaire ,  s'il  y  echet  &  s'il  le 
ï»  juge  à  propos  ,  l'étargiffement  de  celui  ou  de  ceux 
n  qui  auront  été  arrêtés  ,  ou  faire  conduire  lefdits 
«  contrevenans  dans  les  Prifons ,  ou  en  donner 
»  avis  fur-le-c!iamp  au  lieutenant  général  de  po- 
»  lice,  ou  au  lieutenant  criminel  du  châtelet ,  (ui- 
»  vant  l'exigence  des  cas  ,  pour  être  par  eux  or- 
»  donné  ce  qu'il  appartiendra  ,  dont  &  de  tout  fera 
»  dreffê  procès-verbal ,  enfembleles  pièces  fervant 
»  à  conviâion  ,  qui  lui  auront  été  remifes  ,  dépo- 
»  fées  au  greffe  dans  les  vingt-quatre  heures  )». 

Cet  arrêt  a  donné  une  juiîe  iiuerprétation  à 
la  difpofiticn  d'«n  awtre  précèdent,  en  date  du  7 
feptembre  172$  ,  qui  ordonnoit  que  ^ujnd  les  ojji- 
tiers  ou  archers  du  guet  arrêteraient  aux  cjui  commet- 
tent du  deforjre  la  nuit ,  ils  les  conduiraient  dans  les 
Prifons  du  grand  châtelet ,  fans  les  pouvoir  conduire 
en  aucune  tnaijen  particulière ,  fi  ce  nefl  che^  les 
commiffaires  au  châtelet.  Il  feroit  d'une  conféquence 
dangereufe  de  livrer  la  liberté  d'un  citoyen  domi- 
cilié ,  au  caprice  ou  à  l'humeur  d'un  archer  du  guet  : 
il  eft  très  -  effentiel  que  le  £:,uet  ne  puiffe  ,  cîe  fa 
feule  autorité  ,  conduire  en  Prifon  aucun  parricu- 
lier,  fous  prétexte  de  défordre,  &  fans  aupara- 
vant l'avoir  mené  chez  un  commiffaire  ,  qui  entend 
l'accufateur  &  l'accufé. 

Dans  le  cas  même  où  celui-ci  feroit  mécontent 
de  l'ordonnance  du  commiffaire,  &  la  trouveroit 
injufle ,  il  e(\  le  maître  de  demander  un  rét'j  ré , 
foit  devant  le  lieutenant  de  police  ,  s'il  eft  arrêté 
pour  fait  de  police,  foit  devant  le  lieutenant  cri- 


PRISON. 


677 


îninel,  fi  c'eft  j-our  un  délit  qui  concerne  ce  ma- 
gillrat. 

Quoique  nous  ayons  dit  que  la  Prifon  ne  doit 
pas  être  confidérée  comme  une  peine  ,  il  eft  pour- 
tant vrai  qu'elle  s'inflige  par  forme  de  correction  à 
ceux  qui  font  arrêtés  d'ordre  du  roi ,  ou  de  la  po- 
lice ,  &  qui ,  après  avoir  fubi  une  captivité  plus  ou 
moins  longue,  en  proportion  de  leur  délit ,  font 
rendus  à  la  liberté. 

Il  y  a  des  cas ,  très-rares  à  la  vérité  ,  où  un  accu-- 
fé  eft  condamné  à  la  Prifon  perpétuelle  ;  mais  ce 
n'eft  qu'en  commutation  d'une  peine  plus  forte  , 
telle  que  celle  des  galères  ,  ou  de  la  peine  de  morr, 
&  elle  eft  prononcée  par  lettres  du  prince.  Les  tri- 
bunaux ordinaires  ,  qui  n'ont  pas  le  droit  de  l'in- 
fliger ,  insèrent  quelquefois  dans  leurs  arrêts  , 
que  le  roi  fera  fuppliê  d'ordonner  que  l'accufé  fe- 
ra renfermé  à  perpétuité  dans  un  château  fort. 
cela  eft  arrivé  à  l'égard  du  fieur  de  \z  Maugcrie  ^ 
qui  depuis  a  été  élargi  &  admis  à  fe  pourvoir  au 
confeil,,  où  fon  affaire  a  été  vue  fous  un  jour  bien 
différent, puifqu'il  a  obtenu  le  fuccés  le  plus  com- 
plet contre  fon  adverfaire,  La  Prifon  perpétuelle 
ordonnée  en  pareille  circonftance  ,  emporte  lu 
mort  civile  &  la  confifcation  des  biens. 

Elle  ne  produit  pas  cet  effet  lorfqu'eJle  efl 
prononcée  contre  un  gentilhomme  ou  contre 
un  militaire  par  le  tribunal  des  inaréchaux  de 
France. 

Nous  pourrions  fans  doute  donner  à  cet  article 
beaucoup  plus  d'étendue,  fi  nous  voulions  nous 
arrêter  fur  tout  ce  qui  concerne  les  prifonniers, 
les  greffiers,  &  fur-tout  les  geôliers  ,  auxquels  on 
ne  peut  trop  recommander  de  ne  pas  aggraver  , 
par  une  brutalité  trop  ordinaire  ,  les  contradiiîïions 
du  prifonnier.  Si  l'accufé  eft  coupable  d'un  grand 
crime  ,  fon  jugement  le  punira  affez;  s'il  ne  l'eft 
pas,  c'eft  une  raifcn  de  plus  pour  diminuer  au- 
tant qu'il  eft  poffible,  les  funeftes  inconvéniens 
des  erreurs  de  la  juftice. 

Que  les  geôliers  ne  fc  contentent  donc  pas  de 
vifiter  une  fois  le  jour  le  malheureux  qui  eft  au  fe- 
cret,  ainfi  que  l'ordonnance  le  leur  prefcrir. 

Il  faut  qu'ils  obfervent  attentivement  s'il  n'eft 
pas  livré  à  une  douleur  meurtrière  ;  s'il  n'eft  pas 
incommodé  parla  préfence  des  animaux  qui  vien- 
nent lui  difputer  fa  pâture;  fi  fa  fanté  n'eft  pas  al- 
térée par  le  mriuvais  air:  ils  doivent  apporter  re- 
mède, autant  qu'ils  le  peuvent,  à  tous  fes  maux, 
en  donner  avis  nu  juge ,  aux  médecins  ,  pour 
qu'il  foit  transféré  à  l'infirmerie  avant  que  la 
maladie  n'empire. 

Le  geôlier  doit  veiller  fur  les  guichetiers  çn'il 
emploie  à  fon  fcrvicc  ,leur  dontier  des  gnges  fiifti- 
fans  pour  qu'ils  ne  foient  pas  dans  la  nécefllié  de 
vivre  aux  dépens  des  prifonniers  ;  qu'il  fe  garde 
d'abufer  de  l'empire  qu'il  peut  avoir  fur  une  femme 
captive,  pour  fntisfaire  fa  pafEon  ;  car  il  s'cxpofe- 
roit ,  par  fon  audace  ,  à  la  peine  de  mort.  Il  doit 
favoir  lire  H  écrire  ;  afin  de  pouvoir  lire  les  juge- 


éyS 


PRISON. 


mens  ,  tranfcrire  les  écrous  ,  donne-"  des  décharges  , 
ik  porter  au  procureur  du  •  oi  ,  ou  au  procureur  gé- 
néral ,  dans  les  vingt-quatre  heures  au  plus  tard  , 
des  notes  des  prifonniers  qui  lui  font  amenés  pour 
crime  ,  avec  copie  des  écrous  &  recommandations. 

Dans  les  Pnfons  feigneuriales  ,  le  geôlier  fait 
les  fonctions  de  greffier  ,  parce  qu'il  ne  peut  y 
avoir  de  greffier  que  dans  les  Prifons  royales. 

Un  des  devoirs  que  l'humanité  prefcrit  aux 
geôliers  ,  c'eft  de  donner  une  entrée  facile  aux 
perfonnes  charitables  qui  viennent  apporter  des 
îecours  aux  pauvres  prifonniers  ;  &  d'empêcher  que 
ces  fecours  ne  tournent  à  leur  détriment ,  en  les 
laiflant  s'enivrer  de  vin  &  d'eau-de-vie. 

Enfin,  il  ne  doit  ufer  de  févérité  envers  les  pri- 
fonniers ,  qu'à  propos  ,  &  épuifer  le  s  avis  ,  les  me- 
naces ,  avant  d'employer  la  violence  contre  eux  ; 
ne  pas  oublier  qu'à  moins  qu'un  danger  preffant  ne 
l'ait  requis,  il  n'eft  pas  excufable  de  contrevenir  à 
l'ordonnance  ,  qui  lui  fait  les  plus  exprefles  dé- 
tenks  de  Satire  lis  prifonniers ,  de  les  mettre  au  ca- 
chot ou  aux  fers  ,  de  Ju  feule  autorité  ,  6"  fans  aupara- 
r^ant  en  avoir  reçu  Perdre  par  écrit  du  juge  ,  auquel  il 
«loit  faire  part  des  troubles  &  des  délits  qui  exigent 
cet  a61e  de  févérité. 

Il  eft  très-rcpréhenfible  lorfqu'il  n'a  pas  d'égard 
à  la  qualité  du  prifonnier ,  Se  lorfque  l'intérêt  le 
porte  à  traiter  fan$  pitié  ,  &  aux  horreurs  de  la 
paille  t  un  accufc  d'une  condition  hQnnéte  qui  fe 
trouve  dans  une  impoffibilité  abfolue  de  s'acquit- 
ter envers  lui. 

11  mérite  d'être  févérement  puni ,  s'il  exige  des 
droits  d'emprifonnemcnt ,  de  tranflation  ,  qui  ne 
lui  font  pas  dus  ,  ou  des  avances  de  gàc  ,  de  nourri- 
ture ,  de  geolage  ;  s'il  a  la  baffcfle  de  s'appliquer 
les  aumônes  ,  s'il  ne  met  pas  la  plus  grande  atten- 
tion dans  la  tenue  de  fes  livres  ,  en  évitant  toute 
abréviation  ;  enfin  ,  s'il  compromet,  par  fa  négli- 
gence ,  l'honneur  ou  la  liberté  d'un  citoyen. 

Comme  on  ne  peut  pas  attendre  ,  de  la  part  de 
ceux  qui  fe  dévouent  à  l'état  de  geôlier ,  une  exac- 
titude fcrupuleufe  à  remplir  les  devoirs  que  la  loi 
leur  impofe ,  les  juges  ne  peuvent  apporter  trop 
d'attention  à  les  furveiller.  Combien  il  feroità  fou- 
haiter  que  l'article  35  <Iu  titre  13  de  l'ordonnance 
de  1670 ,  &  l'arrêt  de  règlement  de  la  cour  du 
mois  de  feptembre  1717  ,  qui  veut  que  les  procu- 
reurs du  roi  &  ceux  des  feigneurs  hautsjufticiers 
vifitent  les  Prifons  une  fois  chaque  femaine  ,  pour  y 
recevoir  les  plaintes  des  prifonniers  ,  fuflent  ©bfer- 
vés  !  Le  même  arrêt  de  règlement  exige  des  pro- 
cureurs du  roi  ,  quils  entendent  les  prifonniers  fans 
suc  les  greffiers,  geôliers,  ou  guichetiers  foient  prc- 
fens  ,  pour  favoir  files  arrêts  &  rcglemens  de  la  cour  , 
concernant  les  Prifons  ,  font  fidèlement  exécutés.  Com- 
me il  feroit  peut-être  dangereux  pour  un  juge  d'al- 
ler feul  au  milieu  des  prifonniers  ,  les  interroger 
tous  enfemble  fur  les  traitemens  qu'ils  éprouvent 
de  la  part  de  leurs  gardiens,  &  fur  la  qualité  des 
aiimçns  qu'on  leur  fournit ,  il  eft  de  la  prudence 


PRISON, 

du  juge  ,  pour  ne  pas  compromettre  fa  perfonne 
&  la  digiK.é  de  fa  place  ,  de  faire  venir  dans  une 
chambre  particulière  plufieurs  prifonniers  les  uns 
après  les  autres,  de  comparer  leur  rapport,  &  de 
s'affiîrer  du  fondement  de  leurs  plaintes.  Il  doit 
enfuite,  accompagné  des  guichetiers,  &  même, 
s'il  le  veut,  d'une  cfcorte  plus  forte,  vifiter  toutes 
les  chambres ,  les  infirmeries,  obferver  les  prifon- 
niers ,  leur  montrer  de  l'intérêt ,  prendre  des  infor- 
mations fur  les  eau  fes  de  leur  détention,  &  pro- 
téger le  malheur  &  l'indigence. 

Nous  finirons  cet  article  par  une  réflexion  peut- 
être  décourageante.  Il  y  a  peu  d'objet  de  la  légifla- 
tion  criminelle ,  fur  lequel  il  ait  été  fait  de  plus 
fagcs  réglemens  »  &  rendu  des  ordonnances  plus 
louables,  plus  humaines  que  fur  les  Prifons  j  & 
cependant  il  n'y  a  pas  de  lieux  plus  affi-ciix ,  où 
l'humanité  foit  plus  dégradée  ,  plus  expofée  à  la 
contagion  du  mauvais  air  &  des  maladies. 

Des  Prifons  d^état. 

Les  Prifons  d'état  font  celles  où  un  fujet  ed 
renfermé  par  ordre  du  roi ,  figné  d'un  fecrétaire 
d'éraf.  La  feule  puiiTance  qui  y  retient  le  captif  , 
peut  lui  en  ouvrir  les  portes.  Comme  des  rarfons 
politiques  font  cenfées  déterminer,  abréger,  ou 
prolonger  ces  détentions  ,  le  fouverain  ne  rend 
compte  à  perfonne  des  motifs  qui  les  lui  ont  fait 
ordonner. 

Il  s'en  faut  de  beaucoup  cependant  qu'on  doive 
regarder  tous  les  prifonniers  d'état  comme  des 
hommes  fufpefls  ,  contre  lefquels  des  intérêts  po- 
litiques ©nt  fait  décerner  des  ordres  qui  a/Turent 
de  leur  perfonne. 

Le  plus  grand  nombre  y  eft  détenu  pour  des 
fciutes  particulières  ,  foit  à  la  requête  des  parens  , 
foit  par  égard  pour  leur  nom  ,  &  afin  de  les  pré- 
ferver  de  la  honte  d'une  Prifon  de  ville  ,  &  des 
fuites  d'un  décret. 

Voici  les  réflexions  qae  ce  fujet  nous  a  fail 
naître. 

Dans  un  état  où  le*  fautes  feroient  perfonnelles, 
où  la  honte  attachée  à  la  punition  des  crimes, 
n'obfcurciroit  que  la  tête  du  coupable  ;  ou  l'ac- 
cufé  ,  faifi  par  la  main  de  la  juflice  ,  fe  trouveroit 
tout-à-coup  ifolé  ,  &  ne  tenir  qu'aux  lois  qu'il  pour- 
roit  feules  invoquer  ;  les  Prifons  perpétuelles  ne 
devroient  retenir  que  des  furieux,  que  des  infen- 
fés,&  être  abfolument  fupprimées  à  l'égard  des 
criminels.  En  effet ,  pourquoi  l'état  fe  chargeroit  il 
de  nourrir  &  de  faire  furveiller  un  fujet  qui  auroit 
porté  atteinte  à  l'ordre  focial ,  &  qui ,  condamné  à 
demeurer  oifif  le  refte  de  fes  jours  ,  ne  pourroit  » 
en  aucune  manière ,  le  dédommager  des  foins  qu'on 
prendroit  de  lui ,  &  de  la  perte  des  hommes  conr 
facrés  à  le  garder  &  à  le  fervir  .'' 

S'il  efl  véritablement  criminel  ,  pourquoi  ne  pas 
tirer  un  exemple  utile  du  châtiment  qui  lui  feroit 
inffigé ,  en  le  puniflant  d'une  manièrç  légale ,  o»^ 


PRISON. 

^ans  fes  biens  \  ou  corporeilement  ?  Pourquoi  , 
lorfqu'il  peut  réparer  le  dommage  privé  ou  le  dom- 
mage public  ,  par  fa  force  ,  par  (on  induflrie  ,  & 
par  fon  courage  ,  l'enchaîner  dans  l'inaâion  ? 

Urj  homme  captif  dans  un  donjon  ,  dans  une  ci- 
taJclU,  ne  répare  rien  ;  il  ne  fait  au  contraire  que 
continuer  le  dommage  ,  puifqu'il  devient  tous  les 
jours  à  charge  à  la  fociété.  Il  perd  tellement  fes 
facultés  phyfiques  &  morales  ,  que  ce  qui  peut  lui 
arriver  de  pire  ,  s'il  efî  fans  fortune,  eft  ,  qu'après 
un  certain  nombre  d'années  on  lui  ouvre  les  portes 
de  fa  Prifon  ;  fans  force  ,  fans  induftrie  ,  il  fe 
trouve  au  milieu  de  la  fociécé  ,  comme  les  oifeaux 
domefliques  ,  qui  n'ont  pas  plutôt  recouvré  leur 
liberté  ,  que  ,  méconnus  des  oifeaux  de  leur  efpèce  , 
ils  périlfent  de  niifère  ,  en  regrettant  leur  cage  & 
la  main  qui  les  nourriiToit. 

Malheureufement  il  cxifte  parmi  nous  ua  pré- 
jugé barbare  ,  plus  fort  que  la  raifon  ,  qui,  con- 
tondant lesiinnocens  &  les  coupabl-S  ,  répand  la 
lionte  &  1  opprobre  fur  tous  ceux  qui  tiennent  par 
les  liens  du  fang  à  un  criminel  que  la  loi  a  frappé 
de  fon  glaive  ;  qui  force  de  braves  guerriers  de 
quitter  1_'S  étendards  de  la  vifloire  ,  d'aller  s'enfe- 
velir  dans  la  folitiide,  &  d'y  refter  inutiles  pour 
leur  patrie  ;  qui  condamne  à  une  funelle  incapacité  , 
à  un  fatal  repos  ,  des  magiftrats  intègres  ,  éclairés  , 
que  la  jullice  voudroiten  vain  retenir  dans  fes  tri- 
bunaux,  pour  y  combattre  la  mauvaife  foi.  Tant 
que  ce  préjugé  inCcnfé  fubfiftera  ,  les  Prifons  d'état 
qui  ne  déroberont  au  châiiment  public  que  des  cri- 
minels dont  la  defiruélion  ou  1  infamie  entraine- 
roit  la  perte  de  plufieurs  fujets  utiles  ,  doivent 
être  confolidécs  par  une  fage  politique;  &,  loin 
de  nous  alarmer  ,  loin  qu'elles  doivent  jeter  l'ef- 
froi dans  nos  âmes  ,  elles  doivent  au  coHtraire  raf- 
furer  les  familles  ,  dont  elles  proiègent  &  confer- 
vent  riionncur. 

Si  nous  voulons  que  les  Prifons  d'état,  prés  def- 
quelles  nous  ne  paflbns  pas  fans  frémir  ,  foient  ab- 
batues  ,  hâtons-nous  d'étouffer  l'opinion  abfurde 
qui  en  rend  l'exiftence  néceffaire;  ne  no  s  éloi- 
gnons phis  du  citoyen,  par  la  feule  raifon  que 
fon  fils  ,  que  fon  frère  ,  ont  expiré  fous  la  main 
du  bourreau.  Plaignons-le  ;  mais  ne  le  méprifons 
pas:  s'il  eft  brave  ,  honnête,  qu'il  lui  foit  permis 
de  fervir  fa  patrie  ,  foit  dans  les  camps,  foit  dans 
les  cités  ;  qu'on  ne  lui  refufe  pas  rhonneur  de 
prouver  que  le  crime  &  la  venu  peuvent  croître 
dans  une  même  famille  &  y  produire  leurs  fruits 
il  diffrcns. 

Alors  ,  il  n'y  aura  plus  de  raifons   pour  épar 
gner  le  crim.ncl  &  l'cnfevelir  dans   une  éternelle 
captivité;  il  marchera  fans  obfîacle  à  l'échafaud  , 
fi  irt  l  )i  le  con^'amne  à  y  offrir  au  peuple  aflemblé 
le  fpe<Sacle  affreux  de  fa  dcftru<5îion. 

Oui.  malg  é  l'ennui  &  l'effroyable  privation  at- 
tachés à  la  ca  nivité  perpétuelle  ,  on  ne  peut  pa-  fe 
diflimuler  que  ce  ne  loient  l'humanité  &  l'efprit 
de  deuceur ,  de  moUéraùoo ,  qui  Tayent  enfantée  ;  \ 


PRISON. 


679 


elle  eft  un  des  effets  de  la  civilifatîon.  Comment 
des  fauvages  ,  des  barbares  retiendroient-ils  éter- 
nellement prifonniers  leurs  ennemis  ,  ou  ceux 
d'entre  eux  qui  auroient  violé  les  lois  que  la  na- 
ture leur  a  diftées  ?  Leur  ôter  la  vie,  ou  les  ban- 
nir de  la  fociété ,  voilà  la  vengeance  qu'il  leur  eft 
feulement  poflîble  d'en  tirer  ;  ce  n'eft  donc  que 
pour  éviter  de  répandre  le  fang  ,  ou  pour  ne  pas 
réduire  au  défefpoir  un  exilé,  qu'on  a  imaginé  , 
parmi  les  hommes  civilifés  ,  de  renfermer  ik  de 
nourrir  dans  une  Prifon  ,  des  hommes  dont  on 
avoit  à  fe  plaindre  ou  qu'on  redoutoit ,  pour  les  y 
laifTer  attendre  languilTamment  le  terme  de  leur  vie. 

Des  fentimens  de  bonté  ,  des  diilinâions  parti- 
culières ,  ont  infenfiblement  multiplié  parmi  nous 
ces  éternelles  détenions  ;  ainfi ,  en  blâmant  les  abus 
qui  en  réfultent ,  on  ne  peut  qu'en  louer  le  motif. 

Si  on  excepte  quelques  gcnrilhommes  ou  mili- 
taires,  que  des  jugem.ens  émanés  du  tribunal  des 
maréchaux  de  France,  retiennent  dans  les  Prifon* 
d'état;  la  plupart  de  ces  châteaux  ne  font  habités 
qu£^  par  des  fujets  condamnés  miniftériellement. 
Diftérens  délits  provoquent  ces  condamnations  , 
ou  plutôt  ces  ordres  fupérieurs  ;  les  uns  i'ont ,  com- 
me nous  venons  de  le  dire  ,  prononcés  fur  le  vœu 
d'une  famille  qui  a  lieu  de  craindre  que  l'incon- 
duite  d'un  feul  de  fes  membres  n'amène  la  honte 
&  l'opprobre  fur  tous  ;  d'autres  font  rendus  du 
propre  mouvement  du  roi.  Sous  des  régnes  moins 
équitables  que  celui  fous  lequel  nous  vivons,  &à 
la  juflice  duquel  nous  devons  la  plus  douce  des 
fécuritès  ,  plufieurs  de  ces  ordres  ont  été  fignés 
d'après  des  délations  fecrètes  ou  de  fimplesfoup- 
çons  faciles  à  diiriper  ,  û  on  eût  attaché  plus  d'im- 
portance à  la  liberté  de  celui  fur  qui  ils  s'éten- 
doient. 

Avant  donc  de  fe  récrier  contre  ces  détenrions 
en  général ,  il  en  faudroit  approfondir  les  motifs 
particuliers.  Par  exemple ,  lorfqu'un  fujetableffé, 
par  des  écrits  féditieux  ou  même  par  des  paroles 
m^enaçantes,  la  m?jefté  royale,  pour  arrêter,  d'un 
côté,  les  effets  de  fa  licence  audacieufe  ,  ne  pas 
laifferfon  crime  impuni,  &  de  l'autre,  pour  fau- 
ver  cet  homme  téméraire  des  peines  très- graves 
prononcées  contre  lui  par  nos  lois  ;  le  gouverne- 
ment croit  devoir  l'enlever  à  la  fociété,  &  l'en- 
fermer plus  ou  moins  févérement  dans  une  des 
fortereffes  confacrées  à  la  détention  des  criminels 
d'état.  Certainement  ,  fi  le  captif  eft  véritablement 
auteur  de  l'écrit  qu'on  lui  attribue,  fi  la  publica- 
tion de  cet  écrit  pouvoit  offenfer  la  dignité  du  roi 
affoiblir  le  refpeâ  des  fujets  pour  leur  fouverain  * 
lui  faire  ptrdre  ,  aux  yeux  des  nations  étrangères  ' 
une  partie  de  l'éclat  dont  il  brille  ,  ou  du  pouvoir 
qui  leur  en  impofe  ;  cet  écrivain  feroit  très-crimi- 
nel ;  la  main  qui  l'enchaîneroit  ne  feroit  point  une 
matn  de  vengeance  ,  mais  une  main  tout-à-Ia-fois 
équiinblc  &  bienfaifante  ,  puifqu'elle  fouftrait  la 
perfonne  du  coupable  aux  peines  infamantes  & 
corporelles  que  la  loi  prononce  contre  lui.  Ainf; 


€2o 


PRISON. 


quant  au  fond  ,  ce  captif,  ni  nul  autrs  pour  lui ,  ne 
peut  murmurer  contre  l'autorité  qui  le  prive  de  fa 
liberté,  à  moins  qu'il  ne  préférât  d'être  puni  fiii- 
vant  la  rigueur  de  la  loi.  Alais  ,  dira-t-on  ,  û  par 
hafard  il  avoît  été  injuftement  dénoncé, s'il  n'étoit 
pas  coupable  ,  comment  auroit-il  pu  fe  défendre  ? 
Si  nés  lois  s'oppofent  à  ce  qu'un  accufé  perde  la 
Vie,  lorfqu'il  n'exifte  pas  contre  lui  une  preuve  irré- 
firtible  de  fon  crime  ,  n'eft-ce  pas  éluder  ces  lois 
fages  Si  humaines  ,  que  de  ravir  à  un  accufé  ,  fur 
de  fimples  préfomptions  ,  le  feul  bien  qui  puiiTe 
donner  quelque  prix  à  la  vie  ?  Pour  que  Li  main 
qui  le  fauve  de  la  mort ,  en  le  fixant  dans  la  cap- 
tivité ,  foit  réellement  bienfaifante ,  il  faut  donc 
qu'elle  ne  l'y  retienne  qu'après  que  l'accufé  aura 
eu  les  mêmes  moyens  de  fe  juftifier,  que  s'il  eût 
été  livré  au  cours  de  la  jafiice  ordinaire.  J'avoue 
que  je  n'ai  point  de  réponfe  raifonnablc  à  faire  à 
cette  objeélion  ,  &  c'eft  fans  doute  parce  qu'elle 
avoit  été  prefï'entie  par  un  homme  vertueux  ,  qui 
a  porté,  dans  une  place  éminente  ,  les  principes  de 
la  magiftrature,  que  nous  avons  vu  ,  fous  fon  mi- 
riilèrc  ,  les  Prifons  d'état  forcées  de  rendre  tant  de 
captifs  qu'elles  retenoient  depuis  nombre  d'années 
dans  leur  fein  ,  &  un  tribunal  s'élever  pour  appré- 
cier les  dénonciations  qui  tendoient  à  priver  un 
citoyen  des  privilèges  communs  à  tons  les  aiures. 

Comme  notre  objet  n'efl  point  de  prendre  ici  la 
défenfe  de  ceux  que  le  gouverneiuent  a  cru  devoir 
réparer  de  la  fociété ,  Se  qu'il  ne  nous  appartient 
pas  de  fonder  les  raifons  particulières  des  ordres 
fecrets  ,  devenus  infiniment  plus  rares  ,  à  mcfare 
que  nous  avons  eu  des  rois  moins  impérieux  &des 
miniflres  plus  juAes  ;  nous  ne  nous  arrêterons  qu'à 
faire  fentir  combien  ces  longues  détentions  font 
aftVeufes  ;  combien  elles  font  nuifibles  à  ceux  qui 
y  languilTent ,  &  combien  ,  par  cette  raifon  ,  il  eft 
jufte  de  faire  précéder  ces  condamnations  rigou- 
feufeSjd'un  examen  ar.ilî  attentif  que  celui  qui 
doit  éclairer  les  jugemens  que  la  juftice  ordinaire 
prononce.  Eh  l  qui  peut  refufer  fa  pitié  à  un  être 
que  la  nature  avoit  rendu  libre  ,  auquel  elle  a 
donné  le  befoin  de  fe  tranfporter  d'un  lieu  dains 
vn  autre  ,  de  promener  fes  regards  fur  des  objets 
divers;  à  qui  elle  a  accordé  uii  doux  penchant  à 
fe  rapprocher  de  fes  femblables ,  à  leur  communi- 
quer fes  penfces,  £i  qui  feroit  condamnéà  ne  plus 
parcourir  qu'un  efpace  rétréci  ;  pour  lequel  le  fol 
immenfe  qu'il  habitoit  fe  trouve  tout-à-coup  réduit 
à  quelques  pieds  ',  dont  le  cœur  ne  peut  plus  pro- 
duire que  de  fteriles  fentimens  ;  qui  n'a  plus  que 
)es  mêmes  objets  à  voir ,  les  mêmes  voix  à  enten- 
dre ,  les  mêmes  aélions  à  répéter  ;  enfin  ,  dont  tous 
les  jours  font  enveloppés  de  la  plus  ennuyeufe 
uniformité!  Son  imagination  ne  lui  rappelle  que  ■ 
des  jouiflances  perdues  pour  jamais  ,  ne  lui  ramène 
que  des  regrets  accumulés  &  des  privations  éter- 
nelles ;  s'il  veut  marcher ,  un  mur  épais  l'arrête 
dés  fes  premiers  pas  ;  heureux  encore  fi  fa  tête 
n'eft  pas  courbée  fous  la  voûte  qui  lui  dérobe  l'af-  , 


PRISON. 

I  pe^  du  ciel  î  Combien  de  fois  ne  lui  arrive  t-il  pas 
de  fe  jeter  avec  rage  ,  avec  défefpoir  fur  fon  gra- 
bat ,  de  s'y  rouler  furieux,  de  s'irriter  de  plus  en 
plus  de  fon  impuilTance,  &   d"y  demeurer  épuifé 
ds  fes  vains  emportemcns.  Si  on  pouvoit  calculer 
ou  réunir  fur  un  même  point   tous  les  infians  de 
fouffrances    phyfiques  Si   morales   qui   agitent  ce 
captif  ifolé  ,  abandonné  à  lui-même ,  on  verroit  que 
la  vie  qu'on  lui  lailTe  ert  fouvent  convertie  en  dou- 
loureufe  fenfibilité  ,  cruellement    prolongée,   & 
peut-être  pire   que  le  fupphce  dont  on  a  cru  lui 
faire  grâce.  Mais  c'eft  fur-tout  en  raifon  du  fenti- 
ment  intérieur  qu'il  peut  avoir  de  fon  innocence  , 
ou  de  l'exctfllve  rigueur  du  châti.ment  qu'il  endure, 
que  le  regret  de  fes  privations  le  déchire  ;  car ,  s'il 
eft  vraiment  crimintjl,  s'il  ne  peut  pas  fc  difiimu- 
1er  qu'il  ait  mérité  l'infamie  ou  la  mort,  l'horreur 
du  jugement  auquel  il  a  échappé  peut  alors  tranf- 
f  ormer  à  fes  yeux  fa  captivité  en  une  forte  de  jouif- 
fance.  Chaque  inftant  où  il  refpire   lui  femble  un 
don;  peut-être,  pour  le  pénétrer  davantage  de  ca 
fentimeni ,  feroit-il  avantageux  pour  lui   qu'il  eût 
toujours  fous  les  regards   la  preuve   de  fon  crime 
ik  la  difpofition  terrible  de    la  loi ,  afin  qu'il  pût 
faire  une   comparaifon   de    fon  exiflence  afluellc 
avec  l'horreur  du  néant  ou  d'un  opprobre  public  , 
qui  auroit  déshonoré  tous  les  nens. 

Lilolement  total  ,  la  privation  de  toutes  les 
jouiffances  naturelles,  l'ennui,  la  gêne  &  l'éter* 
nelle  contradiétion  dans  laquelle  les  prifonniers 
d'état  paiTent  leur  vie»  rendent  leur  fort  fi  mal- 
heureux ,  qu'il  y  auroit  de  la  cruauié  à  ajouter 
quelque  chofe  de  plus  à  cette  punition  qu'on  a  cru 
devoir  fubflituer  à  la  peine  légale  qu'ils  ont  en- 
courue. Le  calme  dans  lequel  ils  paroifient  languir, 
ne  fait  que  donner  aux  remords  plus  de  prife  fur 
leur  efprit.  S'ils  n'éprouvent  pas  d'autres  tourmens 
que  celui  de  la  captivité  ,  ils  ne  détefient  que  les 
actions  qui  les  y  ont  plongés  ;  mais  fi  on  aggrave 
Jeur  fupplice  par  de  continuelles  vexations ,  par 
des  injufiices  tyranniques  ;  alors  ils  ne  haïffent 
plus  que  les  autres  homraies;  &,  loin  de  fe  repro- 
cher le  mal  qu'ils  ont  fait  à  la  fociété,  ils  regret- 
tent au  contraire  de  n'en  avoir  pas  fait  davantage  à 
leurs  bourreaux  dans  le  temps  ou  ils  en  avoient 
le  pouvoir.  Il  règne  en  général  beaucoup  plus  de 
modération  &  d  équité  dans  les  Prifons  d'état  qui 
font  fous  l'empire  d'un  gouverneur  militaire  ,  que 
dans  celles  qui  font  fous  l'infpeélion  des  religieux. 
Peut-être  ces  derniers  ont-ils  befoin,  pour  fe  faire 
refpeéter  des  prifonniers  ,  d'ufer  envers  eux  de 
plus  de  févérité  ;  peut-être  auflî ,  féparés  par  état 
des  autres  hommes,  ne  regardent  -  ils  plus  ceux 
qu'on  met  fous  leur  garde  ^  comme  leurs  fembla- 
bles, &  fe  vengent-ils  fur  eux  du  mépris  qu'ils 
leur  ont  montré  dans  le  monde. 

Il  n'y  a  pas  long-temps  qu'une  femme  de  qualité 
qui  étoit  venue  me  demander  des  confeils  ,  me  fit 
frémir  ,  en  me  peignant  la  déplorable  fituation  dans 
laquelle  elle  avoit  trouvé  fpn  mari.  Ce  malheureux, 

prefque 


I^RISON. 

pfefque  fexagénalre ,  détenu  depuis  plufieurs  an- 
nées ,  d'après  le  vœu  de  fa  famille,  dans  une  Prifon 
d'état  Atuée  fur  les  limites  de  la  France,  &  dont  l'ad- 
miniftration  eft  confiée  à  des  moines  ,  parut  devant 
elle  f)  pâle  ,  fi  défait,  fi  changé  ,  qu'elle  l'envifagea 
long-temps  fans  le  reconnoître.  Le  premier  mou- 
vement quil  fit  en  la  voyant ,  fut  d  ouvrir  un  vieux 
manteau  déchiré  qui  le  couvroit  à  peine,  pour  lui 
prouver  qu'on  ne  lui  donnoit  point  de  linge.  Sur- 
prife,  indignée  de  le  trouver  fous  les  apparences 
d'une  misère  aufli  nfFreufe  ,  elle  lui  demande  pour- 
quoi fa  famille,  payant  une  penflion  affez  forte 
pour  fubvenir  à  tous  fes  befoins  ,  il  eft  dénué  des 
chofes  les  plus  néceffaires  ? 

Avant  de  répondre  à  cette  queftion  ,  il  promène 
des  regards  itiquiets  autour  de  lui ,  &  femblc 
craindre  que  fa  réponfe  ne  foit  entendue.  Nous 
fommes,  lui  dit-il  d'une  voix  bafle  ,  fous  une  ty- 
rannie qui  n'a  point  d'exemple;  dépouillés  ,  con- 
damnés à  vivre  d'alimens  grofl'iers,  &  que  la  faim 
feule  peut  nous  faire  dîvorer  ,  nous  n'ofons  pouf- 
fer le  moindre  murmure.  Si ,  lorfque  l'intendant 
de  la  province  fait  fa  vifite,  &  nous  interroge  fur 
les  fujets  de  plainte  que  nous  pouvons  avoir  con- 
tre nos  gardiens,  un  d'entre  nous  prend  fur  lui 
de  dénoncer  quelqu'injufticc  ,  quelques  vexations; 
à  peine  le  protedleur  que  le  roi  nous  donne  eft-il 
éloigné,  que  le  prifonnier,  devenu  fans  appui, 
cft  puni  de  fa  témérité,  non-feulement  par  unj 
captivité  plus  reflerrée  ,  mais  encore  par  des  trai 
temens  fi  cruels,  qu'il  court  fouvent  le  rifque  d'en 
perdre  la  vie.  Et  moi  même  ,  ajouta-t-il,  je  l'ai 
éprouvé ,  au  point  d'avoir  été  plus  de  quinze  jours 
privé  de  l'ufage  de  mes  membres. 

Des  abus  auffi  puniiTnbles  ,  fi  oppofés  à  l'efprit 
du  gouvernement  ,  fi  contaires  à  fon  intention , 
ne  peuvent  être  trop  hautement  dénoncés  aux  mi- 
niftres  ,  &  fur-tout  aux  intendans  des  provinces  , 
chargés  fpécialement  de  les  prévenir  :  le  repos 
forcé  eft  fi  funefie  à  l'homme  ,  qu'il  y  auroit  de  la 
cruauté  à  refufer  aux  prifonniers  condamnés  à 
foufFrir  une  longue  détention ,  les  moyens  de  fe 
procurer  un  exercice  falutaire. 

Qu'il  leur  foit  permis  fur-tout  de  diffiper  leur 
mélancolie  ,  autant  qu'il  eft  poflible  ,  par  le  travail 
auquel  leur  inclination  les  conduit.  Si  vous  vou- 
lez qu'ils  meurent ,  ne  foyez  pas  plus  cruels  que 
les  bourreaux  ,  tranchez  rapidement  le  fil  de  leurs 
jours.  Si  au  contraire  votre  humanité  croit  devoir 
refpeâer  leur  vie,  ne  l'abrégez  donc  pas  en  les 
fatiguant  par  d'inutiles  &  injuftes  contradic- 
tions ,  qui  amènent  à  leur  fuite  des  maladies  dou- 
loureufes. 

Si  on  pouvoir  douter  que  la  longue  &  étroite 
captivité  ne  fût  pas  elle  feule  un  fupplice  prefquc 
infupportable ,  il  fuffiroit ,  pour  s'en  convaincre  , 
de  fe  rappeler  tous  les  efforts  qu'ont  employés  , 
tous  les  dangers  auxquels  fe  font  expofés  des  pri- 
fonniers d'état  pour  recouvrer  la  liberté ,  le  con- 
tinuel objet  de  leurs  defirs  ÔC  de  leurs  regrets. 
Tomt  XnU 


PRISON.  é8i 

Les  uns  ,  par  une  confiance  incroyable  ,  font 
parvenus ,  fans  outils  ,  fans  autres  inftrumens  que 
leurs  mains  ,  à  brifer  ,  à  détacher  les  barreaux  de 
fer  ,  u  féparer  des  pierres  énormes  ,  à  foulcver  des 
portes  monftrueufes ,  à  creufer  de  longs  fouter- 
rains. 

D'autres  fe  font  courageufemcnt  précipités  du 
haut  d'une  tour  dans  la  mer  qui  baigne  le  pied  de 
leur  Prifon  ,  au  rifque  d'être  brifés  fur  la  roche, 
ou  engloutis  dans  les  eaux.  Pkifieurs  ont  eu  l'im- 
prudence de  confier  tout  le  poids  de  leurs  corps  à 
de  fragiles  lanières ,  qui  ne  pouvoient ,  tout  au  plus, 
(  en  ne  fe  brifant  pas  )  les  conduire  qu'à  une  cer- 
taine diftaiice ,  de  quarante  ou  de  cinquante  pieds 
de  la  terre,  tant  la  mort  leur  paroiftoit  peu  ef- 
frayante» en  comparaifon  de  la  continuité  de  leur 
tourment. 

Il  y  a  à  Venlfe  une  Prifon  qui  eft  un  chef-  d'œu- 
vre  de  barbarie  ;  celui  qui  en  a  donné  la  conftruc- 
tion  ,  mérite  d'être  placé  à  côté  de  ces  monftrcs  de 
cruauté  ,  dont  Tantiquité  nous  a  tranfmis  les  noms 
avec  horreur.  Au  haut  d'une  tour  trés-élevée  ,  font 
plufieurs  efpèces  de  cages  de  trois  pieds  en  carré  , 
recouvertes  de  lames  de  plomb,  &  expofées  à 
toute  l'ardeur  du  foleil ,  qui  darde  ,  dans  toute  fil 
force  ,  fes  rayons  fur  leur  voûte  ;  le  malheureux, 
dont  le  corps  eft  ramaffé  dans  cet  elpace  rétréci ,  y 
fouffre  des  douleurs  plus  affreufes  que  celles  qui 
faifoient  pouffer  des  mugifiemens  aux  vi6limes  ren- 
fermées dan?  le  taureau  de  Phalaris  ,  puifqu'elies 
font  plus  durables. 

Quoiqu'on  ne  condamne  à  ce  fupplice  horrible 
que  les  grands  criminels  ,  il  faut  avouer  qu'il  n'eft 
pas  poffible  d'imaginer  qu'ils  aient  commis  des  cri- 
mes aflez  énormes,  pour  entrer  en  balance  avec  un 
tourment  auffi  prolongé. 

Les  Prifons  d'état  en  France,  étant  deftinées  à 
retenir  feulement  les  fujets  que  le  fouverain  y  fait 
conduire  en  fon  nom,  de  fon  autorité  expreffe , 
tous  ceux  qui  y  font  renfermés  ne  doivent  y  éprou- 
ver d'autres  peines  que  celles  de  la  captivité,  parce 
que  la  main  royale  peut  bien  contenir  un  fujet  re- 
belle o\\  perturbateur  ,  mais  il  feroit  contraire  à 
fa  dignité  qu'elle  le  blefsât  elle-même,  &  lui  fit 
fentir  antre  chofe  que  fon  pouvoir  &  fa  force. 

N'arrêtons  pas  nos  regards  fur  cette  Prifon  qui 
reçoit  dans  fon  fein  &  l'extrême  misère  &.  la  dé- 
bauche honteufe  (i).  Nous  rendons  trop  de  juftice 
à  l'équité  du  niagiftiat  qui  préfide  à  la  police  de  la 
capitale,  pour  ne  pas  être  perfuadé  qu'il  préfervera 
toujours  un  citoyen  qui  attacheroit  quelque  prix  à 
l'eftime  publique  ,  du  malheur  d'être  plongé  dans 
ce  gouffre  de  corruption  &  d'ignominie  ;  une  cap- 
tivité auffi  flétrilTante  feroit ,  pour  l'homme  hon- 
nête ,  la  mort  de  l'ame.  Obligé  de  renoncer  à  tout 
efpoir  d'eftime  ,   de  confidération  ,  exclus  de  tou- 
tes les  charges  ,  de  tous  les  emplois  ,  il  ne  verroit 
plus  autour  de  lui  que  honte,   qu'avilifTement  :  dé- 


(ij  Bkètrc. 


Rr  rr 


€8i  PRISON. 

dHii-né  des  gens  dont  l'eftime  lui  feroit  précieufe  , 
tnjprilant  les  autres,  la  fociété  deviendroit  pour 
pour  lui  une  folitude  ,  &  la  vie  un  fupplice. 

Malgré  la  gêne  inféparable  du  fujet  que  noirs 
traitons,  efTayons  de  réfumeries  idées  qu'il  nous 
a  tait  naître.  Les  Priions  d'état  doivent  ,  fous  un 
Prinse  dur  ,  allarmer  les  fujets ,  parce  qu'elles  pré- 
sentent l'image  d'un  pouvoir  trop  impérieux  &  fu- 
pjrieur  aux  lois.  Sous  un  prince  doux  ,  bienfaifant , 
tel  enfin  que  nous  avons  lieu  d'efpérer  que  fera  tou- 
yours  le  nôtre  ,  elles  font  un  adoiiciiTement  à  la  ri- 
gueur de  la  loi ,  confervent  l'honneur  des  familles 
innocentes  ,  étouffent  des  crimes  honteux  ,  four- 
nilTent  aux  pères  un  moyen  faluraire  de  prévenir 
des  défordres  d'une  confèqnence  très-funefle  ,  & 
qu'ils  ne  pourroient  arrêter,  fi  la  puiirance  royale 
ne  venoit  au  fecours  de  la  leur. 

Plus  ,  fous  ce  point  de  vue  ,  les  Prifons  d'état 
font  utiles  ,  plus  it  eft  néceiïaire  de  les  environner 
delà  lumière  de  la  juftice,  d'extirper  les  abus  qui 
multiplient  &  prolongent  les  détentions  nuifibles 
à  l'exiftence  des  prifonniers  ,  &  onéreufes  au  gou- 
-yernement.  Tel  enfant  diffipateur,  tel  citoyen  per- 
turbateur, te^  fujet  téméraire ,  ont  mérité  détre 
fcparjs  de  la  fociété  ,  pour  être  livrés  à  la  réflexion 
de  la  folitude ,  qui ,  au  bout  de  fix  mois  d'emprifon- 
nement ,  peuvent,  fans  danger  pour  l'état,  &  utile- 
înert  poitr  eux,recouvrer  leur  liberté.  Il  feroit  donc 
à  fouhaiter  qu'il  exiflàt  un  commiiraire  général 
des  Prifons  d'état ,  qui  remplît,  à  l'égard  de  ceux 
qui  y  font  renfermés ,  les  mêmes  fondions  que 
celles  dont  font  chargés  les  gens  du  roi  envers  les 
autres  citoyens,  c'ert-à-dire ,  qui  fût  leur  appui, 
leur  organe  auprès  de  l'autorité  fouveraine  ;  qui 
fût  le  dépofitaire  de  leurs  plaintes  ,  de  leurs  deman- 
•dcs,  même  de  leur  juftification  ;  qui  balançât  les 
caufes  de  leur  détention  avec  les  motifs  de  leur 
•élargiffement ,  fît  valoir  les  uns  &  les  autres,  & 
•ne  craignît  pas  de  fe  rendre  quelquefois  importun  , 
pour  fauver  des  citoyens  du  malheur  d'être  totale- 
ment oubliés  de  l'autorité  ,  qui  a  cru  devoir  s'en 
atlurer. 

Prifons  des  officialités^ 

Ces  Prifons  ,  qui  dépendent  des  tribunaux  des 
secclcfiaftiques  ,  ne  doivent  recevoir  que  ceux  qui 
font  dans  le  cas  d'être  jugés  par  l'official  ou  par  le 
jbailli  de  l'cvêché. 

Il  a  été  rendu  au  bailliage  d'Orléans ,  le  n  juillet 
^653  ,  une  fentence  qui  fait  défenfes  au  nommé 
Bataille,  concierge  de  l'oïKcialite  d'Orléans,  de 
recevoir  d'autres  prifonniers  que  ceux  de  l'official 
ou   du  bailli  de  l'évéché. 

Un  arrêt  du  confeil  avoit,  depuis,  fait  exception 
■en  faveur  des  colledeurs  des  tailles,  mais  ils  ont 
■axé  enfuite  compris  dans  la  règle  générale. 

Prifons  militaires^ 

■Lorfquc  nons  avons  dit  que  la  Prifon  n'étoit  pas 
;i3ne  ptine  ,  mais  feulement  un  lieu  de  sûreté  dans 


.    PRISON. 

lequel  la  loi  fixe  celui  qu'elle  foupçonne  d'être 
l'auteur  d'un  délit,  nous  n'avons  entendu  parler 
ni  des  Prifons  d'état ,  ni  des  Prifons  militaires. 

Les  hommes  enrôlés  au  fervice  de  l'état  font 
fournis  à  desordonnances,  à  des  châtimensdiftini^s 
de  ceux  des  autres  citoyens.  Une  des  peines  parti- 
culières à  la  clafle  militaire  ,  c'efl  la  Prifon  ;  elle  eft 
également  infligée  au  foldat  &  à  l'officier  par  foa 
fupérieur  ,  &  il  n'y  a  que  celui  qui  a  pu  l'y  coti- 
damner  qui  puiffe  la  limiter. 

Un  juge  civil  n'a  pas  le  droit  de  faire  élargir  ua 
foldat  emprifonné  par  l'ordre  d'un  officier  militai- 
re ;  mais  fi  le  foldat  commettoit  un  délit  dans  la 
Prifon,  qui  eût  donné  lieu  à  une  plainte  ,  le  lieute- 
nant criminel  feroit  autorifé  à  l'y  retenir  pour  faire 
l'inftruélion  de  fon  procès,  Si  à  le  juger  fuivant  la 
rigueur  des  ordonn;.nces. 

Nous  nous  garderons  bien  de  donner  notre  opi- 
nion dans  une  matière  qui  efl  fi  étrangère  à  notre 
profeffion  ;  mais  qu'il  nous  foit  permis  de  rappeler 
ce  qui  a  été  dit  par  des  officiers  fupérieurs  ,  &  ex- 
primé dans  une  ordonnance  militaire  qui  n'a  pas 
eu  fon  exécution  ,  parce  qu'elle  étoit  trop  oppotée 
au  fentiment  de  la  nation  françoife.  La  Prilon  eft 
en  général  très-funelle  au  foldat;  elle  le  plonge 
flans  une  inailion  nuifible  ,  elle  l'ènerve,  elle  l'a- 
brutit,  elle  rejette  le  poids  de  fon  fervice  fur  les 
bons  fujets.  Il  efl  donc  à  defirer  qu'on  fubflitueà 
la  Prifon  -militaire  une  sutre  peine  ,  qui  ,  loin  d'at- 
taquer les  qualités  principales  du  foldat ,  leur  donne 
au  contraire  un  nouveau  développement  ;  c'efl  aux 
feuls  gens  du  métier  qu'il  appartient  de  l'indiquer^ 
(  Cet  article  ejl  de  M.  DE  LA  C-ROJX,  avocat  au 
parlement  ). 

PRISONNIER.  Celui  qui  cû  arrêté  pour  être 
mis  en  Prifon  ,  ou  qui  y  eft  détenu.  Voyez  les 
articles  Prison  ,  Contrainte  par  corps  ,  & 
Gard's  du  commercî. 

Malgré    les    mefures  employées  pour  la  garde 
des  Prifonniers  de  la  maifon  de  Bicêtre  ,  il  s'en 
évadoit  fouvent,  qui,  abufant  de  leur  liberté  ,fe 
Jivroient  à  des  excès  &  à  des  crimes ,  au  préjudice 
du  bon  ordre  &  de  la  tranquillité  publique  :  pour 
prévenh-  à  l'avenir  ces  défordres,  faire  reconnoître 
ces  Prifonniers  &  en   faciliter  la  capture  en  cas 
d'évafion,  le  roi  a  rendu,  le  17  avril  1778,  une 
ordonnance  qui  contient  les  difpofitions  fuivantes: 
"  Article  I.  Tous  les  Prifonniers  renfermés  à 
»  Bicêtre,  foit  dans  les  cabanons,  foit  dans  les 
i>  falles    communes  ,   feront  habillés    à   neuf.  La 
»  Hîoitié  de  chaq.ue  vêtement  fera  noir ,  &  l'autre 
)>  cris  d'hôpital  :  les  habillemens  feront  compofés 
»  d'un  bonnet  de  hure,  une  foubreveAe  ,  un  gilet, 
ji  un  pantalon  fans  poches  ,  ries  chauflons  de  bure 
,>  dans    leurs  fabots ,  &  lefdits  vêtemens  feront 
»  doublés  de  même  couleur. 

)j  2.  Lefdits  prifonniers  auront  les  cheveux  coii- 
j)  pés  dès  leur  entrée  à  Bicêtre;  &,  pendant  la 
„  xluiée  de  leur  détention,  leurs  cheveux  feront 
)i   coupés  tous  les  deux  mois. 


PRISONNIER. 

n.  3.  Sa  majefté  enjoint  à  l'économe  Si.  autres 
«  officiers  de  l'hôpital  de  Bicétre,  de  veiller  à  ce 
»  qu'il  ne  foit  fourni  à  aucun  defdits  Prifonniers 
»  d'autres  vêtemens  que  ceux  prefcrits  par  la  pré- 
«  fente  ordonnance;  &  fait  défenfes  à  tous  cm- 
«  ployés  ,  gardes  ,  ferviteurs  ,  domeftiques,  &  gé- 
«  néralement  tous  autres ,  de  leur  en  procurer  ,  à 
»  peine  de  punition  exemplaire. 

M  4.  Défend  fa  majefté  à  toutes  perfonnes ,  de 
>j  quelqu'état  &  condition  qu'elles  foient ,  notam- 
î>  ment  à  tous  cabaretiers,  logeurs  &  aubergiftes  , 
T*  tant  des  villes  que  des  campagnes  ,  de  donner 
5>  retraite  à  tous  ceux  qui  fe  préfenteront  vèms 
»  de  l'habillement  de  l'hôpital  de  Bicétre  :  leur  en- 
j>  joint  d'en  donner  avis  ;  favoir  ,  dans  les  villes  , 
»)  aux  officiers  de  police,  Ce  dans  les  campagnes  , 
»>  aux  officiers  &  cavaliers  de  maréchauirée  ,  le 
I)  tout  à  peine  ,  contre  les  contrevenans  ,  de  telle 
»>  amende  qu'il  appactiendra  ». 

On  appelle  Pnfonnier  de  guerre  ,  celui  qui  a  été 
pris  en  guerre  ,  &  qui  ne  peut  recouvrer  Li  liberté 
que  du  confentemcnt  de  fon  ennemi. 

C'étoit  un  ufage  afTez  univerfellement  établi  au- 
trefois, que  tous  ceux  qui  étoient  pris  dans  une 
guerre  folemuellc  ,  foit  qu'ils  fe  fufîent  rendus  eux- 
mêmes  ,  ou  qu'ils  euiTent  été  enlevés  de  vive  force  , 
devenoient  elclaves  dès  l'inftant  qu'ils  étoient  con- 
duits dans  quelque  lieu  de  la  dépendance  du  vain- 
queur,ou  dont  il  étoit  le  maître.  Cet  ufage  s'étendoit 
même  à  tous  ceux  qui  fe  trouvoient  pris  malheu- 
reuftment  fur  les  terres  de  l'ennemi ,  dans  le  temps 
que  la  gutrre  s'étuit  allumée.  De  plus ,  non-feule- 
ment ceux  qui  étoient  faits  Prifonniers  de  guerre  , 
mais  encore  leurs  defcendans  qui  naifloient  d<)ns 
cet  efclavage  ,  étoient  réduits  à  la  même  condition. 

Il  y  a  quelque  apparence  que  la  raifon  pour  la- 
quelle les  nations  avoient  établi  cette  pratique  de 
faire  des  efclaves  dans  la  guerre  ,  étoit  principale- 
ment de  porter  les  troupes  à  s'abftenir  du  carnage  , 
par  le  profit  qu'on  retiroit  delà  pofl'e/Tion  des  ef- 
claves ;  aufll  les  hiftoriens  remarquent  que  les 
guerres  civiles  étoient  beaucoup  plus  cruelles  que 
les  autres,  en  ce  que  le  plus  fouvent  on  tuoit  les 
Prifonniers  ,  parce  qu'on  n'en  pouvoit  pas  faire 
des  efclaves. 

Les  chrétiens  entre  eux  ont  aboli  l'ufage  de 
rendre  efclaves  les  Prifonniers  de  guerre  ;  on  fe 
contente  de  les  garder  jufqu'à  la  paix  ,  ou  jufqu'à 
ce  qu'on  ait  paye  leur  rançon  ,  dont  l'eftimation 
dépend  du  vainqueur,  à  moins  qu'il  n'y  ait  quelque 
cartel  qui  la  fixe. 

L'article  507  de  l'ordonnance  du  roi  du  17  fé- 
vrier i7';3  ,  porte,  que  fa  majefté  payera  la  ran- 
çon des  officiers  &  foldats  qui  feront  faits  Prifon- 
niers dans  les  aâions  de  guerre  ;  mais  qu'à  l'égard 
de  ceux  qui  auront  été  pris  dans  toute  autre  cir- 
conftance  ,  les  officiers  payeront  leur  rançon  ,  & 
celle  des  foldats  fera  payée  par  leur  capitaine. 

L'article  508  veut  que  dans  les  vingt-quatre  heu- 
res de  la  prifed'un  foldaioude  la  rentrée  du  dé- 


PRISONNIER.  e%i 

tachement  dans  lequel  il  a  été  pris  ,  le  capitaine 
en  remette  une  note  au  major  du  régiment,  &  que 
celui-ci  en  faffe  part  auffi-tôt  au  major  général. 

Enfin  il  eft  ordonné  ,  par  l'article  509,  au  m-a- 
jor  général  de  tenir  un  état  ,  par  régiment  &  par 
compagnie ,  des  officiers  &  des  foldats  qui  ont  été 
faits  Prifonniers  de  guerre  ,  &  d'y  marquer  les 
occafions  où  ils  ont  été  pris ,  afin  d'y  avoir  re- 
cours lorfqu'il  s'agit  de  conflater  par  qui  leur  ran- 
çon doit  être  payée. 

Une  ordonnance  du  roi  du  4  novembre  176a, 
a  réglé  ce  qui  devoir  être  obfervé  relativement  aux; 
Prifonniers  de  guerre  faits  à  la  mer.  Elle  porte  ce 
qui  fuit  : 

«Article  i.  Tout  capitaine  commandant  un 
»  navire  armé  avec  conimiffion  en  guerre  ,  qui 
»  aura  fait  des  Prifonniers  à  la  mer  ,  fera  tenu 
»  de  les  garder  à  fon  bord  jufqu'au  lieu  de  fa  pre- 
»  mière  relâche  dans  un  port  du  royaume  ,  ibus 
»  peine  de  payer  ,  pour  chaque  Prifonnler  qu'il 
»  aura  relâché  ,  cent  livres  d'amende  ,  qui  fera 
'I  retenue  fur  fa  part  aux  prifes  ,  ou  fur  fes  gages» 

n  2.  Lorfque  le  nombre  des  Prifonniers  de 
»  guerre  excédera  celui  du  tiers  de  l'équipage  , 
»  permet  cependant  fa  majefté  au  capitaine  pre- 
V  neur  d'embarquer  le  furplus  de  ce  tiers  ,  &  dans 
»  le  cas  où  il  manqueroit  de  vivres  ,  un  plus  grand 
"  nombre  fur  les  navires  des  puiflances  neutres 
)>  qu'il  rencontrera  à  la  mer  ,  en  prenant  au  pied 
»  d'une  lifte  des  Prifonniers  ainfi  débarqués  ,  une 
Il  foumiflîon  fignée  du  capitaine  du  bâtiment  pris 
5»  &  des  autres  principaux  Prifonniers,  portant 
»  qu'ils  s'engagent  à  faire  échanger  &  renvoyer- 
»  un  pareil  nombre  de  Prifonniers  françois  de 
»  même  grade  ;  laquelle  lifte  originale  fera  remife 
r>  à  la  première  relâche  dans  les  ports  du  royaume  , 
«  à  l'intendant  ou  au  commiftaire  de  la  marine  , 
»  &  dans  les  pons  étrangers  ,  au  conful  de  la  na- 
11  tion  françoife,  pour  être  envoyée  au  fecrétairc 
)>  d'état  ayant  le  département  de  la  marine. 

«  3.  Permet  auffi  fa  majefté  auxdits  capitaines 
»  qui  relâcheront  dans  les  ports  des  puiflances  neu- 
»  très  ,  d'y  débarquer  les  prifonniers  de  guerre 
»  qu'ils  auront  faits,  pourvu  qu'ils  en  aient  juftifiî 
»  la  néceffité  aux  confuls  ou  autres  chargés  des 
i>  affaires  de  France ,  dont  ils  feront  obligés  de 
»  rapporter  une  permiffion  par  écrit  ;  lefquels  re- 
»)  mettront  lefdits  Prifonniers  aux  confuls  de  la 
H  nation  ennemie  ,  &  en  retireront  un  reçu  ,  avec 
»  obligation  de  faire  tenir  compte  de  l'échange 
»  defdits  Prifonniers  ,  par  un  pareil  nombre  de 
»  Prifonniers  françois  de  même  grade. 

»  4.  Dans  l'un  &  l'autre  cas  ,  les  capitaines  pre- 
»  neurs  feront  obligés ,  fans  pouvoir  s'en  difpen- 
»  fer,  fous  quelque  prétexte  que  ce  puiftTe  être, 
»  de  gardera  leur  bord  le  capitaine  avec  un  de; 
»  principaux  officiers  de  l'équipage  du  bâtimen: 
n  pris  ,  pour  les  ramener  dans  les  ports  de  France  . 
n  où  ils  feront  détenus  aux  frais  du  roi  pour  fervir 

Rrrrij 


684 


PRISONNIER. 


»  d'otages  ,  jufqu'à  ce  que  l'échange    promis  ait 
>»  été  efî'eâué  ;». 

Par  convention  fignée  à  Verfailles  le  12  mars 
1780  ,  &  à  Londres  le  28  du  même  mo.s  ,  il  a  été 
arrêté  entre  la  France  &  la  Grande-Bretagne,  un 
cartel  p'H;r  l'écliange  général  de  tous  les  Prifon- 
ricrs  pris  en  mer  &  amenés  en  Europe  (i).  On  a 


[i)  Ce  cartel  ayant  éié  diSlé par  Ij  fjgejfe  0"  l'huniinitc, 
nous  croyot.s  devuir  le  tranfcrire.  ici  comme  un  modèie  dfmvn 
■pour  adoucir  les  maux  jue  la  guerre  entraîne  après  elle. 

L'intention  de  nos  Ibuverains  refpetlifs  étant  de  rendre 
mutuels  les  avantages  i'un  échange  général  de  tous  les  Pri- 
fonnieisptis  en  nier,  entte  la  France  &  la  Grande-Bretagne  , 
depuis  le  commencement  des  hoRillités  ;  nous  ,  fouilignés, 
nout  fommes  fait  un  devoir  de  conduire  cette  ntgociarion 
avec  toute  la  candeur  &  Tinicgrité  qu'on  doit  attendre  dans 
une  matière  qui  intérefle  auffi  cffcntiellement  l'hunianitc  ,  la 
juftice  &  la  viaie  poIiti'^iUe  ;  on  a  développé  tous  les  eftbns 
poiTîb'es,  en  formant  ce  caitel ,  pour  y  ttablii  la  plus  parfaite 
égalité  ic  la  réciprocité  la  plus  compiette  ,  ainli  que  pour 
éviter  ou  concilier  de  bonne  foi  les  diflicultés  que  le  défaut 
d'une  corrcfpondance  exaâe  entte  les  rangs  établis  dans  le 
fervice  militaire  des  deux  nations  ,  ou  touc  autre  motif  pour 
roit  occalionner, 

Autorifcs  par  nos  cours  refpe£lîves  ,  de  la  parr  de  fa  ma- 
jefté  très  chrétienne ,  Louis  Grégoire  le  Hoc,  ecuyer,  avo- 
cat en  parlement ,  &  l'un  des  chels  des  bureaux  de  la  marine 
de  fadite  majcfté  :  &  de  la  part  de  fa  niajcllé  btitannique  ,  les 
fonimiflaires  chargés  du  foin  des  matelots  malades  ci  blelF^s 
&:  de  l'échange  des  Prifonniers  de  guerre  ,  à  prendre  les  me- 
furcs  convenables  pour  mettre  en  exécution  la  remife  réci- 
proque des  Prifonniers ,  nous  fommes  convenus  des  articles 
tuivans  : 

Article  I.  Tous  les  Prifonniers  qui  ont  été  pris  en 
nier  depuis  le  commencement  des  préfentes  hoftilités  ,  & 
«TU!  fe  trouvent  dans  les  domaines  de  lune  ou  de  l'autre 
puilFance  en  Europe  ,  ainfi  que  tous  les  Prifonniers  qui  fe- 
ronr  pris  dans  la  fuite,  &:  conduits  dans  les  ports  defdites  ! 
puilTanccs  en  Europe,  feront  éciiangés  homme  pour  homme  , 
félon  leurs  rangs  ou  qualités  ,  ou  pour  un  certain  nombre  de 
fimples  mateltis,  comme  un  équivalent  ,  ou  pour  cerraines 
(ommes  en  forme  de  rançons,  ain(î  qu'il  eftci-aprcs  fpécitié. 
1.  Tous  les  officiers  des  vaifleaux  du  roi  feront  échangés 
félon  la  table  qui  fuit. 


FRANÇOIS. 

Vice-amiral. 

Lieutenant  général. 

Cbefd'efcadre. 
Capicaines    de    vaifleaux 
«ommandans   des  divifions 
ot!  qui  o.it  le  rang  de  briga 
dier  dei  armées. 

Capitaines  de  vaifleaux  du 
rarg  de  colonel. 


A  N  G  L  0  I  S. 

l  Aniiia;  commandant  en  chef. 
T     Amiral  portant  un  pavillon 
J>au    grand  mât  de  hune,  ^ 
3  Vice-amiral. 
1      Rear  admirai. 


\ 


Commodores. 

/ 


Pc_fi  capitaines  depuis  trois 
ans  ,  dont  le  rang  répend  à 
_^  celui  de  colonels. 
Lieutenans  de  vaifleaux 
commandans  des  frégates  de-V  Tous  ainrespir/î-capitaines 
puis  50  jufqu'à  2o  canons  Aqui  ont  le  rang  de  lieutenant- 
Jiqui  onc  rang  de  lieutenant-^  colonel. 

colonel. 

^  Majters  and  commander:  , 
/capitaines  net  -  pojî  du  rang 
r  de  majors  ,  parmi  lefquefs 
^fonr  compris  les  capitaines  de 
Xbrûlots  ,  qui  font  majîers  and 
Jcommundtn. 


Lieutenans  de 
rang  de  magots. 


vaiffeau  dut 


PRISONNIER. 

réglé  en  même-temps  ce  qui  doit  être  obfervé  re- 
lativement aux  paflagers  ,   aux  femmes  ,  aux  en- 

FRANCOIS.  A  N  G  L  0  l  S. 

Tous  autres  lieutenans  de  7 
vaifTeaux  fans  didinûion.        S    Lieuicnans  fans  diftinaion. 

Capitaines   de  brûlots    Ju 
rarn;  de  capitaines  d'infante- 

vie,  enfeignes  de  vaifleaux  du/  Lieutenans,  lorfque  les 
rang  de  lieutenans  d'infante-t  lieutenans  de  vaifl"eau  fran- 
ne  ,  lieutenans  de  frégates^çois  feront  échangés  ,  &.'  au 
ou  capitaines  de  flûte  en  picd,|  défaut  de  lieutenans  angloîs, 
ou  pour  la  campagne  ,  &:  inXàes  miishipmcn. 
rang  de  lieutenant  d'infante-  J 
rie.  «/ 

Gardes  de   pavillon  ou   de; 
la  marine.  j 

Officirs  mariniers. 
Maîtres  ,  „ 

Boflemans  ,  ( 

Canoniers,  C 

Charpentiers.  "^ 

Officiers  subalterkes. 
Seconds  maîtres  d'équipages  ,\ 
Maîtres  voiliers ,  / 

Armuriers,  ' 

Capitaines  d'arme* , 
Maîtres  d'école 
Volontaires. 


Miàshipmen, 


Contre  ceux  de   la  m^me 
déncmination  ,  ou  d'un  tan 

égal. 


g 


S 


Contre   ceux  de  la   même 
dcnominaiion  ,  ou  en  même- 
c^rré. 


Tous  les  autres  officiers  fubalternes ,  matelots  &:  autres  de 
diflacntes  dénominations  ,  feront  échangés ,  fans  dilHnftion, 
homme  pour  homme  ;  &  au  défaut  de  ceux  de  cette  claffe  de 
la  marine  royale ,  de  part  ou  d'autre  ,  ceux  de  la  même  claflc 
de  la  marine  marchande  ,  ou  des  corfaires ,  feront  regardé» 
comme  un  équivalent  en  échange. 

3.  Le  nombre  de  (impies  matelots  à  donner  comme  un 
équivalent  pour  les  officiers,  contre  lefquels  il  n'yauioit 
point  d'officiers  de  même  rang  à  délivrer  en  échange  de  pare 
eu  d'autre  ,  fera  fixé  à 


Français.  Vice  amir.il        .       .         .         .        .■) 
v4/i^/ow.  Amiral  commandant  en  chef      ..       .J 

F.  Lieutenant  général  .  .  .  .T 

A.  Amiral  portant  un  pavillon  au  grand  mât  de  > 

hune  ,    Se  vice-amiral  .  •         .j 

F.  Chefd'efcadre  .  .         •         •         •» 

A,  Rear  admirai         .         •  •  •        «l 

F.  Capitaines  de  vailTeaux  commar.dansdes  di- 
vifions, ou   qui   ont  le  rang  de  brigadier^ 
des  armées  .  ... 

^.Commodores  .  ... 

F.  Capitaines  de  vaifleaux  du  rang  de  colonels. 'j 
A.   Pofi  -  capitaines  depuis  trois   ans,  qui  onc^ 

rang  de  colonels         .  .  ... 

F.   Lieu'-enans  de  vailTeaux  comman-lans  des^ 

frégates  depuis  50  jufqu'à  îo  canons,  £i. 

qui  ont  rang  île  lieutenans-colonels     . 
A.  Tous  les  aunes  l'ojl-capitainei ,  qui  ontrang\ 

de- lieutenans-colonels 
F.   Lieutenans  de  vaifleaux  commandans  des" 

frégates   de  10  canons  &  au-defibus,  &j 

qui  ont  rang  de  majors 
A.  Majiers  and  commJinders  ou  capitaines  not- 
pofi  du  rang  de    majors  ,  parmi  lefquelsl 

font  compris  les  capitaines  de  brûlots ., 

qui  font  mafurs  arti  commandtrs   .     .     • 


Hommes 
60. 

4°. 

30. 

10. 


10, 


PRISONNIER. 

fans ,  aux  domeftiques  ,  &c.  pris  fur  les  divers  bâ- 


timens  de  mer. 


F.  Tous  lieurenans  de  vaiffeaox  fans  diflinc- 


hommcs. 


lion 


i 


i. 


A-  Tous  lieutenant  fans  diflin£lion 
f.  Capitaines  de  brûlots  Ju  rang  de  capitaines 
d'infanterie  ,  enfeignes  de  vaifTeaux,  Jieu- 
lenans  de  frégates  ,  ou  capitaines  de  tlûtt 
en  pied  ou  peut  la  campagne 
-rf.  Lieutenans ,  quand  tous  les  lieutenans  de, 
vaifTeaux  fran^ois  feront  échangés  ,  &  an^ 
dsfaut  de  lieutenans  anglois,desmidsAip- 
Tfitn  •  •  •  •  • 

F.  Garde  de  pavillon  ou  de  la  maiine         •      •  > 
j4.  Midshipintn  ,  .  •  •>      }• 

F.  Officiels  de  pilotage  ou  matiniets       .  .j 

A.JVarranr  ojj/icers         .       .  •  •         -i      '■• 

F.  Officiers  fubahernes  .  •  •■> 

A.  Petty  officcrs  •  •  •  «5      *• 

4.  Les  fommes  à  payer  en  forme  de  rançons,  pour  les  offi- 
ciers quelconques ,  contre  iefquels  il  n'y  auroit  point,  de 
part  ou  d'autre  ,  d"officiers  cortefpondans  ou  de  matelots  à 
donner  en  échange,  ainfi  qu'il  elt  llipulé  dans  les  articles 
précédens  ,  feront  fixées  à 


:} 


Liv.  jlerling. 


i 


A. 
F. 


François.  Vice-amiral 

Anglois.  Amital  commandant  en  chef      ' 

F.  Lieutenant  général         •  •  "■    jA 

A.  Amiral   portant  pavillon  au  grand  mat  de> 

hune ,  &  vice-araiial         •        •  -^ 

F.  Chefd'efcadre  .  •         •  'l 

A,  Rear- admirai        .  •  *    j     j- 

F.  Capitaines  de  raiOeaux  commandans  des  di- 

vifions  ,   &  qui  ont  rang   de   brigadiers 

des  armées         .  •  .         •         ' 

A-  Commodores         ...  • 

F.  Capitaines  de  vaiffeaux  du  rang  de  coloneli 

A.  Pdji  cafit.nnes  depuis  trois  ans,  du    tani 

de  colonels 

F,   Lieutenans  de  vaifTeaux    commandans  des 
frégates  depuis  ^o  jufqu'à  10  canons  ,   & 
qui  ont  rang  de  lieutenans  co'onels     .     . 
Tous    les    autres  ^ofi-capitaints ,  ayant  le 

rangde  lieutenans-colonels 

Lieutenans  de  vailTeaux   commandans  des 

frégates  de  2^  canons  &  au-dtffous,  &: 

du  rang  de  majors  .  «  • 

A.  Majîers  and  commaniers  ou  capitaines  not- 

pojl  ,  du  rang  de  mijois  ,  parmi  Iefquels 

font  compris'  les  capitaines  de  brûlots  , 

t^ui  Cont  majlers  and  commanders     .     .    . 

F.  Les  autres  lieutenans  de  vaiffeaux  fans  dif- 

tinctioa         .  •  •  .  •         • 

A.  Lieutenans  de  vaideaux  fans  diftinflion  .    . 

F.  Capitaines  de  brûlots  ,  du  rang  de  capitaines 
d'infanterie  ,  enftignes  de  vailTeaux  , 
lieutenans  de  ficgates,  ou  capitaines  de 
flûreen  piedoupour  la  campagne     . 

A-  Lieutenans,  lorfque  tous  les  lieutenans  de 
vailTeaux  François  feront  échangés ,  &  au 
défaut  de  lieutenans  anglois, des  midship- 
meii  •  5  •  • 

F.  Gardes  Je  pavillon  ou  de  la  marine 

A.  Miiikipmen 

F.  Officiers  de  pilotage  oB  mariniers 

A.  Warran:  ojiccn 


60 


40. 


3  0» 


zo. 


iÇ- 


10. 


PRIVILÈGE.  6S5 

PRIVILÈGE.  Ce  mot  fc  dit  de   toutes  fortes 
de  droits ,  de  prérogatives  ,  d'avantages  attachés 


Liv.flcrling-* 


F.  Officiers  fubahernes  .  .  •} 

A.  Fncy  officers      .         .         .  .         .       •  i 

F,  Matelots  fie  autres  confidérés  comme  llirrlcs 

matelots  .  .         .  .  .  ' 

A.  Matelots  &:  autres  conlldérés  comsi»  lim;  l^-i  ' 

matelots  ..»..• 


1. 


ç.  Tous  les  officiers  de  vaificaux  de  roi ,  frégates,  floops 
&  autres  bâtimens  ,  aulueliement  Prifonniers  fur  leur  parole  , 
feront  immédiatement  échangés  felor»  les  conventions  du 
préfenc  cartel.  Tous  les  officiers  de  vaifTeaux  de  roi ,  frégates  , 
iloops  &.' autres  bâciniens ,  jufqu'aux  grades  de  lieutenans  fie 
d'enfeignes  incluhven-.ent  (  mais  aucun  d'une  qualité  inté- 
rieure ),  auront  à  l'avenir  la  permiilion  de  donner  leur  pa- 
role d'honneur  de  ne  peint  fervir  jufqu'à  ce  qu'ils  aient  été 
échangés,  &:  de  retoutncr  dans  leurs  pays  par  la  voie  la  plus 
convenable  ,  tous  lefdits  officiers  au  fervice  du  roi  ,  devant 
être  les  premiers  échangés  ;  tous  les  officiers  d'un  rang  infé- 
rieur à  ceux  de  lieutenant  &  d'enfeigne  ,  qui  auront  été  déli- 
viés  pat  préférence  ,  feront  portés  dans  le  compte  général  des 
échanges,  Se  regardes  comme  libres  de  rentrer  au  fervice. 

6,  11  a  été  agréé  entre  les  deux  cours,  que  tous  les  chirur- 
giens Se  garçons  chirurgiens  des  vailTeaux  &:  bâtimens  du  roi  , 
fie  même  tous  les  chirurgiens  fie  garçons  chirurgiens  des  vaif- 
feaux  marchands,  corfaires  Se  autres  bâtimens  ,  feroient  mis 
en  liberté  ,  fans  être  regardés  comme  Prifonniers  ;  les  chirur- 
giens des  trcupes  de  la  mâtine  royale,  des  troupes  de  terre  , 
fcrvant  comme  ttoupesde  la  marine  ,  ou  des  forces  de  rerre 
ne  fervant  point  à  bord  des  vaifleaux  ,  pris  en  mer  fur  des 
vailTeaux  de  roi  ou  autres  bâtimens,  feront  à  l'avenir  ,  ainlî 
que  leurs  garçons  chirurgiens ,  compris  dans  la  même  con- 
vention ,  &  mis  immédiatement  en  libetté.  Il  elt  pareille- 
menr  agréé  que  la  même  convention  fera  obfervée  à  l'égard 
des  fectétaires  de  tous  les  amiraux  ,  commis  de  tous  les  capi- 
taines, &.•  chapelains  ou  miniflres  defdits  vailTeaux  5e  bâti- 
mens, &  comme  il  n'y  a  point  dans  la  marine  françoife  ,  de 
qualités  qui  correfpondent  exadenient  à  celle  des  Purftrs  da 
la  marine  angloife  ,  les  premiers  commis  des  munitionnaires 
feront  regardés  comme  équivalens  en  échange, 

7.  Tous  les  officiers  fie  autres  Prifonniers  prîj  fur  des  i»a- 
vires  marchands ,  corfaires  ou  autres  bâtimens  n'étant  poin» 
vailTeaux  de  roi  ,  feront  échangés  comme  il  fuit  : 

Savoir.: 
FRANÇOIS. 


Capitaines. 

Seconds  capitaines. 

Lieutenans. 

Maîtres. 

Aides-maîtres. 

Pilores. 

Enfeignes. 


I 


ANGLOIS. 

Capiraines, 
Lieutenans  ou  mares. 
Capitaines  ou  lieutenan» 

des  tioupes  de  la  marine. 
Maîtres  de  prifes. 
Pilotes  &:  mlishipmcn. 

Deux  lieutenans  oa  TTîfltti  feront  alloués  pour  chaque  cen- 
taine d'hommes. 

Tous  les  autres  ,  de  toute  dénomination  ,  app.irtenans 
auxdits  navires  marchands  ,  corfaires  ou  autres  bamnens  , 
n'étant  point  vailTeaux  de  ro?^  feront  échangés  fans  dilHnc- 
tion,  homme  pour  homme. 

8.  Le  nombre  de  (impies  matelots  adonner  en  échange  , 
comme  un  équivalent  pour  lefdits  officiers  fie  autres  pris  Icr 
lefdits  navires  marchands  ,  corfaires  Se  autres  bâtimens  ,  n'f- 
taut  point  vailTeaux  de  roi,  contre  lel'qucls  l'une  ou  l'autre 
nation  n'auroit  point  de  Prifonniers  d'une  qualité  correipon- 
dante  â  échanger,  fera  fixé  à 

hcmmut 
Français.  Capitiin^s         .  .  .         .  .T 

A:igloii.  Capitaines         .       .  .         .       .       .-^      4. 


6S6 


PRIVILÈGE. 


aux  charges  ,  aux  emplois ,  aux  conditions ,   aux 
états ,  &c. 


hoini'us. 
F.  Seconds  capitaines  ou  lieùienans 
^.  Lieutenans  ou  wcrej 
F.  Maiaes.  .... 

^.  Capitaines  &  lieutenant  des  troupes  de  ma-\ 

line  .         .  .  •  •         .  "^      i. 

F.  Seconds  maîtres        .... 
^.  jMaîties  de  priles         ,         .  •         . 

F,  Pilotes  &  enleignes 
j4.  Pilotes  &  midihipmen 

9.  Les  femmes  à  payer  en  forme  de  rançons  pour  les  uns 
ou  les  nutres  des  olhciers  defdits  naviies  marchands  ,  corfai- 
res  ou  autres  bâtiniens  n'étant  point  vailTe^ux  de  roi,  pour 
lefquels  il  n'y  autoit  point ,  de  part  ou  d'autre  ,  d'officiers  de 
même  grade  ,  ou  de  (impies  matelots  à  donner  en  échange, 
ainli  qu'il  a  été  Hipulé  par  les  articles  immédiatemens  préeé- 
dens  ,  feront  fixées  à 

Liv.  fitrling, 

François.  Capitaines  ;  .  .  '\    ^' 

Jirtglo'n.  Capitaines  .  .  .  •  ' 

F.  Seconds  capitaines  &  lieutenans 

A.  Lici.tenans  &  mates 

F.  Maures         ....  .         . 

A.  Capitaines  &:  lieutenans  des  troupes  de  ma- 
rine .  »  .  . 

F.  Seconds  maîtres         .  •  • 

>i.  Maîtres  de  piiCes  .  .  . 

F.  Pilotes  &  enfeignes 

^.  Pilotes  &  7nid5liijimfn  .  .. 

F.  &  A.  Matelots  &:   autres  confidérés   comme 

fimples  matelots  »  .  .  .1. 

10.  L'échange  des  capitaines  5:  autres  defdits  navires  mar- 
chands ,  cotfaires  &:  autres  bâtiniens ,  fera  conforamé  félon 
l'anciennerc  de  la  date  de  leur  prife  ,  autant  que  les  circonf- 
tances  le  permettront. 

1 1.  Tous  les  palTagers  n'étant  point  au  fervice  de  terre  ou 
de  mer,  n'importe  fur  quel  bâtiment  ils  auront  été  pris,  ne 
feront  point  regardés  comme  Prilonniers  ^  mais  ils  feront  mis 
en  liberté  de  retourner  chez,  eux,  fans  être  portés  dans  le 
compte  Aes  échanges,  aufli-tôt  qu'ils  auront  prouvé  par  des 
certih'cats  autheniiques  qu'ils  font  réellement  djns  le  cas  de 
l'exception.  Toutes  les  femmes,  enfans ,  domeltiques  ,  au- 
dcflbus  de  douze  ans  ,  ne  feront  ri  regardés  comme  Prifon- 
niers  ,  ni  portés  fur  le  compte  des  échanges  ;  mais  néan- 
moins il  leur  fera  paffc ,  lorfqu'ils  en  auront  befoin  ,  une 
fubhftanccen  argent,  de  la  valeur  de  fix  denicis  flerling  par 
jour  à  chacun  ,  ou  en  vivres  pour  lefdits  domelliques  en  pri- 
fon ,ju'qu'à  ce  qu'ils  foient  mis  en  état  de  partir  :  lefdiies 
femmes  auront  la  liberté  de  prendre  un  parent  ou  un  ami 
pour  les  accon.pagner  dans  leur  pays  ;  &:  n  ce  parent  ou  ami 
appartient  au  fervice  de  terre  ou  de  nier  ,  il  fera  porté  fur 
le  compte  des  échanges. 

11.  Les  valets  de  chambre  &  laquais  des  officiers  des  vaif- 
feaux  de  tueffC'  depuis  le  plus  haut  grade  jufqu'.i  celui  de 
lieutenant  &  d'enfeigne  ,  inclufivement ,  des  officiers  ie^ 
troupes  de  la  mâtine  royale,  &_des  officiers  des  forces  de 
lerre ,  pris  en  mer ,  jufqu'aiix  capitaines  inclulîvement  5  des 
capitaines  de  vaifRaux  marchands  &  des  corfaires  ,  dont 
réquipa^e  ne  fca  pas  au  defious  de  cinquante  bommes,  fe- 
ront mis  en  liberté  avec  leurs  maîtres  ;  mais  ils  feront  portés 
fur  le  compte  des  é  hanges,  &  comptés  comme  fimples  ma- 
illots. I  es  valets  de  chambre  &  laquais  des  patfagers  des  deux 
lexes  feront  ni's  en  liberté  avec  leurs  maîtres  &  niaîtrelTcs  , 
fans  être  pertes  fur  le  compte  des  échanges. 

13.  Toutes  peifonnes  ,  n'importe  de  quelle  dénomination 
de  pa:t  ou  d'autte,  qui  auront  fait  naufrage,  fut  quelque 


PRIVILÈGE. 

On  diflingne  les  Privilèges  en  Privilèges  écrFry 
&  non  écrits  ,  réels  &  perfonnels  ,  odieux  Se  faç-o- 


vaifTeau  ou  bâtiment  que  ce  puifTe  être  ,  à  moins  que  ce  nt 
foit  en  voulant  prendre  terre,  ou  en  proiégant  quelque  dé- 
prédation fur  les  évites  ou  dans  les  îles  de  l'un  ou  l'autre  des. 
deux  royaumes ,  feront  imuiédiatement  mifes  en  iiberté  ;  &r 
on  leur  fourniia  les  moyens  de  retourner  dans  leur  pays  ref- 
peclifs ,  ainfi  que  des  vétemcns ,  fi  elles  en  ont  bcfom,  aiiTr- 
tôt  que  la  lîtuation  defdices  perfonnes  fera  connue  ,  &  qu'on 
aura  pu  prendre  les  mefures  convenables  pour  cet  effet. 

14.  Tous  les  Prifonniers  qui  ont  été  ou  feront  échanges 
avant  que  le  ptéfeut  cartel  ait  lieu  ,  foit  par  préfcrence  ,  ou. 
par  des  échanges  particuliers,  feront  portés  fur  le  compte 
général  des  échanges  ;  &  il  fera  réciproquemenr  fourni,  de- 
parr  fie  d'autre,  des  li  lies  exactes  de  leurs  noms,  avec  les 
pièces  jiiUificatives  de  leur  échange. 

15.  loi  fera  ajoutée  au  compte  des  échanges  de  tous  les 
Prifonniers  délivrés  aux  confuls  refpedifs  des  deux  nations, 
conlormément  à  l'accord  aûuellement  fubfiftant  entre  h& 
deux  couronnes;  les  rangs  ic  rançons  feront  réglés  confor- 
mément à  ce  qui  a  été  convenu  à  cet  égard  dans  le  prefent 
cartel;  &  les  pièces  jullilîcatives  otiginales  ,  ou  copies  au- 

.  thentiques  d'ice;les,  feront  muiuellement  envoyées. 

16.  A  l'égard  des  officiers  de  marine  ,  officiers  des  troupes 
déterre,  fervant  comme  troupes  de  marine,  officiers  des 
forces  de  terre  ,  pris  en  mer,  ne  fervant  point  fur  les  vaif- 
Icaux,  ainfi  que  les  fimples  foldats  defdites  troupes  de  ma^ 
line  &  forces  de  terre;  afin  d'éviter  l'embarras  qui  téfukeroic 
de  la  difcullion  minutieufe  des  differens  grades  comparv^s  les 
uns  aux  autres,  &  des  variati-ons  qui  peuvent  fe  trouver  ea- 
tre  les  ctablifTemenJ  refpeûifs  des  deux  nations;  &  akn 
que  les  échanges  defdits  efficiers  &:  des  foldats  des  troupes 
&.'  torées  de  terre  puiflent  être  réglés  avec  la  plus  grande  fa.- 
ciliié  ,  ils  feront  échangés  de  la  même  manière  qui  a  été 
arrêtée  à  l'égard  des  officiers  &:  matelots  des  deux  marines, 
honmrre  pour  homme  ,  félon  leurs  rangs  &  qualités  dans  le 
fervice  auquel  ils  appartiennent  aftuellemefit ,  ou  pour  ua 
certain  nombre  de  fimples  foldats  ,  comme  un  équivalent  , 
ou  pour  certaines  fommes  en  forme  de  rançons ,  ainii  qu'il 
e(t  ci-après  fpécifîé. 

17.  Tous  les  officiers  brevetés,  défîgnés  dans  l'article  pré- 
cédent 1  depuis  les  grades  fupérieurs ,  fans  aucune  diflinétion 
de  premier  ,  fécond  lieutenant  ,  &c.  jufqu'aux  enfeignes  in- 
clulivement,  feront  échangés ,  homme  pourhormne,  contr» 
des  officiers  de  mêmes  grades  ,  Se  dénommés  de  même  par 
leurs  brevets;  tous  les  officiers  non  brevetés ,  jufqu'aux  ca- 
poraux inclufivement,  homme  pour  homme  ,  félon  Isurs 
grades  ou  dénominations  ;  &:  tous  les  autres  officiers  non  bre- 
vetés &  fimples  foldats,  n'importe  de  quelle  dénomination, 
feront  échanges  fans  diftindion  ,  homme  pour  homme  :  & 
au  défaut  d'hommes  de  cette  dernière  clafTe  defdits  corps  de 
part  ou  d'autre  ,  les  fimples  matelots  ,  ou  ceux  confidércs 
comme  tels,  des  vaifleaux  de  roi  i  vaiffeaux  marchands  , 
corfaires  ou  autres  bâtiiHens  ,  feront  regardés  &  échangés 
comme  égaux. 

18.  Le  nombre  d'hommes  à  donner  comme  un  équivaleot 
pour  les  fufdits  officiers  brevetés  âc  non  brevetés,  pour  lef- 
quels il  n'y  auroit  point ,  de  part  ou  d'auue  ,  d'officiers  cot- 
refpondans  à  échanger ,  fera  fixé  à 

Hommes, 
Franf ai*.  Maréchal  de  France         ,         .  .n 

/4r;o-/o7.f.  Capitaine  général  ou^e/d/ndrshaZ     .     .5      ^'' 

A,  Général         .         .         ,  .  ,         .        40. 

F.  Lieutenant  général         .  .         ,  .j 

A.  Lieutenant  général         .       .         •        •         «J      ?**• 

F.  Maréchal  de  camp         .         .       .  •         •■> 

^,  Majoï  général  ,        ,         ,        .  .^     i«. 


hommes 
15. 

Xi. 

10. 

8. 

6U 

4. 

J. 

• 

t. 

PRIVILHGE. 

«•ables  ,  gracieux  &  rémunératoires ,  purs  &  con- 
ventionnels, momentanés  &  perpétuels,  affirma- 


F.  Brigadier  des  armées         . 
j4.  Brigadier  général         .         . 

■^•^  Colonels 

F. 

^.  l  Lieutenans-jCoJoneis 

yi^  >  Majors         *        .        -. 

^'  l         .    . 

yi  i  Capitaines        -, 

F.  J.    .  ... 

^  S  Licutenans  fans  diŒinûîon 

F.  1 

^_  S  Enfeignes  fans  dillinfiion 

•  A   î  Officiers  non  brevetés,  jiifqu'aux  caporaux^ 
'  J      inclullvement        -.         .         .        -.         . 

1^.  Le»  fonimes  à  payer  en  forme  de  rançons  pouf  les  offî- 
-ciers  &  aiittes ,  contre  lelquels  il  n'y  auroit  point,  de  part  ou 
id'autre  ,  d'officiers  ou  de  limples  foldats  à  échanger ,  coiuiiie 
âl  a  été  iHpulé  dans  Les  articles  pricédens  ,  feront  hxLes  à. 

Lip.  flerîing. 

Franpfi.  Maréchal  de  France  .         .  .?      6q. 

Jingiois.  Capitaine  général  oa  fidimarskal  .i 

j1.  Général  .  .  .  ,  ,        40. 

J".  Lieutenant  général  ,  .  .         .j 

>4,  Lieuteuant  général  •  .  .  ,j      5e. 

F.  Maréchal  de  camp  .  .  .  .. } 

^,  Major  général  .  ,  .        ,  .  S        10 

F,  Brigadier  des  années  .  .  .         .  » 

^.  Brigadier  général  .         .         .  ..  ^      iç. 

F.   l  Colonels 

F.  VLieutenaascoionels         . 

j9.   * 

F.  X  Majors 

^.  i 

■F.  l  Capitaines         -   .  . 

^-  . 

F.    i.  Lieutenans  fans  diflimftion 


PRIVILÈGE. 


<S.^7 


.\    10. 

•} 


^; 


JF.   i    Enfeignss  fans  dillinûion       .  .         .?        3. 

,/'.    l,  OSciers  brevetés  juftju'aux  ciporaux  in-T        1. 

y/.  •*      cluhvement  .         .  .        .  ,î 

.F.   ^  Simples  foldats  .        -         ^  .  {.        i. 

A./  i 

20.  Tous  lefdits  oSciers  de  rnarine  ,  officiers  des  troupes 
■  de  terre  ,  fervant  comme  troupes  de  marine  ,  &:  des  forces  de 

îevre  ,  pris  en  mer,  ne  fervant  pas  furJes  vaiiTeaux,  qui  fonc 

adueileinenc  Piifouniers  fur  leur  parole  ,  &  tous  les  (înipJes 
i"olJats  defdits  corps ,   feront  imjnédiatement  échanges  félon 

ces  conventions  ,  &  autant  que  les  circonstances  le  pcr- 
.niettront,  de  préférence  à  tous  les  officiers  ou  matelots  des 
.vaideaux  marchands  ,  corfaires  ou  autres  bâtiiiieus  n'étant 
rpoint  vaifleaux  de  lOi  ;  &•  tous  lefdits  ofHciers  de  marine  , 
-officiers  des  troupes  de  terre  ,  fervant  comme  troupes  de  ma- 

îine,  &  des  forces  de  terre  ,  pris  en  mer  ,  ne  fervant  point 
.à  bord  des   vailleaux  ,  jufqu'aijx   enfeigncs  inc'u.'ivement  , 

auront  à  l'avenir  la  permilfion  de  (îgner  leur  parole  d'hon- 
meur  de  ne  point  fervir  qu'ils  n'aient   été  échangés  ,   &  de 

retourner  chez  eux  jufqu'à  ce  que  leur  échange  puilTe.êtrc 
'fomommé;  &  aucun  des  oiliciers  inférieurs  aiix  enfeignes 
iiî'juta.à  J'avjeair  la  pecnùiTion  J.c  dcançi:  fa  pacolje  de  ne 


tifs  &  négatifs,  motu  proptio  aut fupcr  inflanti'im -^ 
ceux  qui  l'ont  exprimés  dans  le  droit  Se  ceux  qui 


point  fetvir  qu'il  n'ait  été  échangé  ;  &  tous  lefJits  oîîiciers 
inférieurs  aux  enfeignes,  qui  auront  été  élargis  pat  préfé- 
rence, feront  portés  fur  le  compte  général  des  échanges  ,  Se 
regardés  comme  libres  de  rentrer  au  fervLce. 

21.  Il -fera  etprelL-ment  défendu  ,  &:  on  ne  fouffrira  en 
aucune  manière,  que  qui  que  ce  foit  emploie  les  intrigues, 
la  fédudion  ou  la  force  ,  pouT  engager  ou  contraindre  au- 
cun des  Prifonniers  ,  de  part  ou  d'autre  ,  â  changer  de  reli- 
gion, ou  à  violer  la  hdéliié  qu'il  doit  à  fon  roi  âc  à  foa 
pays  ,  en  entrant  au  fervice  de  la  puiflance  dans  ïti  domai- 
nes de  laquelle  il  peut  être  Prifonniet. 

12.  Tous  les  Prifonniers  pris  en  Amérique  ou  toure  autre 
partie  du  monde  ,  &:  conduits  dans  les  domaines  de  l'une  on 
de  l'autre  puifTirnce  en  Europe  ,  jouiront  des  avantages  du 
ptéfent  accord  ;  &  il  fera  laiffé  à  la  bonne  foi  des  deux  na- 
tions d'arranger  ,  conformément  au  règlement  qu'il  con- 
tient, les  échanges  qui  peuvent  avoir  été  confoiumés  en 
vertu  de  quelque  cartel  déjà  arrêté  entre  le  gouverneur  de 
Minorque  ,  &  toutes  perfonnes  à  ce  dûment  aurotifées  pac 
la  Ftance,,  à  l'égard  des  Prilonniets  conduits  dans  cette  île 
fc  dans  les  ports  fran^ois  de  la  Méditerranée  ;  &:  pour  lever 
toutes  difficultés  relativement  auxJics  Ptifonnicrs  ,  donc 
l'échange  doit  être  confommé  dans  lefJits  ports  de  la  Médi- 
terranée ,  il  fera  donné  les  ordres  convenables  ,  aulli-tot  qu'il 
fêta  poUible  ,  aptes  la  ratiiication  du  préfent  cartel  ,  afin 
qu'ils  foient  réciproquement  mis  en  liberté  &:  échangés  de 
temps  à  autres ,  fans  égard  pour  leur  nombre  ou  leurs  qua'i- 
tés  ;  &:  les  agens  &:  commidiires  refpeclifs  des  deux  nations 
feront  paffer  les  certihcats  néceffaires  ,  pour  que  la  balance 
du  compte  général  des  échanges  puilfe  être  dûment  tégléc 
entre  nous. 

Tranfpon  des  Frifonniersu 

aj.  Il  a  été  convenu  que,  pour  etFeiluer  le.préfent  échange 
des  Prifonniers  refpedifs,  il  fera  employé  des  bâtimens  des 
deux  nations  ;  c'elt-à-dire  des  bitimens  anglois  pour  le  tranf- 
port  des  Prifonniers  françois ,  &  des  bâtimens  françois  pout 
le  tianfport  des  Piifonniets  anglois  ;  mais  afin  de  rendre  les 
frais  de  tranfport  le  moins  onéreux  qu'il  fera  polfible  pour 
chaque  nation,  il  ell  convenu  que  les  bâ:iineiis  de  chacunCj, 
employés  comme  bâtimens  p.irlementaires  pour  tranfporter 
les  fujets  de  l'autte  ,  remportefcnt  de  même  en  retour  ,  à 
chaque  voyage  ,  autant  que  les  circonliances  le  permettront^ 
les  luicts  de  leur  propre  nation. 

1 1.  Comme  le  nombre  des  Ptifonnicrs  des  nations  rerpec- 
tives,  actuellement  en  France  Se  en  Angleterre  ,  efl:  afi'ez 
con'ldérable  pour  que  les  deux  nations  occupent  des  bâti- 
mens à  ce  fervice  en  même-temps ,  elles  y  en  employèrent 
toutes  les  deux  ,  jufqu'â  ce  que  ,  de  part  ou  d'autre  ,  le 
nombre  des  Prifonniers  foit  afTez  diminué  port  ne  pas  méri- 
ter i'envoi  d'un  bâtiment  parlcmemaire  particulier  ;  l'une  ou 
l'autre  nation  devra  â  l'avenir  employer  refpeûivemenc  lef- 
dits bâtimens ,  â  mefure  qu'elle  aura  un  nombre  fuffifant  des 
fujets  de  l'autre  pour  compléter  un  chargement  ;  ôc  chaque 
bâtiment  parleiiientaire  tranfportera ,  lorfque  les  circonftan- 
ces  le  permettront ,  autant  de  Prifonniers  qu'il  pouria  con- 
venablement en  contenir. 

1  j.  11  feta-donné  avis ,  un  mois  d'avance ,  â  compter  Je  la 
date  des  lettres  refpedives  à  Verfailles  &  à  Londres  ,  de  J'in- 
teniioa  oti  l'on  fera  d'envoyer  quelque  bâtiment  parlemen- 
taire ,  du  nombre  des  Prifonniers  qu'on  Ce  propofera  de 
•faite  paflcr ,  ainii  que  du  port  pour  lequel  le  bâtiment  devra 
faire  voile ,  afin  que  chaque  nation  puilfe  faire  ,  de  fon  côté,, 
:tous  les  efforts  convenabJes  pour  rafTembler  un  nombreéqui- 
<valent  des  fujets  de  l'huître  ,  &  les  lenvoyer  en  retour,,  tant 
guc  k«  ciiwailances  jiomrç)inIe3>ermeU£e,  Scafin  ^ue  .k 


683 


PRIVILÈGE. 


n'y  font  point  exprimés,  ceux  qui  regardent  le  for 
intérieur  ,  &.  ceux  qui  regardent  le  tor  extérieur  , 


vaifieau  parlementaire:  ne  foit  retenu  ijue  le  moins  de  temps 
qu'il  fera  poilible  après  Ion  arrivl-e. 

26.  Chaque  nation  Hxera  les  ports  les  plus  convenables 
pour  renibai\]uement  Se  le  débarquement  des  Prifonniers  , 
en  évitant  avec  une  attention  particulicre  l'inconvénient  des 
longues  marcliesde  ces  Prifonniers,  des  lieux  de  leur  déten- 
tion aux  ports  d'embarquement;  &:  on  fera  tefpeftivement 
des  ctrbrts  pour  r.illembler  un  nombre  fuffîfant  de  Prifon- 
niers ,  &  les  faire  paflTer  en  retour  fur  chaque  bâ:iment  par- 
lementaire; mais ,  en  certain  cas ,  on  renoncera  à  ce  parti  , 
pour  épargner  aux  Prifonniers  de  trop  longues  marches  des 
environs  d'un  port  à  un  autre  plus  éloigné  :  dans  tous  les  cas  , 
Ja  diiFérence  que  le  défaut  de  Prifonniers  à  renvoyer  de  part 
eu  d'autre  en  retour,  pourra  quelquefois  occalionner  dans 
les  frais  de  tranfport,  en  faveur  ou  au  détriment  de  l'une  ou 
de  l'autre  nation,  fera  regardée  comme  un  inconvénient  iné- 
vitable du  l'ervicc. 

17.  La  dclignation  des  ports  ot'i  les  vaifleaux  de  cartel  au- 
ront ordre  de  débarquer  refpectivement  leurs  Prifonniers  , 
fera  laifice  à  la  décilion  de  la  puillancc  dans  les  états  de  la- 
quelle ils  devront  être  débarqués;  &  s'il  devenoit  nécefTairc 
de  faire  quelque  addition  ou  changement  aux  ports  particu 
Jiérement  énonces  dans  le  préfent  cartel,  ces  additions  ou 
changerr.ens  feront  obfetvés  comme  s'ils  étoient  inférés  dans 
les  préfentes. 

18.  les  Prifonniers  angîois  renvoyés  des  ports  do  France 
fur  des  bàtimens  françois  ,  feront  envoyés  feulement  dans 
les  ports  de  Douvres  ,  Pool  &  Falmouth  ,  ou  icls  autres  qui 
■^ourroient  être  dl'fignés  par  la  fuite. 

Z5.  Les  Ptifonniers  fran(;ois  renvoyés  des  Ports  d'Angle- 
terre ou  d'Irlande  fur  des  vaillbaux  anglois  ,  feront  envoyés 
feulement  dans  les  ports  de  Morlaix  ,  de  Saint-Malo  ,  du 
Havre  &  de  Calais,  ou  tels  autres  qui  pourroient  être  déli- 
gnes par  la  fuite. 

}0.  Le  prix  par  tète  pour  le  tranfport  defdits  Prifonniers, 
fera  fixé  félon  la  table  fuivante  ;  Se  fi  quelque  changement 
devenoit  néceflairc  de  par:  ou  d'autre  ,  relativement  auxdits 
ports  de  débarquement ,  le  changement  du  prix,  s'il  eft  né- 
ceiraiie,  fefera  à  l'amiable  ,  &r  la  convention  fera  obfervée 
comme  fi  elle  étoit  inférée  dans  les  préfentes. 

De  Douvres  à  Calais "^  6  fous  flerî. 

De  Calais  à  Douvres         .         .         *        •        •. 

De  tous  autres  ports  d'Angleterre  dans  la  Man- 
che ,  dans  les  ports  françois  dans  la  Manche , 
marqués  pour  le  débarquement  des  Prifon-I 
niersfrançois;  8.'  vktvcrfd,  de  tous  autres V^^  ^_  ^  ^  n 
ports  de  France  dans  la  Manche  ,  à  l'un  des -/^  ■>' 
ports  quelconques  d'Angleterre  dans  la  Man-1 
che  ,  marqués  pour  le  débarquement  à^i  Pri- 
fonniers anglois 

Des  ports   quelconques  de  la  Grarde-Brctagne. 
ou  d'îiknde,  aux  ports  de  France  hors  de  la 
Manche,  marqués  peur  le  débarquement  des 
Prifonniers  françois  ;  Ik  vice  verjh  ,  dei  ports  )>     i  guiHce. 
de  France  hors  de  la  Manche  ,  aux  ports  An- 
glois marqués  peur  le  débarquement  des  Pri- 
fonniers Anglois         ....♦' 
M.  Les  vaifleaux  parlementaires  de  chaque  nation  feront 
munis  ,  s'il  eft  ncceffiirc,  de  pafTeports  dans  la  forme  ufiiée 
chez,  chaque  nation  ,   &:  lefdits   vailTeaux  porteront  pavillon 
de  trcve  •  il  ne  pourra  erre  chargé   à  bord  aucune  marchan- 
dise, ni  autres  chofes  que  les  provifions  nécelTaires  pour  la 
fubd'ftance  de   l'équipage  &  des  Prifonniers  ;    &  nul  bâti- 
ment parlementaire  anglois  ne  fera  envoyé  avec  desPrilon- 
\icrs  françùis ,  de  Dcuyres  à  Calais  ;  de  même  que  nul  bàii- 


PRIVILÈGE. 

le  bien  commun  ou  le  bien  particuHer. 

Le  Privilège  écrit  eft  celui  qu'on  juftifie  par  un 
a-fîc  authentique  qu'on  produit  ;  celui  qui  n'eft 
pas  écrit  ,  a  été  accordé  de  vive  voix  ,  ou  a  été 
prefcrit  par  la  coutume.  Régulièrement  le  Privilège 

ment  parlementaire  françois  avec  des  Prifonniers  anglois ,  de 
Calais  à  Douvres ,  avec  moins  de  quarante  Prifonniers ,  à 
moins  qu'on  n'y  ait  confenti  d'avance. 

j  1.  Les  Prifonniers  feront  bien  traités  de  part  &  d'autre  â 
bord  des  vailfeaux  de  tranfport  pendant  leur  traverfée  ,  &c  il 
leur  fera  fourni  chaque  jour  : 


FR  A!^Ç0IS. 
Pain     .     .      I  Uv.  j. 
Bœuf  .     .  ^. 

Bière  .     .        2  quart. 


ANGLOIS. 

Pain     ...  I   Uv, 

Bœuf  ...  I 

Bière    .      .     .  î  quart. 

ou 

Vin      ...  I 

Sur  les  vailTeaux  Fraa» 
çois. 


Excepté  entre  Douvres  &:  Calais,   cii  l'on  paiTera  à  cha- 
que Ptifonniet  des  deux  nations  ,  au  lieu  de  viande,. 


Beure 


4  onces. 


ou 


Fromage     .    ,     .     6. 

La  rable  de  la  ration  fera  affichée  aux  niits  des  bàtimens 
parlementaires. 

3  j.  Il  iera  donné  aux  maîtres  des  bàtimens  parlementaires , 
des  lilles  des  Fril'onniers  embarqués ,  fignées  par  les  comraif- 
Uires  Je  la  marine  en  France  ,  &  par  les  agens  pour  les 
Prifonniers  en  Angleterre  ,  refpedivement  ;  lefqueiies  liftes 
feront  remifes  aux  agens  &:  commilTaires  refpectifs  ,  dans  les 
ports  pour  lefquels  les  vaifTeaux  devront  faire  voile  ,  ou  aux 
ageni  ,  coiumiflaires  ou  confuls  ,  ou  ,  au  défaut  defdits 
agens,  commiflaires  ou  confuls ,  aux  principaux  magifirats  , 
dans  les  ports  ciî  ils  pourroient  arriver  ,  dans  le  cas  où 
quelques-uns  dcfdirs  bàtimens  feroient  poulies  ,  par  le  mau- 
vais temps  ,  dans  tous  autres  ports  que  ceux  pour  lefquels  ils 
feront  delHnés  ;  &  lefdites  liltes  feront  regardées  comme  des 
titres  fuftifans  pour  chaque  nation  ,  pour  obtenir  de  l'autie  un 
nombre    de  prifonniers  égal  à  celui  qui  y  fera  contenu. 

54.  Il  fêta  arrêté  tous  les  trois  mois  des  comptes  d'échan- 
ges ,  conformément  aux  réglemens  ci-deflus ,  &  la  balance  fera 
payée  en  argent  à  celle  des  deux  nations  à  laquelle  elle  fe 
trouvera  due  ;  lorfqu'elle  fe  trouvera  en  faveur  de  la  France  , 
elle  fera  payée  à  Paris  par  une  petfonne  employée  par  le  toi 
de  la  Grande-Bretagne  ;&  quand  elle  fe  trouvera  en  faveur 
de  l'Angleterre  ,  elle  fera  acquittée  à  Londres  par  une  per- 
fonne  employée  par  fa  majellé  très  chrétienne  ,  au  taux  le 
p!us  exaû  du  change  courant.  La  balance  des  frais  de  tranf- 
port fera  arrêtée  &  payée  de  la  même  manière  &  au  même 
taux. 

5  ^.  S'il  s'clevoît  quelques  difficultés  relativement  à  la  pré- 
fente convention  ,  elles  feront  conciliées  à  l'amiable;  &:  ce 
qui  aura  été  déterminé  à  cet  égard  ,  fera  conlîdéré  &c  obferr» 
comme  s'il  étoit  inlérc  dans  les  préfentes. 

}6.  Et  pour  accélérer  l'exécution  du  préfent  cartel,  lui 
donner  toute  fa  force  ,  &  le  faire  ohferver  d'une  manière  in- 
violable ,  nous  l'avons  figné  &  y  avons  appofé  nos  fceaux. 
le  déclarant  de  la  même  force  &:  validité  que  s'il  eût  été 
(îgné  par  nos  fouverains  refpeftifs  ;  les  doiib'es  devant  être 
échangés  entre  nous  djns  le  terme  de  trois  femaines,  ou  plutôt 
s'il  eft  pcflîble  ,  à  compter  du  jour  où  il  auia  été  fipné. 

Faità  Verfailles  le  li  mars  I780.  S;o-nf,  LI  Hoc. 

Et  â  Londres,  le  18  des  mêmes  mois  &:  .in.  Et  Signé.  JN. 
Bell,  Valler  Farquuakson  ,  Vin.  Corbeit  >  Ro- 
bert LulmAn. 

non 


PRIVILÈGE. 

sion  écrit  ne  peut  fervir  qu'au  for  intérieur  de  la 
confcicnce,  fi  on  ne  prouve  au  moins  par  écrit  la 
coutume  fur  laquelle  il  eil  fondé. 

Le  Privilège  réel  eft  celui  qui  eft  accordé  à  quel- 
que lieu  ,  dignité,  olHce  ,  monaftère,  églife,  or- 
dre ,  ou  à  quelques  perlonnes  en  confidération  de 
ces  chofes  ;  le  perfonnel  au  contraire  eft  accordé 
à  une  perfonne  en  confidération  d'elle  -  même  ; 
enforte  que  comme  le  Privilège  réel  ne  finit 
qu'avec  la  chofe  à  laquelle  il  eft  attaché ,  le  Pri- 
vilège perfonnel  finit  avec  la  perfonne  à  qui  il  a 
éîé  accordé.  On  peut  renoncera  celui-ci ,  &  non  à 
l'autre. 

Un  Privilège  eft  odieux  quand  un  tiers  en  foiifTre, 
comme  de  ne  point  payer  h  dîme;  il  eft  favorable, 
quand  le  tiers  n'en  fouffre  point,  comme  le  Privi- 
lège d'entendre  la  méfié  pendant  un  temps  d'inter- 
dit. Régulièrement  les  Privilèges  font  cenfés  défa- 
vorables ,  Si ,  comme  tels ,  on  doit  toujours  les  in- 
terprêter rigoureufemcnt. 

On  appelle  Privilège  gratuit  ou  gracieux  ,  Privi- 
hgium  gratiofum  >  celui  qui  eft  accordé  gratuitement , 
non  hjbitâ  raùone  merïtoTum.  Le  rémunèratoire  eft 
celui  qui  eft  accordé  ratïom  mtritorumjïve  ipfius  Pri- 
viUgiati ,  fivi  aliorum.  Les  religieux  prétendent  que 
tous  leurs  Privilèges  font  rémunératoires;  ils  di- 
fent  même  que  leur  étant  accordés  par  le  pape  ,  qui 
a  toute  puiftance ,  ils  ne  font  tort  à  perfonne  :  Cum 
papa  nullius  Itsthiam  Udii,  D'oîi  ils  concluent  qu'on 
doit  les  interpréter  favorablement.  Mais  cette  con- 
féquence  eft  contraire  à  la  jurifprudence  établie  &: 
rappelée  au  mot  Exemptio.v. 

Le  privilège  eft  conventionnel  ou  même  con- 
ditionnel ,  quand  il  eft  intervenu  quelque  paéte 
dans  fa  conceflTion  ;  &  il  eft  pur  Ôc  fimple  ,  quand 
Il  a  été  accordé  abfolument  fans  paâe  ni  condi- 
tion. 

Le  Privilège  eft  perpétuel ,  quand  il  eft  accordé 
fans  limitation  de  temps  ,  ou  qu'il  eft  attaché  à  une 
chofe  qui  de  fa  nature  eft  perpétuelle  ,  comme  à  un 
moKaftërc  :  il  eft  temporel  ik  momentané,  quand 
il  eft  perfonnel ,  ou  qu'il  eft  accordé  fous  quelque 
condition  dont  l'accompliftement  doit  le  rendre 
inutile. 

Le  privilège  afnrmatif  eft  celui  qui  donne  la  fa- 
culté de  faire  quelque  chofe  ;  il  eft  négatif,  quand 
il  accorde  la  permiffion  de  ne  point  taire  quelque 
chofe  ;  il  eft  accordé  fur  l'inftance  ,  quand  le  pri- 
vilégié l'a  demandé,  &  moiu  ^repris,  quand  il  n'a 
fait  aucune  deinande. 

Le  Privilège  qu'exprime  le  droit ,  eft  celui  qui  eft 
renfermé  dans  quelque  canon  du  droit  ancien  8c 
nouveau  ;  ceux  que  renferment  des  bulles  &  au- 
tres écrits  particuliers,  font  des  Privilèges  qu'on 
appelle  extra  jus  inferta. 

Le  Privilège  qui  regarde  le  bien  commun  eft  tel, 
qu'une  communauté  de  perfonnes  en  reçoit  un 
avantage  prochain  ,  comme  le  Privilège  du  canon, 
fi  qu'is  fuaJente.  Le  Privilège  qui  n'a  que  l'intérêt  du 
privilégié  pour  objet ,  ne  peut  regarder  le  public 
Tome  XIIL 


PRIVILÈGE.  68i? 

qu'en  ce  qu'il  lui  importe  que  les  Privilèges  foient 
accordés  aux  perlonnes  qui  les  méritent  ou  qin  en 
ont  befoin. 

Quant  aux  Privilèges  qui  regardent  le  for  inté- 
rieur ,  ils  ne  peuvent  fervir  au  for  extérieur. 

C'eft  à  celui  qui  allègue  un  Privilège  à  le  prou- 
ver. 

Les  Privilèges  ne  s'étendent  point  par  interpréta- 
tion d'une  perfonne  à  une  autre,  ni  d'une  chofe 
à  une  autre,  ni  d'un  cas  à  un  autre. 

Les  eccléfiaftiques  &  les  communautés  féculières 
&  régulières  du  royaume,  ne  peuvent  jouir  d'au- 
cun Privilège  ou  exemption  ,  qu'autant  qu'ils  leur 
ont  été  accordés  expreflément  par  nos  rois.  Airfi  il 
feroit  inurile  de  recourir  aux  Privilèges  &.  exemp- 
tions accordées  aux  eccléfiaftiques  ,  foit  par  les  pa- 
p^s,  ou  par  les  empereurs  romams  ,  autres  que  ceux 
qui ,  en  même-temps ,  ont  été  rois  de  France.  Cette 
maxime  eft  fondée  fur  ce  principe  du  droit  naturel, 
qui  eft  que  les  fouverains ,  en  fe  faifant  chrétiens  , 
n'ont  perdu  fur  leurs  fujets  aucun  des  droits  atta- 
chés à  leur  fouveraineté. 

Les  Privilèges  qui  appartiennent  à  chaque  office  > 
à  chaque  corps,  à  chaque  particulier,  font  détaillés 
aux  articles  qui  concernent  les  uns  &  les  autres. 

Privilège  fignifie  auffi  la  préférence  qu'on 
accorde  à  un  créancier  fur  les  autres,  non  pas  eu 
égard  à  l'ordre  des  hypothèques  ,  mais  à  la  nature 
des  créances  ,  &  félon  qu'elles  font  plus  ou  moins 
favorables,  &  qu'un  créancier  fe  trouve  avoir  un 
droit  fpécial  fur  un  certain  eflFet. 

Les  lois  &  la  jurifprudence  ont  établi  divers  Pri- 
vilèges ,  tant  fur  les  eflfets  mobiHers  que  fur  les  im- 
meubles. 

Les  créances  privilégiées  fur  les  effets  mobi- 
liers,  font,  1°.  les  frais  de  juftice  faits  pour  par- 
venir à  la  vente  &  à  la  diftribution  des  efi'ers  ,  at- 
tendu que  c'eft  par  le  moyen  de  ces  frais  que  ces 
créances  peuvent  être  acquittées. 

a".  Les  frais  funéraires.  Voyez  Frais  Funé- 
raires. 

3".  Les  loyers  des  malfons  &  les  fermages  des 
biens  de  campagne.  Voyez  l'article  Bail. 

4°.  L'article  175  de  la  coutume  de  Paris ,  accorda 
un  Privilège  aux  aubergiftes  fur  le  prix  des  chofes 
que  les  voyageurs  oat  amenées  dans  îeurs  au- 
berges. 

5".  Les  frais  de  voiture  &  de  meflageries  font  pa- 
reillement une  créance  privilégiée  fur  les  chofes 
voiturées.  On  autorife  même  les  voituricrs  à  garder 
les  effets  qu'ils  ont  conduits,  jufqu'à  ce  que  la  voi- 
ture en  foit  payée. 

6\  Les  médecins  ,  les  chirurgiens  &  les  apothi- 
caires ont  un  Privilège  fur  le  prix  des  effets  mobi- 
liers d'une  fucceffion  ,  pour  le  prix  de  leur  vifites  , 
panfemens  &  médicamens  concernant  la  dernière 
maladie  du  défunt. 

7°.  Les  gages  des  domeftiques  font  auftî  une 

S  s  ss 


6t)o 


PR  IVILÉGE. 


créance  privilégiée  fur  les  meubles  du  maître ,  pour 
la  dernière  année  qu'ils  l'ont  fervi. 

8".  La  jurifprudence  des  arrêts  a  attribué  aux 
bouchers  &  aux  boulangers  un  Privilège  fur  les 
meubles  de  leur  débiteur  pour  ce  qu'ils  lui  ont 
fourni  durant  la  dernière  année.  Voyez  Boucher 
&.  Boulanger. 

9°.  Lorfque  des  créanciers  faififTent  des  meu- 
bles ,  le  vendeur  peut  s'oppofer  à  la  vente  ,  & 
doit  être  préféré  lur  la  chofe  aux  autres  créan- 
ciers. 

Le  parlement  de  Paris  a  même  jugé ,  par  arrêt 
tlu  21  mai  1767,  qu'un  tapiffier  qui  avoit  reçu 
d'avance  mille  éeus  ,  pour  le  tiers  du  prix  des  meu- 
bles qu'il  s'étoit  obligé  de  fournir  à  une  a(5lrice  , 
devoit  être  préféré  pour  le  refte  de  fa  créance  , 
fur  le  produit  de  la  vente  des  meubles  qu'il  avoit 
fournis. 

Lorfqu'il  s'ag't  de  diftribuer  le  prix  d'un  im- 
meuble vendu  ,  la  préférence  entre  les  créanciers 
privilégiés  ne  fe  règle  point  fur  la  date  de  l'obliga- 
tion ,  mais  fur  le  plus  ou  le  moins  de  faveur  de  la 
créance.  Ceux  qu'on  préfère  à  tous  les  autres  privi- 
légiés font,  1°.  les  feigneurs  pour  les  droits  fei- 
gneiiriaux  ;  a",  le  pourfuivant  pour  les  frais  des 
criées  &  de  Tordre  ;  3°.  les  frais  fu'néraires  du  dé- 
funt &  ceux  de  fa  dernière  maladie,  lorfque  le 
bien  cft  décrété  fur  l'héritier  ou  fur  le  curateur  à 
la  fucceiîîon  vacante,  &  que  les  créanciers  n'ont 
pas  pu  être  payés  fur  les  effets  mobiliers.  La  nécef- 
fité  de  CCS  dépcnfes  a  introduit  ce  Privilège  en  fa- 
veur de  ceux  qui  les  ont  faites. 

Mais  doit- on  coUoquer  ces  trois  fortes  de  créan- 
ces privilégiées  dans  l'ordre  où  nous  venons  de 
les  ranger?  Il  y  a  làdeffus  quelque  difficulté  rela- 
tivement aux   droits   feigneuriaux  échus  avant  la 
vente  du  bien.  La  coutume  d'Auvergne ,  qui  eft 
fuivie  par  quelques  autres,  dit ,  en  parlant  de  la 
diftribution  du  prix  des  biens  décrétés  ,  que  les 
frais  des  criées  (çront  pris  8c  payés  avant  tous  au- 
tres ,  &    après  les    arrérages  des   cens  des  héritages 
criés  ,  fi  aucuns  en  font  dus  &  demandés.  D'autres 
coutumes  veulent  feulement  que  les  frais  du  décret    ^ 
foient  payés  avant  toutes  les  autres  dettes.   D'un 
autre  côté  ,  la  coutume  de  Paris  porte  ,  que  le  fei- 
gneur  fera  payé  des  droits  qui  lui  font  dus  ,  avant 
tout  autre  créancier  ;   la  coutume  de  Bretagne  , 
article  179,  &  plufieurs  autres  coutumes  s'expli- 
quent de  la  même  manière.  Il  n'y  a  point  de  doute 
que  chacune  de  ces  coutumes  ne  doive  être  fuivie 
dans  fon  reflbrt ,  n'y  ayant  point  d'ordonnance  qui 
y  déroge.  Dans  les  coutumes  muettes  à  cet  égard , 
il  faut  fuivre  la  difpofition  de  celle  de  Paris  ;  car 
les  créanciers,  que  le  pourfuivant  repréfente,  ne 
t'ievroient ,  dans  la^  rigueur ,  avoir  qu'une  hypothé- 
cue  ,  tant  pour   êtf£  payés  du  principal  de  leur 
créance  ,  que  pour  Tes  frair,  au  lieu  que  le  feigneur 
conferve  toujours  le  domaine  direâ  du  fief,  ou  de 
la  cenfive;  &  pour  marque  de  reconnoiflance  de 
«e  domaine  dirs^ ,  il  eft  préfumé  s'être  réfervc  des 


PRIVILÈGE. 

droits  ordinaires  ou  cafuels  par  l'aâe  d'inféodation  l 
ou  du  contrat  de  cenfive  ,  fans  lequel  le  créancier 
n'auroit  eu  aucun  droit  fur  le  fonds.  Ainfi  le  Privilè- 
ge du  feigneur  eft  plus  favorable  que  celui  du  pour- 
fuivant. C'efl  pour  cela  que  la  faifie  féodale  l'em- 
porte fur  la  faifie  réelle  ,  &  que  fi  un  feigneur  faifit 
féodalement  un  fief  mis  à  bail  judiciaire,  il  fait  les 
fruits  fiens  ,  jufqu'à  ce  qu'on  lui  ait  fait  la  foi  & 
hommage.  L'ufage  de  coUoquer  le  feigneur  pour 
les  droits  féodaux  échus  avant  les  frais  extraordi- 
naires du  décret,  eft  fort  ancien  au  parlement  de 
Paris.  M.  le  Maître  en  rapporte  un  arrêt  de  1467. 
4".  Apres  Iv's  créanciers  privilégiés  dont  on  vient 
de  parler  ,  on  doit  coUoquer  dans  l'ordre  ceux  qui 
ont  vendu  le  fonds  ,  ou  qui  ont  contribué ,  par 
leurs  deniers  ou  par  des  travaux,  à  le  conferver  à 
la  partie  faifie  ,  ou  à  l'améliorer.  Il  eft  jufte  que  le 
vendeur  qui  n'a  point  été  payé  foit  préféré  à  tous 
les  autres  créanciers  :  la  raifon  en  eft,  qu'il  n'eft 
cenfé  avoir  vendu  que  fous  la  condition  tacite  que 
l'acquéreur  ne  deviendroit  propriétaire  abfolu  que 
quand  il  auroit  payé  le  prix  entier  de  fon  acquifi- 
tion.  Le  fonds  eft  un  gage  que  le  vendeur  fe  rèlerve 
jufqu'à  ce  que  le  prix  foit  acquitté  ;il  ne  fait  par- 
là  aucun  tort  aux  créanciers  de  l'acquéreur ,  puif- 
qu'ils   n'auroient  point  eu  de  droit  fur  ce  fonds , 
s'il  ne  l'avoit  point  vendu  à  leur  débiteur.  C'eft  ce 
qui  fe  trouve  bien  expliqué  dans  plufieurs  lois  du 
digefte.  Il  en  feroit  de  même  d'un  entrepreneur  qui 
auroit  fait  quelqu'ouvrage  fans  lequel  le  fonds  au- 
roit été  emporté  par  la  mer  ou  par  une  rivière  ;  car 
cet  entrepreneur  a  confsrvé  ce  fonds  pour  l'intérêt 
commun  du  propriétaire  &.  de  fes  créanciers  :  Sa- 
lutem  fecit  totius  fignoris  caufam  ,  comme  dit  la  loi 
6  ,  au  digefte  qui  potiores   in  pign.  On   ne  peur 
donc  fe  difpenfer  de  déclarer  ce  fonds  affc61é  par 
Privilège  à  la  sûreté  de  fa  créance.  Mais  les  entre- 
preneurs ou  les  ouvriers  qui  ont  trav?iUè  à  réparer 
une  maifon  ,  ou  à  faire  de  nouveaux  bâtimens  fur 
le  fonds  ,  n'ont  de  PrlvUège  que  fur  leurs  ouvra- 
ges ,  puifque  fans  ces  ouvrages  le  fonds  feroit  tou- 
jours refté  aux  créanciers  antérieurs,  qui  auroient 
pu  le  faire  rendre  tel  qu'ils  l'auroient  trouvé.  Il  faut 
donc  examiner  jufqu'à  quel  point  les  réparations  ou 
les  augmentations  rendent  le  fonds  plus  confidéi«a- 
ble  ,  &  donner  aux  entrepreneurs  &  aux  ouvriers 
un  Privilège  fur  le  prix  de  cette  augmentation,  eu 
égard  à  la  valeur  de  la  totalité  du  prix  du  fonds.  Par 
exemple  ,  fi  on  reconnoît  par  le  rapport  d'experts  , 
qu'une  maifon  auroit  été  vendue  moitié  moins  i^âns^ 
les  augmentations  ou  les  groffes  réparations  qui  y 
ont  été  faites  ,  il  faut  donner  un  Privilège  aux  en- 
trepreneurs &.  aux  ouvriers  ,  fur  la  moitié  du  prix 
total  de  l'adjudication  ;  &  fi  ce  qui  leur  eft  dû  ex- 
cède cette  moitié ,  ils  ne  doivent ,  pour  le  furplus , 
venir  en  ordre  que   comme  créanciers  hypothé- 
caires ,  s'ils  ont  un  a61e  qui  emporte  hypothèque  ; 
ou  comme   chirographaires  ,   fi  leur  titre  eft  lous 
feing-privé.  Cette   jurifprudence ,  fondée  fur  des 
principes  d'équité  ,  eil  (wivie ,  depuis  long-temps , 


PRIVILÈGE. 

au  parlement  de  Paris.  Gouget  en  rapporte  d'an- 
ciens arrêts  dans  fon  traité  des  criées.  Il  y  en  a  un 
qui  a  jugé  la  même  queftion  de  cette  manière  le 
15  janvier  1653  ;  ^  Bafnage,  dans  fon  traité  des 
hypothèques  ,  cite  des  arrêts  du  parlement  de 
Normandie,  dans  lefquels  on  a  oblerré  la  même 
règle. 

Au  furplus ,  pour  qu'un  ouvrier  puifle  exercer 
avec  fuccès  fon  Privilège  fur  le  prix  du  bâtiment 
auquel  il  a  travaillé  ,  il  faut ,  dans  le  relfort  du  par- 
lement de  Paris  ,  qu'il  fe  foit  conformé  aux  difpofi- 
tions  de  l'arrêt  de  règlement  que  cette  cour  a  rendu 
le  18  août  1766,  &  que  nous  avons  rapporté  à 
l'article  Baïiment. 

5".  Celui  qui  a  prêté  les  deniers  pour  acquérir 
les  fonds,  ou  pour  faire  faire  Iss  réparations  & 
les  améliorations  ,  a  ,  dans  le  droit  romain ,  le  mê- 
me Privilège  fur  le  fonds  qu'auroient  eu  le  ven- 
deur, les  entrepreneurs  ou  les  ouvriers;  mais  il 
falloir,  pour  que  le  fonds  devint  ainfi  le  gage  fpé- 
cial  de  celui  qui  avoit  prêté  les  deniers ,  qu'fi  l'eût 
ftipulè  exprefTcment.  Parmi  nous,  pour  être  fubro- 
gé  au  vendeur  ,  il  faut  ,  fuivant  le  règlement  du 
parlement  de  Paris  du  6  juillet  1690  ,  qu'avant  le 
payement  du  prix  du  fonds,  &  dans  le  temps  du 
payement,  il  ait  été  flipulé  par  un  ade  p.iflè  pardc- 
vant  notaire  ,  qu£  les  deniers  feroient  employés  à 
payer  le  vendeur,  &  que  dans  l'afte  c[ui  tient  lieu 
de  quittance  ,  paiïéaum  pardcvant  notaire  ,  il  foit 
dit  que  le  payement  a  été  t'ait  des  deniers  qui  ont 
été  prêtés  à  cet  effet,  fans  qu'il  foit  befoin  que  la 
fubrogation  foit  confentie  par  le  vendeur  ou  par 
les  autres  créanciers  ,  ni  ordonnée  en  juiHce.  Si  ce 
prêt  a  été  fait  pour  des  améliorations  ou  des  répa- 
rations ,  il  faut  que  YzSis  d'emprunt  faiTe  mention 
de  l'emploi  des  deniers,  &  qu'il  foit  marqué  dans 
les  quittances  des  entrepreneurs  &  des  ouvriers  , 
de  qui  les  deniers  proviennent. 

6".  Lorfqu'un  co-héritierert  créancier  pour  foute 
de  partage,  il  doit  être  regardé  comme  vendeur 
d'une  partie  de  fa  part  dans  la  fucceliîon  ,  &  avoir 
Privilège  ,  jufqu'à  concurrence  de  cette  foute  ,  fur 
tous  les  biens  que  fon  co-héritier  a  eus  en  par- 
tage. Le  parlement  de  Paris  l'a  ainfi  jugé  par  ar- 
rêt du  27  mars  1689  ,  rapporté  au  journal  des  au- 
diences. 

7°.  Les  oppofans  à  fin  de  diftraire  ou  à  fin  de 
charge  ,  dont  l'oppoCtlon  ,  formée  trop  tard  ,  a  été 
convertie  en  oppofition  à  fin  de  conferver ,  doi- 
vent, relativement  à  la  portion  du  fonds  dont  ils 
avoieni  la  propriété  ,  être  colloques  au  même  rang 
que  le  vendeur  ,  &  concurremment  avec  lui ,  puii- 
qu'en  effet  c'eft  une  partie  de  leur  fonds  qui  fe 
trouve  vendue. 

8°.  Le  fermier  qui ,  par  le  bail  judiciaire ,  a  été 
empêché  de  recueillir  les  frHiits  des  terres  qu  il  avoit 
enfemencées  ,  doit  être  rembourfé  par  préférence 
de  fes  frais  de  culture  ,  attendu  que  ,  s'il  ne  les  eût 
pas  faits ,  leç  créanciers  n'auroient  pas  profité  de  la 
jré,çolte. 


PRIVILÈGE. 


691 


9°.  Suivant  la  loi  ajftjuit ,  au  code  qui  poùores ,  la 
femme  devoit  être  préférée  ,  pour  la  reftitution  de 
fa  dot,  à  tous  les  créanciers  du  mari,  quoiqu'an- 
tcrieurs  à  fon  contrat  de  mariage  :  mais  cette  loi  ne 
s'exécute  en  France  que  dans  le  reHort  du  parle- 
ment de  Touloufe  ,  avec  les  modifications  dont  on 
a  parlé  à  l'article  DoT. 

to".  Chez  les  Romains,  le  fifc  avoit  une  hypo- 
thèque fur  tous  les  biens  des  fermiers  &  des  comp- 
tables ,  par  le  titre  de  leur  engagement;  Sc  fur 
les  biens  qu'ils  acquéroient  poftérieurcment  à  leur 
engagement ,  le  fifc  étoit  préféré  à  tous  les  autres 
créanciers  ,  quoique  leurs  créances  fufTent  anté- 
rieures à  la  fienne.  Parmi  nous,  l'èdir  du  mois 
d'août  1669  a  attribué  de  femblables  Privilèges  au 
roi  fur  les  biens  des  officiers  comptables,  des  fer- 
miers 8c  des  autres  perfonnes  qui  ont  le  maniement 
de  fcs  deniers.  Il  ell  dit ,  par  l'article  4  de  cette  loi , 
que  fur  les  immeubles  des  comptables ,  acquis 
avant  le  maniement  des  deniers  ,  fa  majefté  a  hy- 
pothèque du  jour  des  provifions  de  l'office  comp- 
table, des  baux  de  fes  fermes  ou  des  traités  8c 
commiflîons  :  fi  les  immeubles  ont  été  acquis  de- 
puis le  maniement  des  deniers  royaux  ,  le  Privi- 
lège du  roi  eft  précéJè  par  celui  du  vendeur  &  de 
la  perfonne  dont  il  confte  que  les  deniers  ont  été 
employés  à  faire  l'acquifition.  Au  refte,  le  roi  doit 
être  préféré  au  vendeur  même  ,  fur  le  prix  de  l'of- 
fice comptable  &  des  droits  qui  y  font  annexés  , 
lorfque  la  créance  de  fa  majcfté  procède  de  l'exer- 
cice de  l'office. 

II".  Suivant  l'article  4  du  titre  commun  pour 
toutes  les  fermes  ,  de  l'édit  du  mois  de  juillet  1681, 
les  fermiers  des  droits  du  roi  ont ,  contre  les  fous- 
fermiers  ,  les  mêmes  allions  ,  Privilèges  &  hypo»- 
thèques  qu'il  a  fur  les  biens  des  fermiers,  pourvu 
qu'ils  exercent  leur  aétion  dans  les  cinq  ans,  à 
compter  du  jour  de  l'expiration  des  baux  des'fer- 
mes.  Le  roi,expliquant  fon  intention  d'une  manière 
encore  plus  précife  par  fa  déclaration  du  11  o6lobre 
1707,  a  ordonné  que  les  fermiers  des  gabelles  ,  ai- 
des ,  cinq  grofies  fermes,  domaines  &  autres  reve- 
nus, auroient,  fur  les  offices  des  receveurs  généraux 
&  particuliers  ,  &  des  autres  officiers  qui  ont  le  ma- 
niement des  deniers  de  fes  fermes  ,  pour  tout  ce 
qui  fe  trouveroit  dû  de  l'exercice  de  ces  offices  ,  la 
même  préférence  fur  tout  créancier ,  même  fur 
Iss  vendeurs  Se  ceux  qui  auroient  prêté  les  de- 
niers pour  acquérir  les  offices  ,  qu'il  a  fur  les  offi. 
ces  comptables  en  fes  chambres  des  comptes  ;  il 
a  même  difpenfé  les  fermiers  de  former  oppoûtioti 
aux  fceaux  des  provifions  de  ces  offices  ,  &  il  a 
voulu  qu'il  fût  fait  mention  dans  ces  provifions  , 
que  l'olfice  demeureroit  affeflé  &  hypothéqué  , 
par  Privilège  &  préféreace  à  tous  créanciers  ,  aux 
dettes ,  tant  des  exercices  des  nouveaux  pourvus 
que  de  leurs  prèdéceficurs. 

Le  Privilège  qu'ont  les  créanciers  de  l'officier  , 
peur  fait  de  fon  office ,  d'être  préférés  à  tous  les 
autres  créanciers  ,  même   auîf   vendeurs ,    n'çft 

S  S  s  s  ij 


692. 


PRIVILÈGE. 


point  particulier  aux  offices  des  fermes.  Cette  règle 
a  lieu  pour  tous  les  offices  dont  les  pourvus  ont 
la  geftion  &  le  maniement  des  deniers  publics  , 
comme  nous  l'avons   établi  à  l'article  Fait    de 

CHARGE. 

12°.  Quand  il  s'agit  de  diflribuer  à  des  créan- 
ciers privilégiés  le  prix  des  vaiiTeaux  vendus  par 
décret ,  on  doit  difiinguer  les  vaiiTeaux  qui  n'ont 
point  fait  de  voyage  avant  le  décret ,  de  ceux  qui 
en  ont  fait  un  ou  plufieurs.  Pour  les  premiers  ,  l'or- 
donnance delà  marine  du  mois  d'août  1681  veut 
que  le  vendeur  ,  les  charpentiers ,  calfateurs  & 
autres  ouvriers  employés  à  la  conftrudion  ,  &  les 
créanciers  pour  les  bois  ,  cordages  &  autres  chofes 
fournies  pour  le  bâtiment ,  foient  payés  par  préfé- 
rence à  tous  créanciers ,  &  par  concurrence  entre 
eux.  Pour  ce  qui  eu.  des  vaiiTeaux  q.ii  ont  fait  un 
ou  plufieurs  voyages  ,  on  colloque  d'abord  les  ma- 
telots pour  les  loyers  du  dernier  voyage  ,  après 
eux  les  oppofans  qui  ont  prêté  leurs  deniers  pour 
les  néceflités  du  navire  ,  enfuite  ceux  qui  ont  prêté 
pour  radoud  ,  vi(5^uailles  &  équipement  avant  le 
départ  ,  enfin  les  marchands-chargeurs. 

La  môme  ordonnance  veut  que  les  créanciers 
étant  en  même  degré  de  Privilège  ,  viennent  par 
concurrence  ;  de  forte  que  fi  plufieurs  perfonnes 
avoient  prêté  pour  le  radoub,  les  vidluailles,  l'équi- 
pement du  vaiffeau  ,  celui  qui  auroit  prêté  le  pre- 
mier les  deniers ,  n'auroit  aucune  préférence  fur 
les  créanciers  poftérieurs  ,  &  que  fi  le  fonds  ve- 
noit  à  manquer  fur  ce  degré  de  Privilège,  chacun 
d'eux  fupporteroit  une  partie  de  la  perte  à  propor- 
tion de  la  créance. 

Mais  en  feroit-il  de  même  du  prix  des  fonds  de 
terre  que  de  celui  des  vaifleaux  ;  &  fi  deux  parti- 
culiers avoient    prêté  des   deniers  pour  acquérir 
une  maifon  ,  celui  qui  auroit  prêté  le  premier  fe- 
roit-il payé  de  toute  fa  créance  avant  que  celui 
qui  a  prêté  après  lui  pût  rien  toucher  ?  L'opinion 
qui  paroît  la  plus  commune  fur  cette  matière  eft 
de   dire  ,  qu'entre  deux   privilégiés  ,  dont  le  titre 
du  Privilège  eft  également  favorable  ,  le  premier 
ea  date  doit  être  le  premier  payé  ,  fans  aucune 
concurrence  ;  la  raifon  qu'en  rend  Bafnage  ,  qui  a 
embrafle  cette  opinion  ,  eu,  1°.  que  comme  un 
privilégié  ne  peut  fe  fervir  de  fon  Privilège  contre 
un  autre  privilégié,    il   faut   en  revenir  au  droit 
commun  ,  qui ,  dans  la  concurrence  de  créanciers  , 
donne  la  préféience  à  celui  qui  eft  le  premier  en 
date;  2°.  que    ces   deuj:  privilégiés  ne  font  point- 
égaux  en  tonte  chofe  ,  puifque  l'un  d'eux  a  en   fa 
faveur  la  prérogative  de  la  date.  Il  joint  à  ces  rai- 
fons  des  arrêts  du  parlement  de  Rouen  ,  qui  don- 
nent ,  en  ce  cas,  la  préférence  à  celui  des  deux 
privilégiés  qui  a  prêté  le  premier  {on  argent.  Bar- 
det  rapporte  un  arrêt  du  parlement  de  Pans  du  12 
juillet  1629,  par  lequel  on  a  auffi  jugé,  qu'entre 
deux    créanciers  qui    avoient   prêté  leurs  deniers 
pour  acquérir  une  maifon  ,  celui  qui  avoir  prêté  le 
premier  devoir  être  pareillement  le  premier  collo-  j 


PRIVILÈGE. 

que  dans  l'ordre  de  cette  maifon  ,  vendue  fur  l'ac- 
quéreur. 

D'un  autre  côté  ,  11  eft  certain  que  la  loi  Privi* 
legia  ,  ff.  de  nb.  autor.  jud.  décide  que  quand  il  s'a- 
git de  Privilège  on  n'a  point  d'égard  au  temps  de 
la  créance  ,  mais  à  la  faveur  qu'elle  peut  mériter  ; 
de  forte  que  fi  les  privilégiés  ont  des  titres  égaux  , 
ils  doivent  être  payés  par  concurrence.  Privilégia 
non  ex  tempore  eflimaniur  yfed  ex  causa  ,  etfi  ejufdem 
tituli  fuerint ,  concurrunt ,  Ucet  dïverjitates  temporîs 
in  lus  fuerint.  La  loi  7,  ff.  quipotiores  in  pignore,  dé- 
cide que  quand  un  bien  a  été  acheté  des  deniers 
de  deux  mineurs  ,  ils  viennent  par  concurrence  fur 
le  bien  ,  à  proportion  de  ce  qu'ils  ont  fourni  pour 
l'acquifition  :fi  duorum  pupilUrum  nummis  Tes  fuerit 
coaiparata ,  ambo  in  pignus  concurrent  pro  hls  por- 
tionibus  qucz  in  pretium  rei  fuerint  expenfcz. 

Il  eft  vrai  que  ceux  qui  foutiennent  la  première 
opinion ,  difent  que  la  loi  Privile^i.  ne  regarde 
que  ceux  qui ,  n'ayant  point  ftipulé  d  hypothèque  , 
avoient  un  Privilège  purement  perfonnel  ;  &  que, 
dans  le  cas  de  la  iéconde  loi  ,  on  a  admis  la  con- 
currence entre  deux  mineurs  ,  par  la  raifon  qu'ils 
n'avoient  pas  non  plus  ftipulé  d'hypothèque.  Mais 
la  règle  que  pofe  Ulpien  dans  la  \o\  Privilégia,  e9i 
générale;  &  il  y  a  d'autant  moins  d'apparence  que 
ce  jurifconfulte  ait  voulu  la  reftreindre  aux  Privi- 
lèges perfonnels ,  que  fans  la  ftlpulation  d'hypo- 
thèque ,  il  o'y  auroit  point  eu  de  prétexte  de  faire 
valoir  la  priorité  de  la  date  ,  qui  n'a  de  force  qu'en- 
tre les  créanciers  hypothécaires.  Il  falloit  ,  dans 
l'efpéce  de  la  féconde  loi ,  qu'on  eût  ftipulé  une 
hypothèque  fur  le  bien  pour  les  mineurs  ,  puifque 
Li  loi  dit  ,  inpignus  concurrent ,  &  que  la  loi  17  ,  au 
code  de  pignorib.  porte ,  que  celui  qui  a  prêté  de 
l'argent  pour  acquérir  un  fonds,  ne  peut  regarder  ce 
fonds  comme  un  gage  delà  créance  ,  à  moins  qu'il 
n'y  ait  été  fpécialement  ou  généralement  obligé. 
On  doit  d  autant  moins  écouter  ceux  qui  cher- 
chent des  interprétations  pour  éluder  la  torce  de 
ces  lois  ,  qu'elles  font  conformes  aux  princfpres  de 
l'équité  &  aux  règles  qu'on  fuit  en  France -i^ur  les 
Privilèges  des  créanciers.  En  effet ,  c'eft  une  maxime 
conftante  parmi  nous ,  que  ,  môme  entre  créanciers 
hypothécaires  ,  on  n'a  point  d'égard  à  là  daté  des 
titres  de  créance  ,  dès  qu'il  s'agit  de  Privilège  ; 
d'où  il  fuit ,  que  la  priorité  de  la  date  n'étant  point 
confidérée  en  cette  matière,  ne  doit  donner  au- 
cune prérogative  à  l'un  des  privilégiés  fur  l'autre. 
L'unique  motif  de  la  dècifion  eft  ici  la  faveur  de 
la  créance;  ainfi,  la  faveur  de  l'un  &  de  l'autre- 
créancier  étant  égale  ,  li  n'y  a  point  d'autre  parti  à 
prendre  que  celui  de  les  payer  dans  le  même  ordre 
&  par  concurrence  ,  comme  le  décide  Domat 
dans  fon  trahédes  lois  civiles. 

D'ailleurs  ,  le  premier-  créancier ,   des  deniers 
duquel  l'acquéreur  a  payé  une  partie  du  fonds  ,  ne 
fe  trouve  fubrogé  au  vendeur  que  jufqu'à  concur-^- 
rence  de  ce  qu'il  a  fourni  pour  payer  le  vendeur  , 
auquel  on  ne  peut  contefter  un  Privilège  tU  moins 


PRIVILÈGE. 

égal  à  celui  du  premier  prêteur,  pour  ce  qui  lui 
refte  dij  du  prix  du  fonds  ;  &  ceux  qui  fournilTcnt 
les  deniers  pour  achever  de  payer  ce  qui  eft  dii 
au  vendeur  ,  font  fubrogés  à  les  droits  jufqu'à 
concurrence  de  ce  qu'ils  lui  ont  payé  du  prix  du 
fonds  :  ils  doivent  donc  avoir  fur  le  fonds  un  Pri- 
vilège égal  à  celui  de  la  perfonne  qui  a  fourni  la 
première  des  deniers  pour  payer  une  partie  de 
l'acquifition. 

Celui  qui  a  le  premier  prêté  les  deniers  à  l'acqué- 
reuf ,  feroit  encore  plus  mal  fondé  à  prétendre  la 
préférence  ,  fitout  le  prix  de  l'acquifition  avoir  été 
payé  en  même-temps  au  vendeur;  car,  comme  ce 
Privilège  n'eft  acquis  que  par  la  déclaration  faite 
dans  la  quittance  ,  que  les  deniers  proviennent  des 
perfonncs  qui  y  font  nommées  ,  le  Privilège  ei\ 
acquis  en  même-temps  à  tous  ceux  qui  ont  reni- 
bourfé  l'acquéreur,  quoique  l'un  ait  prêté  l'argent 
avant  l'autre. 

Privilège,  en  termes  de  librairie  ,  fe  dit  de 
l'afle  par  leq\iel  le  roi  accorde  à  quelqu'un  le  droit 
cxclufu'de  faire  imprimer  &  publier  un  livre. 

Différentes  lois  ,  telles  que  l'ordonnance  de 
Moulins  ,  la  déclaration  du  i6  avril  1571  .  les  let- 
tres-patentes du  12  oéiobre  1586,  deux  déclara- 
tions de  r6z6  &  1617,  les  ordonnances  du  mois 
de  janvier  1619  &  du  29  novembre  1643  »  'èdit 
du  mois  d'août  1686  ,  les  lettres-patentes  du  2 
o6lobre  1701  ,  la  déclaration  du  12  mai  1717,  & 
enfin  le  règlement  du  28  février  1723  ,  ont  fait 
défenfe  à  toutes  fortes  de  perfonnes  d'imprimer  , 
vendre  ou  débiter  aucun  livre  fans  Privilège 
fcellé  du  grand  fceau,  fous  peine  d'amende,  de 
confifcation  ,  &c. 

Il  faut  d'ailleurs  ,  fuivant  l'article  103  du  règle- 
ment du  28  février  1723  ,  que  le  Privilège  foit 
inféré  au  commencement  ou  à  la  fin  du  livre  , 
aiufi  que  l'approbation  fur  laquelle  il  a  été  obtenu. 
Les  Privilèges  doivent ,  dans  les  trois  mois  qu'ils 
ont  été  obtenus  ,  être  enregiftrés  fur  le  regifire  de 
la  communauté  des  imprimeurs  Se  libraires  de  Pa- 
ris ,  fidèlement,  tout  au  long,  fans  interlignes  ni 
ratures ,  à  peine  de  riulUté  ;  &  aucun  livre  ne  peut , 
fous  la  même  peine, être  affiché  ni  expofé  en  vente 
qu'après  cet  enregifirement.  Les  mêmes  règles  doi- 
vent être  obfervées  à  l'égard  des  ceffwns  de  Pri- 
vilège. C'eft  ce  qui  réfulte  de  divers  arrêts  de  rè- 
glement, &  particulièrement  de  l'article  106  de 
celui  du  28  février  1723. 

Ayant  été  préfenté  divers  mémoires  au  roi  fur 
la  durée  des  Privilèges  &  fur  la  propriété  des  ou- 
vrages ,  fa  majefté  a  reconnu  que  le  Privilège  en 
lib'rairie  étoit  une  grâce  foridèe  en  juftice ,  &  qui 
avoir  pour  obj^t ,  fj  elle  étoit  accordée  à  l'auteur  , 
de  rècompenfer  î'on  travail  ;  &  fi  elle  étoit  obtenue 
par  un  libraire  ,  de  lui  afiurer  le  rembourfement 
de  fes  avances  &  l'indemnité  de  fes  frais  ;  que 
C8tte  diôérence  dans  les  motifs  qui  dèterminoient 
les  Privilèges ,  en  devoir  produire  une  dans  la  du- 
re* de  ces  fortes  de  grâces  :que  l'auteur  avoit  fans 


PRIVILÈGE. 


693 


doute  un  droit  plus  afiuré  à  une  gfâcô  plus  éten- 
due ,  tandis  que  le  libraire  ne  pouvoit  fe  plaindre 
fi  la  faveur  qu'il  obtenoit  étoit  proportionnée   au 
montant  de  les  avances  &  à  l'importance  de  fou 
entreprife:  que  la  perfe^lion  de  l'ouvrage  exigcoit 
cependant  qu'on  en  lai.ffàt  jouir  le  libraire  durant 
la  vie  de  l'auteur  aver  lequel  il  avoit  traite;  mais 
qu'accorder  un  plus  long  terme  ,  ce  feroit  con- 
vertir une  jouiffance  de  grâce  en  une  propriété  de 
droit ,  Se  perpétuer  une  faveur  contne  la  teneur 
même  du  titre  qui  en  fixe  la  durée;  ce  feroit  con- 
facrer  le  monopole  ,  en  rendant  un  librafre  le  feul 
arbitre  à  toujours  du  prix  d'un  livre  ;  ce  feroit  enfin 
laiffer  fubfifter  la  fource  des  abus   &  des  contre- 
façons ,  en  refufant  aux  imprimeurs  de  province 
un  moyen  légitime  d'employer  leurs  preffes.  Sa 
majeflé  a  peulé  qu'un  règlement  qui  reflreiudroit 
le  droit  exclufif  des  libraires  au  temps  qui  feroit 
porté  dans  le  Privilège, feroit  leur  avantage  ,  parce 
qu'une  jouiflance  limitée ,  mais  certaine  ,  etoit  pré- 
férable à  une  jouiflance  indéfinie  ,  mais  illufoire  ; 
qu'il  feroit  l'avantage  du  public,  qui  devoit  en 
elpérer  que  les   livres  tomberoient  à  une  valeur 
proportionnée  aux  facultés  de  ceux  qui  voudroient 
le  les  procurer  ;  qu'il  feroit  favorable  aux   gens 
de  lettres  qui  pourroient,  après  un  i^emps  donné  , 
faire  des  notes  &  commentaires  fur  un   auteur, 
fans  que  perfonne  pût  leur  contefter  le  droit  de 
faire  imprimer  le  texte;  qu'enfin  ce  règlement  fe- 
roit d'autant  plus  utile,  qu'il  ne  pourroit  qu'augmen- 
ter l'aé^i  vice  du  commerce,  &  exciter  entre  tous 
les  imprimeurs  une  émulation  favorable  au  pro- 
grès &  à  la  perfeélion  de  leur  art.  En  conféquence  , 
le  roia  rendu  en  fon  confeil  le  30  août  1777,  un 
arrêt  qui  contient  les  difpofitions  fuivantes  : 

«  Article  i.  Aucuns  libraires  &  imprimeurs  ne 
»  pourront  imprimer  ri  faire  imprimer  aucuns  li- 
»  vres  nouveaux  ,  fans  en  avoir  prèalableinént 
jj  obtenu  le  Privilège  ou  lettres  Icellèes  du  grand 
»  fceau  : 

')  2.  Défend  fa  majefié  à  tous  libraires,  impri- 
»  meurs  ou  autres  qui  auront  obtenu  des  lettres 
)>  de  Privilège  pour  imprimer  un  livre  nouveau  , 
5)  de  folliciter  aucune  continuation  de  ce  Privi- 
}}  lège,à  moins  qu'il  n'y  ait  dr.-;; le  livre augmen- 
7>  tation  au  moins  d'un  quart,  fans  que  ,  pour  ce 
»  fujer,  on  puifiè  refufer  aux  autres  la  permifiîon 
5)  d  imprimer  les  anciennes  éditions  non  augmen- 
»  tées. 

j)  3.  Les  Privilèges  qui  feront  accordés  à  l'ave- 
j>  nir ,  pour  imprimer  des  livres  nouveaux,  ne 
1)  pourront  être  d'une  moindre  durée  que  de  dix 
»  années. 

«  4.  Ceux  qui  auront  obtenu  des  Pri/iléges  en 
»  jouiront  non-feulement  pendant  tout  le  temps 
jt  qui  y  fera  porté  ,  mais  encore  pendant  la  vie 
j)  des  auteurs,  en  cas  que  ceux-ci  furvivent  à 
Il  l'expiration  des  Privilèges. 

»  5.  Tout  auteur  qui  obtiendra  en  fon  nom  le 
jj  PrivUégs  de  Ion  ouvrage  ,  aura  droit  de  U  ven- 


Gc)4 


PRIVILÈGE. 


»>  dre  chez  lui ,  fans  qu'il  piiifle  ,  fous  aucun  pré- 
>»  texte,  vendre  ou  négocier  d'autres  livres ,  & 
y*  jouira  de  fon  Privilège  ,  pour  lui  &  fes  hoirs  à 
«  perpétuité  ,  pourvu  qu'il  ne  les  rétrocède  à  au- 
«  cun  libraire  ;  auquel  cas  la  durée  du  Privilège 
«  fera ,  par  le  fait  feul  de  la  celfion ,  réduite  à 
»  celle  de  la  vie  de  l'auteur. 
~  »  6.  Tous  libraires  &  imprimeurs  pourront  ob- 
J>  tenir  ,  après  l'expiration  du  Privilège  d'un  ou- 
»»  vrag«  &  la  mort  de  fon  auteur,  une  permiiïion 
»  d'en  faire  une  édition,  fans  que  la  même  per- 
»»  miflîon  accordée  à  un  ©u  phifieurs,  puifie  em- 
«  pêcher  aucun  autre  d'en  obtenir  une  femblable. 

»  7.  Les  permilfions  portées  en  l'article  précé- 
»>  dent  feront  expédiées  fur  la  fimple  fignature  de 
»)  la  perfonne  à  laquelle  M,  le  chancelier  ou  garde 
»  des  fceaiix  aura  confié  la  direélion  générale  de 
>»  la  librairie  ;  &  pour  favorifer  les  fpéciilations  de 
»  commerce  ,  il  fera  donné  à  ceux  qui  foUieite- 
w  ront  une  permiffion  de  cette  efpèce  ,  connoif- 
«  fance  de  toutes  les  permifiions  du  même  genre 
«  qui  auront  été  données  à  d'autres  pour  ce  même 
"  ouvrage  ,  &  du  nombre  d'exemplaires  qu'il  leur 
1»  aura  été  permis  d'en  tirer, 

»  8.  Sa  majerté  ne  voulant  pas  permettre  que 
w  l'obtention  de  ces  permifTions  foit  iilulbire  ,  & 
»  qu'on  en  obtienne  fans  l'intention  de  les  réali- 
>>  fer,  ordonne  qu'elles  ne  feront  accordées  qu'à 
ï>  ceux  qui  auront  acquitté  le  droit  porté  au  tarif 
»  qui  fera  arrêté  par  M.  le  garde  des  fceaux. 

»  9.  Les  fommes  auxquelles  monteront  ces  droits 
»  feront  payées  entre  les  mains  des  fyndic  &.  ad- 
ï>  joints  de  la  chambre  fyndicale  de  Paris  ,  ou  de 
"  celui  qu'ils  commettront  à  ladite  recette  ,  fans 
»  qu'ils  puiifent  fe  deffaifir  de  ces  deniers  que  fur 
«  les  ordres  de  M.  le  chancelier  ou  garde  des 
M  fceaux,  pour  les  émolumens  des  infpeé^eurs  & 
»  autres  perfonnes  prépofées  à  la  manutention  de 
J>  la  librairie. 

V  10.  Lefdites  permifTions  feront  enreginrées  , 
•»>  dans  le  délai  de  deux  mois  ,  fur  les  regiftres  de 
s>  la  chambre  fyndicale  dans  l'arrondilTement  de 
5»  laquelle  feront  domiciliés  ceux  qui  les  auront 
J'  obtenues  ,  à  peine  de  nullité. 

M  II.  Sa  majeflé  defirant  traiter  favorablement 
3»  ceux  qui  ont  obtenu  ,  antérieurement  au  préfent 
n  arrêt ,  des  Privilèges  ou  continuations  diceux, 
»  veut  qu'ils  foient  tenus  de  remettre  ;  favoir,les 
«  libraires  &  imprimeurs  de  Paris  dans  deux  mois  , 
«  les  libraires  &  imprimeurs  de  province  dans  trois 
«  mois  pour  tout  délai  ,  les  titres  fur  lefqucls  ils 
j»  établiffent  leur  propriété  ,  entr^  les  mains  du 
«  fieur  le  Camus  de  Neville  ,  maître  des  requêtes  , 
«  que  fa  majefté  a  commis  &  commet  à  cet  effet , 
j»  pour  ,  fur  le  compte  qu'il  en  rendra  ,  leur  être 
»>  accordé  par  M.  le  chancelier  ou  gardyg  des 
ï>  fceaux  ,  sil  y  échet  ,  un  Privilège  dernier  6c 
»  définitif 

la.  Ledit  délai  de  deux  mois  pour  les  libraires 
w  i&  imprimeurs  de  Paris  ,  &  de  irois  mois  peur 


PRIVILÈGE. 

w  les  libraires  &  imprimeurs  des  provinces,  étanf 
>»  expiré  ,  ceux  qui  n'auront  pas  repréfenté  leurs 
n  titres  ne  pourront  plus  cfpérer  aucune  coniinua- 
)»  tion  de  Privilège. 

»»  13.  Les  Privilèges  d'ufages  des  diocèfes  &  au- 
»  très  de  cette  efpéce  ,  ne  feront  point  compris 
M  dans  le  préfenr.  Ordonne  fa  majefté  que  le  pro- 
»  fent  arrêt  fera  enregiftré  dans  toutes  les  cham- 
»  bres  fyndicales  ,  imprimé  ,  publié  &  affiché 
I)  par-tout  ou  befoin  fera.  Fait,  &.c.  >♦. 

Par  un  autre  arrêt  rendu  au  confeil  le  même 
jour,  le  roi  a  réglé  ce  qui  devoit  être  obfervé  re- 
lativement aux  livres  contrefaits  qui  exiftoient 
alors  ,  &  a  augmenté  les  peines  qu  encourroient 
ceux  qui  ,  à  l'avenir  ,  contreteroient  les  ouvrages 
revêtus  de  privilèges.  Mais  ce  règlement  eût  été 
infuffifant  pour  arrêter  le  cours  des  contrefaçons, 
&  pour  empêcher  qu'elles  ne  demeuraffent  impu- 
nies ,  fi ,  par  un  autre  arrêt  rendu  au  confeil  le 
30  juillet  1778,  le  roi  n'eût  donné  la  facilité  d'ac- 
quérir des  preuves  contre  les  contrefadeurs,  en 
autorifant  les  parties  léfées  à  procéder  contre  eux 
par  voie  de  plainte  &  d'information.  Voyez  l'arti- 
cle Contrefaçon. 

Privilège  des  nobles,  ou  de  la  noblesse. 
Quelques  coutumes  appellent  de  ce  nom  le  droit 
qu'elles  accordent  au  Survivant  de  deux  époux 
nobles  ,  de  prendre  dans  la  fucceffion  du  prédécédé 
la  totalité  des  meubles ,  à  la  charge  de  payer  les 
dettes  mobilières.  De  ce  nombre  ,  font  quelques 
coutumes  de  Picardie  ,  entr'autres  celle  de  Péron- 
ne  ,  qui  s'exprime  ainû  ,  article  116  :  «  Entre  no- 
)i  blés  vivant  noblement ,  il  eft  loifible  an  furvi- 
»  vaut  de  deux  conjoints  par  mariage  ,  de  prendre 
»  par  Privilège  de  noblejfe  ,  tous  les  meubles  qui 
V)  communs  étoient  entr'eux  au  jour  du  trépas  dii 
»  prédécédé;  &  le  furvivant,  ayant  fait  telle  ap- 
»  préhenfion  en  fa  juftice,  ou  pardevant  fon  juge 
M  ordinaire  ,  efl  tenu  de  payer  toutes  les  dettes 
»  mobilières  de  la  communauté  ». 

La  dénomination  de  Privilège  des  nobles  n'ap- 
partient au  droit  qui  défère  les  meubles  aux  furvi- 
vant des  époux  ,  que  dans  les  coutumes  qui  ne  l'ac- 
cordent qu'aux  conjoints  nobles  ,  &  en  confidéra- 
tion  de  leur  nobleffe  :  mais  comme  cet  avantage 
ef^  aufîî  déféré  par  quelques  coutumes  aux  époux 
roturiers  &  aux  époux  nebles  ,  quoique  vivant  ro- 
turièrement,  il  eft  plus  juTte,  comme  il  efî  plus 
d'ufage,  de  l'appeler  préciput  légal  ;  c'eft  un  nom 
qui  convient  plus  généralement  à  cette  efpèce  de 
droit ,  &  que  par  cette  raifon  lui  donnent  prefque 
tous  les  auteurs  J  c'eft  auffi  fous  ce  mot  qu'il  en  a 
été  traité   dans  ce  livre.  Ainfi  voyez  Préciput 

LÉGAL.  {Article  de  M.  S  jtN  SON  DU  PERRON  , 
avocat  au  parlement  y 

PRIX.  C'eft  la  valeur  &  l'eftimation  d'uwe 
chofe. 

Pour  former  un  contrat  de  vente  ,  il  faut  qu'il  y 
ait  un  Prix  convenu  entre  les  parties. 

Ce  Prix  doit  être  férieux,   c'cft-à-dire,  qu'oa 


PRIX. 

a  du  convenir  qu'il  feroit  exigible.  D'où  il  fuit  ; 
que  fi  quelqu'un  vous  avoit  vendu  un  héritage  pour 
mille  ccus ,  &  que  par  le  contrat  il  vous  eût  fait 
remife  de  cette  fomme  ,  un  tel  aâc  ne  feroit  pas 
une  vente,  mais  une  donation. 

Il  faut  auflî  que  le  Prix  ,  pour  être  férieux  ,  ne 
foit  pas  fans  une  certaine  proportion  avec  la  valeur 
de  la  chofe  vendue.  Par  exemple  ,  (i  on  vendoit  une 
inaifon  pour  vi'^'gt  fous,  il  n'y  auroit  point  de  vé- 
ritable vente  ;  ce  feroit  une  donation  qu'on  auroit 
mal-à-propos  qualifiée  de  vente,  &  Tafte  feroit 
Aijet  à  toutes  les  formalités  prefcrites  pour  les  do- 
nations ,  d'où  il  fuit  qu'il  ne  produiroit  aucun  effet 
entre  des  gens  qui  ne  pourroieni  pas  faire  une 
donation  1  un  à  l'autre. 

Ne  croyez  pas  cependant  qu'il  foit  nécelTaire 
que ,  pour  être  férieux  ,  le  Prix  foit  égal  à  la  jufte 
valeur  de  la  chofe  ;  il  fufRt  qu'il  ne  foit  point  illu- 
foire  ,  ou  qu'il  ait  une  certaine  proportion  avec 
cette  valeur.  Ainf],  lorfque,  pour  gratifier  l'ache- 
teur ,  le  vendeur  n'a  exige  qu'un  Prix  au-deffous  de 
la  valeur  de  la  chofe  ,  l'aîle  n'en  doit  pas  moins 
être  confidéré  comme  un  contrat  de  vente.  Il  doit 
en  être  de  même  dans  le  cas  où  le  vendeur ,  preffé 
par  le  befoin  d'argent,  a  été  obligé  de  vendre  fa 
chofe  pour  le  Prix  qu'on  lui  en  offroit ,  &  qui  étoit 
fort  inférieur  à  la  valeur.  Mais  quand  la  Itlion  ell 
énorme  ,  le  vendeur  peut  obtenir  des  lettres  de 
refcifion.  Voyez  Lésion. 

Obfervez  encore  fur  cette  matière,  que  pour 
qu'un  contrat  de  vente,  fait  à  un  Prix  fort  inférieur 
a  la  valeur  de  la  chofe  ,  foit  valable ,  il  faut  que 
l'acheteur  foit  capable  d'accepter  du  vendeur  une 
donation  ;  finon  l'infériorité  du  prix  fait  préfumer 
que  les  parties  ont  traité  pour  une  donation,  qu'elles 
ont  déguifée  fous  le  nom  de  vente. 

Une  autre  qualité  du  Prix  d'une  vente,  efl  qu'il 
foit  certain  &  déterminé  ,  ou  du  moins  qu'il  doive 
devenir  tel ,  fans  que  la  fixation  en  foit  laiffée  à 
l'arbitrage  de  l'une  des  parties.  Par  exemple  ,  fije 
vous  vends  une  malfon  pour  le  Prix  qu'elle  fera 
eftimée  par  experts,  la  vente  eft  valable,  parce 
<jue  ,  quoique  le  Prix  ne  foit  pas  certain  au  mo- 
ment de  la  vente  ,  il  doit  le  devenir  par  l'eOimation 
des  experts. 

Il  en  feroit  de  même,  f\  je  vous  vendois  cent 
muids  de  blé  pour  le  Prix  auquel  le  blé  fe  vendra 
fur  le  marché  à  la  faint  Martin. 

Enfin  le  Prix  d'une  vente  doit  être  un  fomme 
d'argent;  car  s'il  confifloit  en  autre  chofe,  le  con- 
i.at  feroit  plutôt  un  contrat  d'échange  qu'un  con- 
trat de  vente. 

C'eft  le  Prix  ftipulé  par  les  contrats  ,  &  non  la 
valeur  des  biens  vendus ,  qui  règle  les  différens 
droits  qui  en  font  dus. 

Lorfque  le  Prix  de  l'aliénation  eu  flipulé  paya- 
ble en  rente  viagère ,  les  cours  confidèrent  fouvent 
l'âge  de  la  perfonne  fur  la  tête  de  laquelle  la  rente 
doit  être  payée  ,  pour  en  évaluer  le  capital ,  &  pour 
ûxçr  en  conféquence  les  droits  feigoeuriaux  ;  c'eft 


PRIX.  ^95 

ainfi  qu'en  a  ufé  le  parlement  de  Paris  dans  l'arrêt 
rendu  contre  le  fieur  Langlois  le  8  février  17^4: 
mais  les  droits  de  contrôle  &  de  centième  denier 
fe  fixent  toujours  fur  le  capital  au  denier  dix  des 
rentes  viagères.  Cette  règle  a  été  établie  pour  pré- 
venir les  difîicultés. 

Il  peut  néanmoins  encore  s'en  rencontrer  ,  foit 
lorfque  la  valeur  du  bien  aliéné  excède  le  capital 
au  denier  dix  de  la  rente  viagère  ,  foit  lorfque  le 
Prix  eft  payable  en  rentes  viagères  fur  plufieurs 
têtes. 

Dans  le  premier  cas  ,  les  droits  fe  règlent  fur  la 
valeur  des  chofes  aliénées.  Le  confeil  l'a  ainfi  jugé 
par  décifion  du  27  mai  1741,  contre  les  adminiflra- 
teurs  de  l'hôpital  général  de  Touloufe. 

Dans  le  fécond  cas  ,  c'eft  à-dire  ,  lorfque  pour 
le  Prix  d'une  aliénation  faite  par  deux  particuliers  , 
il  leur  eft  conflitué  une  rente  viagère  payable  fur 
la  tête  de  l'un  &  de  l'autre  ,  &.  jufqu'au  décès  du 
furvivant ,  les  feniimens  font  partagés  fur  la  règle 
qu'on  doit  fuivre  pour  évaluer  le  capital  de  cette 
rente  ,  &  trouver  par-là  le  Prix  de  la  vente. 

Suppofez,  par  exemple,  que  deux  frères  ven- 
dent un  bien  qui  leur  appartient  en  commun  , 
moyennant  mille  livres  de  rente  viagère  payable 
jufqu'au  décès  du  dernier  mourant  :  les  uns  préten- 
dent que  les  droits  font  dus  fur  le  pied  de  quinze 
mille  livres  ,  qui  eft  le  capital ,  au  denier  quinze  , 
de  la  rente;  ils  fe  fondent  fur  ce  que  les  tribu- 
naux ordinaires  évaluent  les  capitaux  des  rentes 
viagères,  eu  égard  aux  circonftances;  fur  ce  que  la 
la  rente  créée  fin  deux  têtes  eu  d'un  objet  &  d'une 
valeur  plus  conf'dérable  que  celle  qui  n'efl  créée 
que  fur  une  tète,  &  que  la  valeur  en  eft  même 
fixée  par  l'arrêt  du  confeil  du  13  mai  1748  ,  q4.ii 
permettoit  à  la  compagnie  des  Indes  d'emprunter  , 
a  rente  viagère  fur  deux  têtes  ,  à  raifon  de  fept  Sc 
demi  pour  pour  cent. 

D'autres  oppofent  que  ce  quia  été  permis  pour 
faciliter  des  emprunts  ,  ne  peut  fervir  de  règle  pour 
fixer  des  droits  qui ,  en  cas  de  vente  ,  ne  font  pas 
dus  fur  la  valeur  des  biens  ,  mais  fur  le  Prix  ;  que 
la  rente  viagère  ,  qui  forme  ce  Prix ,  ne  peut ,  fui- 
vant  les  réglemens ,  être  évaluée  qu'à  raifon  du 
denier  dix  ;  que  celle  qui  eft  créée  fur  deux  têtes , 
même  fur  celles  de  cent  perfonnes  adluellement 
exiftantes,  n'eft  qu'une  rente  viagère  ,  qui  s'étein- 
dra à  la  mort  du  dernier  de  ceux  qui  doivent  en 
jouir  ;  &  que  fi  on  admettoit  le  fyftême  de  la  pro- 
greffion  ,  il  s'enfuivrolt  que  la  rente  viagère  créée 
fur  la  tète  de  quatre  à  cinq  perfonnes  ,  dtvroltêire 
évaluée  au-delà  du  capital  d'une  rente  qui  feroit 
perpétuelle;  ce  qui  fuffit  pour  faire  rejeter  cette 
progrelTion. 

Cette  dernière  opinion  eft  la  plus  jufte.  Au  refte, 
il  faut  obferver  que  la  rente  viagère  ,  qui  eft  le  Prix 
de  la  vente  d'un  bien  commun  ,  devant  appartenir 
en  entier  à  celui  des  co  vendeurs  qui  furvivra  & 
qui  n'ètoit  propriétaire  du  bien  qu'en  partie  ,  il  y  a , 
par  ce  moyen  ,  un  avantage  ftipulé  en  fa  faveur, 


>9<J 


PRIX. 


dont  le  droit  d'infinuation  ,  fuivain  le  tarif ,  efl  du 
dès  iinftant  du  contrat ,  fans  attendre  l'cvènernsnt , 
&  dans  la  proportion  de  l'avantage  dont  il  peut 
profiter. 

Quand  par  un  même  contrat  on  vend  des  meu- 
bles &  des  immeubles,  les  droits  réels  font  dus 
fur  le  tout ,  s'il  n'y  a  pas  un  Prix  diftinâ  pour  cha- 
que partie  ,  &  f:  on  n'a  pas  annexé  un  état  des  meu- 
bles a  la  minute  du  contrat. 

Lorfqu'on  vend  fimplement  la  nue  propriété 
d'un  bien  avec  léferve  de  l'ufufriiit,  foit  en  fa- 
veur du  vendeur  ou  de  quelqu'autre  perfonne  j  les 
diffcrens  droits  font  dus  à  l'inftant  niérrie  fur  le  Prix 
ftipulé  &  fur  les  autres  charges  impofées  à  l'ac- 
quéreur ,  qui  font  de  nature  à  y  être  jointes  :  mais 
doit  on  regarder  la  rèferve  de  l'r.fufruit  comme 
faifant  partie  du  prix  ou  des  charges  impofées  ? 

Pour  refoudre  cette  queftion  relativement  aux 
droits  feigneuriaux,  ceux  qui  foutiennent  que  l'ufu- 
iruit  retenu  doit  être  joint  au  Prix  de  la  propriété, 
difent  qu'une  terre  vendue  dix  mille  livres  avec 
rèferve  d'ufufruit ,  vaut  le  double  y  que  l'acquéreur, 
en  payant  aftucUement  cette  fomme  de  dix  mille 
livres,  fans  avoir  la  jouiiTance  de  la  terre  ,  perd 
l'intérêt  de  fon  argent,  qui  fait  partie  du  Prix; 
qu'on  doit  confidérer  que  c'eft  l'acquéreur  même 
qui  cède  au  vendeur  la  jouiiTance  de  la  terre ,  com- 
me une  partie  du  Prix  qui  augmente  le  fort  princi- 
pal ;  que  c'eft  la  même  chofe  que  fi  le  tout  avoit 
été  vendu  mo5'ennant  dix  mille  livres  en  argent, 
tk  fous  la  condition  de  payer  une  rente  viagère  de 
raille  livres  au  vendeur  ,  en  argent  ou  en  une  cer- 
taine quantité  des  produâions  de  la  terre  ;  enfin  , 
que,  fi  OH  réduifoit  les  droits  feigneuriaux  furie 
Prix  flipulé  ,  ce  feroit  autorifer  un  moyen  de  frau- 
der les  droits  des  feigneurs,  en  ne  pa/fant  que  des 
contrats  de  vente  de  la  nue  propriété  ,  &  en  ufant 
de  la  facilité  qu'il  y  a  de  faire  pa/Ter  l'ufufruit  à 
l'acquéreur  de  la  propriété  ,  foit  par  des  a6ies  pu- 
blics dans  les  coutumes  qui  n'accordent  point  de 
droits  feigneuriaux  pour  la  cefTion  d'ufufruit  en 
faveur  du  propriétaire,  foit  par  des  aâes  fecrets 
ou  fimulés  dans  les  autres  coutumes. 

On  oppofe  à  tout  ce  raifonnemenr ,  qu'il  pèche 
dans  le  principe  ,  parce  que  les  droits  feigneuriaux 
ne  fe  règlent  pas  fur  la  valeur  des  biens  vendus  , 
mais  uniquement  fur  le  Prix  ftipulé  dans  les  con- 
trats ,  en  y  joignant  les  charges  réductibles  en  de- 
niers, impofées  à  l'acquéreur  ;  que  l'ufufruit  d'un 
immeuble  eft  immeuble  ,  &  que  c'eft  une  partie  de 
l'héritage  même  ;  la  rèferve  qui  en  eft  faite  l'ex- 
cepte expreffémeni  de  la  vente;  or,  s'il  n'eft  pas 
vendu  ,  l'acquéreur  n'en  doit  pas  les  droits  ;  il  les 
doit  feulement  fur  le  Prix  de  ce  qu'il  acquiert ,  Se 
il  n'acquiert  que  la  nue  propriété.  La  rèferve  de 
l'ufufruit  ne  lui  impofe  aucune  charge  ;  elle  ne  fait 
«^ue  retarder  fa  jouilTance  :  il  n'a  rien  à  payer  à  ce 
fiijet  ;  il  n'en  doit  donc  aucun  droit.  La  raifon  de 
la  perte  de  l'intérêt  n'eft  pas  de  la  plus  légère  con- 
fidération  ,  non  -  feulement  parce  que  l'argent  de 


PRIX. 

lui-métne  ne  produit  rien  ,  mais  encore  parce  quô 
(i  le  vendeur  profite  de  l'intérêt  du  Prix  qui  lui  eft 
payé,  le  feigneur  profite  également  de  Tintérét  des 
lods ,  qui  lui  font  payés  du  même  Prix  avant  la 
mutation  dans  la  poifellion  utile.  Comme  l'ufufruit 
n'eft  point  vendu  ,  &  qu'au  contraire  il  eft  exprefTé- 
iTient  refervé,  il  n'eft  pas  poffible  de  fe  prêter  à  la 
fuppofition  qu'il  ait  été  acquis,  &  enfuite  cédé  au- 
vendeur  en  payement  d'une  partie  du  Prix  ;  on  ne 
peut  pas  non  plus  comparer  la  rèferve  qui  en  eft 
faite  ,  à  une  charge  de  payer  une  rente  viagère  au 
vendeur,  parce  ,  qu'encore  tinc  fois,  l'ufufruit  rè- 
ferve n'eft  point  vendu  ;  il  eft  excepté  dé  la  vente , 
fans  impofer  à  cet  égard  aucune  charge  à  l'acqué- 
reur, qui  n'en  prof.'te  pas  aéluellement;  au  lieu  que 
dans  i'efpèce  de  la  rente  viagère  en  argent  ou  en 
nature  ,  l'ufufruit  eft  transféré  conjeintement  avec 
la  propriété  à  l'acquéreur ,  qui  peut  ,  dés  ce  mo- 
ment ,  jouir  de  la  terre  comme  il  lui  plaît ,  en 
payant  le  Prix  principal,  &  en  acquittant  annuelle- 
ment la  rente  qui  lui  eft  impofée  comme  une  chiarge 
faiiant  partie  du  Prix.  Cette  charge  peut  être  appré- 
ciée ,  &  tous  les  auteurs  conviennent  qu'elle  fait 
partie   du  prix  fur  lequel  les  droits  feigneuriaux 
font  dus,  en  la  diftinguant  abfolument  de  la  fouf- 
france  de  l'ufufruit ,  rèferve  par  la  vente  de  la  pro- 
priété. Enfin,  les  raifons  tirées  de  la  poffibiliré  de; 
frauder  les  droits  des  feigneurs  ,  ne  font  d'aucune 
confid^ration  :  les  feigneurs  ont  la  voie  du  retrait, 
ils  peuvent  même  faire  affirmer  les  parties  lorfqu'il 
y  a  foupçon  de  fraude  ;  mais  ils  ne  peuvent  étendre 
leurs  droits  fous  prétexte  de  prévenir  la  fraude, 
parce  que  ce  feroit  faire  tomber  la  peine  de  cette 
fraude,  tant  fur  ceux  qui  font  déterminés  à  la  pra- 
tiquer, que  fur  les  contraiffans  de  bonne  foi  :  ainfi 
il  en  réfulteroit  une  injuftice  évidente  à  l'égard  de 
ceux-ci ,  dont  le  fort  ne  doit  pas  être  aggrave  ,  pour 
favorifer  les  feigneurs  ,  qui  ont  plufieurs  moyens 
pour  punir  la  fraude. 

Les  différens  auteurs  qui  ont  agité  la  queftion 
dont  il  s'agit ,  fe  réuniiTent  pour  rejeter  la  préten- 
tion des  feigneurs  comme  extenfive  :  on  peut  voir 
Dumoulin,  Dargentré  ,  DuplefTis  ,  Livonnière  , 
Guyot  &  Poullain. 

Il  a  été  rendu  fur  cette  queftion  un  arrêt  au  par- 
lement de  Bretagne  le  i  3  août  1750  ,  dans  I'efpèce 
fuivante  :  M.  Bifien,  vicomte  de  Lézard  ,  avoit  ac- 
quis ,  au  mois  de  feptembre  1748,  de  la  dame  de 
Coëtandoeh  ,  des  terres  &  feigneuries  mouvantes 
du  duché  de  Pentliièvre  ,  moyennant  quarante-un 
mille  livres,  &  avec  claufe  que  cette  dame  conti- 
nueroit  d'en  jouir  pendant  la  vie.  Le  fieur  le  De- 
mo>!r  de  Kernilien  ,  fermier  du  duché  de  Penthiè- 
vre  ,  ayant  prétendu  que  les  lods  dévoient  être 
payés  fur  le  pied  du  doublement  du  Prix  ftipulé , 
fut  débouté  de  cette  prétention  ,  &  condamné  aux 
dépens  par  fentence  du  ftège  de  Guingamp.  Sur 
l'appel  au  parlement ,  la  caufe  a  été  appointée  à 
éciire  &  produire;  &  l'arrêt  ciré  a  mis  l'appel  au 
néant ,  ordonné  que  la  fentence  fortiroit  fou  plein 

& 


PRIX. 

8c  èntlei'  effet ,  8c  condamné  l'appelant  à  l'amende 
&  aux  dépens  de  la  caufe  d'appel. 

La   même    queftion    portée    au    parlement    de 
Rouen,  y  a  été  jugée  différemment  le  14  juin  1751. 
Le  fit'ur  du  Bofc.  lieutenant  général  du  bailliage 
de  Thorigny  ,  avoit  vendu  ,  le  30  mars  1742  ,  au 
iîeur   Ar.vrny,   avocat      une  terre   mouvante  en 
partie  de  la  iVi^neurie  de  RoufTeville,  moyennant 
Duit  mille  cinq  cents  livres  ,  dont  une  partie  fut 
payée  comptant  ,  8c  le  furplus  conftitué  en  rente 
rembourfibl;;  toutes  fois  &  quantes ,  fous  la  condi- 
tion que  l'acfiuéreur  n'entreroit  en  )oui(îance  qu'a- 
près le  décès  du  vendeur  ,  qui  fe  réfervoit  l'ufufruit 
de  la  terre.  L'acquéieur  ayant  été  trouver  le  fieur 
le  Prévôt  de  RoudevlUe  ,  fcigneur,  celui-ci  pré- 
tendit le  treizième  (  lods  ôc  ventes  )  fur  le  double 
de  la  fomme  de  fept  mille  fix  cenîs  liv. ,  à  laquelle 
étoit  fixé  le  Prix  de  ce  qui  reievoit  de  lui  ,  &  l'ac- 
quéreur foutint  qu  il  ne  le  devoir  que  fur  ce  Prix 
ieulement  ;  ils  convinrent ,  verbalement ,  de  pren- 
dre l'avis  de  trois  avocats  du  parlement  :  deux  de 
ces  avocats  furent  favorables  à  la  prétention  du 
feigneur  ;  mais  le  troifièmc  s'y  oppofa  fortement, 
en  forte  que  l'acquéreur  ne  crut  pas  devoir  acquief- 
cer  :  le  fieur  de  Roufl'eville  !e  fit  affigner  devant 
fon  fénéchal ,  qui ,  par  fentence  du  30  avril  1743 , 
condamna  le  fieur  Auvray  à  payer  fix  cents  trente 
trois  livres  fix  fous  huit  deniers  pour  le  treizième 
de  la  vente  de  la  propriété  ,   &  pareille  fomme 
pour  le  treizième  de  l'ufufruit.  Le  lieur  Auvray  in- 
terjeta appel  au  bailliage  de  Thorigny  ,  où  la  fen- 
tence du  fénéchal  fut  confirmée  après  partage  ,  le 
S/ juillet  174^.  Sur  l'appel  au  parlement,  il  eft  in- 
tervenu ,   après  une  ample  inftrudlion  ,  arrêt  le  14 
juillet  175 1  ,  par  lequel  la  cour,  toutes  les  cham- 
bres   aflemblées  ,  a   mis  l'appellation  &  ce  dont 
étoit  appel  au  néant  :  émendant ,  fans  s'arrêter  aux 
offres  d'Auvray  de  la  fomme  de  ùx  cents  trente- 
trois  livres    fix    fous  huit   deniers    pour    le  trei- 
zième du  contrat  du  30  mars  1741  ,  la  condamné 
à  payer  au  feigneur  de  Roufl'eville  le  treizième  en- 
tier du  contrat,  y  compris  l'ufufruit  retenu    par 
icelui ,  défalcation  faite  des  charges  étant  fur  la 
terre ,  autres  que  l'ufufruit ,  enfemi;le  de  la  portion 
d'héritage  qui  ne   relève    point  dudit  feigneur  , 
pour  la  liquidation  duquel  treizième  a  renvoyé  les 
parties  au  bailliage  de  Thorigny..,.   Et  il  a  été  or- 
donné que  cet  arrêt  ferviroit  de  règlement,   &, 
en  confCquence ,  que  le  treizième  des  contrats  de 
ventes  faites  avec  rétention  d'ufufruit ,  feroit  payé , 
tant  du  Prix  porté  auxdits  contrats  ,  que  de  l'ufu- 
fruit retenu  par  iceux  ,  Sic. 

Les  motifs  de  ci-<>  deux  arrêts  oppofés  l'un  à  l'au- 
tre ,  fe  trouvent  dans  les  lois  féodales  des  deux 
provinces.  En  Bretagne,  les  lods  font  dus  fur  le 
Prix  comme  ailleurs  :  l'ufufruit  d'un  immeuble  eft 
immeuble ,  &  la  vente  de  cet  ufwfruit  eft  fujette 
aux  lods  ik  ventes  ,  fuivant  l'article  Ç7  de  la  cou- 
tume ,  qui  n'excepte  pas  la  vente  faite  au  proprié- 
taire :  ainfi,  par  la  vente  de  la  propriété  avec  ré- 
TomtXlIL 


PRIX.  697 

1  *ention  d'ufufruit ,  le  vendeur  fe  réferve  un  im- 
meuble qui  n'cft  pas  vendu;  tl  n'eft  donc  pas  jufie 
d'en  faire  payer  les  lods  par  l'acquéreur  de  la  pro- 
priété, qui  les  devra  pour  cet  ufufruit  ,  s'il  le  con- 
lolide  à  Prix  d'argent  pendant  la  vie  de  celui  auquel 
il  e!l  réfervé. 

Les  lods  ou  le  treizième  ne  font  également  dus 
en  Normandie  que  fur  le  Prix,  fuivanc  1  article 
173  de  la  coutume  ;  l'ufufruit  d'un  immeuble  y  eft 
pareillement  confidére  comme  immeuble  ,  article 
508  ;  mais  l'article  502  décide  que  l'ufufruit  n'eft 
fifjet  au  retrait  que  lorfqu'il  eu  vendj  à  autre  qu'au 
propriétaire  ;  &  comme  la  règle  du  retrait  f\it , 
dans  cette  province  ,  celle  des  cas  où  le  treizième 
eft  dû  ,  il  s'enfuit  que  ce  droit  n'eft  pas  dij  pour  la 
vente  de  l'ufufruit  en  faveur  de  celui  qui  efl  pro- 
priétaire; enforte  qu'un  particulier  peut  acquérir 
aujourd'hui  la  nue  propriété,  &  demain  l'ufufruit, 
fans  être  tenu  de  payer  le  treizième  pour  le  der- 
nier contrat.  C'eft  vraifemblablement  pour  remé- 
dier à  cette  fraude  que  le  parlement  de  Rouen  a 
jugé  que  le  droit  feroit  payé  pour  la  vente  de  la 
propriété  ,  tant  du  Prix  ftipulé  que  de  l'ufufruit 
réfervé. 

Ainfi  ,  en  adoptant  ces  deux  arrêts  ,  il  s'enfuivra 
que  dans  les  pays  oii  l'ufufruit  vendu  au  proprié- 
taire eft  fiijet  à  lods  &  ventes  ,  ces  droits  ne  fe- 
ront dus  pour  la  vente  de  la  nue  propriété  que  fur 
le  pied  du  Prix  ftipulé  pa'  le  contrat  ;  &i.  que  ,  dans 
les  pays  où  il  n'eft  point  dû  de  lods  pour  la  vente 
de  l'ufufruit  faite  en  faveur  de  celui  qui  eft  pro- 
priétaire ,  les  droits  de  la  vente  de  la  nue  propriété 
feront  dus  ,  tant  du  Prix  ftipuîé  que  d«  l'uiufruit 
réfervé. 

A  l'égard  des  droits  de  contrôle  &  de  centième 
denier  d'une  vente  de  la  nue  propriété  d'un  bien, 
fous  la  réferve  de  l'ufufruit ,  le  confeil  juge  que  ces 
droits  ne  doivent  être  perçus  que  fur  le  Prix  ftipulé. 

Prix  fe  dit  aufil  de  ce  qui  eft  propofé  pour  être 
donné  à  celui  qui  réuffira  1;  mieux  dans  quelque 
exrcice ,  dans  quelqu'ouvrage. 

Par  UKe  ordonnance  du  28  décembre  1777, 
le  roi  a  inftitué  un  Prix  public  en  faveur  des 
nouveaux  établiflemens  de  commerce  6c  d'in- 
duftrie  (i). 


(i)  Voici  cttti  ordonnance  : 

Le  roi ,  dans  le  compte  qui  lui  a  été  tendu  de  fes  finances , 
a  approuve  les  difpodùons  qui  lui  ont  été  préfenttes  pour  af- 
furer  des  fecouis  pécuniaiics  aux  nouveaux  établi (feinens 
de  commerce  &  de  manufacture  cjui  méritent  cet  encoiiMr;e- 
mens.  Et  fa  majellé  délirant  entretenir  encore  l'cniulaLioii 
paries  motifs  de  gloiie  &  d'honneur,  a  jugé  à  propos  de 
fonder  un  Piix  annuel  en  faveur  de  toute';  les  pCifonnes  , 
qui  ,  en  frayant  de  nouvelles  routes  à  rindufttie  nati  jnale  , 
eu  en  la  pcrfetlionnant  eflentiellement ,  auront  fervi  l'étac 
6c  mérité  une  mar^jue  publique  de  l'approbation  de  fa  ma- 
jefté.  Le  Piix  honorable  <]ue  Ion  amour  pour  les  travaux  uti- 
les l'engage  à  inltituer ,  conlîrtera  dan»  une  mcdaille  d'or 
du  poids  de  douze  onces ,  ayant  d'un  coté  la  titt  du  roi  ,  Se 
de  l'autte,  une  exergue  &  une  légende  analogues  au  fujer. 
CeC(e  médaille  fera  décernée  dans  les   premiers  mois  d« 

Tttt 


698  PROCÉDURE. 

PROCÉDURE.  Ceft  rinftruâion  judiciaire  d'un 
procès ,  loit  en  maiière  civile  ,  Toit  en  matière  cri- 
minelle. 

Il  fuit  de  cette  définition  ,  que  fous  le  terme  de 
procédure  ,  on  comprend  tous  les  aéles  ,  tels  que 
les  exploits  de  demande,  les  cédilles  de  préfenta- 
tion  ,  les  exceptions  ,  les  défenfes ,  les  fommations 
Ck  autres  qui  ont  lieu  ,  tant  pour  introduire  une 
demande  ,  que  pour  parvenir  à  la  faire  juger. 

La  matière  des  procès ,  &c  les  moyens  qui  éta- 
blifTent  le  droit  des  parties  ,  font  ce  qu'on  appelle 
le  fond  ,  au  lieu  que  la  Procédure  s'appelle  la 
forme. 

Les  formes  judiciaires  qui  furent  établies  chez 
les  Romains  par  la  loi  des  douze  tables,  furent 
empruntées  des  Grecs. 

Ces  formes  étoient  finguliércs  :  par  exemple, 
la  première  qu'on  obfervoit  avant  de  commencer 
les  Procédures  civiles  ,  étoit  que  les  parties  com 
paroiflbient  devant  le  préteur  :  là,  dans  la  pofture 
de  deux  perfonnes  qui  fe  battent,  elles  croifoient 
deux  baguettes  qu'elles  tenoient  entre  les  mains  ; 
c'étoit  là  le  fignal  des  Procédures  qui  dévoient 
fuivre.  Cela  a  fait  penfer  à  Hotman  ,  que  les  pre- 
miers Romains  vidoient  leurs  procès  à  la  pointe 
de  rèpée. 

Indépendamment  de  ce  qui  étoit  porté  par  la 
loi  des  douze  tables,  pour  la  manière  d'intenter 
les  Procédures  civiles  ou  criminelles,  on  introduifit 
beaucoup  d'autres  formules  ,  appelées  legis  allo- 
ues ,  qui  étoient  la  m.ême  chofe  que  ce  que  la  Pro- 
cédure &.  le  flyle  font  parmi  nous.  On  étoit  obligé 
d'obferver  les  termes  de  ces  formules  avec  tant  de 


PROCÉDURE. 

rîçuenr,  que  Tomiffion  d'un  fenl  de  ces  termes 
eltcntiels  ,  faifoit  perdre  la  caufe  à  celui  qui  l'avoit 


omis. 


chaque  annce  ,  à  commencer  en  mars  177?  ,  pour  l'année 
17-8,  i:  ainli  de  fuite  ,au  jugemencd'une  aiïemblée  cxtraor- 
diaiii^  1  compofte  du  niinift'e  des  financei ,  de  trois  confeil- 
leis  d'ctac ,  de*  intendans  du  commerce  ,  &  à  JaqueJle  fe- 
ronc  appelés  les  dé;  utc's  &:  Jes  infpedeiirs  généraux  du  com- 
tneice.  Sa  majeRc  veut  que  les  intendans  du  commerce  ren- 
dent compte  à  cette  aflemblée  de  tous  les  nouveaux  étabiiiîe- 
mens  dont  on  aura  eu  connoiflance  dant  le  cours  de  l'année  , 
&  qu'ils  ne  négligent  rien  pour  l'acquérir  .  foit  par  leurs 
correfpondance  avec  tous  les  infpedîeurj  du  royaume,  foit 
par  les  avis  qui  leur  feront  donnés  par  les  commidaires  du  roi 
départis  iUns  les  provinces  ;  enfin,  lespeifonnes  même  qui 
croiront  avoir  des  droits  à  ce  concours  ,  pourront  adrelFer 
'  leurs  titres  au  fecrctairc  général  du  commerce.  Sa  majeflc 
^eui  que  le  piix  ne  puifTe  jamais  être  adjugé  aux  auteurs  de 
(impies  mémoires  ,  mais  feulement  aux  perfonnes  dont  les 
idées  utiles  auront  été  niifes  en  exécution.  Le  roi  permet  que 
la  perfonne  qui  aura  obtenu  ce  Prix  lui  foit  préfentée  par  le 
mjniftre  de  fes  finances;  fe  réfervant  encore  fa  majeilé  d'a- 
jouter à  cet  honneur  de  nouvelles  grâces,  félon  le  mérite  & 
l'importance  de  la  découverte  qui  aura  été  couronnée;  elle 
approuve  même  que  l'affemblce  nommée  pour  juge  puifle 
di,'maHder  la  periiiiirion  de  (décerner  un  fécond  Prix  ,  s'il  ar- 
rjvoit  que  deux  citoyens  euffent  des  droits  à-peu-près  égaux 
à  cette  marque  de  Ji'tindion.  Enfin  ,  l'inrention  du  roi  efl 
ut:c  cej  méc'ailles  deviennent,  dans  les  familles,  une  preuve 
fuhlîft.inte  d'un  fervice  renlu  à  J'état,  &  ua  titre  à  la  protcc- 
lion  piiticulîère  de  fa  majeflé. 
ïaità  Vctliailles  te  2  8  décembre  1777. 

%7!f  LOUIS.  Et  plus  has  fAutior, 


Ces  anciennes  formules  furent  la  plupart  abro- 
gées par  Tkeodofe  le  jeune;  cependant  plufieurs 
auteurs  fe  (ont  emp-eûfés  d'en  ralfembler  les  frag- 
mens  ;  le  recueil  le  plus  complet  eft  celui  que  le 
préfident  Brifion  en  a  donné  ,  fous  le  titre  Jefo'rnu- 
lis  &  foitninibui  popuh  Ro/vani  verhts.  Ces  formules 
regardent  non-feulement  les  aéles  &  la  Procédure , 
mais  auflî  la  religion  8i  l'art  militaire. 

A  mefure  que  les  anciennes  formules  tombèrent 
en  déluitude  ,  on  en  introduifit  de  nouvelles  plus 
fmtples  &  plus  claires  ;  il  y  avoir  des  appariteurs 
qui  faifoient  les  a6les  que  font  aujourd'hui  les  fer- 
gens  &  huiiïiers  ;  des  procureurs  ad  litts  ,  qu'on 
appeloit  cu^niiorcs  juris  ,  &  des  avocats.  Ainfi  on 
ne  peut  douter  qu'il  n'y  ait  toujours  eu  chez  les 
Romains  des  formules  judiciaires  pour  procéder 
en  juflice. 

La  procédure  ufitée  chez  les  Romains  dut  proba- 
blement être  pratiquée  dans  les  Gaules ,  lorfqu'ils 
en  eurent  fait  la  conquête ,  vu  que  tous  les  officiers 
publics  étoient  Romains,  &  que  les  Gaulois  s'ac- 
coutumèrent d'eux-mêmes  à  fuivre  les  mœurs  des 
vainqueurs. 

Lorfque  les  Francs  eurent  à  leur  tour  conquis  les 
Gaules  fur  les  Romains,  il  fc  fit  un  mébnge  de  la 
pratique  Romaine  avec  celle  des  Francs.  C'eft 
ainfi,  qu'au  lieu  des  preuves  juridiques ,  on  intro- 
duifit en  France  l'épreuve  du  duel  ;  coutume  bar- 
bare qui  venoit  du  Nord. 

Dans  ces  premier-;  temps  de  la  monarchîe,la  jufli- 
ce  fe  rendoit  militairement;  il  y  avoit  pourtant  quel- 
ques formes  pour  l'iurtruaion  ,  mais  elles  étoient 
fort  fimples  ,  &  en  même-temps  fort  groflières.  Il 
y  avoit  des  avocats  &  des  fergens  ;  mais  on  ne  le 
fervoit  point  du  miniftère  des  procureurs  4if /iiei  ; 
il  étoit  même  défendu  de  plaider  par  procureur  ; 
les  parties  étoient  obligées  de  comparoître  en  per- 
fonne. 

Ce  ne  fut  que  du  temps  de  faim  Louis  que  1  on 
commença  à  permettre  aux  parties  de  plaider  par 
procureur  en  certains  cas,  en  obtenant  pour  cet 
efTet  des  lettres  du  prince.  ^  1      r  • 

Ces  permifiîons  devinrent  peu  à  peu  plus  fré- 
quentes ,  jufqu'à  ce  qu'enfin  il  tlit  permis  à  chacun 
de  plaider  par  procureur,  &  qu'on  établit  des  pro- 
cureurs en  titre. 

Depuis  cet  établi/Teraent ,  les  Procédures  fe  lont 
beaucoup  multipliées  ,  parce  qu«  l'infiruaion  des 
procès  s'el^  faite  plus  régulièrement. 

On  a  compris  que  le  bon  droU  feroit  fouvent 
facrifié  ,  s'il  n'y  avoit  point  de  règles  certaines  pour 
le  faire  connoître. 

Ces  règles  fe  trouvent  dans  la  forme  ou  la  Fro- 
céc'ure.  En  effet,  fans  la  Procédure,  le  juge  ne 
pourvoit  pas  être  inftruit ,  &  l'aéïion  de  rendre  la 
juAice  ne  feroit  plus  que  l'ex-rcice  d'un  pouvoir 
arbitraire  §i  une  précipitation  de  jugement. 


PROCÉDUF  E. 

Pour  prouver  ces  vérités,  il  fuffit  d'examiner  ce 
qui  doit  fe  pratiquer  quand  il  s'agit  de  rendre  jultice 
à  des  parties  litigantes. 

On  fait  que  celle  qui  forme  une  prétention  con- 
tre l'autre ,  doit  d'abord  expofer  fa  demande  au 
juge  ,  &  enfuite  la  juftifier  par  des  preuves  légiti- 
mes ,  pour  faire  condamner  la  partie  advevfe. 

Mais  s'il  importe  que  le  juge  ne  condamne  pas 
fans  preuves ,  il  convient  suffi  que  la  partie  qu'on 
attaque  fnit  en'endue  d  ins  la  défeni'e  qu'elle  peut 
avoir  à  piopoler  contre  la  demande. 

Ainfi ,  il  eft  nécefTatre  que  le  défendeur  foit  cité 
à  la  requête  du  demandeur  ;  &  afin  que  cette  cita- 
tion foit  prouvée  ,  &  qu'elle  ne  puilTe  pas  être  al- 
térée ,  elle  doit  fe  faire  par  écrit. 

Il  faut  d'ailleurs  que  le  défendeur  ait  un  certain 
temps  pour  fe  confulter  &c  faire  la  recherche  des 
pièces  qui  peuvent  être  nécelVaires  à  fa  défenfe  : 
d'où  il  fuit  que  ce  temps  doit  être  déterminé  dans 
Jla  citation. 

Comme  les  preuves  qui  peuvent  juftifier  une  de- 
mande ne  font  pas  toujours  fondées  fur  des  écrits  , 
&  même  que  les  écrits  fur  lefquels  elles  font  fon- 
dées font  fouvent  en  d'autres  mains  que  celles  du 
demandeur,  on  a  introduit  les  interlocutoires  ,  teh 
que  la  preuve  par  témoins,  les  rapports  d'experts  , 
les  compulfoires  ,  &c. 

L  équité  exigeant  que  le  défendeur  puifle  em- 
ployer pour  fe  défendre  tous  les  moyens  convena- 
bles ,  il  a  le  droit ,  félon  les  circonftances  ,  de  dé- 
cliner la  juridiélion  du  juge  devant  lequel  il  t(\  affi- 
gné  ,  de  demander  un  délai  pour  délibérer ,  de  re- 
procher les  témoins,  &c. 

Il  y  a  des  affaires  qui ,  par  la  nature  de  l'objet , 
veulent  être  traitées  plus  fomniairement  que  les  au- 
tres ;  c'eft  pourquoi  on  a  établi  deux  fortes  de  Pro- 
cédures ;  l'une  ordinaire  ,  &  l'autre  particulière  , 
qu'on  appelle  fommain.  Celle-ci  eft  l'objet  du  titre 
17  de  l'ordonnance  du  mois  d'avril  1667. 

La  crainte  que  les  premiers  juges  n'abiifadcnt  de 
leur  autorité  ,ou  ne  fuflent  point  aifez  échiirés  pour 
juger  convenablement  en  dernier  refibrt ,  les  af- 
faires importantes  ,  a  fait  introduire  la  voie  de  l'ap- 
pel :  mais  comme  il  y  a  des  cas  ,  tels  qu'en  ma- 
tière de  promeffes  reconnues  ,  où  il  importe  que  ce 
moyen  foit  reftreint,  le  légiHateur  a  voulu  que 
dans  ces  cas  l'appel  n'empêchât  pas  que  le  premier 
jugement  ne  s'exécutât  par  provifion. 

Les  jugemens  dont  l'effet  ne  peut  pas  être  fuf- 
pendu  par  un  appel ,  ne  devant  pas  être  illufoires , 
on  a  établi  que  la  perfonne  contre  laquelle  ils  au- 
roient  été  rendus ,  pourroit  être  contrainte  à  les 
exécuter  ,  foit  par  la  perte  de  fa  liberté,  foit  par  la 
privation  de  fes  biens.  Telle  ci\  l'origine  des  faifies, 
des  emprifonnemens  &  des  autres  contraintes. 

Il  eu  évident ,  par  ce  qu'on  vient  de  dire  ,  que  la 
Procédure  fait  un  point  capital  dans  l'adminiftra- 
tion  de  la  juftice,  d'où  il  fuit  que  l'étude  n'en  doit 
point  être  négligée. 

Nous  ne  donnerons  point  ici  les  règles  qui  font 


PnOCHSSlONS.        699 

propres  à  chaque  f^rte  de  ptocédure  ,  elles  fe  trou- 
vent expliquées  fous  les  noms  des  différens  aéîes  , 
tels  qu  ajournement  ,  enquête ,  exploit  ,  requête  ,  cp~ 
poinrt-mcnt  ,  &c. 

PROCES.  Inftance  devant  un  juge  fur  un  diffé- 
rend ,  entre  deux  ou  p!i:fieurs  parties. 

On  appelle  Procès  civil ,  celui  qi'.'on  inflriilt  par 
la  voie  civile.  Et  procès  crimiml ,  celui  qui  a  pour 
objet  la  réparation  d'un  délit. 

On  commence  un  procès  civil  par  une  affigna- 
tion ,  &  un  Procès  crini'ncl  par  une  plainte. 

Suivant  l'article  premier  du  titre  20  de  l'ordon- 
nance du  mois  d'août  1670,  les  juges  peuvent  Gr-« 
donner  qu'un  Procès  commence  par  la  voie  civile  , 
fera  pourfiiivi  extraordinaireincnt ,  s'ils  conuoif- 
fent  qu'il  peut  y  avoir  lieu  à  quelque  peine  cor- 
porelle. 

Au  refte  ,  le  juge  d'inftruftion  ne  peut  pas  feul 
prononcer  cette  converfion  du  civi!  au  criminel  ; 
le  confeil  l'a  ainfi  jugé  par  arrêt  du  30  mars  1719  , 
fervant  de  règlement  pour  les  officiers  du  préfidial 
de  B rives. 

L'article  a  du  même  titre  porte  ,  qu'en  in(}ruifjnt 
les  Procès  ordinaires ,  les  juges  pourront,  s'il  y  échet , 
décerner  décret  de  prifi-de-cjrps  on  d'ajuurnemcnt  per- 
fonne! ,  ftiivant  la  qualité  de  la  preuve  ,  &  ordonner 
rinJlrL^iort  à  l'extraordinaire. 

L'article  3  veut  que  s'il  paroît,  avant  la  confron- 
tation des  témoins,  que  l'aftaire  ne  doive  pas  être 
pourfuivie  criminellement,  les  juges  reçoivent  les 
parties  en  Procès  ordinaire  ,  au  civil  ;  auquel  cas 
ils  doivent  ordonner  que  les  informations  feront 
converties  en  enquête  ,  5c  qu'il  fera  permis  à  l'ac- 
cufè  d'en  faire  de  fa  part,  félon  la  forme  prefcrite 
pour  les  enquêtes. 

On  ne  reçoit  pas  les  parties  en  Procès  ordinaire, 
lorlque  le  miniftère  public  eft  accufateur  ,  Sc  qu'il 
n'y  a  point  de  partie  civile. 

Après  la  confrontation  des  témoins,  on  ne  peut 
plus  recevoir  l'accufé  en  Procès  ordinaire ,  &  on 
doit  prononcer  définitivement  fur  fon  abfolution 
ou  fa  condamnation.  C'eft  ce  qui  réfulte  de  l'ar- 
ticle 4. 

Il  cû  dit  par  l'article  5  ,  que  quoique  les  parties 
aient  été  reçues  en  procès  ordinaire  ,  la  voie  ex- 
traordinaire fera  reprife  ,  fi  la  matière  y  eft  dif- 
pofée. 

On  appel  Procès  de  commijjaires  au  parlement  ^ 
certains  Procès  dont  nous  avons  parlé  à  l'article 
Commissaire. 

PROCESSIONS.  C'eft  une  efpèce  de  prières 
publiques  ufitées  dans  l'églife. 

On  voit  déjà  les  Procelîions  en  ufage  dans  les 
Gaules  au  commencement  du  fixiéme  fiède.  La 
ville  de  "Vienne,  dans  la  province  nommée  aujour- 
d'hui Dauphiné ,  avoir  reffenti  depuis  un  an  de 
fréquens  tremhlemens  de  terre;  les  incendies  qui 
en  avoient  été  la  fuite,  avoient  détruit  ce  que  les 
tremblcmens  de  terre  avoient  épargné  ;  les  maladlûs 
qui  avoient  fuccédé  à  tant  de  malheurs,  avoie;n  fait 

T  1 1  t  ij 


700  PROCESSIONS. 

de  cette  ville  une  folitude  ;  faint  Mamert ,  fon  évê- 
que  ,  crut  devoir  tout  mettre  en  œuvre  pour  fléchir 
la  colère  du  ciel.  Il  ordonna  ,  pour  les  jours  qui 
prccîdent  rnfcenfion  ,  des  Procefîions ,  des  jeûnes 
&  des  prières.  Ce*  Proceffions  ont  été  depuis  con- 
tinuées tous  les  ans  dans  l'églifc  de  France  &  en- 
fuite  dans  toute  leglife  d'occident  ;  tk  ce  font  cel- 
le» qu'on  nomme  lés  rop,ations. 

La  pefle  cnufée  à  Rome  par  l'inondation  du 
Tibre,  l'an  «504  ,  donna  lieu  à  iaint  Grégoire  d'or- 
donner ces  Proceflïons  qui  font  appelées'dans  l'hif- 
toire  liiania  m.'jor  Gregoriana.  Elle'*;  fe  firent  avec 
la  plus  grande  célébrité  :  tout  le  peuple  de  Rome 
y  aiï)fta,  &  ce  faiiit  pape  divifa  lu  multitude  im- 
me^'fe  qui  le  ccinpoibit  en  fept  clafles  ;  la  pre- 
inière  ,  du  cierge  ;  la  féconde  ,  des  abbés  &  des 
moines  ;  la  troifième  ,  des  a'obeffes  &  de  leurs 
commuiiaut's  ;  la  quatrième,  des  enfans  ;  la  cin- 
quième ,dcs  veuves  ;  la  fixiéine  ,  des  laïcs  ;  &  la 
ieptiéine,  des  femmes  mariées. 

Les  ProcelTions  furent  bientôt  la  cérémonie 
qu'on  employa  dajis  l'églifc  pour  toutes  les  occa- 
sions extraordinaires.  On  en  fit  dans  les  calamués 
.  publiques,  &  toutes  les  fois  qu'd  fut  queftion  de 
rendre  grâces  à  Dieu  de  quelque  bienfait  fignalé  ; 
ufage  qui  fubfifte  encore  aujourd'hui. 

Enfin  ,  elles  font  devenues  û  communes  ,  qu'elles 
font  ,  en  quelque  façon  ,  partie  de  l'office  ordi- 
naire de  l'églife.  Les  cathédrales  ,  les  grandes  ab- 
bayes ,  les  paroifies  ,  ne  célèbrent  point  la  meiïe 
les  dimanches  ordinaires  ,  &  ne  la  difent  pas  les 
autres  jours  avec  quelque  folennité  ,  qu'elle  ne  foit 
précédée  d'une  Procefîlon. 

11  faut  donc  diftinguer  deux  efpèces  de  Procef- 
fions  ;  celles  qui  font  partie  de  l'office  ordinaire 
du  diocèfe;  telles  font  celles  des  dimanches  &  des 
fêtes  folennelles  :  &les  Procefiions  extraordinaires, 
qui  font  ordonnées  dans  les  temps  de  calamités  , 
©u  pour  rendre  à  dieu  des  affions  de  grâces  publi- 
ques. 

Entre  les  Proceflïons  ordinaires,  les  feules  qui 
préfentent  quelque  queftion  à  examiner  ,  font  les 
ProceflTions  des  paroi.Tes.  L'ufage  ayant  attribué 
des  diftincVions  &  des  honneurs  aux  perfonnes 
qualifiées  qui  demeurent  fur  une  parojlTe  ,  on  de- 
mande quel  rang  elles  doivent  tenir  entre  elles  aux 
Proceflïons  qui  s  y  font. 

Le  patron  a  droit  de  marcher  le  premier  à  la  ' 
Procefiïon.  Cet  uf:',ge  eu  très-ancien  ,  puifque  l'or- 
dre ron.ain  dit ,  qu'il  a  été  ordonné  par  les  anciens 
canons  .,  que  le  fondateur  de  l'églife  Se  fes  héiï- 
ti«rs  iroieiit  les  premiers  à  la  Procefîîon ,  le  jour 
qu'oti  célèbre  l'anniverfaire  de  la  dédicace  de  l'é 
glife.  A  j'i-'Hii  puir'bus  flanirum  ejî  in  d'u  iiedlcat'to- 
iiis  anniverfjrio  foUir.ni  funAdtous  &  eorum  hccredes 
in  Pr'jcejjionlbus  primoi  efjl-  dcbire.  Aujourd'hui  ce 
r'efi  point  feulement  le  jour  de  l'anniverfaire  de 
la  dédicace  de  l'églife  que  le  pif-.'n  a  le  privilège 
de  marcher  le  premier  ?.  1p.  Proceflion  ;  il  peut 
Jouir  de  ce  droit  toutes  les  fois  qu'on  en  fait  une. 


PROCESSIONS. 

Après  le  patron  ,  la  préféance  eft  due  au  feî- 
gneur  haut-juAicier  qui  a  permis  qu'on  bâtît  l'é- 
glile  fur  fon  territoire.  Viennent  enfuite  le  fei- 
gneur  moyen-jufiicier ,  &  le  bas-jufticier  fur  le  fief 
duquel  Téglife  efi  bâtie.  Ils  ont  la  préféance  fur 
tous  les  autres  feigneurs  &  gentilshommes  de  la 
paroiflïs ,  quoique  ces  feigneurs  &  gentilshommes 
y  pofsèdent  des  fiefs  ,  &  que  leurs  fiefs  foient  de 
plus  grande  valeur  que  ceux  qu'y  pofsèdent  les 
feigneurs  haut  ,  moyen  &  bas-jufticiers  fur  la  juf- 
tice  defquels  efi  fituée  l'églife. 

Le  feigneur  du  fief  fur  lequel  l'églife  eft  bâtie, 
marche  avant  le  magifirat;  mais  le  magiflrat  mar- 
che avant  les  fimples  gentilshommes.  Un  officier 
de  juflice  royale  dans  uiie  cour  Aipérieure  ,  ou 
même  dans  une  cour  inférieure  ,  eft  élevé  ,'  par  la 
dignité  dont  il  eft  revêtu,  au-defius  du  rang  des 
fimples  particuliers ,  au  lieu  que  le  fimple  gentil- 
homme n'eft  rien  autre  chofe  qu'un  homme  privé. 

Par  arrêt  du  19  décembre  1778  ,1e  parlement  de 
Paris  a  maintenu  les  officiers  du  bailliage  d'Yen- 
ville  dans  le  droit  de  précéder  les  marguilliers  du 
lieu  à  la  Procelfion  &  dans  toutes  les  autres  céré- 
monies de  l'églife  ,  &  a  condamné  les  marguilliers- 
aux   dépens 

Entre  gentilshommes  qui  demeurent  fur  une 
même  paroifle  ,  ceux  qui  y  pofsèdent  un  fief  mar- 
chent avant  ceux  qui  n'en  pofsèdent  point.  S'il  eft 
qucftion  de  gentilhommes  qui  n'ont  ni  jufiice  ni 
fief  dans  la  paroifl^e,ta  préféance  eft  due  à  celui 
qui  ,  avecla  nobleflfe  ,  eft  revêtu  de  quelque  office 
de  la  maifon  du  roi ,  ou  qui  eft  parvenu  a  quelque 
grade  dans  les  armées  ;  &  lorfqu'aucun  d'eux  n'a 
de  charge  ou  de  d  gnité  ,  celui  qui  poft'îde  dans 
la'paroiflTe  des  rotures  en  propriété,  précède  ce- 
lui qui  n'y  pofsède  aucun  fonds. 

Les  fimples  gentilshommes  ont  le  pas  fur  les  offi- 
ciers de  juftice  des  feigneurs  ,  fi  ceux-ci  ne  font 
pas  gradués  ;  lorfqu'ils  le  font  ,  ils  ont  tous  les 
honneurs  dont  jouiroit  le  feigneur  qu'Us  repréfen- 
tent ,  à  l'exclufion  des  gentilshommes  qui  demeu- 
rent dans  la  paroifle. 

A  l'égard  des  Proceflïons  extraordinaires  ,  on 
peut  demander  à  qui  il  appartient  de  les  ordonner  , 
quel  rang  doivent  tenir  entre  eux  les  differens 
corps  qui  y  affiftent  ,  &  quelle  place  ils  doivent 
occuper  dans  l'églife  lorfqu  ils  s'y  raffemblent  pour 
y  affifter  .' 

Les  cas  où  il  eft  quefti^n  d'onlonner  des  prières 
publiques  ,  font  les  temps  de  calamités ,  &  lorfqu'il 
s'agit  de  rendre  grâces  à  Dieu  de  quelque  bienfait 
que  la  ville,  le  diocèfe,  ou  le  royaume  en  ont 
reçu,  ou  quand  il  y  a  un  jubilé  &  qu'il  faut  en  dé- 
terminer les  ftations.  Ceft  toujours  aux  évéques 
feuls  à  prefcrire  l'ordre  des  Proceffions  qui  fe 
font  alors  ;  ils  en  indiquent  le  j^ur  &  l'heure  , 
lorfque  ce  fint  eux  qui  les  ordonucnt  de  leur  pro- 
pre mouvement  ,  8i  qu'il  n'y  a  dans  leur  ville 
épifcopale  ni  parlement,  ni  chambie  des  comptes, 
ni  cour  des  aides  ,  ou  qu'il  ne  s'y  trouve  point  le 


PROCESSIONS. 

goiiv.erneur  ni  le  lieutenant  général  delà  province. 

Mais  quand  c'eft  le  rei  qui  a  ordonné  de  ren- 
dre à  D:eu  de  folemnelles  a(51:ions  de  grâces  par- 
tout fon  royaume ,  il  indique  quelquefois  l'heure 
&  le  jour  de  ces  prières  dans  la  lettre  qu'il  écrit 
aux  évéques  pour  les  inftruire  de  fa  volonté.  S'il 
ne  l'a  point  indiquée  ,  c'eft  aux  évéques  à  le  faire  , 
à  moins  qu'ils  n'aient  dans  leur  ville  un  parle- 
ment ,  une  chambre  des  comptes ,  ou  une  cour 
des  aides,  ou  bien  que  le  gouverneur  ,  ou  le  lieu- 
tenant général  de  la  province  ne  s'y  trouvent  i  car  , 
dans  ce  dernier  cas  ,  l'évèque  doit  convenir  avec 
le  gouverneur,  le  lieutenant  général ,  &  avec  les 
cours  fupérieures  ,  du  jour  &  de  l'heure  à  laquelle 
fe  feront  les  prières. 

C'eft  la  diipofuion  formelle  de  l'art.  46  de  l'édlt 
du  mois  d'avril  1695  :  «  Lorfque  nous  aurons  or- 
>»  donné  de  rendre  grâces  à  Dieu  ,  ou  de  faire  des 
»  prières  pour  quelque  occafion  ,  fans  en  marquer 
»  le  jour  &rheHre,  les  archevêques  Se  évéques 
«  la  donneront,  fi  ce  n'eft  que  nos  lieutenans  gé- 
«  néraux  &  gouverneurs  pour  nous  dans  nos  pro- 
»  vinces  ,  ou  nos  lieutenans  en  leur  abfence  ,  fe 
«  trouvent  dans  les  villes  où  la  cérémonie  devra 
»  être  faite  ,  ou  qu'il  y  ait  aucunes  de  nos  cours 
ï>  de  parlement  ,  chambres  de  nos  comptes ,  ou 
»  cours  des  aides  qui  y  foient  établies,  auquel  cas 
w  ils  en  conviendront  enfemble  ,  s'accommodant 
v  réciproquement  à  la  commodité  les  uns  des 
»  autres,  &  particulièrement  à  ce  que  lefdits  pré- 
w  lats  eftimeront  la  plus  convenable  au  fervice 
I»  divin  »,  Edit  du  mois  d'avril  1695  ,  article  46. 

Quand  ce  font  les  évéques  qui  indiquent  les 
prières  publiques  de  leur  propre  mouvement,  & 
qu'il  y  a  dans  leurs  villes  un  parlement ,  une  chaiTi- 
bre  des  comptes  ,  ou  une  cour  des  aides  ,  ou  que 
le  gouverneur  &  le  lieutenant  général  de  la  pro- 
vince y  réfident,  ils  ont  foin  de  même  de  conve- 
nir avec  eux  de  Iheure  &  du  jour  auquel  elles  fe 
feront. 

Les  mandemens  que  les  évéques  ou  leurs  vicai- 
res généraux  font  fur  ces  matières  ,  qui  font  de 
police  eccléfiaftique  purement  extérieure  ,  doivent 
être  obfervés  ,  tant  pour  le  jour  que  pour  l'heure 
&  la  manière  de  faire  ces  prières  dans  toutes  les 
églifcs  de  leurs  diocéfes  ,  même  par  les  chapitres 
fécuhers  &  réguliers  qui  fe  prétendent  exempts  de 
la  juridiélion  de  l'ordinaire.  La  déclaration  du  30 
juillet  1710  y  eft  formelle  :  «  Voulons  &  nous 
>>  plaît ,  porte  cette  loi  ,  que  les  mandemens  des 
»  arclievéques  &  évéques  &  de  leurs  vicaires  gé- 
j)  néraux  ,  qui  feront  purement  de  police  exté- 
»  ricure  eccléfiaftique ,  comme  pour  les  fonne- 
V  ries  générales  ,  dations  du  jubilé  ,  Procefflôns 
j;  &  prières  pour  les  nécelîités  publiques  ,  ac- 
«  tions  de  grâce  ,  Se  autres  femblables  fujets  , 
»  tant  pour  les  jour  &  heure  que  pour  la  ma- 
>>  nière  de  les  faire  ,  foient  exécutés  par  toutes 
3)  les  cglifes  &  communautés  eccléfiaftiques  ,  fé- 
w  cuiiéres  ik  régulières ,  exemptes  &  non  exemp- 


PROCESSIONS. 


701 


>»  tes,  fans  préjudice  à  l'exemption  de 'celles  qui 
»  fe  prétendent  exemptes  en   autres   chofes  ». 

Le  concile  de  Rouen  de  l'an  1581  ,  avoit  déjà  dé- 
cidé, que  dès  que  Tévéque  a  indiqué  des  prières  pu- 
bliques ,  tous  les  corps  eccléfiaftiques,  féculiers  & 
réguliers  ,  font  obligés  de  s'y  rendre ,  à  moins 
qu  ils  ne  faflent,  comme  les  chartreux,  profeiTion 
d'une  clôture  très-étroite.  Exempti  omnes  cUrici  , 
tàm  rtgulares  ,  quàm  fcculares  ,  ad  publicas  Procef- 
fiones  vocaii  acccdere  compelluntur  ,'his  tarnen  exceptis 
qui  in  Jîriélori  claufurd  perpétua  vivant. 

Le  droit  d'ordonner  des  prières  publiques  &  des 
Proceflions  efl  tellement  propre  aux  évéques  ,  que 
les  réguliers  qui  jouifTent  de  l'exemption  la  plus 
étendue  ,  &.  même  de  la  juridiélion  épifcopalc  fur 
\\n  territoire  déterminé  ,  ne  peuvent  le  faire  ,  à 
moins  qu'ils  n'aient  lapolTeffion  à  cet  égard.  Le 
grand-prieur  de  France  a  la  juridiélion  épifcopale 
dans  l'enceinte  à.u  Temple  à  Paris.  Il  entreprit  de 
faire  chanter  ,  le  15  mai  1745  ,  dans  fon  églife  du 
Temple  ,  un  te  deum  pour  la  viéloire  remportée  par 
Louis  XV  à  Fontenoi ,  &  publia  à  cet  effet  un  man- 
dement imprimé.  L'archevêque  de  Paris  déclara 
nul  ce  mandement ,  &  défendit  ,  fous  peine  de 
fufpenfe,  au  prieur-curé  du  Tempie  de  l'exécuter. 
Le  grand  prieur  de  France  ayant  entrepris  de  fcu- 
tenir  fon  mandement ,  le  roi  ,  par  arrêt  de  foa 
confeil  du  15  juin  1745  ,  lui  fit  difenfes,  parpro- 
vifion  &  en  atreiidant  un  plus  ample  éclairciffe- 
ment ,  d'en  donner  de  femblables  à  l'avenir  ,  6c 
ordonna,  en  conformité  de  la  déclaration  du  30 
juillet  1710,  tant  à  lui  qu'à  tous  autres  exempts 
prétendant  même  avoir  juridiélion  épifcopale  , 
d'exécuter  les  mandemens  qui  feroientdonnés  dans 
cette  matière  parles  évéques. 

Les  maire  Si^échevins  de  la  ville  de  Provins  , 
diocèfe  de  Sens  ,  avoicnt  ordonné  de  chanter  le 
te  deum ,  de  leur  autorité  privée ,  fans  attendre 
l'ordre  de  l'archevêque  de  Sens  ;  ils  avoient  con- 
traint les  cccléfialîiques  de  la  ville  d'y  affifter;  &  , 
ne  fe  contentant  pas  de  cette  entreprife  fur  l'au-' 
torité  eccléfiaflique  ,  ils  avoient  faicdéfenfes  d'exé- 
cuter fon  mandement  lorfqu'ill'avoit  envoyé.  L'ar- 
chevêque de  Sens  fe  pourvut  au  confeil  du  roi  ; 
&,  le  14  décembre  1638,  il  obtint  un  arrêt  qui 
fit  dèfenfes  "  aux  bailli,  maire  &  échevins  de  la 
»  ville  de  Provins  de  s'ingérer  en  aucune  façon  , 
»  ni  ordonner  es  choies  qui  appartiennent  à  l'é- 
»  glife,Scde  troubler  ledit  fieur  archevêque  aux 
»  fonélions  de  fa  charge,  à  peine  de  trois  mille 
»  livres  d'amende  ,  dépens  ,  dommages  &  inté- 
j>  rets  ». 

Les  corps  qui  afliftent  aux  Procédions  extraordi- 
naires ,  font  les  parlemens  ,  les  chambres  des 
comptes  ,  les  cours  des  aides  ,  dans  les  villes  où 
ces  cours  font  établies  ;  les  préfidiaux  ,  dans  les 
villes  oLi  il  y  a  des  préfidiaux  ,  &  les  ci'Rciers  mijui- 
cioaux  des  villes.  Ces  différens  corps  tiennent  en- 
tre eux  le  rang  qui  leur  eft  affigné  dans  les  autres 


701  PROCESSIONS. 

circonftances ,  &  que  la  fupériorité  des  fon'Sllons 
ou  Tufage  ont  déterminé. 

Lorfque  les  cours  fouveraines  fe  rendent  au 
chœur  de  l'églile  cathédrale  pour  une  ProcefTion 
extraordinaire  ,  elles  fe  placent  dans  les  hautes 
chaires  du  chœur  ;  mais  elles  font  obligées  d'en 
laiflTer  un  certain  nombre  de  chaque  côté  pour 
les  chanoines  &  les  dignités,  m  Défendons  ,  dit 
»»  l'article  47  de  Tédit  de  1691  ,  à  toutes  perfon- 
»»  nés  ,  de  quelque  qualité  &  condition  qu'elles 
»  puiflTent  être  ,  d'occuper ,  pendant  le  fervice  di- 
«  vin  ,  les  places  deftinées  aux  eccléfiaftiques.  Vou- 
»»  Ions  que  lorfque  les  officiers  de  nos  cours  ,  allant 
"  en  corps  dans  les égllfcs  cathédrales  ou  autres, 
"  fe  placeront  dans  les  chaires  deftinées  pour  les 
»  dignités  &  chanoines  ,  ils  en  laiffent  un  certain 
«  nombre  vides  de  chaque  côté  pour  les  d  gnités 
«  &  chanoines  qui  ont  accoutumé  de  les  remplir  ». 
Edit  de  1695  ,  article  47. 

Cette  difpofition  de  1695  étoit  obfervée  depuis 
long-temps  à  Paris;  le  parlement  occupoit  les  hau- 
tes chaires  du  côté  droit  alu  chœur,  après  en  avoir 
laiiïé  la  moitié  vers  l'autel  pour  les  dignités  &  cha- 
noines de  réglife.  La  chambre  des  comptes  &  la 
cour  des  aides  fe  plac;oient  dans  celles  du  côté 
gauche,  après  avoir  laiiïé  un  pareil  nombre  de 
chaires  vacantes  du  côté  de  l'autel ,  qui  étoient 
occuuées  par  les  chanoines  &  par  les  dignités. 

La  même  chofc  avoit  été  aufli  décidée  avant 
l'édit  de  1695  ,  toutes  les  fois  qu'il  étoit  furvenu 
quelques  conteAatlons  entre  les  chapitres  Se  les 
cours  fouveraines  au  fujet  de  leur  féancc  dans  les 
hautes  chaires  de  l'églife. 

Le  parlement  de  Rouen  8c  la  chambre  des 
comptes  de  cette  ville  eurent,  au  commencement 
du  iiècle  pafTé  ,  une  difficulté  avec  le  chapitr»  de 
l'églife  métropolitaine  ,  au  fujet  des  chaires  que 
ces  cours  occuperoient  au  chœur  lorfqu'elles  fe- 
roient  obligées  de  s'y  rendre  pour  les  cérémonies 
publiques.  L'arrêt  qui  intervint  au  confcil  privé 
•fur  cette  affaire  le  19  mai  1618  ,  décida  qu'il  feroit 
réfervé  quatre  chaires  vers  le  grand  aiuel ,  du  côté 
où  feroit  le  parlement  ,  pour  les  dignités  &  les 
chanoines  ,  Si.  huit  chaires  pareillement  pour  eux 
vers  l'autel ,  du  côté  où  fe  placeroit  la  chambre  des 
comptes. 

Un  autre  arrêt  du  confeil  privé  du  30  oflobre 
1637  ,  avoir  réfervé  fix  chaires  de  chaque  côté  du 
chœur  dans  l'églife  de  Rennes  ,  outre  la  place  de 
l'évoque,  pour  les  dignités  &  les  chanoines  ,  lorf- 
que le  parlement  y'affifteroit  en  corps,  &  avoit 
faitdéfenfes  au  parlement  de  troubler  l'évéque  de 
Rennes  dans  fa  iutidtdii')n. 

Une  conteAation  de  même  nature  étant  furve- 
nue  entre  le  parlement  de  Metz  &  le  chapitre  de 
l'églife  cathédrale  de  cette  ville  ,  le  roi  ,  par  arrêt 
de  fon  confeil  privé  du  29  décembre  1690  ,  or- 
donna que  les  chanoines  abandonneroient  aux  offi- 
ciers du  parlement  quatorze  chaires  du  côté  où  j 
avoit  coutume  de  fe  placer  le  premier  préfident ,  | 


PROCESSIONS. 

&  treize  chaires  de  l'autre  côté  ,  &  que  le  refte  des 
chaires  du  chœur  feroit  occupé  par  les  doyen  ,  cha- 
noines &  chapitre  de  l'églife  cathédrale. 

Il  ne  nous  refte  plus  qu'à  pirler  de  ceux  à  qui 
eftdû  l'honneur  de  la  Proceffion  ,  c'eft-à-dire  de 
ceux  qu'on  eA  obligé  d'aller  recevoir  en  Proceffion 
lorfqu'ils  arrivent  dans  l'églife. 

Ce  droit  n'appartient  aujourd'hui  qu'aux  évê- 
ques   &  aux  princes.  Le  refpeâ  dû  à  la  majefté 
royale  ,  la  proteéiion  que  les  princes  accordent 
auxéglifes,  les  biens  qu'ils  leur  ont  donnés  &  qui 
peuvent  les  en  faire   regarder  comme  fondateurs  , 
ont  rendu   cette  cérémonie    très-ancienne  à  leur 
égard  ;  elle  fut  pratiquée  pour  les  empereurs  pref- 
que  aufii-tôt  après  leur  converfion  au  chriftianifme. 
Nous  voyons  auffi  cet  ufage  très-anciennement 
obfervé  pour  les  évêques.  Lorfque  faint  Athanafe 
revint  d'Alexandrie  après  fon  exil,  le  clergé  8c  le 
peuple  allèrent  au-devant  de  lui  en  chantant  des 
hymnes  &  des  cantiques.  Saint  Chryfoftôme  fortit 
auffi  avec  tout  fon  clergé  au-devant  de  faint  Epi- 
phane  ,    évéque   de    Salarnine  ,  lorfqu'il  vint  à 
Conftantinople.  Sozomene ,  livre  81  chapitre  14. 
Mais  ce  qui  n'étoit  dans    le  commencement 
qu'un    effet    de  l'empreffement  &  du  zèle  d'une 
eglife  à  l'égard  d'un  évéque  dont  elle  refpe61oit  la 
fainteté&  le  mérite,  efl  devenu  une  obligation  : 
l'honneur  de  la  Proceffion  a  été  confidéré  depuis 
comme  un  des  droits  épifcopaux.  L'évéque  doit 
être  reçu  en  Proceffion  dans  toutes  les  églifes  de 
fon    diocèfe,  &  même  dans  celles   des  réguliers. 
L'article   21   du  règlement  des  réguliers  ordonne 
qu'ils  le  recevront  proceffionnellement  en  habits 
d'églife. 

■Un  texte  du  pape  Gelafe ,  mal  entendu  ,  a  fait 
accorder  autrefois  aux  patrons  l'honneur  de  la 
Proceffion  ,  8c  ils  en  jouiffent  encore  aujourd'hui 
dans  les  autres  royaumes  catholiques.  Le  pape 
Gelafe  ,  en  parlant  du  fondateur  ,  dit  qu'il  n'a 
point  d'autre  droit  dans  l'églife  qu'il  a  fondée  , 
qu'une  place  à  la  Proceffion  ,  qui  eff  due  à  tous  les 
chrétiens.  Scuurus  fine  dubio  prczter  Proceffion'is  adi' 
tum  ,  ijui  otnni  chrifiiano  dcbetur  ,  nïhil  ibidem  fe  pra- 
priijaris  hahiturum.  Canon  26,  CJuf.  16,  qutzjl.   7. 

Il  eft  évident  qu'il  ne  s'agit  point  ici  d'un  hon- 
neur particulier ,  puifqu'il  n'eft  queffion  que  d'une 
chofe  qui  lui  eft  commune  avec  tous  les  autres  fidè- 
les ,  &  que  par  conféquent  le  mot  Procejfionis  adi- 
tus  ne  peut  Signifier  ce  que  nous  entendons  au- 
jourd'hui par  l'honneur  de  la  Proceffion. 

Cependant  dans  le  douzième  fîècie  ,  les  cano- 
niftes  ont  commencé  à  conclure  de  cette  expref- 
fion  ,  que  l'honneur  de  la  Proceffion  étoit  dû  au 
fondateur  de  l'églife.  Et  le  pape  Alexandre  III  a 
confacré  cette  erreur,  en  reconnoiffant ,  dans  une 
décrétale  inférée  dans  le  droit,  que  les  anciens  ca> 
noHS  accordent  au  patron  cette  prérogative.  Pro 
fundacione  quoque  cccltfice  honor  FroceJJionis  fundatorl 

ferv^itur    ficut  in  facris  eji  canonibui  injlïiutum. 

Extra  de  jure  putronaiûs. 


PROCESSIONS. 

Aujourd'hui ,  en  France ,  on  n'accorde  point 
cet  honneur  anx  parrons  particuhers,  quels  qu'ils 
foient. 

Les  corps  &  communautés  d'arts  &  métiers  ne 
doivent  point  être  aflujettis  à  fe  rendre  en  corps 
à  ces  ProcefTions  publiques.  C'eft  ce  qu'a  jugé  un 
arrêr  du  parlement  de  Paris ,  du  4  juin  1783 ,  rendu 
dans  l'efpèce  fuivante  : 

Le  lieutenant  général  de  police  de  la  ville  d'Or- 
léans, &  le  fubftitut  de  M.  le  procureur  général 
audit  fiége ,  dans  la  vue  d'augmenter  l'éclat  Si  la 
pompe  de  la  Proceflion  de  la  tète-dieu  ,  leur  avoir 
fait  imaginer  de  requérir  &  d'ordonner,  par  un  rè- 
glement de  Police  du  9  juin  1781  ,  «  que  toutes 
»  les  communautés  d'arts  &  métiers  ,  établies  dans 
>♦  la  ville  d'Orléans  ,  feroient  tenues  d'afiiiler  avec 
i>  des  flambeaux  à  la  Proiîeflion  générale  du  faint 
«  facrement  ,  r\ir  l'invitation  qui  feroit  faite  par 
»»  les  Tyndics  6c  adjoints  ,  qui  feroient  tenus  d'in- 
>>  viter  ,  chaque  année  ,  la  fixième  partie  des  mai 
«  très  &  aggrégés  de  leur  communauté  ,  &  leur 
»  fournir  des  flambleaux  ;  la  lifte  des  invités  re- 
»>  mife  ,  par  les  fyndics  &  adjoints,  au  lieutenant 
»  de  police  &  au  procureur  du  roi ,  la  veille  de  ia 
»»  Procefnon  ;  lefdits  invités  tenus  de  fe  rendre  ,  le 
>»  jour  de  la  fête ,  en  habit  décent ,  fous  les  galeries 
«  du  grand  cimetière  ,  pour  répondre  à  l'appel  qui 
>»■  feroit  fait  fur  les  liftes  données  ;  recevoir  les 
î»  flambleaux  fournis  par  les  communautés,  &  dont 
5»  la  dépenfe,  prife  fur  les  fonds,  feroit  allouée  tous 
»♦  les  ans  dans  les  comptes  en  frais  de  fyndicat ,  le 
»  tout  fous  peine  d'amende  de  50  livres  contre 
»»  les  fyndics  &  adjoints  qui  n'auroient  pas  fait  les 
y)  invitations  ni  remis  les  liftes  au  lieutenant  de 
»>  Police,  &  de  loliv.  d'amende  contre  ceux  qui 
>»  ne  fe  trouveroicnt  pas  à  l'appel ,  ne  fuivroient 
«  pas  leur  rang ,  ou  défemparercient  de  la  Pro- 
»>  ceffion  pendant  fa  marche  Se  avant  la  rentrée 
n  dans  l'églife. 

»  Permet  néanmoins  aux  maures  &  aggrégés  qui 
J)  ne  pourroient  pas  ,  pour  des  raifons  valables  , 
M  répondre  à  l'invitation,  de  fe  faire  repréfenter 
»  par  d'autres  maîtres  ou  aggrégés  qui  fc  préfen- 
)>  teroient  à  l'appel  pour  eux  ,  à  peine  par  ceux 
»  qui  les  auront  chargés ,  d'en  répondre  en  leurs 
i}  noms;  établit  un  commifTaire  de  police  pour 
ï>  l'arrant^ement  des  communautés,  fous  toutes  ré- 
y}  ferves  de  droit  en  cas  de  réclamation  de  préféan- 
»)  ces  ;  lediiît^^mifTaire  chargé  de  fuivre  &  ac- 
j>  compagner  les  Proceffons  ,  furveiller  les  procef- 
»  fionnaires  ,  noter  les  contrevenans  &  faire  en - 
»  fuite  (on  rapport  au  lieutenant  de  police  ». 

La  publication  de  cette  ordonnance  de  Police  , 
qui  étoit  une  nouveauté  ,  déplut  à  la  plupart  des 
communautés.  Cependant  quelques-unes  s'y  fou- 
rnirent; mais  les  marchands  merciers  &  drapiers  , 
qui  (ont  des  négocians  diftingués  dans  la  ville  d'Or 
léans ,  ne  crurent  pas  que  cette  ordonnance  ptjt  les 
conce-ner,  &  que  le  lieutenant  de  police  eût  eu 
dciTein  de  les  confondre  avec  de  Amples  artifans. 


PROCÈS-VERBAL.  ^05 

En  conféquence  ,  ils  ne  s'y  conformèrent  point;  ce 
qui  fit  que  le  29  juin  ils  furent  aftignés  au  fiége  de 
police,  pour  être  condamnés  à  l'amende  portée 
au  nouveau  règlement. 

Cette  aflîgnation  détermina  la  communauté  de» 
merciers  &  drapiers  à  interjeter  appel  à  la  cour  de 
l'ordonnance  de  police  ,  6c  à  intimer  fur  l'appel 
M.  le  procureur  général. 

M.  Fournel  a  fait ,  pour  leur  défenfe  ,  un  mé- 
moire ,  où  il  établit  qu'aucune  loi  n'affujettit  nom- 
mément à  aififter  à  la  Proceftion  ;  que  cette  dévo- 
tion doit  refter  libre;  que  l'ordonnance  dont  il 
s'agit  eft  contraire  à  l'ufage  obfervé  à  Orléans ,  à 
la  déclaration  du  mois  d'avril  1771  ,  qui ,  pour  de 
juftes  caufes ,  fupprime  toutes  les  confrairies  ,  & 
qu'elle  renouvelleroit  tous  les  inconvéniens  qui 
ont  déterminé  leur  fuppreftlon. 

M.  l'avocat  général  Séguier  a  adopté  les  moyens 
propofés  par  M.  Fournel  ,  8(.  a  conclu  à  être  reçu 
lui-même  appelant  de  cette  ordonnance. 

L'arrêt  cité  ,  conforme  à  ces  conclufions ,  faifant 
droit  fur  l'appel,  enfemble  fur  celui  de  M.  le  pro- 
cureur général ,  a  déclaré  ladite  ordonnance  nulle 
&  de  nul  eft^it ,  a  fait  défeafes  au  procureur  du  roi 
&  au  lieutenant  de  police  d'Orléans  de  faire  des 
réglemens,  fi  ce  n'eft  pour  ordonner  l'exécution  des 
lois  du  royaume  &  arrêts  de  la  cour. 

(  Article  de  M.  l'abbé  LaUBHY  ,  avocat  au  par-- 
lemcnt  ). 

PROCES -VERBAL  Ce  nom  s'applique  aux 
defcentes  de  juges  ,  vifites  &  rapports  d'experts  , 
apportions  &  levées  de  fcellés,  faifies-exécutions  , 
faifies-réelles  ,  captures  ,  rebellions  ,  contraven- 
tions, ^  généralement  à  tous  les  a£les  dreftes  & 
arrêtés  par  gens  ayant  ferment  en  juftice  ,  &  qui 
contiennent  &  éiablift"ent  un  fait  par  le  rapport  des 
dires  ,  conteftations  ,  comparutions  ou  abfence  des 
parties  &  de  toutes  les  circonftances  qui  peuvent 
fervir  à  le  conftater. 

Il  feroit  trop  long  de  traiter  ici  de  chacun  de  ces 
aftes  en  particulier.  Nous  ne  parlerons  que  de  ce 
qui  eft  relatif  aux  Procès-verbaux  des  amployés  des 
fermes.  11  eft  queftion  des  autres  aux  articles  qui 
les  concernent:  ainfi ,  voyez  les  mots  Descente 
DE  JUGES  ,  Rapport  d'experts  ,  Scellés  , 
Blessés,  &c. 

Les  commis  du  fermier ,  comme  ayant  prêté 
ferment  en  juftice,  ont  la  faculté  de  dreffer  Procès- 
verbal  des  fraudes  &  autres  incidens  qui  peuvent 
furvenir  dans  le  cours  de  leurs  fonélions.  Ils  ont 
aufti  le  droit  de  faifir  l'objet  de  la  fraude  ,  &  pn  cela 
ils  participent  aux  fondions  des  huiftîers  :  leurs 
Procès  -  verba'.ix  font  proprement  une  dépofition 
fuivie  d'une  faifie. 

Ces  aftes  doivent  être  conformes  à  la  vérité  , 
conrenir  le  détail  clair  &  précis  de  toutes  les  cir- 
conftances eft^enrielles  ,  &  la  mention  graduelle  de 
tout  ce  qui  s'eft  pafle  dans  l'ordre  des  temps  ,  fans 
intervertir  la  i»arche  des  différentes  fcèngs,  6c 


704 


PROCÈS-VERBAL. 


placer  devant,  ce  qui  nécefrairement  n'eft  arrivé 
qu'après. 

Les  commis  ne  peuvent  donc  être  trop  fcrupu- 
leux  dans  leurs  rapports  ;  ils  ne  doivent  luppofer, 
diiïimuler  ni  déguifer  les  faits  ;  8c  comme  il  eût  éré 
dangereux  de  lailTer  à  leur  mémoire  le  foin  de  les 
conlèrver  &  d'en  remettre  la  defcription  à  un 
temps  poftérieur  n  celui  auquel  ils  fe  Cont  paffés  , 
l'ordonnance  des  fermes  du  mois  de  juin  i6'oo  ,  & 
les  réglemens  intervenus  depuis,  ont  voulu  que 
les  Procès- verbaux  fuOent  rédigés  fur  le  champ,  & 
à  rinftant  même  de  la  fraude,  à  moins  qu'il  n'y  ei^it 
rébellion  ou  autre  empêchement  dont ,  dans  ce  cas  , 
il  doit  être  fait  mention. 

On  luit  cependant  un  autre  iifage  dans  le  redort 
de  la  cour  des  aides  de  Normandie.  Les  droits  de 
détail  étant  confulérables  dans  cette  province  ,  la 
perception  en  avoit  fouvent  été  troublée.  Lorfque 
les  commis  découvroient  des  fraudes  &  des  con- 
traventions ,  il  leur  étoit  difficile,  quelquefois  mê- 
me dangereux ,  de  dreifer  leurs  Procès- verbaux 
fur  le  lieu  &  à  l'inftant  de  la  découverte  de  la  frau 
de.  Pour  obvier  à  ces  inconvéniens ,  il  eft  inter- 
venu le  premier  feptembre  1750  ,  une  déclaration  j  balifent 
regiftrée  à  la  cour  des  aides  de  Rouen  le  premier  4".  Des 

oâobre  fuivanr,  qui ,  par  les  articles  i  &  3  ,  a  auto- 
rifé  les  commis  à  rédiger  leurs  Proces-verbaux  où 
ils  jugegeroient  à  propos  ,  en  laifTant  aux  préve- 
nus, pour  leur  sûreté  ,  ur,  billet,  qu'on  appelle  billet 
fommaire  ,  dans  lequel  ils  exprimeroient  fuccinéte- 
ment  l'objet  &  la  qualité  de  la  fraude. 

Les  commis,  en  Normandie  ,  n'en  ont  pas  moins 
la  liberté  de  dreffer  leurs  Procès- verbaux  fur-le- 
champ  ;  mais  alors  ,  quand  ils  font  empêchés  par 
rébellion  ou  autrement ,  ils  ne  (ont  pas  obliges  de 
laiiîer  un  billet  fommaire ,  pourvu  que  ,  dans  ce 
dernier  cas  ,  ils  aient  l'attention  de  faire  mention  , 
comme  ci- deffus,  desobftacles  qu'ils  peuvent  avoir 
rencontrés. 

Comme  le  témoignage  de  deux  commis  fuffit 
pour  opérer  la  condamnation  d'un  fraudecr  ,  & 
qu'aux  termes  de  l'article  19  du  titre  commun  pour 
toutes  les  fermes  de  lordonnance  du  mois  de  juil- 
let 1681 ,  leurs  Procès- verbaux  doivent  être  crus 
jufqu'à  infcription  de  faux ,  on  a  a^Tujetti  ces  Pro- 
cès-verbaux à  différentes  formalités  ,  dont  l'obfer- 
vation  eft  abfolument  de  rigueur.  Les  unes  tien- 
nent à  l'effence  même  de  ces  fortes  d'aSes,  &  les 
autres  ,  quoiqu'acceffoires  ,  n'en  influent  par  moins 
fur  leur  validité. 

Voici  en  quoi  confiftent  les  premières  : 
Pour  qu'un  Procès  -  verbal  foit  valable  ,  il  faut 
d'abord  qu'il  foit  drefle  fur  papier  marqué  du 
timbre  de  la  généralité  de  laquelle  dépend  le  chef- 
lieu  de  la  direifîion  d'où  relèvenrles  commis  infîru- 
raentaires. 

Cette  formalité  èft  prefcnte  par  arrêt  &  lettres- 
f>atsntes  des  i  5  &  26  mars  1720  ,  regiftrés  à  la 
cour  des  aides  de  Rouen  le  17  juin  fuivant ,  &  par 
un  autre  arrêt  &  lettres-patentes  d^s  2}  &.  30  juin 


PROCÈS  VERBAL. 

de  la  même  année  ,  regiflrés  à  la  cour  des  aides 
de  Paris  le  premier  août. 

11  faut  ei.fuire  qu'il  y  foit  fait  mention,  1'.  de 
l'année,  du  jour  bc  du  mois,  &  fj  c'eft  avant  ou 
après  midi  que  les  commis  in{lrumentent. 

Les  dates  doivent  être  en  toutes  lettres  ,&  non 
en  chiffres. 

Il  n'eft  pas  nécefiaire  de  fpécifier  l'heure  ;  c'eft 
ce  qui  a  été  jugé  par  arrêt  de  la  cour  des  aides  de 
Paris  du  6  feptembre  1718. 

2".  Du  nom  du  fermier  à  la  requête  duquel  il 
eft  rendu  ,  &  du  lieu  où  il  fait  éle61ion  de  do- 
micile. 

A  l'égard  de  fon  domicile  de  fait  ,  il  n'eft  pas 
d'une  obligation  abfolue  d'en  faire  menrion  :  la 
cour  des  aides  de  Pans  l'a  ainfi  jugé  par  arrêts  des 
26  août  &7  feptembre  1740  ,  13  juin, 6  feptembre 
1741  ,  17  mars  &  9  avril  1756. 

La  déclaration  du  27  mars  1708  ,  a  également 
difpenfé  les  commis  de  nommer  les  cautions  du 
fermier. 

3*.  Du  nom  &  de  la  demeure  du  dircflcur  à 
la  pourfuite  &  diligence  duquel  les  commis  ver- 

4'.  ues  noms,  furnoms ,  qualités  &  fonctions 
des  commis ,  de  leur  réfidence  aéiuelle  ,  s'ils  en 
ont  une,  ou  ,  s'ils  n'en  ont  pas  de  certaine  ,  du  bu- 
reau principal  de  la  diredion  dans  l'étendue  de 
laquelle  ils  inftrumentent. 

5".  De  la  juridiflion  où  les  commis  ont  été  reçus 
Si  ont  prêté  ferment. 

Il  eft  à  obferver  à  cet  égard  ,  que  lorfque  les 
commis  ont  une  fois  prêté  ferment,  foit  dans  une 
cour  iupérieure  ,  foit  dans  une  jur!di<flion  fubal- 
tcrnejqui  connon  des  droits  au  roi ,  ils  ne  fonr  plus 
obligés  de  fe  faire  recevoir  ni  de  prêter  un  nou- 
veau ferment  dans  les  autres  juriaifhons  fous  le 
re/Tort  defquelles  ils  exercent. 

L'ordonnance  de  1680  ne  dif[>«nfoit  d'un  nou- 
veau ferment  que  les  commis  qui  avoient  été  reçus 
à  la  cour  des  aides  ,  &  elle  les  affujettlffoit  à  faire 
enregiftrer  à  l'éledlion  de  leur  domicile  le  ferment 
qu'ils  avoient  prêté  en  cette  cour  :  mais  étant  fu- 
jets  à  de  fréquens  changemcns ,  l'obfervation  de 
cette  formalité  devenoit  aufli  embaraifante  que 
difpendieufe  ;  ils  en  ont  en  conféquence  été  dif- 
penfés  par  des  arrêts  du  confeil  &  lettres-patentes 
des  26  octobre  &  ç  décembre  1719  ,  regiftrés  à 
la  cour  des  aides  de  Paris  le  14  diiiig^me  mois  de 
décembre.  Aux  termes  de  ces  régletî^is,  les  com- 
mis ,  ceux  mêmes  qui  ont  été  reçus  dans  une  juri- 
diflion  fubalterne  ,  foHt  feulement  tenus  de  faire 
menrion  de  cette  juridiftion  dans  leurs  Procès-ver- 
baux, pour  y  avoir  recours  en  cas  de  befoin. 

6°.  Les  commis  doivent  enfuite  fpéciHer  ,  autant 
qu'ils  le  peuvent,  les  noms  ,  furnoms  ,  qualités  & 
demeures  de  ceux  contre  qui  ils  procèdent;  ex- 
pofer  le  genre  de  fraude,  la  manière  dont  elle  a 
été  découverte  ,  les  circonflances  qui  l'ont  accom- 
pagnée ,  Ô£  les  preuves  qui  la  conftatçnt ,  tirées  , 

foit 


! 


PRÔCÈS-VERBAL. 

foît  de  ces  circonftances  mêmes  ,  foit  des  réponfes  j 
6c  aveux  des  parties. 

7".  S'il  s'agit  des  boifTons  vendues  ou  trouvées 
en  fraude  des  droits,  les  commis  doivent  en  fair/C 
la  déguftation  ,  en  établir  la  couleur  ,  la  qualité  & 
la  quantité  ;  il  faut ,  après  cela,  qu'ils  contre-inar- 
quent  les  tonneaux  avec  la  rouanne,  &  qu'ils  hf- 
fent  mention  de  cette  contre-marque.  S'il  eft  quef- 
tion  d'autres  marchandifes ,  ils  font  également 
obliges  d'en  conftater  la  nature ,  la  qualité  Se  la 
quantité. 

8\  Lorfque  la  fraude  eu  préfentée  dans  tout 
fon  jour  ,  les  commis  doivent  déclarer  ,  par  leur 
Procès-verbal ,  la  faific  des  objets  dont  ils  ont  fait 
la  defcriptîon  ,  &  les  faifir  efle61ivement  ,  en  fe 
fervant  de  ces  termes  ,  comme  de  fan  nous  les  avons 
/aijis. 

q°.  Quand  la  faifie  eu.  faite  dans  une  maifon  ,  & 
que  la  partie  faifie  e(l  préfente  ;  fi  elle  n'eft  pas 
lolvable ,  il  faut  la  fommer  de  donner  bonne  & 
fuffifante  caution;  &  fur  fon  refus, lui  déclarer  que 
les  marchandifes  faifies  feront  tranfportées  &  dé- 
pofées  au  bureau  :  dans  le  cas  contraire  ,  c'efl  à- 
dire  ,  fi  elle  eft  en  état  de  répondre  des  objets  faifis  , 
il  convient  de  les  lui  laiffer  à  fa  charge  &  garde  , 
aux  peines  de  droit  ,  après  toutefois  en  avoir  fait 
l'évaluation  de  gré  à  gré. 

Quand  ,  au  contraire  ,  les  chofes  font  faifies  à  la 
campagne,  on  peut  ne  faire  qu'une  defcription  en 
gros ,  fauf  lorfqu'elles  ont  été  conduites  au  plus 
prochain  bureau,  à  en  faire  une  defcription  plus 
détaillée.  Voyez  au  furplus  ce  que  prcfcrit  à  cet 
égard  le  titre  1 1  de  l'ordonnance  des  fermes  du 
mois  de  février  1687. 

10".  Après  la  faifie,  les  commis  doivent  procé- 
der à  la  rédaélion  de  leur  Procès-verbal  dans  le  lieu 
même  du  délit ,  &.  en  préfence  de  la  partie  faille 
(s'ils  n'en  font  empêchés  par  rébellion  ou  quel 
que  caufe  légitime,  à  mains  que  ce  ne  foit  dans 
le  refTort  de  la  cour  des  aides  de  Rouen  ,  par  la 
raifon  dont  on  a  rendu  compte  plus  haut  )  ,  lui  en 
faire  lecture  ,  la  fommer  de  figner  ,  tant  ce  Procès- 
verbal  aue  fes  dites,  réponfcs  ,  déclarations  ,  re- 
connoinances  ,  charges  8c  garde  ;  faire  une  men- 
tion exaâs  de  toutes  ces  circonftances,  ainfi  que 
de  fes  acceptations  ou  refus  de  ligner;  enfin,  figner 
ce  Procès- verbal  &  lui  en  remettre  une  copie, 
linon  lui  déclarer  que  cette  copie  lui  ^era  apportée 
dans  le  délai  prefcrit  par  les  r^glemens  ;  ce  qui, 
dans  l'un  &  l'autre  cas  ,  doit  être  fpscifié  dans 
l'afle. 

Lorfque  la  partie  faifie  s'oppofe  à  ce  que  le 
Procès  -  verbal  foit  rédigé  dans  fa  maifon  ,  foit  en 
maltraitant  les  commis,  foit  de  quelqu'autre  ma- 
nière ,  ils  doivent  lui  déclarer  Procès-verbal  ,  tant 
de  fa  fraude  que  de  fes  rébellion  ,  injures,  mena- 
ces ,  voies  de  fait ,  fuivant  les  circonfiances  ;  qu  il, 
vont  fe  retirer,  foit  au  bureau  ,  s'il  y  en  a  wn  fur 
le  lieu  ,  foit  dans  telle  maifon  qu  ils  indiqueront; 
&  là  ,  fommer  de  les  y  fuivre  pour  allifter  à  la  ré- 
Tome  XUr, 


PROCÈS-VERBAL.  705 

dation  de  leur  Procès- verbal ,  en  entendre  ieâure , 
le  ijgner  ,  Se  en  recevoir  copie. 

Si  la  partie  faifie  fe  rend  à  cette  fommation  ,  ils 
rédigeront  leur  Procès-verbal ,  dans  lequel  ils  fe- 
ront mention  de  fa  comparution.  Dans  le  cas  con- 
traire, ils  établiront  (on  refus  ,  Ci  qu'ils  ont  verba- 
lifé  en  fon  abfence. 

L'ordonnance  de  1680  (titre  ç  ,  des  exercices 
des  commis  ,  article  7  )  veut  que  le<  Procès-verùjux 
concernant  les  fraudes  &  autres  incidens  furvenus  dans 
le  cours  de/dits  exercices ,  [oient  (Ignés  de  deux  corn' 
mis.  Ainfi  un  Procès  verbal  rendu  par  un  feul  com- 
mis, feroit  radicalement  nul  ,  &.  ne  donneroic  au- 
cune aiilion  au  fermier. 

Un  commis  cependant  ,  qui ,  fe  doutant  de  quel- 
que fraude  ,  n'auroit  pas  à  fa  proximité  un  de  fes 
confrères  avec  lequel  il  lui  fût  pofiible  de  la  conf- 
tater,  pourroit  fe  faire  aflâft^r  d'un  huiirier  ou  autre 
officier  ayant  fermenta  juflice,  &  conjointement 
avec  lui  ,  en  rédiger  Procès-verbal,  en  faifant,  par 
l'huifTier  ou  autre  officier,  mention  de  fa  réfidence 
aduelle,  de  fes  fonélions  ordinaires  ,  &  de  la  juri- 
diélion  à  laquelle  il  auroit  prêté  ferment ,  pour  y 
avoir  recours  ,  le  cas  échéant.  C'eft  ce  qui  a  «té  or- 
donné par  les  arrêts  du  confeil  Si  lettres-patentes 
des  a6  o61obre  6i  5  décembre  1719,  ci  -  defliis 
cités. 

Après  avoir  ainfi  tracé  la  marche  que  les  commis 
des  fermes  doivent  tenir  pour  opérer  d'une  ma- 
nière régulière  &(.  conforme  au  vœu  des  réglemens , 
il  refte  à  rendre  compte  des  formalités  qu'ils  doi- 
vent obferver  après  la  clôture  de  leurs  Procès-ver- 
baux ;  formalités  qui  ne  font  pas  moins  de  rigueur 
que  les  premières  ,  &  dont  l'omiffion  opéreroit 
également  la  nullité  de  leurs  adles. 

Lorfqu'ils  n'ont  pas  laifTé  à  la  partie  faifie  copie 
du  procès  verbal ,  au  moment  même  de  fa  rédac- 
tion ,  ils  font  obligés  de  la  lui  délivrer  le  même 
jour.  Telles  font  les  difpofitions  de  l'ordonnance 
de  1680. 

Cette  énoncîation,  dans  le  même  jour,  ayant 
donné  lieu  à  plufieurs  difficultés  ,  elles  ont  été  le- 
vées par  la  déclaration  de  1717,  qui  a  ordonné 
que  la  copie  des  Procès-verbaux ,  faits  avant  midi , 
fcroit  délivrée  le  même  jour  ;  d<.  qu'elle  le  feroit  le 
lendemain  dans  la  matinée  jufqu'à  midi ,  à  l'égard 
de  ceux  qui  auroient  été  faits  après  midi  :  Si  c'eft 
pour  mettre  à  portée  de  reconnoître  fi  la  règle 
prefcrite  à  cet  égard  a  été  fuivie,  que  les  commis 
font  tenus  de  faire  mention  dans  leurs  Procès-ver- 
baux ,  s'ils  font  dreffés  avant  ou  après  midi. 

La  délivrance  de  la  copie  du  Procès-verbal ,  dans 
l'hypothèfe  qu'on  vient  de  pofer ,  doit  être  conf- 
tatée  par  un  acle  particulier,  figné  des  commis  & 
de  la  partie  faifie  ,  ou  elle  dûment  fommée  de  le 
faire  ;  fi  elle  refufe  ,  il  eft  nécefiaire  d'en  faire  men- 
tion ;  Si  en  cas  d'empêchement  de  fa  part  à  la  ré- 
daélion  de  cet  aéle  ,  ou  de  rébellion  ,  les  commis 
doivent  f'uivre  ce  qui  a  été  obfervé  relativement 
aux  Procès-verbaux, 

V  V  V  V 


7o<î  PROCÈS-VERBAL. 

J]  y  a  cepûdilant  des  circonftances  où  les  commis 
ne  font  pas  tenus  de  délivrer  copie  de  leurs  Procès- 
verbaux  ;  par  exemple  ,  lorfqu'on  leur  a  tait  rébel- 
lion, &  que  les  injures  &  voies  de  faits  font  a(Tez 
graves  pour  mériter  d'être  pourfuivies  à  l'extraor- 
uinaire  ;  dans  ce  cas  ,  la  déclaration  du  premier 
fcptembre  1750  les  difpenfe  de  remplir  cette  for- 
malité. 

L'ordonnance  de  1680,  la  déclaration  du  30 
jnnvier  1717  ,  celle  du  4  oflobre  1725  ,  veulent 
tii'.e  les  Procès-verbaux  foient  affirmés  en  matière 
criminelle  comme  en  matière  civile. 

Cette  affirmation  doit  fe  faire  dans  la  quinzaine  , 
au  plus  tard,  à  l'égard  des  éledions  compoféesde 
cent  paroilTes  & 'au-delfus  ;  8c  dans  la  huitaine 
pour  les  autres  èleiSions.  (Ordonnance  de  1680, 
lure   5  des  exercices  des  commis  ,  article  7  ). 

Il  n'en  eft  pas  de  même  en  matière  des  trai- 
tes :  l'ordonnance  de  1687,  titre  11  ,  article  8, 
veut  que  les  Procès-verbaux  foient  affirmés  dans 
le  jour. 

Aux  termes  de  ces  deux  ordonnances  ,  l'affirma- 
tion doit  être  faite  pardevant  un  juge  des  droits  du 
roi.  Mais  la  déclaration  du  30  janvier  1717,  article 
3  ,  permet  de  la  faire  devant  les  juges  des  lieux  ,  ou 
autres  plus  prochains  juges  ,  fait  royaux  ou  feigriew 
Tiaux  ,  fans  néanmoins  aucune  attribution  de  juridic- 
tion ,  qui  demeurera  confervée  aux  juges  auxquels  elle 
appartient. 

Il  faut  néceffiiirement  que  l'officier  qui  reçoit 
cette  affirmation  ,  ait  réellement  caraftère  de  juge 
dans  une  juridiftion  royale  ou  feigneuriale  ,  encore 
ne  peut-il  la  recevoir  que  dans  l'étendue  de  fa  juri- 
didion  ;  raifon  pour  laquelle  le  lieu  oii  il  la  reçoit 
doit  être  énoncé  dans  l'a^e  qui  la  conftate. 

11  eft  encore  à  obferver,  qu'en  permetttant  les 
affirmations  pardevant  tous  juges  y\z  déclaration  de 
1717  n'autorife  pas  à  la  faire  devant  ceux  qui  les 
fuppléent  ,tels  que  les  procureurs  du  roi ,  les  pro- 
cureurs d'office  ,  les  avocats  ,  procureurs  ou  prati- 
ciens ,  qui,  dans  d'autres  occafions  ,  rempliffent 
les  fondions  de  juges. 

Les  fubdélégués  ne  peuvent  recevoir  que  les 
affirmations  des  Procès-verbaux  ,  qui  font  dans  le 
cas  d'être  fuivis  devant  MM.  les  iiitendans ,  à  moins 
toutefois  qu'ils  ne  réuniffisnt  à  la  qualité  de  fubdé- 
légué  ,  celle  de  juge  d'une  juridiflion  ,  auquel  cas, 
il  doit  en  être  fait  mention  dans  l'aâe. 

Il    n'eft   pas   néceflaire  qu'une  affirmation   foit 
écrite  de  la  main  même  du  juge  ;  il  eft  même  afTez 
d'ufage  que  les  commis  en  dreffent  Wike.  tout  prêt, 
afin  que  l'officier  qui  la  reçoit  n'ait  plus  qu'à  figner. 
Plufieurs  juridif^ions  de  la  province  de  Normandie 
avoient  annuité  des  Procès-verbaux  ,  fur  le  fonde- 
ment que  )'a(Î΀  d'affirmation  étoit  écrit  de  la  main 
des  commis;  mais  les  lettres- patentes  du  24  fé- 
vrier 1733  ,  ont  ordonné  que  les  affirmations  fe- 
roient  valables,  de  quelque  main  qu'ellefuffisnt 
écrites. 
11  n'cft  pas  befoin  de  fignifier  ces  affirmations  ; 


PROCÈS-VERBAL. 

I  c'eft  ce  qui  a  été  ordonné  par  pn  v.ïti  de  b  eôUf 
des  aides  du  3  juin  1 68 1 . 

Par  arrêt  du  confeil  du  aioflobre  1718  ,  &  let- 
tres-patentes expédiés  fur  icelui ,  il  eft  ordonne 
que  les  Procès-verbaux  faits  par  les  commis  du  fermier, 
en  préfcnce  &  affjïés  d'un  officier  de  l'éleâion ,  ou 
autre  juge  à  qui  il  appartient  de  les  faire  ,  feront  va- 
lables ,fans  qu'il  foit  befoin  que  lefdits  Froccs-verbaux 
foient  enfuite  affirmés  par  les  commis. 

Il  eft  bon  d'obferver  à  cet  égard  ,  que  fi  le  juge 
qui  auroit  affifté  les  commis  ne  fignoit  pas  leur 
Procès-verbal  ,  ils  ne  pourroient  (e  difpenfer  de 
l'affirmer  ;  l'sffiriTiation  ne  peut  être  fuppléée  que 
par  l'atteftation  du  juge  ,  portant  que  les  faits  fe 
font  paftes  en  fa  préfence  ,  &  font  conformes  à  la 
vérité. 

Si  un  Procès-verbal  étoit  rendu  par  trois  commis 
ou  par  un  plus  grand  nombre ,  il  ne  feroit  pas  d'une 
néceffité  abfolue  qu'il  fût  affirmé  par  tous  ;  pourvu 
qu'il  le  foit  par  deux ,  il  eft  valable.  (  Ordonnance 
de  1680  ,  &c  arrêt  du  confeil  du  6  janvier  1722  ). 

Diffèrens  ré?,lemens  avoient  ordonné  que  les 
commis  feroient  tenus  de  remettre,  dans  l'inftant 
de  l'affirmation,  un  double  figné  d'eux,  de  leurs 
Procès-verbaux ,  au  greffe  de  l'élcftion  ,  mais  cette 
formalité  ,  fur-tout  depuis  la  déclaration  de  1717  , 
n'eft  plus  d'étroite  obligation  de  la  part  des  com- 
mis ;  6i  le  défaut  de  s'y  conformer  n'emporte  pas 
la  nullité  des  Procès-verbaux.  On  peut  voir  à  cet 
égard  les  arrêts  de  la  cour  des  aides  de  Paris  ,  des 
10  &  3  I  janvier  1721,  i8  juin  1740  ,  9  août  1741, 
10  janvier ,  6  &   13  mars  1742,  &  22  avril  1749. 

Lorfque  les  commis  ont  affirmé  leurs  Procès- 
verbaux  ,  les  contrevenans  doivent  être  affignés 
dans  les  délais  prefcrits  par  l'ordonnance  de  1680 
(  article  7  du  titre  5  des  exercices  des  commis)  , 
c'eft-s-dire  ,  dans  la  huitaine  ,  du  jour  de  l'affirma 
tion.  Quand  ,  par  exemple,  le  Procès  verbal  a  été 
affirmé  le  premier  du  mois ,  l'affignation  doit  être 
donnée  le  8  ;  &  le  22  ,  fi  l'affirmation  eft  du  15 

L'ordonnance  de  Rouen  diffère  de  celle  de  Pa- 
ris ,  en  ce  qu'elle  porte  ,  pour  les  affignations ,  le 
même  délai  que  pour  les  affirmations,  c'eft-à-dire, 
de  huitaine  ou  quinzaine,  fuivant  la  conftftance  des 
éleélions. 

Les  délais  pour  comparoître  fur  cette  affignation  , 
font  à  trois  jours  pour  les  domiciliés  dans  le  lieu 
où  le  fiège  eft  établi  ;  à  huit  jours  pour  ceux  qui 
demeurent  dans  le  reffort  ;  &  pour  ceux  dont  le 
domicile  eft  hors  du  relfort ,  également  à  huit 
jours ,  outre  un  jour  pour  dix  lieues  de  diftance. 

Cette  règle  ne  s'applique  point  à  la  partie  des 
traites.  L'ordonnance  de  1687,  ci  -  deffus  citée  , 
porte  ,  article  7  ,  du  titre  1 1  ,  quil  fera  donné  affi- 
gnations aux  marchands  ou  vvituriers  ,  par  le  Procès- 
ve'bal  de  faifti  à  comparoir  dans  le  jour  ^  fi  la  f'^^fi^ 
efl  faite  au  lieu  où  il  y  ait  un  juge  des  droits  du  roi  ; 
&  que  fi  la  fiifie  ejî  faite  à  la  campagne  ,  f  affignation 
fera  donnée  au   jour  fuivant;  enfin  ^  quen  cas  que  U 


PRO  CUPIENTE  PROFIT  ERI. 

juge  foit  éloigné  de  plus  de  dix  lieues  ,  le  délai  fera. 
augmenté  d'un  jour  pour  dix  lieues. 

Les  aflîgnations  doivent  être,  comme  les  Procès- 
verbaux  ,  (ur  papier  du  timbre  delà  généralité, 
dans  le  reffort  de  laquelle  eft  le  chef-lieu  de  la  di- 
reétion  d'où  dépendent  les  commis. 

Il  faut  auffi  qu'elles  foient  contrôlées  dans  les 
3  jours  de  la  date  ,  quand  les  Procès-verbaux  font 
faits  dans  une  ville  ou  autre  lieu  où  il  y  a  bureau 
de  contrôle  ;  &  dans  la  huitaine,  lorfqu'ils  font 
faits  â  la  campagne  ,  ou  dans  les  lieux  éloignés  des 
bureaux. 

La  déclaration  du  roi  du  29  mai  1685  ,  &  un 
arrêt  du  confeil  du  a6  mars  1720  ,  ont  autoriié  les 
commis  à  donner  afTignation  fans  (c  fervir  du  mi- 
niftére  des  huilîiers  ,  pourvu  que  ce  fût  à  la  fuite  & 
par  le  même  contexte  de  leurs  Procès-verbaux  ; 
mais  alors  ces  Procès-verbaux  doivent  être  con- 
trôlés ;  ce  cas  excepté  ,  ils  n'y  font  pas  fujets.  On 
a  jugé  que  l'afle  d'affirmation  ayant  le  même  ef- 
fet que  le  contrôle  ,  devoit  y  fuppléer.  (  Arrêt  du 
confeil  du  30  o61obre  1708  ,&  arrêt  de  la  cour  des 
aides  de  Rouen  du  17  novembre  1709  ). 

Telles  font  les  formalités  que  les  commis  des 
fermes  doivent  obferver  pour  la  rédaiSiion  &  la 
fuite  de  leurs  Procès-verbaux. 

Il  y  en  a  encore  d'autres  ,  dans  le  détail  dsf- 
quelles  il  eft  inutile  d'entrer  ,  parce  qu'elles  ne  font 
que  d'ordre  &  de  ftyle,  &  qu'elles  n'influent  pas 
aufll  eflemiellement  fur  la  validité  des  Procès- ver- 
baux. On  s'eft  propofé  de  ne  rapporter  ici  que 
celles  qui  ,  comme  on  l'a  déjà  du  ,  font  de  ri- 
gueur ,  &  dont  l'omifllon  peut  opérer  une  nullité. 

Voyez  l'article  Commis.  (  Article  de  M,  Bu- 
CNIAT RE  ,  avocat  (y  diredeur  des  aides  ). 

PROCLAMATION.  Voyez  Publication. 

PROCONSUL.  On  a  ainfi  appelé  celui  qui  , 
chez  les  Romains  ,  gouvernoit  une  province  avec 
l'autorité  de  conful. 

Les  Proconfuls  ,  les  préteurs  &  les  propréteurs 
avoient  des  lieutenans  fous  eux  dans  leurs  gouver- 
nemens  ,  quelquefois  jufqu'à  trois ,  félon  l'éten- 
due de  chaque  gouvernement  ;  car ,  en  décernant 
les  provinces  ,  le  fénat  marquoit  l'étendue  de  cha- 
cune, régloit  le  nombre  des  troupes  ,  affignoit  des 
fonds  pour  leur  paye  &  leur  fubfiftance  ,  nommoit 
les  lieutenans  que  le  gouverneur  devoit  avoir  ,  & 
pourvoyoit  à  la  dépenfe  fur  la  route  ,  ainfi  qu'à 
leur  équipage,  qui  confiftoit  en  un  certain  nombre 
d'habits  ,  de  meubles  ,  de  chevaux  ,  mulets  &  ten- 
tes qu'on  leur  faifoit  délivrer  lorfqu'ils  partoient 
pour  leur  gouvernement ,  Se  qu'on  appcloit  viati- 
cum  ,  afin  qu'ils  ne  fuffent  point  à  charge  aux  pro- 
vinces. 

PRO  CUPIENTE  PROFITERI.  C'cft  une  claufe 
en  vertu  de  laquelle  un  cccléfiaftique  féculier  peut 
être  nommé  à  un  bénéfice  régulier  ,  fous  U  condi- 
tion exprefle  de  faire  profcflion  dans  l'ordre  ou  la 
maifon  dont  dépend  le  bénéfice. 

tes  abbayes  ctoient  anciennement  les  feuls  bé- 


PRO  CUPIENTE  PROFITERI.      707 

néfices  réguliers  ;  l'ordre  demandoit  qu'on  ne  les 
confiât  qu  a  des  moines  exercés  dans  la  vie  reli- 
gieufe  ,  6c  capables  ,  par  leur  âge  &  par  leur  expé- 
rience ,  d'être  les  pères  des  autres.  Tous  les  canons 
qui  concernoient  le  choix  des  abbés  ,  contenoient 
à  cet  égard  des  difpofitions  exprefTes.  Il  devoit 
donc  être  interdit  par  toutes  les  règles  eccléfiafti- 
ques  de  donner  des  bénéfices  réguliers  à  des  clercs 
féculiers  ,  fous  la  condition  de  faire  profeffion. 
Auffi  le  concile  de  Rome,  tenu  fous  Nicolas  II  en 
1059  ,  veut  que  perfonne  ne  prenne  l'habit  reli- 
gieux, ayant  l'efpérance  ou  la  promefle  d'être  élu 
abbé.  Prohibemus  ne  ullus  habitum  monachi  fuf.ipiat  ^ 
fpem  aut  promijfioncm  habens  ut  albas  fiât.  Boniface 
VIII ,  chapitres  cùrn  ad  nojlram  ,  &  vfficii  de  ehfcione  , 
défend  expreflement  d'élever  aucun  religieux  à  une 
prélature  régulière  ,  qu'il  ne  foit  profés  dans  un  or- 
dre réguliçr.  Xullus  religio/us  ad pralaturam  fucc  vel 
altenus  rtngionis  de  ccctero  eligatur,  mfi  antcâ  fuirit 
ordiriem  regularern  expreff^è  profejjiis.  Et  Clément  V, 
dans  le  concile  de  Vienne  ,  chap.  ne  in  agro ,  §./j/!- 
cimus  ,  comprend  dans  cette  défenfe  les  prieurés 
conventuels  &  les  offices  clauflraux. 

L'ufage  étoit  déjà  changé  à  cet  égard  dans  le 
temps  du  concile  de  Trente ,  puifque  ce  concile 
ordonne  que  les  bénéfices  réguliers  ne  foient  don- 
nés qu'à  des  réguliers  ,  ou  qu'à  des  clercs  qui 
foient  tenus  de  faire  profeffion  dans  l'ordre  dont 
dépendent  les  bénéfices. /^fi:;ù/jri<z  bénéficia  in  tiiu- 
lum  regularibus  profcjjls  providei  confueta  religiofis 
tantiim  illius  ordinis  ,  vel  Us  qui  habitum  omnino  juf~ 
cipere  &  profejfiûnem  cmittere  teneantur  ,  6'  non  aliis 
conj'erantur.  Scff.  I4,cap.  lo.  Suivant  la  difcipline 
moderne  de  l'églife  de  France  ,  le  pape  peut  con- 
férer non  feulement  les  cures  régulières  ,  les  pla- 
ces monacales  ,  les  offices  claufiraux  ,  mais  les  ab- 
bayes mêmes ,  à  des  ecclêfiaftiques  féculiers  oui 
ont  deflein  de  faire  profeffion. 

Il  paroitroit  que  les  ordinaires  devroient  avoir  , 
comme  le  pape  ,  le  droit  de  conférer  les  bénéfices 
réguliers  aux  ecclêfiaftiques  féculiers  qui  veulent 
fe  faire  religieux  ;  il  n'y  a  aucune  loi  qui  le  leur 
interdife.  Fagnan  rapporte  une  déclaration  de  li 
congrégation  des  cardinaux  ,  qui  les  y  autorifç 
expreffément,  en  exceptant  néanmoins  les  bénéfi- 
ces réguliers  auxquels  font  annexés  quelque  di- 
gnité ou  quelque  adminiflration.  Ce  célèbre  cano- 
uifte  affiire  de  plus  ,  qu'ils  font  en  poflefilon  de 
conférer  ainfi  les  bénéfices  réguliers  en  Italie  ,  en 
Efpagne  ,  dans  les  états  du  duc  de  Savoie  ;  cepen- 
dant on  n'admet  en  France  les  provifions  des  béné- 
fices réguliers  avec  la  claufe  Pro  cupiente  profiteri  , 
que  lorsqu'elles  font  émanées  du  pape. 

La  jurifprudence  du  parlement  de  Paris  fur  ce 
point  ,  eft  conftatée  par  fon  arrêt  du  7  février 
1634.  Celle  du  grand  confeil  n'eft  pas  moins  conf- 
tante  à  cet  égard.  Antoine  Pujol  eft  admis  au  no-  . 
viciât  le  13  janvier  1682  dans  l'ordre  de  Cluni  ;  il 
obtient  le  lendemain,  du  prieur,  des  provifions 
pour  l'office  clauftral  de  camérier  du   prieuré  d« 

V  v  vv  jj 


7o8       PRO  CUPIENTE  PROFITER!. 

Tours.  Louis  Saiilier  fe  fait  pourvoir  en  cour  de 
Rome  le  19  février  fuivant ,  avec  la  claufe  Pro  cu- 
piente  profiteri.  L'affaire  s'étant  engagée  au  grand 
ccnfeil  entre  les  deux  pourvus  du  bénéfice  ,  il 
intervint  arrêt,  le  7  août  1683  ,  qui  maintint  le 
pourvu  par  le  pape. 

La  même  chofe  fut  encore  jugée  au  grand  con- 
feil  par  arrêt  du  14  mars  1722.  Par  cet  arrêt,  un 
prêtre  fécuHer  pourvu  en  cour  de  Rome  du 
prieuré-cure  de  Courbcrie  ,  ordre  de  faint  Au- 
guflin  ,  diocèfe  du  M.ms ,  fut  maintenu  préfèra- 
biemcnt  à  un  autre  féculier  que  l'abbé  y  avoit 
nommé  antérieurement  avec  la  même  claufe,  & 
qui  non-feulement  avoit  deiTein  de  fe  faire  reli- 
gieux, mais  même  avoit  commencé  fon  noviciat 
dans  la  cure  où  on  l'avoit  envoyé,  après  lui  avoir 
donné  Ibabit  de  l'ordre. 

De  tous  les  collateurs  du  royaume;^  il  n'y  a 
que  les  commandeurs  de  Tordre  de  Malte  qui  pv.]''- 
fent  donner  des  bénéfices  de  leur  ordre  a  des  fé- 
culiers  ,  à  la  charge  d'y  faire  profelTion  dans  Tan  ; 
mais  ils  ont  obtenu  fur  ce  fujet  des  bulles  des  pa- 
pes,  &  ils  jouirent  de  privilèges  extraordinaires  , 
qui  ne  leur  font  point  communs  avec  les  autres  re- 
ligieux. 

Le  pape  ne  peut  être  obligé  à  donner  des  pro- 
vifions  avec  la  claufe  Pro  cupiente  profiteri.  Ce  font 
des  a61es,  non  dejuflice  ,  mais  de  pure  grâce  de 
fa  part. 

C'eft  une  queHion  de  favoir  de  quel  temps  il 
faut  dater  l'année  ou  les  fix  mois  accordés  par  le 
pape ,  à  ceux  qui  font  pourvus  de  cette  manière 
pour  faire  profeflîon.  Les  auteurs  ont  été  partagés 
fur  ce  fujet  ;  les  uns  ont  prétendu  qu'ils  dévoient 
fe  compter  du  jour  de  la  provifion  ,  &  les  autres 
feulement  du  jour  de  la  paifible  poiTeflîon.  Gil- 
bert ne  décide  rien  fur  ce  fujet.  11  y  a  ,  dit-il ,  tome 
i  de  fes  inflitutiOns  ,  titre  234,  «  fur  cette  matière, 
>j  des  raifons  pour  &  contre  ,  qui  forment  une 
j>  diverfué,  non-feulement  de  fentimens  ,  mais 
3>  encore  de  jurifprudence  ,  &  qui  obligent  ceux 
3>  qui  fe  trouvent  dans  le  cas  ,  à  fe  conformer  aux 
»>  ufages  reçus  dans  les  provinces  ». 

D'Héricourt ,  dans  fes  lois  eccléfiaftiques  ,  cha- 
pitre de  l'âge  &  des  qualités  requifes  pour  pofféder 
les  bénéfices  ,  n".  25  ,  fetnble  décider  que  l'année 
doit  fe  compter  du  jour  des  provifi  >ns.  «  Quand 
■)■»  on  donne  des  provifions  d'un  bénéfice  régulier 
5>  à  un  clerc  féculier ,  à  condition  de  fe  faire  reli- 
»)  gieux  dans  les  fix  mois;  s'il  manque  à  exécuter 
j>  la  condition  ,  le  bénéfice  devient  vacant  &  im- 
u  pétrable  dés  que  les  fix  mois  ,  à  compter  du 
j>  jour  de  la  provifion  ,  font  expirés.  Il  y  en  a 
3)  un  arrêt  du  11  mars  1647,  rapporté  dans  la 
n  deuxième  centurie  de  Soëfve  »». 

Lacombe  ,  au  contraire  ,  décide  dans  fon  re- 
cueil de  jurifprudence  v^rbo  ,  Pro  cupiente  prefi- 
xtrt,  que  l'année  ne  doit  fe  compter  que  du  jour 
de  la  paifible  po^Teffion.  C'eft  ainfi  qu'il  s'exprime 
fur  c«  (v.jeî  :  u  Un  féculier  pourvw  en  cour  de 


PRO  CUPIENTE  PROFITERT. 

»  Rome  d'un  bénéfice  régulier  ,  Pro  cupiente  profit 
"  leri ,  doit  faire  profeificn  dans  l'an  de  Ja  paifible 
')  pofleffion  ,  à  peine  de  nullité  des  provifions  , 
»  fuivant  la  fignature,  qui  porte:  Sec/is  prcejens 
»  grjtia/îi  ipfo  jure  nuUû.  Ainfi  jugé  par  arrêt  du 
3>  grand  confeil  au  7  août  1741  ». 

Ce  dernier  icntiment  e't  celui  que  nous  fuivons 
de  préférence;  il  n'eft  pas  moins  autorifé  parles 
srréts  que  le  premier.  Les  bénéfices  qui  exigent 
un  certain  ordre  dans  celui  qui  en  eft  pourvu  , 
peuvent  être  comparés  ,  par  rapport  à  la  quefiion 
dont  il  s'agit  ici,  aux  bénéfices  réguliers  qui  exi- 
gent la  profellion  religieufe.  Cependant  l'année 
accordée  à  un  titulaire  pour  fe  faire  promouvoir  à 
l'ordre  que  demande  fon  bénéfice  ,  ne  commence 
.1  courir  que  du  jour  de  fa  )  lifible  pcfTeffion  ;il  n'y 
a  point  là-defliis  de  dilîkulié.  Pourquoi  ne  pour- 
roit  on  pas  dire  de  même  que  l'aniiée  qui  efl  ac- 
cordée à  un  pourvu  avec  la  claufe  Pro  cupiente  pro- 
fiter! ,  ne  commence  à  courir  que  du  temps  de  fa 
paifible  poffeffion  ? 

Encore  faut-il  ,  pour  que  cette  année  doive  fe 
compter  du  moment  de  la  paifible  pofiiefiion  ,  qu'il 
n'ait  pas  été  empêché  d'exécuter  la  condition  tous 
laquelle  il  a-été  pourvu  du  bénéfice ,  ou  qu'il  n'ait 
point  obtenu  un  refcrit  de  prorogation  de  temps. 
Lacombe  ,  dans  l'endroit  déjà  cité,  enfeigne  que 
le  terme  fatal  ne  courroit  pas  contre  lui,  u  s'il  y 
»  avoit  quelque  empêchement  ou  refus  des  reli- 
»  gieux  du  monaftere ,  qui  fût  conftaté  «.  Duper- 
rai  ,  dans  une  note  qu'il  fait  fur  le  n°.  25  du 
chapitre  de  l'âge  &  des  qualités  requifes  pour  pof- 
féder  les  bénéfices  des  lois  eccléfiafiiques  ,  obferve 
"  qu'il  y  a  des  arrêts  qui  ont  jugé  ,  que  quand 
»  il  y  a  des  empéchemens  ,  le  décret,  quoiqu'irri- 
»>  tant,  n'a  point  lieu,  comme  fi  \q  cupi:ns  pra- 
»  fiieri  avoit  fait  des  fom mations  aux  religieux  cîu 
»  monaftere  d'où  dépend  le  bénéfice  ,  ou  s'il  avoit 
»  eu  un  refcrit  de  prorogation  de  temps  >'.  Et  la 
note  en  réponfe  à  l'obfervaiion  de  Duperrai,  con- 
vient de  la  vérité  de  ces  maximes.  «  On  n'eft 
»  point  refponfable,  y  eftil  dit ,  de  n'avoir  point 
»  exécuté  une  condition  ,  lorfqu'on  a  fait  tout  ce 
»  qu'on  a  pu  pour  l'exécuter ,  &  qu'on  en  a  été 
»  empêché  par  un  tiers  ;  on  quand  celui  qui  a 
»  mis  la  condition  &  qui  avoit  le  pouvoir  de  pro- 
»  roger  le  temps  pour  l'exécution  ,  a  lui-même  ac- 
»  cordé  un  nouveau  délai  ». 

Mais  il  ne  fuffit  pas  que  le  pourvu  avec  la  claufe 
Pro  cupiente  profiteri ,  ait  éprouvé  un  refus  quel- 
conque du  premier  ftipérieur  auquel  il  s'cft  pré- 
fenré  ,  il  famt  qu'il  ait  fait  toutes  les  diligences  con- 
vt-nables  pour  être  reçu  ,  qu'il  n'ait  jr^oini  tenu  a 
lui  qu'il  ne  l'ait  été  ,  Ci  qu'il  ait  foin  de  faire  conf- 
tater  le  refus  qu'on  lui  a  fait  de  l'admettre.  Quand 
le  refus  n'eft  point  motivé  eu  fondé  fur  de  juftes 
raifons ,  on  n'y  a  aucun  égard  ;  l'admiflion  a  la 
profeffion  religieufe  eft,  dans  ce  cas  ,  un  aéle  de 
juftice    dû  à  c«lui  qui  eft  pourvu   du  bénéfice  , 


PROCURATION. 

&  qui  ne  doit  pas  d  Jpendre  du  caprice  d'un  fupè- 


rieur. 


Quand  nous  difons  que  le  temps  accordé  par  le 
pape  pour  faire  profefiion  ,  ne  doit  Te  compter  que 
du  jour  de  la  po/TefTion  paifible  ,  cela  ne  doit  s'en- 
tendre que  du  cas  oh  le  pape  n'auroit  pas  inféré 
ceae  clauCe  exprcffe  ,  que  ce  temps  commencera 
à  courir  du  jour  des  provifions.  Si  des  provifions 
contenoient  une  pareille  claufe  ,1e  temps  accordé 
pour  faire  profelîion  commenceroit  à  courir  du  mo- 
ment oii  elles  ont  été  expidiées:  des  provifions  de 
cette  efpèce  font  une  pure  grâce  du  pape  ;  &  celui 
qui  accorde  une  grâce  y  met  les  conditions  qu'il 
juge  à  propos.  (  Article  de  M.  l'abbé  Laubry  ^ 
avocat  au  parlement  ). 

PROCURATION.  CeA  un  afle  par  lequel  une 
perfonne  donne  à  quelqu'un  le  pouvoir  d'agir  pour 
elle,  comme  elle  pourroii  faire  elle-même. 

On  appelle  mandataire  ou  procureur  confliiué  , 
celui  qui  eft  chargé  de  la  Procuration  d'une  per- 
fonne. 

L'engagement  du  mandataire  ou  procureiT  conf- 
titué  le  forme  par  l'acceptation  ou  par  l'exicution 
qu'il  fait  de  la  Procuration. 

Il  y  a  différentes  fortes  de  Procurations  ;  les 
unes  font  générales  ,  les  autres  fpéciales  :  les  pre- 
mières s'appliquent  à  toutes  les  affaires  du  confli- 
tuant ,  &  cependant  elles  ne  comprennent  ordi- 
nairement que  les  afles  d'adminiflration  :  les  au- 
tres n'ont  d'effet  que  pou-r  l'affaire  qui  y  eft  expri- 
mée (i). 

(i)  Fermuli  d'une  Procuration  générale  &  fpiyulc. 

Pardivant  les  notaires  ,  &;c.  fut  préfent  Louis,  &:c  le^juel 
a  fait  &:  (.onflituc  fon  procjreur  gênerai  &  fpccial...  auquel  il 
donne  pou k-oii  Je  pour  lui  &:  en  (on  nom  rtgir  &:  adir.inif- 
trer  tous  :cs  biens  &:  ait  lires  ,  préfens  &  à  venir  ,  &:  en  tece- 
voir  les  t»;venu$  ,  foit  loyers  ,  fermages  ,  arrérages  de  rentes 
ou  autrement  ,  recevoir  toutes  les  fommcs  niobilicics  c[ui 
lui  font  Â:  pourront  ctre  dues ,  de  quelt]ue  nature  cjue  ce 
foit  &  puiffe  être  ,  même  recevoir  les  l'ouïmes  qui  feront 
ordonna  ètrepayé'^s  par  fa  majeilé  ,  foit  pour  penfions  ,  gra- 
tilications  ,  appoiiUcinens  ou  autrement  ;  comme  auiîi  rece- 
voir tous  rembourfeinens  qui  pouiroitnt  être  offerts  ;  rendre 
&  remettre  tous  titres  &  pièces  ntceflaircs  ;  comptée  avec  les 
dtbiteurs  ,  fenviicrs  &  autres  redevables  dudit  lieur  confti 
luant;  former  d  bats  ic  arrêter  leurs  comptes  ;  enrecevoi  les 
reliquats  5  du  reçu  du  tout  donner  quittances  &.•  décharges 
valables;  à  refus  de  payement,  faire  toutes  pourfuites ,  con- 
traintes ^  diligences  nécellaitcs  ,  tanc  par  i,ii/îe-exécuroires 
de  leurs  aieubles ,  que  failîe  réelle  d'immeubles  ,  donner 
main-levée,  pourûiivre  jufqu'à  fin  delditts  failles. 

Comme  aullî  ledu  iieit''  con(îitua.Tt  d  jnn^  po^ivoir  audic 
/îeur  procureur  d'affenner  &  renouveler  les  baux  de  fss  b-'^ns 
à  tell-'s  perfonnes ,  m  yeinant  les  prix,  tempi ,  chargo? 
davcs  &:  conditions  qu'il  avifera  ,  f.ùre  paflTc:  tincs  nouvéls 
&:  I fCoanoi^Fances -les  rentes  appartenantes  au.iit  ùeur  conîti- 
luant ,  &:  les  paflei   Ac  celles  qu'il  doit. 

Recueillit  toutes  fucccHions  qui  pourroîent  lui  écheoii 
purement  ic  fiuiplenient  ,  ou  par  bénéfice  d'inventaire  ; 
faire  procéder  à  fous  procèsverbux  d'appolîtion  de  fcellé  , 
JnvCi.taitc  ii  païuge  ,  convenir  d'c  ffiriers  ,  prendre  com  nu 
nication  du  tout:  vS:  ,  h  ledit  procueur  'e  juge  à  propos 
renoncer  à  icJles  fuccertions  ,  accepter  les  lots  qui  écberroôt 
audiçfieurconiUtuant,  payer  fou  ce  ou  k  recevait ,  acceptei 


PROCURATION.        709 

AlnH  celui  auquel  on  a  donné  une  procuration 
générale  ,  peut  ,  i".  bailler  à  ferme  ou  à  loyer  les 
biens  du  conflituant  ou  les  faire  valoir  par  fes 
mains  :  mais  les  baux  ne  doivent  point  excéder  le 
temps  ordinaire,  qui  eft  au  plus  de  neuf  ans  ;  ceux 
qui  feroient  faits  pour  un  temps  plus  long  ,  tien- 
droient  de  l'aliénation  ,  &  excéderoient  par  confé- 
quent  les  bornes  d'une  adminiftration. 

a°.  Par  une  Procuration  générale  ,  le  procureur 
conftituc  eft  autorifé  à  traiter  avec  des  ouvriers 
pour  les  réparations  qui  font  à  faire  aux  biens  du 
conftituanr. 

3".  Il  efl  pareillement  autorifé  à  acheter  les  cho- 
fes  néccffaires  pour  l'exploitation  des  biens  du 
conftituant  qu'il  fait  valoir  par  fes  mains. 

4".  Il  peut  recevoir  les  deniers  qui  peuvent  être 
dus  au  constituant,  &  eii  donner  des   quittances 


toutes  donations  &   legs  qui  pouttonc  être   faits  audit   fie-ur 
conlliruanr. 

Pourfujvre  toutes  les  inllances  qu'il  a  ou  aura  ci  après  , 
tant  en  demandant  que  dcfeniant ,  en  tels  tribunaux  ,  contre 
tiillc-s  perfonnes  ,  &:  pour  quelques  caufes  que  ce  foit  &:  piiillc 
ê.ie  ,  &:  ce  julquà  fcntence  oc  airéi  dé'înitift  ;  les  meare  i 
éxecution,  tranùger ,  traiter  &;  compoTet  des  droits  dudic 
fieut  conllituant ,  pour  tels  prix ,  chaigts ,  daufes  Se  condi- 
tions que  ledit  fieur  procureur  jugera  à  oiopos. 

faire  tous  payemens  jjour  ledit  lieut  conllituant;  requé- 
rir Se  faire  toutes  fubrogations  ic  déclarations  re(»uifes  ôC 
n^c;llaires  avec  ou  fans  garantie  ;  retirer  les  pièces  julliHcati- 
vcs  des  fommes  qui  feront  payées. 

Emprunter  de  telles  peifjnnes  qu'il  avifera,  par  billets, 
promelfes  ,  obliga.ion  ,  con'uicuiions  Si  autrement  ,  jufqu'à 
la  fommede...  même  vendre,  ccdec  &  tranfporcer  aufli  à  tel- 
les perfonnes,  moyennant  les  prix  ,  chatges  ,  claufes  &  con- 
ditions qu'il  avifera  ,  une  maifon  fife  à...  appartenant  audic 
fieur  conflituant;  recevoir  le  prix  de  ia^-iite  vente  ,  ou  en 
accorder  teuiies  &  d. 'ais ,  5c  à  la  garantie  des  Ibmmcs  qui 
pourront  être  empruntées  ,  &:  de  ladite  vente  ;  obliger  l;dic 
fi;ur  conftituaiu  &i  tous  fes  biens  ptéfens  ôc  à  venir  ;  &  fur 
le  tout  plaider  ,  &c.  oppofcr  ,  ôcc.  appeler  ,  &c.  élire  domi- 
cile ,  fiiDllituer  un  ou  plutieurs  prccureuis,  en  tout  ou  partie 
du  préfent  pouvoir  ;  les  révoquer ,  en  con!lituer  d'autres.  Ce» 
prélentes  demeurant  toujours  valables  jufqu'i  révocation  d'i- 
cekes ,  nonobftant  furannaiion;  &:  à  l'effet  de  tout  ce  que  dcf- 
fus ,  palltr  tous  contrats  &  autres  a.tes  qu'il  appatti^îndra  ; 
promettant  ledit  conllituant  d'avoir  le  tout  pour  agréable  , 
&:  le  r<<tirier  quand  il  en  fera  requis  :  obligeant.  Fai:  & 
paffe  ,  6:c. 

Formu'e  d'une  Procuration  fpccia'e  four  fiire  un  emprunt» 

Pardcvant  les  notaires  ,  Sec.  furent  préfens  Nicolas...,  Se 
Marie,...  la  femme  ,  de  lui  autorifce  à  l'effet  qui  fuir,  de- 
meurans....  leiquels  ont  fait  &  coniHtué  leur  procureur... 
auquel  ;'■:  donnent  pouvoir  de  pour  eux  &:  en  leurs  noms  , 
en^pru.'-er  d'une  ou  plufieurs  perfonnes  jufqj'.i  la  (omaie  de 
hi  it  ni'He  livres ,  pat  obligation  ou  conliitution  ,  pour  em- 
ployer...  en  cis  de  conflitution  .,  garantir,  tant  en  principal 
qu'arr.ijges  ,  la  tente  qui  fera  conftituée  ;  6"  en  cjs  d'obli- 
gation ,  pou.ettre  de  payer  dans  le  temps  convenu  ;  &:  dans 
les  dfux  cas  ,  obliger  foiidaiienient  lefdits  con  iituans,  fous 
les  renonciations  requiles ,  3c  tou^  leurs  biens ,  meubles  & 
iiuiirf'.îliles  ,  préfens  &  i  ve^ir-  "^  ipccialement  une  inaifoa 
fife  à- Paris...  à  eux  appartenaux  ;  élire  domicile,  palier  à  ce 
fujec  le,'  obligatioiis  ou  conttirutions  qu'i',  avifera  ;  &  faire 
pour  Itsp^yemens  des  arréi,-iges  de  la  rente  qui  pourra  être 
conili[u:e,  toutes  délégations  fut  les  loyerj  de  ladite  mai- 
fon ,  3c  géuéialeinent ,  ôcc. 


710  PROCURATION. 

valables  aux  débiteurs  ;  &  fi  ceux-ci  étoient  en  de- 
meure ou  refufoientde  payer ,  il  pourroit  les  faire 
contraindre  au  payement ,  Tous  le  nom  du  confti- 
tuant ,  en  vertu  des  titres  exécutoires  qui  feroient 
entre  fes  mains. 

5°.  11  peut  auffi  ,  fous  le  nom  du  conftituant  , 
former  des  demandes  en  juftice  pour  faire  con- 
damner des  débiteurs  contre  lefquels  il  n'y  a  point 
de  titre  exécutoire  :  il  eft  de  même  autorifé  à  inten- 
ter ,  fous  le  nom  du  conftituant ,  toute  a6lion  pof- 
feflbire  pour  s'oppofer  au  trouble  apporté  à  la  pof- 
feffion  du  conftituant:  il  peut  pareillement  s'oppo- 
fer à  un  décret  pour  la  confervation  des  droits  du 
conftituant ,  &  former  des  demandes  pour  faire 
pafler  titre  nouvel. 

Toutes  ces  aâions  étant  des  chofes  qui  appar- 
tiennent à  l'adminiflration  des  biens  ,  la  procura- 
tion générale  donne  le  pouvoir  de  les  former  & 
de  les  poiirfuivre ,  fans  que  le  conrtituant  puifl'e 
être  admis  à  défavouer  les  procureurs  Se  les  huif- 
fiers  quefon  procureur  conftituéen  a  chargés. 

Mais  s'il  s'agiflbit  d'une  demande  qui  ne  peut 
point  être  confidérée  comme  faifant  partie  des  af- 
faires courantes  &  ordinaires  du  conftituant ,  le 
procureur  conftitué  dcvroit ,  pour  la  former ,  pren- 
dre un  pouvoir  fpécial. 

Il  faut  d'ailleurs  obferver  que  quelque  étendue 
que  foit  une  Procuration  générale  ,  elle  ne  peut 
point  s'appliquer  aux  avions  criminelles  qu'on  in- 
tente par  la  voie  de  plainte.  L'article  4  du  titre  3 
de  l'ordonnance  du  mois  d'août  1670,  veut  que 
tous  les  feuillets  d'une  plainte  foient  fignés  par  le 
plaignant  ou  par  (on  procureur  fondé  de  Procura- 
tion fpéclale. 

6'.  Tout  alnfi  qu'un  procureur  conftitué  peut , 
en  vertu  d'une  Procuration  générale  ,  former  des 
demandes  judiciaires  fous  le  nom  du  conftituant, 
il  eft  pareillement  autorifé  à  propoferdes  défenfes 
contre  les  aflions  mal  fondées  qui  tendent  à  faire 
condamner  le  conftituant  à  quelque  payement, 
&c.  &  il  peut  acquiefcer  aux  demandes  contre 
lefquelles  il  n'a  rien  de  folide  à  oppofer. 

7".  En  vertu  d'une  procuration  générale  ,1e  pro- 
cureur conftitué  peut  employer  les  deniers  de  fon 
adminiftration  à  payer  les  créanciers  du  confti- 
tuant. 

8".  Comme  une  Procuration  générale  ne  donne 
au  procureur  conftitué  que  l'adminiftration,  &non 
la  difpofvtion  des  biens  du  conftituant,  il  faut  en 
conclure  que  le  pouvoir  que  renferme  une  telle 
Procuration  ,  fe  borne  aux  aliénations  qu'exige 
l'adminiftration  ,  &  ne  s'étend  pas  aux  autres. 

9°.  Le  procureur  conftitué  peut  hypothéquer 
pardevant  notaires  les  biens  du  conftituant ,  aux 
obligations  dépendantes  de  fon  adminiftration  , 
telles  que  font  celles  qu'il  contrarie  envers  des 
ouvriers  ,  pour  réparer  une  maifon  ,  pour  faire  va- 
loir une  métairie,  &c. 

Il  peut  même ,  en  pareil  cas ,  donner  en  nanti/Te- 
ment  les  effets  qui  peuvent  être  entre  fes  mains    ' 


PROCURATION. 

fur-tout  fi  le  conftituant  étoit  dans  l'ufage  d'em- 
prunter fous  gages. 

Mais  fi  le  procureur  conftitué  empruntoit ,  en 
vertu  de  fa  Procuration  générale, une fomme  con- 
fidérable  qui  excédât  les  bornes  de  fon  adminiftra- 
tion ou  dont  l'emploi  ne  feroit  pas  juftifié,  il  iroit 
au-delà  de  fon  pouvoir,  &  il  n'obligeroit  ni  la 
perfonne  ni  les  biens  du  conftituant. 

10°.  Une  Procuration  générale  autorifé  le  pro- 
cureur conftitué  à  accepter  les  donations  qui  font 
faites  au  conftituant.  L'article  5  de  l'ordonnance 
des  donations  du  mois  de  février  1731  porte  ,  que 
Us  donations  entre-vifs  ne  pourrcnt  engager  le  dona- 
taire ,  ni  produire  aucun  autre  effet  que  du  jour  quelles 
Auront  été  acceptées  parle  donataire  ou  par  fon  pro- 
cureur général  ou  fpécial. 

La  Procuration  générale  autorifé  pareillement  le 
procureur  conftitué  à  recevoir  la  délivrance  des 
legs  ,  foit  particuliers,  foit  univerfels  ,  qu'on  a  faits 
au  conftituant. 

Mais  il  en  feroit  autrement  d'une  fuccefllon  qui 
viendroit  à  échoir  au  conftituant  ;  le  procureur 
conftitué  ne  pourroit  pas  l'accepter  en  vertu  de  fa 
Procuration  générale. 

La  raifon  de  différence  eft  fenfible  :  l'acceptation 
d'une  donation  ou  d'un  legs  même  univerfel  ne 
peut  jamais  nuire  au  donataire  ni  au  légataire.  Car 
quoiqu'un  donataire  ou  légataire  univerfel  foit 
tenu  des  dettes,  ce  n'eft  que  jufqu'à  concurrence 
de  ce  qui  lui  a  été  donné  ou  légué:  ainfi  il  peut 
toujours  fe  faire  décharger  des  dettes  en  abandon- 
nant la  donation  ouïe  legs:  mais  il  en  eft  autre- 
ment de  l'acceptation  d'une  (ucceffion  ;  celui  qui 
fe  rend  héririer  contraéle  l'obligation  de  payer 
toutes  les  dettes  du  défunt  ,  quand  même  elles 
excéderoient  la  valeur  de  la  fucceftion.  On  doit 
donc  préfumer  que  le  conftituant  n'a  point  en- 
tendu ,  en  donnant  une  Procuration  générale ,  que 
le  procureur  conftitué  pourroit  lui  faire  contrafler 
des  obligations  indéfinies  ,  telles  que  celles  qui 
réfultent  de  l'acceptation  d'une  fucceffion.  Ainfi, 
dans  le  cas  oli  le  procureur  conftitué  auroit  fait 
afte  d'héritier  au  nom  du  conftituant  ,  celui-ci  fe- 
roit fondé  à  le  défavouer,  &  pourroit  renoncer  à 
la  fuccelTion  ,  en  rendant  compte  des  chofes  dont 
fon  procureur  conftitué  fe  feroit  mis  en  pofleflion. 

Il  faudroit  décider  différemment ,  fi  le  procureur 
conftitué  s'étoit  mis  en  poffeflion  des  biens  de  la 
fucceffion,auvu  &au  fu  du  conftituant:  celui-ci  fe- 
roit alors  cenfé  avoir  fait  aâe  d'héritier  lui-même  , 
&  avoir  donné  à  fon  procureur  un  pouvoir  fpécial 
tacite ,  d'agir  conféquement  à  cette  qualité   d'hé- 


ritier. 


ix".  Une  Procuration  générale ,  quelqu'étendue 
qu'elle  foit ,  ne  peut  point  autorifer  le  procureur 
conftitué  .n  difpofer ,  par  donation,  d'aucune  des 
chofes  dont  on  lui  a  confié  l'adminiftration.  Il  eft 
évident  qu'il  n'y  a  que  le  propriétaire  d'une  chofe 
qui  foit  en  droit  de  la  donner. 
Il  fuit  de-là ,  qu'un  procureur  conftitué  ne  peut 


PROCURATION. 

pas ,  fans  un  pouvoir  fpécial ,  faire  une  retnife  gra- 
tuite des  droits  qui  appartiennent  au  conftitnant , 
parce  qu'une  telle  reniife  ei\  une  véritable  do- 
nation, 

Cette  règle  reçoit  néanmoins  niielques  excep- 
tions ;  il  y  a  des  remifeî  qu'on  peut  regarder  com- 
me dépendantes  de  l'adminirtration  de  celui  qui  a 
une  Procuration  générale.  Telles  font  les  remifes 
que  des  créanciers  font  à  leur  débiteur  par  un  con- 
trat d'attermoiement ,  pour  ne  pas  perdre  la  totalité 
de  leurs  créances  :  telle  cfl  aufli  la  remife  que  le 
procureur  conftitué  fait  d'une  partie  des  droits  fci- 
gneuriaux  à  uns  perfonne  qui  eft  lur  le  point  d'ac- 
qiiérir  des  héritages  dans  la  mouvance  d'une  fei- 
gneurie  dont  il  a  Tadminirtraiion.  Ces  fortes  de 
remifes  ,  étant  faites  pour  l'intérêt  du  conflivuant, 
elles  n'excèdent  point  les  bornes  de  l'adininillra- 
tion. 

Le  conftituant  eft  engagé  envers  le  procureur 
conlVitué  ,  aufli-tôt  que  celui-ci  a  accepte  la  com- 
mifTion  ou  qu'il  a  commencé  à  l'exécuter  ;  &.  le  pre- 
mier eft  obligé  d'approuver  &  de  ratifier  tout  ce 
que  le  fécond  a  fait  en  vertu  de  la  Procuration  qui 
lui  a  été  donnée. 

Relativement  aux  droits  auxquels  les  Procura- 
tions font  affujetties  par  les  réglemens  ,  on  dillin- 
gue  celles  qui  font  données  en  matière  eccléGaf- 
tique  pour  raifon  des  bénéfices  ,  de  celles  qui  font 
données  en  matière  laïque. 

Les  Procurations  données  en  matière  eccléfiafti- 
que,  pour  prendre  poffeffion  de  bénéfices  ou  digni- 
tés ,  ou  pour  s'en  démettre  ;  celles  qui  portent  réfi- 
gnation  ou  rétroceflîon  ,  ou  qui  font  conçues  en 
des  termes  qui  peuvent  difpenfer  les  réfignataires 
de  pafier  d'autres  aùes  pardevant  notaires  ,  pour 
parvenir  à  l'obtention  des  provifions  ,  font  com- 
prifes  dans  la  première  fedlion  de  l'article  premier 
du  tarif  du  29  feptembre  1722  ,  &  le  droit  de  con- 
trôle en  eft  fixé  à  cinq  livres  en  principal. 

Les  Procurations  données  pour  compromettre  , 
requérir ,  réfigner  ,  céder  ou  rétrocéder  un  béné- 
fice; celles  qui  ont  pour  objet  de  notifier  les  noms, 
titres  &  qualités  des  gradués ,  ou  de  confentir  créa- 
tion ou  extinflion  de  penfion  ,  enfemble  les  révo- 
cations de  ces  Procurations,  font  comprifes  dans 
la  troifième  fefiion  du  même  article  premier  ,  qui 
en  fixe  le  droit  de  contrôle  à  vingt  fous. 

Ces  difpofitions  ont  été  confirmées  par  les 
articles  4  &  6  de  l'arrêt  du  confeil  du  30  août 
1740. 

On  vient  de  voir  que  le  droit  de  la  Procuration 
qui  porte  réfignation  ,  diffère  de  celui  de  la  Procu- 
ration donnée  pour  réfigner.  La  raifon  en  eft,  que 
la  première  remet  direâement  le  bénéfice  entre 
les  mains  du  collateur  ,  &  que  la  féconde  doit  né- 
ceiTairement  être  fuivie  d'un  3,àt  de  réfignation  de 
la  part  du  procureur  fondé. 

Par  une  déclaration  du  14  février  1737,  enre- 
giftrée  au  parlement  le  13  mars  fuivant ,  le  roi  a 
réglé  la  forme  dans  laquelle  les  Procurations  p«ur 


PROCURATION.  711 

réfigner  des  bénéfices  doivent  être  faites  (i). 
L'article  74  du  tarif  du  2^  feptembre  1722  ,  rè- 


(i)  Voici  ççtu  Iç'u 

Louis ,  &:c.  Siluc.  I.a  multiplication  des  fraudes  vC  des  abus 
qui  s'ûoient  glillesdans  les  csiîgnations  en  faveur  ,  depuis 
que  1  ufage  en  avoit  cti  intioduic  dans  notre  royaume,  obli- 
'^:i  le  roi  Henri  II  à  y  apporter  les  remèdes  convenable;  par 
ion  cdi;  du  mois  de  juin  15^0.  Ce  fut  dans  cette  vue  qu'il 
ordonna  ,  entre  autres  chofes  ,  que  les  Procuran'ons  pour  ré- 
ligner lesbjnihces  ne  pourroienc  être  reçues  par  un  notaire 
Lui  ,  &  fans  la  piéfence  de  deux  témoins  connus  &  domici- 
lia» ,  qui  ne  fulTcnt  ni,  domeftiques  ni  païens  ou  a!lil-s  juf- 
qu'au  degré  de  coufin-germain  inclufivement ,  foit  du  réfi- 
gnant  ou  du  rcfignataire.  Le  feu  roi,  notre  très-honoié  fei- 
gneur  &:  bilaïeul  ,  a  renouvelé  ôc  même  étendu  les  difpofi- 
tions d'une  loi  fi  nccelTaire  ,  par  fa  déclaration  du  mois  d'oc- 
tobre i6.\6  ,  &  par  fon  cdit  du  mois  de  d;  ccmbre  iCyi  ;  mais 
il  munqujit  encore  quelque  chofe  à  la  peifedion  de  ces  lois , 
puiiqu'cn  piefcrivant  des  règles  pour  les  Procurations  qui 
lont  reçues  pa:  un  notaire  avec  dis  témoins  ,  ellesii'avoient 
tien  déterminé  par  rapport  aux  Procurations  qui  font  palîèes 
paidevant  deux  notaires,  où  il  n*e(l  pas  d'ufage  d'appeler 
deux  témoins  ;  Se  ayant  rcfolu  de  fuppléer  à  cette  omiiiion  , 
nous  avons  confidcré  que  les  ré/lgnations  fe  faifant  ie  plus 
louvcnt  dans  la  penfée  de  la  mort,  &  étant  expofées  aux 
mêmes  furprifes  que  les  difpofitions  de  dernière  volonté,  en 
ne  pouvoir  y  pourvoir  d'une  manière  plus  lure  qu'en  ren- 
dant la  forme  des  Procurations  pour  réfigner  des  bénéfices, 
prefque  femblable  à  celle  que  nous  avons  autorifée  par  notre 
ordonance  du  mois  d'août  175  î  ,  pour  les  actes  à  caufe  de, 
mort  qui  font  reçus  par  des  notaires  ;  nous  obligerons  par- 
ia ceux  qui  recevront  les  Procurations  pour  réfigner ,  à  y  ao- 
poner  la  même  attention  ,  pour  connoitre  l'état  du  réiignant 
(Je  lui  taiie  expliquer  fa  volonté  en  kur  préfence  ,  que  loif- 
qu'il  s'agit  de  s'alliircr  de  l'état  d'un  tel^ateur ,  &  de  lui  en- 
tendre prononcer  fes  difpo!ition$.  Et  comaie  il  arrive  fou- 
vent  que  les  démillions  pures  Se  fimples  font  une  efpcce  de 
réfignation  fccrète  en  faveur  de  celui  qui  en  eft  l'objet,  &: 
que  les  permutations  de  bénéfices  ,  qui  renferment  toijours 
une  rciignacion  réciproque,  font  a'jfli  fufcepiibles  de  diffé 
tens  genres  de  fraudes  qu'il  efl  important  d'empêcher  ,  nous 
avons  jugé  à  propos  d'affujettic  les  unes  Scies  autres  à  l'ob- 
leivation  des  règles  que  nous  établirons  par  notre  préfente 
déclaration.  A  cet  caufes ,  &c. 

Akticle  I.  Les  Procurations  pour  réfigner  des  bénéfice» 
ne  pourront  être  faites  que  par  des  adles  pafles  en  préfence  de 
deux  notaires,  ou  en  préfence  d'un  notaire  avec  deux  té- 
moins au  moins  de  la  qualité  qui  fera  ci-apii;  marquée,  &  il 
fera  fair  mention  dans  lefdirs  adcs ,  de  l'état  de  fanté  ou  de 
maladie  dans  lequel  fera  le  réfignant  ,  le  tout  à  peine  de 
nullité. 

2.  Lefdits  notaires,  ou  l'un  d'eux,  écriront  l'aL^e  de  Pro- 
curation ,  fuivant  la  déclaration  que  le  réfignant  leur  fera  de 
fes  intentions  ,  &  lui  en  feront  enfuite  li  le<Sure  ,de  laquelle 
il  fera  fait  une  iBcntion  exprefle  ;  aprèi  quoi  VxCti  fe:a  figné  » 
tant  par  le  réfignant  que  par  les  deux  notaires,  ou  par  le  no- 
taite  &  les  témoins;  &  en  cas  qu:  le  réfignant  déclare  qu'il 
ue  peut  fignet ,  il  en  fera  fait  aufli  mention  ;  le  rout  à  peine 
de  nullité. 

5.  Ne  pourront  être  pris  pour  aiTifter  auxjits  ades  que  des 
témoins  connus  S<  domiciliés,  qui  feront  â£;és  au  moins  de 
vingt  ans  accomplis ,  &  qui  ne  foient  ni  parens  ni  alliés  du 
réfignant  ou  du  réfignaraire,  jufqu'au  degré  de  coufin-ger- 
main inciufivcment ,  ni  ferviteuis  ou  domertiques  de  l'un  ou 
de  l'autre.  VouIoih  en  outre  ,  conformément  aux  articles  40 , 
41  ,  41  &  4+  de  notre  ordonnance,  concernant  les  tellameni  , 
qu'il  ne  puilfc  être  admis  dans  lefdits  ades  qu:  des  témoin? qui 
fâchent  &  puilTent  figner,  &  qui  foient  mâles ,  régnîcoles  ,  Se 
capatdes  d'effets  civils ,  fans  que  le»  réguliers ,  novice»  on 


711  PROCURATION. 

gle  le  droit  de  contrôle  qui  doit  étte  perçu  pour 
les  Procurations  hmplcs  données  en  matière  laïque. 
Voyez  ce  quon  a  dit  fur  ce  lujet  à  l'article  Con- 
trôle. 

On  appelle  Procuration  ad  rejîgnandum  ,  un  aâe 
par  lequel  le  titulaire  d'un  office  donne  pouvoir  de 
le  réfigner  ou  rtniettrc  entre  les  mains  du  roi  ,  M. 
le  chancelier  ou  autre  coUateur  ,  pour  en  difpofer. 
Voyez  les  articles  Office  &  Contrôle. 

On  appelle  droit  de  Piocuration  ,  un  droit  dont 
les  éviques  &.  les  archidiacres  ont  la  jouiflance,  & 
qui  coniilie  à  fe  faire  loger,  nourrir  ik  défrayer, 
eux  ik.  ceux  de  leur  fuite ,  pendant  tout  le  cours  de 
leurs  vifites  ,  lorfqn'ils  en  font  en  perfonne. 

Fcvret  rapporte  l'crigine  du  droit  de  Procura- 
tion ,  à  ce  que  ,  dans  les  premiers  temps  du  chrillia- 
nifme  ,  les  évéques  employoient  les  revenus  ec- 

j"rofcs  de  quelque  or.lie  que  ce  foie  ,  ni  les  ck-rcs ,  ferviteurs 
ou  lioiuelliques  du  nonire  qui  recevra  li  Procuration  ,  puif- 
fent  être  pris  pour  umoir.s  ;  le  tout  à  peine  de  nullitc. 

4.  Voulons,  conformément  à  i'atticle  48  de  notrcdite  or- 
donnance ,  que  ceux  derdits  notaires  ou  témoins  qui  auront 
(igné  leldiies  Procurations  fans  avoir  vu  le  rélignant  &  l'avoir 
entendu  prononcer  &:  expliquer  Ces  intentions,  foientpour- 
fuivis  exiraordm.iircment  à  la  icquêtede  nos  procureurs,  cuin- 
me  pour  cii  ne  de  f  lux. 

<, .  II  reliera  minute  defdites  Procurations ,  à  peine  de  nul- 
lité. 

6.  la  difpofiiion  des  quatre  articles  précédens  aura  lieu 
pareillement  pour  les  Procurations  Se  aftes  qui  fe  font  à  l'eC- 
fecde  permuter  des  bénctices ,  &  pour  les  aâes  de  démillion^ 
putes  &  iimp'es. 

7.  N'entendons  au  furpfus  rien  innover  par  ces  préfentes  , 
fur  les  règles,  conditions  &  formalités  établies  par  ledit  cdic 
«le  1 5  s  o  î  &■' autres  ordonnances  ,  édits  &:  déclarations  po!îé 
ricurcs  ;  tou'es  Icfquelles  lois  continueront  d'jtre  exécutées 
félon  leur  forme  &  teneur  Si  donnons  en  mandement,  &c. 

Forrriu'e  d'uie  Procuration  conformément  à  la  déclaration 
qu'on  vient  de  rapporter. 

Pardcvant  les  conftiillers  du  roi  ,  notaires  au  châtelet  de 
Paris  ,  foulligné  ,  fut  préfenr  meflire  Joreph-prançois  R-.  ,  I 
prêtre...  demeurant...  ledit  lieur  R.  étant  en  l'anté  ,  allant  & 
vaquant  à  fes  aftaires ,  fuivarit  qu'il  eii  apparu  auxjiis  no- 
taires, s'é  ant  tendu  en  l'étude  de  l'un  d'eux  ,  où  fon  cen- 
fiere  elt  venu  ,  y  avant  éré  mandé  à  l'ciTcr  des  préfenres  ,•  le- 
quel IleurR.  a  déclaré  que  fcn  intention  eft  de  fe  démettre 
de  la  chapelle  de...  érigée  en  l'iglife  de...  dans  la  ville  de... 
(  ou  cure  ,  ou  prieuré ,  ou  csivenrualité ,  qu'il  faut  dé'igner  ) 
dont  il  elt  pourvu  ;  en  conféquence  ,  ledit  fieur  P.  a  fait  ic 
coniHtué  pour  fes  procureurs  générauv  &:  fpéciaux  M.  &  N. , 
auxquels  il  donne  pouvoir  de  pOur  lui  &  en  fon  nom,rén- 
frner  &  remetrre  es  mains  de  notre  faint  père  le  pape  ,  mon- 
leigneur  fon  vice-chancelier  ,  ou  atitres  ayant  à  ce  pouvoir  , 
ladite  ch.ipclie  de...  en  faveur  du  (ieur  Etienne  L.  ,  clerc 
tonfuré  du  diocéfede...  &  non  d'autre;  contentant  que  tou- 
tes provilions  lui  en  foienr  expédiées ,  fcellées  &  délivvé;s  ; 
jurat^c&  affirmant  ledit  (ieur  R.  ,  qu'en  ces  préfentes  n'clt 
intervenu  ni  interviendra  aucune  iimonie  ni  autre  conven- 
tion illicite*!.'  contraire  aux  difpofxtions  canoniques  ;  pro- 
mettant ,  &c.  obligeant ,  &c.  Fait  &  paffc  à  Paris  en  l'étude 
dudit...  notaire  ,  le...  mil  fept  cent. . 

Sur  les...  h;ure«  du  matin  ou  de  relevée,  &:  a  iTgné  après 
que  ces  préfentes  ont  étel.ies  audit  fieur  R.  par  l'un  defdits 
notaires,  l'autre  préferu,  ain/l  qui!  ell  dit  en  .'adiré  minute 
defdites  préfenres ,  qui  ont  été  fignèes.dudit  R.,  &  demeurées 
audit...  notaire. 


PROCURATION. 

cléfiafliques  à  faire  des  charités  fi  nombreufes  ,  que 
fouvent  il  ne  leur  reftoit  plus  de  quoi  vivre.  Ainfi 
il  éioit  jufte  qu'on  les  défrayât  lorsqu'ils  vifitoient 
leurs  diocèfes  ,  puifqu  autrement  ils  n'euflent  pas 
pu  les  vifiter. 

Quoique  ie  motif  qui  a  fait  établir  le  droit  de 
Procuration  ne  fubfifte  plus  ,  ce  droit  ne  laide  pas 
d'être  dû  par  toutes  les  églifes  vifitées  ,  même  par 
les  cures  à  portion-congrue  ,  aiafi  que  l'a  jugé  un 
arrêt  du  parlement  de  Paris  du  30  août  1678  ,  rap« 
porté  dans  les  nouveaux  mémoires  du  clergé. 

Obfervez  néanmoins  que  cette  décifion  ne  s'ap- 
plique  point  aux  cures  des  exempts.  L'article  3  de 
l'édit  de  décembre  1606,  l'a  ainfi  réglé. 

Les  maîtres  d'école  &  les  autres  laies  fujets  à  la 
vifite  des  évêques  ou  des  archidiacres ,  font  pareil- 
lement exempts  du  droit  de  Procuration. 

Il  y  a  dans  la  bibliothèque  de  Bouchel ,  un  arrêt 
de  règlement,  rendu  pour  le  diocéfe  de  Meaux  en 
1567,  qui  a  jugé  que  le  droit  de  Procuration  fe 
payeroit  en  argent  ou  en  vivre ,  au  choix  du 
bénéficier. 

D'autres  arrêts  ont  défendu  de  percevoir  ce  droit 
en  argent. 

Au  furplus ,  c'eft  la  poflefîlon  &  l'ufage  qui 
règlent  la  qualité  &  la  quotité  du  droit  de  Procu- 


ration. 


L'article  6  de  l'ordonnance  d'Orllans  ,  veut  que' 
le  droit  de  Procuration  fe  prenne  li  modérément, 
que  perfonne  n'ait  fujet  de  s'en  plaindre. 

Les  conciles  tenus  à  Touloufe  &  à  Londres  en 
843  &  1341 ,  ont  réglé  que  quand  l'évêque  vifite- 
roit  plufieurs  églifes  en  un  même  jour,  il  ne  feroit 
dû  qu'un  feul  droit  de  Procuration. 

Et  un  capitulaire  de  Charles-le-Chauve,  de  l'an 
844,  a  décidé  que  les  églifes  feroient  exemptes 
de  ce  droit  pour  ane  féconde  vifite  dans  la  même 
année.  ' 

C'eft  devant  les  juges  féculiers  qu'il  faut  fe  pour* 
voir  relativement  aux  conteftations  que  peut  occa- 
fionner  le  payement  du  droit  de  Procuration.  Le 
juge  d'églife  ne  pourroit  pas ,  fans  a,bus  ,  connoitre 
de  ces  conteftations. 

PROCUREUR.  C'eA  celui  qui  a  pouvoir  d'agir 
pour  autrui,  qui  eft  fondé  de  la  procuration  d'un 
autre  pour  faire  quelque  chofe  pour  lui.  Voye^fur 
cette  efphe  de  Procureur  Us  articles  MANDAT  & 
Procuration. 

PROCUREUR  JD  LITES  ou  Procureur 
POSTULANT,  oufimplement  Procureur.  C'eft  un 
officier  établi  pour  agir  en  juftice  au  nom  de-ceux 
qui  plai  lent  dans  quelque  juridiélion. 

L'établiiTement  des  Procureurs  eft  fort  ancien.  Il 
y  en  avoir  pour  le  châtelct ,  en  particulier  ,  dés  l'an 
1327,  comme  le  prouvent  des  lettres  de  Philippe 
VI ,  du  mois  de  février  de  cette  année,  qui  défen- 
dent à  tout  particulier  d'être  en  même-temps  avo- 
cat S:  Procureur. 

11  y  avoit  auffi  des  Procureurs  au  parlement  en 

1341. 


PROCUREUR, 5.'c. 

i^4T.  On  voit  que  cette  année  ils  înftitiièrent  cn- 
tr'eux  une  confrérie  de  dévotion  ,  au  fujet  de  U- 
queile  ils  firent  un  traité  avec  le  curé  de  Sainte- 
Croix. 

Dans  l'origine  ,  le  nombre  des  Procureurs  de 
chaque  fiége  n'étoit  j-^as  limité  parmi  nous;  Je  juge 
en  recevoir  autant  qu'il  jugeoit  à  propos.  On  ie 
■*  plaignit  au  chàrelet  que  le  nombre  des  Procureurs 
étolt  excellif  ;  ce(ï  pourquoi  Charles  V  ,  par  des 
lettres  du  16  juillet  1378  ,  ordonna  que  le  nombre 
ée  ces  officiers  feroft  réduit  à  quarante  ;  mais 
Charles  VI,  par  des  lettres  du  19  novembre  1  393  , 
ordonna  que  le  nombre  des  Procureurs  du  châtclet 
ne  leroit  plus  fixé  à  quarante ,  &  que  tous  ceux  qui 
voudroient  exercer  cet  emploi  pourroient  le  faire, 
pourvu  que  trois  ou  quatre  avocats  notables  de 
Cette  cour ,  certifiaflent  au  prévôt  de  Paris  qu'Us  en 
étoient  capables. 

Le  nombre  des  Procureurs  au  parlement  s'étoit 
auffi  multiplié  à  tel  point ,  que  Charles  VI,  par  des 
lettres  du  13  novembre  1403  ,  donna  pouvoir  aux 
prcfidens  du  parlement  de  choifir  un  certain  nom- 
bre de  confcillers  de  la  cour,  avec  lefquels  ils  di- 
minueroient  celui  des  Procureurs  ;  il  leur  ordonna 
de  retrancher  tous  ceux  qui  nauroient  pas  les  qua- 
lités &  capacités  requifcs  ;  mais  il  ne  fixa  point  le 
nombre  de  ceux  qui  dévoient  être  confervés. 

Louis  XII,  en  1498,  ordonna  pareillement  que 
le  nombre  des  Procureurs  au  parlement  feroit  ré- 
duit par  la  cour,  &  que  les  autres  juges  feroient  la 
même  chofe,  chacun  dans  leur  fiége. 

Mais  ces  projets  de  rédu6lion,  renouvelés  en- 
core fous  François  premier  &  fous  François  II ,  ne 
furent  point  exécutés  ;  &  le  nombre  des  Procureurs 
augmentoit  toujours,  foit  parce  que  les  juges  en 
recevoient  encore  malgré  les  défenfes  ,  foit  parce 
qu'une  infinité  de  gens  fans  caraéiére  fe  mèloieiu 
de  faire  la  profefiion  de  Procureur. 

Il  arriva  néanmoins  un  grand  changement  à  leur 
égard.  Henri  II  avoir ,  par  des  lettres  du  B  août 
1552  ,  permis  aux  avocats  d'Angers  d'exercer  l'une 
&  l'autre  fonflion  d'avocat  &  de  Procureur,  com- 
me ils  étoient  déjà  en  poiTeffion  de  le  faire  :  cet 
iifage  étoit  particulier  à  ce  fiége  ,  mais  l'ordonnance 
d'Orléans  étendit  cette  permiifion  à  tous  les  autres 
fiéges  ;  elle  ordonna  même  qu'en  toute  matière 
pcrfonnelle  qui  fe  traiteroit  devant  les  juges  dus 
lieux,  les  parties  comparoitroient  en  perfonnes , 
pour  être  ouïes  fans  aflifiance  d'avocat  ou  de 
Procureur. 

Dans  la  fuite,  Charles  IX  confidérant  que  la  plu- 
part de  ceux  qui  exerçoient  alors  la  fonélion  de  Pro- 
cureur dans  les  cours  &  autres  fiéges ,  étoient  des 
particuliers  fans  carai^ère  ,  reçus  au  préjudice  des 
défenfes  qui  avoient  été  faites  ,  ou  qui  avoient  fur- 
pris  de  Henri  II  des  lettres  pour  être  reçus  en  l'état 
de  Procureur,  quoiqu'ils  n'eufTent  point  les  quali- 
tés requifes  ,  11  révoqua ,  par  un  édit  du  mois  d'août 
1561 ,  &  annula  toutes  les  réceptions  faites  depuis 
^559:  il  défendit  à  toutes  fes  cours  Se  autres  jug«s 
Terne  XIIJ^ 


PROCURE  UR,&c.      715 

de  recevoir  perfonne  au  ferment  de  Procureur  ,  Sc 
ordonna  qu'advenant  le  décès  des  Procureurs  an- 
ciennement reçus  ,  leurs  états  demeureroicnt  fup- 
primés  ,&  que  dés  Icrs  les  avocats  de  fes  cours  & 
autres  juridiéiions  royales,  exerceroient  l'état  d'a- 
vocat &  de  Procureur  enfemble  ,  fans  qu'à  l'avenir 
il  fût  befoin  d'avoir  un  Procuretir  à  part. 

Il  feroit  à  defuer  que  l'édit  de  Charles  IX  ,  doni 
on  vient  de  parler  ,  x\em  poinr  été  révoqué  ;  car  ce 
feroit  un  grand  avantage  pour  les  peuples,  que 
l'inflruélion  de  la  procédure  fût  cov.fiic  aux  avocats. 
On  fait  que  le  fuccès  d'une  affaire  dépend  fouvenc 
de  la  manière  dont  on  la  commence  ;  il  feroit  donc 
à  propos  que  laconteftation  lût  dirigée,  dans  l'ori- 
gine ,  par  un  avocat  plutôt  que  par  un  Procureur  , 
qui,  par  état ,  n'eft  point  obligé  à  l'étude  du  droit. 
D'ailleurs  l'avocat,   en  intlruifant  la  procédure, 
conno'uroit  mieux  la  caufe  qu'il  doit  plaider;  le 
particulier  n'auroit  affaire  qu'à  une  perfonne  ,  &,■ 
ce  qui  eft  bien  plus  important  encore ,  l'avocat, 
qui  a  néceffairement  l'honneur  &  l'efrime  publi- 
que en  vue  dans  fon  travail ,  n'uferoit  prefque  ja- 
mais de  ces  chicanes  ou  fubtiiités  qui  compofent 
toute  la  fcience  de  la  plupart  des  Procureurs ,  &  par 
le  moyen  defquelles  ils  favent  fi  bien,  pour  leur 
profit,  &  à  la  ruine  de  leurs  parties  ,  multiplier  les 
a<ftes  ,  &  éternifer  les  procès. 

Aujourd'hui  les  Procureurs  font  établis  par-tout 
en  titre  d'office  ,  excepté  dans  les  juridiélions  con- 
fulaires ,  où  il  n'y  a  que  de  fimples  praticiens ,  qu'on 
appelle  poffulans,  parce  qu'ils  font  admis  à  poAuler 
pour  les  parties  ;  encore  ne  font-elles  pas  obligées 
de  fe  fervir  de  leur  miniftère. 

Pour  être  reçu  Procureur  il  faut  être  laïc  ;  ce  qui 
eft  conforme  à  une  ancienne  ordonnance  donnée 
au  parlement  de  la  Touffaitits  en  1 2S7  ,  qui  reftrci- 
gnit  aux  feuls  laïcs  le  droit  de  faire  la  fondion  de 
Procureur, 

Tout  afpirant  à  l'état  de  Procureur  doit  être  âgé 
de  vingt-cinq  ans  ,  à  moins  qu'il  n'ait  des  lettres  de 
difpenle  d'âge.  Il  ne  doit  d'ailleurs  être  reçu  qu'a- 
près information  de  fes  vie  &  moeurs  ,  &  après 
avoir  été  examiné  par  le  juge  fur  fa  capacité. 

Le  ferment  que  les  Procureurs  prêtent  à  leur  ré-*' 
ccption  ,  &  qu'ils  renouvellent  tous  les  ans  à  la  rcn»  , 
trée,  eft  de  garder  les  ordonnances  ,  arrêts  &  récle- 
mens.  Leur  habillement  pour  le  palais  eft  la  robe  k 
grandes  manches  &  le  rabat. 

Aux  fiéges  des  maîtres  particuliers ,  éleélions  , 
greniers  à  fel ,  traites  foraines,  confervations  des 
privilèges  des  foires  ;  aux  jufticcs  des  hôtels  &  mai» 
fons  de  ville  &  autres  juridiflions  inférieures.  Se 
dans  toutes  les  juftices  fe'gneuriales ,  les  parties  ne 
font  point  obligées  de  fe  fervir  du  miniftère  des 
Procureurs  ,  quoiqu'il  y  en  ait  d'établis  dans  plu- 
fieurs  de  ces  juridiilions  :  les  parties  font  ouïes  à 
l'audience,  vingt-quatre  heures  après  l'échéance  de 
l'aftignation  ,  &  jugées  fur  le  champ  ;  mais  comme 
la  plupart  des  parties  ont  befoin  de  confeil  pour  fc 
défendre ,  elles  ont  ordinairement  recours  à  un 


714  PROCUREUR, &c. 

Procureur  ,  lors  même  qu'elles  ne  font  pas  obligées 
de  le  faire. 

Dans  tous  les  autres  tribunaux,  le  demandeur 
doit  coter  un  Procureur  dans  fon  exploit,  &  le  dé- 
fendeur ,  qui  ne  veut  pas  faire  défaut ,  doit  aufli  en 
conftituer  un  de  fa  part. 

Les  Procureurs  doivent  avoir  un  rcgifire  pour 
enregiftrer  les  caufes  ,  &  faire  mention  par  qui  ils 
en  font  chargés. 

Ils  font  auffi  obligés  d'avoir  des  reglftres  féparés 
en  bonne  forme,  pour  y  écrire  toutes  les  fommes 
qu'ils  reçoivent  de  leurs  parties  ou  par  leur  ordre, 
&  les  repréfenter  &  affirmer  véritables  toutes  les 
iois  qu'ils  en  font  requis,  à  peine  ,  contre  ceux  qui 
n'ont  point  de  regiftres  ou  qui  refufent  de  les  re- 
préfenter &  affirmer  véritables  ,  d'être  déclarés 
non-rccevables  en  leurs  demandes  &  prétentions 
<ie  leurs  frais,  falaires  &  vacations. 

C'eft  ce  qu'ont  réglé  différens  arrêts.  Papon , 
liv.  6  ,  tit.  12  ,  nomb.  8  ,  en  cite  un  du  premier  fé- 
vrier 1547»  par  lequel  il  prétend  avoir  été  jugé, 
•qu'un  Procureur  ne  peut  rien  demander  à  fes 
tfliens  ,  s'il  n'a  un  regiftre  de  recette  ,  &  que,  hors 
ce  cas  ,  fon  affirmation  n'eft  pas  même  recevable. 

Bouchel  ,  bibliothèque  civile  ,  au  mot  Pro- 
cureur ,  dit,  en  rapportant  un  arrêt  du  9  février 
1613  ,  qu'il  avoit  été  précédemment  jugé  contre 
mie  veuve  Morlot ,  que  les  Procureurs ,  leurs  veu- 
ves &  héritiers  ,  n'étoient  pas  recevables  à  deman- 
der leurs  frais  &  falaires  ,  s'ils  ne  juftifioient  de 
leurs  regiflres. 

Ceft  ce  qui  a  encore  été  décidé  en  1674.  Phili- 
bert Chibert ,  Procureur  au  parlement ,  avoit  oc- 
cupé ,  en  diverfes  inftances,  pour  André  deSailly. 
Jacques  Marie  ayant  fuccédé  à  fon  office  &  à  fa 
pratique  ,  trouva  qu'il  étoit  dû  par  le  fieur  de  Sailly 
plufieurs  fommes  de  deniers  ,  pour  procédures  , 
débourfés  &  vacations.  Il  en  envoya  le  mémoire 
au  même  fieur  de  Sailly  ,  &  fur  le  défaut  de  paye- 
ment, il  le  fit  affigner  à  la  cour,  où  il  obtint  par 
défaut ,  le  17  juin  1662  ,  un  arrêt  de  condamnation 
contre  lui  ,  à  la  charge  néanmoins  de  déduire  ce 
qui  pourroit  avoir  été  payé ,  &  d'exhiber  à  cette 
fin  le  regiftre  du  défunt. 

Cet  arrêt  fut  fuivi  d'une  taxe ,  d'un  comman- 
dement ,  &  de  la  faifie-réelle  de  la  terre  de  Sailly. 

Les  chofes  en  cet  état ,  le  fieur  de  Sailly  vint  à 
■mourir.  Sa  veuve  renonça  à  la  communauté  ,  &  les 
cnfans  à  la  fucceffion.  Mais  un  créancier  s'oppofa 
a  la  faifie-réelle  ,  &  ,  prétendant  que  Chibert  avoit 
été  entièrement  payé  ,  il  fit  fommation  à  Marie  de 
repréfenter  le  journal  de  celui-ci. 

Pour  établir  la  néceffité  de  cette  repréfentation , 
î]  difoit  «  que  toutes  les  perfonnes  publiques  ,  qui 
«  avancent  ou  qui  reçoivent  quelques  deniers  dans 
M  le  commerce  de  leur  profeffion,  font  obligées 

»  d'avoir  des  regiftres qu'il  n'étoit  pas  à  pré- 

«  fumer  que  Chibert  n'eût  point  tenu  de  livre 
9  journal  ;  que  tous  les  Procureurs  ne  manquoient 
9  pas  d'en  avoir  :  que  c'étoit  une  néceâité  indif- 


PROCUREUR, &c; 

5>  penfable   dans  le  grand  nombre  d'affaires  quj 

»  leur  paflbient  par  les  mains que  d'ailleurs, 

»  fi  on  n'obligeoit  point  un  Procureur  à  tenir  re- 
»  giftre  de  fes  reçus,  il  pourroit  demander  aux 

>»  parties  des  vacations  déjà  acquitées parce 

»>  que  fouvent  les  plaideurs  ne  prennent  pas  k 
')  précaution  de  tirer  des  quittances  des  Procu- 
j>  reurs  1». 

On  répondoit  pour  Marie,  que  de  prétendre 
qu'un  Procureur  fîit  obligé  d'avoir  un  livre  jour- 
nal ,  c'étoit  une  nouveauté  qu'on  vouloit  introduire 
fans  néceffité.  «  11  fuffit  (  continuoit-on  )  qu'un 
»  Procureur  ait  les  pièces  d'un  procès  entre  les 
»  mains  ,  pour  en  tirer  la  conféquence  que  fes  va- 
»  cations  lui  font  dues.  A  l'égard  des  débourfés, 
n  quaud  ils  font  payés  par  la  partie,  on  en  tient 
»  note  au  bas  des  aéles.  Voilà  tout  le  regiftre  dont 
1»  un  Procureur  a  befoin ,  ôc  Marie  n'en  a  point 
»  trouvé  d'autre  dans  la  pratique  qu'il  a  acquife  ; 
»  cela  eft  prouvé  par  fon  contrat  », 

On  ajoutoità  ces  réflexions  ,  que  toute  la  famille 
du  fieur  de  Sailly  avoit  reconnu  la  dette  dont  il 
s'agiffiait. 

Mais  par  arrêt  rendu  à  la  grand'chambre  le  6 
mars  1674  ,  il  a  été  dit  qu'avant  faire  droit  fur  la 
demande  du  créancier  oppofant ,  Marie,  Procu- 
reur,  feroit  tenu  de  repréfenter,  dans  huitaine» 
pardevant  le  confeiller-rapporteur,  les  regiflres  de 
recette  de  défunt  Chibert,  &  de  les  affirmer  véri* 
tables. 

La  jurifprudence ,  confirmée  par  cet  arrêt,  a 
été  érigée  en  règlement  par  un  autre  du  28  mars 
1692  :  «  Les  Procureurs  (  porte  celui-ci)  feront 
»  tenus  d'avoir  des  regiflres  en  bonne  forme  ,  d'y 
»  écrire  toutes  les  fommes  qu'ils  rcçoivem^  de  leurs 
»  parties  ou  par  leur  ordre  ,  de  les  repréfenter  Si. 
w  affirmer  véritables ,  toutes  les  fois  qu  ils  en  fe- 
i>  ront  requis  ;  à  peine  contre  cenx  qui  n'auront 
n  point  de  regiflres  ,  ou  qui  refuferont  de  les  re- 
"  préfenter  &  affirmer  véritables ,  d'être  déclarés 
>»  non-recevables  en  leurs  demandes  &  préten- 
»  lions  de  leurs  frais  ,  falaires  &  vacations  >». 

Il  exifte  deux  arrêts  femblables  du  parlement  de 
Bretagne  :  le  premier ,  du  15  février  1683  ;  &  le 
fécond,  du  19  juin  1698.  Ils  font  rapportés  par  Sau- 
vageau  ,  dans  fes  obfervations  fur  la  coutume  de 
cette  province,  tom.  i ,  art.  102. 

Le  parlement  de  Rouen  a  pareillement  adopté,; 
par  un  arrêt  du  iç  décembre  170'î  ,  la  difpofition 
précife  &  littérale  du  règlement  du  18  mars 
1692  ». 

Le  miniflère  des  Procureurs  confifte  à  poftuler 
pour  les  parties  ,  c'eft-à-dire,  à  occuper  pour  elles; 
en  conféquence,  ils  fe  conftituent  pour  leur  partie 
par  un  a^e  qu'on  appelle  a£le  d'occuper  ;  ils  fe  pré- 
fentent  au  greffe  pour  leur  partie;  ils  fournifTent 
pour  elles  des  exceptions,  fins  de  non-recevoir, 
défenfes  ,  répliques  &  requêtes  ;  ils  donnent  copie 
des  pièces  néceffaircs  ,  font  les  fommations  pour 
plaider,  font  fignificr  les  quaiités, lèvent  les  juge; 


PROCUREUR, &c. 

^ens ,  les  font  fignifier  ;  &  en  général ,  ce  font  eux 
qui  font ,  entr'eux  ,  les  fignihcations ,  qu'on  ap- 
pelle expéditions  de  palais  ,  ou  de  Procureur  à  Pro- 
cureur, 

A  l'audience,  le  Procureur  aflirtc  l'avocat  qui 
plaide  la  caufe  de  fa  partie, 

L'ufage  a  aufTi  introduit  que  les  Procureurs  peu- 
vent plaider  fur  les  demandes  où  il  s'agit  plus  de 
fait  &  de  procédure  que  de  droit. 
"  Dans  les  inftanccs  &  procès,  ce  font  eux  qui 
mettent  au  greffe  les  produâions,  qui  font  les 
produdions  nouvelles  &  autres  écritures  de  leur 
miniftère. 

Plufieurs  feigneurs  hauts- jufticiors  ont  tenté  dif- 
férentes fois  d'établir,  qu'ils  avoient  le  droit  de 
nommer  les  Procureurs  qui  doivent  poftuler  dans 
îeurs  juftices  :  mais  on  n'a  écouté  que  ceux  qui 
avaient  à  cet  égard  une  concelfion  particulière  du 
roi,  ou  une  poffeflion  très  ancienne  ,  qui  faifoit 
préfuraer  un  -titre  légitime.  Ceft  ce  qui  réfulte  de 
divers  arrêts  ,  &  figulièreoieijt  de  trois  qui  ont 
été  rendus  au  parlement  ds  Paris  le  £7  mai  1758  , 
îe  16  décembre  176$,  &  le  11  avril  1780. 

Dans  l\fpèce  du  premier,  il  s'agiflbitde  favoir 
fi  M"  Trichct  5  avocat ,  pouvoir ,  en  vertu  de  fa 
iîmple  matricule  ,  faire  Ips  fondions  de  Procureur 
&  d'avocat  à  Dainmârtin,  feigneurie  appartenante 
à  M.  le  prince  de  Condé» 

Le  iei?,neur  &  les  Procureurs  du  lieu  confcn* 
toiem  qu'jl  y  exeri,^r  fon  minifière  d'avocat ,  mais 
•ih  pr^'cndoient  nu'il  ne  pouvoit  y  faire  les  fonc- 
tions de  Procureur ,  fans  avoir  obtenu  des  provi- 
sions comme  ctlies  que  M.  le  prince  de  Condé  leur 
avoit  accordées. 

L'avocat  général ,  qui  parla  dans  cette  affaire , 
obferva  que,  dans  h  thefe  générale ,  les  avocats 
leçus  au  parlement  pouyoie.ijt  exercer  leur  minif- 
tère,  &  en  même  temps  poftuler  dans  les  juftices 
feîgneuriales  ;  mais  il  établit  que  cet  ufage  ne  s'ap- 
pliquoit  point  aux  juftices  dans  lefquelTes  les  feî- 

fneurs  avoient  le  droit  d'inftituer  des  Procureurs. 
I  comme  il  paroiflôit  que  les  feigneurs  deDam- 
»iartin  étoient  en  poffeflion  depuis  deux  fiècles , 
éç  donner  des  provifions  aux  Procureurs,  comme 
aux  autres  officiers  de  la  juftice  ,  la  cour,  par  l'arrêt 
cité  du  27  mai  1758,  débouta  M*  Tricher  de  fa 
yrétention  à  être  admis  à  poftuler  à  Dammartin  , 
fauf  à  lui  à  y  exercer  fon  miniftére  d'avocat. 

Dans  refpèce  de  l'arrêt  du  16  décembre  1768, 
le  parlement  infirma  nne  fentence ,  par  laquelle  il 
étoit  ordonné  qu'un  Procureur  quivouloit  poftuler 
dans  la  juftice  dunfeigneur,  fe  retireroit  parde- 
vers  le  feigneur ,  pour  obtenir  de  lui  les  provifions 
néceffaires  pour  cet  effet,  &  l'arrêt  odonna  que  le 
Procureur  feroit  autoriféà  poftuler  dans  cette  juf- 
tice ,  information  préalablement  faite  de  fes  vie , 
mœurs  &  capacités 

Dans  l'efpete  du  troifième  ,  il  fut  jugé  en  faveur 
de  M^  Bourlant ,  Procureur  à  la  fénéchauffée  de 
Curai  j  contre  le  baron  de  Sommiers ,  que  ce  Pro- 


PROCUREUR,&c.       71$ 

curetir  pouvoit  poftuler  dans  la  U'ftîce  c'e  Scir.« 
mière  ,  fans  être  obligé  de  demander ,  pour  cet 
effet,  aucune  permiflion. 

Les  Procureurs  ne  font  garans  de  la  validité  de 
leur  procédure ,  que  dans  les  décrets  feulement  , 
&  cette  garantie  ne  dure  que  dix  ans. 

Dans  les  autres  matières,  s'ils  excèdent  leur  pou- 
voir, ils  font  fujets  au  défaveu. 

Ainfi ,  quoique  le  Procureur  chargé  d'un  exploit 
puiffe  faire,  au  nom  de  la  partie  pour  laquelle  il 
occupe ,  toutes  les  procé«Iures  qui  conviennent  à 
la  demande  formée  par  cet  exploit ,  il  ne  doit  pas , 
fans  un  pouvoir  particulier,  former  de  nouvcll.s 
demandes ,  ni  augmenter ,  ai  diminuei  celle  qui 
eft  portée  par  le  même  exploit  ;  autrement  il  pour- 
roit  être  défavoué. 

Il  en  feroit  de  même ,  (î,  fans  un  pouvoir  fpé- 
cial ,  il  intervcnoit  dans  une  affaire ,  s'il  prenoit  le 
fait  &  caufe  de  quelqu'un ,  s'il  faifoit  des  offres  » 
s'il  dontîoit  un  confentement  préjudiciable  à  fa 
partie ,  s'il  s'infcrivoit  en  faux,  s'il  paffoit  un  com- 
promis ,  s'il  interjetoit  un  appel,' s'il  prenoit  des 
lettres  de  rcfcifion  contre  un  aâe  ,  &c. 

Lorfquun  Procureur  fait  quelque  procédure 
contraire  aux  ordonnances  &  réglemens ,  on  la 
déclare  nulle  ,  fans  aucune  répétition  contre  fa 
partie. 

Un  Procureur  eft  obligé  d'occuper  pour  fa  partie 
juf4u'à  ce  qu'il  foit  révoqué.  Cette  révocation  peut 
avoir  lieu  toutes  les  feis  qu'une  partie  le  juge  à 
propoSo  Mais  la  partie  qui  révoque  fon  Procureur 
doit  non-fculcment  en  conftitucr  un  autre  ,  il  faut 
encore  qu'elle  notifie  la  révocation  de  l'ancien  & 
la  conftitution  du  nouveau  aux  parties  adverfes  , 
finon,  tout  ce  que  ces  dernières  (ignifieroient  au 
Procureur  réyoqué  feroit  valable. 

Quand  une  partie  vient  à  décéder ,  le  pouvoir 
de  fon  procureur  eft  fini;  il  lui  faut  un  nouveau 
pouvoir  des  héritiers ,  pour  reprendre  &  occuper, 
pour  eux. 

Lorfque  c'eft  îe  Procureur  qui  décède  pendant 
le  cours  de  la  conteftation  ,  on  aflîgne  la  partie  en 
conftitution  de  nouveau  Procureur. 

*  Le  ç  août  1784 ,  il  a  été  arrêté  au  parlement 
de  Flandres ,  les  chambres  affemblées  ,  qu'un  Pro« 
çureur  qui  a  fait  afligner  des  témoins  à  la  requête 
de  fa  partie ,  eft  tenu  en  fon  nom  de  payer  les  fa- 
laires  que  le  commiffaire-enquêteur  leur  a  taxés  » 
parce  qu'il  a  dû ,  ayant  de  les  faire  afligner ,  fe  faire 
donner,  par  fon  client ,  les  f6n4s  néceffairçs  pouc 
acqîiiter  leurs  voyages  *<. 

Un  Procureur  a-t-il  hypothèque  pour  fes  frais  i 
fal?ires  ,  débourfés  ,  vacations ,  &c.  du  jour  de  la 
procuration  qui  lui  a  été  donnée  ,  ou  feulement  du 
jour  qu'ils  ont  été  liquidés  ?  Cette  queftion  s'eft 
préfentée  au  parlement  de  Paris  dans  l'efpéce  fui- 
vante  ; 

M^  Maupaft  avoît  été  Procureur  de  M.  le  duc  de 
Gefvres ,  fie  avoit  occupé  pour  lui  dans  toutes  fes 
affaires.   La  date  de  la  procuration  donnée  à  M"; 

X  X  X  X  Ij 


7ï«?  PROCUREUR, ôrc; 

MaiipaH: ,  eft  de  1716'.  M^  Maupaft  a  formé,  eh 
1739,  ""^  demande  en  payement  de  Tes  frais, 
avances  &  falaires ,  contre  M.  le  duc  de  Gefvres. 
Un  arrêt  de  1741  a  liquidé  fes  créances  à  la  femme 
de  trois  mi!!e  &  quelques  cents  livres,  &  a  con- 
damné M.  le  Duc  au  payement  du  montant  de 
cette  fommc.  A  M*"  Maupafta  fuccédé  M'  Ravifi , 
qui ,  nonobflant  l'arrêt  de  1741  ,  n'a  pas  été  payé  : 
il  y  a  eu  un  ordre  de  créanciers  ;  le  Procureur  a 
été  colloque  dans  l'ordre  des  créanciers  en  1759. 
Cependant  M^  Ravifi ,  oncle,  n'étoit  pas  encore 
payé  du  montant  de  fes  créances  ,  lorfqu'il  eft  dé- 
cédé. A  fa  mort ,  M"  Ravifi ,  neveu  ,  légataire  uni- 
verfel  de  Ton  oncle  ,  ayant  trouvé  cette  créance 
dans  fa  fucceffion  ,  s'elî  pourvu  contre  M.  le  duc 
de  Gefvres  fils,  &  les  créanciers  de  M.fonpére, 
pour  obtenir  le  payement  de  fa  créance.  Alors  s'eft 
élevée  entr'euxla  queftion  de  favoir  ,  à  quelle  date 
devoit  remonter  l'hypothèque  du  Procureur  pour 
le  rembourfement  de  fes  avances  ;  fi  c'ctoit  à  celle 
du  jour  de  la  procuration  qui  lui  avoit  été  donnée  , 
ou  à  celle  du  jour  de  l'arrêt  de  liquidation  du  mon 
tant  de  fes  avances  ,  frais  &  vacations, 

M"  Ravifi  ,  défendu  par  M.  Hutteau  ,  a  foutenu 
que  l'hypothèque  devoit  remonter  à  la  date  de  la 
procuration;  il  a  cité,  à  lappui  de  fa  préteiuion,  trois 
arrêts  qui  l'ont  ainfi  jugé  ',  un  de  U  troifùme  chatnbrt 
des  enqiiiies,  rendu,  confultïs  clajjlbus  en  1672; 
Vautre  ,  du  14  mars  1750  ;  «S»  le  dernier  ,  de  iT'^g. 

Les  créanciers  de  feu  M.  le  duc  de  Gefvres , 
«îéfendiis  par  M.  Scionnet ,  &  M.  le  duc  de  G.:f- 
vres  fils  ,  défendu  par  M.  Doulcet,  ont  préten- 
du que  l'hypothèque  ne  pouvoit  avoir  lieu  que  du 
jour  delà  demande,  ou  de  la  condamnation  ob- 
tenue ;  qu'il  étoit  ridicule  de  la  faire  remonter  plus 
haut,  n'ayant  pas  d'objet  avant  les  frais  faits, 
dont  on  a  demandé  le  payement ,  &  obtenu  la  con- 
damnation. 

On  a  répliqué  pour  M*  Ravifi ,  en  citant 
l'exemple  du  pupille  qui  a  hypothèque  fur  les 
biens  de  fon  tuteur  ,  du  jour  de  l'acceptation  de 
la  tutelle  ,  pour  les  fommes  dont  le  tuteur  peut 
être  redevable  ,  au  moment  de  la  reddition  de 
fon  compte. 

Sur  ces  plaidoiries  contradiâoires  eft  intervenu 
arrêt  le  5  février  1782,  qui  a  ordonné  que  les 
parties  de  M""  Scionnet  feroient  tenues  d'employer 
&  coUoquer  la  partie  de  M""  Hutteau  (  Ar  Ravifi  ) 
dans  l'ordre  &  contribution  des  créanciers  de  feu 
M.  le  duc  de  Gefvres,  gouverneur  de  Paris,  à 
l'hypothèque  du  23  mai  1716  ,  date  de  la  procura- 
tion générale ,  &  ce  pour  toutes  les  fommes  en 
principal ,  intérêts  ,  frais  &  mifes  d'exécution  ,  dus 
à  la  partie  de  M^  Hutteau  ,  tant  pour  vacations  & 
deniers  débourfés ,  que  pour  frais  6c  falaires  ,  &  a 
condamné  les  parties  de  M"  Scionnet  aux  dépens 
envers  celle  de  M*  Hutteau  ;  ceux  faits  entre  les 
parties  de  M*"  Scionnet  6c  de  M*"  Doulcet ,  com- 
penfés. 

Lorfqu'Hne  partie    obtient  une  cendaranation 


PROCUREUR, &c; 

de  dépens  que  le  Procureur  a  avancés,  il  peut  en  de* 
mander  la  diftraélion  ,  &  ,  dans  ce  cas  ,  les  dépens 
ont  la  même  hypothèque  que  le  titre. 

Suivant  la  jurifprudence  du  parlement  de  Paris," 
il  eft'  défendu  aux  Procureurs  de  retenir  les  titres 
&  pièces  des  parties ,  fous  prétexte  de  défaut  de 
payement  de  leurs  frais  &  falaires  ;  mais  on  ne 
peut  les  obliger  de  rendre  les  procédures,  qu'-'s 
ne  foient  entièrement  payés. 

La  déclaration  du  11  décembre  1597,  porte, 
que  les  Procureurs  ,  leurs  veuves  &  héritiers  ne 
pourront  être  pourfuivis  ni  recherchés  ,  direfte- 
ment  ni  indireflement ,  pour  la  reftitution  des  facs 
6i  pièces  dont  ils  fe  trouveront  chargés  cinq  ans 
avant  l'a^lion  intentée  contr'eux,  lefquels  cinq  ^ns 
paffés  ,  l'avion  demeurera  nulle  ,  éteinte  ,  &  pref- 
crite  ;  l'arrêt  d'enregiftrement  du  15  mars  1603, 
porte,  qu'ils  feront  pareillement  déchargés,  au 
bout  de  dix  ans  ,  des  procès  indécis  &  non  jugés  , 
de  ceux  qui  font  jugés  au  bout  de  cinq  ans ,  8i  lUe 
leurs  veuves  ou  autres  ayant  droit  d'eux  feront  dé- 
charges au  bout  de  cinq  ans ,  après  le  décès  des 
Procureurs,  des  pro' es  ,  tant  jugés  qu'indécis. 

Les  procédures  qui  font  dans  l'étude  a'un  Pro- 
cureur ,  forment  ce  qu'on  appelle  fa  pratique  ;  c'eft 
un  effi;t  mobilier  que  les  Procureurs  ,  leurs  veuves 
Si  héritiers  ,  peuvent  ,  de  droit  commun  ,  vendre 
avec  l'office  ou  féparément. 

*  M.\is  il  en  eft  au  rement  au  parlement  de  Paris. 
Les  abus  qui  sintroduifoient  depuis  quelques  an- 
nées dans  la  vente  des  offices  &  pratiques  des  Pro- 
cureurs, ont  do^'nélieu,  en  1763  ,  à  une  délibé- 
ration de  la  communauté  ,  dans  laquelle  il  a  été 
arrcré,  1°.  que  les  objets  que  les  Procureurs  ou 
l-jurs  héritiers  voudroicnt  mettre  en  réferve,  feront 
eftimés  comme  le  ref!e  de  la  pratique  .  &  ne  pour- 
ront être  vendus  au  deffous  de  l'eftimatioir,  %°.  que 
les  Procureurs,  afluellement  en  titre,  ne  pourroient 
acquérir  un  fécond  office  pour  le  revendre. 

Cette  délibération  ayant  été  ptéfentée  à  la  cour 
pour  y  être  homologuée ,  il  eft  intervenu  le  10  juin 
1763  ,  arrêt  qui  l'homologue  ;  «  &  faifant  droit  fur 
»  les  conchfions  de  M.  le  Procureur  général  du 
"  roi .  ordonne  que  les  procureurs  ,  aéluellemcnt 
»  en  titre  ,  ne  pourront  vendre  ni  acquérir,  foit  le 
»  titre  ,  foit  la  pratique  d'aucun  de  leurs  confrères , 
'»  conjointement  ni  féparément ,  même  fous  le 
"  prétexte  de  revendre  le  titre  ou  la  pratique  : 
»)  comme  auffi  que  les  Procureurs ,  actuellement 
»  en  titre  ,  ne  pourront  vendre  ni  donner ,  ou  au- 
3)  trement  difpofer  de  leurs  pratiques  ou  de  partie 
»  d'icelles  en  faveur  de  quelques  perfonnes ,  les 
«  acquérir  féparément  du  titre  defdits  offices ,  le 
»  tout  fous  peine  de  nullité  des  contrats.  Ordonne 
»  pareillement  qu'en  cas  de  décès  d'un  Ptecurcur 
»  à  la  cour  ,  fes  veuve  ,  enfans  ,  héritiers ,  ou 
»  ayans-caufe,  ne  pourront  vendre  les  titres  des 
j»  offices  ni  les  pratiques  ,  féparément  l'un  de  l'au* 
>»  tre  ,  fous  pareille  peine  de  nullité  des  contrats  : 
n  à  l'effet  de  quoi ,  audit  cas  de  décès  d'un  Procu- 


P  R  O  C  U  R  E  U  R  ,  &c. 

i>  reur  à  la  cour  ,  (on  fucceffeur  à  l'office  ne 
»»  pourra  être  reçu  ,  &  les  procureurs  à  la  cour 
>»  ne  pourront  lui  donner  Vadmittatur  ^  qu'il  n'ait 
»  juAifié  de  fon  contrat  d  acquifition  ,  &  qu'il  n'ap- 
»>  paroiffe  par  icelui  que  le  titre  de  l'ofRce  &  la  pra- 
»  tique,  fans  rèfervc  ni  exception  quelconques, 
»  ont  été  vendus  conjointement  &  à  la  même  per- 
»  Jonnt.  Ordonne  pareillement  qu'en  cas  de  vente 
»  defdits  offices  fur  faifie-réellc  ,  le  Procureur  qui 
»  fera  dépolTé  é  ne  pourra  vendre  ni  difpofer  de 
»  tout,  ni  de  par:ic  de  fa  pratique,  en  d'autres 
»'  mains  qu'en  celles  de  l'adjudicataire ,  6c  ce  ,  fur 
»  le  pied  que  l'eftimation  en  fera  ou  en  aura  été 
»  faite  par  les  Procureurs  de  communauté  :  or- 
»  donne  qu'en  cas  de  contravention  au  préfent 
»  arrêt ,  les  Procureurs  de  communauté  feront  te- 
*  nus  d'tn  donner  avis  au  Procureur  gênerai  du 
»  roi  ,  pour  par  lui  fe  pourvoira  la  cour,  &  faire 
»>  prononcer  la  nullité  des  contrats  ,  &  être  ,  en 
»»  outre,  les  contraiflans  condamnés  à  telle  arnen- 
»  de  ou  telle  autre  peine  qu'il  appartiendra.  Or- 
"  donne  que  l'arrêt  fera  imprimé,  lu  &  publié;  ^  ; 
»  a  cnjoiru  aux  Procureurs  de  communauté ,  ainfi 
»  qu'aux  officiers  de  la  Bazoche  ,  de  veiller  à  ce 
»  qu'il  n'y  foit  contrevenu  "  *. 

Les  Procureurs  ne  peuvent  être  cautions  pour 
leurs  parties;  ils  ne  peuvent  prendre  le  bail  judi- 
ciare,,  ni  fc  rendre  aijudicataire  des  biens  dont 
ils  pourfuivent  le  dccet  ,  a  moins  qu'ils  ne  (aient 
créanciers  de  leur  c'if  ,  &  pourfuivans  en  leur 
nom  ,  fuivant  le  règlement  du  parlement  du  22 
juillet  1690. 

Quand  \in  Procureur  fe  trouve  en  même- temps 
chargé  de  d- fendre  ks  intérêts  du  mari  &  de  la 
femme  ,  il  ne  doit  p  is  faire  une  double  procédure , 
ni  agir  pour  chacun  d'eux  féparément.  Le  parle- 
ment de  Paris  l'a  aiufijugé  par  arrêt  dn  23  o^lobre 

i7^4-    -       ,,    . 

Suivant  l'édit  des  criées  de  155  i  ,  les  enchères 
des  biens  dont  on  pourfuit  l'adjudication  en  juflice  , 
ne  peuvent  fe  faire  que  par  le  miniftére  des  Procu- 
reurs. Voyir\  ce  qut  noui  avons  dit  Jur  cet  objet  à 
V article  ENCHERE. 

On  a  prétendu  que  les  Procureurs  étoient  inca 
pables  de  recevoir  des  donations  univerfelles  de 
la  part  de  leurs  cliens,  durant  le  cours  d'un  procès  ; 
mais  il  y  a  des  exemples  que  de  telles  libéralités 
ont  été  confirmées  :  ainfi  la  validité  des  legs  ou 
donations  de  cette  efpécc  dépend  des  circonftances 
qui  peuvent  écarter  les  foupçons  de  fuggeftion. 

Ily  a  à  cefujet  un  arrêt famt^ux du  22  juin  1700  , 
qui  confirma  un  legs  univerfel  ,  valant  plus  de 
cinquante  mille  écus,  que  la  dame  Buat  avoir  fait 
par  un  reflame-t  olographe  ,  trois  ans  avant  fa  mort, 
à  M^  François  Pilon,  fon  Procureur  au  châtelet. 
Après  la  prononciation  de  l'arrêt ,  M.  le  premier 
prédident  du  Harlay  dit,  que  la  cour  avertiffoit  le 
barreau  ,  qu'en  confirmant  la  difpofjtion  faite  au 
profit  de  Pilon  ,  elle  n'entendoir  pomt  autorifer  les 
donations  faites  au  profit  de  perfonaes  qui  ont  l'ad- 


PROCUREUR, ^0      717 

minlftratlon  des  affaires  d'autrui  ;  que  la  dêcifion 
de  ces  caufes  dépendoit  des  circonftances  du  fait  ; 
que  ce  qui  avoir  déterminé  la  cour,  dans  l'efpêce 
particulière  ,  à  confirmer  le  legs ,  étoit  la  probité  & 
le  défintéreflement  de  François  Pilon ,  reconnus 
dans  le  public. 

Quelques  auteurs  ont  prétendu  que  la  profef- 
fion  de  Procureur  dérogeoit  à  la  nobleli'e  :  mais 
cette  opinion  n'eft  tout  au  plus  fondée  qu'à  l'égard 
des  Procureurs  des  fiéges  inférieurs  ;  quant  aux 
Procureurs  des  cours  iouveraines,  nos  meilleurs 
auteurs  font  d'avis  qu'ils  ne  dérogent  pas,  C'eilainfi 
que  l'ont  penfé  Balde  ,  Budée  ,  Tiraqueau,  Pithou  , 
Guy  pape  ,  la  Rocheflavin  ,  Zypœus  ,  Chriftin  , 
Deghewiet,  &c. 

Il  y  a  même  une  déclaration  du  6  feptembre 
1 500,  obtenue  par  les  Procureurs  de  la  chambre  des 
comptes  de  Paris ,  qui  porte  qu'ils  ne  dérogent 
point  à  la  ncble/Te. 

C'efl  auffi  ce  qui  rêfulte  de  divers  arrêts  que  lesf 
parleraens  de  Touloufe ,  de  Bordeaux  &  de  Bre- 
tagne ont  rendus  en  faveur  de  plufieurs  Procu- 
reurs exerçant  dans  ces  cours. 

Par  arrêt  rendu  au  confeil  d'état  du  roi  le  i  ç  mai 
Ï764,  fa  majefté  a  déclaré  que  les  fonds  que  les 
comptables  étoient  dans  l'ufage  de  remettre  à  leurs 
Procureurs  des  comptes  pour  acquitter  leurs  dé-  , 
bets  ,  ne  feroicnt  à  l'avenir  regardés  que  comme 
un  dépôt  de  confiance ,  pour  raifon  duquel  ces 
comptables  ne  pourroient  acquérir  leur  libération  , 
ni  aucun  privilège  ou  hypotlièque  pour  la  refti- 
tution  ,  dans  le  cas  où  les  mêmes  Procureurs  n'au- 
roient  pas  porté  ces  fonds  au  tréfor  royal ,  &  fe- 
roient  devenus  infolvables. 

PROCUREUR  DU  ROL  C'eft  un  officier  qui 
remplit  les  fondions  du  miuiilère  public  dans 
une  juftice  royale,  telle  qu'un  bailliage,  une  pré- 
voie ,  OLQ. 

L'établiffement  des  Procureurs  du  rot  eft  fore 
ancien  :  il  y  en  avoit  dès  le  treizième  fiécle,  com- 
me le  prouvent  les  regiflres  du  parlement. 

En  entrant  en  charge  ,  ils  dévoient  prêter  fer- 
jnent  de  <aire  juiiice  aux  grands  &  aux  petits ,  ik  à 
toutes  fortes  de  per.onnes  de  quelque  condition 
qu'elles  fuîlent ,  &  (ans  aucune  exception  ;  qu'ils 
conierveroient  le*»  droits  du  roi,  fans  faire  préju- 
dice à  perfonne;  enfin,  qu'ils  ne  recevroient  ni  or 
ni  argent,  ni  aucun  autre  don  ,  quel  qu'il  fijt,finoa 
des  chofes  à  manger  ou  i  boire  ,6i  en  petite  quan- 
tité ;  de  manière  que ,  fans  excès ,  tout  pût  être  con« 
fommé  en   un  jour. 

A  chaque  caufe  qu'ils  pourfuivoienr ,  ils  dé- 
voient prêter  le  ferment ,  appelé  ,  en  droit ,  c4- 
lumnite. 

Lorfqu'ils  prenoientdes  fubilituts  ,  c'êtoit  à  leurs 
dépens. 

Ils  ne  pouvoienr  pas  orcuper  p'nir  les  parties, 
à  moins  que  ce  ne  {m  }^o\\x  leurs  jr^rcns. 

Philippe  V  .  par  (on  ordonnance  du  18  juillet 
13 18,  fupprima  tous  les  Procureurs  du  roi ,  à  !'»• 


7i8  PROCUREUR, &:c: 

ception  de  ceux  des  pays  de  droit  écrit  ;  &  il  or- 
donna que,  dans  le  pays  coutumier ,  les  baillis 
foutiendroient  fes  caufes  par  l>on  conjeil  quils  pren- 
draient. 

Le  Procureur  du  roi  ne  devoir  faire  aucune  pour- 
fuite  pour  déltis  &  crimes  ,  qu'il  n'y  eût  informa- 
tion &  fentence  du  juge. 

Il  ne  pouvoir  pas  non  plus  fe  rendre  partie  dans 
quelque  caufe  que  ce  fût,  à  moins  qu'il  ne  lui  fût 
ordonné   par  le   juge   en   jugement  ,  &  parties 


ouïes. 


Les  Procureurs  du  roi  qui  quittoient  leur  char- 
ge ,  étoient  tenus  de  refter  cinquante  jours  ,  depuis 
leur  démifïïon ,  dans  le  lieu  où  ils  exerçoient  leurs 
foiiâions  ,  pour  répondre  aux  plaintes  qu'on  pou- 
voir faire  contr'eux. 

Il  y  a  préfentement  des  Procureurs  du  roi,  non- 
feulement  dans  tous  les  fiégcs  royaux  ordinaires  , 
mais  aufiTi  dans  tous  les  fiéges  royaux  d'attribution 
ik  de  privilège. 

Ils  font  fubordonnés  au  Procureur  général  de  la 
cour  fiipérieure  à  laquelle  reflbrtit  le  tribunal  où 
ils  font  établis;  c'eft  pourquoi,  quand  on  parle 
d'eux  dans  cette  cour ,  on  ne  les  qualifie  que  de 
iubftitus  du  Procureur  général ,  quoique  la  plupart 
d'entr'eux  aient  eux-mêmes  des  fubftituts  ;  mais  , 
rians  leurs  fiéges  ,  ils  doivent  être  qualifiés  de  Pro- 
cureurs du  roi. 

Nous  allons  rapporter  les  principales  difpofi- 
tions  des  ordonnances  &  réglemens  relatifs  aux 
fonâions  &  aux  obligations  des  Procureurs  du 
roi (i). 


(j)  La  Lorraioi  a  fur  cette  matière  une  loi  particulière  dans 
V ordonnance  du  duc  Léopold,  du  mois  de  novembre  J707,  Le 
titre  qui  concerne  les  Procureurs  du  roi  contient  les  difpojitions 
Juivnntes  : 

Article  i.  Nos  Procureurs  porteront  la  parole  pour  nous 
es  audiences  ,  &  concluront  es  procès  èfquels  bous  aurens 
intérêt ,  ou  les  communautés  ,  corps  de  métiers ,  les  mineurs , 
ou  le  public. 

2,  Il  en  fera  de  même  en  matière  de  différends  d'officiers 
de  jufticc  ,  pour  leurs  droits  &c  fondions  ;  comme  auflî  pour 
îes  préféaaces  ,  privilèges  de  noblefle  ,  franchifes  ,  &  tout  ce 
qui  peut  concerner  la  police,  l'ordre  public,  &:  l'état  des 
pcrfonnes. 

5.  Ils  auront  droit  pareillement  de  conclure  «n  toutes 
affaires  cfquelles  il  s'agira  de  l'entérinement  de  lettres  de 
nous  obtenues,  foit  qu'elles  foient  principales,  foit  inciden- 
tes, à  l'exception  de  celles  qui  feront  fondées  feulement 
fur  dol  réel  entre  majeurs  ,  pour  léfiea  d'outre  moitié  de 
jufte  prix. 

4.  Les  déclinatoires ,  demandes  en  renvois  ,  appels  d'in- 
compétence ,  conHits  &:  différends  de  juridiûion,  ne  pour- 
ront être  jugés  fans  leurs  conclufions  ,  qui  feront  auffi  nécef- 
fairesfur  les  requccesà  findeparearij. 

5.  Ils  auront  auffî  communication  de»  procès  concernant 
les  fucceltoni  vacantes  &  abandonnées ,  pour  y  conferver 
notre  droit,  encore  qu'elles  foîent  défendues  par  les  cura- 
teur; en  [icre  ,  ou  autres  à  ce  commis. 

6.  Les  off.ciers  ne  pourront  être  reçus ,  C  leurs  provîlîcns , 
difpenfes ,  certificats ,  &:  autres  titres,  ne  font  communi- 
qués à  nos  Procureurs,  pour  y  donner  des  conclufions,  foit 

fiéparatoires,  fois  définitives. 


PROCUREUR,  «rc* 

Ces  officiers  font  tenus  de  veiller  à  l'obfervatîori 
des  loix  &  ordonnances  du  royaume.  Ils  adreffent 


-.Nos  Procureurs  feront  parties  neceffaires  dan.  tous  le* 
ptaces  de  gtand  criminel ,  qui  ne  pojtfont  s'inlltuire  qu'à 
leurrcquête.oubien  à  leur  adioaition,  s  il  y  a  p.ntic  ci- 
vile. Hen  fera  de  même  des  attaires  d'injures,  lorfqu'elles 
ferotit  atioces  ,  &  des  excès  &c  voies  de  fait ,  iorf  .u'ils  leiont 
qualifiés  &  qu'il  y  aura  rapport  de  chirurgiens  ,  lequel  leur 
fera  mis  eatre  les  mains ,  li  c'eil  pour  plaider  à  l'audience 
finon  fera  joint  au  procès,  * 

8.  Ordonnons  que  coui  les  procès ,  même  inftruits  au  petit 
criminel ,  èfquels  le  délit  ieta  difppfé  à  quelque  amende 
excédaat  l'amende  coutumière  de  plainte  ,  ou  même  à  con- 
damnation d'aumône  ,  leur  feront  communiqués ,  pojr  y 
donner  leurs  conclufions  ;  mais  Ci  les  procès  fonr  civiJifts  ils 
pourront  être  juges  f^ns  conclufions. 

5.  La  taxe  de  nos  Procureurs  es  commiflions  fera  toujours 
réduite  aux  trois  quarts  de  celle  du  commiffaiie  ,  de  quelque 
qualité  qu'il  foit ,  es  commiflions  qui  feront  faites  à  la  c:m. 
pagne  ;  &  aux  deux  tiers,  es  cemmitfions  en  vil'e  5  à  charte 
titanmoins  que  latfqu  il  y  aura  partie  civile  èfdites  comiûif. 
lions  en  ville ,  comme  informations  ,  récollemens  &  cen^ 
frontations ,  ils  auront  feulement  le  droit  de  leurs  conclu- 
lions  au  bas  de  chacun  acie  ou  procès-verbal  auquel  il$  m^ 
ront  conclu,  à  raifoii  du  tierj  des  épices  ,  s'il  intervient  ju- 
gement; finon  à  raifbn  d'un  franc  pour  chaque  conclulion  es 
bailliages ,  huit  gros  es  prévôtés  &  juftices  inférieures. 

I  a.  Ils  nç  pourront  aflifter  aux  vues  ni  defcentes  de  lieux  ' 
ni  es  enquêtes  faites  à  la  campagne ,  mêmç  es  affaites  èfquelle» 
les  mineurs  ou  les  communautés  auront  intérêt ,  lorfque  les 
uns  ôcles  autres  feront  défendus,  à  moins  que  l'une  &  l'autre 
des  parties  n'y  confeuteat  par  éctir  ,  fans  préjudice  néani 
moins  de  celles  èfquelles  il  s'agira  de  la  confervation  de  notre 
domaine ,  ou  d'un  abornement  de  finages  entre  deux  ou  plu« 
fieats  communautés  voifines. 

II.  Nos  Pfocurcurs  n'auront  aucune  cofnmunication  des 
demandes  intentées  en  réparation  de  trouble  ,  &  au  poflef- 
foire  purement  civil  entre  perfonne»  non  privilégiées  ;  Se 
dans  les  affaires  de  communaurés  portées  à  l'audience,  èfquel» 
les  ils  ont  droit  de  condute ,  ils  ne  pourront  prendre  un  don* 
ble  droit  de  conclufions ,  ni  ptendte  aulTi  aucun  droit  de  conv 
feil  i  pour  quelques  affaires  que  ce  foit. 

II.  Ils  ne  pourront  taxer  aucunes  aniendes  ;  mais  la  taxe 
en  fera  faite  à  leur  réquifitlon  par  les  juges. 

Ij.  EnjoignoDsànos  Procureurs  dans  les  bailliages  ,  qui 
ont  dtoit  déjuger  les  affaires  de  gturie  ,  de  faire  toutes  ré^ 
quifitions  péceffaites  pour  maintenir  l'prdre  des  juridiûionst 
&  revendiquer  les  caufes  de  jufiice  ordinaire,  qui  pourroienr 
être  portées  en  grutie,  ic  réciproquement  fani  aucune  faveuc 
ni  connivence ,  à  peine  d'en  répondre  en  leur  propre  6C 
privé  nom. 

14.  Laiffons  à  la  prudence  de  nos  juges  d'ordonner  la 
communication  à  nos  Procureurs,  des  caufes  qui  csncetnene 
qijelque  point  de  coutume  itrportant,  fur-tout  es  matières  de 
teftament ,  retrait  lignagcr ,  ou  autres  femblables ,  même  eii- 
tre  majeurs. 

i;.  Les  avocats  fetont  tenus  de  ccmmuniquer  à  nos  Pre*- 
cureurs  les  caufes  fujettes  à  communication ,  vi|igt-quatte 
heures  au  moins  avant  l'audience  ,  Se  leur  mettre  les  pièces 
entre  les  maiu: ,  pour  en  faire  leurs  extraits. 

16.  Nos  Precureurs  9e  pourront  être  intetrompus  en  plai< 
dant ,  ni  les  affaires  appointées  lorfqu'ils  feront  en  état  d'y 
parler ,  finon  après  avoir  été  entendus  ,  s'ils  le  requièrent. 

17.  Les  greffiers  feroHt  tenus  de  faire  mention ,  en  rédi-» 
géant  les  fentences ,  des  réquifiiions  que  nos  Precureurs 
trouveront  à  propos  de  faire  pour  notre  intérêt  ou  celui  i\\ 
public  ,  foit  que  nos  juge;  y  faffent  droit  ou  non, 

iS.  Nos  Procureurs  es  petits  bailliages  &  fièges  bailli^geri 
jouiront  de  la  faculté  de  poltulet  poui  Icîf  artiçs ,  mais  n'jiij 


PROCUREUR, &c. 

chaque  nouvelle   loi  aux  fiéges  de  leur  reùoit» 
pour  qu'elle  y  ibit  lue  &  publiée  j  6c  les  Procu- 


f oat  voix  délibéraclve  es  afifairc*  où  nous  n'aurons  aucun  in- 
térêt ,  (Inon  dans  les  (irgcsoù  l'accribution  de  la  voix  délibé- 
racivc  leur  aura  ccé  faicedancicnnecc,  ou  parl'édit  de  créa 
tion  desotHces ,  â-cbaige,  en  ce  cas ,  de  ne  pouvoir  polluler  ; 
ifqueli  lîégei  il*  prendront  tang  comme  auparavant ,  (i  aucun 
ils  ont  eu  ,  quand  ils  voudront  faite  fondion  de  juges ,  (Inon 
du  jour  de  leur  réception  ■,  6c  à  charge  qu'ils  n'auionc  aucune 
part  dans  les  droici  d'aiidicoce  ,  ijuand  même  ils  y  aiïîite- 
ront  comme  juges. 

19  Ili  ne  pourroKC  moater  et  Héges  des  juges,  &.' dcfcen 
ite  i  leur  place  ordinaire  en  la  même  audience,  pour  éviter 
l'indécence  ;&  feront  néanmoins  appelés  par  les  juges,  en 
cai  de  contrariété  d'avis  ,  préférablement  aux  avocats  ic  pra 
«iciens  du  liège  ,  ht  affaires  èrquclies  ils  ne  prendront  aucun 
laterct. 

20  Ils  auront  un  lîége  réparé  au  pied  des  ju^es  ,  dans  le 
f  arquet  ou  à  côté ,  félon  la  difpolîtion  du  lieu. 

ftio  lUauron;  un  cegiilre  en  bonne  forme  ,  pour  recevoir 
les  dénonciations  de  partie*,  qui  feront  circonitanciccs  & 
fi^néet. 

2t..  Ils  ne  feront  tenus  d'attendre  des  dénonciateurs  pour 
faire  punit  les  criiuet ,  quand  les  prévenus  feront  arrêtes  en 
âagcaat  délit  ou  à  la  clameur  publique,  ou  quand  il  y  auia 
évidente  famé  ou  tenommée» 

i).  Ne  pourront  compofer  avecles  accufés  avant  ou  apiès 
i'aecufatien  ,  â  peine  de  conculfion. 

24.  Ils  feront  tenus  d'en  voxef  de  fix.  mois  en  Q.x  mois,  à 
notre  Procureur  général  ea  notre  cour  fouveraine  ,  un  éiac 
des  procédures  criminelles  qui  feront  pendantes  en  leur  fiége  , 
en  y  exprimant  le  titre  de  l'accufation  ,  &:  les  procédures  qui 
auront  été  faites  pour  l'inllruéi^ion. 

iç.  En  cas  d'abfence,  maladie  ;  ou  légitime  empêchement, 
leurs  fondions  feront  fupplées  par  le  plus  ancien  avocat  du 
fiége,  i  l'exception  des  lieux  où  il  y  aura  un  fubltitut  en 
titre  d'office. 

1^.  Ils  auront  droit  d'aflîfter  aux  afTemUlées  de  police  &: 
aux  délibérations  des  hotels-dc-ville  du  liet]  de  leur  établi!- 
fcisent,  avec  place  honorable  ,  ic  feront  toutes  réquifuions 
néceffaires  pour  le  bien  de  notre  fervice  fie  celui  du  public  , 
fans  rien  innorer  en  la  forme  établie  à  cet  égard  en  notre 
ville  de  Nancy. 

17.  Ils  auront  droit  de  faire  les  tuteles  ,  curatelle?  ,  éman- 
cipations ,  inventaire  de  bien  de  mineurs ,  &  autres  fondions 
pareilles,  dans  les  lieux  où  les  cbuiumes  leur  défèrent  cette 
prérogative  ;  à  charge  qu'ils  fe  fervitont  du  miiiiltére  des 
greffiers  ordinaires,  qui  feront  obligés  de  tenir  des  regiftrcs 
des  affaire»  tutélaire»  ,  fcparés  des  autres  matières. 

28  Déclarons  Je  règlement  fait  le  ai  décembre  Itf  j  j ,  pour 
J'exercice  de  juridiâion  tutélaire  au  bailliage  de  Nancy ,  com- 
mun pour  toii%  les  lièges  cfquels  nos  Procureurs  ou  ceux  des 
feigneurs  jouifFent  de  cette  prctogative  ;  6c  en  conftquence  , 
ne  pourront  ouïr  le»  comptes  de  tutclc  ,  fauf  à  y  aflîfter 
feulement,  ni  faire  faire  pardevant  eux  les  décrets  des  biens 
des  mineuts ,  lefquds  feront  faits  de  l'autorité  des  juges. 

19.  Ils  appoferoi  t  le  fcelléè»  maifons  mortuaires,  incon- 
tinent après  la  mort  de»  perfonnes  décédées  ,  quand  il  y  aura 
des  enfans  mineur»  ,  loifque  le»  futvivans  n'emporteront 
point  tous  les  meuble»  ,  (oit  en  vertu  de  la  coutume  ,  foit  en 
vertu  du  conitat  de  mariage  qui  aura  été  paifé  ;  &:  requerront 
feulement  cette  appofition  èi  lieux  où  il  n'y  aura  que  des  hé- 
litiers  prcfomptifs  ,  majeurs  &  abfens  ,  de  même  qu'es  cas 
d'aubaine,  de  déshérence,  main-morte  ,bâtaidife,  &i  autres 
droirs  de  pareille  nature. 

30.  Les  fondtions  cideflii»  feront  exercées  par  nos  Procu- 
teurs  es  bailliages ,  fur  le»  biens  des  perfonnes  feulement  qui 
7  font  )ufticiabTe»  en  première  inftance  ;  &  Je  même  droit 
«pf  artiiBdtii  4yx  fubftilUH  de  nos  piévôt»  li  Procuieurs  d'of- 


PROCUREUR, &c.       719 

teurs  fifcaux  de  ces  fièges  doivent  certifier  les  Pro' 
cureurs  du  roi  de  cette  ledtiiie  &  publication.  C'eii 
ce  qui  rélulte  de  divers  réglemens  ,  &  particulière- 
ment d'un  arrêt  du  22  juillet  1752. 

L'article  5  de  l'ordonnance  de  Moulins  veut  que 
les  Procureurs  du  roi  faflent ,  chaque  année  ,  un 
état  des  ordonnances  mal  obfervées ,  &  qu'ils  l'en- 
voient aux  Procureurs  généraux  des  parlemens  , 
avec  le  détail  des  caufes  de  cette  négligence,  afia 
qu'il  y  foit  remédié. 

Suivant  les  ordonnances  de  Moulins  &  deBlois, 
les  Procureurs  du  roi  font  obligés  de  veiller  à  la 
Confervation  du  domaine  &  des  droits  de  fa  ma- 
jefté,  &  d'empêcher  qu'il  ne  foit  fait  d'autres  levées 


tîce  des  feigneurs,  chacun  à  leur  égard,  fur  les  biens  des 
perfonnes  qui  font  foumifes  à  leurs  juiididions. 

ji.  Dans  les  lièges  où  nos  Procureurs  exercent  la  juridic- 
tion tutélaire,  loriqu'il  s'agira  de  faire  inventaire  des  biens 
de  uiiiieurs  ,  en  cas  de  décès  des  pères  ou  mères,-  fi  le  furvi- 
vant  excipe  qu'il  n'y  a  point  d  inventaire  à  faire  ,  foit  à  caufe 
de  la  difpoluion  de  la  coutume ,  attributive  des  meubles  au 
furvivant ,  foit  par  les  conventions  du  contrat  de  mariage  , 
donation,  ou  autie  titre  authentique  qui  fera  repréfenté;  il 
en  lera  dteffé  un  procès-verbal  fomma:re  ,  pour  lequel  ils 
pourront  fe  taxer  un  droit  modique  ;  après  quoi  ils  fe  retire- 
tont  fans  faire  inventaire.  Ce  que  nous  déclarons  commun 
pour  les  juges  mêmes,  lorfqu'il  leur  fera  repréfenté  des  Pro- 
curaiiuns  en  bonne  forme  des  héiitiers  ablens  majeurs  ,  pour 
inventorier  Se  partager  les  effets  à  l'amiable. 

}i.  Les  appellations  des  adts  &  otdonnances  de  nos  Pro- 
cureur» en  fait  de  jurididion  tutélaite  ,  feront  portées  &  re- 
levées en  notre  cour  fouveraine  ;  &  celles  des  fublHruts  de» 
prévôtés  &  judiccs  feigneuriales  feront  relevées  en  nos  htU- 
liages  &  fieges  bailliagers. 

}}•  Lorfqu'cn  cas  d'abfence ,  maladie  ,  ou  légitime  empê- 
chement de  nos  Procureurs,  leurs  fondions  feront  fuppléée» 
par  le  plus  ancien  avocat  du  liège,  il  fera  tenu  de  leur  re- 
partager la  moitié  des  émolumens  en  provenant  ,  pourvu  que 
lefdites  fondions  foienr  faites  en  ville  &  dans  rétabliffement 
du  liège;  mais  hors  d'icciui  ,  le  tout  appartiendra  à  l'ancien 
avocat. 

34.  Les  înftaBccs  &:  procès  qui  devront  être  communiqué» 
à  nos  Procureur»  ,  leur  feront  mis  es  mains  par  le  greffier, 
aufli-tôt  qu'ils  feront  en  état  ,  pour  y  donner  leurs  conclulion» 
dans  trois  jours  au  plus  tard  ,  &  les  reiiietcre  enfuite  au  greffe, 
en  le  failant  déchatger  fur  le  regilhe  ;  &  li  les  greffiers  y 
avoient  manqué  ,  les  rapporteurs  fer«int  tenus  de  le  faire. 
Détendons  a  nos  juges  de  juger  aucuns  procès  de  cette  qua- 
lité  fans  condufions  de  nos  Procureurs ,  d  peine  d'en  réoon» 
dre  en  leur  pur  &  privé  nom  ,  même  de  nullité  s'il  échct 
en  certains  cas  ,  ic  de  tous  dépens  ,  dommages  &  intérêts. 

5  ç.  Ils  tiendront  la  main  à  ce  que  toutes  nos  ordonnance» 
foient  gardées  &:  exécutées ,  publiées  &  regiflrées  où  befoin 
fera.  A  l'eflet  de  quoi  ils  feront  tenus  de  les  envoyer  dans  le» 
prévôtés,  ainfi  que  les  réglemens  de  nos  compagnies  fouve- 
raines,  &  fe  faire  rendre  compte  par  les  fubllituts  des  prévô- 
tés ,  de  TenregirtrerHent  &  publication  qu'ils  en  auront  fait 
faire  ,  dont  fera  envoyé  ade  de  publication  ^  ce  qu'ils  feront 
auffi  de  leur  part  à  l'égard  de  nos  Procureurs  généraux. 

36.  Toutes  expéditions  de  juftice  fe  feront  gratuitement 
&:  fans  frais ,  foit  en  première  inlîance  ,  foit  en  caufe  d'ap» 
pel,  foit  es  affaires  civiles  ou  criminelles,  pour  nos  Procu- 
reur» ,  lorfqu'ils  agiront  d'office  ;  à  charge  néanmoins  que 
s'ils  obtiennent  condamnation  de  dépens,  ils  feront  toute» 
diligences  pour  les  tecouvrer  fur  les  parties  condamnées ,  fie 
payeronr,  en  cas  de  recouvreiacnt  ,  le»  frais  defdites  expédia 
lions ,  dvnt  ils  fctoat  tenu»  de  rcndie  cvnaptc  j  j'il  écbet. 


7io  PROCUREUR, &c. 

de  deniers  ,  que  celles  qui  font  autorifées  par  des 
édiis  on  ordonnances  du  roi. 

Ils  doivent ,  conformément  à  Tédit  du  mois  de 
juin  1666  ,  empêcher  qu'il  ne  fe  faffe  des  aiTeni- 
blécs  illicites  ,  ni  aucun  établiflcment  de  congréga- 
tion ,  communauté  ou  confrairie ,  fans  lettres-pa- 
tentes du  roi  dûment  vérifiées. 

Ils  font  tenus  de  veiller  à  l'exécution  des  ordon- 
nances concernant  la  difcipline  du  palais.  C'eft 
pourquoi  leurs  conclufions  font  néceffaires  lorfque 
les  juges  veulent  ordonner  quelque  chofe  au  fujct 
de  cette  difcipline,  ou  changer  l'ordre  &  l'heure 
des  audiences.  C'eft  ce  qui  réfulte  de  deux  arrêts 
des  premier  février  1694  6c  22  juillet  1752. 

S'il  arrive  que  quelques  officiers  dufiège  s'écar- 
tent de  leur  devoir  ,  le  Procureur  du  roi  doit  les 
exhorter,  avec  prudence  &  ménagement ,  d'y  ren« 
trer;  &  fi  fes  remontrances  ne  produifent  aucun 
effet,  il  doit  informer  k  Procureur  général,  pour 
<|u'il  y  pourvoie. 

L'article  14  du  titre  24  de  l'ordonnance  du  mois 
de  novembre  1667,  charge  les  Procureurs  du  roi 
d'avertir  les  Procureurs  généraux  ,  des  contraven- 
tions qu'un  juge  peut  commettre  contre  les  difpo- 
fitions  relatives  aux  follicitations  auxquelles  il  eft 
autorifé  dans  les  procès  que  lui  ou  fes  parcns  peu- 
vent avoir  dans  la  juridiâion  où  il  eft  atraché. 

Les  Procureurs  du  roi  ne  peuvent  aflifter  à  la 
vifite  ni  au  jugement  d'aucun  procès  ,  foit  civil 
ou  criminel  ;  mais  ils  ont  le  droit  d'entrer  ,  quand 
ils  jugent  à  propos  ,  à  la  chambre  du  confeil ,  pour 
y  faire  les  remontrances  &  les  réquifitions  qu'exige 
leur  minirtére;  &  après  que  leurs  concluions  font 
prifes  ,  ils  doivent  fe  retirer,  pour  qu'il  en  foit 
délibéré  par  la  compagnie.  Cela  eft  ainfi  ordonné 
par  différentes  lois  ;  telles  que  les  ordonnances  de 
juillet  1493  ,  novembre  1507,  OiSîobre  1535  ;  l'^^it 
«le  mars  1551  ;  l'ordonnance  du  mois  d'août  1670  ; 
l'édit  de  février  1705  ,  &  le  règlement  du  22  juillet 
1752,  rendu  pour  Tours,  dont  l'article  7  porte  , 
que  dans  le  cas  oïi  la  préfence  des  gens  du  roi 
fera  néce/Taire  ,  celui  qui  préfidera  fera  tenu  de 
leur  donner  audience,  &  le  greffier  d'écrire  les 
réquifitions  &  remontrances  qu'ils  feront ,  foit  à 
la  charnbre  du  confeil ,  foit  aux  audiences ,  ou 
ailleurs. 

L'article  8  du  même  règlement  veut  que,  confor- 
mément à  l'ufage  ,  les  gens  du  roi  faffent  leurs  ré- 
quifitions à  la  chambre  du  confeil,  debout ,  der- 
rière le  barreau  ,  «linfi  qu'ils  le  font  à  l'audience. 

Suivant  l'ordonnance  d'Orléans ,  le  Procureur 
du  roi  eft  tenu  de  s'informer  exaétement  des  vie  & 
mœurs  des  officiers  qui  doivent  être  rt^Çus  ,  &  ad- 
miniftrer  les  témoins  néceffaires  à  cet  effet. 

Il  doit  pareillement  veiller  à  ce  qu'il  ne  foit 
teçu  aucun  avocat  qui  n'ait  pas  rempli  les  for- 
malités prefcrites  par  la  déclaration  du  3  avril 
1710. 

Le  Procureur  du  roi  eft  obligé  de  tenir  différens 
regiftres  :  dans  l'un ,  il  doit  enregiftrcr  les  caufes 


PROCUREUR, &c: 

qui  concernent  l'intérêt  du  roi ,  ou  celui  du  public; 
ou  les  droits  de  la  juridi'flion  à  laquelle  il  eft  at- 
taché. 

Dans  un  autre ,  doivent  être  enregiftrées  les 
caufes  criminelles. 

Dans  un  autre  ,  les  dénonciations  ;  &  dans  un 
autre  ,  les  conclufions  concernant  les  affaires  qui 
lui  ont  été  communiquées. 

Toutes  les  caufes  qui  peuvent  être  pourfuivies 
à  la  requête  du  Procureur  du  roi  ,  doivent  lui  erre 
communiquées,  lorsqu'elles  font  pourfuivies  à  I4 
requête  d'une  partie  civile. 

On  doit  pareillement  lui  communiquer  toutes  les 
caufes  qui  peuvent  intéreiïer  le  roi  ,  l'égtife  ou  le' 
public  ,  &  celle  où  il  s'agit  de  l'obfervation  des  or- 
donnances ou  de  l'interprétation  d'une  coutume» 
C'eft  ce  qui  réfulte  d'un  grand  nombre  de  régle- 
mens  ,  tels  que  les  arrêts  rendus  au  parlement  de 
Paris  les  28  mars  1557,  18  juillet  i6.;8  ,  23  juin 
1649  '  ^  7  f^pti^iibrc  ï66o  ;  l'édit  du  moii  de  juin 
1661  ;  les  arrêts  de  la  même  cour  des  3  fcp- 
tembre  1667,  i2mai  1671  ,  31  août  1689,  8  juia 
1714,   &c. 

L'arrêt  de  règlement  du  30  juin  16^9,  rendu 
pour  Angoulême  ,  veut  que  les  gens  du  roi  aient 
communication  de  toutes  les  affaires  concernant  le 
domaine  de  fa  majefté  ,  le  fonds  des  biensde  l'égli- 
fe  ,  de  l'œuvre  6c  fabrique  des  paroifTes  ;  les  répara- 
tions des  églifes  ;  les  droits  honorifiques  &  les  bancs 
dans  réglife  ;  les  legs  faits  au  profit  de  l'églife , 
quand  il  n'y  a  ni  adminiftrateur  ni  marguillier  qui 
foit  partie;  les  dîmes,  &  les  droits  de  juftice  ,  de 
corvée  &  de  banalité  ;  les  réglemens  relatifs  aux 
arts  6c  métiers  ou  à  la  police,  &  les  réceptions 
d'officiers. 

Le  même  règlement  veut  que  l'on  communique 
pareillement  aux  gens  du  roi,  les  caufes  6c  procès 
où  les  communautés,  tant  laïques  qu'ecclèfiafti- 
ques  ,  font  parties  pour  raifon  de  la  propriété  de 
leurs  biens. 

Ils  doivent  auffi,  fuivant  ce   règlement,  avoir 
communication  des  affaires  concernant  les  ent-e- , 
prifes  ou  ufurpatlons   qui  tendent  à  gêner  le  paf- - 
fage  fur  les  grands  chemins  royaux  ,  &  ils  peuvent 
bftifîer  aux   defcentes  ôc  vifiteS  qui  fe  font  à  ce 
fujet. 

Cette  loi  veut  encore  que  les  affaires  concernant  , 
l'état  des  perfonnes  ,  les  (^éparations  de  corps  d'en- 
tre mari  &  femme  ,  les  infcriptions  de  faux  ,  &  les 
déclinatoires  foicnt  communi«[uésaux  gensdu  roi, 
6c  qu'ils  puiffent  aftfifter  ,  fans  frais ,  aux  baux  des 
domaines  ,  ainfi  qu'aux  inventaires  .tant  des  biens 
des  receveurs  de  ces  domaines  ,  qu'à  ceux  des  mi- 
neurs qui  fe  font  par  autorité  de  juftice  avant  qu'il 
y  ait  des  tuteurs  ou  curateurs. 

L'arrêt  du  22  juillet  1752,  rendu  pour  Tours," 
porte,  que  les  juges  ne  pourront  faire  aucun  rè- 
glement, en  g^énéral,  fans  le  communiquer  aux  gens 
du  roi. .  ^  ,; 

Les  lettrés  de  bénéfice  d'âge  ,  d'émancipatian  ,  • 

dç 


PROCUREUR, 5cc. 

de  bénéfice  d'inventaire  ,  de  répit ,  de  naturalité  »  ' 
de  légitimation  ,  d'anobliffement  &  de  réhabilita- 
tion ,  ainfi  que  toutes  les  procédures  qui  fe  font 
fur  ces-  lettres  ,  doivent  être  communiquées  tu  Pro- 
cureur du  roi ,  conformément  à  un  arrêt  du  parle- 
ment du  7  feptembrc  1 660 ,  &  à  un  édit  du  mois  de 
de  juin   1661. 

11  a  été  aulTi  ordonné  par  divers  arrêts,  que 
les  commilîîons  émanées  du  confeil  ou  des  cours 
fupérieures,  feroient  communiquées  au  Procureur 
du  roi ,  &  enregiftrées  fur  fes  conclufions. 

Suivant  l'ordonnance  de  Blois  ,  les  Procureurs 
du  roi  doivent  affi/Ter  aux  fcellés  &  inventaires  qui 
ont  lieu  dans  les  cas  d'aubaine,  confîfcation  bâtar- 
dife  ou  déshérence  (1). 

Les  nominations  de  tuteurs  &  curateurs  à  la  per- 

(  i  )  Les  receveurs  du  do.naine  dans  U  province  de  Bretagne 
tyant  prccendu  ,  contre  les  Procureurs  du  roi  de  cène  province  , 
qu'Us  avaient:  droit  de  faire  faire  en  leur  nom  ,pjr  tel  Procu- 
reur quils  jugeoient  à  propos  ,  les  pourjuites  nécejfaires  en  cas 
d'aubaine ,  de  bdcardife  ,  ou  de  déshérence  ,  bf  quils  pouv:^i;nt 
faire  faire  la  leve'e  desfccUcs  ,  l'inventaire  6*  l.i  vente  des  meu- 
bles ,fitns  que  les  Procureurs  du  roipuffent  y  ajjijler  ,  le  par- 
lement de  Rennes  a  rendu  fur  cette  conrefiatioa ,  le  ri  avril 
I7i  3  ,  an  arrêt  de  règlement  qui  contient  lis  difpofitions  fui- 
fan  tes  : 

Article  I.  Fait  d^fenfes  à  qui  que  ce  foit  de  troubler 
les  fubllitucs  du  Procureur  gcnéral  aux  lièges  royaux  dans  les 
fondions  Je  leurs  charges  ;  ce  faifant ,  les  a  maintenus  dans 
le  droit  &  dan?  la  poflellîon  rie  faire  toutes  les  pourfuites  né- 
cefTaires  dans  les  rucceflions  échues  à  fa  niajefté  par  droir 
d'aubaine  ,  hâtardife  ,  déshérence  ,  &c.  faire  appofcr  &  lever 
les  fcellés ,  procéder  en  leur  préfence  à  l'inventaire  &  vente  , 
au  bail  des  fruits  &  adjudications  des  meubles,  fauf  aux  re- 
ceveurs généraux  des  domaines,  leurs  commis  ou  prcpofés  , 
à  y  affilier  ,  û  bon  leur  femble;  à  laquelle  fin  lefdits  fublU- 
turs  dénonceront  la  vacance  ,  l'inventaire  &:  Ja  vente  ,  aux 
commis  ou  prépofés  des  receveurs  généraux  fur  les  lieux  ; 
ou  ,  s'il  n'y  en  a  point ,  au  receveur  général  à  fon  donîicile. 

2.  Fait  défenfes  aux  fubltituts  de  faire  créer  des  curateurs 
aux  biens  vacans  ,  &  ordonne  qu'ils  feront  toutes  les  pour- 
fuites  en  leur  propre  nom  ,  le  plus  promptenient  que  faire  fc 
pourra  ,  à  faute  de  quoi  les  receveurs  généraux  des  domaines 
pourront  les  interpeller  ;  &  même  ,  en  cas  de  refus  ou  de 
négligence  marquée  de  leur  par: ,  demander  à  être  fubrogés  à 
les  faite. 

3.  A  maintenu  les  receveurs  généraux  des  domaines  dans 
leurs  fondions  ,  fuivant  }es  éàics  &:  déclarations  de  (a  niajelîé  , 
arrêt»  &  réçlemens  de  la  cour,  &;  fait  dîfenfes  i  qui  oue  ce 
foit  de  les  y  troubler  ;  ce  faifant ,  ordonne  que  danj  le  délai 
fixé  pour  le  ccnttiMedc  la  vente  des  meubles,  le  greffier  qui 
en  recevra  le  prix,  fera  tenu  de  le  temetire  au  bureau  des  re- 
ceveurs généraux  ,  à  la  d-éduûion  .!-■  tes  vacations  Se  de  celles 
du  fubftitut  ,  pour  leur  affillince  ,  &  du  Procureur  ancien 
des  créanciers,  s'il  y  en  a.  Que  huitaine  après  le  bail  des 
fruits  ,  Se  quinzaine  aptes  l'adjudication  des  fonds  defditcs 
fuccefiîons,  le  fubltitut  dénonre;i  au  commis  ou  prép'  fé  r*  s 
receveurs  généraux  ,  le  nom  dei  adjuJic.itaircs  ix:  le  prix  de 
leur  adjudication  ,  pour  en  faire  îe  recouvrement. 

4.  Ordonne  que  les   receveurs  généraux  ferons  tenus    de 
.   payer,  fans  délai ,  auv  fub/tituts  le  moniancde  leurs  vaca 

lions  &  frais  de  pourfuites,  fuivant  l'exécutoire  qui  Itur  en 
fiera  décerné  par  les  juges  des  lieux  ;  &  aux  créanciers  le 
montant  de  leurs  crédits,  fuivant  l'ordre  qui  aura  été  réglé 
«ntre  eux^  quoique  ce  foit  jufqu'à  ccncurtencc  des  deniers 
qui  auront  été  rerais  à  leur  bureau  ,  à  la  déduction  d«s  droits 
^ui  leur  font  attribués  par  let  cdus  bc  déclacationi, 
Tomt  XIll, 


PROCU  REUR,&c.      72! 

fonne  des  mineurs ,  des  prodigues  ou  des  infenfés  » 
Si:  les  de/îitutions  de  cei  tuteurs  &  curateurs,  doi- 
vent fe  faire  en  préfence  du  Procureur  du  roi  ou 
du  Procureur  fifcal  dans  les  juflices  feigneuriales. 
C'eft  ce  qui  réùilte  de  différentes  lois ,  telles  que 
l'édit  du  mois  de  juin  1661  ,  &  les  arrêts  de  règle- 
ment rendus  au  parlement  de  Paris  ks  14  juiil.  t 
1640,  22  juin  1688,  31  août  1689,  8  juin  1714, 
&  20  décembre  1724. 

Lorfqu'il  furvient  quelque  conteflation  fur  les 
liftes  des  parens  ou  autres  ,  préfcniées  pour  l'élec- 
tion d'un  tuteur  ou  curateur,  elles  doivent  étie 
arrêtées  par  le  Procureur  du  roi.  L'arrêt  de  règle- 
ment rendu  pour  Tours  le  22  juillet  1751 ,  l'a  ainfi 
décidé. 

Suivant  les  arrêts  de  règlement  des  3  feptembre 
1667  &  5  feptembre  1703  ,  les  cauîes  fujettes  à 
communication  ,  doivent  être  com.muniquées  au 
parquet,  &  non  à  Ihotel  du  Procureur  du  roi. 

A  l'égard  des  dftes  d'inftru£lion  de  la  jurididion 
volontaire  ,  le  Procureur  du  roi  petit  y  donner  fts 
conclufions  en  fon  hôtel  ,  ou  en  l'hôtel  du  ju^e  , 
pour  ceux  qui  s'y  font ,  &  auxquels  le  Procureur 
du  roi  affifle. 

L'article  19  du  titre  25  de  l'ordonnance  crimi- 
nelle du  mois  d'août  1670  ,  enjoint  au  Procureur 
du  roi  de  pourfuivre  fans  délai  ceux  qui  font  pré- 
venus de  crimes  capitaux  ou  qui  méritent  peine 
affliètive.  Et  cette  pourfuite  doit  avoir  lieu  ,  dans 
le  cas  même  où  la  partie  offenlée  a  tranfigé  avec 
l'auteur  du  crime. 

Lorfqu'il  y  a  une  partie  civile  &  que  le  crime 
eft  de  nature  à  mériter  peine  affliJlive,  le  Procu- 
reur du  roi  doit  intervenir  &  fe  joindre  à  la  partie 
civile. 

Diflérentes  lois  ont  défendu  aux  juges  ,  aux  Pro- 
cureurs du  roi ,  aux  Procureurs  fifcaux  des  juftices 
feigneuriales  &  aux  feigneurs  de  ces  juflices  à  qui 
les  amendes  &  confifcations  appartiennent ,  de 
faire  aucune  compofition  relativement  aux  crimes 
dont  ils  font  obligés  de  prendre  connoiflfance  ,  à 
peine,  contre  les  officiers  qu'on  vient  de  nom- 
mer ,  de  privation  de  leurs  charges  &  d'autres  pei- 
nes exemplaires  ,  &  contre  les  feigneurs,  de  pri- 
vation de  leurs  juftices. 

Dans  le  cas  d'une  accufatîon  calomnieufe  ,  Je 
Procureur  du  roi  peut  être  condamné  aux  dépens, 
dommages  &  intérêts  des  parties,  &  même  à  pli;s 
grande  peine  ,  s'il  y  échet. 

L'article  3  du  titre  14  de  l'ordonnance  crimi- 
nelle ,  autorife  les  Procureurs  du  roi  à  donner  des 
mémoires  au  juge  pour  interroger  un  accufé,  tant 
fur  les  faits  portés  par  l'information  qu'autres ,  & 
le  juge  fait  de  ces  mémoires  tel  ufage  qu'il  trouve 
à  propos. 

Le  Procureur  du  roi  peut  interjeter  appel  des 
jugemens  rendus  en  matière  criminelle  ;  &  ,  dans 
ce  cas  ,  i'accufé  prifonnier  ne  peut  pas  être  élargi , 
quand  même  il  auroit  été  abfous  par  le  jugement, 

Suivant  un  arrêt  de  rcglement  du  3  feptembre 

Yyyy 


721  PROCUREUR,&c. 

1667  ,  le  Procureur  du  roi  eft  obligé  de  veillera 

ce  que  les  f^igneurs  f'afTent  noiirrir  les  enfans  trou- 
vés dans  leiira  juliices ,  Se  il  doit  taire  les  pourCuites 
nèceffaires  à  cet  é^ard. 

La  décl;:iation  du  25  février  1708  ,  veut  que  le 
Procureur  du  roi  fe  fafTe  remettre  tous  les  trois 
lîiois ,  par  les  curés  du  redort  »  un  certificat  de  la 
publication  de  l'édit  de  Henri  11  du  mois  de  février 
^556,  concernant  la  grofl'cfic  des  filles  &  des 
veuves. 

L'article  3  de  Tédit  du.  mois  de  mars  1697,  en- 
joint au  Procureur  du  roi  de  taire  faifir  les  revenus 
des  curés  oi  autres  prêtres  qui  marient  des  perfon- 
nes  qui  ne  font  pas  de  leurs  paroiffes,  fans  le  con- 
fe  ircmeat  de  'eur  propre  curé. 

Deux  arrêts  du  parlement  de  Paris  des  18  no- 
vembre 1662  8c  7  leptcmbre  1701  ,  ont  ordonne 
que  les  Procureurs  du  roi  feroient  tenus  de  fe  faite 
r.  mettre  des  extraits  des  tertaniens  &  autres  adts 
contenant  des  difpofitions  pieiifes  ou  en  faveur  des 
pauvres,  aiilTi-tôt  que  ces  teftamens  ou  a61es  au- 
roient  eu  lieu. 

Suivant  l'ordonnance  d'Orléans  ,  celle  de  Blois  , 
&  l'editdu  mois  d'avril  1695,1e  Procureur  du  roi  du 
bailliage  ou  autre  fiége  rcflortifTant  nueinent  au  par- 
lement, doit  veiller  à  ce  que  les  eccléfiafliques  qui 
pofsédent  des  bénéfices  à  charge  d'ames  ,  y  réfi- 
dent  exa<Bement,  &  à  ce  que  les  titulaires  des  bé- 
néfices faiTent  exa61eme!u  acquitter  le  fervice  ainfi 
que  les  aumônes  dont  ils  peuvent  être  chargés,  6c 
entretiennent  en  bon  état  les  bàtimcns  qui  font  à 
l;ur  charge  :  en  cas  de  négligence  de  la  part  des 
bénéficiers  ,  le  Procureur  du  roi  peut  faire  faifir 
jufqu'à  concurence  du  tiers  du  revenu  de  leurs  bé- 
néfices, pour  être  employé  à  ces  oLjeis  ,  ou  dif- 
tribué  ,  à  l'égard  de  ceux  qià  ont  négligé  de  réfider 
trois  mois  après  l'avertifTement  qui  leur  en  a  éié 
fait,  aux  pauvres  des  lieux  ,  ou  appliqué  à  d'autres 
auvres  pics ,  félon  que  les  fupérieurs  eccléfiafli- 
ques  en  auront  décidé. 

L'article  21  du  même  édit  de  1(^95  ,  veut  que 
«uand  les  eccléfiafliques  qui  jouiflent  des  dîmes 
dépesdantes  de  leurs  bénéfices  ,  &  fubfidiairement 
ceux  qui  pofsédent  des  dîmes  inféodées ,  négligent 
d'entretenir  en  bon  état  le  chœur  des  églifes  pu- 
roiiTiales  dans  l'étendue  defquelles  ils  perçoivent 
des  dîmes,  8l  d'y  fournir  les  calices  ,  livres  c<  or- 
iv.mens  néceffaires,  lorfquc  les  revenus  des  fabri- 
ques ne  fufEifent  pas  pour  cet  cfftt ,  le  Procureur 
du  roi  du  bailliage  ou  autre  fiége  reffortiiTant  nù- 
iTient  au  parlement ,  y  pourvoie  avec  foin ,  &  qu'il 
fafî'e  exécuter  pnr  toute  voie,  même  par  faifie  & 
adjudication  des  mêmes  dîmes,  les  ordonnances 
que  les  archevêques  ou  évêques  ont  pu  rendre 
au    fuiet  de  l'entretien  &  des    orncmens  dont  il 

s'agit. 

Suivant  l'article  17  de  la  mêinc  loi  ,  les  Procu- 
reurs du  roi  &  ceux  des  feigneurs  font  obligés  de 
veiller  à  l'exécurion  des  ordonnances  que  les  évé- 
^ues  ouïes  archidjaues  rendent  dans  le  cours  de 


PROCUREUR,&c. 

leurs  vifites  au  fujet  des  comptes  de  fabriaues ,  & 
particulièrement  pour  le  recouvrement  &  l'emploi 
des  deniers  en  provenans  ;  &  de  faire  avec  les  nur- 
guiUiers  ,  &  même  feuls  ,  à  défaut  de  ceux-ci , 
les  pourfuites  néceflaires  à  cet  égard. 

Les  Procureurs  du  roi  doivent  veiller  à  ce  que 
les  juges  inférieurs  remplifTent  leurs  obligations  , 
en  rendant  la  juflice  ,  en  pourfuivant  la  punitioa 
des  crimes  ,  &  à  ce  qu'il  y  ait  dans  les  jufîices  fei- 
gneuriales  des  prifons  sîires. 

Quand  il  n'y  a  point  de  prifons  dans  ces  jufîices, 
ou  qu'elles  font  en  mauvais  étst  ,  le  Procureur  du 
roi  ei\  obligé,  conformément  à  l'arrêt  de  règlement 
du  parlement  de  Paris  du  premier  feptembre  1717, 
d'en  faire  conftruire,  ou  de  les  faire  rétablir  aux 
dépens  des  feigneurs. 

Les  Procureurs  du  roi  font  aufli  obligés  de  veiller 
à  ce  que  les  officiers,  tant  d'églife  que  des  hauts-juf- 
ticiers ,  n'entreprennent  point  fur  la  juridiélion  qui 
appartient  aux  officiers  du  roi. 

lis  font  pareillement  obligés  de  veiller  à  ce  que 
les  avocats ,  les  procureurs ,  les  notaires  ,  les  gref- 
fiers ,  les  huiifiers  &  les  autres  rainiftres  de  la  juf- 
tice  n'abufent  point  de  leurs  fonélions ,  &  ils  doi- 
vent pourfuivre  ceux  qui  fe  rendent  coupables  de 
quelqu'exaélion  ou  prévarication.  C'efl  ce  qui  ré- 
fulte  de  différentes  lois. 

Les  exploits  faits  à  la  requête  du  Procureur  du 
roi  dans  les  affaires  ,  tant  civiles  que  criminelles, 
où  il  efl  feul  partie  pour  l'intérêt  public,  font 
exempts  du  droit  de  contrôle.  C'efl  ce  qui  réfulte 
de  différentes  lois  &  réglemens  ,  tels  que  les  dé- 
clarations des  21  mars  1671 ,  8^23  février  1674, 
les  arrêts  du  confeil  des  17  janvier  &  30  mars 
1670,  13  juin  1672  ,  12  décembre  1676,  &  29  mai 
1685  ,  &  l'arrêt  de  règlement  de  la  cour  des  aides 
de  Paris  du  6  feptembre  1782(1). 


(  I  )  Fcif i  ce  dcrn'i.r  arrêt  : 

l.ouis ,  par  la  grâce  de  Dieu  ,  roi  de  France  &  de  Navarre  , 
au  premier  des  Iniifliers  de  notre  cour  des  aides  à  Paris,  ou 
autre  noire  huilîier  ou  lergent  fur  ce  requis  ,  favoir  faifons  , 
'que  ,  vu  par  nofreditc  cour  la  requête  préfentce  par  notre 
l^tocurcut  général,  expofîtive  que  les  dtclarations  des  1 1  mars 
1671  &  ij  février  1677,  &  pluiieurj  réglemens  du  confeil  » 
notamment  ceux  des  27  janvier  &  jo  mars  1S70  ,  l;  juin 
1671  ,  Il  dccemlre  \6~(>  &  29  mai  iSKj  ,  ont  contitn-é 
l'exemption  des  droits  de  contrôle  ,  petit- fcel,  &  auttes  nés 
droits  ,  conflaniment  accordée  aux  a6tes  &  exploits  laits  à  la 
requête  de  nos  Procureurs  généraux  &  dekurs  fubiHtuts  , 
pour  1  iiirtruftion  &  jugement  des  affaires  tant  civiles  que 
ctiminclles  ,  èfquelles  i's  font  feuls  parties;  que  cette  exemp- 
tion a  été  conErmée  plus  récemment  encore  par  un  règlement 
du  6  janvier  i  767  ,  qui  «>  dif('enfc  du  payt- ment  des  droits  de 
>j  contrôle  ,  pctit-fccl ,  greffes  &  droits  réfervcs ,  tou*  exploits 
>j  &  aûes  de  procédure  à  la  requête  du  miniltère  public, 
»  dans  les  affaires  cii  il  ell  feul  partie  ,  fauf  au  fermier  Ik  a 
"  fes  prépolés  ,  à  (e  procurer,  par  voie  de  contrainte  ,  le 
»  payement  defdits  droits ,  par  ceux  qui  auront  été  condani— 
«  niS  par  des  dommages-intérêts ,  rellitutions,  amendes  ou 
.1  dépens  ".  Que  cependant  il  rei^oit  jcuinclicment  des  plair» 
tes  de  la  plupart  de  les  fubdituts  aux  lîéjes  dHrellortdc  nette 
.    dite  cçuï ,  de  te  ^uç  Içs  tçiriniij  dç  Vincent  René  les  coo 


P  R  O  C  U  R  E  U  R  ,  &:c. 

Les  Procureurs  du  roi  ne  peuvent ,  fans  l'avis  & 
îe  conleil  des  avocats  du  roi,  intenter  aucun  procès 


traignenc  au  payement  defdits  droits  ,  à  raifon  des  exploits 
<!■.■  revendication  qu'ils  romfairedts  eau. es,  qui  éiant  >ie  la 
co  np!tence  de  ces   lièçes  ,  font  poittes  en  d  auttes  juiidic- 
tiûtis  &  des  fentences  ^jui  t'ont  droit  fui-  leurs  demandes  :  qu'il 
paraît  que  ,  pour  julitier  la  perc-ption  des  droits  fur    leiaits 
a.tes ,  les  commis  de  Vincent  René  le  fondent  luv  les  termes 
de  la  dé-ciiiiton  d'-ià  cirée,  da    ij   fcinicriS77,   laquelle 
porce  :  «  demeureront  excn^.pts  les  exploits  laits  à  la  requête 
»   de  nos  l'rocureurs  généiaux  ii  de  leurs  fublUtuts,  proino 
»»  teurs  ecclélîaltiques  &  Procjieurs   tiùaux  ,  concernant  11 
»  police,  pour  parvenir  aux  condiinnations  contre  les  con 
»  trevenans  aux  ordonnances  d'iccllc  »  :  que   de  ces  termes 
les  com.nis  de  vincent  René  concluent  que  les  aftes  faits  à  la 
re  juétc    de  nos  Procureurs  gcnétaux  ne  doivent    jouir  de 
l'exemption  de  nos  droits  ,  que   loifqu'ils  lont  relatifs  à  la 
police  ;  &:  les  demandes  en  revendication  d'affaires  ne  con- 
cernanc  pas  ,  félon  eux,  la  police  ,   mais  rintéréi  paiticulier 
des  lièges  ,  ils  en  infèrent  que  les  ai^es  relatifs  à  ces  fortes 
de  demandes  ,  doivent  acquitter  nos  droits.  Qu'il  ell  facile 
de  faire  fen:ir  le  vice  de  ce  raifonnement.  D'abord  la  décla- 
ration du  i}  février  1S77  contient  à  la  vérité  la  difpofition 
dont  les  termes  viennent  d'être  rapportés  ;  mais  à  la  fuite  de 
CCS  termes  ,  on    lit  ceux-ci  :  ec  demeureront    pareillement 
w  exempts  les  actes  fai:s  pour  Vinflruftion  Se  jugement  des 
>i  afFaires  tant  civiles  que  criminelles  èfquellej  nos  Procu 
»  reurs  généraux  ou  leurs  fuhdicuts  ,  promoteurs  ecclélîalH- 
»  ques  à:  Procureurs  fifcaux  feront  feuls  parties  ».  Ces  ter- 
mes lont  trop  clairs  pour  admettre  la  moindre  interprcration. 
31  en   réfulte,  que,   fans  diftindtion    d'aucuns  actes,  tous 
ceux  auxquels  nos  Procureurs  généraux  ,  ou  leurs  fabllituts 
font  feuls  parties  ,  doivent  être  exempts  de  nos  droits.   C'eit 
ainfî  que  s'en  expliquent  les  rcglemens  cités.  Celui  du  17 
janvier  iS/e  porte  :  «  quant  aux  atfes  faits  à  la  requête  de 
»  fes  Procureuis  ,  veut  &  oidonne  f»  majellé   qu'ils  foient 
53  contrôlés  ,  fans  pour  ce  payer  aucun  droit  ».  Celui  du  i  . 
mars  I670  porte  :  >>  Seront  exempts  du  payement  des  droits 
»  les  exploits  faits  à  la  requête  des  Procureurs  de  fa  m  ijeilé  , 
»  pour  l'infirucJion  &:  jugement  des  aftsires  ,  tant  i;;Vi'Mque 
»>  criminelles  ,  où  ils   feront  feuls  parties  ".  Lçs  mêmes  ter- 
mes fe  trouvent  dans  la  déclaration  du  ii  mars  1*71.  On  les 
trouve  dans  les  réglemens  des  ij  ju'miSjz,    12  décembre 
I67Ï&29   mars  i  SS^-  :  eniin  on  les  trouve  dans  ce  ui  du  6 
janrier  1777,  dont   le   texte  efl:  copié  ci-delTus.  Ainfi  il  faut 
dilfinguer  deux  difpofitions  dam  la  déclaration  du   i;  février 
K77,  l'une  qui  exempte  de  nos  droits  les  ades  relatifs  à  la 
police  ,  l'autre  «jui  en  exempte  tous  actes  en  affaires  ,   tant 
civiles  qu^  criminelles  ,  èfquelles  le  niinirtêre  public  e!}  fcul 
partie.  En  fécond  lieu,  l'oidre  des  juridictions  fait  partie  de 
la  grande  police  ,  &  les  cours  font  fpécialement  chargées  de 
veiller  au  maintien  &  à  la  confervation  i.e  l'autorité  de  cha 
cune  ,  d'y  faire  exécuter  les  lois  relatives  aux  objets  de  leur 
compétente   parles  relfoitiflans  d'icelles  ,&  d'empêcher  les 
parties  de  fe  choifir  elles-mêmes  des  tribunaux  &:  des  juges; 
ainli  les  fubIHtuts   de  nos  Procureux  généraux,  en  revendi- 
quant  les  caufes  portées  en  d'autres  tribunaux  que  ceiix  où 
elles  doivent  être  porrées  ,   exercent  une  fonction  de  police 
eflentielle  .S:^qui  tient  au  grand  oidre  de  l'adminillration  de 
la  juftice.  D'ailleurs  le  motif  des  prépofés  de  Vincent  René 
^ondé  fur  ce  que  les  demandes  en  revendication  d'^lTaires  ne 
concernent  que  l'intérêt  des  (îcges  ,  ell  odieux  à  l'égard  de 
toutes    les  juiidittions  ,  Se   s'applique    d'autant    moins  aux 
lièges  du  reilbrtde  notredite  pour  ,  qu'il  ciè  notoire,  que  tou 
tes  les  caufes  s'y  jugent  fommairemcnt  &  fans  frais.  Que  s'il 
ctoit  vrai  que  les   feuls  ades  relatifs  à  la  police  particulière 
fufient  exempts  de  nos  droits,  il  n'y  auroic  en  affaires  civiles 
aucun  des  ades    faits  à  la  requête  de  fes  fubftituts  qui  pût 
juuir  de  l'exemption,  puifqu'il  ell  encore  notoire  que  cçs 


PROCUREUR>&c.         7M 

en  matière  civile,  à  peine  d'en  répondr» en  leur 
propre  &  privé  nom  ;  tk  en  général  ils  font  tenu» 
de  communiquer  aux  avocats  du  roi  toutes  les  af- 
faires qui  concernent  le  feivice  de  fa  mrijeflé,  s  la 
rjferve  de  celles  dont  l'adrelTe  leur  efc  fdite  en  par- 
ticulier. C'eft  ce  qui  réfulte  de  diiTérentes  lois  8c 
réglemens  ,  t  Is  que  Tédit  de  mars  1498  ,  les  arrêt.<: 
iiu  parlement  de  Paris  des  29  novembre  iy-)C)  ,  2 
juin  1623  &  6  juillet  1706,  &  l'arrit  du  co.nfeil 
du  20  avril  1624. 

Réciproquement ,  les  avocats  du  roi  ne  peuvent, 
dans  les  afTemblèes  qui  ont  lieu  pour  le  fervice  de 
fa  majelîéeu  du  public  ,  faire  aucune  remontrance, 
on  requérir  aucune  chofe,  qu'après  en  avoir  déli- 
béré avec  le  Procureur  du  rei  (i). 


f.ibftitu-s  n'ont  aucune  infpedion  fut  les  faits  de  cette  po« 
lice.  Enhn,  que,ti  la  prétention  des  commis  de  Vincent 
René  pouvoit  avoir  lieu  ,  ce  feroit  en  vain  que  les  (îèges  dit 
reffotc  de  notredite  cour  Se  notreJite  cour  cUcmcme  (c- 
roient  autorifés  par  les  plus  anciens  réglemeris  à  revendiquai: 
&:  à  évoquer  les  affaires  de  leur  comp.-terice  porrées  en  d'au- 
tres tribunaux  ,  parce  que  l'affujettifiement  aux  droits  r.t!- 
len-.iroit  le  zèle  de  fes  fub'.Htuts  ,  qui  d'ailleurs  ne  voudronc 
pas  avancer  des  frais  dont  il»  ne  pour; ont  efpèrer  le  rembcur- 
fenicnt,  attendu  qu'il  ne  s'adjuge  jamais  d'e  dpens  dans  If  s 
affaires  où  le  miniilcre  public  elt  feul  partie  ,  ic  i  s  préfère - 
roient  faas  doute  d'abandonner  les  affaires  &  dehs  laifler 
déci.^erj-ar  les  tribunaux  qui  en  feroient  incompctemmenc 
laids.  A  CCS  caufes  ,requéroit  notre  Procureur  général ,  qu'il 
piùt  i  notredite  cour  ordpriner  ,  ôcc.  Oui  le  rapport  de  M", 
Louis-Achilles  Dionis  du  Sé,our  ,  confeiller  :  Et  tout  confi- 
déié  ,  notredite  cour  ordonne  que  les  décorations  des  it- 
mars  1Û71  &  2,'  février  l6;j.  Se  autres  réglemens  confor- 
mes ,  feront  exécutés  félon  leur  fonne  ôc  teneur  ;  en  confé- 
quer.ce  ,  que  tous  exp'oits  ,  fen.ences  &;  autres  ades,  tant 
en  affaires  civiles  que  criminelles,  éfquel'cs  les  fubTiituis  de 
notte  Procureur  général  feront  feuls  pauies  ,  Se  notamment 
les  ades  relatifs  aux  demandes  en  revendication  d'affaiiei 
quelcorques,  formées  à  la  requête  de  feldits  fub/lituts  ,  con- 
tinueront d'être  exempts  de  tout  drcits  de  contiôle,  petit- 
fcel ,  g;efîe  Se  autres  nos  droits  ;  fait  défenfes  à  tous  commis 
&  prépofés  i  la  perception  defdits  droits ,  de  les  exiger  defdits 
fufcftituts  à  l'éga.d  defdits  ades ,  à  peine  d'être  pourfuivis  fui- 
vant  l'exigence  du  cas  ;  ordonne  que  le  p:c('ent  arrêt  feri 
lignifié  à  Vincent  René  ,  pour  <ju'il  ait  à  s'y  conformer  &:  y 
faire  obéir  fes  commis  5:  prépofés  ,  imprime  ,  Se  coi-iei  col- 
lationn.'es  d'icel'ui,  envoyées  aux  tièges  du  reffort  de  nôtre- 
dite  cour ,  pour  y  être  lu  ,  publié  &  regillré  ,  l'audience  te- 
nant; enjoint  aux  fubfhituts  de  notredit  Procuicur  général 
d'y  tenir  la  main  ,  &:  de  certifier  notredite  cour  de  leurs  dili- 
gences au  mois.  Si  te  mandons,  &:c, 

(1)  En  prononçant  fur  une  conteflation  qui  s'êtoit  élcvc'e  en- 
tre divers  o^ciers  Je  la  Ji.iéchaujja  6*  fiège  prîfiiid  de  Ren- 
nes ,  le  parlement  iî  Eret^s^m  a  rendu  ,  It  i\  coût  I740  ,  reU- 
tlvement  aux  fonciitns  des  avocats  &"  Procureurs  du  ni ,  iy  des 
gre'Jicrs  civil  û*  criminel  de  ce  filgt  ,  l'an  et  dt  reniement 
que  nous  allons  tranfcrlr:. 

Entre  ccuyer  Jean-Jacques  Boflard  ,  fieur  Diiclos  ,  &:  no- 
ble &:  difcret  mefiire  Marie-Claude  At'guffc  Boflaid  ,  cha- 
noine de  Vannes  ,  ayant  repris  au  lieu  8c  pl.ice  d'écuyer 
Jean-I-rançois  RotTard  ,  lîeur  Duclos  ,  &;  maître  Joachim 
Blain  ,  fieur  de  Saint  Aubin  ,  confei  1ers ,  avocats  du  roi  au 
préfidi.Tl  de  Rennes,  demandeurs  en  requête  &  Icttie»  de 
comniiiiion  du  ^y  décembre  1712  ,  d'une  part,  Se  médite 
JeanZachaiic  Anger ,  licur  du  Cfialonge  ,  maîttç  à  la  cham- 
bre des  comptes  de  Patis ,  fils  &  héritier  de  défunt  mefl;  c 
Jean  François  Anger,  lieut  du  Clulonpe,  vivant,  maictc  i 

Y  y  y  y  ij 


714  PROCUREUR,&c. 

Les  cahiers  8c  mémoires  dertinés  pour  le  Procu- 
reur g.-néral  doivent  être  dreffés  par  avis  commtin 

I.i  chambre  des  comptes  de  Paris  ,  Se  avant  fubllitut  du  Procu- 
reur gciicral  au  pvélidial  de  Rennes  ,  ayant  repris    le  prccts 
en  fon  lieu  &  place,  &:  en  cette  qualité   dcfendeur  ;  &  ledit 
Blain  ,  demandeur  en  requête  du  2  décembre   1714,  afin  de 
rapport  d'arrêt  du  I7  novembre  de  la  même  année  ,&  Blaife- 
rrançois-Marie    Bonnefcuelle  ,   ccuyer,   fieur  de  la  Roche- 
Durand  ,  confeiller  fecrétaire  du  roi.  &  fubiUiut  de  M.  le 
Procureur  gcnéral  du  roi  au   ficge  prélîdial  de  Rennes ,  dé- 
fendeur ;  &  leldits  Boffard  &  Blain  ,  demandeurs  en  requêtes 
«îes   1^  janvier  ,  iS  Si  17  fcvrier  lyij  ;  la  première  ,  à  fin  de 
faire  déclarer  commun  avec  eux  l'arrêt  du  ç  mai  1^90  ,  &  la 
féconde,  à  fin  d'exécution  des  arrêts  des   rj  juillet  i6}<5  & 
iS  novembre   1644  ,    aux  termes   de   l'arrêt  du  a   décembre 
17I7  :  &  maître   Louis-Anne  François   Farault  ,  fieur  de  la 
Ville  Pauvre  ,  greUîer  civil  du  prdidial  de   Rennes  ,  dcfcn- 
d  ur;  &  lefdiis  Bod'ard  5c  Blain,  dcmanJeutj  en  requête  & 
lettres  de  commillion  du  M   décembre  171A;   5:  ledit  Bon- 
nercuellc  ,  défendeur,    &  Icfdits  Bollard  «c   Blain,  deman- 
deurs en  autte  requête  &   lettres  rfe  commilfion  du   17  o;^o- 
bre  17-7,  &  maître  Michel  rJoultrenicr ,  confeiller  du  roi, 
jujje   ciiniiacl  de    Rennes,    d.  fendeur  ;   Ôc   ledit  de  Saint- 
Aubin  B'ain  ,  dcmanleut  m  requête  du  i)  décembre   1718, 
&   ledit   Bonnefcuelle  ,  défendeur  ,  &:  ledit   Baia,  deman- 
deur en  autre  requête   ilu  ;6)ui.let   1730,   &:  ledit  F.iraiilt  , 
détendeur,  &  iiiaitre  Toulfaint  Pierre    Barre  ,  confeiller  X- 
avocat  du  roi  en  la  féncchaullce  &  ficge  prélîdial  de  Rennes  , 
demandeur  en  requête  du  19  dkeinbre    1757,  à  fin  d'inter 
vcntion  ,  &  en  autre  requête  lu  8  mai  1758  ;  Se   lefJits  An- 
ger  &c  Bonnefcuelle  ,  défendeurs  ;  S  IcLdits   Blain  &  Barre  , 
demandeurs  en  requêtes  des    11  mai    I7j8   Je  21  novembre 
dit  an    1758;  ^    ledit  Bonnefcuelle  ,   défendeur,  &   ledit 
Elain  ,  demandeur  en  requête  du  14  novembre  l/jS  ,   & 
ledit  Anger,  défendeur,  &:  lefdits  Blain  &  Barre,  deman- 
deurs en  requête  êc  lettres  de  commi/non  du  premier   décem- 
bre i7j8  ,  6c  maître  Pierre  de  JoUivet  ,  greffier  en  chef  ci- 
vil &  d'office  du  prélîilial  de  Rennes,  détende'ir,  &:  jnaîire 
Jacques  Ancelin,  gretricr  criminel  du  llége  préfidialde  Ren- 
nei ,  ayant  repris  l'inlfance  au  lieu  &:  place  de  fon  feu  père  , 
aulfi  défendeur  auxditcs  requêtes  &:  lettres  de  commilEon  ;  & 
le-dit  Bonnefcuelle,  demandeur  en  requête  du  j  février  1755), 
&  lefjits  Blain  6c  Barre  ,  défendeurs  oc  demandeurs   en  re 
<;urte  du  27  février  173^,  &  ledit  Bonnefcuelle  ,  défendeur, 
ùc  Icfdits  Blain  &  Barre  ,  demandeurs  en  requête  du  i<;   juin 
J7J9,   &  leldits   Anger ,  Bonnefcuelle  ,  Doultremer  ,  Jolli 
vet  Se  Ancelin  ,  défendeurs ,  Se  ledit  Bonnefcuelle  ,  deman- 
deur en  requête  du  iç  juin  I740  .  à  fin  d'oppofition  aux  ar- 
rêts des  ij  juillet  i7j6,2S  novembre  1^44,  Se  1  décembre 
1717  ;  &  Jefdirs  BJain  3f  Barre,   défendeurs,  &  ledir  de 
Bonnefcuelle,  demandeur    en  autre  requête  du   16  juillet 
1740  ,  &  lefJits  Blain  Se  Barre  ,  défendeurs  ,  d'autre  parc. 
Vu  par  la  cour.  Sic. 

La  cour ,  faifant  droit   fur  Je  tout  ,  dans  les   requêtes  &: 
Jettrcs  de  commiiîion  des   19  décembre    i7ai,  ij  décembre 
i-:iG  ,  7  février  i7{  i  ,  17  octobre    «737  ,  &  premier  décem- 
bre I7-!  8  ;  &  dans  l'intervention  dadit  Barre  de*  ip  décembre 
1757  &  8  mai  17,8  ,  fans  s'afrêrer  à  fa  requête  du  1  décembre 
1714,  dont  ledit  Blain  efl  débouté  ,  ayant  aucunement  égard 
aux  requêtes  des  I  ^  janvier  ,  16  &  17  fcvrier    171^,   23  mai 
1718,  limai,    2;  &  24  novembre  l7}8  ,  5  &:    1^  février, 
&  15   juin  1739,  15  juin  &  25  juillet  1740,  Et  faifant  droit 
fur  les  conclulîons  uu   Procureur    général  du  roi ,  a  débouté 
iedit  Bcnnefcueile,  fon   fubiHtut  au  iîège  prélîdial  &:  féné- 
chaufTée  de  (tennes  ,  de  fon  oppoiition  aux  arrêts  des  »9  juil- 
let 1636',  28   novembre  1^44,  &  1  décembre  I717  ,    Se  l'a 
condamné  en  l'amende  de  I  ço  liv.  ,  moitié  au  roi  ,  moitié  aux 
parties;  a  déclaré  lefdits  arrêts'exécutoires  &  communs  avec 
lui  j  au  preiît  dcfftits  £Jain  it  Barre  ;  ilYOcacs  du  roi^  ordgnne    1 


P  R  O  C  U  R  E  U  R  .  &:c. 

des  avocats  &  Procureurs  du  roi  ;   &  ceux-ci  ne 
peuvent  faire  feuls  les  dépêches  ou  réponfes  qui 


qu  ils  feront  bien  Se  dûment  exécutes  ;  lavoir  ,  ceux  de  1544 
Se  1717  en  leur  entier ,  Se  celui  de  ifij 6  en  ce  qui  n  a  pas 
été  modifié  pat  celui  de    1^44. 

Ce  faifant  ,  ordonne  que  lefdits  avocats  Se  fubftituts  s'af- 
fembleront  au  parquet  dudit  fiège  aux  jours  ordinaires ,  à 
fept  heures  du  matin  en  été  ,  &  à  huit  heures  en  hiver ,  &;  â 
d.'ux  heures  de  relevée,  pour  y  examiner  &   délibérer  entre 
eux  à  la  pluralité  des  voix  ,  tous  procès  civil'  Se   criminels  , 
de  quel  ]ucs  efpêces  5e  natures  Se  pour  quelque  maiicre  que 
ce  foit ,  lotfqu'ils  feront  en  état  de  recevoir  ccnclufions  défi- 
nitives ou  tenant  lieu  de  définitive» ,  les  intcrrogatcires  de» 
prifonniers  &  autres  accufés  ,   élargil^nnent  d'iceux  ^  règle- 
ment à  l'extraordinaire  ;  comme  aujfi  les  movens  de  faux  , 
mariages  conteltcs  ,  impunifTep.iens  d'aveux,   déshtrences  , 
aubaines,  main-levées  ,  furfcances  des  faihes  appofées  a  re- 
quête dudit  fubftitut.  Se  atjtres   matières  concernant  le  do- 
maine du  roi ,  Se  généralement  toutes  celles  ou  le  ii)i ,  le  pu- 
b'ic,  les  églifes  ,  communautés,  généraux  des   paroifTes,  le» 
mineurs  non  pourvus  de  tuteurs  ,  les  fermiers  généraux  Se 
particuliers  des  droits  d'oûrois,  d'entrée  Se  Ibttie  ,   impôts 
Se  billots  Se  devoirs  de  la  province,  auront  intérêt ,  foit  que 
lefdits  procès  &  affaires  foient  jugés  au  corps  du   fiege  ,  au 
quartier  par  le  fénéchal ,  juge-criminel  feuJ  ,  ou  prévôt,  ou 
par  l'un  des  juges  dudit  prélidial. 

Ordonne  que  lefdits  avocats  Se  fubftitut  y  donneront  con- 
dulions  furie-champ,  fi  faire  fe  peut  ;  ou  ,  en  cas  de  lon- 
gue occupation  ,  ils  s'en  chargeront  tour  à  tour,  à  commen- 
cer par  le  premier  avocat  du  roi  ,  enfuite  le  fubftitut  Se  le 
fécond  avocat ,  pour  en  faire  rapport  à  la  première  aflem- 
blée  ,  &:  être  les  vacations  partagées  entre  les  préfidens  5c  aifif» 
j  tans  feulement  ;  moitié  audit  fubftitut  ,  Se  l'autre  moitié 
1  auxdits  avocats  ;  Se  en  l'abfcnce  de  l'un  defdits  avocats,  lei 
deux  tiers  audit  fublHtut,  Se  l'autre  tiers  à  l'avocat  préfent; 
Se  en  l'abfence  du  fubftitut ,  également  entre  lefdits  avocats. 
Ordonne  que  lefdits  avocats  Se  fubftitut  auront  un  regiftre 
par  eux  chiffré  Se  milléfimé,  fur  lequel  ils  enregilUeront  Se 
parapheront  leurs  conclulions  ,  Se  inférèrent  par  jour  Se 
féance  les  noms  àes  prélens  qui  auront  rapporté  ou  affifté  , 
Sedesabfens,  pour  y  recourir,  Se  leur  fait  défenfes  de  con- 
clure ailleurs  qu'audit  parquet. 

Maintient  ledit  fubftitut  à  conclure  feul  aux  dations  de 
tutèles  ,  curatelles  ,  émancipations  ,  décrets  de  mariages  , 
main  levée»  de  fucceffions  ;  à  percevoir  feul  les  vacations 
pour  réceptions  d'oificiers,  s'il  n'y  avoit  conteftation  ou  op- 
pofiiion  touchant  lefdites  matières  ;  auquel  cas,  les  conclu- 
lions  feront  de-libérées ,  Se  les  vacations  partagées  en  la  forme 
Se  manière  ci  delFus  ordonnée. 

Ordonne  que  ledit  fubftitut  fîgnera  feul  les  concîufîcns. 
Se  qu'elles  feront  intitulées  en  fon  nom  ;  Se  qu'en  cas  d  ab- 
fence  ou  déport ,  elles  feront  (ignées  par  l'ancien  defdits  avo- 
cats ,  qui  les  intitulera  en  ces  termes  :  Nous  requérons  ,  nout 
confimans-poMr  le  roi;  defquels  termes  lefdits  avoca-rs  fe  fer- 
virontauffi  dans  toutes  les  concluGons  qu'ils  donneront  aux 
audience.'. 

Que  les  avocats  du  roi  defcendront  exdufivement  Se  pat 
préférence  audit  fubftitut,  aux  prccês-verbaux  Se  conimifTîons, 
foit  en  ville  ou  en  campagne  ,  même  en  matière  de   devoirs 
Se  autres  ,  lorfqu'eNes   auront  été  ordonnées  aux  audience» 
publiques  ou  particulières,  foit   qu'elle»  feroient  tenues  pail- 
le corps  du  (îège  ,  ou  par  le  fénéchal  Se  juge  criminel  feuls  ; 
qu'à  cette  fin,  lefdits  avocats  defcandront  en  tour,  à  com- 
mencer par  l'ancien  ;   que  dans  toutes  les  autres  defcente» 
qui  n'auront  point  été   ordonnées   auxtUtes  audiences,  ledit 
fubftitut  defcendra  feu!  ,  à  l'exciufion  defdits  avocats  ;  Se 
qu'en  cas  de  déport  ,  abfence  ,  récufation,  ou  autre  légitime 
empêchement ,  lefdits  avocats  Se  fubftitut  fe  fubftitucront  ré- 
ciproquement j  lef^uçls  déports  ils  feront  tenu»  de  fignerfut 


P  R  O  C  U  R  E  n  R  ,  &c. 

5'*écrivent  en  conféqucnce  d\)ne  dJ:'M  ératlon   du 
fiégc  ,  ou  de  conclurions  priles  par  avis  commun. 


les  rcgiltre»  des   greffes,  dont  les  greffiers  civil  &  criminel 
donneront  avis  Iur-!e-champ  auxdits  arocats  &  fubRitut. 

Fait  exprelfes  défenfes  audit  fubftitut  de  nommer  ou  com- 
mettre pour  lefiites  defcentes ,  que  fur  le  déport  defdits  avo- 
cats ,  ou  en  cas  de  leur  abfence  ,  lefquels  leront  tenus  d'ac- 
cepter ou  refuTer  la  commiffion  lut  le  regilUe  des  gretiiers  , 
tant  civils  que  criminels,  dans  les  vingt  quatre  heures  de 
l'avis  qui  leur  fera  par  eux  donne. 

Feutra  feul  commettre  dans  les  cas  de  déport  ou  abfence 
defdits  avocats. 

A  niaintf  na  ledit  fublHtut  au  droit  d'exercer  les  charges  de 
Procureurs  d'offices  des  juridiûions  tombées  en  régaie  ou  ra- 
chat fous  l'étendue  de  la  fénéchauflee  de  Rennes  ,  fit  de  com- 
mettre à  l'exercice  d'icelles  ,  avec  défenfes  auxdits  Blain  & 
Baire  de  l'y  troubler. 

Ordonne  que  lefditt  avocats  porteront  la  parole  à  toutes 
audiences  civiles  &  criminelles,  foi:  qu'elles  feroient  tenues 
par  le  corps  du  ficge  ,  les  fénéchal  &:  juge  criminel  feuls  ,  & 
lois  de  la  préfcntation  &  entérinement  des  lettres  de  grâce, 
dont  ils  requerront  la  lecture  aux  audiences  ,  ainù  que  des 
mandemens  ou  provifions  de  rous  officiers  que  ledit  fublli- 
tut  l'cra  tenu  de  leur  remettre  le  jour  précédent  au  parquet  , 
ainfi  que  de  tous  édits  ,  déclarations  du  roi  ,  arrêts  &.'  regle- 
jnensdeJa  cour  ,  dont  il  conviendra  de  faire  l'enregiltrc 
ment  ou  publication. 

Qut  toutes  les  caufes  comtnunicables  feront  portées  au 
parquet  avant  les  audiences,  pour  être  les  concliilions  déli- 
bérées avec  le  fubftitut  à  la  pluralité  des  voix  ;  &  qu'en  cas 
d'.ibfence  de  l'un  d'eux  ,  l'avis  de  l'avocat  du  roi  qui  portera 
h  parole  ,  prévaudra,  ainfi  que  celui  du  fubflitui ,  dans  les 
conclufions  lur  procès  par  écrit ,  en  l'abfence  de  l'iin  defdits 
avocats  ;  paice  que  néanmoins  ledit  avocat  qui  portera  la 
parole  ,  pourra  ,  fuivani  l'exigence  des  cas  &  fur  des  raifons 
nouvelles  ,  fe  déterminer  par  fon  avis  feul. 

Que  l'ancien  avocat  du  roi  précédera  le  fubflitut  au  par- 
quet, aux  audiences  ,  à  la  chambre  du  confeil  &  ailleur5  ; 
qu'il  fe  tiendra  debout  lorique  ledit  ancien  portera  la  pa- 
role; ce  qui  aura  pareillement  lieu  ,  lorfqu'en  l'abfence  du 
premier  avocar,  le  fecend  portera  la  parole  ;  &:  lorfque  ies 
deux  avocats  feront  préfens,  le  fubftitut  précédeta  le  fécond. 
Ordonne  que  ledit  fubftitut  intentera  &  fuivra  toute  action 
criminelle  ,  à  la  charge  d'en  donner  avis  auxdirs  avocats  ,  &r 
''d'en  conférer  avec  eux  à  la  première  aifemblée  du  parquet; 
qu'il  fera  feul  toutes  procédures  &  inltruiftions  civiles  &  cri- 
Hiinelles  ,  'ans  que  lefdirs  avocats  puillent  les  faire  qu'après 
rrois  jours  d'abfence  ,  ou  déport  dudit  fublHtut  ,  letjuel  , 
avant  de  s'abfenter  ,  lera  tenu  de  remettre  en  farmoi.e  du 
parquet,  dont  lefdits  avocats  &  lui  auront  chacun  une  clef, 
«ous  procès  &  toutes  piocédures  civiles  &  criiiun;!les  par  lui 
commencées  ,  pour  être  continuées  par  lefdits  avocats  ,  &c  lui 
ccre  reiiiifcs  à  fon  tour  ,  fi  elles  ne  font  parachevées  ;  d-fend 
audit  fub!ticut  de  donner  conchilîons  aux  procès  &  affaires 
•ù  lefdits  avocats  en  auront  donné. 

Ordonne  qu'aux  affaires  célèbres  &  criminelles,  &  où  il 
y  auroit  péril  dans  la  demeure  ,  les  greffiers  avertkont  l'un 
tlcfdits  avocats,  à  commencer  par  le  plus  ancien  ,  lorfque  le 
fubftitut  fera  abient  de  la  ville  ,  pour  defccnJre  fur  le  champ. 
Ledit  fub;Htut  aura  unrcgi;^te  pour  recevoir  feul  8c  faire 
écrire  les  J^nonciations  qui  lui  feront  faites  ,  fuivant  l'ordon- 
nance de  1670. 

Que  dans  tous  procès  ou  le  roi  &  fcn  domaine  aurons  in- 
térêt ,  lefdits  avocats  feront  feuls  les  écrits  Se  requêtes  ,  &  le 
ftbrtitut  les  inventaires  de  produclfons  &:  imhu^Uon  ,  Se  que 
les  conclufions  feront  délibérées  au  parquet ,  &  les  épicei 
partagées  entre  e'ix  à  la  manière  ci  devant  réglée. 

Que  le  lubilitut  aura  feu!  les  vacations  du  ferment  Jet 
commis  des  fermes  du  roi  j  ou  des  états  de  iapiovincç. 


PROCU  REUR,<l'c.        715 

DliTérentes  lois  &  rj-^itmens   ont  décidé   que 
tontes  les  conclufions  civiles  ,  nié:ne  dans  les  af- 


Condamne  ledit  fubilitut  de  rapporter  auxdits  Blain,  Au- 
bert ,  Barre  &i.  BolTard  ,  la  fommc  de  zso  livres  par  chacun 
a.i  depuis  fon  inftallation  en  Cou  ofSce  ,  pour  leur  portion 
des  vacations  des  concluions  aux  mitières  jugées  communes 
entre  eux  par  le  ptèfcnt  arrêt ,  juûju'au  joiit  de  la  (îgnitîca- 
tion  d'icelui ,  a  propoitioa  qu'ils  y  fo:u  fondes,  dédudioa 
fai:c  des  vacations  touchées  par  ledit  Blain  pour  l'exercice 
de  la  jutidit\ion  de  faint  Meiaine  ,  tombée  en  régale  ea 
l'année  1714,  &:  pour  les  proccs-vetbaux  oii  ledit  Blain  a 
aUilté  les  31  janvier  fie  11  juillet  Ï7}i  ;  li  mieux  n'aime  ledit 
fubftitut  qu'il  foit  procédé  à  fes  frais  par  un  commilfaire  de 
la  cour  ,  au  calcul  des  vacations  à  eux  appartenantes  ,  fut  le 
vue  des  fip  Jr;ces  &  minutes  des  greffes  civil  &  ciirainel  du 
fiège  pr  4'^K  Se  fénéchaulfée  de  RenneSj 

Coni  .^e  pareillement  ledit  Anget  de  rapporter  audit 
Blain  l„*45mme  de  loo  livres  par  chacun  an,  pour  les  mê-» 
mes  caufes ,  depuis  l'inftallation  duJit  Blain  en  fon  office  « 
juiqu'au  jout  qu'a  été  pourvu  ledit  Bonnefcuelle  ,  Si  aux  dé- 
pens en  ce  que  le  fait  le  touche. 

Et  dans  les  requêtes  defdits  BolTard  Se  Aubert  vêts  ledit 
Anger  ,  fie  dans  celle  dudit  Blain  vers  ledit  Doultremet  , 
Jollivet  Se  Anceliti  ,  &  fur  toutes  les  autres  demandes  des 
parties  ,  les  a  renvoyées  hors  procès  ,  dépens  compenfés  , 
vacations,  extrait  ôc  retrait  payables  une  heure  par  ledit  An- 
get, la  moitié  du  fu'plus  par  lefdits  Bofl'ard  ,  Blain,  Aubert 
£c  Barre  ,  l'autre  moitié  par  ledit  fubllitut. 

Et  faifant  pareillement  droit  fur  les  conclufions  du  Pro- 
cureur g- néral  du  roi  ,  la  cour  enjoint  &  fait  coiiimandemer.t 
aux  gteHîers  civil  &  ciiminel  de  ladite  fcnéchaulfte  &  liège 
préfidial  de  Rennes  ,  de  tenir  leurs  greffes  ouverts  en  hiver 
depuis  huit  heures  du  matin  jufqu'i  midi ,  &  depuis  deux 
jufqu'à  fix  du  foit  ,  &  dans  l'été  ,  depuis  fept  heures  du  ma- 
tin ,  S:  d'y  avoir  des  commis  en  nombre  fuififant,  pour  déli- 
vrer aux  Procureurs  Se  aux  parties  toutes  les  expéditions  re- 
quifes ,  requêtes,  procès-verbaux  Ôc  autres  ,  de  quelques  na- 
tures &  efpèces  qu'elles  foient. 

Leur  cnioint  de  portet  ou  faire  porter  par  leurs  commis  au 
parquet,  les  requêtes,  procès,  &  toutes  affaires  tant  civiles 
que  criminelles  ,  auxquelles  lefdits  avocats  Se  fublitut  doi- 
vent prendte  conclufions ,  pour  l'un  d'eux  s'en  charger  fur 
un  regilhe  que  lefdits  gtelfiers  feront  tenus  d'avoir  à  cette 
tin  ,  fans  qu'ils  puilfeu:  les  portet  ailleurs  qu'au  parquet ,  à 
peine  de  demeurer  perfonnel'ement  reCponfables  des  vaca- 
tions qui  feroient  pet^ues  au  préjudice  defdits  avocats  ôc 
fubllitut. 

Fait  auS  défenfes  aux  fénéchal ,  alloué,  juge  criminel  , 
&  autres  juges  &  oSciers  dudit  prjfidial  ,  juge  prévôt ,  d'en- 
voyer les  procès  &  afFaires ,  ôc  aux  Procureurs  de  les  porter  à 
conclure  ailleurs  qu'au  parquet ,  fous  les  mêmes  peines  que 
delflis. 

Ordonne  que  l'ariêt  du  8  août  1759  fera  bien  &  dûment 
exécute;  ce  faifunt,  que  le  gretfiet  civil  portera  à  la  pre- 
mière audience  du  fiège  ,  fur  le  regilhe  d'icelle  ,  les  appofi- 
tions  de  fcellés,  le  jour  des  procès-verbaux,  avec  les  noms  âc 
les  domiciles  d»s  décèdes,  &  marqu'era  s'il  y  a  drs  mineurs  â 
pourvoir  ,  à  peine  de  répondre  petfonnellement  de  tous  dé- 
pens ,  dommages  Se  intérêts. 

Otdonne  aux  greiliers  civil  Se  criminel  d'inférer,  confor- 
mément à  l'aiticlc  î  du  titte  iS  de  l'ordonnance  de  1^57  ,  fut 
un  plumitif  ,  les  fentenceJ  ôcjugcinens  qui  interviendront  à 
chaque  audience  ,  fur  lequel  ils  inféreront  le  nom  des  avo- 
cats ôc  Procureurs  ,  avec  défenfes  à  eux  de  mettre  a  l'avenir 
aucunes  fentences  ou  jugemens  fur  de  fimples  cèdules  oïl 
cadetnes ,  lequel  plumitif  fera  paraphé  à  1  ifiue  de  chaque  au- 
dience ,  ou  dans  le  même  jour  ,  pat  celui  qui  aura  prélidé. 

Enjoint  auxdits  greffiers  ,  conformément  aux  précéJens  ré- 
^lemens ,  de  reprêfenicr  auxdits  avocat  â^  fubllitut ,  t9u(cs 


7i6 


PROCUREUR  ,&c. 


faires  criminelles  &  dans  celles  qu'on  jngeoit  à 
l'auciicnce  ,  dévoient  être  priles  au  parquet  par 
avis  commun. 


fois  qu'ils  le  reiiiier.onc ,  lefJiis  phnnitifs  ,  niinuces  dts  fon- 
ttnces ,  procJsvcrbaux  ,  regidres  ,  toutes  procédures  civiles 
&  criminelles  ,  dont  ils  prendront  comniunicïiion  fans  dé- 
placer ;&:,  en  cas  de  lefus,  lefdics  avocats  &  fubllitut  pour- 
ront en  dreffcr  leur  procès  verbal ,  ùir  lequel  fera  fait  d;oit , 
ainlî  qu'il  appartiendra. 

Enjoint  au  greffier  ciirninel  d'avoir  un  tegiftte  ,  fut  lequel 
il  fera  tenu  d'inférer  tourcs  les  procéaures  criminelles  f;ui  fe- 
ront F.iites,  les  r.-iiiontrances  ,  dénonciations ,  &  principale- 
ment tous  les  inventaires  de  dépôts  de  hatdes  ,  tn  unies  &C 
efteis,  faits  dans  Ton  grciie  ,  &c  généralement  tout  ce  qui 
concerne  l'iullrutlion  &  fuites,  les  noms  des  à<^ÊÙÈ,  la  date 
des  jugcni'.-ns  ,  foit  interlocutoires  ou  déHnitim^B  |uel  rc- 
girtre  fera  nrrcté  ic  (igné  par  le  juge  criminel  à  RgBf  le  cha- 
que mois  ,  ou  autre  juge  en  fon  abfence  ,  Se  pat  Ic^biiitut  , 
ou  l'un  dcfJits  avocats  en  (on  .ihfence. 

Enjoint  paieillemcnt  audit  gieflier  criminel  d'avoir  un  re- 
gillre  fur  leijiitl  il  marquera  toutes  les  fommes  q'i'il  recevra 
pour  l'inlhudion  Oc  jugement  des  inîlances  criminelles  , 
Ibitparlcs  mains  des  parties ,  procureurs  ou  autres,  dont  il 
fera  néanmoins  tenu  d'en  donner  des  quittances  ,  avec  dé- 
fcnfes  à  lui  &:  à  fes  commis  d'exiger  aucunes  autres  fommes 
au  delà  de  celles  dont  il  aura  iiiar,.jué  &"  donné  des  quittances, 
à  peine  de  concuflion  ;  lequel  regillre  fera  arrête  &  ligné 
«omme  il  e'I  porté  ci-cievant. 

Fait  défenfes  au  même  greffier  de  donner  aucune  commu- 
nication ou  copie  des  procédures  criminelles  ,  à  peine  d'être 
procédé  extraordinaircment  contre  lui. 

Fait  coinmanJenient  aux  greffiers  civil  êc  criminel  de  fc 
charger  de  la  recette  des  épices  ,  d'infcrer  exactement  Se  par 
jour  fur  le  regillre  de  recette  les  dates  de  toutes  les  lenten- 
ees  rendues  fur  le:  conclulîons  arrêtées  &  délibérées  au  par- 
quet, &.'  d'y  faire  mention  de  la  taxe  ,  épices  6c  vacation  , 
pour  s'en  charger  en  cas  de  retrait  defdits  jugemens  ,  &: 
compter  au  parquet  de  trois  moij  en  trois  mois  du  produit 
delViites  conclulîons. 

Ordonne  que  le  receveur  dîs  deniers  communs  dudit  fiège 
en  rendra  compte  dans  quinzaine  ,  du  jour  de  la  publica- 
tion du  préfent  arrêt ,  &  continuera  de  le  taire  de  fix  mois  en 
flx  mois  pardevant  le  fénéchal  ou  autre  juge  en  fon  abfence  , 
deux  confeillers  dudic  (ïége  ,  qui  feront  à  cette  fin  commis  , 
l'un  defdits  avocats  Se  fubilitu::  ,  îefquels  ligneront  l'arrêté 
dudit  compte. 

Ordonne  au  receveur  des  épices  de  fournir  au  parquet  , 
conformément  aux  précédcns  arrêts  &:  réglemens ,  les  bois  , 
bougies  à:  autres  commodités  néceflaires ,  fur  les  londs  à  ce 
deliinés. 

Ordonne  aux  huilTiers  dudit  fiége  d'avertir  les  avocats  & 
fubflitut  au  parquet,  lorfque  les  juges  feconr  près  dallera 
l'audience  ,  &  de  les  y  conduire. 

Fait  expreiles  d-  fenfes  aux  greffiers  &:  à  leurs  commis  d'exi- 
ger des  Procureurs  ou  leurs  parties  aucune  fonime  ,  fous 
prétexte  de  vu  ,  fas-on^  retra't&.'  expédition  des  jugemens  & 
lentences  ,  aa  delà  de  ce  q'ti  fera  marqué  au  pied  de  chaque 
niinute  ou  grolTc  ,  à  peine  de  concuflion. 

Ordonne  qu'il  fera  fait  au  parquet  état  des  caufes  cosnmu- 
ijicables  pardevant  lefdits  avocats  &:  lubilitut ,  à  laquelle  fin 
les  avocats  &  Procureurs  qji  en  feront  chargés  feront  tenus 
de  s'y  trouver  après  les  audiences  des  jeudi  &  famedi  de 
chaque  femainc  ,  fc  q'i'un  Jfs  hui/îiers  dudit  liège  fervira 
audit  parquet  les  rôles  des  cniifes. 

Enjoint  aux  Procureurs  d'informer  lefdits  avocats  &  fubftî- 
tut,  des  contraventions  qui  pourroient  être  faites  à  l'exécu- 
tiot!  du  préfent  règlement ,  pour  en  informer  le  Procureur 
général  du  roi  ,  &  y  ctte  pourvu  ainfi  qu'il  appartiendra, 

pidonne  <jue  Je  préfcptaiTct  fera  lu  &  publié  au.\  auJien- 


PROCUREUR, &c. 

Suivant  v.n  arrêt  du  parlement  de  Paris  du  6  miî 
1687,  le  Procureur  du  roi  peut  prendre  feul ,  8c 
fans  en  communiquer  aux  avocats  du  roi  ,  les  con- 
clufions  pour  admettre  des  moyens  de  faux,  &  per- 
mettre d'en  informer,  lorfqu'elles  font  prifes  iépa- 
rément  d'une  inftance  ou  procès  ;  mais  fi  en  voyant 
un  procès ,  on  eftimc  qu'av.nnt  faire  droit  il  y  a 
lieu  d'informer  des  moyens  de  faux,  les  conclu- 
ions fe  prenant  alors  fur  le  vu  de  tout  le  procès  , 
le  Procureur  du  roi  doit  en  communiquer  aux 
avocats  du  roi. 

L?s  conclurions  fur  les  compétences  &  fur  l'é- 
largiffement  des  accufés  priibnnicrs  doivent  aufïï 
être  prifes  par  avis  commun  au  parquet.  Cela  eft 
ainfi  ordonné  par  divers    arrêts. 

Lorfqu'il  y  a  diverfiré  d'avis  entre  le  Procureur 
du  roi  iîc  les  avocats  du  roi ,  Topinion  du  Procu- 
reur du  roi  doit  être  fuivie  dans  les  procès  par 
écrit;  mais  dans  les  procès  d'audience,  l'opinion 


cet,  tant  civiles  que  criminelles  duJit  fiège  &:  fénéchauffée  ,' 
en  prélence  de  maître  llerthou,  confeilleri  cette  fin  commis, 
&  enregiilré  dans  lefdits  gieflres  ,  à  ce  que  perfonne  n'en 
ignore.  Fait  en  parlement  ,   à  Rennes ,  le  15  aoijt  1740. 

Signé  ,  LE  CLAVIER. 

La  mÎKie  cour  a  rendu  ,  /«  i }  décembre  ryyj  ,  relaihemert 
J  la  police  ij  à  la  dij'cipime  du  parquet  de  lafcmchauffée^f 
fitf;e  préfid\dl  de  Rennes,  un  autre  arrêt  de  règlement,  dont 
void  le  dîfpojUif  : 

La  cour  ,  faifant  droit  fut  le  tout  &:   fur  les  cotcIuIjobs 
du  Procureur  général  du  roi  ,  oidonne  que  les  anèts  de  ré- 
glemens des  ç  mai  IS50  &  I)  aoijt  1740  feront  exécutés  fui", 
vaut  leur  forme  &  teneur  ;  a  Jiomologué  la  délibération  des 
juges  de  la   ft-néchaufTée  de  Rennes  ,  du  24  mars  1770,  ÔC 
leur  fentence  du  to   novembre  1777  ;   o-donne  qu'elles  fe- 
ront bien  Se  diimeiu  cxécuttc;  dans  toutes  leurs  dilpofitions  ; 
fait  défenfes  à. Jacques ,  Procureur  en  ladite  fenécfiaulk-e  de 
Kenncs  ,  &:  à  fes  confrères ,  de  fe  préfenter  au  parquet  de» 
gens  du    rai  ,   autrement  qu'en  robes,   rabats,  &:  avec  d.^» 
C  nce  ;  leur  enjoint  de  porter  aiidit  parquet ,  dans  l'heure  qui 
précède  les  audiences,  toutes  les  ciufes  fufceptibles  decom. 
inunication  ;  leuc  ordonne  de  fe  trouver  ludic  parquet,  ou 
de  s'y  fa're  repréfcnter  après  les  audiences   des    jeudi  &  fa- 
medi de  chaque   femaine  ,  pour  y  faire  devant  lefdits  gens 
du  roi  état  des  caufes  communicables ,  à  laquelle  finunhuif- 
fier  du  fugc  en  fervira  les  tolcs ,  defquelles  il  fera  évocation  ; 
fait  dtfenfes  de  plaider  ,  faire  ou  lailler  plaider  aucunes  eau-» 
fts  fufceptibles  de  communication  au  parquet  ,  dontpiéala- 
blement  l'état  n'y  aura  pas  été  fait  \  d'admettre  ,  de  prof  ofer  , 
&  aux  gretTiers  d'enregiitrer  ou  faite  enregiflrcr  aucuns  expé- 
dieas  fur  les  conclufions  des  gens  du  rai ,   dans   les   marieres 
communicablcs ,  ou  dans  les  caufes  aux  qualités  i4elquelles 
le  fuMHtutdu  Procureur  général  du  rcii  en  ladite  iénéchauf- 
féc  j  fe  trouvera  intéreffé  ou  fera  partie,  que   lefiits  expé- 
diens  ne  foîent  fignés  de  tous  les  Prccurcurs  en   caufe,  ôc 
vifés  de  l'avocat  du  roi  qui  tiendra  l'audience.  Ordonne  au 
furplus  que  le  préfent  arrêt  fera  lu    à  l'audifence  ,  enregiftr» 
aux  grefièsde  la  fénéchauflée  &  iîège  préûdiil  de  Rennes ,  5c 
infcrit  fur  le  regiftrc  de  la  communauté  des  Procureurs  audit 
fiège  ,  à  la  pourfuite   6c  diligence  des  gens  du  roi  de  ladite 
fenéchaufllc.  Fait  en  parlement ,  ce  t  î  décembre  I  ;  79. 

Signé,  L.  C.  PICQUET. 

Enfin  ,  par  un  troijl'eme  arrêt  de  règlement  du  10  ûvril  17S1B  , 
le  parlement  de  Bretagne  c  ordonné  que  ceux  qu'on  vient  ({$ 
r^Pfortçrferoiin:  bien  fa*  diumnt  Cfféçutés, 


PROCUREUR,  &c. 

de  l'avocat  du  roi  ,  chargé  de  porter  la  parole  , 
doit  préraloir.  C'eft  ce  qui  réfulte  de  divers  ré- 
gie m  en  s. 

L'ancien  des  deux  avocats  du  roi  a  le  droit  de 
choifir  &  de  porter  la  parole  dans  les  caiifes  d'an- 
dieiice  qu'il  juge  à  propos,  Si.  après  lui  le  fécond 
avocat  du  roi  :  quant  aux  procès  par  écrit  Air  Icf- 
quels  il  y  a  des  concluions  définitives  à  donner  , 
ils  doivent  être  également  diftribués  entre  les  avo- 
cats du  roi  &  le  Procureur  du  roi  ,  fuivant  un  ar- 
rêt de  règlement  rendu  pour  Guéret  le  5  feptcni- 
bre  1703. 

Par  un  autre  arrêt  de  règlement  du  14  août 
1624,  rendu  pour  Poitiers,  il  a  été  ordonné  que 
les  conclurions  ,  tant  dar  s  les  caufes  d'audience 
que  dans  les  procès  par  écrit,  feroient  toujours 
priles  au  nom  du  Procureur  du  roi.  Ainfi ,  lotf- 
qu'im  avocat  du  roi  porte  la  parole  ,  Tes  conclu- 
fions  doivent  être  énoncées  en  ces  termes  :  Oui 
M  .  .  , .  avocat  du  roi ,  pour  le  Frocirtur  du  roi. 

Quand  le  premier  avocat  à\.\  roi  porte  la  pa- 
role ,  le  Procureur  du  roi  &  le  fécond  avocat  du 
roi  doivent  fe  tenir  debout  ,  &  ôter  leur  bonnet 
quand  il  ôtele  fien.  Le  fécond  avocat  du  roi  doit 
pareillement  être  debout  quand  le  Procureur  du 
roi  porte  la  parolt  ;  mais  quand  le  fécond  asocat 
du  roi  parle,  le  premier  avocat  du  roi  &  le  Pro- 
cureur du  roi  font  difpenfés  de  fc  lever.  Divers 
arrêts  l'ont  aiufi  décidé. 

Par  un  autre  arrêt  du  2.2  décembre  1762  ,  le  par- 
lement de  Paris  a  jugé  que  lorfque  dans  les  fièges 
oii  il  n'y  avoit  qu'un  avocat  du  roi  ,  il  portoit  la 
pirole  ,  le  Procureur  du  roi  devoit  être  debout  , 
ck  ôter  fon  bonnet  quand  l'avocat  du  roi  ôtoit  le 
fien. 

Eniin  par  arrêt  du  17  janvier  1779  ,  rendu  entre 
Is  Procureur  du  roi  au  bailliage  &  fiège  préfidial 
de  Provins  ,  &  l'avocat  du  roi  au  même  fiège  ,  le 
même  parlement  a  fait  le  règlement  qu'on  va  rap- 
porter :  — 

<i  Notredite  cour  faifant  droit  fur  les  différentes 
"  demandes  des  parties,  enfemble  fur  les  conclu- 
»  fions  de  notre  Procureur  général,  ordonne  que 
»  les  arrêts  &  réglemens  de  notredite  cour  concer- 
"  nant  les  fonfiions  des  fubflituts  de  notre  Pro- 
'>  curcnr  ghiéral  8:  nos  avocats  des  bailliages  & 
>'  fénéchauffics  du  reïîort  de  notredite  cour ,  fe- 
«  ront  exécuté?  au  bailliage  de  Provins  ;  en  confé- 
w  quence  ordonne  premièrement  ,  que  !a  partie 
»>  de  Sionnert  ,  en  fa  qualité  de  notre  preniier  avo- 
"  cat  ,  précédera  ia  partie  de  Mitantitt  ik  fes  fuc- 
î»  cefTeurs ,  tan:  aux  audiences ,  au  parquet ,  qu'aux 
>»  afiemblées  &  cérémonies  publiques  &  rencontres 
»>  particulières  ;  que  lorfuue  la  partie  de  Mitantîer 
>'  fe  trouvera  à  l'audience,  elle  fera  tenue  de  fe 
w  lever  &  tenir  debout  lorfque  ladite  partie  de 
«  Sionneft  portera  la  parole  ,  8c  d'ôter  fon  bonnet 
M  lorfque  ladite  partie  de  SionneH  ôtera  le  fien. 
»>  Secondement,  que  lefdites  parties  de  Sionnefl 
«  et  de  Mltandcr  feront  tenues  de  s'ademblcr  au 


PROCUREUR,&c.        717 

»  parquet  ou  à  la  chambre  du  confeil  ,   hors  le 
"  temps   du  fervice  des    officiers  du   fièf-e  ,    les 
»  jours  d'audience  ,  en   robe  ,  avant   l'ouverture 
"  dcfdiies  audiences ,  ou   autres  jours  dont  elles 
"  conviendront,  pour  y  recevoir  les  communica- 
»  lions  des   avocats  &.  Procureurs  ,  &  conférer 
"  tant  fur  les  affaires  qui  requerront  célérité,  que 
»  fur  les  procès  par  écrit  Ôc  les  caufes  d'audience  , 
"  oîi  nous  ,  le  public  &  les  communautés  feront 
"  iiuéredès.  Troii'iémement ,  que  les  qualités  des 
"  jv'.gemens  rendus  à  l'audience  fur  les  conclufions 
"  de  la  partie  de  Sionncft,  feront  conçues  en  ces 
»   termes:  Ouï  RouJTcUt  pour  le   Procunur  du  roi  : 
"  dans  lefquels  jugemens  pourront  être  inférés  les 
"  plaidoyers  de  la  partie  de  Sionneft  ,  fi  les  par- 
"  tics  la  requièrent.  Qu:\irièmement,  que  les  édits  , 
"  déclarations  ,  arrêts  &  réglemens  qui  feront  en- 
»   voyés  au  fubffitut  de  notre  Procureur  général , 
'■>  leront  par  lui  portés  au  parquet  ou  chambre  du 
"  confeil  ,&.  remisa  notre  avocat  pour  en  requé- 
"  rir  l'tnregîilrement  &   publicarion  à  l'audience. 
"  Cinquièmement ,  que  l'enregidrsment  des  fubf- 
»  liauions ,  donations  ,  teftamens ,  féparations  de 
"  biens,  aveux  &  dénoinbreinens  Zi.  tous  autres  , 
»  qui  par  leur  nature  devront  é;re  faits  &  publiés 
»  a  l'audience ,  y  feront  requis  &  confentis  par  la 
»  partie  de  Sionnert  ,  en  fa  qualité  de  notre  avo- 
"  cat.  Sixièmement ,  que  le  fiibftitut  de  notre  pro- 
»>  cureur  général  donnera  feul  fes  conclufions  fui' 
»  les  adjudications  des  biens  des  mineurs,  abfcns 
»  &  autres  ,  où  les  conclufions  du  minifière  pa- 
»  blic  font  néccffaires ,  «3t  fignera  feul  les  procès- 
»  verbaux  d'adjudications.  Septièmement ,  amo- 
"  rife  ledit  fub.Oitui,  en  fa  qualité  de  i'ubflirut  de 
»  notre  Procureur  général ,  à  fe  charger  au  greffe , 
'>  en  la  manière  accoutumée  ,  de  tous  les  procès 
"  civils  Se  criminels  fujets  à  communication  ,  à  la 
»  charge  de  ne  donner  les  conclufions  définitives, 
»  qu'après  avoir  pris  l'avis  de   la  partie  de  Sion- 
»  nefl,  lorfqu'elle  fe  trouvera  au  parquet.  Huitiè- 
»  mement  ,  ordonne  que  dans  le  cas  d'avis  con- 
»  traire,  celui  de  notre  avocat  prévaudra  dans  les 
»  caufes  d'audience,  &  celui  du  fubditut  de  aotre 
w  Procureur  général  dans  les  pro:ès  par  écrit.  Neu- 
•>■)  viémement,  que  ledit  fubflitut   ne  pourra   for- 
»  mer  aucune  aèVion  civile,  confentir  l'élargiffe- 
"   ment   provifoire    ni  définitif   d'aucuns   prifor,- 
)»  niers  ,  accorder  main  -  levée  de  faifies  oppofi- 
»>  lions  (aires  à  fa  requête  fijr  biens   vacans ,   par 
))  confilcation,  aubaine,  déshérence ,  bâtardife  ou 
»  autreéneuf ,  fans  l'avis  de  ladue  partie  de  Sion- 
»  ned  ,  en  fa  qualité  de  notre  avocat.   Dixièmc- 
)j  ment,  que  le  (ubftitiit  de  notre   Procureur  gé- 
!5  neral  pourra  prendre  feul  des  conclufions   fur 
»  les  réceptions   d'ofhciers ,  greffiers,  principaux 
jj  commis  de  greffes,  notaires,  procureurs  ,  huif- 
n  fiers  ,  6c  autres  officiers  du 'Orps   dui'it  bailliiiae 
))   Ôc  des    judices    reffortiffantes  audit  bailliage  , 
»  foit  qu'ds  y  ("oient  re^;us  à  la  chambre  du  confeil 
»  ou  à  l'audience ,  fans  l'avis  de  ladite  partie  de 


7^8 


PROCUREUR, &c. 


»  Sionneft  ,  &  en  cas  de  contrariété  d'avis  ,  celui 
»♦  du  fiibflitut  de  notre  Procureur  général  prévau- 
»>  dra,faufà  la  partie  de  Sionnefl  à  requérir  la 
»  réception  &  inftallation  lorfqu  elle  fe  fera  à  l'au- 
J'  dience.  Onzièmement  ,  que  ledit  fubftitut  ne 
■»'  pourra  non  plus  faire  aucunes  dépêches  &  répon- 
"  les  qu'après  avoir  pris  l'avis  de  notre  avocat  , 
«  lefquelles  feront  écrites  en  conféquencedes  déli- 
«  bérations  du  fiége  ou  des  conclufions  prifes  par 
»  avis  commun.  Douzièmement,  qu'il  ne  pourra 
»  interjeter  appel ,  ni  intenter  aucun  procès  con- 
"  cernant  le  doinaine  ,  fans  en  avoir  communiqué 
»»  à  notre  avocat.  Treizièmement,  que  ledit  fubfli- 
"  tut  fera  les  requêtes ,  inventaires  de  produflions 
5>  qu'il  conviendra  faire,  &  notre  avocat  les  aver- 
J)  tiflenïens  ,  contredits  ik  falvations.  Quatorziè- 
»>  Biement  ,  que  les  conclufions  qui  fe  donneront 
"  en  commun  feront  écrites  G:  figntes  par  ledit 
'>  fubftitut  ,  par  lui  regirtrées  fur  un  rcgiflre  qui 
»  fera  dépofe  dans  une  armoire,  dont  ledit  fubdi- 
'>  tut  &  notredit  avocat  auront  chacun  une  clef, 
"  &  les  procès  &  conclufions  remis  enfuite  au 
»  greffe.  Quinzièmement  ,  que  les  épices  des  con- 
«  clufions  qui  doivent  être  prifes  par  avis  com- 
»  mun  ,  feront  auffi  arrêtées  par  avis  commun  , 
»  taxées  au  bas  des  conclufions  ,  &  partagées  , 
ï>  favoir  ,  les  deux  tiers  audit  fubflitut  ,  &  l'autre 
»»  tiers  à  notre  avocat  ;  &  dans  le  cas  où  l'office  de 
»>  notre  fécond  avocat  du  roi  feroit  rempli ,  la  moi- 
»  tié  defdites  épices  appartiendra  audit  fubflitut  , 
"  &  l'autre  moitié  à  nos  deux  avocats  pour  les 
î»  partager  chacune  par  égales  portions.  Seizième- 
'>  ment ,  ordonne  que  le  fubflitut  de  notre  Pro- 
i)  cureur  général  donnera  feul  les  conclufions 
j»  fur  l'entérinement  des  lettres  de  terrier ,  de  bé- 
»  néfice  d'inventaire,  curatelle  aux  biens  vacans 
j)  &  déguerpis,  envoi  en  pofTeflîon  defdits  biens 
»  fubflitués,  homologation  de  partage  des  biens 
3»  d'abfens  ,  envoi  en  pofleffion  defdits  biens  ,  vé- 
»  rification  d'aveu  &  dénombremens  ,  &  dans 
j)  tous  les  autres  aéles ,  ordonnances  Se  jugemens 
«  qui  fe  rendent  dans  la  maifon  du  juge,  &  per- 
»  cevra  feul  les  épices  defdites  conclufions  ;  donne 
j>  a61e  à  la  partie  de  Sionneft  de  fes  offres  ,  de 
»  remettre  entre  les  mains  du  greffier  du  bailliage 
V  de  Provins,  lafomme  de  29  liv.  qu'elle  a  reçue 
3»  pour  les  épices  defdits  objets;  ordonne  en  con- 
>»  féquence  que  ladite  fomme  fera  rétablie  entre 
7>  les  mains  dudit  greiîier.  Ordonne  que  le  prc- 
■)}  fent  arrêt  fera  imprimé,  publié  &  afiîché  en 
s*  l'audience  ,  &  infcric  fur  les  regiilres  du  par- 
»  quet  du  bailliage  &  fiège  préfidial  de  Provins  , 
»»  aux  frais  des  parties  requérantes  ;  furie  furplus 
»  des  demandes  ,  fins  S»,  conclufions  des  parties, 
î)  les  met  hors  de  coi"^ ,  tous  dépçns  eompenfés. 
s»  Si  mandons  ,  &c.  j>. 

Dans  le  cas  d'abfence  ,  maladie  ,  récnfation  ou 
autre  empêchement  du  Procureur  du  roi ,  fes  fonc- 
îioqs  doivent  être  remplies  par  le  premier  avocat 


PROCUREUR, &c. 

du  roi,  &  à  défaut  de  celui-ci ,  par  le  fécond  avo-. 
cat  du  roi. 

Et  réciproquement ,  dans  le  cas  de  maladie  ou 
autre  empêchement  des  avocats  du  roi ,  c'eft  au 
Procureur  du  roi  à  remplir  leurs  fondions. 

Dans  le  cas  d'abfence  ou  d'empêchement  des 
juges  d'un  fiège  ,  les  fondions  de  ces  officiers,  de 
quelque  nature  qu'elles  puiffent  être,  font  dévo- 
lues au  procureur  du  roi,  à  moins  que  fon  minif- 
tère  ne  foit  requis  ou  intéreflé.  C'eft  ce  qui  réfultc 
de  divers  arrêts  Se  règlen)ens.  Le  dernier  efl  in- 
tervenu fur  le  réquifitoirc  du  Procureur  général  du 
roi  au  parlement  de  Paris,  le  4  janvier  1785  ,  en 
faveur  du  Procureur  du  roi  du  bailliage  de  Con- 
creffault  (1). 

PROCUREUR  FISCAL.  C'eft  un  officier  établi 
dans  une  juflice  feigneuriale  ,  pour  y  défendre  & 
foutenir  les  intérêts  du  public  &  du  feigneur ,  6c 
pour  y  faire  les  fon(51ions  que  remphilent  les  Pro- 
cureurs du  roi  dans  les  juftices  royales.  Voyez 
Procureur  du  roi. 

PROCUREUR  GÉNÉRAL  DU  ROL  C'eft  le 
titre  que  porte  un  officier  principal,  qui  a  foin  des 
intérêts  du  roi  Si.  du  public  dans  l'étendue  du  refr 
fort  d'une  cour  fouveraine. 


(i)  Voici  le  difi'ojinf  di  ce  dernier  arrh. 

La  coui'  ordonne  qu'en  l'abCence  ou  empêchement  dei 
officiers  du  bailliage  de  ConcrclTaulc,  les  fondions  defdits 
ohHciers,  de  quelque  nature  qu'elles  puiflent  être  ,  feront  te 
demeureront  dcvolues  au  fubllituc  du  Procureur  général  du 
rci  audit  fiège  ,  dans  tous  les  cas  où  fon  miniltère  ne  fera  ni 
requit ,  ni  intércfTc  ;  en  confcquence  fait  dcfenfes  aux  ^ra- 
djès  &:  praticiens  du  bailliage  de  ConcrefTaulc ,  &:  aux  offi- 
ciers des  fièges  voilins  ,  de  olonner  des  certificats  Sx.  de  Jéga- 
Hfet  les  (ïgnatures  des  netaites  ,  &  autres  ades  ,  dans  l'é- 
tendue du  reflort  dudit  bailliage  ;  comme  auffi  fait  dcfenfes 
auxdits  gradués  &:  praticiens  des'immifcet  en  manière  quel- 
conque dans  les  fondions  des  officiers  dudit  fiège  ,  fous  pré- 
texte d'abfence  ou  empêckement  de  leur  part ,  fi  ce  n'eft 
dans  le  cas  où  le  miniftère  public  pourroit  être  requis  ou  in» 
térelTé;  lefquelles  fondions  ,  audit  cas,  ne  pourront  être 
exercées  que  par  l'ancien  des  gradués ,  &:  à  défaut  de  gradués  , 
par  l'ancien  des  praticiens  ;  ordonne  que  l'article  II  de  la 
didaraiion  du  9  avril  i??^,  fera  exécuté  fclon  fa  forme  & 
tcneut;  en  conféquencc  que  les  curés  des  paroifTes  fituces  dan* 
retendue  du  teflbrt  du  bailliage  de  Concrcflault ,  feront  te- 
nus de  faite  patapher  les  tegifhcs  des  bjptèmes,  mariages  flc 
fépultutes  defdites  paroiffes,  par  le  lieutenant  général  ,  &  «n 
cas  d'abfence  ,  par  le  premier  officier  dudit  fiége  ,  fuivant 
l'ordre  du  tableau  ,  finon  par  le  plus  prochain  juge  royal 
qui  aura  été  commis  à  cet  effet,  au  commencement  de  cha- 
que aiinée  ,  par  ledit  lieutenant  général  ;  fait  dcfenfes  auxdits 
curés  de  les  faire  parapher  p'ar  lefdits  gradués  &  praticiens  , 
fous  les  peines  portées  par'l'artîcle  XXXIX  de  ladite  déclara- 
tion du  9  avril  1736  ;  fait  pareillement  défenfes  auxdits  gra- 
dués êc  ptaiiciens  de  parapher  lefdits  regiftres,  fous  telles  pei- 
nes qu'il  appartitndra  ;  enjoint  au  fubftitut  du  procureur  gé- 
néral du  toi  au  bailliage  de  ConcrefiTault ,  de  veiller  à  l'exé- 
cution du  préfent  arrêt  ,  lequel  fera  imprimé ,  public  &:  affi- 
ché par-tout  où  befoin  fera,  &  notamment  dans  la  ville  de 
ConctefTault  &  dans  les  Paroifles  fituées  dans  le  reflbrt  di4 
bailliage  de  ladite  ville.  Fait  en  parlement ,  8rc. 

5ifnc,DUFRANC, 

u 


PROCUREUR,  &c: 

Le  roi  ne  plaide  point  en  fon  nom,  il  agit  par 
fon  Procureur  général. 

Ce  magiftrat  eft  chargé  de  tenir  la  main  à  ce  que 
la  difcipline  établie  par  les  ordonnances  &  régle- 
inens,  loit  obfervée. 

11  eft  affis  au  milieu  des  avocats  généraux  ,  foit 
par  dignité  ,  foit  pour  être  plus  à  portée  de  prendre 
leur  confeii. 

Lorfqu'ils  délibèrent  entre  eux  au  parquer  de 
quelque  affaire  par  écrit  ,  &.  que  le  nombre  des 
voix  eft  égal ,  la  Tienne  eft  prépondérante  ;  enforte 
qu'il  n'y  a  point  de  partage. 
^  Les  avocats  généraux  portent  la  parole  pour  lui  , 
c'eft-à-dire  a  fa  décharge  ;,ils  ne  font  cependant  pas 
obligés  de  fuivre  fon  avis  dans  les  affaires  d'au- 
dience ,  &  ils  peuvent  prendre  des  conclufions 
différentes  de  celles  qu'il  a  prifes. 

Il  arrive  quelquefois  qu'il  porte  lui-même  la  pa- 
role en  cas  d'abfence  ou  autre  empêchement  du 
premier  avocat  général,  &  par  préférence  fur  le 
îecond  &  le  iroifième,  auxquels,  à  la  vérité  ,  il 
abandonne  ordinairement  cette  fonétion  ,  à  caufe 
de  fes  graiides  occupations. 

Comme  la  parole  appartient  naturellement  aux 
avocats  généraux,  la  plume  appartient  au  Procu- 
reur général  ;  c'eft-à-dire  ,  que  c'eft  lui  qui  fait 
toutes  les  réquifiiions,  demandes,  plaintes  ou  dé- 
nonciations qui  fe  font  par  écrit. 

C'eft  lui  qui  donne  des  conclufions  par  écrit  dans 
toutes  les  affaires  de  grand  criminel ,  &  dans  les 
affaires  civiles  appointées  ,  qui  {om  fujettes  à  com- 
munication. ' 

Les  ordres  du  roi  pour  la  cour,  les  lettres-paten- 
tes ou  clofes  ,  les  ordonnances  ,  les  édits  &  les  dé- 
clarations s'adreffent  au  Procureur  général  ,  qui 
peut  en  tout  temps  interrompre  le  lervice ,  pour 
apporter  à  la  cour  les  ordres  du  roi.  C'eft  pour- 
quoi la  porte  du  parquet  qui  donne  dans  la  grand'- 
chambre  du  parlement  de  Paris ,  doit  toujours  être 
ouverte. 

Les  ordonnances  chargent  fpécialement  le  Pro- 
cureur général  au  parlement  de  Paris  ,  de  veiller 
â  ce  que  les  évcques  ne  s'-.rrétent  dans  ceme  capi- 
tale que  pour  leurs  aiTaires. 

Les  enregiftremens  d'ordonnances,  éJits,  décla- 
rations &  letrres-paten'Lf  ,  ne  fe  font  qu'après 
avoir  ouï  le  Procureur  ^  ;  :éral  ;  &  c  eft  lui  qui  eft 
chargé,  par  l'arrêt  d'enre^'^rement ,  d'en  envoyer 
des  copies  dans  les  bailli"" jes  &  fénéchauffées,  & 
autres  fièges  du  reffort  c'v  îa  cour. 

Dans  les  matières  de  droii  public  ,  le  Procureur 
général  fait  des  réqu  fitoires  ,  à  l'effet  de  prévenir 
ou  faire  réformer  le»  abus  qui  vieriiicnt  à  fa  con- 
Boiffance. 

Les  Procureurs  du  roi  des  bailliages  &  féné- 
chauffées  n'ont  envers  lui  d'autre  titre  que  celui 
de  fes  fubftituts  ;  il  leur  donne  !  :s  ordres  conve- 
nables pour  agir  dans  les  chofes  qui  font  de  leur 
miniftère,&  pour  lui  rendre  compte  de  ce  qui  a 
été  fait. 


PRODIGUE.  719 

Aux  rentrées  des  cours,  c'eft  le  PrCcareur  gé" 
néral  qui  fait  les  mercuriales  ,  tour  à  tour  avec  /* 
premier  avocat  général. 

Les  Procureurs  généraux  ne  doivent  point  avoir 
de  clercs  ou  Secrétaires  qui  foient  Procureurs  ou 
folliciteurs  de  procès;  il  ne  leur  eft  pas  permis  de 
s'abfenter  fans  congé  de  la  cour  j  ils  doivent  fai:e 
mettre  à  exécution  les  provifions ,  arrêts  &  appoin- 
temcns  de  la  cour  ;  ils  ne  doivent  former  aucune 
demande  en  matière  civile  ,  ni  accorder  leur  in- 
tervention ou  adjonflion  à  perfonne,  qu'ils  n'en 
aient  délibéré  avec  les  avocats  généraux  ;  ils  doi- 
vent faire  mettre  les  caufcs  du  roi  les  premières 
au  rôle. 

En  matière  criminelle  ,  dès  qu'ils  ont  vu  les 
charges  &  informations  ,  ils  doivent,  fans  délai  , 
ùonncT  leurs  conclufions  :  après  l'arrêt  ou  juge- 
ment d'abfolution ,  ils  doivent  nommer  à  l'accufé 
le  délateur  ou  le  dénonciateur  ,  s'ils  en  font  re- 
quis. Les  ordonnances  leur  défendent  non-feule- 
ment de  donner  des  confeils  contre  le  roi  ,  mais 
même  en  général  de  plaider  ni  confulter  pour  les 
parties  ,  quand  même  le  roi  n'y  a  pas  d'intérêt  ;  ils 
ne  peuvent  aftifter  au  jugement  des  procès  civils 
ou  criminels  de  leur  fjège;  ils  doivent  informer 
des  vies,  moeurs  &  capacités  des  nouveaux  pour- 
vus qui  font  reçus  à  la  cour  ,  &  être  préfens  à 
leur  réception  ,  tenir  la  main  à  la  confervation  & 
réunion  du  domaine  du  roi  ,  empêcher  que  les 
vaffaux  &  Cujets  ne  foient  opprimés  par  leurs  fei- 
gneurs ,  &  qu'aucune  levée  de  deniers  ne  foit  faite 
fur  le  peuple  fans  commiffion  ;  ils  doivent  avoir 
foin  de  la  nourriture,  entretien  &  prompte  expé- 
dition des  prifonniers  ,  &  pour  cet  effet  vifiter  fou- 
vent  les  prifons. 

PRODIGUE.  Il  n'eft  perfonne  qui  ne  connoifte 
la  fignification  de  ce  terme  ;  les  individus  à  qui  il 
s'applique  fe  multiplient  tous  les  jours.  Le  luxe  & 
la  corruption  des  mœurs  ,  qui  fe  font  gliffés  dans 
toutes  les  claffes  de  la  fociété ,  forcent ,  à  chaque 
moment ,  des  parens  alarmés  de  recourir  à  la  juf- 
tice  ,  pour  mettre  un  frein  à  la  prodigalité. 

Ce  frein  eft  1  interdiélion  ;  M.  Montieny  en  a 
parlé  fous  ce  mot  d'une  manière  auffi  precife  que 
lumineufe.  Ce  que  nous  allons  en  dire  ne  doit  être 
regardé  que  comme  un  fupplément  ;  &  pour  qu'oa 
puiffe  mieux  le  rapprocher  de  l'article  avec  lequel 
il  ne  doit  faire  qu'un  tout ,  nous  le  rédigerons  dans 
le  même  ordre  qu'a  fuivi  M.  Montigny. 

§.  L  Du  ^cnre  it  prodigalité  qui  conduit  à  Vînter-^ 
dïBion, 

L«  célèbre  Cochin  nous  a  laiffé  fur  cette  ma- 
tière des  réflexions  que  Denifart  s'eft  appropriées 
fans  fcrupule  ,  mais  qui  ne  méritent  pas  moins 
d'être  ici  retracées. 

«  Rien  n'eft  plus  précieux  à  l'homme  que  la  li- 
»»  berté ,  que  le  droit  de  difpofer  de  fa  perfonne  , 
n  de  fes  biens ,  &  de  tçut  ce  qui  lui  appartient  ; 


7^0  PRODIGUE. 

j)  C'.A  v.ne.  efpèced'inluimanité  que  d'enlever  à  un 
»  ci;oyt:n  une  faculté  qui  doit  lui  être  fi  chère. 

}>  Mais  il  eft  dos  circonAances  où  la  loi  eft  obli- 
»  gce  de  prendre  des  précautions  qui  gênent  cette 
»  liberté  naturelle,  &  c'eft  l'intérêt  même  des  ci- 
»  toyens  qui  lui  infpire  les  mefures  qu'elle  paroît 
»  prendre  contre  eux. 

"  Ainfi ,  dans  le  premier  âge  de  l'homme  ,  la 
>5  loi  TaiTervit  à  fes  parens,  à  fes  tuteurs  &  cura- 
j»  teurs  ,  &  lui  interdit  toute  dirpofition ,  dans  la 
»  crainte  que  fa  foiblefle  Se  fon  défaut  d'expérience 
n  ne  le  précipitent  dans  des  malheurs  dont  il  ne 
3»  pourroit  jamais  fe  relever, 

«  Dans  un  âge  plus  avancé  ,  la  loi  ne  le  perd 
»  point  encore  de  vue  ;&  en  même-temps  qu'elle 
3>  femble  ne  point  mettre  de  bornes  à  fa  liberté  , 
J5  elleobferve  cependant  l'ufage qu'il  en  fait  faire; 
3j  &  fi  elle  le  vou  s'écarter ,  par  foiblefle  d'efpyit 
»>  ou  par  la  violence  de  fes  paflions  ,  des  routes 
3)  que  la  fageffe  la  plus  commune  femble  tracer  à 
3>  tous  les  hommes  ,  alors  elle  reprend  fon  pre- 
j)  mier  empire  ,  elle  le  retient  par  de  nouveaux 
î>  nœuds,  ou,  fans  le  dépouiller  entièrement  de 
«  fa  liberté  ,  au  moins  elle  empêche  qu'il  n'en 
«  abufe  jufqvi'à  un  excès  qui  lui  devicndroit  fu- 
«  nefte. 

»  La  raifon  en  eft  ,  que  nous  ne  fommes  que  les 
}>  adminiflratcurs  de  nos  biens  ,  &  que  la  loi ,  qui 
j>  nous  en  confie  le  gouvernement  ,  fe  réferve 
»  toifjours  l'empire  abfolu  qui  lui  appartient  ,  pour 
j)  étendre  ou  rcHerrer  notre  pouvoir ,  fuivant  les 
i>  vues  que  la  fageiïe  lui  infpire  ,  &  qui  n'ont  ja- 
î3  mais  pour  objet  que  notre  véritable  intérêt. 

»  De  là  font  nées  ces  diiTêrentes  précautions  que 
î>  la  loi  prend  contre  des  majeurs,  pour  empêcher 
î)  qu'ils  ne  diflipent  leurs  biens  lorfqu'ils  paroif- 
»>  fent  incapables  de  les  conferver  ;  les  uns  font 
»)  abfolument  interdits  de  toute  difpofition  ,  les 
»i  autres  ne  le  font  que  par  rapport  à  l'aliénation 
M  des  fonds  ;  aux  autres  ,  on  donne  un  fjmple  con- 
»  feil,  fans  l'avis  duquel  ils  ne  peuvent  contrac- 
»»  ter  ;  il  y  en  a  qui  ne  font  gênés  que  dans  un  feul 
S)  genre  d'aâion  ,  par  exemple ,  à  qui  on  défend 
3>  d'entreprendre  aucun  procès  fans  l'avis  par  écrit 
3j  d'un  avocat  qui  leur  eft  nommé.  Le  remède 
»  change  fuivant  les  circonftances ,  &  c'eft  la  na- 
3»  ture  de  chaque  affaire  qui  règle  la  manière  dont 
»  on  doit  pourvoir  aux  befoins  de  ceux  à  qui  ces 
sr  fecours  font  néceffaires  ». 

11  n'y  a  point  de  règles  précifes  fur  le  degré  au- 
quel doit  être  porté  le  dérangement,  pour  provo- 
quer Tinterdidion  proprement  dite.  D'Argentré  , 
fur  l'article  491  de  l'ancienne  coutume  de  Breta- 
gne ,  &  iM.  de  Perchambault  fur  l'article  5 18  de  la 
nouvelle  ,  font  entendre  que  l'ufage  de  cette  pro- 
vince eft  d'interdire  tout  homme  qui  a  diffipé  fol- 
lement le  tiers  de  fon  patrimoine  :  mais  cet  lîfage  , 
s'il  exifte  encore  ,  eft  purement  local  ;  par-tout 
«illeurs ,  c'eft  à  la  prudence  du  juge  à  arbitrer  , 
d'après  les  circonftances , fila  perfonne  qu'on  lui  , 


PRODIGUE. 

défère  comme  Prodigue ,  doit  être  regardée  comme 
telle  dans  le  fens  de  la  loi. 

Dans  l'efpèce  du  célèbre  arrêt  du  12  avril  1734, 
M.  Laverdy  ,  défenfeur  du  marquis  de  Menars  , 
dcmandoit  quels  traits  de   prodigalité  on  avoit  à 
reprocher  à  fon  client.  «  Il  a  lui-même  ,  difoit-il  , 
»  mis  un  frein  à  fa  diilîpation  ;  en  fe  mariant,  il  a 
»  commencé  par  fubftituer  le  marquifat  de  Menars 
»  en  faveur  de  fss  enfans  ;  tous  les  autres  biens 
»  exiftent  fans  aucune  efpèce  d'aliénation:  on  ne 
»  cite  aucun  trait  de  diftïpation.  Enfin  eft  il  obéré  ? 
V  Les  lois  veulent  qu'on  n'interdife  que  celui  ^ui 
»  r.eque  tempiis  ,  ne  que  fine  m  expenfarum  habet  ,  &  , 
»  comme  dit  d'Argentré  ,  celui  qui  irientem  de  re 
11   fuâ  dim'nucrit.  Sur  quel  fondement  la  rnarquife 
»)  de  Menars  peut-elle  donc  demander  l'interdic- 
r>  tion  de  fon  mari  ?  Elle  apporte  en  preuve  d'in- 
»  capacité  &  de  foibleffe  d'efprit ,  deux  billets  qui 
»  lui  ont  éié  furpris  ....  Mais  la  voix  des  confeils 
1)  n'étoit-elle  pas  un  tempérament  qui  devoit  avoir 
»  la  préférence?  Et  les   neuf  parens  qui  ont  voté 
»  en  dernier  lieu  pour  cet  expédient ,  n'ont-ils  pas 
»  en  cela  confultê  le  véritable  intérêt  des  parties  ^ 
»  Les    deux  furprifes    qu'on   a  faites  au   marquis 
»  annoncent  clairement  qu'il  pourroit  être  dange- 
»   reux  de  l'abandonnera  lui-même.  Avec  la  pré- 
))  caution  des  confeils ,  la  fureté  du  marquis  &  de 
»   fa  fortune  eft  folidement  établie,  &  il  n'a  plus 
»  rien  à  redouter  de  la  foiblelfe  de  fa  vue  ;  car  ce 
n  font  fes  yeux ,  &  non  fon  efprit ,  qui  ont  été 
»  fi  étrangement  abufès  lorfqu'il  a  figné  deux  obli- 
»  gâtions  ,  l'une   de   20003   livres,  &  l'autre   de 
j>  20005  livres  ,  ne  Croyant  reconnoîrre  que  deux 
»  billets  ,  l'un  de  90  livres ,  &  l'autre  de  80  liv.  ". 
M.  le  Normant   répondoit  :  <«  Le   marquis  de 
M  Menars  a  été  interdit  dès  le  4  mai  1700,  &  il  a 
»  inutilement  tenté  de  fecouer  le  joug  en  1723-. 
»  Deux  des   parens  qui  fe  déclarent  aujourd'hui 
»  en  fa  faveur ,  difoient  alors  ,  que  T/unneur  allant 
»  avant  tout  ,    il  fallait  non-feulement  fonder  à  la 
»  filreté  des  biens  ,  mais  s'affurer  de  fa  perfonne.  Il  eft 
»  bien  certain  que  cène  fut  point  la  foiblefte  de 
»  fes  yeux  qui  le  plaça  ,  à  ces  époques  ,  dans  les 
»)  liens  de  l'interdidlon,  mais  un  oubli  général  de 
»  tout  ce  qu'il  fe  devoit  d'égard  à  lui-même  Se  à 
n  fa  famille,  &  fur-tout  fon  inconcevable  facilité 
n  à  figner  tous  les  papiers   qui  lui  étoient  préfen- 
V  tés/Mais  ce  qui  eft  antérieur  à  fes  premières  in- 
»  terdiflions,  peut-il  fonder  une  interdiflion  qui 
>»  leur  eft  poftérieure  ?  Non  fans  doute,  s'il  étoit 
»  pofûble  de  foupçonner  que  le  marquis  ait  pu  fe 
»  corriger;  mais  ces  deux  billets  qu'il  a  fignés  ft 
»  aveuglement,  ne  prouvent-ils  pas  que  la  même 
M  foibleffe  ,  non  pas  d'yeux  ,  mais  d'efprit ,  fubfifte 
)>  toujours  ?  Si  les  mêmes  dangers  font  toujours  à 
M  craindre  ,  ne  doit-on    pas  prendre  les  mêmes 
)»  précautions  ?  Et  ces  précautions  deviennent  d'au- 
»  tant  plus  indifpenfables  ,  qu'il  s'en  faut  bien  que 
»  les  compagnies  qu'il  voit  le  mettent  à   l'abri  des 
n  furprifes  qui  peuvent  ruiner  fa  fortune  &.  corn^ 


PRODIGUE. 

«  promettre  fa  perfonne.  Il  n'eft  point  d'homme 
»  chez  lequel  brille  encore  une  lueur  de  raifon  , 
j>  qui  n'eiàt  pu  fe  garantir  du  piège  des  billets  , 
j>  &c.  »>. 

Sur  ces  raifons  ,  arrêt  intervint ,  par  lequel  le 
marquis  de  Menars  tut  interdit  &  mis  fous  h  cu- 
ratelle de  fa  femme. 

En  général  ,  on  peut  dire  qu'en  cette  matière  la 
diflipation  ne  doit  pas  é:re  auill  grande  lorfqu'elle 
efl  jointe  à  une  certaine  foiblelTe  d'efprit ,  que  lorf- 
qu'elle forme  le  feul  titre  de  la  demande  en  intcr- 
diélion. 

Il  eft  pareillement  certain  que  les  excès  auxquels 
îl  faut  qu'elle  foit  portée  pour  déterminer  la  juf- 
tice  à  priver  un  homme  de  fa  liberté  ,  doivent 
être  plus  confidérables  &  plus  crians  de  la  part 
d'un  père  de  famille,  que  d'un  fimple  particulier. 
Celui-ci  eft  ,  dans  toute  l'énergie  de  ce  mot ,  mairre 
de  tout  ce  qu'il  poiTède  ;  il  ne  <\oh  rien  à  fes  colla- 
téraux ,  point  d'alimens  pendaut  fa  vie  ,  poi^.t  de 
fucceiîion  après  fa  mort.  Auffi  a-t-il  été  un  temps 
où  ils  étoient  non-recevables  à  pourfuivre  fon  in- 
terdiflion.  Il  y  en  a  un  arrêt  du  2  août  1600  ,  rap- 
porté par  le  Grand  fur  l'article  95  de  la  coutume 
de  Troies.  La  condition  d'un  père  de  famille  eft 
bien  différente  ;  fon  patrimoine  n'eil  proprement 
pas  à  lui  ,  la  nature  &  la  loi  le  def^inrtu  à  fts  en- 
fans  ,  elles  les  regardent  en  quelque  forte  comme 
fes  co-propriétaires  ;  &  à  fa  mort ,  c'eft  moins  une 
fucceffion,  qu'une  continuation  de  proprié;é  qu'elles 
leur  défèrent  (1).  S'il  méconnoît  les  obligations 
facrées  que  lui  impofe  le  titre  de  père  ,  s'il  facrillc 
les  iniéréts  de  fes  en  fans  à  fes  paflîons ,  il  n'y  a 
point  à  balancer  ,  le  juge  doit  prononcer  fon  in- 
terdi(îïion ,  &  lui  dire  ,  comme  faifoit  anciennement 
le  préteur  romain  :  Quando  tua  bona  pattrna  avita- 
que  nequitiâ  tuâ  difperJis  ,  libcrofque  luos  ad  eo^afla- 
tem  perducis  ,  ob  eam  rem  tibi  eâ  re  commercioque  in- 
ttrdico  (2). 

§.  II.   Des  formalités  nkeffaires  à  rinterdiFilon   d'un 
Prodigue. 

Il  y  a  en  Flandres  quatre  coutumes  qui  ne  per- 
mettent de  pourfuivre  l'interdiâion  d'un  Prodi- 
gue qu'en  vertu  de  lettres  royaux.  Ce  font  Lille  , 
litre  4  ,  article  9  ;  chàtellenie  de  Lille,  titre  15, 
;iriicle  10;  Douai,  chapitre  7,  article  9  ;  gouver- 
nance de  Douai,  chapitre  12,  article  8. 

On  a  foutenu  depuis  peu  au  parlement  de  Flan- 
dres, que  ces  difpofitions  étoient  de  droit  co?n- 
mun.  Le  fjeiir  Colpin  père,  négociant  à  Valen- 
ciennes  ,  avoit  été  interdit  par  fentence  des  prévôt 
&  échevins  de  cette  ville  du  11  décembre  1773. 
Il  s'en  rendit  appelant  au  parlement  de  Flandres  , 
&  allcgua  entre  autres  moyens  le  défaut  de  fes  en- 
gins d'avoir  pr*s  des  lettres  à  la  chancellerie  prés 


(l)  L.  1 1 ,  D.  J*»  liberis  tr  pojihvm'is.  !..  i ,  parag,    12,    £). 
de  fuccejforio  ediclo, 
{i)  Pdulus ,  recept-fentint,  lib.  J  ,  tic  4  ,  parag.  7, 


PRODIGUE.  751 

la  cour.  11  n'appartient ,  difoit-il  ,  qu'à  l'autoritS' 
fouverainc  de  changer  l'état  que  la  nature  ou  la  loi 
nous  donnent.  L'incapacité  du  mineur  ne  peut  être 
levée  par  le  juge  ,  qH'en  vertu  de  lettres  de  Béné- 
fice d'âge  (  voyez  ce  mot  )  ;  pourquoi  donc  la 
capacité  naturelle  &.  légale  d'un  majeur  pourroit- 
elle  être  anéantie  fans  lettres  de  curateU<:iWz(\.-\ï 
pas  de  principe  que  c  >nirariorum  cadem  ijl  ratio  ? 

Ce  moyen  étoit  à  peine  fpécieux  :  voici  la  ré- 
ponfe  que  j'y  ai  faite  pour  les  intimés.  C'efl  un 
principe  confiant ,  qu'on  ne  doit  point  ajouter  aux 
lois  ni  aux  coutumes ,  des  formalités  qu'elles  n'ont 
pas  prefcrites.  Tout  eft  de  rigueur  dans  cette  ma- 
tière ;  vouloir  retrancher  quelque  chofe  de  la  loi  , 
c'e/l  attenter  à  fon  autorité  ;  vouloii-  y  fuppléer, 
c'efl  infulter  à  fa  fageffe  Se  à  fa  prévoyance. 

Cette  feule  réflexion  efl  décifive  pour  les  inti- 
més. Il  n'y  a  pas  un  mot  dans  la  coutume  de  Va- 
Icnciennes  ,  qui  fa/Te  feiatir  la  nécefTîté  de  prendre 
des  lettres  Cn  chanceli  rie,  l.oriqu'il  eft  queflion 
d'interdire  un  majeur  nui  abufe  de  fa  liberté  :  il  cA 
donc  inutile  de  recourir  à  cette  forme  par  rapport 
aux  citoyens  dont  la  perfonne  eft  foumife  à  la  cou- 
tume de  Valenciennes.  Ce  feroit  multiplier  les  frais 
fans  objet  &  fans  fruit. 

Cette  conféquence  acquiert  un  nouveau  degré 
de  lumière,  lorfqu'on  jette  les  yeux  fur  le  décret 
d'homologation  de  la  coutume  de  Valcnciennes  ; 
voici ,  entre  autre  chofes  ,  ce  qu'il  porte  :  «  Avons 
Il  interdit  &  défendu  ,  interdifons  &  défendons 
»  par  ces  préfentes  à  tous  nofdits  fujers  &  manans , 
)>  &  autres  qui  auront  ci-après  caufes  ou  procès 
)>  pardevant  nofdits  prévôt ,  jurés  S:  échevins  ,  de 
»  recevoir  &  admettre  en  caufes  &  matières  à  dé- 
}■>  mener  &  intenter  pardevant  eux  ,  a'Jtres  coutu- 
»  mes  &  ufages  que  ceux  ci-deffus  écrits  ». 

D'après  cela  ,  il  eft  impofTible  de  concevoir  com- 
ment l'obtention  de  lettres  de  curatelle ,  fur  laquelle 
la  coutume  garde  le  plus  profond  filence  ,  pourroit 
être  regardée  à  'Valcnciennes  comme  une  formalité 
eifentielle  &  un  préalable  néceffaire  à  l'interdiâion 
d'un  majeur. 

Si  du  moins  le  droit  commun  exigeoit  cette  for- 
malité ,  on  pourroit ,  on  devroit  même  s'y  confor- 
mer à  Valenciennes  ,  comme  ailleurs  ;  mais  le  droit 
commun  eft  auffî  muet  là-de/Tus  que  la  coutume  de 
■Valenciennes  ,  &  il  eft  par-tout  d'un  ufage  conf- 
tant  de  regarder  comme  véritables  &  régulières 
les  fentences  d'interdiflion  prononcées  fans  lettres 
de  chancellerie.  Quatre  coutumes  ,  il  eft  vrai ,  en 
difpofent  différemment;  mais  quatre  coutumes  ne 
forment  pas  une  loi  générale  ,  fur-tout  dans  une 
matière  qui  n'appartient  pas  fpécialement  au  droit 
coutumier. 

Faut-il  une  nouvelle  preuve  de  ce  que  nous  avan- 
çons .•'  En  voici  une  fans  réplique.  Le  recueil  des 
édits  &  réglemens  pour  la  Flandre  ,  imprimé  en 
1731  par  ordre  de  M.  d'Agueffeau ,  nous  offre  , 
page  100  ,  «  un  tarif  des  droits  du  fceau  &  des 
»  taxes  des  lettres  qui  fe  fcellent  es  chancelleries 

Z  zz  z  i^ 


7p  PRODIGUE. 

n  prés  les  cours  de  parlemens  &  autres  cours  fu- 
«  pérleures  de  ce  royaume  ,  en  confèqueace  de 
v  l'édit  du  mois  d'avril  1672  ".  Ce  tarif  aété  enre- 
giftrè  à  la  cour  le  26  juin  1681.  En  1770  ,  il  en 
a  été  fait  un  femblable  ,  mais  beaucoup  plus  étendu  , 
pour  la  chancellerie  établie  à  cette  époque  prés  le 
parlement  de  Nancy  (1).  Or,  dans  l'un  &  l'autre 
tarif,  on  ne  trouve  rien  ,  abfolument  rien  de  rela- 
tif à  l'interdiction.  Il  ne  faut  donc  pas  de  lettres  de 
chancellerie  pour  interdire  un  majeur. 

Enfin,  c'eftce  que  la  cour  elle-même  a  jugé  par 
arrêt  du  14  août  1779,  au  rapport  de  M.  Delvi- 
gne.  Le  fieur  Bodhain  d'Harlebecque  ,  gouverneur 
de  la  ville  de  Marchiennes  ,  étoit  appelant  d'une 
fentence  de  l'official ,  juge  ordinaire  de  Cambrai, 
qui  l'avoit  conft  tué  en  curatelle.  Il  comba  toit 
cette  fentence  par  différentes  raifons ,  &  notam 
ment  par  le  défaut  de  fcs  adverfaires  Je  s'être 
pourvus  préalablement  de  lettres  royaux.  Mais  ni 
ce  moyen  que  'on  pre  riier  difenfeur  avoit  em- 
ployé j  ni  li-S  a.itres  que  j'y  ai  ajoutés  ,  n'ont  été 
t\  aucun  effet.  La  cour  a  déclaré  le  fieur  d  Harle- 
Lecque  bien  &  valablement  interdit. 

Ces  raifons  ont  eu  tout  le  fuccès  qu'on  devoir 
en  att..ndre.  Par  arrêt  du  17  juin  1780  .  rendu  à 
la  féconde  cham.)rc  ,  au  rapport  do  M.  Durand 
d'Elecou.t,  le  parlement  de  Flandres  a  ordonné, 
avan.  faire  droit  fur  l'appel  delà  fentence  d'inter- 
didion  ,  qu'il  feroit ,  i".  tenu  par  le  rapporteur 
procès-verbal  de  l'état  du  fieur  Colpin  père  ;  a", 
fait  devant  le  même  magiftrat  une  nouvelle  aflem- 
blie  de  parens  ;  3°.  informé  des  faits  de  diffipation 
articulés  au  procès  ,  dépens  réfervés.  Par-là,  on  a 
préjugé  bien  clairement  ,  que  l'omiffion  des  lettres 
de  curatelle  n'avoit  aucunement  vicié  la  procédure. 

Pour  qu'une  interdiâion  foit  valable  &  produife 
tous  les  effets  que  les  lois  en  font  réfulter ,  il  faut 
qu'elle  foit  prononcée  par  un  juge  compétent  L'ar 
ticle  21  du  chapitre  60  des  Chartres  générales  de 
Hainaut,  contient  fur  ce  point  une  difpofition  par- 
ticulière. Voici  comme  il  cft  conçu  :  «  Lui  ap.'ar- 
a)  tient  encore  (  au  grand  bailli  de  la  cour  fouve- 
3J  raine  de  Mons  )  ,  &  à  nul  autre  juge  de  notredit 
»>  pays  ,  de  prendre  en  fa  proteftion  &  curatelle  , 
5>  les  Prodigues  ,  furieux  ,  débiles  de  feos  ,  muets 
»  &  autres  femblabics  ,  auffi  leurs  biens  &  reve- 
3>  nus,  y  commettant  tels  tuteurs  ,  curateurs  ou 
j>  manbours  qu'il  trouve  convenir  ,  à  charge  de 
3»  par  eux  lui  en  rendre  compte,  ou  à  fon  commis  ^. 

Le  grand  bailli  efl  repréfenté  ,  dans  le  Hainaut 
François  ,  par  les  juges  royaux  ;  &  ils  exercent , 
chacun  dnns  fon  reiïort ,  le  droit  exclufif  que  les 
Chartres  publiées  longtemps  avant  leur  création, 
attribuoient  à  cet  o^c  er  fouverain  ,  d'interdire  & 
jnettre  en  curatelle  les  habitans  de  cette  province. 
5i  les  prévôt  &  échevins  de  Valenciennes  jouiffent 
<du  mcme  droit ,  c  cff  par  deux  raifons  qui  ne  con- 
viennent à  aucun  autre  juge  municipal  du  Hainaut  ; 

(0  Voy«z  À'i(i|iclçCHA;SGiUEni£,  ) 


PRODIGUE. 

la  première,  qu'ils  font  dans  une  poffeffion  conf- 
iante &  confacrée  par  la  volonté  expreffe  du  fouve- 
rain ,  de  connoître  des  cas  réfervés  aux  juridiâions 
royales;  la  féconde,  que  les  Chartres  générales 
n'ont  aucun  empire  à  Valenciennes  dans  les  ma- 
tières perfonnelles.  Voyez  les  articles  ECHïviK  , 
Magistrat,  &  Valenciennes. 

Tous  les  auteurs  conviennent  que  l'interdiâion 
ne  peut  être  prononcée  que  par  le  juge  domici- 
liaire ,  &  cela  ne  peut  être  fufceptible  d'aucuti 
doute  :  c'eft  toujours  la  loi  du  domicile  qui  déter- 
mine la  condition  des  hommes  ;  il  n'eft  donc  pas 
pcffiblc  qu'une  autotité  étrangère  imprime  à  une 
pcrfonne  une  qualité  qui  change  univcrfcHemcnt 
fon  état. 

Mais  l'acquiefcement  donné  par  une  perfonne 
reconnue  pour  Prodigue  ,  à  la  fentence  d'interdic- 
tion d'un  fiége  étranger  ,  couvre-t-elle  ce  défaut 
de  pouvoir  ,  &.  forme-t-elle  obftacle  à  l'appel  qu'on 
pourroit  en  interjeter  comme  de  juge  incompétent  ? 
Cette  queftion  a  été  jugée  par  l'arrêt  déjà  cité  du 
14  août  1779  ;  en  voici  l'efpèce  : 

Le  fieur  Bodhain  d'Harlebecque,  ayant  fait  quel- 
ques dépenfes  exceffives  ,  futpreffé  par  fa  mère  8c 
fes  autres  parens  de  fe  laiffer  interdire  pour  quel- 
que temps  :  après  beaucoup  de  follicitations  ,  il  y 
confentit ,  fous  la  réferve  de  reprendre  fon  état  de 
liberté  après  qu'on  auroit  mis  ordre  à  fes  affaires  ; 
&  en  conféquence ,  il  fut  rendu  par  l'official ,  jugs 
ordinaire  de  Cambrai ,  une  fentence  du  27  oflobre 
1777 ,  qui  le  conftitua  en  curatelle.  Sa  mère  mou- 
rut peu  de  temps  après  ;  la  fucceffion  qu'elle  liri 
laiffoit,  le  mettant  à  même  de  réparer  une  grand* 
partie  des  brèches  qu'il  avoit  faites  à  fa  fortune  ,  il 
donna  ,  le  2  avril  1778  ,  une  requête  en  mainlevée 
de  fon  interdiéïion.  Ses  parens  s'étant  oppofés  à 
cette  demande,  il  intervint  une  fentence  du  24 
juillet  fuivant ,  qui  ordonna  quelques  préliminaires 
à  l'inftruâion  complctte  de  la  caufe.  Le  fieur 
dHarlebecque  appela  dabord  de  cette  fentence  & 
de  celle  du  27  oé^obre  1777,  tant  comme  de  ju^e 
incompétent  quautrrment  ;  mais  dans  la  fuite  il  fe 
reftreignit  à  l'appel  d'incompétence,  &  fe  réferva 
de  fuivre  ,  quand  &  où  il  jugeroit  à  propos  ,  l'effet 
de  celui  qui  concernoit  le  fond.  J'étois  chargé  de  fa 
défenfe;  voici  le  précis  des  moyens  que  j'ai  em- 
ployés pour  établir  l'incompétence  de  l'official  de 
Cambrai. 

Il  eft  confil^ant  que  le  fieur  d'Harlebecque  n'étoic 
point  domicilié  à  Cambrai  lors  de  la  fentence  da 
27  oâobre  1777,  qui  l'a  privé  de  fa  liberté.  C^â 
ce  que  prouve  ,  i".  un  certificat  du  tréforier  de 
cette  ville  ,  «  portant  ,  que  M.  d'Harlebecque,  ci- 
■»  devant  domicilié  en  ladite  ville  ,  a  ceffé  d'être 
y»  impofé  &  d'être  compris  d  ns  les  rôles  de  capi- 
»  ration,  à  commencer  à  l'année  1774,  ayant 
w  quitté  la  ville  de  Cambrai ,  pour  faire  fa  réfidence 
»  en  celle  de  la  père  au  mois  de  feptembre  1773  "• 
2°.  Les  maire  &  échevins  de  la  Fère  déclarent  par 
a^es  des,,,,  feptembre  1778  Ôc  23  janvier  1779  , 


PRODIGUE. 

*)  que  le  fieur  d'Harlebecquc  eft  domicilié  en  cette 
»  ville,  fans  aucune  iineiruption  ,  depuis  le  mois 
»  de  leptembre  1775  »&  qu-  comme  tel  il  a  été 
1»  exaâement  compris  dars  les  rôles  de  capita- 
«  tion  ,  &c.  ».  3".  Le  bailliage  de  la  Fère  a  rendu  , 
le  II  décembre  1777,  une  Icntence  portant  refus 
d'enregiflrer,  fdire  lire  &  publier  la  fentcnce  d'in- 
terdidion  du  fieur  d  Harlebecque ,  p>»r  la  raifon  que 
cette  fentence  eft  émanée  d'un  juge  incompétent  ; 
<i  le  fieur  d'Harlebecque  n'ayant  pas  perdu  le  do- 
Tt  micile  qu'il  avoir  acquis  à  la  Fere  depuis  plu- 
)»  fieurs  années  ,  &  où  il  étoit  dom  ci  ié  lors  de 
i>  ce;re  fentence ,  n'ayant  fait  qu'une  abfence  de 
»  quelques  mois,  &  un  fi^jour  fembla'.>le  à  Cam- 
»  brai  &  ailleurs  ».  4'.  M.  R.  ,  confeiller  à  la 
cour  ,  l'un  des  principaux  adverfaires  du  fieur 
d'Harlebecque,  lui  écrivoit  le  26  juillet  1777, 
trois  moisava/it  la  fe;.t.  nce  d'intcrdiilrKon:  «  Per- 
I»  fonne  de  nous  n'ignore  que  vous  avez  une  mai- 
»  fon  à  Cambrai  ,  dont  vous  êtes  propriétaire,  & 
»>  que  vous  avez  habitée  autrefois  ;  mais  nous  fa- 
»j  vons  tous  en  même  temps  que  vous  avez  cefle 
î>  de  Thabiier  ,  pour  la  louer,  &.  prendre  un  do- 
i>  micile  hors  du  reiTort  du  parlement  de  Flandres  , 
ï>  &  que  par-là  vous  avez  ceifé  d'être  fon  jufticia- 
»  ble  Se  de  pouvoir  y  être  attrait  par  aflion  per- 
3}  fonnelle  ». 

On  oppofe  ua  afle  que  le  fieur  d'Harlebecque 
a  paffé  au  greffe  de  1  hôtcl-de-ville  de  Cambrai  le 
îo  août  1777.  Mais  que  porte  cet  afle  ?  Que  le 
ileur  d'Harlebecque  ,  demeurant  a  la  Fère ,  renonce 
au  domiùlt  qui',  a  tn  Cette  dernihe  ville  ,  pour  le 
prendre  &  tenir  judit  C.nnbrai  ^  en  fa  maifon  rue 
Notre-Dame.  C'itte  déclaration  prouve  inv.ncible- 
ment  qu'au  temps  de  fa  date  le  fieur  d'H.-trlebec- 
que  étoit  vraiment  domicilié  à  la  Fère;  il  on  ne 
peut  la  confidérer  que  fous  deux  a([;e<3s  ,  ou 
comme  une  marque  de  l'intention  du  ficurd  Har- 
lebecque de  transférer  fon  domici'e  de  la  Fére  à 
Cambrai  ,  ou  comme  une  fimple  foum.ffion  de  fa 
part  .1  la  juridiâion  du  juge  ordinaire  de  cette  der- 
rière ville.  Or  ,  fous  lun  &  l'autre  point  de  vue  , 
il  ..ft  impoflible  que  cet  ai^e  ait  produit  l'effet  qu'on 
a  voulu  en  faire  réfulter. 

1".  Cet  a6h; ,  confidéré  comme  une  déclaration 
du  fieur  d'Harlebecque  de  vouloir  transférer  fon 
domicile  à  Cambrai ,  n'a  pu  le  rendre  justiciable  de 
l'official  de  cette  ville  ,  parce  qu'il  n'a  point  été 
fuivi ,  de  fa  part ,  d'une  tranflation  réelle  &  effec- 
tive de  fa  demeure  de  la  Fére  à  Cambrai.  Domici- 
lium  Te  &  ftfjo  conjlituitur  i  non  nudd  contejlaiione. 
V,  20,  r>.  ad  mttnicïpalein. 

a°.  Ce  même  ade  ,  confidéré  comme  une  fimple 
foumilîïon  du  fieur  d'Harlebecque  à  la  juridit^ion 
ordinaire  de  l'official  de  Cambrai ,  n'a  pu  attribuer 
à  ce  j  .!gc  un  pouvoir  fufîîfant  pour  l'interdire.  Tout 
ce  qui  a  trait  à  'rr  condition  d'un  homme ,  à  fa  capa- 
cité de  contraiSer ,  d'aliéner,  de  participer  aux 
effets  Qtuinaires  de  la  vie  civile  ,  ne  dépend  aucu- 
neoient  de  fa  volonté  ',  ç'eft  la  loi  ftule  qu'il  faut 


PRODIG  t/E. 


735 


écouter  fur  ces  matières.  S:irnus  jura  noflra  noUt 
prejudicium  générale  cuiqtiam  (.ircd  conaitionem  ^neque 
ex  confejjioribuj  ^  nequc  ex  fcripturâ.  L.  2t  ,  C  de 
ûgricolis-.  u  On  ne  peut  ,  dit  Boullenois  fur  Ro- 
»  demburg  ,  tome  2,  page  374  ,  on  ne  peut  ''oa^ 
»  ner  par  convention  à  une  perfonnc  un  état  per- 
»»  fonnel  &  public,  que  ne  lui  donne  pas  la  loi  >♦.. 
Ainfi  un  majeur  ne  peut  de  lui-même  îe  réduire  à 
l'état  de  mineur  ;  un  citoyen  ne  peut  valablement 
flipuler  qu'il  fera  réputé  mort  civilement  ;  &  ,  par 
la  même  raifon,  un  homme  qui  jouit  de  tous  ies 
droits  ne  peut  defcendre  de  lui-même  au  rang  des 
interdits,  ni  par  conféquent  confentir  qu'un  juge, 
auquel  fa  perfonne  n'çfl  nullement  foumife  ,  lui 
imprime  cette  qualité. 

Si  une  inierdiflion  n'avoit  d'effet  que  relative- 
ment à  celui  contre  qui  elle  eu  prononcée,  oa 
pourroit  ,  au  moins  dans  les  provinces  qui  ont 
confervé  l'ufage  des  prorogations  de  jurididlion 
introduites  par  le  droit ,  on  pourroit  être  interdit 
par  un  juge  étranger  auquel  on  fe  feroit  fournis  à 
cette  fin.  Mais  l'effet  d'une  interdiâion  n'efl  jamais 
circonfcrit  dans  des  bornes  fi  étroites  ,  il  s'étend  à 
toutes  les  perfonnes  qui  peuvent  avoir  la  moindre 
relation  avec  la  perfonne  qu'il  s'agit  d'interdire.  Un 
juge  qui  interdit  un  majeur  ,  eft  cenfé  dire  au  pu- 
blic :  «  Je  vous  défends  de  contraéîer  dorénavant 
»  avec  cet  homme ,  je  veux  que  vous  le  confîdé- 
»  riez  à  cet  égard  comme  n'cxiflant  plus ,  je  ré- 
»»  pands  dans  toute  fon  exiflence  civile  un  venin 
i>  qui  va  vicier  tous  les  engagemens  qu'il  pourroit 
H  former  avec  vous  ;  défiez  -  vous  donc  de  lui  ; 
»  fanum  hahtt  in  cornu^  caveto  ».  11  eft  fen/ible  qu'un 
aÂe  auffi  étendu  &  aufli  important  de  la  juridiâion 
civile  ,  ne  peut  être  exercé  par  un  juge  qui  n'au- 
roit  qu'un  pouvoir  précaire  &  momentanée  fur  la 
perfonne  du  majeur  qu'il  feroit  quefiion  d'inter- 
dire. }\  fai  t,  pour  porter  à  ce  point  l'exercice  de 
l'autorité  coiitiét  aux  magiftrats ,  une  juridiflion 
naturelle  ,  fiable  &  permanente  ,  qui  n'appartient 
Si  ne  peut  appartenir  qu'au  juge  du  véritable  do- 
micile. 

Cette  affaire  paroît  avoir  intrigué  beaucoup  les 
juges.  Un  arrêt  du  10  avril  1779  a  d'abord  ordonné 
au  fieur  d'Harlebecque  de  contefler  à  toutes  fins 
&£  de  prendre  des  conclufions  au  fond.  Mais  le 
fieur  d'Harlebecque  n'en  a  voulu  rien  faire  j  il  a 
perfifié  à  demander  droit  féparément  fur  (on  ap- 
pel d'incompétence  ,  fe  fondant  fur  l'article  17 
du  chapitre  i*'  du  flyle  du  parlement  de  Flandres  a 
conforme  à  l'article  3  du  titre  6  de  lordonnance 
de  1667.  \Jn  fécond  arrêt  du  22  mai  fuiyant  lui 
enjoint  de  fatisfaire  au  premier,  à  tel  péril  que  de 
droit ,  S<  ce  dan^  le  mois  de  la  fignificj.tion  qui  lui 
en  feroit  faite  péremptoirement.  Le  fieur  d'Harle- 
becqu':  s'éiant  tenu  purement  &  Cmplement  à  ce 
qu'il  avoit  dit  auparavant ,  il  eft  intervenu  arrêt  le 
14  aoiJt  de  la  même  année  ,  qui  l'a  déclaré  bien  de 
valablement  conftitué  en  .  uratelle. 

On  a  dit  au  mot  Interdiction  ,  qu'il  n'eft  pa» 


734 


PRODIGUE. 


toujours  d'ufage  d'entendre    les  Prodigues  avant 
de  les  interdire.  Cette  formalité  eft  cependant  pref- 
crite  par  les  coutumes  de  Lille  ,  de  la  châtellenie 
«le  Lille,  de  Douai  &  de  la  gouvernance  de  Douai , 
aux  endroits  cités  plus  haut.  Elle  l'eft   également 
par  l'article  520  de  la  coutume  de  Bretagne  ,  dont 
voici  les  termes:  «  En  déclaration  de  prodigalité, 
«  &  interdiiîîion  de  biens  ,  fi  le  défendeur  prétendu 
î>  Prodigue  défaut  à  rajournement  à  lui  donné  , 
»  ou  s'il  compare  ,  &  que  la  caufe  traîne  en  con- 
»  teflation  &  en  longueur  ,  le  juge,  &c.  ».  D'Ar- 
gentré  fur  cet  article  ,  qui  étoit  le  492  de  l'an- 
cienne coutume  ,  dit  qu'en  difpofant  de  cette  ma- 
nière ,  les  rédaéteurs  ont    profcrit    l'opinion    des 
doéleurs  Angélus  ,  Jafon  8c  Décius,  qui  non  piitant , 
dit-il  ,  ad   dtciiirationeni   prodigaUtatis  ,   nice[Jaria/n 
efje  vocationein  Prodigi ,  quia  ,  inquiunt ,  Prû,iigi  irn- 
pcdire  non  poffunc  ne  eis  bonis  interdicctw.  On  voit 
que  ces  doéleurs  fuppofent  ce  qui  e(l  en  qusilion  : 
fans  doute  un  homme  vraiment  Prodigue  ne  peut 
pas  empêcher  qu'oc  ne  l'interdifc  ,  mais  il  peut 
faire  voir  qu'il  n'eft  pas  tel;  il  peut  juftifier,  par 
des  raifons  très-légitimes  ,  des  aÔes  qui ,  au  pre- 
mier abord  ,  femblent  porter  l'empreinte  de  la  pro- 
digalité ;  &  cela  feul  ne  fulllt-il  pas  pour  qu'on  ne 
puifle  paà  l'interdire  fans  l'entendre  ?  C'eQ   la   ré- 
flexion de  d'Argentré.  ^u<^io,   inquarn  ,   affurnptum 
de  ^rodi^o  ,  fed  quonùnhs  talis  pronuncietur  &  judi- 
cetur  ûbjiflere  potefl  &  dcfenfiones  affeue  ;  6"  caufas 
AlienalLonurn  jufias  &  nectjfarias  proùare  ,  6'  débita  , 
&  cafus  ;  &  verb  multi  quoiidic  probant  &  abfolvun- 
tur.  Au  refle  ,  nous  voyons  dans  Chri/Hn  ,  tome 
I  ,  décifion  182,  que  le  grand  confeil  de  Malines  a 
plufieurs  fois  réprouvé  l'opinion  des  dofleurs  coa 
tre  lefquels  s'élève  d'Argentré.  Ce  tribunal  a  ce- 
pendant jugé  ,  comme  l'attefte  le  même  auteur,  & 
cela  par  arrêt  rendu  la  veille  de  pentecôte  1526  , 
que  l'interdiélion  provifionnelle  peut  être  pronon- 
cée fans  entendre  la  perfonne  accufée  de  prodiga- 
lité.  J'ai  eu  plufieurs  fois  ocoafion  de  remarquer 
que  tel  eft  auln    l'ufage    de  la  gouvernance    de 
.Douai  ;  j'y  ai  fait  moi-même  rendre  plufieurs  fen- 
tenccs  qui  l'établifTent  formellement ,  en  forte  que 
la  difpofition  de  la  coutume  de  ce  fiege  eft  limitée 
à  l'interdiiSliGn  définitive. 

Le  défaut  de  conclufions  des  gens  du  roi  annul- 
leroit  il  une  fentence  d'interdiélion  ?  Le  fieur  Col» 
pin  père  a  foutenu  l'affirmative  dans  la  caufe  dont 
on  a  parlé  ci-devant ,  &  il  a  prétendu  faire  annul- 
1er,  fur  ce  fondsment,  la  fentence  des  prévôt  &, 
échevins  de  Valenciennes ,  dont  il  étoit  apelant. 
J'ai  oppofé  deux  raifons  à  ce  moyen  : 

1°.  11  eft  vrai  que  ,  régulièrement ,  les  juges 
prennent  des  conclui'.ons  de  la  partie  publique 
dans  les  matières  d'interdiâion  ;  mais  cette  règle 
a  fes  exceptions  comme  toutes  les  autres,  &  cer- 
tainement, s'il  en  faut  excepter  un  cas,  c'efr  bien 
celui  où  le  défaut  de  partie  publique  dans  un  fiège  , 
en  rend  rexécution  métaphyfiquemenr  impoffible  : 
çr  ,  il  n'y  a  point  d'officier  dans  le  corps  municipal  • 


PRODIGUE. 

de  Valenciennes  qui  foit  prépofé  pour  donner  des 
cojiclufions  dans  les  caufes  relatives  ,foit  à  l'état , 
foit  à  la  fortune  des  particuliers.  Leprévôt-le-comte 
ne  conclut  ou  plutôt  ne  femonce  que  dans  les  ma- 
tières criminelles  &  de  police  ;  le  procureur-fyndic 
ne  prend  communication  que  des  affaires  concer- 
nant les  domaines  Se  oélrois  de  la  ville  ;  le  maieur 
n'exerce  la  conjure  que  dans  un  très  petit  nomiîrc 
de  cas  fixés  par  la  coutume  &  par  quelques  réi'le- 
mens  particuliers;  perfonne  ne  conclut  dans  les 
caufes  purement  perfonnelles  &  civiles.  Tel  eft 
l'ufyge;  peut-être  eii-il  abufif ,  mais  il  eft  trop  an- 
cien  pour  qu'une  fentence  qui  y  eil  conforme  piaffe 
être  annuUée  fous  ce  prétexte.  La  cour  peut  le  ré- 
former pour  l'avenir;  mais  ,  à  l'égard  du  paffé  , 
tous  les  adles  auxquels  il  a  fervi  de  bafe ,  doivent 
fubfifter  :  c'eft  le  vrai  cas  de  la  loi  barbaiiui  ,  D.  de 
cfficia  p  rat  cris  (i). 

2°.  Dans  les  tribunaux  même  où  il  y  a  des  ofli- 
cîers  établis  pour  conclure  dans  les  matières  civiles , 
le  défaut  de  communication  aux  gens  du  roi  ne 
feroit  pas  un  moyen  de  nullité  contre  une  fentence 
d'interdiftion.  Cela  eft  fi  vrai,  qu'on  ne  pourroit 
pas  faire  retracer  par  requête  civile  un  arrêt  rendu , 
foit  contre  un  mineur ,  foit  contre  un  interdit ,  fans 
conclufions  du  miniftère  public,  a  Cette  maxime, 
»  dit  JouiTe  ,pei,n  fe  tirer  de  l'article  36  d-:.  r-re  des 
»  requêtes  civiles  du  projet  de  l'ordonnance  de 
»  1667  ,  comparé  avec  l'article  35  de  la  même  or- 
»  donnance,  oii  on  voit  que  le  moyen  de  requête 
»  civile  établi  par  le  projet  pour  défaut  de  commu- 
»  nication  aux  gens  du  roi,  à  l'égard  des  caufes 
■»  où  il  y  a  des  mineurs  intéreffés ,  a  été  retranché 
»  lors  de  la  rédaftion  de  eet  article  w. 

On  fe  rappelle  que  l'arrêt  intervenu  fur  css  rai- 
fons le  17  juin  1780  ,  a  préjugé,  par  un  avant 
faire  droit,  que  la  fentence  dont  il  s'agiffoit  n'é- 
toit  pas  nulle.  J'aurois  pu  ajouter  à  mes  moyens  ce 
paffage  de  Serpillon  ,  page  1546:  «  Le  défaut  de 
»  communication  d'un  procès  aux  gens  du  roi , 
»  ne  fait  pas  une  nullité  dans  la  fentence  rcncua 
i>  par  un  juge  fujet  à  l'appel ,  parce  que  ce  défaut 
»  peut  être  réparé  pardevant  le  juge  fupérieur, 
»  C'cfl  ce  qni  fut  jugé  au  parlement  de  Dijon  à 
l'aufeliencc  de  relevée,  le  10  janvier  1738  ,  entre 
la  comtefTe  de  Louerme  &  le  fieur  Vtrdin  : 
jj  Diffon  plaidoit  pour  la  comteffe  de  Louerme  ,. 
appelante  d'une  fentence  du  bailliage  de  Châ- 
tillon  ,  qui  l'avoit  condamnée  par  défaut  ,  fans 
conclufions  des  gens  du  roi  ;  il  demandoit  la 
caffation  de  la  fentence  :  la  cour  n'y  eut  point 
n  d'égard  ;  elle  prit  les  conclufions  du  fubflitut,  & 
»  confirma  la  fentence  ,avec  dépens. 

Il  faut  cependant  convenir  que  ,  dans  la  tbèfe 
générale  ,  il  y  auroit  bien  de  l'imprudence  de  la 
part  d'î-in  juge  de  prononcer  uae  iorci-dif^ion  fans 
entendre  la  partie  publique.  Un  règlement  du  coîi- 
feil  du  6  mai  168^1  ,  enpegiliré  au  parlement  de 


(l)  \  cyez  les  airicies  iiRREUK  &  1CK0RANÇ2. 


PRODIGUE. 

Flandres  le  13  juin  fuivant,  porte,  que  Ton  commu- 
niquera au  procureur-général  de  cette  cour  les  af- 
faires «  où  les  mineurs  &  autres  perfonnes  qui ,  en 
»  termes  de  droit,  font  coinparéts  aux  mineurs  , 
>»  auront  intérêt,  &  lorfqu'il  s'agira  de  l'état  des 
«  perfonnes  ».  Ce  règlement  ne  porte  point  la 
peine  de  nullité  ;  mais  l'article  40  des  lettres-pa- 
tentes du  mois  de  mai  1706  ,  rendues  pour  le  con- 
feil  provincial  qui  exifloit  alors  à  Valenciennes  , 
déclare  qu'il  fera  exécuté  en  ce  fiège  ,  "  à  ptine  de 
»  nullité  des  jugemens  qui  auront  été  rendus  fans 
»  conclufions  dans  les  procès  ou',elles  doivent  être 
»  données  ,  fuivant  ledit  règlement  )>. 

§.  III.  Des  perfonnes  qui  peuvent  provoquer  Vinter- 

ainion  d'un  Prodigue. 

Nous  n'aurions  rien  à  ajouter  ici  à  ce  qu'a  dit 
fur  ce  point  l'auteur  de  l'article  Interdiction  , 
fi,  dans  la  caufc  du  fieur  Colpin  père,  dont  nous 
avons  déjà  parlé ,  on  n'avoit  élevé  ,  pour  la  pre- 
mière fois  fans  doute  ,  la  qu^ftion  de  favoir  (i  un 
fiis  ert  recevableà  provoquer  1  interdiâion  de  (on 
père.  Le  fieur  Colpin  foutenoit  la  négative,  &  fe 
fondoit  fur  les  lois  qui  défendent  au  fils  d  intenter 
contre  l'auteur  de  fes  jours  une  de  ces  aifîions  que 
le  droit  romain  qualifie  de  famcufes.  La  rcponfe 
que  j'ai  faite  à  ce  moyen  a  été  confacrée  par  l'ar- 
rêt ;  la  voici  : 

Il  eft  vrai  qu'un  fils  n'efi  pas  recevable  à  pour- 
itiivre  (on  père  par  une  a£lion  qui  pourroit  impri- 
mer fur  lui  le  fccau  du  déshonneur  &  de  l'infamie  : 
mais  où  les  confeils  des  appelans  ont-ils  vu  que  la 
demande  en  interdiélion  fût  de  ce  genre  .^  où  ont- 
îls  vu  qu'un  homme  imerditfût  privé  de  l'honneur 
&  réduit  dans  la  clafTe  des  perfonnes  infâmes  ? 
Les  lois  I  ,  2  6c  4  ,  <^<f  curatorihus ,  décident  qu'un 
fils  peut  être  nommé  cura.eiir  à  1  iiuerdidion  de 
fon  père  ;&  on  voudroit  qu  il  ne  pût  pas  provo- 
quer CQtte  interdi6fion  ! 

Les  femmes  ne  font  pas  pliiS  recevabhs  à  inten- 
ter des  2£iïor\s fameujes  contre  leurs  maris,  que 
les  enfans  contre  leurs  pères.  C'eft  ce  qui  rèfulte 
particulièrement  de  la  loi  2  ,  D.  de  aâione  rerum 
/imotarum.  Cependant  on  voit  tous  les  jours  des 
fenrmes  agir  en  juftice  pour  faire  interdire  leurs 
maris  ,  &  tous  les  jours  les  tribunaux  accueillent 
ces  fortes  de  demandes.  Dans  la  foule  des  airéts 
que  nous  pourrions  en  cirer,  on  remarque  fur  tout 
celui  du  17  avril  1734  ,  par  lequel  le  parlement  de 
Paris  a  interdit  le  marquis  de  Menars  fur  la  pour- 
fuite  de  fa  femme  (i). 

Du  refîe  ,  l'ufage  nous  difpenfe  là-defTus  de 
toute  efpèce  de  preuves.  Rien 'de  plus  ordinaire 
flans  les  tribunaux  ,  que  d'y  voir  des  enfans  ,ef' 
frayés  parla  perfpeiStive  d'un  avenir  malheureux  , 


(1)  Lf  parlement  de  Parij  vienc  cncoa-  di  juger  la  nicnie 
thofe.  l 'arrêt  eft  de  1781.0»  Ic  trouve  dans  Je  tpmen  de 
li  Ct{e:ti  des  cribunwx. 


PRODIGUE.  755 

demander  que  la  juftice  arrête  le  cours  des  di/Tipa- 
tionâ  de  leur  père  ,  &  lui    jette  ,  au  milieu  de  i'a- 
bime  dans  lequel  il  s'eft  plongé  ,  une  planche  qui 
puiffe  fauver  quelques  débris  de  fa  fortune.  Il  n'y 
a  d'ailleurs  aucun  texte  dans  tout  le  droit  civil  ou 
coutumier  ,  qui  leur  ôte  cette  faculté  ;  nous  trou- 
vons au  contraire  dans  une  de  «os  coutumes  ,  dans 
celle  de  Bretagne  ,  une  difpofition  qui  la  leur  ac- 
corde expreffément.  Voici  ce  qu'elle  porte  ,  arti- 
cle P9:  «  Nul  ne  peut  être  déclaré  Prodigue,  & 
»  on  ne  peut  interdire  l'adminiftration  des  biens  à 
M  aucun  ,  fors  qu'à  rmftar.ce  &  requête    de    fa 
M  femme  ,  enfans  ou  autres   prochanis   héritiers 
j'  préfomptifs  ". 

Eh  !  comment  feroit-il  poffible  qu'un  enfant  ne  fût 
pas  recevable  à  requérir  finterdiéfion  de  fon  père 
A  qui  donc  accorderoit-on  ce  droit  .'  Seroit-ce  aux 
collatéraux  exclurivcmenr .''  Mais  tous  les  auteurs 
ne  nous  difenî-ils  pas  que  dans  ces  matières  un 
collatéral  eu.  toujours  regardé  en  jufiice  d'un  œil 
défavorable  ?  Scroit-ce  à  d-.s  étrangers  ?  Mais  un 
étranger  eft  ablblument  non-recevabie,  fuivant  un 
arrêt  du  3  fe{-tembre  1763  ,  rendu  fur  les  conclu- 
fions de  M.  l'avocat  général  Séguier. 

§.  IV.  De  ceux  qui  peuvent   être  nommés  curateurs 
à  fintcrdiElion  ,  &  de  l:urs  devoirs. 

On  a  établi  au  mot  Interdiction  ,  qu'une  fem- 
me peut  être  nommée  curatrice  de  fon  mari ,  foit 
furieux,  foit  imbéciUe  ,  foit  Prodigue.  'S'oici  un 
arrêt  rendu  dans  la  coutume  de  Valenciennes,  qui 
confirme  cette  affertion  pour  le  cas  où  rinterdi(51ion 
eff  fondée  fur  la  démence. 

Le  fieur  Philippe-François  Leju/îe,  négociant  à 
Valenciennes  ,  étant  tombé  dans  un  état  d'imbécii- 
lité  ,  le  fieur  Antoine  Lejufte,  fon  frère  ,  préfenta 
requête  aux  prévôt  &  échevins  ,  pour  être  nommé 
curateur  ,  &  obliger  la  damcLejufie,  fa  belle-fœur 
de  lui  communiquer  fon  contrat  de  mariage  &  les 
autres  titres  qu'elle  pouvoir  avoir  en  fa  poffeffion. 
La  dame  Lejufte  ayant  défendu  à  cette  demande 
il  intervint  fentence  du  5  avril  1764,  qui  la  ren- 
voya des  fins  &  conclufions  de  fon  beau-frère  ,  & 
l'autorifa   à  gérer  toutes  les  affaireî  de  la  commu* 
nauté  d'entr'elle  &.  fon  mari ,  même  à  efler  en  juge- 
ment lorfqu'il  en  feroit  bcfoin.  Le  fieur  Antoine 
Lejufie  appela  de  cette  fentence;  mais  elle  fut  con- 
firmée par  arrêt  du  parlement  de  Flandres  du  30 
mars  1765  ,  au  rapport  de  M.  Hennet. 

L'arrêt  du  17  avril  1734,  que  nous  avons  déjà 
cité  ,  a  jugé  la  même  chofe  pour  le  cas  où  la  prodi- 
galité eft  le  fondement  de  i'interdiétion.  Le  mar- 
quis de  Menars  prétendoit  cependant  qu'il  y  avoit 
une  différence  eflenticlle  entre  ce  cas  &  le  précé- 
dent. «  Peut-on,  difoit  M.  Laverdy,  fon  dcfen- 
»  feur,  propofer,  de  fang  froid  ,  d'affujettir  un 
V  mari  fexagénaire  à  une  jeune  femme  qui  ne  con- 
»  noît  que  les  amufemens  du  monde?  Ne  feroit- 
»  ce  pas  condamner  le  mari  à  être  le  refte  de  (qs 


73<^  PRODIGUE. 

j>  jours  le  plus  malheureux  des  hommes?  Chei 
5)  les  Romains  ,  un  père  imbéciUe  &  fou  pouvott 
j»  bien  être  mis  fous  la  curateHe  de  fon  fils  ,  parce 
j»  que  le  fou  6c  rimbécilie  n'oat  point  de  volonté; 
«  &  encore,  dans  ce  cas,  le  père  n'étoit-il  mis 
»  fous  fa  curatelle  ,  que  lorfque  le  fils ,  par  fes 
»)  refpeâs  &  par  fa  conduite  irréprochable ,  avoit 
»)  mérité  cette  conriance  i  fi  tam  probus  fit ,  dit 
«  la  loi.  Mais  il  n'en  étoit  pas  de  même  du  père 
»»  Prodigue.  Jamais  le  Prodigue  qui  a  connoifTance 
>»  &  volonté,  n'a  été  aflujetti  à  celui  dont  il  étoit 
«  le  chef.  En  partant  d'après  des  principes  fi  fages, 
»  comment  eft-ce  que  le  mari  feroit  fournis  à  fa 
«  femme  »> .'' 

»  La  loi  romaine ,  répondoit  M.  le  Norraant , 
»  défcnfeur  de  la  marquife  deMenars,  ne  peut 
«  avoir  aucune  forte  d'application  à  lefpèce  dont 
I)  il  s'agit.  Quelle  conformité  y  a-t  il  en  effet  entre 
«  la  puiilance  paternelle  ,  &  celle  d'un  mari  fur  fa 
»  femme?  La  puiffance  paternelle  produit  un  vé- 
«  ritable  efclavage  ,  puifque  le  fils,  qui  y  eft  fou- 

V  mis  n'acquiert  rien  qui  ne  foit  pour  fon  père  :  la 
»>  femme  eu  compagne  de  fon  mari,  Se  n'ert  pas  fon 
»  efdave  ;  ce  que  le  mari  acquiert  eft  pour  elle  & 

V  pour  lui  ;  tout  eft  ccnfé  le  fruit  d'une  coUabora- 
»  tion  mutuelle.  Le  mari  eft  chef  d'une  fociété 
I»  commune;  il  la  gouverne  en  maître  ,  mais  il  la 
»  gouverne  pour  fa  femme  &  pour  lui.^— S'il  to.Tibe 
m  dans  le  dérangement,  &  que  le  dérangement 
»  procède  d'une  caufe  qui  mérite  qu'on  lui  ôte 
»)  jufqu'au  pouvoir  qu'il  a  fur  lui-même  ,  alors  la 
n  femme  n'eft  point  obligée  de  fubir  un  joug 
■»  étranger  ;  c'eft  à  elle  à  gouverner  la  chofe  com- 
p  mune  ,  &  elle  ne  pourroit  être  foumifeà  l'au- 
j>  torité  d'un  tiers,  qu'elle  n'eût  donné  lieu,  par 
«  fa  conduite  ,  de  l'interdire  elle-même.  —  Mais 
M  le  droit  qui  appartient  à  la  femme  par  elle-mênre, 
»  elle  l'exerce  encore  à  plus  jufte  titre  quand  elle  a 

V  des  enfans.  Qui  défendroit  en  effet  l'intérêt  des 
>♦  enfans  ,  fi  ce  n'étolt  leur  mère  ?  La  tutelle  ne  peut 
1»  lui  être  refufée  fans  des  motifs  néceffaires  d'ex- 
»  clufion.  Il  y  a  bien  moins  de  prétexte  de  lui  re- 
•>  fufer  la  curarelle,  pour  laquelle  fe  joint  aux  in- 
n  térêts  des  enfans  ,  celui  de  la  femme  elle-mêmç , 
»  &  le  droit  inconteftable  qui  lui  appartient  d^ns  la 
m  communauté. — Mais  "fi  les  lois  romaines  font  ab- 

V  folument  étrangères  à  une  curatelle  ouverte  en 
«  pays  coutumier ,  il  fe  trouve  dans  le  pays  coutu- 
»  mier  des  textes  qui  s'en  expliquent  clairement,  8t 
M  qui  ne  font  contredits  par  aucun  autre.  L'article 
9)  <;  3 1  de  la  coutume  de  Bretagne  ,  porte  :  quelfi  un 
I»  homme  tjl  déclaré  mal  ufant  d*  fes  biens  ,  il  lui 
«  fiera  donnéadminifirateur  pour  gouverner  ou  adminif- 
(,  trer  fts  biens  fô'  aura  la  femme  du  Prodigue  ledit 

V  gouvernement  6-  adminifiratian  ,fi  elle  fe  trouve  ca- 
p  pable  pour  adminifirer  lefdits  bieris  ;  autrement  Us 

V  feront  baillés  à  autres  d:  fes  pareils  ^ui  feront 
t»  trouvés  Jufifans  pour  le  faire  V. 

fat  l'arrêt  cité,  la  Marquife  dç  Menars  fut  dé- 


PRODIGUE. 

clarée  curatrice  ,  &  on  nomma  un  confcll  à  l'interr 
di61ion. 

On  voit ,  par  les  défenfes  refpcflives  des  parties , 
que  dans  cette  affaire  on  convenoit ,  d'un  côté , 
comme  de  l'autre  ,  qu'un  fils  ne  peut  être  nommé 
curateur  à  l'interdiftion  de   fon  père  ,  lorfqu'elle 
eft  fondée  fur  la  prodigalité.  11  y  a  cependant  des 
auteurs  qui  foutiennent  le  contraire  ,  &  ne  met- 
tent à  cet  égard  aucune  différence  entre  le  père  in- 
fenfé  8c  le  père  Prodigue;  tels  font  d'Argentré  fur 
l'article  495  de  l'ancienne  coutume  de  Bretagne, 
&  Voet ,  en  fon  commentaire  fur  le  digefte  ,  livre 
17  ,  tit.  10.  Mais  cette  opinion  nous  paroit  détruite 
par  le  texte  même  fur  lequel  ils  la  fondent.  La  loi 
I  ,  §.   I  ,  D.  curaioribus ,  porte  ,  que  ,  fuivant  l'an- 
cien droit ,  la  curatelle  ne  pouvoit  jamais  être  dé- 
férée au  fils  de  l'interdit.  Curatio  aute/n  ejus  cui  bonis 
interdicitur  ,    filio     negabatur    permittenda.     Mais , 
ajoute-t-ellc,  il  y  a  un  refcrit  de  l'empereur  Plus, 
qui  permet  de  nommer  le  fils  dont  la  conduite  eft 
irréprochable ,  curateur  à  l'interdiélion  de  fon  père 
furieux  :  fed  extat  dïvi  PU  refcriptumfiUo  potiiis  cU" 
rationem  pcrmittendam  in  pâtre  furiofo  ^  fi  tam  probus 
fiit.  Il  réfulte  clairement  de-là  ,  que  l'ancien  droit 
n'a  été  corrigé  qu'à  l'égard  du  père  furieux  ou  in- 
fenfé  ;  il  fubfifte  donc  dans  toute  fa  force  par  rap- 
port au  Prodigue.  La  loi  2  confirme  cette  conft- 
quence  :  elle  autorife  pareillement  le  juge  à  nom- 
mer le  fils  curateur  de  fon  père  ;  mais  elle  ne  parle 
que  dn  cas  où  l'interdiâion  eft  fondée  fur  une  in- 
capacité abfolue.  Sed  &  aliis  dtibit  proconful  cura- 
tores    qui  rébus  fuis  fuperejfe  non  poffunt ,  vel  dari 
jubebity  nec  dubitabit  filium  quoque  patri  curatorem 
dari,  La  loi  4  ajoute,  qu'une  mère /ânVi(/<r  ne  doit 
point  avoir  d'autre  curateur  que  fon  fils:  furiofg, 
matris  curafio  ad  filium  pertinet  (i).  Pourquoi  ces 
trois  textes  ne  rouleroient-ils  quefur  l'intefcliflion 
caufée  pour   fureur  ou  démence ,  fi  leur  décifion 
devoir  également  avoir  lieu  dans  le  cas  de  la  prc*? 
digalité  ? 

11  s'élève  quelquefois  des  conteftations  entre  des 
collatéraux  ,  fur  le  point  de  favoir  à  qui  d'entr'eux 
fera  déférée  la  curatelle  d'un  interdit.  Brillon  nous 
a  confçrvé ,  au  mot  curateur ,  la  note  d'un  arrêç 
célèbre  ,  rendu  {\it  un  différend  de  cette  efpèce  : 
)»  Le  roi  ayant  renvoyé  au  parlement  le  jugement 
»  de  la  conteftation  entre  M.  le  prince  de  Condé 
»>  &  M.  le  duc  d'Enguien  d'une  part ,  6c  madame 
1»  la  ducheffe  de  Nemours  d'autre  ,  touchant  la 
»  queftion  de  la  curatelle  de  M.  l'abbé  d'Orléans  , 
M  leul  enfant  de  la  maifon  de  Longueville  ;  la  cour 
»  confirma  la  nomination  faite  de  M.  le  prince  & 
M  de  M.  le  duc  pour  curateurs,  à  l'exclufion  de  ma- 
M  dame  de  Nemours  ,  qui  prétendoitêtrenomméç 

(i)  Il  y  a  dans  Boniface  un  airèt  du  parlement  d'Aix,  di| 
IX  novembre  1É57,  qui  ell  conforme  à  cetcedilpofition.  La 
Peyrere  en  rapporte  un  autre  rendu  au  parlement  de  Eor»' 
deaux  le  5  janvier  1701  ,  qui  juge«  que  le  fils  cur<!ieur  de  fa 
»  mc-re  tombce  en  dtmeact  ^  n'écoii  f  ai  obligé  de  fc  faire 
>}  acuilet  -f 

curatricç 


PRODIGUE. 

♦>  curatrice  pour  les  biens  paternels, auxquels  elle 
ï)  étoit  l'abile  à  fuccéder.  M^  Baille  plaidoit  pour 
»  madame  de  Neinours  ;  M""  Robert  pour  M.  le 
»>   prince. 

y>  M.  Talon,  dont  les  concluions  furent  fiii- 
»  vies  par  l'arrêt, répondit  ainfiaux  trois  exemples 
»  propofés  de  la  part  de  madame  de  Nemours  , 
»  pour  montrer  qu'il  n'étoic  pas  nouveau  de  don- 
»  ner  même  la  tu:elle  à  d'autres  femmes  que  la 
»  mare  &  l'aïeule. 

V  Le  premier  exemple  étoit  que  le  roi ,  immé- 
w  diatement  après  la  mort  de  madame  de  LoHgue- 
»  ville,  avoit  partagé  la  curatelle  de  M,  l'abbé  d'Or- 
»  Icans  ,  entre  M.  le  prince  pour  les  biens  mater- 
j)  nels,  &  madame  de  Nemiuirs  pour  les  paternels, 
f>  &c  par  conféquent  que  ce  que  le  roi  avoit  tait , 
»  pouvoir  fervir  d'exemple.  M.  Talon  répondit 
j»  que  l'autorité  du  roi  ,  qui  e/1  au-dc/Tus  des  lois, 
ï»  étant  le  leul  fondement  de  ce  qu'il  a  fait  en  cette 
»  rencontre ,  on  n'en  devoir  tirer  auciuie  confé- 
j>  quence,  parce  que  la  cour  cftabfolument  obligée 
j>  de  fuivre  les  lois  ,  quoiqu'elle  juge  fouveraine- 
n  ment  de  leur  exécution. 

»  Le  deuxième  exemple  éroit,  que  madame  la 
«  duchefle  d'Aiguillon  avoit  été  nommée  tutrice 
n  de  MM.  le  marquis  &  l'abbé  de  Richelieu,  quoi- 
«  qu'ils  euffent  leur  mère,  madame  de  Pontcour- 
»  lay  ,  Se  que  pour  elle,  elle  ne  fût  que  leur  tante. 
«  On  répondoit  que  la  mère  s'étant  excufée  de 
î>  la  tutelle,  &,  conjointement  avec  toute  la  fa- 
ï>  mille ,  ayant  prié  madame  d'Aiguillon  de  l'ac- 
ï)  ceprer  ,  ce  confentement  univcrfel  de  la  famille 
»  étoit  l'unique  caufe  de  la  tutelle  de  madame 
w  d'Aiguillon. 

j>  Le  troifiéme  exemple  étoit  à  peu-près  fembla- 
»  ble  dans  la  maifon  de  Coëtlogon  en  Bretagne. 
»  La  cour,  où  la  conteftation  fur  la  tutelle  avoit 
»  été  renvoyée ,  avoit  confirmé  de  la  même  ma- 
>)  nière  le  choix  de  la  famille  ,  &  la  nomination 
«  d'une  femme  pour  tutrice  ;  mais  ,  dans  l'efpècc 
>f  préfente  ,  tous  les  parens  avoient  nommé  M.  le 
«  prince  &  M.  le  duc  pour  curateurs. 

j»  L'arrêt  permit  néanmoins  à  madame  de  Ne- 
n  mours  ,  de  nommer  de  fa  part  un  avocat,  qui 
n  aflTifleroit ,  pour  la  confervation  de  fes  intérêts  , 
ï>  dans  le  confeil  de  la  curatelle  w. 

Les  devoirs  du  curateur  d'un  interdit  (ont  régu- 
lièrement les  mêmes  que  ceux  du  tuteur  d'un  mi- 
neur. De-là  ,  l'obligation  que  lui  impofe  la  loi 
dernière,  §.  5  ,  &  l'authentique  fuivante,  C.  de 
turaioribus ,  de  prêter  ferment ,  de  faire  inven- 
taire, &  de  donner  caution.  La  coutume  de  Douai, 
chap.  7  ,  art.  9  ,  &  celle  de  la  gouvernance  de 
Douai  ,  chap.  12  ,  art.  8  ,  portent,  que  «  ne  font  les 
«  curateurs  des  interdits  tenus  bailler  caution  ,  fe- 
»  ront  néanmoins  fubmis  de  faire  inventaire  des 
îj  biens  de  ladite  curatelle  ,  Se  prêter  le  ferment 
»  en  tel  cas  pertinent  ».  Cette  difpofition  forme 
aujoufd'hui  le  droit  commun  de  tous  les  pays  cou- 
lumiers. 

Tome  XIII, 


PRODIGUE.  737 

La  coutume  de  la  châtellenie  s'en  eft  un  peu 
écartée  ;  elle  décide  ,  rit.  15  ,  art.  10,  que  «  ne  font 
»  les  curateurs  commis,  renus  bailler  caution  ,  ne 
J)  faire  inventaire  des  biens,  mais  (uftit  faite  le 
»  lerrnent  en  tel  cas  pertinent  ». 

En  Hainaut  ,  &  même  à  Venlenciennes  ,  la  fem- 
me qui  ell  nommée  curatrice  à  l'inrerdiffion  de  foa 
mari ,  ou  plutôt  qui  eft  autorifée  n  régir  &  adminif- 
trer  la  coinnuinauté  au  lieu  &  place  de  ce  dernier, 
n'eft  point  non  plus  obligée  de  faire  inventaire.  Tel 
eft  1  ufage  conftant  de  la  province  ,  &  il  a  été  con- 
firmé par  un  arrêt  du  30  mars  1765  ,  dont  nous 
avons  déjà  rapporté  une  difpofiàon. 

§.  V.  Des  effets  de  l'interdiélion  d'un  Prodigue. 

Un  homme  déclaré  Prodigue  &  interdit  cotrj me 
tel ,  peut-il  encore  fe  marier  ?  L'affirmative  ne  fouf- 
fre  aucun  doute.  L'interdiclion  ne  porte  que  fur  les 
biens  ,  elle  n'a  point  d'effet  fur  la  perlonne  même  , 
&  par  conféquent  elle  ne  peut  vicier  un  engage- 
meut  qui  n'eft  en  foi  que  perfonnel. 

Mais  fi  le  mariage  en  lui-même  ne  peut  être  at- 
taqué ,  ne  peut-on  pas  toucher  aux  conventions 
qui  l'ont  précédé  ?  doit-on  laiffer  jouir  la  femme 
de  tous  les  avantages  que  lui  a  promis  le  Prodigue 
qu'elle  a  époufé  ?  peut-elle  même  fe  maintenir  lé- 
gitimement dans  tous  ceux  que  lui  accorde  la  cou- 
tume du  lieu  ? 

Voët  fur  le  digeile  ,  liv.  23  ,  tlt.  i  ,  ne  fait  point 
difficulté  de  dire  que  ce  mariage  efl  radicalement 
nul ,  quant  aux  effets  civils.  Il  paroît  vraiment 
fort  f]ngulier  qu'on  puiffe  aliéner  ou  du  moins 
charger  fon  bien  par  la  voie  du  mariage  ,  tandis 
qu'on  cft  déclaré  incapable  de  faire  1  un  ou  l'aune. 
Cependant  on  ne  peut  fe  cacher  qu'il  y  a  dans 
cette  opinion  bien  de  la  dureté,  &  même  de  l'iu- 
conféquence.  Laiffer  à  un  Prodigue  la  faculté  de 
fe  marier,  &  lui  interdire  le  droit  d'affurer  à  fon 
époufe  le  fort  qu'elle  a  droit  d'attendre  de  fa  condi- 
tion ,  n'eft-ce  point  fe  contredire?  n'eft-ce  point 
lui  rcfufer  réellement  ce  qu'on  a  l'air  de  lui  per- 
mettre ?  n'eft-ce  point  détruire  cette  maxime  fi  gé- 
néralement reconnue  ,  que  la  concefflon  de  la  rîa 
emporte  la  concefllon  des  moyens  néceffaires  pour 
y  parvenir  (^i)  • 

Le  mariage  d'un  Prodigue  ne  mérite  certaine- 
ment pas  moins  de  faveur  que  celui  d'un  homme 
qui  ,  fans  être  totalement  infenfé,  eft  abfolu- 
ment  incapable  de  gérer  fes  affaires.  Or ,  jamais 
on  ne  s'e  avifé  de  contefter  les  effets  civils  d'u:i 
mariage  de  cette  dernière  efpèce  :  on  prend  feulç- 
mcnt  un  tempérament  pour  empêcher  que  l'inter- 
dit n'accorde  à  fon  conjoint  des  avantages  qui  ex- 
cèdent le  taux  auqusl  la  condition  des  parties  de- 
mande qu'on  les  porte.  Fevret,  liv.  5  ,  chap.  3  , 
n".  37, dit , après  M.  Servin  ,  dans  fes  arrêts  ,  tome 


(I)  Cui  jutifdiclio  data  eft  ,  ex  quoque  conccITa  elTc  viden- 
tur  fine  quibus  jufifdiAio  C.vplicari  non  potuir.  L.  *  ,  E>.  dt 
juriJdiiliQiiit 


738 


€RODIGUE. 


2  ,  qu'en  ce  cas  le  juge  doit  réduire  les  conventions  | 
matrimoniales  fur  le  pied  réglé  par  les  coutumes  | 
des    lieux  ,  ou  auireinent  ,    ainji    qu'il   fe  doit  pj.r 
raifon. 

Ces  dernières  paroles  font  remarquables,  fur- 
tout  relativement  aux  coutumes  qui  contiennent, 
foit  fur  la  communauté  ,  foit  fur  les  gains  de  fur- 
vie  ,  des  difpofitions  qui  s'écartent  du  droit  com- 
mua. Celle  de  Douai  ,  par  exemple  ,  établit  entre 
ics  conjoints  une  communauté  univerfelle  de  tous 
biens,  tant  immeubles  que  meubles,  &  en  rend 
propriétaire  le  furvivant  avec  enfans  :  mais  comme 
il  eft  d'ufige  ,  fur-tout  lorfque  la  fortune  n'eft  pas 
tgale  de  part  &  d'autre  ,  de  corriger  cette  difpofi- 
tion  par  le  contrat  de  m;iri3ge  ,  &  de  la  réduire 
aux  termes  du  dtoit  commun  coutumier ,  il  n'ei^ 
point  douteux  que  fi  un  homme  interdit  pour  caufe 
de  prodigalité  ,  époufoit  dans  cette  coutume  une 
femme  qui  ne  lui  apponât  point  une  fortune  pro- 
portionnée à  la  fienne  ,  ou  qui  du  moins  ne  com- 
pensât point  ce  défaut  par  quelqu'autre  avantage 
réel  ,  on  ne  fijt  fondé  à  demander  la  réduction  de 
jfes  droits  nuptiaux ,  conformément  à  l'ufage  le  plus 
"ordinaire  &  à  la  condition  des  parties. 

Nous  trouvons  dans  Bafnage  un  arrêt  du  parle- 
ment de  Normandie  ,  qui  porte  aflez  loin  le  princi- 
pe ,  qu'un  Prodigue  ne  peut  accorder  àfonépoufc 
lin  avantage  un  peu  extraordinaire  fur  les  biens 
dont  la  difpofition  lui  eft  interdite.  Voici  de  quelle 
manière  s'explique  cet  auteur  :  «Par  arrêt  du  15 
»  mai   1671,  au  rapport  de  M.  du  Houley ,  il  fut 
7>  jugé  que  celui  qui  étoit  en  curatelle  en  fe  ma- 
«  riant,  n'avait  pu  obliger  fes  immeubles  à  la  con- 
»  fj2,n3tion  de  la  dot,  mais  feulement  fes  meubles 
»  dont    il    avoit    l'adminirtration  :   voici    les  cir- 
•31  confiances  du   fait.  Jean  Trevet ,  fieur  de  Se- 
at nonville  ,  fut  mis  en  curatelle  en  l'année  1649  ' 
a»  mais  en  l'année  1665  ,  on  lui  laîffa  l'adminiAra- 
•»  tion  de  fon  revenu  &  de  fes  meubles  ,  à  la  char- 
»  OQ  qu'il  ne  pourroit  aliéner  fes  immeubles  que 
»  par  l'avis  de  deux  parens  :  depuis  ,  par  fon  con- 
»  trat  de  mariage  fait  ,  en   l'abfence  de  tous  fes 
5»  parens  ,  avec  la  demoifelle  Savinairc  de  Mazem- 
3>  guerbe,  il  confelfa  avoir  reçu  une  fomme  qu'il 
ï?  avoit  confignée  fur  fes  biens  pour  être  la  dot.  Le 
7>  fieur  Trevet,  confeiller  au  préfidial  de  Rouen  , 
»  qui  s'étoit  oppo''c  à  ce  mariage  ,  n'ayant  point  de 
Yi  caufes  valables  d'oppofition,  fut  obligi  de  s'en  dé- 
»  fider.  Après  le  décès  dudit  Jean  Trevet,  fa  veuve 
«   demanda  fa  dot  à  François  Trevet,  fiisdupre- 
yy  mler  lit ,  qui  s'en  défendit ,  parce  que  (on  père, 
M  étant  en  curatelle  ,  n'avoit  pu  aliéner  ni  hypo- 
M  thèquer   fes  immeubles  que  par  l'avis  de  deux 
T  parens  qu'on  lui  avoit  nommés  ;  on  s'étoit  bien 
3.  gardé  de  les  appeler  ,  parce  qu'en  efl'et  on  n'a- 
■»  voit  rien  payé.  La  femme  difoit ,  au  contraire  , 
»  qu'elle    n'avoit  pu  y  appeler  les   deux    parens 
»  nommés  par  la  reftri6lion ,  parce  que  l'un  étoit 
»  décédé   lors  du  contrat  de  mariage ,  &.  l'autre  , 
9»  (^ui  étoit  le  fleur  Trevet  >  confeiller  ,  étoit  oppo- 


PRODIGUE. 

»  fant  ;  qu'il  feroit  rigoureux  de  lui  faire  perdre  fi 
»  dot  ,  fon  mari  ayant  reconnu  devant  les  tabel- 
»  lions  quil  l'avoit  reçue;  qu'ayant  été  capaMe 
»  de  contrarier  n)ariage  fans  le  confentement  de 
»  fes  parens  ,  il  avoit  aulli  éré  capable  de  confentir 
»  les  payions  ordinaires  dans  les  contrats  de  ma- 
»  riage  ,  &  par  conféquent  de  s'obliger  à  la  confi- 
»  gnation  de  la  dot,  qui  ell  la  principale.  Néan- 
»  moins  il  fut  jugé  que  Trevet  n'avoit  pu  engager 
»  fes  immeubles  par  une  conceifiou  faite  en  l'ab- 
»  fence  de  fes  parens ,  fauf  à  la  femme  de  prendre 
i>  fa  dot  fur  les  meubles  i'. 

Le  Prodigue  interdit  pent-il  tefler  }  Nous  ne  ré- 
péterons pas  ici  ce  qu'on  a  dit  a  ce  fujet  au  mot 
Interdiction.  Nous  ajouterons  feulement  qu'il 
a  été  rendu  dans  les  tribunaux  des  Pays-Bas  ,  des 
arrêts  conformes  à  quelques-uns  de  ceux  qu'on  a 
cités  à  cet  article.  Afande  ,  liv.  4,  tit.  premier, 
decifion  3  ,  en  rapporte  un  du  confeil  fouverain  de 
Frife  ,  du  27  octobre  1626  ,  qui  confirme  le  terta- 
nient  d'un  Prodigue  ,  par  la  raifon  qu'il  ne  conte- 
noit  que  des  diipofiiions  fages  &  raifonnables. 
Grœneweghen  fur  les  inflitutes  ,  liv.  2  ,  tit.  1.2  , 
§.  2  ,  affure  que  la  même  chofe  a  été  jugée  au  con- 
leil  de  Hollande  :  Itd  quoque  in  HoLlundice  curidju- 
dic.itum  intdUxi.  M.  Pollet ,  partie  3  ,  n°.  125  ,  nous 
fournit  un  arrêt  fcmblable  du  parlement  de  Flan- 
dres. «  Marguerite  "Wniemet ,  dit-il ,  avoit  fait  une 
i>  donation  entre-vifs  de  tous  les  biens  dont  elle 
»  pouvoit  difpofcr  au  profit  des  enfans  de  M"  An- 
»  toine  Taifne  de  Boudet ,  confeiller  au  bailliage 
M  d'Ipres  ,  fes  neveux  &  nièces.  Elle  avoit  deux 
»>  frères  ,  Guiflain  &  François  "Wiilemet  ;  François 
n  avoit  été  conftitué  en  curatelle  un  an  avant  la 
»  donation.  Quelque  temps  après  ,  François  Wil- 
»  lemet ,  fe  fentant  atteint  d'une  maladie  mortelle , 
>j  fait  fon  teflament  ,  par  lequel  il  difpofe  de  fes 
>»  biens  en  faveur  des  enfans  de  fon  frère  Guif- 
»  lain.  Après  fa  mort,  Taifne,  au  nom  de  fes  en- 
n  fan»,  s'oppofe  à  l'exécution  du  teftament ,  fou- 
»  tient  qu'il  doit  être  déclaré  nul ,  &  emploie  la 
■>■>  difpofition  du  droit.  Les  officiers  du  bailliage 
»  d'Ipres,  juges  de  la  première  infiance ,  débou- 
H  tèrent  Taifne  de  (on  oppofition  :  appel  à  la  cour. 
})  Par  arrêt  du  19  juillet  17 10,  il  a  été  dit  mal  ap- 
»  pelé  ,  &  que  la  fentence  fortiroit  effet.  La  cour 
»  n'a  point  douté  que  la  novelle  39  de  Léon  ne  fût 
»  autorifée  par  l'ufage  ,  &  elle  a  jugé  que  le  défunt 
M  avoit  prudemment  difpofé  de  fes  biens  en  faveur 
»  des  enfans  de  fon  frère  Guillain,  pour  les  ré- 
n  compenfer  des  biens  dont  ils  étoient  exclus  avec 
>»  leur  père  par  la  difpofition  de  Marguerite  "Wille- 
n  met  leur  tante  n. 

11  y  a  cependant  quelques  coutumes  qui  exi- 
gent ,  pour  la  validité  du  teflament  d'un  Prodigue  , 
que  celui  ci  obtienne  du  juge  une  autorifation  de 
le  faire.  Telle  eft  celle  d'Anvers,  tit.  46  ,  art.  8  , 
C'eft  auffi  ce  que  portent  les  Chartres  générales  de 
Hainaut,  chap.  160,  art.  22.  Le  grand-bailli,  difent- 
elles ,  a  feul  le  pouvoir  «  d'autorifer  telles  perfo»: 


PRODIGUE. 

»  nés  ,  prlfes  en  fa  prote^lion  &.  curatelle  ,  à  paffer 
».  avis  &  partage  au  profit  de  leurs  enfans ,  d'alié- 
»  ner  une  partie  de  leurs  moyens  quand  la  nécef- 
ï>  iité  le  requierr ,  &  faire  tous  tels  autrfs  aSies 
»»  que  par  avis  &  confeil  des  tuteurs  &  plus  proches 
•»  parens  fera  trouvé  expédient  ». 

Il  faut  bien  diiVinguer  dans  cet  article  ce  qui  eft 
propre  à  chaque  efpéce  d'interdiflion  :  ainfi  on  ue 
doit  pss  conclure  de  ces  termes,  autoiifer  telles 
pirfûnnes  à  pdJJ'er  avis  &>  p.irtuni  au  profit  de  leurs  en- 
ftns .  que  les  juges  puirtent  autorifer  les  parens  & 
les  curateurs  d'un  furieux  ou  d'un  imbécille  ,  à 
faire  en  Ton  nom  le  partage  de  fes  biens  entre  fes 
enfans  :  on  peut  bien  contrafter  par  le  miniftère 
<3'un  étranger  ,  mais  pour  teAer  valablement ,  il  faut 
le  faire  foi-mème  :  Tejlamentum  non  débet  pendire  ex 
aliéna  voluniate.  Il  faut  donc  reflreindre  aux  Pro- 
digues la  faculté  que  le  texte  cité  accorde  aux  in- 
terdits de  pajjer  avis  &  partage  au  profit  de  leurs  en- 
fans,  moyennant  une  autorifation  judiciaire  &  un 
avis  de  parens. 

Il  y  a  cependant  un  cas  où  on  peut ,  en  Hainaut, 
difpofer,  même  à  caufe  de  mort,  des  biens  d'un 
furieux  ou  d'un  imbécille,  pourvu  que  ce  foit  entre 
fes  enfans  ;  c'efl  lorfque  fon  conjoint  vit  encore  : 
alors  les  Chartres  générales  permettent  à  celui  ci 
de  faire  de  fes  biens  &  de  ceux  de  l'interdit,  une 
feule  &  unique  mafie ,  &  de  partager  le  tout  en- 
tre leurs  enfans  communs.  Voici  ce  que  porte  l'ar- 
ticle 19  du  chap.  31  :  <«  Si  l'un  des  conjoints  étoit 
»  débile  d'entendement ,  ou  muet ,  ou  en  tutelle 
»»  &  curatelle  ,  l'autre  ,  par  confentement  des  pa- 
»  rens  ou  communs  amis,  deux  de  chacun  coté  , 
«  pourra  faire  &  pafier  avis  &  partage  à  leurs  cn- 
»  fans  &  génération  d'iceux  ,  comme  deiTus  , 
»>  moyennant  le  confentement  &.  autorifation  de 
»>  notre  grand -bailli  de.  Hainaui- ».  Cette  excep^ 
tion  au  droit  commun  n'eft  fondée  que  fur  la  con- 
fiance du  légiflatcur  dans  Tafteélion  parternelle  ;  on 
ne  doit  donc  pas  l'étendre  au  delà  de  fes  termes 
précis. 

Les  créanciers  d'un  Prodigue  ne  peuvent ,  dans 
les  pourfuites  qu'ils  font  pour  obtenir  payement 
de  leurs  dettes  ,  s'adreiTer  qu'à  fon  curateur.  Du- 
fail  rapporte  un  arrêt  du  parlement  de  Bretagne  du 
19  août  1574,  qui  déclare  nulle  une  faifie-réelle 
pratiquée  fur  le  Prodigue  même. 

On  a  démontré,  au  mot  Interdiction,  qu'on 
re  doit  pas,  au  préjudice  des  tiers ,  donner ,  à  la 
fentence  qui  interdit  un  Prodigue  ,  un  effet  rétroac- 
tif aux  premières  procédures.  Cette  opinion  eft  con- 
firmée par  les  articles  cités  plus  haut ,  des  coutu- 
ines  de  Lille,  de  la  châtellenic  de  Lille  ,  de  Douai , 
&  de  la  gouvernarjce  de  Douai  ;  ces  lois  veu- 
lent que  le  juge  pourvoye  »  pendant  le  litige  ,  fur 
«  l'interdidion  de  non  aliéner  fes  biens  par  ladite 
»  perfonne,  félon  que  fera  trouvé  fommairement 
M  la  matière  y  être  dlfpofce  »  ;  ce  qui  ûippofe  bien 
clairement  que  le  Prodigue  appelé  en  jufticepour 
(e  toir  interdire ,  n'eft  point ,  par  cela  fcul ,  déclaré 


PRODIGUE.  7:9 

de  plein  droit  incapable  d'ahéner  fes  biens  peu' 
dant  linflruâion  de  la  caufe. 

La  coutume  de  Bretagne  en  difpcfe  à  peu  près 
de  môme.  Voici  ce  qu'elle  porte,  article  Ç20  : 
»  En  déclnrr.tion  de  prodigalité  &  interdiâion  de 
»  biens,  fi  le  d-fendeur prétendu  Prodigue,  défaut 
)>  à  l'ajournement  à  lui  donné,  ou  s'il  compare, 
5)  &  que  la  caufe  entre  en  contedation  Si  en  lon- 
»  gueur  ,  le  juge,  information  fommaire  préala- 
»  blement  faite,  pourra  ordonner  que  l'état  du 
»  procès  fera  banni  »  ,  c'eft  à  dire  publié. 

Article  52.1.  u  Et  fera  la  banni:  (publication) 
»  faite  au  marché  prochain  ,  &  à  la  paroi/Te  du 
ji  domicile  de  celui  qui  eft  appelle  en  prodiga- 
»  lité  5  &  attachée  au  porte  &  lieu  public  dudir 
»  marché  ,  ou  porte  d'églife  pa''Ochia!e  ,  &  après 
5)  rapportée  &  certifiée  en  jugement  à  jour  d'au- 
1)  dience. 

Article  521.  «  Et  s'il  y  a  aucun  qui  contraâe 
»  avec  lui  depuis  le  ban  ,  &  lui  baille  aucune 
i>  chofe  ,  &  il  foit  depuis  prouvé  &  déclaré  m.al 
j>  ulant  de  fes  biens  ,  il  le  perd  ,  6c  fera  le  contrat; 
»  de  nulle  valeur  ». 

On  ne  peut  rien  ,  comme  on  voit,  de  ph:s  op- 
pofé  que  ces  articles  au  fyftème  d^  ceux  qui  font 
remonter  de  plein  droit  l'effet  de  la  fentence  d'in- 
terdiiQion  ,  au  moment  où  les  procédures  ont  com- 
mencé. Voici  cependant  im  arrêt  qui  a  adopté  ce 
fyllême  ;  nous  le  tirons  du  journal  des  caufes  cé- 
lèbres de  M.  Defeffarts ,  année  1775  ,  tome  4, 
caufe  1 1. 

Le  fieur  Cab  jouiffoit  d'une  fortune  honnête 
dans  le  Rouffillon.  Après  plufieurs  années  diin 
mariage  heureux  avec  une  femme  laborieufe  & 
économe  ,  il  oublia  qu'il  étoit  père  &  époux  ,  Se 
fe  trouva  ,  en  peu  de  temps  ,  écrafé  de  dettes.  Sa. 
femme  ,  alarm.ée  ,  affembla  fes  parens  ,  &  tous  fu- 
rent d'avis  qu'elle  devoir  demander  l'interdiélion 
de  fon  mari.  Elle  forma  cette  demande  par  une  re- 
quête, &  le  juge  l'autorifa  à  le  faire  affigner.  Le 
fieur  Cnb  fe  voyant  près  de  perdre  fa  liberté,  pro- 
fita de  l'intervalle  de  l'ajournement  à  la  fentence  , 
pour  vendre  une  métairie  ,  qui  étoit  le  feul  bien 
fur  lequel  fa  prodigalité  n'eût  pas  étendu  fes  ra- 
vages. Après  l'interdiâion  prononcée,  la  femme 
atttaqua  le  contrat  de  vente.  Il  eft  libre  fans  doute, 
difoit-elle  ,  à  un  majeur  de  vendre  fon  bien  :  mais 
cette  liberté  ,  qui  eft  l'apanage  de  tout  citoyen , 
ne  doit-elle  pns  être  fufpendue  dans  un  père  de 
famille  ,  qui  s'efl  mis  dans  le  cas  de  la  voir  attaquer 
par  une  demande  en  interdiflion  ^  L'interdiélion  eft 
une  planche  que  la  loi  jette  au  diffipateur ,  au  mo- 
ment de  (on  naufrage  :  lui  efl-il  permis  de  la  re- 
pouffer  ,  quand  elle  la  lui  préfente  ?  L'interdic- 
tion efl  encore  une  dernière  reffource  que  la  loi 
accorde  à  ceux  qui  ont  intérêt  de  fauver  quelques 
relies  d'une  prodigalité  outrée  :  or  ,  ce  remède 
falutaire  au  Prodigue  pour  qu'il  ne  confonimc  pas 
fa  ruine,  &  ce  fecours  ,  néceilaire  à  ime  mère  &  à 
des  eafans,  pour  n'en  être  pas  les  viiSirnes,  de- 

A  a  a  a  a  ij 


740  PRODIGUE. 

Viendroiert  inutiles  ,  fi ,  lorfque  la  requête  efl  pré- 
fentce  au  juge ,  l'alTemblée  de  parens  ordonnée  ,  le 
Prodigue  n  étoit  pas  àt\h  lié  par  cette  procédure 
préparatoire.  Il  n'eft  pas  douteux  qu'irrité  des  chaî- 
nes qu'on  lui  forge  ,  il  ne  fe  porte  d'autant  plus  à 
les  rendre  vaines  ,  qu'il  fe  livre  à  la  fois  &  à  fon 
penchant  de  diffiper  ,  &  à  la  fatisfaftion  de  fe  ven- 
ger. —  Le  mal  viendra  donc  du  remède  ,  le  défef- 
poir  de  la  reflburce  ?    C'eft  à-dire  ,  qu'en  faifant 
tous  fes  efforts  pour  arrêter  fon  mari  au  bord  du 
précipice  ,  ce  (éra  fa  femme  elle-même  qui  l'y  aura 
jetéj  elle  fera  coupable   d'avoir  averti  un  créan- 
cier avide  ,  afin  qu'il  profitât  des  derniers  momens 
de  liberté.  —  Ainfi ,  les  lois  n'auront  point  de  force 
ni   d'effet  contre  le  Prodigue,  s'il  lui  eft  poflible 
d'en  éluder  l'exécution:  il  fera  au  contraire  d'an- 
gereux  de  les  invoquer;  elles  le  précipiteront  dans 
le    dernier  des    défordres  ;  elles  lui  tendront   la 
main  ,   &  ce  fera  cette  main  qui  achèvera  fa  ruine. 
— Ce  n'eft  pas  au  mort  qu'il/aut  des  remèdes  ,  mais 
•au  malade.  Que    la  dernière  vente  foit  exécutée  , 
la  prodigalité  eft   confommée  ,  tout  eft  fini.  Plus 
de  befoin  ,  plus  d'urilité  du  remède  de  l'interdic- 
tion. Le  mari  eft  comme  mort  pour  fa  femme  & 
fes  enfans  ;  fon  obligation  naturelle  de  les  nourrir 
eft  éteinte  ;  il  n'y  a   plus  lieu  pour  lui ,  ni  au  re- 
pentir ,  ni  à  l'amendement.   Et  on  ofera  foutenir 
qu'il  n'y  a   de  frein  pour  cette  liberté  meurtrière 
de  vendre,  que  lorfqu'elle  a  frappé  fes  derniers 
coups.  —  La  prodigalité  eft  une  efpèce  de  démen- 
ce ;  difons  plutôt,  avec  les  lois,  de  fureur.  Nous 
Avons  néanmoins  que  les  engagemens  faits  par  un 
infenfé  Se  un  furieux,  font  nuls  avant  même  que 
leur  perfonne  foit  interdite  \  &  que  les  engagemens 
du  Prodigue  ne  font  rejetès  qu'après  fon  interdic- 
tion ;  mais  au  moins  faut-il  que  le  Prodigue  s'arrête 
dàs  le  moment  qu'il  eft  averti  que  la  jtiftice  eft 
f /ifie  du  compte  qu'il  doit  lui  rendre  de  fa  conduite. 
£t  lorfque  la  loi  ,  qui  veille  fur  lui ,  commence  à 
s'élever  en  fa  faveur  ,  ne  faur-il  pas  qu'elle  en  im- 
pofe  à  ceux  qui  pourroient  être  capables  d'abufer 
encore  de  fa  foihlefte.^  —  C'eft  Thommage  que 
tout  citoyen  doit  à  l'empire  de  la  loi ,  &  au  tribu- 
nal chargé  de  fon  exécution.  De-là,  la  défenfe  de 
tien  innover  pendant  Tinftruélion  des  procès  ;  l'obli- 
gation de  rétablir  ce  qui  a  été  innové,  &  la  peine 
contre  une  réfdknce  opiniâtre.  Les  règles  doivent 
être  plus  févèrcs  en  faveur  d'un  Prodigue,  parce 
qu'il  ne  s'agit  pas  de  faire  rentrer  des  diffipations 
déjà  confommées  fans  relTource,  mais  d'arrêter  le 
coiirs  de  nouvelles  qu'il  peut  faire  encore.  Or  ,  fi 
le  Prodigue  jouit  de  fa  capacité  lors  même  qu'on 
procède  pour  l'en   priver  ,  il  eft  évident  qu'il  n'en 
îera  que  plus  déterminé  à  en  faire  un  mauvais  ufa- 
ge. — Les  lois  prononcent  la  nullité  des  aliénations 
faites  en  fraude  des  créanciers  ;  c'cft  ,  à  plus  forte 
raifon  ,  le  cas  d'un  mari ,  d'un  père  pourfuivi  en 
interdi'^lion.  Sa  femme  ,  qui  eft  déjà  fa  créancière 
pour  fa  dot,  le  devient  alors  avec  fes  enfans  pour 
leur  fub-Qftance  ;  le  diffipateur  devient ,  lui ,  créan- 


PRODÏGUE. 

cier  fur  luî-mêmc  pour  cette  même  fubfîftanccj 


qu  il  a  raite  pe  _ 

tance ,  eft  en  fi-aude  de  l'obligation  civile  de  fournir 
aux  charges  du  mariage,  &  de  l'obligation  natu- 
relle de  nourrir  fa  femme,  fes  enfans,  &  de  fe 
nourrir  lui-même.   Quoi  de  plus  facré  &  de  plus 
privilégié  qu'une  obligation  impofée  par  le  droit 
naturel  i  —  Mais  ce  n'eft  pas  iur  le  fieur  Cab  que 
doit  tomber  le  reproche  ik  l'odieux  de  cette  fraude  : 
un  Prodigue  a-t-il  l'ufage  de  fa  raifon.''  C'eft  fur 
l'acquéreur  &  fur  le  notaire  qui  a  été  fon  complice. 
Cette  vdrité  eft  démontrée  par  Vzâ.<t  de  vente  Se 
par  les  circonftances  qui  l'ont  précédé.  —  Dabord 
ce  fut  le  i6  août  que  l'intimée  prèfenta  requête  au 
juge   pour  demander  l'affemblée  des  parens  aux 
fins  de  l'interdiélion  :  elle  demanda  en  même-temps 
des  défenfes  contre  fon  mari  de  la  maltraiter,  fous 
peine  de  prifon.  Cette  requête  ,  avec  Terdonnance 
conforme,  fut  fignifiée  à  fon  mari  le  25  fuivant  ;. 
&  les  parens  furent  aftlgnés  pour  fe  trouver  àl'af- 
femblée  indiquée  au   2.7.  Il  faut  remarquer  aue  le 
notaire  qui  a  reçu  l'a.fîe  eft  un  des  parens,  &  que 
fon  affignation  eft  auftl  du  25. — L'afle  de  vente  fut 
fait  le   27.  Ainfi  le  mari  favoit  depuis  deux  jours 
qu'on  pourfuivoit  fan  interdidion ,  &  le  notaire 
le  favoit  également.  L'acquéreur  ne   pourroit  af- 
firmer  qu'il  fût  le  feul  qui  n'en  fût  pas  infiruit.  La 
précaution  qu'il  a  prife  de  faire  dater  l'aéîe  ,  non- 
feulement  de  l'année  &  du  jour,  mais  encore  de 
l'heure  où  il  fut  paffé  ,  dévoile  le  concert  qui  a  ré- 
gné entre  lui  &  le  vendeur.  —Il  y  a  des  coutu- 
mes &  même  des  ordonnances  qui  enjoignent  aux 
notaires  d'exprimer  qu'un  contut  a  été  fait  avant 
ou  après  midi  ;  mais  aucune  n'exige  l'heure  pré- 
cife  ,  s'il  n'y  a  quelque  raifon  pour   le   faire.  A. 
moins  que  le  notaire  dont  il  s'agit  ne  tût  dans  cet 
ufage  ,    il   eft   évident    que  l'expreffion  de  cette 
date  inufitée  de  l'heure  ,  eft  bien  fufpeae.  Quel  a 
été  le  but  de  cet  officier  en  prenant  cette  précau- 
tion }   Il  favoit  que  l'affemblée  des  parens  étoit 
marciuée  au  2.7  après   midi;  il  vouloir  que  la  vente 
parût  avoir  été  faite  le  matin  ,  &  qu'elle  eût  précède 
l'alTemblée  des  parens  ,  dont  les  avis  dévoient  dé- 
cider l'interdiâion.  N'eft-ce  pas  ici  le  cas  dapph- 
quer  l'axiome,  nimia  pmcautio  dolus  ?  -— D  adlcurs 
il  eft  aifé  de  fe  convaincre  par  la  feule  leiture  de 
l'aéle ,  que  la  vente  eft  toute  favorable  à  l'acheteur  , 
&  préjudiciable  au  vendeur.  L'acheteirr  ,  pour  une 
créance  de  1000  livres ,  acquiert  une  métairie  en- 
tière pour  le  prix  de  3500  liv.  ,  moyennant  1064 
vres  ,  pour  le  payement  de  laquelle  fomme  il 
rend    encore  le  terme  d'un  mois.  Le  vendeur  le 


h 
pren 


dépeuille  de  la  propriété  de  cette  métairie  pour 
cette  créance  de  1000  livres  qu'il  auroit  pu  liqui- 
der ou  au  moyen  de  fon  revenu  ,  ou  en  vendant 
quelque  partie  détachée.  ïl  eft  évidem  que  1  acqué- 
reur Veft  joué  de  la  facilité  du  vendeur.  Il  eft  en 
effet  furprenant  qu'un  corps  d'héritage ,  compoLe , 


PRODIGUE. 

fuivant  r?i^a,  de  terres  cultivées  &  înciilfes ,  as 
bois,  prés,  vignes,  niaiians  ,  bergeries,  tant  au 
terroir  de  TaïUet  qu'acx  autres  terroirs  voifins, 
qui  fourniiTent  encore  uns  étendue  de  terrein  en 
p.hurages  ,  ne  vaille  que  3500  livres.  Quoi  qu'il 
>-  n  foit ,  de  ce  que  la  vente  ii'étoit  pas  nécefTaire  , 
de  ce  que  cette  vente  a  été  faite  preique  à  l'inllant 
d;  i'interdiiSion  ,  il  réfulte  évidemment  que  l'acqué- 
reur a  féduit  le  vendeur  ,  qu'il  a  profité  des  der- 
niers momens  qu'il  croyoit  que  ce  Prodigue  avoit 
encore  de  libres  ,  6c  du  dérangement  de  la  raiibn  , 
pour  lui  enlever  une  métairie  qui  éioit  fans  doute  à 
la  convenance.  —  Sur  ces  motifs,  le  confeil  fou- 
verain  de  RouffiUon  déclara,  conformément  aux 
conclufions  de  M.  Cappot ,  avocat  général ,  l'aéle 
tic  Vvjntc  nul  ,  Se  les  offres  que  la  femme  avoit 
faites  de  rembourfer  les  fomraes  que  l'acquéreur 
avoit  lég^itimement  payées  ,  bonnes  &  valables. 

îl  n'eft  point  douteux  que  cet  arrêt  n'eut  jugé 
tout  autrement ,  û  la  collufion  &.  la  fraude  n'avoient 
p?.s  été  établies  par  des  préfomptions  auHî  fortes  • 
car,  dans  la  tiièié  générale,  les  principes  fur  lef- 
quels  fe  fondoit  la  dame  Cab ,  étoient  infoutena- 
biss  :  il  ne  failoit  même  ,  pour  les  détruire  ,  que  lui 
oppoler  l'exemple  de  la  vente  faite  par  un  débi- 
teur en  fraude  de  lés  créanciers.  11  eu  certain  ,  en 
effer ,  que  cette  vente  ne  peut  être  déclarée  nulle 
que  dans  le  cas  où  l'acquéreur  a  été  inlîruit ,  non- 
ieulement  de  l'état  des  affaires  du  vendeur ,  m.iis 
encore  de  fes  intentions  frauduleuses,  Se  que  par- 
lât il  s'en  ell  rendu  complice.  La  loi  io,§.  2,  3  , 
4  5  5  '  ^-  1^^  ''^  fraitJem  crediturum ,  en  contient 
des  dirpofuions  expreiTes. 

Quelques  auteurs  ,  3  la  tête  defquels  eft  le  pré- 
fident  Favre,  ont  été  plus  loin  encore  que  l'arrêt 
dont  nous  venons  de  rendre  compte  ;  ils  ont  pré- 
tendu qn'orj  devoit  déclarer  nulles  les  aliénations 
faites  par  les  Prodigues  ,  même  avant  qu'ils  fuffent 
pourfuivis  en  interdiction,  lorfque  leur  prodigalité 
Cioit  notoire.  Ces  auteurs  fe  font  fondés  furïa  loi 
\  ,D.de  citrn'onbus  ,  Si  fur  la  ioi  8  ,  D.  pro  ewpiore. 
Lsur  opinion  paroîi  même  avoir  été  adoptée  par 
lin  arrêt  que  BriUon  rapporte  en  ces  termes  :  ^^  \5n 
5>  fils  majeur ,  qui  avoit  le  bien  de  l'on  père  ,  mais 
»  s'étoit  obligé  ,  dans  les  premiers  fix  mois  de  fa 
«  majorité  ,  à  pîus  eue  la  valeur  de  fes  biens  ,  tant 
>7  envers  des  marchands  qui  avoient  fourni  des 
«  dentelles  pour  des  fommes  exceffives ,  qu'autres 
>i  marc'.iandifes  qui  ne  c onvenoient  pas  à  l'état  de 
5>  ce  l'eune  homme,  fils  d'un  mouleur  de  bois,  a  été 
j>  déchargé  de  toutes  ces  dettes,  dont  partie  en  let- 
^  T>  très  de  changes  :  les  lettres  de  refcifion  prifes  par 
3>  la  mérc  ont  été  entérinées  ,  quo-icfu'clle  n'eût 
j>  fait  interdire  ion  hls  qu'après  les  dettes  créées. 
•>■>  J'ai  trouvé  cet  arrêi  fans  date  da.ns  les  notes  ma- 
»  nui'ciites  de  feu  M.  Stcouffe  v. 

Cet  arrêt ,  s'il  cft  exaéleiw.ent  rapporté  .  &  l'opi- 
nion qu'il  a  fuivie  ,  n'ont  aucun  fondement  fcl'de. 
La  loi  I  ,  D.  t/<  curntorïb'.n ,  porte  à  la  v^ri'^é  ,  que 
le  Prooi^ne  eli interdit  par  là  loi  des  douze  tables, 


PRODIGUE. 


74Ï 


//•.7.-'  âuoitàm  tnhuhi'urn  Prod'igô  iircrdicifi/r  honorun 
faorum  iidnùnijlratio  ;  wixs  cela  ne  fuppofe  pas  que 
l'interdiccion  5'opère  de  plein  droit,  par  le  feul  fait 
de  la  prodigalité,  fans  déclaration  préalable  du 
juge.  On  ditfouvent:  telle  loi  condamne  à  more 
celui  qui  commet  tel  crime;  veut-on  dire  par  là 
qu'il  ne  faut  point  de  jugeinent  pour  infliger  la 
peine  de  mort  au  coupable  du  crime  dont  on  veut 
pnrler.'  Non  affurément,  la  loi  ne  s'occupe  que  du 
point  de  droit ,  c'ert  au  juge  ,  qui  eft  fon  miniftre  , 
à  en  fîire  l'application  au  fait  qu'on  foumet  à  fa 
dé^ifion.  Eh  l  quelle  loi  pourroit  marquer  dans  la 
fpéculat'.on  l'inltant  précis  oti  la  raifon  finit  &  la 
prodigalité  commence  ,  où  l'homme  qui  jufqu'à  ua 
certain  temps  n'a  fait,  en  difpofmt  de  fes  biens  , 
qu'exercer  une  faculté  naturelle  &.  légitirse  ,  de- 
vient tout-à-coup  un  dilTîpntejr  criminel,  où  enfin 
ce  pèie  do  famille  ,  qui  n'avoir  contraété  des  dettes 
que  pour  fon  commerce  ou  fa  lubfifiancc,en  forme 
uniquement  pour  les  paffions  honteufcs  qui  fe  font 
emparées  de  ibn  cœur ,  &  les  porte  k  ce  point  d'ex- 
cès ,  qui  doit  donner  lieu  à  l'interdiéiion  ? 

La  loi  S  ,  D.  pri>  cmptore,  n'eft:  pas  plus  décifive. 
L'argument  qu'on  en   rire  ne  roule  que  fur  uns 
mran'aifc  interprétation  de  fon  texte,  &fe  rétorque 
même  contre  les  auteurs   q_ue  nous  combattons. 
V^oici  comme  elle  eft  expliquée  dans  un  mémoire 
rapporté  par  Brillon  ,  tome  3,  page  839;  «  \Jn 
■)■>  particulier  achète  dss  efclaves  ;  il  en  paye  le 
»  prix  comptant.  Il  fait  que  celui  qui  lui  vend  ces 
11  efclaves  doit  diff;pcr  r.uffi-tôt  l'argent.  Eft-il  ac- 
11  quéreur  de  bonne  fol  ?  Oui, Tans  doute  ,  répond 
5»  le  jurifconfulte  Julianus  :  comment  peut-on  ac- 
11  cufer  de  mauvaife  foi  un  homme  qui  acquiert 
11  du  véritable  fc'gneur,  du  véritable  pr©priétaire? 
«  Mais  il  ajoute  cette  exception  ,  à  moins ,  dit-il  , 
1)  qu'il  n'eût  acheté  ces  efclaves  d'un  Prodigue  , 
11  d'un   débauché ,  à  luxuriûjo  l'y  protini/s  fcortj  dû- 
11  turo  pecuniam  ;  alors  ,  dit  le  jurifconfulte  ,  cette 
11  vente  ne  vnut  rien  ;  il  n'eft  plus  acquéreur  de 
11  bonne  foi  ,   non  ufn  capiet  ».  Oppoibns  à  cette 
traduftion  infidelle  ,  les    propres  termes  de  la  loi  r 
Si  quts  cîim  feint   vendltortm  flaiiiv  pecuniam  con- 
fwnpturam  ,    fcrvos  ab  eo   emijjet ,  plcrique  refjwnde- 
lunt  tutn  r.ih'dhomminiis  bomz  fi l  i  emptorem  cjji  ;  id- 
que  veriiir  efi.  Q^uomodo  enim  rnalâ  fidc  cmi.'Je  videtur 
qui  à  domino  émit  ?  tfISl  FORTE  ET  is  qui  à  luxe 
riofo  &  protlnhs  fcoTto  daturo  pecuniam  ,  Jèrvos  eme- 
rit  ,  non  ufu  c  piet.  Qui  ne  voit  que  les  mots  ,  nifi 
forte  &  ,  ne  font  pas  ici  employés  par  forme  d'ex- 
ception ,  Si.  qifils  confirment  au  contraire  la  pre- 
mière propofition  de  la  loi .-'  Que  dit  le  jurifcon- 
fulte Julien  }  "  Comment,  ce  f(»nt  fes  termes  ,  corn- 
j>  ment   réputen.'it-Oïi   de   mâuvaife   foi  celui   quT 
)>  achère  du   vrai  propriétaire  }  h  moins  qu'on  ne 
))  veuille  fouienir  que  ceUji  qui  achète  d'un  diiîî- 
V  pa?eur  &  d'un  civbauché,    ne  puiffe  pas  pref- 
11  crire».  Il  ert  évi>1enî  qu'ici  le  jurifconfulte  com- 
pare &  identifie  les  deux  cas  dont  il  parle.  Dans  Ig 
premier  ,  il  décide  qu'on  achète  valablement,  quoi- 


74t  PRODIGUE. 

qu'on  paye  le  prix  à  iin  honime  qu'on  fait  de- 
voir le  confumer  de  fuite  en  folle  dépenfe  :  dans 
le  fécond ,  il  adapte  la  même  décifion  à  celui 
qui  Compte  à  un  homme  perdu  de  mœurs,  les 
deniers  d'une  acquiiition.  C'eft  ainfi  que  l'a  enten- 
du Voet  fur  le  digefte,  titre  de  aleatorlbus ,  n".  4  ; 
&  pour  peu  qu'en  fafîe  attention  au  véritable  iens 
des  mots  nifi  fonè  &  ,  on  fera  convaincu  qu'il  n'eA 
pas  pofïïble  d'interpréter  autrement  la  loi  dont  il 
s'agit  ;  ces  mots  font  encore  employés  avec  la  mê- 
me fignification  dans  la  loi  7  ,  %.  dernier,  D.  de 
fuppel'eBUc  lepata  ,  &  dans  plufieurs  autres  textes 
rapportés  par  Parladorius  ,  rerum  quotidiunjrum  , 
llb.  1 ,  cap.  7,  /i*.  13. 

Au  refte,  rien  ne  prouve  mieux  ,  du  moins  par 
rapport  à  nos  ufages  ,  la  vérité  de  notre  opinir-n  , 
que  la  nécefîité  reconnue  partons  les  auteurs  mo- 
dernes &  confacrée  par  plufieurs  anéts  folemnels , 
de  publier  les  fentences  d'interdiâion  ,  pour  les 
faire  opérer  contre  les  tiers  qui  pourroient  con- 
traflerdans  la  fuite  avec  les  Prodigues  interdits. 

Les  auteurs  qui  étriblifTent  ce  point  font  Rodcm- 
burg  ,  de  jure  conjuïjum  ,  titre  3  ,  cliap.  i  ,  n°.  17  > 
Van-Leuwcn  ,  cenfura  forcnfis  ^  partie  i  ,  livre  '  > 
cliap.  16;  Oroùws,  m jnuduHio  ûd  'junf prude ntU'"- 
Holla'rdiat ,  livre  i  ,  chap.  11  ;  CIniftin  fur  la  coi-i- 
rume  de  Mnlines  ,  titre  19  ,  article  29;  Paul  Voei 
fur  les  inftitutes  ,  titre  de  curjtorièus\  §.  3  ,  Jea" 
Voet  fur  le  digefle ,  au  même  titre  ,  n".  S  ,8ic,  &c. 

A  l'égard  des  arrêts  ,  il  y  en  a  un  du  parlement 
de  Normandie  du  3^  janvier  i')Ç7  ,  dont  voici  le 
difpofitif  :  "  la  cour  ayant  égard  aux  conclufions 
»)  du  procureur  général  dti  roi,  &:  pour  éviter  aux 
»  abus  &  inconvéniens  qui  adviennent  fouvent  à 
j>  raifon  des  curatelles ,  a  ordonné  quêtons  aâes 
ï)  d'interdi^lions  &  cinarelles  feront  dorénavant 
>»  fignés  par  les  païens  ayant  affifté  à  la  déiibéra- 
»  tion  d'icelles  ,  &  qui  en  ont  été  d'avis  :  &  lefdits 
j>  aftes  publiquement  lus  &  publiés  tant  es  afllfes 
3j  des  juridictions  que  es  prcmes  des  églifes ,  & 
ï7  ifîiie  des  méfies  paroiffiales  ,  même  es  prochains 
M  marchés  des  lieux  cù  les  interdits  font  demeu- 
»  rans  ,  &  affichés  ,  tant  aux  portes  defdites  églifes 
j>  qu'aux  principaux  pofteaux  dcfdits  marchés  : 
»  enfembie  leurs  noms  &  furnoms  écrits  en  ta- 
31  bleaux  qui  feront  affichés  aux  tabellionnages  des 
j)  villes  &  lieu  du  domicile  de  l'interdit ,  en  la 
5)  forme  prefcrite  pour  les  lettres  de  féparation 
»  quant  aux  biens  des  femmes  d'avec  leurs  maris  , 
«  fur  peine  de  nullité  ». 

On  a  rapporté  au  mot  Interdiction  ,  plufieurs 
autres  arrêts  femblables  ;  à  la  vérité  ,  ils  ne  s'exé- 
cutent pas  à  la  rigueur  dans  les  deux  points  ou'ils 
prefcrivent,  qui  font  la  publication  &  la  notifica- 
tion aux  notaires  des  fentences  qui  portent  inter- 
diâion  de  Prodigues  ;  mais  au  moins  on  peut  af- 
furer  qu'il  n'y  a  pas  dans  le  royaume  une  feule 
province  ©à  l'on  n'obferve  exaâement  l'une  ou 
l'autre  des  deux  formalités. 

Un  homme  interdit  pour  caufe  de  prodigaliré 


PRODIGUE. 

peut-11  fervir  de  témoin  fur  un  fait  dont  la  vérité 
a  donné  lieu  à  une  enquête .-  Le  parlement  de  Tou- 
loufe  a  jugé  pour  l'affirma-ive  par  arrêt  du   i  z  fep- 
tembre  1630,  après  partage  porté  de  la  première 
chambre  des  enquêtes  a  la  féconde.  M.  d'Olive 
nous  retrace  en  ces  termes  les  motifs  de  cette  dé- 
cifion :  a  C'eA  une  règle  infaillible  ,  que  quiconque 
»  n'ert  point  prohibé   par  la  loi  de  porter  témoi- 
"  gnagc,  peut  rendre  cer  office  aux  occafions  qui 
»  fe  préfcntent  (i).  Or  i!  n'y  a  point  de  texte  dans 
»  le  droit  qui  porte  cette  prohibition  générale  pour 
"  les  Prodigues.  Il  eil  bien  vrai  que  la  loi  les  exclut 
»  d'être  témoins  aux  tefiamens;  mais  de  là  il  ne 
»  s'enfuit  pas  qu'aux  autres  a£ies  leur  témoignage 
»  dcive  être  rejeté.  Cela  fe  voit  par  l'exempfe  des 
'>  femmes,  qui,  étant  exclufes   des  témoignages 
»  tefi:;mentaires  ,  font  néanmoins  admifes  à  dépo- 
»  fer   aux  autres  afE^.ires  civiles    ou    criminelles. 
"  Auffi  efi-il  évident  qu"il  y  a  grande  différence 
»  entre  ces  deux  genres  de  témoignages:  l'un  ne 
"  regarde  pas  feulement  la  preuve  ,  maiî  auffi  la 
"  folennite   de  laquelle  les    tefiamens  font  tous 
"  pleins  ;  mais  l'autre  ne  tend  qu'à  la  preuve  &  à  la 

»  découverte  de  la  vérité N'importe  de  dire 

"  que  dans  notre  droit  les  Prodigues  font  compa- 
»  rés  aux  furieux  ;  fi  les  lois  ufent  de  cette  compa- 
»  raifon,  elles  ne  s'en  fervent  que  pour  le  regard 
»  des  bien»;;  ce  que  nos  jurifconfultes  montrent 
»  évidemment ,  lorfqu'ils  difent  que  les  Prodigues , 
»  (juod  ad  hona  ipforum  pertimt ,  furiofum  faclunt 
»  exitum  (2).  En  cela  certes  ils  font  femblables 
»  aux  infenfés,  puifquils  ne  font  pas  plus  capa- 
»  blés  qu'eux  de  conferver  leurs  moyens  &  de 
»  régler  leurs  affaires  domefliques.  Mais  pour  le 
»  furplus  il  n'y  a  rien  de  commun  entre  eux.  La 
'>  fureur  efl  un  dévoiement  du  fang  &  de  la  raifon  , 
»»  un  pervertifTement  de  la  partie  fupérieure  de 
"  l'ame,  un  "entier  aveuglement  de  l'efprit ,  qui 
»  cfl  la  lumière  de  l'homme  ,  mtntis  ad  omnja  cœci' 
»  tas  y  dit  Cicéron  ;  fi  bien  que  ceux  qui  font  afHi- 
»  gés  de  cette  maladie  ne  peuvent  produire  aucun 
»  afle  de  connoifTance  ni  de  difcours  ,  &  parcon- 
"  fequent  ne  font  pas  en  état  de  porter  rémoi- 
»  gnage.  Mais  il  n'en  va  pas  de  même  des  Prodi- 
"  gués;  ils  ont  les  fondions  de  l'entendement  li- 
»  bres  &  entières,  ils  connoifTent  &  raifonnent  , 
»  ils  difcernent  le  vrai  d'avec  le  faux,  &  il  arrive 
»  fouvent  que  la  nature,  auffi  Prodigue  envers 
I»  eux  de  fes  grâces,  qu'ils  le  font  envers  les  au- 
n  très  de  leurs  biens  ,  les  partage  fi  avantageufe- 
»  ment  dts  richeffiis  de  l'efprit,  qu'ils  fe  font  au- 
>>  tant  admirer  par  leur  doftrine  Ôc  par  leur  élo- 
»  quence  ,  qu'ils  fe  rendent  déplorables  par  la 
»  mauvaife  conduite  de  leur  fortune.  Que  fi  le 
»  jurifconfulte  déclare  qu'ils  n'ont  point  de  vo- 
»  lonté  (3)  ,  cela  veut  dire  que  la  loi ,  confidérant 

(i)  r,.  I  ,  parap.  i  ;1.4  &  5  ,   D.  di  ufîibus ,  TiO,dlt  53, 
(1)  L.  rz ,  (Je  tutoribus  (y  curatoribus  iatis, 
(5)  L.  41,  D.  it  rigiUisjuiit, 


PRODIGUE. 

f»  que  !a  paflGon  oui  les  maîtrife  les  porte  évîdem- 
■»  ment  à  la  diflîpation  de  leur  patrimoine,  les 
>»  prive ,  pour  leur  profit ,  de  l'ufage  de  la  volonté  , 
w  en  leur  inrerdifant  la  liberté  du  commerce  ,  Se 
"  les  déclarant  incapables  de  paiTcr  des  contrats, 
»  qiîi  font  des  aâes  volontaires.  Mais  delà  il  ne 
«  s'enfuit  pas  qu'ils  ne  voient  &  ne  connoiflent 
»  diilintSement  les  chofes  qui  fe  préfentent  à  leurs 
»  yeux,  &  qu'ils  ne  foient  capables  d'en  faire  un 
»  véritable  rapport.  Car  fi  leur  volonté  eft  inipar- 
>i  faite  ,  ce  défaut  ne  leur  arrive  pas  ,  comme  aux 
»  furieux  ,  de  ce  que  cette  puifTance  aveugle  n'eft 
"  point  éclairée  de  l'entendement;  mais  c'ert  d'au- 
»  tant  qu'elle  eft  dépravée  par  la  violence  de  la 
"  palîion  ,  qui  la  précipite  dans  la  recherche  des 
»  objets  agréables  &  voluptueux  ;  quoiqu'ils  lui 
»>  paroifTent  ,    par  la    lumière  de  l'intellefl  ,  in- 

J>  inHes  &  dommageables Enfin   il  ne  fert 

»  point  de  dire  que  les  mœurs  des  Prodigues  font 
»  corrompues  ;  car  cela  peut  bien  venir  en  confi- 
"  dération  lorfqu'il  faut  balancer  les  preuves  ,  & 
J>  quand  un  pareil  nombre  de  témoins  produits 
"  de  toutes  parts  ,  met  en  pein^  les  juges  de  trou- 
»  ver  la  vérité;  en  ce  conflit  de  témoignnges  ,  11 
"  ed  certain  que  la  foi  d'un  homme  tempérant  & 
"  fage ,  qui  conduit  bien  lés  affaires,  donnera  le 
»  trait  à  la  balance  ,  Si  fera  pencher  les  juges  de 
«  fon  côté.  Mais  delà  on  ne  peut  point  iuYérer  , 
J»  que  pour  rejeter  la  dépofiticn  d'un  homme,  on 
>v  puifie  prendre  un  objet  valable  de  la  dilfolution 
«  de  fes  mœurs,  faon  qu'elles  fe  trouvent  con- 
»  vaincues  de  crime  par  fentence  du  juge:  ce  qui 
»  ne  peut  être  attribué  aux  Prodigues  ,  que  la 
«  juflice  ,  qui  ne  àcfne  que  fubvenir  à  leur  foi- 
3t  bleffe  ,  ne  met  point  au  nombre  des  criminels  , 
»  mais  déclare  feulement  atteints  &  affolés  d'une 
»  paffion  qui  ,  fans  le  fecours  que  les  lois  leur 
«donnent,  les  porteroit  bientôt  à  leur  einière 
i)  ruine  ,  au  préjudice  du  public,  qui  prend  part 
3>  aux  intérêts  des  particuliers  ». 

Lorfquele  juge  ôte  au   Prodigue  qu'il  interdit 
l'adminiftration  de  (ei  biens  &  la  perception  de 
jTes  revenus  ,  il  eft  d'uf^ge  qu'il  lui  afligne  une  pen- 
llon  alimentaire.  Il  s'eft  éLvé  à  ce  fujet  une  diffi- 
culté entre  le  fieur  d'Hariebecque  ,  dont  on  a  déjà 
pai;lé  ,  &  f  ;n  curateur.  On  fe  rappelle  que  le  pre- 
mier s  ecoit  pourvu  le  2  avril  1778  devant  ioffîciai , 
juge  ordinaire  de  Cambrai ,  en  main-levée  de  fon 
interdit. on  ;  il  avoit  joint  à  cette  demande  celle 
d'une  penfion  alimentaire  de  6000  livres  ,  pour 
lui  être  payée  par  provifion.  Ses  parens  ,  affignés 
fiirluii  âc  l'autre  objet,  s'opposèrent  à  la   main- 
levée de  (on  interdiction,  mais  conlentirent  qu'il 
lui  fut  adjugé  fur  fes  biens  une  penfion  alimen- 
taire de  4000  livres,  dans  laquelle  feroit  compris 
le  produit  de  fon  gouvernement  de   Marchiennes. 
Quelque  temps  après,  le  ficur  d'Harlebecque  in- 
terjeta appel  au  parlement  de  Flandres  de  la  Tcn- 
tcnce  quil'dvo  r  interdit,  &  demanda  par  provifion 
le  décrétemcnt  de  l'offre  q^ue  fes  adverfaires  lui 


PRODIGUE.  745 

avoîent  faite  en  première  inftance  d'une  penfion 
alimentaire  de  4000  liv.  Ce  décrétemcnt  fut  pro- 
noncé par  arrêt  '.endu  en  vacations  le  24  oélobre 
1778  ,  au  rapport  de  M.  Vanrode.  Le  16  novembre 
fuivant  ,  le  iîeur  d'HaiIebecque  fit  fommation  à 
fon  curateur  de  lui  payer  b  fomme  entière  portée 
par  l'arrêt.  Le  curateur  fc  pourvut  au  parlement  , 
&  y  furprit  un  arrêt  fur  requête  du  27  fuivant  , 
par  lequel  la  cour  dcclaroit ,  en  interprétant  celui 
du  :z4  oâobre  ,  que  la  penfion  alimentaire  dont   il 
s'agiffoit  ne  devoit  courir  que  du  jour  de  cet  arrêt  ; 
qu'elle  n'etoit  payable   que  par   quartiers  ,  mais 
toujours  d'avance  ;  qu'on  devoit  y  imputer  le  pro- 
duit du  gouvernement  de  Marchiennes  ,&  que  , 
moyennant  cette  'interprétation  ,  la  fommation  faite 
au  curateur  venoit  à  ceiTcr.  Le  fieur  d'Harlebecque 
a  formé  oppofition  à  cet  nrrét,  &  a  demandé  qu'il 
fût  dit  que   la  penfion  à  lui  adjugée   courroit  du 
jour  de  la  demande  qu'il  en  avoir  faite  en  première 
infiance  ,  ou  au  m.oins  du  jour  de  l'offre  que  lui  en 
avoient  faite  iés  adverfaires,  &  que  le  curateur  fe- 
roit chargé  du  recouvrement  du  produit  du  gou- 
vernement de  Marchiennes.  De  fon  côté  ,  le  cu- 
rateur a  loutcnu  ,  1°.  cju'on  ne  pouvoir  fe   pour- 
voir par  oppofition  contre  un  arrêt  interprétatif  , 
mais  feulement  par  révifion  ou  requête  civile  :  2.". 
que  la  penfion  ne  devoit  courir  que  du  jour  de  l'ar- 
rêt qui  l'avoit  adjugée  ,  parce  que  non  \ivitur  ia 
prareritum  :  3°.  que  le  fieur  d'Harlebecque  avoir 
toujours  ,  même  depuis  fon  interdiélion  ,  reçu  lui- 
même  le  produit  de  fon  gouvernement  :  4°.  que  le 
fieur  d'Harlebecque  avoir  emprunté  1200  livres 
d'un  particulier  de  Cambrai  dans    le   courant  dit 
mois  de  juin  1777.  Sur  cette  conteflation  ,    arrêt 
du   16  janvier  1779  '  ''^  rspport  de  M.  Delvigne  , 
qui  reçoit  le  fieur  d'Harlebecque  ,  que  je  défen- 
dois  ,  oppofant  à  l'arrêt  du  27  novembre  précédent  ; 
ce  faifant,  déclare  qua  la  penfion  alimentaire  dont 
il  s'agit  ,a  couru  depuis  Ici  avril  1778,  jour  de 
la  demande  qu'il  en  a  forsuce  ;  que  le  produit  du 
gouvernement  de  Marchiennes  devra  y  être  im- 
puté ;  mais  que  le  curateur  fera   tenu  d'en  faire  le 
recouvrement  ,  en   lui  fourniffant  ,  par  le    fieur 
d'Harlebecque  ,  les  titres  néceffaires    pour  cette 
perception  ;  condamne  ,  fuivant   ce  ,  le  curateur  à 
payer  au   fieur  d'Harlebecque  les  trois  quartiers 
échus  &  le  quartier  courant  de  fa  penfion  alimen- 
taire ,  fauf  à  en  déduire  les  1200  livres  empruntées 
par  le  fieur  d'Harlebecque,  en  cas  de  répétition 
de  la  part  au  préteur,  fur  les  deniers  de  la  cura- 
telle ;  condamne  le  curateur  aux  dépens  en  fa 
qualité. 

§.  'VI.  De  la  maîn-levée  de   rinterdi (l'ion  d'un  Pro^ 

digue , 

Quel<^.ies  auteur*  ont  cru  que  les  Romains  fa«- 
(o\çnt  ceffer  rin'erd.Tiion  de  plein  droit,  dés  que 
le  Prodigue  changeoit  de  conduite  Si  revenoit  à 
réfipifcence  ;  ils  fe  fcnt  fondés  fur  ia  loi  i  ,  D.  </f 
curaioriùus ,  qui  port*  :  Tandiù-  erunt  ami>9  ii  cura- 


744  PRODIGUE. 

tione  ,  quandiu  vd  furiofus  fariitatem  ,  vel  ille  fanos 
mores  receperit.  Quod  fi  evencr'u  ,  ipfo  jure  de/înunt 
ejje  in  potejlate  curatcnim.  Mais  cette  loi  ne  ciirpenfô 
pas  l'interdit  qui  veut  fe  faire  relever  de  ("on  in- 
lerdiiSion  ,  de  faire  juger  qu'il  a  réellement  changé 
de  conduite  ;  &  tout  ce  qu'on  peut  en  inférer ,  c'eft 
qu'il  iort  de  curatelie  aulfi-tôt  qu'il  a  obtenu  une 
fentcnce  qui  le  déclare  revenu  de  fes  égaremens  , 
quand  même  cette  (emencc  ne  le  rétabliroit  pas 
expreffément  dans  fon  ancienne  liberté. 

Quoi  qu'il  en  foit  ,  la  plupart  des  auteurs  ,  tels 
que  Balde  ,  Ranchin  fur  la  queflion  260  de  Guy- 
pape,  Peueze  fur  le  code  ,  Ciiriflin  fur  la  coutume 
de  Malines  ,  Voet  fur  le  digefte ,  ont  pcnfé  qu'il 
falloit  une  fentcnce  pour  lever  l'iihcrdi^lion  , 
comme  pour  la  prononcer  ;  «  ce  qui  e(1  fondé  ,  dit 
n  Furgole  ,  fur  la  règle,  n'ihil  tam  naciiralc  tjl  quàm 
j>  eo  gcncre  qniJve  dij/'olvire  ,  tjiio  colU^^.Hum  ejl ,  liv. 
S'  3^  ,  D.  de  regulis  juris  ;  &  cette  opinion  paroît 
3>  plus  conforme  à  nos  maximes  :  car  nous  tenons 
3>  que  les  difpofitions  des  fentcnces  doivent  fubfif- 
»j  ter  jufqu'à  ce  qu'elles  aient  été  retracées  juridi- 
i>  quement.  Ce  parti  paroît  même  le  plus  raifonna- 
j)  ble  6i  le  plus  fur  pour  éviter  les  embarras  &  les 
j>  difcuffions  dans  Icfquellcs  il  faut  entrer,  foit 
»>  pour  déterminer  le  délai  ,  foit  pour  faire  la 
n  preuve  de  la  réfipifcence  après  la  mort  de  l'in- 
»  terdit,  pour  favoir  s'il  nvoit  fait  un  bon  ménage 
<c  pendant  un  temps  ûilKuntpour  le  faire  rentrer 
j>  dans  fes  droits,  &.  lui  faire  reprendre  la  faculté 
>»  de  tefter,  que  l'interdiflion  lui  avoir  fait  perdre  ". 

On  a  prétendu  que  la  curatelle  d\in  Prodigue 
devoir  s'éteindre  de  plein  droit  par  fon  mariage  ,  & 
cela  ,  parce  que  la  tutelle  d'un  mineur  s'éteint  com- 
munément de  cette  manière.  Voici  un  arrêt  qui  a 
profcrit  cette  opinion  fingulière  ,  &qui  en  même- 
remps  confirme  quelques  -  unes  des  propofitions 
établies  ci-devant.  C'efl  Brillon  qui  le  rapporte: 
(c  Le  10  juin  1717,  arrêt  du  grand  confeil  ,  qui, 
>)  conformément  aux  conclufjons  de  M.  l'avocat 
»>  général  de  S.  Port,  confirme  une  fentencede  la 
»  prévôté  de  rhôtel  ,  par  laquelle  le  demandeur 
y  d'une  fomme  de  1800  livres  par  lui  prêtée  au 
31  fieur  Vido ,  interdit  pourcaufe  de  prodigalité, 
3>  fut  débouté  de  fa  demande  ,  la  fentence  confir- 
>»  mée  avec  amende  &  dépens.  On  n'opina  même 
3>  pas,  Plaidatis  M''"  Sar.izin  pour  l'appelant ,  M^ 
»)  Cochin  pour  l'intimé.  Le  moyen  de  l'appelant 
î>  étoit  fondé  fur  un  arrêt  de  règlement  de  1614, 
î>  qui  ordonnoit  que  les  fcntences  d'interdié^ion 
«  fcroient  publiées  à  l'audience.  2".  Il  difoit  que  le 
î»  fieur  Vildo  avoit  depuis  été  marié,  &  qu'il  étoit 
ji  en  poffeffion  de  fon  état.  3".  Il  cita  la  loi  i  ,  D. 
»  de  curatoribus  ,  où  il  eu  Uit  que  quand  le  furieux 
w  a  recouvré  la  raifon  ,  &  le  Prodigue  fiinos  mores  , 
«  il  peut  valablement  contracter.  Mais  on  répon- 
»  doit  que  le  règlement  de  1614  nétoit  pas  ob- 
»  fcrvé  ,  &  qu'il  fufHfoit  que  la  fentence  fût  figni- 
«  fiée  au  fyndic  des  notaires  ;  ici  elle  l'avoit  été 
ft  aux  113  notaires  de  Paris.  En  feçpnd  lieu,  le 


PRODIGUE. 

»  Prodigue  peut  fe  marier  ;  s'il  faifoit  des  avanta- 
»  ges  trop  grands  à  fa  femme  ,  on  les  réduiroit  ai 
'.1  hgitimum  modum.  Mais  cette  fentence  d'inter- 
»  di6lion  a  été  tellement  exécutée  ,  qu'il  a  eu  fnc- 
»  ceflivement  trois  curateurs.  3°.  La  loi  cirée  eft 
>»  bonne  dans  le  cas  de  la  fureur ,  ou  bien  pour 
»  autorifer  celui  qui  a  été  Prodigue ,  à  demander  la 
»  levée  de  fon  interdi6îion  ». 

Ce  que  décide  cgi  arrêt  par  rapport  au  mariage 
du  Prodigue,  eft  conforme  à  l'article  11  du  chapi- 
tre 7  de  la  coutume  de  Douai,  à  l'article  10  du 
chapitre  12  delà  coutume  de  la  gouvernance  de 
Douai ,  &  à  Tariicle  12  du  titre  15  de  la  coutume 
delà  ciiàtoUenie  de  Lille. 

Ces  mêmes  articles  exigent  pour  la  main-levée 
de  la  curatelle  ,  une  formalité  qui  répond  à  celle 
qu'elles  demandent  pour  la  prononcijtion  du  dé- 
cret même  d'interdiin;ion.  Voici  comme  ils  font 
conçus:  a  Telle  perfonne  conflituéc  en  curatelle 
»  ne  peut  être  déchargée  d'icelle  par  mariage  oa 
»  autrement ,  n'eft  pas  lettres-patentes  en  forme 
>»  de  léJiabilitation  dûment  entérinées  ...  a  ce  évo- 
»  qués  lefdits  curateurs  ou  autres ,  fi  meflier  eft  ». 

Il  y  a  dans  Bafnage  un  arrêt  fort  remarquable 
fur  une  efpècc  où  on  arguoit  de  coUufion  &  de 
fraude  ,  la  main-levée  qui  avoit  été  accordée  à  un 
Prodigue ,  de  fon  interdiâion  :  «  Jacques  Coty  , 
»  huilîier  à  la  cour  ,  ayant  mal-à-propos  reçu  une 
»  caution  ,  Robert  Coty  fon  père  ,  par  l'avis  de 
»  Richard  Coty  ,  procureur  à  la  cour  ,  fon  frère  , 
»  &  de  fes  autres  parens  ,  le  fit  mettre  en  cura- 
»  telle.  Après  la  mort  du  père  ,  Jacques  Coty  pria 
»  les  mêmes  parens  de  le  reftituer  contre  cette  eu- 
»  râtelle  ;  Se  s'en  étant  rendu  appelant  du  confen- 
)»  tement  des  mêmes  parens ,  la  CHratelle  fut  caf- 
ji  fée  par  arrêt  du  21  février  i67i.Le  20  mars 
»  fuivant ,  fe  voyant  fans  enfans ,  il  donna  le  tiers 
»  de  fon  bien  à  Richard  Coty  fon  oncle,  a/ec 
»  rétention  d'ufufruit  durant  fa  vie.  Bonaventure 
»  Benoît  ,  dont  le  fils  avoit  époufé  la  fœur  de 
»  Jacques  Coty  ,  &  les  enfans  de  laquelle  étoient 
»  fes  préfomptifs  héritiers  ,  ayant  eu  connoiiîancs 
"  de  cette  donation  ,  obligea  le  donateur  de  paffer 
»  une  procuration  à  fa  mère  pour  la  révoquer  , 
j>  &  par  cette  même  procuration  il  lui  donnoii 
M  pouvoir  de  vendre  (on  bien.  En  vertu  de  cette 
M  procuration  ,  la  mère  fit  fignifier  wxxq  révoca- 
»  tionau  donataire;  mais,  quelques  jours  après  ,^ 
»  Jacques  Coty  envoya  à  fon  procureur  une  dé- 
j>  claration  fignée  de  lui ,  qui  contenoit  qu'on  lui 
»  avoit  fait  figner  cette  révocation  par  furprife,  & 
•>•>  qu'il  confentoit  l'exécution  de  la  donation  ,  «n 
j)  conféquence  de  quoi  le  procureur  acquiefça  au 
11  procès.  Benoît  fit  paroître  depuis  une  déclaration 
n  contraire  ;  mais  on  reconnut  qu'elle  avoit  été 
»  fuggérée  par  lui  au  donateur  lorfqu'il  étoit  ma- 
»  laderla  cauf«  ayant  été  de  rechef  portée  aux  re- 
»  quêtes  du  palais,  on  ordonna  que  la  première 
))  fentence  feroit  exécutée  ;  dont  Benoît  ayant  ap* 
»  pelé.  Si  Jaçi^ues  Coty  étan  mort ,  Maunoury  , 


PRODIGUE. 

*  Ton  avocat ,  reprochoit  à  Richard  Coty ,  dona- 
î»  taire  ,  qu'il  avoir  extorqué  par  adreffe  cette  do- 
«  nation  de  fon  neveu  ;  &  bien  que  lui-même 
«  l'eiJt  fait  mettre  en  curatelle  ,  comme  étant  un 
»)  ivrogne  &  un  efprit  foible ,  pour  avoir  lieu  d'cxi- 
»»  j^erce  don  &  le  rendre  capable  de  dominer,  il 
«  ï^voit  foUicité  les  parens  de  le  repiettre  en  li- 
»  berté,  ayant  lui  feul  pourfuivi  l'arrêt,  &  l'inrer- 
»  dit  n'ayant  pas  même  comparu  pour  demander 
»  fon  rétablilVement  ;  8t  qu'auffitôt  après  cette  in- 
»  terd.dion  levée ,  il  en  avoit  furpris  cette  dona- 
•'*  tion  ,  qui  ne  pouvoit  être  foutenue  ,  ayant  cié 
»>  faite  par  un  interdit  au  profit  de  celui  qui  avoit 
"  furpris  l'arrêt  qui  le  rétabliflbit ,  lequel  pat  con- 
»»  féquent  n'étoit  point  confidérable  ,  puifque  c'é- 
>»  toit  l'ouvrage  feul  du  donataire  ;  &  fi  la  cour 
«  avoit  fu  qu'on  ne  vouloir  reAituer  cet  imbécille 
»>  que  pour  le  rendre  capable  de  donner,  elle  n'au- 
»  roit  pas  approuvé  la  furprife  qu'on  avoit  faite  à 
»>  fa  religion.  —  Je  répondois  pour  Coty ,  dona- 
»»  taire  ,  que  cette  curatelle  étoit  nulle  dans  fun 
"  principe  ,  parce  qu'elle  étoit  fans  caufe  ,  l'inter- 
"  dit  n'ayant  jamais  fait  de  mauvais  ménage,  ni 
»»  contracté  aucune  dette  ;  la  feule  faute  qu'on  lui 
»  avoit  imputée  étoit  d'avoir  reçu  une  caution  , 
»  dont  pourtant  il  ne  recevoir  que  ce  préjudice  , 
"  qu'il  falloit  avancer  d^;  l'argent  :  les  appelans 
»>  avoient  mauvaife  grâce  de  blâmer  l'arrêt  qui  le- 
»>  voit  la  curatelle  ,  puifqu'eux  mêmes  s'en  étoient 
»  fervis,  ayant  pris  une  procur-ition  de  cet  inter- 
»  dit  pour  aliéner  &  vendre  (bu  bien  ,  &  pour  ré- 
»  voquer  cette  donation  ;  il  étoit  donc  capable 
>»  d'agir  par  leur  propre  aveu  ;  que  i'ils  ne  l'euf 
»  fer.t  pas  jugé  tel ,  au  lieu  de  fe  rendre  fes  pro- 
»  cureurs  pour  lui  fare  exercer  routes  les  aélions 
J>  d'une  perfonnc  libre  &  capable,  ils  auroient  dû 
«  affembler  les  parens  à  l'effet  de  le  reinettre  en 
>»  curatelle ,  &  lui  donner  un  curateur  {oits  le  nom 
I»  duquel  ils  auroient  pourfuivi  la  cafiation  di^  ce 
»  don.  Après  tout ,  cette  donation  étoit  fi  favora- 
»»  ble  ,  que  quand  même  il  feroit  demeuré  dans 
»»  fon  interdiéîion,  elle  pourroit  fubfirter.  —  Par 
it  arrêt  de  la  grand'chambre  du  18  mars  1672,  la 
»  donation  fut  coniirmée  ". 

Un  arrêt  du  parlement  de  Paris  du  2.4  mars 
178 1,  rapporté  au  tome  2  de  la  gazette  des  tribu- 
naux ,  a  décidé  qu'un  interdit  pour  caufe  de  pro- 
digalité peut  demander  la  main-levée  de  fon  in- 
«  terdi<Sion  ,  fans  être  afîlfté  de  curateur  ,  &  que 
cette  demande  doit  être  portée  non  pas  d'em- 
blée au  tribunal  fupêrieur  qui  a  confirmé  la  f'en- 
tence  d'interdiélion  ,  mais  devant  1«  juge  du  domi- 
cile de  l'interdit. 

P'oye^  Us  auuus  cités  dans  cet  article  ,  &  au  mot 
Interdiction.  Voyez  aulTi  Autorisation  , 
Biens  ,  Décret  ,  Légitime  ,  Notaires  ,  Nul- 
lité ,  Succession  ,  Substitution  ,  Tuteur  , 
Testament  ,  &c. 

(  yinicle  de  M,  Merlin  ,  avocat  au  parlement  de 
Flandres  ). 

Tome  XIII^ 


PRODUCTION.  745 

PRODUCTION.  Ce  font  les  titres  &  écritures 
qu'on  produit  dans  un  procès. 

L'arrêt  du  3  feptembre  1667  ,  fervant  de  règle- 
ment général  pour  les  procédures  qui  fe  pourfui- 
vent  dans  le  reifort  du  parlemeut  de  Paris ,  porte  , 
que  toutes  les  Productions  des  parties  pajferont  par  le 
greffe  ,  &  feront  remifes  au  greffier garde-facs  ,  qui  fera 
tenu  de  les  enregiflrer  fur  un  rcgifire  fur  lequel  chaque 
offcier  des  figes  préfîdi.iux  ,  bailliages  &  autres  jufli' 
ces  royales  ,  même  des  jujîices  fubalternes  ,  s'' en  char- 
gera ,  6"  mettra  fa  fignature  à  côté  de  Venregiflrement 
du  fac  ,  qui  fera  rayée  lorfque  le  rapporteur  l'aura  re- 
mife  au  greffe  ;  6*  que  le  greffer  en  demeurera  chargé  , 
j'i/  n  appert  que  quelque  offcier  en  fait  chargé  fur  le 
reoiflre  par  fi  fignature  qu'il  aura  appofée. 

Cette  néceflité  de  produire  par  la  voie  du  greffe 
a  lieu  ,  non  feulement  dans  les  appcintemens  de 
conclufions  ,  mais  auffi  dans  les  appointemens  en 
droit  &  auconfeil,  &  même  dans  les  appointe- 
mens à  mettre  ,  du  moins  dans  les  cours.  Mais 
lorfque  les  procès  appointés  à  mettre  fe  difîribuent 
nommément  à  un  des  juges  préfens  ,  nommés  par 
la  fentence  d'appointement ,  ainfi  que  cela  fe  pra- 
tique dans  les  bailliages  &  fénéchaufTées  ,  on  ne 
les  produit  point  au  greffe  ,  on  les  remet  au  rap- 
porteur nommé  par  le  jugemcnr. 

Au  refte  ,  ce  qui  vient  d'être  dit  ne  regarde  que 
les  Produ£li©ns  principales  ,  &  non  les  Produfiions 
nouvelles  :  car  il  fuffit  de  produire  ces  dernières 
entre  les  mains  du  rapporteur.  Il  en  eA  de  même 
des  écritures  qui  fe  font  depuis  que  le  procès  efl 
diflribué  ;  ces  procédures  ne  fe  remertcnt  point 
au  greffe  ,  mais  au  rapporteur  chargé  du  procès. 

On  appelle  Produdion principale  ,  celle  qui  a  été 
faite  devant  les  premiers  juges  ;  &  quand  on  a  de 
nouvelles  pièces  à  produire  devant  le  juge  d'appel  » 
on  fait  »  par  requête  ,  une  produdion  nouvelle. 

Toutes  les  Productions  qui  fe  mettent  au  greffe 
doivent  être  accompagnées  d'un  inventaire  des 
pièces  produites.  C'efl  la  difpofition  ds  l'article  ij 
de  l'ordonnance  du  3  janvier  1528,  qui  porte ,  que 
les  procureurs  des  parties  feront  tenus  de  faire  inven- 
taire des  procès  qu'ils  produiront  pardevant  les  juges  ; 
ô"  défend  aux  greffers  de  les  recevoir  fans  cet  inventaire. 

L'ordonnance  de  1535  ,  chapitre  3,  article  24, 
veut  auffi  ,  que  dans  les  procès  par  écrit  il  foit  fait  in- 
ventaire des  pièces  que  chacune  des  parties  aura  pro' 
duiles  ,  &  d(  nt  elle  entend  fe  fervir  pour  le  jugement 
du  procès;  6c  l'article  fuivant  défend  pareillement 
aux  greffiers  de  les  recev®ir  fans  cet  inventaire  ;  ce 
qui  eft  encore  répété  dans  l'article  14  du  chapitre 
i8  de  la  même  ordonnance. 

Quand  on  produit  fur  l'appel  avant  rappointe* 
ment  de  conclufion  ,  on  ne  met  au  greffe  que  l'ia-. 
ventaire  de  Produiftion  de  la  caufe  principale. 

Cet  inventaire  doit  contenir  une  defcription 
fommaire  des  pièces  que  la  partie  produit  ;  ces 
pièces  doivent  y  être  expofées  dans  le  même  or- 
dre qu'elles  ont  été  produites.  Les  procureurs  doi- 
vent auffi  y  e^tpofer  pour  quelle  fin  ils  produifenj 

Bbbbb 


74<î 


PRODUCTION. 


chaque  pièce  ,  ce  qu'elle  contient  ,  &  rindafliGn  i 
qu'ils  en  tirent  ;  ce  qui  fcrt ,  tant  pour  étnblir  le 
droit  de  la  partie  ,  que  pour  inftruire  la  religion 
du  juge  ;  miis  il  ne  doit  contenir  aucune  raifon 
de  droit.  C'eft  ce  qui  rèfulte  de  dlftérentes  lois  , 
telles  que  l'ordonnance  du  mois  d'avril  1458  ,  l'or- 
donnance de  1507  ,  &  l'ordonnance  de  153$- 

Les  pièces  produites  dans  cet  inventaire  doivent 
être  cotées  par  lettres  A  ,  B  ,  C  ,  &c.  tant  dans 
l'inventaire  que  fur  le  dos  des  pièces  produites. 
Cela  eft  ainfi  prelcrit  par  l'ordonnance  du  mois 
d'août  1539. 

Faute  de  contredire  les  Productions  dans  les  dé- 
lais de  l'ordonnance  ,  on  en  demeure  forclos. 

PRODUIT.  On  appelle  aHc  de  Produit ,  l'aûe 
qu'on  fait  fignifier  pour  déclarer  qu'on  a  mis  la 
Produ6iion  au  2,refFe  (1).  Voyez  Production. 

PROFESSEUR.  Celui  qui  profeffe  ,  qui  enfeigne 
quelque  fcience  ,  quelque  art  dans  une  univeifue  , 
dans  un  collège. 

Les  Profefleurs  ,  dans  nos  univerfités  ,  enfci- 
gnent  la  grammaire  &  les  humanités  ,  en  expli- 
quant de  vive  voix  les  auteurs  claffiques ,  &  en 
donnant  à  leurs  écoliers  des  matières  de  compofi- 
tion  ,  foit  en  vers  ,  foit  en  proie  ,  qu'ils  corrigent  , 
pour  leur  montrer  rapplicatlon  des  règles.  Ceux 
de  philofojjhie  ,  de  droit,  de  théologie  6c  de  méde- 
cine, dirent  des  trait>:s  que  copient  leurs  audi- 
teurs ,  auxquels  ils  les  exfiliquent  eniuite. 

Dr.!is  l'univerfirè  de  Paris  ,  après  un  certain 
nombre  d'années  d'exercice  ,  les  ProfetTeurs  font 
honorés  du  titre  rïe-ncrite  ,  &  gratifiés  d'une  pen- 
fion  ,  qu'ils  touchent  même  après  avoir  quitté  leurs 
chiires  ;  récompenfe  bien  jufte,  &  propre  à  exciter 
l'émulation. 

Il  n'y  a  pas  encore  long-temps  que  les  Profcf- 
feurs  étoient  payés  par  leurs  écoliers;  mais  en 
1719  ,  le  feu  roi  a  afligné  aux  Profefreurs ,  des 
honoraires  fixes  ,  5c  a  ,  par  ce  moyen  ,  procuré  à 
fes  fujets  rinflruâ;ion  giatuiie  ,  du  moins  dans  l'u- 
niverfité  de  Paris. 

Voyez  les  articles  Collège  &  Université. 

PROFESSION  MONASTIQUE.  C'eft  la  prd- 
jnefTe  folenneUe  &  publique  que  font  les  perfon- 
ries  qui  embrafTcnt  la  vie  rellgicufe,  d'obferver  les 
règles  de  l'ordre  dans  lequel  elles  entrent. 

Il  y  a  cinq  cliofes  à  confîdérer  par  rapport  à  la 
ProfefTion  monaflique  :  1°.  qui  font  ceux  qui  peu- 
vent la  faire  :  2'.  quelles  perfonnes  peuvent  la 
recevoir:  3".  quelles  en  font  les  conditions  8c  la 
forme  ,  tant  intrinsèque  que  probante  :  4".  à  quels 

i'uges  appartient  le  pouvoir  de  connoîcre  de  fa  va- 
idité  ou  nullité  :  5".  quels  font  le  terme  &  la  forme 


(1)  Formules  d'un  aclt  de  pro  luit. 

Maîae....  procureur  de....  appelant,  déclare  à  maître.... 
procureur  de.  .intimé  ,  que  pour  fatisfaire  à  l'aiiér  d'aupoin- 
reaiencaii  conleil  du...  il  a  cejourd'hiii  produit  au  gretfe  de 
îa  cour,  à  ce  qu'il  n'en  ignore  ôc  ait  à  faire  le  feaiblabJe  , 
£non  forclos ,  àom  ade. 


PROFESSION  MONASTIQUE. 

dans  Itfquels  on  doit  fe  pourvoir  contre  une  Pro- 
tcfilon  ,  pour  la  faire  déclarer  nulle. 

§.  1.  Qiii  font  ceux  qui  peuvent  faire  la  Profejfion  mo« 

rtjjîique. 

I.  La  première  qualité  requife  pour  faire  vala- 
blement Profeflion  ,  eft  d'avoir  l'âge  que  les  \%.s 
exigent  fur  cette  matière. 

L'article  10  de  l'ordonnance  d'Oi'léans  avoit 
fixé  cet  âge  à  vingt-cinq  ans  pour  les  mâles,  &  à 
vingt  pour  les  hlles  ;  mais  le  cencile  de  Trente 
l'ayant  remis  à  feize  ans  pour  l'un  &  l'autre  fexe  , 
l'article  28  de  l'ordonnance  de  Blois  adopta  cette 
règle ,  &  elle  fut  obfervée  dans  tout  le  royaume 
jifqu'au  mois  de  mars  1768.  A  cette  époque  ,  le 
leu  roi  crut  «  qvf  il  étolt  de  fa  fageffe  ,  en  fe  éfcr- 
I)  vant  d'expliquer  encore  fes  intentions  après  dix 
»  années  ,  d'éprouver  un  terme  mitoyen  entre 
»  ceux  qui  avoient  été  fucceffivement  prefcrits  , 
»  8c  qui  ne  fût  ni  affez  rc  culé  pour  éloigner  du 
»  cloître  ceux  qui  y  feroient  véritablement  appe- 
>7  lès,  ni  aflez  avancé  pour  y  admettre  ceux  qu'un 
»  engagement  téméraire  pourroit  y  conduire  ». 
En  coni'èquence ,  il  donna  un  édit  qui  fut  enre- 
giAré  dans  toutes  les  cours  ,  6c  dont  les  deux  pre- 
miers articles  font  conçus  en  ces  termes  r 

u  Aucun  de  nos  fujets  ne  pourra  ,  à  compter  du 
»  premier  avril  1769  (i)  ,  s'engager  par  la  Pro- 
»  tcfTion  monaflique  ou  régulière,  s'il  n'a  atteint, 
»)  à  l'égard  des  hommes  ,  l'âge  de  vingt-un  ans  ac- 
»  complis  ;  à  l'égard  des  filles  ,  celui  de  dix-huit 
i>  ans  pareillement  accomplis  ,  nous  réfervant  , 
»  après  le  terme  de  dix  années  ,  d'expliquer  de 
»  nouveau  nos  intentions  à  ce  fujet. 

I)  Faifons  en  conféquence  très-exprefTes  inhibi- 
"  lions  &  défenfes  à  tous  fupérieurs  &  fupérieures 
"  des  monaftèras,  ordres  &  congrégations,  chapitres 
M  &  communautés  r.'gulièrcs,  de  quelques  quali- 
»  tés  qu'elles  puiiTent  être,  &  à  tous  autres  ,  d'ad- 
j>  me'tre  ,  fous  aucun  prétexte  ,  nofdits  fujets  à 
»  ladite  Profefîion  ,  avant  l'âge  ci-deflus  prefcrit. 
»  Voulons  que  les  Profeffions  qui  feront  faites 
"  avant  ledit  âge  foient  déclarées  nulles  &  de  nul 
5)  enet  par  les  juges  qui  en  doivent  connoitre  , 
»  même  déclarées  ,  par  nos  cours  de  parlement, 
»  ruUemcnt  &  abufivement  faites  ,  fur  les  appels 
5>  comme  d'abus  qui  pourroient  être  interjetés  en 
V  cette  matière  par  les  parties  intérefTées  ou  par 
»  nos  procureurs  généraux.  Voulons  que  ceux  ou 
M  celles  qui  feroie-  t  lefdites  Profefîîons  avant  ledit 
»  âge  ,  foietit  Si  demeurent  capables  de  fuccefiion  , 
»  ainfi  que  de  tous  autres  effets  civils  >'. 

Ces  difpofjtions  r'étoient  que  provifoires  dans 
le  principe  ;  mais  elles  ont  été  rendues  définitives 
&  érigées  en  lois  perpétuelles  par  les  lettres- paten- 
tes du  17  janvier  1779. 

(i)  Cet  é  lit  n'a  été  snregiitrc  su  pailer.,eiu  de  t-1  indres 
que  le  ^  mars  I770;  en  conféquence  ,  l'arrêt  d'fntegiftre- 
meut  de  cette  cour  ordonne  (ju'il  n'aura  liçu  <ju'à  compter  du 
piSii\içc  aviii  ^7_lU 


PROFESSION  MONASTIQUE. 

D'Héricourt  fait,  fur  l'article  28  de  lordonnance 
deBlois  ,  une  obfervation  qui  s'applique  d'elle- 
même  aux  lois  nouvelles  dont  nous  venons  (le 
rendre  compte  :  u  Comme  l'heure  de  la  naiiT:mce 
»  des  eufans  ,  dit-il  ,  n'eft  point  marquée  dans  les 
»  regiAres  de  br.ptêmes  ,  en  ne  doit  les  admettre 
»  à  la  Profe/Tion  religieufe  ,  qu'après  que  le  der- 
»»  nier  jour  de  leur  feizlëme  année  s'eft  écoulé 
«  tout  entier.  C'eft  ce  qui  efl  décidé  par  un  arrêt 
»»  du  parlement  d'Aix  du  11  avril  1680  ,  qui  dè- 
M  fend  aux  religieux  ,  fous  p;;ine  de  faille  de  leur 
"  temporel ,  de  recevoir  à  la  Profeffion  monal^i- 
»»  que  avant  que  le  profès  ait  feize  ans  accomplis. 
»»  Cet  arrêt  a  été  rendu  à  l'occafion  de  François 
«  Pelicot ,  qui  étoit  né  le  8  mars  de  l'année  1627  , 
"  &  qui  avoit  fait  ProfcHion  dans  Tordre  de  la 
»  fainie  Trinité  le  o  mars  de  l'année  1643  "•  O" 
trouve  dans  le  journal  du  palais  le  plaidoyer  de  l'a- 
vocat généra!  qui  porta  la  parole  dans  cette  caufe  ; 
il  contient  une  favante  dilfertation  fur  la  maxime 
qu'établit  ici  d'Héricourt. 

Un  arrêt  nu  parlement  de  Paris  du  8  avril  163  i  , 
rapporté  par  Auzaner  fur  l'article  -^37  de  la  cou- 
tume de  Paris  ,  a  déclaré  nulle  une  Profeflîon  faite 
publiquement  avant  l'âge  prefcrit ,  &  réitérée  de- 
puis par  un  aâe  fecrct. 

II.  La  fureur,  la  démence  ou  l'imbécilité,  font , 
tout  le  temps  qu'elles  fubfilîent ,  des  obflacles  in- 
vincibles à  la  ProfclTion  de  celui  qui  en  efl  itteiiit. 
C'eft  la  difpofition  exprc'fTe  de  la  décrérale  fient 
ténor  ,  de  res^ularibuu  La  feule  exception  qu'elle  y 
apporte  eft  que  la  Profcflîon  deviendroit  valable 
par  la  ratification  que  le  furieux,  l'infenfé  ou  l'im- 
bécille  en  (exo'it  dans  un  intervalle  lucide,  nifi 
•poflqttàm  mentis  fucefadus  e(l  compos  ,  fvoniancâ  vo- 
duntaie  Pn^feJJîoncm  fecerit  monazhaLm. 

Cette  loi  canonique  eft  puifée  dans  la  raifon 
même.  C'eft  un  principe  inconteftablc  ,  que  tout 
vœu  doit  être  l'ouvrage  de  la  volonté,  &  d'une 
volonté  éclairée  parla  raifon  ,  par  la  connoiflance 
du  facrifice  auquel  elle  fe  foumet.  Dieu  ne  reçoit 
que  les  offrandes  du  cœur ,  c'efl-à-dire  delà  vo- 
lonté: tout  autre  hommage  eft  indigne  de  la  ma- 
jefté  fouveraine. 

Mais  peut- on  conclure  de  là  ,  que  la  feule  fci- 
blefTe  d'efprit  rend  incapable  de  faire  ProfefTion  ? 
M.  Courtin  foutenoit  l'affirmative  dans  la  caufe  de 
frère  Lelièvre  ,  religieux  de  la  cong-égation  de 
France  ,  qui  réclaraoit  contre  fes  vœux.  Qu'on 
jette  un  coup-d'œil ,  difoit  il ,  fur  la  conduite  du 
fieur  Lelièvre  ,  fur  ces  lettres  qu'il  a  pris  la  liberté 
d'écrire  au  roi  &  à  toutes  les  perfonnes  en  place  : 
on  y  voit  un  caraiflère  de  naïveté  ,  de  Cmplicité  & 
ele  niaiferie,  qui  décèle  l'ame  la  plus  foible ,  la 
tête  la  moins  réfléchie  ,  &  qui  approche  le  plus  de 
l'enfance.  Si  on  ny  remarque  pris  wno.  raifon  alié- 
née ,  on  y  voit  une  raifon  naiflante  ,  &  dont  on 
n'apperçoit  que  la  première  aurore.  Il  eft  à  trente 
ans  dans  l'état  où  on  eft  à  dix.  S'il  a  la  candeur  & 
'innocence  de  cet  âge  ,  il  en  a  la  foibleÛe  &  la 


PROFESSION  MONASTIQUE.    747 

pufillanimité  ;  en  un  mot  ,  ce  n'eft  autre  chofe 
qu'un  grand  enfant ,  &  un  enfant  fort  fage  &  fort 
tranquille.  Il  eft  donc  évident  que  fon  état  eft  vé- 
ritablement l'état  de  l'enfance;  un  état  fort  appro- 
chant de  l'imbécilité.  Ce  n'eft  pas  une  raifon  ren- 
verfée  ;  c'eft  une  raifon  qui  ne  fait  encore  que  ger- 
mer. Il  ne  dira  rien  contre  le  bon  fens ,  mais  il  ne 
pourra  s'élever  jufqu'à  la  combindifon  de  deux 
idées.  Non-feulement ,  comme  le  diloit  l'abbé  de 
fainte  Geneviève  dans  une  lettre  à  M.  le  lieutenant 
de  police,  il  n'a  ni  vice  ,  ni  vertu,  mais  il  en  eft 
incapable.  N'ayant  donc  pas  le  difcernement  né- 
ceffaire  pour  (e  décider  par  lui-même  fur  un  enga- 
gement aufîî  important  que  des  vœux  irrévocables , 
il  n'a  pu  y  être  pouffé  que  par  des  impreflions 
étrangères.  Ainfi  s'expliquoit  le  défenfeur  du  fieur 
Lelièvre. 

M.  l'avocat  général  de  Saint-Fargeau  ,  qui  porta 
la  parole  dans  cette  caufe  ,  remarqua  d'abord  qu'il 
étoit  difficile  d'apprécier  le  degré  d'intelligence  de 
l'appelant  comme  d'abus.  Sa  conduite  ,  dit  ce  ma- 
gillrat ,  nous  prefente  tantôt  des  défauts  de  péné- 
tration ,  tantôt  une  forte  d'adreffe;  tantôt  de  l'in- 
certitude ,  tantôt  une  volonté  fixe,  perfévérante  , 
inflexible  ;  tantôt  une  facilité  furprenante  ,  tantôt 
une  étrange  opiniâtreté  ;  tantôt  des  inconféquen- 
ces  ,  tantôt  un  fyftéme  fuivi ,  tantôt  une  fimpliciré 
qui  fe.mble  pufillanime  ,  tantôt  une  hardiefte  fupé- 
ricureà  tous  les  dangers. 

M.  de  Saint-Fargeau  fit  enfuite  la  leflure  d« 
quelques-unes  des  lettres  de  Lelièvre  ,  &  ajouta  : 
Uo  tour  cela  on  peut  conclure  que  René  Lelièvre 
eft  un  homme  qui  ,  fans  être  véritablement  raifon- 
nable  ,  n'a  point  perdu  la  raifon  ;  un  hcaime  dont 
le  coeur  eu  plus  foible  que  l'eTprit  ;  un  homme  dont 
l'entenden'.nt  eft  entier,  quant  à  fes  facultés  , 
quoiuue  les  bornes  en  foient  étroites  ;  en  un  mot , 
un  honnne  capable  de  vouloir,  de  penfer  ,  de  fe 
déterminer  par  lui-même,  quoiqu'il  faffe  de  cette 
faculté  un  ufagepeu  judicieux. 

S'il  eft  encore  tel ,  ajoutoit  M.  l'avocat  général ,' 
que  nous  le  dépeignons,  après  taifit  de  traverfes  & 
d'aventures  étranges  ,  après  que  fon  imagination 
s'eft  cchaufTèe  de  plus  en  plus  fur  des  projets  ar- 
demment deCrés  ,  fans  être  remplis;  enfin  après 
que  foa  efprit  s'eft  agité  long-temps  dans  un  vide 

affreux  ,  &  s'eft  ,  pour  ainfi  dire  ,  ufé  lui-même 

s'il  lui  refte  encore  aujourd'hui  une  intelligence 
commune  ,  une  raifon  fufîifante  ;  avant  ce  qui  a 
pu  les  affoiblir ,  il  devoir  avoir  du  moins  un  efprit 
ordinaire  ,  &  par  confèquent  la  faculté  de  donner 
ua  confentement  valable. 

Quand  il  a  fait  fes  vœux  ,  il  étoit  en  pofTcflîon 
de  tous  les  droits  attachés  à  l'état  d'un  homme  dont 
l'cfprlt  n'eft  point  altéré  ;  il  n'étoit  point  interdit  ; 
on  n'avoi:  fait  aucune  procédure  pour  conftater 
qu'il  fût  Imbécille.  Ce  feroit  aller  contre  toutes 
les  lois  ,  contre  tous  les  principes  ,  que  de  l'admet- 
tre maintenant  à  prouver  par  témoins  cette  imbéci- 
lité  fuppofée,  11  étoit  tçl  que  mille  autres,  quand 


748       PROFESSION  MONASTIQUE. 

il  a  fait  Profeffion  ;  mille  autres  peut-être  feroient 
bientôt  tels  que  lui  ;  mille  autres  affefteroient  la 
même  foiblefl'e  d'efprit  qu'il  prétexte  ,  fi  le  fuccés 
de  fa  tentative  leur  donnoit  jour  à  cfpérer  que  , 
pour  s'affranchir  de  leurs  liens  ,  il  leur  fuffiroit  d'ar- 
ticuler, en  termes  vagues,  fans  faits  pcfuifs  de  dé- 
mence ou  d'imbécilité  ,  une  foibleffe  d'efprit  fup- 
pofée  ,  &  d'avoir  des  témoins  tout  prêts  à  en  dé- 
pofer. 

Sur  ces  raifons  ,  arrêt  intervint  à  la  grand'cham- 
tre  du  parlement  de  Paris,  le  i6  avril  1764,  par 
lequel  il  fut  dit  ,  conformément  aux  conclufions  de 
M.  de  Saint  Faigeau  ,  qu'il  n'y  avoit  point  d'abus 
dans  les  vœux  de  Lelièvre. 

III.  La  néceffué  du  consentement  libre  &  éclairé 
de  celui  qui  fait  Profeffion,  amène  la  conféquence, 
que  des  vœux  faits  par  un  motif  de  crainte  capa- 
ble d'ébranler  une  peifonne  conOante  ,  telle  que 
peut  être  la  crainte  de  la  mort  ou  de  mauvais  trai- 
temens  ,  doivent  être  annuUês  ,  à  moins  qu'ils 
n'aient  été  fui  vis  d'une  ratification  ,  foit  expreffe, 
foit  tacite,  La  dêcrétale  ,  perlatum  ,  de  his  q kz  vi  , 
metûfcjue  caufd  fiunt  ,  le  décide  ainfi  formellement. 

«  Pour  connoître  ,  dit  d'H^ricourt ,  fi  la  crainte 
»>  a  pu  rendre  un  vœu  nul,  il  faut  confidérer  quel 
»  eA  l'objet  de  cette  crainte  ,  la  qualité  de  la  per- 
M  fonne  menacée  ,  fon  âge  ,  fon  fexe  ,  la  foibleffe 
«  ou  la  force  de  fon  efprit  &  de  fon  tempérament. 
•»  La  cramte  de  la  mort  &  de  quelque  traitement 
»  cruel ,  de  la  perte  de  l'honnei  r  ik  dix  bien  ,  peut 
»  ébranler  les  perfonues  les  plus  confiantes.  Une 
»  crainte  moins  forte  peut  émouvoir  desperfonnes 
»»  plus  foibles ,  &  rendre  leur  Profeffion  en  quel- 
»)  que  manière  involontaire.  Si  une  mère  répète 
j)  fouvent  à  fa  fille  qu'elle  l'a  deftinée  pour  le 
>»  cloître  ;  fi  elle  lui  fait  des  reproches  &  des  me- 
ï»  naces ,  parce  qu'elle  n'embraffe  pas  l'état  reli- 
•>  gicux  ;  fi  elle  lui  donne  des  marques  d'une  indi- 
»>  gnation  qui  ne  fe  paffe  point  jufqu'à  ce  qu'elle 
»»  foit  entrée  dans  le  monaftère  ;  fi,  dans  le  cours 
«  du  noviciat ,  elle  lui  fait  fentir  qu'elle  la  rendra 
«  malheureuse  en  cas  qu'elle  rentre  dans  le  monde  , 
»>  il  n'y  a  rien  qu'une  fille  ne  faffc  pour  éviter  les 
»>  combats  contin.iels  qu'il  faut  qu'elle  foutienne 
i>  contre  fa  mère  ;  &  l'envie  d'éviter  cette  con- 
»)  trainte  l'engage  à  faire  des  vœux  fans  la  liberté 
M  néceffaire  pour  le  choix  d'un  état  fur  les  obliga- 
«  tions  duquel  on  ne  fauroit  trop  faire  de  ré- 
»)  flexions  ,  même  quand  on  l'embraffe  par  un  fen- 
»>  timent  de  piété  ». 

La  jurifprudence  des  arrêts  a  confacré  ces  prin- 
cipes à  l'égard  des  fous-diacres  qui  réclamenf  con- 
tre leur  ordination;  &  il  en  eft  abfolument  de 
même  par  rapport  à  la  Profefîion  rcligieufe.  Un  ar- 
rêt du  I  a  décembre  16156 ,  rapporté  au  journal  des 
audiences  ,  a  jugé  qu'il  n'y  avoit  point  d'abus  dans 
la  fentence  qui  avoit  relevé  le  réclamant  ,  parce 
qu'il  y  avoit  preuve  que  le  père  avoit  menacé  fon 
fils  pour  l'obliger  d'être  fous-diacre.  Des  menaces 
font  donc  fuffifantes  pour  opprimçr  la  liberté  d'un 


PROFESSION  MONASTIQUE. 

enfant  qu'on  deftine  à  l'ordination  ou  au  cloître; 
Toute  impulfion  qui  vient  des  parens  a  un  pou- 
voir auquel  il  eft  difficile  de  rélifter.  Nous  obéif- 
{or\^  à  un  père  &  à  une  mère  en  \cnant  .nu  monde;  la 
nature  &  la  religion  nous  accoutument  à  plier  fous 
leur  moindre  volonté  :  comment  réfifter  ,  iorf- 
qu'avec  des  paroles  dures  ils  nous  preTcrivent  des 
ordres  dont  l'exécution  nous  paroît  toujours  un 
devoir. 

Un  arrêt  rendu  de  nos  jours  ,  le  3  feprembre 
1759  ,  a  pareillement  decJaré  qu'il  o'y  avoit  point 
d'.ibus  dans  une  fcnteace  de  l'olficial  de  Paris ,  qui 
admertoit  le  fieurlîoure;  :/ prouver,  tant  par  titres 
que  par  témoins,  les  menaces  &  les  mauvais  trai- 
r^mens  qu'il  foutenoit  avoir  été  employés  pnr  Ton 
père  pour  !e  faire  enrrcr  dans  les  ordres  facrés. 
«  Sous  quelque  afpeâ  qu'on  envifage  la  vie  de 
»  Tabbé  Bouret  ,difoit  M.  Boiffou,  fon  défenfeur, 
')  on  trouve  des  exemples  de  la  crainte  la  plus 
»  grave  Dans  les  premières  années  ,  on  fait  ufage 
»  de  la  fédutlion ,  on  lui  offre  des  bénétices  ,  on 
»»  lui  promet  des  dignités  &  àcs  richeffes.  Parvenu 
»  à  un  âge  plus  mûr  ,  on  l'enferme  dans  un  fémi- 
»»  naire,  on  lui  interdit  toute  communication  :  on 
»  le  prefit  de  fe  faire  tonfurer;  il  le  refufe.  L'abbé 
»  Bouret  ne  l'a  été  qu'à  dix-neuf  ans  ;  il  n'a  été 
"  fous-diacre  qu'à  vingt-quatre  ans  &  demi  ;  on 
"  peut  juger ,  par  le  retardement  de  ces  ordina- 
»  tions  ,  combien  fa  réfiftance  étoit  forte. 

»  Il  tombe  malade  ;  on  eft  obligé  de  lui  faire 
»  voir  le  jour  :  mais  la  maifon  paternelle  ,  loin 
»  d'être  pour  lui  un  afyle  de  tranquillité,  devient 
»  un  féjour  encore  plus  dur  que  le  féminaire;  me- 
»  naces  d'exhérédation  ,  paroles  dures ,  prêtre  ou 
M  moine,  c'eft  le  refrein  de  la  famille  ;  coups  , 
)>  mauvais  traitemens  ,  humiliations  les  plus  affli- 
»  géantes  ,  exclufion  de  la  table  paternelle;  on 
»  met  le  comble  à  ces  duretés  par  une  expulfion  ; 
■>■»  l'abbé  Bouret  eft  chaffé  par  fon  père  ,  il  eft  re- 
'^  tranché  de  la  famille  :  il  commence  à  éprouver 
"  l'effet  de  la  menace  que  fon  père  lui  avoit  faite 
»  de  ne  plus  le  reconnoître  pour  enfant.  Il  efpère 
r>  trouver  un  afyle  chez  un  oncle  ;  tout  eft  contre 
»  lui  ;  il  a  à  y  foutenir  les  mêmes  affauts  :  de  con- 
»  cert  avec  le  père  ,  on  lui  fignifie  ,  avec  un  em- 
»  pire  auquel  on  ne  réfiftc  pas ,  qu'il  faut  à  tel 
)>  temps  être  fous-diacre  :  on  le  reconduit  pour 
»  huit  jours  au  féminaire.  Nouvelles  plaintes  por- 
)»  tées  par  l'abbé  Bouret ,  jufqu'à  fon  confeffeur  ; 
»)  tout  eft  inutile  ». 

Tels  étoient  les  faits  articulés  par  l'abbé  Bou- 
ret. Les  parties  étant  revenues  après  l'arrêt  à  l'offi- 
cialité,  &  les  preuves  s'étant  trouvées  conc\u:\mss^ 
l'ordination  fut  déclarée  nulle  ,  &  le  réclamant 
reftitué  au  fiècle  ,  par  fentence  contradidïoire  du  9 
février  1760  .  rendue  fur  délibéré. 

On  trouvera  ci-après ,  n°.  8  ,  un  arrêt  célèbre 
fur  la  queftion  de  favoir  fi  on  doit  laiffer  fubfifter 
une  Profeffion  qu'un  foldat  défcneur  a  faite  pour 


PROFESSION  MONASTIQUE. 

fe  Oèrober  aux  peines  prononcées  contre  le  délit 
dont  il  cft  coupable. 

Peut-on  prouver  par  témoins  les  faits  de  crainte 
6c  de  violence  qu'on  allègue  contre  une  ProfeiTion  r 
Il  y  a  dans  la  colleélion  de  Denifart  ho  arrêt  du 
29  mai  1746  ,  qu'il  dit  avoir  décidé  pour  la  néga- 
tive ;  mais  c'eft  une  méprife.  Il  eft  vrai  que  cet 
arrêt  a  déclaré  abufives  les  fentences  de  lofficial 
de  Langres  ,  qui  avoit  admis  un  religieux  récla- 
mant à  la  preuve  tfcftimoniale  de  fes  faits  de  con 
trainte,  &  anntiUé,  en  conféquence  de  cette  preu- 
ve ,  les  vœu.:  qu'il  avoit  prononcés  :  mais  il  fe 
trouvoit  dans  cette  efpèce  une  circonftance  parti- 
culière &  décifive  ;  les  appelans  comme  d'abus , 
I)  repréfentoient  plufieurs  letrrcs  recouvrées  de- 
«  puis  la  preuve  teftimoniale  admife  ,  par  lefquel- 
»  les  le  réclamant  avoit  tenu  \m  langage  abfolu- 
»  ment  oppofé  aux  faits  confignés  dans  fa  requête 
»  en  réclamation  >», 

D'un  autre  côté  ,  Denifart  cite  deux  arrêts  des 
3imaii69i  8f  19  juin  1702  ,  comme  ayant  jugé 
que  la  preuve  teftimoniale  peut  avoir  lieu  en  ces 
matières  ;  en  quoi  il  fe  trompe  encore.  Ces  arrêts 
font  rapportés  au  journal  des  audiences  dans  l'or- 
dre de  leur  date  ,  &  on  y  voit  clairement  qu'ils 
n'ont  rien  moins  décidé  que  cela. 

Denifart  ert  plus  exnél  dans  la  citation  d'un  autre 
arrêt  du  8  août  1746 ,  par  lequel  il  fut  dit  n'y  avoir 
abus  dans  une  fentence  qui  avoit  admis  la  preuve 
teftimoniale  des  faits  de  violence  articulés  par  le 
fieur  Chabot  ,  cordélier ,  qui  avoit  un  commencement 
de  pntivc  écrite. 

Au  refte,  la  queftion  en  général  dépend  des  prin- 
cipes établis  au  mot  Preuve  ,  &  ci-après ,  §.  3  , 
n".   I, 

IV.  Le  confentement  du  père  &  de  la  mère  efl- 
il  néceffaire  à  la  Profeffion  d'un  enfant  ? 

Si  cet  enfant  eft  majeur,  la  négative  efl  in  con- 
teftable  ;  voici  néanmoins  une  efpèce  dans  la- 
quelle un  juge  inférieur  a  penfé  tout  autrement. 

Maric-Vtéloire  de  Liancourt ,  fille  majeure  de 
Charles  -  François  de  Liancoiirr,  garde  -  magafm 
d'artillerie  à  Charlemonr,  vouloit  fe  faire  Récollec- 
tine  à  Givet.  Son  père  s'y  oppofoit.  Sur  les  contef- 
tations  qui  fe  font  élevées  entr'eux  à  ce  fujet ,  il 
eft  intervenu  ,  le  30  avril  1781 ,  une  fentence  de 
la  prévôté  de  Givet,  qui  porte  : 

»  Nous  avons  permis  8».  permettons  au  fuppliant, 
ï>  &  en  tant  que  de  befoin  !',uuorifons ,  à  placer 
j>  ladite  de  Liancourt,  fafiile,  foit  au  monaflère 
j»  des  Daraes  de  Flifpré  ,  près  de  cette  ville  ,  foit 
»>  au  monaftère  des  Dames-d<?s-Prés  de  Douai  , 
»  foit  des  Dames  de  Saiut-Sepulchre  de  Charle- 
»>  ville  ,  foit  aux  Dames  de  Saint-Pierre  de  Reims , 
«  au  choix  de  ladite  de  Liancourt,  fi  mieux  n'ai 
«  me  cette  dernière,  demeurer  dans  la  maifon  de 
»  fon  père,  &  pour  le  temps  de  fix  mois,  à  l'ex- 
^>  piration  defqucls  ladite  de  Liancourt  fera  libre 
5»  de  rentrer  dans  le  couvent  des  religieufes  R-col- 
«  leftiQes  de  cette  ville  ,  s'il  n'arrive  caufe  d'oppo- 


PROFESSION  MONASTIQUE.   74., 

»  fition  au  contraire  :  ordonnons  en  conféquence  à 
»  la  fupérieure  dudit  couvent  des  Récolieâines  de 
»  Givet ,  de  remettre  ladite  de  Liancourt  entre 
»  les  mains  de  fon  père  ;  à  quoi  faire  ladite  fupé- 
»  rieure  &  religieufes ,  &  couvent  defdites  Récol- 
•'  leflines  ,  feront  contraintes  par  toutes  voies  dues 
»  &  raifonnables  ". 

Appel  ,  au  parlement  de  Flandres  ,  de  la  part  de 
Marie-'Viâoire  de  Liancourt.  Après  une  inftruc- 
tlon  contradiâoire  ,  arrêt  du  23  novembre  1781  , 
au  rapport  de  M.  Plaifant-du-Château ,  dont  voici 
le  difpofitif  : 

»  La  cour  a  mis  &  met  l'appellation  &  la 
»»  la  fentence  dont  a  été  appelé  au  néant;  émen- 
»  dant,  déclare  l'appellante  libre  de  prendre  le 
»  voile  &  de  fe  faire  religieufe  dans  tel  couvent 
»  qu'elle  trouvera  convenir  ;  condamne  l'intimé 
»  à  payer  à  l'appellante  une  fomme  qui  ne  pourra 
»>  être  plus  forte  que  de  500  liv.  pour  chaque  an- 
»  née  de  penfion  du  noviciat ,  dans  le  couvent 
j)  qu'elle  aura  choifi  ;  Si  en  outre  ,  iwe  penfion 
»  viagère,  qui  ne  pourra  excéder  la  fomme  de 
»  150  liv.  annuellement;  condamne  l'intimé  aux 
»  dépens,  tant  des  caufes  principales  que  de  celle 
M  d'appel  w. 

Mais  lorfqu'il  eft  queftion  de  la  Profeffion  d'un 
mineur  ,  le  confentement  de  Con  père  &  de  fa  mère 
n'eft-il  pas  e(Tentiel  à  la  validité  des  vœux  qu'il  pro- 
nonce ?  Il  eft  certain  qu'il  ne  faut  point  de  leur  part 
un  confentement  formel ,  &  que  leur  approbation 
tacite  fuffit  pour  rendre  inattaquables  de  ce  chef  les 
vœux  de  leur  enfant.  C'eft  ce  qu'a  préjugé  un  arrêt 
du  7  février  1707  ,  rapporté  au  journal  des  audien- 
ces ,  &  dont  on  parlera  ci-après  »  §.  3  ,  n'^  4.  Une 
religieufe  attaquoit  fa  Profeffion  par  chux  moyens  , 
dont  l'un  étoit  le  défaut  de  confentement  de  fou 
père.  M.  l'avocat  général  /oly  de  Fleury,  qui 
portoit  la  parole  dans  cette  caufe,  pulvérifa  ce 
moyen  en  peu  de  mots  :  «  A  l'cgard  du  père  ,  dit- 
»  il ,  1°.  il  ne  fe  plaint  point  :  2".  on  a  bien  vu 
»  rendre  à  un  père  des  cnfans  avant  la  Profeffion  , 
»  quiind  il  les  revendique  ;  mais  jamais  on  n'a  jugé 
»  la  Profeffion  nulle  ».  Le  parlement  de  Provence 
a  décidé  la  même  chofe,  fuivant  Denifart ,  en  dé- 
clarant ,  par  arrêt  du  26  janvier  1-30  ,  «  n'y  avoir 
)»  abus  dans  la  Profeffion  de  Claude  Jouvin,  âgé 
»  de  dix-fept  ans  ,  dans  l'ordre  des  capucins.  Ce 
»  Jouvin  avoit  prononcé  fes  vœux  hors  de  la  pré- 
»  fence  &  fans  le  confentement  p^r  écrit  de  fon 
»  père  ;  &  ce  père ,  attendri  par  les  regrets  de  fon 
»  fils  ,  avoit  appelé  comme  d'abus  de  fa  Profeffion. 
I)  Il  citoit  le  chapitre  30  des  nombres ,  les  capitu- 
}>  laires  de  Charlemagne  Chopin  ,  Henrys .  Boni- 
»  face  ,  &c.  Mais  parce  que  Jouvin  père  avoir  eu 
H  connoiflance  &  du  noviciat  &  de  la  Profeffion 
>»  de  fon  fils ,  fans  s'y  oppofer  ;  qu'il  avoit  envoyé 
M  fa  iemmc  pour  affifter  à  la  cérémonie  &  fournir 
»  de  fa  part  tout  ce  qui  étoit  néceftaire  pour  cette 
»  dépenfe  ,  l'arrêt  jugea  la  Profeffion  valable  ». 


750     PROFESSION  MONASTIQUE. 

Refteà  favoir  fi  le  défaut  de  confentement  ,  mè- 
ine  tacite ,  du  père  &  de  la  mère  du  profés  mineur , 
feroit  un  moyen  de  nullité  contre  fa  Profcffion. 
Les  cap'.tulaircs  de  Ciiarlemagne  (i)  femblent  dé- 
cider la  queftion  pour  l'affirmative,  en  défendant 
de  donner  l  habit  religieux  aux  enfans  fans  le  con- 
fentement de  leurs  parens.  L'article  19  de  l'ordon- 
nance d'Orléans  ne  paroît  pas  moins  précis  :  "  Dé- 
3>  fendons  ,  porte-t-il ,  aux  pères  &  mères,  tuteurs 
»  &  parens,  de  p:rmettre  à  leurs  enfuns  ou  pupilles 
«  faire  ProfelTion  de  religieux  ou  religicufes  , 
«  qu'ils  n'aient ,  favoir  ,  les  mâles,  vingt-cinq  ans , 
M  6c  les  611es  vingt-ans  n.  Il  eft  vrai  que  l'arncL" 
3.8  de  l'ordonnance  de  Elois  a  changé  celle  d'Or- 
léans,  en  iîxant  à  feize  ans  l'âge  requis  pour  faire 
Profeffion;  mais  ce  changement  n'a  point  donné 
d'atteinte  aux  droits  des  pères  &  des  mères  ,  relati- 
vement à  la  iiéccflué  de  leur  confentement. 

«  Je  ne  comprends  pas  au  rcfte ,  dit  Denifart , 

»)  comment  on  peut  agiter  férieufcment  la  qu;f- 

»  tion  de   favoir  îi  un  enfant  peut  défobéir  à  fon 

»  père,  Si  (e  faire  moine  contre  fon  gré  ;  une  pa 

»  rcille  queOion  paroîtra  toujours  dcraifonnable  à 

«  tout  homme  fenfé.  Les  plaintes  &  lesoppontions 

j>  des  pères  font  d'autant  plus  favorablci,  qu'on 

>»  n'entend,  dans  les  cloîtres  8c  dans  les  tribunaux  , 

j)  que  des  g:miiTemens  &  des  réclamations  contre 

î)  des  vœiix    forcés  ;  &l   comme  on  ne  doit  pas 

»  prendre  pour   vocation  le  caprice  ou  le    dépit 

»  d'une  jeune  pcrfonne  fans  expérience  ,  on  doit , 

»  en  ce  cas,  donner    beaucoup  aux  droits  de  la 

j>  puiffance    paternelle.    Les   lois  romaines  attri- 

»>  îjuoient  aux  pères  un  pouvoir  immenfe  fur  leurs 

j>  enfans,  £{  ce  tribunal  dome^^Hque  étoit  fouverain 

j>  à  cet  égard  :  mais  (i  cette  pui/rance  eft  modérée 

«  par   les  règles  humaines  du  chriflianifme  ,  elle 

»  n'eft   pas   abfolument  abrogée  ;  rien   ne  bleflTe 

»>  plus  cette  autorité  que  de  foutenir  qu'un  enfant 

»  fe  puifTe  choifir  un  état  fans  le  confentement  de 

j>  fon  père.  Un  mineur  eft  incapable  des  moindres 

«  aftes  de   la  vie  civile  ;  pourquoi  pourroit-il  nè- 

>i  gliger  l'autorité  paternelle  pour  le  plus  important 

«  de  tous  les  engagemens  ^  Comment  concevoir 

»♦  qu'il  peut  renoncer  à  tout  par  le  vœu  de  pau- 

>»  vreté  ,  &  immoler  fes  fens  à  la  loi  d'une  conti- 

j»  nence  perpétuelle  ,  lorfqu'il  ne  connoît  fouvent 

»  pas   ce  que  c'eft   que  continence  ,  &  combien 

«  la  nature  réfifte  à  fes  vœux  ?  Pourquoi  l'autorité 

M  des  pères  ne  fervira-t-elle  pas  de  frein  ,  en  ce 

M  cas-là,  à  l'indocilité  des  enfans,  qui,  fous  pré- 

ti  texte  de  fe  donner  à  dieu  ,  s'imaginent  qu'il  leur 

•n  eft  permis  de  défobéir  à  leurs  parens  ^  On  ne 

»  trouve  que  trop  de  fupirieurs  dans  les  maifons 

j)  religieufes ,  qui ,   par  des  vues  intéreflees  ,  en- 

j}  trcnt  dans  ce  commerce  d'iniquité  ,  &  qui  accep- 

»  tent  des  viétimes  fans  fcrupule.  Ils  ne  m.anquent 

»  pas  de   dire  que  ,  quand  dieu  parle  ,  c'eA  un 

I)  crime  d'écouter  la  voix  de  la  nature  i  que  l'aut©- 


(0  Lib.  i.cap.  sî  &  ieI,cdic.BaIui. 


PROFESSION  MOrjASTIQUÉ; 

»>  rite  des  pères  devant  fléchir  fous  la  fienne  ,  il  ne 
»  faut  plus  écouter  leur  volonté  :  mais  le  chriftia- 
»  nifme  n'eft  point  une  vertu  farouche  ,  qui  étouffe 
»  les  fentimens  de  la  nature  ;  le  defir  de  fe  confa- 
»  crer  à  la  condition  de  religieux,  n'eft  fouvent 
»  qu'une  ferveur  paffagère  :  fera-t-il  temps  de  fe 
»  repentir,  lorfque  le  fang  venant  à  bouillonner, 
»  il  infpirera  de  cruels  efforts  pour  fecouer  ua 
»  joug  infupporrable  ?  &c.  &c.  ècc.  >». 

Diftèrens  arrêts  ont  adopté  cette  opinion.  Néron, 
fur  l'article  cité  de  l'ordonnance  d'Orléans,  en 
rapporte  trois  en  ces  termes  :  «  Il  y  a  ,  dit- il ,  pUi- 
j>  fleurs  arrêts  de  la  cour  par  lefquels  il  eft  prohibe 
»  de  recevoir  aux  monaftéres  ,  des  enfans  de  fa- 
»  mille  ,  fans  l'autorité  &  confentement  des  pa- 
j>  rens  ,  &  entr'autres  un  contre  les  jéfuites ,  au 
»  profit  de  M.  Airault ,  du  20  mai  1587  ;  un  autre 
»  contre  les  feuillans  pour  M,  Jean  Laurens,  pro- 
5>  cureur  au  bailliage  Si.  fiége  préfidial  de  Chartres, 
)>  du  2  août  1601  ,  &  pour  M.  Ripault,  préfident, 
»  contre  les  capucins,  du  14  mars  1604  »>.  Gillet 
rapporte  les  mêmes  arrêts  dans  fon  plaidoyer  pour 
le  fieur  &  la  dame  Vernat ,  mais  il  les  date  différem- 
ment ;  il  dit  que  le  premier  eft  du  20  mai  1586, 
le  fécond  du  1  aoiit  1601  ,  &  le  troifiéme  du  14 
mars  1602.  «  Ces  trois  pères,  ajoute-t-il  ,  deman- 
»  dolent  leurs  fils  ;  on  leur  avoir  donné  l'habit  fans 
3)  leur  confentement.  Les  jéfuites,  les  feuillans, 
»  les  capucins  furent  condamnés  à  ôter  à  ces 
î)  trois  novices  l'habit  régulier ,  6c  à  les  rendre  à 
)>  leurs  père  en  habit  féculier  ,  avec  défenfes  de  rcr' 
»  cevoir  à  l'avenir  des  enfans  fans  le  confentement 
»  de  leurs  pères.  Une  obfervation  confidérable  à 
»  faire  dans  cet  endroit ,  eft  que  ces  trois  arrêts 
»  font  poftérieurs  au  concile  de  Trente  &  à  l'or- 
)»  donnance  de  Blois,  &  que  les  enfans  étoicnt 
5>  âgés  de  17  a  18  ans.  C'eft  une  circonftance  re- 
))  marquée  dans  les  notes  fur  la  conférence  des  or- 
»  donnances ,  à  côté  de  celle  de  Blois  ,  où  ces  trois 
»  arrêts  font  rapportés ,  pour  marquer  que  l'ordon- 
»  nance  de  Blois ,  qui  permet  de  faire  profeffion 
n  à  16  ans  accomplis,  ne  doit  s'entendre  qu'avec 
»  le  confentement  des  parens.  De  même  qu'encore 
M  que  les  filles  puiffent  fe  mariera  12  ans,  &  les 
»  mâles  à  14,  les  mariages  ne  laiffent  pas  d'être 
)»  nuls,  lorfqu'ils  font  contra6\és  en  minorité  fans  le 
»  confentement  des  pères  &  des  mères;  c'eft-à-dire, 
5>  que  la  puberté  canonique  pour  l'émiffion  des 
j>  vœux,  non  plus  que  la  puberté  civile  pour  le 
n  mariage,  n'eft  qu'use  capacité  naturelle  qui fup- 
)»  pofe  toujours  le  confentement  des  parens  ». 

Le  parlement  d'Aix  a  rendu  ,  le  1 1  avril  1680 ,' 
un  arrêt  conforme  à  ceux  du  parlement  de  Paris  , 
que  nous  venons  de  citer.  Il  fait ,  comme  on  le  voit 
au  journal  du  palais ,  «  inhibitions  &  déienfes  à 
»  tous  les  fupérieurs  &  fiipérieures  des  ordres  re-, 
»  ligieux  de  la  province  ,  de  donner  l'habit  de  noi 
»  vice,  à  l'avenir,  à  aucun  fils  de  famille,  fans 
«  l'autorité  &  confentement  de  fes  père  &  mère ,  ..^ 
»  à  peine  de  faifie  de  leur  temporel  ». 


PROFESSION  MONASTIQUE. 

Denifart  dit  que  le  châtc'et ,  «  par  fentence  ren- 
»»  dne  le  famedi  30  août  1760,  a  non  leiilefrienf 
»  admis  roppofition  formée  par  un  père  à  remif- 
w  fion  des  vœux  de  fa  fille,  âgée  de  vingt-trois 
»  ans  ,  qui  vouloit  fe  faire  cordelière  ,  &  qu'il  re- 
»  vendiquoit,  mais  a  ordonné  à  cette  fille  de  rc- 
«  tourner  chez  lui ,  avecdéfenfes  d'en  fortir  avant 
>»  lâge  de  2,5  ans,  8c  a  condamné  le  couvent  aux 
>»  dépens  ». 

D'un  autre  côté  ,  que  ne  dit-on  pas  pour  foute- 
nir  qu'un  enfant  mineur  peut  s'engager  dans  le  cloî- 
tre malgré  fon  père  &  fa  mère  ?  On  cite  d'abord  ces 
textes  de  l'évangile  :  «  Celui  qui  aime  fon  père  ou 
»  fa  mère  plus  que  moi  ,  eft  indigne  de  moi.  Qui 
»  arn^t  patrem  aut  inatrem  pdus  quàm  me  ,  non  ejî 
n  me  di^nus.  —  Celui  qui  vient  à  moi  fans  haïr 
»  fon  père,  fa  mère,  fa  fen-.me ,  fes  enfans, 
»  fes  frères,  &  même  (on  ame  (  c'eft-à-dire,  fans 
r  faire  comme  s'il  l«s  haïlToit ,  lorfque  leurs  inté- 
55  rets  fe  trouvent  oppofés  à  ma  gloire  &  à  ruon 
»»  fervice)  ,  celui-là  ne  peut  être  mon  difciple.  Si 
5>  (juis  venu  ai  1.  e ,  6*  non  odit  pat'em  &  tnjtrcm  & 
jy  6*  uxorem  &  fiiws  &  fratres  ,  imà  &  animam  ftusm  , 
3>  non  potijl  difcipuhts  rtifus  ejje  —  Ceux  qui  ont 
îJ  dit  ?,  leur  père  ou  à  leur  mère  ,  nous  ne  vous  cor.- 
To  noiiTons  pas  ,  ont  été  juftes,  &  fe  font  confor- 
«  mes  à  mes  commanderaens-  Qwi  dixerunt  patri 
î>  aut  mat  ri ,  non  nov'imus -vos  ,  ju'Ji  cuftodientrit  ani- 
y>  mam  meam  :».  On  ne  doit  donc  plus-  connoître 
leur  voix  ni  leur  pouvoir  ,  quand  ils  s'oppofent 
aux  ordres  de  dieu.  En  effet ,  c'eft  de  lui  que  les 
pères  empruntent  l'autorité  qu'ils  ont  fur  leurs  en- 
fans  ;  ils  ne  \cy.&rcQni  que  fubordinément  à  lu;. 
Il  efl  donc  jufle  qu'ils  fe  taifent  quand  il  fait  en- 
tendre fa  voix  ,  &  que  leur  pouvoir  ceffe  quand  il 
commande.  C'eft  ce  que  faint  Arabroife  exprime 
en  ces  termes  :  Si  obfeqiiium  varentibiis  ^xhibcndum 
ejl  ,  (jujnto  magis  autor'i  parentum.  Saint  Jérôme 
va  bien  plus  loin  dans  cette  fameufe  cpître  par  la- 
quelle il  exlicte  Héliodore  à  retourner  dans  la  fo- 
litude  qu'il  avoit  quittée.  Si  votre  fils,  dit-il ,  fe 
pend  a  votre  cou  pour  vous  retenir  ,  fi  votre  mé^e 
épîor.'e,  les  cheveux  épars,  &  déchirant  fes  habits, 
vous  montYQ  les  mamelles  qui  vous  ont  allaité;  fi 
votre  père  fe  couche  fur  le  feuil  de  la  porte  jpalfez- 
lui  fiir  le  ventre,  venez,  d'un  air  ferein  &  avec  des 
yeux  fe-.s,  :  ous  r;inger  fous  letendart  de  la  croix; 
la  véritable  piété  confiée  à  être  cruel  en  cette  ren- 
contre. —  les  conciles  viennent  à  l'appui  de  ces 
autorités.  Celui  de  Tolède,  celui  de  Tibur  &  plu- 
sieurs autres  décident  expreffément  en  faveur  de 
la  liberté  «^'es  enfans  pubères.  Putllj  fi  ûntè  12  j.7- 
nos  (ziJtis  jponte  faâ  facrum  fihi  velamen  ajfurnrjdrit , 
po£iint  fîatim  parentes  ejus  vel  tutores  id  faEium  irri- 
tum  facere  Si  verb  in  fortiori  cetate  aiolejccns  fer- 
•vire  deo  e!f^>  it ,  non  ejl piMe^as  parentibtts  prohibendi. 
Si  quelque»;  autres  conciles  femblent  étendre  juf- 
qu'à  ce  point  l'autorité  paternelle  ,  ils  ne  s'enten- 
<]ent  que  des  enfans  qui  font  au  deffous  de  l'âge  de 
puberté ,  ou  qui  ont  été ,  ibit  enlevés  par  violence 


PROFESSION  MONASTIQUE.     751 

de  la  maifon  de  leurs  parens,  foit  aveuglés  &  f  i- 
diits  par  des  manœuvres  feciétes;  Scjamais  ils 
n'ont  reçu  la  moindre  exécuàon  hors  de  ces  ca?. 
—  Si  des  lois  divines  &  eccléfianiques  ,  on  pafie 
au  droit  civil  &  purem.cnt  humain  ,  on  y  rernai- 
qi:era  le  même  efprit.  Le  préfent  que  nos  pères  & 
nos  mères  nous  font  d'une  vie  temporelle  &  rem- 
plie de  misères,  peut-il  leur  donner  le  droit  de  nous 
empêcher  d'en  acquérir  une  infiniment  plus  pre- 
cieufe ,  &  dont  celle-là  ne  doit  être  que  le  pafTag--  } 
Nous  ne  recevons  d'eux  que  des  biens  terrefires  ; 
il  efi  donc  jufie  que  leur  puilTance  foit  bornée  aux 
cliofes  de  la  terre  ,  &  qu'elle  expire  au  pied  des 
aurels.  On  ne  permet  pas  aux  pères  de  dévouer 
leurs  enfans  à  la  vie  monafiique  ,  lorfqu'ils  ne  s'y 
offrent  pas  eux-mêmes  :  or,  n'y  a-t-il  pas  même 
ra'.fon  pour  qu'ils  ne  puifTcnt  en  arracher  ceux  qui 
veulent  s'y  confacrer:-  Il  n'y  a  ni  plus  de  jtiiîice  ni 
plus  de  faveur  dans  un  cas  que  dans  l'autre  :  fi 
dans  le  premier  on  immo'e  a  dieu  une  viâime  qui 
fe  refufe  &  dent  il  rejette  l'offrande  ;  dans  le  fé- 
cond ,  on  lui  en  enlève  une  qu'il  a  demandée.  Si 
les  uns  enferment  dans  le  cloître  des  âmes  rem- 
plies de  l'amour  du  monde,  infenfible  aux  douceurs 
de  la  vie  religieufe,  les  autres  retiennent  dans  le 
ficelé  des  âmes  céleftes  que  le  mauvais  exemple 
peut  corrompre. — C'efi  pour  cela  que  l'empereiir 
juflinien  ,  dans  la  novelle  123  ,  au-deflus  de  la- 
quelle il  feroit  inutile  de  remonter ,  défend  expref- 
fément aux  pères  de  s'oppofer  à  la  ProfefTion  re- 
ligieufe de  leurs  enCsins  ;  interdicimus  autem  paren- 
libiis  filios  fuos  ,  monafticam  vitam  eligenies  ,  â  vene- 
rahilibus  monafleriis  ablhahere  ;  &  comme  les  reli- 
gieux étoient  alors  habiles  à  fuccéder  ,  il  ajoute 
que  cela  n'efl:  pas  une  caufe  d'exhérédation  ,  parce 
qu'on  ne  peut  pas  regarder  comme  une  défobéif- 
fance  ,  la  réfiftance  louable  d'un  fils  dans  une  ma- 
niaiière  auffi  imporrante.  —  La  chofe  doit  foufî'ilr 
encore  moins  de  difficulté  p.irmi  nous ,  puifque 
nous  avons  re/lreint,  dans  des  bornes  fort  étroites , 
la  puifTance  que  les  Romains  donnoient  aux  pères 
fur  leurs  enfans.  —  D'ailleurs,  s'il  eft  permis  aux 
enfans  de  fe  marier  a  un  certain  âge  malgré  leurs 
païens  ,  à  plus  forte  raifon  doit-  il  leur  être  permis , 
niême  avant  cet  âge,  de  fe  faire  religieux  :  par  Je 
mariage  ,  un  fils  donne  à  fon  père  de.s  héritiers  ,  au 
lieu  que  par  la  Profefîîon  il  le  laiffe  maitre  de  fes 
biens  ,  &  libre  de  fe  choifir  tels  héritiers  qu'il  lui 
plaît.  Un  enfant  qui  fe  marie  malgré  fes  parens, 
n'a  pour  excufe  que  fa  paflion  &.  fon  caprice  ;  au 
lieu  que  celui  qui  eft  appelé  à  la  vie  religieufe  , 
a  pour  raifon  la  néctfTite  &  l'importance  de  io^ 
falut ,  qui  (è  trouve  attaché  à  cette  condition. 

C'eft  en  propofant  ces  réflexions ,  que  M^  Erard, 
dans  le  dernier  fiècle  ,  a  obtenu,  pourlademoi- 
fclle  Vernat,  un  arrêt  qui  lui  a  permis  de  faire 
Profeffion  malgré  fon  père  Scfa  mère.  Cet  arrêt  eft 
rapporté  au  journal  du  palais,  fous  la  date  du  13 
juillet  1686.  L'appel  étoit  d'une  ordonnance  du 
,    lieutenant  particulier  de  Lyon ,  en  vertu  d«  ^- 


751     PROFESSION  MONASTIQUE. 

quelle  cet  officier  avoit  interrogé  la  demoifelle 
Vernat  fur  la  vocation  :  après  une  plaidoirie  folem- 
re'le  ,  «  la  cour  a  mis  l'appellation  &  ce  au  néant  , 
»)  éireiulant,  évoquant  le  principal,  &  y  faifant 
»>  droit,  fans  s'arrêter  à  roppofition  des  parties  de 
»  Gillet,  ordoni:e  qu'il  fera  palTc  outre  à  la  Pro- 
>»  feffion  ,  en  cas  que  la  fille  en  foit  trouvée  capa- 
1»  ble  par  Tarchcvêque  de  Lyon  ou  (on  grand  vi- 
«  caire  ;  fera  payé  à  la  partie  d'Erard  400  liv.  pour 
«  fa  penfion  viagère.  Se  aux  religieufes  la  fomme 
1»  de  1000  liv. ,  favoir  ,  400  liv.  pour  les  penfions 
»»  du  noviciat  ,  &  600  liv.  pour  les  frais  de  la  vê- 
»»  ture  &  de  la  Profeflion  ». 

11   ne  faut   cependant  pas    regarder    cet    arrêt 
comme  décifif  fur  notre  quertion.    Deux  circonf- 
tances  ,  comme  le  remarquoit  M*  Erard  ,  tiroient 
la  demoifelle  Vernat  de  la  thèfe  générale.  La  pre- 
mière étoit  qu'elle  touchoif  prefque  à  la  majorité  : 
elle  étoit  dans  fa  vinjt-cinquième  année  ;  «  c'efl , 
»  difoit-on  ,  un  âge  (  u  la  raifon  doit  être  formée  , 
M  &    où  un   fille  eft  capable,  fi  elle  doit  jamais 
«  l'être,  de  choifir  l'état  oîi  elle  veut  vivre....  Dans 
»)  les  ehofes  favorables,  &  fu;-tout  dans  le  fpiri- 
*>  tuel ,  il  fuffit  d'avoir  atteint  le  premier  jour  de 
i>  Tannée,  pour  être  réputé  avoir  l'âge  qui  eft  re- 
»»  quis  :   c'ert  pour  cela  que,  pour  fe  pouvoir  en- 
*>  gager  dans  les  ordres  facrés  ,  il  fufht  d'avoir  24 
»)   ans  un  jour  ,  &  tout  de  même  pour  poiTéder  tou- 
«  tes  fortes  de  dignités  eccléfiartiques  féculières  ou 
«   régulières  ,  annus  inceptus  habeiur  pro  compléta  ». 
—  La  féconde  circcnfiance  ttoit,  qu'on  ne  ie  trou- 
voit  pas  dans  l'efpèce  d'une  fille  qui  fe  iut  jetée 
dans  un  monaflère  à  l'infçu  &  contre  le  gré  de  fes 
parens.  «   Le  père  &  la  mérc  de  Marie  Vernat ,  di- 
»  foit  Nr  Erard  ,  ont  confenti  au  choix  qu'elle  a 
»»  fait ,  &  de  la  vie  religieufe  ,  &  en  particulier  du 
»>  monaftère  de  Saint-Pierre  de  Lyon.  Elle  a  atten- 
«»  du  ce  confentement  pendant  huit  années,  &  elle 
>»  n'y  eft  enfin  entrée  qu'avec  leur  permiffion  ;  ce 
5)  font  eux-mêmes  qui  l'y  ont  préfentée  ,  qui  ont 
>»  prié  pour  l'y  faire  recevoir  ,  qui  l'y  ont  inuallée.. 
»  Il  eft  vrai  que  ,  fan^  fujet,  ils  ont  depuis  changé 
j>  defentiment;  mais  leur  fille  eft  elle  obligée  de 
»  fuivre  leur  inconfiance  ?  Y  a-t-il  quelques  conci- 
»  les,  quelqu'ordonnance   qui   difent  que  quand 
■m  un  fils  a  une  fois  embraiTé  un  état  avec  l'appro- 
M  bation  de  fes  parens  ,  ils  peuvent  changer ,  fui- 
»  vaut  leur  caprice,  &  qu'après  qu'ils  l'ont  eux-  [ 
»  mêmes  préfenté  à  l'autel,  il  leur  foit  permis  de 
S7  l'en  tirer  malgré  lui  ?  Le  facrifice  eft  accompli 
v>  de  leur  part  dés   le   moment  qu'ils  ont  offert 
f»  leur  fils  ,  &  qu'il  eft  entré  dans  le  monaftére  de 
»  leur  confentement.   Les  temps   de   probation  , 
M  pendant  lefquels  on  diffère,  ou  de  lui  donner 
»  l'habit ,  ou  de  lui  faire  faire  fes  vœux  ,  ne  font 
M  point  introduits  en   leur  faveur  ,  ni   pour  leur 
»  donner  le  temps  de  fe  repentir;  ils  ne  font  in- 
•n  troduits  qu'en  faveur  du  religieux  feul ,  &  pour 
»  éprouver  fa  perfévérance ,  &  non  pas  celle  de 
«  fes  parens  M. 


PROFESSION  MONASTIQUE. 

Quel  parti  prendre  donc  fur  la  queftion  géné- 
rale que  nous  avons  à  réfoudre  ?  Il  n'y  en  a  point 
d'autre  que  de  dire  avec  d'Héricourt ,  qu'à  la  vérité 
')  les  enfans  ne  doivent  point  embraftcr  l'état  re- 
»  ligieux  fans  le  confentement  de  leurs  pères  &  de 
»  leurs  mères  ,  &  cependant  fi  un  jeune  homme  ou 
»  une  jeune  fille,  étant  parvenus  à  un  âge  mijr, 
i>  comme  de  20  ou  2,2  ans,  vouloient  s'engager  dans 
»  un  monaftére  ,fans  qu'il  parût  aucune  féduilion 
)»  de  ceux  qui  le  gouvernent ,  on  n'auroit  point 
»  d'égard  à  l'oppofiiion  des  parens  ,  qui  n'ont  pas 
»  le  droit  d'empêcher  leurs  enfans  de  fe  confacrer 
»  au  feigneur. ...  Le  feul  moyen  de  concilier  les 
w  arrêts,  qui  font  juftes  chacun  dans  leur  efpèce  , 
»»  eft  d'admettre  cette  diftinélion  »;. 

Quelquefois,  dit  le  même  jurifconfulte ,  «  on 
))  ordonne  que  la  novice  fera  tirée  du  couvent ,  & 
r>  mife,  par  forme  de  féqueftre,  dans  urt  lieu  où  ki 
>»  parens  pourront  la  vifiter....  On  a  même  pouffé 
»  fur  ce  point  la  jurifprudence  ,  jufqu'à  ordonner 
»  que  des  filles  qui  étoient  entrées  dans  des  mo- 
»  naftéres,  du  confentement  de  leurs  parens  ,  & 
»>  qui  avoient  fait  Profeflion  au  préjudice  des  d^- 
»  fenfes  du  juge  laie ,  obtenues  par  leurs  pères  ou 
»  par  leurs  mères  qui  avoient  changé  de  delTein  , 
»  feroicnt  mifes  dans  une  maifon  bourgeolfc,  &C 
»  entendues  par  des  perfonnes  nommées  à  cet 
>»  effet ,  avant  que  de  prononcer  fur  l'appel  comme 
I»  d'abus  interjeté  de  la  Profeflîon  ». 

U  y  a  plufieurs  arrêts  qui  confirment  cette  afler- 
tion.  Chopin  ,  dans  fon  monafiicon ,  livre  i  ,  tit.  2  , 
n°.  4,  en  rapporte  un  bien  remarquable,  rendu 
en  faveur  d'un  père  hérétique  apoftat.  Etant  encore 
catholique,  il  avoit  mis  fa  fille  en  religion  ,  &  lui 
avoit  fait  donner  le  voile  avec  les  cérémonies  or- 
dinaires. Depuis  le  noviciat ,  il  s'étoit  fait  luthé- 
rien ,  &  fa  fille  ayant  fait  Profeflion  fans  fon  con- 
fentement, il  voulut  la  retirer  du  cloître ,  &  la  ma- 
rier. Dans  cette  vue,  il  interjeta  appel  comme 
d'abus  de  la  Profeflion  ;  &  par  arrêt  interlocutoire 
de  la  grand'chambre  ,  il  fut  ordonné  qu'avant  faire 
droit  la  fille  feroit  ouïe  pardevant  le  plus  prochain 
juge  royal  des  lieux,  &  que  pour  cet  effet  elle  fe- 
roit mife  hors  du  couvent,  &  demeureroit,  pen- 
dant un  certain  temps  ,  comme  en  féqueftre  dans 
la  maifon  d'une  honnête  bourgeoife. 

On  trouve  dans  le  journal  du  palais  un  arrêt  du 
parlement  de  Bordeaux,  qui  juge  de  même.  Voici 
les  termes  dans  lefquels  il  nous  eft  retracé  : 

i>  Françoife  Gonflant ,  de  la  ville  de  Limoges 
1»  (majeure  de  25  ans),  ayant  témoigné  qu'elle  avoit 
»  deffein  d'entrer  dans  le  monaflère  des  religieufes 
»  de  Saint- Alexis  ,  de  la  même  ville  ,  Marguerite 
»>  Daniel ,  fa  mère  ,  y  donna  fon  confentement.  Il 
»  fut  paffé  ,  avec  la  fupérieure ,  un  contrat  par  le- 
n  quel  elle  conftitua  une  aumône  dotale  à  fa  fille 
j»  majeure.  Cette  fille  ayant  pris  l'habit  de  reli- 
)»  gieufe ,  la  mère  change  de  volonté  ;  elle  veut 
»  l'empêcher  de  faire  Profeffion  ;  &  dans  ce  def- 
»  fein  t  elle  fc  pourvoit  ^ardevaat  le  fénéchal , 

s  qui 


PROFESSION  MONASTIQUE 

«  qui  lui  donne  fon  ordonnance  ,  portant  défen- 
»  ies  de  procéder  à  la  Prof«(fion  de  fa  fille  ;  &  que 
M  cependant  elle  feroit  fequeftrée  ,  pour  (avoir  fa 
5>  volonté.  La  fupérieure  du  monaftère  interjette 
M  appel  de  cette  ordonnance  ,  &  en  mémc-tcmps 
>»  prefente  fa  requête  à  M.  l'évéque  de  Limoges  , 
»  qui  permet  de  faire  faire  Profefùon  à  cette  fille. 
»  Elle  fait  Profelîîon.  La  mère  interjette  appel 
»  comme  d'abus ,  tant  de  l'ordonnance  de  M.  l'cvé- 
»  que  de  Limoges ,  que  de  la  Profelîîon  de  fa  fille , 
»>  faite  en  conséquence....  (  Par  arrêt  du  14  juillet 
"  ^673  )  ,  la  cour  a  mis  6c  met  l'appel  de  Tap- 
»  pointement  du  fénéchal  au  néant  ;  ordonne  qu'il 
')  fera  exécuté,  Se  que  la  fille  fera  fequeftrée  & 
M  ou'ie  par  fa  bouche,  pour,  ce  fait,  être  fait 
«  droit,  tant  fur  Tappel  comme  d'abus,  que  fur 
w  les  autres  conclufious  des  parties  ». 

Le  recueil  que  nous  venons  de  citer  nous  four- 
nit encore  une  fentence  des  requêtes  du  palais  du 
12  mai  1685 ,  dont  il  cft  à  propos  de  rendre  compte. 
Jean-Baptifte  Gotli,  duc  d'Epernon  ,  Si.  iVIargnerite 
d'Etampcs  de  Valence,  fon  époufe  ,  n'ont  eu  de 
leur  mariage  que  deux  filles.  L'aînée  mourut  à 
l'âge  de  dix-fept  ans ,  fans  avoir  été  mariée  ;  l'au- 
tre ,  Elifabeth-Regine,  étoit  novice  dans  le  prieuré 
royal  de  Haute-Briére  ,  âgée  de  quinze  ans  fix  mois, 
lorfque  fa  fœur  décéda.  M.  &  madame  d'Epernon  , 
qui  avoient  figné  l'aéle  de  noviciat  ,  réfolurent 
fix  moi#  après  de  la  faire  revenir  dans  leur  maifon  , 
pour  prendre  la  place  de  fa  fœur  &  les  confoler 
de  fa  mort.  Elle  y  confentit  dès  la  première  pro- 
pofition  qu'ils  lui  en  firent;  mais  enfuite  elle  parut 
avoir  changé  de  fentiment.  Les  religieufes  fom- 
niées  de  la  rendre,  en  firent  refus ,  Se  s'appuyè- 
rent fur  la  réfiftance  apparente  de  leur  novice. 
Cette  contertation  donna  lieu  à  deux  queftions  :  la 
première  ,  de  favoir  fi  le  père  &  la  m#re  d'une  fille 
âgée  de  quinze  ans ,  ayant  confenti  qu'elle  prît  le 
voile  de  novice,  pouvoient,  après  fix  mois  de  no- 
viciat ,  l'obliger  à  revenir  dans  leur  maifon  ;  ou  fi 
cette  novice  devoit  demeurer  dans  fon  monaflère 
jui'qu'à  ce  qu'elle  eiit  atteint  l'âge  de  la  Profcfiion  , 
pour  fe  déterminer  elle-même  à  l'état  qu'elle  vou- 
droit  fuivre.  La  féconde  queftion  étoit  de  favoir  fi 
les  enfans  mineurs  de  15  ans  peuvent  faire  Profef- 
fion  monafiiqucfans  le  confentementde  leurs  pères 
&  de  leurs  mères.  La  caufe  plaidée  à  la  féconde 
chambre  des  requîtes  du  palais  ,  fentence  eft  inter- 
venue ,  «  qui  ordonne  qu'avant  faire  droit  au  prin- 
»  cipal  fur  les  demandes  des  parties  ,  la  demoi- 
»  fellc  d'Epernon  fera  transférée  du  prieuré  de 
»>  Hautc-Brière  dans  cette  ville  de  Paris  ,  à  la 
»  communauté  féculiére  de  la  dame  de  Miramion, 
i)  par  M  de  Longueil ,  doyen  de  la  chambre,  affifté 
»  de  deu.Y  des  plus  proches  parens  de  la  fille,  pour 
M  demeurer  dans  cette  communauté,  par  forme 
M  de  fequeitre ,  pendant  fix  mois ,  pendant  lefquels 
M  (on  père  &  fa  mère  la  pourront  voir  ». 

Denifart  nous  a  confervé  un  arrêt  plus  récent, 
quï  prononce  à  peu  -  prés  de  la  même  pianiére  : 
Tome  Xllh 


PROFESSION  MONASTIQUE 


/    ^    > 


«  Bénigne  Mol  ayant  voulu  ,  du  confcntement  de 
3>  fa  mère  ,  mais  malgré  l'oppofition  de  fon  père  , 
»  avocat  aux  confeils,  fe  faire  religieux  Béncdic- 
»  tin  ,  iemence.  des  requêtes  du  palais  intervint 
"  le  4  juillet  1721,  qui  lui  ordonna  de  pafler  fix 
»  mois  chez  (on  père  en  habit  féculier  :  mais  fur 
»  l'appel,  il  fut  orAonnh  ,  par  arrêt  rendu  furies 
»  conciufions  de  M.  l'avocat  général  d'AguefTcau  , 
»  le  18  mai  1712,  que  ledit  Mol  fe  rctireroit  , 
)7  pendant  fix  mois ,  dans  une  communauté  fécu- 
»  Hère  ou  régulière  qui  feroit  convenue  ,  dans  trois 
»  jours,  palIé  lequel  temps  ,1a  cour  nommeroic 
11  une  maifon  ,  &  que  le  père  y  payeroit  la  pcnfion 
»  de  fix  mois  ;  après  quoi  le  fils  feroit  libre  de  pro- 
»  noncer  fes  vœux  fans  nouvel  arrêt  ». 

Denifart  ajoute  ,  que  ,  «  tout  récemment ,  il  a 
»  été  ordonné  que  la  demoifelle  Dacier  (ero't 
»  rendue  à  fon  père ,  pendant  un  certain  temps , 
»  par  les  filles  de  Sainte- Marie  ,  établies  à  Paris, 
>i  près  la  Bafiille  ,  chez  lefquelles  elle  vouloit  pro- 
»  noncer  des  vœux  malgré  lui  ». 

V.  L'évéque  peut-il  empêcher  un  eccléfiafiique 
de  fou  diocèfe  d'entrer  dans  un  monafiêre  ,  &  d'y 
faire  Profefllon  .Ml  y  a  dans  le  décret  de  Graneri 
un  canon  qui  décide  formellement  pour  la  néga- 
tive (i). 

VI.  Faut-il  ètl-e  régnicole  pour  faire  Profeflion 
en  France  .'  Il  eft  certain  que  ,  dans  rexaflitude 
des  principes,  cette  qualité  n'eft  point  nécelTaire  ; 
mais  des  raifons  d'éiat  ont  fait  porter  des  lois  aui 
l'ont  rendue  telle.  Un  édit  du  mois  de  janvier  1 6S  r 
défend  à  tous  fupérleurs  des  maifons  religieufes  , 
tant  d'hommes  que  de  filles,  de  recevoir  à  l'ave- 
nir des  novices  ,  &  d'admettre  aucun  religieux 
ou  religieufe  ,  pour  demeurer  dans  leur  mcnnf- 
tère  ,  qiii  ne  foient  fujets  du  roi ,  fous  telle  peine 
qu'il  appartiendra;  &veut  en  outre  qu'on  ne  pui/?e 
choifir  ni  comiuettre  aucun  féculier  ou  régulier  , 
pour  gouverner  les  monafières  de  filles  ,  qui  ne 
foient  pareillement  fujets  de  fa  majefié. 

Cette  loi  fut  alTez  long  temps  mal  obfervée.  Le 
parlement  de  Metz  tenta,  en  175 1  ,  de  la  faire 
revivre  par  un  arrêt  du  8  janvier,  portant  qu'elle 
feroit  exécutée  félon  fa  forme  &  teneur ,  &  qu'en 
conféquence ,  tous  les  religieux  étrangers  qui  (^ 
trouvoient  dans  le  refiort  de  cette  cour  ,  feroient 
tenus  de  fortir  ,  dans  deux  mois,  du  royaume. 

Cet  arrêt  fit  beaucoup  de  bruit.  L'impératrice 
reine,  ufant  du  droit  de  réciprocité,  ordonna,  par 
un  placard  du  17  aovit  1752,  adrefi'é  à  tous  les 
tribunaux  des  Pays-Bas-Autrichiens  (2)  ,  que  doré- 

(i)  Si  quis  horum  in  ecclelîâ  fu.î  fub  epilcopo  populuin  re- 
tinet  ,  &  ra:cula!iter  vivit ,  fi  afflatus  fpiritu  fanilo  in  aliquD 
mcnideiio  ,  vel  regulaii  canonià  falvate  fe  vo.'uerit  :  qui» 
Icge  privatâ  ducitur  ,  nulJa  ratio  exigic  ut  à  )cge  pubJic.x 
con.liinga^tur...  S'piiitus  dti  lex  ell,  qui  fpiritu  dei  aguntur  , 
legc  dei  ducurtjr  :  &:  quis  eft  qui  fpiritui  fanûo  pollit  digne 
leliliete  ?  Quifqui:  igitur  hoc  fpiritu  ducitur ,  etiani  epifcopo 
ftio  comradicenie  ,  eat  ,  libet  ncflâ  amoticate.  Canon  ■,iu^t 
funt  ,  caufd  15  ,  ruxflion'  i. 
(i)  Plïic^ri^s  4e  Br»b«)f  î  wme  8  ,  page  24. 

C  c  c  c  c 


754    PROFESSION  MONASTIQUE. 

«avant  on  ne  pourroir,  clans  fcs  étnts  ,  admettre 
aucun  rujet  François  à  la  Proftflîon  religieufe , 
ni  prépofer  aucun  féculier  ou  régiilier  de  la 
même  nation  à  la  direftion  des  monaftères  de  filles. 
C'eft  ce  que  portent  les  art.  3  &  4  de  cette  loi.  L'art. 
5  permet  aux  religieux  François  proies  de  refter 
clans  leurs  mnifons  jufqu'à  nouvel  ordre,  nonobf- 
tant  l'arrêt  cité  du  parlement  de  Metz ,  attendu 
qu'il  n'a  point  eu  d'effet  dans  les  autres  cours  fou- 
vernines  de  France  ,  à  caufe  de  la  tolérance  réci- 
proque qui  avoir  eu  lieu  jufqu'alors  entre  les  deux 
couronnes  ,  <iir  l'exécution  de  ledit  du  mois  de 
janvier   168 1. 

L'exemple  de  cette  princeffe  engagea  le  minif- 
lère  François  à  prendre  de  nouvelles  précautions. 
Par  l'article  3  de  l'édit  du  mois  de  mars  1768,  le 
roi  a  défendu  à  tous  les  fupérieurs  des  ordres  ,  con- 
grégations &  communautés  régulières  du  royau- 
me ,  d'admettre  à  la  Profeffion  les  étrangers  non 
naturalifés,  même  de  leur  accorder  des  places  mo- 
nacales, de  les  agréger  ou  affilier  à  leur  ordre, 
congiégation,  ou  communauté,  le  tout  fans  avoir 
préalablement  obtenu  des  lettres  de  naturalité,  dû- 
ment enregidrées-,  dont  il  feroit  fait  mention  dans 
les  afles  de  Profefnon ,  réception  ,  agrég-'.f'on  ou 
affiliation  ,  h  peine  de  nullité  ,  &  de  corredion  ar- 
bitraire des  fupcrieurs.  Le  roi  défend  par  le  même 
article  de  recevoir  ,  dans  aucune  maifon  reli- 
gieufe, ceux  de  fes  fujets  qui  aurolent  fait  Profef- 
fion dans  des  monaftères  fuués  hors  des  pays  de 
fon  obéiflance.  L'arrêt  d'enregiflrement  de  cet  édit 
au  parlement  de  Douai ,  porte  ,  que  l'article  3  ,  en 
ce  qui  concerne  la  néceffité  d'obtenir  des  lettres  de 
naturalité  ,  ne  pourra  être  exécuté  à  l'égard  des  re- 
ligieux &  religicufcs  des  maifons  uniquement  fon- 
clées  pour  les  étrangers  dans  le  reflbrt  de  la  cour  , 
tufqu'à  ce  qu'il  ait  plu  au  roi  de  déclarer  définiti- 
vement fa  volonté  à  ce  fujct, 

VII.  L'engagement  d'un  foldat  dans  les  troi'pes 
du  roi,  efl-il  un  obftacle  à  la  légitimité  des  vœux 
en  religion  .''  Cette  queftion  n'eft  traitée  dans  aucun 
«le  nos  livres.  Elle  s'efl  préfentée,  &  probablement 
pour  la  première  fois,  dans  la  célèbre  affaire  de 
Quoinat ,  jugée  au  parlement  de  Paris  le  19  dé- 
cembre 1769. 

Jean-Henri  Quoinat,  étoit  fils  de  Henri  Quol- 
jiat ,  d'abord  marchand  près  le  palais  .  &  enfuite 
Icelleur  de  la  grande  chancellerie.  Il  naquit  le  9 
février  1729  ,  &  fut ,  dès  l'âge  le  plus  tendre  ,  appli- 
qué au  commerce  de  fon  père&  de  fa  mère.  A  treize 
ans  ,  fon  père  lui  obtint  le  brevet  de  marchand.  11 
travailla  quelque  temps  avec  affiduité  &  avec  fruit. 
Mais  quand  il  eut  atteint  l'âge  des  pallions,  fes 
mœurs  commencèrent  à  changer.  En  1744  ,  il  s'en- 
gagea deux  fois  dans  les  troupes  ,  &  deux  fois  il  fut 
dégagé  par  fa  f.imille.  Il  paffa  du  fervice  à  l'abbaye 
de  la  Trappe  ;  fon  père  l'en  fit  fortir  :  mais,  au  lieu 
de  revenir  dans  la  maifon  paternelle,  il  reprit  le 
T.nrîi  des  armes,  &  fit  la  campagne  de  Fontenoi. 
ilacheté  de  nouveau ,  il  «ntra  dans  l'ordre  de  fainte 


PROFESSION  MONASTIQUE. 

Geneviève,  &  en  fortit  après  un  noviciat  de  dix" 
mois.  Il  demanda  alors  qu'on  lui  fît  une  pacotille 
pour  aller  en  Guinée  à  la  fuite  du  marquis  cie 
Conflans.  La  pacotille  fut  faite,  &  il  ne  partit  point  ; 
il  s'engagea  même  pour  la  quatrième  fois  ,  &  a'U 
joindre  Ion  régiment  qui  étoit  à  Mons.  Il  y  refia 
treize  jours,  pendant  lefquels  on  ne  lui  fit  point 
prendre  l'habit  de  foldat;  on  ne  le  fit  point  pafl'er 
fous  les  drapeaux;  on  le  laiffa  vêtu  de  l'habit  noir 
qu'il  avoit  a  Paris  lors  de  fon  engagement;  fes  ca- 
marades l'appeloient ,  à  cette  occafion  ,  m->nfi-ur  le 
commijf.iire.  Cette  plaifanterie  lui  déplut  ;  il  déferra, 
vint  à  Paris,  entra  ,  en  1748,  au  couvent  des  Pré- 
monttésdela  rue  Haute-Feuille,  &,  après  quel- 
ques arrangemens  pécuniaires  entre  l'ordre  Se 
Quoinat  père,  il  fit  Piofeffion  le  3  juillet  1749- 
Le  18  août  fuivant ,  le  congé  fut  accordé,  6f  la 
peine  de  la  défertion  remife.  Le  nouveau  religieux 
manifella  bientôt  le  regret  de  s'être  lié  par  des 
vœux.  Le  17  avril  1753  ,  il  fit  à  Rouen  un  aéle  de 
prcteflation  ,  &  le  25  mal  fuivant ,  après  quelques 
aventures  dont  le  détail  efl  inutile,  il  fut  arrêté  en 
vertu  d'une  lettre  de  cachet ,  &  conduit  dans  la 
maifon  de  force  de  Saint-Venant  en  Artois  ,  d'où 
il  ne  fortit  que  pour  interjeter  appel  comme  d'abus 
de  l'émiflion  de  fes  vœux  ;  appel  qui  fut  reçu  par 
arrêt  du  5  juillet  1768  ,  &  fur  lequel  il  nr  intimer 
fon  père ,  les  prieur  &  :religicux  de  l'abbaye  de 
Dilo,à  laquelle  il  avoit  été  incorporé , 'le  pro- 
cureur général  de  l'ordre  de  prémontré  ,  &  le 
fieur  Quoinat ,  lieutenant  général  du  bailliage  de 
Manies. 

La  caufe  portée  à  l'audience  de  la  grand'cham- 
bre  ,  M.  le  Blanc  ,  fon  défenfeur ,  alléguoit  quatre 
moyens  de  nullité  :  1".  le  défaut  d'exifiencc  légale 
de  l'ordre  de  prémontré  dans  lequel  il  s'étoit  en- 
gagé :  2".  la  trop  courte  durée  du  noviciat  qui 
avoit  précédé  fes  vœux  :  3°.  fa  qualité  de  foldat  lors 
de  fa  Profeffion  :  4''.  la  crainte  dont  il  étoit  agité 
dans  le  même  temps,  d'être  pourfuivi  par  fon  ré- 
giment ,  &  condamné  à  la  peine  de  mort  attachée 
au  crime  de  défertion. 

Les  deux  premiers  moyens  tomboient  d'eux- 
mêmes.  1°.  L'exiflence  de  l'ordre  de  prémontré  en 
France  a  été  reconnue  par  plufieurs  lettres  paten- 
tes ,  réitérées  prefque  de  règne  en  règne  depuis 
Louis  XI  en  1475  '  ju^'q"'^  ^^"'s  XIlI  en  1617  ,  & 
qui  toutes  ont  été  enregifirées.  2".  Il  eft  vrai  que 
le  noviciat  du  fieur  Quoinat  n'a  duré  que  quatorze 
mois  ,  &  que ,  fuivant  les  ftatuts  de  l'ordre  ,  il  de- 
voir être  prolongé  pendant  deux  années.  Mais  ces 
fiatuts  ne  font  pas  enregiftrés  ,  &  par  conféquent 
l'ordre  de  préinontré  rentre  dans  la  règle  générale, 
qui  n'exige  qu'un  an;  d'ailleurs  ces  mêmes  ftatuts 
permettent  en  général  de  difpenfer  de  tout  ce 
qu'ils  prefcrivent ,  &  dans  le  fait ,  il  eft  d'ufage  que 
quand  l'année  eft  révolue,  le  général  fixe  l'inftant 
de  la  Profeffion.  _  _    . 

A  l'égard  des  deux  autres  moyens,  ils  méritoient 
plus  d'attention.  Expofons-les  en  détail. 


PROCESSION  MONASTIQUB. 

Pour  établir  le  premier ,  c'eft-à-dire  ,  pour  faire 
"voir  que  fa  qiialiié  de  foldat  au  moment  de  fa 
ProfelFion  ,  en  avoit  erapcché  la  validiré ,  le  Heur 
Qiioinat  difoit  que  ,  par  fon  engagemenc ,  il  avoit 
alicné,  au  proHt  du  roi  ,  fa  liberté  &  fa  volonté  ; 
que  conféquemmcnt  il  n'avoit  pu  offrir  &  donner 
à  Dieu  Tiine  ni  l'autre.  Un  foldat  d 'fertcur  ,  ajou- 
toit-il ,  cû  ,  tant  qu'il  perfifte  dans  fa  défertion  ,  en 
crat  de  rcbcllion  contre  ion  fouverain  :  or  ,  un 
homme  qui  eil  aLtuellement  dans  les  liens  d'un 
crime  auffi  atroce  ,  &  qui  y  perfévére  ,  eft-il  dans 
le  cas  d'offrir  des  facrifices  à  la  junice  divine,  & 
peut-elle  les  accepter ,  fur-tout  û  ce  prétendu  fa 
crihce  n'eft  qu'une  fraude  de  plus  ,  &  un  artifice 
pour  peri-^verer  dans  la  révolte  &  en  éliider  la 
peine  ?  Les  fimples  lumières  de  la  raifon  ûiilifcnt 
pour  faire  appercevoir  l'abfurdité  impie  de  cette 
propofuion  ....  Un  foldat  défeitcur  n'efl  en  état 
de  prononcer  les  paroles  &  dobfervcr  les  cérémo- 
nies extérieures,  que  parce  qu'il  commet  dans  ce 
moment  même  le  crime  dont  il  efl  coupable.  S'il 
étolt  fous  le  drapeau,  comme  il  s'eft  engagé  envers 
fon  roi  d'y  reiter  ,  &  comme  toutes  les  lois  divines 
&  humaines  auroient  dû  l'y  retenir  ,  feroit-il ,  à 
plufieurs  lieues  de  fon  régiment  &  de  l'endroit  où 
il  doit  fon  fervice  militaire  ,  occupé  à  prononcer 
une  formule  de  vceux  monaAiques  ?  Ce  n'ell  donc 
que  par  le  moyen  du  crime  qu'il  a  commis  ik.  qu'il 
commet  aéluellement,  qu'il  faità  Dieu  uneoffiande 
de  ce  qui  ne  lui  appartient  plus:  &  on  veut  que 
Dieu  reçoive  ce  inonfirueux  facrifice  !  Si  Dieu  ne 
l'a  pas  reçu ,  fi  Dieu  n'a  pu  le  recevoir,  il  eft  donc 
nul  Si  n'a  pu  produire  aucun  effet. 

Ces  raifons  ont  été  combattues  ,  &  ,  à  ce  qu'il 
nous  ferable  ,  détruites  par  une  ccnfultation  fignée 
de  MM.  Cellier  ,  de  Lambon  ,  Boudet ,  Gerbitr  & 
Tronchet.  L'engagement  volontaire  dans  les  trou- 
pes ,  difoient  ces  jurifconfultes ,  eft  un  véritable 
contrat  entre  le  prince  &  le  foldat.  Le  prince  s'o- 
blige de  nourrir  &  entretenir  le  foldat  ;  celui-ci 
promet  de  combattre  pour  le  prince  ,  Si  d'expofer 
fa  vie  pour  fon  fervice.  Cet  engagement  eft  pure- 
ment reLîtif  entre  les  deux  contraclans  ;  les  officiers 
intermédiaires  ne  font  qu'exercer  l'autorité  du 
prince.  Tout  tiers  eft  étranger,  &  ne  peut  en  de- 
mander ni  la  diiTolution  ni  l'exécution.  Ce  con- 
trat, en  cas  d'inexécution  de  la  part  du  foldat,  le 
foumct  à  l.î  peine  de  mort:  mais  le  roi  feul ,  ou 
ceux  qu'il  a  chargés  de  le  repréfenter  à  cet  effet, 
ont  droit  de  requérir,  de  pourfuivre  ,  de  pronon- 
cer Se  de  faire  exécuter  cette  peine.  Tous  les  enga- 
gcmens  du  foldat,  &  les  incapacités  qui  en  réful- 
tent,  font  donc  relatifs  au  roi.  Si  le  foldat  déferre  , 
le  roi  a  le  droit  de  le  poutfuivre  par-tout,  même 
dans  le  fein  de  la  communauté  où  il  auroit  fait  des 
vceux  depuis  fon  évafion ,  pour  le  livrer  au  fup- 
plice;  comme  un  aftaffin  n'en  eft  pas  préfervé  ni 
parla  Profeftion  monaftique,  ni  par  la  promotion 
aux  ordres.  Le  roi  n'a  donc  aucun  intérêt  à  cette 
^rofeffion  ,  qui  ne  le  prive  pas  de  fes  droits  ;  nuis 


PROFESSION  MONASTIQUE.    755 

îl  a  intérêt  à  la  défertion  qui  l'a  précédée  ,  &  dont 
le  crime  n'eft  effacé  par  aucun  ade  ,  par  aucun 
engagement  religieux  ,  quelque  faint  ,  quelque 
facré  qu'il  puiffe  être.  Ainfi  le  roi  conferve  tou- 
jours le  droit  de  pourfuivre  le  déferteur  dans  quel- 
que afyle  qu'il  fe  retire  ,  de  l'en  arracher  Se  de  le 
faire  conduire  au  fupplicc.  Mais  la  validité  des 
vœux  eft  indépendante  de  ce  droit,  parce  qu'elle 
ne  lui  porte  aucun  préjudice.  Et  fi  le  déferteur  s'cft 
fait  religieux  ,  s'eft  fait  prêtre  ,  on  le  punira,  tout 
religieux ,  tout  prêtre  qu'il  eft.  Ne  pourroit-on  pas 
même  dire  ,  qu'à  la  rigueur ,  le  roi  pourroit  faire 
grâce  au  religieux  déferteur  ,  en  exigeant  de  lui 
qu'il  achevât  le  temps  du  fervice  qui  lui  denieuroit 
à  remplir  lorfqu'il  a  déferté  ?  Il  eft  vrai  que  dans 
les  moeurs  aéluelies  la  Profeflion  religieufe  eft  in- 
compatible avec  les  armes  ;  mais  cette  incompati- 
bilité n'eft  pas  dans  la  nature  des  cliofes.  Pendant 
plufieurs  fiècles  ,  les  religieux  ont  dû  &  ont  fait  le 
fervice  militaire  ;  ils  n'en  font  point  difpenfés  par 
la  loi  divine  ;  c'eft  un  fimple  règlement  de  difci- 
pline  eccléfiaftique  auquel  nos  rois  ont  bien  voulu 
déférer  par  refpeft  pour  la  fainteté  de  l'état  reli- 
gieux. En  ce  cas  ,  le  temps  de  fon  fervice  achevé  , 
&  même  celui  qu'on  jugeroit  à  propos  d  y  ajouter 
en  punition  de  la  défertion  ,  on  renverroit  le  reli- 
gieux dans  le  cloître  où  il  auroit  fait  ProfclTion.  En 
un  mot ,  l'engagement  contrafté  avec  le  prince  eft 
un  obftacle  à  l'exécution  de  celui  qui  eft  contraflé 
poftéricurement  avec  Dieu.  Mais  dés  que  le  droit 
du  prince  eft  rempli  ,  le  fécond  engagement  re- 
prend toute  fa  force  .  &  ,  ne  trouvant  plus  d'obfia- 
cle  légitime  ,  doit  être  exécuté  dans  toute  fon  éten- 
due. L'engagement  dans  les  troupes  fait  donc  ,  fi 
on  veut,  un  empêchement  prohibitif  à  l'émiffion 
des  vœux,  mais  il  ne  fera  pas  un  empêchement  diri- 
mant.  Ces  fortes  d'emyêchemens  ne  s'établificnt 
point  par  le  fimple  raifonnement ,  mais  par  une  lot 
formelle.  Or  il  n'y  a  point  de  loi  qui  prononce  la 
nullité  des  vœux  du  foldat.  S'il  n'y  a  point  de  loi, 
il  n'y  a  ni  incapacité  abl'olue  ,  ni  nullité  radicale. 
Mais  ,  dira-ton  ,  fi  la  loi  lie  le  foldat  à  fon  fervice  , 
fous  peine  de  la  vie  ,  il  ne  peut  pas  faire  ces  vœux 
en  religion  ,  puif^u'ii  ne  peut  les  faire  qu'après 
avoir  quitté  ce  fervice ,  auquel  il  eft  attaché  par 
une  loi  fi  févère.  Cette  objeélion  confond  deux 
chofes  bien  différentes  ;  la  peine  de  mort  &  la 
nullité  des  vœux.  Le  foldat  ne  fera  pas  puni  de 
mort  pour  avoir  fait  des  vœux  ,  mais  pour  avoir 
déferté  ;  &  s'il  fubit  la  peine ,  il  mourra  religieux  , 
pour  expiation  du  délit  commis  avant  l'émiflion  des 
vœux.  Ainfi  les  obje<51ions  qu'on  peut  faire  ne  font 
que  prouver  de  plus  en  plus  qu'il  n'y  a  point  de 
loi  qui  prononce  la  nullité  des  vœux  du  foldat  dé- 
ferteur. Or ,  il  n'eft  ni  jufte  ,  ni  régulier  de  fup- 
pléer  une  nullité.  Refte  donc  à  favoir  s'il  y  a  des 
empêchemens  prohibitifs.  Mas  quand  il  y  en  au- 
roit ,  qui  peut  les  faire  valoir  ?  Le  roi  eft  définté- 
refle  par  le  congé  qu'il  a  donné  au  fieur  Quoinat  ; 
il  ne  peut  donc  plus  le  re'vendlquer.  Le  réclamant, 

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7  5  ^     PROFESSION  MONASTIQUE. 

de  Ton  côté  ,  ne  peut  pas  fe  faire  un  titre  de  fa  pro- 
pre faute  ;  d'ailleurs  la  nullité  dont  il  excipcroit 
feroit  relative  au  roi  :  mais  il  n'eft  pas  chargé  de 
ftipuler  les  intérêts  du  roi ,  qui  d'ailleurs  n'en  a  plus. 

Tels  font  les  principes  &  les  raifonneinens  par 
lefquels  on  a  ,  non  pas  combattu  ,  mais  pulvérifé 
le  moyen  que  le  fieur  Quoinat  prétendolt  tirer  de 
l'on  engagement  lors  de  fa  Profeffion.  Sans  doute 
il  eft  peu  de  vrais  jurifconfultes  qui  n'en  fentent 
la  jufteife  ,  &  il  eft  bien  étonnant  qu'on  ait  entre- 
pris de  les  critiquer  dans  un  ouvrage  qui  d'ailleurs 
a  mérité  l'eflime  dn  public  (i).  Tout  ce  qu'on  leur 
oppofe  fe  réduit  à  dire  que  le  fieur  Quoinit  étoit 
dans  un  état  de  crime  au  moment  où  il  a  prononcé 
des  vœux  :  mais  oùa-t  on  vu  que  perfonne  fût  re- 
cevable  à  alléguer  fa  propre  turpitude,  &à  s'en 
faire  un  rempart  contre  l'exécution  d'un  contrat 
qui  n'a  en  foi  rien  d'illégal  ?  Un  fils  de  famille  mi- 
neur contraire  un  mariage  ,  ou  embrafle  la  vie 
clauflrale  à  l'infçu  &  fans  la  participation  de  fon 
père;  fera-t-il  écouté  lorqu'il  viendra,  fous  ce 
prétexte  ,  demander  la  nullité  de  l'un  ou  de  l'autre 
engagement?  Non  ,  fans  contredit  ;  pourquoi  donc 
le  loUlat  fcroit-il  mieux  accueilli  en  réclamant  con- 
tre des  vœux  qu'il  a  formés  en  fraude  des  droits 
du  roi  ?  Pour  nous  rapprocher  davantage  de  notre 
efpèce  ,  oferoit  •  on  dire  c[u'un  mari  fût  moins 
obligé  d'habiter  avec  fa  femme  ,  qu'im  militaire  ne 
i'cfl  de  lervir  le  prince  ?  Cependant  ,  qu'un  mari 
faffe  Profeffion  dans  un  ordre  religieux  ,  fa  femme 
feule  aura  droit  de  le  réclamer  ;  toute  aé^ion  qu'il 
intenteroit  lui-même  en  nullité  de  vœux  ,  feroit 
rion-recevable  ;  &  cela  tû  fi  vrai ,  que  fi  fa  femme 
venoità  mourir  avant  qu'il  n  eût  été  dépouillé  juri- 
diquement de  l'habit  monachal  ,  il  feroit  tenu  de 
pafTer  le  rede  de  fa  vie  dans  le  cloître.  C'efl  la  dé- 
cifion  expreffe  du  chapitre  10  ,  aux  décrétales,  de 
converfione  cunj-jguorum  ,  &  elle  reçoit  ici  une 
application  direéle  &  entière. 

Concluons  donc  ,  qne  fi  la  caufe  du  fieur  Quoi- 
nat avoir  été  réduite  au  fc  1  moyen  qu'il  faifoit 
réfulter  de  fa  qualité  de  foldat  lors  de  fon  engage- 
ment dans  le  cloître  ,  le  fieur  Quoinat  eût  dû  per- 
dre &  eût  effectivement  perdu  fa  caufe  ;  mais  il  lui 
en  refloit  un  autre  qui  a  déterminé  les  juges  en  fa 
faveur,  c'efl  le  défaut  de  liberté  fufîifante  peur 
faire  des  vœux  folemnels ,  que  produKoit  néceffai- 
rement  fon  état  de  défcrteur. 

En  effet,  difoit  (en  défenfeur  ,  fans  parler  de  la 
fauffe  prévention  où  fon  père  l'avoir  jeté  ,  que  le 
cloître  eft  un  afyle  inacceffible  à  la  puiflancc  fécu- 
liére  ;  auQ  pouvoit-il  faire  de  mieux  pou;  éviter 
la  rencontre  de  fon  réginaent  ,  que  de  refter  dans 
un  lieu  où  il  étoit  ignoré  de  toute  la  terre  ,  &  où 
on  ne  fe  feroit  jamais  avifé  d'envoyer  fon  fignale- 
ment  ?  Sa  Profeffion  n'eft  donc  pas  feulement  le 
fait  de  fa  crainte  ,  elle  en  eftl'effet  indifpenfable. 


ti)  Voyez  le  tome   14  de  Ja  preuiière  cpo<jiie  du  journal 
dcj  ciufes  alèbies. 


PROCESSION  MONASTIQUE. 

—  A  ce  mot,  la  caufe  femble  finie  ;  il  étoit  écrit  é 
Rome  ,  en  lettres  d'or,  fur  des  tables  d'airain  tou- 
jours préfentes  aux  regards  du  public:  «  Je  ne  don- 
11  nerai  ni  approbation  ni  effet  à  ce  qui  fera  fait 
>•  par  principe  de  crainte  (i)  ».  Notre  religion, 
beaucoup  plus  fainte  que  l'édit  du  préteur  ,  nous 
apprend  que  Dieu  n'accepte  de  facrifices  que  ceux 

qui  font  parfaitement  volontaires Il  n'y  a  que 

deux  manières  d'éviter  la  peine  de  défertion  ;  l'une 
de  fait,  en  fuyant  ou  en  fe  cachant  ;  l'autre  de 
droit  ,  en  obtenant  le  pardon  ou  la  rémiffion  du 
délit.  La  crainte  va  d'abord  au  fait  ,  &  s'embarraffe 
peu  du  droit ,  parce  qu'il  pourroit  arriver  qu'on 
fût  mort  avant  d'avoir  obtenu  grâce  de  la  vie. 
C'eft  ainfi  qu'a  procédé  le  fieur  Quoinat.  Il  a  corn» 
mencé  par  chercher  fon  falut  dans  la  fuite  &  dans 
la  retraite  ,  en  attendant  qu'il  le  trouvât  dans  le 
congé  du  régiment,  ou  dans  les  lettres  du  prince. 
Il  a  préféré  le  couvent  à  la  maifon  paternelle, 
comme  une  retraite  plus  douce  ,  plus  fecrète  & 
plus  fûre  ;  &,  frufïré  de  la  grâce  &  du  congé  qu'il 
efpéroit ,  il  a  mieux  aimé  franchir  le  pas  de  la  Pro- 
feffion ,  que  de  roder  dans  le  monde  ,  aux  rifqucs 
d'être  découvert  ou  trahi.  —  Ses  vœux  (ont  donc 
radicalement  nuls  ,  comme  involontaires  &  pro- 
noncés uniquement  dans  la  crainte  de  la  mort.  Ils 
étoient  hors  de  fon  intention  ,  Ôi  feHlcment  dans 
fes  reffources  &  dans  Tes  moyens  :  réduits  à  leur 
véritable  objet ,  ce  n'eft  que  le  vœu  de  ne  pas  mou- 
rir par  le  dernier  fupplice  dont  on  punit  les  défer- 
teurs.  Ils  font  par  conféquent  inutiles  pour  tout 
autre  effet  ;  &  il  eft  révoltant  de  vouloir  en  profi- 
ter contre  fon  intention  ,  pour  le  retenir  en  fervi- 
tude  après  le  péril  paffé  ....  La  bonne  foi ,  qui  eft 
l'ame  des  contrats,  ne  prend  droit  que  As  c^wx 
auxquels  préfide  la  liberté  ;  elle  répugne  à  profi- 
ter de  ceux  où  elle  apperçoit  l'influence  de  la 
crainte.  Quelque  grande  que  foit  l'importance  du 
fervice  militaire  pour  la  patrie,  les  Romains  por- 
toient  le  fcrupuîe  jufqu'à  dégager  &  congédier  à 
l'inftant  un  foldat  qui  ne  fe  feroit  enrôlé  que  par 
la  crainte  d'une  accufation  dont  il  auroit  été  pré- 
venu (2).  Ce  fentimcnt  d  honneur  avoir  pnfTè  en 
loi  chez  eux  ,  comme  il  a  paffé  chez  nous ,  à  leur 
exemple.  La  loi  qui  ordonne  la  reftitution  en  en- 
tier contre  les  aétes  faits  par  la  crainte  ,  n'examine 
pas  d'où  procède  le  péril  ;  fi  ceux  à  l'inftigation  de 
qui  ou  avec  qin  on  a  contra(5]é ,  en  font  auteurs ,  nî 
même  s'ils  en  avoient  connoiffance.  Elle  fait  abf- 
traiflion  de  la  bonne  &  de  la  mauvaife  confcience  j 
leur  ignorance  ne  leur  fert  de  rien  L'adlion  don- 
née contre  eux  eft  plutôt  réelle  que  perfonnclle. 
C'eft  affez  de  faire  voir  qu'on  étoit  dans  un  état  de 
violence  &  de  crainte,  &  que  ceux  à  qui  on  s'a- 
dreffe  ont  pardevers   eux  le  profit  du  facrifice  , 

Ci    L.   i  f  T).  quoi  metùs  ciufâ, 

(i)  ÇwiJ  metucnmhns  in  quo  jam  reus  fuerat  poiulatuj  ; 
nomeri  rpi'ntia:  dédit ,  JîmmfacramcntO  Jiiycnius  e/?.  L.  l«  , 
]),de  reimili:ari. 


PROFESSION  MONASTIQUE. 

quolqu  ils  foient  exempts  de  crime  &.  de  mauvaiTe 
foi  (i). 

Mais ,  difoit-on  ,  il  faut  diftinguer  entre  la  crainte 
qui  pince  un  homme  dans  rahern^tive  inévitable  , 
ou  d'être  expofé  à  la  mort ,  ou  de  fsire  Profeffion  ; 
&  celle  d'un  homme  qui  ,  quoiqu  il  foit  en  piril 
de  mort  ,  a  cependant  ,  pour  l'éviter  ,  d'autres 
moyens  que  celui  delà  Profeffion  religieufe.  D.ns 
le  premier  cas  ,  il  y  a  lieu  à  la  rcftitution  ,  parce 
que  la  Profeflion  rellgieule  étant  le  (eul  moyen 
pour  éviter  la  mort,  il  n'y  a  point  eu  de  liberté 
dans  le  clioix  qu'on  en  a  fait.  Dans  le  fécond  ,  au 
contraire  ,  les  plaintes  du  réclamant  ne  peuvent 
être  écoutées  ,  parce  qu'en  choififlant  au  milieu  de 
plufieurs  partis  qui  font  ouverts  ,  celui  qu'il  a  re- 
gardé comme  le  plus  fur  ,  ou  comme  le  plus  con- 
forme à  fon  goût,  il  n'a  fait  qu'exercer  un  afle  de 
volonté.  Il  a  fait  un  choix  qu'il  ttoit  libre  de  ne 
pas  faire  ;  il  s'eft  déterminé  de  lui-même  pour  une 
réfolution  plutôt  que  pour  une  autre  qu'il  étoit 
également  en  fon  pouvoir  de  prendre.  Il  n'y  a  donc 
pas  de  reditution  pour  lui ,  d'après  la  dosfîrine  de 
Cabaffiitius  6c  de  Fagnan.  —  Or ,  conrinuoit-on  , 
le  fieur  Quoinat ,  au  moment  de  1  émiffion  de  fes 
vœux ,  étoit  coupable  envers  l'état  ;  fa  tête  en  de- 
voir répondre.  Mais  combien  d'autres  moyens  pou- 
Vûitil  choifir  pour  fe  fouftraire  au  glaive  vengeur 
qui  le  menaçoit  ?  Il  pouvoit  palTer  en  pays  étran- 
ger, entrer  dans  un  autre  régiment ,  fe  traveflir  , 
s'txiler  au  fond  de  la  province  la  plus  reculée  , 
s'enfermer  8c  ne  pas  fe  montrer ,  Sic. 

Cette  objeélion  n'étoit  qu'un  purfophifme.  Le 
flenr  Quoinat  craignoit,  en  prononçant  fes  vœux, 
le  fupplice  qu'il  avoit  mérité.  Il  avoit ,  fi  on  veur  , 
plufieurs  moyens  de  l'éluder.  La  cérémonie  de  la 
Profeffion  religieufe  en  étoit  un.  Celui  là  lui  a  paru 
plus  prompt  &  plus  commode,  il  l'a  choifj.  En  efl- 
il  moins  vrai  que  c'eft  la  crainte  de  la  mort  qui  a 
été  le  principe  de  fon  engagement  ?  En  eft-il  moiîs 
vrai  que  ce  n'eft  pas  l'intentinn  de  plaire  à  Dieu 
qui  l'a  infpiré  ?  En  eft  il  moins  vrai  qu'il  n'a  re- 
gardé fes  vœux  que  comme  une  clef  oui  lui  ou- 
vroit  un  afyle  où  il  étoit  probable  que  les  pour- 
fuites  delà  juftice  humaine  ne  pénétreroicnt  pas  ? 
En  eft-il  moins  vrai  enfin  que  c'eit  la  crainte  qui 
a  diflé  le  contrat  ,  que  Dieu  n'a  point  accepté  un 
afle  involontaire  ,  que  par  confétiuent  il  n'y  a  point 
d'afle  ,  &  que  le  vœu  efl  nul  ? 

Mais  ,  difoit-on  encore  ,  il  faut  dlftinguer  la 
crainte  d'une  peine  juftement  mériréc,  &  la  cr-iinte 
d'un  péril  injufie.  Quand  un  homme  ne  fe  d -ter- 
mine à  un  a61e  que  pour  éviter  une  peine  dont  il 
s'eft  rendu  digne  ,  cette  crainte  n'empêche  pas  que 
l'afte  ne  foit  réputé  abfolument  libre  &  valable. 
Ainfi,par  exemple  ,  un  eccléfiaftlque  eft  tombé 
dans  un  délit  grave  ;  fon  évéque  lui  propofe  l'al- 
ternative ,  ou  de  réfigner  fon  hinéfice  ,  ou  de  fe 
voir  nourfuivi  juridiquemenr.  S'il  prend  le  parti  de 

l    (ij  L.  5  ,  p.iag.  i ,  &:  1.  I4,parag.  ) ,  D.  q^ojmciuicaufd. 


PROrESSION  MONASTIQUE.      757 

la  réfignation  ,  elle  efl  fans  contredit  à  couvert  c!c 
toute  atteinte.  lien  eft  de  même  du  marin2;e  d'un 
liomme  qui  a  abufe  d'une  fille  ,  &  qui  feroit  , 
comme  c'étoit  autrefois  Tufage  ,  condamné  à  Té- 
poufer  ou  à  être  pendu.  Or ,  de  fon  aveu  ,  le  fieur 
Quoinat  fils  avoit  mérité  la  mort  comme  défer- 
ttur  ;  8f  fa  crainte  procédoit  d'une  jufte  caufe  : 
quand  donc  il  n'auroit  fait  Profe/fion  que  peur 
éviter  le  dernier  fupplice  ,  cette  Profeffion  n'en 
feroit  pas  moins  réputée  libre  &  volontaire. 

Pour  répondre  à  cette  objeélion  ,  il  faut  difiin- 
gucr  en  quelles  circonftances  la  crainte  emporte  la 
nullité  des  aé)es  où  elle  fe  rencontre. 

Ou  l'aéle  dont  il  s'agit  eft  la  fuite  de  quelque  en- 
gagement qui  a  précédé  ,  ou  c'eft  un  a£le  que  per- 
fonnen'a  droit  d'exiger. 

Au  premier  cas ,  c'eft  un  a6ie  de  juftice  ;  par  con- 
fequcnt  a61e  valide  8c  irrévocable ,  quel  qu'en  ait 
été  le  principe.  Quand  on  ne  fait  que  ce  qu'on 
doit,  encore  qu'on  le  fafle  par  contrainte  ou  par 
furprife,  il  ne  fauroit  y  avoir  lieu  au  regret  ni  à  la 
reftitution  en  entier.  La  droite  raifon  ferme  les 
yeux  fur  cette  première  efpèce  ;  8c  quoiqu'el'e 
n'approuve  pas  toujours  In  manière  ,  elle  laifte 
liibfifter  la  chofe.  Ainfi  la  réfignation  qu'un  évêquc 
arrache  ,  par  la  crainte  du  châtiment,  à  un  bénéfi- 
cier indigne  ,  ne  laifie  pas  d'être  valable  ,  quoi- 
qu'elle ne  foit  pas  libre.  L'honneur  de  la  rel'î^ion 
exige  que  fes  miniftres  ne  foient  ni  tachés  ni  fuf- 
peàs  :  en  réfignant  par  contrainte  ,  11  ne  fait  que 
ce  qu'il  auroit  dîi  faire  de  Ini-mème  ,  &  ne  perd 
que  ce  qu'il  auroit  fallu  qu'il  perdît  d'une  manière 
plus  honteufe.  Par  la  même  raifon  ,  le  féduâeur 
d'une  fille,  dans  le  temps  où  il  falloir  époufer  on 
être  pendu  ,  n'auroit  pu  attaquer  fon  mariage  de 
nullité ,  foiis  prétexte  qu'il  ne  s'y  étoit  déterminé 
que  pour  éviter  la  corde.  Si  le  mariage  n'étoit  pas 
dans  fon  intention  ,  il  devoit  y  être  ;  8c  le  gibet 
ne  tiroit  de  fa  volonté  que  ce  qui  devoit  en  fortif 
par  juftice. 

Mais  il  n'en  eft  pas  des  né^es  par  lefquels  on  con- 
trafte  un  engagement ,  comme  de  cenx  par  lefquels 
on  exécute  un  engagement  contraélé.  Ceux-là  doi- 
vent être  exempts  de  toute  contrainte  :  ceux-ci  en 
font  fiifceptibles .  au  moins  de  celle  qui  eft  impo- 
fée  par  l'autorité  publique.  On  ne  fait  aucun  tort 
au  couoable  ,  en  le  forçant  de  défintéreffer  la  par- 
tie founî"rante.  Entre  gens  égaux  ,  la  feule  manière 
de  défintérefler  une  fille  qu'on  a  féduite  ,  eft  de 
répoufer.  Mais  la  vengeance  Se  l'indemnité  n'ap- 
paiticunent  qu'à  l'ofFenfé;  &  il  ne  peut  y  avoir  de 
jufte  violence  ,  que  celle  qui  eft  employée  pour 
lui  procurer  fatisfaétlon.  Quelque  peine  qu'ait 
méritée  te  coupable  ,  ceux  à  qui  fon  crime  eft  étran- 
ger ne  peuvent  mettre  à  profit  fon  néril ,  ni  le 
rançonner  pour  u"  fait  dont  ils  ne  fouftrent  aucun 
préjudice  C'eft  piéciiement  l'erpèce  de  la  loi  7, 
§.  I.  D.  quua  metûs  cjufa.  Un  homme  eft  fiirpris 
en  adultère  ,  ou  en  quflque  autre  flngrant  délit  ; 
ceux  qui  le  furprenneni  exigent  de  lui  une  obliga- 


7  «1Î5     PROFESSION  MONx\STIQUE. 

tion  ,  &  il  y  foufcrit  pour  n'être  pas  dénoncé. 
Quoiqu'il  n'ait  pris  cet  engagement  que  pour  évi- 
ter une  peine  méritée  ,  la  loi  veut  qu'on  vienne  à 
fon  fecours  ,  &  qu'on  rétablille  les  chofes  en  en- 
tier,  parce  que  c'eft  un  abus  de  la  part  d'un  tiers 
tle  tourner  à  fon  utilité  les  fautes  d'autrui.  Ce  rai- 
fonnement  eft ,  dit  -  elle  ,  contraire  aux  bonnes 
mœurs.  Mala  rnore  gejlum  ejl. 

La  défertion  du  fieur  Quoinat  fils  étoit  bien  un 
délit  capital  ;  mais  ce  délit  n'intérefToit  que  h  pa- 
trie &  le  régiment:  c'étoitun  fait  indifférent  pour 
fon  père  &  pour  l'ordre  de  prémontré.  En  défer- 
lant ,  il  ne  les  avoit  point  ofTenfés  ,  il  ne  leur  avoit 
fait  ai;cun  tort.  Il  ne  leur  devoit  donc  aucune  fa- 
tisfa(Sion.  La  peine  de  mort  qu'il  avoit  encourue 
n'étoit  due  qu  à  l'état.  Ils  n'auroient  pu  ,  fans 
çrim.; ,  ni  le  punir  eux-mêmes  ,  ni  le  livrer.  Il  ne 
leur  étoit  du  aucune  récompenfe  de  leur  fecret.  Ils 
n'ont  donc  pu  ,  fous  aucun  prétexte,  pr  >fiter  de  fa 
faute  Se  de  fon  péri! ,  pour  lui  ôter  la  vie  civile  & 
Lt  liberté  par  une  Profellîon  forcée.  Quand  ce  fe- 
roit  par  religion  qu'ils  l'auroicnt  contraint  d'être 
religieux  ,  ce  fanatilme  n'en  f eroit  pas  plus  toléra- 
ble.  D;eu  ne  reçoit  point  ce  qu'on  lui  offre  par 
un  crime;  c'eft  l'outrager,  que  xle  l'honorer  aux 
dépens  d'autrui.  Ce  jeune  homme  n'étoit  point  en 
leurdifpofuion  ,  £t  ils  n'ont  pu  l'immoler  malgré 
lui. 

Ces  raifons  étoient  trop  décifivcs  pour  ne  pas 
faire  pencher  la  bnlance  en  faveur  du  fieur  Quoi- 
nat fils.  Par  arrêt  du  19  décembre  1769,  fur  les 
conclufions  de  M.  Séguier  ,  avocat  général ,  il  fut 
<lit  qu'il  y  avoit  abus  dans  l'émiffion  &  l'admiffion 
<le  fes  vœux  ;  le  père  fut  condamné  à  lui  rendre 
compte  de  la  communauté  qui  avoit  exiffé  entre 
lui  &  la  feue  dame  Quoinat  fa  femme  ;  il  fut  con- 
damné en  outre,  folidaircment  avec  les  religieux 
de  préraontré  ,  à  dix  mille  livres  de  dommages-in- 
térêts envers  le  fieur  Quoinat  fils  ;  l'arrêt  déclaré 
commun  avec  le  fieur  Quoinat ,  lieutenant  général 
du  bailliage  de  Mantes.  Faifant  droit  fur  \ss  con- 
clufions de  M.  le  procureur  général,  il  fut  faitdé- 
fenfes  à  tous  fiipérieurs  de  maifons  religieufes ,  de 
plus  à  l'avenir  recevoir  au  noviciat  &  admettre  à 
à  la  Profefîion  aucune  perfonne  engagée  au  fervice 
du  roi. 

Ces  défenfes  ne  portent  point  la  peine  de  nul- 
lité ,  &  cependant  la  Profciîîon  dont  il  s'agit  eil 
déclarée  nulle.  Cela  prouve  bien  ,  comme  on  l'a 
dit  plus  haut  ,  que  l'empêchement  que  produit  en 
cette  matière  la  qualité  de  foldat ,  ne  peut  être  que 
prohibitif,  &  que  l'arrêt  n'a  eu  d'autre  bafe  que  la 
crainte  de  la  mort  ,  qui  avoit  é'iàh  les  vœux  du 
fieur  Quoinat  fils. 

Vill.  Il  y  a  pUificurs  canons  qui  défendent  de 
recevoir  à  la  Profeilion  rellgieufe  les  perfonnes  qui 
ne  s'y  préfeutent  que  pour  échapper  aux  pourfui- 
tes  de  leurs  créanciers.  On  ne  pourroi:  cependant 
pas  annuUer  des  vœux  faits  au  pféjudice  de  cette 


PROFESSION  MONASTIQUE. 

défenfe  (i).  Il  a  même  été  jugé  que  les  créanciers 
d'un  débiteur  n'étoient  pas  recevables  à  s'oppofer 
à  fa  Profeffion  ,  fous  prétexte  qu'en  demeurant 
dans  le  monde  il  lui  écherroù  des  fucceffions  avec 
lefquelles  il  pourroit  les  faiisfaire.  Ecoutons  Baf- 
nage ,  article  278  :  u  Loyfet  ,  apothicaire  ,  étant 
»  fort  endetté,  &  ne  lui  refiant  d'autres  biens  que 
))  la  feule  efperance  de  fuccéder  a  fa  mère ,  riche 
V  de  1200  livres  de  rente,  voulut  faire  Profeffioa 
»  de  religieux  jacobin  ,  pour  faire  paffer  la  fuccef- 
»  fion  de  fa  mère  à  fes  enfans  :  quelques  i»rens  qui 
n  l'avoient  nommé  tuteur  &  qui  étoient  garants  de 
»  la  geftion  ,  s'opposèrent  à  fa  Profeffion  ,  allé- 
>»  guant  que  les  canons  défendoient  de  recevoir 
»  moine  celui  qui  n'embraffoit  ce  genre  de  vie 
»  qu'en  fraude  de  fes  créanciers;  néanmoins  les 
»  parens  furent  déboutés  de  leur  oppofition  par  ar- 
»>  rêt  de  la  grand'chambre  du  6  février  1643  '  P^^'" 
»  dant  Eufiache  pour  les  parens ,  &  Chrefiien  pour 
»  les  jacobins  ». 

IX.  Outre  les  qualités  dont  nous  venons  de  par- 
ler ,  il  faut ,  pour  être  admis  à  la  Profeffion  monaf- 
tique,  avoir  les  connoiffances,  les  mœurs  ,  le  ca- 
rauère  ,  Is  tempérament  qu'exigent ,  foit  les  exer- 
cices ,  feit  les  audérités  de  la  vie  claufirale.  M-.is  il 
en  eft  de  tout  cela  comme  de  n'être  point  endetté 
Icrfqu'on  entre  dans  un  monafière.  Un  homme 
ignorant,  débauché  ou  infirme  ,  qui  auroit  pro- 
noncé des  vœux  folennels ,  feroit  auffi  valablement 
engagé  que  s'il  étoit  infiruit  ,  vertueux  &.  bien 
confiitué. 

11  a  été  rendu  à  ce  fujet  quatre  arrêts  rem.arqii;i- 
bles  :  le  premier  du   16  juin  1626,  le  fécond  du 

(1)  Cette  propclîcion  nous  paroît  inconteftable  ;  cependant 
nous  trouvons  dans  Der.ifart,  au  motVcEUX  ,  un  arrêt  qui, 
d.ins  un  cas  où  on  auroit  pu  la  confacrer  fur  le-chanip,a  réfec- 
vé  d'y  faite  droit  après  un  examen  ultérieur.  Voici  comme 
s'explique  cet  auteur,  «Dans  l'ancienne  difcipline  autoiriféc 
»  pac  les  empereurs  &:  par  quelques  conciles ,  un  homme 
»  revêtu  d'une  qualité  publique  ,  &  ceux  qui  avoient  àes 
»  dettes  dans  le  fiècle,  ne  pouvoient  pas  entrer  dans  un 
»j  nnnartère  fans  une  difpenfe  expreffe  du  prince.  Il  y  a  dans 
M  la  règle  de  faine  François  un  (tatut  rapporté  dans  les  mé- 
«  moires  du  clergé  ,  luivant  lequel  un  moine  qui  4  des 
»  dettes  dans  le  fiècle  ne  peut  être  admis  à  la  profeiTion.  Ea 
»  confcquence  de  ce  liatut ,  une  featence  du  ncfinicoire  des 
»j  rècollets  déclara  nuls  les  vœux  d'un  récollet  nommé  U 
«  Chair,  parce  qu'il  étoit  entré  au  noviciat  chargé  d'une 
31  dette  de  deux  cents  livres  ,  qui  ne  fe  découvrit  qu'après 
u  fa  Profeffion.  Y  ayant  eu  appel  co  nmc  d'abus  de  cette 
o  fentence  ,  le  parlement,  qui  ne  connoit  point  le  tribunal 
»  du  dètîniroiie  des  rccollets,  ordonna,  par  un  premier  ar- 
»  rct,  qu'ils  feroient  mis  en  caufe  ;  n'ayant  pas  coaiparu  ,  un 
»  fécond  arrêt,  rendu  le  premier  juillet  174^,  a  déclaré  qu'il 
»  y  avoit  abuj  dans  cette  fentence  :  néanmoins  la  cour  a  ré- 
>j  fervé  IzB  moyens  du  fond  », 

Des  ciiconftances  particulièreJ  ont  fans  doute  donné  lieu 
à  cette  ri'ferve,  car  deux  ans  auparavant,  le  15  juin  174+  , 
la  cour  avoit  confirmé  ,  fans  balancer ,  une  Profeffion  contre 
laquelle  le  réclamant  faifoit  valoir  une  fentence  de  l'official 
de  Meaux  ,  antérieure  à  l'émiffion  de  fes  voeux,  qui  faifoit 
défenfes  aux  religieux  de  les  recevoir  ,_/£)«;  Us piines  de  droit  , 
attendu  Vopfojuini  de  fes  créantier}. 


PROFESSION  MONASTIQUE. 

8  juillet  1636 ,  le  troifième  du  14  mars  1697  ,  &  le 
quatrième  du  zo  août  1706. 

Dans  l'efpéce  dn  premier,  le  provincial  &  le  cor- 
reâeur  des  minimes  du  PieiIîs-lés-Tours  avoient  dé- 
claré nul  le  vœu  d'un  de  leurs  frères  convers  qu'ils 
prérendoient  attaqué  de  l'épilepric  ;  le  frère  convers 
interjeta  appel  comme  d'abus  de  leur  lentence  ;  ik 
la  caufe  portée  à  la  grand  chambre  ,  M.  l'avocat 
général  Talon  fit  voir  que  ce  jugement  étoit  abu- 
hi ,  1".  en  ce  qu'il  n'appartcnoit  pas  aux  provin- 
ciaux des  ordres  d'annuiler  des  vœux;  2^.  en  ce 
uue  le  fait  de  répilepfie  n'étoit  pas  ûiffifamment 
jiiilihé  ;  3°.  «  en  ce  qu'ils  avoient  eu  l'an  de  proba- 
»  tien  Ordonné  par  les  anciens  conciles  pour  re- 
»  connoître  le  frère  lai  &  fonder  les  forces  de 
>3  (on  corps  &  de  fon  efprit  ;  que  pendant  tout  ce 
>'  temps  n'ayant  rien  trouve  à  redire  en  lui ,  ils 
"  avoitnt  tprr  de  s'en  plaindre  ;  que  l'auftcrité  des 
»  jeûnes  Se  veilles  pouvoir  avoir  caufé  cette  indif- 
»  pofition  ».  Par  l'arrêt  cité,  il  fut  dit,  «  qu'il 
5>  avoit  été  mal  ,  nullement  &  abufivement  or- 
"  donné  ,  procédé  ,  exécuté  par  eux  ,  d'avoir  dé- 
*t  claré  le  voeu  du  religieux  frère  lai  ,  neuf  mois 
>»  après  Ta  ProfelTion  ,  nul  :  leur  enjoint  de  le  re- 
»  prendre  chez  eux  &  lui  rendre  (on  habit,  & 
»>  ians  dépens  ;  &  après  la  prononciation  ,  M.  le 
»  premier  préfident,  de  l'ordonnance  de  la  cour  , 
»'  dit  au  corredleur  des  minimes  li  préi'ent  ,  qu'ils 
"  le  traitafifent  charitablement....  L'arrêt  fut  donné, 
»  nonobdant  que  ,  par  les  règles  des  pères  minimes 
"  quand  aucun  religieux  eft  entaché  de  lèpre  ou  de 
»>  mal  caduc  ,  quand  il  n'a  rien  dit  lors  de  la  Pro- 
"  felllon  ,  fon  vœu  foit  nul  ».  Ce  font  les  termes 
du  journalifte  des  audiences. 

Le  lecond  arrêt  a  été  rendu  au  parlement  de 
Touloufe  ,  «  en  la  caufe  de  Galaud  ,  religieux  de 
>»  la  congrégation  de  la  doûrine  chrétienne,  le- 
"  quel  (  dit  M.  d'Olive  )  ,  pour  être  travaillé  de 
»  la  maladie  des  hemorrhoïdes  avoit  obtenu  un 
"  refcrk  du  faint  père,  portant  annullation  de  (es 
«  vœux  ,  &  enfuite  l'avoit  fait  exécuter  par  les 
»  commilTaires  délégués.  L'arrêt  fut  donné  après 
"  partage  fait  à  raïKlicnce  &  vi'lé  au  confeil ,  par 
J)  lequel  la  cour  déclara  en  la  fulmination  du  ref- 
«  cnry  avoir  abus  ,  &  relaxa  RufTat  de  la  de- 
ï>  mande  de  la  penfion  de  80  livres  que  l'impé- 
s>  trant,  avant  qu'il  fût  religieux  ,  s'étoit  réfervèe 
»  en  réfignant  fon  bénéfice  à  RufFat  ■>. 

Parle  troifième  arrêt,  «  il  fut  jugé  ,  dit  Bril- 
«  Ion ,  fuivant  les  concluiions  de  M,  l'avocat  gé- 
ï'  néral  d'Aguefieau  ,  que  le  nommé  frère  Julien 
ï»  Contard,  jacobin  du  Mans,  qu'on  accufoit  de 
>»  tomber  du  mal  caduc  ,  autrement  épilepfie  ,  & 
j>  qu'on  vouloir ,  fur  ce  prétexte  ,  expulfer  de  fa 
«  communauté  ,  y  feroit  maintenu  ». 

Le  quatrième  arrêt  nous  cft  retracé  en  ces  termes 
par  d'Héricourt:  «  Frère  le  Couturier,  religieux 
«  doaiinic^in  ,  ayant  obtenu  un  bref  qui  le  rele- 
»  voit  de  fes  vœux  fous  prétexte  d'épilepfic  ;  ceux 
i)  qui  avoient  intérêt  d'empêcher  qu'il  ne  rentrât 


PROFESSION  MONASTIQUE.     759 

»  dans  le  fiècle  interjetèrent  appel  comme  d'abus 
"  de  ce  bref.  On  fit  voir  en  plaidant  fur  est  appel 
"  qu'il  n'y  avoit  point  de  canons  ni  de  loii  qui 
'»  mifient  l'épilepfie  au  nombre  des  moyens  qui 
»  rendent  la  Profeir.on  nulle  ,  quoiqu'il  y  ait  des 
»  ordres  réguliers  dans  lefquels  il  e(i  défendu  par 
»>  les  flatuts  de  recevoir  des  èpileptiques.  L'arrêt 
»  qui  intervint  le  30  août  1706,  dit  qu'il  avoit  été 
j)  mal ,  nullement ,  abufivement  impètré  &  exc- 
»  cuié  ». 

X.  Enfin  ce  qu'il  y  a  de  plus  efientiel  pour  faire 
Proteffion  ,  eft  d'être  vraiment  appelé  à  la  vie  re- 
lisieufe. 

Les  lois  canoniques  &  civiles  ont  pris  à  ce  fujet 
des  précautions  particulières  pour  les  perfunnes  du 
fexe.  Le  concile  de  Trente,  fefilon  25  ,  chapitre 
17,  ordonne  que  les  fupérieures  dus  monaflères 
des  filles  ne  pou;  ront  admettre  aucune  novice  à  la 
Profellion  ,  qu'après  que  l'évèque  ,  ou  fon  grand 
vicaire  ,  ou  quelque  autre  député  de  fa  part  ,  au- 
ront examiné  fi  celle  qui  veut  s'engager  dans  ua 
état  fi  faint  en  Cv;nnoît  toutes  les  obligations  ;fi  ells 
ne  fe  propofe  d:ms  ce  choix  que  des  vues  de 
piété  ;  fi  elle  n'efl  point  contrainte  par  fes  parens  , 
ou  féduite  parles  relig'cufes.  Le  concile  ajoute  qi:2 
la  fupérieure  qui  aura  manqué  d'avertir  l'évèque 
un  mois  avant  chaque  Profeffion  ,  fera  punie  par  la 
fufpenfe  de  fes  fondions. 

L'article  28  de  l'ordonnance  de  Blois  a  adopté 
cette  difpofition  ,  mais  fans  confondre ,  comme  l'a- 
voir fait  le  concile  de  Trente  ,  les  monaftères 
exempts  avec  les  monaftères  fournis  à  la  juridic- 
tion éjDifcopale.  En  voici  les  termes  :  «  'Voulons 
»  que  les  abbeff^s  ou  prieures  ,  aup?ravant  que 
»  faire  bailler  aux  filles  les  habits  de  profefie  pour 
»  les  recevoir  à  la  Profefijon  ,  feront  tenues  un 
»  mois  avant  avertir  l'évèque  ,  fon  vicaire  ,  ou  fn- 
V  pcrieur  de  l'orJre  ,  pour  s'enquérir  par  eux  ou  in- 
»  former  de  la  volonté  deî'dites  filles  ,  &  s'il  y  a 
»  eu  contrainte  ou  induélion,  &leurfaire  entendre 
»»  la  qualité  du  vœu  auquel  elles  s'obligent  7>. 

Ces  mots,  ou fnpérieur  de  f ordre  ^  annoncoienc 
clairement  que  le  légiflartiir  avoit  entendu' attri- 
buer aux  fupérieurs  réguliers  des  monafières  qui 
étoient  en  congrégation  ,  le  droit  d'examiner  les 
filles  qui  fe  préfenteroient  à  la  Profefllon  reli- 
gieufe.  Mais  il  a  été  dérogé  à  cette  loi  par  une  dé- 
claration du  10  février  1742,  rendue  fur  les  re- 
montrances du  clergé.  Voici  ce  qu'elle  porte  :  «  Ar- 
11  ticle  I.  Aucunes  filles  ou  veuves  ne  pourront 
»  être  admifes  à  la  Profefilon  8c  à  l'êmifiion  des 
»  vœux  folennels  ,  même  dans  les  monafières 
»  exempts  ou  fe  prétendant  tels,  fans  avoir  été  au- 
»  paravant  examinées  par  les  archevêques  ou  évê- 
5)  ques  diocéfains  ,  ou  par  des  perfonnes  commifes 
»  de  leur  part  ,  fur  la  vocation  defdites  filles  ou 
»  veuves  ,  fur  la  liberté  &  les  motifs  de  l'cngagc- 
}»  ment  qu'elles  font  fur  le  point  de  contraéîer. 
»  Faifons  très-exprefi"es  inhibitions  ik  défcnfes  à 
ji  tous  fupérieurs  ou  fupérieures,  de  quelque  mo- 


700     PROFESSION  MONASTIQUE. 

»»  naAère  que  ce  puiiïe  être  ,  d'en  admettre  aucune 
»  à  la  Profcflîon  fans  qu'il  ait  été  procédé  audit 
»>  examen  ,  ainfi  qu'il  a  été  dit  ci-delîus  ». 

§.  II.  Quelles  font  ,  dant  les  manajlères ,  les  pcr- 
fonnes  qui  peuvent  recevoir  les  novices  à  la  Pro- 
fejjion. 

I.  Comme  le  religieux  s'engage  &  fe  donne  au 
Tnonaftére  ,  il  faut  que  le  monaflére  le  reçoive, 
l'accepte,  &  l'adopte,  pour  ainfi  dire  ,  au  nombre 
de  fes  cufans.  Cette  adoption  oblige  la  maifon  à  le 
rendre  participant  des  droits  de  l'ordre  ,  à  lui  com- 
muniquer fes  privilèges,  à  lui  fournir  non-fcuie- 
mcnt  la  nourriture  fpiricueile  pour  le  falut  de  famé, 
mais  encore  toutes  les  chofes  néceffaires  à  la  fub- 
/Jûa«ce  du  corps  ,  foit  en  fanté,  foi t  en  maladie, 
jeune  on  vieux,  robufte  ou  valétudinaire ,  propre 
à  rendre  fcrvice  ou  inutile  à  toutes  foni^ions  ;  il 
acquiert  fur  le  njonaftèrc  un  droit  qui  ne  peut  plus 
lui  être  ûré. 

Or  ,  pour  lui  donner  ce  droit ,  il  faut  une  auto- 
rité légitime,  qui  donne  le  pouvoir  d'accepter  la 
donation  que  le  religieux  fait  de  fa  perfonne  ,  & 
d'engager  la  maifon  au  religieux.  Nece£c  e^i  ut  nci- 
yiaiur  nb  co  qui  jus  habet  incorporjndi  relii:;ioni  , 
dit  l'abbé  de  Palerme  fur  le  chapitre  4  ,  aux  décré- 
ales  ,  ejui  clerici   vel  vovcntes. 

Pour  cela,  il  y  a  deux  chofes  à  confidérer ,  fa- 
voir,  l'admiffion  du  novice  à  la  Profedion  ,  îk  la 
réception  fclcmnelle  à  la  Profenion  même. 

II.  Sur  le  premier  objet ,  la  règle  générale  eft  , 
que  le  fupérieur  ne  peut  admettre  un  novice  à  la 
Profeiïion  fans  le  confentement  de  la  plus  grande 
partie   du    cliapitre    conventuel    :  elle   ic/ulte   de 
î'obligstion  réciproque  du  contrat  fynalagmanque 
qui   fe  pa/Te  entre  le  religieux  &  le  monaitére,  & 
elle  a  été  confirmée  par  phifieurs  arrêts.  Expilly, 
chapitre   27  ,   en  raporte  \\n  du  parlement  de  Gie- 
Tioble  du   14  août   1546,  qui  déclare  que  le  con- 
fentement de  la  communauté  eft  nécelTaire  pour 
l'admiflion  des  novices  à  la  Profelfion,  nificonfue- 
tudo  fil  in  corirarium.  u  La  règle  ordinaire,  dit  Bril- 
»>  Ion  ,  s'il  n'y  a  ftatut  particulier  du  contraire  ,  ei\ 
w  que  l'abbé  ne  peut  recevoir  la  Profelfion  d'un 
5>  religieux  fans  l'avis  &  confentement  des  autres. 
»>   Arrêt  du  parlement  de  Bordeaux  ,  rapporté  par 
ï>   Boërius,décifion  260  «.Le  même  auteur  ajoute, 
d  après  Bouchel  :  u  Le  16  décembre  1603  ,  au  rôle 
»)  de   Vermandois  ,   il  a  été  jugé  qu'un  novice  ne 
ï)  peut  être  reçu  profès  en  un  monafière ,  û  tous 
j>  les  religieux  &  l'abbé  n'y  confentent  ».  Brillon 
cite  encore  un  arrêt  du  grand-confeil  du   10  dé- 
cembre 1657  ,  qi;i  ordonne  que  «  l'abbé  de  iMon- 
t>  tierncuf  admettra  les  novices  à  Profenion  ,  après 
«  que ,    par    délibération   capitulaire ,   il  aura  été 
»»  réfolu  de  les  >•  admettre  à  la  pluralité  des  voix  ». 
Cette  rèjje  n'eft  cependant  pas  univerfellement 
obfervée.  Des  ftatuts  &  des  ufages  particuliers  y 
ont  apporté  des  exceptions  en  faveur  de  quelques 
abbés,  [ 


PROFESSION  MONASTIQUE. 

Un  arrêt  du  5  février  1598  ,  rapporté  par  Bou^ 
chel  dans  fa  bibliothèque  canonique  ,  a  jugé  que 
l'abbé  de  Saint- Jean  des  Vignes,  deSoiiïons,  n'a- 
voit  pas  befoin  du  confentement  de  ks  religieux 
peur  admettre  les  novices  à  la  Profeffion, 

Ces  exceptions  font  m^jîîe  autorifées  par  le  droit 
eccléhaflique.  Le  chapirrey?  ad  folum  ,  dans  le  texte 
de  refrulanbus  ,  les  confirme  bien  clairement ,  en 
etablilfant  que  quand  la  réception  appartient  à  l'ab- 
be  feul ,  les  religieux  ne  peuvent  admettre  un  no- 
vice à  la  Profeffion  pendant  la  vacance  du  fiége  ab- 
batial; mais  que  quand  la  réception  appartient  con- 
jointement à  l'abbé  &  aux  religieux,  ces  derniers 
peuvent  recevoir  la  Profeffion  du  novice  pendant 
la  vacance  de  l'abbaye.  Si  ad  folum  abèatem  peni- 
neat  creatio  monachorurn ,  eo  dnfundo  ,  nequibit  novus 
monachus  à  conventu  creari ;  a'.iàs  poierit  fi  eorun 
creatio  fpct1.it  infimul  ad  lurumque. 

Sur  la  quefiion  de  favoir  fi"les  abbés  commen- 
dataires  ont,  en  cette  matière ,  les  mêmes  droits 
que  les  abbés  réguliers  ;  voyez  les  articles  CoM. 
MENDE  &  Prieur  conventuel. 

111.  A  l'égard  de  l'émiffion  des  vœux  ,  elle  doit 
être  faite  entre  les  mains  de  l'abbé ,  ou  d'un  autre 
fupcrieur  ,  qui  foit  regardé  dans  l'ordre  comme 
ayant  un  caraâère^pour  engager  la  communauté 
envers  celui  qui  fai't  Profe{T:on. 

Cette  fonction  n  efi  pourtant  pas  tellement  atta- 
chée à  la  pcrfonns  du  fupérieur,  qu'il  nepuiffela 
communiquer ,  &  en  cela  elle  diffère  de  l'exercice 
de  l'ordre  dans  la  perfonne  de  levéque.  Si  l'ab- 
fence,la  maladie  ,  ou  quelqu'autre  empêchement 
du  lupérieur,  ne  lui  permet  pas  de  recevoir  la  Pro- 
feffion ,  il  peut  commettre  &  déléguer  un  des  re- 
ligieux pour  la.  recevoir  à  fa  place  ;  mais  il  faut  que 
le  religieux  délégué  ait  un  pouvoir  exprès,  un 
mandat  fpécial  ,  une  délégation  particulière  pour 
cet  effet.  C'eft  ce  que  penfent  l'abbé  de  Palerme,' 
le  fpéculateur  fur  le  chapitre  ad  apofîolicam ,  dt 
regulanbus  i  Jean  Faber  fur  l'authentique  ingrejjî  ^ 
C.  de  facro-fiandi  ecclefiiis  ;  &  c'eft  ce  qu'a  jugé  un 
arrêt  du  parlement  de  Grenoble  ,  rapporté  par  Ex- 
pilly ,  chapitre  26. 

On  .T  élevé  à  ce  fujet  la  queffion  de  favoir  fi  la 
délégation  devoit  toujours  être  juftifiée  par  écrit, 
&  s'il  falloir  néceffairement  en  faire  mention  dans 
l'aâe  de  Profeffion  ;  &  il  a  été  jugé  ,  dans  le  cas 
particulier  dont  nous  allons  rendre  compte,  que  le 
défaut  de  ces  deux  formalités  ne  rendoit  pas  les 
vœux  nuls. 

Nicolas  Grégoire ,  fils  d'un  vigneron  d'Argen- 
teuil ,  avoit  fait  Profeffion  ,  le  15  août  1699,  dans 
le  couvent  des  feuillans  de  la  rue  Saint-Honoré. 
Ses  vœux  avoient  été  reçus  par  le  père  dom  Juan 
de  Saint  Martin  ,  prieur  du  couvent  des  Sainis-^n- 
ces  ,  appartenant  au  même  ordre,  rue  d'Enfer;  & 
il  n'étoit  point  fait  mention  dans  l'afte  ,  que  celui-ci 
eiit  une  délégation  du  père  général  ou  du  provin- 
cial. Le  10  novembre  fuivant ,  frère  Grégoire  prér 
fenta  requête  à  l'official  de  Paris,  demanda  que  fa 

Profcîlion 


PROFESSION  MONASTIQUE. 

Profeffion  fût  déclarée  nulle.  Le  ii  août  1700, 
fentence  intervint ,  qui  le  débouta  de  fa  demande 
es  nullité ,  &  néanmoins  ordonna  que  quand  le 
père  général  ou  le  provincial  ne  recevroient  pas 
eux-mêmes  les  Profeflions ,  ils  donneroient  des 
commiflîons  par  écrit  à  ceux  qu'Us  délégueroient 
pour  les  recevoir  ;  qu'il  en  feroit  fait  mention  dans 
la  cédule  du  profès  &  dans  l'aâe  qui  en  fetoit  inf- 
crit  au  regiflre  ,  &  que  Toriginal  de  la  commiffion 
refteroit  attaché  à  la  cédule ,  pour  être  gardé  dans 
le  dépôt  ordinaire  du  couvent. 

Frère  Grégoire  appela  comme  d'abus  de  cette 
fentence;  elle  eft  abufive  ,  difoit.-il,  en  ce  qu'elle 
confirme  une  Profeffion  eflenticllement  nulle ,  puif- 
qu'elle  a  été  reçue  par  une  perfonne  fans  pouvoir  , 
fans  caraâère ,  fans  autorité ,  &  fans  délégation 
de  ceux  qui,  par  les  faints  décrets  6c  les  confti- 
tutions  des  feuillans ,  ont  l'exercice  de  ces  fortes 
«l'aâes. 

On  répondoit  que  le  père  général  avoit  donné, 
au  prieur  du  couvent  des  Saints- Anges,  un  pou- 
voir verbal  de  recevoir  les  vœux  de  frère  Gré- 
goire ;  que  ce  pouvoir  pouvoir  erre  confidéré  com- 
me un  pouvoir  par  écrit,  puifqu'il  étoit  annoté 
dans  le  regiftre  du  père  général ,  où  fon  fecrétaire 
écrivoit  tout  ce  qui  fe  paffoit  dans  l'ordre  pendant 
fon  adminiftration. 

Frère  Grégoire  répliauoit  :  S'il  étoit  vrai  que  le 
père  général  eût  donne  un  ordre  verbal  au  prieur 
des  Saints-Anges  ,  pour  recevoir  les  vœux  de  l'ap- 
pelant, il  en  auroit  été  fait  mention  dans  l'aéie  de 
Frofeffion  ,  puifqu'il  eft  d'un  ufage  ordinaire  ,  que 
quand  on  fait  un  aifte  en  qualité  de  délégué,  on  y 
exprime  le  titre  de  fon  pouvoir.  — ~  Ce  qu'on 
nomme  regiftre  du  général,  n'eil  point  un  regiftre 
public,  il  n'eft  pas  même  figné  delui;c'eft  une 
efpèce  de  journal  de  ce  qui  fe  pafTs  pendant  fon 
adminiftration,  pour  en  pouvoir  rendre  compte  à 
l'ordre  affemblé  ;  c'eft  un  mémorial  écrit  de  la  main 
de  fon  fecrétaire,  contenant  le  détail  d'une  infinité 
de  chofes  particulières  ,  qui  ne  peuvent  être  com- 
muniquées à  perfonne;  mémorial,  qui ,  par  cette 
raifon  ,  n'eft  point  authentique  ,  qu'on  ne  peut  obli- 
ger l'ordre  de  laifler  compulfer ,  &  qui  fe  fupprime 
ou  fe  remet  entre  les  mains  du  fucce/Teur  du  gé- 
néral ,  pour  Tinftruire  des  affiiires  &  du  gouverne- 
ment de  l'ordre.  —  Enfin  ,  faut-il  d'autres  preuves 
de  l'abus  &  de  la  nullité  du  prétendu  pouvoir  ver- 
bal qu'on  dit  avoir  été  donné  au  prieur  des  Saints- 
Anges  ,  que  la  féconde  partie  de  la  fentence  dont 
eu  appel  ,  qui  condamne ,  comme  contraire  aux 
faints  décrets,  le  procédé  des  feuillans  ?  Si  ce  qui 
s'eft  fait  étoit  canonique,  étoit  il  befoin  de  cette 
»*  efpèce  de  règlement?  Si  au  contraire  ce  qui  s'eft 
fait  eft  abufif ,  pourquoi  ne  pas  annuller  une  Pro- 
feftîon  reçue  par  un  homme  fans  pouvoir,  ce  qui 
eft  le  plus  grand  de  tous  les  défauts  ? 

»>  Nonobftant  toutes  ces  raifons  ,  dit  Augeard  , 
»»  U  cour,  conformément  aux  conclufions  de  M. 
w  l'avocat  général  le  Nain  ,  a  déclaré  qu'il  n'y  avoit 
Tom<  XIII. 


PROFESSION  MONASTIQUE.  761 

I'»  abus,  par  arrêt  du  7  mars  1701;  a  fait  aux  feuil- 
»  lans  les  mêmes  Injonctions  que  celles  portées  par 
.    »  la  fentence  ,  &  a  ordonné  que  l'arrêt  feroit  tranf- 
»>  crit  fur  leur  regiftre  ». 

IV.  La  Profeflîon  qui  feroit  faite  entre  les  mains 
d'un  fupérieur  interdit  de  fes  fonélions ,  feroit 
nulle.  Il  y  a  dans  le  journal  des  audiences  ,  un  ar- 
rêt du  28  juin  1641  ,  qui  paroit  l'avoir  ainfi  dé- 
cidé ,  en  mettant  hors  de  cour  ,  fur  l'appel  comme 
d'abus  d'une  fentence  qui  avoit  jugé  de  !a  forte. 

V.  »  Un  abbé  ,  pendant  le  litige  ,  reçoit  un  reli- 
»  gieux  à  Profeflîon,  qui  fait  au  monaftère  toutes 
»  les  fondions  ordinaires  des  religieux,  même  y 
»  eft  élu  &  nommé  fous-prieur.  Arrive  ,  que  ,  par 
»  arrêt ,  l'abbaye  eft  adjugée  au  co-litigant ,  le- 
'»  quel ,  aufll  tôt  après  fa  poireffion  prife  ,  deftitue, 
>>  de  fon  autorité,  le  fufdit  religieux,  &  lui  lève 
»  l'habit.  Il  appelle  comme  d'abus ,  &  fe  plaint 
»  de  l'injure  qui  lui  a  été  faite  ;  qu'ayant  une  fois 
»  reçu  Ihabit  ,  on  ne  le  lui  pouvoit  plus  ôter  ;  que 
5>  fa  Profeflîon  l'avoit  rendu  enfant  de  la  maifon  , 
»  de  laquelle  on  l'avoit  déjeté  injurieufement  ; 
H  qu'il  s  étoit  ,  parrémiflîon  de  fes  vœux,  donné 
'»  à  dieu  ,  &  non  à  celui  qui  tenoit  rang  d'ahbé 
»»  quand  il  fit  profeflîon  ;  que  comme  il  s'ètoit  obli- 
)»  gé  à  la  religion  ,  la  religion  s'étoit  obligée  à  lui. 
»»  Que  ce  lien  étoit  réciproque,  qu'il  n'avoit  pu 
»  être  diffbus.  Sur  ce  ,  arrêt  du  parlement  de  Paris 
»  le  5  juillet  1 599 ,  par  lequel  il  fut  dit  ,  mal ,  nul- 
»  lement  &  abufivement  procédé  ,  &  que  l'habit 
»  feroit  rendu  au  religieux  ».  Fevret ,  livre  ç  ,  cha- 
pitre 3. 

§.  III.  Des  formalités,  fait  intrinsèques ,  fait  pro^ 
hantes  ,  qui  doivent  précéder  &  accompagner  la. 
ProfeJ/ion. 

I.  La  Profeflîon  ne  peut  être  valable  ,  qu'autant 
qu'elle  eft  précédée  d'un  noviciat,  qui  doit  durer 
un  an  ,  &  pendant  lequel  le  novice  doit  aflîfter, 
fans  la  moindre  interruption,  à  tous  les  exercices 
du  monaftère,  &  obferver  la  règle  de  l'ordre  avec 
la  même  exaâitude  que  s'il  étoit  religieux.  On  a 
rapporté  au  mot  Novice  quelques  arrêts  qui  jufti- 
fient  cette  aflertion. 

René  Lelièvre  s'en  faifoit  vn  moyen  dans  l'ef- 
pèce  de  l'arrêt  du  16  avril  1764;  mais  comme  fes 
allégations  n'éteient  appuyées  d'aucune  preuve  par 
écrit, on  n'y  eut  aucun  égard.  Ce  qu'a  dit  à  ce  fujet 
M.  l'avocat-général  de  Saint-Fargeau ,  mérite  d'être 
ici  placé. 

M  La  Profeflîon  de  Lelièvre  ne  poiirroit  -  elle 
point  être  attaquée  par  le  défaut  de  noviciat  ?  Deux 
conditions  font  requifes  :  la  durée  d'un  an  ,  &  la 
continuité  des  exercices  &  des  épreuves.  On  ne 
peut  obie(5ler  le  défaut  de  la  première  au  noviciat 
de  Lelièvre  :  la  féconde  a-t-elle  été  obfervée  ?  Ses 
allégations  à  cet  égard  font  démenties  par  les  re- 
giftrcs  de  la  congrégation.  On  y  voit  que  dans 
les  aflemblées  où  on  délibère  fur  le  choix  des 
fujets ,  Lelièvre   a  réuni  l'unanimité    des  fuffra- 

Ddddd 


76i    PROFESSION  MONASTIQUE. 

geç ,  que  tous  les  juges  immédiats  de  fa  vocation 
ont  penfé  qu'il  avolt  latisfait  aux  épreuves  nécef- 
faires.  Il  n'eft  point  poifible  de  fe  figurer  que  ,  dans 
«ne  communauté  religicufe  ,  qui  jouit  de  l'eftime 
publique,  il  ne  fe  fût  pas  trouvé  nne  feule  voix 
qui  s'élevât  pour  réclamer  Tobfervation  d'une  rè- 
gle auffi  facrée  que  celle  de  l'exaâitude  aux  devoirs 
du  noviciat.  Cette  unanimité  de  fuffrages  eft  une 
préfomption  bien  forte  que  Lelièvre  a  rempli ,  du 
moins  aux  yeux  des  homm?s  ,  les  devoirs  de  l'état 
de  novice. 

»  Cependant ,  comme  ces  aâes  émanent  de  ceux 
mêmes  qui  s'en  fervent  pour  fe  justifier ,  nous  ne 
les  regarderions  point  comme  une  preuve  abfolue  , 
fi  quelque  preuve  oppofée  venoit  les  combattre. 
Mais  ,  loin  qu'aucune  preuve  acquife  ébranle  la  foi 
des  afles  ,  leur  langage  eft  confirmé  par  le  filence 
qu'a  gardé  ,  pendant  long-temps  fur  ce  point ,  l'ad- 
verfaire  des  chanoines  réguliers.  Ce  n'eil  que  de- 
puis peu  qu'il  a  propofé  l'allégation  dont  il  de- 
mande aujourd'hui  à  faire  preuve  ,  Si ,  dans  la  vé- 
rité ,  il  eiu  eu  ,  pour  réclamer  contre  fa  profef- 
fjon  ,  un  motif  auflî  légitime  que  celui  de  défaut 
d'épreuve  pendant  l'année  du  noviciat,  efl-il  à 
croire  qu'il  ne  l'eût  pas  propofé  dès  le  premier  mo- 
ment ou  il  a  cherciié  des  moyens  de  revenir  con- 
tre fes  vœux  ?  On  ne  cherche  pa>  des  moyens  foi- 
bles  &  douteux,  quand  on  en  a  de  décilifs  :  quel- 
que borné  que  pût  être  fon  efprii  ,  le  défaut  d'exer- 
cice ,  pendant  fon  noviciat ,  écoit  une  chofe  aiTcz 
fenûble  ,  pour  quM  pût  fe  la  rappeler.  Il  n'en  par- 
loir point  pourtant  dans  fon  premier  mémoiie, 
drefTé  en  1757  ,  ni  long-temps  encore  depuis  ,  dans 
des  lettres  où  il  répétoit  fans  celfe  tout  ce  qu'il 
croyoit  favorable  à  fon  fyftéme  d'indépendance  ». 

D'après  cela,  M.  de  Saint  -  Fargeau  foutenoit 
qu'il  feroit  dangereux  d'autorifer ,  fans  un  commea- 
cement  de  preuve  par  écrit,  un  religieux  à  mettre 
en  fait  fa  propre  turpitude  &  le  crime  de  fes  fupé- 
rieurs  ;  à  combattre  les  préfomptions  de  droit  &  la 
foi  duc  aux  kSïes  par  des  déportions  peut  -  être 
achetées.  Il  ne  faudroit  donc,  pour  pouvoir  bief- 
fer  l'honneur  des  corps  religieux,  enfreindre l'ob- 
fcrvation  d'un  engagement  facré  ,  troubler  le  repos 
des  familles ,  que  s'affurer  de  quelques  faux  té- 
xnoins> 

»  La  preuve  teflimoniale  continuoit  ce  magif- 
îrat ,  toujours  fufpefle  à  la  jurtice ,  n'eft  point  ad- 
mife  dans  les  queftions  d'état ,  fans  un  commence- 
jnent  de  preuve  par  écrit.  On  ne  la  permet  que 
pour  achever  d'établir  une  vérité  qui  a  déjà  une 
bafe  fixe ,  &  à  laquelle  il  ne  manque  qu'un  déve- 
loppement plus  complet.  Défende  caufarn  tuam  inf- 
trumcniis  &  argumtntis  quibus  pote/!  ;  joli  enim  tcjfes 
mi  ingenuitatli  probaùonem  non  fufficiunf.  L.  a ,  C. 
dt  teftibus. 

■n  Cette  loi ,  reçue  dans  nos  mœurs  comme  rai- 
fon  écrite  ,  u'eft  pas  moins  fiifceptible  de  s'appli- 
quer aux  queftions  fur  l'état  religieux ,  qu'aux  quef- 
»ions  fur  l'état  civil  ;  &  les  unes  &  les  autres  font 


PROFESSION  MONASTIQUE. 

trop  importantes  ,  pour  en  abandonner  la  déclfion* 
à  la  foi  des  témoins.  Dans  les  unes  comme  dans 
les  autres,  la  preuve  teftimoniale  feroit  trop  pé- 
rilleufe  à  autorifer  fans  un  commencement  de 
preuve  par  écrit.  A  plus  forte  raifon  doit- on  la  re- 
jeter ,  dans  les  unes  comme  dans  les  autres  ,  quand 
on  veut  s'oppofer  aux  adles.  C'eft  aux  aâes  établis 
pour  conftater  l'état  des  hommes  &  l'état  des  reli-^ 
gieux,  qu'il  appartient  d'en  décider,  quand  d'au- 
tres aâes  ne  balancent  point  leur  autorité.  Il  y  a 
moins  d'inconvéniens  de  compter  peut-être  troj^ 
fur  la  foi  des  aâes  ,  que  de  trop  hafarder  fur  la  foi 
des  témoins  ». 

De-là,  ce  magiftrat  conclut  qu'on  ne  pouvoit 
pas  accorder  à  Lelièvre  la  preuve  teftimoniale 
qu'il  demandoit  du  défaut  d'exercice  pendant  fon 
noviciat, 

Lorfque  le  défaut  d'aftîftance  aux  exercices  du 
monaftère  a  pour  caufe  la  maladie  ou  l'abfence  du 
novice  ,  emporte-t-il  nullité  de  la  Profeflîon  ?  Voici 
ce  que  répond  M.  l'avocat- général  Portail  ,  dans 
fon  plaidoyer  du  11  janvier  1706,  rapporté  par 
Augeard  :  «  Les  canoniftes  n'ont  jamais  regardé 
»  comme  une  interrupution  la  maladie  du  novice  ; 
»  fi  elle  le  met  hors  d'état  de  remplir  les  devoirs 
»  de  fa  règle  ,  elle  ne  l'empêche  pas  de  s'en  inf- 
»  truire  &  de  les  connoitre  ;  on  peut  même  dire  , 
»  c^u'environné  alors  d'une  calamité  nouvelle ,  il 
»  éprouve  bien  mieux  s'il  eft  propre  au  genre  de 
>»  vie  qu'il  veut  embrafl*er  ;  &  lorfqu'aprés  cette 
»  rude  épreuve  il  perfévèrc  dans  fes  premières  ré- 
»  folutions,  on  trouve  dans  cette  perfévérance  un 
>i  cara6ière  plus  certain  d'une  vocation  parfaite  » 
»  que  la  pratique  de  toutes  les  auftérités  du  cloî- 
M  tre.  — ■  A  l'égard  de  l'abfence  ,  on  a  toujours  dif-, 
»  tingué  celle  qui  eft  fondée  fur  une  caufe  jufte  Se 
»  néceflaire  ,  6*  de  licenùâ  fuvenorum,d^i\QcX2.h- 
11  fcnce  purement  volontaire.  Le  noviciat  n'eft  pas 
»  interrompu  lorfque  l'abfence  eft  autorifée  du  fu- 
»  périeur,  parce  qu'alors  le  novice ,  quoiqu'abfent, 
»  lui  demeure  toujours  fournis,  &  c'eft  princi- 
»  paiement  dans  cette  foumiflîon  que  confifte  l'ef- 
»  fence  du  noviciat.  —  Ces  maximes  fe  trouvent 
M  autorlfées  par  les  conftitutions  de  l'ordre  des  au- 
»  guftins  ,  &  par  deux  arrêts,  l'un  rapporté  par 
»  Dufrefne  ,  liv.  5  ,  chap.  17  ,  l'autre  par  Soefve, 
»  partie  11,  centurie  a  ,  chap.  85  ». 

On  ne  peut  pas  dire  que  l'arrêt  rendu  fur  le 
plaidoyer  ,  dont  ces  réflexions  font  extraites  ,  les 
ait  confirmées  pofitivemcnt ,  parce  qu'il  y  avoir, 
contre  le  religieux  réclamant,  une  fin  de  non  re- 
cevoir ,  qui  uiffifoit  feule  pour  le  faire  débouter. 
Mais ,  peu  de  temps  après,  le  30  août  de  la  même 
année  ,  il  eft  intervenu  un  autre  arrêt,  par  lequel 
il  a  été  jugé  en  thèfe  ,  que  la  maladie  qui  furvient 
au  novice  pendant  fon  -innée  d'épreuve  ,  ne  doit 
point  être  regardée  comme  une  interruption,  ni  , 
en  conféquence ,  annuller  les  vœux.  M,  Portail 
rcmpliftbit  encore  dans  cette  afTaire  les  fondions  du 
miniftère  public  :  «  Le  défaut  de  noviciat, difoUU, 


PROFESSION  MONASTIQUE. 

»>  ne  peut  pas  non  plus  être  allégué  ;  il  y  a  eu  une 
J»  année  de  probation  ;  que  l'intimé  l'ait  paffée 
>»  dans  l'infirmerie  ,  ou  dans  l'exercice  des  aufléri- 
»»  tés,  il  n'importe. 

II.  La  formule  des  vœux  folemncls  n'eft  pas  la 
même  dans  toutes  les  communautés  :  dans  quel- 
ques-unes ,  le  religieux  promet  de  garder  la  pau- 
vreté, la  chafteté  &  l'obéiflance  :  dans  d'autres , 
qui  font  gouvernées  par  la  régie  de  faint  Benoît, 
le  profés  promet  la  converfion  des  mœurs  &  la 
fiabilité  fous  la  règle  de  faint  Benoit  ,  félon  les 
ufages  de  la  congrégatien  dans  laquelle  il  s'en- 
gage. _ 

Mais  quelle  que  foit  cette  formule,  elle  produit 
toujours  le  même  effet  par  rapport  aux  nouveaux 
engagemens  que  contrarient ,  &  le  changement 
d'état  qu'éprouvent  ceux  qui  font  des  vœux  de  re- 
ligion. C'eft  ce  qu'établifToit  M.  l'avocat -général 
Fleury  dans  fon  plaidoyer  du  7  février  1707  ,  en 
traitant  la  queflion  de  favoir  fi  les  religieufes  de  la 
préfentation  d'Aire,  qui,  jufqu'alors,  n'avoient 
point  fait  vœu  de  pauvreté ,  pouvoicnt  être  regar- 
dées comme  exiftantes  en  monaflère.  «  Si  on  ju- 
»»  geoit ,  difoit-il,  cette  communauté  fuffifamment 
»  autorifée  ,  la  forme  des  vœux  folemnels  de  chaf- 
>»  teté ,  obéiffance  &  réfidencc  perpétuelle,  les 
»  attachant  pour  toujours  au  monaftère  ,  les  fépa 
»  rant  du  fiècle  ,  les  conftitueroit  dans  l'état  reli 
»  gieux;  &  le  défaut  d'émiffion  de  vœu  de  pau- 
»  vreté  feroit  un  abus  qui  ne  rendroit  pas  la  Pro- 
»  feflîon  nulle  ,  fuivant  le  fentiment  de  M^  René 
»>  Chopin  ,  en  fon  traité  de  monajl.  liv.  3  ,  tit.  3  , 
»  «".  8  ;  ce  feroit  un  abus  à  réformer,  mais  un 
»>  abus  qui  ne  pourroit  dégager  la  profeffe  du  vœu 
"  qu'elle  auroit  fait  folemnellement  à  la  face  des 
»  autels,  pour  lui  donner  lieu  de  troubler  des  h- 
n  milles  ;  &  c'eft  ce  qui  a  été  jugé  par  un  arrêt  ren- 
»>  du  à  la  quatrième  chambre  des  enquêtes ,  le  6 
»  feptembre  1762  ,  rapporté  par  M'  Maillard  fur 
I»  la  coutume  d'Artois,  art.  149,  n°.  ^  ,  où  on  a 
»>  jugé  qu'une  religieufe  du  monaftére  dont  il  s'a- 
>»  git ,  de  la  Préfentation  de  la  ville  d'Aire  ,  étoit 
»»  morte  civilement,  &  n'avoit  pu,  après  fa  Pro- 
»  felTion  ,  faire  une  donation  &  un  tQÛimGnty  au 
»  profit  de  fon  frère  ;  qui  ont  été  déclarés  nuls  ». 

III.  Eft-il  effentiel  que  les  vœux  foient  pronon- 
cés folemnellement,  ou  doit-on  les  préfumer  ,  & 
en  faire  réfulter  un  engagement  véritable ,  lorf- 
qu'un  homme  ,  fans  avoir  fait  Profelfion  expreffe, 
a  néanmoins  porté  l'habit  de  profés,  vécu  comme 
profés  ,  obfervé  la  règle  des  profès?  en  un  mot, 
leconnoît-on  parmi  nous  la  Profefïîon  tacite  ?  C-Jtte 
queflion  efl  importante ,  &  mérite  quelques  détails. 
Nous  ne  pouvons  la  mieux  traiter ,  qu'en  préfen- 
tant  ici  la  fubrtance  du  plaidoyer  de  M,  d'Aguef- 
feau  ,  du  14  mars  16^7. 

Dans  la  première  ferveur  de  l'établiffemenf  des 
monaftères ,  on  ignoroit  la  diftinflion  du  vœu  lim- 
pl^  &  du  vœu  folemnel ,  de  la  Profeffion  exprefle 
&  de  la  Profcflion  tacite  ;  on  ne  croyoi;  pas  qu'nJîp 


PROFESSION  MONASTiQUE.     765 

carémorii-  exrérie'.ire  piJt  refTerrcr  plus  étroite- 
ment les  nœuds  qu'un  folitaire  conirade  avec  dieu 
racme. 

Le  relâchement  paffa  dans  les  deferts ,  comme 
il  étoit  déjà  entré  dans  l'églife.  On  reconnut  bien- 
tôt qu'il  falloit  fixer  l'inconftance  naturelle  aux 
hommes,  par  des  engageraens  extérieurs  ;  on  con- 
fidéra  que  ces  fortes  de  cérémonies  avoient  deux 
utilités  également  effentielles  ,  l'une  de  rendre  les 
hommi^s  plus  attentifs  aux  fuites  &  aux  confé- 
quences  du  vœu  qu'ils  faifoient  ,  l'autre  de  donner 
une  voie  sûre  par  laquelle  on  pijt  les  convaincre 
de  leur  infidélité. 

Saint  Bafde,  patriarche  des  moines  de  l'orient, 
défira  le  premier  cet  établiffement  falutaire.  Il  mar- 
que dans  les  canons  18  &  19  de  fa  letrre  à  Amphî- 
loque,  qu'il  étoit  à  fouhaitcr  qu'on  n'admît,  ni  témé-. 
rairement ,  ni  en  fecret ,  les  ProfciTions  des  vier- 
ges qui  fe  cenfacroient  à  dieu  ,  &  qu'on  ne  lé» 
reçût  qu'après  les  avoir  éprouvées  pendant  un  cer- 
tain temps,  &  infcrit  leur  nom  dans  un  regiftre 
public.  Dans  le  canon  fuivant,  il  défire qu'on  diïe 
un  pareil  règlement  pour  les  hommes,  &  que  la 
Profeffion  foit  publique  ,  certaine  &  apparente. 

Le  chapitre  2  de  la  novelle  5  de  l'empereur 
Juflinien  ,  défend  aux  religieux  de  donner  l'habit 
aux  novices  qui  fe  préfentcnt  ;  il  veut  qu'on  exige 
d'eux  trois  ans  d'épreuve  conrinucUe  ,  &  qu'enfin-, 
après  cette  longue  expérience  ,  on  leur  donne  l'ha- 
bit du  monaftère  dans  lequel  ils  font  entrés;  céré- 
monie qui  tenoit  lieu  d'une  Profelfion  folemnelle, 
&  qui  ,  comme  elle,  étoit  un  frein  capable  de 
réprimer  la  légèreté  des  novices  ,  ik  de  leur  rap- 
peler fans  ceffe  la  mémoire  de  leurs  premier» 
engagmens. 

Saint  Benoît  entra  dans  le  même  efprit  :  on  re- 
marque même  que  ce  fut  lui  qui  impofa  la  nécef- 
fité  de  faire  une  Profeffion  ,  non-feulement  ex- 
preffe ,  mais  par  écrit ,  qu'on  devoit  dépofer  fur 
l'autel  au  moment  de  la  cérémonie  ,  &  conferver 
cnfuite  exaflement  dans  le  monaflère.  Saint  Ifldore 
de  Séville  fuivit  les  mêmes  principes  dans  fa  régie , 
&  ils  ont  été  adoptés  dans  Id  concile  d'Orléans 
de  549  ,  par  beaucoup  d'autres  du  même-temps  , 
&  par  le  quatrième  de  Tolède ,  qui  a  été  inféré 
en  partie  dans  la  compilation  de  Gratien. 

Cet  ufage  fut  reçu  univerfellement  en  France." 
On  remarque  dans  les  formules  que  Baluze  a  fait 
imprimer  à  la  fin  des  capitulaires  (i),  que  tous 
les  aéles  qui  regardoient  la  cérémonie  de  la  Profef- 
fion ,  avoient  une  formule  certaine  ;  la  demande 
pour  être  admis  à  prononcer  des  vœux  ;  la  réponfe 
du  fupérieur;  l'obligation  du  religieux  ,  par  laquelle 
il  confommoit  fon  facrifîce. 

Dans  la  fuite  ,  l'inexécution  de  ces  fages  régler 
mens  ayant  fervi  à  plufieurs  moines  infidèles  ,  de 
prétexte  pour  colorer  leur  apoflafie  du  défaut  de 
preuve  de  leur  Profeffion ,  quelques  conciles  & 

0)  Tonv«  1 ,  pige  574  ,  J7J  ,  57^>  577- 

P  d  d  d  4  (j 


7^4     PROFESSION  MONASTIQUE. 

pîufieurs  papes  fe  crurent  obligés  d'autorifer  la  Pro- 
feffion  tacite ,  &  de  regarder  la  fimple  vêture  de 
l'habit  après  Tannée  de  probation  ,  comme  une 
preuve  de  l'acquiefcenient  donné  par  yn  religieux 
à  fon  état. 

On  trouve  quelque  preuve  de  cet  iifage  dans  le 
concile  de  Frèjus,  di  dans  celui  de  Wormes ,  du 
huitième  fiècle  ;  &  on  voit,  par  les  décrétales  22 
&  23  du  titre  de  res^ularibus  ,  qu'il  étoit  tout-à-fait 
établi  dans  le  douzième  fiècle.  La  clémentine  2  du 
même  titre,  en  contient  pareillement  une  déci- 
fion  formelle  ,  tirée  du  concile  de  Vienne. 

Il  paroît  cependant  que  dans  ces  temps  même 
les  Profeffions  tacites  étoient  plutôt  tolérées  qu'ap- 
prouvées. Le  concile  de  Londres  de  1 168  ,  impofe 
des  punitions  févères  aux  fupérieurs  qui  n'obli- 
gent pas  les.  novices  à  faire  Profeflîon  immédia- 
tement après  l'année  de  probation.  2".  Le  chapi- 
tre 28  ,  au  fexte  ,  de  eUR'ione  ,  &  la  clémentine  i , 
de  flatu  monachorum ,  excluent  perpétuellement  de 
toutes  les  fonfiions  &  dignités  d'un  ordre ,  ceux 
qui  n'y  ont  point  fait  ProtefTion  exprefle.  3".  Le 
concile  de  trente  Trente  ,  feffion  25  ,  chapitre  16  , 
oblige  expreffément  les  (upérieurs  à  renvoyer  les 
novices  après  l"an  de  noviciat ,  ou  à  leur  faire  faire 
Profeflion.  4°.  Les  conciles  provinciaux  tenus  à 
Tours  8c  à  Bourges  depuis  le  concile  de  Trente, 
veulent  qu'il  y  ait ,  dans  tous  les  monaftères  , 
des  regifttes  où  les  Profeflions  foient  écrites. 

De-là,  trois  conféquences  ;  la  première,  qu'an- 
ciennement les  Profelîions  tacites  ont  été  réprou- 
vées ;  la  féconde  ,  que  dans  la  fuite  on  les  a  tolé- 
rées ;  la  troifième  ,  que  l'efprit  de  la  difcipline  pré- 
fente  paroît  leur  être  entièrement  oppofé. 

Il  nous  refte  à  marquer ,  en  peu  de  mots ,  quelles 
font  les  maximes  de  notre  jurifprudence  fur  ce 
point.  Si  nous  confultons  nos  ordonnances  ,  celle 
de  Moulins ,  les  déclarations  données  en  confé- 
quence ,  l'ordonnance  de  1667  (  &  l'édit  perpétuel 
de  161 1  dans  les  Pays-Bas)  ,  condamnent  indirec- 
tement la  Profeflion  tacite,  en  excluant  toute 
preuve  par  témoins. 

Si  nous  nous  attachons  aux  arrêts ,  nous  n'en 
trouvons  aucun  qui  ait  jugé  formellement  cette 
queftion  dans  chacun  de  fes  points.  En  effet,  on 
peut  confidérer  deux  chofes  dans  les  religieux  ; 
1°.  l'abdication  générale  de  tous  les  effets  civils  , 
la  renonciation  aux  fucceffions  ,  la  privation  de 
toute  communication  des  droits  établis  en  faveur 
des  féculiers.  2°.  La  qualité  de  ce  même  religieux, 
par  rapporta  l'intérieur  du  monafière  ,  par  rapport 
à  (on  eut  en  foi ,  indépendamment  des  relations 
qu'il  peut  avoir  avec  fes  concitoyens. 

Nous  trouvons  fur  le  premier  point  deux  fortes 
d'arrêts.  Les  uns  ,  comme  celui  de  1588  ,  rapporté 
par  Chopin,  celui  du  28  juin  1603,  inféré  dans 
le  recueil  de  M.  le  Prêtre ,  celui  de  Chriftine  Haro , 
qu'on  trouve  au  journal  des  audiences  fous  la  date 
du  16  juiUlet  1657 ,  un  autre  du  parlement  de  Pro- 


PROFESSION  MONASTIQUE. 

vence  du  16  mars  1674  ,  rapporté  par  Boniface  J 
ont  admis  aux  fucceffions,  des  perfonnes  qui 
avoient  pafTé  une  grande  partie  de  leur  vie  dans  ua 
nionaftère  en  habit  de  profès ,  parce  qu'ils  en 
avoient  quitté  l'habit ,  &  ne  paroiffoient  point  avoir 
eu  intention  de  le  porter  toujours. 

Les  autres,  au  contraire,  les  ont  déclarés  inca- 
pables ,  foit  par  le  long-temps  &  le  trouble  que 
cela  apporteroit  dans  les  familles  ;  foit  parce  qu'ils 
avoient  eux-mêmes  écrit  plufieurs  fois  à  leurs  pa- 
rens ,  qu'ils  avoient  fait  Profeflion  ;  foit  parce  qu'ils 
portoient  aâuellement  l'habit  de  religieux  dans  le 
temps  de  leur  demande  ;  foit  enfin  parce  qu'on  les 
avoir  ordonnés  prêtres  à  titra  de  pauvreté,  en  qua- 
lité de  religieux.  Tels  font  les  arrêts  de  Marillac, 
rapporté  par  Chopin  ;  de  Marie  de  Lefpine  du  27 
aoijt  1558,  rapporté  par  Bouchel  en  fa  Bibliothè- 
que canonique  ;  de  Claude  Sain  du  27  juillet  1627, 
inféré  dans  le  journal  des  audiences  ;de  l'Hermite 
la  Noue  des  27  février  1633  ,  28  juin  1634,  & 
30  juillet  1637,  de  Guyon  de  Saugnat ,  rendus  au 
parlement  de  Touloufe  le  17  avril  1567,  &  rap- 
portés par Papon,  livre  i  ,  tit.  10,  n°.  7. 

Pour  ce  qui  eft  du  fécond  point,  c'eft  à-dire  de 
la  qualité  de  religieux  en  foi  &  uniquement  par 
rapporta  Ton  état  pofltif,  nous  ne  trouvons  point 
de  préjugé  précis.  Nos  auteurs ,  tels  que  Chopin  , 
Coquille  ,  Bouguier  &  d'autres  ,  difent  que  les 
cours  ne  reconnoiffent  point  de  Profeffion  tacite  ; 
1°.  parce  qu'elles  font  contraires  aux  anciens  ca- 
nons ;  2°.  contraires  indireftement  à  l'ordonnance 
de  Blois  ;  3°.  contraires  au  bien  public;  4°.  capa- 
bles de  rendre  les  vocations  douteufes,  &  l'état  des 
familles  incertain. 

Ici ,  M.  d'Agucffeau  rend  hommage  à  ces  ma- 
ximes, &  foutient  néanmoins  qu'elles  ne  doivent 
pas  influer  fur  la  déciûon  de  la  caufc  dans  laquelle 
il  parle. 

Il  s'agiiToit ,  dans  celte  caufe  ,  de  favoir  fi  Julien 
Coutard  ,  qui  juftifioit  par  écrit  avoir  porté  dix- 
neuf  années  entières  l'haljit  de  frère  convers  domi- 
nicain ,  fans  faire  de  Profeflion  folennelle  ,  pou- 
voir être  expulfé  par  fa  communauté ,  ou  la  forcer 
à  le  retenir  &  le  traiter  fraternellement.  M.  d'A- 
gucffeau fe  déclare  pour  ce  dernier  parti. 

L'intérêt  public,  dit-il,  doit,  à  la  vérité,  faire 
rejeter  les  Profeffjons  tacites  ;  mais  auffi  le  même 
intérêt  public  ne  demande-t-il  pas  qu'une  commu- 
nauté qui  a  reçu  un  homme  ,  qui  lui  a  donné  l'ha- 
bit de  fa  religion  ,  qui  l'a  fait  paffer  par  l'épreuve 
du  noviciat ,  puiffe  être  cohtrainte ,  non  pas  à  le 
regarder  comme  un  profès  véritable  ,  mais  à  lui 
accorder  la  grâce  d'une  Profeflion  folennelle  ?  Sera- 
t-il  jufle  qu  il  ait  effuyé  toutes  les  rigueurs  du  no- 
viciat, qu'il  ait  eu  la  perfévérance  d'aller  jufqu'à 
la  fin  de  ce  terme,  &  qn'enfuite,  après  avoir  de- 
meuré dans  un  ordre,  fur  la  foi  des  conflitutions 
qui  lui  accordent  une  Profeflion  tacite  (1)  ,il  puiffe 


(i)Les  ftatui»  des  dominicains  pottcat  :  CompUto  auttm 


PROFESSION  MONASTIQUE. 

en  être  exclus  fans  aucune  raifon  qui  ait  précédé 
ou  accompagné  fon  uoviciat ,  par  un  pur  caprice  , 
&  par  le  feul  changement  de  volonté  de  la  part  des 
fupérieurs  ? 

On  vo.t  clairement  que  cela  réfifle  à  l'équité  na- 
turelle :  ce  n'eft  pas  tout  encore  ;  cela  réfifte  pré- 
cifémentaux  conitituMons  canoniques.  Les  conci- 
les de  Londres  &  de  Trente,  cités  plus  haut,  veu- 
lent qu'aufii-tôt  après  l'année  du  noviciat  finie  on 
renvoie  le  novice,  ou  qu'on  le  reçoive.  L'arrêt  du 
16  juillet  i6s7  ordonne  inéme  l'exécution  de  ces 
lois  ;  donc ,  fi  on  ne  renvoie  pas  le  novice  ,  il  eft 
admis  pour  être  reçu.  On  n'autorife  point  par-là 
les  Profeffions  tacites  ,  au  contraire  on  les  détruit. 

La  feule  objection  eft  que  l'engagement  doit 
être  réciproque  ;  Ôc  que  comme  le  monaftére  ne 
pourroit  contraindre  le  religieux  à  demeurer  dans 
Ion  fein ,  le  religieux  ne  peut  aufli  forcer  le  mo- 
naftère  à  le  recevoir. 

Mais  il  y  a  une  grande  raifon  de  différence  entre 
l'un  &  l'autre.  Le  rnonaftère  ne  facrifie  qu'une  part 
dans  fa  fociété.  Tout  ce  qu'il  fait  en  faveur  de  celui 
qu'il  reçoit ,  fe  réduit  à  admettre  un  affocié  ,  un 
compagnon  de  fes  jeiines,  de  fes  exercices  ,  de  fes 
travaux.  Le  religieux  facrifie  fes  biens  ,  fa  fortune  , 
fa  liberté  ,  &  fouvcnt  fa  vie  même. 

Auiîi  Dumoulin  ,  fur  la  clémentine  eos  qui  ,  dif- 
tingue-t-il  bien  prccifément  le  rnonaftère  du  no- 
vice. Il  établit  que  toute  Profeffion  tacite  ejl  oJiofa , 
efljîrïât  incerpntanda  ,  refpeSu  ipfius  ïngrejji.  Mais  , 
par  rapport  à  la  communauté  ,  il  convient  que  la 
maxime  de  droit  canonique  peut  être  exécutée  : 
Tranfeat ,  dit-il ,  refpelîu  eorum  c^ui perm'ittunt  habi- 
tum  indifiinflum  ,  ut  non  pojjlnt  expellcre  quern  fie 
admiferunt. 

Ces  raifons  ont  déterminé  la  cour  en  faveur  du 
frère  Coutard.  Par  arrêt  du  14  mars  1697  ,  on  dé- 
clara qu'il  n'y  avoit  point  d'abus  dans  la  fcnience 
dont  les  dominicains  étoient  appelans  ,  &  qui  leur 
ordonnoit  de  recevoir  le  frère  Coutard  à  la  Profef- 
fion  folennelle  après  un  fécond  noviciat.  L'arrêt  va 
même  plus  loin  ,  car  il  fuppofe  le  frère  Coutard 
déj.'i  engagé  ,  &  le  déclare  mort  civilement.  Voici 
comme  il  eft  conçu  :  «  La  cour  déclare  qu'il  n'y  a 
»  abus  ;  enjoint  aux  religieux  dominicains  de  la 
j)  ville  du  Mans  de  recevoir  la  partie  de  HslTard  , 
«  &  de  le  traiter  charitablement ,  ainfi  que  les  frè- 
»  res  laïcs  ,  fans  néanmoins  que  la  partie  de  Hof- 
M  fard  puifte  ci-après  prétendre  à  aucune  fucceffion 
«  &  partage ,  ni  intenter  d'aélion  pour  efiéts  ci- 
«  vils  ». 

Le  même  arrêt ,  renouvelant  les  difpofitions  du 
concile  de  Trente  &  celles  de  l'arrêt  du  16  juillet 
1657  ,  «  enjoint  aux  provinciaux  &  fupérieurs  des 
»  monaftères  de  Tordre  de  faint  Dominique ,  de 
»  recevoir  à  la  Profelfion  ceux  qui  en  auront  été 
»  jugés  capables ,  &  de  renvoyer  de  leurs  niaifons 

«nno  p'.i'>  ri^inis ,  fi  nul-j  faElafu  proujiatio ,  nie  ipfe  exire  , 
nec  rtligio pQt(Jl  eum  expilUre» 


PROFESSION  MONASTIQUE.    76^ 

»  ceux  qu'on  n'aura  pas  eftimé  devoir  être  reçus 
»  après  l'année  du  noviciat  ,  faite  félon  les  faints 
n  décrets  &  conftitutions  canoniques  .-ordonne  que 
»  le  piéfent  arrêt  fera  fignifié  à  tous  lefdits  provin- 
»  ciahx&  fupérieurs  des  couvens  fitués  dans  le  rcf- 
»  fort ,  à  la  requête:  du  procureur  général  du  roi  ». 
IV.  Les  ordonnances  de  Moulins  Se  de  1 66y  ont 
pris  des  précautions  particulières  pour  afturer  l'état 
des  religieux  ,  &  empêcher  qu'il  ne  s'élevât  des 
doutes  lur  la  réalité  des  Profeflions  folennelles.  La 
déclaration  du  9  avril  173^  ,  enchérilfant  fur  les 
diipofitions  de  ces  lois  ,  a  prefcrit  ce  qui  fuit  : 

Article  25.»  Dans  les  maifons  religieufes  il  y 
»  aura  deux  regiftres  en  papier  commun  ,  pour 
»  infcrire  les  aétes  de  vêture,  noviciat  &  Profef- 
»  fion  ,  lefquels  regiftres  feront  cotés  par  premier 
»  &  dernier  ,  Se  paraphés  fur  chaque  feuillet  par 
»  le  fupérieur  ou  la  fupérieure  ;  à  quoi  faire  ils 
»  feront  autorifés  par  im  aéle  capitulaire  qui  fera 
»  inféré  au  com.mencement  defdits  regiftres. 

Article  26.  »  Tous  les  adles  de  vêture  ,  noviciat 
»  è>i  Profeffion,  feront  infcrits  en  françois  fur  cha- 
»  cun  defdits  deux  regiftres  ,  de  fuite  &  fans  au- 
»  cun  blanc  ,  &  Icfdus  aéles  feront  fignés  fur  lef- 
»  dits  deux  regiftres  par  ceux  qui  les  doivent  figner, 
»  le  tout  en  mén:e-temps  qu'ils  feront  faits  ;  &  en 
»  aucuns  cas  lefdits  aéies  ne  pourront  être  infcrits 
»  fur  des  feuilles  volantes. 

Article  27.  »  Dans  chacun  defdits  aâes ,  il  fera 
»  fait  mention  du  nom  &  furnom  ,  Se  de  l'âge  de 
»  celui  ou  de  celle  qui  prendra  l'habit  ou  qui  fera 
»  Profelfion  ;  des  noms ,  quahtés  &  domiciles  de 
»  fes  père  i^i  mère  ,  du  lieu  de  fon  origine  ,  Se  du 
»  jour  de  l'ade  ,  lequel  fera  fjgné  fur  lefdits  regif- 
»>  très  ,  tant  par  le  fupérieur  ou  la  fupérieure  ,  que 
»  par  celui  ou  celle  qui  prendra  1  habit  ou  fera  Pro- 
»  feftion  ,  enfemble  par  l'évêque  ou  autre  perfonne 
»  cccléfiaftique  qui  aura  fait  la  cérémonie  ,  &  par 
»  deux  des  plus  proches  parens  ou  amis  qui  y  au- 
»  ront  affifté. 

Article  28.  »  Lefdits  regiftres  ferviront  pendant 
»  cinq  années  confécutives  ,  &  l'apport  au  greffe 
»  s'en  fera,  favoir,  pour  les  regiftres  qui  feront 
»  faits  en  exécution  de  la  préfente  déclaration  , 
"  dans  les  fjx  femsines  après  la  fin  de  l'année 
»  1741  ,  enfuire  de  cinq  ans  en  cinq  ans  ;  fera  au 
»  furplus  obfervé  tout  le  contenu  aux  articles  17 
»  &  18  ci  deffus  fur  l'apport  des  regiftres,  &  la 
»  décharge  qui  en  fera  donnée  au  fupérieur  ou 
»  fupérieure. 

Article  19.  »  Il  fera  au  choix  des  parties  intéref- 
»  fées  de  lever  des  extraits  defdits  a^^es  fur  le  r«- 
»  giftrc  qui  en  fera  au  greffe  ,  en  payant  au  greiHer 
»  le  falaire  porté  par  l'article  19,  ou  fur  le  reaiftre 
M  qui  reftera  entre  les  mains  du  fupérieur  ou  fu- 
n  péricure  ,  qui  feront  tenus  de  délivrer  lefdits 
»  extraits  24  heures  après  qu'ils  en  feront  requis  , 
w  fans  aucun  falaire  ni  frais  ,  à  la  réferve  du  papier 
»  timbré  feulemec t. 


766    PROFESSION  MONASTIQUE. 

Article  31.  »  Les  grands-prieurs  de  l'ordre  de 
»  faint  Jean  de  Jérulalem  feront  tenus  ,  dans  l'an 
»  &.  jour  de  la  Proteffion  faite  parnos  fujets  dans 
«  ledit  ordre  ,  de  faire  enregiflrer  l'afle  de  Pro- 
»  feffion  ;  &  à  cette  fin  enjoignons  au  fecrétaire 
«  de  chaque  grand  -  prieuré  d'avoir  un  regiftre 
îj  dont  les  feuillets  feront  cotés  par  premier  ëtder- 
«  nier  ,  ik  paraphés  fur  chaque  feuillet  par  le 
»»  grand-prieur,  ou  par  celui  qui  en  remplira  les 
«  fonctions  en  cas  d'abfence'ou  autre  erapéchc- 
«  ment  légitime  ,  pouh  y  être  écrite  la  copie  des 
w  aélcs  de  ProfeiTion  &  leur  date,  &  faéle  d'enre- 
«  giftrement  figné  par  le  grand-prieur  ou  par  ce- 
«  lui  qui  en  exercera  les  fondions  ,  pour  être  dé- 
»»  livrés  à  ceux  qui  le  requerront;  le  tout  à  peine 
«  de  faifie  du  temporel  >». 

Il  ne  faut  pas  croire  que  toutes  ces  formalités 
appartiennent  à  l'cflcnce  des  vœux  ,  &.  foient  re- 
quifes  à  peine  de  nullité  de  la  Profeifion.  Voici 
quelques  arrêts  qui  aideront  à  les  apprécier. 

Nicolas  Grégoire ,  dont  nous  avons  déjà  parlé  , 
aj'outoit  au  moyen  d'abus  expofé  ci-devant  ,  §.  a  , 
n.  5  ,  le  défaut  d'afle  qui  conftatât  légalement  fa 
Profcffion.  Point  d'affiftance  des  témoins  ,  point  de 
fignature  du  fupérieur  qui  avoir  reçu  fes  vœux  , 
point  d'infcrlption  fur  le  regiftre  de  la  commu- 
nauté i  fimpie  rédatlion  fur  une  feuille  volante 
fignéede  lui  feul ,  &  que  le  monaftère  avoit  été 
abfolumcnt  le  maître  de  fupprimer. 

La  preuve  juridique  de  l'émilfion  des  vœux  , 
difoit-il ,  ne  peut  être  faite  que  par  un  regiftre  en 
bonne  forme ,  où  Tafle  en  foit  infcnt  &  figné  ,  1°. 
par  celui  qui  fait  Profeffion  ;  2".  par  celui  qui  la 
reçoit  ;  3".  par  deux  témoins  qui  doivent  y  affirter. 
Ceft  ladirpofition  des  ordonnances  de  Moulins  & 
de  1667.  L'objet  de  ces  lois  a  été  non-feulement 
d'exclure  la  preuve  par  témoins  dans  les  queftions 
d'état  mais  encore  d'affurer  &  de  fixer  irrévoca- 
blement l'état  des  hommes  ,  en  les  engageant  d'une 
irianïère  fi  folide  ,  qu'ils  ne  fuffcnt  pas  les  maîtres 
d'en  fupprimer  la  preuve.  —  Qu  elt-ce  qu'un  vœu 
fûlennel  ?  C'eft  un  facri6ce  d-;;  nous-mêmes  que 
nous  faifons  à  Dieu,  une  oblation  qui  s'accepte  par 
fes  miniftres  ,  entre  les  mains  defquels  fe  fait  le 
ferment ,  qu\  ,  d'un  côté  ,  lie  le  religieux  au  mo- 
raftère,  &  de  l'autre  engage  le  monaltère  au  reli- 
gieux (1).  Ceft  ua  contrat  fynallagmatique  entre 
le  profès  d'une  part,  &  le  monaftère  de  l'autre; 
celui-là  renonce  à  fes  biens  temporels  ,  &  promet 
l'obéiflance  à  fes  fupérieurs.  En  même-temps  les 
fupérieurs  s'obligent  à  lui  donner  tous  les  fecours 
dont  il  aura  befoin  ,  à  lui  fournir  les  chofes  nécef- 
fairesàla  vie  ;  &  ce  contrat  fe  forme,  comme 
tous  les  autres  ,  par  le  concours  mutuel  de  deux 
volontés  déclarées  en  la  forme  prefcrite  par  les 
ordonnances.  — Or,  peut-on  dire  qu'il  y  a  eu  ici 


(i)  Obliginturper  Profeffionem  cmiffam  paii-er  &  accep- 
lam  ai  obfervafltiain  reguiaicni.  C*£,  adafolîiliçam^  de  re^u- 


PROFESSION  MONASTIQUE. 

uneacceptationjvalable  &  un  engagement  fuffifant? 
Où  eft  l'acceptation  du  monaftère  f  où  eft  fon  cn- 
gigement  envers  l'appelant,  lorfquc  l'afte  qui  con- 
tient la  donation  de  la  perfonne  du  profès  fe 
trouve  rédigé  feulement  fur  une  feuille  volante  , 
non  fignée  de  celui  qui  a  reçu  fes  vœux  ,  &  au  pou- 
voir de  fes  fupérieurs  ?  Quel  moyen  auroit  ce  mal- 
heureux ,  fi ,  devenu  caduc  ,  accablé  de  vieilleffe  & 
des  infirmités  qui  accompagnent  le  grand  âge,  il 
étoit  chaflé  par  fes  confrères  &  abandonné  à  toutes 
les  rigueurs  de  la  pauvreté?  Quelle  preuve  pour- 
roit-il  rapporter  de  (on  état  &  de  l'engagement  du 
monaftére  envers  lui  ? 

Les  feuillaiis  répondoient  ,  qu'il  n'avoir  tenu 
qu'au  frère  Grégoire  que  fon  aâe  de  Profeiïlon  fût 
infcrit  fur  le  regiftrc  public  ;  qu'on  le  lui  avoit  of- 
fert plufieurs  fois,  &  qu'on  le  lui  oflroit  encore  ; 
que  d'ailleurs  ce  défaut  n'altèroit  nullement  la  vé- 
rité des  vœux  ;  que  les  ordonnances,  en  prefcrivant 
la  néceffité  d'avoir  un  regifire  pour  y  infcrire  les 
ProfelTions,  n'avoient  pas  prononcé  la  nullité  de 
celles  qui  n'y  feroient  pas  infcriies  ;  que  l'elTence  du 
vœu  ne  confiftoit  pas  dans  cette  infcription  ,  mais 
dans  le  confentementdu  profès ,  mais  dans  le  fer- 
ment folennel  qu'il  faifoit  à  Dieu  d'obferver  les 
règles  de  Tordre  ,  de  vivre  dans  la  pauvreté,  de 
garder  la  chafleté  ,  &  de  demeurer  fous  lobéiflance 
de  fes  fupérieurs. 

Sur  ces  raifons  ,   l'official  de  Paris  débouta   , 
comme  on  l'a  dit  plus  haut ,  le  frère  Grégoire  de 
fa  demande  à  fin  de  nullité  de  fes  vœux  ,  6c  «  or- 
))  donna  aux  pères  feuillans  d'avoir  un  regiftre  re- 
»  lié  en  bonne  forme  ,  dont  les  feuillets  feroient 
»  cotés  &  paraphés  par  premier  &  dernier  par  le 
})  fupérieur  du  couvent  de  faint  Honoré  ,  lequel 
»»  regiftrc  feroit  approuvé  par  un  a61e  capitulaire  , 
»  pour  y  être  les  aâes  de  vêture  &  de  PrQfeffion 
»  fans  aucun  blanc  ;  lefquels  aâes  feroient  à  l'inf- 
n  tant  fignés  du  fupérieur  ,  du  novice  ou  profès  , 
»  &  de  deux  de  fes  plus  proches  parens  ;  que  le 
n  regiftre  feroit  préfenté  à  Grégoire  pour  y  infcrire 
»  &  foufcrire  l'aâe  de  fa  ProfeiTion ,  fuivant  les 
»  conftitutions  de  la  congrégation  des  feuillans  ; 
»  &  en  cas  qu'il  en  fît  refus  ,  que  cet  a£le  feroit 
}j  infcrit  &  foufcrit  dans  ledit  regiftre  par  celui 
i>  qui  avoit  été  commis  par  le  père  général  poiir 
i>  recevoir  l'émiffion  de  fes  vœux,  &  de  deux  té- 
M  moins,  &  qu'il  y  feroit  fait  mention  de  la  com- 
»  munication  du  regiftre  faite  à  Grégoire  ,  ou  de 
»  fon  refus  w.  On  a  rapponé  plus  haut  les  difpofi- 
tions  de  larrét  intervenu  fur  l'appel  comme  d'abus 
de  cette  fentence. 

La  queftion  jugée  par  cet  arrêt  fe  renouvela  en 
1706.  Un  religieux  auguftin  avoit  fait  Profeflîon  le 
2  feptembre  1685;  on  s'étoit  contenté  d'en  faire 
une  fimpie  mention  fur  le  regiftre  du  couvent  , 
fans  y  faire  figncr  le  profès  ni  aucun  religieux  de 
la  maifen.  On  avoit  appelé  un  notaire  &  deux  té- 
moins pour  dreffer  procès-verbal  de  cette  Profef. 
1  fion.  Le  religieux  avoit  (igné  feul  avec  un  des  deux 


PROPFSSÎON  MONASTIQUE. 

témoins.  Le  notaire  &  l'autre  témoin  n'avoient 
point  figné.  Ce  moyen  &  quelques  autres  ayant 
déterminé  l'official  de  Reims  à  déclarer  Tes  vœux 
nuls  par  fentence  du  1 1  avril  1698  ,  Tes  parens  en 
interjetèrent  appel  comme  d'abus  ;  &  après  que  la 
caufe  eiJt  été  plaidée  folennellement  ,  M.  Portail , 
alors  avocat  général  ,  s'expliqua  en  ces  termes  : 
M  Le  défaut  de  formalités  dans  les  aftes  rapportés 
»  pour  établir  la  Profefiîon  de  l'intimé  ,  n'eft  d'au- 
»  cune  confidiraiion  ,  dès  que  cette  Profeffion  eft 
»»•  devenue  certaine  par  le  procès-verbal  du  no- 
»  raire  ,  figné  de  l'intimé,  &  qu'on  peut  regarder 
»  comme  un  certificat  non  fufpedl  de  fa  part ,  par 
>'  Tes  reconnoiiiances,  qui  fe  trouvent  écrites  dans 
»  fa  fupplique  au  pape  ,  &  dans  fon  interrogatoire 
>»  devant  l'official  de  Reims  ,  &  par  l'aveu  qu'il  en 
»  a  fait  publiquement  a  l'audience. 

5'  D'ailleurs  ,  il  efl  prouvé  par  ^un  compulfoire 
>»  des  regiAres  du  couvent  des  auguftins  de  la  ville 
»  de  Reirns  ,  que  les  autres  acfes  de  Profeffion  font 
»  dans  la  même  forme  que  celui  de  l'inumé;  fi  on 
»  donnoit  atteinte  à  fa  Profeffion  fur  ce  fonde- 
»  ment,  ce  feroit  ouvrir  les  portes  du  cloître  à  une 
»  infinité  de  religieux  qui  ne  font  pas  engagés  aii- 
»  trement  que  lui  ;  il  eft  feulement  important  de 
«  remédier  à  ce  dèfordre  ,  &  de  faire  une  loi  pour 
»  l'avenir  ». 

En  confi-quence  ,  par  arrêt  du  11  janvier  1706  , 
«  la  cour  dit  qu'il  n'y  a  abus  ,  &  ,  faifant  droit  fur 
»  le  réïjU'tlroive  du  procureur  général  du  roi,  en 
»  joint  aux  fuplrieur  &  religieux  du  couvent  des 
»  augurtins  de  Reims  ,  6i.  à  tous  autres  fupérieiir  & 
'>  religieux  des  monallères  ,  de  tenir  des  regiifres 
»  des  vêtures  &  Pro^effions  des  religieux  ,  confor- 
')  mément  aux  articles  15  Se  16  du  vingtième  tiire 
I»  de  l'ordonnance  de  1667  ,&  particulièrement  de 
>i  faire  figner  les  aftes  des  vêtures  Se  des  Profef- 
JJ  fions  par  les  novices  ,  les  fupérieurs  ,  6c  par 
»  deux  des  parens  ou  autres  pen'onnes  qui  auront 
»  été  préfentes  aux  vêturts  &  aux  Proteffions.  Et 
»  fera  le  préfent  arrêt  infcrir  dans  les  regiiires  du- 
î>  dit  monaiîère  des  auguftins  de  Reims ,  &  par- 
3)  tout  oii  befoinfera". 

La  même  difficulté  fe  préfenta  l'année  fuivante  , 
mais  dans  des  circonflanccs  particulières.  Sœur 
Elizabeth  le  Roux  ,  religieufe  de  la  Préfentation  de 
la  ville  d'Aire,  avoir  quitté  fa  maifon  &  apoftafié. 
Elle  attaquoit  fa  ProfeiTion  par  deux  moyens  ;  l'un 
ctoit  b  défaut  de  fignature  ,  tant  de  fa  part  que  de 
celle  de  la  fupérieure  &  des  témoins.  L'autre  étoit 
fondé  fur  ce  que  le  monaflère  ne  rapportoit  point 
les  titres  de  fon  établiffement.  M.  l'avocat  général 
Joly  de  Fleury  démontra  d'abord  la  néceitité  à'o- 
tliger  les  religieufes  à  juftifier  leur  exiflence  lé- 
gale en  titre  de  monaflère  ,  &  ,  paffiint  enfuite  à 
l'état  de  la  réclamante  ,  il  s'expliqua  de  cette  ma- 
nière: «  Nulle  fjgnature  de  la  fille  ,  nulle  figrrature 
m  de  la  fupérieure  ni  des  témoins  ;  rien  de  plus 
V  contraire  à  nos  ordonances.  On  ne  peut  donc 
s»  douter  qu'il  n'y  ait  de  l'irrégularité  pour  le  pafle , 


PROFESSION  MONASTIQUE.    767 

»  &  qu'il  faudroit  la  réparer  pour  l'avenir.  Cepen- 
"  dant  cela  ne  préjudicieroit  point  à  l'état  de  la 
»  fille  ,  fî  c'étoit  l'ufage  ,  8c  fi  tous  les  aéles  du  re- 
»  giftre  ttoicnt  de  même  ;  car  elle  ne  fe  défend  pas 
»  en  difant  qu'elle  n'a  pas  fait  profeffion  com.me 
»  les  autres  religieufes  i  mais  que  toutes  les  reli- 
"  gieufes  ne  font  point  véritablement  Pfofeffiofî. 
»  Or  elle  fe  met  dans  la  même  efpèce  que  les  au- 
"  très;  Se  fi  toutes  les  autres  l'ont  faite  de  même  , 
j>  comme  les  formalités  font  pour  affiirer  la  vérité , 
J»  lorfque  la  vérité  paroît  par  le  propre  aveu  de  la 
»  personne ,  la  formalité  ert  inutile  ;  inutile  de  fla- 
»  tuer  pour  l'avenir  ,  cela  préjudicieroit  pour  l'état 
"  du  monaflère.  Mais  pendant  cet  interlocutoire 
»  la  fille  efl  dans  le  public ,  il  y  a  danger  du  fcan- 
»  dale  ;  il  faut  donc  ,  en  attendant  la  preuve  de 
)>  l'exiiieriCe  Ivgale  des  religleui'es  de  la  Préfenta- 
»  tion  ,  lui  enjoindre  de  fe  retirer  dans  un  mo- 
»  naflers  qui  lui  fera  indique  par  l'évêque  de 
»  Saint-Omer ,  jufqu'à  ce  qu'autrement  il  en  ait 
»  été  ordonné  ». 

Nous  voyons  dans  le  journal  des  audiences ,  que 
ces  conclufions  ont  été  fuivies  par  arrêt  du  7  fé- 
vrier 1707.  Il  eft  pareillement  rapporté  par  Rouf- 
feau  de  la  Combe  avec  les  deux  précédens  ,  Se  cet 
auteur  en  tire  la  conféquence  fuivante:  «  Il  faut 
"  tenir  pour  maxime  ,  que  toutes  les  fois  que  des 
)»  aétesde  véture  ou  de  Profeffion  fe  trouvent  n'a- 
»  voir  pas  été  fignés  par  le  religieux  quia  pris  Iha- 
"  bit  &  qui  a  fait  Profeffion  ,  lorfque  fon  engage- 
"  ment  a  été  conftant  &  public,  lorfqu'on  ne  peut 
»  pas  répandre  d'équivoque  &  de  foupçcn  de 
"  fraude  fur  fa  Profeifion  ,  comme  il  arrive  lorf- 
"  quelle  a  été  fuivie  d'une  Profeffion  qui  affi;;e 
"  l'état  du  religieux  ;  on  ne  doit  point  l'admettre  à 
n  réclamer  ,  fous  ce  vain  prétexte  ,  contre  fon 
n  état ,  Si.  à  fe  dégager  contre  la  foi  de  fon  enga- 
»  gement  S'il  en  étoit  autrement  ,  les  monaftères 
»  Se  les  religieux  feroient  les  maîtres  de  porter  le 
»  trouble  dans  les  familles  quand  bon  leur  fem- 
j>  bleroit  ». 

Si  cependant  au  défaut  de  fignature  fe  joi»noit 
un  défaut  de  preuve  que  l'aéle  de  Profeffion  fût 
l'ouvrage  de  celui  qu'on  prétend  être  religieux  ,  il 
faudroit  regarder  fes  vœux  ,  finon  comme  nuls 
au  moins  comme  non  exiftans.  L'auteur  de  la  bi- 
bliothèque canonique  ,  tome  2  ,  page  269 ,  dit 
qu'on  l'a  ainfi  jugé  par  arrêt  du  parlement  de  Paris 
en  faveur  d'un  religieux  de  Saint-Denis.  Ceft  aufti 
l'efpéce  Se  la  décifion  d'un  arrêt  célèbre  du  7  fep- 
tembre  1763  ,  rendu  au  grand  confeil  entre  l'ordre 
de  CbirvauxSe  la  dame  de  Launay. 

Balthazar  Caftille  étoit  entré  ,  le  16  juillet  1713  ^ 
au  noviciat  de  l'abbaye  d'Orval  ,  ordre  de  Clair- 
vaux,  diocéfe  de  Luxembourg;  le  19  oflobre  do 
la  même  année  ,  il  avoir  pris  l'habit ,  Se  on  préten- 
doit  qu'il  avoit  prononcé  des  vœux  le  premier  no- 
vembre 1717.  On  ajoutoir,  qu'il  étoit  refté  dans 
ce.te  abbaye  jufqu'en  1725;  on  rapportoit  même 
quatre  pièces  pour  le  prouver,  Les  deux  premières 


778     PROFESSION  MONASTIQUE. 

étoient  des  délibérations  capitulaires  des  14  mai 
1721  &  3  août  \y^^ ,  auxquelles  il  avoit  alTiftc  en 
qualité  de  religieux  ,  &  qu'il  avoit  fignées  en  cette 
forme  ,  £.  Balthafar  CajlilU  ,  clerïcus.  La  troirième 
étoit  un  extrait  e-oUationné  du  procès-verbal  d'une 
vifite  faite  dans  Tabbayc  d'Orval  par  l'abbé  de 
Clairvaux  ,[631  juillet  1722.  La  quatrième  étoit 
un  jugement  prononcé  contre  Baltnafar  Cafliile  , 
nouvellement  fugitif,  par  le  commiffaire  apoftoli- 
que  ,  dans  le  cours  de  fa  vifite  ,  commencée  le  14 
feptembre  1725. 

Caftille  ayant  ainfi  abandonné  îon  cloître  ,  fe 
retira  à  Paris,  s'y  fit  connoîtte  avantageufement 
par  fon  travail  dans  le  commerce  ,  &  époufa  ,  le  6 
octobre  1744,  Catherine  Michelle  Peuchet  ,  avec 
laquelle  il  vécut  en  paix  jufqu'en  17^0.  A  cette 
époque  ,  Caftille  fut  arrêté  6c  conduit  à  Orval ,  en 
vertu  d'un  ordre  du  roi  obtenu  par  l'abbé  de  Clair- 
vaux  ,  &  il  y  mourut  dans  un  cachot  le  27  mars 
175 1. 

Son  époufe  ne  fut  pas  mieux  traitée  que  lui  :  en- 
fermée d'abord  à  fainte  Pélagie  ,  elle  n'en  fonit 
qu'après  une  captivité  de  trois  ans.  Alors  fe  pré- 
fenra  pour  l'époufer  un  jeune  homme  nommé  de 
Launay  ,  à  qui  elle  n'apporta  pour  dot  que  fes  mal- 
heurs &  l'efpérance  de  s'en  faire  indemnifer. 

Le  30  avril  1762  ,  les  deux  époux  donnèrent  re- 
quête au  châtelet ,  &  firent  aiïigncr  les  abbé  &:  reli- 
gieux de  la  filiation  de  Clairvaux,  dans  la  perfonne 
de  leur  procureur  général  à  Paris.  L'abbéde  Clair- 
vaux fe  préfenta  fur  cette  afllgnation  ,  comme  fu- 
périeur  immédiat  de  l'abbaye  d'Orval ,  &  fit  évo- 
quer l'affaire  au  grand  confeil.  Là  ,  il  prétendit  que 
Caftille  étoit  moine  ,  qu'il  s'ctoit  rendu  coupable 
du  crime  d'apoftafie  ,  que  fes  fupérieurs  l'avoient 
jugé,  que  la  dame  de  Launay  ne  pouvoir  pas  être 
recevable  à  critiquer  les  ordres  donnés  par  le  roi 
pour  afliirer  l'exécution  d'un  jugement  émané  d'une 
autorité  légitime.  Il  rapporta  même  le  parchemin 
fur  lequel ,  difoit-il ,  "  Balthafar  Caftille  a  écrit  de 
»»  fa  propre  main  les  vœux  qu'il  a  prononcés  ,  & 
»  qu  il  a  dépofé  fur  l'autel ,  après  y  avoir  appofé 
"  un  figne  de  croix,  conformément  à  la  règle  de 
»  faint  Benoît  &  à  l'ufage  de  l'abbaye  d'Orval .... 
"  La  dame  de  Launay  ,  ajoutolt-il ,  feroit-elle  fon- 
«  dée  à  révoquer  en  doute  l'écriture  de  l'adle  de 
«  ProfefTion  ?  Au  premier  afpeâ,  cette  écriture  pa- 
»»  roît  être  la  même  que  celle  mife  au  bas  des  ac- 
i»  tes  capitulaires  de  1721  &  1722,  qu'elle  recon- 
"  noît  ;  d'ailleurs  ,  la  dénégation  verbale  qu'elle  en 
>»  a  faite  n'a  point  d'objet  réel,  foit  parce  que  le  dé- 
■>*  faut  de  formalité  n'annuUe  pas  un  a£le  de  Pro- 
>•  feflion  ,  foit  parce  que  cet  a61e  de  Profeffion  n'eA 
j>  point  une  pièce  ifolée  ,  &  qu'elle  eft  foutenue 
«  de  l'infcription  fur  les  regiftres  ,  d'une  réfidence 
>>  pendant  l'efpace  de  plus  de  dix  années  dans  la 
»  maifon  en  qualité  de  religieux,  &d'iine  identité 
»  de  perfonna  ,   prouvée  par  l'identité  du  nom  , 
»  de  rage  ,  &   de  l'origine.   Toutes  ces  preuves 
3»-  raffemblées  ne  laiflent  aucune  obfcurité  ». 


PROFESSION  MONASTIQUE. 

^  Le  défaut  de  fignature  eft  une  nullité  radicale; 
répliquoit  la  dame  de   Launay.  L'engagement  du 
religieux  n'eft  réel  qtie  par  fa  volonté  expreffe  de 
le  contraâer.  Sa  volonté  ne  peut  être  certaine  que 
par  un  écrit  où  il  l'ait  manifeftée.  Cet  écrit,  qui  ren- 
ferme fon  confentement ,  ne  peut  avoir  aucune  cer- 
titude ,  s'il  n'efl  au  moins  figné  de  lui.  Ce  n'efl 
point  la  formule  de  l'afle  de  Profefîion  qui  fait  fon 
engagement,  c'efl  la  fignature  qu'il  appofe  à  cette 
formule  ;  c'eft-là  l'exprefTion  de  fa  volonté  ;  c'cf^-là 
le  lien  qui  l'enchaîne  aux  yeux  des  hommes.  Sans 
cette  fignature,  cette  formule  ne  lui  appartient  pas 
plus  qu'à  tout  autre  ,  ou  plutôt  elle  ne  renferme 
l'engagement  de  perfonne.  Qu'elle  foit  écrite  de  fa 
main  ,  qu'elle  ne  le  foit  pas,  cette  circonflance  eft 
indifférente    pour  î'exiftence  de  l'engagement  & 
pour  fa  preuve.  Le  religieux  a  pu  l'écrire  comme 
un  projet ,  comme  un  modèle  ,  avec  l'intention  de 
la  prononcer  &  de  la  figner  ,  ou  fans  cette  inten- 
tion ;  il  a  pu  l'écrire  dans  un  moment  de  ferveur  ; 
&  bientôt  après ,  confidérant  les  fuites  de  ion  fa- 
crifice,  il  aura  refufé  de  le  confommcr.  Mais,  en 
un  mot ,  de  quelque  manière  qu'il  l'ait  écrite ,  cette 
formule  n'a  pu  devenir  fa  Profeftîon  qu'au  moment 
qu'il  l'a  fignée.  Les  a6fes  les  moins  importans  ,  les 
engagemens  les  plus  légers,  font  nul?  &.  fans  au- 
cun effet ,  s'ils  ne  font  munis  de  la  fignature  des 
àcnx  parties  qui  contraient ,  ou  de  celle  des  offi- 
ciers publics  qui  fignent  pour   elles  :  &  l'engage- 
ment en  religion  pourroit-il  être  réel  &  jugé  tel, 
lorfqu'on  ne  voit  pas  l'exprsfflon  de  la  volonté  du 
religieux  dans  la  formule  de  cti  engagement  ?  Il 
n'y  a  réellement  pas  d'autres  moyens  de  certitude 
dans  cette  matière. 

Auffi  les  lois  des  princes  ,  celles  de  l'églife  ,  les 
lois  étrangères,  comme  les  lois  nationales  ,  les 
lois  même  propres  à  l'ordre  deCîteaux,  fe  réunif- 
fent  pour  exiger  cette  fignature,  comme  la  feule 
preuve  authentique  d'une  Profelfion  réellement 
confommée.  Les  canons  du  concile  de  Tours,  tenu 
en  1 583  ,  du  concile  de  Bourges ,  tenu  l'année  fui- 
vante  ,  exigent  cette  fignature.  Per  abbatem  ipfum- 
que  voventcm ,Jîgnan  mandamus ,  porte  le  con- 
cile de  Tours  ;  Se  le  concile  de  Bourges  ,  plus  at- 
tentif encore  ,  veut  qu'il  y  ait  entre  les  mains  de 
l'évêque  un  regiftre  où  les  Profeffions  foient  infi- 
nuées. 

La  règle  de  faint  Benoît ,  qui  eft  la  loi  de  l'ab- 
baye d'Orval ,  renferme  les  mêmes  difpofitions. 
Novitius  Jignumfaciat.herïtuQÏ  de  Cîteaux  ,  livre 
6,  chapitre  4  ,  les  renouvelle  &  les  confirme  :  il 
ordonne  que  la  Profefîion  foit  écrite  fur  un  papier 
(  car  le  parchemin  prête  trop  aux  altérations  )  ,  & 
fignée  de  la  propre  main  de  celui  ^ui  fait  fes  vaux  , 
avec  fon  nom&'  furnom.  Enfin  le  décret  folennel  du 
chapitre  de  Cîteaux  ,  en  1672  ,  exige  expreffément 
la  fignature  fur  la  formule  de  ProfefTion  ,  ad  calcem 
formula  Profejfwnis  fuhfcripta  à  novitiis  profittnti- 
bus  ;  &  de  plus  ,  «  ordonne  qu'il  f©it  tenu  dans 

chaque 


PROFESSION  MONASTIQUE. 

*>  chaque  inaifon  un  regiftre  fiir  lequel  foient  por- 
»  tees  toutes  les  Profelfions  qui  feront  foufcrites 
J>  en  outre  de  l'abbé  ou  autre  qui  les  recevra,  des 
»  parens  &  des  témoins  t). 

Après  des  lois  fi  précifes  ,  fi  folennelles ,  une 
formule  qu'on  prétendoit  écrite  par  Balthafar  Caf- 
tille  ,  &  qui  n  etoit  fignée  ni  de  lui  ni  de  perfonne  , 
pouvoit-elle  être  regardée  comme  une  vraie  Pro- 
itflion  ?  Sachant  écrire  ,  auroit-il  fait  une  fimple 
croix  ?  Ayant  écrit  tout  l'aile  ,  &  voulant  réelle- 
ment faire  Proftflîon ,  n'auroit-il  pas  appofé  à  cet 
a61e  ,  par  fa  fignature ,  le  fceau  ,  le  caraflère  ,  le 
feul  témoignage  de  fa  volonté?  Cetade,  tranfcrit 
fur  le  rtgiftre  ,  n'y  avoit  pas  été  figné  davantage. 
Efl-ce  ainfi  qu'on  enchaîne  des  hommes  par  d'in- 
diffolubles  liens  ?  Loin  de  nous  ,  difoit-on  ,  ces 
étranges  hypothèfes  oi;  on  fe  joue  ainfi  de  la  li- 
berté humaine  ,  au  point  de  la  faire  dépendre  du 
plus  informe  des  asfles  ,  ou  plutôt  d'un  écrit  qui 
n'eft  pas  même  un  aile.  La  toi,  les  tribunaux  ne 
connoiffent  ni  les  préfomptions,  ni  les  conjedures , 
il  leur  faut  des  preuves,  &  ici  on  n'en  apperçoit 
aucune.  Encore  une  fois  ;  une  formule  de  vœu  , 
écrite  dans  un  moment  de  ferveur  ,  fi  on  veut ,  ou 
d'aliénation  ,  ou  de  furprife  ,  ou  d'erreur  ,  n'cfl 
point  un  engagement  ,  tant  que  ,  par  défaut  de 
fignarure,  elle  efi  rcftée  fimple  projet  ;  &  de  cette 
formule  à  l'engagement  formé  &  prouvé  par  la 
fignature  feule ,  il  y  a  la  même  diftance  que  du  no- 
viciat à  la  ProfelTion. 

Ainfi  parloit  le  dèfenfeur  de  la  dame  de  Launay. 
M.  de  la  Briffe  ,  avocat  général  ,  mit  fes  raifons 
dans  un  nouveau  jour.  Si  Balthafar  Caftille  ,  dif:;it 
ce    magiftrat  ,    fe  préfentoit   aujourd'hui    devant 
vous  ,  non  pas  pour  réclamer  contre  la  validité  de 
fes  vœux,  mais  pour  nier  qu'il  eût  fait  ProfelTion  ; 
fi ,  pour  l'en  convaincre ,  les  religieux  lui  reprc- 
fcntoient  un  aâe  qui  ne  fût  figné  de  perfonne,  un 
regirire  qui  ne  fût  figné  de  perfonne  ,  pourriez- 
vous  le  précipiter  dans  le  cloître?  Quand  il  con- 
viendrort  qu'il  a  écrit  de  fa  main  une  formule  de 
vœux,  que  pourroit-on  en  conclure  ?  Qu'il  a  pro- 
noncé des   vœux  ,  qu'il  eft  religieux  ?  Mais  l'aiîle 
qu'un  particulier  copie  fans  le  figner  ,  ne  l'engage 
point  à  l'exécuter.  C'eft  ,  diroit  Cailille  ,  parce  que 
j'ai  écrit  cette  formule  de  ma  main  fans  la  figner  , 
parce  que  ni  moi  ni  perfonne   n'avons  pas  plus 
ligné  fur  le  regiftre  ,  qu'il  eft  évident  que  je  n'ai 
jamais  fait  Profeffion  ni  faitufage  de  cette  for- 
mule ,  puifque  la  règle  même  &  les  lois  fpéciïles 
de  l'ordre  me  prefcrivoient  ,  à  moi  qui  aurois 
voulu  l'embrafTer ,  à  vous  qui  m'y  auriez  reçu  ,  de 
la  figner.  Mais   fi  Balthafar  Cailille  fe  préfentoit 
comme  forti  du  monaftère  depuis  vingt-fixans, 
comme  marié  publiquement  depuis  lept  ans,  pour- 
riez-vous  ,  fur  de  tels  aiHes ,  déclarer  fon  mariage 
nul,  fon  union  facrilége,  &  ne  voir  en  lui  qu'un 
apoftat  ?  — On  oppofe  i'ufage  particulier  de  l'ab- 
baye d'Orval  :   mais  quelles  font  les  preuves  de 
cet  ufage  abufif  ?....  D'ailleurs ,  on  convient  qu'il 
Tome  XIII. 


PROFESSION  MONASTIQUE.    76^ 

a  fini  en  1716,  &  qu'à  cette  époque  on  a  obligé 
tous  les  nouveaux  profès  de  l'abbaye  d'Orval  de 
figner  les  aéles  d'émiffion  de  leurs  vœux.  D'après 
cela,  pour  que  la  Profeffion  de  Caftille  eût  quel- 
que ombre  de  certitude,  il  faudroit  donc  être  sûr 
de  fa  date.  Si  cette  formule  de  vœux  eft  d'un  temps 
pollerieur  à    1716 ,  Caftille  ne  s'efl  donc  pas  en- 
gagé ;  car  alors  on  fignoit  tous  ces  adtes.  Or ,  la  pré- 
tendue date  de  1 714  eft  en  chiffres  dans  la  formule 
qu'on  rapporte  ;&  de  ces  chiffres  ,  les  deux  unités 
offrent  une  forme  fingulière  ,  6c  qui  femble  ne  fe 
trouver  dans  les  deux  que  parce  qu'elle  eft  nécef- 
faire  à  l'autre  ;  fans  quoi  on  liroit  peut  être  1724. 
Elle  eft  placée  dans  un  endroit  où  le  parchemin  eft: 
viiiblement  gratté  &  corrodé  ,&  où  on  lit  encore 
le  nom  de  l'abbé  qui  devoit  exifter  alors.  —  Li 
durée  même  du  fejour  de  Caftille  dans  l'abb.Tye 
d'Orval ,  n'eft  donc  pas  certaine  ,  &  la  poffeft*iOfi 
de  dix  années ,  dont  les  religieux  fe  font  un  moyen  , 
leur   échappe  encore    par  l'altération    vifible    de 
cette  date  fi  importante. 

Par  arrêt  du  7  feptembre    1763  ,  rendu    après 
une  piaidoierie  de  huit  audiences  âc  un   délibéré  , 
le  grand  confeil  ,  vengeant  à- la  fois  les  outrages 
faits  à  Balthafar  Caftille  &  à  fon  époufe,  &  jugcanc 
par  conféquent  que  le  premier  n'avoir  point  été 
religieux  ,  «  condamne  la  partie  de  Doulcet(  abbé 
"  de  Clairvaux  )  ù  30000  1.  de  dommages  intérêts 
>»  envers   Catherine-Penchet ,   l'une  des  parties  de 
»  Gerbier  ;   condamne  en  outre  ladite  partie  de 
»  Doulcet  à  pareille  fomme  de  30000  1.  de  doni- 
"  mages-intérêts  envers  les  parties  de  Gerbier  ,  fti- 
'»  pulant  pour  Reine  Michclie  Caftille  ;  de  laquelle 
»   fomme  de  30000  1.  fera  fait  emploi  au  profit  de 
'»  ladite  Reine  Michelle  Caftille.  Faifant  droit  fur 
>'  les  conclufions  du  procureur  général ,  ordonne 
»  que  l'abbé  de  Clairvauxik  tous  les  fupérieurs  de 
>'  l'ordre  de  Cîteaux  feront  tenus  de  faire  exécuter 
»  la  définition  du  chapitre  général  dudit  ordre  de 
»  l'année  1672  ,  au  fujet  des  fignatures  fur  les  re- 
»  giftres  &  au  bas  des  aétes.d'tmùfion  des  vœux , 
"  tant  des  novices  que  du  fupérieur  qui  reçoit  les 
»  vœux,  6c  des  témoins  :  ordonne  pareillement 
»  que  les  ai^es  d'émiflion  des  vœux  qui  feront  mis 
»  fur  l'autel  par  les  novices  ,  (eront  écrits  furpa.^ 
'»  pier,&  non  fur  parchemin,   8c  que  les  dates 
n  des  jours  ,  mois  8c   ans  defdits  aftes  ,  feront 
'>  «crites  en  toutes  lettres  6c  non  en  chiffres  :  per- 
»  met  aux  parties  de  Gerbier  de  faire  imprimer  le 
»  préfent  arrêt  aux  frais  de  la  partie  de  Doulcet, 
5>  jufqu'a  concurrence  de  cent  exemplaires  :  con» 
j>  damne  la  partie  de  Doulcet  à  tous  les  dépens  ».' 
'V.  On  peut  conclure  de  tout  ce  que  nous  avons 
dit  jufqu'à  préfent,  que  la  Profeffion  monaftique 
ne  pourroit  pas  fe  prouver  par  téraoins.  C'eft  ea 
effet  ce  qu'a  jugé  un  arrêt  du  parlement  de  Greno- 
ble du  7  avril  1661  ,  entre   le  feigneur  du  Puy- 
faint-MartJn  ,  &  le  baron  de  la  Garde  :  on  voit 
dans  Chorier  fur  Guy-Pape  ,  page  18'  ,  6c    dans 
Baffet ,  tome  1  ,  livre  i ,  titre  ^ ,  cî.aoitre  ao  ,  qu'ij 

E  e  e  e  e 


770     PROPESSION  MONASTIQUE. 

a  été  rendu  au  fujet  d'une  Profeflîon  dans  Tordre 
de  Mahhe.  Bardet  en  rapporte  un  femblable  du 
parlement  de  Paris  ,  en  date  du  4  décembre  1629. 

Cette  jurifprudence  admet  cependant  Quelques 
exceptions.  Voyez  les  articles  Légitimité,  Ma- 
riage ,  Etat,  Filiation  ,  Nom  :  les  principes 
font  les  mêmes  fur  ces  matières  que  fur  rémilTion 
des  vœux. 

§.  IV.  y4  qui  appartient  le  pouvoir  de  connoître  de 
la  validité  ou  nullité  des  vœux  monajliques  ? 

Cette  queftion  doit  être  confidérée  fous  deux 
rapports  ,  favoir  ,  des  juges  laïcs  aux  juges  d  eglife, 
&  des  juges  eccléfiaftiques  féculiers  aux  fupèrieurs 
réguliers  des  monaftères, 

1.  Le  vœu  folennel  intéreffc  autant  l'état  que 
réglife,  6c,  par  cette  raifon  ,  il  devroit  être  fou- 
mis  à  l'autorité  fimultanéc  des  tribunaux  féculiers 
&  des  juges  eccléfiafliques.  Cependant ,  comme  le 
lien  fpi rituel  6l  l'obligation  de  confcicnce  qu'il 
renferme  ,  en  font  le  principal ,  &  que  fes  ii>fluen- 
ces  fur  les  eflets  civils  n'en  font  que  l'accefToire  ,  il 
a  paru  jufte  d'en  lailTer  la  connoiiTance  à  l'églife. 
On  fait  d'ailleurs  que  la  diftinélion  du  vœu  funple 
d'avec  le  vœu  folennel ,  &  la  perpétuité  de  celui- 
ci  ,  ont  été  établies  dans  un  temps  où  la  puiffance 
eccléfiaftique  étoit  fort  étendue  ;  &  on  font  qu'une 
fois  faifie  d'une  juridi<51ion  entière  fur  ces  objets  , 
elle  a  dû  la  conferver  fans  peine  &  fans  ellorts. 
Les  ordonnances  mêmes  de  nos  fouverains  la  lui 
ont  toujours  confirmée.  Celle  de  1539  y  eft  pré- 
cife,  &  l'aràcle  54  de  l'édit  de  1695  en  renouvelle 
ccpreflément  la  difpofition.  Voici  comme  il  eft 
conçu  :  «  La  connoiflance  des  caufes  concernant 
M  les  facremens  ,  les  vœux  de  religion  ,  l'office  di- 
»  vin  ,  la  difcipline  eccléfiaftique  ,  6c  autres  pure- 
f>  ment  fpirituelles  ,  appartiendra  aux  juges  d'é- 
»  glife.  Enjoignons  à  nos  officiers  ècmème  à  nos 
)>  cours  de  parlement,  de  leur  laiffer  6c  même  ds 
j)  leur  renvoyer  la  connoiflance  des  affaires  de 
n  cette  nature  ». 

Il  y  a  cependant  un  cas  où  les  cours  fouveraines 
peuvent  en  connoître;  c'eft lorfqu'il  y  a  un  appel 
comme  d'abus  porté  devant  elles  :  ceci  arrive 
quand  il  fe  trouve  dans  la  Profefîion  des  nullités 
fondées  fur  les  canons  ou  les  ordonnances  ;  car  les 
officiers  laïcs  font  les  protefteurs  des  uns ,  6c  les 
exécuteurs  nhs  des  autres.  Auffi  l'article  cité  de 
l'édit  de  1695  ajoute-t-il  à  fa  difpofition  l'excep- 
tion fuivante  :  «hSi  ce  n'eft  qu'il  y  eiJt  appel  comme 
«  d'abus  interjeté  en  nofdites  cours  de  quelque 
y>  jugement,  ordonnance  ou  procédure  faite  fur 
«  ce  fujet  par  le  juge  d'églife  ». 

François  le  Jariel  s'étant  pourvu  à  l'officialité 
du  Mans  contre  les  vœux  qu'il  avoit  prononcés 
dans  l'ordre  de  faint  Benoît  avant  l'âge  de  feîze  ans , 
fut  déclaré  non-recevable  dans  fa  demande  en  en- 
térinement du  bref  qu'il  avoit  obtenu  à  Rome.  Il 
interjeta  appel  comme  d'abus  de  la  fentence,  6c  le 
7  juillet  1682  ,  il  obtint,  furies  condufions  de  M. 


PROFESSION  MONASTIQUE. 

l'avocat  général  Talon ,  un  arrêt  qui  porte  :  «  La 
»  cour....  dit  qu'il  a  été  mal ,  nullement  6c  abufi- 
V  vement  procédé  ,  ftatué  6c  ordonné  ;  déclare 
»  nulles  les  deux  Profeffions  de  l'appelant  faites 
»  contre  les  ordonnances ,  en  conféquence  le  rend 
)»  capable  des  effets  civils  ».  Les  agens  généraux 
du  clergé  fe  font  pourvus  en  cafl'ation  contre  cet 
arrêt;  leur  moyen  étoit  que  le  parlement  devoir 
fimpiement  dire  qu'il  y  a  abus,  fans  aller  julqu'à 
déclarer  les  vœux  nuls.  Sur  leur  pourfuite  ,  le 
confeil  a  rendu,  le  3  juillet  1685,  un  arrêt  dont 
voici  le  difpofitif  :  «  Le  roi  en  Ton  confeil,  faifant 
»  droit  fur  le  tout,  a  caffé  6c  annullé,  cafle  & 
»  annulle  ledit  arrêt  du  parlement  de  Paris  du  7 
"  juillet  1682  ,  en  ce  que  par  icelui  ledit  François 
»  le  Jariel  eft  rendu  capable  des  effets  civils  ;  fait 
I»  fa  majefté  dêlenfes  audit  le  Jariel  de  fe  fervir 
»  dudit  arrêt  en  ce  chef,  fauf  à  lui  à  fe  pourvoir  par 
»  appel  fimple  pardevant  les  juges  fiip'rieurs  ec- 
»  ciefiaftiques  ,  fur  la  prétendue  nullité  de  fes 
i>  vœux  ,  ainfi  qu'il  avifera  bon  être  :  enjoint  fa 
»  majefti  auxdits  juges  eccléfiaftiques  de  juger  ledit 
»  appel  conformément  à  l'article  28  de  l'ordon- 
»  nance  de  Blois  ,  6c  au  furplus  fera  ledit  arrêt 
»  exécuté  félon  Ta  forme  6c  teneur  ». 

Il  y  a,  fans  contredit,  trop  de  fubtilitê  dans 
cette  décifion.  «  Je  ne  vois  pas  ,  dit  Denilart ,  fur 
»  quel  fondement  un  arrêt  qui  avoit  déclaré  nuls 
j>  6c  abufifs  des  vœux  faits  avant  feize  ans  ,  contre 
»  la  difpofition  des  ordonnances  ,  a  pu  être  caffé  ; 
))  puifque  dès  que  le  roi  peut ,  par  fes  ordonnan- 
»  ces  ,  empêcher  que  des  vœux  ne  foient  faits 
»  avant  un  certain  âge  ,  le  parlement ,  à  qui  l'exé- 
»  cution  des  ordonnances  eft  confiée ,  peut  6c  doit, 
»  par  une  conféquence  néceffaire ,  déclarer  nuls 
»  Ik.  abufifs  les  vœux  faits  prématurément  avant 
»  l'âge  prefcrit  par  les  ordonnances  i>. 

L'édit  ùa  mois  de  mars  1768  confirme  cette  opi- 
nion ,  6c  l'érigé  en  loi  expreffe  :  «  Voulons  ,  porte- 
»  t-il ,  que  les  Profeffions  qui  feront  faites  avant 
»  ledit  âge ,  foient  déclarées  nulles  6c  de  nul  ef-: 
j)  fet  ,  par  les  juges  qui  en  doivent  connoître  , 
»  même  déclarées  par  nos  cours  de  parlement  nul' 
Il  hmeni  &  abufivement  faites  ,  fur  les  appels  comme 
»  d'abus  qui  pourroient  être  interjetés  en  cette 
»  matière  ». 

On  remarque  le  même  efprit  dans  deux  arrêts 
du  grand  confeil  des  7  avril  1700  6c  6  juin  1706. 
La  nommée  RoncKivolle  fe  prétendoit  religieufe 
profeffe  de  l'abbaye  de  Salles  ,  dépendante  de 
l'ordre  de  Cluni.  Une  ordonnance  des  fupèrieurs 
réguliers,  du  14  feptembre  1699  ,  ayant  déclaré 
fa  Profeffion  nulle  ,  elle  s'en  rendit  appelante 
comme  d'abus.  De  leur  côté  ,  les  religieufes  de  Sal- 
les 6c  le  procureur  général  de  l'ordre  de  Cluni  in- 
terjetèrent un  femblable  appel  d'une  ordonnance 
du  vifiteur  du  3 1  mai  précédent ,  qui  avoit  commis 
un  certain  Don  Perreau  ,  pour  recevoir  la  Profef- 
fion  de  la  RonchivoUe  ,  enfemble  de  tout  ce  qui 
s'en  étoit  enfuivi.  Par  le  premier  des  arrêts  cités  , 


PROFESSION  MONASTIQUE. 

le  grand  confeil ,  «  en  ce  qui  touche  l'appellation 
»>  de  la  Ronchivolle  ,  dit  qu'il  n'y  a  d'abus  ;  &  en 
«  ce  qui  touche  les  appellations  des  religieufes  de 
j>  Salles  &  du  procureur  général  de  l'ordre  de 
»  Cluni ,  dit  qu'il  y  a  abus  ». 

Au  mois  d'avril  1706,  la  Ronchivolle  obtint 
en  cour  de  Rome  un  bref  appellatoire  de  l'ordon- 
nance du  14  feptembre  1699:  les  religieufes  de 
Salles  appelèrent  comme  d'abus  ,  tant  de  l'obten- 
tion que  de  l'exécution  de  ce  bref.  Il  forme ,  di- 
foient-elles  ,  un  attentat  à  l'autorité  des  cours  fou- 
yeraines;  on  ne  peut  fe  pourvoir  pardevant  les 
juges  d'églife  ni  à  Rome  pour  faire  juger  de  nou- 
veau ce  qu'elles  ont  déclaré  abufif.  La  Profeffion 
de  la  Ronchivolle  eft  déclarée  nulle  par  l'arrêt  du 
7  avril  1700  ,  il  ne  refte  donc  plus  rien  à  juger. 

On  répondoit  pour  la  Ronchivolle  :  Que  de- 
mande-t-elle  ?  Qu'il  lui  foit  permis  de  prouver  par 
les  voies  de  droit  que  fa  Profeffion  eA  valable  ; 
l'arrêt  n'a  rien  préjugé  à  cet  égard.  A  la  bonne 
heure  qu'il  y  ait  abus  dans  l'ordonnance  du  vifi- 
teur  ,  &  qu'il  n'y  en  ait  point  dans  l'aftc  qui  caffe  fa 
Profefiîon  ;  il  ne  fuit  pas  delà  que  fa  Profeffion 
foit  nulle.  Elle  a  été  reçue  par  don  Perreau  ,  qui  , 
en  qualité  de  prieur  ,  avoit  un  pouvoir  fuffifant  ; 
celui  que  le  vifiteur  lui  a  donné  étoit  inutile.  L'ar- 
rêt a  jugé  feulement  que  cette  ordonnance  ,  dont 
le  prieur  n'avoit  pas  befoin  ,  emportoit  avec  elle 
un  caraâère  de  contravention  ;  mais  il  n'a  pas  en- 
rendu  priver  fœur  Ronchivolle  de  l'appel  fimple. 
Il  faudroit  qu'on  montrât  une  demande  précife , 
un  appel  comme  d'abus  formellement  interjeté  de 
fa  Profeffion.  Or ,  perfonne  n'avoit  interjeté  cet 
appel  ;  la  Profeffion  eft  reftée  dans  fon  entier  ;  le 
grand  confeil  n'étoit  pas  en  état  d'y  ftatuer  ,  non- 
leulement  parce  qu'il  n'eft  pas  juge  de  ces  caufes 
purement  eccléfiaftiques  ,  mais  parce  qu'il  n'y 
avoit  pas  de  demande. 

M.  Benoît  de  Saint-Port ,  avocat  général  ,  dit  : 
M  Le  point  décifif  eft  que  ,  lors  de  l'arrêt  de  1700  , 
»  les  religieufes  étoient  appelantes  comme  d'abus 
«  de  l'ordonnance  du  vifiteur,  &  de  ce  qui  s'en 
'>  étoit  enfuivi;  or,  la  Profeffion  étoit  ce  oui  avoit 
»  fuivi,  &  ce  qui  par  conféquent  étoit  compris 
»  dans  l'appel  comme  d'abus.  Si  le  confeil  avoit 
M  dit  qu'il  y  a  abus  dans  l'ordonnance  du  30  mai , 
M  on  pourroit  infmuer  que  le  confeil  n'a  pas  jugé 
»  la  Profeffion  ;  le  confeil  prononce, en  ce  qui  tou- 
y>  che  les  appellations  ,  le  confeil  dit  qu'il  y  a  abus, 
M  c'eft-à-dire  dans  l'ordonnance  &.  dans  la  Profef- 
«  fion.  D'ailleurs ,  cette  Profeffion  étoit  radicale- 
>>  ment  nulle  ;  il  n'y  a  point  d'émiffion  de  vœux  ; 
»  il  faut  qu'elle  foit  écrite  fur  le  regiftre  de  la  com- 
w  munauié.  Après  une  meffie  conventuelle  ,  on 
M  fait  un  procès-verbal  d'une  Profeffion  êmife  ; 
«  c'eft-là  la  forme.  Le  confeil  peut  bien  penfer 
ï>  que  s'il  n'y  avoit  pas  eu  un  appel  comme  d'a- 
»  bus  ,  nous  n'aurions  pas  manqué  de  l'interjeter 
»  d'office  11. 

Sur  ces  réflexisns ,  arrêt  du  6  juin  1706,  qui 


PROPESSION  MONASTIQUE.     771 

dit  qu'il  y  a  abus  dans  l'obtention  &  exécution  du 
refcrit;  condamne  la  Ronchivolle  aux  dépens.  On 
trouve  dans  Brillon  tous  les  détails  de  cette  affaire. 
Quelques  auteurs  prétendent  que  les  cours  fou- 
veraines  font  tellement  reftreintes ,  en  cette  ma- 
tière ,  au  feul  pouvoir  de  dire  qu'il  y  a  ou  qu'il  n'y 
a  {as  abus,  qu'elles  ne  peuvent ,  en  confirmant  de 
cette  manière  une  Profeffion  ,  enjoindre  aux  reli- 
gieux dont  elles  profcrivent  la  réclamation  ,  de  fe 
retirer  dans  fon  couvent;  c'eft  ce  que  penfe  entre 
autres  le  célèbre  d'Héricourt.  Après  avoir  cité  l'ar- 
rêt du  confeil  du  3  juillet   1685  '  rapporté  plus 
haut,  il  ajoute:  «  C'efl  pourquoi  quand  il  y  a  un 
»  appel  comme  d'abus  d'une  fentence  d'officialité, 
»  qui  déclare  nulle  une  Profeffion  ,  le  parlement 
»  ne  peut  rien  faire  autre  chofe  ,  que  de  dire  qu'il 
"  y  a  abus ,  fi  la  fentence  efî  abufive  ,  &  renvoyer 
»  les   parties  devant  le  juge  eccléfiaflique ,  pour 
»  obliger  le  religieux  à  rentrer  dans  fon  cloître  ». 

Cette  doflrine  a  même  été  fuivie  au  parlement 
de  Paris  lors  de  l'arrêt  du  11  janvier  1706  ,  dont 
nous  avons  rendu  compte  ci-devant  ,  d'après  Au- 
geard.  «  Il  faut  remarquer  ,  dit  cet  auteur,  que  la 
»  cour  n'ordonne  point  que  frère  le  Loyal  ren- 
i>  trera  dans  fon  couvent ,  quoique  l'avocat  de» 
"  appelans  l'ait  demandé  avec  inrtance  après  la 
'»  prononciation  de  l'arrêt.  M.  le  premier  préfjdent 
"  de  Harlay  dit  que  l'édit  de  1695  ,  concernant  la 
"  juridiflion  eccléfiaflique  ,  ne  donnoit  pouvoir 
»  aux  juges  laïcs  que  de  juger  l'abus ,  &  qu'il  fal- 
'>  loit  le  pourvoir  pardevant  le  juge  eccléfiaflique, 
»  pour  obliger  le  religieux  de  rentrer  dans  foa 
»  cloitre  )>. 

Il  y  auroit  bien  des  chofes  à  dire  fur  cette  jurif- 
prudence  :  nous  nous  contenterons  d'obferver 
qu'elle  n'efl  plus  fuivie.  Dés  le  30  août  1706 ,  c'efl- 
à-dire  fept  mois  &  demi  après  l'arrêt  que  nous 
venons  de  rapporter  ,  il  en  elt  intervenu  un  autre  , 
dont  nous  avons  déjà  parlé ,  §.  1  ,  n^.  8  ,  &  qui 
porte  :  «  Notredite  cour ,  faifant  droit  fur  l'appel 
»  comme  d'abus  ,  dit  qu'il  a  été  mal  ,  nullement  & 
j)  abufivement  impètré  &  exécuté  ;  en  conféquence, 
»  fans  avoir  égard  à  la  requête  de  la  partie  de  Lor- 
3)  delot  (  religieux  réclamant  )  ,  lui  enjoint  de  re- 
)i  tourner  à  la  maifon  où  il  a  fait  Profeffion  ,  pour 
»  y  vivre  fous  l'obéifTance  de  fon  fupérieur ,  & 
»  fuivant  la  règle  ». 

Denifart  nous  en  fournit  un  autre  rendu  le  ij 
juin  1744  fur  les  conclufions  de  M.  l'avocat  géné- 
ral Gilbert,  par  lequel  la  cour  a  déclaré  qu'il  y 
avoit  abus  dans  une  fentence  de  l'official  de 
Meaux  ,  <t  &  a  renvoyé  le  réclamanti  dans  (on 
"  couvent,  pour  y  vivre  fous  l'obéiffance  de  fes 
»  lupérieurs,  avec  injonftion  au  gardien  de  le  re- 
»  cevoir,fauf  au  fupérieur  majeur  à  indiquer  un 
->:>  autre  couvent ,  s'il  le  jugeoit  à  propos  ». 

L'arrêt  du  16  avril  1764  ,  que  nous  avons  déjà 
cité  ,  ne  dit  pas  feulement  qu'il  n'y  a  point  d'abus 
dans  les  vœux  du  génovéfain  Lelièvre  ,  il  lui  en- 
joint encore  «  de  fe  retirer,  dès  le  lendemain  de 

E  e  e  e  e  ij 


771    PROFESSION  MONASTIQUE. 

>)  h  fignification  de  l'arrêt ,  dans  rintérieur  de  la 
»  niailon  régulière  de  fainte  Geneviève  ne  Paris  , 
ri  pour  y  vivre  dans  l'obCervance  de  la  règle  & 
»>  fous  l'autorité  de  fes  fupérieurs  ;  à  la  charge  par 
>)  eux,  fuivant  leurs  offres  ,  de  le  traiter  charita- 
î)  blement  &  fraternellement  ,  d'en  certifier  la 
3>  cour  de  trois  mois  en  trois  mois  ,  &  de  ne  le 
»  pouvoir  transférer  dans  une  autre  maifon  ,  juf- 
ï5  qu'à  ce  que  par  la  cour  il  en  eût  été  autrement 
3>  ordonné  )>. 

Un  autre  arrêt  du  6  feptembre  1770  ,  dont  on 
parlera  ci-après,  en  déclarant  qu'il  n'y  avoir  abus 
dans  les  vœux  de  frère  Belavoine,  religieux  Feuil- 
lant ,  lui  a  pareillement  enjoint  de  fe  retirer  dans 
fon  monaftére. 

Ces  quatre  arrêts  ne  font  môme  que  renouveler 
l'ancien  ufage.  Fevret  rapporte  im  arrêt  du  24  fé- 
vrier 1624  >  "  donné  fur  les  conclufions  de  M. 
»  l'avocat   général  Servin  ,  par  lequel  il  fut  dit 

V  qu'il  avoii  été  mal ,  nullement  &  abufivement 
»  fulminé  ,  expédié  &  prononcé  ,  tout  ce  qui 
>»  avoit  été  fait ,  calTé  ,  64  ordonné  que  le  religieux 
I'  feroit  réintégré  en  fon  monaflère  ,  pour  y  vivre 

V  félon  fon  vœu  &  Profeffion  monaflique  ". 

On  trouve  da.is  le  même  auteur  un  arrêt  du  6 
février  1645  ,  qui ,  en  prononçant  fur  une  difpenfe 
de  vœux  accordée  à  fœur  Louife  d'Anthail ,  <«  dit 
r  qu'il  a  été  m.il ,  nullement  &  abufivement  exé- 
«  cuté  ,  difpenfé  &  procédé  :  ordonne  que  ladite 
«  d'Anthail  fera  conduite  aux  Magdelonnettes  du- 
3>  dit  Paris,  pour  y  finir  fes  jours  ". 

Fevret  ajoute  que  «  les  cours  fouveralnes  ,  fur 
5)  les  appellations  comme  d'abus  émifes  par  les 
»  parens ,  de  la  fulmination  des  refcrits  obtenus 
»)  de  Rome  par  les  religieux  qui  défirent  pourfuivre 
M  lacaff^tion  &  annuUation  de  leurs  vœux,  pro- 
r  noncent  leurs  arrêts  le  plus  fouvent  en  cette 
»  forme  :  qu'en  ce  qui  concerne  la  fulmination  du 
»  refcrii  dijpenfatifdu  vœu  >  il  a  été  mal  &  abujlve- 
»  ment  exécuté ,  difpenfé  &  procédé^  &  que  Us  reli- 
»  gieux  front  conduits  en  leurs  monafleres  &  rendus 
M  à  leurs  fupérieurs  Ji. 

Il  y  a  un  cas  où  les  juges  laïcs ,  même  inférieurs , 
connoifTent  indiftinâement  de  la  validité  ou  nul- 
lité des  vœux  mona<!iques  :  c'ert  ,  comme  l'or- 
donne l'article  24  de  ledit  de  1695  ,  lorfqu'il  u  s'a- 
«  git  d'une  fucceflîon  ou  autres  effets  civil*,  à 
ï)  l'occafion  defquels  on  traite  de  l'état  desperfon- 
ji  nés  décédées  ,  ou  de  leurs  enfans  ". 

II.  Sur  la  queflion  de  favoir  à  quelle  forte  de 
juge  eccléfiaftique  appartient  la  connoifi^ance  de 
la  validité  eu  nullité  delà  Profeffion  religieufe  ,  il 
faut  difiinguer  fi  cette  Profeffion  eft  attaquée  par 
celui  même  qu'on  prétend  l'avoir  faite  ,  &  qui 
par  conféquent  veut  rentrer  dans  le  fiècle  ,  ou  fi 
au  contraire  ce  font  les  chefs  ou  les  membres  du 
monaftère  gui  le  fouticnnent  mal  engagé,  &  veu- 
lent le  faire  fortir  du  cloître. 

Dans  le  premier  cas  ,  l'inftruiSion  &   le  juge- 
ment du  procès  appartiennent  conjointement,  & 


PROFESSION  MONASTIQUE. 

à  Tofficial  du  diocèfc  011  le  nionaflère  eft  fitué  ,  & 
au  fupérieur  régulier  du  profês  réclamant.  Ceft  la 
difpofition  expreffe  du  concile  de  Trente  ,  feâîon 
25,  chapitre  19  ,  «/^  regularibus  ;  en  voici  la  tra- 
duciion  :<(  Tout  régulier  qui  prétendra  avoir  pro- 
»  nonce  des  vœux,foit  par  crainte  &  violence, 
»  foit  avant  l'âge^  requis  ,  ou  qui  élèvera  quelque 
"  autre  conteftation  femblable,  &  qui  voudra  dé- 
"  pofcr  l'habit  religieux  pour  quelque  caufe  que 
»  ce  foit..„  ,  ne  fira  point  écouté.. .,  s'il  ne  déduit 
»  fes  raifohs  devant  fon  fupérieur  &  l'ordinaire  ». 

Quoique  le  concile  de  Trente  n'ait  point  été 
reçu  en  France  quant  à  la  difcipline  ,  on  ne  laiife 
pas  d'y  ohfcrver  ce  règlement  ;  &  il  n'y  a  aucun 
exemple  bien  conftaté  ,  qu'on  ait  autorifé  une  pro- 
cédure en  cette  matière  par  le  fupérieur  régulier 
fenl. 

En  1631  ,  le  provincial  des  cordeliers  de  Laval 
déclara  nul  le  vœu  fait  par  un  de  fes  religieux 
avant  l'âge  de  feize  ans,  &  lui  permit  de  rentrer 
dans  le  monde.  La  mère  &  quelques  antres  pa- 
rens du  profès  en  appelèrent  comme  d'abus  ;  & 
par  arrêt  du  6  mars  163 1  ,  «  les  parties  furent  mi- 
»  fes  hors  de  cour  &  de  procès,  fans  néanmoins 
»  que  l'arrêt  pût  être  tiré  à  conféquence  pour  ce 
»  qui  eft  de  la  juridiftion  ».  Ce  font  les  ternies  du 
rêda6)eur  du  journal  des  audiences. 

En  1635  ,  François  Gugnay  ,  religieux  de  l'or- 
dre de  Prèraontré,  obtint  du  délégué  de  fon  géné- 
ral une  fentence  qui  déclaroit  fa  Profeffion  nulle 
&  le  re/lituoit  au  fiècle.  Ses  frères  interjetèrent 
appel  comme  d'abus  de  ce  jugement  ;  &  après  que 
les  avocats  des  parties  eurent  développé  leurs 
moyens  ,  M.  l'avocat  général  Talon  obferva  que 
la  caufe  de  l'intimé  paroiflbit  bien  fondée  au  prin- 
cipal, mais  que  dans  la  forme  il  y  avoit  deux  dé- 
fauts efiTentieîs  ;  que  d'abord  ,  on  n'avoit  ni  affigné 
ni  entendu  les  plus  proches  parens  ,  «  lefquels 
»  ont  grand  intérêt  que  celui  qui  une  fois  cft  en- 
»  tré  en  la  religion,  &  qui  par  ce  moyen  a  quitté 
»  fes  droits  héréditaires  ,  ne  rentre  pas  au  fiècle 
»  pour  y  bouleverfer  les  famille?  ...»  ;  qu'en  fé- 
cond lieu ,  «  s'il  ètoit  permis  aux  fupérieurs  d'un 
»  ordre  de  déclarer  nuls  les  vœux  de  leurs  reli- 
n  gieux  ,  ainfi  que  bon  leur  fembleroit ,  cela  fe- 
n  roit  d'une  conféquence  fort  périlleufe ,  &  pour- 
»  roit  caufer  un  grand  défordre  en  toutes  les  fa- 
i>  milles  qui  ont  des  enfans  ou  des  parens  en  reli- 
w  gion  ».  Par  arrêt  du  12  juillet  163^  ,  la  cour, 
dit  Bardet ,  déclara  «  qu'il  avoit  été  mal ,  nullement 
»  &  abufivement  procédé  &  ordonné  ;  fauf  à  l'in- 
»>  timé  à  f e  pourvoir  ainfi  qu'il  verra  être  à  faire 
»  par  raifon  ,  f>it  pardevant  roff.cial  ou  autrement  y 
»  &  fauf  à  fe  fervir  des  ades  &  preuves  déjà  faites 
»  au  procès  ».  Cet  arrêt  n'eft ,  comme  on  voit , 
ni  conforme,  ni  contraire  au  concile  de  Trente  : 
il  laifle  indécis  le  point  de  difcipline  que  cette  af- 
femblèe  a  réglé  d'une  manière  pofitive. 

Il  y  a  dansBriUon  un  arrêt  du  grand  confeil  du 
4  feptembre  1721  ,  qui  eiî  plus  précis:  Anne- 


PROFESSION  MONASTIQUE. 

»  UiTulc  Maillet  fut  reçue  le  6  juin  1701  dsns 
M  l'abbaye  de  Villancourt,  pour  fille  de  chœur , 
«  pour  faire  fes  vœux  de  Profeiîxon  le  lendemain  , 
»  pour  y  vivre  &  mourir  comme  les  autres  reli- 
»  gieufes.  —  En  17 11,  elle  fortit  de  cette  maifon 
»  religieufe  ,  fur  le  fondement  qu'elle  n'avoit  ja- 
w  mais  fait  de  vœux  ni  de  Profeflion  dans  l'ordre, 
M  Si.  demanda  à  rentrer  dans  la  fiicceffion  de  Ton 
«  père  &  de  fa  mère.  — Quatre  mois  après,  cette 
»>  demande  fut  portée  pardevant  le  juge  royal 
M  d'Abbeville,  L'abbefîe  de  Villancourt  rendit 
«  plainte  au  fupérieur  régulier  contre  Anne-Urfule 
»  Maillet ,  entre  autres  de  la  fouftradion  de  {on 
w  a61e  de  Profeilîon.  —  Le  fupérieur  régulier  in- 
»  forme  contre  elle  ,  8c  la  décrète  de  prife  de 
»•  corpj.  —  Appel  comme  d'abus  de  cette  procé- 
r>  dure  au  grand  confeil.  —  Les  gens  du  roi  con- 
»»  clurentà  ce  qu'il  fût  dit  qu'il  y  avoir  abus  fur 
5>  deux  principaux  motifs  ;  le  premier ,  en  ce  que  , 
M  fi  les  fupérieurs  réguliers  connoiiïbient  de  la 
»»  validité  ou  exiftence  des  vœux  de  leurs  reli- 
M  gieux  ,  ils  feroient  juges  dans  leur  propre  caufe  ; 
n  le  fécond  ,  en  ce  qu'il  y  auroit  entreprife  fur  la 
»  juridiiSlion  des  ordinaires  ,  &  oppreiîlon  des 
»)  fojets  du  roi.  —  Ainfi  jugé  par  arrêt  du  grand 
V   confeil  du  4  feptembre  1711». 

Dans  le  fécond  cas  ,  c'eft-à-dire  ,  lorfque  c'eft 
le  monaflère  qui  veut  expulfer  le  religieux  mal- 
gré lui ,  la  quetîion  efl  fujette  à  plufieurs  difficul- 
tés qui  font  très-bien  expofées  par  Fagnan  fur  le 
chapitre  nulius  ,  aux  décrétales  de  regularibus. 

Le  concile  de  Trente,  dit  il ,  n'ordonne  l'ad- 
joni^ion  de  l'ordinaire  au  fupérieur  régulier,  que 
pour  juger  les  réclamations  des  religieux  qui  pré- 
tendent n'être  point  engagés  valablement  ;  &  on 
peut  d'autant  moins  étendre  fa  difpcfition  au  cas 
d'un  religieux  qui  charche  à  fe  maintenir  forcé- 
ment dans  un  monaftère  ,  qu'elle  contrarie  vifi- 
blement  les  principes  du  droit  commun.  En  effet , 
un  fupérieur  régulier  n'a  pas  befoin  du  concours 
de  l'évèque  pour  admettre  un  novice  à  la  Profef- 
{jon  ;  pourquoi  ce  concours  feroit-il  néceifairc 
lorfqu'il  s'agit  d'expulfer  un  homme  qui  a  fait  une 
ProfefTion  nulle  ?  N'eft-ce  pas  une  règle  de  droit, 
que  chaque  chofe  fe  dilTout  par  les  mêmes  caufes 
qui  lui  ont  donné  l'être  .''  D  ailleurs,  il  eft  certain 
qu'une  ProfeiTion  nulle  doit  toujours  erre  confi- 
dérée  comme  non  avenue  ,  &  que  celui  qui  l'a 
faite  n'eft  pas  d  une  autre  condition  que  s'il  n'a- 
voit prononcé  aucun  vœu  :  c'eft  le  concile  de 
Trente  lui-même  qui  nous  l'apprend,  fe61ion  a 5  , 
de  regularibus  ^  chapitre  17  '■  ProÇeJJio  auiem  anteà 
fa&J  fit  nulla  ,  nuliamque  inducat  obligationem  ad 
alicujus  reguliZ  ,  vel  rdigionis  ,  vel  ordinis  obferva- 
tionem  ,  aut  ad  alios  quofcuriKjue  effedui.  Or  ,  on  eft 
obligé  de  convenir  que  le  fupérieur  régulier  peut 
expulfer,  fans  la  participation  de  l'évèque  ,  le  no- 
vice qui  n'a  point  encore  fait  ProfefTion  ;  il  peut 
donc  en  ufer  de  même  par  rapport  au  novice  qui 
a  fait  une  ProfeiTion  nulle.  Telle  eft  au  refte  Topi* 


PROrESSîON  MONASTIQUE.    775 

nion  du  célèbre  Navarre   ,  confeil  §7 ,   de  regu- 
laribus. 

Néanmoins,  continue  Fagnan  ,  il  faut  dire  que 
le  fupérieur  régulier  ne  peut  annuller  ,  fans  le 
concours  de  l'ordmaire  ,  la  Profeffion  d'un  reli- 
gieux qui  ne  réclame  pas.  Il  eft  de  principe  ,  qu'une 
loi  nouvelle,  qui  ei\  favorable  par  elle-même,  6c 
qui  ne  fait  que  remettre  en  vigueur  le  droit  ancien  , 
doit  être  appliquée  aux  cas  femblables  à  ceur 
qu'elle  a  prévus.  Or  ,  1°.  point  de  doute  que  la 
difpofition  dont  il  s'agit  ne  foit  digne  de  la  plus 
grande  faveur,  puifqu'elle  tend  à  rendre  plus  dif- 
ticile  l'expulfion  d'un  religieux  qui  a  cru  de  bonne 
foi  s'engager  pour  toujours  dans  un  monaftére. 
2",  On  ne  peut  également  difconvenir  qu'elle  ne 
foit  conforme  à  l'ancienne  difcipline  de  l'églife  ; 
témoin  le  concile  tenu  à  Meaux  en  84^,  fous  le 
pape  Sergius  II ,  qui  fait  les  plus  exprefles  défen- 
fes  aux  fupérieurs  réguliers  d'expulfer  leurs  reli- 
gieux fans  la  participation  de  l'évèque  diocéfain  : 
C/t  monachus  de  monajlerio  fine  confultu  ,  vel  prtzfen- 
tiâ  epifcopi  aut  vicarii  ejus  ad  hoc  regularittr  dedufîus 
non  ejiciatur,  cujus  difpofiiione  &  autoritate  de  cetera 
VI  ta  &  converfaùo  ejeHi  ,  ne  perdit  us  perpétua  fi^t ,  fi 
aliquû  modo  falvari  potefl ,  ordinari  débet  atque  de 
cerni  (1).  3".  Enfin  il  eft  inconteftable  qu'il  y  a 
pour  la  nécefTité  de  l'adjonâion  de  l'ordinaire  , 
une  parité  abfolue  de  raifon  entre  le  cas  du  reli- 
gieux qui  réclame  contre  fa  Profeflion ,  &  le  cas 
du  religieux  qu'on  veut  chafler  malgré  lui.  Cette 
adjonction  eft  requife  dans  l'un  ,  parce  que  le  fu- 
périeur régulier  eft  fufpea,  tant  à  caufe  de  l'inté- 
rêt de  l'ordre  ,  qu'à  caufe  du  fien  particulier,  &  de 
la  part  qu'il  eft  cenfé  avoir  eue  à  la  ProfeiTion  du 
léclamani.  Elle  eft  néceftaire  dans  l'autre,  parce 
que  les  monaftéres  font  naturellement  portés  à 
fe  défaire  des  membres  qui  leur  font  inutiles  &  à 
charge  ,  foit  par  une  fanté  foible  &  languiffan'*  , 
foit  par  un  caraâère  rebelle. 

Fagnan  ajoute  que  cette  opinion  a  été  adoptée 
par  la  congrégation  des  cardinaux  interprètes  du 
coneile  dt  Trente,  &  que  le  pape  Urbain  VIII  l'a 
approuvée  affez  clairement  par  fon  décret  du  ic 
janvier  1636. 

Elle  eft^  pareillement  reçue  en  France.  Un  des 
moyens  d'abus  que  fit  valoir  M.  l'avocat  général 
Talon  lors  de  l'arrêt  du  16  juin  1626  ,  rapporté 
ci-devant,  §.  i  ,  n°.  8  ,  étoit,  qu'il  a  n'apparte- 
)>  noit  pas  aux  provinciaux  des  ordres  de  difpen- 
1»  fer  les  religieux  des  vœux  par  eux  faits,  &  les 
»»  déclarer  nuls  ;  mais  qu'il  falloit  fe  pourvoir  au 
»  pape,  obtenir  commiffion  adreftante  à  un  évê- 
I»  que  des  lieux  ,  pour  informer  de  l'état  de  la  per- 
»  fonne  du  religieux;  qu'autrement  il  feroit  dans 
»  leur  pouvoir  de  chalTer  quand  ils  voudroient 
»  ceux  qui  ne  leur  feroient  point  agréables,  ce 
»  qui  iroit  à  troubler  l'état  des  familles  par  des 

(i)  Cap.  55,  tgme  3  ,  concilier,  part,  i,  feff,  j,  pas» 

JJl  ,C0l.  Il 


774     PROFESSION  MONASTIQUE. 

i>  demandes  de  partages  &  de  fucceflions  ». 

Jl  paroît  cependant  que  Tordre  de  Cluni  a  là- 
dcffus  des  ufages  &  des  privilèges  particuliers.  C'eft 
ce  qu'annoncent  trois  arrêts  du  grand  confeil  rap- 
portés par  Brillon.  Le  premier  eft  du  lo  décembre 
1657.  Il  s'agiflbit  de  la  validité  de  la  Profeffion  que 
le  nommé  Confiant  avoit  faite  dans  l'abbaye  de 
Montierneuf.  Les  religieux  l'attaquoient  par  appel 
comme  d'abus  ,  fur  le  fondement  qu'ils  n'avoicnt 
point  été  appelés  capitulairement  à  la  réception  du 
novice.  Dom  Claude  de  Beaulieu ,  procureur  gé- 
néral de  l'ordre  ,  intervint ,  &  conclut ,  «  à  ce  que  , 
»  faifant  droit  fur  fon  intervention ,  la  connoif- 
»  fance  des  chefs  du  procès  concernant  la  difcipline 
»  &  obfervance  régulière,  fût  renvoyée  pardevant 
«  le  fupérieur  général,  pour  y  être  fait  droit  fuivant 
»  les  faints  décrets  ,  régies  &  conftitutions  de  l'or- 
«  dre  )>.  Telle  étoit  la  demande  ;  voici  l'arrêt  :  «  Et 
w  ayant  aucunement  égard  à  l'intervention  &  re- 
M  quête  dudit  de  Beaulieu ,  notre  confeil  a  ordonné 
»»  &  ordonne  que  fur  l'appel  interjeté  de  la  Pro- 
»  feiTion  dudit  frère  Confiant ,  les  parties  fe  pour- 
n  voiront  pardevant  ledit  abbé  de  Cluni ,  leur  fu- 
>»  périeur  ?>. 

Le  fécond  arrêt  cft  celui  du  7  avril  1700  ,  que 
nous  avons  déjà  cité.  La  fœur  RonchivoUe  étoit 
appelante  comme  d'abus  d'une  ordonnance  des  vi- 
caires généraux  du  cardinal  de  Bouillon  ,  abbé  de 
Cluni ,  qui  avoit  déclaré  fa  Profeffion  nulle.  Par 
l'arrêt,  il  fut  dit  qu'il  y  avoit  abus. 

Le  troifième  arrêt  cft  du  12  mai  1703.  Le  frère 
Fournier  avoit  fait,  dans  l'abbjye  de  Montier- 
neuf, une  Profeffion  qui  étoir  attaquée  par  une 
partie  de  la  communauté.  La  caufe  portée  au  grand 
confeil ,  dom  Picbufibn  intervint  ,  &  en  demanda 
le  renvoi  pardevant  les  fupérieurs  majeurs  de  l'or- 
dre. L'arrêt  dont  il  s'agit ,  «  fans  avoir  égard  à  l'in- 
M  tervention  de  la  partie  de  Cointreau  (  père  de 
1»  frère  Fournier  )  ,  ayant  égard  à  celle  de  la  partie 
»  de  Brillon  (  dom  Rcbufibn  )  ,  a  renvoyé  ks  par- 
i>  lies  de  Chevalier  (  les  religieux  )  oppofans  ,  & 
1)  de  Chardon  (  frère  Fournier  ),  pardevant  les 
»  fupérieurs  majeurs  >?. 

Prenons  garde  pourtant  d'étendre  ces  arrêts  hors 
de  leurs  véritables  efpèces.  Ils  avoient  tous  pour 
objet  des  Profeffions  contre  lefquelles  on  n'allé- 
guoit  que  des  nullités  fondées  fur  les  confiltutions 
de  l'ordre  de  Cluni  ;  &  c'eft-Ii  le  feul  motif  que 
leur  prête  Brillon.  Voici  comme  il  s'explique  fur 
celui  de  1657:  "  Comme  ,  outre  les  formalités 
M  marquées  par  le  concile  de  Trente  &  par  l'or- 
»  donnance  de  Blois ,  pour  rendre  une  Profeffion 
j)  valable,  il  y  a  dans  les  conftitutions  des  ordres 
»  reçus  en  France  ,  des  décrets  irritans  ,  des  clau- 
n  fes'fans  lobfervation  defquelles  il  eft  inipoffible 
V  que  la  Profeffion  fubfifie  ,  c'eft  aux  fupérieurs  à 
t>  connoîtrefi  leurs  réglemens  ont  été  exécutés;  ils 
»>  font  en  cela  les  juges  nécefiaires  ;  de  là,  la  dif- 
»  pofition  de  l'arrêt  du  10  décembre  1657  ,  qui 


PROFESSION  MONASTIQUE. 

M  leur  confie  l'examen  de  leurs  propres  confiltu- 
»  tions,  &  l'exécution  de  leurs  ftatuts  ». 

Dans  l'efpèce  de  l'arrêt  du  7  avril  1700  ,  <(  U 
'>  quefiion  ,  dit  le  même  auteur,  étoit  de  favoir  fi 
"  le  juge  régulier  avoit  pu  déclarer  une  Profeffion 
n  nulle.  Le  moyen  de  décifion  fut  que  dans  la 
»  Profeffion  de  la  fœur  RonchivoUe  il  y  avoit  un 
»  vice  radical  ,  qui  provenoit  de  l'inobfervation 
')  des  chofes  prefcrites  par  les  fupérieurs  ;  il  y 
»  avoit  dans  leur  ordonnance  un  décret  irritant  ; 
')  ils  prefcrivoient  des  claufes  fans  l'exécution 
»  defquelles  la  Profeffion  ne  pouvoit  fubfiftcr  : 
»  c'étoit  donc  à  eux  à  connoître  fi  leurs  réglemens 
»  avoient  été  obfervés  >», 

M.  l'avocat  général  Benoît  de  Saint-Port  s'expli- 
quoit  àpeu-près  de  même  lors  de. l'arrêt  du  11 
mai  1703.11  obfervoit  d'abord  qu'il  n'y  avoit  point 
d'appel  comme  d'abus  de  la  part  des  religieux  de 
Montierneuf,  qui  attaquoient  la  Profeffion  de 
frère  Fournier,  &  qu'ainfi  ,  aux  termes  de  l'article 
34  dé  l'édit  de  1695  ,  il  n'étoit  pas  poffible  que  le 
grand  confeil  en  connût  ;  après  quoi  il  ajoutoit  : 
"  A  la  vérité,  fi  nous  trouvions  de  ces  nullités 
»  qui  pufi!ent  rendre  nécefl"aire  une  appellation 
»  comme  d'abus ,  &  que  les  parties  négligeafient 
»  de  l'employer  ,  alors  nous  fupplérions  à  la 
3j  forme,  &:  notre  miniftère  nous  engageroit  d'in- 
»  terjeter  cet  appel  cemme  d'abus  :  mais  que 
»  voyons-nous.^  De  fimples  nullités,  des  inob- 
»  fervations  de  ftatuts  ;  tous  les  faits  tombent  dans 
V  le  cas  de  la  difcipline  régulière  ». 

Il  faut  obferver  que  dans  tous  les  cas  où  le  fupé- 
rieur régulier  &  l'official  doivent  procéder  con- 
jointemerît ,  celui-ci  pourroit  le  faire  feul ,  fi  l'autre 
refufoit  de  fe  joindre  à  lui.  M.  d'Agucfieau  établit 
formellement  cette  maxime  dans  (on  plaidoyer  du 
28  mars  1697,  8c  l'appuie  fur  un  arrêt  rendu  le  14 
du  même  mois ,  conformément  à  fes  conclufions. 

§.  V.  Quels  font  le  terme  6»  la  forme  dunt  kfqutls  on 
doit  fe  pourvoir  contre  une  V rofeffion  monaflique  ? 

I.  Suivant  le  concile  de  Trente  ,  feffion  i<^  ,  dé 
reguLribus  y  chapitre  19  ,  toute  perfonne  de  l'un 
ou  de  l'autre  fexe  qui  veut  faire  déclarer  fes 
vœux  nuls  ,  foit  parce  qu'elle  n'eft  entrée  dans  le 
monaftére  que  par  un  motif  de  crainte  ,  foit  pour 
avoir  fait  Profeffion  avant  l'âge  requis  ,  ou  pour 
quelque  autre  raifon  ,  doit  propofer  fes  moyens 
de  nullité  à  fon  fupérieur  &  à  l'official  diocéfain  , 
dans  les  cinq  ans  ,  à  compter  du  jour  de  fa  Profef- 
fion. Tous  ceux  qui  ont  laiffé  paflTer  ce  temps  fans 
avoir  obfervé  cette  formalité  ,  ne  doivent  point 
être  écoutés  ;  leur  filence  eft  regardé  comme  une 
ratification  qui  forme  une  fin  de  non-recevoir  in- 
furmoniable. 

Cette  difpofition  a  été  adoptée  par  les  conciles 
provinciaux  de  Rouen  en  1^81  ,  de  Tours  en 
1583  ,  de  Bourges  en  1584,  Si  d'Aix  en  i^S^. 
«  H  femble ,  dit  M.  l'avocat  général  de  Saint-Far- 


PROFESSION  MONASTIQUE. 

»»  geau  ,  page  36  de  fon  plaidoyer ,  dans  la  caufe 
»  de  René  Leliévre  ,  qu'elle  ait  été  introdiHte  à 
ï»  l'exemple  d'une  loi  romaine  ,  qui  dcfendoit  , 
»»  après  cinq  ans  ,  d'élever  des  queflions  fur  l'état 
«  des  morts  ;  les  religieux  ,  dès  le  moment  de 
»»  leur  Proteffion  ,  étant  cenfés  morts  au  naonde  , 
»  on  a  penfé  qu'au  moins,  après  cinq  ans,  ils  ne 
î)  dévoient  plus  être  libres  de  fortir  des  tombeaux 
»  où  ils  fe  (ont  enl'evelis ,  pour  mettre  le  trouble 
M  dans  la  fociété  dont  ils  font  difparus  ".  Cette  idée 
efl  plus  ingéaieufe  que  folide:  ce  n'étoit  qu'en  fa- 
veur des  morts  ,  &  jamais  à  leur  préjudice  ,  que  la 
loi  romaine  ,  dont  parle  M.  de  Saint  Fargeau  ,  éta- 
blilToit  la  prefeription  de  cinq  ans.  Voyez  l'article 
Légitimité. 

Quoi  qu'il  çn  foit ,  la  dlfpofition  du  concile  de 
Trente  a  été  reçu  en  France  ,  &  elle  y  efl  obfcrvée 
religieufement.  On  a  prétendu  qu'elle  devoir  être 
reftreinte  au  cas  oij  la  nullité  de  la  Profeiïlon  pro- 
venoit  d'un  m.otif  de  crainte  ou  de  violence  ;  mais 
cette  rellriflion  étoit  contraire  à  la  lettre  même  du 
texte  que  nous  avons  cité ,  &  elle  a  été  profcrite 
par  quatre  arrêts  des  3  i  mars  1626,  11  août  1640, 
22  mai  1647,  ^  7  "'^i  1658,  que  rapporte  Fe- 
vret  ,  liv.  5  ,  chap.  3. 

Le  concile  de  Trente  a  prefcrit  la  forme  dans 
laquelle  on  doit  faire  la  réclamation  dans  les  cinq 
ans.  Il  faut,  dit  il,  qu'elle  foit  portée  devant  le 
fupèrieur  régulier  &  l'ordinaire,  caràm  fnpcriore  & 
ordinariù.  Il  ne  fiiffit  donc  pas  ,  pour  interrompre  la 
prefeription  ,  de  faire,  dans  les  cinq  ans ,  une  iim- 
ple  proteftation  devant  notaires,  a  Le  mardi  6  fé- 
j>  vrier  1586  ,  dit  Brillon  ,  la  cour  décida  qu'une 
»  réclamation  faite  par  forme  de  proteflations ,  & 
j)  pardevant  notaires  ,  dans  les  cinq  ans  de  la  Pro- 
»  feflion  ,  n'étoit  pas  fuffifante  pour  fuppléer  la  ré- 
»  clamation  judiciaire,  lorfque  ces  proteftations 
»  n'étoient  point  venues  à  la  connoiiTance  des  pa- 
«  rens  par  aucune  fignification  ou  fommation  ». 
M.  favocat-général  Portail  a  établi  la  même  chofe 
dans  fon  plaidoyer  du  11  janvier  1706,  rapporté 
par  Augeard.  La  raifon  de  déciJer  de  la  forte,  eîl 
que  les  réclamations  fecrètes  peuvent  être  anti- 
darées,  &  que  d'ailleurs  tout  religieux  pourroit  en 
faire  une  dans  un  moment  de  chagrin  ,  pour  l'em- 
ployer ou  la  fupprimer  félon  qu'il  fe  trouveroit 
difpofé  dans  la  fuite,  ce  qui  tiendroit  la  fortune  de 
fes  parens  dans  une  incertitude  perpétuelle  ,  &  ex- 
poferoit  les  familles  à  des  troubles  qu'il  ne  feroit 
jamais  poflîble  de  prévenir. 

Il  y  a  cependant  un  arrêt  du  parlement  de 
Dijon  du  :^  mars  1657,  qui  a  mis  hors  de  cour  , 
fur  l'appel  comme  d'abus  interjeté  d'une  fen- 
tence  de  l'official  d'Autun  ,  par  laquelle  une  re- 
ligieufe  ,  qu'  n'avoit  réclamé  dans  les  cinq  ans 
que  de  cerre  manière  clandfftine,  avoir  été  refti- 
tuée  au  fiècle.  Mais ,  comme  l'oàferve  Fevret ,  une 
pareille  décifion  ne  doit  pas  être  tirée  à  confé- 
quence,  ni  l'emporter  fur  l'intérêt  public.  Elle  eft 


PROFESSION  MONASTIQUE.  77^ 

I  d'ailleurs  d'autant  plus  furprenante ,  que  le  parle- 
'  ment  de  Dijon  lui-même  avoir  précédemment  jugé 
le  contraire  dans  bien  des  circonflances  plus  favora- 
bles au  réclamant.  Ecoutons  Fevret  :  «  Jean  Bercer 
'>  ayant  pris  l'habit  de  novice  au  couvent  des  ja- 
»  cobins  de  Langres  ,  fortit  du  monaflère  avant 
))  d'avoir  achevé  l'année  de  {on  noviciat.  Nénn- 
»»  moins  il  eft  admis  à  la  Profeifion  ,  puis  il  récla- 
"  me  contre  fon  vœu  dans  les  cinq  ans  ,  par  aâe 
"  figné  de  fa  main,  qu'il  fait  feulement  intimer  au 
»  fupèrieur  du  monaflère ,  fans  avoir  obtenu  au- 
')  cun  bref  de  fa  fainteté  :  il  demeure  encore  dans 
)»  le  monaflère  fix  ans  après  le  quinqueunium  cx- 
»   pire  ,  8c  fept  ans  après  ra6te  de  réclamation , 
»  portant  l'habit  &  vivant  en  religieux.  A  la  fin  , 
"  il    obtient  un   bref  adrefls   à  l'archevêque  de 
■>■>  Lyon  ,  qui  procède  à  la  fulmination  d'icelui  , 
^i  annuUe  le  vœu ,  pour  n'avoir  été  l'an  du  noviciat 
»  continué ,  6c  permet  à  l'impétrant  de  prendre 
»  l'habit  féculier.  En  conféquence  de  ce  jugement, 
»  Berger  intente  adion  pour  faire  déclarer  ouvert 
»  un  hdéicommis  qu'il  difoit  avoir  été  fait  à  ion 
»  profit  ,  6l  à  lui  échu  pendant  qu'il  portoit  l'habit 
i>  de  religieux ,  dont  étant  débouté  par  fentence 
i>  du  bailliage  de  Bourg  en  BrefTc  ,  la  cour  confir- 
»  ma  ledit  jugement,  ayant  par-là  préjugé  que  le 
»  refcrit  dudit   Berger  l'avoit  pu  habiliter  ad  fpi- 
■>■)  r'itualïj ,  6c  non  point  ad  temporalia ,  &  qu'en- 
■>■)  core  que   perfonne  n'eût  débattu  ,  foit  par  voie 
»  d'appel  comme  d'abus  ,  ou  autrement ,  fon  Te{- 
11  crit,  toutefois  ^J/^/n/Jor,î//(î  ,  l'incapacité  qui  af- 
»  fedloit  fa  perfonne  n'étoit  pas  levée  ». 

La  doârine  adoptée  par  cet  arrêt,  par  celui  du 
6  février  1680  ,  &  par  M.  Portail ,  efl  fans  doute 
très-fage  8c  trés-judicieufe.  Cependant  elle  paroît 
avoir  été  combattue  par  deux  magiflrats  célèbres 
&  l'arrêt  du  parlement  de  Dijon  du  2-3  mars  1657 
n'efl  pas  le  feul  qui  l'ait  rejetée. 

Le  19  juillet  1631,  M.  l'avocat- général  Talon  , 
portant  la  parole  dans  la  caufe  d'une  religicufe 
qui  avoit  fait  Profeffion  en  1623,  &  ne  s'étoit 
pourvue  judiciairement  qu'en  1630,  difoit  que 
»  l'iniimée  avoit  fuffifamment  réclamé  dans  les  cinq 
»  ans,  par  les  moyens  de  la  proteflation  qu'elle 
>»  en  avoit  faite  en  1628  pardevant  notaires  8c 
»  témoins.  Cetade,  ajoutoit-il,  efl  un  aéle  public, 
j>  par  lequel  elle  a  témoigné  le  regret  &  le  dé- 
»»  plaifir  qu'elle  avoit  de  fe  voir  tenue  par  force 
"  &  enfermée  dans  un  couvent;  Qi.  il  efl  certain 
»  que  fi  elle  avoit  pu  dès-lors  ,  elle  auroit  aufli 
»  bien  envoyé  à  Rome,  comme  elle  a  fait  depuis. 
»  Ayant  donc  fait  tout  ce  qu'elle  a  pu  ,  on  ne 
5)  lui  peut  rien  objefler.  Au  principal ,  il  y  a  com- 
»  mencement  de  preuve  de  violence  ,  force  8c  au- 
ji  très  mauvais  traitemens, exercés  envers  l'inti- 
»  mée  ,  tels  qu'on  n'auroit  pu  le  croire.  Four  c^t 
»  eôet,  il  y  a  lieu  de  mettre  ,  fur  l'appel  comme 
»  d'a'iusjles  parties  hors  de  cou's  8c  de  procès  ,  Se 
»  permettre  à  l'ofHclal  li  con'inusrion  de  l'cxécu- 
»  tion  de  fon  refcrit».  L'airêt  intervenu  le  même 


77^     PROÎ'ESSION  MONASTIQL'E. 

jour  ,  a  adopté  ces  conclufions  :  il  eft  rapporté  par 
Bardet. 

Le  19  juin  1702,  M.  l'avocat-général  Jofeph- 
Omer  Joly  de  Fleury  ,  difoit  que  «  deux  circonf- 
ï»  tances  avoient  quelquefois  obligé  la  cour  de 
»  s'écarter  de  la  prefcription  quinquennale  ;  l'une , 
«  fi  le  religieux  qui  allègue  la  violence  a  protefié 
w  pendant  les  cinq  années  par  une  proteflation  au- 
«  thentique;  l'autre  ,  s'il  a  agi  véritablement  auflî- 
i>  tôt  que  la  force  &  la  violence  ont  cefle.  Dans 
»»  ces  deux  cas ,  la  cour  a  quelquefois  écouté  les  re- 
«  ligieux  ,  &  a  jugé  que  leur  proteftation  proro- 
»)  gcoit_  l'aâion  ,  &  rendoit  la  partie  recevable  à 
ï)  juftifier  la  nullité  de  fes  vœux.  Mais  fi  le  reli- 
»>  gieux  a  négligé  de  fe  plaindre,  il  ne  peut  plus 
j)  être  écouté.  —  En  appliquant  ces  principes  à  Itf- 
ï>  pèce  de  la  caufe,  la  ProfefTion  de  la  fœur  de 
«  Méré  eft  de  1688  ,  elle  a  réclamé  en  1690  ,  elle 
»)  a  obtenu  un  refcrit  dans  la  même  année.  En 
»  1692,  elle  a  encore  fait  une  féconde  prote/la- 
j>  tation;  ces  aéles  ne  peuvent  être  fufpects,  ils 
î>  font  partes  pardevant  notaires  :  mais  ce  qui  en 
i>  uffiire  la  date,  c'eft  la  fîgnification  qui  en  a  été 
ïi  faite  à  l'abbefle  en  1690.  Inutile  de  dire  qu'il  n'a 
»  pas  été  infinué;  comme  fa  date  cù.  coudante, 
»)  on  ne  peut  la  révoquer  en  doute.  D'ailleurs  la 
y»  néceflîté  de  l'infinuation  n'eft  que  pour  empê- 
»>  cher  l'antidate  ;  ici  on  ne  peut  en  préfumer  Le 
«  concile  de  Trente ,  qui  veut  que  la  caufe  foit 
•>  portée  en  juflice,  n'cfï  pas  la  loi  de  ce  royaume  , 
«  les  arrêts  n'ont  point  defiré  cette  nécefTité  ;  il  y 
»>  en  a  plufieurs,  entr'autres  celui  du  25  janvier 
3>   1700. 

Nous  avons  dit  plus  haut  que  la  Profc/Hon  mo- 
raftique  ne  peut  pas  être  prouvée  par  témoins  ;  & 
comme  11  eft  de  principe  que  unum  quodque  eodem 
gentre  dijfohhur  tjuo  coUigatum  ejl ,  il  faut,  parla 
même  raifon  ,  tenir  pour  maxime,  que  la  réclama- 
tion doit  être  jurtifiée  par  écrit ,  &  qu'il  y  auroit 
abus  dans  le  jugement  qui  en  adtnettroit  la  preuve 
par  témoins.  «  Ce  fut,  dit  Fevret ,  la  raifon  pour 
M  laquelle  Albert  Lubert ,  fieur  du  Grommeraur, 
»  ayant  émis  appel  comme  d'abus  d'un  jugement 
»i  donné  par  les  commiflaires  délégués  par  refcrit 
ty  de  fa  fainteté,  contenant  que  fesur  Françoife 
M  Lubert ,  religieufe  au  couvent  des  jacobines  de 
»  Châlons  -  fur  -  Saône  ,  prouveroit ,  par  témoins  , 
u  comme  elle  avoit  réclamé  contre  fes  vœux  dans 
»>  les  cinq  ans  du  concile  ;  depuis,  la  cour  de  parle- 
»  ment  de  Dijon  ,  par  arrêt  d'audience  du  22  mai 
s>  1645  '  ^'^  ^"^''^  avoit  été  abufivement  appointé 
j)  &  procédé  ;  cafla  tout  ce  qui  avoit  été  fait , 
»)  &  condamna  l'intimée  en  l'amende  &  aux  dé- 
»  pens". 

La  prefcription  établie  par  le  concile  de  Trente 
eft  fi  exaâement  obfervée  en  France  ,  qu'on  y  re- 
garde comme  abufifs.  les  brefs  obtenus  en  cour  de 
Rome  pour  s'en  faire  relever.  C'eft  la  doflrine  de 
tous  nos  auteurs  ,  &  elle  a  été  adoptée  ,  i  ".  par  l'ar- 
rêt du  3 1  raarj  1^26 ,  que  nous  avons  déjà  cité  j  ag- 


PROFESSION  MONASTIQUE. 

par  un  autre  du  9  juillet  1668  ,  rapporté  par  SocfVe 
&  dans  le  journal  des  audiences.  On  en  trouve 
cependant  deux  dans  le  recueil  de  M.  d'Olive,  qui 
paroilTent  avoir  jugé  le  contraire  j  ils  font  des  12 
avril  1633,  &  i4décembre  163  t.  Mais,  comme  l'ob- 
ferve  M.  Olive  lui-même  ,  les  refcrits  du  pape  ,  fur 
lefquels  il  s'agilToit  de  prononcer ,  étoient  plutôt  des 
lettres  de  fécularifation  émanées  de  la  pleine puijjhnce 
du  faint  Jléqe  ,  que  des  brefs  d'annullation  de  vaux 

procédant  d'une  jujle  caufe de  forte  que  de  tous 

côtés  la  provifion  ctoit  gracieufe.  D'ailleurs,  ces  ar- 
rêts ont  déclaré  les  religieux  qui  avoient  obtenu 
ces  difpenfes  ,  non-recevables  à  réclamer  les  biens 
dont  leurs  pères  &  leurs  mères  avoient  difpofé 
avant  leur  fécularifation. 

11  y  a  cependant  un  Cas  où  on  admet ,  même 
'  après  cinq  ans,  les  demandes  en  nullité  de  vœux  ; 
c'eft  lorfqu'on  a  employé  la  violence  pendant  tout 
ce  temps  ,  pour  empêcher  le  religieux  de  former  fa 
réclamation.  La  preuve  en  réftilte  ,  de  ce  que  les 
brefs  de  reditution  contre  le  laps  de  cinq  ans ,  font 
énonces  dans  les  tarifs  des  droits  attribués  aux  ban- 
quiers-expéditionnaires ,  arrêtés  au  confeil  royal 
des  finances  en  1673  ^  1691. 

U  palTe  même  aujourd'liui  pour  confiant,  que  les 
cinq  annéesne  doivent  courir  que  du  jour  que  la  vio- 
lence a  cefle.  «  C'e(ï ,  dit  Denil'art ,  Tefpèce  de  deux 
»  arrêts  récens;  l'un  a  été  rendu  dans  l'afLire  de 
M  la  demoifelle  de  Lufignan  ,  qui  n'avoit  protefté 
»  que  le  28  février  1744,  quoiqu'elle  eût  fait  fa 
j»  Profeflîon  le  10  février  1727;  l'autre,  du  n 
»>  juillet  1755,  a  été  rendu  à  la  grand'chambre, 
»  fur  les  conclufions  de  M.  l'avocat-général  Joly 
>»  de  Fleury ,  dans  l'affaire  de  la  demoifelle  La- 
»»  mare  ,  qui  avoit  fait  profeffion  à  Longchamps  le 
»  30  janvier  1736,  Se  qui  n'avoit  préfenté  fa  re- 
»  quête  en  nullité  de  vœux  que  le  2  feptembre 
»   1752  ». 

Le  défaut  de  réclamation  dans  les  cinq  ans  ne 
peut  pas  non-plus  être  oppofé  à  celui  qui  n'a  ni  de- 
meuré dans  le  monaftère  ,  ni  porté  l'habit  religieux 
pendant  ce  temps.  Ceft  du  moins  ce  qu'établit  M. 
d'Aguefîeau  dans  fon  plaidoyer  du  28  mars  1697. 
«  S'agit-il  d'un  religieux,  dit  ce  magiftrat ,  qui, 
»  après  avoir  demeuré  plus  de  cinq  ans  dans  1  ob- 
M  fervation  de  fa  règle,  veuille  détruire,  par  fon 
V  ÎHconftance  ,  un  ouvrage  que  fa  Profeflion  a 
»  commencé,  &  que  fa  perfévéranceaconfommê? 
H  En  ce  cas  ,  fa  caufe  nous  paroîtroit  très-douteufe." 
j>  Mais  ici ,  il  s'agit  d'un  homme  qui  ne  s'eft  jamais 
»  cru  valablement  engagé,  qni,  n'a  demeuré  que 
»  deux  ans,  depuis  fa  profeffion,  chez  les  capucins, 
M  qui  a  effacé  par-là  cette  fin  de  non-recevoir  qu'on 
»  auroit  pu  tirer  de  fa  perfévérance  pendant  cinq 
»  ans,  s'il  avoit  toujours  confervé  fon  état.  Nous 
»  n'avons  garde  d'approuver  fa  conduite  ;  au  con- 
»  traire,  elle  mérite  d'être  condamnée.  Il  falloit 
n  refpeéler  au  moins  l'ombre  &  l'apparence  d'une 
»  Profeffion  folemnelle  ,  &  faire  en  1689  ce  qu'il 
Il  a  fait  depuis  çn  16^^  ,  recourir  à  l'autorité  de 

«  l'églife, 


PROFESSION  MONASTIQUE. 

M  régUfe  ,  pour  le  délier  ou  prendra  la  voie  d'ap' 
»  pel  comme  d'abus.  Mais  cependant  rien  ne  dé- 
»  truit  davantage  cette  fin  de  non-recevoir ,  qu'une 
»  réclamation  ,  tacite  à  la  vérité  ,  mais  très-réelle  , 
»  d'un  homme  qui ,  ne  fe  croyant  point  lié  ,  rentre 
«  dans  le  fiècle  ,  fans  que  jamais  les  capucins  aient 
»  fait  aucune  diligence  pour  l'obliger  à  revenir 
«  dans  le  cloître  ». 

On  trouve  dans  Brodeau  ,  lettre  C  ,  §.  8  ,  un  ar- 
rêt qui  confirme  cette  opinion  :  «  Pierre  Regnault 
M  ayant  fait  Profefllon  à  l'abbaye  de  Charroux  , 
»  âgé  feulement  de  quinze  ans  ,  fans  noviciat,  par 
«  force  ,  pour  obéir  au  commandement  de  fon  ab- 
»  bé,  clandeftinement  en  la  chambre  de  l'abbé, 
»  proche  parent ,  pour  avoir  la  capacité  de  tenir  un 
»  bénéfice  régulier,  dont  Abel  Regnault  fon  père 
>»  avoit  joui  fous  fon  nom,  n'avoit  fait  aucune  fonc- 
»  tion  de  religieux  ,  ni  demeuré  dans  l'abbaye  de» 
>»  puis  fa  Profeffion  ,  mais  dans  la  maifon  de  fon 
n  père,  qui  lui  avoit  fait  prendre  les  armes  &  en- 
»  rôle  dans  une  compagnie ,  &  fait  autres  ades 
I»  femblables  pendant  quinze  ans  entiers ,  n'y  ayant 
»  eu  aucun  aâe  capitulaire ,  oii  il  fût  dénommé 
■M  en  qualité  de  religieux  profés  :  ce  qui  rendoit 
«  indubitable  le  refcrit  par  lui  obtenu  en  cour  de 
»  Rome  pour  faire  déclarer  nulle  fa  Profeifion  ; 
>»  &  fut  ainfi  jugé  par  arrêt  du  mardi  matin  8  avril 
»♦  162Ç  ,  plaidans  M.  Talon  &  M.  Noël  Buffet, 
»  conformément  aux  conclufians  de  M.  l'avocat- 
«  général  Servin  ». 

Le  plaidoyer  de  M.  de  Saint-Fargeau  ,  dans  la 
caufe  de  René  Lelièvrc ,  contient  quelques  ré- 
flexions qui  modifient  ce  que  nous  venons  de  dire. 
»  Sans  prétendre,  dit  ce  magiftrat,  adopter  ou  re- 
«  jeter  abfolument  (la  décifion  de  M.  d'Aguef- 
»  feau),  nous  nous  bornerons  à  obferver  que, 
»  s'il  eft  aucun  cas  ©ù  la  réclamation  de  fait  puifTe 
w  fuppléer  à  la  réclamation  juridique  ,  cela  ne  fau- 
«  roit  être  admis  avec  trop  de  réferve.  Autrement , 
•n  l'indocilité  d'efprit ,  la  corruption  du  cœur ,  le 
»  dérèglement  delà  conduite,  l'apoftafie  elle-mê- 
>»  me,  paroitroient,  à  des  religieux  inconftans  & 
»  corrompus,  autant  de  moyens  offerts,  autant 
«  d'inftrumens  faciles  à  mettre  en  œuvre ,  pour 
«  brifer  un  joug  qui  leur  feroit  devenu  odieux , 
»  quoiqu'ils  fe  le  fuffent  légitimement  impofé  ». 

La  réclamation  dans  les  cinq  ans  ne  feroit  d'au- 
cun effet ,  fi  le  religieux  qui  l'a  loïmko.  laiflbit 
écouler  un  temps  confidérable  fans  en  pourfuivre 
le  jugement.  D'Héricourt  le  décide  ainfi  dans  fes 
lois  eccléfiafliques,  &  le  parlement  de  Touloufe 
a  jugé  de  même  par  arrêt  du  mois  d'avril  1665. 
Dans  cette  efpêce  ,  la  dame  Dumas  de  Cafîellane 
avoit  fait  Profeflion  en  1641,  &  dûment  réclamé 
en  1643  ;  {on  père  ,  qu'elle  avoit  fait  affigner  pour 
voir  déclarer  fes  vœux  nuls  ,  étoit  mort  en  1647. 
Jufque-là  ,  elle  n'avoit  fait  aucune  pcurfuite  ulté- 
rieure ;  elle  garda  encore  le  filence  pendant  neuf 
ou  dix  ans.  Au  bout  de  ce  temps ,  elle  obtint  fen- 
tence  qui  la  reftitua  au  fiècle  :  mais  fu  .'l'appel  com« 
Tomt  Xîll. 


PROFESSION  MONASTIQUE.     777 

me  d'abus  qui  fut  interjeté  de  ce  jugement,  le 
parlement  de  Touloufe  le  déclara  abufif.  «  Les  vrais 
I)  motifs  de  l'arrêt ,  dit  M.  de  Catellan  ,  furent..... 
»  que  véritablement  la  violence  étoit  ici  établie  , 
»  mais  qu'elle  avoit  été  couverte ,  &  la  Profeflion 
»  tacitement  ratifiée  par  le  filence  gardé  plus  de 
»  cinq  ans  après  la  mort  du  père,  depuis  la  mort 
»  duquel    la    plupart    des  juges   convinrent  qu'il  , 
»  falloit  compter  les  cinq  années  que  donne  le 
»  concile  ;  mais  qu'après  cinq  années ,  à  compter 
»  au-delà,  on  étoit  bien  précifément  dans  le  caî 
»  du  chapitre  ,  infinuantc  ,  qui  clericL  vel  virgines  vo- 

n  ventes  matrimonium  contrahere  pojfint  coac- 

»  tionern  ,  Jl  qua  fuit  ^  patientïa  &  per/everantia(e- 
n  quentis  lemporis  profugavit ,  parce  qii  alors  en 
»  peut  dire  ,  comme  dit ,  dans  un  cas  néanmoins 
»  bien  différent ,  le  chapitre  de  frigidis  &  maleficui- 
»  tis  ,  proclamare  potuit ,  cur  quaindiù  tacuit  ?  Ainfi 
M  on  trouva  que  cette  intimée  avoit  rompu  & 
»  gardé  le  filence  à  contre-temps  pour  fon  deffein  , 
»  qu'elle  avoit  parlé  lorfqu'elle  pouvoir  encore  fe 
»  taire  ,  &  qu'elle  s'étoit  tue  iorfqu'il  étoit  nécef- 
»  faire  de  parler.  Il  ne  parut  pas  jufie  que  d'auffi 
»  petites  &  foibles  raifons  que  des  infirmités  & 
»  une  contagion  paffagére  ,  puflent  lui  fervir  d'ex- 
»  cufe  à  ne  point  faire  une  chofe  aufll  effentielle 
»  &  aufli  aifée  ,  que  de  parler  fit  de  réclamer ,  dans 
»  les  cinq  ans  après  la  mort  du  père;  ni  que  la 
»  plainte  formée ,  les  affignations  données  ,  les  au- 
»  dirions  faites  ,  euffent  pu  proroger  le  temps  au- 
»  tant  qu'il  le  falloit  pour  la  prétention  de  l'inti- 
»  mée  ;  tous  ces  aéles  ,  pris  comme  un  commen- 
»  cernent  d'inftance  ,  ayant  été  périmés  dans  trois 
»  ans  ,  &  tout  au  plus  n'ayant  pu  faire  autre  chofe 
)>  que  de  gagner  par  l'interruption  du  laps  de  cinq 
11  ans ,  s'ils  avoicnt  couru  dès-lors ,  cinq  autres  an- 
»  nées.  Ainfi ,  malgré  toutes  ces  confidérations , 
11  on  crut  que  la  ratification  tacite  la  plus  {onc  étoit 
»  le  filence  de  cinq  ans  non  interrompu  ,  de  quel- 
»  que  violence  8c  de  quelque  plainte  que  ce  iï- 
»  lence  eût  été  précédé  ,  &  qu'on  ne  peut  en  juger 
»  autrement  après  que  le  concile  a  dit  que  la  Pro- 
»  feflion  ,  même  faite  avant  l'âge  ou  par  force  ,  eft 
»  confirmée  par  le  feul  filence  de  cinq  ans  ,  & 
»  que  l'ordonnance  de  1629,  article  29,  a  vouhi 
»  que  l'habit  de  religieux  porté  dans  le  monaftère 
»  pendant  cinq  ans ,  tînt  lieu  de  Profeflion.  Et 
»  comment,  fi  l'habit  porté  en  filence  fupplée  à 
»  des  vœux  &  les  fait  prêfumer  faits  ,  ce  mênnr 
»  habit ,  porté  dans  un  pareil  filence  durant  autant 
»  rie  temps ,  ne  les  fera-t-il  pas  préfumcr  rari- 
j»  fiés  »  ? 

L'annotateur  de  Fevret  foutient,  d'après  Bar- 
bofa  ,  de  potejîateepi/copali ,  alleg.  104,  /z°.  16  ,  que 
le  laps  de  cinq  ans  ni  la  ratification  môme  exprefie , 
n'opèrent  rien  contre  ceux  dont  la  Profeflion  efl 
nulle  pour  caufe  d'incapacité  perfonnelle  &  fondée 
en  droit;  «  ils  peuvent  toujours  réclamer,  dit-il , 
»  Si  la  religion  les  peut  toujours  expulfer.  >»  D'Hé- 
ricourt conhrm    &  expplique  cette  maxime  :  u  lorf- 

r  {'jf 


77S     PROFESSION  MONASTIQUE. 

n  que  rempêchement  qui  a  rendu  la  profefîlon 
I»  nulle  ,  vient  de  ce  que  la  perfonne  étant  déjà 
n  liée  ne  pouvoir  s'engager  dans  l'état  religieux  , 
j)  tant  que  cet  empêchement  fubfifte,  on  peut  ré- 
»>  clamer,  même  après  les  cinq  ans.  Ainfi  un  hom- 
•>  me  marié  doit  toujours  retourner  avec  fa  femme , 


PROFESSION  MONASTIQUE. 

»  point  compris  cette  matière  ;  qu'il  n'étoit  point 
V  ordinaire  de  prendre  de  tels  refcrits ,  &  qu'on 
»  avoir  toujours  jugé  qu'ils  étoient  inutiles  par  plu- 
)>  fieurs  arrêts  dont  un  entr'autres,  de  l'année  1 63 1, 
»  étoit  rapporté  dans  les  plaidoyers  de  le  Maître  ; 
5>  que  s'il  y  avoit  eu  d'autres  arrêts  contraires  ,  ils 


î»  quoiqu'il  y  ait  dix  &  vingt  ans  ou  plus  qu'il  fe  1  »  n'étoient  pas  intervenus  fur  ce  défaut  de  refcrits. 


»  foit  engagé  dans  l'état  religieux  »>. 

îl.  Jufques  ici  nous  avons  parlé  des  refcrits 
qu'obtiennent  à  Rome  les  religieux  qui  veulent  ré- 
clamer contre  leurs  vœux;  nous  avons  même  cité 
quelques  plaidoyers  de  M.  l'avocat  général  Talon  , 
^ans  lefquels  ce  maglftrat  a  foutenu  que  les  ofK- 
ciaux  &  les  fupérieurs  réguliers  ne  pouvoient ,  fans 
ces  refcrits,  prononcer  fur  les  demandes  en  nullité 
de  Profeflion  mcnaftique.  Examinons  maintenant 
quel  eft  à  cet  égard  l'efprit  de  l'églife  &  notre  ju- 
rifprudence. 

Voici  ce  que  dit  la  deflus  d'Hcricourt  :  «  Cette 
f>  formalité  (d'obtenir des  brefs  en  cour  de  Romj) 
jj  n'eft  prefcrite  par  aucune  ordonnance  ni  par  au- 
1)  cune  ordonnance  ,  ni  par  aucune  loi  cccléfiafti- 

î>  que  ordinaire  du  diocefe Cette  jurifpru- 

»  dence  ,  qui  eft  confiante  au  parlement  de  Paris, 
u  eft  fondée  fur  ce  qu'il  ne  s'agit  point,  dans  ce 
»  cas  ,  d'obtenir  une  difpenfe  d'un  vœu  ,  mais  de 
w  déclarer  qu'il  n'y  a  point  de  vœu  qui  ait  lié  va- 
•n  lablement  celui  qui  réclame  v. 

Fagnan  ,  fur  le  chapitre  nullus ,  aux  décrétales  de 
regularibus  ,  aft"ure  que  les  évêques  d'Italie  en  ufent 
de  même  ;  &  quoiqu'il  y  ait  en  France  quelques 
auteurs  ,  tels  que  Fevret  &  Vedel ,  qui  regardent 
cette  pratique  comme  irrégulière  ,  elle  n'a  pas  laifte 
d'être   confirmée    par  un  grand   nombre   d'arrêts. 
Dans  une  efpèce  rapportée  au  journal  des  audien- 
ces ,  où  il  s'agiftbit  entr'autres  chofes  de  favoir  fi 
l'official  de  Paris  &  le  délégué  de  l'abbé  de  Sainte- 
Geneviève  avoient  pu  connoître  ,  fans  refcrit  de 
Rome  ,  d'une  demande  en  nullité  de  vœux  ;  «  M. 
3J  l'avocat  général  de  Harlay,  dit  qu'il  n'y  avoit 
«  que  la  queftion  du  refcrit    à  laquelle  on   dût, 
»  s'arrêter ,  les  autres   propofitions  ne   méritant 
r>  point  d'être  examinées ,  parce  qu'elles  étoient 
«  faciles  à  décider  ;  qu'elles  étoient  même  préma- 

»  turées  ,  &  qu'il  ne  s'agiftbit  point  du  fond 

«  Qu'à  l'égard  de  la  véritable  queftion  ,  les  évê- 
«  ques  étoient  les  ordinaires  ,  &  avoient  leur  juri- 
»  diâion  dans  leur  diocèfe ,  comme  le  pape  dans 
»  le  fien  ;  que  ce  feroit  contrevenir  aux  libertés 
>»  de  l'églife  gallicane  ,  que  de  leur  vouloir  re- 
»  trancher;  que  les  rois  les  y  avoient  toujours 
V  maintenus  ;  qu'il  étoit  néceffaire  de  les  appuyer 
j)  dans  l'exercice  de  ce  droit ,  &  que  les  plus  faints 
papes  n'avoient  point  contrevenu  à  cela ,  lef 


}> 


j»  quels  ne  s'étoient  voulu  attribuer  aucune  r.uto- 
»  rite  fouveraine  fur  les  fujets  des  princes ,  inf- 
»  iruits  par  ce  pafTage  de  l'écriture  ,  re^cs  gentiuni 
3)  dominantur eos .ves'auiem  nonficÇ^WQ  dans  le  tit. 
»  des  décrétales  de  regularihus  ,  les  papes  ,  par  leurs 
s»  réfervations   des  caufes  majeures,  n'y  avoient 


>»  mais  fur  des  circonftances  particulières  ».  — Sur 
ces  raifons ,  arrêt  eft  intervenu  le  3 1  mai  1691 ,  qui 
a  déclaré  qu'il  n'y  avoit  abus  ,  &  a  condamné  l'ap- 
pelmt  à  l'amende  &  aux  dépens. 

Ducafle  ,  juridiction  eccléfiaftique  ;  partie  2  , 
chapitre  6  ,  remarque  un  cas  où  la  décifion  de 
cet  arrêt  ne  pourroit  pas  être  fuivie.  C'eft  ,  dit-il, 
lorfque  le  religieux  a  laifle  pafler  cinq  ans  fans 
réclamer  :  comme  alors  il  ne  peut  le  faire  qu'en 
alléguant  une  continuité  de  violence  ,  &  que  par 
conléquent  il  a  befoin  du  fecours  de  la  reftitution 
en  entier  contre  le  laps  de  temps ,  il  faut  qu'il  foit 
difpenfe  par  une  autorité  fupérieure  à  celle  de 
l  ordinaire,  de  la  loi  du  ^«f/zj«e/initt/»,  établie  par 
I  le  concile  de  Trente. 

m.  Il  s'eft  autrefois  gliffé ,  dans  la  forme  de  l'im- 
pétratjon  des  brefs ,  des  abus  contre  lefquels  les 
cours  ont  été  obligées  de  févir.  Nous  avons  à  ce 
fujets  trois  arrêts  remarquables  ;  deux  du  parle- 
ment de  Paris ,  &  l'autre  de  celui  de  Dijon. 

Le  premier  a  été  rendu  le  26  février  1624  ,  fur 
les  conclufions  de  M.  Servin.  Voici  ce  qu'il  porte  : 

»  La  cour fait  très-expreffes  inhibitions  & 

»  défenfes ,  tant  à  l'official  de  l'archevêque  de  Pa- 
»  ris,  qu'à  tous  autres  officiaux  ,  de  procéder  par 
»  aucune  information  ou  enquête  fur  la  requête  à 
5>  eux  préfentée  par  les  religieux  ,  pour  obtenir  fur 
JJ  cette  requête  des  brefs  déclaratoires  de  riullité 
»  des  vœux  ,  ains  leur  pourvoir  par  les  voies  de 
>i  droit ,  à  peine  de  tous  dépens,  dommages  &  in- 
»  téréts,  «  Cette  procédure  étoit  vlfibleraent  con- 
traire à  la  pragmatique  &  au  concordat ,  qui  veut 
lent  que  les  caufes  foient  jugées  fur  les  lieux. 

Le  fécond  arrêt  eft  du  3  juillet  1641.  Un  parti- 
culier avoit  fait  Profeflîon  chez  les  carmes  déchauf- 
fés ,  fous  la  condition  que  la  foibleffe  de  fon  efto« 
mac  lui  permît  l'abftinence  de  chair.  Quelques  an- 
nées après  ,  il  obtint  de  la  congrégation  des  cardi- 
naux des  réguliers ,  un  refcrit  qui  le  relevoit  de  fes 
vœux  ,  &  il  le  fit  entériner  par  l'évêque  de  Poi- 
tiers. Sur  l'appel  comme  d'abus  qui  fut  interjeté 
de  la  fentence  d'entérinement ,  il  démontra  affer 
clairement  la  nullité  de  fa  Profeftion  ;  mais ,  dit 
le  réda^eur  du  journal  des  audiences  ,  «  M.l'avo- 
»  cat-général  Talon  n'ayant  pu  adhérer  à  ces  rai- 
»  fons,  à  caufe  de  la  nullité  du  refcrit,  qui  ne 
»  pouvoir  pafter  parmi  nous  que  pour  un  fimple 
J)  avis ,  ayant  été  décerné  par  des  perfonnes  qui 
»  n'ont  aucune  juriHiflion,  la  cour  dit  qu  il  avoit 
5>  été   mal ,  nullement  &  abufivement   procédé  , 
»  ordonné   &  exécuté   par  l'évêque  de  Pomers  ; 
V  évoquant  le  principal ,  & ,  avant  que  d  y  taire 
»  droit,  ordonna  que l'iotimé fe pourvoiroit dans 


PROFESSION  MONASTIQUE. 

i»  fix  mois  pardeyers  le  pape ,  pour  lui  être  pour- 
«  vu,  ainfi  que  de  raifon ,  fans  dépens  ». 

Le  troifiéme  arrêt  eu  du  4  août  1703. 11  ordonne, 
qu'à  la  diligence  du  procureur-général  du  roi  ,  exaÛe 
recherche  &  perquijîtion  fera  faite  des  décrets  que  les 
cardinaux  de  la  congrégation  des  réguliers  avoient 
répandus  depuis  peu  dans  la  province  de  Bour- 
gogne, contenant  commiiTion  aux  ordinaires  d'in- 
former fecrètement  des  faits  articulés  dans  les  fup- 
pliques  préfentées  au  pape  par  des  religieux  rccla- 
mans,  d'entendre  même  les  fupérieurs  des  mo- 
naftéres  où  ces  religieux  avoient  fait  leur  Profcf- 
fion,  pour  envoyer  enfuite  ces  procédures  à  Rome, 
&  y  joindre  leur  avis ,  afin  qu'on  pût  juger  plus 
fainement  fi  le  bref  de  difpenfe  ou  de  reftitution 
contre  les  vœux  devoit  être  accordé  ou  refufé. 

Le  réquifitoire  fur  lequel  cet  arrêt  a  été  rendu, 
expofe  ,  d'une  manière  très-lumineufe  ,  les  raifons 
qui  nécefiîtoient  la  fuppreffion  de  ces  refcrits.  En 
Toici  les  termes  :  «  Il  femble ,  du  premier  coup- 
»  d'œil ,  que  c'eft;  une  infcruflion  fommaire  qui,  ne 
»  paroiffanr  point  au  dehors  &  n'étant  farte  que 
"  pour  diffiper  ks  doutes  &  éclairer  la  religion  des 
»  cardinaux  de  la  congrégation  des  réguliers  ,  on 
«  ny  fauroit  rien  découvrir  qui  foit  capable  d'ex- 
»  citer  le  miniftère  public  ;  nea.imoins  ,  pour  peu 
»  qu'on  donne  d'attention  à  pénétrer  les  motifs  de 
»  cette  conduite ,  voilée  du  fpécicux  prétexte  de 
"  ne  pas  ouvrir  trop  légèrement  la  porte  des  cloî- 
»>  très ,  on  remarquera  facilement  qu'elle  renferme 
»  un  piège  finement  dreffé ,  &:  un  déiour  ingé- 
»»  nieux  pour  frayer  des  routes  &  introduire  des 
»  maximes  entièrement  oppofées  aux  libertés  de 
»  l'églife  gallicane.  —  Il  eft  certain  qu'en  France 
M  nous  relpeftons  la  puiflance  du  pape,  &  que  nous 
«  le  reconnoiflbns  comme  le  chef  yifible  de  l'égli- 
»  fe  ,  &  le  père  commun  des  chrétiens  :  mais  nous 
5>  n'avons  jamais  reconnu  le  pouvoir  ni  la  juridic- 
>»  tion  des  congrégations  qui  fe  tiennent  à  Rome  , 
"  &  que  le  pape  peut  établir  fuivant  qu'il  le  juge 
>'  à  propos.  Les  décrets  de  ces  congrégations  n'ont 
"  point  été  reçus  ni  autorifés  dans  le  royaume  ;  & 
>»  toutes  les  fois  qu'on  en  a  préfenté  dans  les  affai- 
»  res  contentieufes  ,  comme  de  nullité  de  voeux , 
»  de  tranflation  de  religieux ,  &  autres  de  cette  na- 
w  ture,  on  n'a  jamais  héfité  un  moment  à  les  rejeter 
»  &  à  les  déclarer  abufifs,  fauf  à  ceux  qui  les  avoient 
«  tenus  à  fe  pourvoir  par  les  voies  ordinaires  à 
«  la  chancellerie  où  les  aftes  font  expédiés  fous 
»  le  nom  du  pape ,  dont  nous  révérons  la  per- 
»)  fonnc ,  comme  le  centre  où  réfîde  l'autorité  légi- 
j)  time.  L'application  de  ces  principes  décide  (on- 
»>  verainement  que  les  refcrits  émanés  de  la  con- 
»)  grégation  des  réguliers  bleflent  nos  ufages  ,  aufiî 
Il  anciens  que  la  monarchie,  &  qu'il  n'eft  pas  per- 
«  mis  au  procureur  général  de  difiimuler  une  pa- 
>»  reille  entreprife.  — Mais  fi  ces  refcrits  font  dé- 
»  fe61.,eux,  parce  que  la  fourcc  nous  en  eft  étran- 
*»  gère  &  inconnue,  &  que  l'afTemblée  où  ils  ont 
w  été  fortnés  n'a  point  de  cara<îlère,  l'exécution 


PROFESSION  MONASTIQUE.    779 

'>  en  eft  encore  plus  odieufe  ,  puifqu'elle  renverfc 
»  les  privilèges  de  la  nation  ,  &  l'ordre  obfervé 
»  pendant  plufieurs  fiédes,   &  confirmé  par  la 
»  pragmatique  ,  par  le  concordat ,  &  par  le  con- 
»  cile  de  Trente.  —  Ces  refcrits  ordonnent  que 
»  les  évêques  procéderont  à  des  informations  fe- 
»  crêtes ,    qui  ont  fans  doute  beaucoup  de  rap- 
»  port  à  celles  qu'on  a  coutume  de  faire  à  l'inqui- 
»  fition  ,  tribunal  d'un  établiflement  moderne  ,  où 
'»  la  juftice  eft  arbitraire  &  de  pure  politique  ,  5c 
»  où  il  e^  aufli  aifé  d'abfoudre  le  coupable  ,  que 
»  de  condamner  l'innocent.  —  On  prefcrit  encore 
»  aux  évêques  de  donner  leur  avis  &  de  l'en- 
»  voyer  avec  les  informations  fecrètes  à  Rome  , 
»  pour  y  juger  les  fnjets  du  roi  :  cependant  nos  lois 
»  les  plus  inviolables   défendent  précifément  de 
>i  traduire  les  François  hors  de  leur  patrie ,  &  veu- 
5)  lent  que  le  pape  délègue  des  commiflaires  en 
»  France  ,  pour  y  examiner  &  décider  les  caufes 
n  eccléfiaftiques.  —  D'ailleurs ,  ces  procédures  fe- 
»  crêtes  deviennent  illufoires  ,  puisqu'on  ne  fau- 
»  roit  y  avoir  aucun  égard  après  l'expédition  du 
»i  bref,  &  que,  pour  parvenir  à  l'entérinement, 
)>  il  faut  les  réitérer  dans  les  formes  prefcrites  par 
»  le  dernier  concile  écuménique  &  paries  ordon- 
M  nances.  —  On  peut  ajouter  que  cette  méthode 
»  extraordinaire  expofe  un  religieux  à  être  jugé 
»)  trois  fois  pour  le  même  fait ,  à  fubir  deux  jugc- 
»  mens  particuliers  &  clandeftins  ,  &  une  fentence 
«  publique.  Le   premier   jugement  particulier  & 
5)  clandeflin  eft  porté  par  l'êvêque  fur  les  informa- 
M  tions  fecrètes  qu'il  fait  lui  feul.  La  congrégation 
»  des  réguliers  en  rend  un  fécond  à  Rome  ,  après 
»  avoir  vu  celui  de  l'êvêque  &  ces  mêmes  infor- 
»  mations  fecrètes  ;  &  la  troifième  fentence ,  qui 
»  eft  authentique  ,  intervient  fur  les  procédures 
»  folemnelles  inftruites  par  l'êvêque  &  par  le  fupé- 
>»  rieur  du  monaflère  ,  commifTaires  naturellement 
>»  délégués  par  le  concile.  Cette  multiplicité  &  ce 
"  mélange  de  jugemens  clandefiins  &  publics  dans 
»»  une  même  caufe ,  ne  fauroient  être  confidérés 
»  que  comme  une  efpèce  de  monflre  dans  l'ordre 
V  judiciaire  des  matières  canoniques  ,  &  comme 
»  un  moyen  propre  à  multiplier  les  longueurs  & 
j>  les  frais  inutiles.  Enfin  fi  on  lai/Toit  les  évêques , 
1)  qui  tiennent  leur  dignité  &  les  attributs  de  leur 
j»  caradlêre  immédiatement  de  Jéfus-Chrift  ,  dans 
»  la  dépendance  d'une  congrégation  qui  n'a  jamais 
«  été  reconnue  ,  &  qui  eft  d'une  inftitution  pure  : 
»  ment  humaine  &  volontaire  ;  ce  feroit  leur  im- 
r>  pofer  une  fervitude  fâcheufe  ,  avilir  leur  rang, 
»  &  violer  les  règles  les  plus  folides  de  la  difci- 
»  pline.  —  Il  n'eft  pas  difficile  de  démêler  que  cette 
«  nouveauté  n'a  été  hafardée  que  dans  la  vue  ,  fi 
»  elle  étoit  fuivie  d'une  tolérance  paifible  ,  de  s'en 
»  faire  un  titre  pour  fe  difpenfer  des  formes  ordi- 
»  naires  ,  &  d'affujettir  les  François  à  des  pratiques 
»  ultramontaines. —  Le  procureur  général ,  qui  eft 
»  chargé  de  la  manutention  des  lois  &  des  ordon- 
w  nances,  ne  fauroit  s'oppofer  avec  trop  de  vi- 

Fffffij 


7So     PROFESSION  MONASTIQUE. 

5>  gueur  à  cet  abus ,  ni  marquer  trop  de  zèle  pour 
j*  arrêter  le  cours  &  rexécution  de  ces  fortes  de 
»  refcrits  ,  fi  contraires  au  moeurs  &  à  la  police 
i>  générale  du  royaume  ;  &  pour  apporter  le  re- 
j>  mède  convenable  à  cette  plaie  naiffante  ,  il  a  re- 
"  quis  ,  qu'à  fa  diligence ,  exaéle  recherche  &  per- 
«  quifition  foit  faite  des  refcrits  émanés  de  la  con- 
»  grégation  des  réguliers  ,  &  envoyés  aux  évéques  . 
M  de  la  province  ;  enjoindre  à  ceux  qui  ont  obtenu 
»  CCS  refcrits,  ou  auxquels  ils  feront  adreffés ,  de 
>»  les  remettre  inceffamment  au  greffe  de  la  cour , 
3J  pour  être  communiqués  audit  procureur-géné- 
ï»  rai ,  &  y  prendre  eniuite  telles  conclufions  qu'il 
«  appartiendra  ;  cependant ,  que  très-expreffes  in- 
3>  hibitions  &  défenfes  foi-ent  faites  aux  évêques 
3>  de  la  province  de  les  recevoir  &  de  les  exccu- 
»  ter ,  &  que  l'arrêt  qui  interviendra  fera  envoyé 
»»  dans  les  bailliages  &  fièges  royaux  du  reflbrt , 
»  pour  y  être  lu  ,  publié  &  regiftré  en  la  manière 
»  accoutumée  ». 

IV.  Il  efl  d'ufage  que  le  religieux  réclamant 
faffe  affigner  fur  la  demande  en  nullité  de  vœux  , 
ceux  de  fes  parens  qui  font  direflement  intéreffés  à 
ce  que  fa  Profeifion  fubfifte.  Il  n'y  a  cependant  au- 
cune loi  civile  ni  canonique  qui  prefcrive  cette 
formalité.  Se  par  conféquent  il  eft  à  croire  que 
l'inobfcrvation  n'en  feroit  pas  regardés  comme 
abufive.  Dans  l'efpèce  de  l'arrêt  du  mois  d'avril 
1665  ,  rapporté  au  nombre  I ,  de  ce  paragraphe  ,  le 
frère  de  la  dame  deCaflellane  la  lui  oppofoit  com- 
me un  moyen  d'abus  ;  voici  ce  qu'elle  répondoit  : 
î>  <c  Une  religieufe  par  fa  profeftion  &  fes  vœux  , 
î>  n'efl  engagée  qu'à  dieu  ,  dont  les  intérêts  &  les 
3)  droits  réfident  en  la  communauté  qui  l'a  reçue 
))  &  à  laquelle  on  laifie  le  foin  de  les  ménager  & 
5>  de  les  défendre.  Ainfi  on  n'a  point  dû  appeler  le 
»  frère  ,  qui  n'y  a  qu'un  intérêt  bien  moins  con- 
3»  fidérable  en  comparaifon  ,  &  ,  à  regarder  la  vraie 
j)  importance  des  chofes  ,  un  intérêt  d'ailleurs  ac- 
3>  cefibire ,  Si.  qu'on  nomme  un  intérêt  per  confe- 
j)  qucnnas  ;  tout  comme  ,  félon  nos  arrêts  ,  les  fei- 
»  gneurs  ne  font  point  appelés  à  l'entérinement 
»  des  lettres  de  grâce  ,  quoiqu'inféreffés  aux  con- 
3>  damnations,  &  tout  comme  les  fubflitués  ne  font 
-ji  point  appelés  dans  des  procès  où  il  s'agit  de  la 
5?  validité  ou  invalidité  des  mariages,  &  dontrévè- 
5>  nement  peut  fervir  d'obflacle  ou  d'ouverture  à 
j>  la  fubfiitution  ;  auiB  la  chofe  a  été  nommément 
3)  décidés  de  même  Jans  le  cas  tout  pareil  d'un 
5)  frère  non  appelé  à  la  Aihnination  du  rcfcrit  ob- 
»  tenu  par  la  fœur  qui  réclamoit  contre  fes  vœux. 
3)  C'étoit  la  dame  1-  Breton  de  la  Ramade  ;  6c 
■)}  par  arrêt  du  30  msrs  1651  ,  il  fut  déclaré  n'y 
;>  avoir  point  d'abus  dans  la  fentence  de  l'ofHcial 
»  de  Montauban  ,  qui  avoit  fulminé  le  refcrit  fans 
»  appeler  le  frère  », 

Mais  fi  le  défaut  d'aHigner  les  parens  fur  une 
demande  en  nullité  de  vœux  ,  n'eO  pas  un  moyen 
(affifant  pour  faire  dfvlarcr  ces  fortes  de  procédu- 
3e*  abufives ,  au  moins  ne  peut-on  refufer  aux  pa- 


PROFESSION  MONASTIQUE. 

rens  le  droit  d'intervenir  d'eux-mêmes ,  pour  prou- 
ver qu'il  n'y  a  eu  ni  féduftion  ,  ni  violence,  ni 
nullité  dans  la  Profeflion.  Ils  peuvent  même,  fans 
s'être  rendus  parties  devant  les  juges  d'églife  ,  in- 
terjeter appel  comme  d'abus  des  jugemens  qui  dé- 
clarent les  vœux  nuls. 

On  a  élevé  à  cette  occafion  une  difficulté  dont 
la  décifion  eft  importante.  C'eft  de  favoir  û  lorf- 
qu'une  Profelîion  a  été  jugée  nulle  contradiéloire- 
ment  avec  le  père  &  la  mère  du  reclamant,  les  col- 
latéraux font  recevables  à  appeler  comme  d'abus 
de  la  fentence  qui  reftitue  celui-ci  au  fiècle  ?  Un 
arrêt  du  11  juillet  1736,  rapporté  par  Dénifart, 
a  décidé  qu'ils  ne  le  font  pas.  C'étoit  dans  la  caufe 
du  fieur  de  Bourneuf ,  contre  le  fieur  &  la  dame  de 
Bonvoufl ,  appelans  comme  d'abus  d'une  fentence 
de  l'ofHcial  de  Séez  ,  du  1 1  décembre  1734. 

»  Cependant  ,  ajoute  Dénifart ,  comme  il  ne 
5>  dép.ind  pas  du  père  &  de  la  mère  de  changer  l'état 
»  de  leurs  enfans  ,  s'ils  fe  prêtoientcollufoirement 
M  à  la  réclamation  des  vœux  d'un  de  leurs  enfans  , 
»  les  collatéraux  feroient  recevables  à  intervenir... 
»  C'efl  ce  que  nous  apprend  un  arrêt  rendu  à 
>j  la  grand'chambre  ,  en  1727  ,  dans  l'affaire  de 
»  Guillaume  Langelard  ,  religieux  ai;guflin  de  la 
»  ville  de  Bourges.  Il  pourfuivoit  la  réjlamation 
»  contre  fes  vœux  ,  fur  le  fondement  des  violences 
»  de  fon  grand -père  maternel;  le  père  en  étoit 
5>  convenu  par  ade  devant  notaires  le  21  mars 
»)  1718.  La  demoifelle  Catherine  Langelard,  fœur 
•>y  du  réclamant,  s'oppofoit  à  fa  demande  en  refli- 
»  tution  au  fiécle  ,  &  elle  réufTu  >». 

L'arrêt  du  30  août  1706,  que  nous  avons  déjà 
cité  plufieurs  fois  ,  a  jugé  quelque  chofe  de  fembîa- 
hle.  François  le  Coufluricr  demandoitla  nullité  de 
fa  Profcffion.  Sa  mère  ne  s'y  oppofoit  pas,  fon 
père  étoit  mort,  fon  couvent  gardoit  lefilence; 
André  le  Couflurier,  fon  oncle ,  a  feul  appelé  com- 
me d'abus  de  l'obtention  du  bref  &  de  l'ordon- 
nance de  l'official  de  Chartres  ,  qui  admettoit  la 
preuve  des  faits  allégués  par  le  réclamant;  &,  com- 
me ou  l'a  vu  plus  haut ,  cet  appel  a  été  accueilli  par 
l'arrêt  cité. 

Le  journal  du  palais  nous  fournit  deux  autres  dé- 
cidons de  la  même  efpèce.  Frère  Baillard  avoit  ob- 
tenu, du  confeotement  de  fon  père  &  de  fon  frère  , 
une  fentence  qui  le  reflituoit  au  fiècle.  Sesfœurs, 
qui  n'y  avoient  pas  donné  le  même  confentement , 
&  à  qui  elle  portoit  préjudice  ,  en  interjetèrent 
appel  comme  d'abus;  &  par  arrêt  du  parlement 
d'Aix  du  15  décembre  1670,  cette  fentence  fut 
déclarée  abufive. 

Clément  Martin  fait  ProfefTion  dans  l'ordre  des 
capucins  en  1639;  il  quitte  l'habit  en  1646  ,  8i  , 
après  avoir  fuivi  les  armées  du  roi  pendant  fix 
mois  ,  il  revient  dans  fa  maifon  de  Profeflion  ,  où  il 
efl  favorablement  reçu.  11  y  demeure  trois  années, 
après  lefquelles  il  déferte  une  féconde  fois.  Se 
pourfuit  la  réfolution  de  fes  veux  ,  en  conféquence 
d'un  hiet  qu'il  avoit  obtenu  du  rice-légat  d'Avi- 


PROFESSION  MONASTIQUE. 

gnon,  fondé  fur  la  crainte  &  la  violence.  Le  bref 
€ft  entériné  par  fentence  des  commiffaires  apofto- 
liques  ,  &  l'impétrant  rétabli  dans  le  fiède.  En 
1654,  il  contracte  mariage  avec  la  nommée  Made- 
leine Richelmy ,  dont  il  eut  un  enfant.  La  mère 
&  l'enfant  décédés,  il  fe  remarie  avec  une  autre 
femme  ,  qui  mourut  aufli  quelque  temps  après , 
fans  lui  laiffer  aucua  enfant.  Les  chofes  en  cet  état, 
JeanBaptifte  Voulonne  ,  parent  de  Madeleine  R.i- 
chelmy  ,  interjette  appel  comme  d'abus  delà  fen- 
tence des  commiffaires  apoftoliqnes.  L'appel  porté 
au  parlement  d'Aix,  on  examina  trois  queftions. 
La  première  ,  i\  l'appelant  comme  d'abus  ,  parent 
fort  éloigné  de  la  première  femme  de  Clément 
Martin  ,  étoit  recevable  à  attaquer  un  jugement  au- 
quel tous  les  autres  parens  plus  proches  avoietit 
acquiefcé.  La  féconde  ,Si  ce  jugement  étoit  nul  & 
abufif ,  pour  avoir  été  rendu  fans  qu'il  parût  aucune 
réclamation  par  écrit  dans  les  cinq  ans.  La  troifiè- 
me  ,  fi  on  pouvoit  obliger  Clément  Martin  de  rear 
trer  dans  fon  monaftère  après  fes  deux  mariages. 
M.  l'avocat  général  de  Saint-Martin  démontra  l'af- 
firmative de  ces  trois  queflions  ,  &  fes  conclufions 
furent  fuivies  par  arrêt  du  18  mai  1679. 

On  juge  tout  autrement  à  l'égard  de  ceux  mêmes 
d'entre  les  parens  qui  ont  conlenti  à  l'annulation 
des  vœux  du  réclamant.  Voyez  les  mots  Abus  & 
Nullité. 

V.  Celui  qui  fe  préfente  à  la  juftice  eccléfiafti- 
que  pour  être  relevé  de  fes  vœux  ,  doit  être  revêtu 
des  habits  de  fon  ordre  ,  &  demeurer  afluelleraent 
dans  fon  monaftère  ;  autrement ,  dit  le  concile  de 
Trente,  bien  loin  de  l'écouter,  on  doit  le  punir 
comme  apoflat.  Quod  Jî  anteà  habitum  fpontè  dimi- 
ferit,  nullateniis  ad  allegsndam  quamcumque  caufam 
admittaïur ,  ftd  ad  monajlerium  redire  cogatur ,  & 
tanquàm  apoftaia  puniatur. 

11  y  a  dans  les  mémoires  du  clergé  un  arrêt 
du  parlement  d'Aix ,  du  14  mars  1679,  qui  or- 
donne qu'un  religieux  réclamant  demeurera  dans 
le  cloître ,  même  pendant  l'appel  d'une  fentence 
de  l'official  qui  avoit  prononcé  fur  la  demande  en 
nullité  de  fes  vœux. 

VI.  Nous  avons  parlé  au  mot  LÉGITIMITÉ  ,  des 
mariages  que  contraftent  quelquefois  des  religieux 
avant  qu'il  ait  été  fait  droit  fur  leur  réclamation. 
Aux  arrêts  que  nous  y  avons  cités  à  ce  fujet,il 
faut  en  ajouter  un  autre  que  M.  de  Cateiian  nous 
retrace  en  ces  termes  :  «  La  dame  d'Aubuflb|i  de 
j»  la  Feuillade  s'étoit  mariée  au  préjudice  d'une 
»  appellation  tomme  d'abus,  dans  des  circondan- 
»  ces  bien  défavantageufes.  L'otîicial  &  le  fupé- 
»  rieur  de  l'ordre  avoient  été  partagés  en  avis. 
«  L'avis  de  l'ofRcial  étoit  d'ordonner  une  plus  am- 
V  pie  preuve  ;  celui  du  fupérieur,  de  fulminer  & 
j)  reftitucr.  La  dame  d'AubuiTon  ,  prenant  l'avis 
j>  du  fupérieur  pour  fentence  ,  avoit  voulu  con- 
7)  trader  mariage.  La  dame  de  Millars  ,  fa  fœur  , 
»  utérine,  avoit  relevé  appel  comme  d'abus  de  la 

»  prétendue  fentence ,  apréï  lequel  le  mariage  fut  j 


PROFESSION  MONASTIQUE.     781 

»  contrarié  par  la  dame  d'Aubuffon  ,  attaqué  par  la 
»  dame  de  Millars,  &  confirmé  par  arrêt  du  par- 
»  Icment  de  Touloufe  en  1646». 

VU.  Vedel  fur  Cateiian  rapporte  un  arrêt  de  la 
même  cour  du  24  mars  1722  ,  par  lequel  il  a  été 
jugé  ,  «  qu'après  le  décès  du  religieux  réclamant , 
»  on  étoit  non-recevable  à  quereller  fon  état ,  &  en 
»  l'appel  comme  d'abus  relevé  de  l'exécution  du 
»  rel'crit  du  pape,  qui  le  fécularifoit ,  quoiqu'il 
»  y  eût  des  moyens  d'abus  pertinens  contre  ce  ref- 
»  crit ,  &  qu'il  portât  préjudice  aux  parens  du  re- 
M  ligieux  ,  qui  avoient  déjà  recueilli  Ja  fuccefllon 
j>  dont  la  difpute  faifoit  la  matière  du  procès». 
Cette  décifion  cCt  conforme  aux  principes  que  nous 
avons  établis  à  l'article  LÉGITIMITÉ.  On  peut  en- 
core voir  là-de(Tus  le  plaidoyer  de  M.  l'avocat- 
général  de  la  Molle ,  du  11  avril  1680 ,  inféré  datis 
le  journal  du  palais  ,&  l'arrêt  du  22  juillet  1718, 
rapporté  par  Denifart  au  mot  Vœux. 

VIIL  Le  défaut  de  défenfe  valable  ,  que  l'article 
y^  du  titre  35  de  l'ordonnance  de  1667  place  au 
nombre  des  ouvertures  de  requête  civile  pour  les 
mineurs  ,  peut-il  être  allégué  par  un  religieux  qui, 
ayant  réclamé  pendant  fa  minorité  contre  fa  Pro- 
feflion  ,  a  été  déclaré  mal  fondé  &  renvoyé  à  {on 
monaftère .'' 

Cette  queflion  eft  intéreffante;  voici  un  arrêt 
qui  l'a  jugée  pour  la  négative. 

Le  frère  de  Belavoine  ,  après  avoir  fait  Profef- 
fion  dans  le  couvent  des  feuillans  de  la  rue  Saint- 
Honoré  à  Paris  ,  interjeta  appel  comme  d'abus  de 
fes  vœux ,  fur  le  prétexte  que  fon  père  l'avoie 
contraint  à  les  faire  par  des  menaces  &  des  vio- 
lences. Pendant  que  la  caufe  s'inflruifoit,  il  écri- 
vit à  fon  père  une  lettre  où  il  lui  demandoir  par- 
don de  fes  égaremens ,  &  reconnoilToit  n'avoir 
fait  fes  vœux  que  par  légèreté.  Quelques  jours 
après  ,  il  alla  trouver  le  procureur  de  fon  père ,  & 
lui  donna  un  défiftement  de  {on  .ippel  comine 
d'abus.  Le  père  fe  hâta  de  demander  a&.s  de  ce 
défiftement ,  &  l'obtint  par  défaut.  Le  frère  de 
Belavoine  forme  oppofitionà  l'arrêt ,  &  cependant 
s'enfuit  dans  le  Languedoc.  Le  6  feptembre  1770, 
il  intervint  arrêt  contradiffoire,  qui  donna  aéie  au 
père  du  défillenient  de  fon  fils  ;  en  coniequence  , 
déclara  n'y  avoir  abus  dans  la  Profeflion  de  celui- 
ci  ,  &  lui  enjoignit  de  fe  retirer  dans  fon  couvenr , 
dépens  compenfés. 

Cet  arrêt  ne  fut  point  fignifîé  au  t'rère  de  Bela- 
voine. C'eft  ce  qui  l'engagea  en  1775  ,  ^pfès  la 
mort  de  fon  père  ,  à  prendre  des  lettres  de  requête 
civile  pour  le  faire  retracer.  Son  unique  moyen 
confiftoit  à  dire  qu'il  avoit  été  mal  défendu  ,  & 
qu'il  étoit  mineur  lois  de  l'arrêt.  Il  prcuvoi:  ia 
minorité  par  fon  extrait  debaptêm.e,  &  le  défaut 
de  défenfes  par  la  produâion  d'une  lettre  de  fon 
père  ,  dont  il  n'avoit  point  fait  nfage  dans  fon 
appel  comme  d'abus  ,  Se  qui  contenolt  les  mccjc^s 
les  plus  fortes  pour  le  foicer  àprouoocerfesvœyi. 


jBi    PROFESSION  MONASTIQUE, 

M"  Langlois  parla  en  fa  faveur  pendant  trois  au-   j 
diences.  ' 

M'^  Vermeil,  pour  la  veuve  en  féconde  noces  du 
fieur   de  Belavoine,  tutrice  des  enfans  qu'il  lui 
avoit  laifles  ,  foutint ,  i°.  que  la  lettre  étoit  fauffe  ; 
ce  qu'il  appuya  de   plufieurs  préfomptions  très- 
fortes  ;  2°.  qae  quand  même  elle  auroit  été  vraie  , 
elle  n'auroit  pu  former  un  moyen  de  requête  ci- 
vile ,  parce  que  le  frère  de  Belavoine  ne  pouvoir 
être  confidéré  comme  mineur  relativement  à  fes 
vœux.  S'il  étoit  réputé  majeur  pour  faire  Profef- 
fion ,  il  l'étoit  également  pour  réclamer  contre  fa 
Profeflîon.  La  preuve  en  réfulte  de  ce  qu'au  temps 
où  l'âge  de  feize  ans  fuffifoit  pour  l'émiffion  des 
vœux ,  les  cinq  ans  prefcrits  pour  terme  de  la  ré- 
clamation ,  étoient  écoulés  à  vingt-un  ans  ;  ainfi  le 
mineur,  parvenu  à  ce  dernier  âge ,  étoit  regardé 
comme  capable  de  ratifier  &  de  couvrir  ,  par  un 
confentement  tacite  ,  les  nullités  qui  pouvoient  fe 
trouver  dans  l'émiffion  de  fes  vœux.  Donc  la  pref- 
cription  qui  a  lieu  en  cette  matière  court  contre  les 
mineurs  ;  donc  ceux-ci  doivent,  à  cet  égard  ,  être 
confidérés  comme  majeurs  ;  donc  ils  peuvent  fe 
défifter  des  demandes  en  nullité  qu'ils  forment  con- 
tre leurs  vœux  ;  donc  ils  font  réputés  capables  de 
fe  défendre  valablement;  donc  enfin  ils  ne  peuvent 
fe  prévaloir  du  moyen  de  requête  civile  que  l'or- 
donnance accorde  aux  mineurs  non  valablement 
défendus.  C'eft  d'ailleurs  ce  que  la  cour  a  déjà  pré- 
jugé dans  cette  caufe.  Le  frère  de  Belavoine ,  en 
demandant ,    par  fa  requête  introduâive  ,  d'être 
reçu  appelant  comme  d'abus  de  l'émifiion  de  fes 
vœux ,  avoit  conclu  à  ce  qu'il  plût  à  la  cour  lui 
nommer  un  tuteur  fous  l'autorité  duquel  il  pût  pro- 
céder. La  cour  a  reçu  fon  appel  comme  d'abus  , 
pazii  ne  lui  a  point  nommé  de  tuteur  ;  ainfi  elle  l'a 


PROFESSION  MONASTIQUE. 

regardé  comme  capable  de  foutenir  fes  droits  eu 
juftice  ,  &  par  conféquent  comme  majeur  relative*, 
ment  à  fa  Profeflîon. 

M.  Joly  de  Fleury ,  avocat-général ,  qui  porta 
la  parole  dans  cette  caufe  ,  a  dit  que  les  préfomp- 
tions de  faux  qui  s'élevoient  contre  la  lettre  pro- 
duite par  le  frère  de  Belavoine,  étoient três-fortes  ; 
mais  que  des  préfomptions  ne  pouvant  feules  fervir 
de  bafe  à  un  arrêt,  on  devoit  regarder  la  lettre 
comme  vraie,  jufqu'à  ce  que  le  contraire  eût  été 
prouvé  par  comparaifon  d'écritures  ;  que  cependant 
cette  vérification  étoit  inutile  ,  parce  que  le  frère 
de  Belavoine  ne  pouvoit  invoquer  en  fa  faveur 
l'article  35  du  titre  35  de  l'ordonnance  ,  &  qu'on 
devoit  le  confidérer  comme  majeur  à  l'égard  de  fa 
ProfefTion. 

C'efl  pourquoi  M.  l'avocat-général  a  efKmé  qu'il 
y  avoit  lieu  de  déclarer  la  partie  de  M^  Langlois 
non  recevable  dans  fa  requête  civile  ,  &  de  la  con- 
damner à  l'amende  &  aux  dépens. 

Arrêt  du  25  mai  1778 ,  conforme  à  ces  con- 
clufions. 

Foye^  Van-Efpen  ,  jus  ecclefiaflicumuniverfum; 
Fevret ,  de  tabus  ;  Faganus  ad  decretales  ;  U  dîBion- 
njire  des  arrêts  ;  Augeard  ;  d'Héricourt  ;  Sancke^ , 
de  matrimonio  ;  Tonduri  Sanlegerii  quaeftiones  ca- 
nonicae  ;  les  conférences  de  Paris  &  d'Angers  fur  U 
mariage  ;  Us  arrêts  de  Mongefl  ;  les  journaux  du  palais 
&  des  audiences  ;  les  définitions  du  droit  canonique  ; 
la  colleâion  de  Denifart;  la  jurifprudence  canonique 
de  Roujfeau  de  la  Combe ,  &c.  Voyez  auflî  Monas- 
tère, Abbé,  AsBAyE,  Religieux,  Novice, 
Vœu  ,  Empêchement  ,  Incapacité  ,  Mariage, 
&c.  (  Article  de  M,  lâsRLlN ,  avocat  *u  parle- 
ment de  Flandres  ). 


Fin  du  Tome  XUh 


BiBUOTHECA 

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La  Bibliothèque 

Université  d'Ottawa 

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